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Mexique : préparation de la présidentielle et construction d’un mouvement indépendant

23 janvier 2024, par MSPP-IVe Internationale — , ,
La droite et l'extrême droite sont en crise. La candidate de la coalition des anciens partis du système (PRI-PAN…) ne décolle pas dans les sondages malgré le soutien massif des (…)

La droite et l'extrême droite sont en crise. La candidate de la coalition des anciens partis du système (PRI-PAN…) ne décolle pas dans les sondages malgré le soutien massif des médias. Elle stagne à 30% quand la candidate soutenue par Andrés Manuel López Obrador (AMLO) et son organisation Morena (Mouvement de régénération nationale), Claudia Scheinbaum, est évaluée à près de 60%. La mobilisation que les partis d'opposition avaient tentée à l'automne dernier contre une modification de l'institut national électoral a fait long feu. AMLO a mobilisé infiniment plus de gens dans la rue que ne l'avait fait la droite.

15 janvier 2024 | tiré du site inprecor.org par Correspondant·es, MSPP-IVe Internationale
Photo : Le président mexicain Andrés Manuel López Obrador et son épouse Beatriz Gutiérrez Müller président la cérémonie du "Grito de Independencia" pour le 213e anniversaire de l'indépendance du Mexique. Place de la Constitution, Mexico, Mexique. © ProtoplasmaKid — Travail personnel, CC BY-SA 4.0

La permanence de l'avance (dans les sondages) de la candidate d'AMLO et de Morena est fondamentalement due à ce qui apparaît comme de bons résultats économiques : une progression annuelle du PIB de plus de 3,5%, une inflation maîtrisée à 4% par an. Des mesures sociales ont été adoptées comme l'augmentation de 25% des pensions minimales pour tous les travailleurs, la garantie pour tous que les augmentations de salaires se situent au-dessus de l'inflation, etc. Les grands travaux (train Maya, raffineries Pemex, hôpitaux…) sont inaugurés en grande pompe.

Les problèmes sont plutôt internes à Morena. AMLO continue d'imposer un régime interne sans démocratie. De même qu'il ne favorise en rien l'auto-organisation ni dans la société ni dans les syndicats, il impose sa politique, ses alliances et ses candidats au sein de Morena. Dans de nombreux endroits il favorise des alliances avec des secteurs de la droite qui viennent du PRI ou du PAN. Cela pose surtout un problème pour la désignation des candidatures aux prochaines élections. Si pour la présidentielle la candidature de Claudia Scheinbaum a été très largement ratifiée, pour les législatives et les municipales c'est une autre question et cela provoque pas mal de remous dans la « gauche » de Morena, qui cherche plutôt des alliances avec des mouvements sociaux (syndicats démocratiques, organisations féministes, mouvements indigènes…) Dans plusieurs endroits, nos camarades ont des actions communes avec les militants de la gauche de Morena. C'est d'ailleurs dans ce cadre que le SME (syndicat des électriciens) envisage de proposer la candidature de trois de ses membres pour la liste des députés fédéraux…

Le plus grand danger : le crime organisé

L'insécurité et la violence ne cessent de croître au Mexique. C'est le grand échec du gouvernement AMLO (il y en d'autres, l'extractivisme à outrance par exemple) et l'argument numéro un de la droite et de l'extrême droite. Ce qui est un comble parce que la connexion de nombre de leurs politiciens avec le crime organisé est très ancienne et permanente. Il y a quatre cartels principaux (Sinaloa, Jalisco-Nueva Generacion, Golfo et Centro) qui contrôlent l'essentiel du trafic de drogue, du blanchiment par investissements dans l'immobilier entre autres, le rançonnement (et les enlèvements et les assassinats) des migrant·es. Ils sont de plus en plus puissants et multiplient les attaques spectaculaires. D'autres cartels plus petits (comme ceux du Michoacan), opèrent des campagnes de « cobro de piso » (racket dans les quartiers et les communautés). Les guerres entre cartels, particulièrement au Chiapas, retombent sur les populations, principalement indigènes. Les camarades du MSPP sont concerné·es puisqu'ils et elles sont présent·es au Chiapas, participant à l'organisation d'une communauté de plus de 1000 personnes qui est encerclée dans les zones des cartels. Pour l'instant ils se protègent avec leur police communautaire mais, de plus en plus menacés, ils cherchent à tisser des alliances défensives avec d'autres communautés et l'EZLN pour faire un front commun contre les cartels et leurs soutiens politiques.

Le principal danger pour les peuples indigènes, les travailleurs/ses et leurs organisations vient de là. Et du fait que la droite et l'extrême droite en manque de perspective électorale misent de plus en plus sur leurs connexions avec le crime organisé.

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Selon un avocat de Gaza, les États-Unis sont les « complices d’un génocide »

23 janvier 2024, par Ahmed Abofoul, Amy Goodman — , , , , ,
Nous nous tournons maintenant vers Ahmed Abofoul. C'est un avocat né à Gaza qui occupe un poste de chercheur et d'avocat dans l'organisation Al-Haq, la plus vieille ressource (…)

Nous nous tournons maintenant vers Ahmed Abofoul. C'est un avocat né à Gaza qui occupe un poste de chercheur et d'avocat dans l'organisation Al-Haq, la plus vieille ressource humanitaire et de droits humains palestinienne. Il a récemment publié un article intitulé : « We are Witnessing a Genocide Unfolding in Gaza : To Stop it, the ICC Prosecutor Must Apply the Law Without Fear or Favour ». Il nous parle depuis New York.

Demoncracy Now, 22 décembre 2023
Traduction, Alexandra Cyr
photo Serge d'Ignascio

Amy Goodman : (…) Le Conseil de sécurité des Nations Unies se prépare à voter une résolution d'aide à Gaza diluée. Les États-Unis ont fait repousser le vote quatre fois cette semaine pendant qu'Israël poursuit ses attaques massives qui ont fait plus de 20,000 morts palestiniennes dans l'enclave soit environ 1% de sa population. Les autorités sanitaires déclarent qu'au moins 390 personnes ont été tuées au cours des dernières 48 heures. Les Nations Unies préviennent que plus d'un demi-million d'habitants.es de Gaza, soit un quart de la population, souffrent de la faim, sont au bord de la famine.

Soyez le bienvenu a Democracy Now. Vous êtes un avocat des droits humains internationaux, et vous employez le terme génocide . Pouvez-vous nous expliquer ce que vous voulez dire exactement et pourquoi vous pensez qu'il s'applique à Gaza ?

Ahmed Abofoul : D'abord, merci de m'avoir invité. Ensuite, le mot « génocide » est un terme légal spécifiquement défini dans la loi internationale. C'est aussi un crime qui comporte ses éléments. Quand l'un de ces éléments est démontré, un crime a été commis. Comme vous le savez, le terme n'a pas été souvent été employé dans la situation palestinienne même si, comme nous le croyons, le crime a déjà été commis. Par exemple, plusieurs affirment que ce qui s'est passé en 1948, est un acte de génocide. La seule raison pour laquelle nous ne l'avons pas invoqué à l'époque c'est que le concept n'était pas encore cristallisé. Nous n'avions pas de convention, pas de définition. Mais il a été utilisé lors du massacre de Sabra et Shatila. C'est d'ailleurs la seule fois ou les Nations Unies ont qualifié cette situation de génocide. Selon la loi internationale, le génocide est un crime qui est présent quand certains actes sont commis avec une intention spécifique de détruire complètement ou en partie certains groupes ethniques, religieux ou politiques. C'est ce qui arrive à Gaza ; donc nous croyons qu'il s'y pratique un génocide.

Habituellement, les plus difficile à prouver eut égard au génocide, est l'élément subjectif de l'intention spécifique de le commettre. Pour faire cette preuve, les tribunaux s'en remettent aux déclarations des génocidaires. Dans notre situation nous possédons de multiples déclarations prouvant cette intention génocidaire qui a été appliquée directement sur le terrain. Nous voyons le niveau de destructions sans égard aux humains et comme l'a dit le Président Biden, des bombardements de civils.es sans discrimination. Nous ne sommes pas la seule organisation palestinienne de défense des droits à tirer cette conclusion. Pas moins de 800 universitaires spécialistes de l'Holocauste en ont fait autant. Certains.es disent même qu'il s'agit d'un cas d'école.

A.G. : Maintenant, pouvez-vous nous parler de votre lien personnel avec Gaza ? Vous y avez grandi, vous y êtes né. Et est-ce que quelqu'un de même patronyme, quelqu'un de votre famille, n'est pas décédé récemment ?

A.A. : En fait, 60 membres de ma famille sont décédé, ont été tué dont mon plus vieil oncle et quelques-uns de mes cousins. Et comme la plupart des Palestiniens.nes nous ne pensons pas que nous ayons le luxe de vivre notre deuil tant le niveau de destruction et les crimes horribles commis (sont présents). Ça brise le cœur. Nous avons grandi avec les histoires de la Nakba. Nous n'avions jamais imaginé que nous allions les vivre. C'est arrivé en 1948 et ça n'était pas télévisé bien sûr. Le monde n'a pas su ce qui se passait en Palestine. Mais maintenant, le carnage qui est télévisé est scandaleux et le monde l'observe.

Vous avez parlé de la résolution du Conseil de sécurité qui a été diluée et qui sera soumise au vote aujourd'hui. Mais si vous examinez la situation, les résultats des votes antérieurs, vous pouvez conclure que, au fond, il s'agit toujours des États-Unis contre le monde entier. En ce moment, les États-Unis font la promotion de ce génocide, ils le soutiennent. Je ne le saurai jamais mais, il est plus que probable que ma famille ait été tuée par des armes américaines. Nos enfants sont présentés.es disloqués.es à la télévision, sur vos écrans de télévision grâce aux taxes américaines, avec le soutien du gouvernement américain. Le gouvernement américain est complice de ce génocide. Il a du sang des enfants palestiniens sur les mains.

C'est pourquoi, avec nos partenaires américains, avec le Center for Constitutional Rights, nous poursuivons le Président Biden, le Secrétaire d'État Blinken et le Secrétaire à la défense, Austin, non seulement pour complicité dans ce génocide mais aussi pour ne pas l'avoir prévenu. S'il y a un pays dans le monde qui peut influencer Israël, ce sont les États-Unis.

Et, si vous permettez, je voudrais mentionner que je suis issu d'une famille de réfugiés.es. Nous ne sommes pas originaires de Gaza. Environ 75% de la population de la bande est composée de réfugiés.es. Donc, quand nous parlons d'une seconde Nakba, c'est exactement ce que nous voulons dire. En 1948, plus de 80% de la population palestinienne a été forcée de se déplacer. Maintenant, se sont 90% qui le sont. Plus de 60% des habitations de Gaza ont été détruites. La majorité de la population est au bord de la famine. Honnêtement, c'est assez honteux que les États-Unis ne puissent pas assurer le minimum de décence humaine en appelant à un cessez-le-feu et en tentant de tenir compte diplomatiquement du génocide qui se passe à Gaza.

A.G. : (…) Le Président Biden met en garde Israël à propos des bombardements indiscriminés mais par ailleurs, les États-Unis ont retardé (le vote) toute la semaine. Hier, juste après notre émission, nous avons pensé qu'il aurait lieu. Mais maintenant ce sera vendredi. Quatre fois il a été retardé et cette résolution ne fera pas appel à un cessez-le-feu c'est clair. Pouvez-vous nous expliquer ce que cela signifie et la différence avec les autres résolutions adoptées par les Nations Unies. Et qu'est-ce qui a été assoupli maintenant, aujourd'hui ?

A.A. : Bien sûr. Le Conseil de sécurité adopte des résolutions même si historiquement, Israël ne les respecte pas. Les États-Unis sont en train d'amoindrir le texte actuel pour ne pas que l'appel au cessez-le-feu soit invoqué immédiatement. En même temps, ils appellent à une aide humanitaire et matérielle sure et sans encombres, mais pas pour un cessez-le-feu. Curieux n'est-ce pas qu'en même temps on demande un corridor pour des approvisionnements sûrs mais sans que les bombardements cessent ? Donc, finalement, ils veulent que les employés.es d'aide humanitaire travaillent sous l'enfer qu'Israël lâche sur la population civile palestinienne.

Comme vous l'avez mentionné, (le Président) Biden ne fait pas qu'armer Israël, il a fait une déclaration avec laquelle nous sommes d'accord, il a dit qu'Israël procédait à des bombardements indiscriminés. C'est un crime de guerre. Donc on doit demander : pourquoi armez-vous Israël ? La position américaine est plutôt hypocrite. Les États-Unis ne peuvent revendiquer le leadership dans le monde alors qu'ils ne nous en donnent pas la preuve. Les actes sont plus éloquents que les discours. Encore hier, les États-Unis, le Président Biden, a publié un « tweet » où il disait soutenir le droit du peuple palestinien à l'auto-détermination. Deux jours plus tôt, les États-Unis avaient voté contre une résolution sur ce même droit à l'auto-détermination du peuple palestinien. Nous ne voulons pas de ces discours, nous voulons des actes. L'hypocrisie américaine est si évidente. Vous savez, le leadership principal, le véritable leadership exige d'être consistant dans l'application de la loi internationale, principalement son application à vos adversaires comme à vos alliés. L'hypocrisie, les deux poids deux mesures et les choix parcimonieux ne sont pas les caractéristiques du leadership mais bien plutôt d'une complicité dans le génocide.

Et si vous me le permettez, ce qui est en cause en ce moment, ce n'est pas seulement la déshumanisation du peuple palestinien et le génocide auquel nous faisons face ; c'est aussi tout le corpus des lois internationales qui est mis à l'épreuve. Fondamentalement, si nous voyons l'Occident, sous l'impulsion des États-Unis, le mobiliser dans le cas de l'Ukraine mais pas dans celui de Gaza et empêchent ou sont incapables de faire le strict minimum soit d'en appeler à un cessez-le-feu pour qu'il soit respecté, qu'est-ce à dire ? Je pense que c'est aussi la réputation des États-Unis qui est en jeu. Ils se décrivent constamment les comme les modèles de la démocratie alors qu'en fait, ils donnent la preuve qu'ils soutiennent le génocide.

Je pense aussi que dans cette situation, il est intéressant de voir que toutes ces démocraties dites libérales, sont soumises au test parce que les sondages démontrent que ce que les Américains.es soutiennent le plus, c'est un cessez-le-feu. La plupart des Démocrates du Congrès le veulent aussi. Il semble y avoir un fossé entre ce que la population veut et ce que leur offre le leadership américain. Donc nous en appelons à J. Biden et à son administration d'entendre leur peuple et de faire le strict minimum qui est d'appeler à un cessez-le-feu.

A.G. : Merci Ahmed et toutes nos condoléances pour la perte de votre famille à Gaza. (…).

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Alors que Biden étend la guerre au Moyen-Orient, l’opposition grandit

23 janvier 2024, par Dan La Botz — , ,
Alors que des dizaines de milliers de personnes ont défilé à travers les États-Unis pour exiger un cessez-le-feu à Gaza et la fin du soutien militaire américain à Israël, le (…)

Alors que des dizaines de milliers de personnes ont défilé à travers les États-Unis pour exiger un cessez-le-feu à Gaza et la fin du soutien militaire américain à Israël, le président Biden doit maintenant faire face à une nouvelle opposition, y compris au sein de son propre parti au Congrès, à propos de sa guerre non déclarée contre les Houthis au Yémen.

Hebdo L'Anticapitaliste - 691 (18/01/2024)

Par Dan La Botz

Crédit Photo
Biden et Netanyaou en 2016. Wikimedia Commons

La semaine dernière, Biden, rejoint par les Britanniques et d'autres, a ordonné le tir de centaines de missiles sur des dizaines de cibles au Yémen, en représailles aux attaques des Houthis contre des navires marchands en mer Rouge. Les Démocrates du Congrès sont furieux contre leur dirigeant qui n'a respecté ni la Constitution des États-Unis qui donne au Congrès le pouvoir de déclarer la guerre, ni la loi sur les pouvoirs de guerre adoptée pour limiter le pouvoir présidentiel en 1973 après que le président Richard Nixon eut unilatéralement étendu la guerre du Vietnam au Cambodge.

Une décision présidentielle anticonstitutionelle

Pramila Jayapal, démocrate, chef du groupe progressiste à la Chambre des représentants, a qualifié les armes lancées contre les Houthis au Yémen de « violation inacceptable de la Constitution ». La députée démocrate Cori Bush, qui est également membre des Socialistes démocratiques d'Amérique (DSA), a déclaré : « Le peuple ne veut plus que l'argent de nos contribuables serve à financer des guerres sans fin et à tuer des civils. Arrêtez les bombardements et faites mieux pour nous ». Les représentantEs démocrates Rashida Tlaib, Mark Pocan et Ro Khanna ont également condamné cette guerre anticonstitutionnelle. La plupart des Républicains ont soutenu l'action de Biden, mais quelques-uns se sont également plaints du fait qu'il n'ait pas demandé l'approbation du Congrès.

Le président affirme que ces actions ne s'inscrivent pas dans le cadre de la guerre qui s'étend au Moyen-Orient à la suite des bombardements génocidaires d'Israël sur Gaza, mais en fait il a également autorisé des frappes sur le Hezbollah Kataib, une milice chiite pro-iranienne en Irak et sur un entrepôt d'armes d'un groupe allié de l'Iran en Syrie. Les Houthis, le Hezbollah et les milices irakiennes espèrent peut-être, en soutenant leur allié le Hamas, décourager la campagne de bombardements d'Israël et accroître la pression sur les États-Unis, mais ils risquent de déclencher une guerre impliquant l'Iran, Israël et les États-Unis. Il en va de même pour les répliques israéliennes et américaines.

Les États-Unis détenteur d'une poudrière

Le Moyen-Orient est un camp militaire américain bourré d'armes. Les États-Unis maintiennent actuellement 2 500 soldats en Irak et 900 en Syrie — où la Russie a également des troupes — et ont environ 3 000 soldats dans chacun des pays suivants : Jordanie, Arabie saoudite, Émirats arabes unis, et également 8 000 au Qatar, 9 000 à Bahreïn et 13 500 au Koweït. Ces derniers jours, les États-Unis ont déployé une équipe d'officiers de renseignement pour aider Israël à cibler ses frappes, en principe pour réduire le nombre effroyable de pertes humaines à Gaza. Dans les eaux du Moyen-Orient se trouvent également une douzaine de navires de guerre américains avec leurs équipages et quelque 2 000 marines.

Soutien au PalestinienNES et à la plainte de l'Afrique du Sud

Pendant ce temps, à Gaza, Israël poursuit ses bombardements et ses attaques qui ont déjà tué 27 000 PalestinienNEs, dont 10 000 enfants, et plus de 7 000 seraient enterrés sous les décombres. Quelque 60 300 personnes ont été blessées, dont beaucoup sont mutilées. Selon Oxfam, le taux de mortalité est plus élevé que dans n'importe quel autre conflit du 20e siècle. Tout cela a poussé l'Afrique du Sud à accuser Israël de génocide à Gaza, ce qui a conduit à une audience devant la Cour internationale de justice de La Haye. Aux États-Unis, des militantEs ont signé des pétitions et participé à des manifestations pour soutenir la cause de l'Afrique du Sud.

Ainsi, alors que Biden tente peut-être d'empêcher l'extension de la guerre, il s'oppose à un cessez-le-feu et continue de soutenir la guerre d'Israël contre les PalestinienNEs, ainsi que les actions militaires au Yémen, en Irak et en Syrie. Non seulement Israël, mais aussi son sponsor et bienfaiteur, les États-Unis, devraient être jugés pour crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocide. C'est ce que disent des millions de personnes à travers le monde qui sont consternées par les atrocités actuelles, qui craignent une guerre de plus en plus étendue et exigent un cessez-le-feu et la justice pour la Palestine.

Traduction DeepL, revue HW

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USA / Palestine : les appels pour un cessez-le-feu se multiplient, Biden s’isole

23 janvier 2024, par Kay Mann — , ,
Plus de deux mois et demi après l'assaut meurtrier sur Gaza par d'Israël, le soutien porté par Biden et son secrétaire d'État (équivalent d'un ministre des Affaires étrangères) (…)

Plus de deux mois et demi après l'assaut meurtrier sur Gaza par d'Israël, le soutien porté par Biden et son secrétaire d'État (équivalent d'un ministre des Affaires étrangères) Blinken à la politique de Netanyahou commence à choquer sa propre base de soutien électorale, moins d'un an avant les élections présidentielles.

Tiré de Inprecor 716 - janvier 2024

Par Kay Mann
19 janvier

Vue aérienne du rassemblement organisé, ce samedi 13 janvier 2024, par des dizaines de milliers de personnes brandissant des banderoles et des drapeaux palestiniens sur la Freedom Plaza. Les manifestants demandent un cessez-le-feu immédiat à Gaza (Mostafa Bassim - Anadolu Agency)

L'accusation de génocide contre Israël portée par Afrique du sud pèse, et les jeunes et les américain·es d'origine arabe sont particulièrement écœurés par la caution de Biden à Netanyahiu. La campagne d'intimidation contre tout·e opposant·e à la guerre à Gaza, par des accusations d'antisémitisme, a conduit à la démission des présidents de grandes universités comme Harvard et Princeton, parce qu'ils ont été considérés comme antisémites pour n'avoir pas fait assez pour supprimer les manifestations pro-Palestine dans les universités !

Même si la pression pour faire taire toute opposition à l'assaut meurtrier israélien continue, les voix se lèvent pour un cessez-le-feu. Une manifestation pro-Palestine à Washington, organisée par une coalition des groupes pro-Palestine, le groupe Voix juive pour la paix (JVP), et la coalition ANSAR a rassemblé 400.000 personnes le 13 janvier.

De plus en plus de syndicats ont voté des déclarations en faveur d'un cessez-le-feu immédiat. C'est le cas du syndicat des travailleurs/ses de l'automobile, avec ses 400.000 membres actifs et ses 580.000 retraité·es. L'UAW établira aussi un groupe de travail sur la Palestine. Cette prise de position réprésente une volte-face historique de l'UAW.

D'autres syndicats, dont le syndicat de la poste, le syndicat de secteur électrique (UE), le syndicat des infirmières de Californie et le syndicat des enseignants de Chicago (CTU) – qui a également préparé des tracts de formation sur les origines du conflit – ont voté des déclarations pour un cessez-le-feu immédiat. Des conseils municipaux, notamment ceux d'Oakland et San Francisco (Californie), ont aussi voté des déclarations pour un cessez-le-feu.

Au fur et mesure que les images d'une Gaza détruite continuent à passer sur les écrans, que les chiffres des civils tué·es montent et que la possibilité d'une guerre régionale augmente, l'image d'Israël comme phare démocratique au Moyen-Orient est démasquée. On peut s'attendre à une opposition croissante à la politique pro-Israël étatsunienne.

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Primaire dans l’Iowa : Trump triomphe, vers un nouveau duel Biden-Trump à la présidentielle

23 janvier 2024, par Irène Karalis — , ,
Ce lundi avait lieu le premier caucus républicain dans l'État de l'Iowa, lançant le cycle des primaires pour la nomination du candidat républicain à l'élection de novembre. (…)

Ce lundi avait lieu le premier caucus républicain dans l'État de l'Iowa, lançant le cycle des primaires pour la nomination du candidat républicain à l'élection de novembre. Donald Trump remporte haut la main ces élections qui, si elles ne prédisent pas nécessairement sa victoire aux prochaines primaires, montrent que l'ancien occupant de la Maison Blanche domine fermement le Parti Républicain.

Tiré de Révolution Permanente
17 janvier 2024

Par Irène Karalis

Ce lundi avait lieu le premier caucus républicain dans l'État de l'Iowa, lançant le cycle des primaires pour la nomination du candidat républicain à l'élection de novembre. Donald Trump remporte le scrutin haut la main avec 51 % des voix, devançant de 30 points ses deux principaux concurrents, Ron DeSantis qui obtient 21,2% des voix et Nikki Haley qui enregistre 19,1 % des voix. Les trois autres participants, Asa Hutchinson, Ryan Brinkley et Vivek Ramaswamy arrivent ensuite avec moins de 8 %. Vivek Ramaswamy, homme d'affaires notamment soutenu par Elon Musk, s'est retiré de la course et a appelé à voter pour Trump.

Si la participation au vote a été relativement faible, environ 100 000 membres des Républicains se sont déplacés, les résultats du scrutin montrent sans aucun doute que Donald Trump domine largement le parti. Pour le Financial Times, « l'ancien président possède le parti républicain comme aucune personnalité ne l'a jamais fait auparavant ». Et ce dernier est parvenu à retourner ses faiblesses à son avantage, réécrivant les accusations portées à son encontre en justice, mais aussi celles concernant l'assaut du Capitole du 6 janvier 2021. Ainsi, alors qu'un procès s'ouvre pour la seconde fois ce mardi à New York contre Donald Trump après que celui-ci a déjà été condamné en 2023 à payer cinq millions de dollars à E. Jean Caroll pour agression sexuelle et diffamation, l'ancien président américain accuse les juges et les procureurs de mener une chasse aux sorcières contre lui pour l'empêcher de gagner la présidentielle de novembre.

De la même manière, Donald Trump a opéré à une « réécriture de l'assaut du Capitole comme manifestation pacifique patriotique » selon Mediapart ce qui sert de « mythe fondateur du retour politique de l'ancien président ». Le 45e président des États-Unis fait ainsi le lien entre les manifestants arrêtés et condamnés et son propre procès en justice, dans un récit visant à faire de lui et ses partisans des martyrs persécutés par l'establishment américain. Un tiers de l'électorat républicain considère ainsi que l'assaut du Capitole a été orchestré par le FBI pour pouvoir accuser Trump.

Au-delà des discours et des mythes édifiés par Donald Trump, comme l'explique Left Voice, le résultat des primaires dans l'Iowa est « le résultat direct de l'insatisfaction à l'égard du régime Biden, qui est devenu le visage de deux guerres étrangères impopulaires, d'une économie qui a laissé de nombreux travailleurs lutter pour se procurer les produits de première nécessité, et d'un néolibéralisme réchauffé déguisé en Bidenomics. Biden est actuellement le président le plus impopulaire depuis George W. Bush – un véritable exploit si l'on considère l'impopularité de son prédécesseur – et semble être un candidat particulièrement faible pour s'opposer à Trump ou, d'ailleurs, à n'importe quel républicain. »

Pour les concurrents du milliardaire, le résultat des premières primaires n'est pas celui espéré, en particulier pour l'ultra-réactionnaire Ron DeSantis, le gouverneur de Floride qui, s'il a annoncé qu'il continuerait, fait moins qu'escompté dans un État qui aurait dû lui être plus favorable. Nikki Haley, ancienne ambassadrice aux Nations Unies et ancienne gouverneure de Caroline du Sud qui avait reçu le soutien de plusieurs grands donateurs comme la famille Koch et de leur association de financement American for Prosperity qui avait collecté plus de 70 millions de dollars, était, elle, considérée comme le choix le plus modéré des Républicains avec de meilleures chances de battre Biden que les candidats à sa droite (tout en étant ouvertement opposée à l'avortement et à toute forme d'éducation sexuelle et pour le retrait de tous les accords contraignant sur le climat). En ce qui la concerne, elle n'avait jamais parié sur la victoire dans l'Iowa, espérant davantage du New Hampshire, prochain État qui accueillera les primaires républicaines. La candidate a ainsi expliqué que les États-Unis « méritaient mieux » qu'un nouveau match entre Trump et Biden et annoncé maintenir sa candidature.

