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2023 : les géants de l’énergie fossile choisissent leurs actionnaires au lieu de la planète

« La crise mondiale de l'énergie s'est avérée un gigantesque pactole pour les firmes exploitant les combustibles fossiles. Au lieu d'investir leurs bénéfices record dans les énergies propres, ces compagnies les redirigent vers le pétrole et le gaz et vers la dotation des détenteurs de leurs titres ».
Entendu en marge de la COP 28
9 janvier 2024 | tiré d'Alter-Québec | Photo : Manifestation à Melbourne contre les énergies fossiles - @Takver from Australie CC BY-SA 2-0 via Wikimedia Commons -Julia Conley, Common Dreams
L'année 2023 a été marquée par des événements météorologiques signalant de plus en plus clairement que la Terre est entrée dans ce que le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, a appelé l'« ère de l'ébullition », avec ses incendies de forêt et vagues de chaleur prolongées qui font souffrir des millions de personnes. Et la communauté scientifique confirme que l'extraction des combustibles fossiles et le réchauffement de la planète sont des sources directes de tels maux.
Mais pour les cinq plus grandes compagnies pétrolières au monde, l'année a été marquée par des bénéfices record et par l'approbation de plusieurs nouveaux projets majeurs d'exploitation de combustibles fossiles -à tel point que, selon les prévisions, ces compagnies devraient pouvoir distribuer aux détenteurs de leurs titres une manne supérieure à 100 milliards de dollars américains, signe que leurs dirigeants ne craignent guère une baisse de la demande de leurs produits, a noté un économiste.
Les compagnies en question – BP, Shell, Chevron, ExxonMobil et TotalEnergies – ont rémunéré les détenteurs de leurs titres à hauteur de 104 milliards de dollars américains en 2022, et devraient selon le Guardian récompenser les investisseurs avec des rachats de titres et des versements de dividendes encore plus impressionnants en 2023.
Shell a annoncé en novembre avoir des plans pour verser aux détenteurs de ses titres au moins 23 milliards de dollars américains, soit plus de six fois le montant qu'elle prévoyait consacrer à des projets d'énergie renouvelable. BP a promis aux détenteurs de ses titres une augmentation de 10 % de ses dividendes. Chevron a en début d'année dernière fait savoir qu'elle entendait racheter ses actions pour un montant de 75 milliards de dollars américains, et ses efforts en ce sens pourraient bien dépasser ce montant.
Alice Harrison, militante au sein de l'ONG Global Witness, a dénoncé le fait que les détenteurs de titres des compagnies du secteur des énergies fossiles vont faire de bonnes affaires tandis que beaucoup de foyers aux quatre coins de l'Europe souffrent de la pénurie de carburants et que le monde est confronté à la menace croissante de catastrophes climatiques imputables à l'industrie.
« La crise mondiale de l'énergie s'est avérée un gigantesque pactole pour les sociétés exploitant les combustibles fossiles, a déclaré Madame Harrison au Guardian. Et au lieu d'investir leurs bénéfices record dans les énergies propres, ces compagnies les redirigent vers le pétrole et le gaz et vers la dotation des détenteurs de leurs titres. Cette année encore, des millions de familles seront à court de moyens pour chauffer leur maison pendant l'hiver et les pays du monde entier continueront de subir les effets des phénomènes météorologiques extrêmes dus à l'effondrement climatique. Ainsi va l'économie des combustibles fossiles, avec ses dés pipés en faveur des riches ».
En 2023, les militants ont intensifié leurs démarches pour placer les industries du pétrole, du gaz et du charbon devant leurs responsabilités et il appert qu'en date du mois dernier, ils ont obtenu des résultats en faisant pression sur plus de 1 600 universités, fonds de pension et autres institutions en vue de les dissuader d'investir dans les combustibles fossiles. Aux États-Unis, les dispositions de la loi sur la réduction de l'inflation (Inflation Reduction Act), présentée en grande pompe comme le « plus grand investissement dans le climat et l'énergie de l'histoire américaine », sont entrées en vigueur.
Mais Dieter Helm, professeur de politique économique à l'université d'Oxford, a déclaré au Guardian que si l'on craignait vraiment dans l'industrie que les décideurs politiques mettent un terme à l'extraction des combustibles fossiles et accélèrent la transition vers les sources d'énergie renouvelables, les compagnies du secteur dépenseraient beaucoup moins pour lancer de nouveaux projets et rémunérer les détenteurs de leurs titres.
« On n'en serait pas là si on était convaincu que la transition énergétique est en voie de se concrétiser et que la demande de combustibles fossiles va diminuer », a confié Monsieur Helm au Guardian.
En 2023, le président américain Joe Biden a exaspéré les défenseurs du climat en approuvant le projet de forage pétrolier Willow en Alaska, qui risque d'entraîner l'émission d'environ 280 millions de tonnes de dioxyde de carbone contribuant à l'emprisonnement de chaleur dans l'atmosphère. L'administration Biden a par ailleurs inclus dans un accord sur la limite de la dette des dispositions visant à aller plus rapidement de l'avant avec l'approbation du pipeline Mountain Valley, un projet qui pourrait conduire à l'émission de l'équivalent de plus de 89 millions de tonnes de dioxyde de carbone. Parallèlement, le gouvernement britannique a donné le feu vert à un énorme réseau de forage pétrolier en mer du Nord et la société française TotalEnergies a poursuivi la construction de l'oléoduc de pétrole brut d'Afrique de l'Est, long de 1450 kilomètres, dans la perspective de transporter jusqu'à 230 000 barils de brut par jour.
« Ces compagnies investissent des sommes considérables dans de nouveaux projets et distribuent des dividendes de plus en plus juteux parce qu'elles sont convaincues de pouvoir obtenir des rendements élevés, a souligné M. Helm. Et si l'on considère l'état actuel de nos progrès en matière climatique, qui peut dire qu'elles se fourvoient ? »
Vanessa Nakate, militante pour le climat, a mis le doigt sur l'expectative de voir se matérialiser une grasse rémunération des détenteurs de titres de ces compagnies après l'entente intervenue à la 28e conférence annuelle des Nations unies sur le changement climatique pour instaurer un fonds « pertes et dommages » visant à aider les pays en développement à lutter contre l'urgence climatique. Ce fonds a été qualifié d'« historique », et il est prévu que les pays riches le dotent de 700 millions de dollars américains, une somme qui devrait être éclipsée par les gains des investisseurs dans les combustibles fossiles.
Prem Sikka, membre de la Chambre des Lords du Royaume-Uni et cofondateur du Tax Justice Network (réseau de justice fiscale) a fait ce commentaire au sujet des géants du secteur pétrolier : « Ils se sont servis dans le portefeuille des gens, ils ont alimenté l'inflation et ils ont aggravé la pollution et la pauvreté. Les gouvernements ne font rien pour mettre fin à leur mainmise monopolistique. C'est un cartel à démanteler. »
Traduit de l'anglais par Johan Wallengren
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S’opposer au viol et à la violence de genre à l’échelle internationale

Nous pouvons apprendre de la façon dont Narges Mohammadi en Iran et nos sœurs afghanes qui luttent sous le régime brutal des talibans, [déclarent leur opposition à la fois à l'invasion brutale de Gaza par Israël et à la misogynie et à l'autoritarisme du Hamas->S'opposer au viol et à la violence de genre à l'échelle internationale
Tiré de socialistfeminism.org
Nous pouvons apprendre de la façon dont Narges Mohammadi en Iran et nos sœurs afghanes qui luttent sous le régime brutal des talibans, déclarent leur opposition à la fois à l'invasion brutale de Gaza par Israël et à la misogynie et à l'autoritarisme du Hamas. Frieda Afary 11 décembre 2023 En tant que féministe irano-américaine qui s'est engagée dans la solidarité avec le mouvement Femme, Vie, Liberté en Iran, j'ai eu les larmes aux yeux après avoir lu le rapport publié par Amnesty Internationalsur l'utilisation du viol et de la violence sexuelle par le gouvernement iranien pendant le soulèvement « Femme, Vie, Liberté ». En plus d'avoir violé de nombreuses femmes, filles et hommes qui ont été arrêtés pour avoir participé à ce soulèvement, les forces de sécurité gouvernementales iraniennes ont tiré sur des manifestantes dans les parties génitales et dans les yeux. Des milliers d'écolières ont été empoisonnées à cause de leur soutien direct ou indirect au mouvement Femme, Vie, Liberté.
La question de la solidarité avec les femmes iraniennes a fait l'objet d'une grande attention l'année dernière lorsque le soulèvement a fait la une des journaux. Il fait également l'objet d'un regain d'attention à la lumière de l'attribution du prix Nobel de la paix à Narges Mohammadi, féministe iranienne emprisonnée et militante des droits de l'homme.
