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La DUDH : genèse de l’édifice universel des droits humains

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La DUDH : genèse de l'édifice universel des droits humains

Retour à la table des matières Droits et libertés, automne 2023 / hiver 2024

Edouard De Guise, Étudiant à l’Institut d’études politiques de Paris et militant à la LDL La Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH), adoptée le 10 décembre 1948, constituait à la fois une avancée remarquable dans l’internationalisation de la protection des droits humains et une déception pour celles et ceux qui espéraient y voir un outil juridiquement contraignant pour les États. La DUDH, à son adoption, innovait quant à sa portée et à son envergure. D’abord, sur la forme, aucun texte n’avait prétendu à l’universalité sur la scène internationale avant la DUDH. Il existait alors déjà, dans quelques pays, des déclarations des droits rédigées à la suite des grandes révolutions des XVIIe et XVIIIe siècles. Ces déclarations avaient une prétention à l’universalité mais ne concernaient que les rapports de l’État à l’individu en droit interne. Elles n’étaient souvent pas respectées pour toutes et tous, comme ce fut le cas des personnes autochtones, des femmes, des personnes noires, et de plusieurs autres minorités; elles n’avaient qu’une portée circonscrite à la nation. Il existait également, du côté des organisations civiles, des documents privés qui tentaient de codifier le droit international des droits humains. Ce fut le cas notamment des codifications de l’Institut de droit international en 1929 et de la Ligue des droits de l’Homme en 1936. Ces documents n’étaient cependant pas reconnus par la communauté inter­nationale et ils n’ont pas progressé vers un ordre international de protection des droits humains. Par ailleurs, il y avait des documents qui avaient la forme de la Déclaration sans en avoir l’envergure sur le fond. C’est le cas de la Déclaration du 8 février 1815 du Concert de l’Europe sur l’abolition de la traite esclavagiste. C’est également le cas du Traité de Berlin de 1878, qui contenait une disposition pour protéger les minorités chrétiennes dans l’Empire ottoman. Ces traités, bien qu’ayant une forme juridique ou déclaratoire, étaient bien loin de déclarer des droits pour toutes et tous, ne s’en tenant qu’à un seul enjeu.

La genèse

L’idée d’une charte mondiale de protection des droits humains était promue et reven­diquée depuis la Crise des années 1930 par des figures intellectuelles de différents milieux, comme les groupes syndicaux, pacifistes, féministes, juifs, chrétiens et libéraux. Dans son discours au Congrès des États-­Unis du 6 janvier 1941, le président Franklin Delano Roosevelt lançait le débat sur la protection des droits dans le nouveau régime international qui serait établi à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il espérait alors pousser les États-­Unis hors de leur isolationnisme pour soutenir les alliés qui vivaient alors, pour la plupart, sous l’occupation nazie. Il formulait dans ce discours son souhait que soient protégées quatre libertés : la liberté d’expression, la liberté de religion, la liberté de vivre à l’abri du besoin et de la tyrannie. Ces libertés préfigurent l’esprit de la DUDH dans son inclusion au sein d’un même texte de droits civils, politiques, sociaux et économiques.

L’échec de la Société des Nations

Un deuxième fait historique a inspiré la forme et le fond de la DUDH : l’échec de la Société des Nations. Malgré sa structure et ses objectifs d’abord politiques et diplomatiques, l’action de la Société des Nations couvrait quatre orientations qui relevaient du droit international des droits humains : le respect des droits des minorités, la protection des réfugié­e­s, l’amélioration des conditions des tra­vailleuses et travailleurs et une justice pénale internationale. Outre ces grandes orientations, on y affirme le droit des peuples à disposer d’eux­-mêmes, toile de fond de l’organisation pensée par le président Woodrow Wilson. L’action de la Société n’a pas été vaine, puisqu’elle a, notamment, créé le poste de haut­ commissaire aux réfugiés, qui avait instauré le passeport Nansen, un docu­ ment de voyage destiné aux apatrides. Il a d’abord servi, en 1922, aux réfugié­-e-­s du bolchévisme, « contre­-révolutionnaires » qui avaient été déclarés apatrides. En 1924, il a ensuite permis aux Arménien-­ne-­s de fuir le génocide. La Société des Nations a donc joué un rôle important dans la protection de certains groupes et classes de la société.

La création de l’Organisation internationale du travail

En matière de protection des travailleuses et travailleurs, la Société avait entre autres présidé à la création de l’Organisation internationale du travail (OIT), plus tard intégrée à l’Organisation des Nations unies (ONU). L’OIT a adopté une série de conventions portant sur les droits des travailleuses et travailleurs, des femmes, des enfants, des migrant­-e-­s et plus encore. La Déclaration de Philadelphie de 1944, document concernant les buts et objectifs de l’OIT, a même été décrite par plusieurs comme la première déclaration de droits à vocation universelle. Cependant, la Société n’avait pas de régime unique de protection des droits humains, ce que tenteront d’accomplir les architectes du système des Nations unies à l’aune des conséquences des tragédies humaines de la Seconde Guerre mondiale.

La rédaction

L’ONU a été créée en 1945 par l’adoption de la Charte des Nations unies à la clôture de la conférence de San Francisco. La Charte faisait suite à la Déclaration des Nations unies, un texte signé par 26 pays alliés en 1942. Cette déclaration constituait alors le premier document international faisant explicitement appel à la protection des droits humains dans leur intégralité à l’échelle internationale. Un comité de rédaction de la DUDH, présidé par Eleanor Roosevelt, a été formé en 1947. Des juristes d’origines diverses avaient été appelés à former ce comité pour poser la première brique dans l’édification d’un nouveau système de protection des droits de la personne. Le comité était épaulé par John Peters Humphrey, professeur de droit à l’Université McGill et premier directeur de la Division des droits de l’homme du Secrétariat général des Nations unies.

Un travail collectif

Contrairement aux croyances populaires alimentées par la littérature nationaliste et patriotique, en vogue surtout en France, aux États­-Unis et au Canada, la rédaction de la DUDH n’était pas le fruit du travail d’une seule femme ou d’un seul homme extraordinaire. Humphrey avait rédigé la première ébauche du document dans le cadre de ses fonctions au Secrétariat général. Son travail a été repris par René Cassin, juriste français et membre du gouvernement de la France libre pendant l’occupation allemande, qui a notamment milité pour remplacer le terme « international » par le terme « universel » pour que la DUDH ne relève pas exclusivement du champ de compétence étatique. Il a également donné un style déclaratif « à la française » au document. Peng-­Chun Chang, universitaire et militant des droits humains en Chine, a insisté pour que la DUDH soit exempte de références religieuses au « Créateur » ou à la « nature », pour qu’elle soit plus inclusive. Les autres membres du Comité de rédaction ont également apporté des précisions et des améliorations au projet de DUDH pour en faire un document qui soit de portée réellement internationale, avec la participation consultative des gouvernements et des ONG. Grâce, entre autres, au soutien des Soviétiques, la DUDH signifiait également, dès son adoption, un élargissement considérable du domaine traditionnel des droits humains aux droits économiques et sociaux, revendication portée principalement par les groupes syndicaux. Ces droits faisaient alors leur toute première apparition dans les textes juridiques internationaux sur un pied d’égalité avec les droits civils et politiques. Toutefois, la balance du pouvoir à l’Assemblée générale de l’ONU était alors favorable aux pays occidentaux, dont certains avaient encore des colonies. On ne retrouve donc pas dans la DUDH le plus important des droits collectifs ; il figure pourtant au premier article des deux Pactes de 19661 mettant en œuvre le projet de la DUDH : le droit des peuples à l’autodétermination.
La différence entre le texte de la DUDH et celui des Pactes de 1966 témoigne certainement d’un déplacement du poids diplomatique aux Nations unies depuis l’Occident vers ses anciennes colonies, fruit du mouvement de décolonisation entre la fin des années 1940 et les années 1960.

Vers les Pactes

La forme juridique du texte a créé un litige dès le début de la rédaction de la DUDH, et ce n’était pas leur statut colonial qui alignait les pays. Finalement, certains pays ont préféré que la DUDH ne soit pas contraignante. Au Canada par exemple, le gouvernement a hésité à voter l’adoption de la DUDH, craignant devoir respecter la liberté d’expression ou de religion de certains groupes comme les communistes ou les Témoins de Jéhovah. Humphrey n’aurait convaincu le Cabinet de voter en faveur de l’adoption qu’au dernier vote. Certains pays souhaitaient que la DUDH soit juridiquement contraignante, craignant qu’elle soit adoptée facilement, mais que les Pactes, contraignants, ne le soient pas. Bien que l’histoire n’ait pas matérialisé leurs craintes, le contexte de guerre froide ainsi que les tensions liées à la décolonisation leur ont presque donné raison. Il a donc fallu attendre 18 ans — 28 ans si l’on considère la date de l’entrée en vigueur — pour que soient adoptés des instruments juridiques qui pouvaient assurer la mise en œuvre des objectifs de la DUDH.

Les Pactes

Entre la DUDH et les Pactes, plusieurs vagues de décolonisation se sont succédé, marquant un élargissement considérable du nombre de pays à l’Assemblée générale de l’ONU. Cet élargissement a entraîné un changement dans la balance du pouvoir au sein de cette assemblée : les pays en développement avaient maintenant la majorité. L’époque était également marquée par la guerre froide, polarisant la politique mondiale. Ces deux grandes divisions : décolonisation et guerre froide étaient la toile de fond de la création et de la rédaction de l’instrument juridique contraignant qui manquait à la DUDH. C’est dans ces conditions qu’a été déterminée la forme de ce nouvel outil, composé de deux pactes : l’un concernerait les droits civils et politiques, favorisés par l’Occident ; l’autre concernerait les droits sociaux et économiques, promus par le bloc soviétique et les pays en développement. En 1966, la rédaction des Pactes était terminée et la période de ratification pouvait débuter. Les Pactes ne sont entrés en vigueur qu’en 1976. Ils ont par la suite été complétés de protocoles facultatifs d’application ou de précision. Le plus célèbre d’entre eux était celui portant sur l’abolition de la peine de mort, en 1989. Il résultait de plusieurs années de travail militant sur les scènes nationale et internationale. La Déclaration universelle des droits de l’homme ainsi que les deux Pactes constituent ensemble la fondation du régime international de protection des droits humains. On appelle ce corpus de textes la Charte internationale des droits de l’homme. Si les Pactes identifient les obligations des États de respecter, de protéger et de mettre en œuvre les droits humains, les dernières décennies nous démontrent que les gouvernements prennent rarement les devants pour les assumer, et quand ils le font, il s’avère que ce sont bien souvent les crises ou les urgences qui dictent leurs actions.
  1. Pacte international sur les droits civils et politiques (PIDCP) et le Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC).

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La participation des parents, un incontournable pour la création d’écoles inclusives

20 mars 2024, par Revue Droits et libertés

La participation des parents, un incontournable pour la création d’écoles inclusives

Retour à la table des matières Droits et libertés, automne 2023 / hiver 2024

Jacinthe Jacques Safa Chebbi Coordonnatrices générales à La Troisième Avenue L’école est avant tout le premier palier de la démocratie, où les jeunes acquièrent leurs premières connaissances, compétences et valeurs essentielles pour devenir des citoyens informés et actifs. Elle offre l’occasion de mettre en pratique les principes fondamentaux de la démocratie. Participer activement à la vie démocratique de l’école, étant parent ou jeune élève, peut être un puissant moteur de changement social positif. En s’engageant ainsi, les per­sonnes ont davantage la capacité d’influencer les pratiques contribuant ainsi à façonner une société plus équitable et respectueuse des droits humains. Selon le Code civil du Québec et la Loi sur l’instruction publique1, l’école a le devoir d’instruire, de socialiser et de qualifier les enfants, tout en les rendant aptes à entreprendre et à réussir leurs parcours scolaires. L’école est tenue aussi de réaliser son projet éducatif, en collaboration avec divers acteurs, dont les parents, en siégeant dans des instances décisionnelles comme les conseils d’établissements pour exprimer leurs besoins et participer activement à la vie scolaire. Cette coopération entre l’école et les parents est cruciale pour garantir l’épanouissement éducatif des enfants. Néanmoins, la réalité sur le terrain s’avère souvent plus complexe. Les lieux d’implication et de participation des parents ne sont pas toujours clairement compris pour être accessibles, que ce soit du côté de l’école ou des familles. Pourtant, il est toujours bénéfique pour l’enfant lorsque l’école tient compte de l’expérience des parents dans ses démarches d’intervention. Cette approche favorise un mode de fonctionnement démocratique qui conduit au dévelop­pement d’une citoyenneté allant au­-delà du simple droit à des services de qualité.

Les obstacles à la participation des parents à l’école

Selon nos différentes consultations auprès de nos membres parents, les obstacles sont nombreux à la participation au sein de l’école. D’une part, ceux­-ci ont souvent l’impression qu’ils ont de la difficulté à entrer en contact avec l’école que ce soit concernant l’accès à l’information ou encore aux personnels scolaires. Dans certains cas, ils ne peuvent même pas accéder physiquement au bâtiment. Pour un parent, la transition de l’espace de la petite enfance (0-­5 ans) à l’école primaire représente un changement radical en termes d’accessibilité physique et de relation avec l’institution et son personnel. Souvent, les parents éprouvent des difficultés pour aller au-­delà du secrétariat ou de la porte du service de garde, transformant ainsi l’espace­-école en un simple comptoir de services qui limite au maximum toute interaction externe. D’autre part, les parents sont souvent confrontés à de nombreux préjugés provenant de l’école, particulièrement lorsqu’il est question d’un parent immigrant. À titre d’exemple, on entend souvent les idées préconçues selon lesquelles les parents   seraient peu intéressés par l’éducation de leurs enfants, trop occupés pour s’engager dans la démocratie scolaire de leur école, ou que leur culture les empêcherait de mieux comprendre les valeurs de l’école d’ici, renforçant ainsi une vision biaisée de leurs enfants. Ces préjugés remettent indirectement en question leur capacité à être de bons parents ou simplement de potentiels alliés pour l’école. Bien trop souvent, les interventions des parents à l’école prennent diverses formes, certaines pouvant même revêtir un caractère confrontant. On observe maintes fois des négociations pour définir la répartition des territoires symboliques liés à l’exercice du pouvoir. Les parents se sentent privés d’un sentiment d’appartenance envers l’institution qu’est l’école.
« Je suis tout à fait disposée à m’impliquer à l’école, mais il est difficile d’y pénétrer. Les seules invitations semblent limitées à des tâches spécifiques telles que ranger les livres de la bibliothèque ou contribuer à la logistique d’événements ponctuels. Notre implication se réduit alors à des tâches mécaniques simples qui ne demandent pas beaucoup de réflexion, et notre pouvoir est limité à une simple exécution de ces tâches. Dès que nous tentons de nous impliquer dans des rôles où notre champ d’action est plus étendu, les choses deviennent rapidement compliquées, et notre contribution semble soudainement être perçue comme une menace. Je suis convaincue que mes compétences peuvent être mises à contribution de manière plus significative pour aider l’école, au­delà de ces tâches ». Diana (nom fictif), parent et membre de nos programmes dans le quartier Montréal-Nord
Comme l’illustre le témoignage de Diana, les parents qui manifestent habituelle­ment le désir et le besoin de partager leurs connaissances, de s’impliquer et de colla­borer avec l’équipe-­école font souvent face à des contraintes telles que des préjugés préexistants limitant leur participation. Cela engendre des blessures significatives érodant la relation de complicité qui devrait pourtant être favorisée. La communication se trouve ainsi entravée, générant malheureusement des positions de repli et des malentendus, nuisant au dialogue entre l’école et les familles.

Pour des écoles inclusives

La pleine participation des parents à l’école devient d’autant plus importante pour les familles immigrantes, qui repré­sente la plus grande proportion de notre public et une part significative de la population montréalaise ces dernières années. Notons par ailleurs un nombre record d’inscriptions d’élèves issus de l’immigration à Montréal en 20232. Le succès du projet migratoire de ces parents est souvent mesuré par la bonne intégration de leurs enfants et leur réussite scolaire. Toutefois, l’école a de la difficulté à accueillir ces familles et elle a souvent tendance à les garder encore plus à l’écart que celles issues de la société d’accueil. Pourtant, la pleine participation des parents et des jeunes issus des groupes racisés au sein des structures démocratiques de l’école permettrait de construire des ponts entre les différentes cultures et par le fait même contribuer à créer un climat plus inclusif, harmonieux et bienveillant.
« Je me souviens d’une occasion où j’ai participé à un événement de chocolat chaud à l’école. Notre mission était de remplir les tasses pour les enfants pendant la pause. Lorsque mes propres enfants m’ont vue là, leurs yeux brillaient d’admiration, et ils étaient ravis de me présenter aux autres enfants. Même les enfants qui se reconnaissaient en moi, voyant en moi une figure de leurs familles, étaient également heureux de voir une personne qui leur ressemblait à l’intérieur de l’école. Ils venaient me parler et me demandaient si j’étais la maman de X ou de quel pays je venais. » Najat (nom fictif), parent et membre de nos programmes dans le quartier Saint-Léonard
Comme illustré dans le témoignage de Najat, on perçoit clairement l’impact significatif de la présence des personnes racisées sur les enfants de ces groupes, même à travers la participation d’un parent à une action en apparence peu importante. Assurer et faciliter une pleine participation de ces groupes aux espaces dédiés aux parents contribuerait indéniablement à l’amélioration du vivre­-ensemble au sein de nos écoles. Leur implication au sein des structures démocratiques serait également un vecteur d’intégration sociale et civique, car l’école, en tant qu’incubateur de citoyenneté, offre la possibilité de développer un sentiment d’appartenance, des compétences sociales et des connais­sances transférables à d’autres aspects de leur vie sociale. Il est essentiel de reconnaître qu’une école égalitaire et inclusive ne peut être construite sans la participation active des parents de son quartier, reflétant ainsi la diversité démographique locale. Les parents du quartier jouent un rôle important dans l’identification des problè­mes, la conception des solutions, leur mise en œuvre et leur évaluation. En tant qu’experts de leurs propres réalités, leur participation enrichit considérablement le processus. Dans cette optique, il est impor­tant de donner aux parents davantage de pouvoir au sein de l’institution scolaire. Leur implication ne devrait pas se limiter au bénévolat ; ils devraient occuper pleine­ment l’espace public qu’est l’école, ce qui implique une participation à tous les niveaux de prise de décision.

