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Des groupes de citoyens demandent à la Cour fédérale de réviser la décision d’autoriser un dépôt de déchets radioactifs en surface près de la rivière des Outaouais.

13 février 2024, par Concerned Citizens of Renfrew County and Area , Ralliement contre la pollution radioactive (RCPR), Regroupement pour la surveillance du nucléaire — , ,
(Ottawa, le 8 février 2024) – Concerned Citizens of Renfrew County and Area, le Ralliement contre la pollution radioactive et le Regroupement pour la surveillance du nucléaire (…)

(Ottawa, le 8 février 2024) – Concerned Citizens of Renfrew County and Area, le Ralliement contre la pollution radioactive et le Regroupement pour la surveillance du nucléaire ont demandé hier la révision judiciaire d'une décision de la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN). Celle-ci a récemment autorisé la construction d'une installation géante de gestion des déchets radioactifs près de la surface (IGDPS), tout près de la rivière des Outaouais à 180 km d'Ottawa.

Les trois groupes reprochent à la Commission de sûreté nucléaire d'avoir autorisé cette décharge radioactive sans considérer plusieurs éléments essentiels :

• Les doses de rayonnement annoncées par le promoteur de cette installation dépasseront certaines limites prescrites par la réglementation canadienne et les normes internationales ;

• Le promoteur, les Laboratoires Nucléaires Canadiens (LNC), n'a pas fourni suffisamment de renseignements sur les déchets qui seront placés dans cette installation, si bien que son dossier de sûreté n'est pas fiable ;

• Un document-clé soumis par les LNC, intitulé Les critères d'acceptation des déchets, inclut une section de dérogation qui permettra de placer dans cette IGDPS des déchets plus dangereux que ne le permettent les critères d'acceptation officiels. Cette possibilité de dérogation rend illusoire toute garantie de sécurité ;

• Les processus prévus ne permettront pas de garantir que les déchets placés dans l'IGDPS sont conformes aux critères d'acceptation ;

• Les LNC ont omis de fournir des informations sur plusieurs autres projets voisins dont les impacts environnementaux s'ajoutent à ceux des déchets placés dans l'IGDPS ;

• Les LNC ont proposé comme mesure d'atténuation* d'installer un pipeline de déversement vers le lac Perch voisin, ce qui augmentera les rejets de tritium radioactif dans la rivière des Outaouais plutôt que de les diminuer ;

• L'habitat et les abris de plusieurs espèces protégées seront détruits par la préparation du site et la construction de l'IGDPS.

Selon cette demande de contestation judiciaire présentée à la Cour fédérale le 7 février, la décision de la CCSN est aussi déraisonnable parce que la Commission n'a pas émis de permis pour préparer l'emplacement et n'a pas procédé à l'évaluation nécessaire avant cette préparation de l'emplacement.

« À notre avis, la Commission commet une grave erreur en autorisant cette installation géante de gestion des déchets radioactifs à un kilomètre de la rivière des Outaouais », a déclaré Lynn Jones, de Concerned Citizens of Renfrew County and Area. « L'IGDPS durera à peine 550 ans alors qu'une grande partie des déchets qui y seront placés resteront dangereux et radioactifs pendant des milliers d'années. »

Les demandeurs sont représentés par Nicholas Pope de Hameed Law. Ils demandent une ordonnance qui obligera la CCSN à réévaluer sa décision de modifier le permis pour permettre la construction de l'IGDPS.

*Les mesures d'atténuation ont pour but d'éliminer, réduire ou contrôler un effet négatif du projet.

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Pour QS... Dans les tempêtes qui s’annoncent, garder à l’oeil la boussole de l’indépendance

13 février 2024, par Pierre Mouterde — , ,
Québec solidaire est-il à la croisée des chemins, au point de devoir revoir impérativement ses rapports avec ses frères ennemis péquistes, comme s'interroge Balint Demers (voir (…)

Québec solidaire est-il à la croisée des chemins, au point de devoir revoir impérativement ses rapports avec ses frères ennemis péquistes, comme s'interroge Balint Demers (voir Les solidaires à la croisée des chemins) ? Ou au contraire doit-il persévérer et éviter à tout prix un tel scénario, synonyme au bout du compte de cul de sac politique, ainsi que le défend André Frappier (voir Le scénario proposé par le texte Solidaires à la croisée des chemins mènerait QS à l'impasse) ? Telle est, à travers ces deux points de vue opposés, l'alternative qui nous est présentée dans les pages de Presse-toi à gauche. Mais n'y aurait-il pas une autre voie à emprunter qui montrerait comment, dans les tempêtes sociales et politiques qui s'annoncent, la lutte pour l'indépendance pourrait nous servir d'indispensable boussole.

Le texte de Balint Demers a en effet le mérite de nous obliger à prendre du recul, en cernant quelques- unes des raisons qui, dans le cycle politique actuel, expliqueraient la remontée dans les sondages du Parti québécois et rendraient compte du regain de prestige que Paul Saint Pierre Plamondon a connu vis-à-vis de Québec solidaire et de son porte-parole masculin, Gabriel Nadeau Dubois. En ce sens Balint Demers a raison de rappeler que pendant que QS occultait « son indépendantisme », adoptait — comme il le dit « les idées de la gauche libérale états-unienne » et se focalisait sur un « électorat jeune et urbain », le PQ de son côté paraissait revenir « avec éclat à ses fondamentaux (...) l'indépendantisme et la social-démocratie », (...) tout en alliant « propositions tranchantes et rhétorique modérée sur des questions comme l'environnement, la démondialisation, l'immigration massive, la laïcité et les inquiétudes suscitée par le numérique » J'insiste ici : le mot « paraissait » n'est pas dans le texte de Balint Demers, je l'ai expressément rajouté, car on rencontre là une première difficulté : l'histoire nous a trop appris qu'il y a eu, bien souvent pour le PQ, un abîme entre ce qu'il prétendait faire (le dire de ses babines) et ce qu'il faisait effectivement (le pas de ses bottines). D'autant plus si on se souvient que, mise à part une courte période (1968-1976), « ses fondamentaux » (ainsi que les dénomme Balint Demers) ont plutôt été ceux de la souveraineté- association et du social-libéralisme (dès 1983), loin en tout état de cause des exigences de l'indépendance et d'une authentique social-démocratie.

Mais faire ces nuances ne veut pas dire pour autant que Balint Demers ne touche pas à quelque chose de fondamentalement juste : l'importance récurrente pour le peuple du Québec —et par conséquent pour tout parti de gauche du Québec— de la question nationale, et avec elle des luttes et aspirations pour la souveraineté et l'indépendance. Et cela, y compris dans une période socio-politique difficile comme la nôtre où il reste si ardu de rassembler activement de larges secteurs de la population autour d'une cause sociale commune. L'indépendance ne continue-t-elle pas, selon divers sondages, à rallier autour de 30 à 35% de la population ; ce qui à une époque de fragmentation manifeste des forces progressistes est loin d'être négligeable ?

Le contexte socio-politique empoisonné d'aujourd'hui
Car c'est d'abord à ce constat qu'il faut s'arrêter : depuis 20 ans (2003), et si on excepte dans le sillage du printemps Érable de 2012 le court passage au gouvernement de Pauline Marois du PQ (2012-2014) —passage teinté de néolibéralisme et de nationalisme identitaire— le Québec a été gouverné par des partis ouvertement de droite ou clairement néo-libéraux et peu ou prou fédéralistes : ceux du Parti libéral de Jean Charest (2003-2012), puis celui de Philippe Couillard (2014-2018), ceux enfin de la CAQ de François Legault (2018/2022, puis 2023/2026). Avec, en l'absence d'une gauche forte, toutes les conséquences funestes que ces politiques ont fini par produire sur la société québécoise ! Qu'il suffise de penser, comme exemple par excellence, à l'état de délabrement actuel du système de santé publique, ou encore en termes culturels aux difficultés grandissantes que connaît le français pour s'imposer comme langue officielle !

Au Canada, des constats similaires pourraient être faits, puisqu'on assiste à cette même et lente montée des forces de droite ou d'extrême droite, mâtinée cependant à l'encontre des années conservatrices de Harper (2006-2015), par les politiques plus libérales des gouvernements Trudeau (2015/2019- 2019/2023), fortement questionnées cependant aujourd'hui par la remontée en force dans les sondages du conservateur Pierre Poilièvre,

Il se profile donc –en synthonie avec ce qui se passe partout ailleurs (Europe, USA, Asie, Amérique latine, etc).— des dangers socio-politiques majeurs (incarnées par la victoire possible et surréaliste de Donald Trump aux prochaines élections présidentielles des USA !) qui exigeraient de la part de la gauche, des stratégies susceptibles d'être à la hauteur de tels défis. Quelle boussole dès lors pourrait- elle se donner au Québec ?

Les échecs de la gauche On le sait, au Québec comme ailleurs, les mouvements sociaux et les partis politiques de gauche n'ont pas manqué de rappeler comment ces politiques de droite récurrentes –distillant sexisme, racisme et idées conservatrices— était dangereuses en termes d'acquis sociaux, de démocratie ou de préservation de l'environnement, et les uns et les autres n'ont pas arrêté de les dénoncer haut et fort. Mais il faut le reconnaître, sans grand succès jusqu'à présent, plutôt même sur le mode de l'échec : comme si elle n'arrivait pas à mettre le doigt sur sur les sources profondes de cette remontée de la droite et de l'extrême droite, ni non plus sur ces caractéristiques principales, et encore moins sur les remèdes qu'on devrait y apporter.

Et à ce propos il y a peut-être un phénomène auquel on n'a pas assez prêté attention : fruit d'une multitudes de crises combinées (économiques, sociales, politique, culturelles, sanitaires, technologiques, géopolitiques, etc.), stimulées et exacerbées par les logiques du marché capitaliste néolibéral globalisé, cette montée de la droite et de droites extrêmes est portée par « un air du temps » où, comme l'écrit Roger Martelli [1] dominent l'incertitude, l'inquiétude et le ressentiment, la peur d'un monde instable, de rapports de force incertains, de sociétés disloquées et violentes où les hordes du « eux » menacent en permanence les équilibres vertueux du « nous ».

En fait c'est en jouant systématiquement sur des sentiments collectifs diffus, faits d'insécurité, de désorientation, d'exaspération et de cynisme et renvoyant à la dangerosité du monde actuel, que la droite a gagné ces dernières années du terrain sur la gauche. Et c'est en présentant un projet politique rassurant à ce sujet — par exemple en désignant à la vindicte publique des bouc-émissaires faciles comme les immigrants, en réaffirmant l'importance de l'identité nationale ou encore celle de pouvoir contrôler ses frontières en établissant des murs— que la droite et l'extrême droite ont pu se tailler la place qu'elles occupent d'ores et déjà aujourd'hui sur la scène politique du Canada comme du Québec.

Se porter à la hauteur des peurs et exaspérations d'aujourd'hui
Et si la gauche voulait reprendre le dessus sur la droite, redevenir une force de proposition déterminante pour l'avenir, elle devrait nécessairement prendre en compte les données de ce contexte ainsi que l'importance décisive de ces sentiments d'angoisse collective. Mais évidemment point pour céder à leur sirènes, ou les exacerber plus encore (comme tend à le faire trop souvent Paul Saint Pierre Plamondon ces derniers temps !).

Mais au contraire pour faire écho et répondre à ces exaspérations et désorientations qu'expriment de larges secteurs de la population du Québec, en les prenant à bras le corps et en leur offrant le débouché rassurant d'un projet politique global, positif et mobilisateur, centré dans le cas du Québec, sur la marche à l'indépendance et susceptible ainsi de canaliser positivement tant de forces vives en déshérences (ce que jusqu'à présent QS n'a pas osé le faire, notamment au moment de la pandémie !).

Il s'agit donc de la proposition d'un projet politique global qui, comme le rappelle l'historien français Patrick Boucheron [2] après la tuerie de Charlie Hebdo en France, viserait à « s'aérer ensemble », c'est-à- dire à transmuer cette peur collective diffuse poussant au repli sur soi et à la défense identitaire, en une énergie transformatrice et positive, une énergie citoyenne susceptible de s'attaquer aux sources véritables de nos malaises et mal-être contemporains : les inégalités socio-économiques et malaises culturels générés par le capitalisme historique.

On pourrait aussi présenter cette proposition comme un projet qui, comme le dit Roger Martelli, ferait entendre « le grand récit d'une société rassemblée et apaisée par l'égalité, le respect de chacune et de chacun, la citoyenneté, la solidarité et la sobriété ». En somme il s'agirait de se mettre plus en phase avec les mal-êtres et exaspérations souterraines qui taraudent la société québécoise et particulièrement ses classes subalternes et populaires, tout en mettant résolument de l'avant, un grand récit politique émancipateur, le projet d'une marche mobilisatrice et participative vers l'indépendance.

Telle pourrait être une des idées clef qui aujourd'hui pourrait stimuler les forces indépendantistes et les aider à s'orienter en ces temps difficiles ainsi qu'à reprendre le dessus sur la droite. Au-delà des rêves de souveraineté et « d'être maitre chez nous » que le projet d'indépendance a suscités dans les années 1960-1970-1980 ; au-delà de la volonté de reconquérir le droit à l'auto-détermination de tout un peuple à l'encontre d'un fédéralisme canadien structuré autour des intérêts économiques des lobbies miniers et pétroliers de l'axe Calgary/Toronto ; au-delà de la nécessité de disposer de ses propres leviers politiques pour accoucher en Amérique du Nord d'une société culturellement francophone, mais foncièrement plus égalitaire et plus respectueuse de ses premiers habitants autochtones, comme de ses nouveaux arrivants et des territoires qu'elle occupe, il faudrait aussi pouvoir ré-apprendre à faire concrètement communauté politique autour d'un projet de pays égalitaire que l'on co-construirait ensemble. Et cela, en nous aidant du même coup à faire barrage au Québec à la montée si inquiétante de la droite et de l'extrême-droite.

De nouveaux rapports avec le PQ ?
Mais dire cela nous impose, comme l'évoque Balint Demers, d'oser faire évoluer nos rapports avec le PQ de Paul Saint Pierre Plamondon. Plus qu'un frère ennemi, il devrait être dorénavant considéré, certes comme un adversaire politique coriace, mais en même temps comme un adversaire particulier avec lequel nous partageons le rêve d'un pays à construire, et d'un pays qui ne pourra advenir que si on devient capable de remobiliser avec l'aide de multiples forces, un vaste mouvement social et politique autour d'une nouvelle marche à l'indépendance.

Évidemment un tel projet appelle à des échanges, à des débats « confrontationnels », à ce qu'on pourrait appeler une bataille pour l'hégémonie, notamment sur la façon dont on peut concrètement concevoir cette indépendance (le projet de société qu'elle porte, etc.) et la mettre en marche (le rôle d'une constituante, de la démocratie participative, de la mobilisation citoyenne et extra-parlementaire, etc.), en faisant apparaître tout ce qui peut nous opposer, mais aussi tout ce à travers quoi -par le débat et des expériences de luttes communes— on peut éventuellement finir par se rejoindre (ce sur quoi QS a été particulièrement silencieux).

Un tel projet appelle aussi évidemment, et en tout premier lieu, à des campagnes de mobilisations sociales élargies de manière à remettre en mouvement l'ensemble de la société civile d'en bas du Québec (ce que le PQ a bien souvent eu tendance à oublier). Il appelle enfin à discuter —au moment opportun et en fonction de perspectives stratégiques favorables à un tel projet — d'un agenda politique et électoral, et bien sûr (-oh sacrilège !—) des alliances conjoncturelles possibles, mais toujours dans la perspective de ce qui peut concrètement relancer la mobilisation sociale, faire avancer ce projet de marche vers l'indépendance, le remettre définitivement en mouvement.

En ce sens plus qu'à la boussole d'un souverainisme de gauche -comme le conseille Balint Demers, par trop enfermé dans une analyse purement électoraliste des rapports de force entre QS et le PQ— c'est à celle d'un indépendantisme (liée à celle de l'avénement d'une république sociale) auquel QS devrait se référer à l'avenir, en s'y tenant coûte que coûte ! Ne serait-ce que pour faire échec à, et contrebalancer toutes les tentations auxquelles le PQ— de par le poids ses propres traditions historiques— pourraient si facilement succomber.

Et dans ce sens, c'est à une véritable bataille dans laquelle QS s'engagerait s'il décidait d'embrasser sans faux-fuyant le projet stratégique de l'indépendance et de sa république sociale. Une bataille de tous les instants qu'il aurait à mener, bien sûr contre la droite, l'extrême-droite aux velléités fascisantes et les fédéralistes de tous genres, mais aussi contre les penchants nationalistes identitaires, les tendances néolibérales ou social-libérales du PQ.

Il n'en demeure pas moins qu'adopter une telle orientation change tout, car il devient possible ainsi d'imaginer remettre en mouvement quelques-unes des plaques tectoniques de la politique québécoise, enserrées depuis plus de 20 ans dans des orientations clairement figées à droite, et auxquelles viennent se heurter en vain des oppositions fragmentées et toujours impuissantes.

Et ici plutôt que de craindre ou d'appréhender les risques d'une telle stratégie (comme le fait le texte d'André Frappier), des risques évidents, mais qui, si nous les affrontons avec la lucidité et tous les moyens dont nous disposons, nous ouvrent en même temps à la possibilité de redonner force et vie, non seulement à la cause indépendantiste, mais aussi à un mouvement social et politique susceptible enfin de mettre un holà à la montée de la droite et de l'extrême droite.

Le pari n'en vaut-il pas la chandelle ?

Pierre Mouterde
Sociologue, essayiste
Québec le 12 février 2024


[1] Voir Le Monde du 17 janvier 2024, Roger Martelli : « Contre le RN, seule compte la force d'un projet »

[2] Voir Patrick Boucheron, Conjurer la peur, Paris, le Seuil, 20132

Quand Amazon fait peur au monde…

13 février 2024, par Confédération des syndicats nationaux (CSN) — , ,
On avait entendu parler des pratiques déloyales d'Amazon à l'endroit des travailleuses et des travailleurs ailleurs dans le monde. On ne peut tolérer qu'Amazon se comporte de (…)

On avait entendu parler des pratiques déloyales d'Amazon à l'endroit des travailleuses et des travailleurs ailleurs dans le monde. On ne peut tolérer qu'Amazon se comporte de la même façon au Québec.

La présentation de la preuve s'étant conclue ce matin, les plaidoiries finales ont été lancées, cet après-midi à Montréal, dans le cadre d'une plainte déposée par la CSN contre la multinationale Amazon pour ingérence et entrave à la campagne de syndicalisation qui y est menée. Le juge Henrik Ellefsen prendra par la suite la cause en délibéré.

À compter de mai 2023, fait valoir la CSN dans sa plainte au Tribunal administratif du travail, il est devenu impossible pour le personnel du centre de distribution YUL2 d'Amazon de prendre une pause, de manger son repas ou d'aller aux toilettes sans être bombardé de messages de l'employeur : « Protégez votre signature : une carte syndicale est un document juridique », indiquent ceux-ci.

« Protégez votre signature : vous n'avez pas à fournir vos renseignements personnels », clament d'autres affiches. « Parlez à vos dirigeants pour en savoir plus », enjoignait la direction à ses travailleuses et ses travailleurs… alors qu'une campagne de syndicalisation était activement menée. « Vous avez le droit de ne pas signer une carte », précisaient de nombreuses affichettes.

« Bien sûr qu'Amazon tente de faire peur au monde ! », plaide la présidente de la CSN, Caroline Senneville. « Quel est l'intérêt d'ajouter des icônes d'empreintes digitales sur leurs affiches ? Quel est l'objectif en martelant sur chacune d'elles : “Protégez votre signature, protégez votre signature”, quand le Code du travail prévoit justement que c'est en faisant signer des cartes de membre qu'on met sur pied un syndicat au Québec ? »

Pour Caroline Senneville, il est clair qu'Amazon tente d'effrayer des employé-es, dont la très grande majorité est issue de l'immigration.

« Parmi les employé-es d'Amazon, on compte des réfugié-es politiques, des immigrantes et des immigrants à statut précaire, dont plusieurs parviennent à peine à comprendre le français, encore moins le cadre légal qui prévaut au Québec et qui prévoit justement la protection des travailleuses et des travailleurs qui désirent se syndiquer », souligne la présidente de la CSN.

« On avait entendu parler des pratiques déloyales d'Amazon à l'endroit des travailleuses et des travailleurs ailleurs dans le monde. On ne peut tolérer qu'Amazon se comporte de la même façon au Québec, alors que nos lois interdisent justement ces tentatives d'intimidation à l'endroit des salarié-es », conclut la dirigeante syndicale.

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Les syndicats québécois, les armes et l’application de la Convention sur le génocide dans la bande de Gaza

Le 6 février 2024, dix jours après l'adoption de l'ordonnance de la Cour internationale de justice rendue dans l'affaire opposant l'Afrique du Sud à Israël concernant (…)

Le 6 février 2024, dix jours après l'adoption de l'ordonnance de la Cour internationale de justice rendue dans l'affaire opposant l'Afrique du Sud à Israël concernant l'application de la Convention sur le génocide dans la bande de Gaza , une coalition de la société civile canadienne a signé une lettre ouverte exhortant le Gouvernement du Canada à mettre fin aux livraisons d'armes à Israël .

Parmi les organisations signataires on retrouve notamment, Amnesty international, Human Rights Watch, Independent Jewish Voices, Oxfam etc. Les organisations prennent notamment acte du fait que tous les États parties à la Convention ont l'obligation de faire ce qui est en leur pouvoir pour prévenir et punir les actes de génocide à l'heure où le Gouvernement du Canada admet exporter des équipements militaires « non létaux » vers Israël et que le Gouvernement Québécois refuse de condamner de telles exportations après s'être obstinément refusé à exiger un cessez-le-feu.

Les prises de positions des centrales syndicales

Curieusement, les organisations de la société civile québécoise sont très peu représentées dans la liste des signataires. Fait notable également, le mouvement ouvrier n'est pas représenté, il n'y a aucune centrale syndicale et aucun syndicat canadien ou québécois. En ce qui concerne les centrales syndicales québécoises à tout le moins, cette absence ne semble cependant pas être un accident.

Tout d'abord, on relèvera que les centrales syndicales québécoises n'ont pas adopté de déclaration intersyndicale, suite aux massacres de Hamas du 7 octobre 2023 ou suite à ce qui est désormais identifié par la Cour de justice comme un génocide « plausible » justifiant l'adoption de mesures conservatoires. Ceci est d'autant plus regrettable que par le passé, les centrales syndicales n'ont pas hésité à adopter des déclarations communes en matière de politique internationale ; ce fut notamment le cas sur le conflit Israélo-Palestinien, en 2014 et 2010 ou plus récemment pour dénoncer l'invasion Russe à grande échelle de l'Ukraine. De telles initiatives intersyndicales ont pourtant été réalisées dans d'autres pays, en France par exemple ou très récemment par de puissantes Fédérations syndicales internationales (FSI) .

Ensuite, une rapide recherche internet révèle que ce « plausible » génocide n'est clairement pas au cœur des préoccupations des organisations syndicales et le désintérêt structurel des organisations syndicales pour les questions de politiques internationales ne peut pas tout justifier. À titre d'exemple, le terme « Gaza » ne donne aucun résultat sur le site de la CSQ. La FTQ a adopté un communiqué en octobre 2023, qui dénonce les crimes commis de part et d'autre, qui demande au Hamas de « cesser ses agressions inqualifiables » mais qui n'appelle pas au cessez-le-feu de la part d'Israël . Sur le site de la CSN, on trouve une résolution adoptée par le Centre international de solidarité international (CISO) qui appelle au cessez-le-feu mais aucune déclaration propre à la CSN . La page Facebook du Comité de solidarité internationale du Conseil Central du Montréal-Métropolitain (CCMM-CSN) montre que ce dernier a adopté une « question de privilège » le 1er novembre en soutien au peuple palestinien qui dénonce « l'intimidation subie par certains groupes ayant manifesté leur appui au peuple palestinien » mais qui ne condamne pas les massacres du 7 octobre 2023. Le CCMM a également relayé deux appels à manifester, un communiqué pour soutenir la requête de l'Afrique du Sud à la CIJ ainsi qu'une résolution adoptée par le Syndicat des travailleuses(eurs) des centres de la petite enfance de Montréal ; c'est à peu près tout.

L'inertie des bureaucraties syndicales en cas de « plausible » génocide à Gaza

À notre connaissance, en date du 12 février 2024, aucune centrale syndicale québécoise n'a « pris acte » de l'ordonnance de la Cour internationale de justice, exigé le boycott des livraisons d'armes ou des échanges commerciaux avec Israël, appuyé ou relayé les actions de blocages des armes comme celle menée à Saint-Augustin-de-Desmaures devant General Dynamics en décembre 2023 au Québec ou en février 2024 au Port de Vancouver par exemple ; toujours à notre connaissance, aucune centrale n'a exigé de ses membres qu'ils veillent à ce que les employeurs ne contribuent pas d'une façon ou d'une autre au « plausible » génocide, aucune n'a dénoncé la suspension de l'aide humanitaire canadienne à l'UNRWA ou tout simplement appelé ses membres à faire des dons.

Concrètement, la solidarité internationale des centrales syndicales québécoises en cas de « plausible » génocide à Gaza semble donc se résumer aujourd'hui à de très rares déclarations de principes isolées et à d'exceptionnels appels à manifester. Force est alors de constater que cette passivité des dirigeant.es syndicaux contraste dramatiquement avec les mobilisations sans précédent des jeunes, des travailleurs, des travailleuses au Québec comme un peu partout dans le monde, en faveur d'un cessez-le-feu et pour mettre fin à un « plausible » génocide.

Camille Popinot

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Réforme Dubé Moins de 8 % du personnel professionnel sera volontaire pour travailler à Santé Québec

13 février 2024, par Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) — , ,
Québec, le 5 février 2024 — Moins de 8 % du personnel professionnel du ministère de la Santé et des Services sociaux a l'intention de se porter volontaire pour travailler à (…)

Québec, le 5 février 2024 — Moins de 8 % du personnel professionnel du ministère de la Santé et des Services sociaux a l'intention de se porter volontaire pour travailler à Santé Québec si les conditions de travail prévues par la loi demeurent inchangées, selon un sondage réalisé par le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ).

« Le ministre dit vouloir transférer 50 % du personnel professionnel vers Santé Québec. Les chiffres démontrent qu'il s'en va dans le mur. Moins de 5 % des répondants disent qu'ils vont rester à Santé Québec s'ils sont transférés. Une large majorité prévoit utiliser son droit de retour dans la fonction publique en cas de transfert forcé. S'il veut que sa réforme soit un succès, le ministre doit corriger le tir très rapidement. Il est minuit moins une, les premiers transferts sont prévus en avril selon son plan de match », indique Guillaume Bouvrette, président du SPGQ.

La solution est pourtant simple. Quelque 63 % des membres du SPGQ se disent prêt à aller travailler à Santé Québec s'ils conservent leur convention collective et leurs conditions de travail actuelles. « Pour l'instant, la loi les intègre dans la convention collective du réseau de la santé, ce qui est désavantageux pour eux. Le personnel professionnel du ministère gagne de 7 % à 14 % de plus que celui du réseau de la santé. Nos membres vont se retrouver hors taux et hors échelle. Cela signifie qu'ils vont recevoir la moitié des augmentations salariales prévues dans la convention collective et l'autre moitié en montants forfaitaires jusqu'à ce que leur salaire à Santé Québec soit conforme à la nouvelle convention. Cette situation, qui peut perdurer pendant de nombreuses années, a de lourdes répercussions sur leur progression salariale et le calcul des rentes de retraite », déplore M. Bouvrette.

Le ministre doit aussi indiquer rapidement à ses employées et employés ce qui les attend. « La partie patronale nous dit que les tâches à transférer sont identifiées par le ministère, mais l'employeur tarde à nous transmettre l'information », dénonce M. Bouvrette.

Pour l'instant, moins de 15 % d'entre eux ont été informés de manière informelle qu'ils seront transférés ou non. Il n'y a eu aucune annonce officielle. « Cette incertitude a des conséquences. Près du tiers d'entre eux sont déjà à la recherche d'un nouvel emploi. En plus de nuire à la mise en place de la réforme, le ministre est en train de fragiliser son propre ministère », constate M. Bouvrette. Le ministre a-t-il négligé des détails dans son empressement à lancer Santé Québec ? Tout porte à croire que oui.

À propos du SPGQ

Le SPGQ est le plus grand syndicat de personnel professionnel du Québec. Créé en 1968, il représente plus de 33 700 spécialistes, dont environ 25 000 dans la fonction publique, 5 800 à Revenu Québec et 2 900 en santé, en enseignement supérieur et dans les sociétés d'État.

Source
Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec

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FIQ : On fait le point sur l’état de la négociation

13 février 2024, par Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) — , ,
8 février 2024 - Comme plusieurs de tes collègues, tu te demandes sûrement où en est la négociation depuis quelques semaines. On sait bien que les dernières nouvelles ne sont (…)

8 février 2024 - Comme plusieurs de tes collègues, tu te demandes sûrement où en est la négociation depuis quelques semaines. On sait bien que les dernières nouvelles ne sont pas celles qu'on aimerait entendre : les discussions vont lentement, et bien qu'on souhaiterait toutes un rythme plus rapide pour arriver à une entente, force est de constater que le gouvernement, de son côté, n'est pas pressé de répondre aux enjeux que tu vis au quotidien et à tes besoins.

Évidemment, la signature d'une hypothèse de règlement par d'autres syndicats a mis une pression sur notre table et peut soulever des inquiétudes chez toi et tes collègues. Mais on ne souhaite pas se comparer aux autres : ça fait plusieurs années que les gouvernements successifs étirent l'élastique des professionnelles en soins et on doit travailler à trouver des pistes de solution pour redonner un sens à notre profession et à la façon dont on donne des soins. On doit donc maintenir les discussions et continuer à trouver des voies de passage avec le gouvernement.

Dans les dernières semaines, ton Comité de négociation a fait face à un choix stratégique : d'un côté, il pouvait accepter ce que le gouvernement proposait et le présenter aux membres ; de l'autre, il devait s'attendre à une longue négociation, qui prendrait plus de temps qu'espérée. Face à ces deux options, il était évident pour ton Comité de négociation que la bonne voie à prendre, c'est celle de poursuivre la négociation !

Parce que face à ce qui était sur la table à ce moment-là et ce qui l'est depuis, il ne peut tout simplement pas accepter, tant pour ta vie personnelle et tes conditions de travail que pour les conditions de soins de tes patient-e-s. Il a donc choisi de continuer à travailler, à débattre et à négocier pour essayer d'aller tirer plus de gains. Et cela nécessite d'ajuster la stratégie liée à la négociation et à la mobilisation.

On le répète : on veut une entente qui répondra concrètement à nos trois priorités : la rémunération, la conciliation vie personnelle-travail et la charge de travail. On ne veut pas se presser de signer. Sache que ton Comité de négociation est toujours aussi motivé que le premier jour à obtenir les meilleures conditions de travail pour toi et tes collègues professionnelles en soins et c'est pourquoi il continue de négocier sans plier sur des enjeux fondamentaux.

Bref, on comprend ton impatience, mais ce n'est pas fini ! On continue de se mobiliser et on ne lâche rien : on fait face à un débat idéologique à la table, et ton Comité de négociation a besoin de ton soutien et de ta solidarité !

Et la mobilisation, dans tout ça ?

On continue de s'afficher dans l'espace public, notamment avec notre accueil des députés de la CAQ et l'installation de pancartes devant l'Assemblée nationale. Ces actions visaient justement à rappeler au gouvernement et à la population que nous sommes toujours en négociation !

