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Lassé·es de l’absence de leadership, les Palestinien·nes aspirent à l’unité politique

Cet article, rédigé par Fatima AbdulKarim, une journaliste basée en Cisjordanie, offre des éléments d'information particulièrement éclairants, en partie inédits, et, pour la (…)

Cet article, rédigé par Fatima AbdulKarim, une journaliste basée en Cisjordanie, offre des éléments d'information particulièrement éclairants, en partie inédits, et, pour la plupart, ignorés des médias mainstream, sur les processus politiques en cours au sein du Fatah et de la population palestinienne de Cisjordanie qui traduisent une forte volonté de démocratisation et de dépassement de la fragmentation actuelle du mouvement national palestinien, en particulier de la division entre le Fatah et le Hamas.

Tiré du site de la revue Contretemps.

Il informe également des discussions qui se mènent au niveau diplomatique au sujet de l'avenir du territoire de Gaza et du rôle joué par une Autorité palestinienne démonétisée et impuissante. Il permet également de comprendre les motivations qui ont poussé Israël à assassiner, le 2 janvier dernier, le numéro deux du Hamas, Saleh al-Arouri, puis, le 8 janvier, l'un des chefs militaires du Hezbollah, Wissam Tawil, interrompant ainsi les négociations en cours autour des propositions égyptiennes, qui prévoyaient un cessez-le-feu, l'échange de prisonniers et d'otages et le maintien d'un contrôle palestinien de la bande de Gaza.

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Depuis les attaques du 7 octobre menées par le Hamas contre le sud d'Israël, la Cisjordanie occupée a connu un regain de violence et d'instabilité. Au cours des trois derniers mois, alors que l'attention du monde se portait sur la bande de Gaza et que les bombardements israéliens se poursuivaient, les soldats israéliens et les milices de colons ont tué plus de 300 Palestinien·nes en Cisjordanie, dont plus de 80 enfants, tandis que plus de 4 000 Palestinien·nes ont été arrêté·es.

Les colons ont également intensifié leur harcèlement et leur violence à l'encontre des Palestinien·nes dans une tentative calculée de s'emparer de leurs terres, déplaçant de force au moins 16 communautés isolées au cours des dernières semaines. Le territoire reste soumis à un strict verrouillage, jalonné de points de contrôle militaires qui empêchent les Palestinien·nes de se déplacer entre les villes et les villages.

Pour de nombreux·ses Palestinien·nes, le sentiment d'absence totale et d'inaction de la part de leurs propres dirigeants est tout aussi paralysant que l'étau de l'occupation qui se resserre. L'Autorité palestinienne (AP), dirigée par le président Mahmoud Abbas, s'est contentée de condamner timidement les escalades et les punitions collectives d'Israël, sans avoir la capacité réelle de les affronter.

Cela est devenu particulièrement évident à la suite d'une incursion de deux jours des forces israéliennes dans la ville de Jénine, au nord de la Cisjordanie, le mois dernier, qui a effectivement transformé la ville en un « mini Gaza », comme l'ont rapporté de nombreux habitants. Cette opération a été accompagnée de plusieurs autres raids militaires dans d'autres villes de Cisjordanie au cours des dernières semaines, notamment Tubas et Tulkarem.

Quelques jours avant l'assaut israélien sur Jénine, Mustafa Sheta, directeur du théâtre de la liberté de la ville, a déclaré à +972 magazine que les habitant·es de Jénine se sentent abandonné·es, surtout lorsque tous les regards – y compris les leurs – se tournent vers Gaza. « L'AP est silencieuse. Elle ne nous rassure pas et ne panse pas nos plaies », a-t-il déclaré. Sheta a été arrêté par les forces israéliennes lors de l'opération de Jénine et envoyé à la prison de Megiddo où il passera six mois en détention administrative – c'est-à-dire un emprisonnement sans inculpation ni procès.

Le sentiment exprimé par Mustafa Sheta est confirmé par un récent sondage réalisé par le Centre Palestinien de Recherche et d'Enquêtes Politiques (PCPSR) en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Selon les résultats du sondage, le soutien au Hamas a bondi à 44 % parmi les Palestinien·nes de Cisjordanie, alors qu'il n'était que de 12 % en septembre. Le soutien à Abbas, à son parti, le Fatah, et à l'AP a considérablement diminué : plus de 90 % des personnes interrogées demandent la démission du président, tandis que le soutien à la dissolution de l'AP – près de 60 % en Cisjordanie et à Gaza – n'a jamais été aussi élevé dans un sondage du PCPSR.

Le mécontentement croissant de l'opinion face au silence assourdissant de l'AP face aux bombardements effrontés d'Israël sur Gaza, à l'intensification des raids dans les villes de Cisjordanie et à l'assassinat de hauts dirigeants palestiniens s'ajoute à des années de frustration face aux accusations persistantes de corruption, à l'incapacité de l'Autorité palestinienne à payer ses employés et au sentiment qu'elle est de plus en plus déconnectée de la vie de ses administrés. Plus que jamais, le sentiment que l'AP n'a plus aucune raison d'être est très fort.

Ainsi, pour de nombreux·ses Palestinien·nes, les dirigeants actuels ne sont pas en mesure de représenter les aspirations et les préoccupations de la population, ce qui les empêche de prendre des mesures significatives pour mettre fin à la guerre actuelle contre Gaza et faire progresser leur lutte dans son ensemble. Beaucoup insistent sur le fait qu'il est impératif qu'une nouvelle direction dirige ses actions sur les besoins urgents de la population, et qu'elle affirme l'initiative palestinienne autonome dans la cacophonie des discussions sur le « jour d'après ». L'Autorité palestinienne et ses dirigeants font cependant tout ce qu'ils peuvent pour rester au centre de ces plans élaborés par d'autres.

Fin du statu quo

Depuis le 21 octobre, les raids militaires israéliens à Jénine sont devenus routiniers, avec des incursions quasi toutes les nuits et des affrontements avec les combattants de la résistance basés dans le camp de réfugiés. Sur les quelque 500 Palestinien·nes tué·es en Cisjordanie au cours de l'année 2023 – le nombre annuel le plus élevé depuis la seconde Intifada – au moins 137 étaient originaires de Jénine. Mais à part sa rhétorique de condamnation et ses appels à la protection internationale, la destruction massive de la ville n'a pas poussé l'Autorité palestinienne à prendre des mesures.

Parlant de la situation à Jénine avant le raid de deux jours, Mustafa Sheta a déclaré que « les habitants du camp sont complètement dépassés par les incursions militaires nocturnes » qui laissent les réfugié·es déjà épuisé·es encore plus endeuillé·es et leurs infrastructures dans des conditions de plus en plus difficiles.

  • « Nous ne savons pas quand cela se terminera », déplore-t-il. « L'armée affirme que l'opération vise à déraciner la résistance du camp, mais ce n'est pas un objectif réaliste. Ils ne peuvent pas anéantir la résistance d'un peuple opprimé – les meurtres entraînent des meurtres, et la violence entraîne la violence ».

Au milieu de cette tempête, les Palestinien·nes ressentent le coût du vide de leadership qui affecte leur action politique depuis des années. Ashraf Ajrami, analyste politique et écrivain, a critiqué l'approche actuelle de l'AP, qu'il qualifie d'« impuissante et dépourvue de légitimité populaire ». Il a noté que, lors d'un événement dédié aux prisonnier·ères politiques palestinien·nes libéré·es en échange des otages israélien·es pri·es par le Hamas le 7 octobre, le ministre de l'AP chargé des affaires des prisonniers, Qadura Faris, a été conspué par les participant.es.

Ashraf Ajrami accuse les dirigeant·es de l'AP, en particulier les proches du président Abbas, de faire comme si de rien n'était face à la catastrophe de Gaza. Il a souligné l'absence de mobilisation significative en Cisjordanie pour soutenir Gaza, d'autant plus que l'AP s'est déjà mobilisée à d'autres occasions, notamment en envoyant 40 pompiers et 8 camions pour aider à éteindre les incendies de forêt près de Haïfa en 2016.

Malgré ses critiques à l'égard du Fatah et du Hamas, Ajrami estime qu'il est possible d'aller de l'avant en créant une commission technocratique indépendante qui interviendrait pendant une période de transition, à la fois pour reconstruire Gaza et pour ouvrir la voie à des élections. Il souligne que le moment actuel est une opportunité potentiellement unique, affirmant que le monde est enfin réellement intéressé par la création d'un État palestinien : « La solution des deux États, basée sur les paramètres politiques établis par la communauté internationale, est sérieusement abordée pour la première fois depuis [le président américain Bill] Clinton ». Mais pour saisir cette opportunité, a-t-il souligné, il faut que les dirigeant·es changent radicalement d'approche.

« Nous avons besoin d'une personnalité capable d'unir le peuple »

Le sentiment général est qu'une personnalité politique largement respectée est nécessaire pour sortir de cette paralysie. Dans un petit café rempli de fumée de cigarette à Al-Bireh, une ville proche de Ramallah, Abu Othman, un client palestinien, a exprimé le point de vue de beaucoup : « Nous ne pouvons pas continuer à nous demander quelle est la suite avec les dirigeants actuels. Nous avons besoin d'une figure comme Abou Ammar », a-t-il déclaré en faisant référence à Yasser Arafat, le défunt dirigeant palestinien. « Quelqu'un qui puisse unir les gens malgré leurs différences ».

Le leader le plus en vue est Marwan Barghouti, prisonnier politique et leader historique du Fatah qui, selon le récent sondage du PCPSR, battrait à la fois Abbas et le leader du Hamas Ismail Haniyeh si des élections avaient lieu aujourd'hui. Devenu célèbre en tant qu'étudiant militant pendant la première Intifada, Barghouti a fini par s'impliquer dans la branche armée du Fatah, la Brigade des martyrs d'Al-Aqsa. Il a été arrêté par Israël au cours de la seconde Intifada [en avril 2001] et un tribunal militaire l'a condamné à cinq peines de prison à vie pour sa participation à des attaques contre des Israélien·nes.

Derrière les barreaux, Barghouti est resté actif dans le mouvement des prisonniers·ères et dans la politique palestinienne au sens large, publiant des articles et des déclarations qui soulignent la nécessité d'une réconciliation nationale. Souvent surnommé le « Mandela de la Palestine » [également du fait de la durée exceptionnelle de leurs séjours en prison, 27 ans pour Mandela, près de 23, à ce jour, pour le leader palestinien], Barghouti a conservé un large soutien populaire en tant que futur leader du mouvement national.

En raison de l'emprisonnement de Barghouti, certain·es Palestinien·nes se tournent également vers des personnalités établie·es au sein de l'AP en tant que leaders potentiels. Mahmoud Aloul, vice-président du Fatah depuis 2018, est considéré comme l'un de ces candidats.

Emprisonné et déporté de Cisjordanie en Jordanie après la guerre de 1967, Aloul est revenu en Palestine en 1995 dans le cadre des accords d'Oslo en tant que conseiller clé d'Arafat, qui l'a ensuite nommé gouverneur de Naplouse, poste qu'il a occupé pendant 10 ans et qui lui a valu une réputation d'homme du peuple. Laissant derrière lui son passé militaire, Aloul s'est fait l'avocat de la résistance populaire, notamment en organisant des manifestations et en boycottant les produits israéliens. Il supervise aujourd'hui les branches locales du Fatah en tant que chef de la Commission pour la mobilisation et l'organisation du parti.

Dans un modeste bureau ouvert au public, il est assis autour d'une longue table couverte de cahiers, de stylos, de ses lunettes et de son téléphone portable. Conscient de la gravité des conséquences de la guerre Israël-Gaza, il a déclaré à +972 magazine : « La priorité actuelle n'est pas de défendre l'AP ou de se l'approprier. La priorité est de regagner la confiance du peuple palestinien dans sa lutte pour la liberté. Cette guerre est dirigée contre l'ensemble de la nation palestinienne – le génocide à Gaza et les tueries et destructions quotidiennes en Cisjordanie ».

Tout en reconnaissant l'impact de la division Fatah-Hamas sur le peuple palestinien, il poursuit :

  • « Ce que je ressens personnellement, c'est que nous sommes en train de “tricoter le mauvais panier” lorsque nous parlons de la popularité des factions. La priorité devrait être la vision qui empêche Israël d'assassiner les rêves de notre peuple … de surmonter toutes les menaces qui pèsent sur les décisions palestiniennes indépendantes. Nous déployons de gros efforts pour mettre fin à cette [division] », ajoute-t-il, sans plus de précisions.
  • « C'est pourquoi nous faisons de notre mieux pour renouer le contact avec la population et créer une atmosphère propice aux élections – c'est ce dont nous avons besoin », poursuit-il. « Personne ne prétend que la situation est rose ; il y a beaucoup de choses que nous devons rectifier, en particulier nos relations avec notre peuple ».

Mahmoud Aloul s'est adressé au public palestinien par le biais de messages vocaux enregistrés et publiés sur sa page Facebook officielle le 13 octobre et le 8 novembre, dans lesquels il soulignait que la priorité des dirigeants palestiniens devrait être de mettre fin à l'agression israélienne à Gaza et en Cisjordanie. Dans son deuxième enregistrement, Aloul a exposé la voie à suivre pour les dirigeant·es palestinien·es : une position unifiée de l'OLP [Organisation pour la Libération de la Palestine] incluant le Hamas et le Jihad islamique, tous deux extérieurs à l'organisation. Des plans seraient en cours d'élaboration en vue de discussions sérieuses sur un tel accord d'unité.

Mais de nombreux·ses Palestinien·nes veulent plus qu'un nouvel accord élitiste. Fadi Quran, un militant politique de 35 ans, estime qu'une initiative palestinienne nouvelle et inclusive est nécessaire pour transcender les factions divisées. Pour compléter ces changements politiques au sommet, Fadi Quran envisage un mouvement populaire, semblable à la première Intifada, dans lequel les gens peuvent également participer au travail politique à partir de la base :

  • « L'énergie est là, le soutien public est là et les idées sont là. Il suffit de les organiser. Il y a une décentralisation, les gens commencent à créer leurs propres réseaux d'action. Il faut espérer que cela continue à se développer et puisse donner naissance à quelque chose ».

Les scénarios diplomatiques pour le « jour d'après » à Gaza

Au cours des dernières semaines, des représentant·es des gouvernements des États arabes, notamment des Émirats arabes unis, du Qatar et de l'Égypte, ainsi que des États-Unis, du Royaume-Uni, des membres de l'Union européenne et d'Israël se sont réuni·es à huis clos pour envisager divers scénarios d'après-guerre pour Gaza, selon des sources diplomatiques au fait de ces discussions. On relève l'absence dans ces délibérations de tout engagement direct avec l'Autorité palestinienne ou le Hamas .

Les diplomates qui ont parlé à +972 magazine sous couvert d'anonymat ont expliqué que les scénarios envisagés penchaient vers la création d'une nouvelle entité administrative, excluant expressément le Hamas, qui est désigné comme une organisation terroriste par les États-Unis et l'UE. L'AP, dirigée par le Fatah, a fait l'objet de nombreuses critiques et qualifiée de corrompue et d'antidémocratique.

Les sources diplomatiques ont décrit diverses propositions pour le « jour d'après » qui ont été discutées lors de ces réunions, et qui visent toutes à assurer une transition pacifique vers une direction démocratiquement élue tout en permettant la réhabilitation de Gaza. Il existe un large consensus en faveur d'une période de transition au cours de laquelle une certaine force serait formée pour gouverner le territoire après la fin de la guerre et jusqu'à ce que des élections puissent être organisées. Cette force, selon ces sources, serait principalement composée de membres de l'appareil de sécurité palestinien et de personnalités reconnues de la communauté palestinienne.

Il est également question de réduire la taille de la bande de Gaza en créant une zone tampon militaire israélienne le long du « corridor de Philadelphie » – un territoire qui longe la frontière entre Gaza et l'Égypte – qu'Israël insiste aujourd'hui pour contrôler. L'Égypte ne s'est pas opposée, pour l'instant, à cette idée.

Une proposition égyptienne en trois étapes pour mettre fin à la guerre, connue localement sous le nom d'« initiative égyptienne », gagnait du terrain ces dernières semaines, avant d'être déclarée morte à la suite de l'assassinat du chef adjoint du bureau politique du Hamas, Saleh al-Arouri, à Beyrouth le 2 janvier.

L'initiative, soutenue par les médiateurs qataris, prévoyait la fin progressive des hostilités, en commençant par une trêve temporaire qui permettrait la libération des otages israélien·nes en échange des Palestinien·nes détenu·es dans les prisons israéliennes, et conduisant finalement à un cessez-le-feu permanent. Elle envisageait également un changement de leadership à Gaza, de sorte que le Hamas ne gouverne plus la bande de Gaza, mais ne mentionnait pas l'Autorité palestinienne.

Le comité exécutif de l'OLP, présidé par Mahmoud Abbas, a publiquement rejeté l'initiative, la semaine dernière, dans sa forme initiale. Bassam al-Salhi, membre du comité, a déclaré à +972 magazine que l'instance dirigeante de la centrale palestinienne se concentrait principalement sur « un cessez-le-feu immédiat et un cadre pour une voie politique globale visant à mettre fin à l'occupation, après quoi nous pourrons aborder les questions intérieures, y compris l'unité, les réformes et les élections. Nous n'avons aucune garantie que la communauté internationale reconnaisse les résultats des élections que nous organisons sur la base de ce que nous avons vu en 2006 », a-t-il ajouté.

En coulisse, cependant, l'AP a reçu une bouée de sauvetage : un haut responsable du Fatah a déclaré à +972 magazine que l'Égypte lui avait assuré que le rôle de l'AP dans le processus de transition était admis par toutes les parties sans qu'il soit nécessaire de l'expliciter.

L'AP a alors demandé un amendement à la proposition, que l'Égypte a accepté, pour qu'un gouvernement d'unité nationale soit établi par le biais d'un accord de réconciliation entre les factions palestiniennes, plutôt que par un organe technocratique. Les responsables de l'AP craignaient que ce dernier scénario ne permette le retour d'opposants personnels d'Abbas, tels que Mohammed Dahlan, basé à Abu Dhabi, et l'ancien représentant de l'OLP, Nasser al-Kidwa, le neveu de Yasser Arafat.

Considérant cette initiative comme un moyen de rester dans le jeu, et cherchant ainsi à garder les Etats-Unis de son côté, l'AP a également demandé des ajouts à la proposition en ce qui concerne les réformes de ses mécanismes de gouvernance, de sécurité, de justice et d'administration. Les responsables états-uniens avaient clairement fait savoir à l'AP qu'il s'agissait là de leurs exigences, de même que l'idée de recycler une force de sécurité de l'AP qui serait responsable de la sécurité dans la bande de Gaza après la guerre. L'Égypte semblait être favorable à ces changements, avant que les pourparlers ne soient interrompus après l'assassinat d'al-Arouri.

À la lumière de ces discussions, l'AP a publiquement souligné son attachement aux principes démocratiques, plaidant en faveur d'élections nationales libres et équitables pour déterminer la représentation. Lors de ses rares apparitions publiques – largement critiquées – depuis le 7 octobre, Mahmoud Abbas a réaffirmé que l'AP était prête à prendre en charge la gouvernance de Gaza et a souligné que la reprise des négociations en vue d'une solution à deux États demeurait une priorité.

La position officielle d'Abbas repose sur trois piliers : l'arrêt de l'expulsion des Palestiniens de Gaza hors de l'enclave, la reprise du contrôle total de la Cisjordanie et de la bande de Gaza sous l'égide de l'OLP (à laquelle s'ajouteraient le Hamas et le Jihad islamique), et le lancement d'un processus de paix global. Les observateurs affirment que, dans les conditions actuelles, aucun de ces plans n'est réaliste.

Pour Quran, ces paroles creuses de la part des dirigeants palestiniens, sans légitimité politique ni pouvoir pour les soutenir, démontrent la nécessité d'une approche plus globale pour restaurer l'agence palestinienne. Nous sommes arrivés à un moment où les Palestiniens disent : « Nous voulons être représentés. Nous voulons que notre politique soit inclusive et nous voulons des gens compétents », a-t-il déclaré. « En avançant vers notre libération, nous commencerons à créer l'unité ».

*

Fatima AbdulKarim est une journaliste palestinienne indépendante basée à Ramallah (Cisjordanie). Outre +972 magazine, dont elle une contributrice régulière, elle collabore à plusieurs grands médias internationaux, dont le Wall Street Journal, The Nation et The Guardian.

Cet article a été publié le 4 janvier 2024 sur le site israélien judéo-arabe +972 magazine. Traduction par Contretemps.

Illustration : State Department photo by Ron Przysucha / Domaine public.

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Deuxième Assemblée générale annuelle de Presse-toi à gauche !

22 janvier 2024, par Sacha A. Calixte — ,
Le 13 avril, une quinzaine de personnes de Québec ont participé à la deuxième Assemblée générale annuelle de Presse-toi à gauche ! Après deux ans de travail motivé par la (…)

Le 13 avril, une quinzaine de personnes de Québec ont participé à la deuxième Assemblée générale annuelle de Presse-toi à gauche ! Après deux ans de travail motivé par la volonté enthousiaste d'ouvrir un espace journalistique national de réflexion et discussion pour la gauche québécoise en marche, quel bilan tirer ? Et surtout, vers où aller pour avancer ?

Bilan

Si l'on demeure toujours bien loin du rêve de ce journal national de gauche en format papier dont le Québec progressiste pourrait tant bénéficier, Presse-toi à gauche ! tire néanmoins un bilan positif de ces deux premières années. Car PTAG, c'est tout de même aujourd'hui près de 2000 articles parus sous la plume de plusieurs centaines de collaborateurs et collaboratrices, près de 600 visites quotidiennes sur son site, et plus de 1 200 abonnéEs web qui reçoivent la mise à jour maintenant bi-hebdomadaire de son site. De plus, PTAG peut se targuer d'avoir un impact non négligeable sur les débats en cours au sein de Québec solidaire, ce qui est certainement un apport démocratique bienvenu et salutaire en ces années importantes de formation de ce jeune parti politique. Une bonne tape dans le dos s'impose donc, pour accompagner la volonté renouvelée de poursuivre l'aventure.