Cependant, malgré le fait que les femmes iraniennes continuent de se battre et que des milliers de militantes sont toujours en prison et/ou souffrent de traumatismes et attendent leur procès, la solidarité des féministes internationales s'estompe alors que l'attention se tourne vers la guerre israélo-palestinienne au Moyen-Orient. Nous devons continuer à trouver des moyens de soutenir nos sœurs iraniennes dans la lutte contre le fondamentalisme religieux, la violence sexiste et l'autoritarisme alors que nous exprimons notre opposition aux crimes de guerre commis au Moyen-Orient. Le mois dernier, Narges Mohammadi apublié une déclaration depuis sa prison concernant la Palestine et Israël et a condamné « les agressions contre les sans-abri, le massacre d'enfants, de femmes et de civils, les prises d'otages, le bombardement d'hôpitaux, d'écoles et de zones résidentielles ».
Elle a appelé à « un cessez-le-feu immédiat, à la fin de la guerre [...] le respect des droits de l'homme et la création des conditions d'une coexistence pacifique des peuples. Nous pouvons également apprendre de la façon dont Narges Mohammadi et nos sœurs afghanes luttent sous le régime brutal des talibans, déclarent leur opposition à la fois à l'invasion brutale de Gaza par Israël et à la misogynie et à l'autoritarisme du Hamas. Dans leurs déclarations, ils expriment un esprit de solidarité avec les Palestiniens et les Juifs, et reconnaissent les droits de l'homme des deux.
C'est cet esprit de solidarité et de sororité que j'ai trouvé manquant chez certaines féministes aux États-Unis alors qu'elles s'opposent à juste titre à l'invasion brutale de Gaza par Israël.
Bien qu'il y ait suffisamment de preuves pour prouver que le Hamas était responsable du viol et de la mutilation de plusieurs femmes et filles lors de son assaut à l'intérieur d'Israël le 7 octobre, il y a eu un silence de la part de nombreuses féministes de gauche qui refusent de condamner le Hamas. Ce silence est dans certains cas enraciné dans la crainte que dénoncer ces viols ne mette les féministes du côté de l'invasion de Gaza par Israël. Dans certains cas, le silence est enraciné dans l'idée que le Hamas, une organisation fondamentaliste religieuse, misogyne et autoritaire, fait partie de la résistance légitime du peuple palestinien.
En tant que féministe socialiste, je me sens obligée d'établir quelques points :
– Reconnaître la brutalité des viols et des mutilations commis par le Hamas n'enlève rien à notre condamnation du meurtre de plus de 17 000 civils palestiniens par l'invasion brutale de Gaza par Israël. Au contraire, cette reconnaissance met l'accent sur la responsabilité des féministes de ne pas être sélectives dans leur condamnation de la violence sexiste.
– Condamner le Hamas n'enlève rien à la légitimité de la lutte palestinienne pour l'autodétermination. Au contraire, condamner le Hamas met l'accent sur la nécessité d'établir une distinction entre la juste cause des Palestiniens et l'idéologie, la tactique et la stratégie du Hamas.
– Ignorer la brutalité et l'idéologie réactionnaire du Hamas ne fera que fournir au Hamas un soutien dans son étouffement des voix dissidentes, féministes et queer palestiniennes qui recherchent une véritable démocratie, la justice sociale, la libération du genre et la coexistence pacifique avec les Juifs.
Il est de la responsabilité des féministes socialistes de faire face à l'intersection de l'oppression de classe, de race et de genre dans toutes les sociétés et d'aider nos sœurs palestiniennes et israéliennes à s'unir pour s'opposer au fondamentalisme religieux, à la misogynie, au racisme et au capitalisme autoritaire en Israël et en Palestine.
Compte tenu des réalités au Moyen-Orient et de l'imbrication mondiale de la violence sexiste et de la violence d'État, de l'invasion de l'Ukraine par la Russie à l'emprisonnement par la Chine de la population musulmane ouïghoure du Xinjiang, en passant par l'assaut du gouvernement militaire du Soudan contre sa population et la régression aux États-Unis sur le droit à l'avortement, le genre et les droits civils, les féministes doivent offrir une approche globale et une vision intersectionnelle de l'émancipation et non une focalisation sélective et unique. Frieda Afary 11 décembre 2023].
Frieda Afary
11 décembre 2023
En tant que féministe irano-américaine qui s'est engagée dans la solidarité avec le mouvement Femme, Vie, Liberté en Iran, j'ai eu les larmes aux yeux après avoir lu le rapport publié par Amnesty International sur l'utilisation du viol et de la violence sexuelle par le gouvernement iranien pendant le soulèvement « Femme, Vie, Liberté ». En plus d'avoir violé de nombreuses femmes, filles et hommes qui ont été arrêtés pour avoir participé à ce soulèvement, les forces de sécurité gouvernementales iraniennes ont tiré sur des manifestantes dans les parties génitales et dans les yeux. Des milliers d'écolières ont été empoisonnées à cause de leur soutien direct ou indirect au mouvement Femme, Vie, Liberté.
La question de la solidarité avec les femmes iraniennes a fait l'objet d'une grande attention l'année dernière lorsque le soulèvement a fait la une des journaux. Il fait également l'objet d'un regain d'attention à la lumière de l'attribution du prix Nobel de la paix à Narges Mohammadi, féministe iranienne emprisonnée et militante des droits de l'homme. Cependant, malgré le fait que les femmes iraniennes continuent de se battre et que des milliers de militantes sont toujours en prison et/ou souffrent de traumatismes et attendent leur procès, la solidarité des féministes internationales s'estompe alors que l'attention se tourne vers la guerre israélo-palestinienne au Moyen-Orient.
Nous devons continuer à trouver des moyens de soutenir nos sœurs iraniennes dans la lutte contre le fondamentalisme religieux, la violence sexiste et l'autoritarisme alors que nous exprimons notre opposition aux crimes de guerre commis au Moyen-Orient. Le mois dernier, Narges Mohammadi a publié une déclaration depuis sa prison concernant la Palestine et Israël et a condamné « les agressions contre les sans-abri, le massacre d'enfants, de femmes et de civils, les prises d'otages, le bombardement d'hôpitaux, d'écoles et de zones résidentielles ». Elle a appelé à « un cessez-le-feu immédiat, à la fin de la guerre [...] le respect des droits de l'homme et la création des conditions d'une coexistence pacifique des peuples.
Nous pouvons également apprendre de la façon dont Narges Mohammadi et nos sœurs afghanes luttent sous le régime brutal des talibans, déclarent leur opposition à la fois à l'invasion brutale de Gaza par Israël et à la misogynie et à l'autoritarisme du Hamas. Dans leurs déclarations, ils expriment un esprit de solidarité avec les Palestiniens et les Juifs, et reconnaissent les droits de l'homme des deux.
C'est cet esprit de solidarité et de sororité que j'ai trouvé manquant chez certaines féministes aux États-Unis alors qu'elles s'opposent à juste titre à l'invasion brutale de Gaza par Israël.
Bien qu'il y ait suffisamment de preuves pour prouver que le Hamas était responsable du viol et de la mutilation de plusieurs femmes et filles lors de son assaut à l'intérieur d'Israël le 7 octobre, il y a eu un silence de la part de nombreuses féministes de gauche qui refusent de condamner le Hamas. Ce silence est dans certains cas enraciné dans la crainte que dénoncer ces viols ne mette les féministes du côté de l'invasion de Gaza par Israël. Dans certains cas, le silence est enraciné dans l'idée que le Hamas, une organisation fondamentaliste religieuse, misogyne et autoritaire, fait partie de la résistance légitime du peuple palestinien.
En tant que féministe socialiste, je me sens obligée d'établir quelques points :
Reconnaître la brutalité des viols et des mutilations commis par le Hamas n'enlève rien à notre condamnation du meurtre de plus de 17 000 civils palestiniens par l'invasion brutale de Gaza par Israël. Au contraire, cette reconnaissance met l'accent sur la responsabilité des féministes de ne pas être sélectives dans leur condamnation de la violence sexiste.
Condamner le Hamas n'enlève rien à la légitimité de la lutte palestinienne pour l'autodétermination. Au contraire, condamner le Hamas met l'accent sur la nécessité d'établir une distinction entre la juste cause des Palestiniens et l'idéologie, la tactique et la stratégie du Hamas.
Ignorer la brutalité et l'idéologie réactionnaire du Hamas ne fera que fournir au Hamas un soutien dans son étouffement des voix dissidentes, féministes et queer palestiniennes qui recherchent une véritable démocratie, la justice sociale, la libération du genre et la coexistence pacifique avec les Juifs.