Ouvrir des espaces de dialogue

Dans ce contexte, une intervention spécifique et structurée est nécessaire pour favoriser les liens entre les parents et l’école, deux groupes indispensables. C’est d’ailleurs à la lumière de ces enjeux que notre organisation, La Troisième Avenue, a été fondée en 1974 à l’initiative de parents, devenant ainsi un centre d’expertise en participation citoyenne à l’école au Québec. Notre programme Parents en action pour l’éducation, l’un de nos principaux axes d’action, a été lancé en 1999 dans trois secteurs montréalais à forte population immigrante, soit Cartierville, Petite-­Bourgogne et Villeray. Ce programme a été conçu pour renforcer la capacité des mères issues de groupes marginalisés sur le plan économique et social à jouer un rôle actif dans les écoles. Il vise notamment à les aider à exprimer leurs préoccupations face aux réformes majeures du système scolaire des années 1998­1999 et aux réductions budgétaires qui ont un impact sur les chances de réussite égales pour leurs enfants. À ses débuts, ce projet proposait des visites guidées en autobus scolaire en partenariat avec l’organisme l’Autre Montréal. Ces visites, d’une durée de plusieurs heures, permettaient au groupe de parcourir la ville en se focalisant sur des institutions, des thèmes et des événements de l’histoire de l’éducation à Montréal, avec une perspective critique visant à éclairer le présent en examinant le passé. À travers ces visites et les ateliers qui ont suivi, il est apparu que des discriminations systémiques existaient en termes d’accès à l’éducation et de réussite scolaire, malgré les efforts déployés pour rendre l’enseignement plus démocratique et garantir une plus grande égalité des chances en milieu scolaire. Avec le groupe de 25 mères participantes, une prise de conscience collective s’est développée, conduisant à une volonté de participer activement au sein de ces institutions pour améliorer des situations sociales inégalitaires. Ces femmes ont créé leurs propres espaces pour transformer leur sentiment d’impuissance en une force d’action visant à améliorer les écoles publiques en fonction de leurs préoccupations spécifiques. Au fil des années, elles ont organisé des discussions sur ces enjeux et ont progressivement développé des ressources plus adaptées à leurs besoins en collaboration avec notre organisation pour relever ces défis. Le projet s’est poursuivi ensuite pendant 2 à 3 ans en collaboration avec des organismes communautaires locaux pour promouvoir les visites et les ateliers. Bien que l’activité ait initialement ciblé les parents, elle a également été ouverte au personnel scolaire, aux travailleurs et travailleuses communautaires, ainsi qu’aux résidents et résidentes des quartiers. Au total, environ 400 personnes ont participé dans les quartiers suivants : Cartierville, Côte­-des-­Neiges, Parc­-Extension, Pointe Saint­-Charles, Saint­-Henri, Saint­-Michel, Villeray et Saint-­Laurent. Les résultats de ces divers ateliers et conversations ont été analysés en colla­boration avec l’Université McGill pour créer, avec la participation des parents, un guide d’éducation populaire intitulé À qui appartient l’école ? Vers un sentiment d’appartenance des parents à l’école3. Cette série d’ateliers se poursuit encore aujourd’hui, avec la participation continue de milliers de parents, soulignant la persistance de la demande et du besoin pour ces activités.

En conclusion

Nous sommes convaincues qu’il est précieux, vital et avantageux d’établir la participation des parents à l’école pour avoir une vision intégrée de celle­-ci. Cela implique de considérer l’école comme une communauté éducative où tous les acteurs sont des partenaires engagés pour la réussite et l’épanouissement des enfants, nos futurs citoyens, qui leur sont confiés. Cette finalité nécessite une alliance harmonieuse entre les parents et l’école. Cependant, pour permettre cette coha­bitation, l’école a également un rôle majeur à jouer. Il est important que l’école informe les parents de leurs droits et responsabilités tout en favorisant un dialogue ouvert avec eux. L’école doit être résolument inclusive et fière de sa diversité pour garantir une éducation inclusive pour l’ensemble des enfants qui la fréquentent. C’est seulement de cette manière que nous pouvons aspirer à une plus grande justice sociale à l’école.
  1. Chapitre III, section 1, article En ligne : https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/I-13.3/20010701?langCont=fr#se:36
  2. En ligne : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2005534/record-inscriptions-eleves-immigration-montreal
  3. En ligne : https://troisiemeavenue.org/appuyer-les-parents/

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Mettre en œuvre des droits : complexification et marginalisation

20 mars 2024, par Revue Droits et libertés
Mettre en œuvre des droits : complexification et marginalisation Retour à la table des matières Droits et libertés, automne 2023 / hiver 2024 Sylvie Paquerot, Professeure (…)

Mettre en œuvre des droits : complexification et marginalisation

Retour à la table des matières Droits et libertés, automne 2023 / hiver 2024

Sylvie Paquerot, Professeure retraitée, École d’études politiques, Université d’Ottawa, membre du CA de la Fondation Danielle Mitterrand Si la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH), en 1948, établit un catalogue des droits humains que la communauté des États est prête à reconnaitre, ce sont les deux Pactes1 entrés en vigueur en 1976 qui introduiront des obligations claires pour les États : respecter, protéger et mettre en œuvre ces droits. Le développement du cadre juridique international des droits humains s’est toutefois fortement complexifié depuis, comme leur mise en œuvre à travers des politiques publiques effectives…

Un édifice juridique complexe

D’abord, on s’apercevra très tôt que les obligations générales prévues aux Pactes ne peuvent suffire à la mise en œuvre concrète de l’égalité de personnes appartenant à des groupes ou des catégories historiquement exclues, discriminées ou marginalisées. Parallèlement à l’adoption et à la ratifi­cation des deux Pactes, le système onusien amorcera donc un processus de définition et de codification d’obligations plus précises, répondant aux situations spécifiques de ces groupes, qu’il s’agisse de s’attaquer à la discrimination en emploi vécue par les femmes, aux droits des personnes handicapées ou aux conditions particulières des travailleurs migrants, etc. Ces conventions, traités ou mécanismes (rapporteurs spéciaux par exemple) se sont multipliés depuis l’adoption de la DUDH, non seulement à l’échelle inter­nationale mais également au sein des différents systèmes régionaux de protec­tion des droits. Or, cette multiplication des instruments, essentielle à la précision des obligations des États, aura aussi pour effet de rendre plus complexe la compréhension même de la logique des droits humains, universels, inhérents et interdépendants, comme l’a rappelé la conférence de Vienne en 1993. On peut illustrer les conséquences de cette complexité avec le traitement de la question de la violence faite aux femmes, particulièrement la violence conjugale, dont les États ont mis du temps à se sentir responsables, dans la mesure où cette violence n’était pas de leur fait. Il aura fallu la mise en place d’un mécanisme de Rapporteuse spéciale sur la violence faite aux femmes, ses causes et ses conséquences pour que cet enjeu soit considéré comme relevant des droits humains et donc de la responsabilité de l’État de protéger les femmes contre la violence de tiers. Encore aujourd’hui, beaucoup interprètent les instruments visant des groupes ciblés comme donnant des droits spécifiques à ces groupes. Pourtant, il s’agit chaque fois essentiellement, de créer des obligations précises pour les États responsables de la mise en œuvre effective des mêmes droits, ceux du catalogue que constitue la DUDH, auprès des groupes plus vulnérables qui nécessitent des mesures particulières pour atteindre l’égalité. L’exemple le plus récent d’une telle confusion est sans doute le référendum australien, en octobre 2023, visant à inscrire dans la constitution les droits des peuples autochtones dans ce pays, qui a été rejeté. Un argument central des opposants était précisément que cela donnerait « plus de droits » aux Autochtones qu’aux autres citoyen­-ne­-s. Malheureusement, devant la complexité plus grande d’un système de protection plus développé et mieux précisé, les États ont en quelque sorte « oublié » leur obligation de promotion et négligé l’importance de l’éducation aux droits. En effet, combien, parmi les personnes qui liront ce texte, peuvent dire qu’elles ont bénéficié d’une formation aux droits humains dans leur parcours scolaire obligatoire ? Comment peut­-on sérieu­sement penser « promouvoir le respect universel des droits » tel que le stipule la Charte des Nations unies, sans savoir et comprendre vraiment ce qu’ils sont ?

De la société de droit à la société de marché

Mais si l’édifice juridique des droits humains s’est complexifié, leur mise en œuvre, elle, est devenue de plus en plus aléatoire sur le plan politique avec l’évolution des fondements et des valeurs de nos sociétés. C’est ici une contradiction fondamentale à laquelle nous faisons face : pour être revendiqués et mis en œuvre, les droits ont besoin d’une société de droit où le droit régule les rapports sociaux, et non la force ou la violence… et nos sociétés, à bien des égards, n’en ont plus que le nom. La société de marché, mise de l’avant dans les années 1980 par Ronald Reagan (États­ Unis) et Margaret Thatcher (Grande­ Bretagne), s’est déployée largement, jusqu’à imprimer dans nos têtes l’idée que le marché, et non le droit, allait assurer des rapports sociaux apaisés. Dans cette logique, l’objectif principal de l’État néolibéral n’est plus d’assurer l’égalité et les droits de ses citoyen­-ne­-s, mais de garantir les conditions de bon fonctionnement du marché et de pallier occasionnellement ses déficiences. L’État n’intervient plus alors qu’en situation de crise ou d’urgence. Pourtant, la mise en œuvre des droits humains exige plutôt des politiques ancrées dans une perspective globale et de long terme. La crise actuelle du logement nous offre une caricature de cette logique. On sait depuis plusieurs années que la situation se dégrade en matière de logement, que nos lois et nos règles ne suffisent plus à assurer l’accès de toutes les personnes à un logement convenable. Cette situ­ation touche une part de plus en plus importante de la population. Elle revêt plusieurs dimensions imbriquées qui ne sont pas apparues du jour au lendemain : entretien du parc locatif, écart coût/revenus, répartition territoriale, accès à la propriété, contenu de l’offre, etc. Pour assurer le droit au logement, l’État devrait donc adopter des politiques structurantes et revoir ses règles en prenant en compte ces différentes facettes du problème, mais sa réponse, pour l’heure, demeure celle d’une société de marché : il manque de logement, augmentons l’offre. Il ne s’agit en aucun cas d’assurer le droit au logement mais bien d’assurer l’équilibre du marché de l’habitation. Les conséquences sur les droits de cette gouvernance par les crises et l’urgence vouée à la protection de la société de marché se donne à voir avec le plus de brutalité dans le domaine des libertés publiques. On assiste en effet à un retour en force de la violence politique et des restrictions aux libertés, y compris dans les pays que l’on considérait jusqu’ici démocratiques : un ministre de l’Intérieur français qui se vante de contrevenir à la Convention européenne de sauvegarde, des manifestations faisant face à une violence policière disproportionnée, ou carrément interdites, etc. ; de plus en plus d’atteintes à ces libertés publiques se voient normalisées et légitimées dans les discours de nos dirigeants. Si la faillite du droit humanitaire est de plus en plus évidente dans les conflits en cours, il faut aussi constater que les États prennent de moins en moins au sérieux leurs obligations en matière de droits humains en temps de paix. Le respect des droits humains n’est plus ni le critère, ni l’objectif de leur action. Ils ont oublié que la DUDH, en son article 28, leur faisait obligation de maintenir « un ordre tel que les droits et libertés puissent y trouver plein effet ». En terminant, il apparait essentiel de relever un troisième aspect à ces deux dimensions, complexité juridique et contradictions politiques, même si l’espace ne permet pas d’élaborer beaucoup ici : l’enjeu des nouveaux droits. Le droit à l’eau ou le droit à un environnement sain par exemple, dont le statut juridique demeure incertain sur le plan du droit international, obligent à poser la question de l’incomplétude du catalogue originel de la DUDH. Il fut beaucoup question, dans les années 1970, d’une troisième génération de droits et une conférence internationale a même eu lieu au Mexique, à l’initiative de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), pour réfléchir sur le sujet. Le droit à la paix, le droit au développement, le droit au patrimoine de l’humanité, le droit à l’environnement, entre autres, y ont été abondamment discutés. Ces enjeux, fondamentaux, doivent­-ils être considérés au titre des droits humains, ou en tant que conditions nécessaires à la réalisation des droits ? Tout en reconnaissant l'importance de ces enjeux pour la réalisation des droits humains, plusieurs considèrent que les reconnaitre en tant que droits entrainerait une complexité encore plus grande puisqu’on ne peut leur appliquer la logique à la base de tout droit qui exige en miroir l’identification d’un détenteur de l’obligation : right holder/duty holder. Or en matière de droit au développement, de droit à un environnement sain, de paix, etc., qui est le détenteur du droit ? Qui est le détenteur de l’obligation ? C’est peut­ être encore ici dans l’article 28 de la DUDH que nous pourrions trouver l’amorce d’un raisonnement propre à intégrer ces enjeux dans l’agenda des droits humains : un ordre tel que les droits et libertés puissent trouver plein effet exige un environnement sain, le développement, la paix, etc. Les droits de l’homme ne sont pas une politique écrivait en son temps Marcel Gauchet. Mais les droits humains doivent impérativement servir de boussole et d’horizon politique puisque seule la communauté politique est à même de garantir des droits.
1) Les deux Pactes sont : le Pacte international des droits civils et politiques (PIDCP) avec le Comité des droits de l’homme chargé de son application et le Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) avec le Comité des droits économiques, sociaux et culturels.

L’article Mettre en œuvre des droits : complexification et marginalisation est apparu en premier sur Ligue des droits et libertés.

« Les conditions dans lesquelles nous travaillons sont celles des patients »

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2024/03/GD91E7yXAAA1LOV-1024x681.webp19 mars 2024, par Comité de Montreal
La Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) est l'un des derniers syndicats du secteur public québécois qui n'a pas encore ratifié d'accord avec le (…)

La Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) est l'un des derniers syndicats du secteur public québécois qui n'a pas encore ratifié d'accord avec le gouvernement de la CAQ à la suite des grèves du Front commun de l'année dernière. Au cours de l'automne et de l'hiver 2023, (...)

L’écoféminisme et ses rapport avec l’écosocialisme

19 mars 2024, par Révolution écosocialiste — , ,
Dans le cadre de la rencontre organisée par Révolution écosocialiste sur le thème "L'ÉCOFÉMINISME NÉCESSAIRE À L'ÉCOSOCIALISME, Élisabeth Germain et Lucie Mayer nous (…)

Dans le cadre de la rencontre organisée par Révolution écosocialiste sur le thème "L'ÉCOFÉMINISME NÉCESSAIRE À L'ÉCOSOCIALISME, Élisabeth Germain et Lucie Mayer nous entretiennent de la réalité de l'écoféminisme et de ses rapports avec l'écosocialisme.

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Pour l’arrêt des rejets et émissions toxiques de la Fonderie Horne à Rouyn-Noranda

19 mars 2024, par Révolution écosocialiste — , ,
Dans le cadre de la rencontre organisée par Révolution écosocialiste le 16 mars dernier sous le thème "L'ÉCOFÉMINSIME NÉCESSAIRE À L'ÉCOSOCIALISME, Nicole Desgagnés nous a (…)

Dans le cadre de la rencontre organisée par Révolution écosocialiste le 16 mars dernier sous le thème "L'ÉCOFÉMINSIME NÉCESSAIRE À L'ÉCOSOCIALISME, Nicole Desgagnés nous a exposé-e-s les luttes que des femmes mènent contre les rejets toxiques de la Fonderie Horne à Rouyn-Noranda.

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Achat local…continuons le combat !

19 mars 2024, par Marc Simard
L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local La situation économique actuelle n’a pas réussi à affecter de manière significative les commerçants du (…)

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local La situation économique actuelle n’a pas réussi à affecter de manière significative les commerçants du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie par rapport à l’année 2022. Cependant, le ralentissement des achats locaux continue de se (...)

Ça aurait été si simple

19 mars 2024, par Gilles Simard — ,
La fin de semaine dernière, veille de la Saint-Patrick, je me suis permis, avec la « bénédiction » de quelques amies grévistes, de franchir la porte de la nouvelle bibliothèque (…)

La fin de semaine dernière, veille de la Saint-Patrick, je me suis permis, avec la « bénédiction » de quelques amies grévistes, de franchir la porte de la nouvelle bibliothèque Gabrielle-Roy, à Québec, histoire de saisir l'ambiance, prendre quelques photos et l'occasion faisant le larron, emprunter quelques bd, pourquoi pas !

Ainsi donc, j'ai fait quelques étages et oui, c'est joli, ça sent bon, ça brille à pleins feux et l'œuvre magistrale la « Pluie d'or » de Micheline Beauchemin sur fond d'atrium en spirale géante est plus étincelante que jamais. Mais était-ce le fait de revenir après plusieurs longues années d'absence, de devoir gober et digérer un tout nouveau design architectural ou encore de croiser autant de visages inconnus sur les étages, toujours est-il que j'étais plutôt mal à l'aise dans cette atmosphère du samedi un peu surréaliste et fébrile, surtout avec la chorale des commis en grève qui chantaient et dansaient sur un tempo endiablé au dehors.

En réalité, j'étais comme dans un état second et j'errais ici et là avec l'étrange sentiment d'être un étranger dans une bâtisse que je connaissais pourtant depuis sa toute première inauguration en 1983. Et le décor avait beau s'avérer clinquant et ultra moderne, je trouvais que ça manquait de chaleur et d'humanité. Il manquait, notamment derrière les comptoirs, cet accueil si chaleureux des Cléo, Robert et Stéphanie alors que dans les autres secteurs, c'était la présence à la fois rassurante et constante des Marie-Josée, Joanne et Nathalie qui faisait défaut. Des employées celles-là, très professionnelles et toujours prêtes à se déplacer pour dépanner un itinérant à l'ordi, une immigrante perdue, un habitué en mal de jaser ou une maman dépassée.

Qui plus est, il manquait cruellement aussi de cette connexion si spéciale usagers-ères/personnel qui fait que c'est si bon, « normalement », de fréquenter Gabrielle-Roy et les autres succursales de la ville de Québec. Un aspect « grande famille élargie » d'ailleurs qui faisait dire à l'humoriste Michel Mpambara, au temps de ses premières années à Québec, que la bibliothèque Gabrielle-Roy avait été et de de loin son lieu d'apprentissage préféré comme immigrant nouvellement arrivé du Rwanda dans les années 90.

Plus tard, en regardant des gamines évoluer devant les rayonnages pour enfants avec l'aisance et la gravité qui leur est propre, je me suis dit qu'il y avait finalement quelque chose de profondément absurde dans cette situation de grève forcée. Ainsi, après avoir dépensé autant d'argent pour la réfection de l'établissement (quelque 45 M $), comment avait-on pu oublier d'offrir l'argent nécessaire pour renouveler de façon décente une convention collective échue depuis 2022 ? Ça aurait été si simple, me semble, de prévoir l'argent nécessaire pour offrir un taux horaire d'entrée plus convenable, des conditions de travail moins précaires, un rattrapage salarial décent. Si simple, oui.

Cela dit, l'argent ne pousse pas dans les arbres, on le sait, mais j'espère seulement qu'on va allumer à temps du côté de l'Institut Canadien de Québec (organisme gérant) parce que ce serait tellement dommage de perdre à jamais l'inestimable capital humain représenté par les 240 employés-es des bibliothèques en grève.

Tellement dommage … et inutile.

Gilles Simard, bédéphile et usager depuis 1983.

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Libérez Boris Kagarlitsky et les autres prisonniers politiques russes opposés à la guerre

19 mars 2024, par Boris Kagarlitsky International Solidarity Campaign — ,
Pourquoi cette pétition est importante Lancée par Boris Kagarlitsky International Solidarity Campaign Nous, soussignés, avons été profondément choqués d' apprendre que le (…)

Pourquoi cette pétition est importante

Lancée par Boris Kagarlitsky International Solidarity Campaign

Nous, soussignés, avons été profondément choqués d' apprendre que le 13 février, Boris Kagarlitsky (65 ans), intellectuel socialiste russe de premier plan et militant anti-guerre, a été condamné à cinq ans de prison.

Kagarlitsky a été arrêté en juillet de l'année dernière sous l'accusation absurde de « justifier le terrorisme ». Après une campagne mondiale reflétant sa réputation internationale d'écrivain et de critique du capitalisme et de l'impérialisme, son procès s'est achevé le 12 décembre par un verdict de culpabilité et une amende de 609 000 roubles ($EU 6550.

L'accusation a alors fait appel de l'amende, la jugeant « injuste en raison de sa clémence excessive » et affirmant faussement que Kagarlitsky n'était pas en mesure de payer l'amende et qu'il n'avait pas coopéré avec le tribunal. En réalité, il avait payé l'intégralité de l'amende et fourni au tribunal tout ce qu'il demandait. Le 13 février, une cour d'appel militaire l'a condamné à cinq ans de prison et lui a interdit de gérer un site web pendant les deux années suivant sa libération.

L'annulation de la décision initiale du tribunal est une insulte délibérée aux milliers de militants, d'universitaires et d'artistes du monde entier qui respectent Boris Kagarlitsky et ont participé à la campagne mondiale pour sa libération. L'article de la loi russe utilisé contre Kagarlitsky interdit effectivement la liberté d'expression. La décision de remplacer l'amende par une peine d'emprisonnement a été prise sous un prétexte tout à fait fallacieux. Il ne fait aucun doute que l'action du tribunal représente une tentative de faire taire les critiques dans la Fédération de Russie concernant la guerre menée par le gouvernement en Ukraine, qui transforme le pays en prison.