Mais pour autant, les difficultés de l'entreprise ne sauraient être éludées. Parmi les défis les plus pressants, on note celui d'augmenter (encore et toujours) la participation trop largement minoritaire des femmes, celui de faire connaître davantage un journal qui peine à trouver notoriété hors du milieu relativement fermé de la gauche progressiste et militante, et aussi, celui de passer d'un journalisme encore trop exclusivement d'opinion, vers un journalisme d'enquête et plus directement informatif. Par ailleurs, est-ce une banalité d'indiquer qu'à PTAG comme ailleurs, on se heurte au même reflux militant que l'on peut observer partout au Québec, à la fin de cette vague qui avait, depuis le Sommet des Amériques, stimulé un renouveau progressiste au Québec culminant notamment en 2006 avec la création de Québec solidaire ? Ici comme ailleurs, les énergies sont rationnées, et l'intérêt public se fait frileux pour les propositions progressistes, ce qui n'aide en rien l'expansion d'un projet exigeant comme celui de PTAG…

Perspectives

Qu'à cela ne tienne, les membres de PTAG ! ont procédé à l'adoption de statuts pour PTAG ! (qui est devenu récemment une OSBL en règle), et renouvelé la composition des comités d'organisation et de rédaction. Une série de mesures, visant à répondre aux défis auxquels PTAG ! fait face, ont également été adoptées. On y retrouve l'adoption d'une plate-forme comme base politique du journal, une proposition d'identification et de mise en réseau des collaborateurs et collaboratrices de PTAG !en fonction de leurs compétences et intérêts, et celle de la mise en branle d'un plan de financement et de visibilité pour Presse-toi à gauche ! L'élargissement de l'équipe de PTAG !, tant en termes numériques qu'en terme d'une participation accrue de gens d'autres régions que celle de Québec, est également dans la ligne de mire.

Au final, il apparaît que la survie et le développement de Presse-toi à gauche ! passera, ici encore, par un travail patient et systématique de construction et d'implication. Ne doit-on pas, comme on le faisait remarquer avec humour, attacher une veste un bouton à la fois ? Gageons qu'en ce dimanche ensoleillé d'avril, les participants et participantes à cette assemblée générale auront tout autant été inspiré-es à retrousser leurs manches, en prévision du travail – et du soleil – qui se pointe à l'horizon !

Définition du genre : lancement d’un débat

22 janvier 2024, par Carole Hooven, Elizabeth Weiss, Kathleen Lowrey, Kathleen Richardson, Michèle Sirois, Silvia Carrasco — ,
Nous sommes déçus que l'American Anthropological Association (AAA) et la Société canadienne d'anthropologie (CASCA) aient choisi d'interdire le dialogue scientifique lors de (…)

Nous sommes déçus que l'American Anthropological Association (AAA) et la Société canadienne d'anthropologie (CASCA) aient choisi d'interdire le dialogue scientifique lors de l'importante conférence conjointe, intitulée « Transitions », qui se tiendra à Toronto en novembre.

Tiré de Entre les lignes et les mots

Chères Drs. Ramona Pérez and Monica Heller

Notre session, « Let's Talk About Sex Baby : Pourquoi le sexe biologique reste une catégorie analytique nécessaire en anthropologie », a été acceptée le 13 juillet 2023 après que la proposition ait été « examinée par les présidents de programme des sections de l'AAA ou par le Comité scientifique de la CASCA ». Entre le moment de cette acceptation et la réception de votre lettre datée du 25 septembre 2023, personne de l'AAA ou de la CASCA n'a contacté les organisateurs pour leur faire part de ses préoccupations. Ainsi, nous sommes tous choqués que l'AAA et la CASCA aient annulé la session en raison de la fausse accusation selon laquelle « les idées ont été avancées de manière à causer du tort aux membres représentés par les Trans et les LGBTQI de la communauté anthropologique ainsi qu'à la communauté dans son ensemble ». Etant donné la gravité de l'allégation, nous espérons que, plutôt que de la garder secrète, l'AAA et la CASCA partageront avec ses membres et avec nous-mêmes la documentation sur les sources exactes et la nature de ces plaintes, ainsi que la correspondance qui a conduit à cette décision.

Nous sommes perplexes quant au fait que l'AAA / CASCA adopte comme position officielle que conserver l'usage des catégories de sexe biologique (par exemple, mâle et femelle, homme et femme) revient à mettre en péril la sécurité de la communauté LGBTQI. La présentation de notre session, rédigée par Kathleen Lowrey, reconnaît que tous les anthropologues n'ont pas besoin de faire la différence entre le sexe et le genre. L'un des résumés exprime explicitement la crainte que le fait d'ignorer la distinction entre le sexe et l'identité de genre ne porte préjudice aux membres de la communauté LGBTQI. Dans « No bones about it : skeletons are binary ; people may not be » (Il n'y a pas de doute : les squelettes sont binaires ; les gens ne le sont pas forcément), Elizabeth Weiss écrit : « Dans le domaine de la médecine légale, cependant, les anthropologues devraient travailler (et ils le font) sur les moyens de garantir que les squelettes découverts soient identifiés à la fois par leur sexe biologique et leur identité de genre, ce qui est essentiel compte tenu de l'augmentation actuelle du nombre de personnes en transition de genre. »

Kathleen Lowrey a joué un rôle clé dans la constitution du panel des intervenants et dans la définition du thème qui nous rassemblait. Notre équipe réunissait des femmes diverses, dont l'une est lesbienne. En plus de présenter trois domaines de l'anthropologie, elle comprenait également des anthropologues de quatre pays et s'exprimant en trois langues – il s'agissait d'un panel international préoccupé par l'invisibilisation des femmes.

L'anthropologue espagnole Silvia Carrasco avait prévu de présenter des données sur « l'oppression, la violence et l'exploitation fondées sur le sexe » et sur la difficulté d'aborder ces questions lorsqu'on tourne le dos au sexe biologique. Le résumé de l'anthropologue britannique Kathleen Richardson mettait l'accent sur les disparités matérielles entre les sexes dans l'industrie technologique, que l'on gomme en comptant les hommes qui s'identifient comme transgenres comme des femmes, plutôt qu'en faisant entrer davantage de femmes dans le secteur. L'anthropologue canadienne francophone Michèle Sirois devait présenter un compte-rendu ethnographique des manières dont « les féministes québécoises se sont organisées pour documenter, clarifier et s'opposer à l'industrie de la maternité de substitution qui exploite les femmes et qui se cache sous le couvert de l'« équité » et de l'« inclusion » », et dans laquelle les politiques de maternité de substitution qui exploitent les femmes pauvres sont cyniquement présentées comme libératrices.

Votre suggestion selon laquelle notre session compromettrait d'une manière ou d'une autre « l'intégrité scientifique du programme » nous semble particulièrement grave, car la décision de jeter l'anathème sur elle ressemble beaucoup à une réponse anti-scientifique à une campagne de lobbying politisée. Si notre session avait été autorisée à poursuivre ses travaux, nous pouvons vous assurer qu'une contestation animée aurait été accueillie favorablement par les membres du panel et qu'elle aurait même pu survenir entre nous, étant donné que nos propres engagements politiques sont divers. Au lieu de cela, votre lettre exprime l'espoir alarmant que l'AAA et la CASCA deviennent « plus unifiées au sein de chacune de nos associations » afin d'éviter de futurs débats. Plus inquiétant encore, à l'instar d'autres organisations telles que la Society for American Archaeology, l'AAA et la CASCA ont promis qu' « à l'avenir, nous entreprendrons un examen approfondi des processus associés à l'approbation des sessions lors de nos réunions annuelles et nous inclurons nos dirigeants dans cette discussion ». Les anthropologues du monde entier trouveront à juste titre glaçante cette déclaration de guerre contre les divergences et la controverse scientifique. Il s'agit d'une profonde trahison du principe de l'AAA qui consiste à « faire progresser la compréhension humaine et à appliquer cette compréhension aux problèmes les plus urgents du monde ».

Sincèrement

Kathleen Lowrey (Associate Professor at University of Alberta)
Elizabeth Weiss (Professor at San José State University ; Heterodox Academy Faculty Fellow)
Kathleen Richardson (Professor at De Montfort University)
Michèle Sirois (Présidente de PDF Québec)
Silvia Carrasco (Professor at Autonomous University of Barcelona)
Carole Hooven (Associate, Department of Psychology, Harvard University ; Senior Fellow, American Enterprise Institute) – celle-ci devait participer, mais n'a pas pu le faire en raison d'un imprévu

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Définition du genre : un débat

22 janvier 2024, par Agustin Fuentes, Kathryn Clancy, Robin Nelson — ,
Nous écrivons afin de soutenir la décision de l'American Anthropological Association de retirer la session « Let's Talk About Sex, Baby » de la conférence annuelle. La session (…)

Nous écrivons afin de soutenir la décision de l'American Anthropological Association de retirer la session « Let's Talk About Sex, Baby » de la conférence annuelle. La session elle-même émet un certain nombre d'affirmations qui vont à l'encontre d'une grande partie des connaissances scientifiques établies dans le domaine de l'anthropologie biologique et, plus généralement, de la biologie de l'évolution, en lançant de vagues insultes au concept de genre, sans le définir de manière significative.

Tiré de Entre les lignes et les mots

Examinons quelques-unes d'entre elles :

Bien que certains se soient concentrés sur le titre de la session, ce qui nous intéresse ici porte seulement sur la manière dont le titre assume une position erronée au vu des connaissances scientifiques.

Les participants de la session proposent un concept de « sexe biologique » qui s'oppose à celui de « genre » sans définir l'un ou l'autre terme.

La session suggère que le « genre » est en train de remplacer le « sexe » en anthropologie. C'est faux, car un travail massif s'effectue actuellement sur ces termes, leurs interactions et leurs nuances, à travers l'anthropologie socioculturelle, biologique, archéologique et linguistique.

Dès le premier résumé de présentation, les auteurs utilisent des termes dépassés tels que « identification du sexe » plutôt que celui scientifiquement plus précis d'« estimation du sexe ».

Le résumé de la session, ainsi que plusieurs des résumés individuels partent implicitement du principe que le sexe constitue un concept biologique binaire, une idée rejetée par l'anthropologie biologique et la biologie humaine actuelles, et très contesté par la biologie contemporaine.

La plupart des résumés individuels reflètent des griefs basés sur les hypothèses erronées décrites ci-dessus.

En tant qu'anthropologues travaillant dans le domaine de l'anthropologie biologique et de la biologie humaine, nous sommes conscients que les définitions du sexe peuvent être établies à partir de la forme de la ceinture pelvienne, des dimensions crâniennes, des organes génitaux externes, des gonades, des chromosomes sexuels, etc. Le sexe, en tant que descripteur biologique, n'est binaire dans aucune de ces définitions. Chaque jour, des personnes naissent avec des organes génitaux non binaires – nous avons tendance à appeler intersexes les personnes qui appartiennent à ce groupe. Chaque jour, des personnes naissent avec des chromosomes sexuels qui ne sont pas XX ou XY, mais X, XXY, XXXY et d'autres encore. Il en va de même pour les gonades. De plus, une personne peut avoir des organes génitaux intersexués mais pas de gonades intersexuées, des chromosomes intersexués mais pas d'organes génitaux intersexués. Ces différences corporelles illustrent les variations considérables observées dans la physiologie sexuelle chez les vertébrés. Au-delà de l'homme, l'orang-outan adulte se présente sous trois formes. S'agit-il d'un sexe binaire ? Des pourcentages significatifs de nombreuses espèces de reptiles présentent des organes génitaux intersexués. Sommes-nous encore en train d'essayer de qualifier le sexe de binaire ? Le binaire limite les types de questions que nous pouvons poser et, par conséquent, le champ d'application de notre science.

En tant qu'anthropologues et biologistes humains, nous savons également que la façon dont les gens choisissent de nommer le sexe à travers les organes génitaux, les gonades et les gènes est souvent prescrite par la culture et, comme le démontre ce panel, souvent politisée. De plus en plus, de nombreux chercheurs, y compris dans le domaine des sciences biologiques, cherchent à comprendre ensemble le sexe et le genre, en reconnaissant leur imbrication intrinsèque. Par rapport à l'approche traditionnelle en biologie évolutionnaire humaine, la reconnaissance de l'intrication du sexe et du genre offre une vision plus réaliste, bien que plus complexe, à partir de laquelle il est possible de poser des questions sur l'évolution de l'homme, et potentiellement sur d'autres espèces, et d'y répondre. Comme l'écrit Anne Fausto-Sterling, « peu d'aspects du comportement adulte, des émotions, de la [sexualité] ou de l'identité peuvent être attribués purement au sexe ou purement au genre », parce qu'aucune de ces qualités n'est fixée au cours d'une vie et parce que « les structures sexuées modifient la fonction et la structure biologiques », considérer que le genre et le sexe sont enchevêtrés est une manière productive d'avancer.

Le domaine de l'anthropologie, et de l'anthropologie biologique en particulier, a tendance à résister aux arguments universels en faveur de la compréhension des êtres humains dans toutes leurs variations. Par conséquent, non seulement l'idée d'un binaire biologique pour un phénomène tel que le sexe constitue une affirmation excessive qui ignore les preuves, mais elle va à l'encontre des fondements empiriques les plus élémentaires de notre domaine. Comprendre la variation biologique humaine signifie résister aux normes culturelles autour du sexe, au lieu de les renforcer comme les auteurs de la session l'ont fait ici. Le genre/sexe se noue atour du développement conjoint de l'anatomie, de la physiologie, des hormones et de la génétique dans un contexte socioculturel fluide comprenant l'identité, les rôles et les normes, les relations et le pouvoir. Le genre/sexe reconnaît que la culture s'empare de la variation biologique de base, la façonne et peut l'accroître.

Les personnes non binaires, trans ou queer, et/ou celles qui occupent des catégories sexuelles autres que « mâle » ou « femelle », ont existé dans toutes les sociétés humaines et tout au long de l'évolution de l'humanité. Ce qui caractérise les catégories de sexe et de genre humaines, c'est qu'elles ne sont ni simples, ni binaires, qu'elles sont toujours influencées par les croyances culturelles de leur époque et qu'elles évoluent. Continuer à travailler sur la base de ces hypothèses réfutées revient à travailler dans la pénombre, à passer à côté de la plus grande partie du tableau et à ne pas s'engager dans une anthropologie scientifique rigoureuse, empiriquement fondée et pertinente.

Agustin Fuentes (Princeton University)
Kathryn Clancy (University of Illinois)
Robin Nelson (Arizona State University)

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Du terricide et de la domination

22 janvier 2024, par Marc Simard
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La vie sociale des droits

22 janvier 2024, par Revue Droits et libertés
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La vie sociale des droits

Diane Lamoureux, Professeure émérite en science politique de l'Université Laval et membre du CA de la LDL

Retour à la table des matières Revue Droits et libertés, printemps / été 2023

Des revendications aux droits

La plupart des droits qui figurent dans nos Chartes ont commencé sous la forme de revendications. Prenons l’exemple du droit de vote. Celui-ci émerge, en Occident, de la remise en cause de la souveraineté absolue des monarques et de la volonté de faire participer, de façon plus ou moins importante, les populations aux décisions qui les concernent. Le cheminement a été long, de l’obligation pour les monarques de consulter les grands barons du royaume sur certains sujets tel qu’énoncé dans la Grande Charte de 1215 en Angleterre, en se poursuivant dans les réflexions des philosophes politiques sur la souveraineté et la citoyenneté entre les XVIe et XVIIIe siècle, en passant par la révolte des colons étasuniens au nom du no taxation without representation ou par la Révolution française et l’énoncé que la souveraineté ne peut résider que dans le peuple. Une fois le principe du vote acquis, restait à savoir qui avait le droit de vote. Cela a donné lieu, en Grande-Bretagne, au mouvement chartiste réclamant le droit de vote pour tous les hommes adultes; aux mouvements suffragistes des femmes un peu partout dans les pays occidentaux; aux mouvements de décolonisation et pour l’instauration d’États indépendants en Afrique et en Asie, au mouvement contre l’apartheid en Afrique du Sud et aux luttes contre les dictatures un peu partout sur la planète. La codification du droit de vote universel pour les adultes dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme (DUDH) en 1948 n’a pas mis un point final à la lutte pour le droit de vote. Face aux dictatures, on a pu voir émerger des mouvements citoyens pour des élections libres. Le mouvement étasunien des droits civiques des années 1950 et 1960 demandait l’inscription des personnes noires sur les listes électorales pour qu’elles aient la possibilité d’exercer le droit de vote. Malgré le Voting Act de 1965, les campagnes pour l’inscription sur les listes électorales, contre le gerrymandering1, et pour un nombre suffisant de bureaux de vote se poursuivent encore aujourd’hui chez nos voisins du sud. La situation n’est guère plus reluisante au Canada et au Québec, puisque les femmes ont longtemps été exclues du droit de vote2 et qu’elles ont dû mener une longue campagne pour enfin obtenir ce droit : à titre d’exemple, au Québec, les suffragistes ont présenté (via un député favorable) des projets de loi en faveur du suffrage féminin sans succès, tous les ans, entre 1922 et 1939.

Des chartes ou des déclarations, pour quoi faire?

Depuis la fin du 18e siècle, il est devenu coutumier de codifier les droits dans un texte solennel. Plus récemment, les Nations Unies, dans la foulée de l’adoption de la DUDH en 1948, se sont dotées d’une panoplie d’instruments de droits humains qui précisent ou complètent cette déclaration3 dont le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966), le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1966), la Convention pour l’élimination des discriminations à l’égard des femmes (1979). Au Québec nous avons une Déclaration des droits de la personne (devenue depuis Charte québécoise des droits et libertés de la personne) depuis 1975 et le Canada a ajouté une Charte des droits lors du rapatriement de la constitution en 1982. Il faut également ajouter des déclarations régionales comme la Déclaration américaine des droits et des devoirs de l’Homme (1948) ou encore locales comme la Charte montréalaise des droits et des responsabilités (2006). On pourrait se demander à quoi servent tous ces instruments de défense des droits humains au regard de l’empressement des divers gouvernements à les bafouer ou à les contourner en adoptant des législations ayant recours à une clause de dérogation comme cela a été le cas récemment au Québec avec les projets de loi 21 et 96 ou en Ontario pour prévenir une grève dans le milieu de l’éducation4. En fait tous ces instruments sont utiles. En codifiant les principes autour desquels devrait s’organiser le vivre-ensemble des sociétés, elles stimulent les luttes pour la mise en œuvre de ces droits là où ils sont bafoués, puisqu’elles permettent aux populations de confronter leurs gouvernements à respecter leurs engagements internationaux en matière de droits humains. Elles permettent également d’en appeler des discriminations de certains gouvernements devant une autre instance, comme c’est le cas dans l’Union européenne en vertu de la Déclaration européenne des droits de l’Homme; ainsi les droits des personnes LGBTQ+ dans beaucoup d’États européens ont été validés par la Cour européenne de justice avant d’être intégrés dans les législations nationales de plusieurs pays de l’Union. Elles permettent aussi d’étendre certains droits à des groupes pour lesquels ils n’étaient pas prévus. Ainsi, la clause d’interdiction de la discrimination de la Charte québécoise a pu s’appliquer à l’orientation sexuelle ou encore au handicap, ce qui n’était pas prévu à l’origine. C’est aussi de cette façon que les femmes ont pu obtenir le droit de vote dans plusieurs pays et, plus récemment, de fragiles droits reproductifs.

De nouvelles générations de droit

On peut également soutenir que les droits appellent de nouveaux droits. Au point de départ, les droits reconnus étaient essentiellement civils ou politiques. Les mobilisations des mouvements ouvriers et des mouvements féministes ont fait en sorte que beaucoup de droits sociaux s’ajoutent à ces droits civils et politiques. Voudrait-on vivre aujourd’hui dans une société où le droit de grève ou le droit à la santé ou à l’éducation ne sont pas reconnus5? La spéculation immobilière et la rareté des logements disponibles nous rappellent par ailleurs l’urgence d’inscrire le droit au logement dans nos Chartes. Les enjeux écologiques alimentent également diverses mobilisations pour des droits qui ne sont pas encore reconnus comme le droit à l’eau potable, à un air respirable, à la protection des territoires ou des paysages. Ils soulèvent également de nouvelles questions concernant les droits. Doit-on conférer des droits aux animaux non humains ou encore à l’ensemble des êtres vivants? Les enjeux liés aux migrations internationales font aussi l’objet de luttes concernant les droits. Certains États européens cherchent actuellement à criminaliser comme passeurs les personnes qui fournissent leur aide aux migrant-e-s irréguliers, par exemple en les recueillant à bord de bateaux en Méditerranée. Quels doivent être les droits à la migration des populations dont l’habitat est détruit du fait des changements climatiques? Doit-on élargir le droit d’asile pour y inclure l’asile lié à des conditions socio-économiques?

Penser en termes de vie sociale des droits

Le fait que les droits naissent dans les revendications sociales et parviennent parfois à être codifiés dans des Chartes, lesquelles nourrissent de nouvelles mobilisations sociales pour en exiger le respect, les étendre à des groupes sociaux pour lesquels ils n’étaient pas prévus ou obtenir de nouveaux droits qui en découlent m’amène à réfléchir en termes de vie sociale des droits. Cette notion, qui a été développée d’abord dans les milieux anthropologiques, présente plusieurs avantages. D’abord, elle permet de dépasser une version ossifiée des droits qui devraient être légalement codifiés pour exister. Ensuite, elle rend possible de prendre en compte l’ensemble des acteurs en cause dans le milieu des droits humains qui sont loin de se limiter aux communautés juridiques. Elle permet également de reconnaître le caractère toujours localisé et ancré dans les luttes sociales des droits humains. Enfin, elle permet d’échapper aux débats universalisme/relativisme culturel en les ancrant à la fois dans les pratiques concrètes des groupes sociaux qui s’en saisissent, mais en les rattachant à des luttes pluriséculaires un peu partout sur la planète.
  1. Découpage partisan de la carte électorale.
  2. Au Canada, les femmes ont obtenu le droit de vote après la Première Guerre mondiale, le droit de vote fédéral, en Les Québécoises n’ont obtenu le droit de vote au provincial qu’en 1940. Les Autochtones (hommes et femmes) vivant dans les réserves n’obtiennent le droit de vote qu’en 1969. Les premières élections municipales montréalaises au suffrage universel ont lieu en 1970. Quant aux personnes détenues, elles devront attendre 1979 pour obtenir le droit de vote au Québec et en 2004 au Canada.
  3. En voici la liste complète selon le site des Nations Unies : la Convention internationale pour l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (1965), le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966), le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1966), la Convention pour l’élimination des discriminations à l’égard des femmes (1979), la Convention relative aux droits de l’enfant (1989), la Convention contre la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants (1984), la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et de leur famille (1990), la Convention relative aux droits des personnes handicapées (2006), la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (2006). La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones a été adoptée en 2007, mais ne jouit pas du même statut que les autres textes.
  4. La Charte canadienne est enchâssée dans la Constitution et ne peut être amendée que selon les procédures d’amendement de la Constitution. Par contre, la Charte québécoise peut être modifiée en tout temps par un projet de loi recueillant l’assentiment d’une majorité simple des membres de l’Assemblée nationale.
  5. Même si les droits économiques et sociaux ne sont pas justiciables au même titre que les droits civils et politiques.
 