Il est de la responsabilité des féministes socialistes de faire face à l'intersection de l'oppression de classe, de race et de genre dans toutes les sociétés et d'aider nos sœurs palestiniennes et israéliennes à s'unir pour s'opposer au fondamentalisme religieux, à la misogynie, au racisme et au capitalisme autoritaire en Israël et en Palestine.
Compte tenu des réalités au Moyen-Orient et de l'imbrication mondiale de la violence sexiste et de la violence d'État, de l'invasion de l'Ukraine par la Russie à l'emprisonnement par la Chine de la population musulmane ouïghoure du Xinjiang, en passant par l'assaut du gouvernement militaire du Soudan contre sa population et la régression aux États-Unis sur le droit à l'avortement, le genre et les droits civils, les féministes doivent offrir une approche globale et une vision intersectionnelle de l'émancipation et non une focalisation sélective et unique.
Frieda Afary
11 décembre 2023
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De part et d’autre des Pyrénées : l’IVG dans la Constitution ou devant un tribunal !

Comme prévu Emmanuel Macron a présenté ce jour en Conseil des Ministres le projet de loi inscrivant le droit à l'IVG dans la Constitution. Et comme prévu, il a retenu la formulation votée au Sénat en février dernier qui stipule : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté garantie à la femme d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ».
Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/12/20/de-part-et-dautre-des-pyrenees-livg-dans-la-constitution-ou-devant-un-tribunal/#
Collectif « Avortement en Europe, les Femmes décident ! » – 11/11/2023
Ce projet de loi n'assure en rien contre d'éventuelles régressions sur les dites « conditions » type par exemple supprimer le remboursement de l'IVG ou interdire l'IVG aux mineures sans autorisation parentale. L'ajout du mot « garantie » ne change en l'occurrence rien à l'affaire. Nous réclamons un droit comme l'a voté l'Assemblée nationale, notre revendication est constante.
Quasiment au même moment, c'est à dire le 4 décembre, Vanessa Mendoza Cortés était jugée par le tribunal de justice d'Andorre pour le délit « d'atteinte au prestige des institutions ». Elle risque six mille euros d'amende et l'interdiction d'exercer des fonctions publiques pendant six mois. La décision de justice sera rendue le 17 anvier 2024.
Elle était poursuivie par les autorités andorranes pour avoir dénoncé, en 2019, l'interdiction de l'avortement dans son pays, dans une session de l'ONU contre les discriminations de genre.
En 2021, grâce aux mobilisations féministes internationales, deux des chefs d'accusation, passibles de peines de prison « diffamation avec publicité », « diffamation contre les co-princes » ont été abandonnés.
Cependant le harcèlement judiciaire, les mesures d'intimidation visant à limiter son droit d'expression et d'action pour les droits des femmes n'ont pas cessé. C'est intolérable !
La Principauté d'Andorre et Malte sont les deux pays d'Europe où l'avortement est totalement interdit. De ce fait les personnes souhaitant avorter sont contraintes de se rendre à l'étranger pour avoir les soins auxquels elles ont droit, ce qui ajoute une discrimination par l'argent.
La principauté d'Andorre est régie par une législation moyenâgeuse, deux co-princes participent de ses décisions : l'évêque d'Urgel, farouchement opposé au droit à l'avortement et Emmanuel Macron, soi-disant donc défenseur des droits des femmes et du droit à l'avortement , mais qui face à ce déni de justice et de démocratie ne dit mot.
Nous demandons la relaxe totale de Vanessa Mendoza Cortés, la dépénalisation de l'avortement en Andorre.
Nous soutenons la lutte des femmes d'Andorre pour un droit effectif et sécure à l'avortement sur leur territoire !
La défense du droit à un avortement sécure ne doit pas être considéré comme un délit aujourd'hui en Europe et dans le monde, et certainement pas de la part d'un co prince qui se veut le premier au monde à inscrire le droit à l'avortement dans la constitution.
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30 ans de luttes collectives pour la justice, la paix, la vie et la dignité !

(Bogota, 2 décembre 2023) Au cours de ces trois décennies d'organisation, de lutte et de mobilisation de La Via Campesina, les femmes autochtones, paysannes, noires, sans terre, migrantes, pêcheuses, bergères, saisonnières et salariées agricoles ont joué un rôle fondamental.
Tiré de Entre les lignes et les mots
Elles ont mis en œuvre des stratégies politiques et organisationnelles garantissant la vie, l'avenir de l'humanité et de notre planète. Elles luttent quotidiennement pour la défense de la Terre mère, la Souveraineté Alimentaire et une alimentation saine dans les campagnes et les villes. Elles s'opposent au pillage, à la dévastation, à la mort et à l'oppression causés par le capitalisme et l'agrobusiness dans nos territoires.
La Via Campesina, en cette année 2023, commémore 30 ans de « globalisation de la lutte et de l'espoir » des peuples du monde, avec la certitude que la solidarité et l'unité sont vitales pour vaincre le capitalisme et l'impérialisme sauvage entretenus par le racisme, le patriarcat et le colonialisme. Nous nous unissons à la résistance des femmes en Palestine, au Kurdistan, au Niger, en Haïti, à Cuba, en Colombie, au Nicaragua, en Ukraine et dans tous les territoires. En tant que femmes rurales, nous avons été exclues et soumises pendant des siècles. C'est pourquoi, depuis nos territoires, avec sagesse et courage, nous construisons une vision commune, aujourd'hui appelée le Féminisme Paysan et Populaire.
Au cours de ces 30 années, les conditions de vie des femmes rurales du monde entier ont connu d'importants changements. Aujourd'hui, les processus d'exploitation, de violence et de barbarie continuent de s'imposer aux communautés, aux peuples, ainsi qu'aux corps et aux vies de ceux d'entre nous qui se rebellent, en particulier les femmes, les enfants et la diversité. Cependant, nos rêves et nos défis s'élargissent également, et l'organisation sociale, la solidarité, la résistance et la lutte populaire se développent et se renforcent.
Aujourd'hui, nous participons activement au mouvement, menant des processus et des débats, mais de nombreux défis internes et externes subsistent. Les vagues fascistes et néo-fascistes dans nos territoires s'accompagnent d'une perte de droits historiques et fondamentaux qui garantissent une vie digne et pleine aux femmes et à nos communautés.
Nous vivons un processus de crise où les droits sont remis en question, en particulier les droits des femmes, et l'un des droits fondamentaux est la participation politique des femmes rurales. Tant au sein du mouvement et des organisations que dans les sociétés. Tout au long de l'histoire de La Via Campesina, la participation politique des femmes a énormément progressé, nous avons construit et conquis différents espaces, avec sagesse et audace. La parité de genre dans la coordination politique du mouvement marque une étape historique dans un mouvement agraire, mais ce n'est pas notre seule exigence.
Les Assemblées des femmes de La Via Campesina ne sont pas seulement un moyen de formation et d'échange, mais aussi de construction d'agenda, de légitimation de nos actions et de validation du rôle fondamental que nous avons dans la construction de la Souveraineté Alimentaire, de notre mouvement et de sociétés de paix avec justice sociale. Garantir les droits des paysan·nes, c'est garantir les droits des femmes dans les campagnes !
La lutte et l'organisation de La Via Campesina au cours des 30 dernières années nous ont appris que le présent ne peut être construit sans connaître le passé. Dans cet exercice de mémoire, nous reconnaissons toutes les semences que les femmes rebelles nous ont laissées, invisibles mais organisées, pour la justice et la dignité. Nous saluons le feu allumé par les femmes qui nous ont précédées, nos ancêtres et nos sœurs qui nous ont ouvert le chemin de la lutte.
Notre histoire a été marquée par la marginalisation et l'exclusion des espaces publics. C'est pourquoi, lors de cette 6e Assemblée, nous nous écoutons les unes les autres, nous nous parlons dans un espace sûr et confiant, afin de comprendre nos contextes, de revoir notre structure organisationnelle, de nous souvenir et de commémorer nos réalisations collectives au cours de cette période, telles que la Déclaration sur les Droits des paysan·nes.
C'est avec conviction que nous réaffirmons notre lutte :
* Anti-capitaliste, anti-patriarcale et anti-raciale.
* À travers d'anciens processus de résistance et d'organisation contre toutes les violences qui persistent dans le monde à l'encontre des femmes, de la diversité de genres, de la classe ouvrière et de nos peuples.
* Avec des processus de formation, d'étude et d'échanges.
* Pour le renforcement de la participation et de l'intégration des jeunes et des diversités.
* Contre la criminalisation de nos luttes et pour des espaces de protection sûrs pour les femmes victimes de violence et pour les enfants.
Comme nous l'avons déclaré lors de notre première Assemblée, nous réaffirmons aujourd'hui : nous continuerons à nous organiser, à renforcer nos luttes, et la pratique de la solidarité et de l'indignation face à toutes les injustices et inégalités.