Nous prévoyons d'autres actions de visibilités dans les prochaines semaines. Reste à l'affût des communications de ton équipe syndicale locale ! Et n'oublie pas de t'informer des actions qui se tiennent dans ton établissement !

Finalement, réserve la date du 16 mars 2024 à ton agenda%22%7D], car ton Comité de négociation aura besoin de toi. La FIQ diffusera des détails dans les prochains jours ! Reste à l'affût !

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Projet Northvolt : Lettre à M. Paolo Cerruti

13 février 2024, par Mères au Front - Rive-Sud — , ,
Nous avons pensé pertinent de vous informer de l'envoi de cette lettre que nous avons adressée à M.Paolo Cerruti, président et directeur général de Northvolt. Le 5 février (…)

Nous avons pensé pertinent de vous informer de l'envoi de cette lettre que nous avons adressée à M.Paolo Cerruti, président et directeur général de Northvolt.

Le 5 février 2024

Bonjour M. Cerruti,

Nous avons suivi avec intérêt votre récente tournée médiatique. Si nous vous croyons sincère dans votre volonté de participer à une transition énergétique la plus verte possible, nous croyons également que la manière dont le projet se déploie ne peut que nuire à son acceptabilité sociale. Les contradictions et les dissimulations abondent depuis les premières heures de ce projet, et c'est ce qui fait réagir les groupes environnementaux et communautaires.

Par exemple, vous avez affirmé dans La Presse du 2 février que le règlement définissant le cadre dans lequel un BAPE doit être exigé « a été modifié avant (vos) tous premiers échanges avec Québec ». Or, un article de Radio-Canada publié le 29 novembre dernier1 indique le contraire. C'est ce genre de contradiction qui irrite les citoyens soucieux de transparence et désireux d'être consultés en amont de ce qui est annoncé comme le plus gros projet d'investissement industriel de l'histoire du Québec.

Dans ce même article, et dans l'entrevue accordée à Patrice Roy au Téléjournal la veille, vous attribuez votre empressement à aller de l'avant avec le projet par l'impatience de votre principal client en Amérique du Nord. Toutefois, nous considérons que ce n'est pas aux Québécois.es de faire les frais du sentiment d'urgence de votre client et que les opportunités commerciales ne devraient pas être saisies au détriment de la sauvegarde des milieux naturels. C'est particulièrement vrai en Montérégie, où ces milieux se font rares et où une portion effarante du territoire a déjà été cédée au développement.

Nous ne sommes ni pour ni contre le projet. Comment peut-on prendre une position éclairée sans l'information essentielle qui nous manque ? Nous sommes plutôt préoccupées par le peu d'information fourni et par le manque d'occasions pour le public de participer en amont de son démarrage. Nous vous invitons donc à insister auprès du gouvernement pour qu'il fasse preuve de plus de transparence et de cohérence afin de faire en sorte que ce projet soit la bonne nouvelle qu'on nous a promise. Nous vous réitérons également notre demande de soumettre volontairement le projet à un BAPE, qui est selon nous la seule façon d'assurer son acceptabilité sociale. Finalement, vous vous dites ouvert au dialogue ; c'est aussi notre cas et nous serions heureuses de vous rencontrer afin d'initier un véritable échange.
En souhaitant une réponse positive de votre part,

Mères au front - Rive-Sud

1. Source : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2029352/terrain-northvolt-usine-batteries-valeur-quebec-luc-poirier?fbclid=IwAR07n7spArLq79p-6bbfXxBEVLIoKkEt7xWMeVKY_UOJ0rM83rVK13ouLSg
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Un jugement idéologique sur le projet Northvolt

13 février 2024, par Louise Morand — , ,
La décision du juge David R. Collier, de la Cour supérieure du Québec, de rejeter la demande d'injonction contre Northvolt présentée par le Conseil québécois du droit sur (…)

La décision du juge David R. Collier, de la Cour supérieure du Québec, de rejeter la demande d'injonction contre Northvolt présentée par le Conseil québécois du droit sur l'environnement (CQDE) pour mettre fin à la destruction d'un écosystème d'une grande importance écologique relève davantage de l'idéologie que du respect des lois québécoises en matière de protection de l'environnement. Le jugement, dont les arguments ont été rapportés par Le Devoir, reprend en fait le discours des promoteurs du projet sans aucun recul critique.

Même s'il reconnaît que l'écosystème qui sera détruit est un milieu « rare et important », le juge estime que la compensation financière offerte par la compagnie constitue un motif acceptable pour passer outre aux normes environnementales. Et, même si le gouvernement semble avoir magouillé pour soustraire le projet de Northvolt aux règles normales d'études environnementales, il considère que l'intérêt public exige avant tout de « protéger la sécurité juridique des activités autorisées par l'administration publique ». Pour valider son point de vue, il invoque le fait que la compagnie pourrait subir des pertes économiques si le projet venait à être retardé, alors qu'il s'agit d'un projet créateur d'emplois, d'un projet « vert », etc.

Le juge David R. Collier est un juriste. Peut-on lui reprocher de ne pas être bien au fait de l'urgence climatique et des discussions qui ont cours dans les milieux scientifiques sur les moyens à mettre en œuvre pour éviter un réchauffement incontrôlable de la planète ? D'ignorer que les « compensations » offertes pour les milieux naturels détruits échouent en général à protéger les espèces menacées ? Ou encore de ne pas savoir qu'une analyse sérieuse du cycle de vie des batteries d'automobiles justifierait certainement, au Québec comme ailleurs, une option autre que l'électrification du transport individuel ?

En effet, le fait que le gouvernement Legault refuse toujours de mener une vraie consultation publique sur la transition énergétique n'est pas étranger au fait que la priorité de ce gouvernement (comme celle des Libéraux avant lui) demeure toujours l'enrichissement d'une petite frange de la population au détriment d'une véritable stratégie de lutte contre le réchauffement de la planète. On l'a vu notamment avec le REM, un projet conçu davantage pour satisfaire les intérêts de quelques acteurs économiques que pour offrir une véritable solution de décarbonation du secteur du transport et une réponse adaptée aux besoins en transport collectif de la grande région métropolitaine.

Ce qui est moins compréhensible dans la décision du juge Collier, c'est qu'en tant que magistrat de la Cour supérieure, il ne reconnaisse pas que les lois québécoises et fédérales sur la protection de l'environnement et des espèces en péril sont en l'occurrence bafouées. Les Québécois et les Québécoises se sont justement dotés d'un Bureau d'audiences publiques sur l'environnement pour éviter que des pseudo-justifications ne viennent se substituer à une véritable analyse des impacts environnementaux, sociaux et économiques des projets. En fermant les yeux devant toutes les irrégularités manifestes dans le dossier de Northvolt (modification de la loi pour permettre de soustraire le projet à une évaluation environnementale régulière, manque d'accès à l'information, absence d'études d'impacts, déni des normes en vigueur), le juge Collier légitime l'arbitraire en matière d'aménagement du territoire et de développement industriel.

En contexte de crise climatique, l'enrichissement d'une frange de la population est loin d'être un gage de bien commun. Les recommandations des scientifiques du GIEC et de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) sont sans équivoque : la conservation et la restauration des milieux naturels sont la meilleure façon de diminuer notre empreinte carbone et de protéger la Vie, avec un grand V, celle qui assure la santé, la possibilité de se nourrir et de jouir de notre présence au monde. Ces recommandations se fondent sur des constats basés sur la meilleure science de la vie et du climat. C'est d'ailleurs pourquoi le Canada s'est engagé, en souscrivant au Cadre mondial de la biodiversité de Kunming à Montréal, à mettre la protection de la biodiversité et la protection et la restauration des territoires naturels au cœur de ses priorités.

Si le juge Collier ne trouve pas là des arguments assez solides pour que, face aux opinions contradictoires au sujet du projet Northvolt, il soit « raisonnable » de faire respecter les règles environnementales, on pourrait encore invoquer le principe de précaution. Ne serait-ce que pour assurer aux populations riveraines et à l'ensemble des québécois et québécoises qu'elles n'auront pas à déchanter face aux impacts toxiques de l'implantation de cette industrie sur leur territoire. Ce que seule une analyse sérieuse et transparente des impacts sociaux, économiques, environnementaux et de santé publique du « plus gros projet privé [subventionné par l'État] del'histoire du Québec », permettrait de faire.

Louise Morand
Membre du Regroupement vigilance hydrocarbures Québec

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De la démocratie en Françafrique. Une histoire de l’impérialisme électoral

13 février 2024, par Paul Martial — ,
L'ouvrage analyse en détail comment la France utilise et manipule les scrutins dans le seul objectif de maintenir sa domination. Sous la colonisation, l'enjeu était de limiter (…)

L'ouvrage analyse en détail comment la France utilise et manipule les scrutins dans le seul objectif de maintenir sa domination. Sous la colonisation, l'enjeu était de limiter le poids électoral des autochtones.

Consciente ensuite que la question de l'indépendance des pays africains ne pourrait être évitée, « la France aura donc finalement utilisé les élections pour fabriquer, sélectionner une élite dirigeante dotée d'un double profil bien caractéristique : une légitimité populaire souvent douteuse et une posture de dépendance vis-à-vis de l'ancienne métropole. » Un procédé de fabrication usant de fraude électorale et d'élimination des opposants qui sera repris par les potentats africains avec la complicité de l'ancienne puissance coloniale.

Comme le soulignent les auteurs, la mise en place de la 5e République en France a permis d'octroyer au président un pouvoir sur les affaires africaines se révélant sans partage et sans contrôle. Désormais les pays du pré carré connaîtront une « démocratie de basse intensité ».

Eugénisme électoral au Sénégal
L'ouvrage nous offre une étude détaillée des méthodes qualifiées d'« eugénisme électoral », avec l'exemple du Sénégal. Elles permettront l'élection en 2019 de Macky Sall. Ce chapitre se révèle d'autant plus prenant que la même opération se réitère sous nos yeux pour les élections de cette année.

L'analyse du lien entre démocratie et libéralisme économique, qui accompagnera les politiques d'ajustements structurels ôtant tout réel pouvoir aux politiques, explique en partie le soutien dont peuvent bénéficier les auteurs des récents coups d'État en Afrique. L'ouvrage se termine par un questionnement sur la démocratie comme point d'appui à « un projet de libération humaine » avec le concept de « démocratie substantive ». Une notion aussi bien utilisée par le philosophe marxiste István Mészáros, un des animateurs de l'École de Budapest, que par Achille Mbembe, un temps pourfendeur de la Françafrique, qui a décidé d'accompagner la politique africaine de Macron.

Un ouvrage passionnant qui séduira au-delà du cercle (trop) restreint des personnes ­intéressées par l'Afrique.

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Northvolt : Chat échaudé craint l’eau froide

13 février 2024, par Gérard Montpetit — , ,
« Il faut changer d'attitude » proclame M. Legault face aux groupes qui exigent un BAPE pour examiner les avantages et les inconvénients de l'usine Northvolt. Il regrette que (…)

« Il faut changer d'attitude » proclame M. Legault face aux groupes qui exigent un BAPE pour examiner les avantages et les inconvénients de l'usine Northvolt. Il regrette que certaines personnes critiquent « sans nuance les projets de développement économique au Québec. » [1].

Dans le Journal de Montréal du 11 février 2024, il y a tout un dossier sur les difficultés des médias d'obtenir de l'information, même en utilisant la loi d'accès à l'information. [2] Cette difficulté peut donner l'impression qu'on nous cache des choses dans de nombreux domaines incluant le dossier Northvolt. Le chroniqueur Richard Martineau affirme que les « élus doivent nous rendre des comptes » et il rappelle aux gouvernements de ne pas oublier la réalité : « Ce n'est pas vous, notre boss. C'est nous, votre boss ! » [3]

La démocratie, ce n'est pas une dictature de quatre ans entre deux échéances électorales. C'est la participation active de l'ensemble de la population à l'élaboration de notre société face aux changements climatiques ! On s'entend avec M. Legault pour dire que les choix que nous faisons présentement doivent être pour le mieux-être de la population tout au long du 21e siècle. Dans ce contexte, est-ce que le projet Northvolt est le coup de génie du siècle ? Ou est-ce une autre mésaventure dispendieuse moussée par la partisanerie politique et de puissants intérêts privés ? Pour en comprendre les tenants et aboutissants, la population a besoin d'un BAPE, outil essentiel de la démocratie participative.

Les modes, la politique partisane ainsi que des projets que des compagnies privées peuvent tenter d'imposer à l'aide de campagnes de relations publiques sophistiquées ne correspondent pas nécessairement aux besoins présents et futurs de notre société. Suite à des expériences malheureuses, peut-être sommes-nous, comme dans le proverbe, des « chats échaudés qui craignent l'eau froide ». Comme exemple d'une erreur à ne pas répéter, examinons le projet du Suroît. [4] À l'aube du 21e siècle, le gouvernement et Hydro-Québec annonçaient avec tambours et trompettes ce projet d'une dizaine de centrales électriques alimentées au gaz naturel. Une seule a été construite ; elle a fonctionné pendant quelques mois, mais elle était tellement inutile qu'on l'a mise dans les boules à mites. Cependant, l'arrêt de production oblige Hydro-Québec (et indirectement les Québécois) à payer environ 140 millions par année à son propriétaire privé pour qu'elle NE PRODUISE PAS d'électricité.

L'arrivée du dossier des gaz de schiste sur la place publique en 2010 est un autre exemple où le gouvernement et le puissant lobby représenté par l'Association pétrolière et gazière du Québec (APGQ), avec la complicité de certains médias, ont présenté le forage et la fracturation de 20 000 puits dans la vallée du Saint-Laurent comme étant la 8e merveille du monde pour faire avancer le « développement économique » du Québec ; bien sûr, les promoteurs du « Drill, Baby, drill » ont balayé tous les problèmes environnementaux sous le tapis. Il a fallu les BAPE # 273 et # 307 pour déboulonner ces mythes et faire la lumière malgré les embûches d'accès à l'information.

Autre questionnement. Les gouvernements, tant au niveau provincial que fédéral, ont annoncé qu'ils investissaient des milliards dans Northvolt. Nous essayons de comprendre, mais il nous manque trop de données pour être en mesure de porter un jugement sur la viabilité économique à long terme de Northvolt. Dans le passé, parmi des investissements et subventions qui se sont avérés discutables, on peut penser, entres autres, aux millions engloutis dans la papeterie Gaspésia [5] et la cimenterie McInnis. [6] Et au niveau fédéral, on peut se demander si les quelque 35 milliards de deniers publics investis dans l'oléoduc TransMountain serviront à assurer la carboneutralité promise pour 2050 !!![ 7]

Nous savons que les batteries seront une composante clé des systèmes énergétiques du 21e siècle. Mais tout grand projet a des aspects positifs ET des aspects négatifs. Le « changement d'attitude » réclamé par M. Legault doit venir du gouvernement ET d'une population informée. Tout comme M. Daniel Breton, environnementaliste et ancien ministre de l'environnement, nous sommes persuadés que le gouvernement commet une erreur stratégique en faisant des passe-droits pour permettre à Northvolt d'échapper au processus du BAPE. [8] En permettant de comprendre tous les aspects du projet, l'ensemble de la population pourra s'approprier le dossier, sans avoir l'impression que les gouvernants nous « cachent des choses » ; cette transparence est un élément-clé en vue d'obtenir une éventuelle acceptabilité sociale.

Gérard Montpetit
Membre du CCCPEM (Comité des citoyens et citoyennes pour la protection de l'environnement maskoutain)
le 11 février 2024


1] https://www.lapresse.ca/affaires/economie/2024-02-08/contestation-du-projet-northvolt/il-faut-changer-d-attitude-au-quebec-dit-legault.php

2) https://www.journaldemontreal.com/2024/02/10/nos-journalistes-partagent-leurs-histoires-dhorreur-en-matiere-dacces-a-linformation

3] https://www.journaldemontreal.com/2024/02/10/les-elus-doivent-nous-rendre-des-comptes

4]https://fr.wikipedia.org/wiki/Projet_du_Suroît#:~:text=Le%20Projet%20du%20Suroît%20est,au%20sud%2Douest%20de%20Montréal

5] https://www.lapresse.ca/affaires/economie/200901/06/01-682877-le-demantelement-de-la-gaspesia-doit-se-poursuivre.php

6] https://www.journaldemontreal.com/2017/08/16/quand-le-quebec-subventionne-la-pollution

7] https://www.nationalobserver.com/2024/01/19/news/canada-banks-behind-latest-2-billion-loan-trans-mountain ?

8] https://omny.fm/shows/richard-martineau/northvolt-le-gouvernement-a-commis-une-erreur-esti?fbclid=IwAR3bpsiKOToNEp2RWwMr0rkCfrOlZX_GZFB1Y5ttMIFIpLNuixDPHfzHtFw

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Campagne justice sociale et climatique - Nouvelles de la mobilisation

13 février 2024, par Mouvement d'éducation populaire et d'action communautaire du Québec (MÉPACQ) — , ,
Bonjour ! Nous vous écrivons car vous avez participé au rassemblement virtuel de mobilisation du 28 novembre dernier sur la campagne sur la justice sociale et climatique du (…)

Bonjour !

Nous vous écrivons car vous avez participé au rassemblement virtuel de mobilisation du 28 novembre dernier sur la campagne sur la justice sociale et climatique du MÉPACQ.

Dans la poursuite de notre campagne, nous lançons maintenant un appel à l'action large pour une semaine d'occupation et d'éducation populaire du 15 au 18 avril 2024. Face à l'inaction, il nous faut hausser le ton pour que la lutte contre les inégalités et la crise climatique soit une priorité avant les profits !

Les groupes sont appelés à 3 jours d'occupation et d'éducation populaire. Chaque journée aura pour thème un pilier important pour la justice sociale et climatique. Les régions au quatre coins du Québec pourront se mettre en action lors de la ou des journées thématiques qui les interpellent davantage.

Lundi 15 avril : Ouverture de la semaine

Mardi 16 avril : Qualité de l'air et droit à la santé
L'air que nous respirons a fait les manchettes cette année : incendies de forêts, nickel à Québec et arsenic de la Fonderie Horne en Abitibi-Témiscamingue. Par son inaction, le gouvernement nuit à notre droit à la santé et à la vie.

Mercredi 17 avril : Transport collectif accessible et abordable
Le transport est le principal secteur de l'économie qui émet des GES. Pourtant, le gouvernement mise sur l'automobile individuelle et délaisse le transport collectif. Il nous faut des transports collectifs accessibles et abordables !

Jeudi 18 avril : Énergie et transition juste
Il faut sortir des énergies fossiles pour se diriger vers les énergies propres, mais pas n'importe comment ! La transition n'est pas une occasion d'affaires (filière batterie, dénationalisation d'Hydro, exploitation des ressources minières, etc.), nous avons besoin d'un véritable plan porteur de transition juste.

Pour en savoir plus sur les actions, les thèmes et sur comment inscrire un événement ou une action dans le calendrier : https://mepacq.qc.ca/semaine-doccupation-et-deducation-populaire-du-15-au-18-avril-2024-appel-a-laction/

L'événement facebook : https://fb.me/e/1v3K5NJkL

À noter que nous ne réutiliserons pas cette liste d'envoi, on vous invite fortement si vous voulez continuer à avoir des nouvelles du MÉPACQ à vous inscrire à notre infolettre : https://bit.ly/2Fsl7tC

Valérie Lépine
Coordonnatrice, responsable à la mobilisation et aux communications

Déclaration de l’ACME sur le projet de loi visant l’interdiction de la publicité pour les combustibles fossiles

13 février 2024, par Association canadienne des médecins pour l'environnement (ACME) — , , ,
OTTAWA/Territoire traditionnel non cédé de de la nation algonquine Anishinabeg, le 6 février 2024 – L'Association canadienne des médecins pour l'environnement (ACME) se réjouit (…)

OTTAWA/Territoire traditionnel non cédé de de la nation algonquine Anishinabeg, le 6 février 2024 – L'Association canadienne des médecins pour l'environnement (ACME) se réjouit du projet de loi sur l'interdiction de la publicité pour les combustibles fossiles qui a été déposé par Charlie Angus, porte-parole du Nouveau Parti démocratique en matière de ressources naturelles et député de Timmins-Baie James. Nous demandons à tous les membres du Parlement d'appuyer cet important projet de loi et de veiller à ce qu'il soit rapidement adopté.

Chaque année, la pollution causée par les combustibles fossiles est directement liée à 34 000 décès prématurés au Canada et à plus de 8 millions dans le monde. Davantage de Canadien(ne)s auront des problèmes de santé tels que des cancers, des crises cardiaques, des accidents vasculaires cérébraux et des affections pulmonaires ayant pour cause les émanations toxiques. D'ailleurs, il est choquant de constater que le Canada se classe au troisième rang mondial pour le nombre de nouveaux cas d'asthme infantile liés à la pollution automobile, après le Koweït et les Émirats arabes unis. Les Nations unies ont estimé que, pour la seule année 2018, la pollution atmosphérique due aux combustibles fossiles a entraîné des coûts sanitaires et économiques de l'ordre de 2 900 milliards de dollars, ce qui correspond à l'ahurissante somme de 8 milliards de dollars par jour. Tout cela sans compter les décès liés aux événements climatiques, comme le dôme de chaleur qui a fait 600 victimes en Colombie-Britannique en 2021.

La campagne de désinformation menée par l'industrie pétrolière et gazière contribue à aggraver la crise sanitaire à laquelle les Canadien(ne)s sont confrontés. Ainsi, le projet de loi déposé par Charlie Angus constitue une avancée significative en matière de santé publique. Il fait appel à la Loi sur la santé de la même manière que le Canada s'en est servi pour contrer la publicité mensongère de l'industrie du tabac. C'est ainsi que le taux de tabagisme chez les adultes est passé de 50 % à moins de 15 % aujourd'hui et qu'un nombre incalculable de vies ont été sauvées. L'interdiction s'est avérée un moyen rentable pour le gouvernement d'avoir un impact notable sur le problème du tabagisme.

La présentation de ce projet de loi fait suite à la campagne de l'ACME pour l'interdiction de la publicité pour les combustibles fossiles lancée en 2022, à la pétition présentée au Parlement l'année dernière et à la lettre aux ministres soutenue par une large coalition de plus de 35 organisations représentant plus de 700 000 professionnel(le)s de la santé au Canada.

La campagne dénonce l'« écoblanchiment » de l'industrie pétrolière et gazière, de la même façon que les médecins ont déboulonné les mensonges de l'industrie du tabac concernant les risques de ses produits pour la santé. L'écoblanchiment est une pratique publicitaire odieuse qui consiste à faire croire qu'une activité ou un produit est respectueux de l'environnement alors qu'il est tout le contraire.

La combustion de combustibles fossiles représente un risque bien plus grave pour la santé des Canadien(ne)s que l'industrie du tabac, ce qui rend l'écoblanchiment des publicités de l'industrie pétrolière et gazière encore plus scandaleux. Les personnes les plus touchées par la pollution atmosphérique sont les enfants, les personnes âgées, les personnes en situation de pauvreté et les populations autochtones.

La population canadienne est également confrontée à des phénomènes climatiques dévastateurs tels que les feux de forêt, les vagues de chaleur et les inondations, qui sont plus fréquents et plus intenses que dans le passé. Ces événements ont fait des milliers de victimes ces dernières années et continueront d'en faire beaucoup plus dans les années à venir, à mesure que les phénomènes météorologiques extrêmes s'aggraveront.

La protection de la santé des Canadien(ne)s devrait être la priorité du gouvernement fédéral. À cette fin, les entreprises qui exploitent les combustibles fossiles ne devraient pas pouvoir polluer notre air comme elles le font. Elles ne devraient absolument pas avoir le droit de promouvoir leurs produits nocifs et de mentir sur les risques qu'ils représentent pour la santé des Canadien(ne)s.

La tromperie délibérée de l'industrie est bien documentée. Par exemple, un rapport récent d'Environnement et Changement climatique Canada et de l'université de Yale a révélé que la production de pétrole bitumineux émettait jusqu'à 64 fois plus de gaz à effet de serre (GES) que ce que les entreprises pétrolières ont déclaré. Au Canada, la Loi sur la concurrence interdit aux entreprises de donner au public des indications fausses ou trompeuses. En réponse aux plaintes déposées par l'ACME, le Bureau de la concurrence a ouvert une enquête sur Pathways Alliance, l'Association canadienne du gaz et Enbridge Gas pour leurs pratiques trompeuses, mais il faut des années pour traiter ce genre de dossiers. Pendant ce temps, les GES continuent d'être rejetés dans l'atmosphère.

Comme les grandes compagnies de tabac avant elles, les grandes compagnies pétrolières sont parfaitement conscientes des effets néfastes de leurs produits. Pourtant, elles utilisent des sommes astronomiques pour soutenir des campagnes publicitaires massives qui non seulement induisent les Canadien(ne)s en erreur, mais nuisent en plus à leur santé. Nous devons mettre fin à la publicité pour les combustibles fossiles dès maintenant, et cela commence par le soutien de tous les partis au projet de loi déposé par Charlie Angus à la Chambre des communes. La santé et le bien-être de tous les Canadien(ne)s en dépendent.

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Sur les traces de la politique selon Lénine

13 février 2024, par Jorge Orovitz Sanmartino — ,
La figure de Lénine oscille aujourd'hui entre oubli, colère et moquerie. Pour les inspirateurs des idées libérales et conservatrices, il fait partie du panthéon des leaders (…)

La figure de Lénine oscille aujourd'hui entre oubli, colère et moquerie. Pour les inspirateurs des idées libérales et conservatrices, il fait partie du panthéon des leaders ratés que l'histoire a oubliés. Pour de nombreux mouvements sociaux nés après Mai 1968, il incarne une sorte de combinaison d'étatisme dangereux et de socialisme autoritaire, et le léninisme ne se nicherait plus désormais que dans quelques sectes révolutionnaires immuables, se réclamant du centralisme du Que faire ? (1), des « 21 conditions » (2) de la IIIe Internationale ou de la recherche du consensus à tout prix en guise de programme.

Revue L'Anticapitaliste - 152 (Janvier 2024)

Par Jorge Orovitz Sanmartino

Crédit Photo
Vladimir Lénine prononçant un discours, à son arrivée à Saint-Pétersbourg, en 1917.

Même les intellectuels radicaux qui invoquent le communisme comme arme philosophique n'osent pas revenir sur les pas de Lénine (à l'exception de Slavoj Žižek (3) qui, par snobisme, se réclame de son autorité pour asseoir dignement son affirmation pure du politique). Dans la solitude de la revendication militante reste Daniel Bensaïd, qui est revenu à Lénine en combattant ses propres démons, pour en faire le point d'appui de nouvelles organisations politiques anticapitalistes aux ambitions populaires.

Pour le communisme sans douleurs prôné par l'autonomisme, comme pour le socialisme sans socialisme que la démocratie moderne produit à tout bout de champ, Lénine est un obstacle, une plaie, un fantôme. Car tant que la politique, comme la mer déchaînée, ramène sur le rivage des concepts tels que la stratégie, l'hégémonie ou les alliances, elle nous renvoie au langage politique inauguré par Lénine et son parti. Et cela a une résonance particulière en Amérique latine, où depuis l'inauguration du premier cycle anti-néolibéral dans les années 2000, le langage de la transformation sociale ne peut se passer du « moment de scission » léniniste. Alors que sous d'autres latitudes il sonne comme une vieille partition déjà épuisée, il est ici recyclé à tout bout de champ en de nouvelles mélodies.

Mais quel Lénine voulons-nous mettre en avant aujourd'hui ? Quel aspect, quel moment de l'histoire bolchevique nous faut-il privilégier ? Celui qui a su apprendre des masses au sein des soviets, celui de l'intransigeance sur les objectifs à atteindre conjuguée à la souplesse tactique et organisationnelle, celui de la lucidité et de la perspicacité dans les moments critiques de la prise du pouvoir ? Le Lénine libertaire de L'État et la révolution(4), celui qui dénonce à la fin de sa vie les tendances à la bureaucratisation du parti (5), ou au contraire celui qui méprise pendant des mois les soviets de 1905, celui des expulsions des bolcheviks extrémistes en 1910, celui qui a approuvé la scission avec les dirigeants allemands et italiens au sein de l'Internationale communiste et qui a interdit les fractions et les groupes dans ces journées si sombres et si particulières de 1921 (6) ? Le révolutionnaire démocrate et pluraliste, ou le conspirateur monolithique et autoritaire ?

La reconstitution historique est marquée par des conflits théoriques et politiques autour de son héritage. Ce qui m'intéresse ici en particulier, c'est de restaurer la figure du révolutionnaire qui ne se laisse pas réduire à une formule universelle, hors temps et hors lieu, ni ne tombe dans une normativité abstraite, mais qui poursuit ses objectifs à travers une analyse concrète de la situation concrète, et utilise pour ce faire les outils et les matières premières à sa disposition : la figure du créateur hétérodoxe qui pense par lui-même et qui, si nécessaire, fait table rase de tout ce qui est acquis, abandonnant à leur propre sort les « monastères socialistes ».

L'art de faire surgir l'imprévisible

Mais retrouver ce Lénine, son action, sa pratique, exige un travail de clarification rigoureux, un dépassement des préjugés et des croyances établies : il s'agit, en somme, de réviser toute une tradition. En particulier celle qui conçoit le parti comme un groupe de spécialistes professionnels situés « en dehors » du mouvement réel des masses et unis par une doctrine parfaitement cohérente, un groupe homogène dans ses procédures, absolument centralisé dans ses actions, procédant par consensus, et qui a fini par s'arroger la propriété incontestée des intérêts historiques de la classe ouvrière.

Qu'était le parti de Lénine (si impopulaire, si décrié, si malchanceux) ? Un groupe humain sans fissures, un corps compact et homogène dans son idéologie, sa tactique, ses principes, son organisation, et jusque dans ses mœurs ? Lénine n'avait-il pas déjà dit qu'«  un millimètre de différence en théorie se transforme en kilomètres de distance en politique » ? Le parti de Lénine était-il un édifice monolithique à l'écart du mouvement socialiste national ? Qu'y avait-il de si spécial, de si original, dans l'apport de Lénine à la tradition socialiste qui l'avait précédé ?

Dans ses écrits, Marx a tendance à confondre, à intervertir ou à utiliser indifféremment les termes parti et classe, créant ainsi une identité sociale et politique entre l'un et l'autre. Cette identité classe/parti remonte au Manifeste communiste. Marx pensait que le développement organique du parti ouvrier ne pouvait être qu'immanent à la croissance de la force et de la conscience de classe, qui dépendait en fin de compte du processus de polarisation sociale provoqué par l'extension du capital et du machinisme. En ce sens, sa dialectique conçoit le prolétariat – et, par conséquent, la lutte des classes – comme la négation du capital déterminée par un rapport de force, son caractère révolutionnaire découlant directement de la subordination structurelle du travail au capital.

C'est précisément cette corrélation réciproque entre rapports sociaux et conscience de classe que Lénine remet en question, en introduisant des éléments « extérieurs » à l'immédiateté de la vie quotidienne du travailleur ou même à la spontanéité de la lutte syndicale de la classe. Lénine ne nie pas que la base d'une politique ouvrière repose sur l'extension du prolétariat et sur sa force sociale, mais il rejette l'idée plus ou moins convenue selon laquelle c'est cette pratique sociale sur les lieux de travail, à travers la lutte quotidienne, le « faire » quotidien du prolétariat, qui élèvera automatiquement sa conscience jusqu'à des objectifs socialistes.

La contribution de Lénine a été la radicalisation de l'autonomie politique en tant qu'espace d'articulation des intérêts historiques de classe lorsque l'exploitation sociale empêche ou bloque la véritable conscience de soi. Lénine ne confie pas aux intellectuels la tâche de représenter le prolétariat, il ne constitue pas un parti de l'intelligentsia bourgeoise « en dehors » de la classe. Le parti est composé non seulement d'intellectuels, mais aussi et surtout de travailleurs, qui participent au parti, comme le dit Gramsci, en tant qu'« intellectuels organiques ».