Le simulacre de procès de Kagarlitsky est le dernier acte d'une vague de répression brutale contre les mouvements de gauche en Russie. Les organisations qui ont toujours critiqué l'impérialisme, occidental ou autre, sont désormais directement attaquées et nombre d'entre elles sont interdites. Des dizaines de militant.es purgent déjà de longues peines simplement parce qu'ils ou elles sont en désaccord avec les politiques du gouvernement russe et ont le courage de s'exprimer.

Beaucoup sont torturés et soumis à des conditions mettant leur vie en danger dans les colonies pénitentiaires russes, privés de soins médicaux de base. Des personnes politiques de gauche sont contraints de fuir la Russie, en étant l'objet d'accusations criminelles. Les syndicats internationaux tels que IndustriALL et la Fédération internationale des transports sont interdits et tout contact avec eux est passible de longues peines de prison.

Il y a une raison claire à cette répression contre la gauche russe. Le lourd tribut payé à cause de la guerre suscite un mécontentement croissant parmi les masses laborieuses. Les pauvres paient ce massacre de leur vie et de leur bien-être, et l'opposition à la guerre est toujours la plus forte parmi les plus pauvres. La gauche a porté le message et la volonté de dénoncer le lien entre la guerre impérialiste et la souffrance humaine.

Boris Kagarlitsky a réagi à la décision scandaleuse du tribunal avec calme et dignité : "Nous devons juste vivre un peu plus longtemps et survivre à cette période sombre pour notre pays", a-t-il déclaré. La Russie s'approche d'une période de changements et de bouleversements radicaux, et la liberté de Kagarlitsky et d'autres militant.es est une condition pour que ces changements prennent une tournure progressiste.

Nous demandons que Boris Kagarlitsky et l'ensemble des autres prisonnier.es anti- guerre soient libérés immédiatement et sans condition.

Nous appelons également les autorités de la Fédération de Russie à mettre fin à leur répression croissante de la dissidence et à respecter la liberté d'expression et le droit de manifester de leurs citoyen.nes.

Pétition · Change.org Également publié sur https://freeboris.info/ Les signataires qui souhaitent être contactés par la campagne doivent s'inscrire sur ce site.

Principaux signataires (liste restreinte - liste complète disponible ici)

Naomi Klein, writer (Canada)
Jeremy Corbyn MP (UK)
Jean-Luc Mélenchon, political leader (France)
Slavoj Žižek, Birkbeck and Ljubljana Universities (Slovenia)
Tariq Ali, writer (UK)
Yanis Varoufakis, writer and political leader (Greece)
Judy Rebick, feminist writer and activist (Canada)
Mikhail Lobanov, Politician and trade union activist (Russia)
Myriam Bregman, National Deputy (Argentina)
Nicolás del Caño, National Deputy (Argentina)
Christian Castillo, National Deputy (Argentina)
Alejandro Vilca, National Deputy (Argentina)
Fernanda Melchionna, Federal Deputy (Brazil)
Sâmia Bomfim, Federal Deputy (Brazil)
Walden Bello, Focus on the Global South (The Philippines)
Luciana Genro, State Deputy, Rio Grande do Sul (Brazil)
Kavita Krishnan, women's rights activist (India)
Piotr Ostrowski, President of All-Poland Alliance of Trade Unions (Poland)
Bernd Riexinger, Member of the Bundestag (Germany).
Janine Wissler, Member of the Bundestag (Germany).
Gregor Gysi, Member of the Bundestag (Germany).
Dietmar Bartsch, Member of the Bundestag (Germany).
Martin Schirdewan, Member of the European Parliament (Germany).
Richard Boyd-Barrett, TD (Ireland).
Gabriel Nadeau-Dubois, parliamentary leader, Québec Solidaire (Canada)
John McDonnell MP (UK)
Fredric Jameson, Duke University (USA)
Étienne Balibar, Université Paris-Nanterre (France)
Lin Chun, London School of Economics (UK/China)
Kohei Saito, University of Tokyo (Japan)
Claudio Katz, University of Buenos Aires (Argentina)
Luis Bonilla-Molina, Otras Voces en Educación (Venezuela)
Reinaldo Iturriza López, sociologist (Venezuela)
Patrick Bond (University of Johannesburg)
Lindsey German, Stop the War Coalition (UK)
Alex Callinicos, King's College London (UK)
Andrej Hunko, Member of the Bundestag (Germany)
Jodi Dean, Hobart-William Smith (USA)

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Manif à McGill : Solidarité avec Gaza

Plus d'un millier d'ancien.ne.s étudiant.e.s, de professeur.e.s, de membres du personnel et d'autres personnes de McGill signent une lettre ouverte de solidarité avec les (…)

Plus d'un millier d'ancien.ne.s étudiant.e.s, de professeur.e.s, de membres du personnel et d'autres personnes de McGill signent une lettre ouverte de solidarité avec les étudiant.e.s en grève de la faim et exigent que l'Université coupe ses liens avec les institutions complices du génocide en cours à Gaza et retire ses investissements en soutien à l'apartheid israélien.

*Des ancien.ne.s étudiant.e.s, des professeur.e.s et des membres du personnel exigent que McGill se désengage de l'apartheid israélienne.

*Montréal, 11 mars 2024 -* Alors qu'Israël poursuit ses attaques incessantes contre la population de Gaza, un groupe d'étudiant.e.s de l'Université McGill en est au 22ème jour d'une grève de la faim pour exiger que l'Université coupe ses liens avec les institutions académiques israéliennes et se départisse de ses avoirs auprès des entreprises complices du génocide à Gaza et de l'apartheid israélienne. Jusqu'à présent, les membres de l'administration de l'Université McGill ont refusé de rencontrer les grévistes de la faim ou de prendre au sérieux leurs demandes. Aujourd'hui, plus d'un millier <http://docs.google.com/forms/d/1Hjx...> d'ancien.e.s étudiant.e.s, de professeur.e.s, de membres du personnel et de personnes affiliées à l'Université McGill se sont uni.e.s pour exprimer leur soutien aux grévistes de la faim et à leurs revendications.

« Nous sommes profondément déçu.e.s et dénonçons la réponse dédaigneuse de McGill aux demandes sincères des grévistes de la faim et de l'ensemble de la communauté universitaire », a déclaré Arnold Aberman, un ancien étudiant
en médecine de 1974 qui a signé la lettre.

« McGill doit maintenant faire preuve de la même force morale que celle dont elle a fait preuve contre l'apartheid en Afrique du Sud. Nous exhortons notre université à défendre la justice, à soutenir le mouvement BDS et à couper les liens avec les institutions israéliennes impliquées dans des violations des droits de l'homme. McGill doit faire preuve d'intégrité et agir immédiatement en fonction des valeurs qu'elle professe. »

En 1985, McGill a été la première université canadienne à se désengager de l'apartheid sud-africain, sous la pression des étudiant.e.s.

Le mouvement Boycott, désinvestissement et sanctions (« BDS ») est un mouvement non violent mené par la société civile palestinienne, qui appelle à la fin du régime d'apartheid oppressif d'Israël. Le mouvement BDS est guidé par le principe selon lequel les Palestinien.ne.s ont les mêmes droits que tous les autres peuples. Trois universités, en Norvège et au Brésil, ont déjà rompu leurs liens avec des établissements universitaires israéliens complices de violations des droits de l'homme à l'encontre des Palestiniens.

La lettre et les demandes des grévistes de la faim s'inscrivent dans un contexte pénible d'escalade de la violence et de violations des droits de l'homme à Gaza, qui a atteint une ampleur sans précédent au cours des cinq derniers mois. « Chaque jour, nous voyons les horreurs infligées à Gaza par Israël », ajoute une autre signataire, Amelia Philpott, diplômée de la Faculté de droit en 2018. « 250 Palestinien.n.es sont tué.e.s chaque jour. Il y a plus de 30 000 personnes mortes et 13 000 d'entre elles sont des enfants. Soyons clair.e.s : c'est un génocide et l'Université McGill en est complice. »

« Nous voyons des hôpitaux, des universités, des travailleurs et travailleuses de la santé et des universitaires décimé.e.s à Gaza", se désole Amy Darwish, un autre signataire diplômée en Counselling Psychology à McGill en 2005. « Tout cela est aggravé par un siège qui affame la population et que la Cour internationale de justice a jugé illégal. Si McGill se soucie de l'éducation, de la santé mondiale et de l'humanité, il est temps d'agir. Répondez aux demandes des grévistes de la faim. »

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Nos choix énergétiques seront déterminants

19 mars 2024, par Émilie Laurin-Dansereau, Jean-Pierre Finet — ,
Il en coûtera en moyenne au minimum 13,39$ à chaque ménage québécois (qu'il soit riche ou pauvre), année après année, pour subventionner l'électricité que consommera Northvolt. (…)

Il en coûtera en moyenne au minimum 13,39$ à chaque ménage québécois (qu'il soit riche ou pauvre), année après année, pour subventionner l'électricité que consommera Northvolt. Si on prend en compte les coûts associés à la puissance, ce sera beaucoup plus. Et ce, tous les ans. À perpétuité. Cette subvention récurrente de Monsieur Madame tout le monde s'ajoute aux subventions gouvernementales qui pourraient dépasser 7 milliards de dollars.

Émilie Laurin-Dansereau, conseillère budgétaire à l'Association coopérative d'économie familiale (ACEF) du Nord de Montréal
Jean-Pierre Finet, analyste et porte-parole, Regroupement des organismes environnementaux en énergie

À elle seule, Northvolt occasionnera un effet à la hausse de près de 1% (0.96%) sur la facture de la clientèle d'Hydro-Québec selon les données provisoires de la société d'État recueillies et colligées par l'analyste indépendant en énergie Jean-François Blain. En effet, l'usine de batteries devra s'alimenter à partir d'énergie post patrimoniale. En présumant un coût d'approvisionnement à 10 cents par kilowattheure (kWh) et un prix de vente à 5 cents par kWh au tarif L pour la grande industrie, il en résulte un déficit de 5 cents par kWh qui devra être épongé par l'ensemble de la clientèle, incluant les clients à faible revenus. Considérant une consommation annuelle de près de 3 milliards de kWh à elle seule, Northvolt nous coûtera donc très cher. Les 127 premiers millions de dollars de profits annuels de Northvolt proviendront donc de la clientèle d'Hydro-Québec. C'est d'ailleurs le genre d'information qui serait publique s'il y avait une évaluation environnementale indépendante et des audiences publiques par le BAPE telle que l'ont demandé plus de 180 groupes et signataires.

Qui doit payer pour la transition énergétique et le développement de l'économie ?

La question se pose. Pour le ministre Fitzgibbon, l'usine de batteries Northvolt est un projet phare pour la transition énergétique et pour le développement de l'économie. Pour lui, investir dans Northvolt et la filière batterie équivaut à créer de la richesse collective et à assurer la décarbonation de l'économie. Pourtant, rien n'est moins sûr. Nous n'avons aucune idée de la mesure dans laquelle cette usine de batteries réduira la consommation de pétrole au Québec. De même, nous ne savons toujours pas comment les retombées économiques hypothétiques futures de cette industrie compenseront les subventions initiales du gouvernement et les subventions tarifaires perpétuelles que nous lui accorderons collectivement. Pour l'instant, en l'absence d'études et de comparatifs, la seule chose que l'on puisse conclure, c'est que ce sont, en bonne partie, les ménages qui financent et créent la richesse pour l'industrie.
Décarboner l'économie et promouvoir le développement économique, ce n'est pas la responsabilité des clients d'Hydro-Québec. Le gouvernement s'est déjà trop souvent servi des tarifs d'électricité pour financer ses programmes de développement économique et ses projets environnementaux. Pensons à l'installation de bornes électriques, à l'achat d'électricité provenant d'éoliennes privées ou à l'entente sur la biénergie électricité-gaz signée avec Énergir. Il ne faudrait pas ajouter les coûts de la filière batterie en plus. La réduction des émissions de gaz à effet de serre bénéficie à la société en général et pas seulement aux clients d'Hydro-Québec. La transition énergétique doit donc être financée par l'ensemble de la société et par les grands pollueurs en raison desquels la décarbonation est aujourd'hui nécessaire.

Le premier ministre demande aux Québécois de « changer d'attitude » envers des projets comme Northvolt. Alors qu'un nombre effarant de ménages québécois (1 personne sur 7) peine déjà à payer leurs factures, financer des projets politiques à partir des factures d'électricité est sans contredit régressif. Il serait donc plus judicieux d'effectuer une planification intégrée des ressources énergétiques avant d'octroyer une quantité aussi importante de capacité électrique à l'industrie, de sorte à s'assurer que leur consommation ne se répercute pas sur la facture des consommateurs résidentiels d'électricité. L'utilisation des tarifs d'électricité pour financer la transition fait porter une proportion injuste des coûts de la transition sur les ménages les plus pauvres.

Les choix que nous allons faire dans le domaine de l'énergie seront déterminants pour notre avenir commun. C'est pourquoi ils doivent impliquer toute la population. C'est ensemble que nous devons déterminer ce qu'il convient de faire de nos ressources énergétiques. La justice sociale et climatique doit être au cœur de la lutte contre les changements climatiques. Le moment est maintenant venu de mettre l'économie au service de l'amélioration des conditions de vie de tous et toutes.

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Le budget menteur de la CAQ préparant des lendemains qui déchantent

19 mars 2024, par Marc Bonhomme — ,
Au fond du désespoir luitle phare du projet de société tissé de sobriété La lutte du secteur public s'est invitée pour le budget de la CAQ en sorcière maléfique au cœur d'un (…)

Au fond du désespoir luitle phare du projet de société tissé de sobriété La lutte du secteur public s'est invitée pour le budget de la CAQ en sorcière maléfique au cœur d'un déficit monté en épingle qui n'a pourtant rien ni de terrible, dixit avec raison le Premier ministre. Celui-ci ne veut pas passer à l'histoire comme le cancre des comptables mais surtout il veut justifier une nouvelle baisse d'impôt avant les prochaines élections comme promis.

Ce déficit n'a non plus rien d'« historique » comme l'a montré un commentateur de droite mais futé de La Presse. Il faudrait en déduire la provision de 1,5 milliard pour les imprévus et ensuite le versement au Fonds des générations de 2,2 milliards. Ce déficit réel de 1.5 % du PIB est bien banal par rapport à ceux de la zone euro et des ÉU. Si ceux canadien et provinciaux sont moindres aujourd'hui, ils ne l'ont pas toujours été depuis le début de ce siècle.

Notre commentateur de La Presse pense que la CAQ a fait une erreur en sousestimant le règlement salarial du secteur public. Je dirais plutôt que telle était sa réelle intention de régler à bon marché pour ne pas dire de briser les reins syndicaux afin de dérouler le tapis rouge aux privatisations sur la base d'une crise incurable de démissions sans recrutement. Le rapport de forces tellement favorable économiquement et politiquement aux mouvement syndical, qui n'a pas su en profiter, a quand même empêché la CAQ de dévaster le secteur public. La CAQ se dit que le match revanche sera préparé par la nouvelle Agence de la santé lentement mise en place et par la continuelle désaffectation de l'école publique par les parents suite à son délitement sans fin mis en évidence par la lutte syndicale du secteur éducation.

Oh ! Philippe Couillard, sors de ce pingre budget au déficit gonflé à bloc

En attendant, la CAQ n'a pas l'intention de perdre son temps. Comme maints mouvements sociaux l'ont souligné, à commencer par l'IRIS et la FTQ, et n'en déplaise à notre commentateur de La Presse qui confond le saupoudrage de bonbons avec « [s]outien additionnel aux personnes démunies, aux logements sociaux, aux services de garde, aux aînés souffrant d'invalidité, aux soins à domicile, aux DPJ », il n'y a rien de significatif pour atténuer les graves crises des services publics, du logement populaire et du transport collectif. Comme le dit l'IRIS, « [é]tant donné l'état actuel des services publics, autant dire que le gouvernement ne fait qu'assurer le minimum requis pour maintenir les services qui sont déjà en très mauvais état. »

Tout suggère que le coup de massue viendra l'an prochain quand la CAQ préparera la prochaine baisse d'impôt. Les agences de cotation y verront qui attendront un plan rigoureux de retour à l'équilibre tel que prescrit par la loi… qui gonfle artificiellement le déficit. De prédire avec justesse l'analyste politique de RadioCanada qui y voit le retour de la rigueur des Libéraux de Philippe Couillard :

Pour résorber le déficit, Eric Girard a entre autres annoncé une hausse de la taxe sur le tabac et une réduction des crédits d'impôt dans le secteur des technologies de l'information. Ces mesures ne représentent toutefois que quelques centaines de millions de dollars, alors qu'on estime la portion structurelle du déficit à 4 milliards. Le plus dur reste donc à faire. Le gouvernement requerra pour 1 milliard de dollars d'"efforts d'optimisation" aux grandes sociétés d'État, mais les modalités de ces efforts restent encore à définir. Hydro-Québec fait partie des entités ciblées, même si l'entreprise est déjà engagée dans un vaste plan de croissance.

On s'en remet pour le reste à un classique de la politique, soit un « examen des dépenses gouvernementales ». L'exercice s'attardera à la fois aux dépenses fiscales pour les particuliers et les entreprises, mais aussi à l'ensemble des dépenses des ministères et des organismes. Aucune cible précise n'a toutefois été annoncée. Pour un gouvernement normalement féru d'indicateurs et de tableaux de bord, cela a de quoi étonner.

C'est précisément au même genre d'exercice que le gouvernement de Philippe Couillard avait convié les Québécois peu après être arrivé au pouvoir en 2014.

Ce retour de l'austérité — pardon de « l'optimisation » — est annoncé noir sur blanc quand est affirmé dans le discours du budget, selon le chroniqueur du Devoir, que « [p]our l'ensemble des dépenses gouvernementales, la hausse moyenne au cours des cinq prochaines années sera de 2,9 %. » ce qui est en-deçà de la hausse nécessaire pour maintenir le niveau actuel de services publics. Y contribuera la baisse des « transferts fédéraux [qui] chuteront de 6 %, soit près de 2 milliards, notamment en raison des changements qu'Ottawa a apportés l'an dernier à la péréquation » en plus d'un refus du fédéral de garantir une pleine compensation pour ses nouveaux programmes de soins dentaires et de médicaments sans compter de ne pas vouloir hausser sa contribution pour la santé. Finalement, l'attrape-mouche médiatique du déficit « record » de 11 milliard $ ne sert que d'« écran de fumée » pour annoncer des lendemains qui déchantent afin que la CAQ, avant même les prochaines élections, puisse renouer avec son populisme distributif, mais non redistributif, mêlant baisse des impôts et chèque-cadeau.

Un déficit mué en surplus à l'ombre du spectre ontarien illusionnant la foule

N'eut été de des baisses passées d'impôt, ce « super-déficit » super boosté se serait mué en super surplus réel dès 2026-2027. Selon une étude de la CSQ, les baisses de taux d'imposition du gouvernement du Québec, depuis 2018, soustraient chaque année plus de 6 milliards $ au revenu fiscal québécois. Or d'analyser l'expert économique de Radio-Canada, le « …déficit structurel [sera] de 4 milliards de dollars à compter de 2026. Une fois de plus, avant le versement au Fonds des générations, le déficit, à partir de 2026-2027, se situe entre 1 et 2 milliards. Et si on exclut la provision pour éventualités, on est à l'équilibre budgétaire. » Que dire de l'évitement fiscal et encore plus de l'évasion fiscale vers les paradis fiscaux. Même la CAQ les prend au sérieux en investissant 76 millions $ pour récupérer 405 M$ sur cinq ans. Ça me semble peu mais mieux que rien pour faire cracher le 1%.