Les votes de l'Iowa déterminent les 40 délégués de l'État à la Convention nationale républicaine de juillet au cours de laquelle les délégués de tout le pays sélectionnent le candidat du parti à la présidentielle. Donald Trump remporte ainsi vingt délégués, Ron de Santis en remporte huit, Nikki Haley sept et Vivek Ramaswamy trois. Mais la victoire de Trump ne signifie pas une victoire pour l'entièreté des primaires, et il est déjà arrivé que des candidats, comme Ted Cruz en 2016, gagnent la primaire en Iowa puis fassent des résultats bien moins bons la semaine suivante dans le New Hampshire. L'Iowa est en effet un État plus conservateur avec une forte concentration d'évangéliques, en plus d'être un petit État. Malgré tout, les résultats témoignent d'une dynamique en forme de rouleau compresseur pour Trump.

Mais si l'ancien occupant de la Maison blanche a réussi à convaincre sa base qu'il représentait quelque chose de différent par rapport à Joe Biden, il incarne un programme profondément anti-ouvrier, un populisme d'extrême-droite qui rejette la responsabilité des crises du capitalisme sur les immigrés et les couches les plus défavorisées de la société américaine. De plus, il représente un secteur de la bourgeoisie impérialiste qui cherche à intensifier les tensions avec la Chine et qui est favorable à une plus grande intervention des États-Unis en Amérique latine.

Face à lui, Joe Biden entend incarner la défense de la démocratie. Mais comme le rappelle Left Voice, « Biden vient de contourner le Congrès afin d'envoyer plus d'argent à Israël et restera dans l'histoire comme Joe le génocidaire. Il est resté les bras croisés alors que le droit à l'avortement était annulé par une Cour suprême antidémocratique. Il a brisé une grève des chemins de fer, alors qu'il prétendait être le président le plus favorable aux travailleurs de l'histoire. Surtout, Biden et Trump soutiennent tous deux – à des degrés divers – le régime antidémocratique dans lequel le collège électoral, le Sénat et la Cour suprême sont autant de signes évidents du caractère limité de la démocratie réelle aux États-Unis. »

Trump n'est pas la solution, et Biden non plus. La seule issue à la crise économique, mais aussi aux guerres qui se multiplient dans le monde, ainsi qu'à la crise écologique, réside dans l'organisation de la classe ouvrière et des classes populaires par en bas autour d'un programme qui défende l'augmentation des salaires, la fin du génocide en Palestine et des droits pour les minorités de genre et de race opprimées.

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Les Ukrainiennes demandent au gouvernement de démobiliser les soldats épuisés qui combattent depuis près de deux ans

23 janvier 2024, par Alexander Query — , ,
Plus d'une centaine de femmes ont bravé une tempête de neige au début du mois de décembre pour se rassembler sur la place de l'Indépendance, au centre de Kiev, et demander au (…)

Plus d'une centaine de femmes ont bravé une tempête de neige au début du mois de décembre pour se rassembler sur la place de l'Indépendance, au centre de Kiev, et demander au gouvernement de démobiliser les membres de leur famille qui sont sur les lignes de front depuis les premiers jours de l'invasion.

Tiré de Entre les lignes et les mots

Drapées dans des drapeaux ukrainiens, les femmes ont scandé : « C'est leur tour maintenant ». D'autres ont crié : « Les soldats ne sont pas faits de fer ».

De nombreux soldats ukrainiens qui se sont portés volontaires lorsque la Russie a lancé son invasion à grande échelle en février 2022 sont toujours sur la ligne de front, épuisés par près de deux années de combat sans répit.

« Cela fait presque deux ans, et les mêmes personnes sont dans les tranchées », a déclaré Alina, 29 ans, qui a refusé de donner son nom de famille, craignant des réactions négatives pour son mari soldat, au journal Kyiv Independent. « Beaucoup d'entre eux sont déjà morts ».

Les membres des familles demandent continuellement que les soldats soient démobilisés. Mais comme la Russie continue de consacrer d'énormes effectifs à sa guerre contre l'Ukraine, la démobilisation des soldats sans un nouvel effort de mobilisation dans le pays rendrait l'Ukraine extrêmement vulnérable à de nouvelles offensives russes.

Le gouvernement ukrainien débat actuellement des conditions du prochain cycle de mobilisation. Plusieurs versions de la législation sur la mobilisation sont en cours d'examen au parlement.

Le commandant en chef Valerii Zaluzhnyi et le ministre de la défense Rustem Umerov ont rencontré les législateurs ukrainiens pour discuter de la nouvelle législation le 4 janvier.

Les manifestantes savent toutes que l'Ukraine doit mobiliser de nouveaux soldats pour que les membres de leurs familles puissent rentrer chez eux dans un avenir proche. Actuellement, la démobilisation n'est possible qu'en cas de blessure grave, de raisons familiales impératives ou si l'on atteint la limite d'âge pour la mobilisation, actuellement fixée à 60 ans.

« Nous avons besoin d'une démobilisation totale pour ceux qui sont là depuis le premier jour », a déclaré Anastasia Bulba, une jeune femme tenant une photo de son mari, au Kyiv Independent.

Son mari, âgé de 50 ans, a pris les armes au début de l'invasion russe. Il se repose actuellement à l'hôpital de Zaporizhzhia pendant 90 jours pour guérir d'une commotion cérébrale, mais il devra bientôt retourner sur le champ de bataille, dit-elle.

« Lui et ses compagnons d'armes sont épuisés », a déclaré Mme Bulba. « Nous ne pouvons pas drainer la ligne de front, mais des soldats fatigués signifient que le front ne tiendra pas ».

À quelques pas de là, un autre manifestant tenait une pancarte sur laquelle on pouvait lire : « Soldat épuisé = guerre perdue ».

Des soldats épuisés

Le projet de loi présenté par le cabinet des ministres en décembre prévoyait de libérer les conscrits mobilisés après 36 mois de service, à moins qu'ils ne veuillent continuer à servir volontairement.

Les législateurs ont renvoyé le projet de loi au Cabinet pour révision le 11 janvier.

Umerov a déclaré que le ministère de la défense avait préparé une nouvelle version du projet de loi sur la mobilisation et qu'il était prêt à la soumettre à l'approbation du gouvernement. Il n'est pas certain que la limite de 36 mois soit maintenue dans le nouveau projet.

Umerov a déclaré le 11 janvier que la nouvelle version du projet de loi prévoyait « d'établir une durée claire du service militaire » car « chaque soldat en a besoin ».

« Les soldats enrôlés devraient enfin pouvoir rentrer chez eux. C'est juste », a déclaré M. Umerov.

Zaluzhnyi a déclaré lors d'une conférence de presse le 26 décembre que l'armée avait accepté la limite de 36 mois « en espérant qu'il n'y aurait pas d'escalade sur la ligne de front » et qu'il y aurait de nouvelles personnes pour remplacer les conscrits démobilisés.

Mais trois ans, c'est trop long pour les familles des soldats, qui exigent que les soldats soient démobilisés au bout de 18 mois.

« Ils proposent 36 mois, mais ce n'est pas juste pour ceux qui sont sur la ligne de combat », a déclaré Kateryna Tsvighun, 38 ans, au Kyiv Independent. « Ce serait une condamnation à mort pour eux ».

Les soldats volontaires de longue date ont rarement été remplacés en l'espace de deux ans, a déclaré au Kyiv Independent Anzhelika, une autre manifestante qui a également refusé de donner son nom de famille, par crainte de représailles.

Son mari, son frère et son oncle se battent tous. Ils ont rarement l'occasion d'obtenir un congé approprié depuis qu'ils se sont portés volontaires, car il n'y a pas assez de troupes pour tenir la ligne.

« Mon mari a obtenu 30 jours de congés, mais en fin de compte, il n'a eu que 15 jours de congés parce qu'il n'y avait personne pour être là à sa place », a-t-elle déclaré.

Le projet de loi propose également une rotation du personnel militaire sur la ligne de front tous les six mois, mais M. Zaluzhnyi s'est opposé à cette idée, affirmant que la situation sur le front reste imprévisible et qu'une telle rotation nécessiterait de doubler les effectifs.

« Nous ne pouvons pas prédire que ce sera dans six mois, cinq mois ou trois mois. La situation peut être complètement différente », a-t-il déclaré. « Et encore une fois, si les gens proposent une rotation de six mois, ils devraient comprendre que le nombre de troupes devrait être augmenté au moins deux fois ».

Recruter plus de soldats

La vague de mobilisation patriotique des premiers mois de l'invasion s'est essoufflée au point que les bureaux d'enrôlement ont eu du mal à trouver de nouveaux volontaires.

Kateryna Tsvighun a déclaré qu'elle ne soutenait pas la mobilisation forcée, mais que les jeunes et le gouvernement devaient assumer leur part de responsabilité dans la défense du pays.

Selon Zelensky, les forces ukrainiennes ont besoin de 450 000 à 500 000 conscrits supplémentaires.

Le projet de loi soumis au parlement ukrainien le 25 décembre vise à élargir les conditions de conscription, notamment en abaissant la limite d'âge des conscrits de 27 à 25 ans.

Le projet de loi met également fin à l'exclusion du service pour les citoyens souffrant de handicaps mineurs, légalise les avis d'appel sous forme numérique et limite la capacité des réfractaires à effectuer des transactions telles que l'achat ou la vente de biens.

Cependant, le parlement ukrainien n'examinera pas le projet de loi proposé par le gouvernement sur la mobilisation et le service militaire dans sa forme originale, a déclaré le janvier Yevheniia Kravchuk, chef adjoint de la fraction gouvernementale des Serviteurs du peuple.

La commission parlementaire sur les questions de sécurité et de défense souhaitait travailler sur « une option plus accommodante, qui lui permettrait d'être votée au parlement », a déclaré M. Kravchuk à la télévision nationale.

Cependant, le gouvernement doit trouver un moyen d'attirer de nouveaux volontaires sans recourir à une mobilisation forcée qui pourrait envoyer au front des troupes démotivées, comme l'ont déclaré certains soldats ukrainiens inquiets postés près de la ligne de front.

« Si les personnes aptes au combat comme nous s'épuisent, nous ne pourrons être remplacés que par des gens qui ne savent rien », a déclaré Roman, un natif de Kharkiv qui sert depuis 2016, au Kyiv Independent en octobre.

Insoumission/désertion

Pendant ce temps, certains Ukrainiens continuent d'échapper à la mobilisation en payant des pots-de-vin pour ne pas être incorporés. Des certificats médicaux falsifiés peuvent apparemment être achetés pour la modique somme de 3 000 dollars.

En vertu de la loi martiale, les Ukrainiens âgés de 18 à 60 ans, à quelques exceptions près, ne sont pas autorisés à quitter le pays, car ils pourraient être appelés à effectuer leur service militaire.

Environ 650 000 hommes ukrainiens âgés de 18 à 60 ans ont quitté l'Ukraine pour l'Europe depuis le début de l'invasion illégale de l'Ukraine par la Russie en février 2022, a rapporté la BBC Ukraine le 24 novembre, citant Eurostat.

La police nationale a ouvert 9 000 procédures pénales concernant le refus de la mobilisation, dont 2 600 ont fait l'objet d'une procédure judiciaire, a déclaré le ministre de l'intérieur, Ihor Klymenko.

En août, M. Zelensky a démis de leurs fonctions tous les responsables des centres régionaux de recrutement militaire dans le cadre d'un vaste scandale de corruption, promettant des enquêtes criminelles sur les systèmes de profit.

L'État tente de résoudre ces problèmes, a déclaré M. Zaluzhnyi dans un article d'opinion publié dans The Economist, en prenant des mesures telles que des « stages de combat », où le personnel nouvellement mobilisé et formé est placé dans des unités de première ligne expérimentées afin de le préparer.

Les proches des soldats présents sur le Maïdan ont appelé à la rescousse ceux qui ont fui pour éviter les combats.

« Beaucoup y échappent, grâce à des pots-de-vin ou à la corruption », a déclaré Alina, l'une des manifestantes dont le mari est dans l'armée. « Mon fils va à l'école, sur les 24 élèves de la classe, les hommes ne servent que dans deux familles ».

La plupart des manifestantes trouvent injuste d'avoir dû sacrifier leur famille alors que de jeunes couples et des hommes en âge de se battre déambulent dans les rues de Kiev, épargnés par la guerre.

« Je comprends que la vie doit continuer, et je ne souhaite la mort à personne », a déclaré Alina. « Mais il est temps que d'autres s'en chargent, il ne peut s'agir des mêmes hommes pendant tout ce temps ».

Alexander Query, 15 janvier 2024
Alexander Query est journaliste au Kyiv Independent. Il est l'ancien rédacteur en chef du Kyiv Post. Il a travaillé comme correspondant TV et présentateur à UATV en Ukraine, et a obtenu une licence en littérature moderne à La Sorbonne, à Paris.
https://kyivindependent.com/its-their-turn-now-ukrainians-call-on-government-to-demobilize-exhausted-soldiers-fighting-for-nearly-two-years/
Traduit avec DeepL.com (version gratuite)

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Ukraine 2023, le retour des luttes sociales

23 janvier 2024, par Patrick Le Tréhondat — , , ,
2023 a été marqué en Ukraine par le retour de luttes sociales. En dépit de la loi martiale qui interdit tout rassemblement ou manifestation sur la voie publique, les mouvements (…)

2023 a été marqué en Ukraine par le retour de luttes sociales. En dépit de la loi martiale qui interdit tout rassemblement ou manifestation sur la voie publique, les mouvements sociaux se sont réapproprié l'espace publique pour exprimer leurs revendications.

Il est à noter que dès novembre 2022, les étudiants de Lviv de l'Académie de l'imprimerie s'étaient rassemblés sur une place publique avec des pancartes pour protester contre le projet de fermeture de leur université. En décembre, le groupe féministe Bilkis tenait des piquets de protestation trois samedis de suite devant le magasin d'une marque de liqueur dont les bouteilles arboraient des femmes dénudées. Par ailleurs, Bilkis organisait en ce mois de décembre glacial des collages et distribution de tracts dans les rues de la ville.

Pour autant ces expressions ne relèvent pas d'un « défaitisme » (ou comme le disent habilement les médias occidentaux d'une « lassitude de la guerre » tronquant ainsi l'humeur publique). Selon une enquête du département sociologique du Centre Razumkov, réalisée en décembre 2023, 88 % des Ukrainiens croient en la victoire de l'Ukraine, seuls 5% des personnes interrogées en doutent. 70 % des Ukrainiens interrogés par les sociologues considèrent qu'il est important de critiquer d'éventuelles décisions erronées des autorités. Dans le même temps, 25% insistent pour éviter tout conflit politique.

Luttes sociales
Mesurer l'ampleur des luttes sociales dans les entreprises est difficile.

Les deux principales confédérations syndicales, FPU et KVPU communiquent peu sur ce sujet. De plus, outre les conditions de vie en temps de guerre peu propices au militantisme ou à la revendication, le mouvement syndical a été affaibli par l'engagement massif de syndicalistes [1] dans les forces armées dont nombreux sont mort au combat. Cet engagement, avec des conséquences immédiates, pèsera également à long terme sur le mouvement ouvrier ukrainien. Pour autant, la KVPU annonçait en décembre 2023 que le syndicat des mineurs avait obtenu des augmentations de salaire [2] . Toujours en décembre 2023, le tribunal régional de Kryviy Rih a reconnu, suite à un procès intenté par le syndicat des cheminots, illégale la suspension partielle de paiement de salaires par les chemins de fer ukrainiens Ukrzaliznytsya. Cette décision concerne plus de 300 000 travailleurs qui vont désormais toucher l'entièreté de leur salaire [3] . Ces actions en justice sont également engagées par salariés à titre individue, avec ou sans l'appui de syndicats. Les raisons en sont multiples. Licenciement abusif, non-paiement du salaire... Selon Vitalyi Dudin, avocat du droit du travail, 44 % de ces procès se concluent en faveur du salarié [4] .

Signalons enfin la longue lutte des coursiers de Kyiv et Dnipro [5].

Deux secteurs, la santé et les étudiants, où deux syndicats combatifs sont présents, ont vu des luttes importantes se dérouler.

1/ Luttes dans le secteur de la santé

Sous l'effet conjugué de la réforme néo-libérale (entamée avant le 24.2.22) et la guerre, la situation dans les hôpitaux s'est fortement dégradée. Selon un rapport du 10 août 2023 du Centre de santé ukrainien, depuis le début de l'invasion russe à grande échelle, plus de 1 000 attaques contre des infrastructures de santé ont été enregistrées. Le système de santé ukrainien - établissements médicaux et autres infrastructures de santé - a subi environ deux attaques par jour depuis le début de l'invasion à grande échelle de la Russie le 24 février 2022. La contre-réforme du système de santé, sous couvert de décentralisation et d' » optimisation » a confié aux collectivités locales la gestion des hôpitaux, subventionnés selon les actes médicaux déclarés [6]. De plus il est prévu que si la masse salariale dépasse 85%, les salaires peuvent être réduits au minimum unilatéralement [7]. Ajoutons la corruption endémique (achats de médicaments surfacturés, attribution de primes ou de d'augmentation de salaires pharaoniques aux organes de direction). On ne compte plus le nombre d'hôpitaux perquisitionnés par la police. Dans cette situation, il n'est pas rare de voir le personnel médical ne plus toucher son salaire pendant un, deux ou trois mois. Il arrive également qu'il soit brutalement licencié du jour au lendemain suit des fusions-restructurations décidées autoritairement.

Dans cette situation, l'organisation syndicale Sois comme Nina [8] se détache comme une organisation fortement combative. Outre l'important travail de secours humanitaire qu'elle mène à l'instar de l'ensemble du mouvement syndical [9], Sois comme Nina se bat quotidiennement dans les hôpitaux pour faire respecter les droits des travailleurs de la santé [10]. Sois comme Nina dénonce également la division genrée du travail à l'hôpital.

« Les femmes, en particulier les infirmières ukrainiennes, ont une charge de travail excessive. Sur leur lieu de travail, elles sont responsables de la santé des patients, doivent réagir en temps voulu et fournir des soins médicaux rapides. Dans le même temps, la majorité des infirmières ukrainiennes sont privées d'évolution de carrière et ne sont pas incitées à se perfectionner. En plus de son travail, une femme doit élever ses enfants, s'occuper de la santé de sa famille et de ses proches et veiller à la gestion de la maison. C'est pourquoi Sois comme Nina soulève cette question à chaque fois. Nous recherchons une répartition égale des responsabilités dans la société. Sois comme Nina a toujours été soutenue par des organisations féministes telles que l'Atelier féministe et Perspectives des femmes. Nous organisons ensemble des séminaires et des événements publics [11]

explique Oksana Slobodyana, présidente de Sois comme Nina.

Face au fonctionnement actuel des hôpitaux Sois comme Nina affirme un « contre-plan ». « Gérer et contrôler les hôpitaux est possible » considère le syndicat [12]. Face à la crise :

« Le moyen le plus efficace est de créer des syndicats indépendants qui peuvent et pourront comprendre clairement la situation et contrôler tout de l'intérieur. En effet, qui connaît mieux la situation de son hôpital, ses capacités, son administration que les employés eux-mêmes. Ainsi, gérer et contrôler les hôpitaux est possible si nous commençons par élire le directeur par le personnel lui-même. En outre, les membres de la direction doivent être responsables même après leur licenciement, de sorte que le syndicat sera en mesure de contrôler tous les processus [judiciaires]. Enfin, la chose la plus importante est une comptabilité transparente, qui montre clairement combien d'argent a été reçu et à quoi il a été dépensé ».

ajoute Oksana.

Cette revendication de contrôle est également dans d'autres secteurs (voir plus bas paragraphes luttes étudiantes et rassemblements citoyens).

.
À la veille du nouvel An, Sois comme Nina a obtenu une nouvelle victoire. Le personnel soignant de la ville d'Oleksandria, dans l'oblast de Kirovohrad, a réussi à obtenir le paiement de plusieurs mois d'arriérés de salaires. Son montant total s'élevait à environ 4 millions Hryvnias (97 000 euros). Le personnel médical de l'hôpital d'Oleksandria (150 salariés) était confronté à des retards de salaire depuis septembre 2023. En raison d'un financement insuffisant de la part du Service national de santé ukrainien, leur établissement médical avait été liquidé et le personnel transféré dans un autre hôpital. Cependant, le problème de la dette salariale n'avait pas été résolu. « Le mouvement Sois comme Nina joue un rôle important dans la mise en lumière des problèmes du secteur médical. C'est le seul mouvement en Ukraine qui se bat réellement pour les droits des travailleurs de la santé » a souligné une infirmière.

2/ Luttes étudiantes

En février 2023, le paysage syndical étudiant (dominé par deux organisations syndicales « de droite ») a vu l'arrivée d'un nouveau venu : Priama Diia (PD, Action directe) [13]. Cette nouvelle organisation (qui s'inscrivait dans la lignée des Priama Diia qui avaient existé antérieurement) est né de la lutte des étudiants de Lviv contre la fermeture de l'Académie de l'imprimerie [14] de novembre 2022. Depuis le syndicat a remporté plusieurs victoires que lesquels il revenait dans son bilan de l'année 2023

« C'est sur la base d'une crise sociale de grande ampleur que la nouvelle génération du syndicat indépendant Action directe a vu le jour.
• Grâce aux efforts du syndicat, l'étudiante Karina Chmeliuk, qui est aujourd'hui une membre active d'Action directe, a été renvoyée de la Crimée occupée vers les territoires contrôlés par le gouvernement ;
• L'initiative « Students - Academics ! » a été lancée pour attirer l'attention sur le problème des étudiants financés par l'État qui prennent des congés académiques ;
• Les étudiants ont organisé un événement intitulé « Semaine contre le fascisme », au cours duquel nous avons rappelé que l'opposition aux idéologies haineuses est toujours d'actualité,
• Nous nous sommes rassemblés pour des nettoyages afin de montrer que la protection de l'environnement est une question qui devrait préoccuper tous les groupes sociaux, y compris les étudiants ;
• En collaboration avec le conseil des étudiants du département de psychologie de l'université de Karazin, nous avons édité une brochure sur la lutte contre la violence psychologique exercée par les enseignants ;
• Nous avons lancé une action demandant l'occupation de l'ambassade russe vide pour la transformer en un centre de jeunesse accessible au public ;
• Participation aux manifestations contre la saisie du bâtiment du KNUKiT par les pillards, qui se sont soldées par une victoire pour les étudiants ;
• Nous avons contribué à la création du « Comité étudiant du 11 octobre » chargé d'inspecter la réinstallation des fenêtres et des portes à l'université nationale de Lviv, puis nous avons inspecté les abris dans les universités ;
• Nous avons participé à des manifestations contre la chauvine Iryna Farion, exigeant son licenciement de son poste de professeur à l'école polytechnique de Lviv ;
• Nous avons organisé une manifestation à la KIMA contre la décision de l'administration de faire payer les étudiants pour leurs absences. »

Ajoutons que le syndicat connaît un réel développement. Dans plusieurs de ces mobilisations le syndicat a mis en avant le contrôle étudiant [15]. Comme il mentionne plus haut il a contrôlé l'état de nombreux abris dans les universités et publié des comptes rendus publics de ses inspections. Le syndicat explique sa démarche ainsi :

« Dans un contexte de guerre, la question des conditions de sécurité des études dans les établissements d'enseignement et l'hébergement dans les dortoirs pour étudiants se pose avec une acuité particulière. Afin de protéger les étudiants et le personnel des effets dévastateurs de futurs bombardements, le gouvernement a proposé des recommandations sur la manière d'organiser des abris dans les établissements d'enseignement. Cependant, dans quelle mesure les administrations des universités ukrainiennes respectent-elles consciencieusement ces exigences et quel est l'état de nos abris ?

Nous lançons une campagne d'inspection des abris dans les bâtiments scolaires et les dortoirs afin d'attirer l'attention du public sur la situation réelle des mesures de sécurité et de créer un espace pour la lutte en faveur d'abris sûrs et confortables.

Pour ce faire, nous avons créé un canal où nous publierons des informations sur les résultats de l'audit, alors rejoignez-nous

Nous appelons tous ceux qui le souhaitent à participer - écrivez-nous sur l'état des abris dans vos universités/dortoirs en utilisant notre bot - @priama_dia_bot. Si vous êtes prêt à participer à la vérification, écrivez-nous et rejoignez la campagne ! »

Actuellement, le syndicat est engagé dans une campagne contre la fermeture de l'Université nationale de Tauride originellement en Crimée exilée en territoire libre [16] qui enseigne notamment la langue tatare. Cette fermeture s'inscrit dans une vaste de plan qui vise à

Réduire le nombre d'étudiants (aussi réduction en cours des bourses d'études) ;
Livrer à la spéculation leur terrain et bâtiment à la spéculation immobilière

Elle est le fruit d'un audit soutenu par la Banque mondiale effectué avant le 24.2 22. 70 autres universités sont promises à la fermeture

Rassemblements citoyens

L'année 2023 a vu également la multiplication de rassemblements citoyens [17] dans l'espace public des villes d'Odessa à Lviv. On peut y voir toutes les classes d'âge, hommes et femmes (souvent la presse interroge d'ailleurs les « organisatrices » à leur sujet). Des militaires en treillis y participent et s'y expriment librement. Ils rassemblent selon les jours et les endroits entre 30 et 1 000 personnes [18]. Malgré la loi martiale la police [19] laisse faire même lorsque ils se transforment en manifestation dans les rues.

On peut distinguer trois types de rassemblements selon les questions mises en avant.

1/ Pour le retour des prisonniers de guerre.