Pour Lénine, la pratique du travail, ou même la lutte immédiate, ne peut devenir une praxis réflexive et transformatrice que lorsque la théorie et l'organisation collective entrent en jeu. Si la base sociale de son programme reste la classe ouvrière, il est contraint de médiatiser cette relation en y intégrant les intellectuels, les alliances avec les autres classes et les nationalités opprimées. Ce faisant, il rejoint le concept d'hégémonie forgé un peu plus tard par Gramsci. Le gouvernail qui oriente sa stratégie, c'est la politique en tant qu'art de faire surgir l'imprévisible. Sans tirer pour autant de conclusions théoriques, il est contraint de séparer le programme de son caractère de classe, c'est-à-dire d'éviter de prêter à chaque classe un programme paradigmatique (prenons l'exemple du programme d'autodétermination des nationalités dominées dans l'empire tsariste : leur nationalisme pouvait servir à la fois la réaction et un programme démocratique socialiste mené par la social-démocratie, en fonction des alliances, et de l'articulation hégémonique).

Bien qu'il ne se soit jamais départi d'une vision plus « sociologique » de la construction des classes, il a, en grand stratège, eu l'intuition que les intérêts de classe ne dépendent pas de manière objective des positions au sein de la structure économique, mais qu'ils se définissent plutôt en termes d'« horizon d'action », c'est-à-dire qu'il existe une composante politico-culturelle. Aujourd'hui, nous dirions que les identités et les intérêts d'une classe dépendent aussi de son organisation politique, de sa tradition culturelle, de son répertoire d'action collective, du mouvement des autres classes et forces sociales, et de l'action de l'État. Finalement (et en rupture avec la conception que le 19e siècle se forge de la relation entre classe et conscience), nous dirions que la classe ouvrière n'est pas intrinsèquement révolutionnaire, ni même instinctivement révolutionnaire. Au contraire, elle est un sujet à construire.

Michael Mann (7) a clarifié cette tension au sujet de la classe ouvrière britannique. Si l'action collective de la classe ouvrière découle beaucoup plus directement de sa position structurelle – ce qui explique le pouvoir des syndicats –, en revanche ses objectifs politiques à long terme, son « horizon d'attente », pourrions-nous dire, dépendent des orientations et des interventions de cette classe dans le champ de sa propre action politique et de celui des autres classes et groupes. Mann ajoute que, dans l'Europe du 19e siècle, la solidarité et l'interdépendance en dehors du travail ont créé des communautés denses capables de développer une certaine autonomie ainsi qu'une organisation sociale et culturelle qui ont favorisé la formation de partis ouvriers et socialistes. Mais ils ne constituaient pas une classe unique et ne tendaient pas non plus à l'homogénéité, comme le pensait Marx.

En Angleterre, par exemple, la religion, les idées nationalistes et l'égalité morale protestante ont nourri les protestations des travailleurs, mais pas toujours avec une conscience de classe. La tradition des droits naturels, les idées de bien commun, de droit à la terre, convergent dans la revendication du suffrage universel et encouragent la diffusion du populisme et le radicalisme politique centralisé à l'échelle nationale. Le chartisme en est l'expression ; ses différentes fractions comprenaient de manières très différentes qui étaient leurs ennemis : les patrons, les rentiers paresseux ou l'État qui exploitait fiscalement les pauvres. La théorie de l'aristocratie ouvrière de Lénine ne pouvait expliquer la persistance de formes de conscience non révolutionnaires. Elle était simplement destinée à donner une explication plausible à un phénomène qu'il croyait passager : l'influence réformiste sur la majorité de la classe ouvrière.

Théoricien de la conjoncture

Lénine appelle « développement inégal » le décalage entre les tendances du capital et l'action politique, un concept qui lui permet de résoudre une faille qui, autrement, serait indépassable. Étant donné que les tâches politiques des révolutionnaires face à la monarchie russe différaient radicalement de celles qui s'imposaient en Occident, ce qui en résultait n'était pas « une copie ou un calque », mais une création unique. Le marxisme de Lénine est la « science du concret », et non un modèle universel. Il n'y a pas de recette qui puisse être « prescrite » au mouvement socialiste. C'est pour cette raison que le Que faire ?, malgré ce que beaucoup ont essayé d'en faire, se limite en réalité à une polémique très précise, sans effet réel à plus long terme que sur deux années et quelques, jusqu'à ce que la révolution de 1905 et la formation des soviets exigent de Lénine un traitement beaucoup plus « luxemburgiste (8) » de la question de la social-démocratie russe. Certes, « l'hyperpolitisme » pouvait engendrer de nouveaux dangers, dans la mesure où une conception dogmatique de la « rupture » entre la classe et le parti conduit à l'indépendance, et même à la subordination du mouvement au parti, et à la transformation du parti en représentant univoque et définitif de la classe, en dépositaire du savoir et de l'expérience, tel que nous l'avons connu dans la monstrueuse dégénérescence antisocialiste qu'a été le stalinisme.

Mais, en son temps, Lénine a rompu tous les fils qui reliaient le mouvement socialiste au fatalisme du développement économique. Il franchit le Rubicon en passant de la science du capital à l'art de la politique. C'est ainsi qu'est né le Lénine impatient, le Lénine des virages, celui des moments opportuns (le Lénine de « les sauts, les sauts, les sauts », dirait Daniel Bensaïd (9) ), et qu'il a ouvert le champ à un marxisme politique qui laissait derrière lui les lois inéluctables de l'histoire. Produit de l'histoire convulsée de l'Europe du début du 19e siècle, de la Russie ravagée par la modernisation, la crise et la guerre, c'est un Lénine machiavélien qui se fait jour, tel qu'Althusser (10) lui-même l'identifie, qui invoque le Florentin pour redonner corps à la lutte des classes en tenant compte des déterminations structurelles.

On trouve chez Lénine une primauté de la pratique, de l'histoire vivante, partiellement déterminée par le passé mais ouverte à l'incertitude de l'imprévu. Pour Lénine, il y a des déterminations historiques et sociales des processus, et non une succession aléatoire d'événements. Mais l'histoire se fait aussi sur le mode du pari pascalien. Un pari, parce qu'il n'y a pas de Dieu (il s'est éclipsé) et qu'il n'y a pas de lois inéluctables : il y a une histoire ouverte, un engagement, qui signifie la confiance dans une certitude, mais toujours hantée par la possibilité du contraire. Lucien Goldmann avait dit que le marxisme continuait l'héritage pascalien, mais c'est Lénine plus que quiconque qui lui a donné une telle continuité (11).

En somme, Lénine est un théoricien de la conjoncture. Et, pour lui, une bonne analyse de la conjoncture exige un examen détaillé qui permette de passer des problèmes structurels aux préoccupations stratégiques immédiates, de comprendre les horizons spatio-temporels qui définissent la conjoncture et les objectifs stratégiques clairs qui guident l'action. Une analyse correcte de la conjoncture doit, en outre, être relationnelle, car le schéma lui-même d'une stratégie pratique appropriée dépend également des réponses probables d'autres forces sociales. À la fois tournée vers le passé et ouverte aux trajectoires futures, une telle analyse fait le pari que les forces sociales peuvent agir sur les conjonctures actuelles et les réarticuler pour créer de nouvelles possibilités.

Le parti léniniste

Une caractéristique essentielle de nombreux courants de l'après-guerre a été l'adoption du léninisme comme idéologie de ce que nous appelons le « proto-parti », c'est-à-dire un noyau de révolutionnaires qui pensent posséder un véritable parti, lequel, avec son programme bien peaufiné et son organisation figée, n'a plus qu'à réduire le fossé qui le sépare des masses au moyen d'une « politique juste ». Cette évolution de l'organisme embryonnaire jusqu'à la pleine maturité passe par des étapes incontournables : il naît comme groupe ou cercle, il se développe à un deuxième stade comme « groupe de propagande » et, s'il réussit à franchir efficacement cette étape, il peut alors s'auto-proclamer « parti d'avant-garde ». Dans tous les cas, son aspiration est de devenir un parti ayant une influence de masse. Pour ce faire, comme l'a montré avec acuité Hal Draper, le « mini-parti » doit agir comme s'il était un vrai parti, jusqu'à ce que les masses le « trouvent », et consolider ses propres structures organisationnelles, parfois sur plusieurs décennies. Passant en revue les groupes révolutionnaires de l'après-guerre en 1970, Draper écrivait :

« Il y a une erreur fondamentale dans l'idée que la voie de la miniaturisation (imiter un parti de masse en miniature) est la voie vers le parti révolutionnaire de masse. Si vous essayez de créer un parti de masse miniature, vous n'obtiendrez pas un parti de masse miniaturisé, mais un monstre [...] Son principe vital est son engagement en tant que partie intégrante du mouvement de la classe ouvrière, son immersion dans la lutte des classes non pas par la décision d'un Comité central, mais parce qu'il vit dans cette lutte. » (12)

Cette idée évolutionniste est au fondement de la conception fractionnelle du parti, dont l'expression la plus élevée est le micro-parti. Cette conception linéaire, de la graine à l'arbre, exige un supplément d'organisation pour opérer une stricte démarcation avec les groupes concurrents. Dans le micro-parti, l'unité idéologique doit être absolue, sans fissures. Lénine n'avait-il pas expulsé les Otzovistes (13) pour avoir rejeté le matérialisme dialectique douteux qu'il défendait avec Plekhanov en 1910, accusant l'opposition de gauche de mysticisme ? La leçon à tirer de l'expérience bolchevique n'était-elle pas qu'il n'y avait pas de place pour ceux qui « déviaient d'un millimètre dans la théorie » ?

Ce type d'organisation avait bien séduit Lénine en plusieurs occasions, si l'on fouillait ses écrits à la recherche d'arguments susceptibles d'en justifier l'existence. Mais bien entendu, pour ce faire, il fallait éliminer tout le développement de sa propre mise en contexte, le fait que Lénine répondait politiquement aux circonstances russes de l'époque. Le choix a été fait de préserver la lettre des textes de Lénine, mais au prix de leur esprit même. Tant ses partisans les plus littéralistes que ses détracteurs ont considéré le Que faire ? comme la « bible léniniste », comme un manuel ou un recueil des conceptions léninistes.

Ils ont ainsi dépeint l'émergence de la fraction dirigée par Lénine comme un groupe sans fissures, sans divisions ni divergences (ce qui, dans un mouvement comme le POSDR, truffé de tendances, de groupes et de fractions, relève du fantasme le plus complet) : ses partisans, pour trouver sous sa plume des recettes pour la formation d'une organisation hors temps et hors lieu ; ses détracteurs, pour prouver que ce petit livre était l'œuf du serpent stalinien.

En tout état de cause, ce qui est perdu, ce sont les coordonnées spatio-temporelles de l'émergence d'un mouvement révolutionnaire dans la Russie arriérée, un mouvement qui a pris le pouvoir grâce à un concours de circonstances exceptionnelles, dont une défaite militaire écrasante, la paralysie et l'effondrement de l'appareil d'État, l'action déterminée de l'avant-garde jacobine, qui a permis de prendre d'assaut le carrefour des deux principales villes et de couper ainsi tout le système nerveux et sanguin de l'immense empire, et enfin, la semi-paralysie des puissances voisines, engluées dans la défaite et la crise.

Il est indispensable de tirer les leçons de la Révolution d'Octobre et de la dérive autoritaire qui s'en est suivie pour donner au socialisme des garanties démocratiques, mais il n'est pas question pour autant de s'abstraire des circonstances particulières et non reproductibles dans lesquelles un groupe de révolutionnaires a dû agir pour s'emparer du pouvoir. Dans le contexte de la persécution tsariste, il est probable que la sélection des révolutionnaires en vue d'une adhésion aux cercles socialistes se devait d'être très stricte. (Dans les proto-partis contemporains, les frontières organisationnelles visent la reproduction du groupe lui-même en « délimitant » les « révolutionnaires » des « centristes » et des « réformistes », séparation définie non pas dans la réalité vivante des processus populaires, mais formalisée par des divergences programmatiques ou parfois même dans de petites questions, de tradition ou simplement d'appareil.)

Même le Lénine de la Russie tsariste et rédacteur de Que faire ?, lorsqu'il a lutté pour la création d'un parti social-démocrate panrusse, ne l'a pas fait séparément du mouvement socialiste réel. Il s'est battu contre les tendances disparates des cercles locaux et régionaux qui manquaient d'un horizon politique plus large. Lorsqu'il a quitté le journal l'Iskra et entrepris de publier la Pravda, il ne pensait pas à un « parti séparé » mais à un cercle dirigeant du journal qui centraliserait le travail politique des comités sociaux-démocrates de toute la Russie. Pour Lénine, l'organisation commune ou indépendante des organisations de base était liée aux luttes idéologiques du moment. Avant même la réunification de 1906, de nombreux comités locaux et cellules d'entreprises formés par de nouveaux militants intégrés au cours de la période révolutionnaire avaient déjà constitué de leur propre chef des comités communs réunissant mencheviks et bolcheviks.

Le bolchevisme en tant que fraction révolutionnaire faisait partie de la vie politique des masses précisément parce qu'il représentait l'aile gauche du POSDR. Son but n'était pas de démasquer et de briser l'organisation à terme, mais d'imposer ses propres idées et méthodes à l'ensemble du parti. En ce sens, il n'y a aucune trace de ce que l'on appellera plus tard la « tactique entriste », qui postule a priori son caractère extérieur et conspirationniste. La capacité du bolchevisme à devenir un courant véritablement populaire n'est pas seulement due à sa politique, mais aussi au fait qu'il faisait partie du parti que les masses considéraient comme le leur, c'est-à-dire celui qui avait une tradition et des racines ancrées dans la culture politique des masses.

Le concept de parti ou de fraction organique peut servir à clarifier la différence essentielle entre un groupe isolé de révolutionnaires pour qui il est essentiel de trouver une voie vers les masses, et une fraction ou un parti lié à la tradition et aux aspirations populaires. Gramsci disait que toute association politique a besoin d'une certaine éthique commune partagée par ses membres. Mais il a souligné la différence substantielle entre le parti politique et ce qu'il appelle la « mafia » ou la « famille ». Alors que dans la mafia, la communauté qui l'unit devient une fin en soi – parce que l'intérêt particulier est pris pour l'intérêt universel, dans une confusion entre éthique et politique –, le parti en tant qu'intellectuel collectif n'est pas conçu comme quelque chose de définitif mais comme un moyen et, par conséquent, il étend ses intérêts à divers groupes sociaux et, bien que ses membres partagent une certaine éthique, celle-ci ne se confond pas avec la politique, comme c'est le cas pour les liens familiaux.

C'est cette même période intense de lutte des classes (avec deux révolutions en moins de treize ans, les hauts et les bas des luttes et des grèves, la diversité des méthodes de lutte et la sophistication de la politique socialiste de l'époque) qui a nourri la large démocratie interne et le débat ouvert d'idées au sein du mouvement socialiste. Même après la prise du pouvoir, les luttes internes ont été très intenses et, malgré l'interdiction des fractions, différents groupes n'ont jamais cessé de se former. Dans le dernier bloc formé par Lénine, il avait pour partenaire Trotski, uni avec lui contre les tendances croissantes de Staline au bureaucratisme. Ce n'est qu'avec la mort de Lénine et la montée de la clique stalinienne que la théorie du parti monolithique s'est concrétisée, et c'est avec la « bolchevisation » qui a suivi que s'est imposé l'enrégimentement de tous les partis communistes sous la direction du PCUS.

Mythe et réalité de l'Internationale communiste

La théorie de l'aristocratie ouvrière s'accompagnait d'un autre grand mythe fondateur : la théorie de la guerre impérialiste. Comme l'a souligné Fernando Claudin (14), l'horizon de la stratégie léniniste a fusionné les deux théories, en posant l'hypothèse que l'ère impérialiste est l'expression de la décadence du capitalisme. Et cette décadence s'était manifestée avec une forme d'évidence dans la Première Guerre mondiale, une guerre dont l'enjeu était colonial, dans une période d'épuisement des marchés nationaux et de transformation réactionnaire du monde, mettant la révolution prolétarienne à l'ordre du jour. C'est ce qu'il a appelé une « époque de guerres, de crises et de révolutions » : la tâche immédiate dans toute l'Europe était alors la révolution socialiste, qui semblait imminente.

L'idée qu'après la Révolution russe et la Première Guerre mondiale, nous sommes entrés dans une époque de guerres et de révolutions est à l'origine de la politique immédiate de l'Internationale communiste, fondée sur le concept de l'imminence de la révolution. Il s'agissait d'un récit convaincant qui, en outre, était palpable dans cette atmosphère de crise européenne.

L'Allemagne a été entraînée dans le tremblement de terre révolutionnaire par la force extraordinaire des bouleversements étatiques, par la guerre et les compensations économiques de la défaite (et non par l'épuisement de sa capacité d'expansion capitaliste), tous ces facteurs ayant déstabilisé le front intérieur. Ce cas montre que les faiblesses pourraient ne pas se limiter aux pays qui possèdent des structures sociales peu développées, mais concerner aussi bien les pays à forte capacité industrielle et à fort développement sociétal. De telles perspectives se sont bel et bien manifestées en Allemagne en 1919-1921, ainsi qu'en Italie. Et ces deux pays ont été de véritables carrefours historiques.

Cette agitation née d'une urgence concrète a incité les partis communistes naissants à lutter sans relâche contre les vieux partis réformistes et à dénoncer les formations intermédiaires ou centristes, convaincus que seule l'intransigeance la plus radicale à l'égard des vieilles organisations pouvait forger des partis orientés vers la lutte pour le renversement de l'ordre bourgeois et non - comme l'avait révélé l'expérience allemande - pour sa préservation. Cette expérience, stimulée par les effets de la Révolution russe, a poussé pour la première fois les révolutionnaires les plus déterminés à abandonner les formations considérées comme réformistes et centristes pour former, éclairés par le défi immédiat de faire la révolution en Europe, des organisations indépendantes.

Les récits jouent un rôle clé dans l'action stratégique parce qu'ils ont la capacité de simplifier des problèmes complexes, d'identifier des solutions simples, de faire appel au bon sens et de mobiliser le soutien populaire. Les récits, comme l'a remarqué Bob Jessop (15), n'ont pas besoin d'être scientifiquement valides et même, en réalité, ils sont souvent d'autant plus puissants qu'ils permettent aux coalitions de se former et à des pans entiers de la population de se rassembler, c'est-à-dire lorsqu'ils constituent des mythes mobilisateurs. L'idée d'une révolution imminente en Europe, comme conséquence de la Révolution russe, a structuré la boussole stratégique immédiate de Lénine, bien que les caractéristiques des deux espaces géographiques aient été radicalement différentes. Cette question a torturé Gramsci durant la période de sa vie intellectuelle la plus féconde : il y a répondu en distinguant l'Est de l'Ouest et en élaborant son concept d'hégémonie.

Mais Lénine, loin de se cramponner à un dogme, a rapidement compris que la stratégie de la rupture reposait sur un malentendu. Il a ainsi opéré un virage tactique lors des troisième et quatrième Congrès de l'Internationale communiste. Sa demande d'adhésion au Labour britannique était-elle une sorte de tactique « entriste » à court terme ? Si l'on fait abstraction de sa polémique avec le gauchisme, de sa demande d'unité avec le centre italien, de sa lutte pour empêcher l'éclatement de la direction du parti en Allemagne, de sa nouvelle politique de « gouvernement ouvrier » en coalition avec la social-démocratie, cela pourrait être le cas. Cette orientation montre en réalité la flexibilité tactique de Lénine et balaie, au passage, le mythe de l'ultra-bolchevisme organisationnel de l'Internationale communiste.

À l'origine de la fondation de l'Internationale communiste, les 21 conditions exigeaient la rupture avec le réformisme et le centralisme à l'échelle internationale. Il s'agissait de créer une organisation conçue pour le combat immédiat, peut-être pour quelques mois, au cours desquels la lutte révolutionnaire déciderait non seulement du sort de l'Europe occidentale, mais aussi de celui de la jeune Révolution russe. Lénine prévoyait alors que la situation faciliterait le ralliement de la majorité du prolétariat au camp communiste.

Cependant, à quelques exceptions près, cela ne s'est pas produit. L'esprit non révolutionnaire n'était pas un phénomène minoritaire et passager, une lubie pacifiste et démocratique, mais il exprimait une tendance plus profonde, ancrée dans les processus de changement et de recomposition capitaliste qui commencèrent à se mettre en place à partir de la fin du 19e siècle, s'exprimant dans la syndicalisation de masse, l'extension du suffrage universel et les politiques d'intégration à travers les conseils de prud'hommes et le contrôle social. C'est dans ces circonstances que Lénine dénonce l'erreur des 21 conditions, qu'il juge « trop russes ».

Lénine cherchait, par tous les moyens à sa disposition, à faire partie intégrante du mouvement de masse comme condition préalable à la construction d'un parti ayant la capacité de prendre le pouvoir, ce qui supposait dans tous les cas la coexistence d'ailes et de courants en son sein.

Et cela, non seulement en Europe, mais aussi dans ce qu'il appelait les colonies ou semi-colonies (par exemple, en Chine, où le PC est né du Kuomintang associé aux dirigeants de son aile gauche, soutenu et défendu par un mouvement paysan de masse ; ou encore à Cuba, où les courants socialistes ont émergé au sein du mouvement nationaliste étudiant et urbain). Chaque cas particulier a eu sa propre trajectoire et ses propres scénarios stratégiques, en fonction des conditions nationales et des traditions et répertoires populaires.

Plus de Lénine, moins de « -isme » !

Si le mouvement socialiste aspire à transformer ses idées en puissance matérielle, il doit prendre part aux grands mouvements populaires, être en prise avec le « bon sens » des résistances en cours et adosser son programme aux revendications des mouvements réels. La transformation sociale n'est pas quelque chose qui naîtra un jour de bonnes idées que le peuple finirait par suivre. Les tactiques politiques dans des pays comme les États-Unis ou la Grande-Bretagne ne peuvent pas être les mêmes qu'en France, et elles seront très différentes encore de l'expérience de pays comme la Bolivie, le Venezuela ou l'Argentine, qui ont connu des processus de lutte et de rébellion. Tout processus de changement nécessitera de redéfinir le contenu et les forces motrices d'un programme socialiste.

Comprendre les nouvelles conditions du capitalisme et ses transformations accélérées, la morphologie des États et les institutions comme espaces de contestation, les échelles variables de l'action politique, les mouvements sociaux émergents et leur potentiel anticapitaliste, le rôle que joue la démocratie politique, sont autant de tâches en vue d'une refondation indispensable. Cela implique également de se saisir des meilleures traditions intellectuelles et politiques d'autres tendances émancipatrices, d'actualiser l'idéologie socialiste avec les apports de courants tels que le féminisme et l'écologie, et de renouveler les langages politiques en articulant un mouvement populaire vaste et hétérogène avec de nouvelles formes et de nouveaux discours, qui redéfinissent à leur tour les horizons de ce que nous entendons par « socialisme ».

Un tel exercice serait un excellent exemple de léninisme pratique, capable de répondre aux exigences actuelles et d'éviter les litanies nostalgiques du passé comme le déni des nouvelles réalités, qui ne conduisent qu'à répéter des formules qui ne sont plus en phase avec l'époque. Il s'agit d'une tâche éminemment complexe et difficile, qui ne peut donc être entreprise que par une pratique et une réflexion collectives.

L'élitisme d'avant-garde n'est que l'envers du populisme anti-théorique et de l'ouvriérisme syndicaliste. La conception d'un parti miniature indépendant a fait long feu. L'échec d'expériences inédites comme Syriza en Grèce, la crise de Podemos en Espagne, ou encore les avancées et les reculs du MAS en Bolivie, ne donnent pas raison à Lénine et ne le ramèneront pas à la vie. Encore une fois, il n'y a pas de recettes toutes faites. En ce sens, notre approche relève davantage de la négation radicale d'expériences de partis qui ont échoué que d'une nouvelle formule en préparation, qui ne peut être trouvée que dans une pratique politique située.

Autant l'exigence de suivre l'esprit critique et réflexif de Lénine semble indispensable, autant il devient nécessaire d'abandonner définitivement le léninisme officiel des dernières décennies.

Article paru dans la revue Jacobin, n°9, 2nd semestre 2023

Notes

1. Premier ouvrage signé « Lénine », la brochure Que faire ?, sous-titrée Questions brûlantes de notre mouvement, publiée clandestinement en 1902, défend l'idée d'un parti centralisé, constitué de « révolutionnaires professionnels » réunis autour d'un journal à la publication régulière, chargé de favoriser la conscience de classe par sa diffusion aux masses. Le débat suscité à partir des conceptions de Lénine sur le parti ont conduit à la division entre mencheviks et bolcheviks lors du IIe Congrès du POSDR (Parti Ouvrier Social-Démocrate de Russie) de juillet 1903.

2. Les 21 conditions à l'adhésion des partis communistes à la IIIe Internationale fixées au Congrès de juillet 1920 exigent, entre autres, l'éviction des « réformistes » et des « centristes » des postes à responsabilité du parti, et un fonctionnement de parti centraliste et démocratique, avec épuration régulière des « éléments petits-bourgeois ».

3. Slavoj Žižek, dans La Révolution aux portes. Sur Lénine (2020), présente des textes écrits entre février et octobre 1917, postulant que le temps de Lénine est revenu. Selon la présentation de l'éditeur Le Temps des Cerises, le philosophe slovène, marxiste de formation, lecteur de Hegel et de Lacan, « est aujourd'hui l'un des intellectuels critiques les plus en vue dans le monde ».

4. Sur L'État et la révolution, voir l'article de Daniel Bensaïd « L'État, la démocratie et la révolution : retour sur Lénine et 1917 » (août 2007), republié dans le présent dossier.

5. Voir Moshé Lewin, Le Dernier Combat de Lénine, 1967.

6. Le 10e Congrès du PCUS de mars 1921, qui se tient pendant la répression de la révolte des marins de Kronstadt, vote la suppression du droit de fraction.

7. Le 10e Congrès du PCUS de mars 1921, qui se tient pendant la répression de la révolte des marins de Kronstadt, vote la suppression du droit de fraction.

8. Selon les conceptions que Rosa Luxemburg défendit au sein de la social démocratie allemande, en faveur de l'auto-organisation des ouvriers contre la direction centraliste et semi-réformiste du parti.

9. Voir D. Bensaïd, « Les sauts ! Les sauts ! Les sauts ! » (2002), repris par Antoine Artous dans La Politique comme art stratégique, recueil de textes de D. Bensaïd (Syllepse, 2011), publié dans Inprecor n°716, janvier 2024.

10. Dans les textes réunis dans le volume Machiavel et nous (1972-1986), Louis Althusser présente le philosophe florentin Machiavel comme un théoricien de la révolution, précurseur de Marx, articulant la théorie à la pratique, dont Lénine serait l'héritier.

11. Dans Le Dieu caché (1955), Lucien Goldmann interprète le marxisme comme un « pari révolutionnaire » à l'image du pari de Pascal. D. Bensaïd rend hommage à ce rapprochement dans Le Pari mélancolique (1997), qui se clôt sur ces mots : « Il est mélancolique, sans doute, ce pari sur l'improbable nécessité de révolutionner le monde ».

12. Voir H. Draper, « Towards a New Beginning – On Another Road. The Alternative to the Micro-Sect », in What Next ?, n° 10, 1998, 3-12.

13. Les « otzovistes », opposition de gauche au sein de la fraction bolchévique revendiquant le rappel des députés social-démocrates entrés à la Douma aux élections de 1907, tirent leur nom du mot russe otzyv signifiant « rappel ». Ils accusaient Lénine d'adopter une ligne « opportuniste », alignée sur les mencheviks favorables à la stratégie du parlementarisme dans un contexte d'affaiblissement et de répression du mouvement ouvrier révolutionnaire. De son côté, Lénine les appelle les « liquidateurs de gauche » ; il fait voter en 1909 l'exclusion de Bogdanov de la fraction bolchevique, qui aboutit à la scission avec les otzovistes dont Lénine avait dénoncé les positionnements antimatérialistes (c'est dans ce contexte qu'il écrit Matérialisme et empiriocriticisme, 1909).

14. Fernando Claudin, ancien membre du parti communiste espagnol exilé au Mexique sous la dictature franquiste, est l'auteur, entre autres, de La crise du mouvement communiste du Komintern au Kominform (1970), 2 vol., traduction française de G. Semprun, Maspero, 1972.

15. Bob Jessop, écrivain et universitaire britannique, est l'auteur de nombreux ouvrages sur la théorie de l'État et l'économie politiqu

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Accusations d’aliénation parentale : Un statu quo intenable pour les victimes de violence conjugale

13 février 2024, par Association nationale Femmes et Droit, Clinique juridique Juripop, Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale — , ,
Le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale (RMFVVC), l'Association nationale Femmes et Droit (ANFD) et Juripop tirent la sonnette d'alarme face au (…)

Le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale (RMFVVC), l'Association nationale Femmes et Droit (ANFD) et Juripop tirent la sonnette d'alarme face au crédit accordé au pseudo-concept d'aliénation parentale, qui décourage les femmes à dénoncer la violence et contraint les enfants à maintenir des relations qui sont nocives pour leur sécurité et leur santé. Cette situation fait reculer le Québec des années en arrière dans la lutte contre la violence conjugale, à contre-courant des objectifs du Tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence conjugale et de la création d'un Commissaire au bien-être et aux droits des enfants. Les efforts déployés pour rebâtir la confiance des victimes dans le système de justice et pour promouvoir le meilleur intérêt de l'enfant sont vains si les tribunaux des chambres de la jeunesse et de la famille ainsi que les directions de la protection de la jeunesse ne suivent pas.

Le recours aux accusations d'aliénation parentale dans un contexte de violence conjugale post-séparation est loin d'être une stratégie nouvelle. De nombreux ex-conjoints désireux de détourner l'attention de leur violence exercée au sein de la famille n'hésitent pas à brandir ce concept et à l'instrumentaliser à leurs fins, avec succès.

« Il faut entendre les voix des femmes qui, dans les dernières semaines, se sont multipliées dans l'espace public et dans les maisons d'aide et d'hébergement, avec une similarité troublante, pour saisir l'ampleur des injustices individuelles et du problème collectif auxquels nous faisons face » déclare Mathilde Trou, coresponsable des dossiers politiques au RMFVVC. « Si j'avais su, je n'aurais pas dénoncé » ; « ma situation a empiré après avoir dénoncé » ; « mes enfants auraient été mieux protégés si je n'avais rien dit » : combien de femmes encore vont être obligées de rester dans une relation violente en sachant que le système va mettre en danger ses enfants ?

« Le crédit porté à ce pseudo-concept par les tribunaux et par le personnel de la DPJ a des conséquences désastreuses : négation de la parole et de la volonté de l'enfant, impossibilité pour les mères de protéger leurs enfants de la violence conjugale, y compris la violence post-séparation, et non-reconnaissance des violences subies et des craintes exprimées par les femmes » ajoute Suzanne Zaccour, directrice des affaires juridiques à l'ANFD.

Confrontés à ces situations dans leurs pratiques respectives, les trois organisations interpellent le ministre de la Justice, Monsieur Simon Jolin-Barrette, et le ministre responsable des Services sociaux, Monsieur Lionel Carmant, pour réclamer des actions rapides et concrètes.

« Un changement doit s'opérer dans la manière dont on répond aux besoins des enfants victimes de violences. Analyser une situation de violences conjugales sous le prisme de l'alinéation parentale revient à occulter les violences subies et les nombreuses conséquences qui en découlent ; et il faut y mettre fin » souligne Justine Fortin, avocate et directrice des services aux personnes victimes et survivantes chez Juripop.