La rengaine caquiste justifiant une telle baisse d'impôt est que le contribuable québécois est plus imposé que celui ontarien. Cette même étude de la CSQ a clairement démontré qu'au net c'est faux une fois pris en compte « les transferts et les aides financières offertes par les gouvernements (soutien et allocations aux enfants, prime au travail, crédit de solidarité et allocations pour travailleurs, etc.) » et plusieurs tarifs moins élevés (transport en commun, électricité, frais de scolarité universitaire, frais de garde). En plus, ces baisses avantagent d'abord les contribuables les plus fortunés par effet inverse de la progressivité.

Par rapport aux provinces canadiennes, en est ainsi amoindrie la « charge fiscale nette » de la fiscalité québécoise en faveur de la contribuable moins fortunée et ayant des enfants à charge. En 2022, la distribution des revenus après impôt et transferts faisait du Québec la moins inégalitaire parmi les provinces canadiennes à l'exception de l'Île-du-Prince-Édouard. Par contre, toujours selon le « Bilan de la fiscalité 2024 » de la Chaire en fiscalité de l'Université de Sherbrooke, au niveau de la structure fiscale par rapport à l'ensemble des provinces canadiennes, le gouvernement du Québec ménage les entreprises et le patrimoine et taxent relativement davantage les particuliers tant pour le revenu, mais avec une échelle plus progressiste comme on l'a constaté, la masse salariale, les cotisations sociales et la consommation, ces trois dernières étant des taxes indirectes régressives. Malgré un poids fiscal québécois global plus lourd que la moyenne canadienne, ce poids est légèrement moindre pour les bénéfices des entreprises et sensiblement moindre pour le patrimoine (la richesse).

Il y a un espace si l'on voit au bout de l'impasse la rupture indépendantiste

Il y a donc un espace pour hausser les deux types d'imposition au Québec. L'éléphant dans la pièce est les ÉU dont les poids fiscaux pour ces deux types d'impôt sont plus bas, surtout pour les bénéfices des entreprises. En est posé le dilemme de l'appartenance canadienne à l'ACEUM (ex-ALÉNA) imposant la fluidité des mouvements de capitaux dans cette zone. La crise de la productivité canadienne, en étonnante baisse depuis 5 ans ce qui angoisse la gent affairiste, provoque et entretient une fuite très marquée de capitaux directs depuis 2014 (voir graphique ci-bas). C'est particulièrement dans la zone ACEUM où il y a eu une inversion des courbes. En résulte que l'enjeu clef est moins une réforme fiscale, pourtant indispensable, dans le cadre d'un libre-échange qui vide le Canada de sa substantifique moelle capitaliste qu'un dégagement de la matrice extractiviste gazière-pétrolière canadienne désertée par les capitaux d'ici et d'ailleurs. Le défi est de le faire sans tomber dans le piège du nouvel extractivisme tout-électrique perpétuant à la moderne la tradition scieur de bois et charrieur d'eau.

Cette rupture indépendantiste libérerait en même temps le peuple québécois du carcan du libre-échange lui permettant de reprendre le contrôle de son épargne nationale en socialisant banques, quasi-banques et banques de l'ombre sous contrôle du 1%. Comme l'histoire du Québec des années 60-70 l'a démontré, la montée indépendantiste rime avec fierté nationale contre l'humiliation nationale, tant fédéraliste qu'autonomiste, ce qui donne au peuple québécois la confiance en soi et l'élan pour accomplir de grandes réformes véhiculées par sa langue nationale. Tel serait le grand chantier de la sobriété énergétique révolutionnant transport, habitat, agriculture, urbanisme, industrie, envers du Projet de la Baie James d'il y a un demi-siècle, rendu possible par la délivrance du carcan financierpétrolier fédéraliste et par le contrôle national et social des flux de capitaux générés par l'économie québécoise lesquels en ce moment prennent le large.

Dans le fouillis de contradictions, la sobriété énergétique fournit le fil d'Ariane

Au lieu de cette perspective, exigeante mais emballante, revivifiant l'espoir vacillant du peuple québécois dans un projet de société, la pingrerie populiste de la CAQ l'enlise dans des contradictions incompréhensibles où une chatte ne saurait retrouver ses petits. Nos infrastructures de toutes sortes tombant en ruines, la CAQ donne la priorité, pour le Programme québécois des infrastructures (PQI), à la rénovation (et prolongement-élargissement) du réseau routier aux dépens du transport en commun. Beau croc-en-jambe aux gouvernements régionaux et aux écologistes. Mais en même temps qu'elle donne la priorité au réseau routier, la CAQ annonce la disparition par étapes des subventions aux véhicules électriques tout en se faisant le chantre de la filière batterie grassement subventionnée comme socle du développement économique du Québec.

Comprenne qui pourra jusqu'à ce qu'on réalise que la baisse continuelle de prix des véhicules électriques et la réglementation gouvernementale des ÉU comme du Canada, sans oublier le bon marché de l'hydro-électricité québécoise comparé à l'essence, feront le travail de la mue électrique de la flotte routière au rythme de la CAQ sans qu'elle se ruine pour un soutien certes populaire mais dont l'efficacité est contestable. Dans une perspective de sobriété, les véhicules à batteries, que ne sont pas ou peu les équipements de transport en commun électrifiés, n'ont une place que marginale comme parc communautaire d'appoint mais nullement comme véhicules privés individuels ou familiaux.

Marc Bonhomme, 17 mars 2024
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca

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Par crainte des procès pour complicité de génocide : Le Canada, la Suède, l’Australie et l’UE rétablissent l’aide à l’Unrwa

19 mars 2024, par Salima Tlemçani — , , ,
Le procès intenté par le Nicaragua à l'Allemagne devant la Cour internationale de justice (CIJ), pour complicité de « génocide » à Ghaza et dont les audiences auront lieu les 8 (…)

Le procès intenté par le Nicaragua à l'Allemagne devant la Cour internationale de justice (CIJ), pour complicité de « génocide » à Ghaza et dont les audiences auront lieu les 8 et 9 avril prochain à La Haye, fait tache d'huile. Certains pays alliés d'Israël ont suspendu leurs livraisons d'armes alors que d'autres ont annoncé la reprise du financement de l'Unrwa – dont la suspension a aggravé la situation humanitaire chaotique à Ghaza – de peur de se retrouver au banc des accusés pour leur soutien à la guerre génocidaire menée par l'entité sioniste.

Tiré d'El Watan.

Depuis l'annonce par le Nicaragua de la procédure engagée devant la Cour internationale de justice (CIJ), contre Berlin, pour « complicité de génocide », en raison de son soutien politico-militaire à Israël et la suspension du financement de l'Unrwa, la peur de se retrouver sous le coup d'une poursuite pour les mêmes accusations qui pèsent sur Berlin a poussé des pays alliés de l'entité sioniste à revoir leur position.

Dans sa requête introductive d'instance contre l'Allemagne, déposée le 1er mars devant la CIJI, le Nicaragua a accusé l'Allemagne d'avoir « manqué à ses obligations » qui découlent de « la convention sur le génocide, des Conventions de Genève de 1949 et de leurs protocoles additionnels, des principes intransgressibles du droit international humanitaire et d'autres normes de droit international général », en territoire occupé de la Palestine, notamment à Ghaza.

Dans son argumentation, le Nicaragua explique qu'en « fournissant un appui politique, financier et militaire à Israël et en cessant de financer l'Unrwa, l'Allemagne facilite la commission de ce génocide et, en tout état de cause, a manqué à son obligation de faire tout son possible pour en prévenir la commission », et termine sa requête en demandant à la CIJ « d'indiquer de toute urgence », dans l'attente de sa décision au fond en l'affaire, des mesures conservatoires en ce qui concerne « la participation de l'Allemagne au génocide plausible en cours et aux violations graves du droit international humanitaire et d'autres normes impératives du droit international général commises dans la bande de Ghaza ».

L'Afrique du Sud lui emboîte le pas, en déposant, six jours après, sa requête devant la même juridiction, demandant « des mesures conservatoires additionnelles » et « une modification » de l'ordonnance du 26 janvier 2024 et de sa décision du 16 février 2024 en l'affaire relative à l'application de la convention sur le génocide.

Pretoria affirme être « contrainte de solliciter de nouveau la Cour à la lumière de faits nouveaux et de l'évolution de la situation à Ghaza, en particulier de la famine généralisée, qui découlent des violations flagrantes de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide et des violations manifestes des mesures conservatoires indiquées par la Cour le 26 janvier 2024 que continue de commettre l'Etat d'Israël ».

« Désobéir à la décision de la CIJ »

De nombreux experts du droit international ont sévèrement critiqué la décision de plusieurs pays de suspendre l'aide financière accordée à l'Unrwa, qui continue en dépit de la violente campagne dirigée contre elle par Israël, à aider les rescapés des bombardements sans discernement, à survivre à la situation humanitaire désastreuse grâce aux aides qu'elle apporte.

Privés d'eau, de nourritures, de soins, d'électricité, de carburant etc., la population qui échappe miraculeusement aux bombardements, est résignée à choisir entre la déportation forcée ou la mort par la famine, la malnutrition ou les maladies.

Suspendre l'aide à l'Unrwa dans un tel contexte constitue, au vu de nombreux spécialistes du droit international, une complicité dans le génocide que commet Israël. Cette décision a été prise, juste après la sentence de la CIJ contre Israël, liée au procès qui lui a été intenté par l'Afrique du Sud, pour génocide.

Les Etats-Unis, puissant allié de l'entité sioniste, ont tout de suite annoncé avoir cessé de financer l'Unrwa, en raison des accusations d'Israël (sans preuves à ce jour), contre 12 fonctionnaires de l'Unrwa, (sur les 13 000 qui travaillent) relatives à leur prétendue participation aux attaques du 7 octobre.

Sept pays lui ont emboîté le pas : le Canada, le Royaume-Uni, l'Australie, la Finlande, la France, l'Italie, l'Allemagne. Un coup dur pour l'Unrwa, à travers elle, aux Palestiniens de Ghaza, livrés à la guerre exterminatrice, à la famine et aux maladies.

Rapporteuse spéciale des Nations unies pour les territoires palestiniens occupés, Francesca Albanes déclare, dans un post sur son compte X (anciennement Twitter) : « Le lendemain de la décision de la CIJ statuant qu'Israël commet plausiblement un génocide à Ghaza, certains Etats ont décidé de suspendre les financements de l'Unrwa, punissant collectivement des millions de Palestiniens à un moment des plus critiques, et violant ainsi très probablement les obligations qui leur incombent en vertu de la convention sur le génocide », et ajoute : « Cette décision revient donc à désobéir ouvertement à l'ordre de la CIJ. »

Pour elle, « la suspension du financement de l'agence la plus vitale à Ghaza, où la CIJ a constaté un risque plausible de génocide non seulement en raison des opérations militaires d'Israël, mais aussi de la situation humanitaire catastrophique qu'il a créée, ne fait qu'aggraver la détérioration des conditions de vie de la population palestinienne ».

« Cette décision ainsi que le soutien continu apporté à Israël, notamment en matière d'assistance militaire, favorisent le génocide à Ghaza, sans rien faire pour l'empêcher », souligne-telle.

Albanes rappelle que la Cour a ordonné de « permettre une aide humanitaire efficace pour les habitants de Ghaza », de ce fait, poursuit-elle, « suspendre le financement de l'Unrwa revient donc à désobéir ouvertement à l'ordre de la CIJ ». La rapporteuse onusienne va plus loin, en mettant en garde les pays concernés.

« C'est une décision qui entraînera des responsabilités légales, ou bien qui verra la fin du système international de justice », écrit-elle avant de lancer : « Les gouvernements occidentaux doivent immédiatement cesser leur soutien génocidaire à Israël. »

De nombreuses organisation de défense des droits de l'homme lui emboîtent le pas et dénoncent la décision de suspension de l'aide financière à l'Unrwa. Pour la FIDH (Fédération internationale pour les droits de l'homme), « la suspension des fonds à l'Unrwa équivaut potentiellement à condamner des millions de réfugiés palestiniens à mourir de faim et de maladie. Il s'agit là d'une complicité manifeste dans le génocide en cours, et d'une violation totalement déconcertante de la décision de la CIJ ».

« Réponse humanitaire »

Commissaire général de l'Unrwa, Philippe Lazzarini rappelle, lui aussi, les décisions de la CIJ qui, selon lui, a ordonné « des mesures immédiates et efficaces pour permettre la fourniture des services de base et de l'aide humanitaire dont il y a un besoin urgent pour remédier aux conditions de vie défavorables auxquelles sont confrontés les Palestiniens dans la bande de Ghaza (…)

Il serait extrêmement irresponsable de sanctionner une agence et une communauté entière qu'elle sert en raison d'allégations d'actes criminels contre certaines personnes, en particulier en période de guerre, de déplacements et de crises politiques dans la région ».

Il exhorte les pays qui ont suspendu leur financement à « reconsidérer » leur décision avant que l'Unrwa ne soit contrainte de « suspendre sa réponse humanitaire ».

Toute cette campagne n'a pas pour autant fait basculer la situation. Bien au contraire, la liste des pays qui ont suspendu leur aide financière à l'Unrwa est passée de 8 à 16 Etats.

Il a fallu que le Nicaragua et le Venezuela, ainsi que l'Afrique du Sud, annoncent leurs décisions de poursuivre les Etats qui soutiennent la guerre financièrement, militairement devant la CIJ, pour que la situation bascule.

Le 1er mars, le porte-parole du secrétaire général de l'Onu affirmait que la Commission européenne avait décidé de débloquer de manière imminente 50 millions d'euros, soit près de 54 millions de dollars, en faveur de l'Unrwa, qui fait partie de l'aide de 82 millions d'euros de la Commission européenne qui sera mise en œuvre cette année par l'Unrwa.

Le 9 mars, le Canada a affirmé avoir repris son aide à l'Unrwa en évoquant la situation humanitaire à Ghaza et les vives critiques dont il a fait l'objet en raison du gel du soutien financier. Il y a quelques jours, le ministre norvégien des Affaires étrangères, Espen Barth Eide, exhortait la communauté internationale à soutenir l'agence onusienne en expliquant « qu'il s'agit du mauvais moment pour suspendre le financement de l'Unrwa (…)

Si ces décisions ne sont pas annulées, nous courons un risque sérieux d'aggraver la crise humanitaire à Ghaza ».

Le 15 mars, l'Australie a annoncé le rétablissement du financement de l'agence onusienne de 6 millions de dollars australiens, près de 3,9 millions de dollars en précisant que son gouvernement « fournirait un soutien supplémentaire à Ghaza ».

Cette décision est expliquée par le fait que « le meilleur avis actuel disponible des agences et des avocats du gouvernement australien est que l'Unrwa n'est pas une organisation terroriste et que les garanties supplémentaires existantes protègent suffisamment le financement des contribuables australiens ».

L'Australie s'est engagée à verser 2,6 millions de dollars à l'Unicef, afin qu'il fournisse des services d'urgence, ainsi que 1,3 million de dollars, à un nouveau mécanisme des Nations unies visant à faciliter l'accès de l'aide humanitaire à Ghaza.

Le lendemain, la Suède, qui avait annoncé le 9 mars son intention de rétablir les financements de l'Unrwa avec un montant de 3 millions de dollars, a réitéré le 16 du mois en cours, son engagement, en affirmant que cette somme fait partie des 20 millions de dollars prévus. « Nous avons alloué environ 38,7 millions de dollars à l'Unrwa, pour l'année 2024.

Une première tranche d'environ 19,4 millions de dollars a été approuvée » précise le gouvernement suédois. Ce revirement de la situation, intervient alors que Catherine Colonna, ancienne ministre des Affaires étrangères françaises, qui dirige le groupe d'experts indépendants des Nations unies, chargé d'auditer les actions de l'Unrwa, se trouvait à Tel-Aviv, pour obtenir les preuves sur la présumée participation des 12 agents de l'agence onusienne à l'attaque du 7 octobre dernier.

De nombreux autres pays, la France, le Japon, l'Italie, le Royaume-Uni, la Finlande, l'Allemagne, les Pays-Bas, la Suisse, l'Autriche, la Nouvelle-Zélande, l'Islande, la Roumanie, l'Estonie, et surtout les Etats-Unis, des alliés indéfectibles d'Israël, n'ont pas encore changé leur décision.

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Budget 2024-2025 – Discours M. Haroun Bouazzi (député de Québec solidaire - Maurice-Richard)

19 mars 2024, par Haroun Bouazzi — , ,
Budget 2024-2025 – Discours de M. Haroun Bouazzi (député de Québec solidaire - Maurice-Richard). Discours prononcé le 14 mars 2024. Vidéo produit par le service d'information (…)

Budget 2024-2025 – Discours de M. Haroun Bouazzi (député de Québec solidaire - Maurice-Richard). Discours prononcé le 14 mars 2024. Vidéo produit par le service d'information de l'Assemblée nationale.

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Transition énergétique : au gouvernement de « changer d’attitude »

19 mars 2024, par Équiterre, Fondation David Suzuki, Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets, Nature Québec, SNAP Québec — , ,
Des groupes environnementaux et des groupes citoyens locaux dénoncent les méthodes nuisibles du gouvernement du Québec en matière de développement industriel et s'inquiètent de (…)

Des groupes environnementaux et des groupes citoyens locaux dénoncent les méthodes nuisibles du gouvernement du Québec en matière de développement industriel et s'inquiètent de ce qu'elles impliquent pour le respect de la réglementation environnementale et des mécanismes de consultation publique. Le projet Northvolt n'en est que le plus récent exemple.

Les groupes réitèrent leur demande d'assujettir le projet au processus d'évaluation environnementale, qui comprend la tenue d'un BAPE pour l'ensemble du projet de méga-usine de batteries, afin de rétablir la confiance du public et de répondre à ses nombreuses et légitimes questions.

Dans le contexte des récentes révélations, ils s'inquiètent aussi de l'intention du gouvernement, telle que récemment communiquée par le ministre de l'Environnement, de revoir les modalités du BAPE.

D'ailleurs, selon un récent sondage Pallas, la méthode du gouvernement afin de développer la filière batterie inquiète aussi la population. 62% se dit « préoccupé » ou « très préoccupé » par les conséquences du développement de la filière batterie sur les arbres, les milieux humides, les terres agricoles et les cours d'eau québécois.

Une tendance lourde et nuisible

Au-delà de Northvolt, les groupes s'inquiètent particulièrement du fait que cette tendance du gouvernement à affaiblir la réglementation environnementale et limiter les occasions de consulter le public ne date pas d'hier et semble au contraire prendre de la vitesse. De plus, les groupes réitèrent l'importance de respecter les droits des peuples autochtones et notamment leur droit au consentement libre, préalable et éclairé.

« On s'attarde récemment à Northvolt, mais nos différentes organisations ont dénoncé de nombreux autres projets partout au Québec dans les dernières années. Des projets qui ont profité de raccourcis et assouplissements permis par ce gouvernement », affirment les groupes environnementaux, dont Équiterre, la Fondation David Suzuki, Greenpeace, Nature Québec et la Société pour la nature et les parcs (SNAP Québec), citant entre autres la Loi concernant l'accélération de certains projets d'infrastructure adoptée en 2020 pour la relance post-pandémique et qui est toujours en vigueur.

Danger pour la transition et le dialogue social

Nos organisations soutiennent et œuvrent toutes à accélérer la transition énergétique, mais rappellent que celle-ci doit s'opérer de manière cohérente et dans le respect des lois.

« Les moyens choisis pour la transition énergétique ne doivent pas contribuer à empirer la crise en détruisant les milieux naturels ou agricoles à grande valeur économique, sociale et écologique : des milieux stratégiques qui se font de plus en plus rares et qui sont d'une grande valeur pour la santé et la sécurité de la population », estiment les groupes.