* Pour de nouvelles sociétés et organisations dont les relations sont fondées sur la justice et la dignité humaine.
C'est avec conviction que nous nous engageons à poursuivre la lutte :
* Pour une société dépatriarcalisée, anticapitaliste et antiraciale.
* Pour une réforme agraire populaire qui garantisse la terre aux femmes.
* Pour des politiques publiques qui tiennent compte de la dimension de genre.
* Pour une participation politique sans exclusion des femmes rurales.
* Pour une production agroécologique, avec des semences autochtones et créoles, avec des marchés locaux.
* Stop à la violence contre les femmes, les féminicides, l'exploitation sexuelle, la violence contre la dissidence de genre.
* Stop aux guerres qui détruisent les rêves, les peuples et les constructions sociales.
* Le fascisme ne passera pas.
C'est pourquoi nous disons : « C'est avec conviction que nous ouvrons la voie au Féminisme Paysan et Populaire, que nous construisons la Souveraineté Alimentaire et que nous luttons contre les crises et les violences ».
https://viacampesina.org/fr/declaration-de-la-6e-assemblee-des-femmes-de-la-via-campesina/
Declaration of the 6th International Women's Assembly of La Via Campesina
https://viacampesina.org/en/declaration-of-the-6th-international-womens-assembly-of-la-via-campesina/
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Comment les femmes ukrainiennes supportent le poids de la vie sur la ligne de front

Alors que les hommes sont appelés sous les drapeaux ou se cachent pour échapper à la conscription, les femmes doivent jongler entre travail et soins sous la menace des bombardements.
photo : Le village de Hroza où un missile russe a tué 59 personnes le 5 octobre 2023. Photo de Kateryna Farbar
tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/01/13/comment-les-femmes-ukrainiennes-supportent-le-poids-de-la-vie-sur-la-ligne-de-front/
Plus d'un an s'est écoulé depuis que l'Ukraine a repris une grande partie de sa région orientale de Kharkiv.
Mais si les premières étapes de la reprise ont été franchies, les communautés de la région sont aujourd'hui confrontées à de nouvelles réalités, en plus des bombardements russes : des villages et des villes en pleine reconstruction, des institutions publiques fermées, un manque d'emplois et un nombre croissant de femmes par rapport aux hommes.
« En parlant aux femmes, nous avons compris qu'elles sont avec leurs enfants 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 : les jardins d'enfants sont fermés, les écoles sont fermées, beaucoup ont également perdu leur emploi », explique Inna Avramenko, fondatrice de l'organisation Greenland, qui soutient les femmes à Kharkiv et dans la région. « Elles sont prises au piège : elles doivent enseigner aux enfants, les élever, nettoyer la maison ; elles n'ont nulle part où aller, sauf dans la plaine de jeux ».
Les localités les plus éloignées de la ligne de front, comme celles de Savyntsi, ont réussi à restaurer leurs infrastructures et commencent déjà à penser à la transformation et à l'attraction d'investissements. Mais pour les localités les plus proches de la ligne de front, comme celles de Dvorichna, la vie se résume encore à compter les pertes et les victimes, à évacuer et à maintenir des provisions minimales pour les personnes qui restent dans leurs maisons sous les bombardements.
Le fardeau des femmes
L'état des villes et des villages de Kharkiv varie également en fonction de l'occupation russe et de leur proximité avec la ligne de front, aujourd'hui et par le passé.
La zone entourant la ville de Kupyansk, un important centre stratégique à l'est de la région de Kharkiv, est l'une des zones les plus dangereuses du front.
La collectivité territoriale (hromada) de Shevchenkove, dirigée par Serhiy Starikov, a été libérée de l'occupation le 10 septembre 2022. La ligne de front se trouve à 50 kilomètres de là, ce qui explique que Shevchenkove soit souvent la cible de tirs.
Selon M. Starikov, les principales tâches à accomplir à Shevchenkove sont la restauration des logements et des infrastructures essentielles, la construction d'abris anti-bombes pour les établissements d'enseignement et la fourniture d'une aide humanitaire aux habitants.
Shevchenkove elle-même a été lourdement endommagée par les bombardements russes l'année qui a suivi sa libération par l'armée ukrainienne. À ce jour, seules trois écoles sur les onze que compte la collectivité sont intactes.
Le nombre d'emplois dans la région a considérablement diminué. Les grandes entreprises ont fermé leurs portes en raison de la guerre, ont transféré leurs capitaux à l'étranger ou se sont installées dans des régions plus sûres de l'Ukraine. Au cours des années qui ont suivi la libération de la région, de nombreuses personnes déplacées et réfugiées sont retournées dans leurs maisons, souvent détruites. Avec la mobilisation d'un grand nombre d'hommes, la visibilité accrue des femmes dans la vie publique et sur les lieux de travail est palpable.
Avant la guerre, Shevchenkove comptait 12 500 habitants. Aujourd'hui, le nombre de personnes qui reçoivent une aide humanitaire dans la ville, y compris les personnes déplacées, est de 12 000, dont près de 6 000 femmes, 4 000 hommes et 1 700 enfants. Plus de 5 000 personnes sont âgées. M. Starikov indique que 250 hommes ont été mobilisés au sein de la collectivité.
En effet, les hommes sont difficiles à dénombrer car beaucoup d'entre eux ne demandent pas d'aide humanitaire de peur d'être mobilisés. « Certains hommes se cachent », explique M. Starikov.
Pour éviter d'être appelés, ces hommes évitent d'occuper un emploi afin que leur nom n'apparaisse pas dans les registres officiels de l'État. Cela signifie que les femmes et leurs partenaires se retrouvent souvent à la maison ensemble. Certaines subissent des violences domestiques, tandis que beaucoup s'occupent des enfants qui ne suivent que des cours en ligne. Ces charges supplémentaires rendent la vie des femmes plus difficile.
Tout est détruit
Au milieu des bombardements et de la lourde charge que représentent les soins, l'état psychologique des femmes s'en ressent. Les femmes cherchent des moyens de passer du temps en dehors de la maison mais, dans les territoires de la ligne de front, ces possibilités sont limitées.
Les organisations publiques qui proposent des conseils psychologiques gratuits ou des cours collectifs tels que l'art ou la thérapie vocale sont utiles à cet égard.
L'une de ces organisations de Kharkiv, Greenland, créée en juin de cette année, est devenue un lieu où les femmes de la région se rétablissent et trouvent un soutien psychologique et juridique.
« Quand je viens ici, je reviens à la vie », dit Victoria, 53 ans, qui suit une thérapie par le chant à Greenland.
Originaire de Volnovakha, près de Mariupol, Victoria a quitté la Crimée pour s'installer à Kharkiv il y a trois ans. Elle souffre de stress dû à la guerre et aux bombardements constants, et pleure encore la mort de ses parents dans la ville de Volnovakha occupée par les Russes en mars 2022.
Tetyana Honcharova, 46 ans, qui travaille au centre culturel de Shevchenkove depuis plus de 20 ans, est membre du conseil du district de Kupyansk. Elle est également l'un des membres les plus actifs du centre humanitaire informel de Shevchenkove, qui s'est formé spontanément lorsque des camions remplis d'aide humanitaire ont commencé à arriver du gouvernement ukrainien et des partenaires internationaux.
Mme Honcharova explique que de nombreuses personnes qui demandent de l'aide au centre humanitaire n'ont pas d'argent pour acheter de la nourriture. Les habitants de Shevchenkove n'ont souvent pas de salaire, font leur propre pain et ne peuvent s'offrir que du lait. Pour tout le reste, comme les serviettes hygiéniques, les vêtements, les poussettes et les médicaments, ils comptent sur le centre, qui compte dix volontaires permanents.
Les femmes bénévoles préparent la nourriture pour les militaires et collectent d'autres articles pour eux, tels que des petits sacs, un ordinateur tablette pour piloter un drone et des vêtements chauds. D'autres bénévoles qui se rendent sur la ligne de front les donnent aux militaires ukrainiens qui se battent aux environs de Kupyansk.
Lors de notre entretien avec la bénévole Tetyana Pchelnyk, 61 ans, l'ancien café, déjà rempli de vêtements et de cartons, s'est rempli de monde. Mme Pchelnyk, enseignante dans un orphelinat pour enfants handicapés, vit avec sa famille dans une zone constamment exposée aux bombardements.
« Quand je viens ici, je prépare quelque chose pour les garçons [les soldats] et je me sens tellement soulagée. J'ai l'impression d'avoir aidé un peu », a déclaré Mme Pchelnyk.