Plus précisément, les organismes demandent au gouvernement :

De légiférer pour interdire les accusations d'aliénation parentale, comme le recommande la rapporteuse spéciale de l'ONU sur la violence contre les femmes et les filles ;

D'exiger de la formation continue et conséquente sur la violence conjugale pour l'ensemble des acteurs et actrices, incluant les intervenant.e.s de la DPJ – comme le recommande le rapport de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse – afin de favoriser la compréhension et l'identification du contrôle coercitif et de la violence post-séparation ainsi que leurs impacts sur les femmes et les enfants ;

De se doter de nouveaux mécanismes et de pratiques appropriées pour écouter et respecter la voix des enfants dans le système de justice.

Conjoint violent, bon père pour ses enfants ?

Le mythe selon lequel les enfants échapperaient à la violence si elle n'est pas dirigée directement contre eux est tenace. Malgré tous les efforts de leur mère pour les protéger, les enfants sont aussi des victimes de la violence conjugale, qu'ils soient ou non spécifiquement visés par la violence et les stratégies de contrôle.

Le climat de peur qui règne à la maison a des conséquences sur le développement des enfants, qui sentent la détresse de leur mère et perçoivent le rapport de domination instauré par le père. Vivant ainsi dans l'insécurité, les enfants développent des stratégies de protection et d'adaptation, et présentent des séquelles durables : terreurs nocturnes, anxiété, perte d'estime de soi, tristesse, symptômes de stress post-traumatiques, difficultés d'apprentissage, etc.

« Il faut se défaire de cet amalgame. L'exercice des violences est un choix parental qui n'est pas exclusif à la relation conjugale et qui dénote des capacités parentales lacunaires du parent violent. La question n'est pas de savoir si l'enfant est attaché à son parent violent ou si ce dernier l'aime, mais davantage quels sont les besoins de cet enfant victime et comment le système de justice peut le protéger des choix violents de son parent » conclut Justine Fortin.

Sources : Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, Juripop et Association nationale Femmes et Droit.

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Le farniente du boss

13 février 2024, par Omar Haddadou — ,
– Avoue que c'est royal, toi qui languis de ton soleil du Bled ! - En effet, mais le parisien manque cruellement d'ardeur. - Pour un mois de février, c'est quand même (…)

Avoue que c'est royal, toi qui languis de ton soleil du Bled !
- En effet, mais le parisien manque cruellement d'ardeur.
- Pour un mois de février, c'est quand même l'pied ?

– Surtout pour la couche d'ozone.
– Dis-moi ! T'as viré les deux Charlots qui portaient le Keffieh palestinien ?

- Ils sont en CDI.
– Je m'en fiche. Un solde de tout compte et Oust !

– Des pères de famille.
– -J'veux rien savoir. Tu m'les débarques, au plus tôt !
- Même Safia le porte, ces jours-ci.
– T'inquiète, elle se fringuera avec une écharpe de chez Céline.

– Elle ne sera pas licenciée ?

– Non ! Elle est mon attèle au sein de l'entreprise, je te fais savoir.

– Ses collègues le sont aussi.
- T'as vu les prénoms qu'ils portent ?

Oui.
- Seïf Eddine et El Mountasir. L'épée (glaive) et le Vainqueur !
– Des prénoms choisis par les géniteurs.

– C'est du lourd. Je ne laisserai pas les métastases de l'intolérance champignonner dans mon entreprise.
– J'mets quoi comme motif ?

- Signes ostentatoires d'appartenance à une mouvance… !

Ca va barder !
- Je serai loin de l'onde de choc.

– Où ça ?
- Au pays de la Biodiversité exceptionnelle.

– Je vois pas.
– Au Costa-Rica ! Beau gosse ! Pardon Redoine.

Au fait, pourquoi tu orthographies ton prénom autrement qu'au Bled ? Là-bas, on écrit bien Redouane ?

- ( Silence ).

– Ah, ça y est ! L'Alchimie de l'intégration plâtrée. Redoine, Antoine ! Pourquoi pas ? Tu sais, pour s'encastrer dans le moule européen, t'as pas besoin de te débarrasser de ta carapace originelle.

( De retour de son escapade, le Boss appelle son employé)

Allo Redoine ?
- Oui.
– C'est Marc. J'ai une nouvelle à t'annoncer.

– Bonne ou mauvaise ?

Je te laisse en juger : Une OPA d'un groupe qatari est prête à mettre sur la table le paquet pour l'achat de l'entreprise.
– Et t'as répondu quoi ?
- D'après toi ?
- OK !
- Moi qui ai troqué Redouane pour Redoine.

– Tu sais, au pire des cas, tu mets un Keffieh. Le Qatari a dit qu'il réintègrera tous les licenciés (es) !

Texte et photo : Omar HADDADOU

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La CAQ, la privatisation et le pouvoir

13 février 2024, par Michel Jetté — , ,
La majorité des gouvernements qui se sont succédés depuis les 30 dernières années ont tous embarqué à des niveaux différents dans le train néolibéral. Mais cette fois-ci, (…)

La majorité des gouvernements qui se sont succédés depuis les 30 dernières années ont tous embarqué à des niveaux différents dans le train néolibéral. Mais cette fois-ci, l'attaque du gouvernement caquiste est sans précédent. Une réelle dépossession des avoirs publics qui appartiennent à chaque québécois est en marche, et ceci au bénéfice d'actionnaires privés qui salivent depuis des décennies à l'accaparement de ces ressources qui font la richesse collective.

L'IEDM : LE RÉVÉLATEUR

Mais pour ce faire, il fallait un véhicule pour propager cette idéologie que le privé est plus efficace, mois dispendieux, meilleur en tout point que le monde affreux et englué des institutions publiques. L'Institut Économique de Montréal (IDEM) est cette locomotive idéologique de la CAQ.

Pour preuve, commençons par la santé. L'IEDM s'est toujours posé comme grand promoteur de la privatisation en santé. Juste à lire les textes des 10 dernières années où l'appui aux hôpitaux privés, les agences privées, etc., est inconditionnel. Des gouvernements de tendances conservatrices ont contribué à fragiliser le système de santé au complet en coupant ses ressources et en implantant des politiques de privatisation véhiculées par l'IEDM. On voit aujourd'hui que les chantres de la privatisation avaient tout faux : les coûts ont explosé avec les agences, les chirurgies, les listes d'attentes se sont allongées, etc. Il est important de se souvenir qu'au cœur du gouvernement Legault, se trouve l'ancien directeur de l'IEDM, Youri Chassin, fervent idéologue de la privatisation et bras droit du ministre de la santé, Christian Dubé. Revisitez les textes de Chassin et vous verrez comment la CAQ met en marche les politiques de ce think tank néolibéral qu'est l'IEDM. L'éminence grise, qu'est Chassin (car on ne le voit pratiquement jamais) semble toujours travailler pour son ancienne patronne, Madame Hélène Desmarais, qui est à la tête de l'IEDM. Rappelons que Madame Desmarais provient de la famille qui est aux commandes de Power Corporation qui souhaite ouvertement la privatisation de ressources qui appartiennent au peuple du Québec.

OK ! HYDRO EST À VOUS, MAIS CE QUI S'EN VIENT EST À NOUS.

Legault dit qu'il ne touchera pas à l'héritage de René Lévesque. Mais la production d'électricité par l'éolien et le solaire, ça, il le donne au privé. Legault désinforme : ce n'est pas Hydro-Québec qui est seulement l'héritage de Lévesque, mais bien la production d'énergie électrique en tant que bien commun qui est son authentique héritage. La nationalisation de l'hydroélectricité au Québec s'est fait sous le slogan « Maître chez nous ». Le Journal de Montréal nous apprenait le 28 mars 2023 que Madame France Chrétien-Desmarais sollicite la CAQ pour la production privée d'énergies renouvelables. Membre de la même famille que la présidente de l'IEDM, Hélène Desmarais, France sollicite Legault et Fitzgibbon pour la privatisation de notre bien commun : l'électricité… tout comme le clame depuis des années l'IEDM. Le constat est clair : Legault, Fitzgibbon, la CAQ, travaillent actuellement à la dénationalisation d'Hydro-Québec au profit d'actionnaires privés et cela passerait, dans un premier temps, par le projet de TESCanada H2 qui est une firme belge. Le deuxième actionnaire de TES est FCD Inv inc. qui appartient à France Chrétien-Desmarais qui préside aussi le conseil d'administration de TES. Ne jamais oublier que Lévesque a nationalisé la production d'électricité car les anciens trusts, les producteurs privés, étaient devenus une nuisance au développement du Québec. Voilà que grâce à l'idéologie de privatisation de la CAQ, le privé pourra proclamer que dorénavant nous sommes Maîtres chez vous de la production électrique par éoliennes et solaire. Ceci devrait appartenir à tous les québécois et québécoises et non à des intérêts privés ! C'est notre héritage !

Si Legault et Fritzgibbon obéissaient à leur mission en tant que représentants du peuple québécois, non seulement ils protègeraient le monopole de notre actif public le plus précieux, mais ils s'assureraient de son expansion dans cette ère de transition énergétique urgente. Mais voilà que Fitzgibbon prévient que nous manquons d'électricité pour tous les projets. Ceux moindrement informés savent que cette rhétorique n'est qu'une stratégie afin de faire croire qu'Hydro-Québec ne peut répondre à la demande et le privé est la solution. Foutaises ! Fitzgibbon et Legault nous mentent en pleine face. Que ce soit avec Hydro ou le privé, il est impossible d'activer toutes ces demandes en électricité. D'autre part, depuis quand la puissante Hydro-Québec n'a pas les moyens de ses ambitions. Cette institution qui a mis en marche des projets colossaux, qui est devenue l'une des compagnies de production et de distribution électrique des plus puissantes sur la planète, serait aujourd'hui incapable d'accomplir la cruciale transition énergétique avec tout son savoir et ses avoirs… qui nous appartiennent. Nous le réalisons par le comportement honteux et anti-démocratique de Fitzgibbon, qui se dépêche à transférer aux actionnaires privés cette ressource cruciale qui appartient, pour encore quelques semaines, au peuple québécois. La CAQ accomplit les politiques de l'IEDM qui refuse de dévoiler qui la finance pour des raisons « concurrentielles ». Ne jamais oublier que le budget en santé est plus de 40% du budget du Québec et que les profits d'Hydro-Québec se chiffraient à 4,5 milliards de dollars en 2022. De par cette dépossession, la CAQ se rend coupable d'une violence structurelle qui ne fait que s'amplifier et dont nous devons nous opposer de toute urgence si nous voulons demeurer Maîtres chez nous.

Michel Jetté
Cinéaste
GMob (GroupMobilisation)

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Le Parti québécois et Québec Solidaire ; : le grand écart de la gauche québécoise

13 février 2024, par Jean-François Delisle — , ,
La semaine dernière, je traitais des différences qui séparent les deux partis indépendantistes du Québec. Je crois qu'il vaut la peine de fouiller encore un peu ce sujet, car (…)

La semaine dernière, je traitais des différences qui séparent les deux partis indépendantistes du Québec. Je crois qu'il vaut la peine de fouiller encore un peu ce sujet, car il se trouve au coeur du problème qui les éloigne l'un de l'autre.
On le sait, la raison d'être première du Parti québécois (PQ) est la souveraineté-association et en second lieu seulement la social-démocratie. Si le Québec devient une république, on ne peut être sûr qu'il adopterait pour de bon une forme de socialisme démocratique. C'est normal : tout dépendra de l'évolution historique de la société québécoise avec les aléas propres qu'elles comportent. D'ailleurs, lorsqu'on demandait à René Lévesque ou à un autre leader péquiste ce que deviendrait un Québec indépendant, ils répondaient ç peu près ceci :

"Le Québec sera ce que les Québécois en feront."

C'était une manière de dire que le régime social québécois évoluerait dans un sens ou dans l'autre, vers la gauche ou vers la droite. C'est le propre de toutes les sociétés humaines.

Dans le cas de Québec solidaire (QS), le but consiste avant tout à réinventer la social-démocratie et à faire reculer le rétrolibéralisme. Pour ce qui regarde ce qu'on appelle par convention la question nationale, sa position a longtemps été plutôt alambiquée, du moins jusqu'en mai 2017. Même depuis, en dépit de l'adoption formelle de l'indépendantisme par QS, la direction du parti a pris l'habitude de "patiner", vu la tiédeur de bon nombre de membres et de sympathisants face à cette option. Même à présent, en dépit du virage plus prononcé de ses porte-paroles en faveur de la souveraineté, une majorité de membres sont à tout le moins hésitants là-dessus.

Les prochains sondages nous apprendront si ce virage consolidera la position du parti et lui permettra de progresser dans les intentions de vote. Mais on peut en douter.

À ce jeu, le Parti québécois est le plus fort. Non seulement son but est clair, sans équivoque, mais il bénéficie d'une longue tradition de pouvoir (1976-1985, 1994-2003, 2012-2014). De plus, il a été fondé par un type prestigieux, René Lévesque, une figure historique, ancien ministre dans le cabinet libéral de Jean Lesage durant la Révolution tranquille. Il a donc marqué l'histoire récente du Québec.

Fondé en 2006, Québec solidaire a piétiné jusqu'en 2018 ; de 7% du vote en 2014, il bondit alors à 16.1%.. Il recule légèrement au scrutin de 2022 à 15%. La répartition de son vote lui a permis de faire élire un certain nombre de députés certes, mais sa position demeure fragile. Il n'arrive pas à sortir d'une certaine marginalité. Il fait figure d'éternel parti protestataire. Les sondages récents nous indiquent une montée remarquable du Parti québécois devant lequel Québec solidaire ne fait plus guère le poids.

Néanmoins, le pourcentage du vote qu'il draine serait très utile au PQ. Celui-ci va chercher environ 30% des intentions de vote selon les derniers sondages contre 17% pour QS. À elles deux, ces formations recueillent donc 47% du vote. Un rapprochement entre elles se révélerait donc fructueux. Mais est-il possible ? Et à quelles conditions ? Le Parti québécois devrait mettre de l'eau dans son vin indépendantiste et Québec solidaire dans son programme social-démocrate au profit de la souveraineté ?

Ici, tout est question de rapport de forces entre les deux formations. La montée du PQ indiquée par les sondages le place en situation de domination vis-à-vis de Québec solidaire. Il ne peut renoncer à sa raison d'exister, l'indépendance. Pour sa part, Québec solidaire n'a pas grand chose à gagner en se lançant dans un surenchère souverainiste. À ce jeu, le PQ sera toujours privilégié.

Québec solidaire doit donc insister sur la dimension sociale de l'existence nationale du Québec et tenter plutôt de rejoindre une majorité d'électeurs et d'électrices nationalistes autonomistes.

Une alliance de circonstances avec son rival péquiste ne peut être exclue si elle peut faire progresser la cause de Québec solidaire. Une bonne dose de pragmatisme se révèle ici nécessaire.

Le problème, c'est que l'indépendance demeure encore très minoritaire au sein de la population ; rien n'indique qu'elle retrouvera la force qui était sienne dans la décennie 1970 ou encore, momentanément, en octobre 1995.

On est donc envoyé à la case départ. Québec solidaire devrait miser sur son programme social-démocrate avant tout. S'il persiste dans la direction souverainiste, l'objectif premier de sa direction devrait consister tout d'abord à rallier sa majorité de membres hésitants à l'endroit de l'indépendantisme....

Jean-François Delisle

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Monsieur le président de la République,

13 février 2024, par Mouvement de la Paix — , ,
Le 9 février 2024 Monsieur le président de la République, La France ne doit pas être complice du prochain massacre de masse qui se prépare à Gaza suite à la décision de (…)

Le 9 février 2024
Monsieur le président de la République,

La France ne doit pas être complice du prochain massacre de masse qui se prépare à Gaza suite à la décision de Netanyahou et de son gouvernement d'extrême droite de rejeter toute possibilité de trêve et d'ordonner à l'armée israélienne de préparer l'assaut contre Rafah où sont enclavés dans une situation désastreuse plus d'un million de personnes. Cette intensification de la guerre qui ne peut que provoquer une catastrophe humanitaire épouvantable pour la population de Gaza avec des milliers de nouvelles victimes a été condamnée par l'ONU.

Cette trêve aurait pu aboutir à un cessez-le-feu durable permettant que s'engage un processus pour trouver une issue politique à la guerre en cours.

C'est avec gravité, Monsieur Le Président de la République, que le Mouvement de la Paix vous demande de condamner au nom de la France l'apocalypse qui se prépare à Gaza et d'agir pour l'application immédiate par Israël des recommandations de la Cour internationale de Justice.

Dans le courrier que nous vous avons adressé le 13 octobre 2023 nous vous disions : /« nous avons dès le 9 octobre dénoncé avec la plus grande fermeté les attaques des commandos du Hamas contre les populations civiles israéliennes. Si nous condamnons ces crimes de guerre et/contre l'humanité commis par le Hamas, ce n'est pas pour accepter que des crimes de même nature soient commis par un État, en l'occurrence Israël, dans une logique de vengeance, et ce, avec la puissance de feu que possède un Etat »./

Nous partageons le point de vue de Rony Brauman exprimé sur France Info récemment lorsqu'il a déclaré /« que les pays occidentaux sont en train de devenir activement complices du carnage et de la boucherie en cours à Gaza »./
Aujourd'hui il faut des actes concrets pour que cessent les bombardements sur Gaza.

Cette trêve est d'autant plus nécessaire que comme vous le savez, la Cour Internationale de Justice vient d'exiger qu'Israël arrête ses bombardements sur Gaza pour éviter la réalisation d'un génocide.

Or, les pays occidentaux et en particulier les USA, la France, la GB, l'Allemagne… d'un côté appellent à la trêve alors que de l'autre, ils continuent à ravitailler en armes et en munitions la partie la plus puissante de ce conflit à savoir Israël.
Pourtant les meilleurs spécialistes en géopolitique et observateurs, indiquent que sans ce flux ininterrompu de fournitures d'armes et de munitions en particulier par les USA, Israël ne pourrait pas faire la guerre à Gaza plus de trois jours. *C'est dire combien, l'interruption des livraisons d'armes est une solution pour obtenir une trêve.* Beaucoup d'entre eux soulignent par ailleurs qu'il faut absolument ouvrir une perspective politique vers une paix juste et durable entre Israéliens et Palestiniens pour arrêter les massacres et, qu'au vu de la situation actuelle, la seule perspective plausible c'est dans l'immédiat d'agir pour une trêve, pour la libération de tous les otages détenus par le Hamas et des prisonniers politiques palestiniens détenus par Israël, afin d'ouvrir dans le même temps la perspective de la création d'un État de Palestine à côté d'Israël sur les frontières de 1967, avec Jérusalem pour capitale commune dans le respect du droit international et des résolutions de l'ONU.

D'ailleurs, en Israël de plus en plus de citoyens ont bien compris qu'il faut passer de la logique de la force à la logique de la diplomatie, car ni le soutien en armements et munitions des USA, ni la possession de la bombe atomique par Israël, n'assurent la sécurité des Israéliens. Ils prennent conscience que leur sécurité ne peut se réaliser dans un état de guerre permanent, mais à travers des partenariats positifs avec les pays arabes et la réalisation concrète des droits des Palestiniens y inclus via la création d'un État de Palestine.

La solution à deux Etats autour d'un plan crédible et concret apparaît donc de plus en plus comme la seule solution qui permettra d'avancer dans la construction, dans le respect du droit international, d'une paix juste et durable entre Israéliens et Palestiniens et plus largement au Moyen-Orient, mais à condition d'y travailler d'arrache pied.
Il appartient à la communauté internationale, dans le cadre de l'ONU et en particulier en activant l'assemblée générale (vu le blocage du conseil de sécurité), de créer les conditions pour rendre concrète, réalisable et incontestable, la création de l'Etat de Palestine. Il est de la responsabilité de la France, membre du conseil de sécurité, de peser en ce sens.

Le Parlement français a montré la voie à suivre en votant le 2 décembre 2014 (339 votes pour et 151 contre) en faveur de la reconnaissance de la Palestine. Vous avez donc, monsieur Le Président, à votre disposition les outils juridiques et politiques vous permettant de concrétiser cette reconnaissance comme l'ont déjà fait 141 Etats dont récemment le Mexique et l'Espagne. La France a déjà trop tardé. Elle doit sans tarder respecter le vote du Parlement en faveur de la reconnaissance de l'Etat de Palestine.

C'est maintenant qu'il faut agir en ce sens. Il faut sortir des discussions stériles, ne plus faire semblant de défendre la solution à deux Etats sans rien entreprendre pour la réaliser. Une telle attitude de non-respect du droit international et des engagements pris discrédite les institutions internationales et en particulier les Nations unies.
Il faut revenir à l'application stricte du droit international, utiliser tous les leviers possibles pour une solution à deux Etats prévue par les résolutions de l'ONU, avec des propositions concrètes (tracé des frontières de l'État de Palestine, modalités d'application du droit au retour et indemnisation des populations déplacées, évacuation des colonies en Cisjordanie, mise en place d'une force d'interposition sous la responsabilité des Nations Unies, modalités de reconstruction de Gaza, mise en place d'instances de concertation permanente sous l'égide de l'ONU, y inclus à travers une conférence internationale pour la paix au Moyen-Orient).

Monsieur le Président, ne devenez pas complice des nouveaux massacres qui se préparent à Gaza. Ne faites plus semblant de défendre la solution à deux Etats, sans mettre en œuvre les actes concrets pour réaliser cet objectif. Depuis des années les paroles sans les actes, ont contribué à empêcher la mise en œuvre de cette solution.
Non à de nouveaux massacres en notre nom, agissez pour la suspension des accords de coopération militaire avec Israël et pour une paix juste et durable entre Israéliens et Palestiniens.

Recevez, Monsieur Le Président de la République, l'expression de nos salutations respectueuses.
/Le secrétariat national du Mouvement de la Paix/
/P/o Roland Nivet
Porte-parole national du Mouvement de la Paix/

/PS : nous nous permettons de vous donner le lien vers la déclaration de Rony Brauman sur Rfi <https://www.francetvinfo.fr/monde/p...> (1), déclaration dont nous partageons l'essentiel du contenu et des inquiétudes./
/(1) médecin français né à Jérusalem. a.c.
/

(

<#m_-3174177856248703196_>
*Voir cette lettre ouverte en ligne* <https://www.mvtpaix.org/wordpress/l...>

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Compte rendu de la manif pour Gaza du 11 février à Montréal.

13 février 2024, par André Cloutier — , ,
Bonjour, J'ai participé à ma quatrième manifestation en faveur de Gaza le dimanche 11 février ; depuis octobre 2023, il y aura bien eu une quinzaine de défilés de ce genre. (…)

Bonjour,

J'ai participé à ma quatrième manifestation en faveur de Gaza le dimanche 11 février ; depuis octobre 2023, il y aura bien eu une quinzaine de défilés de ce genre.

Le tout a commencé par des discours vers 14h au coin des rues Saint-Urbain et Sainte-Catherine Ouest.

Une jeune femme qui a dit parler au nom de la jeunesse du quartier chinois a prononcé au micro quelques phrases en français. Mais les discours furent en grande majorité obstinément en anglais ; il y a même un rabbin "plutôt original" d'une secte pro-palestinienne qui s'excusa de ne pas parler français ; il a parlé trop longtemps à mon avis et avec « un brin » de fanatisme, bien que d'autres diront qu'il prononçait un discours enflammé... Cependant les quatre pancartes de son groupe étaient écrites en français très lisible et bien placées à ses côtés : « Tous les Juifs ne sont pas des sionistes » pouvions-nous y lire.

Après être descendus sur le boulevard René-Lévesque, nous avons marché vers l'ouest avec des arrêts et discours devant des édifices du gouvernement fédéral ; cela jusqu'à la rue Peel que nous avons remontée jusqu'à la rue Sainte-Catherine Ouest ; puis nous sommes dirigés à quelques rues du métro Peel ( dont des portes d'entrée secondaires avaient été verrouillées ).

Surprise à la fin de la manif, la même jeune femme qui s'est identifiée comme représentante de la jeunesse du quartier chinois, s'est mise à faire un discours soutenu et en bon français dans lequel elle a décrit le Canada comme un pays colonialiste et impérialiste : des termes qui sont attribués principalement aux groupes du genre trotskyste et qui ne sont pas proclamés ouvertement par les directions politiques du Parti québécois ou de Québec solidaire, entre autres.

J'ai vu au moins quatre militantes et militants de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), avec leurs tuques au logo de la centrale, dont l'un avait un sac à dos bourré de petits drapeaux de la CSN ; avaient-ils donné rendez-vous à d'autres membres de la CSN qui, semble-t-il, ne se sont pas pointé.e.s à la manif. Coïncidence : dès que les discours ont repris en langue anglaise, deux d'entre eux sont sortis du défilé et se sont vraisemblablement dirigés vers une station de métro. Je suis moi aussi parti quand on a commencé à réciter ce qui ressemblait à une sorte d'incantation religieuse.

Le slogan « SO-SO-SO Solidarité Avec-Avec la Palestine » a été lancé régulièrement tout au long du défilé par les organisateurs au micro et repris à pleins poumons en français par les manifestant.e.s toutes origines linguistiques confondues. Devant cet « état de fait » peut-on croire que les organisatrices et organisateurs de l'événement vont « se réveiller » et se décider à inviter à leur micro des représentant.e.s d'organisations québécoises francophones ? Cela donne encore aujourd'hui l'impression d'une sorte de chasse gardée : les organisateurs voudraient « garder la main sur le message ». À propos du message impulsé durant le défilé, est lancé régulièrement au micro à toutes les manifs un slogan en français et d'une manière lancinante : « Tous les sionistes sont des racistes. Tous les sionistes sont des terroristes ». Ceci pourrait avoir un effet de repoussoir, vu la frilosité politique de diverses associations et organisations.

Détails :

1- Aperçu un court instant un drapeau du Québec ; des drapeaux du Viêt Nam, de la Turquie et d'Égypte ont aussi flotté durant la manif ;

2- Lu en anglais sur une assez grande pancarte : « Aujourd'hui toutes les choses sont fabriquées en Chine ; il n'y a que le courage qui provient de la Palestine. Signé : Anthony Bourdain (1956-2018) » [1].

Cordialement,

André Cloutier

Montréal, 13 février 2024

[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Anthony_Bourdain

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Les anarchistes et la guerre en Ukraine

13 février 2024, par Fédération anarchiste ukrainienne — , ,
La revue académique Kontradikce a préparé un sondage sur "Les anarchistes et la guerre en Ukraine", (...) et qui traite de la façon dont cette guerre a divisé le mouvement (…)

La revue académique Kontradikce a préparé un sondage sur "Les anarchistes et la guerre en Ukraine", (...) et qui traite de la façon dont cette guerre a divisé le mouvement anarchiste. Au cours de l'été et au début de l'automne 2023, les auteurs du sondage ont posé les questions suivantes à des activistes, théoriciens, universitaires anarchistes et chercheurs sur les mouvements anarchistes : qu'avons-nous appris des réactions des mouvements anarchistes ukrainien, russe, biélorusse et international ? Savons-nous maintenant quelque chose que nous ne savions pas auparavant ? Les différences entre anarchistes ont-elles des causes profondes ? Ces différences vont-elles persister et avoir des conséquences à long terme ? La guerre a-t-elle modifié les composantes clés de l'opinion anarchiste ?

Nous avons décidé de traduire quelques réponses intéressantes. Voici la traduction de la première réponse, celle de Zosia Brom. Cette anarchiste originaire de Pologne est une migrante économique au Royaume-Uni. Elle se concentre sur les questions de classe et de migration et est surtout connue du mouvement en tant qu'ancienne rédactrice en chef de Freedom et organisatrice de la Foire du livre anarchiste à Londres.

Nous présentons un sondage réalisé par le magazine Kontradikce sur la division du mouvement anarchiste à propos de la guerre en Ukraine.

"Les anarchistes ne se tiennent pas à l'écart de la lutte populaire et ne cherchent pas à la dominer. Ils cherchent à y contribuer avec pratiquement tout ce qu'ils peuvent et à favoriser le plus grand degré possible de solidarité individuelle et collective."

Stuart Christie

Les divisions au sein du mouvement anarchiste ne sont pas nouvelles, et en fait la phrase "[insérer le sujet actuel] a divisé les anarchistes" servirait de bon début à un texte sur presque n'importe quel moment de l'histoire moderne de l'anarchisme. Je ne considère pas cette attitude comme un problème pour l'anarchisme : il s'agit, après tout, d'un mouvement sans leader, un mouvement aux multiples nuances où la position de toute autorité peut être remise en question. Un mouvement dépourvu de dogmatisme, du moins sur le papier.

Il était donc prévisible qu'il y aurait de nombreuses approches de l'invasion russe en cours en Ukraine. Cela n'aurait pas eu d'importance en soi, et la discussion aurait pu être menée en tenant compte des diverses interprétations de ce qu'est l'anarchisme, ainsi que de la diversité des expériences de vie des anarchistes dans différentes parties du monde, de l'histoire générale des anarchistes dans les conflits armés, ainsi que du respect de la réalité dans laquelle nous vivons tous, et de l'ambition d'élaborer une politique qui y corresponde. Mais cela n'a pas été le cas, et au lieu de cela, nous avons assisté à une démonstration plutôt laide de la supériorité occidentale de la part de certaines parties du mouvement anarchiste en Occident, combinée à une interprétation étroite, voire religieuse, de ce qu'est l'anarchisme, donnée sans tenir compte de la diversité du mouvement anarchiste et de la complexité du monde.

Pour atteindre cet objectif, les suprémacistes anarchistes occidentaux ont eu recours à diverses tactiques. L'une d'entre elles consistait à ignorer délibérément ce que la grande majorité de leurs amis et camarades d'Europe centrale et orientale essayaient de leur expliquer. Une autre a consisté à protéger la notion même d'anarchisme et à assumer une position d'autorité décisive et incontestée sur toutes les questions qui s'y rapportent, ce qui n'a fait que renforcer l'impression qu'ils partaient d'une position de supériorité. Le degré extrême d'hostilité dont ils ont fait preuve à l'égard des anarchistes et des femmes anarchistes d'Europe de l'Est qui ont tenté de s'engager dans ce discours en les rejetant souvent d'une manière qui frise les théories de la conspiration, par exemple en suggérant qu'ils étaient des agents de la CIA, des fascistes refoulés, etc. en est une autre preuve.

Cependant, il est injuste de dire que tous les groupes anarchistes occidentaux, ou même la plupart d'entre eux, ont réagi de la manière décrite ci-dessus. Si cette attitude, qui était le fait d'une minorité restreinte mais bruyante du mouvement, a été très désagréable à vivre, beaucoup d'autres, au contraire, ont offert une solidarité sans faille et une assistance matérielle à leurs camarades ukrainiens, russes et, plus généralement, d'autres pays d'Europe de l'Est. Cette aide permanente est l'un des projets les plus impressionnants que j'ai vu les anarchistes entreprendre ces dernières années, et elle est d'autant plus louable que je me rends compte que, dans de nombreux cas, cette aide intervient en dépit de l'inconfort de devoir sacrifier certains aspects de ses croyances et de sa politique face à une crise humanitaire et aux crimes de guerre commis par l'armée russe, ainsi que du désir de faire preuve de solidarité avec ses amis d'Europe de l'Est.