« Il faut cesser de faire du clientélisme et prendre des décisions à la pièce. Il faut cesser d'employer une approche non concertée et axée sur les gains à courte vue. À terme, cette façon de faire a le potentiel de nuire plus qu'aider la transition en polarisant et limitant le dialogue social », concluent-ils.

Respecter des processus démocratiques et prendre le temps de bien faire les choses contribuera à rétablir la confiance du public. Il offrira aussi une meilleure prévisibilité, tant pour la population que pour les promoteurs dont les projets, s'ils sont environnementalement, socialement et économiquement acceptables, se verront ultimement améliorés par le respect de ces processus.

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Budget du Québec 2024 : un prélude à l’austérité

19 mars 2024, par Colin Pratte, Eve-Lyne Couturier, Julia Posca — , ,
Eric Girard déposait aujourd'hui son 6e plan budgétaire, un budget « exigeant et responsable » selon le ministre des Finances. Après les baisses d'impôt de 2023-2024 et dans un (…)

Eric Girard déposait aujourd'hui son 6e plan budgétaire, un budget « exigeant et responsable » selon le ministre des Finances. Après les baisses d'impôt de 2023-2024 et dans un contexte de ralentissement économique, le déficit qui accompagne le budget de 2024-2025 ouvre la voie à des coupes budgétaires qui pourraient venir aussi tôt que l'an prochain.

12 mars 2024 | tiré du site de l'IRIS
https://iris-recherche.qc.ca/blogue/etat-finances-publiques-et-secteur-public/budget-quebec-2024/

Cadre budgétaire

Les revenus s'élèveront à 150,3 G$ en 2024-2025 et les dépenses à 157,6 G$, dont 9,7 G$ iront au service de la dette. Toutefois, comme le gouvernement prévoit aussi une « provision pour éventualités » de 1,5 G$ et versera 2,2 G$ au Fonds des générations, le déficit s'élèvera à 11,0 G$, soit 7,0% des dépenses.

Ce résultat n'étonne pas étant donné le ralentissement économique qu'a connu l'économie québécoise. Le PIB n'a augmenté que de 0,2% en 2023 et de 0,6% en 2024, et la croissance prévue en 2025 est de 1,6%. Une partie de ce déficit est par ailleurs creusé par les intérêts que le gouvernement paie sur sa dette, lesquels ont augmenté à la faveur des hausses du taux directeur pratiquées par la Banque du Canada entre mars 2022 et juillet 2023.

Dans ce contexte, le gouvernement reporte le retour à l'équilibre budgétaire en 2029-2030 (un plan précis sera déposé dans le cadre du budget 2025-2026). Pour y parvenir, la CAQ mise, pour hausser ses revenus, sur la croissance de l'économie et réitère son proverbial objectif de réduire l'écart avec l'Ontario à moins de 10% d'ici 2026, et de l'éliminer à l'horizon 2036.

Pour diminuer ses dépenses, le gouvernement propose d'« optimiser l'action de l'État » à travers différentes mesures qui ne rapporteront que 86,2M$ en 2024-2025, mais 2,9G$ sur 5 ans, dont une révision des aides fiscales aux entreprises de 1G$ durant cette période. Le gouvernement amorcera par ailleurs au printemps 2024 un « examen des dépenses gouvernementales », qui portera tant sur les dépenses fiscales que sur les dépenses des ministères et organismes gouvernementaux.

S'il apparaît opportun de faire le ménage dans les aides fiscales offertes aux entreprises et aux particuliers, l'ambition du gouvernement de réduire son déficit en coupant dans les dépenses des ministères et des organismes gouvernementaux n'augure rien de bon pour les services à la population, qui se remettent à peine du choc de la pandémie, et ce même si le gouvernement insiste sur le fait que les services à la population ne seront pas touchés. Un tel exercice – que le gouvernement a qualifié lors de sa présentation du plan budgétaire de « beaucoup plus large » et « non négociable » – s'apparente d'ailleurs à celui qu'avait fait les libéraux de Philippe Couillard et qui avait donné lieu à des mesures austéritaires dont les effets se font encore sentir.

De plus, cette fixation sur les dépenses permet au ministre des Finances de faire oublier les allègements fiscaux consentis depuis l'arrivée au pouvoir de la CAQ et qui privent le gouvernement d'importants revenus. En effet, la réduction du taux d'imposition des contribuables en 2023-2024 (1,85G$ en 2024) combinée avec l'uniformisation de la taxe scolaire en 2020-2021 (720M$ en 2024) et le congé fiscal pour les grands investissements (158M$ en 2024) représentent une somme annuelle manquante équivalant à 2,7G$ en 2024.

Éducation et santé

Le gouvernement se félicite des nouvelles dépenses prévues pour l'éducation, l'enseignement supérieur, la santé et les services sociaux, qui s'élèvent à 1,1G$ en 2024 2025. 222,5M$ sont entre autres prévus pour assurer le maintien et la qualité des soins et des services aux aînés, dont 116,2M$ pour les services de soutien à domicile ; 180,9M$ pour soutenir la réussite des élèves, dont 150,5M$ vont au soutien des élèves en difficulté pour le retour en classe ; 79,5M$ pour assurer l'attraction et la rétention du personnel scolaire ; et 34,5M$ pour promouvoir la réussite aux études supérieures.

Étant donné l'état actuel des services publics, autant dire que le gouvernement ne fait qu'assurer le minimum requis pour maintenir les services qui sont déjà en très mauvais état. Par exemple, nous avons calculé que les dépenses dans le système d'éducation doivent augmenter d'au moins 7 % pour suivre la croissance des coûts et le budget 2024-2025 prévoit une hausse de 7,6%.

Du côté de la santé et des services sociaux, la croissance des dépenses est de 5,3%, soit une augmentation de 2,7G$. Cela reflète le résultat des négociations avec le secteur public, mais également quelques nouveaux programmes. Parmi les 360,0 M$ que le gouvernement ajoute afin « d'améliorer l'accès aux soins et aux services et à accroître la fluidité hospitalière », la moitié sera consacré à accélérer le virage numérique du réseau de la santé, ce qui inclut l'utilisation accrue d'intelligence artificielle (IA). Cela s'accorde bien avec le rapport que présentait récemment la firme de consultation McKinsey. Au contraire, une étude de l'IRIS de novembre dernier permettait de voir l'immaturité du secteur de l'IA en santé, et les dangers de dérives associés aux conflits d'intérêts et au manque de transparence.

De plus, bien qu'aucune somme ne soit associée à la mesure, le budget mentionne également que le financement axé sur le patient sera étendu à la médecine, à l'urgence, à la néonatalogie et à la dialyse. En d'autres mots, le gouvernement ouvre la porte à un financement public pour des services de santé privés, comme il l'a fait en 2016 pour les chirurgies avec les cliniques Chirurgie Dix30 inc., et Centre de chirurgie Rockland MD et Groupe Opmédic. Ce choix est problématique. D'un côté, le gouvernement souhaite abolir le recours aux agences privées (car il reconnaît que les déficits actuels des établissements publics de santé sont en bonne partie causés par l'explosion des coûts du personnel de ces agences). De l'autre, il persiste sur la voie de la privatisation des services (chirurgies, mini-hôpitaux privés). Pourtant, les données disponibles pour la Colombie-Britannique, l'Ontario et le Québec montrent que le coût des chirurgies réalisées en cliniques privées tend à être plus élevé que dans les établissements publics.

Environnement

Tandis que le Plan québécois des infrastructures (PQI) bonifie de 10% les sommes allouées au réseau routier pour la période 2024-2034, les investissements en infrastructure de transport collectif ne sont augmentés que de 0,29%. Ce faisant, le gouvernement approfondit le déséquilibre des investissements en transport, la part attribuée au transport collectif représentant 28 % contre 72% pour le réseau routier.

Le gouvernement annonce par ailleurs la fin graduelle des subventions à l'achat d'un véhicule électrique. Une stratégie réfléchie de transfert modal de la voiture vers le transport en commun se serait assurée d'investissements conséquents en transport collectif à titre de nouvel incitatif à une mobilité plus durable.

Lors de son point de presse, le ministre des Infrastructures Jonatan Julien concluait : « les choix en matière d'infrastructures sont alignés avec les priorités du gouvernement ». Le seul mérite de la stratégie de la CAQ en matière de financement du transport est ainsi sa clarté : le gouvernement ne cache pas son désintérêt envers le transport collectif alors qu'aucune nouvelle source de financement n'est prévue pour combler les déficits des sociétés de transport en commun du Québec. En dégageant de nouvelles sources de revenus telles qu'une contribution des entreprises – par exemple, en région parisienne, les entreprises de plus de 10 salariés financent 48% de l'exploitation réseau –, le gouvernement pourrait s'éloigner du principe d'utilisateur-payeur et favoriser le recours au transport collectif.

Par ailleurs, les mesures pour remédier à la crise écologique brillent par leur absence. Les annonces en environnement se limitent à un maigre 20,8 M$ et sont toutes affectées à l'adaptation aux changements climatiques : SOPFEU, soutien aux sinistres, parcs naturels et gestion de la faune.

Le plan pour une économie verte (PEV) est pour sa part bonifié de 3%, pour s'établir à 9,3 G$ pour la période 2024-2029. Le PEV renferme la stratégie de la CAQ en matière de transition écologique. La mise en œuvre de cette transition devra donc se contenter de 1,86 G$ par année, ce qui représente environ 1% des dépenses totales de l'État québécois.

Pour le gouvernement de la CAQ, la crise écologique se réduit à une conjoncture économique favorable que le Québec doit saisir pour rattraper l'Ontario sur le plan de la richesse. Le fonds Capital ressources naturelles et énergie, destiné à la filière batterie à l'exploitation minière, est en ce sens bonifié de 500 M$ et atteint désormais 1,5 G$. Dans la mesure où l'Agence internationale de l'énergie prévoit que 90% des batteries produites dans le monde en 2030 propulseront des voitures individuelles, et moins de 3,5% des autobus, ces investissements ne vont que permettre le retour en force de l'industrie automobile au Québec et alimenter une politique industrielle de courte vue.

Dans les 4 dernières années, le Québec a diminué en moyenne ses émissions de GES de 0,75 mégatonne par année. Or, pour parvenir aux objectifs de réduction de GES fixés pour 2030, le rythme moyen de réduction annuel devra augmenter d'un facteur de 4 et atteindre 3,25 tonnes par année. Avec seulement 1,86 G$ par année affecté au PEV, ce scénario de réduction de GES est tout simplement irréaliste. Tout indique que la CAQ rejoindra les gouvernements précédents qui ont failli à remplir les objectifs climatiques du Québec.

Économie et revenus

L'obsession du gouvernement Legault à « rattraper le niveau de richesse » de l'Ontario teinte à nouveau ce budget. Des dizaines de petites mesures totalisant 441,4M$ en 2024-2025 (1,9G$ sur 5 ans) sont prévues afin d'appuyer la croissance de l'économie. Les secteurs de la construction et de la foresterie sont les plus grands bénéficiaires cette année, tout comme le gouvernement lui-même qui investit pour « poursuivre l'accélération de la transformation numérique gouvernementale ». Si l'on peut mettre en doute la pertinence de certaines mesures (par exemple celle visant le secteur aérospatial en contexte de lutte aux changements climatiques ou la faiblesse du soutien au secteur agricole), c'est surtout l'idée même de rattrapage qui doit être remise en perspective.

Dans une récente publication, nous avons montré que lorsqu'on compare le pouvoir d'achat (plutôt que le PIB par habitant), les Québécois·es ont des revenus équivalents à ceux des Ontarien·ne·s. Nos calculs permettent aussi de conclure qu'à structure industrielle égale, la productivité du travail est plus élevée au Québec qu'en Ontario. Or, une des particularités du tissu industriel québécois est l'importance du secteur public, où travaillent une majorité de femmes. Les dépenses dans ce secteur contribuent à la vigueur de l'économie, ce que le gouvernement néglige toujours de dire.

Par ailleurs, le ministre Girard était particulièrement fier d'annoncer la fin de la disparité de traitement pour les personnes invalides de plus de 65 ans qui voyaient leurs revenus diminuer considérablement lorsque leurs prestations d'invalidité s'arrêtaient. À partir de janvier 2025, ils pourront bénéficier d'une pleine rente de retraite grâce à la marge de manœuvre financière du Régime des rentes du Québec (RRQ). Cela se fera donc à coût nul pour le gouvernement. Bien que les personnes touchées aient de quoi se réjouir, après des années de mobilisation, elles devront attendre encore plusieurs mois avant de voir leurs revenus s'améliorer et devront donc continuer de vivre dans la précarité.

Logement

Les mesures visant à « favoriser l'accès au logement » s'élèvent à 196,7M$ en 2024-2025. De cette somme, 60,3M$ servent à poursuivre l'aide offerte dans le cadre du programme Allocation-logement et 85,5M$ sont consacrés à maintenir le parc de logements sociaux. Le gouvernement continue autrement dit d'asphyxier le secteur du logement social à un moment où les ménages à faible revenu sont aux prises avec des hausses importantes de loyer qui en poussent plusieurs à la rue. Notons qu'un montant de 1,5M$ est censé servir à accroître le parc de logements étudiants.

Ce déficit d'investissements dans les logements dits hors marché privé est conséquent avec l'approche du gouvernement Legault depuis son arrivée au pouvoir. En effet, le nombre de logements sociaux, communautaires et abordables a augmenté beaucoup moins rapidement depuis que la CAQ est en poste, passant d'une hausse annuelle moyenne de 2130 entre 2006 et 2018, à 1394 entre 2018 et 2022 selon les données de la Société d'habitation du Québec.

Petite enfance

Pour les services de garde, aucune somme supplémentaire n'est prévue cette année, tandis que 18M$ sont prévus en 2025-2026. On peut ainsi déduire que le gouvernement maintient sa stratégie axée sur les subventions aux garderies privées plutôt que la création de CPE. Or, en ne créant pas de réelles nouvelles places, les conversions n'ont pas eu d'effet sur le nombre d'enfants en attente. La liste s'est allongée en 2023 pour atteindre 35 549 enfants en attente en décembre, selon les données rendues disponibles par le ministère de la Famille.

En somme, alors que plusieurs s'inquiètent face à l'ampleur du déficit que prévoit le budget de 2024, c'est surtout les mesures à venir, qui risquent de priver durablement le Québec des moyens de surmonter la crise écologique et d'améliorer la qualité de vie de la population, dont il faut se méfier.

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L’incontournable besoin d’une réforme en profondeur de notre système d’éducation

19 mars 2024, par Suzanne-G Chartrand — , , ,
On le répète ad nauseam, notre système d'éducation est en piteux état. Il y a même un consensus dans la population à ce sujet. Aussi, depuis au moins 2016, de nombreuses voix (…)

On le répète ad nauseam, notre système d'éducation est en piteux état. Il y a même un consensus dans la population à ce sujet. Aussi, depuis au moins 2016, de nombreuses voix ont réclamé la tenue d'un nouvelle Commission Parent 2.0 (en référence à la Commission royale d'enquête sur l'enseignement dans la province de Québec de 1961 à 1964) ou des États généraux sur l'éducation, comme ceux de 1995-1996.

18 mars 2024

Une demande répétée depuis 2016

Parmi elles, le chroniqueur Normand Baillargeon, les sociologues de l'éducation Guy Rocher et Claude Lessard, le politologue Jean Bernatchez, l'éminent chercheur en éducation Maurice Tardif, l'éthicien Guy Bourgeault, le philosophe Georges Leroux, le blogueur et enseignant Sylvain Dancause, le Parti Québécois, Québec Solidaire, des organisations comme Profs en mouvement, L'école ensemble, la Fédération des professionnelles et professionnels de l'éducation du Québec, la Fédération autonome de l'enseignement, la Fédération des éducateurs physiques du Québec et des centaines d'autres personnes individuellement ou collectivement. Debout pour l'école n'est jamais intervenu sur cette question, jugeant cette demande peu réaliste vu la conjoncture, mais ne s'en est jamais expliqué non plus. Il est temps de réagir à cette demande.

Un non ferme de la part du premier ministre, dont l'éducation est soi-disant la priorité

En juin 2019, le premier ministre a répondu clairement qu'il n'organiserait rien de semblable, le temps était à l'action. Comme c'est son parti qui est au pouvoir et qui le sera peut-être encore (qui sait ?) durant quelques années, au moins jusqu'en oct. 2026 (30 mois), on ne peut rien attendre de ce côté. À moins que, sous la pression, avec une visée électoraliste, en 2026, il accepte cette demande. Mais alors on peut être convaincu qu'il verra à contrôler le processus s'il est encore au pouvoir. Alors que faire ?

Le Rendez-vous national sur l'éducation !?

Debout pour l'école s'est plutôt engagé, après avoir mené des consultations sur les priorités pour améliorer grandement notre système d'éducation (de février à juin 2024), à produire un Livre blanc citoyen et à le diffuser pour y obtenir des adhésions (partielle ou totale), puis organiser sur cette base un vaste Rendez-vous national coalisant des centaines d'organisations et de personnes (représentant environ ½ million de personnes) pour imposer au gouvernement de mettre en œuvre les priorités dégagées dans le Livre blanc par les citoyennes, citoyens et organisations y adhérant.

À la rencontre du Comité directeur de Debout pour l'école, fin janvier 2024, ce projet a été quelque peu remis en question et il fut décidé de poursuivre la réflexion sur comment changer le rapport de forces entre les forces progressistes en éducation et le pouvoir politique pour lui imposer la nécessité d'une réforme en profondeur. Nous en sommes encore là et les discussions doivent se poursuivre.

Quant à moi, il m'apparait de plus en plus irréaliste que Debout pour l'école réalise ce coup de force d'imposer au gouvernement d'organiser une réflexion d'envergure sur l'éducation qui aboutirait à de solides solutions en particulier sur nos priorités. Nous n'avons ni les énergies militantes suffisantes, ni la crédibilité assurée hors des milieux progressistes, ni même le leadeurship du monde de l'éducation. Nous devons donc dès maintenant penser la réalisation de l'exigence d'une réforme en profondeur de notre système de concert avec les organisations et personnes les plus impliquées dans ce projet et trouver la formule adaptée à la conjoncture politique des deux prochaines années.

Trouver la bonne formule : démocratique et sérieuse

D'abord, selon Guy Rocher et Claude Lessard, afin de mener le travail nécessaire pour réformer en profondeur notre système, il faut trouver une formule organisationnelle garante de sérieux, de professionnalisme et de transparence non contrôlée par le pouvoir politique, quel qu'il soit, mais en particulier par celui de la CAQ. De telles formules existent : Claude Lessard (ex-président de Conseil supérieur de l'éducation) a examiné des options possibles (voir Annexe 1) dont des États généraux citoyens.

Compte tenu de la dissolution par la CAQ du Conseil supérieur de l'éducation pour l'éducation obligatoire, on pourrait demander à chacun des cinq centres de recherche en éducation réunissant des centaines de chercheurs dans les divers domaines de l'éducation de s'investir dans ce travail en dégageant, par exemple, pendant deux ans deux chercheurs qui seraient rémunérés par l'État [1]. Une douzaine de personnes pourrait proposer, en prenant en compte les priorités dégagées dans la consultation de Debout pour l'école, des réformes sur des enjeux précis et les modalités pour qu'elles soient mises en place au cours des cinq-six prochaines années. Ne pourrait-on aussi s'inspirer des conférences de consensus faites par le CRETEC ?

En admettant qu'on trouve un modèle organisationnel répondant aux critères ci-dessus, il faudra réunir un nombre important d'organisations et de personnalités pour exiger du gouvernement le soutien technique et le financement nécessaire pour effectuer ce travail.