Les participants ont souvent des membres de leurs familles prisonniers des Russes et exigent que les échanges de prisonniers soient plus importants. Ils demandent à la société ukrainienne de ne pas les oublier. Par exemple le dimanche 14 janviers 2024, à Dnipro, un rassemblement a été organisé en soutien aux prisonniers de guerre. Sur la place Slobozhansk, une centaine de personnes sont sorties avec des affiches appelant au retour de leurs proches de captivité russe. À Kyiv, ils étaient 300 venus rappeler une fois de plus à la société et aux autorités qu'ils attendent depuis près de deux ans le retour de leurs proches de captivité russe et ils étaient 120 à Mykolaïv. Des rassemblements ont eu lieu également à Odessa (30 participants), à Tcherkassy (100), à Potlava (30), à Soumy (20) et à Khmelnytsky (une manifestation dans les rues de 23 femmes).

2. Pour la relève des soldats au front

Ces rassemblements demandent la relève des soldats au front. Exemple toujours le dimanche 14 janvier 2024, Le 14 janvier, à Vinnytsia, des familles de militaires - femmes, mères et enfants - ont participé à un rassemblement dans le centre de la ville. Elles ont exigé que les autorités démobilisent les militaires après 18 mois de service. Une telle action a eu lieu à Vinnytsia pour la cinquième fois depuis le début de l'invasion à grande échelle. Les affiches portées par les participants disaient : « C'est à mon tour de serrer papa dans mes bras tous les jours », « L'Ukraine est un pays de gens libres. Les militaires ne sont-ils pas des gens ? », « 36 mois. Peine de mort pour les militaires », « Laisse papa rentrer à la maison ! C'est l'heure des autres », « Les familles de militaires exigent la démobilisation », etc. Les participantes ont exprimé leurs revendications lors d'une marche à travers la ville et a duré une heure et qui s'est terminée près du bâtiment administratif de la mairie.
Comme pour le retour des prisonniers de guerre, ces rassemblements n'expriment à ce jour pas de revendications précises au gouvernement (par exemple sur la mobilisation) mais témoignent d'une exaspération à l'égard des autorités.

3/ Contestation des budgets municipaux

« Des drones puis des pavés » est le plus souvent le mot d'ordre qui domine ces rassemblements. Ses participants contestent les dépenses faites par les conseils municipaux en faveur de dépenses qu'ils jugent « non essentielles » comme la rénovation d'un stade ou d'un tribunal ou bien encore... le repavement d'avenue Et ce aux dépens des aides qui pourraient être apportées aux forces armées. Les participants sont aussi des membres de familles de soldats au front qui, tant ils sont démunis de produits essentiels à la vie quotidienne mais aussi de drones par exemple, leur demandent de leur apporter leur aide.

Exemple ;

Le 9 septembre 2023, des rassemblements ont eu lieu à Odessa et à Lviv pour exiger que l'argent des contribuables soit dirigé vers les besoins des forces armées plutôt que vers d'autres dépenses engagées par les autorités locales. Environ 60 personnes étaient présentes près de l'immeuble de l'administration militaire régionale de Lviv. « Allouez des fonds à l'armée, pas aux pavés » ont crié les manifestants. Sviatoslav Litynskyi, l'auteur de la pétition sur la limitation des dépenses non essentielles et en faveur du développement de la capacité de défense de l'Ukraine, a déclaré que plus de 25 000 personnes avaient soutenu sa pétition. Un officier grièvement blessé de la 93e brigade mécanisée, Artur Kireev a expliqué sa présence ainsi ! « Je suis venu au rassemblement pour informer nos autorités qu'il faut désormais allouer des fonds à l'armée, et non au pavage des rues, à la construction de nouveaux stades et à autre chose ». Le rassemblement à Lviv a duré une heure.
Le matin du 9 septembre, plus de 1 000 personnes se sont rassemblées à Odessa. Ce rassemblement faisait suite à d'autres moins importants en nombre tenus les semaines précédentes. « Nous exigeons que les impôts soient dépensés pour l'aide aux militaires, pour les garrots, les véhicules d'évacuation. Au lieu de cela, nous voyons des appels d'offres tous les jours : tribunaux, arbres de Noël... » explique Kateryna Nozhevnikova.

À Tcherkassy (200 000 habitants, situé à mi-chemin entre Kyiv et Dnipro), les habitants à force de rassemblements ont obtenu que 500 millions d' Hryvnias soient dédiés au soutien des forces armées. Quelques jours avant ce qu'ils considèrent comme une victoire ne soit obtenue, ils avaient organisé un débat public sur les finances municipales dans un abri d'un centre commercial. « La communauté enverra les propositions élaborées à la réunion au conseil municipal » avait déclaré une des animatrices du débat Viktoriya Feofilova. Et au lendemain de l'annonce du conseil municipal des 500 millions, lors d'un nouveau rassemblement « Maintenant, notre tâche est de surveiller et de contrôler. À partir de janvier, il est nécessaire de surveiller le processus d'allocation des fonds » devait déclarer un manifestant en s'adressant aux 500 personnes présentes le 23 décembre. Anna Malysh a ajouté : « Actuellement, l'objectif intermédiaire a été atteint : nous nous sommes battus pour que le programme de soutien aux forces armées soit inclus dans le budget de la ville. Mais la lutte continue, car il est important de garantir que cette aide soit effectivement fournie. Maintenant, notre tâche est de surveiller et de contrôler ». Une forme de contrôle populaire. Une expérience qui fait tache d'huile puisque dans une localité voisine, Valery Makeev organisateur d'un rassemblement déclarait début janvier 2024 « Il est interdit d'assister à des rassemblements pendant la loi martiale. Mais cela a fonctionné à Tcherkassy, et cela peut fonctionner à Kanev. Parce qu'ici avec notre rassemblement des conseillers de la ville vont sentir qu'il serait préférable qu'ils ne restent pas sur leur position. »

4/ Territoires occupés

Outre les mouvements de résistance, Atesh (guérilla et renseignements militaires), le Ruban jaune (diffusion des couleurs de l'Ukraine dans l'espace public), Mavka (mouvement de femmes, édite un bulletin clandestin, 14 numéros parus), il existe des rassemblements d'Ukrainiens excédés par leurs conditions de vie que leur impose l'occupant russe. Ces rassemblements réunissent moins de 10 personnes, en raison de graves risques qu'il y a à s'opposer aux autorités locales. Cependant, souvent les protestataires se filment et diffusent les vidéos sur les réseaux sociaux où ils (en fait souvent elles) expriment leurs doléances.

Fin 2023, une sociologue de Kharkiv estimait que ces rassemblements se coordonneraient et pourraient devenir une force avec laquelle le gouvernement devrait compter.

La photographie présentée ici est très incomplète. N'y figurent pas les mouvements féministes [20]et , les mouvements LGBT ou les mouvements écologistes, les coopératives etc. Mais cependant elle indique que la société ukrainienne est en train de bouger et de porter ses exigences sociales, dont la satisfaction expliquent certains de ses acteurs est indispensable à la victoire. Il est vrai que libération nationale et libération sociale sont imbriquées dans l'histoire contemporaine de l'Ukraine. La capacité d'auto-organisation dont a fait preuve la société ukrainienne lors des Maïdan mais surtout dans les premiers mois de la guerre a inscrit dans la mémoire collective le chemin possible de la double émancipation qu'il lui fallait emprunter.

19 janvier 2024
Patrick Le Tréhondat


[1] Il est remarquable que des groupes gauchistes français qui appellent de leurs vœux à longueur de colonnes à l' « armement du prolétariat » ignorent cette réalité, préférant pérorer sur la mainmise de puissances impérialistes occidentales sur l'Ukraine et se refusent à toute solidarité avec le mouvement ouvrier ukrainien.

[5] « Vous ne vivez pas dans un pays où l'on peut faire grève », https://laboursolidarity.org/fr/europe/n/2940/vous-ne-vivez-pas-dans-un-pays-ou-l039on-peut-faire-greve

[6] Une maternité a été convaincue d'avoir déclaré de fausses naissances pour augmenter sa subvention.

[7] C'est ce qui est arrivé aux infirmières d'un hôpital dans la région de Lviv qui ont donc demandé « l'ouverture des livres de compte » de l'hôpital pour vérifier si la réduction de leurs salaires était justifiée. Demande refusée, elles ont créé un syndicat affilié à Sois comme Nina.

[8] Sois comme Nina ne se réduit pas à une organisation syndicale classique. Il faudrait prendre le temps et la place ses multiples facettes et expliciter sa stratégie syndicale qui au-delà du simple développement linéaire de l'organisation.

[9] La FPU, par exemple, disposant de nombreuses infrastructures (centre de colonies de vacances etc.) a mis celles-ci à la disposition des réfugiés, ce qui a constitué une aide considérable. « Nous créons des syndicats indépendants dans les hôpitaux »

[10] « Nous créons des syndicats indépendants dans les hôpitaux » https://laboursolidarity.org/fr/europe/n/2623/-nous-creons-des-syndicats-independants-dans-les-hopitaux-

[16] En raison de l'occupation de la Crimée par la Russie en 2014, l'université a réussi à être déplacée vers les territoires contrôlés par l'Ukraine. En 2016, l'université a rouvert ses portes à Kyiv.

[17] La page Facebook du comité français de solidarité avec l'Ukraine se fait l'écho régulièrement de ces rassemblements et en publie les photos https://www.facebook.com/profile.php?id=100087563586225

[18] Notons que les participants prennent des risques en raison de la concentration de portables qu'ils provoquent et n'échappent pas aux radars russes. En Syrie, les Russes ont souvent pilonné des concentrations de portables comme devant une distribution de pain.

[19] Le seul cas de répression que je connaisse est celui d'une jeune manifestante à Lviv qui avait répandu de la peinture à l'eau rouge lors d'un rassemblement. Arrêtée, elle a été relaxée par le tribunal.

[20] Pour découvrir l'un d'entre eux voir Bilkis un groupe féministe ukrainien https://www.syllepse.net/syllepse_images/articles/bilkis-french_compressed.pdf

Appel à soutenir plus que jamais la résistance populaire armée et non armée en Ukraine

23 janvier 2024, par Comité français du Réseau européen de solidarité avec l'Ukraine (RESU) — , ,
En ce second anniversaire de l'invasion impérialiste russe de toute l'Ukraine, dixième anniversaire de la guerre commencée en 2014, le Comité français du Réseau européen de (…)

En ce second anniversaire de l'invasion impérialiste russe de toute l'Ukraine, dixième anniversaire de la guerre commencée en 2014, le Comité français du Réseau européen de solidarité avec l'Ukraine (RESU) appelle plus que jamais à soutenir la résistance populaire armée et non armée en Ukraine.

19 janvier 2024

Nous appelons donc à fournir à l'Ukraine les aides financières – en dons, pas en crédits – pour faire face aux destructions et au froid, autant que nécessaire et sans délais. L'Ukraine doit pouvoir recevoir et produire les armes et munitions qui lui manquent afin de protéger la population et d'empêcher de nouveaux crimes et de conquérir une paix durable, parce que juste !

Les pressions pour un cessez-le-feu et pour le ralentissement voire l'arrêt de l'aide militaire à l'Ukraine, associées de facto à l'idée d'un gel du maintien sous domination russe des territoires annexés, ne conduiraient pas à la paix mais à la poursuite de la guerre et des crimes contre l'humanité.

Il s'agit de la lutte contre l'oppression, la torture, les viols, les déportations de populations, les enlèvements d'enfants, la destruction de la nation ukrainienne et de toute différence envers la « grande Russie » dans les territoires occupés, les destructions d'infrastructures et l'écocide en cours : la voie de la paix passe par la défaite du régime poutinien.

Tel est le message du RESU auprès des mouvements sociaux, de la gauche et des organisations syndicales en France : les armes ne doivent pas être des marchandises, elles ne doivent pas être destinées à des dictatures. Pas plus que les aides financières, elles ne doivent être des moyens de pression politique ou des instruments d'assujetissement économique et d'endettement. Elles doivent être fournies gratuitement à un pays agressé, car elles ont en Ukraine une vraie utilité sociale et démocratique !

Et ne vaudrait-il pas mieux les fournir rapidement à l'Ukraine plutôt que les livrer à des dictatures ou à Israël, qui détruit Gaza ? Pendant ce temps les ventes d'armes de la France explosent.

Notre soutien à l'Ukraine, s'il veut être efficace et internationaliste, doit être donc associé à la revendication d'abrogation de la dette extérieure ukrainienne. Il appuie la volonté de contrôle par la population de l'utilisation des aides et il apporte son plein soutien aux soldat•es, à la société civile ukrainienne, aux femmes, aux jeunes mobilisé•es dans des rassemblements, manifestations, actions diverses dans tout le pays pour que les moyens du combat ne soient pas détournés par la corruption. Nous soutenons toutes celles et tous ceux qui luttent pour les droits sociaux, contre la destruction du droit du travail et du droit syndical, des attaques qui vont à l'encontre des besoins de la mobilisation contre l'invasion.

Notre soutien vise la défaite et le renversement du régime poutinien et va aux combattant•es antiguerre en Russie et auBélarus, ainsi qu'à l'exigence de libération de tous les prisonnier•ères politiques dans ces pays

C'est par la résistance populaire que l'invasion a été stoppée en février-mars 2022. C'est par la résistance populaire et un véritable soutien internationaliste que la victoire reste possible, seule voie vers la paix en Europe et l'émancipation de tous les peuples opprimés dans le monde.

« Le danger fasciste est réel » – la France et au-delà

23 janvier 2024, par Mathieu Dejean, Olivier Besancenot — , ,
Lucide sur l'avancée de l'extrême droite, l'ancien candidat d'extrême gauche à la présidentielle appelle à refuser la « dictature du fait accompli » : à condition d'éviter le (…)

Lucide sur l'avancée de l'extrême droite, l'ancien candidat d'extrême gauche à la présidentielle appelle à refuser la « dictature du fait accompli » : à condition d'éviter le sectarisme, le camp de l'émancipation peut se ressaisir.

Tiré d'Europe Solidaire Sans Frontières
11 janvier 2024

Par Olivier Besancenot et Mathieu Dejean

Mobilisation contre la loi immigration, divisions à gauche, monde en bascule avec l'ascension des discours et des forces d'extrême droite en Europe... L'ancien candidat à la présidentielle de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) en 2002 et 2007 (il avait obtenu respectivement 4,25 % et 4,08 % des suffrages exprimés), désormais simple militant au Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), qui a récemment proposé à La France insoumise (LFI) de faire liste commune aux élections européennes de 2024, porte un regard inquiet sur la situation en France et dans le monde.

Sans céder aux « fatalistes de l'Histoire » qui veulent imposer le récit d'une victoire inexorable de Marine Le Pen en 2027, il alerte sur ce « danger réel » et invite toutes les forces de gauche à reprendre le flambeau de l'antifascisme « au-delà de la seule question électorale ».

Mediapart : La loi immigration est passée fin décembre avec les voix du RN. Même si le Conseil constitutionnel censure certains de ses articles, considérez-vous qu'on est passé à une nouvelle étape dans l'évolution du macronisme ?

Olivier Besancenot : Cette loi marque un saut majeur dans l'extrême droitisation de la classe politique, c'est évident. Son élaboration témoigne de l'influence du Rassemblement national, qui est devenu une boîte à idées du pouvoir en place. Cela crédibilise un peu plus la thèse de l'accession possible du RN au pouvoir, même si l'extrême droite n'y est pas encore.

Sur la loi immigration, la bataille n'est pas terminée. Après la manifestation du 14 janvier, il y aura celle du 21 janvier. Nous allons unifier un maximum de forces et faire entendre la voix de toutes celles et tous ceux qui y sont opposés. Les macronistes traîneront cette loi comme un boulet, y compris lors d'échéances symboliques comme l'entrée de Manouchian au Panthéon. Car faire entrer au Panthéon l'un des responsables des Francs-tireurs et partisans – Main-d'œuvre immigrée (FTP-MOI) et faire voter cette loi, ce n'est pas du « en même temps » mais une contradiction politique scandaleuse et moralement révoltante.

Les nombreux coups portés par le camp présidentiel sur la question sociale, dans une ambiance internationale sombre, pourraient susciter davantage d'abattement que de révolte. Comment percevez-vous le climat du pays ?

Un récit nous est imposé sur le thème de l'inexorable ascension du RN au sommet de l'État. Je suis plutôt du côté du révolutionnaire Auguste Blanqui, qui pourfendait les fatalistes de l'Histoire. La responsabilité première à gauche, quelle que soit sa sensibilité, est de refuser cette dictature du fait accompli et de faire en sorte que ce récit soit démenti par les faits. Je suis conscient de l'évolution du rapport de force, et je sais qu'on ne l'inversera ni par des postures ni par de la gonflette, mais l'Histoire n'est pas une construction linéaire, elle est faite de bifurcations.

Il faut rassembler les forces sur des batailles essentielles, dont la lutte contre l'extrême droite et ses idées. S'il existe un drapeau qui permet de rassembler toute la gauche sociale et politique anticapitaliste, c'est le drapeau commun de l'antifascisme. Un tournant mondial nauséabond s'opère, auquel il faut opposer un large front d'actions et de résistance à l'air du temps.

À quoi attribuer ce tournant qu'on constate en Europe, mais aussi en Amérique latine avec Javier Milei en Argentine, ou en Israël avec Nétanyahou ?

Ce qui se passe en Israël, ce qui se passe en Europe et ce qui se passe en Amérique latine, au-delà des singularités propres à chaque situation, témoigne de la fin d'un cycle. Celui de la mondialisation libérale telle que nous l'avons connue depuis quarante ans, et cela renvoie aux contradictions profondes et inhérentes au système capitaliste.

Comme toujours, une fin de cycle n'est pas synonyme de retour à la situation antérieure : c'est une situation nouvelle qui s'ouvre, marquée par des intérêts nationaux aiguisés, des compétitions interimpérialistes et des guerres locales de très haute intensité qui mettent en péril le reste du monde à chaque instant. C'est comme si le monde avait perdu le contrôle de sa propre marche, comme un train fou qui roulerait à vive allure vers un précipice. La catastrophe écologique et climatique ou même la récente crise liée au narcotrafic en Équateur vont dans ce sens.

Nous ne vivons pas une redite des années 30, car ce n'est pas tant le “péril rouge” qui inquiète la classe dominante que le désordre globalisé qui menace ses affaires. Mais le danger fasciste est réel.

Politiquement, cela produit des courants d'extrême droite, néofascistes ou fascistes – l'heure n'est plus aux colloques sur leur dénomination. Marx comparait la révolution à un train qui tire l'humanité vers l'avant. Walter Benjamin, lui, tout en faisant sienne la rhétorique marxienne, comparait la nécessité révolutionnaire au signal d'alarme de ce train que l'humanité devait tirer au plus vite et en conscience, avant qu'il ne s'écrase. La tâche du mouvement d'émancipation tient aujourd'hui précisément à cela : tirer ce signal d'arrêt d'urgence !

L'extrême droite a fortement progressé tant électoralement que sur le plan culturel depuis 2002, où l'extrême gauche représentait un débouché politique important – avec Arlette Laguiller de Lutte ouvrière, vos deux candidatures cumulaient 10 % des suffrages exprimés à la présidentielle. Comment expliquer cette extrême droitisation, et le fait que la gauche de rupture soit moins identifiée comme un débouché politique aujourd'hui ?

D'abord, il y a eu des défaites sociales sur le terrain de la lutte de classes, dont très récemment celle sur la bataille des retraites. Dans ces circonstances, l'idée que la solidarité paye est plus compliquée à démontrer. Les discours émancipateurs ne sont jamais aussi forts que lorsqu'ils sont portés par des périodes de victoires par l'action. Or, compte tenu de la crise globale que nous traversons, les luttes ne sont pas derrière nous. Tout reste ouvert.

Mais il y a aussi des tendances de fond, notamment une aspiration à l'ordre que les discours simplistes remplissent facilement de haine. Hannah Arendt l'a analysé à maintes reprises : il existe une base sociale au mouvement totalitaire, qui ne s'explique pas seulement par le haut et le jeu des classes dominantes. Elle évoque un terreau : un phénomène de « désolation », sorte de stade suprême de l'individualisation et de la fragmentation des relations sociales. Face à cela, tout projet émancipateur doit partir de cette terrible réalité pour espérer être en phase.

Dans ce contexte, nous sommes obligés de tirer les bilans de notre propre histoire, même si celle-ci ne se répète jamais à l'identique. Nous ne vivons pas une redite des années 30, car ce n'est pas tant le « péril rouge » qui inquiète la classe dominante que le désordre globalisé qui menace ses affaires à terme. Mais le danger fasciste est réel du point du vue du racisme anti-immigrés et des attaques antidémocratiques. Les erreurs tragiques du mouvement ouvrier propres aux années 30, elles, menacent de se reproduire à l'identique : le sectarisme, la fragmentation, l'aveuglement.

C'est cette analyse qui a conduit le NPA à proposer une campagne commune avec LFI aux européennes de 2024 ?

Je ne suis plus à la direction du NPA, mais j'accompagne cette démarche qui consiste en effet à interpeller les forces de la gauche de rupture. Cela étant, au-delà de la seule question électorale, il y a une nécessité de dépassement et de rassemblement des forces sociales et politiques anticapitalistes, tout en plaçant au centre le front unique contre la droite et l'extrême droite. Une unité sur une démarche d'actions concrètes qui puisse alimenter le retour nécessaire des questions stratégiques pour incarner une alternative de masse – ce que nous n'avons pas réussi jusqu'ici.

L'extrême droite mène à sa façon une bataille pour l'hégémonie culturelle de manière décomplexée depuis trente ans ! À nous de mener la nôtre. Pour l'heure, nous traversons un énorme trou d'air idéologique où les gauches en France semblent perdre leurs boussoles, au point de devenir parfois méconnaissables...

Méconnaissables en termes de faiblesse politique ou en termes de ligne ?

En termes de ligne politique. Pendant longtemps, la lutte contre le racisme, sous toutes ses formes, était un repère politique structurant à gauche. De l'affaire Dreyfus aux générations qui ont écrit les pages de la Résistance et du mouvement ouvrier, sans oublier la marche pour l'égalité des années 80. Ce combat inclut autant la lutte contre l'antisémitisme, l'islamophobie que la négrophobie. Cette boussole à gauche est fondamentale, au même titre que l'a toujours été la lutte anticoloniale – je pense au Vietnam ou à l'Algérie, par exemple.

Or, depuis le 7 octobre dernier, les gauches paraissent perdre le nord, comme si les aiguilles s'affolaient au point de renoncer à l'une ou l'autre de leurs valeurs. Idem sur l'internationalisme, victime du triste retour du « campisme » qui voudrait transformer en loi la maxime qui prétend que « l'ennemi de mon ennemi est forcément mon ami ». C'est la même cohérence qui nous pousse, au NPA, à affirmer notre solidarité pour les résistances à la fois palestinienne, kurde ou ukrainienne, par exemple.

La gauche a en effet été accusée d'antisémitisme, de complicité avec le Hamas dans cette période, et le NPA n'y a pas échappé. Y a-t-il eu des maladresses, quand vous relisez les événements depuis le 7 octobre ? Avez-vous réussi à tenir tous les bouts ?

J'appartiens à un courant politique, la IVe Internationale, où des camarades ont été porteurs de valises pour le FLN, remplies d'argent ou d'armes. C'était notre contribution à la lutte d'indépendance algérienne. Pour ma part, j'en tire une grande fierté. Cela ne nous empêchait pas à l'époque de formuler nos désaccords, voire des critiques sur certaines modalités d'action. Nous étions par exemple opposés aux attentats aveugles contre les civils. Des questions morales d'autant plus importantes qu'une des conditions pour qu'une lutte de libération nationale l'emporte, c'est que la société coloniale elle-même se fracture.

L'accusation d'apologie du terrorisme qui nous est faite est une insulte à notre histoire.

En outre, le Hamas n'est pas le FLN. Nous sommes pour le droit à l'autodétermination du peuple palestinien, parce que nous sommes pour son droit à l'émancipation. Or le projet du Hamas est à l'opposé, point par point, d'un projet d'émancipation. Pour nous, les massacres contre les civils, les corps souillés ou les viols ne seront jamais des actes de résistance mais des actes de barbarie. Je les ai toujours dénoncés. Le 7 octobre 2023 n'échappe pas à la règle.

Du reste, l'accusation d'apologie du terrorisme qui nous est faite est une insulte à notre histoire. Ici comme ailleurs, je ne ferai jamais mienne la devise qui affirme que « la fin justifie les moyens ». Les contre-révolutions bureaucratiques du XXe siècle sont toutes nées en ânonnant joyeusement ce genre de slogan. Et précisément parce que, dans chaque situation, nous plaçons la vie humaine au-dessus de toute chose, les silences politiques assourdissants sur le massacre qui se déroule à Gaza me glacent le sang.

Il y a un côté orwellien dans la situation actuelle, quand on écoute les mots qui sont utilisés. Ce n'est pas d'une guerre d'occupation coloniale qu'il serait question mais d'une « opération militaire pour éradiquer le terrorisme », donc d'une opération de paix – on n'est pas loin de « la guerre, c'est la paix » dans le roman d'Orwell. On peut multiplier les exemples : on criminalise le simple fait de participer, comme je l'ai fait, à des manifestations de solidarité avec le peuple palestinien pour réclamer le cessez-le-feu. Brandir le drapeau palestinien serait désormais considéré comme un signe antisémite ! C'est du délire.

Un porte-parole de l'armée israélienne a promis des combats à Gaza « tout au long de cette année 2024 ». On ne peut pas dire qu'en France la mobilisation pour la solidarité soit aussi massive que dans d'autres pays. Comment peser pour que cessent les massacres ?

Une responsabilité considérable pèse sur nous pour que la solidarité s'organise ici, dans les pays les plus riches. La mobilisation qui se déroule aux États-Unis − notamment les manifestations juives qui proclament « Pas en notre nom ! » − est extrêmement importante de ce point de vue. Ces luttes exercent une pression au cœur même de la puissance protectrice de l'État colonialiste israélien.

Pour qu'une solution politique binationale voie le jour là-bas, avec égalité des droits pour tous et toutes – deux États, un État, un système fédéral… –, il faut, en complément de la lutte palestinienne, que la solidarité s'organise dans nos pays pour imposer à nos gouvernants de retirer à Israël tout appui logistique, économique et militaire, et mettre fin à l'horreur à laquelle nous assistons chaque jour, impuissants.

On a besoin d'un sursaut de conscience politique et que la gauche sorte de sa léthargie. Malheureusement, la gauche française paraît trop souvent prisonnière des règles de la Ve République. Une campagne présidentielle se termine, et les futurs candidats à la prochaine se profilent d'emblée. Trop de remplaçants sur le banc, qui ne pensent qu'au brassard de capitaine et plus vraiment à l'équipe. Au foot, ça finit toujours mal. Jouer collectif, c'est taper ensemble sur les mêmes clous, même lorsque nous marchons séparément, pour reprendre la vieille formule !

Le pire des risques pour la gauche aujourd'hui, c'est donc le sectarisme ?