Cette attitude rend ces groupes anarchistes nettement différents de la plupart des autres parties de la gauche radicale occidentale, et c'est l'aspect de l'anarchisme que je considère comme le plus prometteur pour l'avenir, avec tous ses problèmes complexes qui nécessitent des solutions non dogmatiques et non standardisées. Je pense qu'il est difficile de dire ce qui changera d'un point de vue anarchiste à la suite de la guerre entre la Russie et l'Ukraine, ne serait-ce que parce qu'il y a tellement de perspectives anarchistes. Mais ce qui aura un impact durable, c'est le cœur de la véritable politique anarchiste : juger les choses telles qu'elles sont, écouter les personnes directement affectées, faire ce que nous pouvons pour aider les autres dans leur lutte contre le pouvoir oppressif, et contribuer à ce que nous pouvons de manière pratique. Si nous y parvenons, nous aurons une chance de devenir une force majeure. Si nous échouons, nous deviendrons - ou dans certains cas resterons - un club social pour les personnes qui aiment lire de vieux livres.

Tirer du site : https://www.afed.cz/text/8091/anarchiste-a-valka-na-ukrajine-i

Le sondage en anglais : https://kontradikce.flu.cas.cz/en/online-content/156

Traduit avec Deepl.com

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L’usine Northvolt ou la puissance de l’industrie automobile

13 février 2024, par Colin Pratte — , , ,
D'ici 2035, la vente de voitures à essence sera interdite au Québec, tout comme dans plusieurs juridictions du monde. La survie de l'industrie automobile dans une planète en (…)

D'ici 2035, la vente de voitures à essence sera interdite au Québec, tout comme dans plusieurs juridictions du monde. La survie de l'industrie automobile dans une planète en transition dépend de sa capacité à créer et entretenir le mythe de la voiture électrique verte. À ce jour, l'industrie peut crier victoire, comme en témoigne au Québec la pluie de fonds publics que reçoit la filière batterie de même que l'absence de toute évaluation environnementale digne de ce nom par le biais d'un BAPE pour les projets liés à cette industrie. Quels sont les leviers qui permettent à l'industrie automobile de continuer de structurer et d'infléchir les systèmes de mobilité à travers le monde ?

9 février 2024 |tiré de la lette de l'IRIS
https://iris-recherche.qc.ca/blogue/environnement-ressources-et-energie/puissance-industrie-automobile/?utm_source=Liste+de+diffusion&utm_campaign=3b3a0a42c5-INFOLETTRE+du+vendredi_membre&utm_medium=email&utm_term=0_831b3c6b78-3b3a0a42c5-126405189

Les leviers économiques

Le poids économique de l'industrie automobile mondiale est considérable. Elle compte pour 3,65% du PIB mondial. Les quelque 85 millions de nouvelles voitures produites dans le monde chaque année stimulent entre autres l'extraction minière et la production d'énergie fossile et électrique. Avec sa production annuelle d'environ 1,5 million de voitures, le Canada est un chef de file de l'industrie automobile. Exportant 95% des véhicules assemblés au pays, le Canada a été le troisième pays exportateur d'automobiles durant la période 1997-2016, derrière le Japon et l'Allemagne, mais devant les États-Unis. Évidemment, l'importante contribution économique d'une industrie est souvent tributaire d'un appui politique à son modèle d'affaires.

Les leviers fiscaux

Le processus d'électrification de l'industrie automobile donne à voir la capacité historique de ce secteur à se ménager un cadre fiscal hautement favorable. À elles seules, les usines de batteries de Volkswagen et de Northvolt, affiliée à Volvo, cumuleront des subventions publiques de près de 25 milliards $. En retour, les entreprises multinationales de cette industrie n'hésitent pas à élaborer des stratégies d'évitement fiscal. Par exemple, le groupe Volkswagen a déclaré dans les 10 dernières années 18,7 milliards $CAN de profits nets au Luxembourg, diminuant ainsi ses contributions fiscales aux trésors publics des pays où elle mène des activités réelles.

Les impôts impayés de cette industrie s'ajoutent à tous les manques à gagner fiscaux qui découlent de la diminution de moitié du taux d'imposition des entreprises au Canada depuis les années 1980. Cette tendance amenuise la capacité financière des États à investir dans des infrastructures de transition, par exemple des projets de transport en commun structurants. En parallèle, le gouvernement semble prendre désormais l'habitude de recourir à la Caisse de dépôt et placement pour financer ses projets de transport en commun, tout en soutenant généreusement le transport par automobile par le biais des subventions à l'achat de voitures électriques. Celles-ci grimpent à 12 000 $ en comptant la part du palier fédéral. Autrement dit, la faiblesse du développement du transport en commun au pays soulage l'industrie automobile d'une concurrence accrue, tandis que les subventions publiques à l'achat de voitures électriques pérennisent l'hégémonie du transport de personnes par automobile.

Les leviers socioculturels

La voiture représente beaucoup plus qu'un moyen de transport. Elle renvoie à une planification spécifique de nos milieux de vie tout en symbolisant la réussite pour qui parvient à se procurer le modèle dernier cri. Les publicités qui assaillent l'espace public et médiatique en chantent les louanges et participent à sa diffusion et à sa légitimité. Le triomphe de l'automobilité se vérifie par le taux de voitures par habitant au Québec, qui a presque triplé depuis les années 1970. À l'inverse, la part modale du transport en commun plafonne ou diminue, ce qui affecte son développement. On dénombre par exemple 7 fois moins de départs d'autocars interurbains privés au Québec en 2023 qu'en 1981, l'offre ayant fondu de 85%.

Les leviers politiques

L'évolution récente de l'industrie automobile montre que celle-ci a les coudées franches pour créer des modèles de véhicules toujours plus sophistiqués et profitables, mais non moins dommageables pour l'environnement : le poids médian du parc automobile du Québec est 30% plus élevé qu'en 1990 ; la proportion des voitures de luxe du parc automobile est passée de 2% à 7,1% depuis l'an 2000 ; les « avancées » technologiques proposées par les départements de recherche et développement des fabricants automobiles, telles que la voiture sans conducteur ou l'introduction de l'intelligence artificielle comme façon de « redéfinir notre relation avec la voiture », ne rencontrent aucune limite. Le contrôle politique de cette industrie est absent, alors que d'un point de vue écologique, les seuls modèles de voiture circulant sur les routes devraient être issus d'une planification écologique animée par la sobriété et l'atteinte minimale à l'environnement.

Quelle voie de sortie ?

L'industrie de la voiture électrique est en plein essor et entend bien enfermer les systèmes de mobilité du monde dans l'automobilité pour un siècle supplémentaire. L'Agence internationale de l'énergie prévoit qu'en 2030, 90 % des batteries produites dans le monde alimenteront des automobiles individuelles et seulement 3,5 % propulseront des autobus. La voiture électrique n'est toutefois pas plus durable. Sa production requiert trois fois plus de ressources naturelles que la voiture à essence. Les minéraux rares et polluants à extraire ainsi que les usines de batteries entraînent des problèmes écologiques tout aussi préoccupants que le réchauffement planétaire. De plus, 71% de la production mondiale d'électricité est toujours issue de sources non renouvelables. Même si l'industrie automobile pèse de tout son poids économique, politique, fiscal et culturel pour repousser le moment inévitable de son dépassement, le déplacement massif par automobile est une parenthèse historique appelée à se refermer tôt au tard.

Institut Lemkin pour la prévention du génocide : Déclaration sur les récentes menaces sur l’UNRWA et sur le passage d’une possible complicité à un engagement direct dans le crime de génocide contre les Palestiniens de la part de plusieurs pays.

L'Institut Lemkin pour la prévention du génocide est profondément préoccupé par la décision d'une coalition de plusieurs nations – les États-Unis et l'Allemagne, de concert (…)

L'Institut Lemkin pour la prévention du génocide est profondément préoccupé par la décision d'une coalition de plusieurs nations – les États-Unis et l'Allemagne, de concert avec l'Australie, l'Autriche, le Canada, l'Estonie, la France, l'Irlande, l'Italie, le Japon, les Pays-Bas, la Roumanie, la Suisse et le Royaume Uni – de suspendre le financement de l'Agence des Nations Unies pour l'aide aux réfugiés palestiniens de 1948 et leurs descendants UNRWA).

Cette grave escalade dans la crise à Gaza intervient à la suite du premier jugement de la Cour Internationale de Justice en application de la Convention sur la Prévention et la Punition du Crime de Génocide dans la bande de Gaza (Afrique du Sud vs Israël), dont nombreux sont ceux qui en espéraient un ralentissement du génocide. De plus, ce jugement représente un changement de la part de plusieurs pays d'une possible complicité dans le génocide à une implication directe dans la construction de la famine. C'est une attaque sur ce qui reste de sécurité personnelle, de liberté, de santé et de dignité en Palestine.

L'Institut Lemkin pour la Prévention du Génocide (LIGP) reconnaît que cette décision peut avoir été prise à la hâte ou sans que les dirigeants nationaux n'aient été correctement conseillés et, si c'est le cas, nous incitons à une inversion. Si aucune inversion ne s'annonce, nous condamnons la décision de priver l'UNRWA de financement et, ce faisant, nous nous joignons à un consensus croissant de professionnels du droit international et de spécialistes du génocide qui mettent en avant que cette action équivaut à une participation accrue au génocide en cours des Palestiniens à Gaza et constitue à la fois une violation du récent jugement de la CIJ et des responsabilités des nations participantes sous l'égide de la Convention pour la Prévention et la Punition du Crime de Génocide (« la Convention sur le Génocide »). Nous avertissons en outre que le retrait du financement octroyé à l'UNRWA agit comme un point d'appui pour la diffusion d'actes génocidaires contre les Palestiniens de Gaza à d'autres zones critiques, où la vie des Palestiniens est mise en danger. En période de famine, procéder à une annulation permanente ou à une pause dans le financement place potentiellement en violation de la Convention sur le Génocide, des États qui ont précédemment versé des fonds.

Le 26 janvier 2024, l'UNRWA a annoncé avoir reçu et accepté des affirmations sérieuses de la part d'Israël à propos de 12 membres de son personnel. Ces allégations, basées sur diverses formes de renseignement, dont des interrogatoires, avançaient que ces membres du personnel avaient des liens avec le Hamas et d'autres organisations islamistes et avaient été impliqués dans les attaques du 7 octobre. La direction de l'UNRWA a immédiatement licencié 9 de ces membres du personnel. L'un d'eux est décédé. L'identité de deux autres est en attente de clarification. L'UNRWA a instamment demandé des comptes, envisagé des poursuites et engagé une enquête officielle. Plusieurs nations ont répondu aux affirmations d'Israël en retirant leur financement promis à l'ensemble de l'organisation – soit un retrait immédiat de centaines de millions de dollars pouvant aller jusqu'aux deux-tiers du budget total de l'UNRWA. L'UNRWA emploie environ 30 000 personnes en Palestine, dont approximativement 13 000 à Gaza. Actuellement, 10 000 membres gazaouis du personnel de l'UNRWA sont dans l'impossibilité de travailler pour cause d'invalidité ou de déplacement dû aux bombardements d'Israël sur Gaza ; le retrait de ce financement aux 3 000 travailleurs clé restants va conduire à un effondrement opérationnel .

La menace sur l'aide humanitaire de l'UNRWA est sans précédent et donc choquante. Comme le remarque le Commissaire Général de l'UNRWA, son agence a pris rapidement des mesures pour écarter les employés accusés et a commencé une enquête minutieuse par le canal approprié : le Bureau de Contrôle des Services Internes de l'ONU (OIOS en anglais, BCSI en français). Aussitôt, une coalition d'organisations d'aide humanitaire essentielles et respectées – dont Sauvez les Enfants, AFSC, Oxfam et des sections importantes de Médecins du Monde de France, de Suisse, du Canada et d'Allemagne (chacune incitant son gouvernement à revenir sur sa décision) – ont exprimé leur colère aux États donateurs et averti que le retrait de ces fonds menace l'alimentation et la mise à l'abri de plus d'un million de personnes. Les dommages d'une pause dans le financement seront irréparables. Il est en outre choquant que les médias internationaux n'aient pas réagi à ces menaces en lançant une alerte. L'Institut Lemkin exhorte les journalistes et les rédacteurs à rendre des comptes robustes des dimensions humanitaires et juridiques d'un retrait de l'aide humanitaire aux Palestiniens.

Ce n'est pas la première fois que le financement de l'UNRWA est suspendu, mais le retrait actuel est constitutivement différent des suspensions précédentes, non seulement par ses conséquences mais aussi par son caractère. Au titre des suspensions temporaires précédentes du financement de l'UNRWA figure la décision abrupte de l'administration Trump de retirer son aide en 2018, largement considérée comme une tactique de négociation grossière et ratée pour faire pression sur les négociateurs palestiniens afin qu'ils renoncent au Droit au Retour, un droit garanti à tous par nombre d'éléments fondateurs du droit international humanitaire (DIH en français, IHL en anglais), la Quatrième Convention de Genève, la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, le Pacte relatif aux Droits Civils et Politiques et la Convention Internationale pour l'Élimination de Toutes les Formes de Discrimination Raciale, qu'Israël a signées et ratifiées. Cette suspension de l'État donateur a été annulée par le Secrétaire d'État des États-Unis, Anthony Blinken qui, à l'époque, a reconnu la nécessité de financer l'UNRWA pour « l'espoir et la stabilité » de « 500 000 garçons et filles palestiniens ». Les Pays-Bas, la Suisse et la Nouvelle Zélande ont aussi suspendu temporairement leur financement en 2019 – ces suspensions sont apparues comme faisant partie d'une enquête sur la corruption correctement menée, déclenchée par un rapport interne sur l'éthique de l'UNRWA et liée à la mise en œuvre de recommandations du BCSI de l'ONU. Ces circonstances sont certes tellement clairement différentes que la Nouvelle Zélande elle-même reconnaît la différence et que, malgré un compte rendu initial incorrect, elle va poursuivre son accord de financement actuel de trois ans jusqu'en juin pendant l'enquête du BCSI. L'ancien première ministre néo-zélandaise, Helen Clark a directement répondu aux rapports sur la décision de ses collègues australiens de suspendre leur aide en répétant : « Ce n'est pas le moment de suspendre le financement », et en qualifiant cette décision de tentative inappropriée de mutiler financièrement l'UNRWA, par des « impacts dévastateurs pour les familles vivant à Gaza ».

Comme le note Francesca Albanese, Rapporteure Spéciale de l'ONU sur les territoires palestiniens occupés, si ces actions sont effectivement menées, elles « seront ouvertement un défi aux mesures préventives ordonnées dans la procédure Afrique du Sud contre Israël – et entraîneront soit « des obligations juridiques, soit la disparition du système juridique international ». L'avocat international Francis Boyle, conseil dans la procédure 91 à la CIJ (Bosnie et Herzégovine contre Serbie et Monténégro), qui a assuré la mise en œuvre des mesures destinées à empêcher un génocide contre les Musulmans de Bosnie, a immédiatement publié une déclaration dont voici un extrait :

(si ces actions sont menées à bien), le cas n'est plus celui d'États qui aident et encouragent le génocide israélien contre les Palestiniens en violation de l'article 3 (e) de la Convention sur le Génocide qui incrimine la « complicité » de génocide. Ces États violent également directement l'article 2 (c) de la Convention sur le Génocide : « infligeant délibérément au groupe concerné des conditions de vie calculées pour conduire à sa destruction physique totale ou partielle… »

Le Dr Alonso Gurmendi Dunkelberg, expert international de l'Université d'Oxford, a fait remarquer que dans la décision récente de la CIJ, la majorité a estimé que des mesures préventives étaient justifiées et que des actes génocidaires doivent être traduits en justice « précisément (parce que) Israël sait que ses restrictions d'aide humanitaire infligent des conditions de vie qui conduiront à la destruction physique d'innombrables Palestiniens ». Il établit en outre que ces menaces sur le financement – ce qu'il appelle le désastre de l'UNRWA – sont désormais partie intégrante du débat crucial sur « l'intention » au sujet de l'application de la Convention sur le Génocide à la politique d'Israël à Gaza. Au-delà du transfert d'armes et de fonds, ces nations se rejoignent maintenant dans l'imposition de ces conditions de vie qui conduiront à la destruction physique des Palestiniens.

Outre les morts par bombardements, tirs de snipers, guerre chimique et armes autonomes, la faim domine la Bande de Gaza. Cela n'a rien d'exceptionnel : dans la Convention sur le génocide, la famine est mentionnée spécifiquement comme méthode et indicateur du crime de génocide. Raphael Lemkin, le « père de la Convention sur le génocide », était très préoccupé par l'utilisation délibérée de la famine lorsqu'il a créé le terme de génocide et fait campagne en faveur d'une codification du génocide dans le droit international. Dans son livre Axis Rule in Occupied Europe, il cite le Generalfeldmarschall von Rundsted, haut personnage nazi, qui fait l'éloge des politiques de « sous-alimentation organisée », et il note les observations de von Rundsted à l'École militaire de la Wehrmacht, selon lesquelles la création de situations de famine serait « préférable aux mitrailleuses » comme technique d'anéantissement. De fait, la soumission délibérée de populations à la famine est une tactique que les armées les plus brutales de l'histoire ont utilisée pour atteindre des objectifs stratégiques, et son incrimination constitue une pierre angulaire du droit international humanitaire. Ces décisions récentes de suspension du financement de l'UNRWA représentent une attaque concertée de cette norme.

Tandis que la situation se détériorait à Gaza, plusieurs parties concernées ont activé les protocoles de la Integrated Food Security Phase Classification (IPC, Classification intégrée des phases de la sécurité alimentaire), dont le Famine Review Committee (comité d'examen de la famine) a constaté en janvier 2024 que 500 000 Gazaouis avaient été conduits aux niveaux “catastrophiques” de faim définis par la Phase 5 – risque imminent de famine massive et de mort. Cela correspond largement à 80% des personnes dans le monde entier qui risquent actuellement de mourir de faim. Chaque enfant dénutri, chaque famille affamée, chaque camp de réfugiés privé d'accès à la nourriture sont des tragédies – au niveau collectif, c'est un crime, dont sont responsables ceux qui empêchent l'accès activement et en connaissance de cause. Arif Husain, économiste en chef du PAM, le Programme alimentaire mondial, a lancé au début de 2024 une mise en garde sans précédent : « De ma vie, je n'ai jamais rien vu de pareil en termes de gravité, d'ampleur, et à une telle vitesse. »

La radio Voice of America a confirmé qu'il y a aux portes de Gaza pour un mois d'approvisionnement alimentaire, qui ne peut pas y entrer. L'aide humanitaire qui parvient à franchir le siège israélien a besoin du système logistique de l'UNRWA pour atteindre ceux dont les besoins sont les plus grands. L'UNRWA fournit également des services d'une importance essentielle et de l'alimentation dans d'autres régions de Palestine et pour la diaspora, notamment Jérusalem-Est, la Jordanie, le Liban, la Syrie et la Cisjordanie. Les nations auxquelles nous nous adressons représentent plus de 60% du budget de l'UNRWA pour l'alimentation, l'éducation et le logement. La perturbation de l'aide inflige des souffrances à tous les Palestiniens, et elle est assimilable à un châtiment collectif motivé par des allégations portées contre 12 employés de l'ONU.

La mise en garde et la condamnation exprimées par le Lemkin Institute sont à l'unisson des paroles d'intellectuels, de militants, d'humanitaires et de nations préoccupées dans le monde entier. Contournant la censure par l'armée israélienne de la presse de ce pays, Aeyal Gross, expert en droit international à l'université de Tel Aviv, a dit explicitement que l'UNRWA devrait être « soutenue », et non privée de financements, soulignant que l'UNRWA joue « un rôle humanitaire important dont les gens dépendent, répondant à des besoins qui continueront à exister ». Ayman Safadi, ministre jordanien des Affaires étrangères, a décrit ces actes comme un châtiment collectif, et a demandé avec insistance aux pays qui ont suspendu leurs versements de revenir sur leur décision. La Norvège a réprimandé ses alliés de l'OTAN et sa voisine la Finlande, déclarant qu'elle continuerait ses versements afin de « sauver des vies et de sauvegarder des besoins et des droits fondamentaux ». Espen Barth Eide, ministre norvégien des Affaires étrangères, a fait appel à la conscience de ses collègues, leur demandant de « réfléchir aux conséquences plus vastes d'une suppression du financement de l'UNRWA en cette période de détresse humanitaire extrême », qualifiant la décision de la Norvège de choix, par principe, de ne pas participer à une coalition qui cherche à « punir collectivement des millions de personnes ». L'Irlande, elle aussi, a formulé une déclaration ferme d'opposition, exprimant « une pleine confiance » en la direction de l'UNRWA. De façon réconfortante, l'Union européenne tient bon face aux abandons coordonnés, annonçant qu'elle suivra les protocoles d'enquête en vigueur, que « les engagements de financement de l'UE ont été honorés et que les versements n'ont pas été suspendus », et, avec le Haut représentant Josep Borrell, notant spécifiquement que la réponse appropriée à la révélation d'agissements illicites consisterait à renforcer les contrôles internes. Nous espérons que davantage de pays, d'organisations, de personnalités uniront leurs voix à celles-ci pour protéger la vie de Palestiniens vulnérables.

Le Lemkin Institute constate avec inquiétude que le moment où survient cette action peut faire penser à des représailles contre l'ordonnance de la CIJ relative à des mesures de prévention dans la procédure Afrique du Sud contre Israël. Assurément, elle contribue à réaliser un objectif de longue date des éléments israéliens qui espèrent priver de leur statut de réfugiés les populations auxquelles s'adresse l'UNRWA. Tania Hary, directrice générale de Gisha, une organisation de défense des droits humains basée à Tel Aviv, a dénoncé sans tarder la coalition internationale, avertissant la communauté internationale que cet acte représentait une partie du plan d'un gouvernement israélien extrémiste, auteur de destructions et de souffrances sans limites, et résolu à éliminer les aspirations palestiniennes à l'autodétermination, ou même à la survie. Cela n'a rien à voir avec telle ou telle allégation.

Pour aller dans ce sens, le Lemkin Institute rappelle aux lecteurs que Noga Arbell, ancienne haute fonctionnaire du ministère israélien des Affaires étrangères et actuellement à la tête de la fondation de droite Kohelet, a demandé instamment au gouvernement de crise israélien, au début de janvier, d'agir rapidement pour affaiblir l'UNRWA, affirmant : « Il sera impossible de gagner la guerre si nous ne détruisons pas l'UNRWA, et cette destruction doit commencer immédiatement. »

C'est à la suite des remarques d'Arbell que l'Agence de sécurité d'Israël (ISA, connue sous le nom de Shin Bet) a fait connaître ses allégations contre le personnel de l'UNRWA. Selon des médias israéliens, les dires de l'ISA étaient fondés en grande partie sur des aveux extraits d'interrogatoires de combattants capturés le 7 octobre. Qu'il soit vrai ou faux que les allégations étaient fondées sur des “aveux”, il est important de noter qu'Israël torture régulièrement ses captifs palestiniens, une méthode dont on a pu constaterqu'elle produit des renseignements inexacts et non fiables. Après les attaques du 7 octobre, le gouvernement de crise israélien a priset renouvelé plusieurs mesures pour légaliser une politique d'internement massif et de torture institutionnalisée des détenus. La Commission des affaires des prisonniers et ex-prisonniers palestiniens a fait une comparaison directe entre la prison de Ktzi'ot et Abu Graib. Euro-Med Monitor a comparé à Guantanamo Bay le site de Sdeh Teiman, où des prisonniers palestiniens auraient été tués en masse, et qui pourrait être défini comme un centre potentiel d'exécution en raison d'allégations d'exécutions sommaires non déclarées et de la confirmation par Israël de morts des suites de torture. Selon certaines informations, le camp d'Antot et la prison de Damon sont placés sous un régime de violences et des sévices sexuels y seraient pratiqués en représailles contre des Palestiniennes. Tous ces établissements se voient imputer spécifiquement des violations de l'Article (7)(1)(I) du Statut de Rome, définissant le crime de disparition forcée, par l'ONG palestinienne Addameer Prisoner Support and Human Rights Association (association pour le soutien aux prisonniers et les droits humains). Avant ces mesures, on savait même en Israël que le Shin Bet avait recours à la torture pour obtenir de faux aveux. Israël a systématiquement refusé au Comité international de la Croix-Rouge d'avoir accès aux détenus. Euro-Med Monitor a demandé au Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et au Groupe de travail sur la détention arbitraire d'enquêter sur le traitement des détenus par Israël, Israël ayant potentiellement entrepris, selon la requête formulée, d'effectuer leur “liquidation”.

Les États qui ont choisi de suspendre leurs versements à l'UNRWA doivent comprendre les conditions d'interrogation en Israël. Aux termes du droit international, les aveux extorqués sous la torture ne peuvent pas être retenus comme preuves, Amnesty International soulignant que cette interdiction est absolument “intangible” – « c'est-à-dire qu'elle ne peut souffrir aucune dérogation, même dans des circonstances exceptionnelles ». Le Lemkin Institute for Genocide Prevention demande donc instamment aux pays suivant : Allemagne, Australie, Autriche, Canada, Estonie, États-Unis, Finlande, France, Islande, Italie, Japon, Pays-Bas, Roumanie, Royaume-Uni, Suisse, d'examiner leur règlementation nationale d'interdiction de la torture.

Alors que les éléments publiés initialement par les médias ne mentionnaient que les 12 employés accusés – neuf licenciés, un mort, deux dont les identités n'étaient pas claires – [la journaliste du Times of Israel] Carrie Keller-Lynn a indiqué que l'administration Biden n'avait pas réagi à cette information accessible au grand public, mais à un dossier de renseignement privé fourni par les services israéliens de renseignement. Selon le Wall Street Journal, le dossier du Shin Bet est basé sur des renseignements électromagnétiques, des documents provenant de cadavres et des interrogatoires menés par des agences israéliennes de renseignement, et contient l'affirmation suivante : certes, 6 employés pouvaient être rattachés à un soutien logistique ou direct des attaques du 7 octobre, mais potentiellement 10% des salariés de l'UNRWA pourraient avoir des liens à plusieurs éléments de la résistance palestinienne. Selon toute apparence, l'existence de ces liens est démontrée par des moyens extrêmement tendancieux, notamment en invoquant les relations familiales. On considère la légalisation de la punition familiale (kin punishment) comme une étape importante dans la construction du régime d'apartheid d'Israël : c'est un présupposé de culpabilité collective qui est condamné en vertu du droit international humanitaire (DIH). Selon l'Observation générale 29 sur l'article 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, il est clair que même un état d'urgence ne peut pas justifier les violations du DIH coutumier, entre autres la Règle 103 (interdiction des peines collectives), qui s'applique non seulement aux actions militaires, mais aussi aux sanctions pénales, policières et administratives. Les actions israéliennes, particulièrement dans le passé, ont pris soin de formuler nettement la position selon laquelle cette garantie est applicable à « tous les individus, quel que soit leur statut ou la catégorie de personnes à laquelle ils appartiennent » à l'intérieur ou à l'extérieur des zones de conflit, indépendamment d'un état d'urgence.

La révélation que le président Biden et potentiellement d'autres pays de la coalition se sont appuyés sur des briefings des services de renseignement israéliens, qui restent cachés au public, pour prendre une décision aussi importante, souligne la nécessité d'être à la fois transparent et prudent. L'Institut Lemkin rappelle à ses lecteurs le rapport Brom, préparé pour le Centre Jaffee d'études stratégiques de l'Université de Tel Aviv, dans lequel le général de brigade israélien Shlomo Brom mettait en garde contre la probabilité que « des organes gouvernementaux ont manipulé fallacieusement des renseignements afin d'obtenir un soutien » pour une invasion de l'Irak grâce aux « relations entre services de renseignement [israéliens] et décideurs de haut niveau », présentant aux journalistes et aux partenaires de l'État « une évaluation exagérée », qui était basée sur un « tableau des services de renseignements [qui] a été manipulé ». Ce rapport a été publié pour éviter que des erreurs similaires ne se reproduisent. Plusieurs exemples de données des services de renseignements surévaluées ou incorrectes au cours des représailles israéliennes contre Gaza ont conduit certains analystes à avertir publiquement que la « crédibilité d'Israël est mise à mal« . L'Institut Lemkin cherche à souligner que, compte tenu de ces préoccupations concernant la recevabilité, la crédibilité et le calendrier, une précipitation dans le jugement, au lieu d'une confiance dans le protocole d'une enquête méthodique comme le demande instamment l'Union européenne, peut s'avérer être une erreur aux conséquences fatales.

La sécurité et le caractère sacré du statut de réfugié dans la région ont été régulièrement violés par Israël – il ne s'agit plus d'une allégation, mais d'un élément essentiel du plaidoyer sud-africain devant la CIJ. Prendre des mesures contre l'UNRWA dans son ensemble représente une intensification des actes anti-réfugiés, y compris pour les 58 camps de réfugiés qui sont tributaires du financement de l'UNRWA, de ses responsabilités premières et de ses activités courantes. Le Dr Nicola Perugini, spécialiste du droit international et grand expert des boucliers humains dans les conflits et de la destruction intentionnelle des hôpitaux, note que cette « tentative de liquider l'UNRWA est clairement une tentative de détourner l'attention de l'ordonnance de la CIJ sur le génocide….. Détruire l'UNRWA révèle précisément l'intention génocidaire : Les efforts calculés d'Israël pour intensifier la famine à Gaza ». L'Institut Lemkin est d'accord, avertissant sans équivoque que les menaces sur le financement des opérations de l'UNRWA suggèrent l'intention de détruire, en tout ou en partie, le peuple palestinien, par la destruction de la bouée de sauvetage fournie par l'UNRWA.

Au moment de la rédaction de cette déclaration, la situation est fluide et active – l'un des principes clés de la prévention des génocides est d'anticiper et d'empêcher les actes destructeurs de la vie. Les trois piliers de la Responsabilité de Protéger devraient guider toutes les nations, et GenPrev invite tout le monde à agir. La famille du ministre canadien du Développement International, Ahmed Hussen, après son choix de participer directement à l'aggravation des conditions de famine des Palestiniens, l'a publiquement blâmé dans une lettre émouvante, en utilisant notamment une traduction de la phrase somalienne dhiiga kuma dhaqaaqo : ton sang ne bouge-t-il pas ?

Pour un avenir plein d'espoir, nous rappelons à nos lecteurs la lettre de démission publique de Craig Mokhiber. Il a écrit qu'il avait trouvé une force et une voie à suivre dans la position de principe adoptée dans des villes du monde entier ces derniers jours, alors que des masses de personnes se dressent contre le génocide, même au risque d'être battues et arrêtées. Les Palestiniens et leurs alliés, les défenseurs des droits de l'homme de tous bords, les organisations chrétiennes et musulmanes et les voix juives progressistes qui disent « pas en notre nom », tous et toutes ouvrent la voie. Il ne nous reste plus qu'à les suivre.

Bien que tous les auteurs de génocide donnent des justifications à leurs actes, ceux-ci ne sont pas pour autant justes ou légitimes. Lemkin a notamment mis en garde contre le fait que le génocide peut être considéré comme la transformation d'une « barbarie ancienne en principe de gouvernement », composée d'actes empreints d'une « finalité sacrée », qui s'attaquent au fil du temps aux fondements essentiels de la vie des groupes nationaux, de sorte que ces derniers s'étiolent et meurent comme des plantes victimes de dépérissement. Le but peut être atteint par la désagrégation forcée des institutions politiques et sociales, de la culture du peuple, de sa langue, de ses sentiments nationaux et de sa religion. Elle peut se faire en supprimant toute base de sécurité personnelle, de liberté, de santé et de dignité.