Les élections étant en octobre 2026, le début de 2026 serait un bon moment pour faire connaitre cette exigence et avoir l'aval du gouvernement caquiste (par calcul électoraliste), étant donné que le PQ veut qu'une commission d'enquête soit mise sur pied et en fera la promotion. On pourrait aussi tenter de convaincre les trois partis d'opposition (PLQ, PQ, QS) qui se sont prononcés sur la nécessité d'une réforme majeure, de se mettre ensemble pour l'exiger et même de faire partie de la coalition.

Rendre publique notre requête : quand, qui et comment ?

Il faut trouver le bon moment pour rendre publique cette exigence et les bonnes organisations et personnes pour la soutenir (je mets une liste préliminaire de personnes à l'annexe 2).

L'essentiel pour l'instant est de voir 1) si la démarche que je propose à titre personnel ici est réaliste et si comme organisation on est prêt à la promouvoir ; 2) si oui, en discuter avec les principaux partenaires possibles (nos ex-partenaires de PÉ et ceux des divers secteurs avec lesquels les membres du CD sont en contact au cours de l'année 2025 et déterminer ensemble le moment où la diffusion de cette exigence sera la plus pertinente et la façon de le faire.

En conclusion

Devant l'ampleur et la complexité des problèmes qui affectent notre système d'éducation, Debout l'école ne peut envisager seule d'exiger une réforme majeure du système et d'obtenir l'aval du gouvernement pour le soutien financier et technique. Aussi l'année 2025 devra être consacrée à travailler à diffuser notre Livre blanc citoyen et ce faisant à recueillir des appuis à cette proposition et ce faisant à obtenir des appuis nationalement et régionalement pour y arriver. Ce qui n'est pas rien. On fera le point en 2026 et décidera alors de la suite du travail. [2]

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[1] En particulier les centres suivants :Centre de recherche en éducation et formation relatives à l'environnement et à l'écocitoyenneté (Centr'ERE) - Centre de recherche et d'intervention sur l'éducation et la vie au travail (CRIEVAT) - Centre de recherche et d'intervention sur la réussite scolaire (CRIRES) - Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante (CRIFPE) -Centre de transfert pour la réussite éducative du Québec (CTREQ)

[2] Ce texte a reçu un accueil favorable de M. Parazelli (retraité UQAM), Simon Viviers (CRIEVAT), Marc-André Éthier (CRIFPE), Stéphane Allaire (CRIRES), Lucie Sauvé (Centr'ERE), Jean Bernatchez (UQAR). Chantal Pouliot (CRIRES), Claude Lessard (ex- CRIFPE-Ude M) et de Réal Bergeron (UQAT), de M-C. Paret (retraitée UdM), Christiane Blaser (U Sherbrooke) et de Michel Girard.

Éducation : N’oublions les humains derrière le palmarès

19 mars 2024, par Fédération autonome de l'enseignement (FAE) — , , ,
Nous le disons depuis des années : une école n'est pas une usine à fabriquer des diplômés ! C'est un milieu de vie où l'instruction s'incarne en différents visages. La classe (…)

Nous le disons depuis des années : une école n'est pas une usine à fabriquer des diplômés ! C'est un milieu de vie où l'instruction s'incarne en différents visages. La classe est un écosystème bien particulier. Le ministre tente de mettre de l'avant une équation voulant que la qualité d'une école, d'une cohorte ou d'un prof soit directement reliée aux résultats de ses élèves ; cette perception est trop simpliste et relève d'une vision comptable et corporatiste à l'image du secteur des affaires qui ne colle pas à la réalité sur le terrain.

Soyons clairs : nous ne sommes pas contre la collecte et l'utilisation de données pour améliorer le réseau scolaire ! Il est important, pour parvenir à des décisions éclairées, qu'elles soient basées sur des informations fiables et utiles. Ce que le « tableau de bord » présenté hier par le ministre Drainville entend réaliser va cependant beaucoup trop loin.

Nier le facteur humain

D'abord, si on en croit le ministre Drainville, les données utilisées permettraient, à terme, d'identifier des classes ou même des élèves « à risque de décrochage » afin de fournir aux profs ciblés des « services » qui permettraient à leurs élèves de « vivre de la réussite ». Il s'agit d'une attaque frontale à l'autonomie professionnelle des profs québécois, qui pourraient voir leur enseignement perturbé par de l'ingérence non sollicitée qui viendrait nier leur expertise et leur expérience au profit de « bonnes pratiques » ou de « recettes » prétendument efficaces. Les enseignantes et les enseignants pourraient se retrouver dans des situations où ils doivent constamment prouver et objectiver leurs actions. Des actions qui, très souvent, ne peuvent être mesurées ou quantifiées parce qu'elles impliquent un facteur humain qui ne se mesure pas et que les simples données ne peuvent expliquer.

De plus, il importe de ne pas écarter des facteurs encore plus importants pour la réussite des élèves, soit les conditions de pauvreté et de l'insuffisance des ressources.

Les dérives de la compétition entre les écoles

L'idée de mettre en compétition des écoles les unes avec les autres pour une position dans un soi-disant « palmarès », basé notamment sur les résultats des élèves, ouvre la porte à des larges dérives de manipulation des résultats pouvant avoir des conséquences négatives sur les profs mais, surtout, sur les élèves. L'évaluation ainsi que leurs résultats à ces dernières ne sont pas des récompenses ou des punitions. Il s'agit de diagnostics factuels de ce qu'ils savent ou non, de ce qu'il leur reste à apprendre, à acquérir, pour obtenir peut-être un jour un diplôme qui vaut plus que le papier sur lequel il est écrit.

Pour un gouvernement qui se targue de suivre les bonnes pratiques en gestion, le projet de tableau de bord du ministre en oublie un principe phare : la loi de Goodhart, qui stipule que « lorsqu'une mesure devient un objectif, elle cesse d'être une bonne mesure. » Si le ministre croit que les directions, ou d'autres intervenants, vont se retenir de triturer les résultats scolaires afin de mieux paraître dans le grand palmarès national, c'est qu'il vit dans un monde bien éloigné du plancher des vaches... Rappelons au passage les nombreuses interventions qu'a dû faire la FAE au fil des années pour que cesse le « gonflage des notes » par les directions d'établissement.

Finalement, le tableau de bord du ministre Drainville ouvre la porte à la création de ghettos scolaires, où des parents se verraient mis devant le choix déchirant d'envoyer leurs enfants dans leur école de quartier où les résultats – selon les indicateurs sélectionnés par le ministère – sont mitigés, ou de déménager à quelques coins de rue où telle autre école se positionne mieux dans le sacro-saint palmarès officiel. Certes, cette situation se voit déjà dans certains milieux, mais le projet du ministre ne pourra faire autrement que d'en généraliser la pratique.

Renier les principes fondateurs de l'école publique

Il y a quelque cinquante ans, nous nous sommes collectivement dotés d'un système d'éducation public qui s'appuyait sur des principes de base auxquels nous croyons toujours : l'égalité des chances, l'accessibilité universelle, la gratuité, et l'éducation comme instrument d'émancipation.

De placer, officiellement et publiquement, des écoles, des classes ou des enseignantes les unes contre les autres avec un classement digne d'une ligue sportive témoigne d'un gouvernement qui renie ces principes fondateurs et dont l'utilitarisme avoué en question d'éducation est déplorable.

Écoutez l'entrevue de Mélanie Hubert à Radio-Canada.

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Santé Québec Inc.

19 mars 2024, par Jean-Pierre Larche — , , ,
Le 9 décembre 2023, le gouvernement de la CAQ a forcé l'adoption du projet de loi 15 du ministre de la Santé, Christian Dubé, et ce, sans l'appui d'aucun des député-es des (…)

Le 9 décembre 2023, le gouvernement de la CAQ a forcé l'adoption du projet de loi 15 du ministre de la Santé, Christian Dubé, et ce, sans l'appui d'aucun des député-es des trois groupes d'opposition de l'Assemblée nationale. Cette mégaréforme, d'une ampleur jamais vue, s'impose au réseau public de la santé et des services sociaux, notamment avec la mise en place de l'agence Santé Québec.

Tiré de Le point syndical. Illustration d'Alain Reno

Cette nouvelle agence de gestion, pilotée de Québec, constituera l'ultime fusion de l'ensemble des établissements de santé et de services sociaux du Québec. Le projet de loi 15, parmi les plus massifs de l'histoire, n'apporte pourtant aucune réponse réelle aux enjeux de l'heure du système de santé, qu'il s'agisse du manque d'accessibilité, des pénuries de personnel ou de la privatisation croissante du réseau.

À terme, Santé Québec deviendra le plus gros employeur au Canada, avec ses 350 000 salarié-es. Il faut le dire : il s'agit là de l'aboutissement d'une logique de centralisation ayant guidé presque tous les ministres qui ont précédé Christian Dubé. Depuis 2005, tous les établissements ont vécu des fusions à plusieurs reprises pour former des ensembles toujours plus grands. Chaque vague a mené à des prises de décisions de plus en plus éloignées du terrain, à une déshumanisation des soins et à une dégradation des conditions de travail du personnel. Difficile de voir comment on pourra améliorer la façon de faire des relations de travail en poussant cette même logique à l'extrême !

Des « top guns »

Christian Dubé doit annoncer prochainement l'identité des personnes qui seront nommées à la tête de Santé Québec. Le ministre a déjà évoqué qu'il souhaitait pour cela recruter des « top guns », sans plus de détails. Les médias d'information nous ont appris que ces personnes bénéficieront effectivement de salaires de « top guns » semblables à ceux du secteur privé. On sait aussi que les 350 000 membres du personnel ne font pas partie de cette élite aux yeux du ministre, qui ne leur réserve à peu près aucune place au sein des instances décisionnelles.

Réforme dénoncée

La réforme Dubé est dénoncée de plus en plus fortement non seulement par le personnel et par les syndicats, mais également par les organismes communautaires, par de nombreux médecins et par plusieurs experts du milieu. Parmi les grandes préoccupations : la privatisation des soins et des services qui se généralise.

Plus les années passent, plus la marchandisation de la santé et des services sociaux se présente comme un fait accompli au Québec. Le ministre Dubé ne s'en cache pas : la CAQ entend élargir encore davantage les recours au secteur privé. Cela aggravera immanquablement les pénuries de personnel dans le secteur public, non seulement parce que les conditions de travail n'y sont pas aussi avantageuses, mais aussi parce que les cas plus lourds et plus compliqués seront toujours traités dans le secteur public. D'ailleurs, si une complication survient en clinique privée lors d'une opération « simple », ce sont toujours les hôpitaux du secteur public qui sont appelés à prendre la relève. breux médecins et par plusieurs experts du milieu. Parmi les grandes préoccupations : la privatisation des soins et des services qui se généralise. Plus les années passent, plus la marchandisation de la santé et des services sociaux se présente comme un fait accompli au Québec. Le ministre Dubé ne s'en cache pas : la CAQ entend élargir encore davantage les recours au secteur privé. Cela aggravera immanquablement les pénuries de personnel dans le secteur public, non seulement parce que les conditions de travail n'y sont pas aussi.

En asphyxiant les services publics au nom du néolibéralisme et de l'austérité budgétaire, les gouvernements ont stimulé la création d'un marché privé parallèle et par le fait même, d'un système à deux vitesses qui prend de l'ampleur. À présent, celles et ceux qui en ont les moyens se voient trop souvent offrir des soins et des services non médicalement requis pendant que d'autres sont forcés d'attendre leur tour, au prix d'une possible dégradation de leur état de santé.

La fausse solution du privé

La recette est connue… En laissant dépérir le secteur public, le privé finira par s'imposer comme une voie rendant inéluctable le développement de services à deux vitesses. N'est-ce pas exactement ce que prône le ministre Dubé ? Au lieu de tout mettre en œuvre pour que le secteur public remplisse entièrement sa mission, Christian Dubé déclarait en point de presse, le 9 décembre 2023 : « On s'est engagé dans le projet de loi no 15 à ce qu'une personne qui, par exemple, ne serait pas capable d'être servie ou soignée dans un délai raisonnable pour une chirurgie, [puisse être envoyée] ailleurs dans le réseau ou même au privé. »

En 2024, la CSN entend déployer tous ses efforts pour contrer ce glissement dangereux vers la privatisation, car le privé est déjà plus présent que jamais dans le réseau.

À l'heure actuelle, la première ligne – l'accès aux services – est largement contrôlée par l'entreprise privée, notamment par des médecins-entrepreneurs, voire par des entrepreneurs tout court. Bien qu'il soit couvert par l'assurance-maladie, le modèle des groupes de médecine familiale ne fonctionne pas. Malgré les réformes et les sommes investies depuis des décennies, trop de Québécoises et de Québécois n'ont toujours pas accès à un médecin de famille ni à des services d'urgence mineure les soirs, les nuits ou les fins de semaine. Sans compter qu'un nombre grandissant de médecins choisissent de se désaffilier complètement de l'assurance-maladie pour offrir leurs services uniquement à celles et à ceux qui ont les moyens de se les payer.

Cette situation contribue évidemment aux problèmes des urgences publiques sur lesquelles doivent se rabattre les citoyennes et les citoyens qui n'ont pas de solution de rechange, en soirée et durant la nuit. Ces urgences débordent et les hôpitaux manquent de capacité pour accueillir dignement les patientes et les patients. De nombreux lits y sont occupés par des personnes qui attendent de pouvoir être admises en hébergement de longue durée… parce qu'il manque aussi de places dans les CHSLD publics. Ces établissements doivent de surcroît composer avec des personnes nécessitant de plus en plus de temps de soins. Ils se trouvent d'autant plus sous pression que les services publics en soutien à domicile sont insuffisants. Pourtant, ils sont bien moins dispendieux que l'hébergement…

« Pour la CSN, la plus grande erreur des 40 dernières années a été de confier un rôle toujours plus grand au secteur privé. Pour un vrai changement en santé et dans les services sociaux, il faut mettre fin à cette logique du profit et concentrer tous les efforts à la reconstruction de services publics solides », insiste David Bergeron-Cyr, vice-président de la CSN.

Ce qu'en pense vraiment la population

Au cours de l'automne dernier, la Commissaire à la santé et au bien-être, qui devrait être le chien de garde du réseau public, tenait des groupes de discussion organisés par l'Institut du Nouveau Monde sur l'avenir du système de santé. La consultation doit mener à un rapport qui sera présenté au ministre Dubé. La marchandisation des soins et des services y était abordée sans aucun complexe. On demandait aux participantes et aux participants « d'investir » ni plus ni moins que de l'argent Monopoly dans les différentes priorités d'action afin de déterminer lesquelles sont les plus prometteuses.

Sans aucun doute, il sera très intéressant de consulter le rapport qui découlera de cette consultation, car pour une claire majorité de personnes, la trop grande place déjà occupée par l'entreprise privée dans le secteur fait partie du problème.

La présidente du Conseil central du BasSaint-Laurent–CSN, Pauline Bélanger, a pris part à l'exercice, à titre de citoyenne. « J'espère que le ministre Dubé va être informé de ce qui s'est dit à Rimouski. J'entrais dans la salle un peu à reculons en m'attendant à y trouver des gens plutôt favorables à la privatisation. Or, ça m'a carrément redonné espoir ! Ce que la population veut vraiment n'a rien à voir avec ce que la CAQ dit qu'elle veut. Même les plus jeunes se montraient fortement attachés au réseau public. Le consensus qui s'est dégagé à Rimouski, c'était d'élargir la couverture publique aux soins dentaires et oculaires, de rendre les soins plus humains et d'améliorer les conditions de travail du personnel. »

Le président du conseil central de l'Outaouais, Alfonso Ibarra Ramirez, a pris part au même exercice, à Gatineau. « J'ai hâte de voir le rapport final. À quoi va-t-il servir ? Ça a été un bon exercice citoyen. Bien que la discussion se soit déroulée dans un cadre très défini basé sur des questions dirigées, à la fin des échanges, il était clair que les citoyennes et les citoyens de notre région ne souhaitent pas mettre la privatisation de l'avant. Au contraire, ce qui en est ressorti, c'est un fort attachement au système universel, accessible et gratuit ainsi que la nécessité d'élargir le rôle des CLSC publics et d'améliorer le financement des groupes communautaires. »

Voir les résultats d'un récent sondage sur la privatisation dans le texte intitulé En santé, le privé, c'est non en page 14.

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Abattoirs : Le grand démantèlement d’Olymel

19 mars 2024, par Denis Guénette — , ,
Olymel, le géant québécois de la transformation des viandes, a procédé à la fermeture de six usines en 2023 : un véritable carnage qui affecte plus de 1500 employé-es et qui (…)

Olymel, le géant québécois de la transformation des viandes, a procédé à la fermeture de six usines en 2023 : un véritable carnage qui affecte plus de 1500 employé-es et qui frappe de plein fouet plusieurs communautés, dont celles de Princeville et de Vallée-Jonction.

Tiré de Le point syndical. Photo : aul-Émile Turmel et Richard Lessard, deux travailleurs de l'usine Olymel de Vallée-Jonction habitant la région. "2023 a été l'une des pires années au Québec pour les travailleurs du secteur de la transformation du porc."

« Moi je vais avoir 67 ans, mais je n'étais pas prêt à arrêter de travailler tout de suite. J'aimais mon travail, j'aimais ce que je faisais, j'aurais continué. Ça me fâche de m'être fait sortir avant d'avoir pu moi-même décider de partir. » Richard Lessard a travaillé 50 ans chez Olymel Vallée-Jonction. Pour lui et pour le millier de travailleuses et de travailleurs de cet abattoir beauceron, la fermeture définitive, le 21 décembre dernier, fut tout un choc. Alain Nolet, le doyen de l'abattoir de Vallée-Jonction, cumulait 52 ans de service. « On avait pris l'habitude d'entendre parler de fermeture chaque fois qu'on négociait une convention collective. Mais là, on est restés bête. Ça m'a beaucoup surpris. J'ai passé ma vie là. » Son collègue, Paul-Émile Turmel, ne s'explique pas la décision d'Olymel. « Personne ne comprend pourquoi on a fermé l'abattoir de Vallée-Jonction. Jusqu'à la fin, la productivité de l'usine dépassait 90 % de sa capacité. »

L'usine de Vallée-Jonction faisait vivre toute une région. À cet effet, le président de la Fédération du commerce–CSN, Alexandre Laviolette, est éloquent : « Si une usine de la taille de celle de Vallée-Jonction avait fermé à Montréal, c'est comme s'il y avait eu 70 000 pertes d'emplois. » Pour François Proulx-Duperré, secrétaire général du Conseil central de Québec Chaudière-AppalachesCSN, cette fermeture est une tragédie pour les syndiqué-es et leur famille, et pour toute la Beauce également. « On n'en voit plus, des fermetures de 1000 personnes, c'est énorme. » Les 300 employé-es de l'usine Olymel de Princeville ont subi le même sort que leurs collègues de Vallée-Jonction : une fermeture précipitée, celle-là en novembre dernier. Ceux-ci craignaient cette fermeture en raison des mauvais investissements de l'entreprise, de la pénurie de main-d'œuvre et de l'effondrement du marché chinois qui absorbait tout le porc d'Olymel. Steve Houle est président du syndicat de l'usine. « Actuellement, 30 à 40 % des travailleurs de Princeville se sont replacés. Certains sont retournés aux études, mais les emplois disponibles, sur rotation sept jours sur sept, sont peu attrayants. Ce ne sont pas les mêmes conditions qu'on avait. »

La mauvaise réputation de l'entreprise n'est plus à faire. Au fil des ans, Olymel a multiplié les attaques pour réduire à néant les syndicats, multipliant les lock-out, imposant des réductions salariales et congédiant des officiers syndicaux. Pour Alexandre Laviolette, l'entreprise n'est pas seulement hostile aux travailleuses et aux travailleurs, mais elle est aussi mauvaise gestionnaire. « Dans un marché en dents de scie comme celui du porc, Olymel a toujours eu une stratégie d'acquisition trop agressive, notamment avec l'achat de toutes les autres usines qui lui ont coûté trop cher. Chaque nouvelle acquisition a mené à des fermetures par la suite. Cette fois-ci, l'élastique lui a pété en pleine face et ce sont les employé-es qui en subissent les conséquences. »

La CSN continue aujourd'hui d'appuyer toutes les personnes mises à pied, nous dit François Proulx-Duperré. « On va accompagner les gens jusqu'au bout, on ne veut laisser personne derrière, les activités du syndicat se poursuivent. On aide aussi les travailleurs étrangers temporaires et les choses avancent bien. » Même si le marché de l'emploi est encore favorable, bien des gens mis à pied devront redoubler d'efforts pour trouver des emplois avec des avantages et des salaires comparables.