Elle vit avec sa fille, son gendre et leur fils de huit ans. Depuis que les enfants ont été évacués de l'orphelinat où elle travaille, Mme Pchelnyk est en congé et reçoit les deux tiers de son salaire. L'argent est à peine suffisant. Mais ce n'est pas pour cela qu'elle a les larmes aux yeux : c'est à cause du stress psychologique lié à la vie près de la ligne de front.
« Avant la guerre, nous avions l'habitude d'aller nous promener à Kharkiv le week-end, mais aujourd'hui, nous sommes psychologiquement attachés à un seul endroit », explique-t-elle. « C'est très déprimant. On a peur de ne plus avoir de maison quand on revient, et c'est dangereux à Kharkiv ».
Lydia Shelyuh, 56 ans, une autre volontaire du centre humanitaire qui travaille comme agent de sécurité dans le dortoir local de l'école, fond en larmes dès qu'elle commence à parler de la vie dans le village, qui est souvent la cible de tirs.
« Les enfants ont peur de rester seuls à la maison », dit-elle.
Une autre difficulté pour Shelyuh est la facture des services publics, en particulier le chauffage au gaz, qui absorbe la quasi-totalité de son petit salaire.
Des personnes comme Pchelnyk, Shelyuh et Honcharova vivent très près de la guerre et estiment qu'elles ont le devoir d'aider l'armée ukrainienne. Ils pensent que leurs actions hâtent le jour où la paix reviendra dans leur communauté.
Le petit-fils de Shelyugh, Danyil, âgé de dix ans, a vu son père échapper de justesse à la détention par les soldats russes pendant l'occupation de Shevchenkove.
Daniyil adore le football. Un jour, après être revenu de l'ouest de l'Ukraine, où la situation est relativement paisible, il s'est inquiété de l'état de sa propre communauté.
Mon petit-fils, à son retour, a dit : « Ba, c'est là que les gens vivent », se souvient Shelyuh, en pleurant. « C'est un petit joueur de football. Il dit qu'il aimerait jouer au football là-bas, s'entraîner. Et ici, il n'y a rien, tout est détruit ».
La communauté de Savyntsi a été libérée en avril 2022 et a subi moins de dégâts que les autres communautés de l'oblast de Kharkiv. Elle se trouve à environ 90 kilomètres de la ligne de front et n'a pas subi de bombardements russes depuis septembre de l'année dernière.
Oksana Suprun, chef de l'administration militaire de Savyntsi, explique que sa priorité absolue est de faire revenir les habitants dans la communauté et de reconstruire les logements. Elle ajoute qu'il est particulièrement difficile d'achever la construction de logements privés.
Avant la guerre, Savyntsi comptait 10 200 habitants. Aujourd'hui, elle en compte environ 7 000 ; depuis septembre de l'année dernière, plus de 5 000 personnes ont regagné leur domicile. La majorité de la population est âgée, car les jeunes locaux en âge de travailler sont partis, explique Suprun, malgré le fait qu'il y ait des emplois disponibles.
Suprun explique qu'elle cherche de nouveaux moyens de développer la communauté.
« Mon objectif est d'attirer les investisseurs, car nous disposons de ressources minérales qui pourraient les intéresser et leur permettre de créer de nouvelles entreprises ici », a-t-elle déclaré.
Valentina Mazurik, 67 ans, de Savyntsi, responsable de l'union local de bénévoles Berehynia, participe à des activités bénévoles depuis 2014. Aujourd'hui, son union compte plus de 80 femmes âgées qui tissent des filets de camouflage pour les militaires, leur préparent de la nourriture et collectent des produits de première nécessité.
Pour les femmes de Savyntsi et de Shevchenkove, l'activisme, le bénévolat et l'aide aux militaires sont parmi les seuls moyens de s'engager dans des activités en dehors de la maison, d'établir des liens humains et de se sentir utiles à leur communauté.
Dvorichna, quant à elle, est constamment bombardée. Elle a été en grande partie évacuée, mais il reste 3 500 habitants sur les 16 500 d'avant-guerre, à quelques kilomètres seulement des combats.
Halyna Turbaba, 64 ans, élue à la tête de la hromada de Dvorichna depuis 2020, dirige l'autorité locale principalement depuis Kharkiv, après avoir été blessée lors d'une attaque à la roquette russe contre le bâtiment administratif de Dvorichna.
Pendant l'occupation russe, Turbaba a passé près de trois mois au poste de police du district de Kupyansk pour avoir refusé de coopérer avec les envahisseurs.
Turbaba est une femme de petite taille et de corpulence légère, aujourd'hui incapable de marcher rapidement. Elle a perdu sa maison et de nombreux amis et parents, mais doit continuer à travailler à son poste. Alors que d'autres collectivités ont déjà pu restaurer les infrastructures de base et ont même parfois reçu des fonds de programmes internationaux pour les moderniser, certaines communes commencent à peine à se relever. La principale préoccupation de Mme Turbaba est que sa communauté ne soit pas laissée pour compte.
« Nous voulons rester sur la carte pour ne pas être oubliés », a-t-elle déclaré.
Kateryna Farbar, 20 décembre 2023
publié en anglais par OpenDemocracy
https://solidarity-ukraine-belgium.com/comment-les-femmes-ukrainiennes-supportent-le-poids-de-la-vie-sur-la-ligne-de-front/
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Belarus : Femmes syndicalistes en prison

Depuis près de trois décennies, le Bélarus est le champion du monde des violations des droits humains fondamentaux, notamment du droit des travailleur·euses à la liberté d'association.
Tiré de Entre les lignes et les mots
Le Bélarus est cité parmi les 10 pires pays pour les travailleur·euses. Lors du soulèvement massif des Bélarus contre Loukachenko et son régime en 2020, les travailleur·euses ont défié la dictature en brandissant la menace d'une grève générale. Le régime a déployé des répressions exceptionnelles contre la société civile, les travailleur·euses et leurs syndicats. De plus, Loukachenko a entraîné le Bélarus dans la guerre en soutenant un autre dictateur, Poutine, contre le peuple ukrainien. Et c'est l'organisation démocratique des travailleurs, le Congrès bélarus des syndicats démocratiques, qui a exprimé la ferme position anti-guerre des travailleur·euses bélarus. Les conséquences ont été des arrestations massives et des accusations criminelles à l'encontre des dirigeants des syndicats et des travailleur·euses en avril 2022. En outre, le Bélarus est devenu un pays sans syndicats depuis juillet 2022, date à laquelle tous les syndicats démocratiques ont été liquidés. La dictature au Bélarus, où toute activité est qualifiée d'extrémisme et de terrorisme, connait une répression sans limites contre la société civile.
Syndicalistes en prison
47 de nos camarades bélarus se trouvent dans des prisons et des colonies pénitentiaires, condamné·es pour haute trahison, diffamation de l'État, participation et soutien à des activités extrémistes, avec des peines allant jusqu'à 15 ans d'emprisonnement. Parmi eux se trouvent des figures syndicales bien connues, comme Aliaksandr Yarashuk, président du BKDP, vice-président de la CSI et membre du conseil d'administration de l'Organisation internationale du travail.
Parmi les personnes emprisonnées, on trouve des femmes syndicalistes et des personnes âgées. Nombre d'entre elles sont qualifiées d'extrémistes, voire de terroristes. Les robes des prisonnières politiques sont également étiquetées : avec des étiquettes jaunes. Les prisonnières politiques subissent constamment des tortures, des punitions sévères en restant à l'isolement dans des cellules glaciales. Le travail forcé des prisonnières politiques, sans égard quant à leur santé et la sécurité au travail, souvent dans l'industrie du bois et du textile, est largement utilisé dans les colonies pénitentiaires pour convertir les prisonnières en citoyennes obéissantes à la loi, selon l'État.
Femmes syndicalistes, prisonnières politiques
Selon l'organisation de défense des droits humains Viasna, au 25 décembre 2023, il y avait 1 496 prisonnier·es politiques en Bélarus, dont 174 femmes. Depuis 2020, au moins 895 femmes ont été poursuivies pour des raisons politiques.
Aujourd'hui, parmi ces prisonnières politiques, au moins huit militantes et dirigeantes de syndicats indépendants sont détenues dans des prisons et des colonies pénitentiaires : Hanna Ablab, Zinaida Mikhniuk, Volha Brytsikava, Volha Barushka, Hanna Karneyenka, Sviatlana Sakovich, Palina Sharenda-Panasiuk et Halina Smirnova.
Elles ont perdu leur liberté à cause de leurs activités. Comme beaucoup de femmes bélarus, elles se sont rebellées contre l'injustice et la dictature. En 2020, de nombreuses femmes ont manifesté au premier rang après les élections truquées, lors des manifestations contre la fraude électorale, dans la lutte contre le dictateur, dans la lutte pour la liberté. Elles ne réclamaient pas seulement des élections libres, mais aussi l'abolition des structures autoritaires, la fin d'un virilisme répressif qui fait partie de l'idéologie et de la base du pouvoir de Loukashenko. Leur protestation portait sur l'égalité, le respect et l'autodétermination.