Il ne faut céder ni au sectarisme ni à l'opportunisme. Affirmer sa solidarité avec le peuple palestinien est un minimum, quelle que soit notre obédience, et quelles que soient les pressions exercées par le courant dominant. Nous avons, par exemple, des désaccords politiques connus avec LFI, mais la diabolisation et la cornérisation dont cette organisation fait l'objet devraient tous nous alerter.

De même, lorsque le NPA a été convoqué par la police judiciaire et entendu dans le cadre d'une enquête préliminaire pour « apologie du terrorisme », les soutiens ont été discrets. La gauche peut s'en laver les mains, ou se les frotter, sur le thème « ils l'ont bien cherché », mais si par malheur le cours politique dominant réussissait à nous mettre au ban, c'est tout le mouvement ouvrier et syndical qui pourrait être emporté par la suite. Et même une partie de la macronie – souvenez-vous de cette scène où le député RN Laurent Jacobelli traite de « racaille » le député de la majorité Belkhir Belhaddad…

Loin des écuries présidentielles, il existe pourtant un renouvellement dans les combats de l'heure, marqués par une nouvelle génération qui s'est exprimée dans les luttes ouvrières, dans le syndicalisme, sur le terrain de l'écologie avec les Soulèvements de la Terre, dans les luttes LGBT… Les potentialités et les ressources existent. Mais en se privant sciemment d'horizons et d'espérances politiques, au nom des petits calculs électoralistes de la Ve République, la gauche continuera à creuser sa propre tombe avec enthousiasme.

J'espère que la bataille sur la loi immigration nous servira d'électrochoc. Et que le danger fasciste nous poussera à nouveau à nous serrer les coudes. Être révolutionnaire, répétait Alain Krivine, c'est aussi résister au fait de devenir cynique ou blasé. Nous sommes nombreuses et nombreux à avoir un rôle à jouer pour qu'un courant anticapitaliste unitaire, large, fasse entendre sa voix.

Mathieu Dejean

Boîte noire

Cet entretien a été réalisé le 11 janvier 2024 à Paris. Olivier Besancenot l'a relu et légèrement modifié avant sa publication.

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France - Un gouvernement toujours plus homophobe et transphobe

23 janvier 2024, par Sally Brina — , ,
Quand Gabriel Attal a été nommé, nous avons entendu nombre de commentateurs s'extasier devant son âge, son côté « surdoué », mais aussi et surtout sur le fait qu'il était le (…)

Quand Gabriel Attal a été nommé, nous avons entendu nombre de commentateurs s'extasier devant son âge, son côté « surdoué », mais aussi et surtout sur le fait qu'il était le premier Premier ministre ouvertement gay. À les entendre, le combat pour l'égalité arrivait à son aboutissement et on allait avoir droit au gouvernement le plus queer depuis Jésus-Christ.

Hebdo L'Anticapitaliste - 691 (18/01/2024)

Par Sally Brina

Crédit Photo
Photothèque Rouge/Martin Noda/Hans Lucas

Pourtant l'écran de fumée dissipé, que constate-t-on ? L'enquête administrative après le suicide du jeune Lucas, victime d'homophobie, n'a jamais été lancée par Attal quand il était au ministère de l'Éducation.

De nouvelles amies réacs pour Darmanin, Béchu et Lecornu

On constate également que si les affreux de La Manif Pour Tous comme Darmanin, Lecornu ou Béchu sont toujours en place, ils sont rejoints par de nouvelles amies. Rachida Dati, ministre de la Culture, ancienne ministre de Sarkozy, s'était abstenue au Parlement européen en 2018 au moment du vote sur l'interdiction des thérapies de conversion. Elle s'était également opposée en 2019 à la PMA pour touTEs. Catherine Vautrin, ancienne de la Manif pour tous, se retrouve à la tête d'un grand ministère regroupant le Travail et la Santé. Quand on connaît les difficultés d'accès des personnes LGBTI au marché de l'emploi, les discriminations rencontrées au travail, ainsi que les besoins spécifiques en matière de santé, on ne peut que s'inquiéter pour la suite.

La palme revient à Aurore Bergé mutée comme ministre déléguée chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Anciennement opposée au mariage pour touTEs et à l'adoption par les couples homoparentaux, militante pseudo-laïque mais réellement islamophobe, elle s'est aussi révélée ces dernières années être une transphobe fanatisée. Elle a ainsi reçu en grande pompe à l'Assemblée nationale Marguerite Stern et Dora Moutot, militantes anti-trans (1) françaises les plus connues, et a justifié leur invitation par un combat contre « l'invisibilisation des femmes » (sic). En 2022, lors du vote de la proposition de loi de constitutionnalisation du droit à l'IVG, elle rédige et fait adopter un amendement pour exclure les hommes trans du droit à l'avortement.

De nouvelles recommandations de santé pour les parcours de transition

Plusieurs enjeux liés aux personnes trans sont susceptibles de faire l'actualité ces prochaines semaines et prochains mois. Tout d'abord, la Haute Autorité de santé a mis en place un groupe de travail pour formuler des nouvelles recommandations pour les parcours de santé et de transition, remplaçant les anciennes largement obsolètes et inadaptées. Ce groupe de travail est attaqué par les droites et les extrêmes droites, par tous les cathos réacs, car il inclut des personnes trans, part de leurs besoins et revendications et s'appuie sur le consensus scientifique. Les transphobes sont ainsi vent debout contre toute simplification des parcours de transition, car ils sont contre toutes les transitions.

Une proposition de loi pour des thérapies de conversion

Ensuite, le groupe de travail des sénateurs LR consacré à « la transidentification des mineurs » (re-sic) devrait probablement proposer une loi. Ce groupe de travail était animé par les psychanalystes homophobes et transphobes Céline Masson et Caroline Eliacheff, fondatrices de l'Observatoire de la Petite Sirène (2) à l'origine des paniques morales contre l'éducation sexuelle ayant abouti à l'incendie de plusieurs écoles en Belgique (3). On peut se douter du contenu de cette loi : interdire les transitions des mineurEs au profit de thérapies de conversion, illégales, renommées de façon plus neutre sous le terme de « thérapies exploratoires » et consistant à reporter indéfiniment tout accès à la transition, même simplement sociale, en faisant subir des séances chez le psy jusqu'à ce que la personne annonce « ne plus être trans » ou « ne plus vouloir transitionner ». Il va de soi que ces thérapies détruisent la santé mentale des personnes, là où le consensus scientifique international reconnaît que les transitions l'améliorent durablement.

Vite, former et informer pour contrer les discours transphobes

Avec Aurore Bergé comme ministre déléguée chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, et un gouvernement qui penche toujours plus à droite, il est à craindre que cette offensive antitrans soit relayée par le gouvernement lui-même, à l'image de ce qui se passe au Royaume-Uni. L'année 2024 pourrait un point de bascule : notre pays pourrait suivre l'exemple des États-Unis ou du Royaume-Uni, et les discours transphobes y envahir quotidiennement le champ politique, médiatique, institutionnel.

Pour y faire face, il est plus que nécessaire de construire l'unité de tout le mouvement social, féministe, du mouvement ouvrier, en soutien aux revendications des personnes trans contre les attaques réactionnaires. Partout, il va nous falloir former et informer sur les thématiques trans, afin que les discours transphobes ne prennent pas dans notre camp social et nos organisations. Que ce soit pour la Grève féministe du 8 Mars, les Pride, ou l'ExistransInter à l'automne, il y a urgence à construire un mouvement d'ensemble !

Notes

1. Qui vont sortir un livre dans la maison d'édition d'extrême-droite Magnus, aux côtés de Marsault, Papacito, et Laurent Obertone.
2. http://petitesirene.org/
3. https://www.rtbf.be/arti…

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En Allemagne, des manifestations contre l’extrême droite d’une ampleur historique

23 janvier 2024, par Huffington Post — , ,
Des dizaines de milliers de personnes ont à nouveau défiler ce dimanche dans les rues du pays, pour protester contre l'AfD, parti d'extrême droite à l'idéologie radicale. (…)

Des dizaines de milliers de personnes ont à nouveau défiler ce dimanche dans les rues du pays, pour protester contre l'AfD, parti d'extrême droite à l'idéologie radicale.

Tiré de Europe Solidaire Sans Frontières
21 janvier 2024

Par Huffington Post

ALLEMAGNE - Un succès un peu trop important. La manifestation contre l'extrême droite organisée à Munich ce dimanche 21 janvier a été interrompue en raison de la trop forte affluence dans les rues de la capitale bavaroise.

Les organisateurs ont déclaré que 50 000 personnes s'étaient déplacées, soit deux fois plus que le nombre d'inscrits. D'autres estimations font état d'un chiffre plus élevé, jusqu'à 200 000 personnes. La police a pour sa part estimé la foule à 100 000 personnes, selon le quotidien Sueddeutsche Zeitung.

Comme à Munich, des dizaines de milliers de personnes étaient à nouveau dans les rues, ce dimanche en Allemagne, contre l'AfD, parti d'extrême droite à l'idéologie radicale qui suscite depuis une semaine une mobilisation d'une rare ampleur dans le pays.

Des rassemblements avaient été annoncés dans une quarantaine de villes (Berlin, Bonn, Cologne...) mais aussi dans des localités de taille beaucoup plus modeste. À Cologne, les organisateurs ont estimé la foule à 70 000 personnes ce dimanche, tandis qu'à Brême, la police locale a dénombré 45 000 manifestants dans le centre. À Dresde, capitale du Land de Saxe, un bastion du parti anti-migrants et anti-système Alternative pour l'Allemagne (AfD), une manifestation était ainsi aussi prévue.

Plus de 100 000 personnes étaient déjà descendues dans les rues samedi dans des dizaines de villes, la chaîne de télévision publique ARD avançant même le chiffre de 250 000 manifestants à travers le pays.

Le choc après une réunion d'extrémistes à Potsdam

Une mobilisation qui témoigne du choc provoqué par la révélation le 10 janvier par le média d'investigation allemand Correctiv d'une réunion d'extrémistes à Potsdam, près de Berlin, où, en novembre, un projet d'expulsion massive de personnes étrangères ou d'origine étrangère a été discuté.

La ministre de l'Intérieur Nancy Faeser est allée jusqu'à estimer dans la presse que cette réunion rappelait « l'horrible conférence de Wannsee », où les nazis planifièrent en 1942 l'extermination des Juifs européens.

Parmi les participants se trouvaient une figure de la mouvance identitaire radicale, l'Autrichien Martin Sellner, et des membres de l'AfD. Martin Sellner y a présenté un projet pour renvoyer vers l'Afrique du Nord jusqu'à deux millions de personnes − demandeurs d'asile, étrangers et citoyens allemands qui ne seraient pas assimilés −, affirme Correctiv.

Cette révélation a secoué l'Allemagne alors que l'AfD ne cesse de progresser dans les sondages, à quelques mois de trois importantes élections régionales dans l'est du pays où les intentions de vote pour le parti d'extrême droite sont encore plus élevées que dans le reste du pays.

Le HuffPost avec AFP

P.-S.

• Le HuffPost. 21/01/2024 17:23 Actualisé le 21/01/2024 17:25 :
https://www.huffingtonpost.fr/international/video/en-allemagne-des-manifestations-contre-l-extreme-droite-d-une-ampleur-historique_228668.html

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Iran : Mobilisations et grève des salarié.es du Groupe National de l’Aciérie d’Ahwaz

23 janvier 2024, par Syndicat des travailleurs et des travailleuses de la compagnie de bus de Téhéran et sa banlieue — , ,
Le quatrième jour de mobilisation et grève des sidérurgistes du Groupe National de l'Aciérie d'Ahwaz s'est poursuivi avec des slogans tels que « Nous sommes prêt.es à mourir, (…)

Le quatrième jour de mobilisation et grève des sidérurgistes du Groupe National de l'Aciérie d'Ahwaz s'est poursuivi avec des slogans tels que « Nous sommes prêt.es à mourir, plutôt que d'être humilié.es » « les menaces et et la prison, ne nous ferons pas plier ».

Tiré d'Iran-echo.

Selon les rapports du Syndicat des salarié.es du Groupe National de l'Aciérie d'Ahwaz, leurs revendications comprennent :

La levée de l'interdiction d'entrer dans l'entreprise pour les travailleurs/euses suspendu.es et la réintégration des travailleurs/euses précédemment licencié.es ;

L'alignement des salaires sur ceux des autres entreprises sidérurgiques, dont l'aciérie d'Oxin ;

La mise en œuvre complète et immédiate du plan de classification des emplois ;

Un contrat de travail sans paragraphes laissés en blanc pour tous les travailleurs/euses de la filiale Shafaq ;

Le licenciement du PDG corrompu, l'appropriation et l'autogestion de l'entreprise par les travailleurs/euses ;

Les obstacles et les défis auxquels sont confronté.es les grévistes du Groupe National de l'Aciérie d'Ahwaz sont innombrables : menaces, intimidations, présence de vigiles et de membres des services sécuritaires interdisant la présence dans l'entreprise d'environ 40 travailleurs/euses protestataires, suspension et licenciement de travailleurs/euses protestataires, direction d'entreprise incompétente et corrompue menant une politique anti-ouvrière, rôle destructeur de la Banque Nationale, etc. Mais l'unité des travailleurs/euses, leur détermination et leurs organisations indépendantes traceront le chemin pour obtenir la satisfaction de ces revendications.

Nous saluons les grévistes du Groupe National de l'Aciérie d'Ahwaz.

Le chemin des travailleurs/euses vers la victoire passe par leur unité, ainsi que l'existence d'organisations ouvrières indépendantes du patronat, de l'Etat et de toutes les institutions liées aux forces de sécurité et de renseignement, tels le Conseil islamique du travail et la « Maison des travailleurs ».

26 décembre 2023

Syndicat des travailleurs/euses de la compagnie de bus de Téhéran et sa banlieue

Frappes américano-britanniques contre les Houthis : Premier acte d’une escalade régionale ?

23 janvier 2024, par Mourad Slimani, El Watan — , ,
Le conflit au Moyen-Orient prend une nouvelle dimension avec les frappes américano-britanniques menées contre des cibles houthies au Yémen, dans la nuit de jeudi à hier. (…)

Le conflit au Moyen-Orient prend une nouvelle dimension avec les frappes américano-britanniques menées contre des cibles houthies au Yémen, dans la nuit de jeudi à hier. Jusqu'ici, les Etats-Unis et leurs proches alliés, engagés solidairement dans un soutien inconditionnel à Israël dans sa guerre contre la Bande de Ghaza, avaient tout entrepris pour éviter un tel scénario, mais il est évident que la détermination des Houthis, jouissant de l'appui de Téhéran, a compté dans l'équation, brouillé les calculs de l'engagement occidental dans la région et eu raison de la réserve stratégique de Washington et son escorte de partenaires.

Tiré de Algeria-watch.org
17 janvier 2024

Par Mourad Slimani, El Watan

Des sites militaires dans des villes contrôlées par le mouvement Ansar Allah, nom officiel de l'organisation politique des Houthis, et identifiés comme étant les plateformes de lancement des attaques contre des objectifs maritimes en mer Rouge, ont été pris pour cibles par des avions de combat britanniques et des tirs de missiles américains, notamment dans la capitale Sanaa et les gouvernorats d'Al Hodeïda, Taïz, Hajjah et Saada.

Le porte-parole militaire du mouvement yéménite évoque un ensemble de 73 raids ayant fait 5 morts parmi les troupes houthies. « Notre pays fait face à une attaque massive par des navires américains et britanniques, des sous-marins et des avions », a réagi le vice-ministre des Affaires étrangères de l'organisation yéménite, Hussein Al Ezzi. Prenant le relais du chef du mouvement, Abdel Malek El Houthi, qui, jeudi dernier, avait menacé par anticipation de « riposte importante » toute attaque américaine, le ministre ajoute que « les Etats-Unis et la Grande-Bretagne doivent se préparer à payer un prix fort et supporter les lourdes conséquences de cette agression ».

Pour leur part, les coalisés avec Washington (Australie, Bahreïn, Canada, Danemark, Allemagne, Pays-Bas, Nouvelle-Zélande, Corée du Sud, Royaume-Uni) ont tenu à préciser, dans une déclaration commune, que les attaques se présentaient comme un mal nécessaire, se contentaient d'être défensives et visaient une désescalade de la tension dans la région.

Dans la foulée, Joe Biden, le président américain, a salué le « succès » de l'opération, insistant sur le fait que la riposte intervenait après des mises en garde adressées régulièrement au mouvement houthi et que le seul but de la réaction des coalisés restait la protection du commerce international. « Ces frappes ciblées sont un message clair que les Etats-Unis et nos partenaires ne toléreront pas les attaques sur nos troupes (et) ne permettront pas à des acteurs hostiles de mettre en danger la liberté de navigation », a menacé Joe Biden sur un ton qui tranche avec une certaine retenue observée jusqu'ici et soulignant le caractère délicat des opérations et leur timing problématique.
Le piège Bab el Mandeb

Ne voulant pas compromettre un processus de négociation de paix entre son allié l'Arabie Saoudite et le mouvement rebelle houthi, après des années de guerre sanglante, Washington a plutôt misé sur la dissuasion pour contenir le foyer yéménite. Mais la plus grande hantise consiste en une extension régionale du conflit au-delà du contexte palestinien, que signerait symboliquement et militairement une intervention US en terre yéménite.

La Maison-Blanche déploie en effet un effort diplomatique appuyé pour éviter un débordement du conflit et une implication militaire de mouvements soutenant la résistance du Hamas à Ghaza (Hezbollah au Sud Liban et mouvement Ansar Allah au Yémen, notamment) et pouvant compter sur l'appui de l'Iran. Ce fut au demeurant l'objet principal de la mission diplomatique du secrétaire d'Etat américain la semaine dernière dans la région.
La mise en place d'une coalition internationale, il y a un mois sous impulsion US, pour sécuriser les passages au détroit de Bab El Mandeb, n'a finalement pas eu l'effet dissuasif escompté sur l'audace guerrière houthie. Bien au contraire, la constance des attaques observée depuis près de deux mois, malgré les avertissements occidentaux et onusiens, s'est muée en une recrudescence.

La semaine dernière, un palier supérieur dans les attaques ciblant les navires suspectés de liens avec l'économie israélienne a été enclenché : alors que 18 drones et 3 missiles, lancés à partir des bases yéménites, ont été interceptés par l'armada américano-britannique stationnée dans les eaux de la région, jeudi un missile antinavire portant le sceau houthi a été par ailleurs abattu par le bouclier des coalisés. La nuit de la même journée, Rishi Sunak, le Premier ministre britannique, a réuni d'urgence son gouvernement pour avaliser une participation militaire de son pays aux frappes américaines contre Ansar Allah.
Inquiétudes et condamnations à l'international

Les réactions dans le monde ont suivi les contours qui marquent les degrés et la nature des implications dans la guerre contre Ghaza. Les alliés occidentaux d'Israël ont globalement salué les frappes, l'Union européenne a même choisi le contexte pour annoncer la tenue, à partir de la semaine prochaine, de discussions au niveau de ses instances autour de l'objectif de mettre en place une force navale européenne pour la sécurisation des voix maritimes en appui à la coalition militaire qui vient de frapper au Yémen.

Les deux grandes puissances que sont la Chine et la Fédération de Russie expriment, quant à elles, de grandes réserves ou de franches condamnations. Alors que Pékin se soit dit « préoccupé » par les conséquences des attaques, Moscou accuse le bloc occidental de persister dans son attitude de mépris à l'encontre du droit international. « Les frappes sur le Yémen sont un exemple du dédain total du droit international par les Anglo-Saxons au nom d'une escalade dans la région, de leurs objectifs destructeurs », dénonce la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova.

L'Iran, régulièrement cité comme le commanditaire direct des actions des mouvements de résistance « islamistes » hostiles à Israël, dont les Houthis, a pour sa part condamné les frappes.

Le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Nasser Kanani, dénonce une « action arbitraire » et une « atteinte à la souveraineté du Yémen ». Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, s'élève, de son côté, contre ce qu'il qualifie de riposte « disproportionnée ». « Toutes ces actions constituent un usage disproportionné de la force (…).

L'Amérique et Israël utilisent cette même force disproportionnée contre les Palestiniens et les Britanniques marchent dans les pas des Etats-Unis. Ils cherchent à créer un bain de sang en mer Rouge », charge-t-il. Enfin le mouvement Hamas prévient, dans un communiqué diffusé hier, que les frappes américano-britanniques vont avoir des « répercussions » inévitables sur la sécurité régionale.

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Attaques à la frontière entre le Pakistan et l’Iran : une mise en perspectives historiques

23 janvier 2024, par Farooq Tariq — , , ,
Après une frappe aérienne de l'armée pakistanaise le 18 janvier dans une ville frontalière iranienne qui a tué au moins 9 personnes en représailles à l'attaque de missiles du (…)

Après une frappe aérienne de l'armée pakistanaise le 18 janvier dans une ville frontalière iranienne qui a tué au moins 9 personnes en représailles à l'attaque de missiles du 16 janvier sur la ville frontalière du Baloutchistan qui, elle, avait tué entre autres deux enfants, les gouvernements pakistanais et iranien ont convenu de désamorcer la menace de guerre et de rétablir des relations diplomatiques à part entière.

Tiré de Europe Solidaire Sans Frontières
20 janvier 2024

Par Farooq Tariq

Pour l'heure, une accalmie complète règne en ce 20 janvier, les deux Etats semblant se venger de leurs « ennemis » réfugiés dans l'un ou l'autre pays. Tous deux ont réussi à tuer certains de ceux qu'ils considèrent comme appartenant à des groupes terroristes, le Jaish al Adl (Armée de la Justice) au Pakistan et les séparatistes baloutches en Iran.

L'Iran a affirmé avoir pris pour cible deux bases du groupe armé Jaish al Adl au Pakistan. Ce groupe a revendiqué l'attaque d'un poste de police dans la ville iranienne de Rask, dans la province frontalière méridionale du Sistan-Baloutchistan, qui a tué 11 membres du personnel de sécurité iranien. L'attaque a été condamnée par le Pakistan.

Quelles que soient les attaques menées par les uns et les autres, le peuple baloutche est la cible des deux camps. Les uns luttent contre les « atrocités du Pakistan » et les autres contre l'occupation coloniale iranienne d'une partie du Baloutchistan. Après la Première Guerre mondiale, le Baloutchistan occidental a été cédé à l'Iran par l'impérialisme britannique.

L'attaque pakistanaise contre les « camps séparatistes du Baloutchistan » en Iran a eu lieu au moment où plusieurs centaines de militants baloutches campent à Islamabad pour retrouver les militants baloutches disparus et mettre fin aux exécutions extrajudiciaires. Ils sont arrivés à Islamabad depuis le district de Turbat, au Baloutchistan, au cours d'une longue marche qui a attiré l'attention de nombreux observateurs internationaux.

L'escalade des tensions frontalières qui se traduit par des attaques de missiles à l'intérieur du Pakistan et de l'Iran doit être replacée dans le contexte du génocide israélien des Palestiniens. C'est la première fois qu'il y a eu une frappe aérienne et une attaque de missiles par le Pakistan en Iran. L'impérialisme américain serait très heureux si l'Iran était occupé à se défendre contre les attaques du Pakistan au lieu d'aider les Palestiniens, principalement par l'intermédiaire d'organisations que Téhéran patronne.

Il existe une longue histoire de conflits entre les deux pays. Il y a eu une guérilla au Baloutchistan sous le premier gouvernement Bhutto. Elle a eu lieu après que le gouvernement provincial élu du Parti national Awami (NAP), qui s'opposait au gouvernement fédéral du Parti du peuple pakistanais, a été renversé par Bhutto à l'instigation du Shah d'Iran, en 1973. De nombreux jeunes Baloutches sont partis dans les montagnes pour se défendre et beaucoup ont émigré en Afghanistan et en Iran.

Au cours de cette décennie, l'Iran a tenté d'introduire d'autres tribus dans la province voisine de Sestan-Baluchestan afin de transformer la majorité des Baloutches en minorité, comme Israël l'a fait avec les Palestiniens.

Le Shah d'Iran, terrifié par la résistance croissante des Baloutches en Iran, a demandé à Zulfiqar Ali Bhutto de prendre des mesures contre le gouvernement provincial du NAP. Bhutto l'a fait brutalement, pour écraser la résistance baloutche à l'aide d'une opération de l'armée au Baloutchistan. Le Shah d'Iran craignait que si le Baloutchistan oriental devenait indépendant, le Baloutchistan occidental, situé sur le territoire iranien, en ferait partie. Depuis lors, les Baloutches ont été pris pour cible par les deux parties, mais la résistance, sous de nombreuses formes, se poursuit jusqu'à aujourd'hui.

Les deux Etats s'accusent mutuellement d'abriter les « terroristes » dans leur pays, les groupes religieux au Pakistan et les groupes nationalistes en Iran.

Si la guerre s'intensifie, ce qui ne semble pas être le cas actuellement, elle portera atteinte aux économies des deux pays à un niveau jamais atteint auparavant. L'approvisionnement en pétrole du Pakistan pourrait être durement touché par les Iraniens. Le commerce entre les deux pays serait interrompu. L'Iran profite déjà de la « contrebande » de pétrole iranien en vrac vers le Pakistan à l'heure actuelle.

Il est important de noter que les activités commerciales entre le Pakistan et l'Iran se sont poursuivies normalement, les deux pays ayant gardé tous leurs points de passage ouverts malgré la violation de l'espace aérien par les forces iraniennes et la riposte des forces pakistanaises qui s'en est suivie. Les activités commerciales se poursuivent le long des villes frontalières, notamment Taftan, Gwader, Kech, Panjgor et Washuk.

En août 2023, les ministres des affaires étrangères des deux pays se sont réunis à Islamabad pour formuler un plan commercial quinquennal visant à atteindre un objectif commercial de 5 milliards de dollars.

Il semble que la menace d'une guerre totale soit désormais écartée, puisque les ministres des affaires étrangères de l'Iran et du Pakistan se sont parlés et ont mis l'accent sur une relation « fraternelle ». Il ne s'agit que d'une parenthèse entre les deux pays islamiques soi-disant frères, qui attendent un meilleur moment pour frapper à nouveau lorsque leur crise interne s'aggravera.

Le mouvement mené par les femmes contre la République islamique d'Iran au cours des dernières années et la longue marche des activistes baloutches au Pakistan sont le véritable espoir des mouvements progressistes dans les deux pays et au niveau international. Il faut mettre un terme aux enlèvements et aux meurtres de Baloutches par le gouvernement pakistanais et par celui de l'Iran.