L’article La vie sociale des droits est apparu en premier sur Ligue des droits et libertés.

La question de l’internationalisme et de la méthode chez Lénine

21 janvier 2024, par Pierre Beaudet
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Pierre Beaudet, le 14 septembre 2015 À l’occasion du 100e anniversaire de la mort de Lénine, le 21 janvier 1924, nous voulons rappeler une partie de sa contribution en publiant un extrait du texte de notre camarade feu-Pierre Beaudet, Relire Lénine?, publié sur le site Contretemps. Lénine et (...)

Grève du transport en commun en vue à Vancouver

21 janvier 2024, par West Coast Committee
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Le locale 4500 du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), syndicat représentant plus de 180 superviseurs de la Coast Mountain Bus Company dans la région métropolitaine de Vancouver, entamera une grève de 48 heures à partir de lundi matin, à 3 heures, s'il ne parvient pas à conclure (...)

Les profs mettent au premier plan la qualité de l’école publique

21 janvier 2024, par Marc Bonhomme — , ,
De dire haut et fort le président du Syndicat de l'enseignement de la région de Laval (SERL-FAE) qui a rejeté à 68 % l'entente de principe conclue avec Québec, que ses membres (…)

De dire haut et fort le président du Syndicat de l'enseignement de la région de Laval (SERL-FAE) qui a rejeté à 68 % l'entente de principe conclue avec Québec, que ses membres sont « restés fidèles aux positions qu'ils avaient au moment de la grève générale illimitée. Lorsqu'on se promenait sur les lignes de piquetage, les gens nous parlaient de la composition de la classe, des conditions de travail, des conditions d'apprentissage des élèves, de l'école publique dans son ensemble. […] Le gouvernement a décidé que lorsqu'il ne pouvait pas donner les services nécessaires, il allait donner une prime en argent aux enseignants. Ce n'est pas ça qui va rendre les conditions de travail meilleures… » (Marie-Ève Morasse, Les profs de Laval sont restés « fidèles » à leurs revendications, dit leur syndicat, La Presse, 19/01/24).

Tout est dit. Reste à gagner la bataille du rejet de la ratification ce qui n'est pas une mince affaire quand on considère la course à obstacles qui suivra, le cas échéant. L'acceptation de l'entente de principe par une courte majorité, dont une par la peau des dents, des deux autres syndicats de la FAE ayant voté est certes crève-cœur. Cependant un syndicat de la CSQ (Lanaudière), comme Laval, l'a fortement rejeté alors qu'un autre (Estrie) ne l'a ratifiée que par une majorité moindre que celle de la victoire du ‘non' au référendum de 1995. Malgré certaines ratifications fortes, surtout de la partie salariale quand les votes étaient scindés, rien n'est perdu. Plusieurs militantes de la FSSS-CSN ne sont pas enchantées de la hausse salariale de base qui risque de ne même pas égaler l'inflation. D'autant plus que du côté santé, la FIQ résiste aux demandes de « flexibilité » de la CAQ, ce qui a obligé les représentantes du petit syndicat de la CSQ regroupant les mêmes corps d'emploi à rejeter à la quasi-unanimité l'entente de principe sans même perdre son temps à la soumettre aux membres.

La bureaucratie syndicale, de connivence avec la CAQ, pensait avoir réussi à faire passer l'amère pilule par ses négociations secrètes puis des ententes tenues secrètes jusqu'à la tenue des assemblées générales de ratification — heureusement les médias grâce à de pertinents coulages ont pu casser cette procédure anti-démocratique — et par l'arrêt des grèves justifié par le temps des Fêtes. Comme le chantait Joël Denis en 1971, « c'ta pas encore fait, non non non ». Et si ça passe, il risque d'y avoir pas mal de démissions si ce n'est une crise paroxysmique. Encore plus, si la CAQ se laissait aller à la tentation de la loi spéciale en cas de non-ratification.

Pourrait poindre à l'horizon la défiance de 1972 avec cette fois une série de blocages de la délétère circulation des marchandises comme la FAE l'a fait le 21 décembre dernier (La Presse canadienne, Des enseignants en grève ont bloqué des accès aux ports de Montréal et de Québec, Le Devoir, 21/12/23) durant sa grève générale illimitée (GGI) qui a duré près d'un mois. Cette GGI était la bonne stratégie mais en Front commun que l'a FAE a boudé par corporatisme syndical, même combatif, alors que n'importe quel militant syndical sait que l'union fait la force et bloque les manœuvres patronales en autant qu'il y ait un fonctionnement démocratique. Cette bourde a permis à la CAQ de diviser pour tenter de peinturer dans le coin FAE et FIQ grâce aux tergiversations du Front commun.

Il n'est pas trop tard pour se reprendre si Québec solidaire met cartes sur table

Il n'est pas trop tard pour se reprendre. Si le « top gun » de la santé est payé plus cher les deux premières années pour mettre en place la malencontreuse centralisation à la mode albertaine du système de santé, on ne voit pas pourquoi la CAQ ne pourrait pas dégager un budget supplémentaire, et faire payer les banques et consorts pour ce faire, afin d'attirer par des primes les profs, infirmières, spécialistes et personnel de soutien manquants. Dans cette deuxième ronde, il serait plus facile de mobiliser l'appui populaire tant par une coordination de toutes et tous qu'en mettant l'emphase sur le rehaussement de l'éducation et de la santé publiques comme but explicitement recherché.

Ce brusque tournant est-il possible sans intervention musclée d'une inexistante gauche syndicale organisée ? Le spontanéisme a ses limites. On ne blâmera jamais assez la gauche dite anticapitaliste qui a fait semblant d'organiser une gauche syndicale depuis une dizaine d'années sinon plus, pour laisser dégénérer cette tentative en une série de conférences et table-rondes, parfois utiles, dont la dernière en date invitait une majorité de bureaucrates. L'aile parlementaire Solidaire n'a pas manqué la facilité de se faire prendre en photos sur les lignes de piquetage (Québec solidaire,[[PHOTOS] Les porte-parole de Québec solidaires des enseignantes et des enseignants en grève, 5/12/23). Maintenant, aujourd'hui, sans tarder, son intervention est indispensable pour appeler au rejet de l'entente de principe, pour inviter à des assemblées générales intersyndicales de toutes et tous ensemble, afin d'exiger une reprise des négociations et même au besoin une réouverture de la convention collective. Le parti de gauche de l'Assemblée nationale qui a une audience de masse, qui s'est fait damer le pion par le PQ faute de vision stratégique, saura-t-il rompre son alliance implicite avec la bureaucratie syndicale ?

Marc Bonhomme, 20 janvier 2024
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca

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Légitimité et pouvoir en place

20 janvier 2024, par Marc Simard
L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local En septembre 2023, un référendum a eu lieu dans la municipalité de Métis-sur-Mer pour voter le changement de zonage de (…)

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local En septembre 2023, un référendum a eu lieu dans la municipalité de Métis-sur-Mer pour voter le changement de zonage de terrains destinés à accueillir un camping pour véhicules récréatifs. La population, ou plutôt dans ce cas-ci une (...)

Crise climatique : la solution miracle

17 janvier 2024, par Carole Dupuis — , ,
Il se passe rarement une journée sans qu'une ONG, un gouvernement ou une sommité scientifique nous propose des solutions pour diminuer nos émissions de gaz à effet de serre. Et (…)

Il se passe rarement une journée sans qu'une ONG, un gouvernement ou une sommité scientifique nous propose des solutions pour diminuer nos émissions de gaz à effet de serre. Et chaque 22 avril, nous assistons à un véritable festival des solutions climatiques dans les médias, qui célèbrent ainsi à répétition le Jour de la terre. Or, il n'existe qu'une seule solution miracle au réchauffement climatique : passer de la parole aux actes et mettre en application les solutions que nous connaissons souvent depuis des décennies.

Nous savons toutes et tous comment cesser d'émettre presque tous les gaz à effet de serre dont nous causons le rejet dans l'atmosphère, principalement en lien avec la production et la consommation d'énergies fossiles.

Dans le domaine du transport, il faut rester chez nous en optant pour le télétravail et les vacances locales. Circuler à pied, à vélo ou à vélo électrique chaque fois que cela est possible et organiser nos quartiers, nos villages ainsi que nos vies pour que cela soit presque toujours possible. S'il faut vraiment faire la navette matin et soir, choisir le métro, le bus ou l'auto électrique en mode covoiturage. Se déplacer à quatre personnes dans une voiture électrique émet facilement 90 % moins de GES que se déplacer en solo dans une voiture à essence !

En ce qui concerne le chauffage des bâtiments, il suffit de bannir les systèmes au mazout et au gaz naturel pour faire tomber les émissions de GES à presque zéro. Quant aux déchets, miser simplement sur des pratiques ancestrales aussi banales que la lutte au gaspillage alimentaire, le compostage, le réemploi des contenants et la réparabilité des objets nous fera déjà faire un grand bout de chemin pour venir à bout des GES qu'ils génèrent… en les éliminant à la source.

Rien de sorcier jusqu'ici. Et s'il est vrai que certaines activités sont plus difficiles à décarboner que d'autres, en industrie surtout, la plupart ne posent aucun défi technique digne de ce nom.

En fait, la liste des solutions concrètes d'évitement des GES est longue et archi-connue. Le Front commun pour la transition énergétique en propose des centaines dans sa Feuille de route pour la transition du Québec vers la carboneutralité. Le GIEC en présente une synthèse admirable, pour chaque domaine de la vie quotidienne et chaque pilier de nos économies, dans le troisième et dernier volet de son sixième rapport, publié en avril dernier.

Le hic, c'est la mise en application.

Agir à la bonne échelle

Ni le Canada ni le Québec ne pourront faire leur juste part dans la lutte au réchauffement climatique sans que toutes les personnes qui y occupent des postes décisionnels et tous les ménages qui y vivent sachent comment éviter les émissions de GES et s'engagent dans une démarche radicale en ce sens. Néanmoins, savoir quelles sont les façons de faire à changer et vouloir les changer ne suffit pas. Il faut aussi pouvoir les changer, ce qui dépend très souvent des choix collectifs et non de décisions individuelles.

Comment diminuer les GES liés aux déplacements quand notre gouvernement s'emploie à aggraver le problème en investissant 6,5 milliards $ pour construire le tunnel autoroutier Québec-Lévis et 255 millions $ sur 5 ans dans le transport aérien régional, plutôt que de réserver les fonds à une mobilité beaucoup plus verte ? Comment sortir rapidement le gaz du chauffage des bâtiments quand Québec émet un décret sur la biénergie qui en prolongera l'usage pour au moins 30 ans ? Comment éliminer nos déchets à la source dans une économie dopée à la surconsommation, au gaspillage, au suremballage et au jetable, grisée par des réglementations complaisantes, une fiscalité qui ne joue pas son rôle et de généreuses injections de fonds publics ?

Territorialiser les systèmes

Si les idéologies en place empêchent encore pour l'instant tout progrès significatif de la décarbonation à l'échelle nationale, il existe peut-être tout de même un terreau fertile à l'action climatique efficace : celui des collectivités territoriales.

À cette échelle, il est encore possible d'espérer que les acteurs clés du milieu et la population puissent agir de concert pour briser certains des verrous systémiques qui bloquent le changement. Heureuse convergence, l'action climatique territoriale a le potentiel de non seulement avoir un impact important sur les volumes de GES émis, mais aussi de permettre à la société civile de reprendre une certaine maîtrise sur ses choix collectifs, de faciliter l'inclusion des populations marginalisées dans les démarches de transition socioécologique et d'atténuer la vulnérabilité qui plombe nos collectivités au terme de plusieurs décennies de mondialisation.

À titre d'exemple, le modèle des systèmes agroalimentaires territorialisés peut remplacer avantageusement le modèle industriel mondialisé qui domine. Il permet d'envisager que s'assoient autour d'une même table toutes les parties prenantes du système agroalimentaire d'un territoire donné, y compris la population, afin de créer un système largement autosuffisant, solidaire, carboneutre et zéro déchet, respectueux de la santé des sols et des cours d'eau. Certes, on ne reviendra pas à l'époque de nos ancêtres où tout était produit et transformé à la maison. Rien n'empêche toutefois une collectivité de s'organiser pour que les productions et autoproductions agroécologiques locales occupent la part du lion de son alimentation, que personne ne souffre d'insécurité alimentaire, que le gaspillage alimentaire devienne chose du passé et que la consigne et le compostage remplacent les montagnes de contenants et résidus organiques à trier, enfouir ou méthaniser.

La même logique peut s'appliquer au domaine de l'énergie. Sans surprise, Hydro-Québec affirme dans son plan stratégique 2022-2026 que la transition exigera une hausse de nos capacités de production d'électricité renouvelable. Pourquoi nos collectivités ne se doteraient-elles pas de systèmes énergétiques partiellement territorialisés au lieu de laisser le champ libre aux partenariats d'Hydro-Québec avec des entreprises privées comme Énergir et Boralex ? Conçus en fonction des ressources et des contraintes des territoires, ces systèmes territorialisés pourraient inclure entre autres la géothermie communautaire, la récupération de chaleur industrielle, l'éolien, le solaire et la biomasse. Ils procureraient des revenus aux collectivités et leur assureraient un minimum de résilience énergétique.

Tous les systèmes peuvent être passés au crible territorial. Même si les gouvernements supérieurs détiennent un pouvoir déterminant sur les systèmes de transport, les collectivités peuvent mener des actions structurées ayant un grand impact sur l'empreinte carbone des déplacements de personnes et de marchandises sur leur territoire. Un autre exemple est ce qu'on pourrait appeler le système de production de déchets : en s'unissant entre eux et avec la population, les acteurs clés d'une collectivité (municipalité, institutions, associations de commerçants, industries, entreprises d'économie sociale, médias, etc.) ont le pouvoir de tourner le dos aux emballages, contenants et objets à usage unique, de promouvoir activement l'économie du partage, du réemploi et de la réparation, et ainsi de suite.

Changer le monde en passant par les territoires ?

Par l'ambition de son plan climat, la Ville de Montréal illustre bien les pas décisifs qu'une collectivité peut franchir malgré l'incohérence climatique des gouvernements Trudeau et Legault. Pour sa part, le projet Collectivités ZéN du Front commun pour la transition énergétique mise sur l'union des forces de la société civile sur des territoires circonscrits afin de transformer les milieux.

« À force d'éroder les brèches, on finit par éroder le système. Les acteurs en place arrivent alors à s'engager dans une transformation profonde et porteuse de grands changements », disait le professeur en innovation sociale Philippe Dufort lors d'un forum en ligne organisé par le Front commun pour la transition énergétique le 1er avril dernier. Sans constituer par elle-même une solution miracle, l'action climatique territoriale est assurément un terrain à investir pour effectuer ce nécessaire travail de sape.

Illustration : Ramon Vitesse

Côte-Nord - Nitassinan / Territoires enchevêtrés

17 janvier 2024, par Valérie Beauchamp, Adèle Clapperton-Richard — , , ,
Longer le fleuve, suivre les épinettes, remonter les rivières, marcher les tourbières, respirer la nordicité. Les vastes étendues de la Côte-Nord chamboulent, fascinent, (…)

Longer le fleuve, suivre les épinettes, remonter les rivières, marcher les tourbières, respirer la nordicité. Les vastes étendues de la Côte-Nord chamboulent, fascinent, apaisent. On les associe à l'immensité d'une nature brute, mais elles symbolisent aussi, malheureusement, des espaces accaparés, transformés, pillés. Le territoire nord-côtier fait en effet partie de ce qu'on nomme les « régions ressources », où les arbres, les cours d'eau et les sols ont été perçus comme des marchandises à exploiter, au détriment des écosystèmes et de la biodiversité, et, surtout, des gardien·nes et responsables de ces lieux, les Innus.

Car la Côte-Nord, c'est d'abord le Nitassinan, le territoire ancestral innu – littéralement notre terre en innu-aimun. Ce sont des rivières, des portages, des sentiers empruntés depuis des millénaires ; des relations et des savoirs territoriaux qui se sont développés en harmonie avec la faune et la flore boréales, et qui continuent de se transmettre.

La Côte-Nord est un territoire enchevêtré. Un territoire façonné par les interactions, autant les ententes que les rapports de pouvoir, entre les groupes allochtones et autochtones vis-à-vis l'occupation, l'utilisation et la gestion territoriales. De ces enchevêtrements naissent des relations au territoire où se tissent un enracinement, un sentiment d'appartenance. L'espace nord-côtier n'est pas homogène – on devrait même dire les espaces nord-côtiers – et pourtant il s'en dégage une certaine constance : celle d'un attachement profond, d'une fierté aussi.

Les textes qui composent ce dossier en rendent tout à fait compte. Ce sont des fragments de réalités nord-côtières actuelles, de projets et de préoccupations, où s'expriment des histoires et des émotions. Comment le territoire influence-t-il la création et l'expression artistiques ? Quel héritage laisse la colonisation, entre la dépossession territoriale, la cohabitation et les possibles solidarités ? Comment la nordicité façonne-t-elle les habitant·es et ce qu'on peut cueillir et cultiver ? Quelles difficultés entraînent la distance de cette région, par rapport aux grands centres urbains ? Quelle place occupent la culture et la langue innues ?

Ces questions ont orienté les principales thématiques abordées dans ce dossier : les relations coloniales, l'éloignement, les liens communautaires, la sauvegarde et la protection – non seulement du territoire, mais aussi celles de la culture et de la langue innues. Culture et langage qui sont, comme le montrent plusieurs des textes ici réunis, indissociables de leur ancrage territorial ancestral. Tous ces textes dépeignent les spécificités de la vie nordique. Ils montrent ce qui rend la Côte-Nord unique, ce qui rend le Nitassinan magnifique. Ce n'est pas seulement un vaste espace ; c'est un territoire vécu.

Tshima mińu-tshitapatameku - Bonne lecture.

Dossier coordonné par Adèle Clapperton-Richard et Valérie Beauchamp

Illustrations par Emilie Pedneault et photos par Raphaëlle Ainsley-Vincent

Avec des contributions de Dolorès André, Rose-Aimée Auclair, Alex Beaudin, Charlotte Bellehumeur, Myriam Boivin-Comtois, Isabelle Bouchard, Adèle Clapperton-Richard, Stéphanie Fournier, Frédérique Lévesque, Mat Michaud, Yvette Mollen, Sylvie O'Connor, Camille Robidoux-Daigneault, Marie-Hélène Rousseau et Valérie Tremblay.

Illustration : Adèle Clapperton-Richard

Cohabitation interculturelle. Une recette imparfaite

17 janvier 2024, par Charlotte Bellehumeur — , ,
Le territoire nord-côtier se définit non seulement par ses vastes paysages, mais aussi par les individus qui y vivent. Par des mobilités croissantes, la Côte-Nord se transforme (…)

Le territoire nord-côtier se définit non seulement par ses vastes paysages, mais aussi par les individus qui y vivent. Par des mobilités croissantes, la Côte-Nord se transforme en un espace pour les rencontres et la cohabitation avec l'Autre, notamment dans les milieux de travail.

La cohabitation sur la Côte-Nord a débuté bien avant la colonisation, malgré ce que les récits historiques rédigés par les vainqueur·euses racontent. En effet, les Premiers Peuples présents sur le grand territoire du Nitassinan (le territoire des Innu·es, « notre terre » en innu-aimun) se fréquentent depuis plusieurs centaines d'années.

S'en sont suivis les contacts avec les premier·ères pêcheur·euses européen·nes, même si la rencontre avec les Occidentaux·ales s'est concrétisée dans nos livres d'histoire à l'époque coloniale, entre les colon·nes français·es, les colon·nes anglais·es et les Premières Nations.

Aujourd'hui, ce sont des communautés allochtones francophones et anglophones ainsi que des communautés innues et naskapies qui se côtoient sur un vaste territoire partagé, dont les échanges sont entre autres tissés autour de la division de la gouvernance territoriale, de même qu'autour du partage et de la cogestion des ressources de la région [1]. Ces villes, ces communautés et ces villages sont reliés et communiquent par la voie terrestre (comme la route 138), la voie maritime (le bateau Bella Desgagné) ou la voie aérienne.

La cohabitation comme clé de lecture

Ce long passé de mixité sur la Côte-Nord peut être défini de diverses façons. La cohabitation est d'emblée la « dimension déterminante de l'habiter [2] » et elle implique la coexistence entre les différentes nations et leurs cultures sur un même territoire, qui peut être harmonieuse ou conflictuelle. La cohabitation se caractérise en outre par la mise en commun et le partage qui doivent impérativement se faire dans le plus grand des respects des autres communautés afin de bien fonctionner [3] : c'est un « exercice de consensus [4] », un « vivre-ensemble [5] » à la fois volontaire et obligé. Néanmoins, ces relations interculturelles ne peuvent être complètement détachées de l'héritage colonial et sont teintées des rapports de domination, qui se matérialisent notamment par une distance culturelle. Il est donc primordial que des espaces de création de relations soient mis en place dans l'objectif de construire un espace commun et d'inclusion, vital et durable.