Elles ont été condamnées à des peines de prison allant de 2 à 11 ans pour leur protestation. Notre solidarité et notre soutien mondial les aident, ainsi que leurs familles, dans cette période difficile, alors que le régime les enferme en prison et ne veut rien de moins que le monde les oublie, elles et leurs noms.
Nous partageons ici les histoires de nos sœurs
Palina Sharenda-Panasiuk
Palina est une militante syndicale de Brest, qui a été détenue le 3 janvier 2021. Cette mère de deux fils mineurs a été condamnée en vertu de plusieurs articles du code pénal. Fin février 2022, une procédure pénale a été ouverte à son encontre en vertu de la partie 2 de l'article 411 du code pénal (désobéissance malveillante à l'administration de la colonie). Le 9 octobre 2023, le tribunal a déclaré Palina coupable en vertu de la partie 2 de l'article 411 du code pénal et l'a condamnée à une année supplémentaire de colonie pénitentiaire en plus des trois ans en 2021. Lors de la première audience du tribunal, elle a déclaré avoir été battue dans la colonie pénitentiaire de Zarečanskaya : son visage et ses organes internes ont été gravement endommagés.
La famille de Palina a dû quitter le Bélarus et s'est réfugiée en Lituanie. Elle se bat pour que son cas soit connu du public et pour qu'elle soit libérée plus rapidement.
Il est prouvé que les prisonnières politiques sont périodiquement placées dans un pénitencier – dans une cellule à basse température où elles sont privées de correspondance, de colis de la famille ou d'objets personnels, de vêtements chauds et de draps de lit. Bien que les détails exacts ne soient pas toujours connus, et qu'il ne soit parfois pas possible d'en parler publiquement, ces informations parviennent à l'extérieur de la prison.
Le statut que Paline s'est vue infligé – celui de « malveillante » – impose des restrictions supplémentaires, dont la principale est la réduction des « achats en prison » à deux valeurs de base (74 roubles ou 20 euros par mois). Comme le font remarquer les prisonnières, il est très difficile de survivre sans argent, sans salaire et avec la privation de colis de la famille.
Hanna Karneyenka
Hanna est membre du syndicat libre des travailleur·euses de la métallurgie et ancienne comptable de l'usine électrotechnique de Minsk, qui porte le nom de Vavilov. Elle a été licenciée à la suite de manifestations sur son lieu de travail en 2020 et son syndicat a intenté un procès à l'entreprise pour licenciement illégal. Hanna a été condamnée à cinq ans de colonie pénitentiaire pour avoir divulgué des données personnelles concernant des agents de l'État. Elle a été placée en détention alors que son nouveau-né avait trois mois. Son mari fait de son mieux pour s'occuper seul de leurs deux enfants. Hanna figure sur la liste des terroristes.
Volha Brytsikava
Volha est la présidente du syndicat indépendant bélarus des mineurs et des travailleur·euses de l'industrie chimique d'une raffinerie de pétrole, Naftan. En 2022, au début de la guerre en Ukraine, Volha a été arrêtée pour sa position anti-guerre et mise en prison. Pendant son incarcération, elle a été condamnée 5 fois à 15 jours de prison à chaque fois.
Après sa libération, elle a continué à aider ses camarades. Lors de la liquidation de tous les syndicats indépendants, elle a été l'un·e des rares dirigeant·es syndicaux à ne pas quitter le pays. En août 2023, le régime l'a arrêtée, ainsi que quelques autres camarades. Aujourd'hui, elle fait l'objet d'une enquête criminelle dans une prison du KGB à Minsk et risque au moins 6 ans de prison. Depuis, il n'y a pas beaucoup d'informations sur elle. Les arrestations de travailleur·euses de Naftan se poursuivent et les camarades de Volha font le lien avec son cas.
Hanna Ablab
Parmi nos camarades, Hanna est celle qui a été condamnée le plus durement – 11 ans pour haute trahison et diffamation de l'État. Elle travaillait pour les chemins de fer bélarus et faisait partie de l'Initiative des travailleur·euses Rabochy Rukh. Hanna a nié sa culpabilité lors de l'audience. Mère de trois enfants, elle a récemment été transférée de la prison préventive à l'une des colonies pénitentiaires pour femmes.
Colonies pénales ou camps de travail forcé
Les lieux où sont détenues les prisonnières politiques sont des colonies pénitentiaires où elles sont censées travailler. Le travail des prisonnières politiques ne devrait être qualifié de rien d'autre que de travail forcé, sans règles sanitaires et de sécurité, sans rémunération appropriée (souvent moins d'un euro par mois), le plus souvent dans l'industrie textile. Dans le cas des femmes détenues, il s'agit d'un travail de huit heures dans un atelier de couture fabriquant des uniformes pour l'armée, très probablement l'armée russe, ou pour la police bélarus.
Syndicat en exil
De nombreux syndicalistes ont dû fuir le régime dictatorial et poursuivre leur travail en exil. Ainsi, dans la ville libre de Brême en Allemagne, ils et elles ont fondé une association, appelée Salidarnast (solidarité en bélarus), pour soutenir les syndicalistes arrêté·es et condamné·es par le régime de Loukachenko. Leur slogan est « Le militantisme syndical n'est pas de l'extrémisme ». Ils et elles font campagne pour la libération de leurs camarades, diffusent les nouvelles sur le Bélarus, collectent des dons pour un fonds de solidarité destiné à aider les familles et les enfants des camarades bélarus, entretiennent des réseaux et commencent à dispenser une formation syndicale.
La liberté n'est pas une chose acquise une fois pour toutes. Nous devons constamment nous battre pour elle. Il en va de même pour la liberté d'association. C'est un grand défi pour les Bélarus et le mouvement international des travailleur·euses d'agir ensemble avec les employeurs et leurs gouvernements respectifs pour faire pression sur le régime au Bélarus. La libération de tous les prisonniers politiques devrait être la condition préalable à tout dialogue avec Loukachenko.
Salidarnast – Trad. Patrick Le Trehondat, 12 janvier 2024
L'association Salidarnast a été fondée par des dirigeant·es et des militant·es syndicaux du Bélarus, qui ont été contraint·es de quitter le pays après la liquidation et la répression des syndicats démocratiques. Cette association est en Allemagne et basée à Brême.
https://laboursolidarity.org/fr/n/3019/femmes-syndicalistes-en-prison
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Votre vieux monde ? Dans nos syndicats, on n’en veut pas non plus !

Resyfem salue la décision du 18 décembre 2023 rendue par le Tribunal correctionnel de Brest condamnant Marc Hébert pour harcèlement sexuel aggravé, par personne abusant de l'autorité que lui confère ses fonctions : c'est une victoire pour les victimes qui ont dû se battre seules face à une procédure très dure pendant 3 ans, sans soutien de leur syndicat.
Resyfem salue la décision du 18 décembre 2023 rendue par le Tribunal correctionnel de Brest condamnant Marc Hébert pour harcèlement sexuel aggravé, par personne abusant de l'autorité que lui confère ses fonctions [1].
L'ex-secrétaire général de l'UD FO du Finistère pendant 30 ans (jusqu'en 2017) a pris 18 mois de prison dont 6 mois fermes, l'interdiction de toute fonction publique et inéligibilité pendant 5 ans, son inscription au fichier judiciaire des auteurs d'infractions sexuelles, l'obligation d'indemniser les 3 victimes et l'interdiction d'entrer en contact avec elles.
Plusieurs autres femmes de FO Brest ont témoigné dans l'enquête pénale de violences à caractère sexuel et certaines étaient présentes en soutien à l'audience du 20 novembre 2023.
C'est une victoire pour les victimes qui ont dû se battre seules [2] face à une procédure très dure pendant 3 ans, sans soutien de leur syndicat : FO. Comme elles nous le rappellent : « Personne ne nous croyait ; s'il y avait eu un soutien dans l'organisation, on n'aurait pas eu besoin d'aller jusque-là ».
Elles ont également dû faire face à une défense caractéristique des agresseurs sexuels dans un cadre militant ou politique : elles ont été taxées de menteuses, à la tête d'une « cabale syndicale » (la théorie du complot est quasiment une constante quand les victimes sont plusieurs) ; une d'entre elles a même été qualifiée de « lesbienne militante partisane de l'émasculation des mâles » !
C'est une victoire face à une autre parade de l'avocate de l'agresseur : soutenir que ce n'était pas possible qu'elles aient pu être victimes de violences sexuelles car ces femmes étaient des militantes, informées de leurs droits contre le harcèlement sexuel et capables de parler puisqu'elles prenaient le mégaphone en manif !