Farooq Tariq

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Forum populaire Asie-Europe

Cour Internationale de Justice, Israel accusé de « génocide » : Plaidoyer de l’Afrique du sud

Dans leur plainte, les avocats sud-africains estiment que l'offensive israélienne vise « la destruction des Palestiniens de la bande de Gaza ». Des audiences ont lieu mercredi (…)

Dans leur plainte, les avocats sud-africains estiment que l'offensive israélienne vise « la destruction des Palestiniens de la bande de Gaza ». Des audiences ont lieu mercredi 10 et jeudi 11 janvier, une victoire formelle pour les adversaires de la politique israélienne. Le 28 octobre 2023, Craig Mokhiber, directeur du bureau new-yorkais du Haut-Commissariat des droits de l'homme à l'ONU, a démissionné de son poste. Dans une lettre, il explique les raisons de son geste. Relayée par de grands titres de la presse anglo-saxonne comme le Washington Post ou The Guardian, cette démission a pratiquement été ignorée par les grands médias français.

Tiré d'Afrique en lutte. Publié à l'origine par Al Jazeera English.

Cher monsieur le Haut-Commissaire,

C'est ma dernière communication officielle en tant que directeur du bureau de New-York du Haut-Commissariat aux droits de l'homme. Nous vivons une période très anxiogène et nous sommes inquiets pour la sécurité de beaucoup de nos collègues. Une fois de plus, nous assistons à un génocide qui se déroule sous nos yeux et nous sommes impuissants à l‘arrêter. J'ai enquêté sur les droits humains en Palestine depuis les années 1980. J'ai vécu à Gaza dans les années 1990 ; j'y étais en tant que conseiller des Nations unies pour les droits de l'homme. J'ai effectué encore plusieurs missions, avant et après, toujours pour la défense des droits humains.

Cette situation me touche profondément et m'atteint à titre personnel. J'étais présent, dans nos locaux de l'ONU quand il y a eu les génocides contre les Tutsis, les musulmans bosniaques, les Yezidis et les Rohingyas. Dans chacun de ces cas, alors que la poussière retombe sur les horreurs perpétrées contre des civils sans défense, il devient douloureusement clair que nous avons manqué à notre devoir de répondre aux impératifs de prévention de ces atrocités de masse, à notre devoir de protection des personnes vulnérables et à l'obligation que nous avions que les auteurs de ces crimes répondent de leurs actes. Il en fut ainsi lors des vagues successives de meurtres et de persécution contre les Palestiniens, tout au long de l'existence des Nation unies.

Monsieur le Haut-Commissaire,

Nous vivons encore un échec.

En tant qu'avocat spécialisé dans les droits humains, avec plus de trente ans d'expérience dans ce domaine, je sais bien que ce concept de génocide a souvent été galvaudé politiquement. Mais le massacre actuel du peuple palestinien, ancré dans une idéologie coloniale ethno-nationaliste, après des décennies de persécution et d'épuration systématiques et entièrement fondées sur leur statut d'Arabes, avec des déclarations d'intention explicites de la part des dirigeants du gouvernement israélien et de son armée, tout cela ne laisse aucune place au doute ou au débat.

À Gaza, les maisons d'habitation, les écoles, les églises, les mosquées et les établissements médicaux sont attaqués sans raison, et des milliers de civils sont massacrés. En Cisjordanie, y compris dans Jérusalem occupée, des maisons sont saisies et attribuées à d'autres en fonction de leur race. Des colons qui commettent des pogroms sont accompagnés par des unités militaires israéliennes. Dans tout le pays, c'est l'apartheid !

Il s'agit d'un cas typique de génocide. Le projet européen, ethno-nationaliste, de colonisation en Palestine est entré dans sa phase finale : la destruction accélérée des derniers vestiges de la vie palestinienne autochtone sur leurs terres. En plus, les gouvernements des États-Unis, du Royaume-Uni et d'une grande partie de l'Europe sont totalement complices de cet assaut terrible. Non seulement ces gouvernements refusent de remplir leurs obligations au regard des traités pour assurer le respect des conventions de Genève, mais ils fournissent des armes et des renseignements et ils couvrent politiquement et diplomatiquement les atrocités commises par Israël.

Ajoutons à cela que les grands médias occidentaux, de plus en plus proches de l'État et en violation claire de l'article 20 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, déshumanisent continuellement les Palestiniens pour faciliter le génocide. Ils diffusent de la propagande de guerre, appellent à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l'hostilité et à la violence.

Les entreprises de médias sociaux basées aux États-Unis étouffent les voix des défenseurs des droits humains, tout en amplifiant la propagande pro-israélienne. Les contrôleurs en ligne du lobby israélien, les trolls et les fausses ONG créées par les gouvernements, harcèlent et salissent les défenseurs des droits humains, et les universités et employeurs occidentaux collaborent avec eux pour punir ceux qui osent s'élever contre les atrocités. À la suite de ce génocide, ces acteurs doivent rendre des comptes, comme ce fut le cas pour la radio des Mille collines au Rwanda.

LES PROMESSES ILLUSOIRES D'OSLO

En de telles circonstances, notre organisation doit être efficace et fonder son action sur des principes. Mais nous n'avons pas relevé le défi. En raison de l'intransigeance des États-Unis, le Conseil de sécurité a été de nouveau bloqué. Le Secrétaire général est attaqué pour les protestations les plus bénignes et nos mécanismes de défense des droits humains font l'objet d'attaques calomnieuses et soutenues, venant d'un réseau organisé en ligne pour défendre l'impunité.

Les promesses illusoires et largement fallacieuses d'Oslo ont depuis des décennies distrait, détourné l'organisation de son devoir essentiel de défense du droit international, des droits humains et de la Charte elle-même. Le mantra de la solution à deux États est devenu un sujet de plaisanterie dans les corridors de l'ONU, à la fois pour son impossibilité absolue dans les faits et pour son incapacité totale à tenir compte des droits humains inaliénables du peuple palestinien. Le soi-disant Quartet1 n'est plus qu'une feuille de vigne pour l'inaction et la soumission à un statu quo brutal. Le renvoi (prôné par les États-Unis) aux « accords entre les parties elles-mêmes » au lieu de se référer au droit international a toujours été d'une transparente inconséquence, destiné à renforcer le pouvoir d'Israël sur les droits des Palestiniens occupés et dépossédés de leurs biens.

Monsieur le Haut-Commissaire,

Je suis venu à cette organisation dans les années 1980 parce que j'y ai trouvé une institution fondée sur des principes et des normes résolument du côté des droits humains, y compris dans les cas où les puissants États-Unis, le Royaume-Uni et l'Europe n'étaient pas de notre côté.

Alors que mon propre gouvernement, ses institutions et une grande partie des médias américains soutenaient ou justifiaient encore l'apartheid sud-africain, l'oppression israélienne et les escadrons de la mort en Amérique latine, les Nations unies défendaient les peuples opprimés de ces pays. Nous avions le droit international de notre côté. Les droits humains et les principes étaient aussi de notre côté. Notre autorité était liée à notre intégrité. Mais cela n'est plus le cas. Au cours des dernières décennies, des éléments clés des Nations unies ont cédé au pouvoir des États-Unis et à la peur du lobby israélien, abandonnant ses principes et se retirant du droit international lui-même.

Nous avons beaucoup perdu dans cet abandon, y compris notre propre crédibilité mondiale. Mais c'est le peuple palestinien qui a subi les plus grandes pertes à cause de nos échecs. L'ironie de l'histoire veut que la Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH) ait été adoptée en 1948, l'année de la Nakba perpétrée contre le peuple palestinien. Alors que nous commémorons le 75e anniversaire de la DUDH, nous ferions bien d'abandonner le vieux cliché selon lequel elle est née des atrocités qui l'ont précédée. On doit admettre qu'elle est née en même temps que l'un des génocides les plus atroces du XXe siècle, celui de la destruction de la Palestine. D'une certaine manière, les auteurs de la déclaration promettaient les droits humains à tout le monde, sauf au peuple palestinien.

N'oublions pas non plus que les Nations unies ont commis le péché originel de faciliter la dépossession du peuple palestinien en ratifiant le projet colonial européen qui s'est emparé des terres palestiniennes et les a remises aux colons.

Nous avons beaucoup de choses à nous faire pardonner.

Mais la voie de l'expiation est claire. Nous avons beaucoup à apprendre de la position de principe adoptée ces jours derniers dans les villes du monde entier où des foules s'élèvent contre le génocide, même au risque d'être battues ou arrêtées. Les Palestiniens et leurs alliés, les défenseurs des droits humains de tous bords, les organisations chrétiennes et musulmanes et les voix juives progressistes qui disent « pas en notre nom », tous nous montrent la voie. Il ne nous reste qu'à les suivre.

Hier, à quelques rues d'ici, la gare centrale de New-York a été complètement envahie par des milliers de défenseurs juifs des droits humains, solidaires du peuple palestinien et exigeant la fin de la tyrannie israélienne (beaucoup d'entre eux risquant d'être arrêtés). Ce faisant, ils ont éliminé en un instant l'argument de propagande (hasbara) israélienne et le vieux trope antisémite selon lequel Israël représente en quelque sorte le peuple juif. Ce n'est pas le cas. En tant que tel, Israël est seul responsable de ses crimes.

Sur ce point, il faut répéter malgré les calomnies du lobby israélien que la critique des violations des droits humains par Israël n'est pas antisémite, pas plus que la critique des violations saoudiennes n'est islamophobe, la critique des violations de Myanmar n'est antibouddhiste ou la critique des violations indiennes n'est antihindouiste. Lorsqu'ils cherchent à vous faire taire par des calomnies, nous devons élever la voix, pas la baisser.

LA RESPONSABILITÉ DES NATIONS UNIES

J'espère que vous conviendrez, monsieur le Haut-Commissaire, que c'est ce que parler vrai veut dire, face au pouvoir. Mais j'ai également espoir dans les parties des Nations unies qui ont refusé de compromettre les principes de l'organisation en matière de droits humains, malgré les énormes pressions exercées en ce sens. Nos rapporteurs spéciaux indépendants, nos commissions d'enquête et nos experts en traités ainsi que la plupart des membres de notre personnel, ont continué à défendre les droits humains du peuple palestinien. Alors que d'autres parties des Nations unies (même au plus haut niveau) ont honteusement courbé l'échine devant le pouvoir.

En tant que gardien des normes et des standards en matière de droits humains, le Haut-Commissariat aux droits de l'homme a le devoir particulier de défendre ces normes. Notre tâche, je crois, est de faire entendre notre voix, du Secrétaire général à la dernière recrue de l'ONU et dans l'ensemble du système des Nations unies, en insistant sur le fait que les droits humains du peuple palestinien ne peuvent faire l'objet d'aucun débat, négociation ou compromis, où que ce soit sous le drapeau bleu.

À quoi ressemblerait alors une position fondée sur les normes des Nations unies ? À quoi travaillerions-nous, si nous étions fidèles à nos remontrances rhétoriques sur les droits humains et l'égalité pour tous, s'il y avait imputabilité pour les auteurs de crimes et réparations pour les victimes et une protection des personnes vulnérables et l'accès à l'autonomie pour les personnes détentrices de droits, le tout dans le cadre d'un état de droit ? La réponse, je crois, est simple si nous avons la lucidité de voir au-delà des écrans de fumée propagandistes qui déforment la vision de la justice pour laquelle nous avons prêté serment, si nous avons le courage d'abandonner la peur et la déférence à l'égard des États puissants, si nous avons vraiment la volonté d'embrasser la bannière des droits humains et de la paix. Certes, il s'agit d'un objectif et la côte à gravir est raide. Mais nous devons commencer maintenant ou nous abandonner à une horreur indicible.

Dix points essentiels doivent nous guider.

1- Une action légitime. Premièrement, nous devons, au sein des Nations unies, abandonner le processus d'Oslo qui a échoué et qui est en grande partie fallacieux. Sa solution illusoire à deux États, son Quartet impuissant et complice. Et il faut cesser la mise en berne du droit international pour obéir à des diktats de pure convenance politique. Nos politiques doivent être fondées sans équivoque sur les droits humains et le droit international.

2- Une vision claire. Nous devons cesser de prétendre qu'il s'agit simplement d'un conflit territorial ou religieux entre deux parties belligérantes, et admettre la réalité de la situation dans laquelle un État au pouvoir disproportionné colonise, persécute et dépossède une population indigène sur la base de son appartenance ethnique.

3- Un test unique fondé sur les droits humains. Nous devons soutenir l'établissement d'un État unique, démocratique et laïque dans toute la Palestine historique, avec des droits égaux pour les chrétiens, les musulmans et les juifs et, par conséquent, assumer le démantèlement du projet colonialiste profondément raciste et la fin de l'apartheid sur l'ensemble du territoire.

4- Lutte contre l'apartheid. Nous devons rediriger tous les efforts et toutes les ressources des Nations unies vers la lutte contre l'apartheid, comme nous l'avons fait pour l'Afrique du Sud dans les années 1970, 1980 et au début des années 1990.

5- Retour et indemnisation. Nous devons réaffirmer et insister sur le droit au retour et à l'indemnisation complète de tous les Palestiniens et de leurs familles qui vivent actuellement dans les territoires occupés et au Liban, en Jordanie, en Syrie et dans la diaspora à travers le monde.

6- Vérité et justice. Nous devons appeler à un processus de justice transitionnelle, en utilisant pleinement les décennies d'enquêtes, d'investigations et de rapports accumulés par l'ONU, afin de documenter la vérité et de garantir que les coupables répondent de leurs actes, et qu'il y ait réparation pour toutes les victimes et des remèdes aux injustices qui auront été documentées.

7- La protection. Nous devons insister sur le déploiement d'une force de l'ONU dotée de ressources suffisantes et d'un mandat solide pour protéger les civils, du fleuve Jourdain jusqu'à la mer Méditerranée.

8- Désarmement. Nous devons plaider pour le retrait et la destruction des stocks massifs d'armes nucléaires, chimiques et biologiques d'Israël, de peur que le conflit ne mène à la destruction totale de la région et même possiblement au delà.

9- La médiation. Nous devons reconnaître que les États-Unis et les autres puissances occidentales ne sont pas des médiateurs crédibles, mais plutôt des parties au conflit qui sont complices d'Israël dans la violation des droits des Palestiniens, et nous devons les aborder en tant que tels.

10- La solidarité. Nous devons ouvrir grand nos portes (et celles du secrétariat général) à tous les défenseurs des droits humains palestiniens, israéliens, juifs, musulmans et chrétiens qui sont solidaires du peuple de Palestine et de ses droits humains. Et nous devons mettre fin au flux incontrôlé de lobbyistes israéliens qui assaillent les bureaux de l'ONU où ils prônent la poursuite de la guerre, de la persécution, de l'apartheid et de l'impunité, et dénigrent nos défenseurs des droits humains pour leurs positions de principe en faveur des droits des Palestiniens.

Il faudra des années pour y parvenir et les puissances occidentales nous combattront à chaque étape du processus. C'est pourquoi nous devons faire preuve de fermeté.

Tout de suite, nous devons travailler pour un cessez-le-feu immédiat, pour la fin du siège de Gaza et nous opposer au nettoyage ethnique à Gaza, Jérusalem, en Cisjordanie et ailleurs. Nous devons documenter l'assaut génocidaire à Gaza, contribuer à l'acheminement d'une aide humanitaire massive et à la reconstruction pour les Palestiniens. Nous devons prendre soin de nos collègues traumatisés et de leurs familles et nous battre comme des diables pour une approche reposant sur des principes dans les bureaux de l'ONU.

En tant que Haut-Commissariat des droits de l'homme, rejoignons avec audace et fierté le mouvement anti-apartheid qui se développe dans le monde entier, en ajoutant notre logo à la bannière de l'égalité et des droits de l'homme pour le peuple palestinien. Le monde nous observe.

Nous devrons tous rendre compte de notre position à ce moment crucial de l'histoire. Prenons le parti de la justice.

Je vous remercie, monsieur le Haut-Commissaire Volker, d'avoir écouté ce dernier appel. Dans quelques jours, je quitterai nos bureaux pour la dernière fois, après plus de 30 ans de service. Mais n'hésitez pas à me contacter si je peux vous être d'une quelconque assistance à l'avenir.

Je vous prie d'agréer monsieur le Haut-Commissaire, l'expression de mes salutations distinguées.

Craig Mokhiber

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Gaza : La famine comme méthode de guerre

Aujourd'hui, devant la Cour internationale de justice de La Haye, l'Afrique du Sud a accusé Israël de génocide. Au cœur de son argumentation, l'Afrique du Sud affirme qu'Israël (…)

Aujourd'hui, devant la Cour internationale de justice de La Haye, l'Afrique du Sud a accusé Israël de génocide. Au cœur de son argumentation, l'Afrique du Sud affirme qu'Israël détruit la population de Gaza en la privant de nourriture. L'article 2(c) de la Convention sur le génocide interdit la « soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ». Israël affirme que ces accusations sont « sans fondement ».

Tiré d'Europe solidaire sans frontière. Publié à l'origine par la London review of books du 11 janvier 2024. Photo : Des palestiniens reçoivent de la nourriture à un point de distribution à Rafah le 19 décembre 2023 © Mohammed Talatene/dpa/Alamy Live News.

Le système alimentaire de Gaza s'est complètement effondré. Le système de santé s'est effondré. Les infrastructures de base pour l'eau potable et l'assainissement se sont effondrées. Selon le Comité d'évaluation de la famine (FRC), la population de Gaza est confrontée à une réelle perspective de famine : sans action immédiate, une mortalité massive due à la faim ou à des épidémies se profile à l'horizon. Le FRC transmet ses évaluations à un groupe d'organisations humanitaires internationales qui gèrent un système d'alerte précoce connu sous le nom de cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC).

Comme je l'ai écrit dans le LRB à propos de la crise du Tigré, l'IPC identifie cinq phases d'(in)sécurité alimentaire : minimale, sous pression, crise, urgence et catastrophe/famine. On parle de famine dans une région donnée lorsqu'au moins 20 % de la population est touchée, qu'environ un enfant sur trois souffre de malnutrition aiguë et que deux personnes meurent chaque jour pour 10 000 habitants en raison de la famine pure et simple ou de l'interaction de la malnutrition et de la maladie. Les ménages peuvent être en phase 5 de la catastrophe même si la famine n'a pas été déclarée dans la région. Selon l'analyse la plus récente du FRC sur Gaza, datée du 21 décembre 2023, « au moins un ménage sur quatre (plus d'un demi-million de personnes) dans la bande de Gaza est confronté à des conditions d'insécurité alimentaire aiguë catastrophique ».

Une autre façon de diagnostiquer et de définir la famine consiste à déterminer le nombre de décès excédentaires imputables à la faim et à des causes connexes. Une « grande famine » est une famine au cours de laquelle 100 000 personnes ou plus meurent et une « famine majeure » correspond à un seuil de 10 000 décès excédentaires. Cette méthode est utile pour les famines historiques, mais pas pour les crises alimentaires en cours.

Save the Children a prévenu que les décès à Gaza dus à la famine et à d'autres causes pourraient bientôt dépasser les quelque 22 000 décès directement causés par l'assaut militaire. Les familles passent souvent un, deux ou trois jours sans manger. Les maladies infectieuses, qui sont souvent la cause immédiate de la mort des personnes mal nourries, se propagent. On estime que près de 70 % des logements ont été détruits ou endommagés. Peu de personnes ont accès à l'eau potable et encore moins à des toilettes. Le risque d'épidémies de maladies hydriques et d'autres maladies infectieuses est extrêmement élevé.

Si la catastrophe à Gaza se poursuit sur sa trajectoire actuelle, la prédiction d'une mort massive due à la maladie, à la faim et à l'exposition aux dangers se réalisera. Si l'aide humanitaire est fournie rapidement et à grande échelle, les décès dus à la faim et à la maladie se stabiliseront et diminueront, mais il faudra encore du temps pour revenir aux niveaux d'avant la crise. Même en cas de cessation immédiate des hostilités et d'acheminement de l'aide d'urgence, ainsi que d'efforts pour rétablir l'approvisionnement en eau, l'assainissement et les services de santé, la mortalité resterait élevée pendant des semaines ou des mois. Même dans ce cas, il s'agirait d'une « famine majeure », selon la définition de 10 000 décès ou plus. Une « grande famine », avec 100 000 morts ou plus, pourrait être envisagée si les hostilités et les destructions se poursuivent à leur niveau actuel.

Le crime de guerre de famine est défini dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale comme suit :

« Le fait d'affamer délibérément des civils comme méthode de guerre, en les privant de biens indispensables à leur survie, y compris en empêchant intentionnellement l'envoi des secours prévus par les Conventions de Genève. »

Les « biens indispensables à la survie » comprennent non seulement la nourriture, mais aussi l'eau, les médicaments et le logement. Il n'est pas nécessaire que les individus meurent de faim pour que le crime soit commis ; il suffit qu'ils aient été privés de « biens indispensables à la survie ». Human Rights Watch et d'autres ont conclu que les actions d'Israël à Gaza constituent le crime de guerre de famine.

Le général Giora Eiland, ancien chef du Conseil national de sécurité israélien, a écrit : « On pourrait nous demander si nous voulons que les habitants de Gaza meurent de faim. Ce n'est pas le cas… Il faut dire à la population qu'elle a deux choix : rester et mourir de faim, ou partir ». Il s'agit toujours d'un crime de famine.

La guerre de siège n'est pas en soi illégale, mais elle peut le devenir si elle prive de manière disproportionnée et systématique les civils de « biens indispensables à la survie ». Le siège de Gaza depuis 2006 est un cas controversé : Israël contrôlait presque totalement l'approvisionnement en nourriture, en eau, en médicaments et en électricité ; il décidait rigoureusement des produits autorisés à entrer dans la bande de Gaza, tout en s'efforçant de ne pas enfreindre le droit humanitaire international. Selon Dov Weisglass, conseiller du Premier ministre israélien de l'époque, Ehud Olmert, « l'idée est de mettre les Palestiniens au régime, mais pas de les faire mourir de faim ».

Au fil des ans, le siège a entraîné de graves privations. « Avant le conflit actuel, selon les conclusions des Nations unies publiées le mois dernier,

« 64 % des ménages de la bande de Gaza étaient en situation d'insécurité alimentaire ou vulnérables à l'insécurité alimentaire, et 124 500 jeunes enfants vivaient en situation de pauvreté alimentaire… » En outre, avant le début des hostilités le 7 octobre, l'UNRWA a signalé que plus de 90 % de l'eau à Gaza avait été jugée impropre à la consommation humaine.

C'est à partir de cette situation que Gaza a rapidement basculé dans la catastrophe. Le gouvernement israélien a agi en pleine connaissance des conditions humanitaires existantes et des effets de toute action qu'il a choisi d'entreprendre. Il en va de même pour le Hamas, mais cela n'est pas pertinent pour déterminer la responsabilité d'Israël. Le 9 octobre, le ministre de la défense, Yoav Gallant, a déclaré : « J'ai ordonné un siège complet de la bande de Gaza. Il n'y aura pas d'électricité, pas de nourriture, pas de carburant, tout est fermé ». Les minuscules quantités d'aide humanitaire autorisées par la suite à entrer dans Gaza n'atténuent ni la force de cette déclaration ni son impact.

Selon le cadre élaboré par David Marcus, professeur de droit à l'UCLA, il s'agit là d'une indication prima facie d'un « crime de famine » au premier degré. Même si la déclaration de Gallant ne reflète pas la politique de l'État ou la stratégie militaire, le fait que la campagne militaire d'Israël se soit poursuivie sans modification significative de ses méthodes après que les conséquences humanitaires sont devenues évidentes signifie que l'opération à Gaza est également un crime de famine au deuxième degré. Quoi qu'il en soit, réduire Gaza à une situation où la famine menace est non seulement un crime de guerre au sens du Statut de Rome, mais aussi un crime contre l'humanité.

L'IPC a été élaboré en 2004. En se référant à ses procédures et critères, des famines ont été déclarées en Somalie en 2011 et au Soudan du Sud en 2017. Dans d'autres cas, notamment en Éthiopie, au Nigeria et au Yémen, le FRC a identifié des conditions généralisées de la phase 4 de l'IPC (« urgence ») et a mis en garde contre une famine imminente si des mesures humanitaires immédiates n'étaient pas prises. La famine n'a pas été déclarée en Syrie, où l'IPC n'a pas recueilli de données. Dans le catalogue historique des famines et des cas de famine de masse, il est difficile de trouver un parallèle étroit avec la situation à Gaza. Peu de cas combinent un siège d'une telle ampleur avec une destruction aussi complète des « biens indispensables à la survie ». Le nombre absolu de personnes qui meurent à Gaza n'égalera pas celui des famines calamiteuses du XXe siècle, car la population touchée est moins nombreuse, mais le nombre proportionnel de morts pourrait être comparable.

La rigueur, l'ampleur et la rapidité de la destruction des « biens indispensables à la survie » et de l'application du siège dépassent tous les autres cas de famine provoquée par l'homme au cours des 75 dernières années. Le FRC prévient que la famine pourrait être généralisée dès le mois prochain. Des comparaisons peuvent être faites avec la famine forcée du Biafra (1967-70), le siège de Sarajevo (1992-95), la tactique « s'agenouiller ou mourir de faim » utilisée par le gouvernement Assad en Syrie et les crimes de famine perpétrés par les gouvernements de l'Éthiopie et de l'Érythrée dans le Tigré (2020-22).

Dans une typologie historique comparative, Bridget Conley et moi-même avons identifié neuf objectifs de la famine pour les acteurs politiques et militaires qui la perpètrent à grande échelle, dont les cinq premiers sont : l'extermination ou le génocide ; le contrôle par l'affaiblissement d'une population ; la prise de contrôle territorial ; l'élimination d'une population ; la punition. Pour le gouvernement israélien, affamer Gaza correspond sans aucun doute aux quatre dernières catégories. Si certaines déclarations de hauts responsables politiques israéliens doivent être prises au pied de la lettre et si Israël poursuit sa campagne sans relâche, après un avertissement sans équivoque relatif à la famine, les arguments en faveur de l'extermination et du génocide peuvent devenir convaincants. Pour mettre fin au crime de famine, il est essentiel de demander des comptes aux acteurs responsables, et Israël ne fait pas exception à la règle.

Alex de Waal, 11 janvier 2024

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Massacres, destruction généralisée, déportation, famine, répression… : 100 jours d’atrocités à Ghaza

Près de 24 000 Palestiniens ont été tués dans la Bande de Ghaza, en cent jours d'une campagne militaire d'une incommensurable sauvagerie. 35% des infrastructures urbaines de (…)

Près de 24 000 Palestiniens ont été tués dans la Bande de Ghaza, en cent jours d'une campagne militaire d'une incommensurable sauvagerie. 35% des infrastructures urbaines de l'enclave dévastée ont été rasés de la carte.