Les relations contemporaines prennent forme au sein de plusieurs sphères personnelles, culturelles, économiques, politiques, artistiques et de loisirs. La première étape de l'établissement d'un réseau social réside dans la rencontre banale et régulière avec l'Autre. Les milieux de travail représentent le noyau embryonnaire où les relations interculturelles prennent souvent naissance, et seront notre lunette pour observer les relations entre les nations, qui peuvent par la suite persister à de plus grandes échelles.

Lieu de travail : pierre angulaire des relations interculturelles

En plus d'être caractérisée par la présence de plusieurs peuples, la cohabitation sur la Côte-Nord est redéfinie par les mobilités et l'arrivée de nouvelles personnes en provenance d'ailleurs ou de l'extérieur du Québec. Cela transforme et bouleverse l'organisation sociospatiale de la cohabitation nord-côtière. L'arrivée de ces individus, le plus souvent pour des raisons professionnelles, entraîne des mouvements de plus en plus marqués au sein de la population nord-côtière.

De cette manière, le milieu de travail devient le point de rencontre initial, le premier contact, où toutes les nations doivent se côtoyer, socialiser et se tolérer et ce, peu importe l'origine ethnoculturelle, le genre, la classe ou la personnalité. Toutefois, les milieux de travail reproduisent eux aussi certaines disparités coloniales, comme les rapports raciaux qui se dessinent dans la prédominance toujours actuelle des pratiques professionnelles allochtones néolibérales qui encouragent un certain racisme systémique.

Toujours est-il que le fait de se fréquenter régulièrement amène une promiscuité ordinaire qui permet de créer, avec le temps, un espace de confiance qui outrepasse cette distance ainsi que ces inégalités. Cette cohabitation permet de travailler de pair et encourage le développement de liens à l'extérieur du travail. Le milieu de travail offre de ce fait un contexte particulier où les rapports majorité/minorité sont revisités, notamment par des pratiques professionnelles qui visent la mise en valeur des manières d'être et de faire nordiques et autochtones. Le lieu de travail est ainsi un espace indispensable aux rencontres diversifiées et à la valorisation des différentes cultures.

Éclatement des frontières

Pour réduire les tensions et accroître l'équilibre dans la rencontre avec l'Autre à l'échelle régionale, les relations doivent surpasser le milieu professionnel pour se traduire dans les pratiques quotidiennes, des communautés, du nutshimit (l'intérieur des terres, en innu-aimun) et du territoire. Cela est grandement facilité lorsque les personnes habitent dans la même communauté que celle où se situe leur lieu de travail, puisqu'elles pourront pleinement participer aux activités et à la vie communautaires. Cela contribue également à réduire le roulement et améliorer la rétention des nouveaux·elles habitant·es sur la Côte-Nord, ce qui augmente le sentiment de familiarité qui se développe à long terme.

En sus, la cohabitation n'est complète que lorsqu'elle se fait aussi avec le territoire et à l'intérieur de celui-ci : la cohabitation est largement définie, ficelée et encouragée par le rapport à l'espace [6]. Bien s'intégrer au territoire permet de mieux comprendre comment celui-ci s'articule, comment les Nord-Côtier·ères, les Innu·es et les Naskapi·es y vivent, et encourage un meilleur respect envers les usager·ères ancestraux·ales et de longue date de ces milieux des régions dites éloignées.

Lorsque la cohabitation dépasse les lieux de rencontres préétablis, c'est à ce moment qu'elle contribue à la décolonisation des relations, au mieux vivre des peuples voisins. En ce sens, la cohabitation nord-côtière contemporaine ne se limite pas aux délimitations territoriales régionales : elle se poursuit en dehors de la Côte-Nord par les mobilités croissantes. En effet, les parcours migratoires ne se font pas seulement de grands centres urbains vers la Côte-Nord, mais tout autant en sens inverse. Par cet éclatement des frontières, les mouvements incessants, les technologies grandissantes et les infrastructures de déplacement de plus en plus accessibles qui permettent une contraction de l'espace-temps et facilitent l'échange culturel, la cohabitation nord-côtière s'ancre dans un réseau d'ouverture à autrui à plusieurs échelles et devient un enjeu qui concerne non seulement les habitant·es du Nitassinan et ses nouveaux·elles arrivant·es, mais également les individus à l'échelle québécoise.


[1] Annie Bourgeois, Les relations interculturelles entre les Autochtones et les allochtones du Québec : étude de cas des communautés de Nutashkuan et Natashquan (mémoire), Université du Québec à Montréal, 2011.

[2] Laurie Guimond, Alexia Desmeules, Caroline Desbiens et Jean-Charles Piétacho, Des ponts interculturels à la rivière Romaine ? : développement nordique et territorialités innues, Québec, Presses de l'Université de Québec, 2019, p. 46.

[3] Justine Gagnon, Mode d'habiter et territorialités autochtones contemporaines : le cas de la natinisga'a en Colombie-Britannique (mémoire), Université du Québec à Montréal, 2013.

[4] Caroline Desbiens et Étienne Rivard, « Relations durables : autochtones, territoires et développement », Recherches amérindiennes au Québec, vol. 38, no 1, 2010, p. 302.

[5] Laurie Guimond et Alexia Desmeules, « « Les oreilles se sont ouvertes des deux côtés » : développement territoiral et relations entre Innus et non-Innus au chantier Romaine », Recherches sociographiques, vol. 58, no 2, 2017, p. 378.

[6] Naomi Fontaine, Shuni, Montréal, Mémoire d'encrier, 2019.

Charlotte Bellehumeur, département de géographie, UQAM. Cet article a été rédigé par une étudiante allochtone en terres autochtones ancestrales non cédées, notamment sur le territoire Tio'tia:ke de la nation Kanien:keha'ka où se retrouve l'UQAM, et sur le territoire des Innu·es, le Nitassinan.

Photo : Raphaëlle Ainsley-Vincent

L’inuu-aitun en classe de français

17 janvier 2024, par Camille Robidoux-Daigneault — , , ,
La posture de l'enseignant·e de français langue seconde est susceptible de reconduire des rapports de domination chargés. Quelle place est-il possible d'octroyer à la culture (…)

La posture de l'enseignant·e de français langue seconde est susceptible de reconduire des rapports de domination chargés. Quelle place est-il possible d'octroyer à la culture des apprenant·es innu·es dans ce contexte afin d'éviter de reproduire des pratiques hiérarchiques [1] entre la langue maternelle et la langue d'enseignement ?

À l'hiver 2022, le Cégep de Baie-Comeau a accueilli sa première cohorte d'apprenant·es au cheminement Tremplin DEC – Premières Nations. Celui-ci a émergé au terme d'une série de consultations avec le Centre régional en éducation des adultes (CRÉA) de Pessamit et d'étudiant·es innu·es afin de créer une grille adaptée aux besoins de la communauté. Parmi les éléments ciblés, notons l'amélioration des compétences en lecture et en écriture en français, l'accompagnement dans la découverte de l'univers numérique propre au collégial, les compétences organisationnelles et même… la gestion des finances personnelles ! C'est donc avec ce mandat bien précis en tête que s'est développée la grille du cheminement, un cursus qui permet aux étudiant·es de terminer leurs études secondaires à Pessamit tout en découvrant les études collégiales à Baie-Comeau.

Des adaptations pour favoriser la réussite

Il allait de soi pour moi qu'une mise en valeur soutenue de l'innu-aitun (la culture innue) serait au centre de mon cours de Stratégies de lecture et d'écriture [2] afin de favoriser la sécurisation culturelle [3] des apprenant·es. J'ai donc privilégié l'enseignement d'œuvres écrites par des Innuat, soit Michel Jean et Marie-Andrée Gill. Les étudiant·es ont donc été à même de s'identifier à la fois aux personnages et aux auteur·trices, ce qui leur était rarement arrivé, selon leurs témoignages (une évaluation qualitative du cours a été menée auprès des étudiant·es à la fin de la session).

Ils et elles ont d'ailleurs non seulement eu l'opportunité de rencontrer ces deux modèles littéraires, mais également de se familiariser avec les rouages de l'organisation et de l'animation de tables rondes littéraires. Ainsi, la classe s'est approprié les manifestations thématiques de Tio'tia:ke (roman de Michel Jean, Libre Expression, 2021) et de Frayer (recueil de poésie de Marie-Andrée Gill, La Peuplade, 2015) dans un format convivial, tout en consolidant ses compétences numériques et communicationnelles. Les étudiant·es ont participé à tous les aspects de

l'organisation des événements culturels : infographie des affiches promotionnelles, rédaction d'invitations officielles à la communauté du cégep de Baie-Comeau, planification et animation des tables rondes.

À titre d'enseignante, j'ai pu relayer la parole d'auteurs et d'autrices qui problématisent un rapport parfois difficile à l'identité culturelle et proposent des pistes de solution pour s'adapter aux réalités contemporaines tout en préservant un savoir traditionnel. Toujours selon les témoignages recueillis, la présence continuelle de leur culture dans les contenus et la pédagogie employée favorisait la motivation et le sentiment de compétence des étudiant·es. Cette présence faisait contrepoids à une absence systémique au sein de leurs cours de français antérieurs.

L'apprentissage au service de… l'apprentissage

Je me suis sentie privilégiée de côtoyer des étudiant·es animé·es par une vive curiosité à l'égard des arts, de l'histoire et de la politique. En ce sens, la sécurisation culturelle est rapidement devenue un tremplin vers d'autres horizons. La légitimation de notre identité culturelle favoriserait-elle l'empathie et l'ouverture à l'altérité plutôt qu'un repli sur soi ? C'est ce que mon expérience m'invite à penser.

Afin de sortir d'une approche centrée sur une interprétation figée des œuvres, où l'enseignant·e est l'expert·e – ce que je ne saurais prétendre être dans un tel contexte culturel –, j'ai privilégié l'apprentissage coopératif et expérientiel. Je me suis également montrée vulnérable en questionnant les étudiant·es sur la prononciation de quelques mots d'innu-aimun, une langue dont j'amorce l'apprentissage grâce à Yvette Mollen (Université de Montréal) et Monique Verreault (Pekuakamiulnuatsh Takuhikan) [4]. Cela permettait aux étudiant·es de percevoir leur identité culturelle comme un objet riche et résolument actuel. Christopher Moreau, un étudiant de mon cours, l'a d'ailleurs bien thématisé dans un poème rédigé à la suite de la lecture du recueil de Marie-Andrée Gill :

[…] pour sauver ce qu'il reste d'un passé,

il se tourne vers le futur

les braises d'un tipi dans sa poitrine, cendres chaudes

une vie vacillante, sa volonté aussi, arbres sous le vent […]

« Des rivières d'eaux claires et des sentiers de terres » (extrait)

Un lien au-delà des murs de la classe

Outre les stratégies déployées dans les cours du cheminement, l'équipe du Tremplin DEC – Premières Nations souhaite s'affranchir du cadre traditionnel de l'enseignement collégial, notamment en prenant part à des activités pour soutenir la persévérance et l'engagement des étudiant·es. Nous irons d'ailleurs faire une initiation au kayak de mer avec les étudiant·es pour bien clore cette première session et se rappeler que l'apprentissage hors texte est tout aussi riche que celui que l'on fait en classe.

* * *

DES PISTES DE SÉCURISATION CULTURELLE DANS LA CLASSE DE FRANÇAIS

Reconnaître les traumatismes vécus par les étudiant·es, leur famille et leur communauté ;

Être conscient·es des obstacles à la poursuite d'études supérieures des apprenant·es ;

Étudier les particularités linguistiques de la langue maternelle des apprenants afin de favoriser l'efficacité de l'enseignement de la grammaire et de la littérature ;

Reconnaître l'expertise culturelle des apprenant·es ;

Légitimiser la langue maternelle des apprenant·es, ici l'innu-aimun ;

S'autoriser à sortir du cadre rigide de l'enseignement supérieur lorsque possible.


[1] On appelle « diglossie » un bilinguisme où les langues parlées sont soumises à une hiérarchie. Les langues autochtones du Québec, qui ont un statut minoritaire, n'ont que peu de place dans l'espace public, contrairement au français ou à l'anglais, qui elles ont droit de cité ; il s'agit d'une diglossie.

[2] Le cours vise à soutenir la transition entre les études secondaires et les premiers cours de formation générale (Écriture et littérature et Philosophie et rationalité).

[3] Le concept de sécurisation culturelle, apparu dans le système de santé néo-zélandais dans les années 1980, désigne avant tout une « responsabilité » institutionnelle et individuelle et non une « adaptation » de contenus ou de pratiques. Le concept s'impose depuis plusieurs années dans l'enseignement. Je le trouve particulièrement crucial dans un contexte de français langue seconde pour éviter de hiérarchiser des langues qui seront nécessairement amenées à se côtoyer au sein de la classe.

[4] Monique Verreault enseigne des ateliers de nehlueun ouverts à tous et toutes sur Zoom de façon hebdomadaire.

Camille Robidoux-Daigneault est enseignante de littérature au Cégep de Baie-Comeau.

Photo : Raphaëlle Ainsley-Vincent

Protéger et transmettre l’innu-aimun

17 janvier 2024, par Myriam Boivin-Comtois, Isabelle Bouchard, Adèle Clapperton-Richard, Yvette Mollen — , , , , , ,
Yvette Mollen est née dans la communauté innue d'Ekuanitshit. Elle consacre sa carrière à la sauvegarde et la transmission de la langue innue, l'innu-aimun. À bâbord ! a (…)

Yvette Mollen est née dans la communauté innue d'Ekuanitshit. Elle consacre sa carrière à la sauvegarde et la transmission de la langue innue, l'innu-aimun. À bâbord ! a échangé avec elle à propos des enjeux entourant la protection de cette langue et, par le fait même, de la culture innue. Propos recueillis par Adèle Clapperton-Richard, Isabelle Bouchard et Myriam Boivin-Comtois.

À bâbord ! : Quel portrait tracer de l'état actuel de l'innu-aimun sur la Côte-Nord ? Êtes-vous optimiste ?

Yvette Mollen : Je n'ai pas de données vérifiées et récentes pour le nombre de locuteur·trices de la langue innue sur la Côte-Nord. Ce serait le rôle de l'Institut Tshakapesh d'effectuer ce travail d'évaluation de l'état de la langue. Comme cet organisme a un accès direct aux communautés et aux écoles innues, ce serait facile d'engager des personnes qui iraient sur le terrain et évalueraient la situation de la langue : l'utilisation, la transmission, etc.

Ce que je peux vous dire c'est que la situation a évolué depuis la colonisation. Beaucoup d'Innu·es d'une certaine génération et de certaines régions, comme en Minganie ou en Basse-Côte-Nord, n'utilisent que l'innu-aimun pour communiquer. Mais le commerce, les pensionnats et bien sûr les écoles telles qu'on les connaît maintenant ont contribué au bilinguisme des Innu·es. Aujourd'hui, presque tous·tes les Innu·es de moins de 60 ans sont bilingues.

Ensuite, pour expliquer certaines choses, ça me vient en innu d'abord…

Eshpish mishkutshipanit eshinniunanut anite innu-assit, mishta-mishkutshipanu ashit innu-aimun. Ne ua issishueian : ueshkat innu inniuipan anite nutshimit, kushpipan eshku eka shitshimakanit tshetshi apit anite innu-assit. Mishapani aimuna,

mitshenupani kie, tanite innu-aitun an takuanipan eshakumitshishikua, nataunanipan, kussenanipan kie takuanipani aimuna anite nutshimit iapashtakaniti. Anutshish eshpish apinanut anite innu-assit, mishkutshipanua aimuna, passe tutakanipani, passe auiashunanipani anite mishtikushiu-aimunit kie ma akaneshau-aimunit.

Ekue takuak katshishkutamatsheutshuap, ekue takuak mishtikushiu-aimun. Passe innu-auassat ekue eka tshishkutamuakaniht aimuna : nutshimiu-aimuna ushkat kie nenua kutaka aimuna iapatanniti tshetshi nishtuapatahk : pishimuat, atushkan-tshishikua, atshitashuna, atishauiana, eshinikuashuniti aueshisha, namesha…. Anu uetshiuat tshetshi mishtikushiu-uitahk. Apishish anite katshishkutamatsheutshuapit uauitamuakanuat muku apu ishpannit nenu. Tshika ui itutakanuat anite nutshimit, tshika ui nishtutatishuat nenua nutshimiu-aimuna kie tshika ui eshku tapishimakanuat anite innu-aitunit.

(Avec le changement de vie dans les communautés, un changement s'est fait au niveau de la langue. Avant qu'on ne leur impose la sédentarisation, les Innu·es vivaient à l'intérieur des terres et fréquentaient le territoire. Plusieurs mots étaient utilisés aussi parce que la culture était plus vivante tous les jours : on chassait, on pêchait et les mots de l'intérieur des terres étaient utilisés. Depuis que les réserves existent, les mots changent, certains néologismes ont été faits, certains mots sont empruntés au français ou encore à l'anglais.

Et puis, il y a eu l'école. Certains enfants n'ont pas appris les mots de l'intérieur des terres ainsi que ceux utiles dans la vie de tous les jours : les mois de l'année, les jours de la semaine, les chiffres, les couleurs, le nom des animaux, des poissons… Ils ont plus de facilité à les prononcer en français. On leur en parle à l'école, mais ce n'est pas suffisant. Il faudrait les amener à l'intérieur des terres, il faudrait qu'ils et elles comprennent ces mots pour les connecter à la culture innue.)

Malgré tout, je reste optimiste, car de plus en plus de personnes sont conscientes du danger et tentent d'inverser la tendance à la baisse. Un travail immense est à faire, là devant nous, et si tous et toutes s'y mettent, ce sera plus facile de voir des résultats encourageants.

ÀB ! : Dans quelles sphères d'activité les défis de la conservation et du développement de la langue sont-ils les plus grands ?

Y. M. : À Ekuanitshit, la majorité de la communauté parle innu. Mais dans toutes les communautés, le défi est à la maison. À l'école, les enfants reçoivent l'enseignement en français et, avec les nouvelles technologies, ils et elles découvrent aussi d'autres langues : les parents doivent donc prendre le relais et continuer en innu après la journée de classe, pour pallier les manques.

Lorsqu'on entend les parents parler innu à leurs enfants et qu'on entend les enfants qui se parlent innu entre eux et elles, c'est très positif, car on sait que la transmission est assurée. Aussi, la pratique de la culture facilite l'apprentissage de la langue. La génération des grands-parents et celle des parents parlent très bien l'innu. Les grands-parents ont connu ce qu'était le nomadisme, car la communauté d'Ekuanitshit est devenue une « terre réservée » en avril 1963.

ÀB ! : Avec la migration de plusieurs Innu·es vers les villes, quelles sont les stratégies gagnantes pour assurer la pérennité de l'innu-aimun sur le territoire ? Lesquelles sont les mieux adaptées pour les communautés sur la Côte-Nord ?

Y. M. : La majorité des Innu·es habitent encore les communautés et beaucoup de ceux et celles qui s'exilent vont revenir un jour ou l'autre. Cependant, ceux et celles qui sont maintenant à l'extérieur n'ont parfois plus l'innu comme langue maternelle. Il sera difficile de reparler l'innu s'ils ou elles ne l'ont jamais parlé, mais avec de la volonté, on peut s'approprier notre langue sans problème.

La première stratégie est donc la transmission directe des parents à son enfant : parler innu tous les jours à son enfant. Ensuite, s'assurer de pratiquer des activités culturelles, car c'est là que les mots de l'intérieur des terres sont utilisés. Si l'activité est faite avec les enfants à répétition, ce sera facile de continuer à communiquer, à transmettre en innu. Sur la Côte-Nord, il y a la nature, le plein air, les grands espaces. Toutes les activités culturelles sont donc faisables comme nos arrière-grands-parents les faisaient. On peut chasser les gibiers d'eau, aller à la pêche, faire un séjour à l'intérieur des terres, aller camper, manger les produits de la chasse et la pêche.

ÀB ! : Vous enseignez l'innu-aimun à l'Université de Montréal depuis 2017 et êtes professeure invitée de la Faculté des arts et des sciences depuis 2021. Quelles sont les difficultés d'enseigner l'innu-aimun à des étudiant·es non innu·es, et la plupart du temps non autochtones ? Est-ce une langue difficile à enseigner ?

Y. M. : Le plus grand défi a été d'adapter l'enseignement langue maternelle à l'enseignement langue seconde. Les Innu·es qui parlent la langue innue ont ce que les étudiant·es non locuteur·trices n'ont pas, soit « l'instinct ». Les locuteurs·trices connaissent « d'instinct » des éléments puisque ceux et celles-ci ont été exposé·es dès la naissance à la langue. Cependant, une difficulté demeure la même dans les deux cas, puisque les Innu·es n'ont pas eu de cours sur la grammaire de la langue.

C'est difficile pour les étudiant·es qui apprennent. C'est difficile parfois de bien expliquer des choses abstraites qui n'existent pas dans la langue de l'apprenant·e. Il faut leur dire alors qu'ils et elles doivent apprendre par cœur jusqu'à ce que la notion soit intégrée complètement.

ÀB ! : À quel autre endroit aimeriez-vous enseigner l'innu-aimun ?

Y. M. : J'aimerais enseigner dans les communautés innues, à l'intérieur des terres, à des enfants du préscolaire et primaire en même temps qu'à leurs parents avec l'aide d'aîné·es. Ce serait la meilleure école qui unirait la langue et la culture innues. Mais maintenant, j'enseigne l'innu à l'Université de Montréal en ligne. J'aime cet enseignement, cela me permet d'expérimenter cette façon de faire.

ÀB ! : En innu-aimun, y a-t-il des mots ou des concepts qui ont malheureusement dû être inventés pour nommer des phénomènes blancs ?

Y. M. : Je ne dirais pas « malheureusement ». Toutes les langues inventent de nouveaux mots face aux nouvelles réalités. Par exemple, depuis la pandémie et le confinement, les contacts par vidéoconférence ont augmenté : nous avons eu Zoom et des expressions sont apparues, « zoomer » par exemple. Dans notre monde actuel, il faut inventer les mots qui n'existent pas pour ne pas perdre la langue, c'est l'évolution de la langue. Et tant que la langue évolue, elle est en vie.