L'histoire retiendra que ce sont les batailles acharnées des syndiqué-es CSN de Vallée- Jonction et de Princeville qui ont permis d'améliorer les conditions de travail de tous les employé-es d'Olymel et du secteur de la transformation des viandes au Québec.

* Pour en savoir plus sur l'historique du travail dans les abattoirs d'Olymel, consultez Des héros et des héroïnes de la classe ouvrière à l'adresse suivante : fc-csn.ca/journal-dec23

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Les politiques de l’Alberta jettent de l’huile sur le feu de la crise climatique

19 mars 2024, par David Suzuki — , ,
Le gouvernement a choisi de ne pas s'attaquer aux dégâts polluants, mais à l'industrie florissante des énergies renouvelables. 14 mars 2024 | tiré de Rabble.ca | Photo : La (…)

Le gouvernement a choisi de ne pas s'attaquer aux dégâts polluants, mais à l'industrie florissante des énergies renouvelables.

14 mars 2024 | tiré de Rabble.ca | Photo : La première ministre de l'Alberta, Danielle Smith (Photo : Alberta Newsroom/Flickr).

L'Alberta est confrontée à unegrave sécheresse, à des pénuries d'eau et à une saison des feux de forêt qui commence maintenant en février ! Tous les scientifiques crédibles et les organisations réputées qui étudient le climat ont fourni des preuves indiscutables que les choses vont empirer en Alberta et dans le monde si nous ne passons pas rapidement des combustibles fossiles aux énergies renouvelables.

Dans un monde plus sain, ceux que nous élisons pour nous diriger feraient tout leur possible pour éviter la catastrophe. Mais nous vivons dans un monde où les considérations économiques à court terme – principalement liées à l'augmentation de la richesse d'une petite minorité – ont la priorité sur tout, y compris notre survie en tant qu'espèce.

En Alberta, cela signifie qu'il faut soutenir le pétrole, le gaz et le charbon et entraver le développement des énergies renouvelables. Quel que soit le parti au pouvoir, le soutien à l'industrie des combustibles fossiles et les attaques contre ceux qui appellent au changement persistent.

La province est marquée par l'exploitation des sables bitumineux, les mines de charbon, le forage et l'infrastructure pétrolière et gazière. Elle est jonchée de puits de pétrole et de gaz orphelins et abandonnés. Le gouvernement a choisi de ne pas s'attaquer aux dégâts de la pollution, mais à l'industrie florissante des énergies renouvelables. Il veut également que les contribuables paient pour nettoyer les anciens puits de pétrole et de gaz qui relèvent de la responsabilité légale de l'industrie.

Au début du mois d'août 2023, le gouvernement de l'Alberta a imposé un moratoire sur tous les nouveaux grands projets d'énergie renouvelable. Il a récemment annoncé de nouvelles réglementations pour les énergies renouvelables, dont certaines sont conçues pour protéger les « les vues de paysages vierges » et les terres agricoles. C'est important, mais lorsque les règles ne s'appliquent qu'aux projets d'énergies renouvelables et non aux opérations de charbon, de gaz et de pétrole beaucoup plus dommageables, polluantes et inesthétiques, il est difficile de les prendre au sérieux. Les règles interdiront également une grande partie de la province aux projets d'énergies renouvelables.

Il impose également une taxe de 200 $ sur les véhicules électriques pour « aider à tenir compte de l'usure des routes et compenser la taxe sur le carburant que les propriétaires de véhicules électriques ne paient pas » (dans une province où de nombreuses personnes conduisent des camions et des VUS lourds et énergivores). Le gouvernement a même envoyé une délégation à la conférence sur le climat de l'année dernière à Dubaï pour promouvoir les combustibles fossiles.

Rien de tout cela n'a même de sens économique. Le monde se tourne rapidement vers les énergies renouvelables, créant un boom économique et de l'emploi, et les développements des combustibles fossiles risquent de devenir des « actifs complètement dévalorisés ».

Sur cette question et sur plusieurs autres, le gouvernement de l'Alberta semble suivre le mouvement MAGA des États-Unis. L'ancien président Donald Trump a déclaré que la première chose qu'il ferait s'il était réélu serait « Drill, baby, drill ».

Ce serait une chose si les compagnies pétrolières tenaient compte de leurs propres recherches et commençaient à changer de cap. Mais ils n'ont pas fait grand-chose, voire rien, pour changer les choses, tout en blâmant les autres pour la crise climatique et en consacrant d'énormes ressources à minimiser ou à nier les preuves, y compris les recherches de leurs propres scientifiques.

Dans une interview accordée à Fortune, le PDG d'ExxonMobil, Darren Woods, payé 35,9 millions de dollars américains en 2022, a rejeté les appels à investir davantage dans les énergies renouvelables, car cela ne correspondrait pas à la « capacité du géant pétrolier à générer des rendements supérieurs à la moyenne pour les investisseurs ». Il a également tenté de rejeter la responsabilité de ne pas s'être attaquée à la crise climatique sur le public, en déclarant : « Les personnes qui génèrent ces émissions doivent être conscientes de ces émissions et en payer le prix. »

Il est triste et horrifiant que beaucoup de gens se soucient si peu de l'humanité qu'ils nous mettraient tous en danger juste pour accumuler des richesses obscènes. Leur argent et leur pouvoir signifient qu'ils sont également en mesure d'influencer ou de contrôler les politiciens et les gouvernements, les politiques éducatives, les tribunaux et les médias. Ceux qui protestent contre les destructions meurtrières sont persécutés et arrêtés, tandis que les responsables des dommages sont dépeints comme des piliers de la prospérité de la société.

Même les gouvernements qui semblent comprendre les crises climatiques et autres crises environnementales et qui ont de bonnes politiques pour y faire face se rangent du côté de l'avidité de l'industrie pour la survie humaine. C'est pourquoi l'argent des contribuables canadiens paie pour un pipeline qui ne devrait pas être construit pendant une crise climatique et dont les coûts sont passés de 4,5 milliards de dollars canadiens à environ 31 milliards de dollars canadiens.

Des gouvernements comme celui de l'Alberta illustrent la nature systémique du problème. Nous devons changer la façon dont nous valorisons tant le travail et les emplois que la nature et les biens et services qu'elle nous fournit. Les politiciens et les gouvernements doivent donner la priorité aux preuves scientifiques plutôt qu'à la cupidité des entreprises et aux résultats des élections à court terme. Ils devraient travailler pour nous, et non pour des sociétés égoïstes, leurs propriétaires et leurs dirigeants.

David Suzuki est scientifique, animateur, auteur et cofondateur de la Fondation David Suzuki. Rédigé en collaboration avec Ian Hanington, rédacteur principal et rédacteur en chef de la Fondation David Suzuki.

Pour en savoir plus, rendez-vous sur davidsuzuki.org.

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L’imposition de visas aux Mexicain.nes : une violation des droits humains – CTI et CDHAL

19 mars 2024, par Centre des travailleurs et travailleuses immigrants (CTI), Comité pour les droits humains en Amérique latine — , , ,
Déclaration concernant l'imposition d'un visa canadien aux Mexicaines et aux Mexicains Suite à l'augmentation du nombre de citoyen.nes mexicain.es qui demande l'asile au (…)

Déclaration concernant l'imposition d'un visa canadien aux Mexicaines et aux Mexicains

Suite à l'augmentation du nombre de citoyen.nes mexicain.es qui demande l'asile au Canada, le Gouvernement canadien a réimposé l'obligation de visa d'entrée depuis le 29 février sous la pression des États-Unis et du Gouvernement du Québec. Cette mesure aura un impact sur les personnes en quête d'un refuge et d'une nouvelle vie.

13 mars 2024 | tiré du Journal des alternatives
https://alter.quebec/limposition-de-visas-aux-mexicain-nes-une-violation-des-droits-humains-cti-et-cdhal/

Deux réseaux de défense des droits humains, le Centre des travailleuses et des travailleurs immigrant.es (CTI) et le Comité pour les droits humains en Amérique latine, ont initié un appel et demandent aux organisations sociales et aux individus de signer une déclaration contre cette récente mesure. Ils soulignent la responsabilité du Canada dans la crise économique, sociale et de sécurité mexicaine, d'autant plus que le Mexique est l'un des partenaires commerciaux du Canada dans le cadre de l'Accord de libre-échange nord-américain.

La déclaration considère notamment que

l'imposition de visas est une violation directe de la Déclaration universelle des droits humains. Elle ne contribue pas à garantir l'équité entre les personnes de différentes nationalités. Au contraire, elle accroît les inégalités et les conditions de vulnérabilité de milliers de personnes. La demande d'asile est un droit humain et les gouvernements des pays qui peuvent offrir des conditions de sécurité et de vie digne devraient mettre en œuvre des politiques publiques qui garantissent un transit digne à travers les frontières, sans mettre en danger la vie des personnes.

C'est pourquoi les groupes à l'initiative de la déclaration et ceux et celles qui l'appuient invitent le Gouvernement canadien à annuler l'obligation de visa pour les Mexicaines et les Mexicains.

Pour prendre connaissance de la déclaration en français (liens pour les autres versions à venir)
Pour soutenir et ajouter son nom ou le nom d'une organisation

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En Roumanie, pas d’exploitation minière sur un site classé par l’Unesco

19 mars 2024, par Latifa Madani — , ,
La société Gabriel Resources réclamait 6,1 milliards d'euros de dommages et intérêts au gouvernement roumain pour avoir suspendu son projet de développement minier dans les (…)

La société Gabriel Resources réclamait 6,1 milliards d'euros de dommages et intérêts au gouvernement roumain pour avoir suspendu son projet de développement minier dans les Carpates.

Tiré de L'Humanité

* L'affaire remonte à 1999. La firme canadienne avait obtenu une licence d'exploitation de mines d'or dans la région, près du village de Rosia Montana, mais son projet avait été suspendu en 2013, après des manifestations géantes pour protester notamment contre l'utilisation de cyanure pour extraire l'or.

Gabriel Resources avait l'intention d'extraire des tonnes d'or et d'argent, endommageant au passage quatre massifs, l'essentiel des vestiges romains compris. En 2016, la Roumanie avait déclaré le site comme étant d'intérêt historique, évitant ainsi son exploitation. En 2021, l'Unesco le classe au patrimoine mondial. Il abrite, en effet, d'anciennes mines d'or romaines et des galeries minières vieilles de deux mille ans.

Au bout d'une longue bataille judiciaire, le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements ( Cirdi ) – un groupe d'arbitrage de la Banque mondiale – a rejeté les demandes d'indemnisation de la société canadienne.

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Accroitre la participation syndicale des femmes : un pari réussi ?

19 mars 2024, par Audrey Parenteau, Julie Pinel — , ,
En 1974-1975, 66 % des membres de la Centrale de l'enseignement du Québec (CEQ) sont des femmes, mais leur taux de participation aux instances n'est que de 16 %. Si le (…)

En 1974-1975, 66 % des membres de la Centrale de l'enseignement du Québec (CEQ) sont des femmes, mais leur taux de participation aux instances n'est que de 16 %. Si le pourcentage de représentation des femmes s'est amélioré au fil des décennies au sein de l'organisation – devenue depuis la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) – des défis persistent.

Tiré de Ma CSQ cette semaine.

La sous-représentation des femmes pousse la CEQ à créer, en 1974, une équipe-conseil constituée de 9 femmes pour soutenir la négociation du secteur public. Cette équipe a le mandat de recenser les situations de discrimination et d'exploitation vécues par les travailleuses du secteur de l'enseignement, et de sensibiliser les membres à la condition des femmes dans le cadre de la négociation.

Puis, en 1976, afin de mieux comprendre ce qui freine les femmes à participer aux instances de la Centrale, le comité Laure-Gaudreault (ancêtre du comité d'action féministe de la CSQ), en collaboration avec l'Université du Québec à Montréal et l'Université de Montréal, lance une vaste enquête auprès des membres féminines des syndicats affiliés, recueillant un peu plus de 8 000 témoignages.

Pour expliquer leur non-participation aux instances, les répondantes évoquent plusieurs raisons, dont la double tâche d'épouse et de mère, la priorité donnée au travail ou encore l'absence de conviction syndicale. Fait intéressant, l'analyse des réponses permet de cerner l a principale entrave à la participation des femmes : la prise de parole en public.

Non, « les absentes n'ont pas tous les torts »

Le comité Laure-Gaudreault publie les résultats de cette enquête sur le militantisme féminin dans le document Les absentes n'ont pas tous les torts… On y apprend que les exigences de la vie syndicale sont peu compatibles avec la réalité des femmes et qu'il existe d'autres obstacles à leur participation, dont la culture de confrontation.

Pour le comité, il apparait important que les personnes syndiquées, la Centrale ainsi que ses instances fassent tout en leur pouvoir pour augmenter la participation des travailleuses à tous les niveaux. Les constats tirés de cette enquête serviront d'assise pour la poursuite des travaux sur le sujet.

Le célibat, une condition favorable ?

Au cours des années 1980, la CEQ mène une autre enquête afin de brosser, cette fois, le portrait type de la militante et du militant. On constate que le célibat semble être une condition favorable aux activités militantes des femmes, qui disposent par conséquent de plus de temps. Des écarts salariaux importants sont aussi mis en lumière : 74,7 % des militants gagnent un revenu de 30 000 $ par année, alors que seulement 46 % des militantes atteignent un tel salaire.

Des facteurs sociaux généraux – comme le manque de conscientisation face aux oppressions que les femmes subissent, la socialisation qui ne les prépare guère à un rôle ni à un engagement politique et social et la division genrée du travail – enrayent la participation syndicale des femmes. L'enquête révèle cependant un autre obstacle : la structure de la CEQ et de ses syndicats affiliés reproduit le schéma « patriarcal » à l'intérieur même de l'organisation, notamment par la planification inadéquate des horaires et la charge de travail considérable que représente l'implication syndicale.

La prise de parole en public demeure également, comme lors de l'enquête précédente, la limite que les femmes peinent à surmonter dans leur implication syndicale.

Cette enquête donne lieu à l'adoption, au Congrès de la CEQ de 1984, à de nombreuses recommandations qui, au cours de la décennie suivante, feront l'objet de mesures intégrées au Programme d'accès à l'égalité syndicale (PAES).

La gouvernance démocratique au cœur des réflexions féministes

C'est donc en 1990 que le Congrès adopte une résolution en faveur du PAES. Le comité Laure-Gaudreault amorce une enquête statistique, indispensable à l'instauration d'un tel programme. Ce portrait des effectifs, intitulé La CEQ, c'est mon genre, est présenté au Congrès de 1992 et la déception est palpable : après des années de militantisme, les objectifs ne sont toujours pas atteints.

Le taux de représentation des femmes n'excède en aucun cas 50 % dans les instances de la CSQ. Elles ne détiennent que 40 % des postes au conseil exécutif et 41 % au conseil général.

Un recentrage s'impose

En se basant sur la discrimination systémique, le Congrès de 1994 adopte le premier plan d'action pour l'égalité syndicale. Il compte 60 mesures pour contrer les barrières à la participation des femmes.

Le PAES a été bonifié au fil du temps. Depuis 2006, par exemple, la composition des comités repose sur la présence féminine. En 2018, le comité offre aux syndicats des outils pour faciliter l'implantation d'un PAES dans leur milieu. Des actions continuent d'être posées pour sensibiliser et aider les syndicats à parvenir à une représentation proportionnelle des femmes dans nos instances syndicales.

Accroitre la participation des femmes, un pari réussi ?

Plusieurs ont décrit le PAES comme une inaccessible étoile, car l'objectif de représentation n'est pas encore atteint, et l'opposition aux postes réservés aux femmes ou aux mesures encourageant leur primauté demeure. Malgré ces critiques, les statistiques démontrent que les femmes prennent davantage leur place au sein de la Centrale.

En 1988, Lorraine Pagé est élue à la tête de la CEQ, devenant ainsi la première femme présidente d'une centrale syndicale au Québec. Depuis, trois autres femmes ont été élues : Monique Richard (2000 à 2006), Louise Chabot (2012 à 2018) et Sonia Ethier (2018 à 2021).

La règle accordant la préséance aux femmes dans les comités, introduite en 2006, a eu un effet positif : la représentation féminine s'est maintenue ou améliorée dans la presque totalité des comités, passant de 47,5 % en 2006 à 57,5 % en 2018.

Devant les défis qui persistent, le travail se poursuit pour démystifier les freins à la participation des femmes. Des outils continuent d'être élaborés et des mesures implantées pour accroitre leur présence dans les instances de la Centrale.

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Action féministe : La naissance d’un comité, la reconnaissance d’une lutte

19 mars 2024, par Julie Pinel — , ,
En amont des célébrations du 50e anniversaire du comité d'action féministe de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), qui auront lieu le 21 mars prochain, Ma CSQ cette (…)

En amont des célébrations du 50e anniversaire du comité d'action féministe de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), qui auront lieu le 21 mars prochain, Ma CSQ cette semaine, vous fait découvrir un pan de l'histoire du mouvement féministe au sein de la Centrale. Découvrez comment est né ce comité de femmes.

Tiré de Ma CSQ cette semaine.

Lors du 22e Congrès de la Centrale de l'enseignement du Québec (CEQ), devenue depuis la CSQ, de nombreuses discussions, entourant les enjeux d'oppression vécus par les femmes donnent naissance à un mouvement féministe au sein de la Centrale. L'année suivante, un groupe de militantes de la région de Montréal se forme et poursuit les réflexions. Lors du 23e Congrès, en 1973, de nombreuses recommandations sont adoptées, reconnaissant la nécessité de mener cette lutte spécifique et de doter la CEQ d'un comité de la condition des femmes.

Un départ effervescent

C'est lors d'une rencontre du bureau national de la CEQ, en novembre 1973, qu'a lieu l'élection du premier comité Laure-Gaudreault (CLG). Composé initialement de cinq femmes, il tire son mandat des recommandations adoptées au Congrès de la CEQ et de son plan d'action.

Dès sa création, le comité travaille à la mise sur pied d'équipes locales de la condition des femmes et à la constitution d'un réseau de responsables. À la fin de la première année de son mandat, il compte 40 équipes locales, chacune constituée en majeure partie d'enseignantes, mais également, pour certaines d'entre elles, de ménagères, de secrétaires, d'infirmières ainsi que de travailleuses d'autres types d'emploi.

Tout est à faire pour joindre le plus grand nombre de personnes afin de les sensibiliser à la lutte pour la libération des femmes. Le maintien du réseau et l'atteinte d'une représentation de l'ensemble des groupes de la CEQ demandent des efforts constants de la part du CLG. Au bilan déposé au Congrès de 1980, le réseau compte une cinquantaine de comités locaux de partout au Québec.

Des demandes trop revendicatrices ?

Des bilans du CLG sont déposés au conseil général ainsi qu'à chacun des congrès de la CEQ. Ces rapports contiennent presque inévitablement des demandes de la part du comité. De plus, à chaque congrès, celui-ci doit prendre la décision de renouveler ou non le mandat du CLG.

En 1976, les comités d'action politique élaborent, lors d'une session nationale, une série de considérants s'opposant aux propositions faites par le CLG. Ce que l'on comprend de ces considérants, c'est que la spécificité que l'on reconnaît à la lutte des femmes dérange. Il ne s'agit pas là d'un enjeu propre à la CEQ, mais bien d'une lutte que de nombreuses féministes de l'époque doivent mener afin de faire reconnaître que la lutte des femmes est un combat spécifique et particulier.