Tiré d'Algeria Watch.

La guerre féroce déclenchée par Israël contre Ghaza, en représailles à l'opération « Déluge d'Al Aqsa », a bouclé hier son centième jour. Cent jours d'une violence inouïe durant lesquels l'armée sioniste, au prétexte de détruire Hamas, a commis une véritable boucherie dont la majorité écrasante des victimes sont des civils innocents, majoritairement des femmes et des enfants.

En 100 jours de frappes, de pilonnages et de destruction tous azimuts, la cartographie de Ghaza n'est plus que ruines et dévastation. Un incommensurable champ de désolation. L'organisation humanitaire Oxfam indiquait, il y a quelques jours, que le nombre moyen de morts à Ghaza depuis le début des attaques israéliennes dépasse et de loin tous les ratios des derniers conflits, même les plus meurtriers.

« L'armée israélienne tue des Palestiniens à un rythme moyen de 250 personnes par jour, ce qui dépasse largement le nombre de victimes quotidiennes de tout autre conflit majeur de ces dernières années », affirme cette ONG. D'après le dernier bilan communiqué hier par le ministère de la Santé à Ghaza, plus de 23 968 personnes ont perdu la vie dans l'enclave palestinienne durant ces 100 jours apocalyptiques, tandis que 60 582 ont été blessées.

« La mort, la destruction, le déplacement, la faim, la perte et le chagrin massifs de ces 100 derniers jours entachent notre humanité commune », s'est ému le chef de l'Unrwa, Philippe Lazzarini, depuis les entrailles déchiquetées de Ghaza.

Pour le directeur de l'agence onusienne d'aide aux réfugiés palestiniens, une « génération entière » d'enfants à Ghaza vont être « traumatisés » pour la vie. M. Lazzarini a évoqué également les autres fléaux qui accablent la population de l'enclave palestinienne en insistant sur les maladies infectieuses et la famine.

« La famine menace 800 000 Palestiniens »

A propos de ce dernier point, le bureau gouvernemental des médias à Ghaza a alerté samedi, à travers un communiqué, sur le fait que la « famine menace de mort la vie d'environ 800 000 Palestiniens dans la Bande de Ghaza ». Il a expliqué que le territoire encerclé « a besoin de 1300 camions de nourriture par jour », mais l'armée sioniste, dénonce-t-il, empêche l'entrée des aides humanitaires.

La même instance accuse l'occupant de « tirer sur les camions qui tentent d'accéder au territoire, de cibler les conduites d'eau potable et les puits, et de perturber tous les aspects de la vie ». Dans un article bien documenté publié hier, l'agence d'information palestinienne Wafa est revenue sur ces 100 jours épouvantables avec, à la clé, un inventaire exhaustif des atrocités subies par la population civile de Ghaza.

Outre le chiffre de près de 24 000 morts et de plus de 60 000 blessés enregistrés depuis le début de l'opération militaire israélienne, Wafa précise qu'il a été recensé parmi les victimes plus de 7000 femmes et quelque 10 300 enfants. A ceux-là s'ajoutent au moins 8000 disparus ensevelis sous les décombres des bâtisses détruites par les bombardements.

« Sont tombés aussi en martyrs suite à l'agression sans relâche de l'occupant en 100 jours, plus de 109 journalistes, 373 cadres médicaux, 148 fonctionnaires des Nations unies, 4257 élèves et 227 enseignants et administrateurs scolaires », énumère l'agence de presse palestinienne.

La même source cite également un rapport de l'ONG Save the Children qui affirme qu'« au moins 10 enfants perdent chaque jour leurs jambes dans la Bande de Ghaza ». L'ONG déplore le fait que « la plupart des interventions chirurgicales subies par les enfants ont été effectuées sans anesthésie faute de fournitures médicales ».

D'autres chiffres du Bureau central palestinien des statistiques relayés par l'agence Wafa donnent un aperçu de l'ampleur des destructions au niveau du tissu urbain et des infrastructures des villes palestiniennes d'El Qita'. « 290 000 unités d'habitation ont été endommagées dans la Bande de Ghaza du fait des frappes aériennes, terrestres et maritimes de l'armée d'occupation au long de ces 100 jours », rapporte Wafa.

Et de poursuivre : « Les attaques ont lourdement touché 65 000 logements qui sont devenus inhabitables. 25 010 bâtisses ont été totalement détruites. En outre, 145 mosquées et 3 églises ont été ciblées par les frappes. 30 hôpitaux sont hors service et 26 autres sont partiellement paralysés, à quoi s'ajoutent 121 ambulances détruites. »

Concernant les infrastructures pédagogiques, Wafa souligne que « 95 édifices représentant un établissement scolaire ou bien une université ont été entièrement détruits ; 295 écoles et universités ont été partiellement endommagées, et 130 structures de l'Unrwa ont été directement touchées par les frappes ».

« 35% des zones urbaines ont été rasées à Ghaza »

L'agence de presse palestinienne fait savoir par ailleurs que « 35% des zones urbaines ont été rasées de la surface de la terre à Ghaza », chiffre attribué au ministère palestinien des Travaux publics. Le même département assure que « 40% des infrastructures ont été totalement pulvérisées, parmi lesquelles des routes, des réseaux de distribution d'eau potable, d'assainissement, des réseaux de télécommunications et des câbles électriques ».

Concernant les personnes déplacées, « selon certaines estimations, 1,93 million de citoyens, soit 85% de la population de Ghaza, ont été déportés de force, et plusieurs d'entre eux ont changé plus d'une fois de refuge en quête de sécurité ».

« Il a été enregistré près de 1,4 million de déplacés internes répartis sur 155 abris de l'Unrwa », continue Wafa. Et de faire remarquer : « Le gouvernorat de Rafah est devenu la destination principale des déplacés, le territoire ayant reçu plus de 1 million de personnes. Il détient de ce fait la densité démographique la plus élevée. »

Des indications de l'Unrwa complètent le tableau : « 670 000 déplacés sont répartis sur 97 abris de l'Unrwa à Khan Younès et Deir El Balah, et 160 000 autres se sont réfugiés dans 57 abris au nord de la Bande de Ghaza, et ces derniers ne reçoivent pas d'aide humanitaire. »

Depuis plus de trois mois, les Ghazaouis sont ainsi dispersés entre camps de fortune et abris de l'Unrwa surpeuplés, et qui, bien souvent, ne sont pas épargnés par les raids meurtriers. « Avec l'arrivée de l'hiver, de nombreux camps d'hébergement abritant des dizaines de milliers de déplacés, ont été inondés du fait de la pénétration des eaux pluviales mélangées aux eaux usées », note Wafa.

Il convient d'insister sur le volume dérisoire des aides humanitaires qui parviennent à la population de Ghaza, celles-ci entrant au compte-gouttes du fait du blocus implacable imposé à l'enclave dévastée. « 80 à 120 camions transportant l'aide humanitaire seulement entrent quotidiennement à Ghaza, selon les estimations d'organisations caritatives, sachant que les besoins au sein de la Bande de Ghaza sont de 600 camions par jour », informe l'agence Wafa.

A signaler enfin, pour clore ce bilan tout à fait partiel et provisoire, l'ampleur de la répression qui s'abat sur le peuple palestinien, et qui a redoublé de terreur durant ces 100 jours infernaux. Selon l'Association des prisonniers palestiniens, pas moins de 5875 personnes ont été arrêtées en Cisjordanie.

Les campagnes d'arrestation ont touché 200 femmes et 355 mineurs, décompte arrêté à la fin décembre 2023, selon Wafa. L'Association des prisonniers palestiniens souligne par ailleurs que le nombre total de prisonniers dans les geôles israéliennes jusqu'à la fin de l'année 2023 est de 8800 personnes, précisant que le nombre de détenus avant le 7 octobre était de 5250.

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Lassé·es de l’absence de leadership, les Palestinien·nes aspirent à l’unité politique

Cet article, rédigé par Fatima AbdulKarim, une journaliste basée en Cisjordanie, offre des éléments d'information particulièrement éclairants, en partie inédits, et, pour la (…)

Cet article, rédigé par Fatima AbdulKarim, une journaliste basée en Cisjordanie, offre des éléments d'information particulièrement éclairants, en partie inédits, et, pour la plupart, ignorés des médias mainstream, sur les processus politiques en cours au sein du Fatah et de la population palestinienne de Cisjordanie qui traduisent une forte volonté de démocratisation et de dépassement de la fragmentation actuelle du mouvement national palestinien, en particulier de la division entre le Fatah et le Hamas.

Tiré du site de la revue Contretemps.

Il informe également des discussions qui se mènent au niveau diplomatique au sujet de l'avenir du territoire de Gaza et du rôle joué par une Autorité palestinienne démonétisée et impuissante. Il permet également de comprendre les motivations qui ont poussé Israël à assassiner, le 2 janvier dernier, le numéro deux du Hamas, Saleh al-Arouri, puis, le 8 janvier, l'un des chefs militaires du Hezbollah, Wissam Tawil, interrompant ainsi les négociations en cours autour des propositions égyptiennes, qui prévoyaient un cessez-le-feu, l'échange de prisonniers et d'otages et le maintien d'un contrôle palestinien de la bande de Gaza.

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Depuis les attaques du 7 octobre menées par le Hamas contre le sud d'Israël, la Cisjordanie occupée a connu un regain de violence et d'instabilité. Au cours des trois derniers mois, alors que l'attention du monde se portait sur la bande de Gaza et que les bombardements israéliens se poursuivaient, les soldats israéliens et les milices de colons ont tué plus de 300 Palestinien·nes en Cisjordanie, dont plus de 80 enfants, tandis que plus de 4 000 Palestinien·nes ont été arrêté·es.

Les colons ont également intensifié leur harcèlement et leur violence à l'encontre des Palestinien·nes dans une tentative calculée de s'emparer de leurs terres, déplaçant de force au moins 16 communautés isolées au cours des dernières semaines. Le territoire reste soumis à un strict verrouillage, jalonné de points de contrôle militaires qui empêchent les Palestinien·nes de se déplacer entre les villes et les villages.

Pour de nombreux·ses Palestinien·nes, le sentiment d'absence totale et d'inaction de la part de leurs propres dirigeants est tout aussi paralysant que l'étau de l'occupation qui se resserre. L'Autorité palestinienne (AP), dirigée par le président Mahmoud Abbas, s'est contentée de condamner timidement les escalades et les punitions collectives d'Israël, sans avoir la capacité réelle de les affronter.

Cela est devenu particulièrement évident à la suite d'une incursion de deux jours des forces israéliennes dans la ville de Jénine, au nord de la Cisjordanie, le mois dernier, qui a effectivement transformé la ville en un « mini Gaza », comme l'ont rapporté de nombreux habitants. Cette opération a été accompagnée de plusieurs autres raids militaires dans d'autres villes de Cisjordanie au cours des dernières semaines, notamment Tubas et Tulkarem.

Quelques jours avant l'assaut israélien sur Jénine, Mustafa Sheta, directeur du théâtre de la liberté de la ville, a déclaré à +972 magazine que les habitant·es de Jénine se sentent abandonné·es, surtout lorsque tous les regards – y compris les leurs – se tournent vers Gaza. « L'AP est silencieuse. Elle ne nous rassure pas et ne panse pas nos plaies », a-t-il déclaré. Sheta a été arrêté par les forces israéliennes lors de l'opération de Jénine et envoyé à la prison de Megiddo où il passera six mois en détention administrative – c'est-à-dire un emprisonnement sans inculpation ni procès.

Le sentiment exprimé par Mustafa Sheta est confirmé par un récent sondage réalisé par le Centre Palestinien de Recherche et d'Enquêtes Politiques (PCPSR) en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Selon les résultats du sondage, le soutien au Hamas a bondi à 44 % parmi les Palestinien·nes de Cisjordanie, alors qu'il n'était que de 12 % en septembre. Le soutien à Abbas, à son parti, le Fatah, et à l'AP a considérablement diminué : plus de 90 % des personnes interrogées demandent la démission du président, tandis que le soutien à la dissolution de l'AP – près de 60 % en Cisjordanie et à Gaza – n'a jamais été aussi élevé dans un sondage du PCPSR.

Le mécontentement croissant de l'opinion face au silence assourdissant de l'AP face aux bombardements effrontés d'Israël sur Gaza, à l'intensification des raids dans les villes de Cisjordanie et à l'assassinat de hauts dirigeants palestiniens s'ajoute à des années de frustration face aux accusations persistantes de corruption, à l'incapacité de l'Autorité palestinienne à payer ses employés et au sentiment qu'elle est de plus en plus déconnectée de la vie de ses administrés. Plus que jamais, le sentiment que l'AP n'a plus aucune raison d'être est très fort.

Ainsi, pour de nombreux·ses Palestinien·nes, les dirigeants actuels ne sont pas en mesure de représenter les aspirations et les préoccupations de la population, ce qui les empêche de prendre des mesures significatives pour mettre fin à la guerre actuelle contre Gaza et faire progresser leur lutte dans son ensemble. Beaucoup insistent sur le fait qu'il est impératif qu'une nouvelle direction dirige ses actions sur les besoins urgents de la population, et qu'elle affirme l'initiative palestinienne autonome dans la cacophonie des discussions sur le « jour d'après ». L'Autorité palestinienne et ses dirigeants font cependant tout ce qu'ils peuvent pour rester au centre de ces plans élaborés par d'autres.

Fin du statu quo

Depuis le 21 octobre, les raids militaires israéliens à Jénine sont devenus routiniers, avec des incursions quasi toutes les nuits et des affrontements avec les combattants de la résistance basés dans le camp de réfugiés. Sur les quelque 500 Palestinien·nes tué·es en Cisjordanie au cours de l'année 2023 – le nombre annuel le plus élevé depuis la seconde Intifada – au moins 137 étaient originaires de Jénine. Mais à part sa rhétorique de condamnation et ses appels à la protection internationale, la destruction massive de la ville n'a pas poussé l'Autorité palestinienne à prendre des mesures.

Parlant de la situation à Jénine avant le raid de deux jours, Mustafa Sheta a déclaré que « les habitants du camp sont complètement dépassés par les incursions militaires nocturnes » qui laissent les réfugié·es déjà épuisé·es encore plus endeuillé·es et leurs infrastructures dans des conditions de plus en plus difficiles.

  • « Nous ne savons pas quand cela se terminera », déplore-t-il. « L'armée affirme que l'opération vise à déraciner la résistance du camp, mais ce n'est pas un objectif réaliste. Ils ne peuvent pas anéantir la résistance d'un peuple opprimé – les meurtres entraînent des meurtres, et la violence entraîne la violence ».

Au milieu de cette tempête, les Palestinien·nes ressentent le coût du vide de leadership qui affecte leur action politique depuis des années. Ashraf Ajrami, analyste politique et écrivain, a critiqué l'approche actuelle de l'AP, qu'il qualifie d'« impuissante et dépourvue de légitimité populaire ». Il a noté que, lors d'un événement dédié aux prisonnier·ères politiques palestinien·nes libéré·es en échange des otages israélien·es pri·es par le Hamas le 7 octobre, le ministre de l'AP chargé des affaires des prisonniers, Qadura Faris, a été conspué par les participant.es.

Ashraf Ajrami accuse les dirigeant·es de l'AP, en particulier les proches du président Abbas, de faire comme si de rien n'était face à la catastrophe de Gaza. Il a souligné l'absence de mobilisation significative en Cisjordanie pour soutenir Gaza, d'autant plus que l'AP s'est déjà mobilisée à d'autres occasions, notamment en envoyant 40 pompiers et 8 camions pour aider à éteindre les incendies de forêt près de Haïfa en 2016.

Malgré ses critiques à l'égard du Fatah et du Hamas, Ajrami estime qu'il est possible d'aller de l'avant en créant une commission technocratique indépendante qui interviendrait pendant une période de transition, à la fois pour reconstruire Gaza et pour ouvrir la voie à des élections. Il souligne que le moment actuel est une opportunité potentiellement unique, affirmant que le monde est enfin réellement intéressé par la création d'un État palestinien : « La solution des deux États, basée sur les paramètres politiques établis par la communauté internationale, est sérieusement abordée pour la première fois depuis [le président américain Bill] Clinton ». Mais pour saisir cette opportunité, a-t-il souligné, il faut que les dirigeant·es changent radicalement d'approche.

« Nous avons besoin d'une personnalité capable d'unir le peuple »

Le sentiment général est qu'une personnalité politique largement respectée est nécessaire pour sortir de cette paralysie. Dans un petit café rempli de fumée de cigarette à Al-Bireh, une ville proche de Ramallah, Abu Othman, un client palestinien, a exprimé le point de vue de beaucoup : « Nous ne pouvons pas continuer à nous demander quelle est la suite avec les dirigeants actuels. Nous avons besoin d'une figure comme Abou Ammar », a-t-il déclaré en faisant référence à Yasser Arafat, le défunt dirigeant palestinien. « Quelqu'un qui puisse unir les gens malgré leurs différences ».

Le leader le plus en vue est Marwan Barghouti, prisonnier politique et leader historique du Fatah qui, selon le récent sondage du PCPSR, battrait à la fois Abbas et le leader du Hamas Ismail Haniyeh si des élections avaient lieu aujourd'hui. Devenu célèbre en tant qu'étudiant militant pendant la première Intifada, Barghouti a fini par s'impliquer dans la branche armée du Fatah, la Brigade des martyrs d'Al-Aqsa. Il a été arrêté par Israël au cours de la seconde Intifada [en avril 2001] et un tribunal militaire l'a condamné à cinq peines de prison à vie pour sa participation à des attaques contre des Israélien·nes.

Derrière les barreaux, Barghouti est resté actif dans le mouvement des prisonniers·ères et dans la politique palestinienne au sens large, publiant des articles et des déclarations qui soulignent la nécessité d'une réconciliation nationale. Souvent surnommé le « Mandela de la Palestine » [également du fait de la durée exceptionnelle de leurs séjours en prison, 27 ans pour Mandela, près de 23, à ce jour, pour le leader palestinien], Barghouti a conservé un large soutien populaire en tant que futur leader du mouvement national.

En raison de l'emprisonnement de Barghouti, certain·es Palestinien·nes se tournent également vers des personnalités établie·es au sein de l'AP en tant que leaders potentiels. Mahmoud Aloul, vice-président du Fatah depuis 2018, est considéré comme l'un de ces candidats.

Emprisonné et déporté de Cisjordanie en Jordanie après la guerre de 1967, Aloul est revenu en Palestine en 1995 dans le cadre des accords d'Oslo en tant que conseiller clé d'Arafat, qui l'a ensuite nommé gouverneur de Naplouse, poste qu'il a occupé pendant 10 ans et qui lui a valu une réputation d'homme du peuple. Laissant derrière lui son passé militaire, Aloul s'est fait l'avocat de la résistance populaire, notamment en organisant des manifestations et en boycottant les produits israéliens. Il supervise aujourd'hui les branches locales du Fatah en tant que chef de la Commission pour la mobilisation et l'organisation du parti.

Dans un modeste bureau ouvert au public, il est assis autour d'une longue table couverte de cahiers, de stylos, de ses lunettes et de son téléphone portable. Conscient de la gravité des conséquences de la guerre Israël-Gaza, il a déclaré à +972 magazine : « La priorité actuelle n'est pas de défendre l'AP ou de se l'approprier. La priorité est de regagner la confiance du peuple palestinien dans sa lutte pour la liberté. Cette guerre est dirigée contre l'ensemble de la nation palestinienne – le génocide à Gaza et les tueries et destructions quotidiennes en Cisjordanie ».

Tout en reconnaissant l'impact de la division Fatah-Hamas sur le peuple palestinien, il poursuit :

  • « Ce que je ressens personnellement, c'est que nous sommes en train de “tricoter le mauvais panier” lorsque nous parlons de la popularité des factions. La priorité devrait être la vision qui empêche Israël d'assassiner les rêves de notre peuple … de surmonter toutes les menaces qui pèsent sur les décisions palestiniennes indépendantes. Nous déployons de gros efforts pour mettre fin à cette [division] », ajoute-t-il, sans plus de précisions.
  • « C'est pourquoi nous faisons de notre mieux pour renouer le contact avec la population et créer une atmosphère propice aux élections – c'est ce dont nous avons besoin », poursuit-il. « Personne ne prétend que la situation est rose ; il y a beaucoup de choses que nous devons rectifier, en particulier nos relations avec notre peuple ».

Mahmoud Aloul s'est adressé au public palestinien par le biais de messages vocaux enregistrés et publiés sur sa page Facebook officielle le 13 octobre et le 8 novembre, dans lesquels il soulignait que la priorité des dirigeants palestiniens devrait être de mettre fin à l'agression israélienne à Gaza et en Cisjordanie. Dans son deuxième enregistrement, Aloul a exposé la voie à suivre pour les dirigeant·es palestinien·es : une position unifiée de l'OLP [Organisation pour la Libération de la Palestine] incluant le Hamas et le Jihad islamique, tous deux extérieurs à l'organisation. Des plans seraient en cours d'élaboration en vue de discussions sérieuses sur un tel accord d'unité.

Mais de nombreux·ses Palestinien·nes veulent plus qu'un nouvel accord élitiste. Fadi Quran, un militant politique de 35 ans, estime qu'une initiative palestinienne nouvelle et inclusive est nécessaire pour transcender les factions divisées. Pour compléter ces changements politiques au sommet, Fadi Quran envisage un mouvement populaire, semblable à la première Intifada, dans lequel les gens peuvent également participer au travail politique à partir de la base :

  • « L'énergie est là, le soutien public est là et les idées sont là. Il suffit de les organiser. Il y a une décentralisation, les gens commencent à créer leurs propres réseaux d'action. Il faut espérer que cela continue à se développer et puisse donner naissance à quelque chose ».

Les scénarios diplomatiques pour le « jour d'après » à Gaza

Au cours des dernières semaines, des représentant·es des gouvernements des États arabes, notamment des Émirats arabes unis, du Qatar et de l'Égypte, ainsi que des États-Unis, du Royaume-Uni, des membres de l'Union européenne et d'Israël se sont réuni·es à huis clos pour envisager divers scénarios d'après-guerre pour Gaza, selon des sources diplomatiques au fait de ces discussions. On relève l'absence dans ces délibérations de tout engagement direct avec l'Autorité palestinienne ou le Hamas .

Les diplomates qui ont parlé à +972 magazine sous couvert d'anonymat ont expliqué que les scénarios envisagés penchaient vers la création d'une nouvelle entité administrative, excluant expressément le Hamas, qui est désigné comme une organisation terroriste par les États-Unis et l'UE. L'AP, dirigée par le Fatah, a fait l'objet de nombreuses critiques et qualifiée de corrompue et d'antidémocratique.

Les sources diplomatiques ont décrit diverses propositions pour le « jour d'après » qui ont été discutées lors de ces réunions, et qui visent toutes à assurer une transition pacifique vers une direction démocratiquement élue tout en permettant la réhabilitation de Gaza. Il existe un large consensus en faveur d'une période de transition au cours de laquelle une certaine force serait formée pour gouverner le territoire après la fin de la guerre et jusqu'à ce que des élections puissent être organisées. Cette force, selon ces sources, serait principalement composée de membres de l'appareil de sécurité palestinien et de personnalités reconnues de la communauté palestinienne.

Il est également question de réduire la taille de la bande de Gaza en créant une zone tampon militaire israélienne le long du « corridor de Philadelphie » – un territoire qui longe la frontière entre Gaza et l'Égypte – qu'Israël insiste aujourd'hui pour contrôler. L'Égypte ne s'est pas opposée, pour l'instant, à cette idée.

Une proposition égyptienne en trois étapes pour mettre fin à la guerre, connue localement sous le nom d'« initiative égyptienne », gagnait du terrain ces dernières semaines, avant d'être déclarée morte à la suite de l'assassinat du chef adjoint du bureau politique du Hamas, Saleh al-Arouri, à Beyrouth le 2 janvier.

L'initiative, soutenue par les médiateurs qataris, prévoyait la fin progressive des hostilités, en commençant par une trêve temporaire qui permettrait la libération des otages israélien·nes en échange des Palestinien·nes détenu·es dans les prisons israéliennes, et conduisant finalement à un cessez-le-feu permanent. Elle envisageait également un changement de leadership à Gaza, de sorte que le Hamas ne gouverne plus la bande de Gaza, mais ne mentionnait pas l'Autorité palestinienne.

Le comité exécutif de l'OLP, présidé par Mahmoud Abbas, a publiquement rejeté l'initiative, la semaine dernière, dans sa forme initiale. Bassam al-Salhi, membre du comité, a déclaré à +972 magazine que l'instance dirigeante de la centrale palestinienne se concentrait principalement sur « un cessez-le-feu immédiat et un cadre pour une voie politique globale visant à mettre fin à l'occupation, après quoi nous pourrons aborder les questions intérieures, y compris l'unité, les réformes et les élections. Nous n'avons aucune garantie que la communauté internationale reconnaisse les résultats des élections que nous organisons sur la base de ce que nous avons vu en 2006 », a-t-il ajouté.

En coulisse, cependant, l'AP a reçu une bouée de sauvetage : un haut responsable du Fatah a déclaré à +972 magazine que l'Égypte lui avait assuré que le rôle de l'AP dans le processus de transition était admis par toutes les parties sans qu'il soit nécessaire de l'expliciter.

L'AP a alors demandé un amendement à la proposition, que l'Égypte a accepté, pour qu'un gouvernement d'unité nationale soit établi par le biais d'un accord de réconciliation entre les factions palestiniennes, plutôt que par un organe technocratique. Les responsables de l'AP craignaient que ce dernier scénario ne permette le retour d'opposants personnels d'Abbas, tels que Mohammed Dahlan, basé à Abu Dhabi, et l'ancien représentant de l'OLP, Nasser al-Kidwa, le neveu de Yasser Arafat.

Considérant cette initiative comme un moyen de rester dans le jeu, et cherchant ainsi à garder les Etats-Unis de son côté, l'AP a également demandé des ajouts à la proposition en ce qui concerne les réformes de ses mécanismes de gouvernance, de sécurité, de justice et d'administration. Les responsables états-uniens avaient clairement fait savoir à l'AP qu'il s'agissait là de leurs exigences, de même que l'idée de recycler une force de sécurité de l'AP qui serait responsable de la sécurité dans la bande de Gaza après la guerre. L'Égypte semblait être favorable à ces changements, avant que les pourparlers ne soient interrompus après l'assassinat d'al-Arouri.

À la lumière de ces discussions, l'AP a publiquement souligné son attachement aux principes démocratiques, plaidant en faveur d'élections nationales libres et équitables pour déterminer la représentation. Lors de ses rares apparitions publiques – largement critiquées – depuis le 7 octobre, Mahmoud Abbas a réaffirmé que l'AP était prête à prendre en charge la gouvernance de Gaza et a souligné que la reprise des négociations en vue d'une solution à deux États demeurait une priorité.