La façon dont les mots sont créés en innu-aimun tient de l'observation, de la vision de l'objet ou du concept. Beaucoup de nouveaux mots sont créés selon leur utilité chez les Innu·es. Beaucoup d'autres ne sont pas créés parce qu'ils ne sont pas utiles. Quand certains concepts en français n'existent pas en innu, il faut expliquer le concept et traduire la définition.

ÀB ! : La langue innue est-elle genrée ? Quels sont les genres en innu-aimun ?

Y. M. : Le genre, en innu, c'est l'animé et l'inanimé. Cela n'a rien à voir avec ce qui est vivant et non vivant, ce qui bouge ou ce qui ne bouge pas.

C'est une façon de classer les mots qui n'est pas non plus reliée au masculin ou au féminin. Mais nous pouvons différencier un homme d'une femme, d'un mâle ou d'une femelle chez les animaux. Tous·tes seront animé·es : les hommes et les femmes, sans oublier toutes les catégories d'êtres humains. On dira pour l'orignal mâle « nape-mush » (du morphème nape, « mâle ») et pour la femelle « ishkue-mush » (du morphème ishkue, « femelle »).

ÀB ! : Pourriez-vous parler un peu du débat entourant la nécessité ou non de transposer à l'écrit l'innu-aimun ? Et des enjeux de la standardisation de la langue ?

Y. M. : Quand on pense au français, dont l'écriture est standardisée partout dans le monde où la langue est utilisée, la question ne se pose pas. Apprendre le français pour le parler, on appelle ça un moyen de communication. Quand quelqu'un l'écrit ou le lit, là, on appelle ça l'éducation. On protège la langue par des lois, on manifeste pour celle-ci, on brandit le poing quand un directeur d'une quelconque compagnie fait une entrevue dans une autre langue que la langue prescrite par le peuple qui la veut en vie encore longtemps.

Alors, je ne parle pas de débat pour l'innu. Il en faudrait un pourtant, un débat véritable pour la conservation de l'innu par l'écriture standardisée. Les personnes qui ne sont pas en faveur de cette standardisation ne savent souvent pas la lire ni l'écrire. Elles ne connaissent pas encore la richesse de leur langue maternelle.

La première chose que les Innu·es doivent faire pour l'enjeu entourant la langue, c'est de la transmettre oralement à la génération suivante. Il ne faut pas laisser gagner les langues dominantes dans la conversation. Je m'explique : quand mon enfant me répond en français ou en anglais, je continue à parler innu, je réponds en innu. L'important est d'abord de parler la langue. L'écrire viendra ensuite, après avoir eu un bon apprentissage.

Utiliser la bonne orthographe est bon pour les enfants qui apprennent la langue sur les bancs d'école. Il faut qu'ils et elles voient une bonne orthographe exempte de fautes. Ce sera plus facile de lire, de comprendre pour la suite de l'apprentissage. Si nous lisions quelque chose écrit ainsi : « keskia, pourkoi ske t'me parl d'même ? » dans les livres qu'apportent nos enfants de l'école, nous appellerions probablement la direction d'école pour nous plaindre. Nous aurions une discussion quant au sérieux de l'enseignement. La confiance en l'école serait ébranlée.

Dans le cas de l'innu, certains parents n'ont pas eu la chance de connaître l'écriture standardisée. Les enfants l'apprennent à l'école, mais pas encore suffisamment. Si le parent s'intéresse à cette écriture, il ou elle pourra apprendre en même temps que son enfant.

ÀB ! : Est-ce que la toponymie de la Côte-Nord reflète bien la présence de l'innu-aimun ?

Y. M. : Les Innu·es ont toujours nommé les rivières, les lacs, les portages qu'ils et elles fréquentaient depuis des millénaires. Les villages voisins des communautés innues sont nommés en innu, même que les noms de certains d'entre eux sont francisés de l'innu. Par exemple Tshekashkau, qui veut dire « endroit rocheux, sans banc de sable », s'appelle en français Kegaska. Avec la colonisation, certains lacs, rivières ou montagnes ont été renommés. Mais l'Innu·e gardera le nom de l'endroit tel qu'il ou elle l'a appris.

ÀB ! : Quelles seraient les conséquences directes de la disparition de la langue ? Pourquoi son maintien et son développement sont-ils cruciaux ?

Y. M. : La culture est très liée à la langue, les deux sont inséparables. La culture des gens nomades disparaît tranquillement et s'en va vers l'oubli dans certaines communautés. Les jeunes et les enfants ne vivent plus comme leurs ancêtres, n'ont pas la moitié du vocabulaire que ces dernier·ères connaissaient et utilisaient. C'est la sédentarisation et l'éducation obligatoire qui a fragilisé la langue. Si la langue disparaît, la culture aussi disparaît, tout comme notre identité. Les Innu·es auraient de la difficulté à s'identifier réellement, à vivre pleinement, à pratiquer les activités culturelles comme cela se faisait au temps de leurs grands-parents. Ils et elles pourraient pratiquer les activités d'une autre façon, peut-être sans la moindre conviction. Si cela arrive un jour, les Innu·es vont tenter de « baragouiner » une langue lointaine, sans trop savoir ce qu'ils et elles disent et sans comprendre toute l'immensité des subtilités de la langue.

Un jour, en allant dans une communauté innue, nous cherchions notre chemin. Nous nous sommes donc arrêté·es proche d'une maison. Un aîné était assis sur la galerie, sur sa chaise berçante, il me faisait penser à mon père. Un homme basané qui a pris beaucoup de soleil, quelques rides sur le front, les cheveux noirs. Je me suis approchée de lui et lui ai demandé le chemin en innu. Il m'a répondu en français en me disant qu'il ne me comprenait pas. J'ai donc redemandé en français et il m'a indiqué le chemin. J'ai été déboussolée de voir qu'il ne parlait pas innu et qu'il était un Innu.

Je pense à ces nations qui ont vu leur langue s'endormir. Elles tentent de la réveiller, mais ce n'est plus comme avant, elles ne peuvent plus décrire, plus dire. Tout ne résonne plus comme avant. Elles empruntent à d'autres langues, mais ce n'est plus pareil. Que dire des activités traditionnelles ? Nous irions à l'intérieur des terres en nommant tout en français ou en anglais, en ne mangeant pas les produits de la chasse. C'est donc crucial de maintenir la langue, c'est notre identité.

ÀB ! : Tshimishta-nashkumitinan ! (Nous te remercions beaucoup !)

Yvette Mollen est professeure invitée à la Faculté des arts et des sciences, département de littérature et langues du monde à l'Université de Montréal. Les réponses à l'entrevue ont été données à l'écrit.

Photo : Raphaëlle Ainsley-Vincent

La vie « difficile » des élu.es municipaux

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« Ça affecte tout dans la région »

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Droits en mouvements, 60 ans de la Ligue des droits et libertés

Lutter pour le droit à l’égalité effective

16 janvier 2024, par Revue Droits et libertés
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Droits en mouvements, 60 ans de la Ligue des droits et libertés

Retour à la table des matières Revue Droits et libertés, printemps / été 2023

Lutter pour le droit à l'égalité effective

Martine Éloy, militante à la LDL et membre du CA de 2002 à 2022

Les années 1963 à 2000

Victoire majeure de la Ligue des droits et libertés (LDL) : en 1975, après une dizaine d’années de pressions et de revendications, la Charte des droits et libertés de la personne du Québec a finalement été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale. Pour une première fois au Québec, les droits fondamentaux étaient enchâssés dans un document juridique ! Au cours des premières décennies de son existence, l’intervention de la LDL sur la question du racisme a pris la forme de dénonciations des discriminations et d’appuis à des luttes menées par des groupes victimes de discrimination, notamment celle des chauffeur-euse-s de taxi haïtien-ne-s, et celles de réfugié-e-s et sans-statut, dont Victor Regalado et Mohamed Cherfi. La LDL a aussi été très active en appui aux Autochtones engagé-e-s dans la lutte pour leurs droits, comme dans la guerre du saumon. Dès les années 1980, tout en poursuivant son travail terrain de dénonciations des discriminations, la LDL s’est penchée sur la montée des mouvements d’extrême-droite néonazis et des violences racistes au Québec1, jetant ainsi les bases d’une analyse systémique du racisme.

Les années 2000 et la guerre au terrorisme

Les attentats du 11 septembre 2001 ont donné lieu dans les pays occidentaux à une déferlante d’islamophobie. L’horreur de l’attentat a été instrumentalisée pour réactiver les stéréotypes associés aux mondes musulman et arabe, omniprésents dans la culture occidentale, et les répandre allègrement dans l’espace public. Les manifestations de gestes racistes ne se sont pas fait attendre, avec des conséquences directes, inquiétantes et bouleversantes pour les populations concernées : discrimination en matière d’emploi et de logement, agressions verbales et physiques envers les femmes portant le voile, profilage racial dans l’application des mesures antiterroristes dont les listes d’interdiction de vol et les certificats de sécurité, et de nombreuses autres. La LDL a alors initié un projet d’observatoire pour documenter et dénoncer ce néo-racisme ou racisme culturel. En effet, l’attribution à un groupe, présenté comme homogène, d’une identité culturelle stéréotypée, considérée inférieure et irréconciliable avec la culture dominante, constitue une forme de racisme.

2007 et après : Charte des valeurs et laïcité de l’État

Le climat de peur savamment entretenu par les gouvernements après le 11 septembre a favorisé la montée d’un racisme décomplexé dans le discours public. Cette période du discours du EUX contre NOUS a ouvert grande la porte au discours identitaire construit autour des soi-disant valeurs québécoises aux dépens des personnes musulmanes ou perçues comme telles. Il y a d’abord eu tout le débat public autour des accommodements raisonnables qui a donné lieu à la Commission Bouchard-Taylor en 2007. À cette occasion, la LDL a déposé un mémoire et témoigné aux audiences, rappelant que les mesures d’accommodement ont comme objectif de lutter contre l’exclusion en favorisant l’intégration d’un individu ayant un besoin spécifique (mobilité, santé, religion). La LDL a alors réitéré que tous les droits sont interdépendants et ne peuvent donc pas être hiérarchisés. Les conclusions du rapport Bouchard-Taylor ont été ignorées et, à la suite de ce rapport, nous avons plutôt eu droit à une série de projets de loi discriminatoires visant les minorités religieuses et particulièrement les femmes musulmanes : PL 942, PL 60 (Charte des valeurs)3, PL 624 et le PL 215. Pendant cette période, la LDL a émis nombre de communiqués, lettres ouvertes et mémoires, arguant que la majorité ne peut priver une minorité de droits garantis par les chartes des droits au nom des soi-disant valeurs de la majorité. En fait, le discours sur les valeurs communes est un discours d’exclusion. La LDL a aussi publié Laïcité, un fascicule qui a été réimprimé à quatre reprises entre 2010 et 2019. L’objectif était d’arriver à une compréhension commune du concept de laïcité, qui a été développé pour protéger les groupes de croyances minoritaires et non pour imposer une non-croyance. Tous les projets de loi ci-dessus ont échoué à être adoptés, sauf le PL 216, promulguée par la Coalition avenir Québec (CAQ) sous le bâillon en 2019.

Fredy Villanueva et la lutte contre le profilage racial

L’usage abusif de la force, notamment envers des jeunes racisés, et le profilage qui le sous-tend ont toujours été dans la mire de la LDL. Le 9 août 2008, Fredy Villanueva, un jeune de 18 ans, a été abattu par un policier alors qu’il était avec un groupe de jeunes qui jouaient aux dés dans un parc à Montréal-Nord. Lors de l’intervention policière qui dura moins d’une minute, deux autres jeunes ont aussi été blessés par les tirs du policier. Le sentiment d’injustice ressenti face à cet incident d’une violence inouïe a engendré une importante mobilisation contre les violences policières dont sont particulièrement victimes les personnes racisées. La LDL a participé activement à une coalition qui réclamait une enquête publique pour faire la lumière, non seulement sur les causes et circonstances de cette mort, mais aussi sur l’impunité policière et le traitement que la police réserve aux personnes racisées et marginalisées. Cet évènement a relancé la mobilisation pour dénoncer le profilage racial et les abus policiers.

2016 : Le racisme est systémique

En 2016, à l’initiative de groupes racisés, une vaste coalition s’est constituée pour demander que le gouvernement tienne une consultation publique sur le racisme systémique. Dans ce contexte, les membres de la LDL, réuni-e-s en AGA, ont décidé, sur recommandation du comité Racisme, laïcité et exclusion sociale, de faire de la lutte au racisme une priorité et ont endossé l’approche systémique du racisme.
Au-delà des comportements individuels, des propos vexatoires et des gestes discriminatoires, il y a des facteurs et des pratiques organisationnelles, institutionnelles et sociétales qui ont des effets discriminatoires pérennes pour les personnes racisées.
Pour la LDL, à la suite du constat que le droit formel n’est pas suffisant pour combattre un système, il est devenu apparent qu’il est important de s’attaquer aux causes structurelles du racisme. C’est dans cet esprit que la LDL a déposé un mémoire en 20197 et participé aux audiences de l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) sur le racisme et la discrimination systémiques. Certaines des recommandations de la LDL figurent d’ailleurs dans le rapport final de la Ville de Montréal. La LDL a appuyé l’appel à la création d’une commission sur le racisme systémique au Québec et a produit une brochure en 2016, Le racisme systémique… parlons-en!, permettant de mieux comprendre ce terme souvent galvaudé et mal interprété, y compris par le premier ministre lui-même. Depuis, la LDL a multiplié les occasions pour faire connaître le concept du racisme systémique auprès de publics francophones et anglophones d’abord par la publication d’une brochure qui a circulé à plus de 10 000 exemplaires ; d’un numéro de la revue Droits et libertés ; d’ateliers publics et privés ; de webinaires ; de capsules vidéo en animation ; des carnets des militant-e-s et, en 2022, d’une 2e édition révisée de la brochure.

2020 à 2023 : La pandémie révélatrice des iniquités

La pandémie de COVID-19 a mis en lumière ce qu’on on savait déjà : nous ne sommes pas tous et toutes égales, même face à la maladie. Pour les personnes racisées notamment dans les quartiers du nord-est de Montréal, l’éloignement des services médicaux, les conditions d’emplois précaires dans des secteurs jugés essentiels, le caractère exigu des logements qui ne permettent pas la distanciation et l’impossibilité de s’absenter pour se faire vacciner sont tous des facteurs qui expliquent un taux de décès supérieur à ceux de la plupart des autres quartiers de Montréal. C’est un exemple éloquent de l’interdépendance des droits : lorsque le droit à l’égalité est bafoué, cela porte à atteinte à d’autres droits, tel le droit à la santé et à la vie. Le traitement subi par Joyce Echaquan au Centre hospitalier De Lanaudière est malheureusement un autre exemple de l’existence du racisme sociétal au Québec et plus largement au Canada. Il est urgent de reconnaître l’existence du racisme systémique, car on ne peut espérer vaincre un problème dont on nie l’existence. Le droit à l’égalité est au cœur de notre mission et la LDL s’engage à poursuivre son intervention dans la poursuite de la lutte pour une société où le droit à l’égalité de tous et toutes sera une réalité.
  1. Ces travaux ont mené à la publication du livre Les Skins Heads et l’extrême droite, VLB Éditeur, 1991.
  2. Gouvernement du Québec, Projet de loi no 94, Loi établissant les balises encadrant les demandes d’accommodement, 2010.
  3. Gouvernement du Québec, Projet de loi no 60, Charte affirmant les valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l’État, 2013.
  4. Gouvernement du Québec, Projet de loi no 62, Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l’État et visant notamment à encadrer les demandes d’accommodements pour un motif religieux dans certains organismes, 2017.
  5. Gouvernement du Québec, Projet de loi no 21, Loi sur la laïcité de l’État, 2019.
  6. LDL, Le projet de loi 21 : un projet de loi discriminatoire et contraire aux principes fondamentaux d’un État de droit, mai 2019.
  7. Ligue des droits et libertés, Opinion écrite déposée à l’Office de consultation publique de Montréal, 31 octobre 2019, https ://liguedesdroits.ca/la-ville-de-montreal-possede-les-outils-necessaires-pour-contrer-le-racisme-systemique/
 

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Déclaration d’écrivain.e.s francophones : « Nous ne pouvons pas nous taire » - Pour Gaza

« Nous ne pouvons pas nous taire et avons l'obligation morale de dénoncer les massacres en cours contre le peuple palestinien, avec le soutien actif ou la complicité de la (…)

« Nous ne pouvons pas nous taire et avons l'obligation morale de dénoncer les massacres en cours contre le peuple palestinien, avec le soutien actif ou la complicité de la plupart des États occidentaux. » Un ensemble d'écrivaines francophones, en joignant leurs voix à celles des femmes palestiniennes et israéliennes qui œuvrent pour la paix, dénoncent la situation à Gaza et demandent un cessez-le-feu immédiat.

Tiré du blogue des signataires.

« Si vous n'êtes pas atterré.e.s par ce qui se passe à Gaza

Si vous n'êtes pas bouleversé.e.s jusqu'au plus profond de votre être

Alors il y a quelque chose qui ne va pas dans votre humanité »

Révérend Mundher Isaac, pasteur assistant à l'église luthérienne de Bethléem, sermon de Noël, décembre 2023.

Trois mois après les crimes contre l'humanité commis par le Hamas le 7 octobre 2023 lors de son attaque contre le territoire israélien, que nous condamnons sans réserve aucune, la riposte d'Israël s'est avérée être un carnage révélant des buts de guerre allant bien au-delà de « l'élimination du Hamas ».

Le bilan en pertes civiles palestiniennes dans la bande de Gaza s'élève à plus de 30 000 morts, majoritairement des femmes et des mineurs (70%) selon le rapport établi par Euro-Mediterranean Human Rights Monitor (Euro-Med) pour la Cour Pénale Internationale et pour les Nations Unies, daté du 27 décembre 2023, qui tient compte dans ce chiffre d'une estimation du nombre de victimes ensevelies sous les décombres.

Les habitants de Gaza sont soumis, non seulement aux bombardements incessants de l'aviation israélienne et de son armée de terre qui a envahi l'enclave, mais aussi à la privation d'eau, de nourriture et de soins. Le bombardement des hôpitaux et l'implacable blocus qui empêche la quasi-totalité de l'aide de parvenir à sa population, ainsi que le déplacement forcé de plus de 85% des Gazaouis vers le Sud de l'enclave également pilonné sans relâche fait dire à tous les observateurs internationaux qu'un nettoyage ethnique de la bande de Gaza est en cours, accompagné de pratiques relevant clairement d'une intention génocidaire[1].

La gravité extrême de cette situation ainsi que les déclarations de membres du gouvernement Netanyahou préconisant la poursuite de la guerre et un déplacement massif de la population gazaouie hors de son territoire, ont conduit le 29 décembre 2023 l'Afrique du Sud à déposer une plainte devant la Cour Internationale de Justice (CIJ), accusant l'État d'Israël de violer la Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide.

Pretoria invoque « les droits et les obligations de l'Afrique du Sud » de prévenir le génocide et « de protéger les Palestiniens de Gaza de la destruction ». La plainte de l'Afrique du Sud ne sera toutefois prise en compte qu'au terme d'une longue procédure. Or pour Gaza chaque jour sans cessez-le-feu, sans eau, sans nourriture, sans aide humanitaire, est une journée de vies perdues, brisées, de souffrance, d'horreur.

Nous ne pouvons pas nous taire et avons l'obligation morale de dénoncer les massacres en cours contre le peuple palestinien, avec le soutien actif ou la complicité de la plupart des États occidentaux. À l'instar de toutes les organisations mondiales de défense des droits humains et en joignant nos voix à celles des femmes palestiniennes et israéliennes qui œuvrent pour la paix, nous exigeons un cessez-le-feu immédiat et sans conditions et l'arrivée de toute urgence d'une aide humanitaire massive à la hauteur des besoins.

Signataires

Abomo-Maurin Marie-Rose (Cameroun)

Achour Amina (Maroc)

Alie Marijosé (Martinique)

Anselmo Marielle (France)

Ba Dicko Safiatou (Mali)

Bel Haj Yahia Emna (Tunisie)

Bessis Sophie (Tunisie)

Bourrel Anne (France)

Bouvet de la Maisonneuve Fatma (Tunisie)

Cadier Florence (France)

Carpenter-Latiri Dora (Tunisie)

Cusset Catherine (France)

Desautels Denise (Canada)

Devi Sort Ananda (Maurice)

Diallo Ba Fatimata (Sénégal)

Dupré Louise (Canada)

El-Masri Maram (Syrie)

Essalmi Nadia (Maroc)

Feki Hella (Tunisie)

Fournier Danielle (Canada)

Fréchette Carole (Canada)

Jacquot Martine (France/Canada)

Gauvin Lise (Canada)

Granjon Elisabeth (France)

Lazlo Viktor (Martinique)

Makhlouf Georgia (Liban)

Catherine Marceline (Martinique)

Masset Marie-Christine (France)

Monette Madeleine (Canada)

Octavia Gael (Martinique)

Oumhani Cécile (France)

Rakotoson Michèle (Madagascar)

Régimbald Diane (Canada)

Serraj Loubna (Maroc)

Tadjo Véronique (Côte d'Ivoire)

Tauil Leila (Maroc)

Wihelmy Audrée (Canada)

Zouari Fawzia (Tunisie)

[1] Les termes de « crime contre l'humanité » et de « génocide » sont définis par la Cour Pénale Internationale (en français : Elements-des-crimes.pdf (icc-cpi.int))

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L’impunité israélienne fait monter les tensions régionales

Depuis le début de la guerre d'Israël contre la bande de Gaza à la suite de l'action armée du Hamas le 7 octobre, les tensions régionales n'ont cessé de s'intensifier sans se (…)

Depuis le début de la guerre d'Israël contre la bande de Gaza à la suite de l'action armée du Hamas le 7 octobre, les tensions régionales n'ont cessé de s'intensifier sans se transformer (encore) en guerre ouverte et directe. Face à la violence de l'armée d'occupation israélienne soutenue par ses alliés impérialistes occidentaux, les risques d'embrasements régionaux beaucoup plus meurtriers ne cessent de croître.