Comme nous le rappelait l'une des ex camarades de FO Brest : « en tant que militantes on est souvent socialisées à un truc un peu sacrificiel, à se dire que ce qu'on fait collectivement, c'est plus important que nos existences individuelles. On apprend à minimiser des choses qu'on ne tolérerait pas dans un autre contexte, parce que c'est pour la cause, qu'on est entre camarades, qu'on ne veut pas détruire tout le boulot collectif, renoncer à ce qu'on a construit dans l'organisation… ». C'est en effet bien souvent ce qui contribue à l'omerta dans nos organisations.
C'est une victoire face aux 54 attestations produites à l'audience par Marc Hébert, écrites par des adhérents ou militants FO pour la plupart, disant que c'était un super militant, un syndicaliste très efficace, un « combattant », etc. et qu'ils n'avaient jamais subi ni constaté de comportements « déplacés » de sa part.
D'ailleurs, les soutiens de Marc Hébert sont pas les seuls à ne pas nommer les faits pour ce qu'ils sont : l'avocate des syndicalistes victimes demandait, sans succès, que les faits qualifiés de harcèlement sexuel par le procureur soient requalifiés en agressions sexuelles car il s'agissait pour la plupart d'attouchements non-désirés.
Nous témoignons tout notre soutien sorore aux victimes de violences sexuelles au sein de FO Brest, celles qui ont enfin été reconnues comme tel et toutes les autres qui n'ont pu aller jusque-là. Elles ont enduré le harcèlement et les agressions sexuelles pendant des années, ont été licenciées par l'UD FO, ont été longuement en arrêt-maladie mais aussi mises à l'écart dans la sphère militante brestoise.
Quand est-ce que les syndicats répareront toutes ces conséquences (santé, précarité économique) dont ils sont en partie responsables, en tant qu'organisation collective ? Les agresseurs n'ont rien à faire dans nos organisations syndicales. Les syndicats qui signent des tribunes comme FO pour mobiliser les troupes les 25 novembre doivent au minimum apporter tout le soutien nécessaire dans leurs rangs aux victimes de violences. La bataille menée par nos camarades devrait pousser FO à se doter enfin de démarches de prévention et de réparation des violences sexistes et sexuelles en son sein.
La force de ces militantes syndicales a permis que le système mis en place par Marc Hébert, qui était une figure locale, n'existe plus. Enfin. Mais le combat n'est pas terminé puisqu'il a fait appel de sa condamnation. Les camarades de Brest ont dépensé en tout 32 000€ d'honoraires d'avocat.es depuis le début des procédures.
Pour soutenir leur combat qui continue, contribuons à leur cagnotte :
https://www.leetchi.com/fr/c/contre-les-violences-sexistes-et-sexuelles-a-fo-1602922.
Nous espérons qu'elles recevront une contribution massive de FO.
C'est notre force collective qui permettra de mettre hors-jeu les agresseurs et une politique de prévention et de réparation à la hauteur des préjudices quelque soit nos syndicats.
Pourvu que cette première victoire soit un appel à bien d'autres pour l'année qui commence. On est prêtes !
Résyfem – Réseau de Syndicalistes Féministes CGT, FO, Sud, Fsu, syndicat de la magistrature… 19/01/2024
[1] https://www.mediapart.fr/journal/france/191223/violences-sexuelles-force-ouvriere-un-ancien-dirigeant-brestois-condamne [2] https://www.mediapart.fr/journal/france/250721/force-ouvriere-brest-parler-de-violences-sexuelles-c-est-s-exposer
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Déclaration du comité national de l’Union syndicale Solidaires (17 et 18 janvier 2024)

Les déclarations du gouvernement Attal comme du président Macron sont claires : les politiques antisociales et autoritaires vont s'accentuer.
Tiré de Entre les lignes et les mots
photo Serge d'Ignascio
Mise au pas et militarisation de la jeunesse avec le SNU, réformes réactionnaires de l'éducation, augmentation des franchises médicales, affaiblissement des services publics, destruction de la fonction publique, deux nouvelles lois « travail », vision sécuritaire des quartiers populaires, écologie et lutte contre les discriminations absentes… tout cela sur fond d'une vision passéiste et rétrograde de notre société sans amélioration de notre démocratie, de vocabulaire guerrier (« réarmement » à tout va).
Ces annonces arrivent après une année 2023 marquée par le passage en force de la régression sociale sur nos retraites, les attaques contre les chômeuses et chômeurs et les allocataires du RSA, la création de France Travail, le vote d'une loi sur l'immigration xénophobe et raciste reprenant les idées d'extrême-droite, des violences policières qui ont culminé avec le meurtre de Nahel et enfin une fuite en avant productiviste et anti-écologique alors que 2023 est l'année la plus chaude de l'histoire de l'humanité. C'est dans ce contexte que vont se tenir les Jeux olympiques qui serviront de laboratoire contre les libertés publiques et de contournements au code du travail par le recours massif aux bénévoles pour travailler.
Cette politique est présentée comme une réponse à la montée du Rassemblement national. C'est un leurre. Faire la course à l'extrême-droite ne fait que la renforcer. Continuer d'accentuer la paupérisation et la précarité de plus en plus de travailleur-euses, de détruire les services publics, fait porter une responsabilité particulière de ce gouvernement dans la montée de l'extrême droite. D'autant qu'on assiste depuis plusieurs années à l'explosion du nombre de millionnaires, à la hausse fulgurante des richesses accumulées par les milliardaires, du versement record de presque 100 milliards de dividendes par le CAC 40 en 2023…
La progression de l'extrême-droite en France, en Europe et dans le monde est alarmante. Partout elle est climatosceptique, raciste et l'ennemie sociale des travailleurs et des travailleuses. Le mouvement syndical doit être un rempart clair sur le sujet, nous y participerons pleinement.
Agir contre l'extrême-droite, c'est aussi refuser le glissement vers la peur et la haine, c'est agir contre la xénophobie et le racisme. C'est se battre pour la régularisation des sans-papiers et contre l'Europe forteresse qui tue chaque jour. Dans ce cadre nous appelons à manifester massivement le dimanche 21 janvier contre la loi asile-immigration pour gagner la non-promulgation de cette loi comme nous avons manifesté dans plus de 40 villes le 14 janvier. Les suites de la mobilisation se préparent pour le 25 janvier et le 3 février pour le retrait complet de la loi.
Le contexte international est marqué par un retour alarmant des guerres. L'Union syndicale Solidaires continue de soutenir les syndicats et la population ukrainienne contre l'invasion russe. Nous demandons à la France et à la communauté internationale de faire pression sur Israël pour un cessez le feu immédiat à Gaza, où un génocide est en cours, pour obtenir la libération immédiate des otages et des prisonnier.res et plus généralement établir une paix durable qui ne peut passer que par la fin de l'occupation coloniale et de l'apartheid en Palestine.
Aujourd'hui, la priorité est de gagner un autre partage des richesses. Des luttes sectorielles ou dans des entreprises pour les salaires sont partout en cours sur le territoire, nous appelons à les amplifier, et à les renforcer dans l'unité syndicale là où c'est possible ! Pour Solidaires il faut une hausse générale des salaires avec une augmentation de 400 euros par mois et le SMIC à 1700 euros net, l'indexation des salaires sur l'inflation, l'égalité des salaires femmes/hommes. Pour favoriser le partage et la prise en compte de l'écologie, nous revendiquons une limitation de l'échelle des salaires de 1 à 5 dans les entreprises et les administrations. Solidaires va proposer aux autres organisations syndicales d'agir unitairement dans ce sens.
L'urgence écologique qui touche en premier lieu les plus pauvres, impose des économies d'énergies massives, des investissements dans l'isolation et les transports publics, des changements majeurs dans les modes de production et de consommation. L'Alliance Écologique et Sociale à laquelle participe activement Solidaires se mobilise en ce sens et se bat notamment pour le fret ferroviaire.
Solidaires exige l'arrêt des poursuites et l'amnistie pour les réprimé.es des mouvements sociaux et des quartiers populaires. Elle apporte son soutien aux condamnés suite à la lutte contre les méga bassines, en particulier à Sainte-Soline. Leur répression ne stoppera pas nos luttes !
Pour gagner la lutte pour l'égalité femmes hommes au travail et dans la société, pour en finir avec l'impunité et les violences sexistes et sexuelles, nous construisons dans l'unité la grève féministe du 8 mars, qui doit s'amplifier dans tous les secteurs !