Les techniques de génocide mentionnées par Lemkin ci-dessus sont toutes présentes dans les actions d'Israël contre les Palestiniens de Gaza, de Cisjordanie et de Jérusalem-Est, et sont maintenant appuyées par la coalition visant à défaire l'UNRWA. Célébrant ces actions, Noga Arbell a exhorté les Israéliens à aller plus loin, en condamnant Aharon Barak pour ses votes à la CIJ et en contestant l'autorité même de la CIJ pour faire appliquer la Convention sur le génocide. Selon elle, Israël devrait expulser l'UNRWA des territoires occupés et de Gaza parce qu'il « permet à des terroristes de naître ». Le ministre israélien des affaires étrangères, Israël Katz, a tweeté le 27 janvier non seulement pour féliciter le Canada de s'être joint aux États-Unis pour supprimer le financement de l'UNRWA, mais aussi pour faire pression en faveur de la suppression totale de l'UNRWA, afin de ne pas perpétuer « la question des réfugiés », c'est-à-dire les demandes de réparation formulées par le groupe national palestinien après la Nakba. Il a écrit : « Sous ma direction, le @IsraelMFA vise à promouvoir une politique garantissant que l'@UNRWA ne fera pas partie du jour d'après…. Nous nous efforcerons d'obtenir un soutien bipartisan aux États-Unis, ainsi que des soutiens dans l'Union européenne et d'autres pays du monde, pour cette politique visant à mettre fin aux activités de l'UNRWA à Gaza ».

L'Institut Lemkin exhorte les acteurs internationaux à ne pas oublier les êtres humains qui vont être touchés par le dé-financement punitif de l'UNRWA. Yamen Hamad, père de quatre enfants, a échappé aux bombes israéliennes qui ont détruit sa maison en octobre. Lui et ses enfants ont survécu, et ils dépendent maintenant de l'UNRWA pour la nourriture, ce qui reste de leur famille s'abritant dans un bâtiment scolaire reconverti de l'UNRWA à Deir Al-Balah, le plus petit camp de l'organisation. Pour lui et ses enfants, la situation est claire. « Les pays qui ont suspendu l'aide à l'UNRWA, déclare-t-il, se sont déclarés partenaires [d'] … une guerre de la faim contre nous ».

Il n'existe pas encore de dénomination pour la coalition des nations qui retirent leur financement à l'UNRWA, ce qui entraîne une certaine maladresse dans la désignation de ce groupe d'États ad hoc. Le Dr Ghassan Abu Sitta, de Médecins Sans Frontières, un vétéran de l'humanitaire qui a travaillé au Yémen, en Irak et en Syrie, qui a témoigné sur les crimes de guerre, et qui est un expert de premier plan dans la récupération des blessures subies par les enfants après les massacres, a fait une suggestion brutale à la suite de l'annonce de M. Biden et de ses collègues : « Avec la suppression du financement de l'UNRWA, un clair Axe du Génocide est apparu. Les individus, les institutions et les pays doivent décider : êtes-vous avec l'Axe du Génocide, ou contre lui ? »

Nous demandons instamment aux dirigeants des États qui ont décidé de retirer leur aide à l'UNRWA de faire marche arrière. Nous exhortons également les populations du monde entier à prendre des mesures préventives pour s'assurer que leurs pays agissent conformément aux exigences de la Convention sur le génocide. Enfin, nous demandons instamment aux instances judiciaires internationales de poursuivre tous les dirigeants qui ont choisi de participer au génocide contre les Palestiniens de Gaza, en plus de ceux qui sont responsables de complicité dans ce crime.

https://www.lemkininstitute.com/statements-new-page/statement-on-recent-threats-to-unrwa-and-the-shift-between-potential-complicity-and-direct-involvement-in-the-crime-of-genocide-against-palestinians-by-several-nations
traduction SF, SK, SM pour l'Aurdip
https://aurdip.org/declaration-sur-les-recentes-menaces-sur-lunrwa-et-sur-le-passage-dune-possible-complicite-a-un-engagement-direct-dans-le-crime-de-genocide-contre-les-palestiniens-de-la-part-de-plus/

Publication initiale dans : https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/02/08/nous-avons-besoin-de-mesures-innovantes-contre-les-genocidaires-autres-textes/

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5 Tracts et 10 affichettes pour la grève féministe du 8 mars 2024 - #UnJourSansNous

13 février 2024, par Confédération Général du Travail (CGT) — , ,
Pour préparer la grève féministe du 8 mars #UnJourSansNous, retrouvez ici les revendications de la CGT pour gagner l'égalité avec 4 tracts thématiques à télécharger. Tiré (…)

Pour préparer la grève féministe du 8 mars #UnJourSansNous, retrouvez ici les revendications de la CGT pour gagner l'égalité avec 4 tracts thématiques à télécharger.

Tiré du site CGT
https://www.cgt.fr/actualites/france/interprofessionnel/egalite-femmehomme/tracts-pour-la-grevefeministe-8-mars-2024
Publié le 2 fév. 2024

Campagne égalité femmes hommes 8 mars

Le 8 mars n'est ni la fête de la femme, ni la fête des mères ou encore moins la Saint-Valentin.

C'est la journée internationale de lutte pour les droits des femmes, une journée de grève féministe de toutes et tous pour revendiquer et gagner l'égalité réelle au travail et dans la vie.
C'est aussi une journée de solidarité avec les femmes du monde entier et de lutte contre les idées d'extrême droite sexistes et patriarcales.

Toujours un quart en moins

Dans toutes les entreprises et administrations où elles sont présentes, y compris dans les métiers à prédominance masculine, les femmes subissent des inégalités de carrière et de revenus –avec un impact supplémentaire de la maternité, sur le déroulement de leur carrière.
De plus, les tâches domestiques et familiales leur incombent toujours, et les violences sexistes et sexuelles persistent.
#UnJourSansNous

Le 8 mars prochain, journée internationale de lutte pour les droits des femmes, la CGT, avec d'autres organisations syndicales et féministes en France et à travers la planète, appelle à une grève féministe afin de rendre visible ce que serait un jour sans femmes au travail.

Car un travailleur sur deux est une travailleuse et elles sont jusqu'à neuf sur dix dans de nombreux secteurs et métiers à prédominance féminine, si elles s'arrêtent, tout s'arrête !

Crèches, écoles, hôpitaux, Ehpad, commerces et services… fermés. Dans chaque entreprise et administration, plus de secrétariat, plus de compta, ni de service paie… L'économie serait de fait totalement à l'arrêt !
1 jour, 5 tracts, 10 affiches

À l'occasion du 8 mars, la CGT partage ses revendications pour gagner l'égalité entre les femmes et les hommes dans 1 tract généraliste et 4 tracts thématiques à lire et télécharger ici ⤵️ Au verso, vous pouvez imprimer des affichettes parmi une sélection de 10 visuels dans deux styles graphiques différents.

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Service public : les moyens de nos besoins

13 février 2024, par Clémentine Autain — , ,
Quelques jours après le colloque qu'elle a organisé à l'Assemblée Nationale sur les services publics, la députée Clémentine Autain revient sur l'urgence qu'il y a à les (…)

Quelques jours après le colloque qu'elle a organisé à l'Assemblée Nationale sur les services publics, la députée Clémentine Autain revient sur l'urgence qu'il y a à les remettre au premier plan dans leur globalité. Si les besoins ont évolué et augmenté, les moyens, eux, n'ont pas du tout suivi, le fossé s'est creusé entre les besoins de la population et la réponse de l'État, laissant ainsi une place croissante au privé.

5 février 2024 | tiré d'AOC media
https://aoc.media/opinion/2024/02/05/service-public-les-moyens-de-nos-besoins/

Quand j'étais adolescente, la France pour moi c'était les trains qui arrivent à l'heure. On savait quand on partait et quand on arrivait. À la minute près. C'était notre modèle, loin de celui de Reagan/Thatcher.

La privatisation des chemins de fer anglais avait été une telle catastrophe qu'il avait fallu renationaliser. Et nous, nous semblions résister à cette marchandisation du monde. J'étais fière. Cette France-là s'est effondrée. Contrairement à ce que je fantasmais, à l'idée que je me faisais de mon pays, elle n'a pas tenu bon.

C'est aujourd'hui l'éléphant dans la pièce. À gauche, alors que nous sommes de toutes les mobilisations pour empêcher une maternité, une classe d'école ou un bureau de poste de fermer, nous ne mettons pas au premier plan l'enjeu des services publics dans leur globalité – et pas seulement pour exiger plus de moyens. Cet angle est pourtant essentiel si l'on veut déjouer les logiques capitalistes et organiser la réponse à nos besoins. Le service public est une clé qui ouvre plusieurs portes. À condition de décloisonner, de ne pas laisser enfermer chaque secteur dans son couloir de nage mais d'embrasser la totalité du sujet. Car ce sont les mêmes maux qui appellent les mêmes changements profonds.

Le choix néolibéral conduit partout à la casse des biens communs. La pensée dominante, avec ses déclinaisons gouvernementales depuis des décennies, part de l'idée que le privé serait plus efficace que le public. Les fonctionnaires seraient trop nombreux[1]. La dépense publique serait un coût. Le management privé, avec sa politique du chiffre, ses primes, son « reporting » et ses tableaux Excel, serait plus efficace que le temps pour la relation humaine et la coopération.

Jusqu'au sommet de l'État qui se rue désormais sur les agences de conseil pour orienter ses choix, avec des haut fonctionnaires toujours plus à l'affût de pantouflage, l'esprit public est dilapidé. Il nous faut mieux et plus de services publics. C'est un moyen d'agir pour une répartition primaire des richesses, et pas seulement pour la redistribution. C'est également un ferment de cohésion sociale car les services publics ont vocation à répondre à toutes et tous, sans distinction, dans un souci d'égalité. Ma conviction est qu'à gauche, nous avons le devoir et la légitimité de porter cette voix. Haut et fort.

S'emparer du service public, c'est relier « les tours et les bourgs », pour reprendre l'expression de François Ruffin, qui a raison d'alerter sur l'adéquation entre notre discours et les attentes des catégories populaires habitant dans les sous-préfectures. Depuis la crise des gilets jaunes, j'ai l'obsession de trouver ce qui peut fédérer le monde populaire des banlieues, comme celles de chez moi en Seine-Saint-Denis, et des territoires ruraux, périurbains. Car je me méfie des soustractions. S'il fallait arrêter de batailler contre les violences policières ou le racisme au motif que cela n'intéresserait pas voire rebuterait dans la Creuse ou en Baie de Somme, je crois profondément que nous ferions fausse route. C'est pourquoi les services publics m'apparaissent comme un élément fédérateur.
La macronie a massacré les services publics : quand va-t-elle les réparer ? Évidemment jamais, car la « Start'up Nation » est engluée dans les normes du marché, loin de l'esprit public.

Quand je vais à Pamiers ou à Guingamp, on m'interpelle sur les retards de train, la maternité désormais à plus de 45 minutes, le manque de places en Ehpad… À Sevran, si les questions se posent parfois différemment – ce n'est par exemple pas pareil d'avoir un RER souvent en panne que pas de train du tout –, elles sont de même nature : lignes de bus qui disparaissent, urgences d'hôpitaux fermées la nuit, manque d'AESH…

Le sentiment de déclassement ne se joue pas que dans le travail qui ne permet plus de vivre dignement, la désindustrialisation, l'inflation et les bas salaires. Il a également à voir avec l'espace public qui recule, le dépérissement de tout ce qui permet le lien social, le creusement des inégalités territoriales. Nous avons là un fil potentiellement mobilisateur et unifiant. Ici et là, le service public est au cœur des préoccupations quotidiennes. Il n'est pas toujours identifié comme tel. Comme il fut longtemps décrié, l'expression elle-même de service public a été sortie des radars, avant de réapparaître progressivement notamment à la faveur de la crise Covid.

Si je suis convaincue que les services publics doivent (re)devenir un identifiant majeur à gauche, c'est aussi en écho à l'une de mes préoccupations anciennes, le processus d‘individuation. Ce concept forgé par le sociologue Georg Simmel, que j'ai découvert dans les travaux de Bernard Stiegler, dit la relation indispensable entre l'individu et le collectif : l'interaction entre le « je » et le « nous » est un facteur majeur de l'émancipation humaine. Or aujourd'hui, c'est le « nous » qui est malade. L'épanouissement individuel se trouve empêché par l'étiolement du lien social, l'effondrement de l'égalité et de la fraternité. Dans son discours de politique générale, Gabriel Attal a asséné aux jeunes : « tu casses, tu répares ». Après d'autres, la macronie a massacré les services publics : quand va-t-elle les réparer ?

Évidemment jamais, car la « Start'up Nation » est engluée dans les normes du marché, loin de l'esprit public.

Mon engagement ne relève pas de la seule construction intellectuelle. Quelque chose vient des tripes. Du cœur. De la rage intérieure. Dans ma circonscription, il y a bien longtemps que je vais soutenir les luttes au grand hôpital Robert Ballanger. Mais ce qui est nouveau, c'est qu'à chaque fois désormais, ou presque, je vois des femmes pleurer en évoquant leur situation et parfois des hommes au bord des larmes – la dimension de genre est passée par là. Maintenant ce sont aussi les enseignants qui pleurent. On me raconte qu'en période de rentrée scolaire, dans les collèges de mon secteur, il ne se passe pas une semaine sans qu'un jeune nouvellement affecté craque en salle des profs.

Les usagers aussi sont à bout. Dans le RER B, coincé à une station faute de personnel de maintenance suffisant, j'ai vu des femmes pleurer parce qu'elles n'arriveront pas à temps pour chercher leur bébé à la crèche. Dans le Paris-Clermont, il y aussi de quoi bouillir. L'autre jour, ma collègue Marianne Maximi me racontait qu'une panne de train avait conduit à l'arrêt sur les voies pendant une nuit entière, laissant les passagers sans chauffage en plein hiver et sans toilettes. C'est la Croix-Rouge qui a apporté des couvertures de survie et de l'eau !

Et comment ne pas penser à ces personnes qui meurent sur des brancards dans les couloirs des urgences alors qu'ils auraient pu être sauvés s'il y avait eu suffisamment de moyens et de personnel ? Ou à ces femmes qui accouchent dans leur voiture parce que la maternité a fermé[2] et qu'elles doivent se rendre à plus de 45 minutes de leur domicile ? À ces nouvelles victimes des algorithmes de la CAF qui traquent les pauvres[3] ? Aux déçus des maisons France services, qui hurlent ou crachent au visage des personnels incapables d'apporter une solution à leur problème – ils n'en ont pas la compétence, ni le pouvoir ?

D'intensités variables, toutes ces souffrances d'agents et d'usagers sont insupportables parce qu'elles relèvent directement de choix politiques dogmatiques et irresponsables.

Pour tuer son chien, on dit qu'il a la rage. Le sabotage pour ouvrir des marchés au privé a été méthodiquement organisé depuis les années 1980-1990. Le discours de mépris à l'égard des fonctionnaires et de dénigrement des services publics s'est ancré dans notre pays, ouvrant la voie aux vagues successives de privatisations, initiées par Pinochet au Chili[4]. Le tournant néolibéral s'est affirmé, adossé progressivement à l'obsession de la dette ainsi qu'à l'instauration du « New Public Management », qui distille la notion de rentabilité dans le public – un contre-sens total. L'État a organisé son propre délitement. À ce rythme, nous finirons peut-être comme dans Les Furtifs d'Alain Damasio où la ville d'Orange se voit rachetée par l'entreprise du même nom… La dystopie nous rattrape.

Il est temps d'augmenter les recettes de l'État et des collectivités, et donc de taxer les grands groupes et les hyper-riches pour financer les biens communs.

« La folie, c'est de faire toujours la même chose et de s'attendre à un autre résultat », disait Einstein. À nous d'affirmer un autre chemin. L'État doit être garant des intérêts collectifs, et non un allié du privé. Il faut d'urgence bâtir un nouvel esprit public de gouvernement pour partir des besoins pour organiser la société – une révolution ! Dans cette optique, il ne s'agit pas seulement de défendre les services publics mais d'en conquérir de nouveaux. Avec l'urgence écologique, la hausse de l'espérance de vie, et donc des soins, ou encore l'augmentation du nombre de bacheliers, et donc des places dans l'enseignement supérieur, les besoins ont évolué et augmenté. Or les moyens, eux, n'ont pas du tout suivi. Comme l'a remarquablement documenté le collectif « Nos services publics », le fossé s'est creusé entre les besoins de la population et la réponse de l'État, laissant ainsi une place croissante au privé[5].

En s'emparant des services publics, c'est l'impôt que l'on peut réhabiliter. Car c'est l'occasion de dire qu'il est temps d'augmenter les recettes de l'État et des collectivités, et donc de taxer les grands groupes et les hyper-riches pour financer les biens communs[6]. En prenant à bras-le-corps les services publics, nous affronterons le pouvoir du capital car ils représentent autant d'incursions dans la propriété privée. C'est un véritable mouvement de démarchandisation que nous pouvons enclencher. Pourquoi Doctolib, qui collecte nos données personnelles, devrait-il être privé ? Pourquoi laisserions-nous 3 000 gares en France gérées par une filiale de la SNCF qui les transforme en centres commerciaux quand nous pourrions y installer des espaces culturels, des guichets administratifs, des salles de sport ou des locaux associatifs ?

Le mot « public » dans la Rome antique désignait les choses qui ne devaient appartenir à personne et placées de fait hors commerce. Le service public est l'occasion de repenser la place de l'État car il ne s'agit aucunement d'en revenir au Gosplan. À l'État, avec les collectivités locales, revient la mission essentielle d'organiser le débat démocratique sur la définition de nos besoins, qui ne sont pas figés une fois pour toutes et qui supposent des compromis entre différentes nécessités, et de planifier les réponses concrètes[7]. Mais cela ne veut pas dire que tout service public doit être administré par l'État, ni même par les villes, départements ou régions.

Les associations, les mutuelles, l'économie sociale et solidaire ont vocation à participer de ce mouvement de renforcement des services publics. En revanche, ce qu'il faut affirmer, c'est le caractère non-lucratif de l'entité qui assume ces missions. Ce qu'il nous faut aussi inventer, c'est une place pour les usagers dans la conduite de ces services.

L'enjeu, c'est d'avancer vers le commun, comme le proposent Pierre Dardot et Christian Laval[8]. Ainsi nous pourrons imaginer de nouvelles formes de propriétés. Des biens et services pourraient devenir inaliénables – et s'ils n'appartiennent à personne, alors on ne pourra plus les vendre ! À la fin, peut-être comprendrons-nous que, comme le chante Barbara[9], on peut être riche de la dépossession.

Clémentine Autain
DÉPUTÉE

Notes

[1] Pour comprendre l'ancienneté de ce discours : Emilien Ruiz, Trop de fonctionnaires ! Histoire d'une obsession française, Fayard, 2021.
[2] Le nombre de maternités est passé de 816 à 478 entre 1995 et 2020, soit une diminution de 42 %.
[3] Voir article Le Monde.
[4] Laurent Mauduit, Prédations. Histoire des privatisations des biens publics, La Découverte, 2020.
[5] Nos services publics, Rapport sur l'état des services publics, Équateurs Documents, 2024.
[6] Ces mesures de financement sont comprises dans notre récent appel à 13 mesures d'urgence pour les services publics.
[7] Razmig Keucheyan, Les besoins artificiels. Comment sortir du consumérisme, La Découverte, 2019 (réédité en poche).
[8] Pierre Dardot et Christian Laval, Commun. La révolution au XXIe siècle, La Découverte, 2014 (réédité en poche).
[9] Dans sa chanson Perlimpinpin.

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Gaza : Au Royaume-Uni, les blocages d’usines d’armement se multiplient

En France, la parole et l'action en soutien aux victimes du nettoyage ethnique actuellement en cours à Gaza sont invisibilisées ou criminalisées. Au Royaume-Uni, le mouvement (…)

En France, la parole et l'action en soutien aux victimes du nettoyage ethnique actuellement en cours à Gaza sont invisibilisées ou criminalisées. Au Royaume-Uni, le mouvement anti-colonial est puissant et s'en prend depuis plusieurs mois aux usines qui produisent des pièces d'avion, des missiles et des armes à destination de l'armée israélienne. Olly Haynes s'est rendu dans plusieurs villes d'Angleterre où des manifestations ont eu lieu. Une source d'inspiration pour la France ?

7 février 2024 | tiré du site Frustrations
https://www.frustrationmagazine.fr/gaza-armement/

Le 8 décembre dernier, dès 7h du matin, la petite ville de Wimborne, dans le sud de l'Angleterre, est réveillée par des slogans entonnés tels que « arrêtez d'armer Israël » ou « pas de travailleur à l'intérieur, pas d'arme à l'extérieur ». Ce jour-là, 600 syndicalistes et militants ont rejoint Wimborne pour bloquer les entrées de l'usine d'Eaton Mission Systems, une entreprise possédant un « permis d'exportation ouvert » pour ses pièces d'avion de combat F-35 actuellement utilisées par Israël pour bombarder Gaza.

« Je suis médecin et je suis ici pour faire fermer une usine d'armes qui fournit des pièces essentielles [sonde de ravitaillement] pour des avions de guerre israéliens, les mêmes qui sont utilisés pour tuer en Palestine. Nous ne pouvons pas accepter ça, ça se passe sur notre propre sol, nous sommes ici pour la faire fermer et nous reviendrons encore jusqu'à ce que l'usine soit fermée pour de bon » explique Harriet, une manifestante.

Ce blocus marque la troisième action d'une série menée par le groupe Workers for Palestine (WFP), une coalition de syndicalistes et de militants. Lors de la première action, environ 150 personnes s'étaient réunies lors du blocus de Instro Precision, une filiale de Elbit Systems, entreprise d'armes Israéliennes implantée dans le Kent, une département britannique. La deuxième action avait réuni cette fois 400 activistes pour bloquer les portes de BAE Systems, entreprise d'armes britannique également fabricante de pièces pour les F-35. Cette troisième action à Wimborne est menée en coordination avec d'autres blocus d'usines à Glasgow, Lancashire et Brighton, réunissant quant à eux un millier de personnes.

“Les travailleurs et travailleuses ont un pouvoir très spécifique et différent du pouvoir qu'on obtient quand on rassemble tout le monde dans la rue.”
AMELIA HORGAN, MANIFESTANTE À WIMBORNE

Pourquoi ce mode d'action ? Amelia Horgan, une manifestante, m'informe qu'une partie du raisonnement derrière cette tactique de réunir des syndicalistes devant les portails de l'usine repose sur l'idée que « la législation autour des syndicats au Royaume-Uni est parmi les plus régressives d'Europe. Elle limite les raisons pour lesquelles un syndicat peut faire grève et empêche ainsi une action secondaire ». Cela signifie donc que faire grève pour montrer sa solidarité avec la Palestine est illégal. Cette situation est donc similaire à celle que l'on observe en France. En effet, il est difficile pour les ouvrier.es de déclencher une grève si celle-ci n'a pas de lien direct avec leur situation. Cela n'est pas le cas dans d'autres pays d'Europe comme la Suède, le Danemark, la Grèce ou encore la Belgique où les grèves de solidarité et les grèves politiques sont légales.

En revanche, selon Horgan, une partie de la stratégie de Workers for Palestine consiste à parler avec les ouvriers en conflit de travail avec leurs dirigeants dans ces usines afin de leur apporter du soutien et essayer de les convaincre de la nécessité de cette solidarité matérielle avec la Palestine.

Blocage des portes d'une Usine BAE System dans le Kent

Elle ajoute que bien qu'elle pense que les grandes manifestations à Londres soient importantes, « la pensée de notre organisation repose sur le fait que les travailleurs et travailleuses ont un pouvoir très spécifique et différent du pouvoir qu'on obtient quand on rassemble tout le monde dans la rue. Nous essayons ainsi de bâtir un pouvoir de manière plus durable et à long terme en menant ces actions ciblées ».

Les manifestants à Wimborne ont en effet essayé de se montrer convaincants : j'ai suivi un groupe dont le but était de sonder l'opinion des riverains à propos de leur manifestation. Quelques habitant.e.s étaient hostiles, d'autres se sont montrés plus réceptifs, et beaucoup n'avaient aucune idée de ce qu'il se passait dans l'usine à côté de chez eux.

Une habitante, Laura, me dit : “je soutiens totalement [la manifestation]. Je ne savais pas ce qu'il se passait ce matin quand j'ai entendu le vacarme, et je n'avais aucune idée de ce qu'il se passait dans cette usine. Maintenant que je sais, je soutiens complètement”. Une autre riveraine, Sophie, ajoute qu'elle non plus ne savait pas que l'usine fabriquait des composants d'armes et partait du principe que le complexe était une université ou une usine plus classique.

Le blocus de Wimborne s'est déroulé en même temps que trois autres actions au Royaume-Uni, mais également en parallèle d'un blocus contre le groupe Exxelia à Paris, ainsi que celui de TERMA Group au Pays Bas et au Danemark. Les groupes ont publié une déclaration commune, annonçant que « Les manifestant.e.s de tous groupes, syndicats et frontières nationales ont uni leurs forces en solidarité avec le peuple palestinien. Appelés à l'action par Workers for Palestine, des militant.e.s du monde entier ont imposé l'arrêt immédiat du commerce et de l'exportation d'armes vers les forces d'occupation. Cette situation d'urgence et l'éradication du peuple palestinien ne peuvent être évitées que par une augmentation massive de la solidarité mondiale avec le peuple palestinien, capable de freiner l'occupation israélienne. »

Ils déclarent également qu'« un composant militaire fabriqué par Exxalia [l'entreprise notamment implantée à Paris] a permis aux forces israéliennes de guider avec précision un missile qui a frappé le toit de la maison familiale Shuheibar le 17 juillet 2014”. Le missile a tué trois enfants et gravement blessé deux autres

“Appelés à l'action par Workers for Palestine, des militant.e.s du monde entier ont imposé l'arrêt immédiat du commerce et de l'exportation d'armes vers les forces d'occupation. Cette situation d'urgence et l'éradication du peuple palestinien ne peuvent être évitées que par une augmentation massive de la solidarité mondiale avec le peuple palestinien, capable de freiner l'occupation israélienne.“

DÉCLARATION COMMUNE DES BLOCUS D'USINES AU ROYAUME-UNI, DANEMARK, FRANCE ET PAYS-BAS, DÉCEMBRE 2023

Chaque week-end depuis le 7 octobre, les rues des grandes villes du Royaume-Uni s'emplissent davantage de manifestant.e.s exigeant un cessez-le-feu. Par la suite, une partie de cette foule a commencé à occuper les gares afin de causer plus de perturbations. En plus de ces manifestations et des différents blocus organisés par WFP, d'autres actions ont vu le jour ciblant directement les ventes d'armes en Israël.

Cela résulte d'un processus d'apprentissage de près de 20 ans au sein du mouvement anti-guerre britannique. En effet, bien que près d'1,5 million de personnes aient manifesté en 2003 contre la guerre en Irak, cela n'avait pas produit l'effet escompté, étant donné la poursuite de l'engagement du Royaume-Uni dans ce conflit. Mesh Pillay, un des manifestants qui bloquait Eaton Mission Systems à Wimborne, me raconte :

“Ce qui me paraît être plus puissant aujourd'hui qu'à l'époque de la guerre en Irak, c'est une meilleure connaissance du système international qui engendre des conflits, ainsi que la manière dont nous pouvons et devons matériellement empêcher que cela se produise. C'est particulièrement inspirant.”

Blocage de l'usine de Wimborne

Le processus d'apprentissage initié par l'opposition à la guerre en Irak est également perceptible au sein du groupe Palestine Action. Ce mouvement est né en 2020, mais a vu « accroître la fréquence de ses actions » selon le cofondateur Huda Ammori. Ammori écrit en effet dans The New Arab en 2022, que malgré le nombre important de manifestant.e.s. dans la rue pendant la guerre en Irak, « ceux à qui profitait la guerre, c'est à dire les entreprises d'armes à travers la GB, n'étaient pas touchés. »

“Palestine Action” est quant à elle la faction certes la plus controversée mais aussi peut-être la plus efficace du mouvement. Ses membres utilisent en effet diverses tactiques dont le sabotage, notamment pour perturber les usines de Elbit Systems qui arme Israël au Royaume-Uni.

Ammori m'explique que les actions incluent notamment la dégradation matérielle : jet de peinture, détérioration de la climatisation des bâtiments, destruction d'équipement ou encore, coups de bélier contre les portails. Malgré quelques défaites devant les tribunaux, Palestine Action a connu des victoires majeures comme la fermeture d'une usine de Elbit à Oldham ou encore l'abandon de l'entreprise sous-traitante qui organise le recrutement des ingénieurs, concepteurs de logiciels, et personnel financier d'Elbit.

Ammori ajoute qu'« il faut observer la manière dont les usines d'armes sont dispersées en Europe. La grande partie des usines européennes sont implantées en Angleterre et je pense que c'est à cause des liens politiques et diplomatiques établis depuis 100 ans. Israël voit en effet la Grand Bretagne comme une de ses alliés les plus stratégiques, ce qui a pu donner l'idée aux entreprises Israéliennes qu'elles seront toujours bien accueillies pour fabriquer ces armes, et ce, quel que soit le parti au pouvoir. Mais ce qu'on fait chez Palestine Action c'est montrer que peu importe ce qu'en dit le gouvernement, nous, en tant que peuple, refusons l'implantation des usines dans notre pays, et nous allons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour les faire fermer ».

Ce type d'actions n'est pas le monopole d'un noyau dur syndicalistes et militants solidaires. D'autres actions se développent aussi dans la vie quotidienne. Leonardo, une entreprise italienne et l'un des principaux exportateurs d'armes vers Israël en est un parfait exemple : Cette entreprise entretenait en effet des liens avec le Luton Sixth Form College (équivalent britannique d'un lycée) que jusqu'à ce que les étudiant.e.s organisent des grèves pour protester contre ses liens avec l'entreprise ; obligeant ainsi le lycée à suspendre ses relations avec Leonardo. Les étudiant.e.s ont déclaré qu'ils continueraient à protester jusqu'à ce qu'ils aient la garantie que le collège romprait définitivement ses liens avec Leonardo.

En plus de ces mouvements étudiants, certains parents ont également commencé à se révolter. Le groupe Parents for Palestine a également occupé le hall de BAE Systems à Londres pour sensibiliser à la tragique situation des enfants de Gaza, victimes des armes produites par BAE Systems, en jouant avec leurs propres enfants.

Manifestants à Wimborne

Ces stratégies ne se limitent pas seulement à la perturbation directe des entreprises d'armement, elles visent également leurs financiers : En 2022, un rapport de plusieurs groupes de campagne affirmait que la banque Barclays avait investi plus d'un milliard dans des entreprises fabriquant et fournissant des armes à Israël et qu'elle aurait également fourni 3 milliards de prêts à ces entreprises (ce que Barclays nie). Depuis le 7 octobre, des manifestations ont donc eu lieu contre plusieurs agences bancaires, mais également contre le siège. Le 27 novembre, Extinction Rebellion a même été jusqu'à bloquer les serrures de 50 agences avec de la super glue, en signe de protestation contre leurs investissements dans l'industrie des armes et des combustibles fossiles.

“En tant que peuple, nous refusons l'implantation des usines dans notre pays, et nous allons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour les faire fermer”
HUDA AMMORI, COFONDATEUR DU GROUPE PALESTINE ACTION

Pendant ce temps, au sein de l'ONU, le Royaume-Uni s'est abstenu sur la résolution en faveur d'un cessez-le-feu. À Westminster, un député de gauche a présenté une motion visant à mettre fin aux ventes d'armes en Israël, mais la plupart des membres de la classe politique persistent à s'opposer à mettre fin aux violences à Gaza, et ce, malgré le soutien de 76 % de l'opinion publique en faveur d'un cessez-le-feu.