Hebdo L'Anticapitaliste - 689 (04/01/2024)

Par Joseph Daher

Crédit Photo
Tasnim News Agency - Saleh al-Arouri

L'État israélien a notamment intensifié ses bombardements et attaques contre le Liban et en Syrie ces dernières semaines. Le 25 décembre 2023, au sud de Damas, des missiles israéliens ont assassiné le général de brigade Razi Moussavi, un important commandant de la Force Qods, branche des opérations étrangères et unité d'élite des Gardiens de la Révolution, l'armée idéologique de la République islamique d'Iran. Les dirigeants iraniens ont promis une réponse à cet assassinat.

Des risques d'embrasement du côté du Liban

Néanmoins, les risques les plus importants sont au Liban et en particulier après l'assassinat par l'armée d'occupation israélienne, dans une attaque dans la banlieue sud de Beyrouth le 2 janvier 2024, de Saleh al-Arouri, le numéro 2 du bureau politique du Hamas et l'un des commandants de sa branche militaire, les Brigades al-Qassam. Deux autres responsables du Hamas, Samir Fandi et Azzam al-Akraa, ainsi que quatre autres affiliés au mouvement mais aussi à la Jamaa Islamiya libanaise, ont également été tués dans cette attaque.

Le dirigeant du Hamas Arouri était installé au Liban depuis 2018. Emprisonné à deux reprises, il a passé une douzaine d'années dans les geôles israéliennes avant d'être libéré en avril 2010. Il était l'un des interlocuteurs privilégiés du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah. Jusqu'à maintenant, le Hezbollah, de même que son soutien iranien, ne souhaitait pas un engagement militaire trop important et coûteux contre Israël. L'organisation libanaise s'est limitée à être un « front de pression » contre Tel-Aviv, comme exprimé à plusieurs reprises par Hassan Nasrallah.

Les attaques israéliennes ont néanmoins déjà causé la mort de 140 membres du Hezbollah entre le 8 octobre 2023 et début janvier 2024. Les frappes aériennes et de drones de l'armée d'occupation israélienne sur les villages du Sud-Liban ont également poussé plus de de 64 000 personnes à se déplacer vers des régions plus « sûres » et endommagé de vastes étendues de terres agricoles, ainsi que des habitations. Cependant cet assassinat du dirigeant palestinien Arouri dans la banlieue sud de Beyrouth risque d'accroître encore davantage de manière dangereuse les tensions entre le Liban et Israël, avec une réaction très probable du Hezbollah dans les prochains jours.

En mer Rouge, les houthis contre les forces armées des États-Unis

De même, du côté du Yémen, les tensions augmentent entre le mouvement politique et armé yéménite des houthis et les forces armées des États-Unis. Depuis le 7 octobre, les houthis ont en effet multiplié les attaques en mer Rouge contre des navires qu'ils estiment « liés à Israël », en solidarité avec les PalestinienNEs. Face à cette situation, au début du mois de décembre, une force navale multinationale a été mis en place par les États-Unis afin de protéger les navires de la mer Rouge, par laquelle transite 12 % du commerce mondial. Le 31 décembre 2023, dix militants houthis ont été tués en mer Rouge après que l'armée américaine a affirmé avoir coulé trois de leurs navires en réponse à des attaques contre un porte-conteneurs d'un transporteur danois. Il s'agit de la première frappe meurtrière contre les houthis depuis que les États-Unis ont annoncé la mise en place de la force navale multinationale. En plus de ces mesures, Washington a imposé des sanctions visant les circuits de financement des houthis, ciblant plusieurs personnes et entités au Yémen et en Turquie qu'ils jugent impliquées dans ces financements.

Tandis que la guerre génocidaire contre la bande de Gaza ne cesse pas, tandis que les dirigeants du gouvernement israélien ont annoncé que la guerre contre la bande de Gaza allait se poursuivre « tout au long » de l'année 2024, l'impunité israélienne est une menace permanente pour les classes populaires régionales et ne cesse d'accroître les dangers d'une guerre régionale.

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Pour le rejet des ententes entre la CAQ et les bureaucraties syndicales

16 janvier 2024, par Marc Bonhomme — ,
Il faut écouter l'entrevue du Midi-Info (15/01/24, 12h43) avec une enseignante du quartier Saint-Michel à Montréal pour comprendre pourquoi elle-même et, selon ses dires, ses (…)

Il faut écouter l'entrevue du Midi-Info (15/01/24, 12h43) avec une enseignante du quartier Saint-Michel à Montréal pour comprendre pourquoi elle-même et, selon ses dires, ses collègues de son école, suite à une réunion tâtant le pouls de chacune et chacun, penchent pour le rejet de l'entente de principe de la FAE à moins de l'accepter « par désespoir » comme elle le dit. Le salaire négocié n'est pas à la hauteur de leur formation universitaire et de leur responsabilité ajoute-elle. Elle aurait pu préciser que s'il compensera peut-être pour l'inflation — la formule compensatrice des trois dernières années est bloquée à seulement 1% de plus — dont celle de 2022 à retardement, il n'y aura rien pour le rattrapage. L'accentuation de la crise climatique et sans doute des guerres n'augurent rien de bon au sujet du contrôle de l'inflation. Et on est encore très loin d'égaler la rémunération globale des personnes salariées des autres secteurs publics qui au départ était supérieure de près de 23%.

Selon l'enseignante, là où le bât blesse ce sont pour les améliorations sectorielles pour lesquelles la FAE attendait beaucoup. Il ne faut pas oublier que dans le Grand Montréal syndiquée à la FAE, les conditions d'enseignement sont généralement plus difficiles qu'ailleurs pour cause de milieux plus pauvres, d'immigration plus importante nécessitant l'apprentissage du français et, last but not least, d'un écrémage plus important qu'ailleurs par les écoles privées. Premièrement, les personnes aidantes dans les classes ne seront pas les spécialistes requises pour lesquelles il n'y a pas d'engagement même au bout de la longue convention collective de cinq ans, pas plus que pour la création de nouvelles classes allégeant le fardeau de celles existantes. Affirmer qu'il est impossible maintenant d'y remédier n'excuse pas le fait de ne pas s'engager concrètement pour les années suivantes et n'est pas effacer par un bonus compensatoire qui ne règle rien de conclure l'enseignante. Sans compter, ajoute l'enseignante, que l'aide escomptée même déficiente nécessite un pointage complexe difficilement atteignable.

Côté santé, c'est moins clair. Mais les négociations avec la FIQ traînent en longueur parce qu'en plus de l'offre salariale inadéquate elle ne veut rien savoir de la « flexibilité » exigée par la CAQ dans la cadre de la prise en mains du secteur santé par les « top guns ». Ce qui laisse entendre que le Front commun a avalé la pilule en retour de compensations monétaires additionnelles pour les quarts difficiles et les types d'emploi où l'écart avec le marché était criant. Faut-il aussi comprendre que côté éducation le Front commun ait aussi fait preuve de flexibilité ce qui serait moins problématique pour la CSQ syndiquant hors les plus difficiles grands centres urbains ? Il faut donc comprendre que la CAQ a su non pas jouer les syndicats hors Front commun contre celui-ci mais l'inverse allant jusqu'à instaurer une politique de retour en classe acceptable pour mieux faire passer l'amère pilule. Réalisant la manœuvre, si elles le réalisent, les syndiquées du Front commun sauront-elles faire preuve de solidarité en rejetant le corporatisme de leurs directions syndicales ? Prendre cinq semaines pour voter l'entente sent à plein nez la volonté manipulatoire de la bureaucratie syndicale qui veut bien encadrer toutes ces assemblées.

Si cette entente de principe passe, cette pseudo victoire féministe, dixit Le Devoir, laissera le même goût amer de statuquo amélioré que la soi-disant victoire du printemps érable de 2012. Le fond de l'air dégagera la même odeur nauséabonde d'occasion ratée sans aucun autre relais qui pointe à l'horizon. Cette défaite stratégique, car c'est bien de cela qu'il s'agit, laissera le peuple québécois, et encore plus son prolétariat, face au grand vide existentiel de la prolifération des guerres sur fond d'un emballement de la crise climatique que se hâtera de combler la montée de l'extrême-droite fascisante qui menace cette année aux États-Unis et peu après au Canada. Plus que jamais, s'impose un nouveau 1972,

Marc Bonhomme, 15 janvier 2024
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca

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Ne sautons pas trop vite aux conclusions…

16 janvier 2024, par Yvan Perrier — ,
Au moment où nous écrivons les lignes qui suivent, les membres des syndicats affiliés aux quatre organisations syndicales qui forment le Front commun CSN-CSQ-FTQ-APTS ainsi que (…)

Au moment où nous écrivons les lignes qui suivent, les membres des syndicats affiliés aux quatre organisations syndicales qui forment le Front commun CSN-CSQ-FTQ-APTS ainsi que les membres de la FAE amorcent en assemblée générale, à partir du 15 janvier, l'étude des ententes de principe survenues aux tables sectorielles et à la table centrale.

Ce processus s'échelonnera jusqu'au 25 janvier à la FAE et au 19 février 2024 pour le Front commun. Les salarié.e.s syndiqué.e.s qui sont représenté.e.s par la FIQ, le SPGQ et le SFPQ n'ont, de leur côté, rien de concret à présenter à leurs membres. Ce n'est donc pas avant quelques semaines encore qu'il sera possible d'entreprendre un véritable bilan de la présente ronde de négociation et d'identifier qui a réussi à obtenir les concessions souhaitées ou à négocier les compromis recherchés.

Tant et aussi longtemps que la négociation n'est pas terminée, avec la totalité des 600 000 salarié.e.s syndiqué.e.s des secteurs public et parapublic, il est un peu trop tôt pour parler de « victoire » d'une des deux parties négociantes sur l'autre. Ceci étant dit, il est quand même possible d'identifier un certain nombre d'aspects qui caractérisent l'entente de principe survenue le 28 décembre 2023 à la table centrale du Front commun, principalement sur les enjeux intersectoriels (c'est-à-dire le monétaire et le salarial).

Sur certains aspects de l'entente du 28 décembre 2023

Il y a belle lurette qu'une proposition de contrat de travail comportant minimalement une augmentation salariale de 17,4% sur 5 ans n'a pas été convenue entre le gouvernement du Québec et la grande majorité des salarié.e.s syndiqué.e.s des secteurs public et parapublic. Depuis la ronde des décrets de 1982, ce qui a été imposé unilatéralement par l'État-patron ou négocié entre le gouvernement du Québec et les organisations syndicales dans les secteurs public et parapublic n'a pas servi de modèle dans le secteur privé. L'époque où le secteur public pouvait revendiquer être une locomotive pour le secteur privé s'est interrompue en 1979. À partir de ce moment, les employeurs privés et l'État employeur ont décidé de remettre en question brutalement certains acquis syndicaux. Avec pour résultat que les augmentations salariales obtenues dans les secteurs public et parapublic du Québec, au cours des quarante dernières années, ont, la plupart du temps, été inférieures à l'inflation. Des années 2003 à aujourd'hui, les augmentations paramétriques ont oscillé entre 0 à 2% par année. Il faut donc rappeler ici que le 17,4% d'augmentation salariale minimale pour la période couverte d'avril 2023 à mars 2028 est encore, pour plusieurs personnes, en deçà du 21% (1) d'augmentation offerte aux policières et aux policiers de la SQ et très loin du 30% d'augmentation que les député.e.s se sont accordé.e.s pour l'année 2023 seulement. Pour ce qui est de la clause de protection du pouvoir d'achat, soit 1% pour chacune des trois dernières années d'application de la convention, personne ne peut affirmer quoi que ce soit à son sujet. Qui peut prédire avec exactitude le taux d'inflation en 2026, en 2027 et en 2028 ? Ni vous ni moi. Elle est, par contre, plus généreuse que ce qui était prévu face à l'inflation dans l'entente de principe de 2010. Point à la ligne.

Il est par contre exact d'affirmer qu'il y a, dans l'entente de principe du 28 décembre 2023, des employé.e.s syndiqué.e.s qui auront droit à des augmentations salariales supérieures à 17,4%. Certain.e.s obtiendront des primes allant jusqu'à 15% de plus. D'autres se voient offrir un pourcentage d'augmentation supplémentaire. Pourquoi un tel traitement différencié ? Il faut en effet attirer et recruter de nouvelles et de nouveaux employé.e.s dans les secteurs public et parapublic, mais qu'en est-il de la rétention du personnel expérimenté ? Qui paye pour ces augmentations différenciées ?

L'entente de principe qui circulera dans les assemblées générales au cours des prochaines semaines prévoit également des améliorations au RREGOP, l'obtention d'une 5ième semaine de vacances après 19 années d'ancienneté (plutôt que 25), une bonification des contributions de l'employeur aux assurances. Les ouvriers spécialisés et les psychologues auront droit à une prime de 10 à 15% pour les premiers et une majoration de salaire de 10% pour les seconds. Ce qui est bien, mais il y en a combien qui ne toucheront qu'entre 17,4% ou un maximum de 20,4% sur 5 ans si l'inflation ne parvient pas à être jugulée ?

Ce que les membres auront probablement en tête quand elles et ils participeront à leur assemblée générale

Bref, devant une telle entente de principe en provenance de la table centrale ce sera à tout un.e. et chacun.e. de décider si cela répond à ses attentes et à ses intérêts. Il en ira de même devant le contenu des ententes sectorielles dont les détails de plusieurs n'ont pas encore été dévoilés. La question qui habitera les 420 000 membres du Front commun et les 66 500 membres de la FAE se résume minimalement à ceci : les dispositions des ententes sectorielles et de la table centrale permettent-elles ou non d'améliorer les conditions de travail et de rémunération dans les services publics ?


Conclusion

Il appartient aux salarié.e.s syndiqué.e.s concerné.e.s par ces ententes de décider si celles-ci vont enfin contribuer à améliorer l'état des services publics et si elles vont favoriser le recrutement de nouvelles et de nouveaux salarié.e.s et encourager la rétention du personnel expérimenté. De plus, il appartient à ces personnes de décider si à leurs yeux l'entente de principe va permettre ou non de les protéger adéquatement face à l'inflation et si elle autorise d'envisager un véritable début de rattrapage salarial avec les autres services publics ?

La présente ronde de négociation était une occasion d'amorcer un coup de barre en faveur d'un redressement des services publics. Il est trop tôt pour juger de la portée véritable de ce qui sera soumis aux salarié.e.s syndiqué.e.s. Ce ne sera qu'à terme, c'est-à-dire le 31 mars 2028, qu'il sera possible de dégager l'ensemble des gains ou des pertes qui accompagnent la présente entente de principe. D'ici là, évitons de sauter trop vite aux conclusions.

(1) Selon La Presse et Radio-Canada, l'entente de principe de 21% négociée entre le gouvernement du Québec et l'Association des policiers provinciaux du Québec (APPQ) prévoyait des hausses salariales totales de 5 % en 2022, 3 % en 2023, 7 % en 2024, puis 3 % en 2025 et 2026. Cette entente a été rejetée à un peu moins de 60%.
Ces pourcentages se décortiquaient de la manière suivante :
Pour 2022 : 3% en rattrapage et 2% en augmentation du salaire de base ;
Pour 2023 : 1% en rattrapage et 2% en augmentation du salaire de base ;
Pour 2024 : une prime nationale de l'ordre de 3% plus 2% en rattrapage et 2% en augmentation du salaire de base
Pour 2025 : une prime nationale de l'ordre de 1% plus 2% en augmentation du salaire de base
Pour 2026 : une prime nationale de l'ordre de 1% plus 2% en augmentation du salaire de base

https://www.lapresse.ca/actualites/justice-et-faits-divers/2023-09-06/quebec-casse-sa-tirelire-pour-ses-policiers.php.

https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2008554/surete-quebec-sq-augmentations-salariales?fbclid=IwAR26oh-76ZYpR0fP4iA-ThCVP1nxJ6tiL3B-YdiZburWpau1GTdAXGz3Pis. Consulté le 16 janvier 2024.

Yvan Perrier

15 janvier 2024

14h40

yvan_perrier@hotmail.com

Aparté : Psychodrame social et droit de grève

Il y a dans l'actualité des personnes qui qualifient la ronde de négociation que nous vivons en ce moment de « psychodrame social » et qui demandent une révision du régime de négociation en ce qui a trait au volet portant particulièrement sur le droit de grève. Pour ces personnes, le nombre de participant.e.s au vote doit être plus élevé. Mieux le vote devrait se tenir électroniquement. Ces pourfendeurs des droits démocratiques des syndiqué.e.s observent, par contre, un silence complice devant le mode de scrutin qui permet au gouvernement présentement en place à Québec d'obtenir une députation majoritaire à l'Assemblée nationale à partir d'une minorité des suffrages. Est-il nécessaire de rappeler que le gouvernement Legault n'a obtenu, le 3 octobre 2022, que 1 685 573 votes sur un nombre d'électeurs et d'électrices inscrit.e.s qui s'élevait à 6 302 789, soit à peine un peu plus qu'un électeur ou électrice sur 4 (26,7%). Avec un tel score, François Legault est parvenu à faire élire 90 député.e.s sur 125 (72%). À quand une véritable réforme du mode de scrutin ?

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Le gouvernement Legault, un modèle d’affaires qui n’a rien à voir avec la lutte aux changements climatiques

16 janvier 2024, par Bernard Rioux — ,
Davantage d'extraction minière, davantage de production d'énergie électrique, éolienne ou solaire, davantage d'investissements industriels gourmands en ressources minières et (…)

Davantage d'extraction minière, davantage de production d'énergie électrique, éolienne ou solaire, davantage d'investissements industriels gourmands en ressources minières et énergétiques dans une filière vouée à la transformation du parc automobile, le tout sous le contrôle de multinationales étrangères. Voilà, en somme, le modèle économique que cherche à imposer le gouvernement Legault. Ce modèle n'a rien à voir avec les objectifs de réduction des gaz à effet de serre (GES) et de réduction des dépenses en ressources et en énergie, nécessaires pour faire face à la crise climatique. Le projet de loi promis par le ministre Pierre Fitzgibbon cherchera sans doute à ouvrir la voie aux entreprises privées non seulement pour la production d'électricité, mais aussi pour donner la possibilité à ces entreprises de vendre leur production à des clients commerciaux et industriels. C'est là un modèle économique écocidaire contre lequel nous devons nous mobiliser.

Avec le développement de la filière batteries, le boom minier risque de conduire à la destruction de territoires

Dans le domaine minier au Québec, l'intervention de l'État a été marquée au coin du laisser-faire économique. Les différents gouvernements se sont donné comme tâche de favoriser et de protéger les entreprises privées d'exploitation minière sans se préoccuper des citoyen.nes et de leur environnement. L'exploitation minière au Québec se distingue par une triple dépossession. La première est une dépossession matérielle des ressources par les entreprises privées. La seconde est une dépossession politico-écologique par la privation d'un pouvoir de décision citoyen et étatique sur le contrôle et les modalités de l'exploitation des ressources minières. La troisième est une dépossession économique par la spoliation des bénéfices fiscaux, les redevances des minières étant restées très petites par rapport aux revenus que ces entreprises ont pu tirer de leurs activités. [1].

Le Québec dispose de minéraux stratégiques (cobalt, coltan, cuivre, graphite, lithium, zinc, nickel) et de terres rares. Depuis quelques mois, on a assisté à la prolifération de demandes de claims miniers sur le territoire du Québec, facilitée par la Loi des mines qui donne tous les droits aux minières et aux spéculateurs. On compte désormais (en 2022) plus de 20 000 titres miniers dans sept régions du sud du Québec, dont 7 674 titres miniers dans trois régions du sud-est du Québec en date de novembre 2022 : Estrie (1 739), Bas-Saint-Laurent (1 242) et Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine (4 693). [2].

Les projets d'exploitation minière grugent les terres agricoles et cela ne fait que commencer à cause de la recherche des minerais stratégiques particulièrement le graphite dans le sud du Québec. [3]. La Commission pour la protection des terres agricoles du Québec a accordé 100 % des demandes d'exploration des minières en milieu agricole, 97 % des projets d'infrastructures liés au transport et à la production d'électricité et 99 % des demandes d'implantation des parcs éoliens sur les territoires agricoles. [4]

La multiplication des claims par les minières en territoires citoyens montre que les droits des minières ont préséance sur les plans d'aménagement des territoires des villes et des Municipalités Régionales de Comté (MRC). Le développement des mines et des entreprises par les multinationales risque de se faire aux dépens du contrôle citoyen sur leur territoire. "Laisser libre cours aux principes dévastateurs du free ming fait couler le risque immense de voir se multiplier les cas de contamination des réserves d'eau potable qui en dépendent. Il nous faut écouter davantage la volonté des populations locales et développer de meilleurs mécanismes de protection de nos milieux humides et hydriques avant, ou en dépit de l'émission de titres miniers." (Rébecca Pétrin, directrice générale d'Eau secours. [5] Le cas de Northvolt est exemplaire à cet égard. Alors que cette entreprise a été arrosée par des milliards en argent public, le premier ministre Legault a affirmé que cette compagnie n'aurait pas à passer par une procédure environnementale impliquant un examen du BAPE. [6] Le gouvernement refusait par là d'évaluer les effets d'ordre climatique, l'incidence sur la santé publique et les conséquences sur les milieux naturels et la biodiversité.

Cette montée d'un extractivisme sans balise vise à répondre aux besoins des entreprises multinationales que le gouvernement Legault cherche à attirer par des subventions qui se comptent maintenant en milliards de dollars. Il n'est donc pas question pour ce gouvernement de réduire les demandes en énergie en priorisant l'efficacité énergétique. Dans une démarche de prophétie autoréalisatrice, il crée la perspective d'une pénurie d'énergie électrique, suite à des projets de croissance à tout prix laissés aux mains des multinationales.