La position officielle d'Abbas repose sur trois piliers : l'arrêt de l'expulsion des Palestiniens de Gaza hors de l'enclave, la reprise du contrôle total de la Cisjordanie et de la bande de Gaza sous l'égide de l'OLP (à laquelle s'ajouteraient le Hamas et le Jihad islamique), et le lancement d'un processus de paix global. Les observateurs affirment que, dans les conditions actuelles, aucun de ces plans n'est réaliste.

Pour Quran, ces paroles creuses de la part des dirigeants palestiniens, sans légitimité politique ni pouvoir pour les soutenir, démontrent la nécessité d'une approche plus globale pour restaurer l'agence palestinienne. Nous sommes arrivés à un moment où les Palestiniens disent : « Nous voulons être représentés. Nous voulons que notre politique soit inclusive et nous voulons des gens compétents », a-t-il déclaré. « En avançant vers notre libération, nous commencerons à créer l'unité ».

*

Fatima AbdulKarim est une journaliste palestinienne indépendante basée à Ramallah (Cisjordanie). Outre +972 magazine, dont elle une contributrice régulière, elle collabore à plusieurs grands médias internationaux, dont le Wall Street Journal, The Nation et The Guardian.

Cet article a été publié le 4 janvier 2024 sur le site israélien judéo-arabe +972 magazine. Traduction par Contretemps.

Illustration : State Department photo by Ron Przysucha / Domaine public.

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Deuxième Assemblée générale annuelle de Presse-toi à gauche !

22 janvier 2024, par Sacha A. Calixte — ,
Le 13 avril, une quinzaine de personnes de Québec ont participé à la deuxième Assemblée générale annuelle de Presse-toi à gauche ! Après deux ans de travail motivé par la (…)

Le 13 avril, une quinzaine de personnes de Québec ont participé à la deuxième Assemblée générale annuelle de Presse-toi à gauche ! Après deux ans de travail motivé par la volonté enthousiaste d'ouvrir un espace journalistique national de réflexion et discussion pour la gauche québécoise en marche, quel bilan tirer ? Et surtout, vers où aller pour avancer ?

Bilan

Si l'on demeure toujours bien loin du rêve de ce journal national de gauche en format papier dont le Québec progressiste pourrait tant bénéficier, Presse-toi à gauche ! tire néanmoins un bilan positif de ces deux premières années. Car PTAG, c'est tout de même aujourd'hui près de 2000 articles parus sous la plume de plusieurs centaines de collaborateurs et collaboratrices, près de 600 visites quotidiennes sur son site, et plus de 1 200 abonnéEs web qui reçoivent la mise à jour maintenant bi-hebdomadaire de son site. De plus, PTAG peut se targuer d'avoir un impact non négligeable sur les débats en cours au sein de Québec solidaire, ce qui est certainement un apport démocratique bienvenu et salutaire en ces années importantes de formation de ce jeune parti politique. Une bonne tape dans le dos s'impose donc, pour accompagner la volonté renouvelée de poursuivre l'aventure.

Mais pour autant, les difficultés de l'entreprise ne sauraient être éludées. Parmi les défis les plus pressants, on note celui d'augmenter (encore et toujours) la participation trop largement minoritaire des femmes, celui de faire connaître davantage un journal qui peine à trouver notoriété hors du milieu relativement fermé de la gauche progressiste et militante, et aussi, celui de passer d'un journalisme encore trop exclusivement d'opinion, vers un journalisme d'enquête et plus directement informatif. Par ailleurs, est-ce une banalité d'indiquer qu'à PTAG comme ailleurs, on se heurte au même reflux militant que l'on peut observer partout au Québec, à la fin de cette vague qui avait, depuis le Sommet des Amériques, stimulé un renouveau progressiste au Québec culminant notamment en 2006 avec la création de Québec solidaire ? Ici comme ailleurs, les énergies sont rationnées, et l'intérêt public se fait frileux pour les propositions progressistes, ce qui n'aide en rien l'expansion d'un projet exigeant comme celui de PTAG…

Perspectives

Qu'à cela ne tienne, les membres de PTAG ! ont procédé à l'adoption de statuts pour PTAG ! (qui est devenu récemment une OSBL en règle), et renouvelé la composition des comités d'organisation et de rédaction. Une série de mesures, visant à répondre aux défis auxquels PTAG ! fait face, ont également été adoptées. On y retrouve l'adoption d'une plate-forme comme base politique du journal, une proposition d'identification et de mise en réseau des collaborateurs et collaboratrices de PTAG !en fonction de leurs compétences et intérêts, et celle de la mise en branle d'un plan de financement et de visibilité pour Presse-toi à gauche ! L'élargissement de l'équipe de PTAG !, tant en termes numériques qu'en terme d'une participation accrue de gens d'autres régions que celle de Québec, est également dans la ligne de mire.

Au final, il apparaît que la survie et le développement de Presse-toi à gauche ! passera, ici encore, par un travail patient et systématique de construction et d'implication. Ne doit-on pas, comme on le faisait remarquer avec humour, attacher une veste un bouton à la fois ? Gageons qu'en ce dimanche ensoleillé d'avril, les participants et participantes à cette assemblée générale auront tout autant été inspiré-es à retrousser leurs manches, en prévision du travail – et du soleil – qui se pointe à l'horizon !

Définition du genre : lancement d’un débat

22 janvier 2024, par Carole Hooven, Elizabeth Weiss, Kathleen Lowrey, Kathleen Richardson, Michèle Sirois, Silvia Carrasco — ,
Nous sommes déçus que l'American Anthropological Association (AAA) et la Société canadienne d'anthropologie (CASCA) aient choisi d'interdire le dialogue scientifique lors de (…)

Nous sommes déçus que l'American Anthropological Association (AAA) et la Société canadienne d'anthropologie (CASCA) aient choisi d'interdire le dialogue scientifique lors de l'importante conférence conjointe, intitulée « Transitions », qui se tiendra à Toronto en novembre.

Tiré de Entre les lignes et les mots

Chères Drs. Ramona Pérez and Monica Heller

Notre session, « Let's Talk About Sex Baby : Pourquoi le sexe biologique reste une catégorie analytique nécessaire en anthropologie », a été acceptée le 13 juillet 2023 après que la proposition ait été « examinée par les présidents de programme des sections de l'AAA ou par le Comité scientifique de la CASCA ». Entre le moment de cette acceptation et la réception de votre lettre datée du 25 septembre 2023, personne de l'AAA ou de la CASCA n'a contacté les organisateurs pour leur faire part de ses préoccupations. Ainsi, nous sommes tous choqués que l'AAA et la CASCA aient annulé la session en raison de la fausse accusation selon laquelle « les idées ont été avancées de manière à causer du tort aux membres représentés par les Trans et les LGBTQI de la communauté anthropologique ainsi qu'à la communauté dans son ensemble ». Etant donné la gravité de l'allégation, nous espérons que, plutôt que de la garder secrète, l'AAA et la CASCA partageront avec ses membres et avec nous-mêmes la documentation sur les sources exactes et la nature de ces plaintes, ainsi que la correspondance qui a conduit à cette décision.

Nous sommes perplexes quant au fait que l'AAA / CASCA adopte comme position officielle que conserver l'usage des catégories de sexe biologique (par exemple, mâle et femelle, homme et femme) revient à mettre en péril la sécurité de la communauté LGBTQI. La présentation de notre session, rédigée par Kathleen Lowrey, reconnaît que tous les anthropologues n'ont pas besoin de faire la différence entre le sexe et le genre. L'un des résumés exprime explicitement la crainte que le fait d'ignorer la distinction entre le sexe et l'identité de genre ne porte préjudice aux membres de la communauté LGBTQI. Dans « No bones about it : skeletons are binary ; people may not be » (Il n'y a pas de doute : les squelettes sont binaires ; les gens ne le sont pas forcément), Elizabeth Weiss écrit : « Dans le domaine de la médecine légale, cependant, les anthropologues devraient travailler (et ils le font) sur les moyens de garantir que les squelettes découverts soient identifiés à la fois par leur sexe biologique et leur identité de genre, ce qui est essentiel compte tenu de l'augmentation actuelle du nombre de personnes en transition de genre. »

Kathleen Lowrey a joué un rôle clé dans la constitution du panel des intervenants et dans la définition du thème qui nous rassemblait. Notre équipe réunissait des femmes diverses, dont l'une est lesbienne. En plus de présenter trois domaines de l'anthropologie, elle comprenait également des anthropologues de quatre pays et s'exprimant en trois langues – il s'agissait d'un panel international préoccupé par l'invisibilisation des femmes.

L'anthropologue espagnole Silvia Carrasco avait prévu de présenter des données sur « l'oppression, la violence et l'exploitation fondées sur le sexe » et sur la difficulté d'aborder ces questions lorsqu'on tourne le dos au sexe biologique. Le résumé de l'anthropologue britannique Kathleen Richardson mettait l'accent sur les disparités matérielles entre les sexes dans l'industrie technologique, que l'on gomme en comptant les hommes qui s'identifient comme transgenres comme des femmes, plutôt qu'en faisant entrer davantage de femmes dans le secteur. L'anthropologue canadienne francophone Michèle Sirois devait présenter un compte-rendu ethnographique des manières dont « les féministes québécoises se sont organisées pour documenter, clarifier et s'opposer à l'industrie de la maternité de substitution qui exploite les femmes et qui se cache sous le couvert de l'« équité » et de l'« inclusion » », et dans laquelle les politiques de maternité de substitution qui exploitent les femmes pauvres sont cyniquement présentées comme libératrices.

Votre suggestion selon laquelle notre session compromettrait d'une manière ou d'une autre « l'intégrité scientifique du programme » nous semble particulièrement grave, car la décision de jeter l'anathème sur elle ressemble beaucoup à une réponse anti-scientifique à une campagne de lobbying politisée. Si notre session avait été autorisée à poursuivre ses travaux, nous pouvons vous assurer qu'une contestation animée aurait été accueillie favorablement par les membres du panel et qu'elle aurait même pu survenir entre nous, étant donné que nos propres engagements politiques sont divers. Au lieu de cela, votre lettre exprime l'espoir alarmant que l'AAA et la CASCA deviennent « plus unifiées au sein de chacune de nos associations » afin d'éviter de futurs débats. Plus inquiétant encore, à l'instar d'autres organisations telles que la Society for American Archaeology, l'AAA et la CASCA ont promis qu' « à l'avenir, nous entreprendrons un examen approfondi des processus associés à l'approbation des sessions lors de nos réunions annuelles et nous inclurons nos dirigeants dans cette discussion ». Les anthropologues du monde entier trouveront à juste titre glaçante cette déclaration de guerre contre les divergences et la controverse scientifique. Il s'agit d'une profonde trahison du principe de l'AAA qui consiste à « faire progresser la compréhension humaine et à appliquer cette compréhension aux problèmes les plus urgents du monde ».

Sincèrement

Kathleen Lowrey (Associate Professor at University of Alberta)
Elizabeth Weiss (Professor at San José State University ; Heterodox Academy Faculty Fellow)
Kathleen Richardson (Professor at De Montfort University)
Michèle Sirois (Présidente de PDF Québec)
Silvia Carrasco (Professor at Autonomous University of Barcelona)
Carole Hooven (Associate, Department of Psychology, Harvard University ; Senior Fellow, American Enterprise Institute) – celle-ci devait participer, mais n'a pas pu le faire en raison d'un imprévu

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Définition du genre : un débat

22 janvier 2024, par Agustin Fuentes, Kathryn Clancy, Robin Nelson — ,
Nous écrivons afin de soutenir la décision de l'American Anthropological Association de retirer la session « Let's Talk About Sex, Baby » de la conférence annuelle. La session (…)

Nous écrivons afin de soutenir la décision de l'American Anthropological Association de retirer la session « Let's Talk About Sex, Baby » de la conférence annuelle. La session elle-même émet un certain nombre d'affirmations qui vont à l'encontre d'une grande partie des connaissances scientifiques établies dans le domaine de l'anthropologie biologique et, plus généralement, de la biologie de l'évolution, en lançant de vagues insultes au concept de genre, sans le définir de manière significative.

Tiré de Entre les lignes et les mots

Examinons quelques-unes d'entre elles :

Bien que certains se soient concentrés sur le titre de la session, ce qui nous intéresse ici porte seulement sur la manière dont le titre assume une position erronée au vu des connaissances scientifiques.

Les participants de la session proposent un concept de « sexe biologique » qui s'oppose à celui de « genre » sans définir l'un ou l'autre terme.

La session suggère que le « genre » est en train de remplacer le « sexe » en anthropologie. C'est faux, car un travail massif s'effectue actuellement sur ces termes, leurs interactions et leurs nuances, à travers l'anthropologie socioculturelle, biologique, archéologique et linguistique.

Dès le premier résumé de présentation, les auteurs utilisent des termes dépassés tels que « identification du sexe » plutôt que celui scientifiquement plus précis d'« estimation du sexe ».

Le résumé de la session, ainsi que plusieurs des résumés individuels partent implicitement du principe que le sexe constitue un concept biologique binaire, une idée rejetée par l'anthropologie biologique et la biologie humaine actuelles, et très contesté par la biologie contemporaine.

La plupart des résumés individuels reflètent des griefs basés sur les hypothèses erronées décrites ci-dessus.

En tant qu'anthropologues travaillant dans le domaine de l'anthropologie biologique et de la biologie humaine, nous sommes conscients que les définitions du sexe peuvent être établies à partir de la forme de la ceinture pelvienne, des dimensions crâniennes, des organes génitaux externes, des gonades, des chromosomes sexuels, etc. Le sexe, en tant que descripteur biologique, n'est binaire dans aucune de ces définitions. Chaque jour, des personnes naissent avec des organes génitaux non binaires – nous avons tendance à appeler intersexes les personnes qui appartiennent à ce groupe. Chaque jour, des personnes naissent avec des chromosomes sexuels qui ne sont pas XX ou XY, mais X, XXY, XXXY et d'autres encore. Il en va de même pour les gonades. De plus, une personne peut avoir des organes génitaux intersexués mais pas de gonades intersexuées, des chromosomes intersexués mais pas d'organes génitaux intersexués. Ces différences corporelles illustrent les variations considérables observées dans la physiologie sexuelle chez les vertébrés. Au-delà de l'homme, l'orang-outan adulte se présente sous trois formes. S'agit-il d'un sexe binaire ? Des pourcentages significatifs de nombreuses espèces de reptiles présentent des organes génitaux intersexués. Sommes-nous encore en train d'essayer de qualifier le sexe de binaire ? Le binaire limite les types de questions que nous pouvons poser et, par conséquent, le champ d'application de notre science.

En tant qu'anthropologues et biologistes humains, nous savons également que la façon dont les gens choisissent de nommer le sexe à travers les organes génitaux, les gonades et les gènes est souvent prescrite par la culture et, comme le démontre ce panel, souvent politisée. De plus en plus, de nombreux chercheurs, y compris dans le domaine des sciences biologiques, cherchent à comprendre ensemble le sexe et le genre, en reconnaissant leur imbrication intrinsèque. Par rapport à l'approche traditionnelle en biologie évolutionnaire humaine, la reconnaissance de l'intrication du sexe et du genre offre une vision plus réaliste, bien que plus complexe, à partir de laquelle il est possible de poser des questions sur l'évolution de l'homme, et potentiellement sur d'autres espèces, et d'y répondre. Comme l'écrit Anne Fausto-Sterling, « peu d'aspects du comportement adulte, des émotions, de la [sexualité] ou de l'identité peuvent être attribués purement au sexe ou purement au genre », parce qu'aucune de ces qualités n'est fixée au cours d'une vie et parce que « les structures sexuées modifient la fonction et la structure biologiques », considérer que le genre et le sexe sont enchevêtrés est une manière productive d'avancer.

Le domaine de l'anthropologie, et de l'anthropologie biologique en particulier, a tendance à résister aux arguments universels en faveur de la compréhension des êtres humains dans toutes leurs variations. Par conséquent, non seulement l'idée d'un binaire biologique pour un phénomène tel que le sexe constitue une affirmation excessive qui ignore les preuves, mais elle va à l'encontre des fondements empiriques les plus élémentaires de notre domaine. Comprendre la variation biologique humaine signifie résister aux normes culturelles autour du sexe, au lieu de les renforcer comme les auteurs de la session l'ont fait ici. Le genre/sexe se noue atour du développement conjoint de l'anatomie, de la physiologie, des hormones et de la génétique dans un contexte socioculturel fluide comprenant l'identité, les rôles et les normes, les relations et le pouvoir. Le genre/sexe reconnaît que la culture s'empare de la variation biologique de base, la façonne et peut l'accroître.

Les personnes non binaires, trans ou queer, et/ou celles qui occupent des catégories sexuelles autres que « mâle » ou « femelle », ont existé dans toutes les sociétés humaines et tout au long de l'évolution de l'humanité. Ce qui caractérise les catégories de sexe et de genre humaines, c'est qu'elles ne sont ni simples, ni binaires, qu'elles sont toujours influencées par les croyances culturelles de leur époque et qu'elles évoluent. Continuer à travailler sur la base de ces hypothèses réfutées revient à travailler dans la pénombre, à passer à côté de la plus grande partie du tableau et à ne pas s'engager dans une anthropologie scientifique rigoureuse, empiriquement fondée et pertinente.

Agustin Fuentes (Princeton University)
Kathryn Clancy (University of Illinois)
Robin Nelson (Arizona State University)

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Du terricide et de la domination

22 janvier 2024, par Marc Simard
L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local En région du Bas-Saint-Laurent et Gaspésie, de nombreux regroupements de citoyennes et citoyens ont émergé pour (…)

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local En région du Bas-Saint-Laurent et Gaspésie, de nombreux regroupements de citoyennes et citoyens ont émergé pour préserver leur territoire. Par exemple, en 2023, l’une des principales menaces pour le territoire est le projet de (...)
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La vie sociale des droits

22 janvier 2024, par Revue Droits et libertés
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La vie sociale des droits

Diane Lamoureux, Professeure émérite en science politique de l'Université Laval et membre du CA de la LDL

Retour à la table des matières Revue Droits et libertés, printemps / été 2023

Des revendications aux droits

La plupart des droits qui figurent dans nos Chartes ont commencé sous la forme de revendications. Prenons l’exemple du droit de vote. Celui-ci émerge, en Occident, de la remise en cause de la souveraineté absolue des monarques et de la volonté de faire participer, de façon plus ou moins importante, les populations aux décisions qui les concernent. Le cheminement a été long, de l’obligation pour les monarques de consulter les grands barons du royaume sur certains sujets tel qu’énoncé dans la Grande Charte de 1215 en Angleterre, en se poursuivant dans les réflexions des philosophes politiques sur la souveraineté et la citoyenneté entre les XVIe et XVIIIe siècle, en passant par la révolte des colons étasuniens au nom du no taxation without representation ou par la Révolution française et l’énoncé que la souveraineté ne peut résider que dans le peuple. Une fois le principe du vote acquis, restait à savoir qui avait le droit de vote. Cela a donné lieu, en Grande-Bretagne, au mouvement chartiste réclamant le droit de vote pour tous les hommes adultes; aux mouvements suffragistes des femmes un peu partout dans les pays occidentaux; aux mouvements de décolonisation et pour l’instauration d’États indépendants en Afrique et en Asie, au mouvement contre l’apartheid en Afrique du Sud et aux luttes contre les dictatures un peu partout sur la planète. La codification du droit de vote universel pour les adultes dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme (DUDH) en 1948 n’a pas mis un point final à la lutte pour le droit de vote. Face aux dictatures, on a pu voir émerger des mouvements citoyens pour des élections libres. Le mouvement étasunien des droits civiques des années 1950 et 1960 demandait l’inscription des personnes noires sur les listes électorales pour qu’elles aient la possibilité d’exercer le droit de vote. Malgré le Voting Act de 1965, les campagnes pour l’inscription sur les listes électorales, contre le gerrymandering1, et pour un nombre suffisant de bureaux de vote se poursuivent encore aujourd’hui chez nos voisins du sud. La situation n’est guère plus reluisante au Canada et au Québec, puisque les femmes ont longtemps été exclues du droit de vote2 et qu’elles ont dû mener une longue campagne pour enfin obtenir ce droit : à titre d’exemple, au Québec, les suffragistes ont présenté (via un député favorable) des projets de loi en faveur du suffrage féminin sans succès, tous les ans, entre 1922 et 1939.

Des chartes ou des déclarations, pour quoi faire?

Depuis la fin du 18e siècle, il est devenu coutumier de codifier les droits dans un texte solennel. Plus récemment, les Nations Unies, dans la foulée de l’adoption de la DUDH en 1948, se sont dotées d’une panoplie d’instruments de droits humains qui précisent ou complètent cette déclaration3 dont le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966), le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1966), la Convention pour l’élimination des discriminations à l’égard des femmes (1979). Au Québec nous avons une Déclaration des droits de la personne (devenue depuis Charte québécoise des droits et libertés de la personne) depuis 1975 et le Canada a ajouté une Charte des droits lors du rapatriement de la constitution en 1982. Il faut également ajouter des déclarations régionales comme la Déclaration américaine des droits et des devoirs de l’Homme (1948) ou encore locales comme la Charte montréalaise des droits et des responsabilités (2006). On pourrait se demander à quoi servent tous ces instruments de défense des droits humains au regard de l’empressement des divers gouvernements à les bafouer ou à les contourner en adoptant des législations ayant recours à une clause de dérogation comme cela a été le cas récemment au Québec avec les projets de loi 21 et 96 ou en Ontario pour prévenir une grève dans le milieu de l’éducation4. En fait tous ces instruments sont utiles. En codifiant les principes autour desquels devrait s’organiser le vivre-ensemble des sociétés, elles stimulent les luttes pour la mise en œuvre de ces droits là où ils sont bafoués, puisqu’elles permettent aux populations de confronter leurs gouvernements à respecter leurs engagements internationaux en matière de droits humains. Elles permettent également d’en appeler des discriminations de certains gouvernements devant une autre instance, comme c’est le cas dans l’Union européenne en vertu de la Déclaration européenne des droits de l’Homme; ainsi les droits des personnes LGBTQ+ dans beaucoup d’États européens ont été validés par la Cour européenne de justice avant d’être intégrés dans les législations nationales de plusieurs pays de l’Union. Elles permettent aussi d’étendre certains droits à des groupes pour lesquels ils n’étaient pas prévus. Ainsi, la clause d’interdiction de la discrimination de la Charte québécoise a pu s’appliquer à l’orientation sexuelle ou encore au handicap, ce qui n’était pas prévu à l’origine. C’est aussi de cette façon que les femmes ont pu obtenir le droit de vote dans plusieurs pays et, plus récemment, de fragiles droits reproductifs.

De nouvelles générations de droit

On peut également soutenir que les droits appellent de nouveaux droits. Au point de départ, les droits reconnus étaient essentiellement civils ou politiques. Les mobilisations des mouvements ouvriers et des mouvements féministes ont fait en sorte que beaucoup de droits sociaux s’ajoutent à ces droits civils et politiques. Voudrait-on vivre aujourd’hui dans une société où le droit de grève ou le droit à la santé ou à l’éducation ne sont pas reconnus5? La spéculation immobilière et la rareté des logements disponibles nous rappellent par ailleurs l’urgence d’inscrire le droit au logement dans nos Chartes. Les enjeux écologiques alimentent également diverses mobilisations pour des droits qui ne sont pas encore reconnus comme le droit à l’eau potable, à un air respirable, à la protection des territoires ou des paysages. Ils soulèvent également de nouvelles questions concernant les droits. Doit-on conférer des droits aux animaux non humains ou encore à l’ensemble des êtres vivants? Les enjeux liés aux migrations internationales font aussi l’objet de luttes concernant les droits. Certains États européens cherchent actuellement à criminaliser comme passeurs les personnes qui fournissent leur aide aux migrant-e-s irréguliers, par exemple en les recueillant à bord de bateaux en Méditerranée. Quels doivent être les droits à la migration des populations dont l’habitat est détruit du fait des changements climatiques? Doit-on élargir le droit d’asile pour y inclure l’asile lié à des conditions socio-économiques?

Penser en termes de vie sociale des droits

Le fait que les droits naissent dans les revendications sociales et parviennent parfois à être codifiés dans des Chartes, lesquelles nourrissent de nouvelles mobilisations sociales pour en exiger le respect, les étendre à des groupes sociaux pour lesquels ils n’étaient pas prévus ou obtenir de nouveaux droits qui en découlent m’amène à réfléchir en termes de vie sociale des droits. Cette notion, qui a été développée d’abord dans les milieux anthropologiques, présente plusieurs avantages. D’abord, elle permet de dépasser une version ossifiée des droits qui devraient être légalement codifiés pour exister. Ensuite, elle rend possible de prendre en compte l’ensemble des acteurs en cause dans le milieu des droits humains qui sont loin de se limiter aux communautés juridiques. Elle permet également de reconnaître le caractère toujours localisé et ancré dans les luttes sociales des droits humains. Enfin, elle permet d’échapper aux débats universalisme/relativisme culturel en les ancrant à la fois dans les pratiques concrètes des groupes sociaux qui s’en saisissent, mais en les rattachant à des luttes pluriséculaires un peu partout sur la planète.
  1. Découpage partisan de la carte électorale.
  2. Au Canada, les femmes ont obtenu le droit de vote après la Première Guerre mondiale, le droit de vote fédéral, en Les Québécoises n’ont obtenu le droit de vote au provincial qu’en 1940. Les Autochtones (hommes et femmes) vivant dans les réserves n’obtiennent le droit de vote qu’en 1969. Les premières élections municipales montréalaises au suffrage universel ont lieu en 1970. Quant aux personnes détenues, elles devront attendre 1979 pour obtenir le droit de vote au Québec et en 2004 au Canada.
  3. En voici la liste complète selon le site des Nations Unies : la Convention internationale pour l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (1965), le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966), le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1966), la Convention pour l’élimination des discriminations à l’égard des femmes (1979), la Convention relative aux droits de l’enfant (1989), la Convention contre la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants (1984), la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et de leur famille (1990), la Convention relative aux droits des personnes handicapées (2006), la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (2006). La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones a été adoptée en 2007, mais ne jouit pas du même statut que les autres textes.
  4. La Charte canadienne est enchâssée dans la Constitution et ne peut être amendée que selon les procédures d’amendement de la Constitution. Par contre, la Charte québécoise peut être modifiée en tout temps par un projet de loi recueillant l’assentiment d’une majorité simple des membres de l’Assemblée nationale.
  5. Même si les droits économiques et sociaux ne sont pas justiciables au même titre que les droits civils et politiques.
 