Pendant que les politiciens ne parviennent pas à représenter leur population, les militants quant à eux continueront à trouver des moyens concrets de perturber le fonctionnement de cette machine de guerre. La France, comme le Royaume-Uni , est impliquée dans cette machine de guerre. Selon le Rapport au Parlement sur les exportations d'armement de la France 2023, la France aurait vendu pour 25,6 millions d'euros de matériel militaire à Israël en 2022. Ce chiffre comprend 69 licences pour l'exportation des armes envers Israël. En 2022 la France autorisait l'exportation des produits ML4 à Israël pour un montant 9 151 000 euros. Concrètement, il s'agit de l'exportation de « bombes, torpilles, roquettes, missiles, autres engins et charges explosifs et équipements et accessoires ».

L'information sur quelles entreprises possèdent des licences n'est pas disponible librement, mais on sait que Thales et Dassault collaborent avec Elbit systems pour produire des drones et logiciels pour vendre en Europe. On sait aussi qu'il y a une usine de Nexter produisant des munitions chez La Chapelle-Saint-Ursin et que KNDS, la maison mère de Nexter collabore avec Elbit Systems sur la production des missiles systèmes pour les armées européennes.

Au Royaume-Uni les militant.e.s essaient de construire du pouvoir pour le long terme. “Nous reviendrons, nous n'arrêterons pas”, chantent les manifestants à Wimborne.

Olly Haynes

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8 MARS : journée internationale de lutte pour les droits des femmes

13 février 2024, par Collectif — , ,
Face aux attaques du gouvernement, des droites et extrêmes droites, partout les femmes résistent ! Grève féministe ! Nous appelons à la grève du travail, des tâches (…)

Face aux attaques du gouvernement, des droites et extrêmes droites, partout les femmes résistent !

Grève féministe !

Nous appelons à la grève du travail, des tâches domestiques, de la consommation. Parce que seules nos voix, nos cris, nos actions visibles pourront faire bouger la société et le pouvoir pour enfin obtenir l'égalité.

Solidarité avec les femmes du monde entier !

Le 8 mars, nous serons en grève en solidarité avec nos sœurs confrontées aux guerres qui sévissent dans le monde.

En solidarité avec celles qui font face à des bombardements massifs, à l'exode, sont victimes de viols de guerre, peinent à nourrir leur famille et elles-mêmes.

En solidarité avec toutes celles qui se défendent farouchement pour recouvrer leur liberté et leurs droits.

NON à la réaction, NON à l'extrême droite

Les idées d'extrême droite qui prônent la haine de l'autre, le racisme, la misogynie, la LGBTQIAphobie, remportent des succès électoraux partout dans le monde, se banalisent. En France, le gouvernement et la droite en reprennent à leur compte.

La loi immigration votée en décembre dernier en est un exemple. Même si un tiers des dispositions, comme celles instituant la préférence nationale ont été invalidées par le Conseil constitutionnel, cette loi raciste s'attaque au droit d'asile et à tou·te·s les sans papiers.

Nous réclamons l'abrogation de la loi immigration et la régularisation de tou·te·s les sans-papiers.

Nous voulons vivre et pas survivre !

Les inégalités salariales, les bas salaires et désormais l'inflation dégradent les conditions de vie. Les femmes représentent 62% des personnes payées au SMIC et 70% des bénéficiaires des banques alimentaires. Plus de 9 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté. 300 000 personnes dont 3000 enfants vivent dans la rue. Certaines en meurent.

Nous demandons la hausse des salaires, la revalorisation des minimas sociaux, la construction massive de logements sociaux.

Du travail et des salaires décents

Les femmes, notamment les mères isolées, sont particulièrement impactées par la vie chère, elles occupent des emplois mal rémunérés, sont souvent percutées par la précarité et le temps partiel imposé et touchent un salaire en moyenne ¼ inférieur à celui des hommes. Les femmes, dont les retraites sont 40% inférieures à celles des hommes, sont encore plus impactées par la dernière réforme.

Nous réclamons l'abrogation de la réforme Macron des retraites, des lois qui pénalisent les chômeurs·euses et les bénéficiaires du RSA. Nous réclamons la revalorisation des métiers féminisés (éducation, soin, nettoyage…), l'égalité salariale, l'interdiction du temps partiel imposé, la transformation des CDD en CDI. Nous voulons la retraite à 60 ans avec 37,5 annuités.

Des services publics au service de nos besoins

L'idéologie libérale vise à casser et à privatiser les services publics : hôpital, école, EHPAD, logement. Ce sont les femmes qui compensent cette carence auprès des enfants comme des plus âgé·e·s, des malades, au détriment de leur carrière, de leur autonomie financière, de leur santé.

Elles assument la grande majorité des tâches domestiques et d'éducation des enfants. Elles portent une charge mentale les obligeant à devoir constamment tout planifier.

Nous voulons des services publics de qualité et réclamons la création de services publics de la petite enfance et de la perte d'autonomie.

Nous voulons du temps pour vivre, un partage égal des tâches, une réduction du temps de travail pour toutes et tous.

Notre corps nous appartient

Le droit à l'avortement est un droit fondamental

Nous réclamons la réouverture de tous les centres d'interruption volontaires de grossesse fermés. Nous voulons inscrire dans la Constitution le droit à l'avortement de façon réellement protectrice.

Macron appelle à un “réarmement démographique », aux relents pétainistes et natalistes, comme si le désir d'enfant dépendait de l'injonction politique et nous prépare

un congé de naissance tout en pointant du doigt des parents « défaillants ».

LGBTQIA, nous voulons pouvoir faire nos choix de vie, vivre librement notre orientation sexuelle, nos identités.

Handicapées, nous subissons toutes les violences. Nous sommes privées de nos droits à l'autonomie, à l'éducation, à l'emploi, aux soins, et à la procréation. Nous voulons notre indépendance économique, l'accessibilité universelle à l'ensemble de l'espace public et à tous les lieux et bâtiments.

Stop aux violences sexistes et sexuelles

#MeToo est partout, dans tous les milieux. L'impunité persiste, 1% des viols sont condamnés.Macron se permet d' apporter son soutien à Depardieu, mis en examen pour viol et se porte ainsi garant de tout un schéma d'oppression. Les violences obstétricales et gynécologiques (VOG) sont systémiques et impunies. 9% des femmes se disent victimes de brutalités dans le soin selon le Haut Conseil à l'Égalité. Ce dernier insiste sur la persistance du sexisme chez les plus jeunes.
Quand 56% des victimes de violences sexuelles sont des mineur·e·s et 160 000 enfants victimes par an, Macron décapite la Commission Indépendante sur l'Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants et fait silence sur les 30 000 témoignages recueillis.

Alors que la France accueillera cet été les Jeux Olympiques et Paralympiques, nous demandons la mise en place d'actions concrètes pour lutter contre toutes les violences sexistes et sexuelles, protéger les victimes et combattre les réseaux de traite prostitutionnelle et de proxénétisme

Nous voulons restaurer la CIIVISE dans son but initial et suivre ses recommandations. Nous réclamons trois milliards pour lutter contre les violences, l'application des lois existantes, le vote d'une loi-cadre contre les violences masculines à l'encontre des femmes, des enfants et des minorités de genre.

Éduquer à l'égalité, un enjeu majeur

Une éducation à l'égalité doit permettre aux enfants de comprendre les mécanismes de domination s'exerçant dans notre société.

Nous voulons une éducation non sexiste, la mise en place effective d'une éducation à la vie affective et sexuelle qui intègre les notions de désir et de plaisir, d'une éducation au consentement et à l'égalité.

Le 8 mars, nous serons en grève contre le patriarcat et ce gouvernement. Nous montrerons le rôle fondamental des femmes dans la société : quand les femmes s'arrêtent, tout s'arrête.

Le 8 mars : grève féministe !

Toutes dans la rue en manifestation !

Premières signataires de l'appel :

Africa 93, Assemblée des femmes, Attac, CGT, Collectif CIVG Tenon, Collectif National pour les Droits des Femmes, Coordination des associations pour le Droit à l'avortement et la contraception, Coordination française pour le lobby européen des femmes , Diplomatie Féministe Femmes d'Avenir, les Effronté-es, Femen, Femmes contre les précarités, le chômage et les discriminations, Femmes Egalité, Femmes Solidaires, Fondation Copernic, FSU, Las Rojas, Ligue des Femmes Iraniennes pour la Démocratie, Maison des femmes Thérèse Clerc de Montreuil, Marche Mondiale des Femmes France, Mémoire traumatique et victimologie, Mouvement des Femmes Kurdes en France-TJK-F, Mouvement du Nid, Organisation de Solidarité Trans, Osez le Féminisme, Planning Familial, Réseau féministe Ruptures, SKB ( Union des Femmes Socialistes Turquie), Stop aux Violences Obstétricales et Gynécologiques, Union étudiante, Union nationale des étudiants de France, Union Nationale des Familles de Féminicides, Union syndicale Solidaires, Vigilance et Initiatives Syndicales Antifascistes

En soutien :

Les Écologistes, Ensemble !, France Insoumise, Gauche Démocratique et Sociale, Gauche Ecosocialiste, Génération.s, Jeunes Génération.s, Jeunes socialistes, Nouveau Parti Anticapitaliste, NPA-Nouveau Parti Anticapitaliste Jeunes, Parti Communiste Français, Parti Communiste des Ouvriers de France, Parti de Gauche, Parti Socialiste, Place Publique, Pour l'Ecologie Populaire et Sociale, Rejoignons-nous, Union Communiste Libertaire

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Pédocriminalité en ligne : « Nous constatons une inaction révoltante des pouvoirs publics, qui feignent l’ignorance »

Dans une tribune publiée au « Monde » le 17 janvier 2024, un collectif de responsables politiques et associatifs demande au gouvernement français de soutenir le règlement (…)

Dans une tribune publiée au « Monde » le 17 janvier 2024, un collectif de responsables politiques et associatifs demande au gouvernement français de soutenir le règlement européen contre la pédocriminalité en ligne et au portail de signalement Pharos de mener une vraie lutte contre les contenus pédopornographiques.

Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/02/09/pedocriminalite-en-ligne-nous-constatons-une-inaction-revoltante-des-pouvoirs-publics-qui-feignent-lignorance/

Le 20 novembre 2023, lors de la Journée internationale des droits de l'enfant, Charlotte Caubel, alors secrétaire d'Etat chargée de l'enfance, avait salué le travail de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants et appelé à l'élargissement de son action, en incluant notamment un phénomène qui explose la pédocriminalité en ligne. Au-delà du flou de cette évolution, nous dénonçons l'hypocrisie de ces déclarations au moment même où la France rechigne à soutenir le règlement européen contre la pédocriminalité en ligne.

L'urgence est pourtant majeure : 85 millions de contenus pédocriminels (vidéos et images) ont été détectés en ligne en 2022 avec une augmentation de 6 000% en dix ans, selon la commissaire européenne Ylva Johansson. Une peine de vingt ans de réclusion criminelle a été prononcée, en octobre, par la cour d'assises de la Meuse contre un père qui commettait des viols incestueux en série sur ses enfants et les partageait sur le Web avec d'autres pédocriminels. Mais pour une affaire jugée, combien de millions de vidéos en ligne en toute impunité ? Les solutions, pourtant, existent : elles nécessitent juste une volonté politique.

Au niveau européen tout d'abord, le règlement contre la pédocriminalité doit de façon urgente être soutenu par la France lors du Conseil des ministres des Affaires intérieures et de la Justice du 24 au 26 janvier et être adopté pleinement. Ce règlement impose aux plateformes de détecter, signaler et supprimer les vidéos des crimes sexuels sur mineurs.

En novembre, le Parlement européen a effectué un recul inadmissible qui compromet la sécurité des enfants en ligne : il met fin aux détections volontaires actuelles des plateformes pour scanner uniquement des contenus précis suspectés et exclurait le grooming (les propositions sexuelles faites sur Internet par un majeur à un mineur de 15 ans) du champ d'application des détections. Nous réclamons l'adoption du texte initial, avec une détection systématique jusque dans les messageries privées, qui est un des lieux de partage des viols d'enfants en streaming.

Plus de 60% des contenus pédocriminels sont hébergés par des serveurs européens et 96% des images pédocriminelles affectent des filles, selon le rapport Inhope de 2021. Le retrait des images pédocriminelles est la demande numéro un des survivants et survivantes, car le partage à l'infini de ces crimes est source de « retraumatisation ». Nous devons les protéger.

Interprétation erronée

Au niveau français, nous constatons une inaction révoltante des pouvoirs publics, qui feignent l'ignorance concernant l'illégalité de ce type de contenus en ligne.Pharos, l'organisme qui a un pouvoir de retrait administratif sur la pédopornographie et le terrorisme en ligne,a adopté une interprétation erronée et dangereuse de la définition d'un « contenu pédopornographique », comme le souligne le récent rapport du Haut Conseil à l'Égalité entre les femmes et les hommes.

La définition de la pédopornographie, telle que spécifiée dans la directive européenne de 2011 transposée à l'article 227-23 du code pénal, est claire : toute « image ou représentation » d'un mineur qui se livre à un comportement sexuellement explicite suffit à caractériser la pédopornographie ; et cet article est applicable aux « images pornographiques d'une personne dont l'aspect physique est celui d'un mineur, sauf s'il est établi que cette personne était âgée de 18 ans ». Nous estimons qu'il suffit que la victime paraisse mineure, mais Pharos a adopté une interprétation restrictive : il cherche à prouver la minorité des personnes filmées en convoquant un collège de trois experts dont le rôle est de statuer sur l'âge de l'enfant filmé en se basant sur son apparence. Notamment les signes manifestes de puberté, comme l'apparition de poils et des seins naissants.

Au-delà de la prépuberté, Pharos étudie les images au cas par cas et conclut le plus souvent à une présomption de majorité. En conséquence, il laisse en ligne des millions de vidéos mettant en scène de jeunes adolescents, ce qui est en contradiction flagrante avec la loi française et européenne. Cette interprétation erronée menace sérieusement le système de protection des mineurs. L'impunité est totale : les plateformes pornographiques pullulent de vidéos ouvertement pédopornographiques aux titres faisant l'apologie de l'inceste et du viol d'enfants. Malgré de nombreux signalements, Pharos, en 2021, n'a retiré aucun contenu pédopornographique de ces plateformes.

Cette prolifération de contenus pédocriminels a des conséquences dramatiques. En plus de la cyberviolence inouïe pour les enfants qui ont été filmés, cette diffusion banalise et encourage la pédocriminalité et l'inceste : Véronique Béchu, cheffe de la section mineurs de l'Office central pour la répression des violences aux personnes, a analysé ce phénomène dans Le Monde : « Tous les commanditaires de live streaming et consommateurs de vidéos et de photos [pédopornographiques] ne passent pas à l'acte. Mais tous ceux qui sont passés à l'acte ont au moins une fois regardé ces images. Dans environ 15% des cas, ils deviennent producteurs, agresseurs ou complices ».

Nous ne ferons pas reculer la pédocriminalité sans nous attaquer à sa diffusion en ligne. En œuvrant à l'adoption pleine et entière, au niveau européen, du règlement contre la pédocriminalité en ligne et en exigeant que Pharos agisse conformément à la loi française sur la pédopornographie, la France agirait dès maintenant contre la pédocriminalité en ligne.

Collectif :

Hélène Bidard, adjointe à la maire de Paris chargée de l'égalité femmes hommes, de la jeunesse et de l'éducation populaire ; Anne Clerc, déléguée générale de Face à l'inceste ; Laurence Cohen, sénatrice (PCF) du Val-de Marne (2011-2023) ; Mie Kohiyama, cofondatrice de Be Brave France ; Ursula Le Menn, porte-parole d'Osez le féminisme ! ; Emmanuelle Piet, présidente du Collectif féministe contre le viol ; Laurence Rossignol, sénatrice (PS) du Val-de-Marne et vice-présidente de la délégation des droits des femmes au Sénat ; Muriel Salmona, psychiatre et présidente de l'association Mémoire traumatique et victimologie.

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Préface de la Dre Muriel Salmona au livre de Lundy Bancroft : « Pourquoi fait-il ça ? Dans l’esprit des conjoints violents et maltraitants »

13 février 2024, par Muriel Salmona — ,
Pourquoi fait-il ça ? de Lundy Bancroft est un livre précieux et salvateur pour les femmes victimes de violences conjugales. Tiré de Entre les lignes et les mots (…)

Pourquoi fait-il ça ? de Lundy Bancroft est un livre précieux et salvateur pour les femmes victimes de violences conjugales.

Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/02/07/preface-de-la-dre-muriel-salmona-au-livre-livre-de-lundy-bancroft-pourquoi-fait-il-ca-dans-lesprit-des-conjoints-violents-et-maltraitants/
Avec l'aimable autorisation de Muriel Salmona

Il ne se contente pas de répondre aux questions qu'elles peuvent se poser sur leurs conjoints violents ni de les outiller pour mieux s'en protéger, il se met résolument de leur côté avec le souci de leur rendre justice et de remettre le monde à l'endroit en dévoilant l'intentionnalité de nuire et les mensonges des hommes violents. Et cet enjeu est de taille face au déni qui règne dans notre société sur ces violences, déni alimenté par de fausses représentations, des stéréotypes sexistes, et une véritable propagande anti-victimaire qui culpabilise les victimes et dédouane les agresseurs en leur assurant une impunité quasi complète. Les femmes victimes elles-mêmes sont les premières contaminées par ce déni et ont les plus grandes difficultés à se sentir légitimes pour se défendre et pour dénoncer les violences qu'elles subissent. Ce déni contamine également les personnes qui pourraient les secourir, les protéger et les accompagner, leurs proches, les professionnels des secteurs de la police, de la justice, du soin et du social. Tout au long de son livre, fort de sa longue expérience auprès d'hommes violents, Lundy Bancroft s'attaque à ce déni. Dès les premières pages il nous prévient qu'il ne faut pas prendre pour argent comptant le discours et les justifications des hommes violents, mais toujours les confronter aux témoignages de leurs conjointes, voire de leurs ex-conjointes.

Dans nos sociétés patriarcales, les projecteurs sont presque toujours dirigés sur les femmes victimes pour leur demander des comptes, les questionner sur leurs comportements et les culpabiliser : « Qu'ont-elles bien pu faire pour rendre leur conjoint aussi violent ? ». Lundy Bancroft braque au contraire les projecteurs sur les hommes violents, sur leurs manipulations et leurs mensonges. À l'aide de nombreux exemples étayant une analyse implacable il démontre que les violences conjugales reposent sur une imposture totale. Les hommes violents sont de bons acteurs, ils jouent des rôles tout à tour pour séduire, manipuler, intimider, terroriser, culpabiliser leurs victimes afin de les contrôler et de les exploiter, et de garantir leur impunité. Ils excellent pour mettre en scène l'amour, l'énervement, la contrariété, la colère, la frustration, la jalousie, la perte de contrôle, le désespoir, l'indignation, la vengeance, le déni, le repentir… Les violences psychologiques, physiques et sexuelles qu'ils exercent n'ont pour but que de blesser et traumatiser leur victime. Ils savent bien que les justifications qu'ils donnent sont fausses et injustes, les violences leur sont juste nécessaires pour dominer et mettre en place un contrôle coercitif afin de posséder, asservir et instrumentaliser leurs victimes. Les violences sont un outil terriblement efficace pour détruire la capacité de défense, la confiance en soi et l'estime de soi des victimes, et leur faire croire qu'elles n'ont aucune valeur, aucun droit ni aucune dignité.

Les violences sont toujours présentées par les hommes violents comme dues aux comportements de leur victime : « tu m'as énervé, tu es insupportable, dangereuse, tu fais tout pour me mettre hors de moi, pour me contrarier, me frustrer, etc. », alors qu'ils les fabriquent de toutes pièces pour leurs besoins. Ils peuvent en toute indécence s'autoriser ces mystifications, aidés par les stéréotypes et les fausses représentations que la société véhicule sur l'amour et la sexualité. Ils savent parfaitement qu'ils sont de mauvaise foi, qu'ils mentent de manière éhontée, que ces violences sont illégitimes, injustifiables, et portent atteinte aux droits et à la dignité de la victime, mais ils se permettent de les commettre, particulièrement dans le huis clos d'un couple.

Ce sont ces discours mystificateurs que Lundy Bancroft décrit et analyse sans concession en démontant les innombrables justifications des hommes violents et en démasquant leurs mensonges et mises en scène. Son but est d'aider les femmes à y voir clair, à identifier les stratégies de domination et à détecter les comportements annonciateurs d'une relation toxique afin de s'en libérer le plus tôt possible.

Le déni qui règne sur ces violences conjugales est tel qu'il est essentiel de donner des outils intellectuels pour les penser – comme le fait avec nous Lundy Bancroft – afin d'ouvrir les yeux de tout un chacun sur une réalité effrayante qui touche des femmes de tout âge, de toutes conditions et de toutes origines. Les violences conjugales sont d'une très grande ampleur et ont un caractère systémique. D'après l'Organisation mondiale de la santé, une femme sur trois dans le monde a subi dans sa vie des violences physiques ou sexuelles par son partenaire ou ex-partenaire. En France, une femme sur 4 a subi des violences par un partenaire depuis l'âge de 15 ans. Chaque année d'après l'enquête Cadre de Vie et Sécurité (INSEE – ONDRP – SSMSI, 2012-2019), 213 000 femmes déclarent être victimes de violences physiques et/ou sexuelles par leur conjoint ou ex-conjoint (30% ont subi des violences sexuelles) et plus de 40 000 enfants sont directement exposés aux violences conjugales, 120 à 150 femmes sont tuées chaque année par leur conjoint ou ex-conjoint, soit une tous les 2,5 à 3 jours. Or seules 20% des victimes arrivent à porter plainte, plaintes dont 60% aboutiront à une réponse pénale (infostat Justice, numéro 159, 2018). Pour l'ensemble des femmes victimes de violences conjugales, seules 12% verront leur conjoint ou ex-conjoint violent condamné. Ces violences sexistes s'exercent dans le cadre d'un rapport de domination masculine et dans des situations d'inégalités. Dans toutes les enquêtes, plus les femmes sont jeunes, vulnérables, discriminées plus elles risquent d'en subir, et les femmes en situation de handicap subissent deux fois plus de violences conjugales. Ces violences sont particulièrement traumatisantes pour les femmes et leurs enfants qui en sont victimes, ce qui entraîne de graves répercussions sur leur santé physique et mentale à long terme. Elles ont aussi de lourdes répercussions sociales, elles augmentent les inégalités, la vulnérabilité, les handicaps et sont source de précarité. Ces violences et leurs conséquences psychotraumatiques mettent les victimes en danger de subir de nouvelles violences, et entrainent de graves pertes de chance pour leur santé, si elles ne sont pas protégées et soignées. Or la grande majorité des femmes victimes sont abandonnées à devoir survivre seules avec leurs enfants aux violences et à leurs conséquences psychotraumatiques, sans secours, sans protection ni prises en charge adaptées.

Pour protéger et soigner les victimes de ces violences conjugales il ne peut être question d'attendre qu'elles signalent ce qu'elles subissent, tout s'y oppose : la peur d'être encore plus en danger (plus du tiers des féminicides ont lieu lors d'une tentative de séparation), la peur de ne pas être crues ni soutenues, les mensonges et les stratégies des hommes violents pour les manipuler, leur faire honte et les culpabiliser, et la gravité de leurs traumatismes. Il est nécessaire d'aller vers elles, c'est la responsabilité de tous de poser des questions, et encore bien plus des médecins qui sont considérés par les femmes victimes comme leur premier recours, suivi des policiers. Mais le déni, l'absence de formation spécifique des professionnels de la santé font que le dépistage est loin d'être systématique, de même que l'évaluation du danger couru par les victimes et leur protection, ainsi que l'évaluation de leur état traumatique et leur prise en charge adaptée. Or sans une réelle prise en compte du témoignage des victimes et sans une connaissance des symptômes psychotraumatiques, la réalité des violences est escamotée, la mise en scène des agresseurs et leurs justifications s'imposent alors comme la vérité.

Quand les violences sont reconnues par l'homme violent ou ne peuvent pas être niées (flagrance, témoins des scènes de violences, preuves médico-légales), c'est l'intention de les commettre qui est niée, la victime étant présentée comme à l'origine des violences. Dans ce scénario c'est la victime qui fabriquerait l'homme violent, alors que c'est l'homme violent qui fait la victime, et le plus souvent une série de victimes.

Lundy Bancroft fait bien apparaître que l'intentionnalité d'exercer des violences conjugales, de faire souffrir et de traumatiser les victimes est soigneusement cachée, maquillée sous couvert d'amour (jalousie, contrôle, chantages, violences sexuelles), de nécessité (éducation, responsabilité, impératifs économiques ou sécurité), ou de pertes de contrôle liées à des frustrations, des pulsions, des réactions émotionnelles trop intenses, des symptômes psychiatriques, ou bien à l'emprise de l'alcool ou de la drogue. Les hommes qui ont recours à la violence ne le font pas, comme ils essaient de le faire croire, pour le bien de la victime, pour se défendre, par détresse émotionnelle, sentiment d'abandon, de trahison ou par perte de contrôle, ils le font parce qu'ils se donnent le droit d'exercer une domination et un abus de pourvoir, selon une vision inégalitaire et discriminante du monde. Ils s'arrogent ce privilège afin d'exploiter leurs compagnes pour les mettre au service de leur confort physique, sexuel, psychique, financier, les transformant en esclaves domestiques et sexuelles, en thérapeutes, en « médicament-drogue » pour s'anesthésier, en « figurantes » pour jouer un rôle dans leurs mises en scène. Les violences conjugales sont toujours une affaire de recherche de pouvoir sur l'autre, de satisfaction de ses propres attentes au détriment de l'autre. L'homme violent sait qu'il est de mauvaise foi, qu'il ment, qu'il manipule, que la victime ne peut pas être coupable. Au mieux il peut après coup prendre conscience de conséquences bien plus graves que ce qu'il avait prévu, en être effaré, s'excuser et surtout se faire aider pour renoncer à cette violence, mais Lundy Bancroft nous dit à quel point c'est rare. Et même dans ce cas, le risque est grand que des proches ou des professionnels minimisent la gravité des violences et arrivent à le dédouaner de toute responsabilité. Le plus souvent, il continue à rationaliser et à renvoyer toute la responsabilité de ses accès de violence à sa victime : « regarde dans quel état tu m'as mis ». Peu importe que ces rationalisations soient totalement fausses, incohérentes, indécentes, il a le droit et le privilège d'être totalement injuste, de ne pas se remettre en question, de ne pas réfléchir aux conséquences, de ne pas se sentir responsable ni coupable des violences exercées en raison de la supériorité qu'il s'attribue. Cette supériorité lui permet de considérer ses contrariétés, ses angoisses ou ses frustrations comme bien plus importantes que les souffrances qu'il fait endurer à sa compagne. Dans le système patriarcal injuste et inégalitaire auquel il adhère, il s'arroge plus de valeur et de droits ainsi que le privilège de ne pas se poser de questions ni d'utiliser son intelligence pour analyser la situation avec impartialité. Il a le pouvoir de nier la réalité et de faire fi de toute logique et de toute cohérence. Il a le droit de faire mal, d'injurier, d'humilier et d'exiger malgré tout d'être aimé, désiré et apprécié. Il recrée et renomme le monde à sa convenance. Sa femme doit accepter cet état de fait et considérer qu'elle est là pour servir et subir par décision unilatérale, parce que cela a toujours été comme cela de génération en génération. Ce discours est reproduit sans aucune remise en question. Dans ce système la victime se retrouve toujours fautive, en échec continuel, en situation de dette, toujours nulle, définitivement incapable, tenaillée par la sensation de décevoir en permanence, d'être toujours frustrante, désespérée d'encourir toujours des reproches quels que soient les efforts accomplis. Il est essentiel pour l'homme violent de continuellement faire peser un jugement et un contrôle coercitif sur sa victime, pour renforcer une emprise qui la transforme en « robot », et pour pouvoir exercer quand il en aura besoin des violences qui lui permettront de se dissocier. Ce discours de la faute est indispensable pour justifier les violences. Avec une demande de perfection totalement irréaliste, impossible à atteindre, une exigence complètement décalée par rapport aux situations, exigence que l'agresseur n'aurait jamais pour lui-même, ou vis-à- vis d'autres personnes sur lesquels il n'a pas d'emprise. Jamais il n'irait frapper à son travail un adulte qui l'énerverait, mais sa femme ou son petit enfant sans défense, si ! Il s'agit bien de demander l'impossible pour pousser sa conjointe immanquablement à la faute, et pouvoir sous couvert de colère, quand on en aura besoin, « tomber » sur elle : « je fais semblant de te croire en faute, d'être en colère, afin de pouvoir t'agresser sans en porter la responsabilité, sans paraître coupable ». Les victimes le perçoivent bien quand elles ressentent que ça va bientôt « tomber ». Face aux réactions de détresse de la victime et aux conséquences des violences sur sa santé physique et mentale, l'homme violent manie le déni, la dérision et le mépris. Il minimise la gravité de ses actes, accuse la victime d' exagérer, d'être injuste et de vouloir le culpabiliser. Il se moque des symptômes traumatiques que présente sa conjointe en les déconnectant des violences et en les retournant contre elle : « tu vois bien que tu es folle, nulle, méchante, incapable, trop fragile et douillette, toujours à jouer à la victime ». Dans ce système totalitaire, la victime n'a même plus la possibilité de réagir naturellement : pas le droit de répondre, pas le droit de pleurer, pas le droit de se plaindre, pas le droit de se mettre en colère. Elle doit subir, point. La victime est prise au piège, bien qu'elle soit consciente de l'enfer qu'elle vit, car ses analyses et ses émotions sont continuellement disqualifiées et niées par son conjoint. Il entretient chez elle des sentiments de culpabilité, d'incompétence et de dette, ce qui l'empêche de penser qu'il n'a pas le droit de se conduire ainsi et que son intention est de lui faire mal. De plus, ces violences répétées traumatisent gravement la victime et la dissocient, ce qui l'anesthésie émotionnellement et lui donne une sensation d'irréalité. Elles sont à l'origine également d'une mémoire traumatique qui lui fait brutalement revivre les violences lors de flashbacks et de réminiscences comme si elles se reproduisaient à l'identique. Cette mémoire traumatique se déclenche dès qu'un lien rappelle les violences, elle envahit la victime qui revit à la fois les émotions et les ressentis qu'elle a eu lors des violences : la terreur, la mort imminente (elle peut suffoquer à nouveau si elle a subi une strangulation), la détresse et les douleurs, mais également les cris, les injures, les paroles blessantes et dégradantes, la haine et le mépris de son conjoint. Ces symptômes psychotraumatiques, qui ne sont habituellement pas connus de la victime, l'empêchent de comprendre ses propres réactions et émotions. Elle sait bien qu'il s'agit de violences graves et injustifiables, mais elle en doute car est coupée de ses émotions lors des violences, et a l'impression qu'elle les supporte. D'autre part elle est submergée par des émotions incohérentes et intolérables provenant de sa mémoire traumatique, qui explosent en dehors des violences dès qu'un lien les lui rappellent, et qui lui font craindre d'être folle. C'est un tel enfer qu'elle doit mettre en place de coûteuses stratégies de survie, pour éviter ces explosions ou pour les anesthésier par des conduites à risque (alcool, drogues, mises en danger). De plus, du fait de sa mémoire traumatique, elle est continuellement colonisée par les paroles et les mises en scène de son agresseur qui semblent provenir de sa propre pensée et de ce qu'elle est. Elle va se persuader peu à peu qu'elle est indigne, coupable, mauvaise et qu'elle ne vaut rien. Cet état de doute, d'incertitude, de confusion, ce sentiment de culpabilité et de honte permet à l'homme violent de mettre en place une emprise très efficace, de la manipuler et de lui imposer des pensées et un rôle dans sa mise en scène. Lundy Bancroft démontre très bien avec de nombreux exemples que les mécanismes à l'origine de l'emprise ne viennent pas de la victime mais des violences et de la stratégie de l'homme violent. La victime souffre des conséquences normales et universelles de ces violences. Contrairement à ce qui lui est souvent renvoyé, elle n'aime pas rester avec le conjoint violent, elle n'est pas masochiste, ce n'est pas ce qu'elle veut, elle n'est pas à l'origine de son propre malheur, elle est juste gravement traumatisée et dissociée, et elle cherche à survivre aux violences en empêchant sa mémoire traumatique d'exploser. Nos travaux et notre expérience clinique se rejoignent totalement : ce n'est jamais une femme qui fabrique un homme violent par ses comportements, ses réactions ou sa personnalité, c'est un homme violent qui fabrique de nombreuses femmes victimes. La violence conjugale a pour but de dominer et de soumettre. D'où l'importance de toujours braquer les projecteurs sur l'homme violent et non sur sa victime pour lutter contre le déni. Et d'essayer de comprendre au-delà de ses motivations comment il lui est possible d'être aussi froid, cruel et injuste vis à vis de sa femme, aussi indifférent à sa détresse et aux efforts qu'elle déploie, et aussi peu empathique. L'homme violent est aidé en cela par l'intensité des traumas qu'il cherche à provoquer chez sa victime et aussi chez lui-même avec ses comportements terrorisants et incohérents, très efficaces pour entraîner une sidération et une dissociation traumatique. Du fait de l'état dissociatif de sa conjointe, il est assuré que les proches et les professionnels en contact avec elle, ne risqueront pas de repérer ce qu'elle subit, de prendre en compte le danger qu'elle court, ni de la croire si elle essaie de dénoncer les violences puisqu'elle paraît détachée, voire même indifférente. Lui aussi se retrouve dissocié, et c'est ce qu'il veut car cela lui permet de se débarrasser de tensions et d'émotions gênantes – les violences sont traumatisantes non seulement sur les victimes et les témoins mais également sur les agresseurs. Les mécanismes psychotraumatiques à l'origine de cet état de dissociation sont des mécanismes de sauvegarde mis en place par le cerveau pour échapper au risque vital cardiologique et neurologique que représente le stress extrême généré par des violences sidérantes. Ces mécanismes de sauvegarde s'apparentent à une disjonction qui coupe le circuit émotionnel et interrompt la production d'hormones de stress (adrénaline et cortisol). Cette disjonction s'accompagne d'une production par le cerveau d'un cocktail de drogues aux effets morphine-like et kétamine-like. L'homme violent utilise sa femme comme un fusible pour pouvoir se dissocier à ses dépens grâce aux explosions de violence qu'il lui fait subir, ce qui lui permet d'anesthésier sa propre mémoire traumatique des violences qu'il a subies ou dont il a été témoin le plus souvent dans son enfance, et de toutes les violences qu'il a commises ensuite, et en prime de se débarrasser de son empathie pour assurer sa toute puissance :et sa domination. Sa victime est pour lui une drogue avec les habituels phénomènes de dépendance, de tolérance et d'accoutumance qui entraînent une augmentation inexorable des violences.