Une équipe-conseil des femmes à la négociation

Le 4 octobre 1974, une équipe-conseil des femmes à la négociation est mise sur pied afin de donner suite à la recommandation adoptée au 24e Congrès CEQ.

Cette équipe-conseil est composée de neuf femmes qui assurent la représentation de l'ensemble des composantes de la CEQ ainsi que des membres du CLG. Elle a comme mandat de participer activement à la négociation, afin de mettre en lumière les discrimination et d'exploitation spécifiques aux femmes travailleuses de l'enseignement et de sensibiliser l'ensemble des syndiqués sur la condition féminine, qui est devenue l'une des quatre grandes priorités de cette négociation.

Solidaires

Si un élément ressort des luttes des femmes de l'époque, et encore de celles d'aujourd'hui, c'est cette volonté de tisser des liens entre elles afin de porter haut et fort leurs revendications communes. Bien qu'elle soit présente avec divers groupes de femmes sur des enjeux spécifiques, cette solidarité s'impose presque d'elle-même avec les comités traitant de la condition des femmes des deux autres centrales syndicales, la Confédération des syndicats nationaux (CSN) et la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ).

En 1977, de nombreuses rencontres informelles ont déjà eu lieu entre les comités de la condition des femmes de la CEQ, celui de la CSN et celui de la FTQ. Cependant, le CLG croit qu'il est nécessaire de formaliser cette solidarité et d'inviter les centrales à explorer la mise sur pied d'un comité permanent intercentrales de la condition des femmes. La CEQ lance cette invitation à laquelle la CSN et la FTQ répondent positivement. C'est ainsi que le Comité Inter-Centrales (CIC), connu aujourd'hui comme l'Intersyndicale des femmes, est officiellement né, en 1977. La FTQ ne demeure que 2 ans au sein du CIC, mais d'autres syndicats se joignent au groupe dès 1979.

Un comité durable et un nom à son image

C'est au Congrès de 1980 que le comité Laure-Gaudreault propose de réviser son nom afin de mieux refléter le travail accompli par les militantes. Dorénavant, le CLG s'appelle le comité de la condition des femmes (CCF).

En 1982, le CCF s'établit durablement grâce à une résolution importante adoptée par le conseil général : « Que les statuts prévoient dans les pouvoirs du conseil général l'obligation de créer et de maintenir un comité de la condition des femmes. »

En 2023, le conseil général adopte le nouveau nom du comité, soit le comité d'action féministe de la CSQ.

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Présentation du mémoire de la FTQ-Construction sur le projet de loi 51

19 mars 2024, par FTQ-Construction — , ,
Ce mardi 12 mars, Éric Boisjoly (directeur général), Arnold Guérin (président) et Me Claude Tardif (procureur), étaient présents à la commission parlementaire afin de présenter (…)

Ce mardi 12 mars, Éric Boisjoly (directeur général), Arnold Guérin (président) et Me Claude Tardif (procureur), étaient présents à la commission parlementaire afin de présenter notre mémoire sur le projet de loi 51, qui vise la modernisation de la Loi R-20, régissant l'industrie de la construction.

« Où le ministre adresse-t-il la rétention de la main-d'œuvre ? Il n'y a rien dans ce projet de loi pour s'assurer de la rétention de la main-d'œuvre. Où sont les mesures pour l'employabilité des femmes ? […] Les statistiques de la Commission de la construction du Québec le prouvent ; les gens qui rentrent dans l'industrie sans formation quittent l'industrie dans les cinq ans à venir. Dans le fond, on a créé un panier plein de trous, on rentre des gens, mais on ne les retient pas dans notre industrie. La modernisation de la Loi R-20 passait aussi par la planification des travaux. Où, dans le projet de loi, parle-t-on de planification des travaux ? […] On a un problème d'attraction, de rétention et de qualification, ce sont toutes des choses qui ne sont pas adressées dans le projet de loi. Pour nous, c'est inacceptable » - Éric Boisjoly.

Audio de la présentation du mémoire de la FTQ-Construction sur le projet de loi 51
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La présidente Bruske du CTC à tous les ordres de gouvernement : montrez votre soutien aux travailleurs et mettez en œuvre la loi anti-briseurs de grève immédiatement

19 mars 2024, par Congrès du travail du Canada (CTC) — , ,
Pour protéger les travailleurs et rétablir l'équité à la table de négociation, nous avons besoin d'une loi anti-briseurs de grève rigoureuse dans chaque province ou territoire. (…)

Pour protéger les travailleurs et rétablir l'équité à la table de négociation, nous avons besoin d'une loi anti-briseurs de grève rigoureuse dans chaque province ou territoire.

Le 27 février, alors que les parlementaires de tous les partis votaient à l'unanimité en faveur du projet de loi C-58, qui interdirait les travailleurs de remplacement, 239 membres d'Unifor en Nouvelle-Écosse ont déclenché une grève. Le jour même, en fin de journée, l'employeur, le CN, a fait appel à des briseurs de grève. Bien qu'il s'agisse d'un milieu de travail régi par la loi provinciale, ce dossier devrait faire l'objet d'une attention de la part de tous les politiciens.

« J'ai déjà entendu que des travailleurs sont parfois en situation de conflit direct lors d'une grève, ce qui menace leur sécurité et leurs moyens de subsistance. L'horrible événement qui s'est produit dans le Nord de l'Ontario il y a moins de deux semaines en est un exemple terrifiant. Cela ne devrait jamais arriver », déclare Bea Bruske, présidente du Congrès du travail du Canada.

On fait appel aux briseurs de grève, parfois appelés travailleurs ou travailleuses « de remplacement », pendant un lock-out ou une grève pour qu'ils occupent les emplois des membres habituels du personnel. Le recours par les employeurs à des briseurs de grève—qui oppose des travailleurs ou travailleuses désespérés les uns aux autres—porte atteinte au droit de grève des travailleurs, aggrave les conflits de travail et intensifie l'hostilité sur les lignes de piquetage – menaçant la sécurité de ces travailleurs et de leurs communautés.

Le Québec dispose d'une loi anti-briseurs de grève depuis plus de 45 ans et la Colombie-Britannique depuis 30 ans. Ces lois, et le projet de loi fédéral anti-briseurs de grève, non seulement raccourcissent les arrêts de travail, mais réduisent les effets dommageables de l'utilisation des briseurs de grève qui attise les conflits et rétablissent l'équité à la table de négociation.

De plus en plus de travailleurs des secteurs privé et public se tournent vers leurs syndicats pour qu'ils les défendent et exigent mieux. Des employeurs et des gouvernements.

« Les travailleuses et travailleurs savent qu'il n'est pas facile de faire du piquetage. Et que la présence de briseurs de grève dans certains endroits est très réelle. Cela augmente le stress des travailleurs lorsqu'ils doivent prendre des décisions pour eux-mêmes, leur famille et leur communauté. C'est pourquoi il est essentiel d'en venir à une loi anti-briseurs de grève au niveau fédéral », ajoute madame Bruske.

Les travailleuses et travailleurs de la Nouvelle-Écosse, comme ceux de toutes les provinces et de tous les territoires, ont le droit de s'attendre à ce que leurs droits constitutionnels à la négociation collective et à faire la grève soient protégés, sans la menace toujours présente du recours à des briseurs de grève qui prolongent les arrêts de travail et suscitent de longs conflits désespérés et destructeurs.

Tout comme les travailleurs non syndiqués, les travailleurs syndiqués ont vu chuter leurs salaires en raison de la crise actuelle de l'abordabilité.

Les travailleuses et travailleurs ont vu leur pouvoir d'achat fondre, car leurs salaires ne suivent pas l'inflation tandis que les riches PDG annoncent d'énormes profits. Pendant ce temps, les membres de leur personnel sont obligés de faire appel à des banques alimentaires parce qu'ils n'ont pas les moyens de faire leur épicerie au magasin où ils travaillent.

« J'ai rencontré des travailleuses et travailleurs qui m'ont dit qu'avant de penser à faire du piquetage, ils doivent calculer leurs finances. Et en ces temps économiques incertains et difficiles, ce n'est pas une décision à prendre à la légère », ajoute madame Bruske. « Ce sont des discussions à prendre en famille à savoir s'ils peuvent se permettre d'accepter l'offre insignifiante de l'employeur ou s'ils sont prêts à aller en grève. Et soyons honnêtes, parfois c'est l'employeur qui prend la décision pour eux et les met en lock-out. »

Pendant ce temps, des politiciens comme Pierre Poilievre prétendent être un ami des travailleurs. Depuis des mois, il est totalement muet sur sa position quant à l'interdiction des briseurs de grève tout en continuant à faire des remarques vides de sens et à scander des slogans insignifiants.

« Si Pierre a vraiment changé d'avis et tient véritablement à appuyer les droits des travailleurs, peut-être devrait-il envoyer une note de service à ses homologues provinciaux de la Nouvelle-Écosse et de l'Ontario dès que possible », indique madame Bruske.

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Projets de maisons d’hébergement à l’arrêt : Le silence du gouvernement caquiste précipite les services vers un point de rupture

19 mars 2024, par Alliance des maisons d'hébergement de 2e étape pour femmes et enfants victimes de violence conjugale, Fédération des maisons d'hébergement pour femme (FMHF), Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale — , ,
Une semaine après avoir interpellé le Premier Ministre suite à l'abandon de projets de développement de maisons, les associations de maisons d'hébergement demeurent sans (…)

Une semaine après avoir interpellé le Premier Ministre suite à l'abandon de projets de développement de maisons, les associations de maisons d'hébergement demeurent sans réponse, abandonnées par un gouvernement qui s'était pourtant engagé en 2021 à ouvrir ces nouvelles places. Face à ce silence indigne, les partis d'opposition ont pris la parole ce matin en point de presse pour soutenir les trois associations et réclamer avec elles la création d'un programme de financement spécifique qui tienne compte des réalités et besoins des victimes de violence.

« En tirant la plug sur les projets annoncés, le gouvernement démontre son désintérêt pour la violence conjugale. Le Québec compte déjà quatre féminicides depuis le début de l'année. Faudra-t-il qu'une autre femme soit tuée aux mains de son partenaire pour que le dossier remonte dans la pile des priorités ? » se désole Maud Pontel, coordonnatrice de L'Alliance des maisons d'hébergement de 2e étape.

Dans une déclaration expéditive, la ministre de l'Habitation, Madame Duranceau, laisse entendre que les projets coûtent trop cher et que l'on doit respecter la “capacité de payer” de l'État. « Qu'en est-il de la capacité du gouvernement de François Legault à respecter ses engagements ? » ajoute Maud Pontel.

Des services proches du point de rupture

Depuis la pandémie, les demandes de service dans les maisons d'hébergement pour femmes victimes de violence ne cessent de croître. L'une des solutions convenues avec le gouvernement était l'ouverture de nouvelles places en maisons d'aide et d'hébergement et de nouvelles unités en maisons de deuxième étape.

« Or au moment où les maisons d'aide et d'hébergement affichent un taux d'occupation de plus de 100% dans la dernière année et où les maisons d'hébergement de 2e étape doivent refuser 58% des demandes faute de places, la Société d'habitation du Québec bloque des projets priorisés en 2021. La main droite ne semble pas savoir ce que fait la main gauche » s'insurge Louise Riendeau, coresponsable des dossiers politiques en Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale.

La ligne d'urgence SOS Violence conjugale nous informait cette semaine que, faute de disponibilité dans les ressources, elle n'avait pas pu référer les demandes d'hébergement dans 45% des cas. Cela représente 17 demandes par jour auxquelles les travailleuses ne peuvent « Le continuum de services en violence conjugale est proche du point de rupture. Est-ce que le gouvernement sera responsable de son effondrement ? » renchérit Louise Riendeau.

Régler l'incohérence des programmes pour permettre la mise en sécurité

Il est essentiel de rappeler que les fonds alloués à ces projets étaient destinés à la construction et aux services. Trois ans plus tard, il est légitime de se questionner : où est passé l'argent que le gouvernement s'était engagé à investir pour protéger des vies ? Au 11 mars 2024, 2 648 femmes ont contacté SOS violence conjugale, dont 1 187 n'ont pas pu être orientées vers un hébergement. Ces femmes, avec ou sans enfants, ont courageusement demandé de l'aide. En raison du manque de cohérence gouvernementale, ces femmes et leurs enfants restent dans une situation de vulnérabilité inacceptable.

Nous avons des pistes de solutions et nous devons collectivement agir rapidement. Nous demandons qu'un mandat clair soit donné dans les plus brefs délais afin de débloquer les projets actuellement à l'arrêt, mais aussi afin que des actions concrètes et réalistes soient mises en place pour que les femmes et les enfants victimes de violence aient réellement droit à la sécurité.

Les député.e.s de l'opposition réagissent

« Encore une promesse caquiste brisée. Les besoins sont immenses et des milliers de femmes se font toujours refuser de l'hébergement, faute de places. Elles se voient alors forcées de retourner dans des situations extrêmement précaires. Lorsqu'une victime demande de l'aide, celle-ci doit être disponible immédiatement. On parle de vies de femmes et de leurs enfants. La ministre de l'Habitation, elle, parle de capacité de payer. Pour elle, combien vaut la vie d'une femme ? »
– Brigitte Garceau, députée libérale de Robert-Baldwin et porte-parole de l'opposition officielle en matière de condition féminine

« Il est inacceptable que des projets de maisons d'hébergement soient mis en danger, alors qu'il y a eu plus de 50 féminicides depuis 2020. Deux projets en Abitibi-Témiscamingue risquent de tomber à l'eau, alors que les organismes ont travaillé d'arrache-pied pour qu'ils voient le jour. On ne peut pas se permettre que d'autres femmes tombent sous les coups de leurs conjoints faute de places dans les maisons d'hébergement. La ministre a le pouvoir de changer les choses pour que ces maisons sortent de terre. Elle doit agir rapidement ! »
– Ruba Ghazal, députée de Mercier et responsable solidaire en matière de condition féminine

« Le gouvernement a fait des annonces en grandes pompes, il a dit vouloir agir en réponse à la hausse de la violence et du nombre de féminicides et a promis que l'argent serait disponible, notamment pour les maisons d'hébergement de 2e étape. Le milieu communautaire s'est mobilisé pour agir en conséquence et a développé des projets. Plusieurs organismes se retrouvent maintenant face à un blocage. Le gouvernement doit respecter ses engagements. Les investissements doivent être faits de sorte que les ressources d'hébergement soient construites pour mieux protéger les femmes et les enfants victimes de violence. »
– Joël Arseneau, député des Îles-de-la-Madeleine et porte-parole du Parti Québécois en matière d'Habitation

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Lettre ouverte | Justin Trudeau, féministe ? Pas pour des milliers de travailleuses

19 mars 2024, par Collectif, Jérémie Dhavernas — , ,
En 2024, le programme d'assurance-emploi canadien ne protège toujours pas les travailleuses qui perdent leur emploi durant ou après leur congé de maternité. Ce refus d'accorder (…)

En 2024, le programme d'assurance-emploi canadien ne protège toujours pas les travailleuses qui perdent leur emploi durant ou après leur congé de maternité. Ce refus d'accorder une protection en cas de chômage aux nouvelles mères perpétue les iniquités vécues par les femmes sur le marché du travail. Déjà frappées par une perte d'emploi, ces femmes s'appauvrissent encore davantage en étant privées d'assurance-emploi, du seul fait qu'encore aujourd'hui, elles assument les responsabilités familiales de façon disproportionnée.

Une injustice reconnue par le politique

Dès 2009, le Parti libéral du Canada, alors dans l'opposition, demandait au gouvernement Harper de corriger cette aberration. Rien ne fut fait. Ni par les conservateurs, ni par les libéraux depuis leur retour au pouvoir en 2015. Las d'attendre une réponse politique à ce problème criant, le Mouvement Action-Chômage de Montréal a entrepris en 2018 un recours en justice afin de faire déclarer inconstitutionnelles les dispositions de la Loi sur l'assurance-emploi responsables de cette discrimination.

En 2022, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale a donné raison aux six travailleuses à l'origine du recours en indiquant clairement que la loi discriminait les femmes : « [Si] une femme perd son emploi pendant son congé de maternité et parental, elle n'a plus de protection. Elle doit donc se fier à ses économies ou au revenu de son conjoint. Cela maintient les femmes dans la pauvreté et dans un lien de dépendance. C'est considérer les revenus des femmes comme un salaire d'appoint qui ne mérite pas la même protection [à l'assurance-emploi]. »

Malgré une reconnaissance unanime du problème, le gouvernement libéral a décidé de ne pas modifier la loi et a même porté en appel la décision. La saga judiciaire se poursuit encore aujourd'hui, et la Cour d'appel fédérale du Canada tranchera sur le dossier d'ici quelques mois.

Mettre fin à la partie de ping-pong

Rappelons qu'il y a à peine deux ans, la ministre chargée du dossier, Carla Qualtrough, déclarait publiquement ne pas encore savoir « comment on va l'aborder ou dans quel ordre on va régler tout cela ». « Mais j'y travaille. C'est ma principale préoccupation », avait-elle fait valoir. Questionné sur ce dossier en février dernier à la Chambre des communes, son successeur, Randy Boissonnault, a plutôt déclaré qu'il n'interviendrait pas tant que la question serait devant les tribunaux.

Le Mouvement Action-Chômage de Montréal et les signataires de cette lettre demandent au gouvernement Trudeau d'agir et de légiférer au lieu de laisser le dossier s'enliser dans une éternelle bataille judiciaire. Il est possible de régler ce problème rapidement en ne modifiant que quelques articles de la Loi sur l'assurance-emploi.

Le Parti libéral du Canada reconnaît cette injustice flagrante, tout comme le Bloc québécois et le Nouveau Parti démocratique. Le gouvernement fédéral a donc les appuis nécessaires en Chambre pour faire adopter ces changements législatifs mineurs, qui soulageraient chaque année des milliers de travailleuses discriminées et appauvries.

À défaut, son inaction soulève une question fort légitime : son féminisme en est-il un de façade ?

Source : Jérémie Dhavernas

L'auteur est responsable des services juridiques au Mouvement Action-Chômage de Montréal. Il cosigne ce texte avec une trentaine d'organisations :
1. Pierre Laliberté, commissaire des travailleurs et travailleuses à la Commission de l'assurance-emploi du Canada ; 2. Fédération des femmes du Québec (FFQ) ; 3. Confédération des syndicats nationaux (CSN) ; 4. Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) ; 5. Centrale des syndicats du Québec (CSQ) ; 6. Centrale des syndicats démocratiques (CSD) ; 7. Unifor Canada ; 8. Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) ; 9. Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) ; 10. Fédération autonome de l'enseignement (FAE) ; 11. Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) ; 12. Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi (MASSE) ; 13. Réseau québécois de l'action communautaire autonome (RQ-ACA) ; 14. Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec (FAFMRQ) ; 15. Mouvement d'éducation populaire et d'action communautaire du Québec (MEPACQ) ; 16. Front d'action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) ; 17. Regroupement des organismes en défense collective de droits (RODCD) ; 18. Mouvement Action-Chômage de Trois-Rivières ; 19. Regroupement des sans-emploi de Victoriaville ; 20. Action-Chômage Côte-Nord ; 21. L.A.S.T.U.S.E. du Saguenay ; 22. Action-Chômage Kamouraska ; 23. Action populaire Rimouski-Neigette ; 24. Mouvement des chômeurs et chômeuses de l'Estrie ; 25. Regroupement de défense des droits sociaux de Drummond ; 26. Association de défense des droits sociaux (A.D.D.S) de la Rive-Sud ; 27. Comité chômage de l'est de Montréal ; 28. Action dignité Lanaudière ; 29. Centre des travailleurs et travailleuses immigrants.

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