Contre la privatisation d'Hydro-Québec

Malgré les dénégations du ministre Fitzgibbon, la perspective d'une privatisation totale ou partielle d'Hydro-Québec est dans les plans du ministre de l'Économie et de l'énergie et du PDG d'Hydro-Québec. Cette privatisation ne prendra sans doute pas la forme de la vente d'une partie d'Hydro-Québec aux entreprises privées, mais le secteur privé est appelée à occuper une place de plus en plus importante dans la production de l'électricité. Déjà la production des énergies renouvelables (éoliennes et solaires) qui est appelée à se développer rapidement se fait par des entreprises privées multinationales. On pouvait lire dans le Manifeste pour un avenir énergétique juste et viable publié en novembre dernier, cet avertissement : « Nous nous opposons fermement à toute tentative de privatisation d'Hydro-Québec ou de ses actifs. Hydro-Québec est un patrimoine stratégique et doit rester sous contrôle public. Nous rejetons toute forme d'érosion de cette institution, cruciale pour le bien-être collectif, au profit du privé. »

Les syndicats d'Hydro-Québec affiliés au SCFP ont d'ailleurs lancé une campagne publique pour mettre en garde contre toute volonté de privatisation de la société d'État. Le développement de la filière-batteries soutenu par les gouvernements fédéral et provincial exigera beaucoup d'électricité et le ministre Fitzgibbon, a ouvert la perspective d'autoproduction d'électricité par les entreprises privées dont les surplus pourraient être revendus à Hydro-Québec. La porte est grande ouverte aux projets privés de production et de transports d'électricité, comme celui de TEX, en Mauricie. [7]

Le gouvernement du Québec et les entreprises sont engagés dans une véritable course au développement de la filière batteries et du développement de l'extraction de nouvelles richesses minières. Ils sont prêts à procéder et à exclure toute consultation véritable et surtout à refuser de donner un quelconque pouvoir aux citoyennes et citoyens des régions qui sont impactés par leurs décisions et particulièrement aux peuples autochtones. La prétention à décarboner le système énergétique n'est qu'une couverture sur une exploitation encore plus irresponsable des ressources et sur le refus de toute stratégie de sobriété énergétique.

L'augmentation de la production électrique, argumentent les François Legault, Pierre Fitzgibon ou Michel Sabia, est essentielle au nouvel essor de la croissance. Le plan Sabia, ce nouveau plan d'Hydro-Québec prévoit la construction de grands barrages hydro-électriques et l'accélération du développement des industries éoliennes et solaires par les multinationales. Le développement de petites centrales nucléaires est même envisagé par le PDG d'Hydro-Québec.

Le mépris gouvernemental de la consultation et du pouvoir citoyen

Que ce soit pour la Fonderie Horne à Rouyn-Noranda, pour l'aluminerie d'Arvida, pour le Port de Québec ou enfin pour l'usine de Northvolt, le gouvernement Legault est plus que conciliant sur les dépassements des normes environnementales par les entreprises. C'est plus de 89 entreprises polluantes que le gouvernement autorise à déroger à la loi. [8] Il se heurte ainsi, comme l'a montré un sondage Léger d'août 2022, à la population du Québec dont le consentement est exigé à hauteur de 78 % pour toute nouvelle exploitation minière. 75% de la population voudrait interdire tout projet minier dans les zones touristiques et 89% souhaiterait interdire tout rejet des déchets miniers dans les lacs, rivières et milieux écologiques sensibles. La Coalition Pour que le Québec ait meilleure mine a demandé au gouvernement d'interdire cette pratique, mais le gouvernement est jusqu'ici resté sourd à ces demandes. Le gouvernement de la CAQ va jusqu'à autoriser des mégas projets en dépit des études du BAPE qui leur identifient des lacunes et va même jusqu'à se passer des études du BAPE.

Le gouvernement du Québec se moque du nécessaire consentement des populations locales qui seront impactées tant par l'exploitation minière que par de grands projets industriels. Il prétend tenir compte des droits des peuples autochtones, mais ce ne sera que notre mobilisation et notre solidarité qui permettront la reconnaissance de ces droits.

Le gouvernement de la CAQ dit avoir l'oreille des pouvoirs et de la finance et avoir une vision d'hommes d'affaires. C'est pourquoi, il refuse de réformer la loi sur les mines, d'écouter les doléances des Nations autochtones et des municipalités et de donner la priorité concernant l'aménagement du territoire au pouvoir citoyen. Appeler à la collaboration avec un tel gouvernement ne peut que déboucher sur un vain attentisme. Ce sont ses intentions écocidaires qu'il faut remettre en cause non seulement en parole, mais dans les luttes concrètes qui seront nécessaires pour bloquer ce gouvernement irresponsable et les profiteurs qu'il soutient. La mobilisation unitaire contre le projet de loi que doit présenter le ministre Pierre Fitzgibbon sera essentielle pour défendre la majorité populaire contre les intentions prédatrices du capital d'ici et d'ailleurs.

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[1] Laura Handal Caravantes, L'histoire d'une triple dépossession, in Dépossession, Mines, L'histoire économique du Québec contemporain, Lux, 2015, pp-107-172

[3] Étienne Leblanc, Les limites d'une économie électrifiée, Radio-Canada, 30 septembre 2023

[4] Thomas Gerbet, La filière batteries menace le territoire agricole, Radio-Canada, 23 septembre 2023

[5] Coalition pour que le Québec ait meilleure mine, 101 idées pour que le Québec ait meilleure mine : La population invitée à se prononcer, 4 juin 2019

[7] Communiqué du SCFP-FTQ, Campagne publique contre la privatisation d'Hydro-Québec, 8 janvier 2024

Plus de 1000 organisations exhortent les gouvernements de la planète à soutenir la plainte pour génocide déposée par l’Afrique du Sud contre Israël

16 janvier 2024, par Coalition pour le soutien à la plainte pour génocide déposée par l'Afrique du Sud contre Israël — , , ,
États-Unis — 3 janvier 2024 — La toute nouvelle Coalition internationale pour mettre fin au génocide en Palestine (ICSGP) a publié une lettre de soutien, qui en moins d'une (…)

États-Unis — 3 janvier 2024 — La toute nouvelle Coalition internationale pour mettre fin au génocide en Palestine (ICSGP) a publié une lettre de soutien, qui en moins d'une semaine a été signée par plus de 800 organisations à travers le monde. On peut prendre connaissance et télécharger son contenu à la fin du communiqué.

Communiqué de la Coalition internationale pour mettre fin au génocide en Palestine (ICSGP)

Outre les organisations initiatrices mentionnées ici, les organisations signataires représentent de vastes mouvements sociaux, notamment la Marche mondiale des femmes et l'Assemblée internationale des peuples, des mouvements dirigés par des Palestiniens et des mouvements de solidarité avec la Palestine, tels que la Fédération générale palestinienne des syndicats et le Réseau des ONG palestiniennes, ainsi que des groupes de défense des droits de l'homme et des groupes juridiques, des syndicats et des organisations religieuses de toutes les confessions.

« Il est important pour La Via Campesina (LVC) de soutenir l'initiative sud-africaine. Ce qui se passe en Palestine est une atrocité. En particulier, l'utilisation de la famine comme arme de guerre fait partie d'une stratégie de génocide que nous devons dénoncer. L'expulsion des populations paysannes et l'accaparement des terres à Gaza et en Cisjordanie font également partie d'une stratégie de nettoyage ethnique », a déclaré Morgan Ody, de la Confédération paysanne (France) et coordinatrice générale de LVC International.

La lettre de la coalition exhorte toutes les organisations signataires à « faire pression sur leurs gouvernements pour qu'ils déposent immédiatement une déclaration d'intervention en soutien à la plainte déposée par l'Afrique du Sud contre Israël devant la Cour internationale de justice afin de faire cesser les massacres dans les territoires palestiniens occupés ».

Jusqu'à présent, la Malaisie et la Turquie, ainsi que l'Organisation de la coopération islamique, qui représente 57 pays membres sur quatre continents, ont soutenu publiquement la plainte de l'Afrique du Sud. La Jordanie signale qu'elle a l'intention de franchir une étape plus importante sur le plan juridique en soumettant une déclaration d'intervention. Les membres de l'ICGSP travaillent en étroite collaboration avec un certain nombre d'autres pays qui sont en train de faire de même.

« La plainte déposée par l'Afrique du Sud devant la Cour internationale de Justice (CIJ) marque un tournant décisif qui met à l'épreuve la volonté mondiale de sauver les lois et les systèmes qui ont été conçus pour sauvegarder non seulement les droits de l'homme, mais aussi l'humanité elle-même » souligne l'avocate Américaine d'origine palestinienne Lamis Deek, cofondatrice de l'Alliance juridique mondiale pour la Palestine et de la Commission PAL sur les crimes de guerre.

Elle ajoute « Le génocide est le crime le plus élevé et aucun n'a été aussi publiquement documenté que le génocide israélien en Palestine. La sincérité de l'engagement des États à l'égard des principes des conventions de Genève et du génocide est désormais soumise à un examen approfondi. » Le moins que les États puissent faire est de soumettre des déclarations, afin de garantir à leur population — et à l'humanité — qu'ils n'ont pas perdu leur sens moral et qu'ils n'ont pas abdiqué leurs obligations en vertu du droit international.

Malgré les preuves évidentes des actes génocidaires commis quotidiennement par les forces israéliennes d'occupation, l'État d'Israël sollicite activement les pays pour qu'ils nient ses atrocités et dénoncent la plainte de l'Afrique du Sud. À l'heure actuelle, les États-Unis, l'un des principaux soutiens de l'État israélien qui a opposé son veto à trois résolutions appelant à un cessez-le-feu au sein du Conseil de sécurité des Nations unies, sont les seuls à nier qu'Israël commet un génocide.

Edith Ballantyne, ancienne secrétaire générale et présidente internationale de la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté, met en garde : « J'écris sur la base de mon expérience personnelle de plus de dix décennies, au cours desquelles j'ai traversé deux guerres mondiales et survécu au fascisme, avec la conviction absolue que la base du conflit doit être résolue de manière légale, politique et non violente comme seul moyen de parvenir à une paix permanente dont les peuples du monde ont désespérément besoin et qui est nécessaire à la survie de notre planète ». Elle ajoute : « La guerre génocidaire que le gouvernement israélien mène dans les territoires palestiniens occupés contre le peuple palestinien doit être arrêtée. J'invite tous les citoyens à demander à leurs gouvernements de respecter les principes de la Charte des Nations unies et du droit international, y compris les droits de l'homme et le droit humanitaire. »

La Cour internationale de Justice entendra l'affaire de l'Afrique du Sud contre l'État israélien les 11 et 12 janvier 2024

Les audiences seront diffusées en direct et en différé (VOD), dans les deux langues officielles de la Cour, le français et l'anglais, sur le site Internet de la Cour, ainsi que sur UN Web TV. Des extraits vidéo haute résolution et des photographies réalisées par le Greffe pendant les audiences seront mis à disposition gratuitement et libres de droit pour un usage éditorial (hors usage commercial) sur le site Internet (téléchargement disponible dans la rubrique Multimédia) et le compte X (anciennement Twitter) de la Cour (@CIJ_ICJ).

L'ICSGP appelle les organisations qui soutiennent la lettre à se joindre à des actions de soutien à La Haye pendant l'audience et à organiser des rassemblements locaux et des veillées, y compris des expressions de gratitude et de solidarité aux ambassades d'Afrique du Sud, cette semaine.

De plus, elle invite toutes les organisations et les personnes à participer à une Intifada numérique mondiale sur les media sociaux X (Twitter), Instagram, Facebook, Tiktok et d'autres plateformes. Il faut partager des vidéos, des photos, des images et déclarations et d'autres formes de preuves et de témoignages qui prouvent qu'Israël a commis et continue de commettre le crime de génocide contre la population palestinienne de Gaza.

Pour nous assurer que le hashtag #EndIsraelsGenocide devient virale, nous devons publier en utilisant les mêmes hashtags à la même heure du jour. La campagne durera 2 heures et commencera en même temps que les audiences : Plaidoirie de l'Afrique du Sud : jeudi 11 janvier de 10h à 12h. Plaidoirie d'Israël : vendredi 12 janvier : de 10h à 12h. (Québec 04 h à 06 h).

Communiqué de la Cour internationale de Justice, 3 janvier 2024

Document de la Cour sur les procédures

Texte de la lettre et signatures

Nous, syndicats, mouvements et organisations signataires de cette lettre, félicitons l'Afrique du Sud d'avoir déposé une requête auprès de la Cour Internationale de Justice (CIJ) contre Israël invoquant la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Nous exhortons aux autres pays à renforcer cette demande énergique en déposant immédiatement des déclarations d'intervention à la CIJ.

De nombreux pays ont condamné fermement à Israël pour ses actes de génocide, ses crimes de guerre et ses crimes contre l'humanité contre les Palestinien.nes. Les forces israéliennes d'occupation ont bombardé des hôpitaux, des maisons, des centres de réfugié.es des Nations Unies, des écoles, des temples, des églises et des mosquées, ainsi que des voies d'évacuation, tuant plus de vingt mille Palestinien.nes depuis le 7 octobre 2023. Plus de la moitié des morts sont des femmes et des enfants.

Les dirigeants israéliens ont fait de nombreuses déclarations ouvertement génocidaires, montrant leur intention d'expulser définitivement le peuple palestinien de ses terres ancestrales. L'Afrique du Sud a raison d'affirmer qu'en vertu de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, les actions d'Israël « sont de caractère génocidaire, car elles sont commises avec l'intention requise et spécifique… de détruire les Palestinien.nes à Gaza dans le cadre du groupe racial, national et ethnique palestinien plus large ».

Les États parties à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide ont l'obligation d'agir pour prévenir le génocide. Une action immédiate est donc nécessaire. La déposition d'une déclaration d'intervention de support au dossier de l'Afrique du Sud contre Israël est un mécanisme direct pour garantir la cessation des actes de génocide et pour établir la responsabilité des auteurs de ce génocide pour la perpétration de ces crimes.

Les meurtres, les blessés et le déplacement forcé de nombreux palestiniens par l'État d'Israël, ainsi que le refus d'accès à l'eau, à la nourriture, aux médicaments et aux carburants sont des actes que répondent aux critères que constituent le crime de génocide. Si la majorité des nations du monde appellent à un cessez-le-feu, mais n'exigent pas que Israël soit poursuivi par la justice, comment serait-il possible de mettre fin à l'extermination ethnique du peuple palestinien ?

En outre, comment serait-il possible de mettre fin à d'autres atrocités aussi vastes que celles qui puissent avoir lieu ailleurs ? C'est pour toutes ces raisons que nous demandons aux gouvernements du monde qu'ils déposent immédiatement des déclarations d'intervention en soutien aux arguments de l'Afrique du Sud contre Israël devant la CIJ pour mettre fin au carnage dans les territoires palestiniens occupés.

Pour télécharger le texte de la lettre cliquez ici.

Pour accéder à la liste actualisée des signataires, cliquez ici.

À propos de la Coalition internationale pour mettre fin au génocide en Palestine (ICSGP)
Le 30 décembre, des personnes représentant d'un groupe d'organisations, y comprenant entre autres Black Alliance for Peace, l'Internationale progressiste, International Association of Democratic Lawyers, Réseau de solidarité avec les prisonniers palestiniens Samidoun, Ligue internationale des femmes pour la Paix et pour la Liberté (Section É.-U.), CODEPINK, la Coalition internationale Flottille de la liberté à Gaza, Popular Resistance (É.-U.), Veterans for Peace (É.-U.), l'Organisation mondiale contre la guerre, le militarisme et pour la paix (World Beyond War) et le Memorial Center Dr Martin Luther King Jr. (Cuba), nous sommes réunis avec l'urgence de soutenir les initiatives juridiques orientées à mettre fin au génocide perpétré par Israël à Gaza. Pour prendre contact avec la coalition :

Adrienne Pine, Popular Resistance, 1-202-652-5601, adrienne@quotha.net
Lamis Deek, Palestine Assembly for Liberation, 1-212-226-3999, Deek@DeekDictorAdi.com
Genie Silver, WILPF US, 1-610-283-1376, rhsilver@comcast.net

https://alter.quebec/plus-de-1000-organisations-exortent-les-gouvernements-de-la-planete-a-soutenir-la-plainte-pour-genocide-deposee-par-lafrique-du-sud-contre-israel/

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La Caq : un gouvernement indigne

16 janvier 2024, par Claire Charron — , , , ,
J'en ai le souffle coupé : la CAQ refuse de demander un cessez-le-feu à Gaza, comme le demande le fédéral et comme le demandent l'ONU ainsi que 152 autres pays. Cette (…)

J'en ai le souffle coupé : la CAQ refuse de demander un cessez-le-feu à Gaza, comme le demande le fédéral et comme le demandent l'ONU ainsi que 152 autres pays.

Cette guerre n'est PAS une guerre : il s'agit d'un crime d'apartheid, un crime contre l'humanité où Israël n'a jamais cessé, depuis 1967, de s'étendre avec force en territoire palestinien en violant impunément les droits humains[1] et cela, aux yeux de toute la planète. Les Palestinien.nes, ce n'est pas le Hamas ; ce sont des victimes civiles laissées en pâture au gouvernement israélien devenu complètement barbare. Je n'accuse pas la population civile, qu'elle soit d'Israël, de Gaza ou de n'importe où dans le monde, mais j'accuse certainement le gouvernement israélien, complètement fou, ainsi que tous les gouvernements qui les appuient, que ce soit financièrement, comme le font depuis toujours les États-Unis ou, moralement, comme le fait actuellement notre propre gouvernement au Québec ! Honte à la CAQ ! Vous ne représentez pas la majorité des Québécois.es et vous ne me représentez AUCUNEMENT. Je vous demande, par respect pour nos valeurs pacifistes au Québec, par respect pour la dignité humaine et par respect pour nous-mêmes, d'exiger un cessez-le-feu humanitaire immédiat à Gaza.

Claire Charron
La Pêche, Québec

[1] Les trois instruments internationaux en matière de droits humains qui interdisent explicitement l'apartheid sont la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (adoptée par les Nations unies en 1965), la Convention internationale sur l'élimination et la répression du crime d'apartheid <https://amnestyfr.cdn.prismic.io/am...> (adoptée en 1973 et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale <https://www.amnesty.fr/focus/cour-p...> (adopté en 1998).

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Retour sur la Seconde République française (1848-1851) : un espoir démocratique

16 janvier 2024, par Coline Ferrant — ,
La Seconde République française (1848-1851) a été marquée par un espoir démocratique, avec l'institution du suffrage universel et l'abolition de l'esclavage et de la peine de (…)

La Seconde République française (1848-1851) a été marquée par un espoir démocratique, avec l'institution du suffrage universel et l'abolition de l'esclavage et de la peine de mort. Cependant, ces avancées ont été rapidement restreintes ou révoquées, et le régime a été éphémère, se terminant par le coup d'État de Louis-Napoléon Bonaparte.


Introduction

Les causes immédiates de la révolution française de 1848 sont l'interdiction du banquet du XIIe arrondissement de Paris prévu le 22 février 1848 ; les causes profondes sont l'autoritarisme du régime monarchique de Louis-Philippe. Le nouveau régime, la IIe République, fut proclamé le 24 février 1848 avec la constitution d'un gouvernement provisoire, et s'acheva le 2 décembre 1851 par le coup d'État du Président de la République Louis-Napoléon Bonaparte. La singularité de ce régime est son caractère éphémère – moins de quatre ans – et le fait qu'il ait laissé dans la mémoire collective française deux représentations contradictoires. Une première, positive, en retient l'institution d'une démocratie complète, politique (par le suffrage universel) et sociale (par le « droit au travail »), achevée par la réaction conservatrice. Une seconde, négative, y voit le triomphe de l'incapacité politique et de l'« illusion lyrique » d'une démocratie sociale. Dans les deux cas, le problème central est bien la démocratie, et spécifiquement l'espoir de la démocratie : une aspiration que l'on souhaite voir triompher et que l'on considère comme réalisable. Analysons dans quelle mesure, pour chaque dimension de la démocratie – politique, institutionnelle, économique et sociale, les structures institutionnelles de la IIe République et les évènements de la vie publique ont-ils réalisé un espoir démocratique.

Une démocratie politique

Le 2 mars 1848, le gouvernement provisoire annonça : « le suffrage sera universel et direct, sans la moindre condition de cens ». Tous les citoyens hommes de plus de 21 ans furent appelés à élire les membres de l'Assemblée constituante : le corps électoral passa de 250 000 à 9 millions d'électeurs. Le 4 mars, le gouvernement provisoire affirma les libertés de la presse et de réunion ; un décret disposa de l'abolition de l'esclavage dans les colonies et créa une commission « pour préparer dans les plus brefs délais l'acte d'émancipation immédiate de toutes les colonies ». Le 8 mars, l'ensemble des citoyens devinrent éligibles à la Garde nationale. Le 19 mars, la « contrainte par corps » (c'est-à-dire la prison pour dettes), la peine de mort et les châtiments corporels furent abolis.

Mais les modérés et les conservateurs du Parti de l'Ordre remportèrent les élections de l'Assemblée constituante. L'extrême-gauche, vaincue, appela à une manifestation le 15 mai ; celle-ci tourna à l'émeute. Ses dirigeants furent arrêtés et condamnés à la déportation. La suppression des Ateliers nationaux provoqua un violent soulèvement populaire les 24 et 26 juin 1848. Les insurgés furent déportés dans les colonies, notamment en Algérie. Le nouveau président du Conseil Louis Eugène Cavaignac restreignit les mesures d'égalité politique du début de l'année 1848, en disposant de la censure des journaux révolutionnaires et de la fermeture des clubs, et en dissolvant certaines légions de la Garde nationale recrutées dans les quartiers populaires de Paris.

Une démocratie institutionnelle

La Constitution entra en vigueur le 4 novembre 1848. Son préambule dispose des droits du citoyen, mais aussi de ses devoirs, dont l'amour de la patrie et l'obligation de servir la République. Le Président de la République est élu au suffrage universel pour quatre ans non renouvelables. Jules Grévy, visionnaire, mit en garde contre le fait que le Président puisse chercher à rester illégalement au pouvoir sous prétexte de la légitimité que lui confère son élection par le peuple. En effet, les pouvoirs du Président étaient considérables : initiative des lois, direction de la diplomatie et des armées, nomination et révocation des ministres et des hauts fonctionnaires. Le pouvoir législatif est exercé par une chambre unique, l'Assemblée législative, élue au suffrage universel. Il y a irrévocabilité mutuelle des pouvoirs. Ces deux facteurs – légitimité du Président acquise par l'élection au suffrage universel et irrévocabilité mutuelle des pouvoirs – font qu'en cas de conflit, une solution est le coup d'État par le Président, qui disposait de la force armée. Dans ces conditions, la personnalité et la pratique du Président étaient cruciales. Louis-Napoléon Bonaparte remporta l'élection du 10 décembre 1848 ; il nomma au gouvernement des membres du Parti de l'Ordre.