De plus, le conjoint violent bénéficie presque toujours d'un formatage antérieur de sa victime à la soumission, à la tolérance et à l'hyper-adaptation à des situations extrêmes, formatage qui remonte à une enfance dans des milieux familiaux violents : antécédents de maltraitance, d'exposition à des violences conjugales, et de violences sexuelles dont on connaît malheureusement la fréquence (1 femme fille sur 5 a subi des violences sexuelles dans son enfance, OMS, 2016). Avoir subi des violences dans l'enfance est un facteur de risque majeur d'en subir à nouveau tout au long de sa vie (OMS, 2010 et 2014, Felitti 2010). Le conjoint violent bénéficie également du fait que sa victime, quelles que soient les violences subies depuis son plus jeune âge, n'a jamais été ni protégée, ni reconnue comme victime, ni soignée, elle a dû grandir en survivant seule aux violences et à leurs conséquences psychotraumatiques. Elle a appris à considérer qu'elle n'avait pas de valeur, aucun droit et que personne ne viendrait à son secours. Il va donc tirer parti des traumas accumulés non traités de sa victime, et des conséquences souvent désastreuses des stratégies de survie qu'elle a du développer, qui sont des facteurs de vulnérabilité et d'absence d'estime de soi. En plus de la complicité avec les systèmes agresseurs du passé de sa victime, l'homme violent bénéficie donc de la complicité ambiante d'une société inégalitaire encore dans le déni face aux violences faites aux femmes et aux filles et à, leur conséquences psychotraumatiques.

La femme victime et l'homme violent ont donc fréquemment subi des violences dans leur enfance ou en ont été témoin. Dans la grande étude pour l'ONU de Fulu en 2017, si une femme a subi des violences physique et sexuelles dans l'enfance, cela multiplie par 19 son risque de subir des violences conjugales et sexuelles à l'âge adulte, et pour un homme cela multiplie par 14 le risque d'en commettre. Cela s'explique principalement par les conséquences psychotraumatiques des violences, pour éviter les conséquences à long terme et le cycle de reproduction des violences de proche en proche et de génération en génération, la mesure la plus efficace est de protéger les enfants victimes et de prendre en charge leurs traumatismes le plus tôt possible.

Le passé traumatique de l'homme violent lui permet d'obtenir de la compassion et de l'aide, sa conjointe se retrouve alors piégée dans le rôle de celle qui l'aide, le comprend, le soigne, l'excuse pour les violences qu'il commet, et lui pardonne le mal qu'il lui fait. Lundy Bancroft nous en montre de nombreux exemples. Si on n'est pas responsable des violences qu'on a subi, ni de leurs conséquences traumatiques, en revanche on a le choix de ses stratégies de survie et on est responsable de celles qui portent atteinte à l'intégrité physique et mentale d'autrui. Or c'est ce que font les hommes violents, ils instrumentalisent leur conjointe afin qu'elle gère à leur place leurs conduites d'évitement et de contrôle, ils les utilisent comme un fusible pour pouvoir se dissocier, ce qui leur permet de s'anesthésier à leurs dépens. Une société inégalitaire où les hommes peuvent facilement mettre en scène une prétendue supériorité au dépens des femmes, facilite le choix de s'autoriser à être violent, en s'identifiant à l'agresseur de son enfance, pour « traiter » une mémoire traumatique qui se réactive souvent dans le cadre de la vie conjugale et familiale, et de la grossesse de sa conjointe.

La violence est un choix et un privilège, elle est l'apanage d'une société inégalitaire et sexiste qui distribue des rôles de dominants aux hommes et de dominés aux femmes, et qui attribue ensuite à chacun une valeur en fonction de la place qu'il occupe dans le système hiérarchique imposé. La violence est totalement inhérente à tout système de domination et nécessaire à sa pérennité. Les hommes violents s'autorisent à transgresser une loi universelle pour imposer une loi traditionnelle qui les arrange ou une loi créée de toutes pièces dans leur propre intérêt, à laquelle les victimes qu'ils se sont choisies doivent se soumettre de force. Ils se revendiquent comme supérieurs, d'une autre essence, ils adhèrent à une idéologie prônant un monde patriarcal profondément inégalitaire où la loi du plus fort pourrait, en toute injustice, régner à leur avantage. Ils font souvent appel à leur liberté pour revendiquer leurs droits à commettre des violences. Cette liberté serait une valeur supérieure, liberté de faire ce que bon leur semble dans leur couple et leur famille, liberté sexuelle. Et limiter cette liberté serait une oppression (discours des masculinistes). Or notre monde, celui de la Déclaration internationale des droits humains et de l'égalité entre les femmes et les hommes s'oppose théoriquement à cette idéologie. De ce fait il est nécessaire de tordre la réalité pour bénéficier du privilège exorbitant d'exercer des violences pour dominer et soumettre, et de créer une véritable propagande sexiste et anti-victimaire pour imposer une culture de la violence qui nie, minimise ou justifie les violences envers les femmes et les enfants, dédouane les hommes violents et responsabilise les victimes. Une telle propagande sexiste charrie des stéréotypes, des idées fausses et des mensonges qui résistent à toutes les grandes avancées dans la connaissance de la réalité de ces violences, et de la gravité de leurs conséquences depuis plus de 20 ans. Cette propagande omniprésente gangrène toutes les institutions, empêche que les victimes soient entendues et prises en compte, et verrouille la mise en place des réformes er des formations nécessaires pour organiser la protection des victimes, prendre en compte leurs psychotraumatismes, et pour leur rendre justice. Pour sortir de cette situation il faut faire respecter et légitimer les droits des femmes, des enfants et ceux spécifiques des victimes.

Cette propagande est continuellement alimentée, elle sert de prêt à penser aux hommes violents pour justifier leurs comportements et accuser leurs conjointes. Cette propagande mensongère et discriminante est d'une grande violence, traumatisante en soi, elle crée un état de sidération et de dissociation qui paralyse et anesthésie ceux qui la subissent. Ces effets impactent également le reste de la société, la rendant tolérante ou indifférente face à ces mensonges, contaminée par les représentations haineuses sexistes qui ont un pouvoir de colonisation de la pensée et peuvent surgir de façon automatique face aux femmes victimes. De plus cette propagande bénéficie de l'incroyable méconnaissance ou de la négation des conséquences psychotraumatiques des violences. Les mythes et les stéréotypes sexistes sont justement construits sur des symptômes psychotraumatiques détournés de leur cause – les violences – et utilisés pour culpabiliser les victimes et décrédibiliser leur parole, leurs témoignages et leurs souffrances. En effet, dans nos sociétés patriarcales et inégalitaires, les rares femmes et filles qui dénoncent les violences masculines conjugales ou sexuelles qu'elles ont subies, en sont le plus souvent tenues pour responsables ou même coupables. Leurs traumas leurs sont reprochés au lieu d'être reconnus comme des conséquences normales et universelles des violences et comme des preuves de ce qu'elles ont vécu. Dans un retournement injuste et cruel leurs symptômes psychotraumatiques et leurs conduites de survie (conduites de contrôle ou d'évitement et conduites dissociantes à risque) sont utilisés pour les discréditer, disqualifier leur témoignage, les psychiatriser, et pour les accuser d'être à l'origine des violences et de leur propre malheur. En fait les stéréotypes sexistes les plus répandus intègrent ces mêmes symptômes psychotraumatiques et leurs conséquences sur la santé et la vie des femmes pour essentialiser ce qu'est une femme, sa personnalité, ses capacités et sa sexualité. Un tel processus mystificateur haineux alimente en cercle fermé les stéréotypes sexistes, les fausses représentations qui rendent les victimes coupables des violences qu'elles subissent, ou même les considèrent comme sans dignité, aimant être violentées et dégradées. À l'inverse, les hommes qui les ont agressées sont habituellement protégés, disculpés, innocentés, leur sexualité violente est normalisée et tolérée comme un besoin, ils peuvent même être considérés comme les « vraies victimes » de ces filles et de ces femmes qui les auraient provoqués, manipulés ou accusés à tort. Le fait qu'ils soient le plus souvent des prédateurs qui ont déjà fait de nombreuses victimes et en feront d'autres est presque toujours invisibilisé.

La méconnaissance des troubles psychotraumatiques et de leurs mécanismes porte donc préjudice aux victimes et représente une grave perte de chance pour elles, d'autant plus, qu'une prise en charge médico-psychologique de qualité est efficace et permet d'éviter la majeure partie des conséquences des violences sur la santé des victimes, sur leur vie affective, sociale, scolaire ou professionnelle, et de minimiser le risque qu'elles subissent à nouveau des violences. Alors que nous disposons depuis plus de 15 ans de très larges connaissances nationales et internationales sur l'ampleur des violences conjugales, et sur la gravité de leur impact sur la santé des victimes, ces violences conjugales et leurs conséquences restent largement sous-estimées. De même, les troubles psychotraumatiques et leur traitement sont actuellement très bien décrits, mais ces connaissances restent peu diffusées auprès des professionnels et du grand public, ce qui bénéficie aux agresseurs. De ce fait, les victimes ne sont pas identifiées, leur trauma n'est pas repéré. Et face aux nombreuses plaintes psychologiques et somatiques de ces femmes et enfants victimes, aucun lien n'est fait avec les violences et des diagnostics sont portés à tort, impliquant des traitements essentiellement symptomatiques et anesthésiants, quand ils ne sont pas maltraitants.

Il est donc évident que laisser des victimes sans soin aux prises avec leur mémoire traumatique est irresponsable et alimente sans fin la production de futures violences. Il suffit qu'une minorité de victimes deviennent des agresseurs, ils feront alors à leur tour d'autres victimes, dont quelques-unes deviendront à leur tour des agresseurs. Les agresseurs choisiront en priorité des proies qui ont déjà été victimes, car plus isolées et moins protégées, plus faciles à terroriser et à soumettre, et alimentant plus efficacement leurs scénarios violents par les violences qu'elles ont déjà subies. Exercer des violences sur une personne déjà blessée et traumatisée permet aussi aux agresseurs de mettre en scène une cruauté et une injustice encore plus grandes, plus impensables et transgressives, ce qui alimente leur toute-puissance. Les anciennes victimes sont donc activement recherchées par les agresseurs et enrôlées de force dans des scénarios qui n'ont de sens que pour eux.

La violence n'est pas une fatalité, l'être humain n'est pas violent par essence. Il le devient d'une part parce qu'il a subi lui-même des violences ou qu'il en a été témoin, le plus souvent très tôt dans son enfance. Il le devient aussi parce qu'il peut s'autoriser à reproduire les violences sur des victimes plus faibles, plus vulnérables ou désignées comme telles, pour soulager sa mémoire traumatique et les tensions qu‘elle provoque. Ce livre de Lundy Bancroft est donc essentiel pour que les femmes victimes de violences conjugales soient informées des manipulations des hommes violents, et pour qu'elles puissent se désolidariser d'une histoire qui n'est pas la leur, refuser d'y jouer le rôle d'esclave et échapper à ce piège. Dans cette optique, la reconnaissance de la réalité des violences subies et de leur impact psychotraumatique, la compréhension des mécanismes neuro-biologiques en jeu et des stratégies des agresseurs sont primordiales pour tous les proches et tous les professionnels en charge de secourir, protéger, accompagner et soigner les victimes : la lecture de ce livre sur sera extrêmement utile.

Dre Muriel Salmona
Muriel Salmona, psychiatre, fondatrice et présidente de l'association Mémoire traumatique et victimologie et autrice de plusieurs ouvrages sur le thème des violences conjugales et sexuelles.
Éditions Libre – 24 euros
https://www.editionslibre.org/produit/pourquoi-fait-il-ca-lundy-bancroft/
Le Courrier de la Marche Mondiale des Femmes contre les Violences et la Pauvreté – N° 427 – 4 février 2024

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Sénégal. Les ferments du coup d’État institutionnel

13 février 2024, par Ousmane Diallo — , ,
En mettant fin de manière unilatérale, et sans base légale, au processus électoral trois semaines avant le premier tour de la présidentielle, Macky Sall a plongé le Sénégal (…)

En mettant fin de manière unilatérale, et sans base légale, au processus électoral trois semaines avant le premier tour de la présidentielle, Macky Sall a plongé le Sénégal dans une crise institutionnelle sans précédent. Depuis qu'il dirige le pays, il n'a cessé d'instrumentaliser la justice à des fins politiques et de réprimer les voix critiques.

Tiré d'Afrique XXI.

Avant le 3 février 2024 et l'annonce par le président Macky Sall du report sine die du scrutin (1), le Sénégal se dirigeait vers une élection présidentielle qui se distinguait de toutes les précédentes pour deux raisons. D'abord, pour la première fois dans l'histoire du pays, le président sortant, Macky Sall, n'était pas candidat, ce qui, théoriquement, devait ouvrir le jeu politique et favoriser un vrai débat sur les options futures. En outre, le principal leader de l'opposition, Ousmane Sonko, n'était pas lui non plus candidat : il a été écarté des joutes électorales à la suite de procédures judiciaires qui ont abouti à sa condamnation et à son inéligibilité pour une durée de cinq ans.

Mais ce 3 février, tout a changé lorsque, dans un discours à la nation, Macky Sall a abrogé le décret fixant le premier tour de la présidentielle au 25 février, prétextant une « crise » entre le Conseil constitutionnel, dont deux des sept membres ont été accusés de corruption, et l'Assemblée nationale, qui a établi une commission parlementaire afin d'enquêter sur ces allégations. C'est un moment inédit dans l'histoire du pays, qui le plonge dans une grande incertitude.

Vingt candidats devaient se présenter au suffrage des citoyens sénégalais. Mais deux candidats majeurs n'en ont pas eu la possibilité, ils ont été exclus de la course : Karim Wade, du Parti démocratique sénégalais (PDS), en raison de sa double nationalité (sénégalaise et française), et ce malgré la publication d'un décret de renonciation d'allégeance à la République française daté du 16 janvier 2024 ; et Ousmane Sonko. Détenu depuis le mois de juin 2023, d'abord chez lui puis à la prison de Sébikotane, le leader du Pastef (Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité) a vu son recours rejeté par le Conseil constitutionnel.

La campagne officielle était censée débuter le 4 février et s'étaler sur trois semaines. Mais, dans les faits, elle a commencé depuis longtemps : précisément depuis mars 2021, lorsque Sonko a été accusé de viols et de menaces de morts sur une jeune femme, Adji Sarr, et détenu à la section de recherches de la gendarmerie nationale. Au cœur du débat qui a suivi – que l'on peut résumer ainsi : « le système contre le candidat anti-système » –, plusieurs questions ont été soulevées, telles que la politisation de l'administration publique, l'état de la justice sénégalaise, ou encore les enjeux liés à la corruption et à la gestion des deniers publics. Ces questions étaient déjà centrales lors des élections municipales et législatives de 2022, à l'issue desquelles la coalition de l'opposition avait réussi à percer des lignes et à déstabiliser l'assise de la majorité présidentielle. D'une certaine façon, le 25 février devait être le dernier épisode de ce long feuilleton même si, depuis, des scissions ont eu lieu au sein de l'opposition comme du pouvoir.

Une administration fortement politisée

Au-delà de la justice, tout le processus électoral ayant abouti à la promulgation des candidats définitifs le 20 janvier a été entaché d'accusations d'obstruction et de partialité. Déjà en septembre 2023, le retrait des fiches de parrainage, qui doit permettre aux candidats de se faire sponsoriser par une partie des électeurs (entre 0,8 et 1 % du fichier électoral), des élus locaux ou des parlementaires, a suscité la controverse. En effet, la Direction générale des élections (DGE) a refusé de délivrer des fiches au mandataire d'Ousmane Sonko, arguant du fait qu'il a été radié des listes électorales après sa condamnation pour « corruption de la jeunesse », et son inculpation pour « atteinte à la sûreté de l'État ».

Après ce refus, l'opposition a engagé plusieurs procédures devant les tribunaux du Sénégal et de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao) pour contester cette mesure administrative. Si la Cour de justice de la Cedeao a estimé, en novembre, que l'État sénégalais n'avait pas violé les droits d'Ousmane Sonko en le radiant des listes et en dissolvant le Pastef, le jugement des tribunaux sénégalais a été plus favorable aux plaidoiries de l'opposition, après moult péripéties.

Lorsque le tribunal de Ziguinchor (Casamance) a contesté la radiation de Sonko et demandé sa réintégration et l'octroi de fiches par la DGE, celle-ci a refusé d'exécuter ce jugement, arguant que l'État allait porter appel – ce en dépit du fait qu'en matière électorale toute décision de justice doit être exécutée immédiatement sans préjudice des recours par les autres parties. Lorsque la Commission électorale nationale autonome (Cena) a interpellé publiquement la DGE et lui a demandé à son tour, en octobre 2023, d'octroyer les fiches de parrainage au mandataire du Pastef, tous les commissaires ont été limogés et remplacés par décret présidentiel. Bien que le mandat des commissaires de la Cena soit échu depuis mai 2021 (2) et que l'opposition ait longtemps critiqué leur maintien illégal, leur limogeage à quatre mois de l'élection n'a fait que renforcer le sentiment de mise au pas des institutions électorales par l'exécutif.

Ces péripéties n'ont pris fin que le 15 décembre, lorsque le tribunal d'instance de Dakar a confirmé le jugement de celui de Ziguinchor. Pourtant, en dépit de ce retournement de situation, le mandataire de Sonko n'a jamais pu récupérer les fiches de parrainage. Comme on pouvait s'y attendre dans un tel contexte, cette candidature a été rejetée, et malgré un ultime recours des avocats de Sonko, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 20 janvier, a motivé cette exclusion sur la base de la condamnation définitive de Sonko pour « diffamation » et « injures publiques », et non sur l'argument initial de sa condamnation pour « corruption de la jeunesse ».

Un système judiciaire sous pression

Lors de l'inauguration, en janvier 2024, du nouveau palais de justice de Rufisque, une ville de la banlieue de la capitale, l'ancien procureur de la République et actuel premier président de la cour d'appel de Dakar, Amady Diouf, a dénoncé « le mépris envers les juges dont il ne faut jamais rire ou se complaire ». Pour lui, c'est « le signe d'une faillite morale et le début d'un effondrement de la démocratie ». « Force est de souligner que nous exerçons nos offices dans un contexte où les institutions républicaines, particulièrement la justice, subissent des attaques injustifiées et des critiques que nourrissent et entretiennent des positions partisanes et la méconnaissance profonde du mode de fonctionnement de la justice », a-t-il renchéri.

Ce discours traduit un malaise qui n'a fait que monter depuis des années au sein de l'institution judiciaire, laquelle subit des critiques virulentes depuis le début de l'affaire Adji Sarr/Sonko – critiques portant essentiellement sur sa partialité et son inféodation au pouvoir exécutif. Ces questions avaient d'ailleurs entraîné la démission avec fracas d'un membre du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) qui dénonçait déjà en 2018 le mauvais fonctionnement de la justice.

Les affaires judiciaires qui ont abouti à l'inéligibilité d'Ousmane Sonko ont été marquées par leur caractère politique – qu'il s'agisse de la plainte pour viols et menaces de mort d'Adji Sarr en février 2021, qui a abouti à une condamnation ferme à deux ans de prison pour « corruption de la jeunesse » en juin 2023 ; ou de la plainte pour diffamation et injures publiques du ministre Mame Mbaye Niang, qui s'est conclue par une condamnation à une peine de six mois de prison avec sursis et à une amende de 200 millions FCFA (près de 308 000 euros).

En parallèle de ces procédures judiciaires, les manifestations politiques ont été fortement réprimées par les forces de sécurité, aboutissant à la mort d'au moins 56 personnes entre mars 2021 et août 2023, selon Amnesty International.

L'incarcération est devenu la norme

Le fait que plusieurs membres du Pastef ont été arrêtés et détenus pour « appels à l'insurrection » après avoir appelé à manifester ou à protester contre ce qu'ils considéraient être des abus de pouvoir n'a fait que renforcer ce sentiment de partialité. Parmi ceux-ci figurent les maires des Parcelles Assainies (Djamil Sané), de Keur Massar-Nord (Adama Sarr), de Keur Massar-Sud (Mohamed Bilal Diatta) et de Sangalkam (Pape Sow) – tous élus en janvier 2022 –, et plusieurs autres élus municipaux.

En avril 2023, le secrétaire national du Pastef, Bassirou Diomaye Faye, qui est aussi le candidat de ce parti à la présidentielle en lieu et place d'Ousmane Sonko, était arrêté à son bureau au ministère des Finances pour avoir dénoncé dans un post Facebook la « clochardisation de la justice » (3). Il était inculpé pour outrage à la magistrature. Ces charges seront plus tard alourdies, lorsqu'il sera accusé, avec Sonko, en juillet 2023, d'« atteinte à la sécurité de l'État, appel à l'insurrection et association de malfaiteurs » à la suite de la dissolution par mesure administrative du Pastef. Quelques semaines plus tôt, Macky Sall avait annoncé sa non-participation à l'élection présidentielle et sa volonté d'être sans réserve dans sa « défense de la République » face à ceux qui voudraient la saper. La répression a été brutale mais n'a pas pu entamer la dynamique politique enclenchée par le Pastef, ni taire les fortes réserves par rapport à l'inféodation de la magistrature aux desiderata de l'exécutif.

En septembre 2023, le comité pour la libération des détenus politiques estimait que plus de 1 000 personnes avaient été arrêtées et emprisonnées depuis mars 2021 dans le cadre de la répression politique liée à ces affaires. L'incarcération est devenue la norme plutôt que l'exception. Au trop-plein de détenus s'ajoute le non-respect de la procédure judiciaire par les chambres d'accusation. Ainsi, des demandes de liberté provisoire ne reçoivent même pas de réponse (ni positive, ni négative), en violation du code de procédure pénale. C'est le cas de Cheikh Oumar Diagne et de Abdou Karim Gueye, deux activistes proches du Pastef, arrêtés en mars 2023 pour « appel à l'insurrection, appel à la violence contre les institutions et atteinte à la sûreté de l'État », et détenus depuis à Rebeuss, la principale prison de Dakar.

Dérive de l'hyper-présidentialisme

Plus récemment, l'exclusion de Karim Wade de la liste des candidats à la présidentielle (après un recours d'une autre candidate, Rose Wardini, sur sa double nationalité franco-sénégalaise) a entraîné une nouvelle salve de critiques contre le Conseil constitutionnel. Dénonçant la « corruption » et les « conflits d'intérêt » de deux juges parmi les sept, ainsi que la fuite du jugement avant même la déclaration publique du Conseil constitutionnel, le PDS a poussé à la création d'une commission d'enquête parlementaire le 31 janvier, avec le soutien d'une partie des députés de la majorité. Cette « crise institutionnelle » fabriquée de toutes pièces entre le pouvoir parlementaire et le pouvoir judiciaire a servi de prétexte à la suspension de tout le processus électoral.

Ces différents retournements de situation illustrent l'instrumentalisation du pouvoir judiciaire par les acteurs politiques, à commencer par l'exécutif – et tout particulièrement durant les deux mandats de Macky Sall (au pouvoir depuis 2012). Il est utile de rappeler qu'avant Sonko deux autres figures de l'opposition, Karim Wade et Khalifa Sall, avaient été exclues de la présidentielle de 2019 à la suite, là aussi, de décisions de justice : ils avaient été condamnés en 2015 et 2018, respectivement pour « enrichissement illicite » et « escroquerie portant sur les deniers publics ».

Mais ce 3 février, l'hyper-présidentialisme sénégalais a franchi un nouveau seuil avec la suspension unilatérale du processus électoral par Macky Sall. En effet, cette décision, qui a été prise avant même que la commission parlementaire ait pu auditionner les membres du Conseil constitutionnel et vérifier les allégations portées par Karim Wade, est davantage la résultante de la volonté d'un homme et de son clan de confisquer le pouvoir et de se prémunir d'éventuelles poursuites que d'un souci réel de protéger les institutions. À bien des égards, cette décision constitue un coup d'État institutionnel par son caractère unilatéral et anticonstitutionnel, lequel risque de générer une crise aux conséquences potentiellement désastreuses pour le pays.

Notes

1- Le 5 février, l'Assemblée nationale a, dans un contexte de grande tension, validé le report au 15 décembre 2024.

2- Les commissaires de la Cena sont élus pour un mandat de six ans, et sa composition est renouvelable par tiers tous les trois ans. Le mandat du président Doudou Ndir était déjà échu en 2021.

3- Il était toujours en prison début février 2024.

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Sahel : le coup d’éclat des militaires

13 février 2024, par Paul Martial — , ,
Victimes des sanctions économiques de la CEDEAO, les trois pays sahéliens quittent cette union économique en critiquant son rôle néfaste pour les populations. Hebdo (…)

Victimes des sanctions économiques de la CEDEAO, les trois pays sahéliens quittent cette union économique en critiquant son rôle néfaste pour les populations.

Hebdo L'Anticapitaliste - 694 (08/02/2024)

Par Paul Martial

Crédit Photo
Capture d'écran France 24

La mise en scène était parfaite. Le dimanche 28 janvier à la même heure, les juntes militaires du Mali, du Niger et du Burkina Faso ont lu une déclaration identique à leur télévision nationale annonçant leur départ de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO).

Sanctions et menaces

Fondée en 1975, la CEDEAO avait comme objectif initial la constitution d'un marché unique de la région. Ses prérogatives se sont peu à peu étendues aux domaines politique et juridique. Parmi les 15 pays membres, les pays francophones, à l'exception de la Guinée, sont aussi membres de l'Union économique et monétaire des États d'Afrique de l'Ouest (UEMOA) à laquelle s'ajoute la Guinée-Bissau (ancienne colonie portugaise). Cette structure regroupe les pays ayant comme monnaie le franc CFA.

Les ressortissants des pays de la CEDEAO peuvent circuler et s'installer librement et les marchandises ne sont pas assujetties à des droits de douanes.

Lors des coups d'États au Mali, au Burkina Faso et au Niger, la CEDEAO a adopté des sanctions économiques particulièrement sévères, notamment vis-à-vis du Niger. Pour celui-ci, elle avait même évoqué la possibilité d'une intervention militaire pour rétablir l'ordre constitutionnel selon la formule consacrée.

Une structure discréditée

Pour justifier leur départ de la CEDEAO, les juntes ont critiqué l'absence de solidarité et d'aide à leur pays confronté aux graves attaques terroristes. Elles lui reprochent de fouler la souveraineté de leur nation en agissant pour le compte de puissances étrangères et enfin, d'avoir abandonné le panafricanisme prêté aux pères fondateurs. Il est certain que les sanctions économiques ont été très mal vécues par les populations qui en sont les premières victimes. D'autant que les chefs d'État de la CEDEAO ayant pris ces décisions sont pour la plupart, soit élus grâce à des fraudes électorales massives, soit par des manipulations constitutionnelles leur permettant de briguer un troisième mandat. Ainsi au Togo, la dynastie Gnassingbé règne depuis plus d'une cinquantaine d'années. Ouattara en Côte d'Ivoire est au pouvoir avec l'aide de l'intervention armée de la France et s'y maintient par un changement de constitution. Quant au Sénégal, Macky Sall a écarté de la course électorale pour les présidentielles les deux principaux concurrents et vient d'ailleurs de reporter l'élection présidentielle à décembre, suscitant la colère de la rue. Les dirigeants de la CEDAO sont loin d'être les parangons de la démocratie.

Évidemment le soutien affiché d'Emmanuel Macron à une éventuelle opération armée de la CEDEAO contre le Niger n'a fait que conforter ce que pense une grande partie de la rue au Sahel, à savoir que cette structure est manipulée par la France.

Vers une sortie du franc CFA

Bien que le départ de la CEDEAO soit annoncé avec effet immédiat, l'article 91 de cette organisation prévoit un délai d'une année. Ainsi les dirigeants se sont dit ouverts à des négociations avec les trois pays qui ont formé quelques mois auparavant une Alliance des États du Sahel (AES). Les inquiétudes sont grandes car les trois pays sont enclavés et le débouché sur la mer reste un impératif. Si pour le Mali, la Guinée, qui elle aussi est sous sanction de la CEDEAO pour coup d'État, est une option, pour le Burkina et le Niger l'accès à la mer via le Togo ou le Bénin est compromis.

Avec le départ de la CEDEAO, la libre circulation sera cependant toujours garantie dans l'espace de l'UEMOA. Mais il n'est pas sûr que les pays de l'AES s'arrêtent en si bon chemin. En effet, la question de la sortie du franc CFA se pose aussi au profit d'une monnaie commune des trois États.

Ces décisions peuvent être considérées comme salutaires et symbolisant la conquête de souveraineté. Cela aurait été recevable si les populations avaient été consultées et donc partie prenante de cette décision. Ce n'est évidemment pas le cas au vu des attaques répétées contre les libertés démocratiques qui ont lieu dans ces trois pays sahéliens.

Paul Martial

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