L’article La vie sociale des droits est apparu en premier sur Ligue des droits et libertés.

La question de l’internationalisme et de la méthode chez Lénine

21 janvier 2024, par Pierre Beaudet
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Pierre Beaudet, le 14 septembre 2015 À l’occasion du 100e anniversaire de la mort de Lénine, le 21 janvier 1924, nous voulons rappeler une partie de sa contribution en publiant un extrait du texte de notre camarade feu-Pierre Beaudet, Relire Lénine?, publié sur le site Contretemps. Lénine et (...)

Grève du transport en commun en vue à Vancouver

21 janvier 2024, par West Coast Committee
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Le locale 4500 du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), syndicat représentant plus de 180 superviseurs de la Coast Mountain Bus Company dans la région métropolitaine de Vancouver, entamera une grève de 48 heures à partir de lundi matin, à 3 heures, s'il ne parvient pas à conclure (...)

Les profs mettent au premier plan la qualité de l’école publique

21 janvier 2024, par Marc Bonhomme — , ,
De dire haut et fort le président du Syndicat de l'enseignement de la région de Laval (SERL-FAE) qui a rejeté à 68 % l'entente de principe conclue avec Québec, que ses membres (…)

De dire haut et fort le président du Syndicat de l'enseignement de la région de Laval (SERL-FAE) qui a rejeté à 68 % l'entente de principe conclue avec Québec, que ses membres sont « restés fidèles aux positions qu'ils avaient au moment de la grève générale illimitée. Lorsqu'on se promenait sur les lignes de piquetage, les gens nous parlaient de la composition de la classe, des conditions de travail, des conditions d'apprentissage des élèves, de l'école publique dans son ensemble. […] Le gouvernement a décidé que lorsqu'il ne pouvait pas donner les services nécessaires, il allait donner une prime en argent aux enseignants. Ce n'est pas ça qui va rendre les conditions de travail meilleures… » (Marie-Ève Morasse, Les profs de Laval sont restés « fidèles » à leurs revendications, dit leur syndicat, La Presse, 19/01/24).

Tout est dit. Reste à gagner la bataille du rejet de la ratification ce qui n'est pas une mince affaire quand on considère la course à obstacles qui suivra, le cas échéant. L'acceptation de l'entente de principe par une courte majorité, dont une par la peau des dents, des deux autres syndicats de la FAE ayant voté est certes crève-cœur. Cependant un syndicat de la CSQ (Lanaudière), comme Laval, l'a fortement rejeté alors qu'un autre (Estrie) ne l'a ratifiée que par une majorité moindre que celle de la victoire du ‘non' au référendum de 1995. Malgré certaines ratifications fortes, surtout de la partie salariale quand les votes étaient scindés, rien n'est perdu. Plusieurs militantes de la FSSS-CSN ne sont pas enchantées de la hausse salariale de base qui risque de ne même pas égaler l'inflation. D'autant plus que du côté santé, la FIQ résiste aux demandes de « flexibilité » de la CAQ, ce qui a obligé les représentantes du petit syndicat de la CSQ regroupant les mêmes corps d'emploi à rejeter à la quasi-unanimité l'entente de principe sans même perdre son temps à la soumettre aux membres.

La bureaucratie syndicale, de connivence avec la CAQ, pensait avoir réussi à faire passer l'amère pilule par ses négociations secrètes puis des ententes tenues secrètes jusqu'à la tenue des assemblées générales de ratification — heureusement les médias grâce à de pertinents coulages ont pu casser cette procédure anti-démocratique — et par l'arrêt des grèves justifié par le temps des Fêtes. Comme le chantait Joël Denis en 1971, « c'ta pas encore fait, non non non ». Et si ça passe, il risque d'y avoir pas mal de démissions si ce n'est une crise paroxysmique. Encore plus, si la CAQ se laissait aller à la tentation de la loi spéciale en cas de non-ratification.

Pourrait poindre à l'horizon la défiance de 1972 avec cette fois une série de blocages de la délétère circulation des marchandises comme la FAE l'a fait le 21 décembre dernier (La Presse canadienne, Des enseignants en grève ont bloqué des accès aux ports de Montréal et de Québec, Le Devoir, 21/12/23) durant sa grève générale illimitée (GGI) qui a duré près d'un mois. Cette GGI était la bonne stratégie mais en Front commun que l'a FAE a boudé par corporatisme syndical, même combatif, alors que n'importe quel militant syndical sait que l'union fait la force et bloque les manœuvres patronales en autant qu'il y ait un fonctionnement démocratique. Cette bourde a permis à la CAQ de diviser pour tenter de peinturer dans le coin FAE et FIQ grâce aux tergiversations du Front commun.

Il n'est pas trop tard pour se reprendre si Québec solidaire met cartes sur table

Il n'est pas trop tard pour se reprendre. Si le « top gun » de la santé est payé plus cher les deux premières années pour mettre en place la malencontreuse centralisation à la mode albertaine du système de santé, on ne voit pas pourquoi la CAQ ne pourrait pas dégager un budget supplémentaire, et faire payer les banques et consorts pour ce faire, afin d'attirer par des primes les profs, infirmières, spécialistes et personnel de soutien manquants. Dans cette deuxième ronde, il serait plus facile de mobiliser l'appui populaire tant par une coordination de toutes et tous qu'en mettant l'emphase sur le rehaussement de l'éducation et de la santé publiques comme but explicitement recherché.

Ce brusque tournant est-il possible sans intervention musclée d'une inexistante gauche syndicale organisée ? Le spontanéisme a ses limites. On ne blâmera jamais assez la gauche dite anticapitaliste qui a fait semblant d'organiser une gauche syndicale depuis une dizaine d'années sinon plus, pour laisser dégénérer cette tentative en une série de conférences et table-rondes, parfois utiles, dont la dernière en date invitait une majorité de bureaucrates. L'aile parlementaire Solidaire n'a pas manqué la facilité de se faire prendre en photos sur les lignes de piquetage (Québec solidaire,[[PHOTOS] Les porte-parole de Québec solidaires des enseignantes et des enseignants en grève, 5/12/23). Maintenant, aujourd'hui, sans tarder, son intervention est indispensable pour appeler au rejet de l'entente de principe, pour inviter à des assemblées générales intersyndicales de toutes et tous ensemble, afin d'exiger une reprise des négociations et même au besoin une réouverture de la convention collective. Le parti de gauche de l'Assemblée nationale qui a une audience de masse, qui s'est fait damer le pion par le PQ faute de vision stratégique, saura-t-il rompre son alliance implicite avec la bureaucratie syndicale ?

Marc Bonhomme, 20 janvier 2024
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca

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Légitimité et pouvoir en place

20 janvier 2024, par Marc Simard
L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local En septembre 2023, un référendum a eu lieu dans la municipalité de Métis-sur-Mer pour voter le changement de zonage de (…)

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local En septembre 2023, un référendum a eu lieu dans la municipalité de Métis-sur-Mer pour voter le changement de zonage de terrains destinés à accueillir un camping pour véhicules récréatifs. La population, ou plutôt dans ce cas-ci une (...)

Crise climatique : la solution miracle

17 janvier 2024, par Carole Dupuis — , ,
Il se passe rarement une journée sans qu'une ONG, un gouvernement ou une sommité scientifique nous propose des solutions pour diminuer nos émissions de gaz à effet de serre. Et (…)

Il se passe rarement une journée sans qu'une ONG, un gouvernement ou une sommité scientifique nous propose des solutions pour diminuer nos émissions de gaz à effet de serre. Et chaque 22 avril, nous assistons à un véritable festival des solutions climatiques dans les médias, qui célèbrent ainsi à répétition le Jour de la terre. Or, il n'existe qu'une seule solution miracle au réchauffement climatique : passer de la parole aux actes et mettre en application les solutions que nous connaissons souvent depuis des décennies.

Nous savons toutes et tous comment cesser d'émettre presque tous les gaz à effet de serre dont nous causons le rejet dans l'atmosphère, principalement en lien avec la production et la consommation d'énergies fossiles.

Dans le domaine du transport, il faut rester chez nous en optant pour le télétravail et les vacances locales. Circuler à pied, à vélo ou à vélo électrique chaque fois que cela est possible et organiser nos quartiers, nos villages ainsi que nos vies pour que cela soit presque toujours possible. S'il faut vraiment faire la navette matin et soir, choisir le métro, le bus ou l'auto électrique en mode covoiturage. Se déplacer à quatre personnes dans une voiture électrique émet facilement 90 % moins de GES que se déplacer en solo dans une voiture à essence !

En ce qui concerne le chauffage des bâtiments, il suffit de bannir les systèmes au mazout et au gaz naturel pour faire tomber les émissions de GES à presque zéro. Quant aux déchets, miser simplement sur des pratiques ancestrales aussi banales que la lutte au gaspillage alimentaire, le compostage, le réemploi des contenants et la réparabilité des objets nous fera déjà faire un grand bout de chemin pour venir à bout des GES qu'ils génèrent… en les éliminant à la source.

Rien de sorcier jusqu'ici. Et s'il est vrai que certaines activités sont plus difficiles à décarboner que d'autres, en industrie surtout, la plupart ne posent aucun défi technique digne de ce nom.

En fait, la liste des solutions concrètes d'évitement des GES est longue et archi-connue. Le Front commun pour la transition énergétique en propose des centaines dans sa Feuille de route pour la transition du Québec vers la carboneutralité. Le GIEC en présente une synthèse admirable, pour chaque domaine de la vie quotidienne et chaque pilier de nos économies, dans le troisième et dernier volet de son sixième rapport, publié en avril dernier.

Le hic, c'est la mise en application.

Agir à la bonne échelle

Ni le Canada ni le Québec ne pourront faire leur juste part dans la lutte au réchauffement climatique sans que toutes les personnes qui y occupent des postes décisionnels et tous les ménages qui y vivent sachent comment éviter les émissions de GES et s'engagent dans une démarche radicale en ce sens. Néanmoins, savoir quelles sont les façons de faire à changer et vouloir les changer ne suffit pas. Il faut aussi pouvoir les changer, ce qui dépend très souvent des choix collectifs et non de décisions individuelles.

Comment diminuer les GES liés aux déplacements quand notre gouvernement s'emploie à aggraver le problème en investissant 6,5 milliards $ pour construire le tunnel autoroutier Québec-Lévis et 255 millions $ sur 5 ans dans le transport aérien régional, plutôt que de réserver les fonds à une mobilité beaucoup plus verte ? Comment sortir rapidement le gaz du chauffage des bâtiments quand Québec émet un décret sur la biénergie qui en prolongera l'usage pour au moins 30 ans ? Comment éliminer nos déchets à la source dans une économie dopée à la surconsommation, au gaspillage, au suremballage et au jetable, grisée par des réglementations complaisantes, une fiscalité qui ne joue pas son rôle et de généreuses injections de fonds publics ?

Territorialiser les systèmes

Si les idéologies en place empêchent encore pour l'instant tout progrès significatif de la décarbonation à l'échelle nationale, il existe peut-être tout de même un terreau fertile à l'action climatique efficace : celui des collectivités territoriales.

À cette échelle, il est encore possible d'espérer que les acteurs clés du milieu et la population puissent agir de concert pour briser certains des verrous systémiques qui bloquent le changement. Heureuse convergence, l'action climatique territoriale a le potentiel de non seulement avoir un impact important sur les volumes de GES émis, mais aussi de permettre à la société civile de reprendre une certaine maîtrise sur ses choix collectifs, de faciliter l'inclusion des populations marginalisées dans les démarches de transition socioécologique et d'atténuer la vulnérabilité qui plombe nos collectivités au terme de plusieurs décennies de mondialisation.

À titre d'exemple, le modèle des systèmes agroalimentaires territorialisés peut remplacer avantageusement le modèle industriel mondialisé qui domine. Il permet d'envisager que s'assoient autour d'une même table toutes les parties prenantes du système agroalimentaire d'un territoire donné, y compris la population, afin de créer un système largement autosuffisant, solidaire, carboneutre et zéro déchet, respectueux de la santé des sols et des cours d'eau. Certes, on ne reviendra pas à l'époque de nos ancêtres où tout était produit et transformé à la maison. Rien n'empêche toutefois une collectivité de s'organiser pour que les productions et autoproductions agroécologiques locales occupent la part du lion de son alimentation, que personne ne souffre d'insécurité alimentaire, que le gaspillage alimentaire devienne chose du passé et que la consigne et le compostage remplacent les montagnes de contenants et résidus organiques à trier, enfouir ou méthaniser.

La même logique peut s'appliquer au domaine de l'énergie. Sans surprise, Hydro-Québec affirme dans son plan stratégique 2022-2026 que la transition exigera une hausse de nos capacités de production d'électricité renouvelable. Pourquoi nos collectivités ne se doteraient-elles pas de systèmes énergétiques partiellement territorialisés au lieu de laisser le champ libre aux partenariats d'Hydro-Québec avec des entreprises privées comme Énergir et Boralex ? Conçus en fonction des ressources et des contraintes des territoires, ces systèmes territorialisés pourraient inclure entre autres la géothermie communautaire, la récupération de chaleur industrielle, l'éolien, le solaire et la biomasse. Ils procureraient des revenus aux collectivités et leur assureraient un minimum de résilience énergétique.

Tous les systèmes peuvent être passés au crible territorial. Même si les gouvernements supérieurs détiennent un pouvoir déterminant sur les systèmes de transport, les collectivités peuvent mener des actions structurées ayant un grand impact sur l'empreinte carbone des déplacements de personnes et de marchandises sur leur territoire. Un autre exemple est ce qu'on pourrait appeler le système de production de déchets : en s'unissant entre eux et avec la population, les acteurs clés d'une collectivité (municipalité, institutions, associations de commerçants, industries, entreprises d'économie sociale, médias, etc.) ont le pouvoir de tourner le dos aux emballages, contenants et objets à usage unique, de promouvoir activement l'économie du partage, du réemploi et de la réparation, et ainsi de suite.

Changer le monde en passant par les territoires ?

Par l'ambition de son plan climat, la Ville de Montréal illustre bien les pas décisifs qu'une collectivité peut franchir malgré l'incohérence climatique des gouvernements Trudeau et Legault. Pour sa part, le projet Collectivités ZéN du Front commun pour la transition énergétique mise sur l'union des forces de la société civile sur des territoires circonscrits afin de transformer les milieux.

« À force d'éroder les brèches, on finit par éroder le système. Les acteurs en place arrivent alors à s'engager dans une transformation profonde et porteuse de grands changements », disait le professeur en innovation sociale Philippe Dufort lors d'un forum en ligne organisé par le Front commun pour la transition énergétique le 1er avril dernier. Sans constituer par elle-même une solution miracle, l'action climatique territoriale est assurément un terrain à investir pour effectuer ce nécessaire travail de sape.

Illustration : Ramon Vitesse

Côte-Nord - Nitassinan / Territoires enchevêtrés

17 janvier 2024, par Valérie Beauchamp, Adèle Clapperton-Richard — , , ,
Longer le fleuve, suivre les épinettes, remonter les rivières, marcher les tourbières, respirer la nordicité. Les vastes étendues de la Côte-Nord chamboulent, fascinent, (…)

Longer le fleuve, suivre les épinettes, remonter les rivières, marcher les tourbières, respirer la nordicité. Les vastes étendues de la Côte-Nord chamboulent, fascinent, apaisent. On les associe à l'immensité d'une nature brute, mais elles symbolisent aussi, malheureusement, des espaces accaparés, transformés, pillés. Le territoire nord-côtier fait en effet partie de ce qu'on nomme les « régions ressources », où les arbres, les cours d'eau et les sols ont été perçus comme des marchandises à exploiter, au détriment des écosystèmes et de la biodiversité, et, surtout, des gardien·nes et responsables de ces lieux, les Innus.

Car la Côte-Nord, c'est d'abord le Nitassinan, le territoire ancestral innu – littéralement notre terre en innu-aimun. Ce sont des rivières, des portages, des sentiers empruntés depuis des millénaires ; des relations et des savoirs territoriaux qui se sont développés en harmonie avec la faune et la flore boréales, et qui continuent de se transmettre.

La Côte-Nord est un territoire enchevêtré. Un territoire façonné par les interactions, autant les ententes que les rapports de pouvoir, entre les groupes allochtones et autochtones vis-à-vis l'occupation, l'utilisation et la gestion territoriales. De ces enchevêtrements naissent des relations au territoire où se tissent un enracinement, un sentiment d'appartenance. L'espace nord-côtier n'est pas homogène – on devrait même dire les espaces nord-côtiers – et pourtant il s'en dégage une certaine constance : celle d'un attachement profond, d'une fierté aussi.

Les textes qui composent ce dossier en rendent tout à fait compte. Ce sont des fragments de réalités nord-côtières actuelles, de projets et de préoccupations, où s'expriment des histoires et des émotions. Comment le territoire influence-t-il la création et l'expression artistiques ? Quel héritage laisse la colonisation, entre la dépossession territoriale, la cohabitation et les possibles solidarités ? Comment la nordicité façonne-t-elle les habitant·es et ce qu'on peut cueillir et cultiver ? Quelles difficultés entraînent la distance de cette région, par rapport aux grands centres urbains ? Quelle place occupent la culture et la langue innues ?

Ces questions ont orienté les principales thématiques abordées dans ce dossier : les relations coloniales, l'éloignement, les liens communautaires, la sauvegarde et la protection – non seulement du territoire, mais aussi celles de la culture et de la langue innues. Culture et langage qui sont, comme le montrent plusieurs des textes ici réunis, indissociables de leur ancrage territorial ancestral. Tous ces textes dépeignent les spécificités de la vie nordique. Ils montrent ce qui rend la Côte-Nord unique, ce qui rend le Nitassinan magnifique. Ce n'est pas seulement un vaste espace ; c'est un territoire vécu.

Tshima mińu-tshitapatameku - Bonne lecture.

Dossier coordonné par Adèle Clapperton-Richard et Valérie Beauchamp

Illustrations par Emilie Pedneault et photos par Raphaëlle Ainsley-Vincent

Avec des contributions de Dolorès André, Rose-Aimée Auclair, Alex Beaudin, Charlotte Bellehumeur, Myriam Boivin-Comtois, Isabelle Bouchard, Adèle Clapperton-Richard, Stéphanie Fournier, Frédérique Lévesque, Mat Michaud, Yvette Mollen, Sylvie O'Connor, Camille Robidoux-Daigneault, Marie-Hélène Rousseau et Valérie Tremblay.

Illustration : Adèle Clapperton-Richard

Cohabitation interculturelle. Une recette imparfaite

17 janvier 2024, par Charlotte Bellehumeur — , ,
Le territoire nord-côtier se définit non seulement par ses vastes paysages, mais aussi par les individus qui y vivent. Par des mobilités croissantes, la Côte-Nord se transforme (…)

Le territoire nord-côtier se définit non seulement par ses vastes paysages, mais aussi par les individus qui y vivent. Par des mobilités croissantes, la Côte-Nord se transforme en un espace pour les rencontres et la cohabitation avec l'Autre, notamment dans les milieux de travail.

La cohabitation sur la Côte-Nord a débuté bien avant la colonisation, malgré ce que les récits historiques rédigés par les vainqueur·euses racontent. En effet, les Premiers Peuples présents sur le grand territoire du Nitassinan (le territoire des Innu·es, « notre terre » en innu-aimun) se fréquentent depuis plusieurs centaines d'années.

S'en sont suivis les contacts avec les premier·ères pêcheur·euses européen·nes, même si la rencontre avec les Occidentaux·ales s'est concrétisée dans nos livres d'histoire à l'époque coloniale, entre les colon·nes français·es, les colon·nes anglais·es et les Premières Nations.

Aujourd'hui, ce sont des communautés allochtones francophones et anglophones ainsi que des communautés innues et naskapies qui se côtoient sur un vaste territoire partagé, dont les échanges sont entre autres tissés autour de la division de la gouvernance territoriale, de même qu'autour du partage et de la cogestion des ressources de la région [1]. Ces villes, ces communautés et ces villages sont reliés et communiquent par la voie terrestre (comme la route 138), la voie maritime (le bateau Bella Desgagné) ou la voie aérienne.

La cohabitation comme clé de lecture

Ce long passé de mixité sur la Côte-Nord peut être défini de diverses façons. La cohabitation est d'emblée la « dimension déterminante de l'habiter [2] » et elle implique la coexistence entre les différentes nations et leurs cultures sur un même territoire, qui peut être harmonieuse ou conflictuelle. La cohabitation se caractérise en outre par la mise en commun et le partage qui doivent impérativement se faire dans le plus grand des respects des autres communautés afin de bien fonctionner [3] : c'est un « exercice de consensus [4] », un « vivre-ensemble [5] » à la fois volontaire et obligé. Néanmoins, ces relations interculturelles ne peuvent être complètement détachées de l'héritage colonial et sont teintées des rapports de domination, qui se matérialisent notamment par une distance culturelle. Il est donc primordial que des espaces de création de relations soient mis en place dans l'objectif de construire un espace commun et d'inclusion, vital et durable.

Les relations contemporaines prennent forme au sein de plusieurs sphères personnelles, culturelles, économiques, politiques, artistiques et de loisirs. La première étape de l'établissement d'un réseau social réside dans la rencontre banale et régulière avec l'Autre. Les milieux de travail représentent le noyau embryonnaire où les relations interculturelles prennent souvent naissance, et seront notre lunette pour observer les relations entre les nations, qui peuvent par la suite persister à de plus grandes échelles.

Lieu de travail : pierre angulaire des relations interculturelles

En plus d'être caractérisée par la présence de plusieurs peuples, la cohabitation sur la Côte-Nord est redéfinie par les mobilités et l'arrivée de nouvelles personnes en provenance d'ailleurs ou de l'extérieur du Québec. Cela transforme et bouleverse l'organisation sociospatiale de la cohabitation nord-côtière. L'arrivée de ces individus, le plus souvent pour des raisons professionnelles, entraîne des mouvements de plus en plus marqués au sein de la population nord-côtière.

De cette manière, le milieu de travail devient le point de rencontre initial, le premier contact, où toutes les nations doivent se côtoyer, socialiser et se tolérer et ce, peu importe l'origine ethnoculturelle, le genre, la classe ou la personnalité. Toutefois, les milieux de travail reproduisent eux aussi certaines disparités coloniales, comme les rapports raciaux qui se dessinent dans la prédominance toujours actuelle des pratiques professionnelles allochtones néolibérales qui encouragent un certain racisme systémique.

Toujours est-il que le fait de se fréquenter régulièrement amène une promiscuité ordinaire qui permet de créer, avec le temps, un espace de confiance qui outrepasse cette distance ainsi que ces inégalités. Cette cohabitation permet de travailler de pair et encourage le développement de liens à l'extérieur du travail. Le milieu de travail offre de ce fait un contexte particulier où les rapports majorité/minorité sont revisités, notamment par des pratiques professionnelles qui visent la mise en valeur des manières d'être et de faire nordiques et autochtones. Le lieu de travail est ainsi un espace indispensable aux rencontres diversifiées et à la valorisation des différentes cultures.

Éclatement des frontières

Pour réduire les tensions et accroître l'équilibre dans la rencontre avec l'Autre à l'échelle régionale, les relations doivent surpasser le milieu professionnel pour se traduire dans les pratiques quotidiennes, des communautés, du nutshimit (l'intérieur des terres, en innu-aimun) et du territoire. Cela est grandement facilité lorsque les personnes habitent dans la même communauté que celle où se situe leur lieu de travail, puisqu'elles pourront pleinement participer aux activités et à la vie communautaires. Cela contribue également à réduire le roulement et améliorer la rétention des nouveaux·elles habitant·es sur la Côte-Nord, ce qui augmente le sentiment de familiarité qui se développe à long terme.

En sus, la cohabitation n'est complète que lorsqu'elle se fait aussi avec le territoire et à l'intérieur de celui-ci : la cohabitation est largement définie, ficelée et encouragée par le rapport à l'espace [6]. Bien s'intégrer au territoire permet de mieux comprendre comment celui-ci s'articule, comment les Nord-Côtier·ères, les Innu·es et les Naskapi·es y vivent, et encourage un meilleur respect envers les usager·ères ancestraux·ales et de longue date de ces milieux des régions dites éloignées.

Lorsque la cohabitation dépasse les lieux de rencontres préétablis, c'est à ce moment qu'elle contribue à la décolonisation des relations, au mieux vivre des peuples voisins. En ce sens, la cohabitation nord-côtière contemporaine ne se limite pas aux délimitations territoriales régionales : elle se poursuit en dehors de la Côte-Nord par les mobilités croissantes. En effet, les parcours migratoires ne se font pas seulement de grands centres urbains vers la Côte-Nord, mais tout autant en sens inverse. Par cet éclatement des frontières, les mouvements incessants, les technologies grandissantes et les infrastructures de déplacement de plus en plus accessibles qui permettent une contraction de l'espace-temps et facilitent l'échange culturel, la cohabitation nord-côtière s'ancre dans un réseau d'ouverture à autrui à plusieurs échelles et devient un enjeu qui concerne non seulement les habitant·es du Nitassinan et ses nouveaux·elles arrivant·es, mais également les individus à l'échelle québécoise.


[1] Annie Bourgeois, Les relations interculturelles entre les Autochtones et les allochtones du Québec : étude de cas des communautés de Nutashkuan et Natashquan (mémoire), Université du Québec à Montréal, 2011.

[2] Laurie Guimond, Alexia Desmeules, Caroline Desbiens et Jean-Charles Piétacho, Des ponts interculturels à la rivière Romaine ? : développement nordique et territorialités innues, Québec, Presses de l'Université de Québec, 2019, p. 46.

[3] Justine Gagnon, Mode d'habiter et territorialités autochtones contemporaines : le cas de la natinisga'a en Colombie-Britannique (mémoire), Université du Québec à Montréal, 2013.

[4] Caroline Desbiens et Étienne Rivard, « Relations durables : autochtones, territoires et développement », Recherches amérindiennes au Québec, vol. 38, no 1, 2010, p. 302.

[5] Laurie Guimond et Alexia Desmeules, « « Les oreilles se sont ouvertes des deux côtés » : développement territoiral et relations entre Innus et non-Innus au chantier Romaine », Recherches sociographiques, vol. 58, no 2, 2017, p. 378.

[6] Naomi Fontaine, Shuni, Montréal, Mémoire d'encrier, 2019.

Charlotte Bellehumeur, département de géographie, UQAM. Cet article a été rédigé par une étudiante allochtone en terres autochtones ancestrales non cédées, notamment sur le territoire Tio'tia:ke de la nation Kanien:keha'ka où se retrouve l'UQAM, et sur le territoire des Innu·es, le Nitassinan.

Photo : Raphaëlle Ainsley-Vincent

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