Ce nouveau gouvernement instrumenta un nouveau recul des avancées démocratiques du début de l'année 1848. À la suite de la manifestation du 13 juin 1849 contre l'invasion de la République romaine, l'Assemblée législative vota trois lois réactionnaires : suspension d'un an de la liberté d'association, restriction de la liberté de la presse, possibilité pour l'Assemblée et le gouvernement d'établir l'état de siège. Le 31 mai 1850, les condamnés politiques et les résidents depuis moins de trois ans dans un même canton furent exclus du suffrage universel : le corps électoral diminua de 9 à 6 millions d'électeurs. Comme l'avait prédit Jules Grévy, Louis-Napoléon Bonaparte préparait son coup d'État. Dans la nuit du 1er au 2 décembre 1851, il publia un décret de dissolution de l'Assemblée législative et convoqua un plébiscite. Il adopta de nouvelles lois répressives. Environ 1500 personnes, dont l'écrivain Victor Hugo, furent déportées ou bannies. Le plébiscite fut accepté le 21 et 22 décembre. Il disposa de la prolongation pour dix ans des pouvoirs de Louis-Napoléon Bonaparte et de la rédaction d'une nouvelle Constitution par lui-même, ainsi achevant la IIe République.

Une démocratie économique et sociale

La Commission du gouvernement pour les travailleurs, chargée d'évaluer comment améliorer leur condition, fut créée le 28 février. Une nouvelle répartition de l'impôt en faveur des classes populaires, réduisant notamment l'impôt sur le sel, fut adoptée le 29 février. Les Ateliers nationaux, application du « droit au travail », furent créés le 26 février ; c'est l'exemple le plus significatif de la IIe République en tant que démocratie sociale, celui dont la mémoire collective française se souvient. Mais ils furent un échec. Ces Ateliers ne résolurent pas le problème du chômage : nombre de bénéficiaires étaient employés à ne rien faire. Le salaire – 2 francs par jour, supérieur aux aides des institutions de charité – attira de nombreux provinciaux à Paris. Pour l'État, ce fut un gouffre financier, moqué par les conservateurs sous le nom de « râteliers nationaux ». Leur suppression le 21 juin indiqua la fin de l'espoir d'une démocratie sociale.

Le préambule de la Constitution de novembre 1848 proclame la famille et la propriété comme fondements de la société et supprime la notion de droit au travail. Les slogans du programme de Louis-Napoléon Bonaparte étaient « ordre, autorité, religion, bien du peuple ». La loi Falloux du 15 mars 1850 autorisa les membres du clergé (même non diplômés) à ouvrir des établissements d'enseignement, leur attribua des places dans les instances régulant le système scolaire et créa des subventions pour l'enseignement privé. Les grèves furent interdites en novembre 1849.

Conclusion

La IIe République n'a, finalement, pas institué les conditions d'un État et d'une société démocratiques dans la mesure où les avancées démocratiques du début de l'année 1848 furent restreintes ou révoquées dès les premières difficultés du gouvernement provisoire. Ensuite, les gouvernements conservateurs instrumentèrent des politiques réactionnaires. De plus, les structures institutionnelles facilitèrent le coup d'État de Louis-Napoléon Bonaparte. Pour la postérité, retenons toutefois que la IIe République vit la réalisation de politiques particulièrement progressistes pour l'époque : le suffrage universel et l'abolition de l'esclavage et de la peine de mort.

Coline Ferrant
Maîtresse de conférences en développement et politiques sociales (Assistant Professor in Social Development & Policy) à Habib University (Karachi, Pakistan).
coline.ferrant@ahss.habib.edu.pk

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2024 : un monde devenu malléable

16 janvier 2024, par Michel Gourd —
Après que les précédentes années aient fait souffrir l'humanité jusqu'à un niveau la rendant ouverte à accepter de nouvelles voies de développement, 2024 pourrait ouvrir la (…)

Après que les précédentes années aient fait souffrir l'humanité jusqu'à un niveau la rendant ouverte à accepter de nouvelles voies de développement, 2024 pourrait ouvrir la porte à la mise en place de processus de gestion internationale permettant de mieux adapter les pays de la planète au monde qui vient.

L'historien, démographe et sociologue, Emmanuel Todd, qui avait annoncé en 1976 la chute de l'URSS en s'intéressant à son indice de mortalité infantile, considère que la défaite de l'Occident est en cours et que le monde est à la veille d'un basculement, la désintégration des valeurs de l'ancien ordre mondial entrainant guerres et violence. Il prédit la défaite de l'Occident dans le contexte du conflit en Ukraine.

C'est un peu la même vision qu'a l'ancien diplomate et universitaire, Gilles Andréani, qui considère aussi que le nouvel ordre mondial qui a commencé à s'installer après la chute du mur de Berlin s'est dissout dans les rivalités entre puissances dans les dernières années. En 2024, il voit une planète fracturée, chaotique avec un retour aux guerres interétatiques de haute intensité, les organisations internationales ne permettant plus de canaliser les tensions et étant ouvertement contestées par une partie croissante des États, victimes de forces nationalistes et populistes.

Le géopolitologue et directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique, Bruno Tertrais, est un brin plus optimiste et considère que « 2024 sera une année d'épreuves pour les démocraties » qui devront résister à des vagues de désinformation. Selon lui, il y aurait actuellement une « guerre tiède » entre le monde, les autocraties et les démocraties, des blocs qui ne seraient pas homogènes et aux contours mouvants. Il est cependant sceptique vis-à-vis de l'idée de désoccidentalisation du monde, puisque toutes les grandes institutions créées après 1945 par les Occidentaux tels l'ONU, le FMI et la Banque mondiale restent essentielles pour les pays en développement. Il note de plus que les normes dites occidentales sont encore plus séduisantes pour une majorité des habitants de la planète que celles défendues par la Russie ou la Chine. Si les libertés individuelles ne plaisent pas aux gouvernements autocrates, elle continue de séduire leurs populations comme le montre la direction des flux migratoires.

Une note d'espoir

Selon l'écrivain franco-libanais Amin Maalouf, pour la première fois dans l'histoire de l'Humanité, elle a les outils pour résoudre ses problèmes, mais doit se décider à modifier sa façon d'organiser le monde, les relations entre pays et entre individus pour que tous puissent affronter ensemble les défis. Avec les Nations unies à bout de souffle, un sursaut de l'Humanité, actuellement sans modèle, serait devenu vital.

La mise en place et l'acceptation de nouvelles manières de faire passe par trois phases, soit le dégel des processus à changer, faire les modifications désirées et finalement cristalliser les nouvelles techniques de gestion. La récente série de crises mondiales montre que les vieilles manières de faire ne sont plus assez efficaces pour les besoins actuels. Déjà critiqués pour la gestion de la pandémie de Covid en 2020, de l'invasion de l'Ukraine en 2022 et de celle de la guerre à Gaza en 2023, tout cela pendant que la Terre entre dans une phase destructrice des changements climatiques, les mécanismes de régulations internationaux sont actuellement affaiblis au point ou une nouvelle restructuration du monde semblant cohérente et capable d'être considéré favorablement par une partie de l'Humanité pourrait commencer à s'implanter en 2024.

Le fait que la moitié des habitants de cette planète seront appelés à participer à des élections cette année ouvre la porte à des changements concrets dans la manière dont sont gérées les relations entre peuples et avec la planète. À mesure que ces élections se tiendront, l'année perdra de sa malléabilité et le résultat des urnes pourrait amener des changements importants pour les générations futures. En 2024, peut-on trouver de nouveaux processus de gestion des relations internationales et des conflits mondiaux qui forceront autant Israël que la Russie à faire taire leurs armes à Gaza et en Ukraine ?

Michel Gourd

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La Vendetta

16 janvier 2024, par Kaveh Boveiri — , , ,
Assis au fond du bus dans le siège au milieu, La Vendetta de Balzac à la main, tu es immergé dans le monde de ce livre. Kaveh Boveiri Mais le regard fixe de cette petite (…)

Assis au fond du bus dans le siège au milieu, La Vendetta de Balzac à la main, tu es immergé dans le monde de ce livre.

Kaveh Boveiri

Mais le regard fixe de cette petite fille avec son visage foncé à ton livre te force à réagir avec un sourire malgré la tristesse générée par ce livre. « Qu'est-ce que ça veut dire la vendetta ? », tu la lis sur ces lèvres. Elle pose cette question à son amie à gauche. « Je ne sais pas », dit celle-ci. Elle se tourne la tête vers son autre amie à droite. Celle-là lève les mains, en indiquant qu'elle ne sait pas non plus.

Elles se sont habillées, toutes les trois, des chapeaux, des châles, des manteaux, des pantalons et des bottes de plusieurs couleurs : blanche, brune, rouge, rose, noire, et bleue.

C'est le Nouvel An.

Tu souris encore une fois et rentres dans le monde de La Vendetta.

Peu de temps après, avec leurs bruits, tu rentres encore une fois dans le bus. Cette fois, ces deux amies de ces deux côtés jouent au pierre-papier-ciseaux. La petite foncée est la juge. « Tu as gagné », elle répète toutes les quelques secondes. Elle a presque sept ans. Ces deux amies, onze ou douze ans.

Pour être joyeuse comme elles, tu n'as pas besoin de rien du tout. Tu dois simplement être un enfant. Comme des enfants, elles peuvent jouer « avec des riens, ces riens les ramenaient toujours à leur passion ».

Comme un enfant, tu peux jouer au pierre-papier-ciseaux même si tu as perdu une jambe dans un accident, ou dans un bombardement. C'est le cas pour Donia de Gaza. Le 27 octobre 2023, elle perd sa jambe dans un bombardement de l'armée israélienne de maison d'une proche de la famille de Donia à Khan Yunes au sud de Gaza. Elle n'a que douze ans, à-peu-près le même âge que ces deux amies de notre juge foncée. Malgré tous ces inconvénients, avec son espoir à l'avenir, elle peut même faire « parcourir à sa jeune imagination le vaste champ des conjectures ».

Dans une vidéo disponible au site web de Defence for Children International–Palestine, le 25 novembre, lors du cessez-le-feu qui ne dure que sept jours, Donia explique ce qui s'est passé et exprime son rêve auprès de l'avenir avec sa naïveté infantile :

« Quand ils nous ont lancé le deuxième missile, je me suis réveillée entourée de pierres et de débris. Je me suis vite rendu compte que j'avais perdu une jambe : il y avait du sang partout, j'essayais de la bouger, mais rien ne bougeait. Ma jambe n'y était plus. D'autres ont perdu la vie : ma mère, mon père, mon frère Mohammed, ma sœur Dalia… Je souhaite que quelqu'un me sorte d'ici, m'emmène à l'étranger, dans n'importe quel pays, où je pourrai m'installer une prothèse, afin que je puisse marcher comme tout le monde. Pour pouvoir bouger, monter, descendre, jouer avec mes frères et sœurs… J'aimerais devenir médecin, comme ceux qui nous soignent, comme ça je peux traiter d'autres enfants. Je ne veux qu'une seule chose : c'est que la guerre cesse ! »

Donia n'a trouvé personne qui pouvait l'amener à l'étranger pour réaliser son rêve. Le 7 décembre, l'armée israélienne bombarde la salle de maternité de l'hôpital Naser à Khan Younes, au sud de Gaza. C'est l'endroit vers lequel les résidents au nord de Gaza étaient forcés de se déplacer avec le promis d'être dans une zone sécuritaire.

Les yeux de Donia se ferment pour toujours lors de ce bombardement…

Dans le bus, tu ne voulais pas révéler le sens de mot « vendetta » à cette petite sœur foncée. Cela aurait ruiné leur joie. Mais tu peux le lui dire maintenant. Elle va peut-être lire ce texte quand elle est grandie.

La vendetta est une vengeance contre toute une communauté à la riposte d'un acte d'un membre ou quelques membres de cette communauté. Cela peut être aussi attribué au démocidepratiqué conjointement par le régime sioniste israélien et le régime de Joseph Robinette Biden, ce sioniste autoproclamé, contre les menaces de la sécurité régionale, même mondial — les menaces comme Donia.

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Le Hamas, cet importun

16 janvier 2024, par Jean-François Delisle — , , ,
La résurgence brutale du conflit israélo-palestinien survient au plus mauvais moment du point de vue des soutiens occidentaux de l'État hébreu, car elle a quelque peu relégué (…)

La résurgence brutale du conflit israélo-palestinien survient au plus mauvais moment du point de vue des soutiens occidentaux de l'État hébreu, car elle a quelque peu relégué dans l'ombre celui russo-ukrainien qui faisait les manchettes jusqu'au 7 octobre dernier. À contrecoeur, les classes politiques occidentales ont du détourner d'importantes ressources financières et militaires au profit d'Israël, leur protégé de toujours.

La Maison-Blanche surtout en veut au Hamas pour son offensive-surprise du 7 octobre qui braque une fois de plus l'attention des médias internationaux sur l''antagonisme israélo-palestinien qui perdure depuis des décennies et qui met crument en lumière son parti-pris sioniste fanatique. La disproportion entre le nombre de victimes civiles israéliennes (1,200 environ) et la démesure des représailles militaires de Tel-Aviv (23,300 aux dernières nouvelles) discrédite l'appui sans failles qu'elle apporte à son protégé.

On assiste à une inversion imprévue des rôles dans cette sinistre histoire ; une espèce de chassé-croisé en quelque sorte. En effet, jusqu'au 7 octobre 2023, les camps paraissaient bien définis : les bons démocrates occidentaux qui défendaient becs et ongles la cause de la liberté et de l'indépendance ukrainiennes contre la volonté expansionniste de l'affreux Kremlin et que la cause palestinienne, elle, semblait en voie de disparition, voilà que le Hamas a le mauvais goût d'intervenir avec vigueur au moment le plus inopportun, ce qui remet fâcheusement à l'avant-plan toute la question palestinienne. Son offensive sans précédent du 7 octobre contre l'État hébreu jette au visage des principales puissances occidentales leurs contradictions à ce sujet. En effet, comment leurs gouvernements peuvent-ils soutenir défendre la liberté et l'indépendance de l'Ukraine face à Moscou tout en niant, dans les faits, celles des Palestiniens et Palestiniennes vis-à-vis de Tel-Aviv ?
Ils tolèrent (plus ou moins bien), mais ils acceptent quand même, en dépit de leurs appels vertueux au gouvernement israélien à plus de "retenue" dans ses bombardements aériens la multiplication des victimes civiles à Gaza, alors qu'ils dénonçaient hier encore celles entraînées par l'aviation et l'artillerie russes en Ukraine.

La cause ukrainienne n'est pas nécessairement perdue, mais un "second front" international a été ouvert par le Hamas, lequel oblige les classes dominantes des pays hégémoniques à réduire leur soutien à Kiev."Pire" même de leur point de vue, pour la première fois, un pays (la république d'Afrique du Sud) traîne l'État hébreu devant la Cour internationale de justice pour génocide contre la population gazaouie. Ce n'est peut-être qu'une question de temps avant que des responsables politiques et militaires israéliens soient à leur tour l'objet de mandats d'arrêt de la Cour pénale internationale pour crimes contre l'humanité. C'est déjà le cas pour le président russe, Vladimir Poutine. Pourquoi pas aussi pour Benyamin Netanyahou et des membres de sa clique ?

Une évolution qui ne manquerait pas d'ironie : alors que les résistants palestiniens clandestins sont traditionnellement classés comme des "terroristes", le justice internationale viserait de vrais criminels même s'ils ont des titres gouvernementaux et militaires officiels.
Là où les arguments légitimes de droit à la résistance souvent invoqués par les Palestiniens étaient rejetés du revers de la main par les bien-pensants occidentaux, ceux utilisés portant sur le droit à l'autodéfense par les responsables israéliens risquent à leur tour d'être invalidés. Ils ne peuvent servir à justifier le massacre de civils à grande échelle.

On n'assiste peut-être en ce moment qu'au début d'un long processus judiciaire dont l'aboutissement est incertain mais dont la seule possibilité est déjà aussi encourageante que passionnante.

Jean-François Delisle

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Aux médecins de prendre parole pour notre système de santé public !

16 janvier 2024, par Médecins québécois pour le régime public (MQRP) — , , ,
Le 8 décembre dernier, le gouvernement du Québec a abruptement mis fin aux débats parlementaires sur le projet de loi 15 en imposant son adoption sous bâillon. La Loi visant à (…)

Le 8 décembre dernier, le gouvernement du Québec a abruptement mis fin aux débats parlementaires sur le projet de loi 15 en imposant son adoption sous bâillon. La Loi visant à rendre le système de santé et de services sociaux plus efficace crée une entité centralisée de gestion du système de santé, Santé Québec, qui sera dirigée par des « top guns » du secteur privé (1).

Rappelons que depuis quelques années, nous assistons impuissants à l'immixtion du privé et d'initiatives à but lucratif dans notre système de santé. Par exemple, nous avons pu constater :

● La promotion des services privés (2) sur la plateforme Clic Santé ;

● Le financement public de salles d'opération privées prévoyant d'emblée jusqu'à 15% de marge de profits, alors que les salles du public ne sont pas utilisées à leur pleine capacité (3) ;

● Le recours accru aux agences privées de placement de personnel, suivie de leur interdiction abrupte (4) ; et

● La légalisation en catimini de la télémédecine privée pour des médecins facturant à
la RAMQ (5).

MQRP dénonce sans cesse les inévitables conséquences qui découlent d'une gestion
entrepreneuriale des soins de santé (voir nos rapports annuels). Il est impossible de nier l'effritement des conditions de travail du personnel soignant, et encore moins demeurer indifférents face à la dégradation de la qualité des soins offerts à la population québécoise, triste aboutissement de la vision néolibérale de la santé, laquelle est trop souvent préconisée par nos gouvernements comme une panacée qui viendrait pallier les faiblesses du réseau public, et ce, depuis une vingtaine d'années. Or, force est de constater que le secteur privé a profité de ces failles pour s'enrichir, plutôt que de contribuer à les réparer.

Aux médecins de prendre parole

À titre de médecins, nous bénéficions, certes, d'une autonomie professionnelle, laquelle fut historiquement négociée à la dure et qui demeure à ce jour un pilier de notre statut. Néanmoins, nous travaillons inhéremment en collaboration avec d'autres professionnels et intervenants de la santé, au sein d'un même système de soins. Ainsi, l'impact de l'appauvrissement des conditions de travail de nos collègues affecte directement notre capacité à offrir des soins médicaux de qualité. Il ne suffit que de visiter les unités de soins durant la grève des dernières semaines pour saisir leur apport indispensable.

Alors que nos collègues du réseau public sont dans les rues depuis des semaines pour réclamer des conditions de soins décentes et exiger une plus grande reconnaissance, le gouvernement fait fi de les entendre et a l'audace d'adopter simultanément un projet de loi mammouth qui viendra centraliser les pouvoirs entre les mains d'une agence unique. Les voix et responsabilités des professionnels de la santé au sein des instances décisionnelles se verront diminuées, notamment via la disparition des conseils d'administration et l'affaiblissement des conseils des médecins, dentistes et pharmaciens (CMDP). Ce transfert de pouvoir vers des gestionnaires réputés comme étant « efficaces » se fait inévitablement au détriment de l'expertise de celles et ceux qui ont fait de la santé des autres leur métier, qui croient en un système public capable de fournir des soins universels de qualité, accessible à tous.

Plaidoyer pour un régime public fort

En tant que médecins, résident.e.s et étudiant.e.s en médecine, nous sommes particulièrement inquiets face à cette lourde tendance à la privatisation de notre réseau de santé. Nous sommes aux premières loges de l'appauvrissement de la qualité des soins fournis aux patients, année après année, réforme après réforme. Nous constatons davantage de décisions prises en vue de maximiser le profit plutôt que le bien-être des patients. Nous n'acceptons pas d'être écartés des instances décisionnelles alors que des entités privées prospèrent au détriment de nos patients. Nous ne pouvons rester indifférents face à l'exode de divers professionnels vers le secteur privé, incluant nos confrères et consoeurs médecins.

Il est temps de nous exprimer publiquement, c'est pourquoi nous joignons nos voix pour exiger un régime public en santé. Nous croyons fermement que c'est en renforçant notre système public de santé que nous parviendrons à améliorer l'accès aux soins pour tous, non pas en le fragilisant.

Signez la pétition !

Notes

1- Tommy CHOUINARD, « Dube veut recruter des "top guns" du privé », La Presse, 20 mars 2023, en ligne : https://www.lapresse.ca/actualites/sante/2023-03-20/sante-quebec/dube-veut-recruter-des-top-guns-du-prive.php.

2- Alice GIRARD-BOSSÉ, « La présence grandissante du privé sur Clic Santé dénoncée », La Presse, 30 septembre 2022, en ligne : https://www.lapresse.ca/actualites/sante/2022-09-30/la-presence-grandissante-du-prive-sur-clic-sante-denoncee.php

3- MÉDECINS QUÉBÉCOIS POUR LE RÉGIME PUBLIC, « Au-delà des agences : Freiner le privé en santé », février 2023, en ligne : https://mqrp.qc.ca/2023/02/au-dela-des-agences-freiner-le prive-en-sante/.

4- MÉDECINS QUÉBÉCOIS POUR LE RÉGIME PUBLIC, « Les centres médicaux spécialisés (CMS) », mars 2023, en ligne : https://mqrp.qc.ca/2023/03/les-centres-medicaux-specialises-cms/.

5- Anne PLOURDE, « L'industrie des soins virtuels au Québec », Institut de recherche et d'informations socio-économiques, en ligne : https://iris-recherche.qc.ca/publications/soins virtuels/.

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