La lutte contre le racisme est un aspect central de notre syndicalisme et, ces derniers mois, la question du racisme systémique a été remise en avant. Toute une partie de l'échiquier politique et médiatique tient aujourd'hui ouvertement des propos et des projets racistes et xénophobes. La situation internationale est aussi instrumentalisée, provoquant une forte augmentation du racisme contre les personnes musulman.es ou considérées comme telles, et de l'antisémitisme. Nous devons combattre toutes ces formes de racisme sur nos lieux de travail et dans toute la société.
Nous invitons les travailleuses et travailleurs à défendre leurs droits et à s'organiser pour agir et créer le rapport de force pour gagner de nouveaux droits et imposer un autre avenir : nos syndicats sont les outils pour y parvenir.
Le 9e congrès de l'Union syndicale Solidaires à Toulouse-Labège se tiendra du 22 au 25 avril 2024. Il sera l'occasion de fêter nos 25 ans et de discuter de nos orientations, de notre fonctionnement et de déterminer nos priorités pour les 3 ans à venir.
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Une année record d’élections vidées de leur sens en Afrique en 2024

L'année 2024 sera une année record pour les élections autour du monde. Plus de 4 milliards d'individus sont appelés à voter sur tous les continents. L'Afrique ne fait pas exception : vingt pays concernant 346 millions de citoyens organisent des scrutins cette année, du Maghreb au Cap de Bonne Espérance.
Tiré de MondAfrique.
16 janvier 2024
Par Afriques en lutte
Nous vous présentons les perspectives de ces scrutins à venir. Pour la plupart, ces élections n'ont aucun contenu démocratique et pervertissent l'image même de la démocratie. Et cela au profit d'autres formes d'organisations politiques. La prise de pouvoir par l'armée dans plusieurs pays (Mali, Niger, Guinée…etc), la force des structures tribales traditionnelles, la poussée des valeurs islamiques privilégiant la tradition sur la loi ou enfin l'image positive de Vladimir Poutine chez beaucoup de chefs d'état africains témoignent de la désaffection à l'égard des valeurs occidentales.
Les élections en Afrique qui seront vidées de leur sens de 2024 devraient favoriser une vague de fond populiste et anti occidentale dans tout le continent africain.
Mateo Gomez
Maghreb, des élections jouées d'avance
L'Algérie réalise son deuxième scrutin présidentiel depuis la fin de la longue ère Bouteflika, en 2019. Le Président Tebboune ne s'est pas encore représenté officiellement à l'élection, mais s'il venait à le faire, il gagnerait le scrutin de décembre sans trop de surprises, grâce au musèlement de l'opposition, une abstention massive et à la fraude massive que les autorités algériennes maitrisent parfaitement. Sous réserve que les guerres entre les clans s'opposant au sein de l'institution militaire ne bousculent pas le processus annoncé de la reconduction du président algérien.
En Tunisie, des élections locales et régionales précéderont les présidentielles d'octobre. Le Président sortant Kaïs Saïed, malgré les difficultés économiques et diplomatiques que traverse la Tunisie, gagnera probablement le scrutin dans ce qui se présente de plus en plus une « algérianisation » de la Tunisie. La nouvelle Constitution de 2019 lui confère des pouvoirs immenses, l'opposition est réduite au silence.
Le discours anti occidental du Président et les subventions qu'il a créées, notamment celle en faveur de l'essence, lui ont donné une certaine popularité dans la population.
Sahel, les juntes militaires à la manoeuvre
En Mauritanie, des élections présidentielles sans suspens promettent la reconduite au pouvoir du Président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani le 24 juin. Il bénéficie d'un bilan de réformes ambitieuses dans plusieurs domaines, mais aussi d'une opposition qui brille par son absence, la plupart des partis s'étant ralliés au pouvoir au cours du mandat 2019-2024, à l'exception des mouvements anti esclavagistes, les seuls à porter encore des valeurs progressistes dans ce pays marqué l'esclavage considéré comme un délit voici seulement une quinzaine d'années.
Au Mali, la fin du régime de transition et le transfert du pouvoir aux civils, prévus initialement pour le 4 février 2024, ont été finalement reportés sine die en septembre 2023 pour des “raisons techniques”, selon la junte. Et le budget alloué au scrutin n'apparaît nulle part dans le budget de l'année de 2024… Tenues ou pas, les élections n'auraient de toute façon pas été des plus libres. Cela fait presque un an maintenant que les putschistes préparent le terrain juridiquement pour se maintenir au pouvoir.
Au Burkina Faso, un scénario similaire semble se dessiner : les élections de fin de transition, prévues pour juillet de cette année, sont repoussées indéfiniment, le gouvernement citant la lutte contre les groupes jihadistes comme raison. Cependant, le capitaine Ibrahim Traoré, dit IB, putschiste au pouvoir, voit son emprise sur le pays faiblir et son isolement grandir…
Au Tchad, le Président Mahamat Déby, qui a hérité du poste de son père décédé brutalement en 2021, est certain de se succéder à lui-même dans un improbable régime militaire à coloration familiale. Et cela à l'issue d'un prétendu processus de transition prévu pour octobre prochain. En prenant pour la première fois une initiative politique, Mahamat Déby a nommé son grand opposant Succès Masra comme Premier ministre. Ce qui retire à ce dernier sa crédibilité dans l'opinion publique. Bien joué ! Sauf pour la vitalité de la démocratie tchadienne qui déjà n'avait guère d'existence
Afrique de l'Ouest, l'élection test au Sénégal
La démocratie sénégalaise, pourtant montrée en exemple, semble en danger. Le refus du Président sortant, Macky Sall, de se représenter pour le scrutin du 24 février ne fut finalement qu'une fausse bonne nouvelle : il semble vouloir imposer à tout prix son dauphin, Amadou Ba. Son principal opposant, Ousmane Sonko, est en prison, et une grande confusion juridique règne depuis des mois sur sa capacité à faire campagne et à se présenter.
En Guinée-Bissau, les élections présidentielles, sans date définie pour l'instant, s'annoncent incertaines : le Président actuel, Umaro Sissico, a illégalement dissous le parlement début décembre et barré l'entrée aux députés, dirigeant par décret. Il semble tenté par un scénario à la Sénégalaise pour empêcher toute candidature de son principal adversaire, Domingos Simões Pereira, le président du parlement.
Au Ghana, l'élection présidentielle du 7 septembre sera tout aussi libre que disputée : avec trois candidats majeurs en lice et un Président qui ne peut pas se représenter, la lutte pour le pouvoir s'annonce rude entre Mahamudu Bawumia, actuel vice-président et candidat du parti au pouvoir, John Dramani Mahama, ancien Président, et Alan John Kyerematen, ancien ministre du Commerce. Au cœur de la campagne, l'économie : le pays n'arrive pas à se tirer de la crise du COVID, avec notamment 40% d'inflation.
Le Togo est une démocratie d'opérette : le Président Faure Gnassingbé se fait réélire tranquillement depuis 2005, comme son père avant lui. Les élections parlementaires prévues pour début 2024 interviennent après un report qui a commodément repoussé les législatives au-delà des mandats parlementaires (fin 2023), laissant Gnassingbé seul au pouvoir. Ces élections promettent d'être à son goût.
À l'Est de l'Afrique, rien de nouveau
L'Etat non-reconnu du Somaliland, sur la corne de l'Afrique, tiendra des élections présidentielles en novembre. Le scrutin précédent, en 2017, avait été le premier du pays à être salué pour sa transparence, consacrant l'alternance. Mais initialement prévues pour septembre 2022, elles viennent d'être repoussées par la commission électorale de deux ans, faute de moyens. Le scénario de 2017 se reproduira-t-il ? Il est pour l'instant trop tôt pour le savoir.
Au Rwanda, le Président Paul Kagamé, au pouvoir depuis 1994, est sûr de se faire réélire le 15 juillet. L'opposition est systématiquement empêchée de présenter des candidats. Seuls des partis mineurs peuvent en pratique présenter des candidatures, pour la bonne forme.
Aux Comores, les présidentielles pour le 14 de ce mois seront boycottées par les oppositions. Le Président sortant, Azali Assoumani, brigue un troisième mandat après avoir modifié la Constitution pour se le permettre. Il est accusé de museler l'opposition.
Il n'y a jamais eu d'élections au Soudan du Sud depuis la création du pays en 2011. Initialement prévues pour 2015, elles furent progressivement reportées jusqu'à… 2024 par le pouvoir. Aucune date n'est encore fixée et un énième report n'est pas à exclure.
Afrique Australe, les élections les plus libres
En Ile Maurice, des élections parlementaires qui sont traditionnellement libres mais plombées par l'argent et la corruption, décideront du nouveau premier ministre le 30 novembre, dans un pays ou les trois partis dominants sont tous de gauche. Il est impossible de prédire, pour l'instant, lequel sortira gagnant.
A Madagascar, où la Présidentielle aura été une farce électorale, les élections législatives prévues pour le premier trimestre 2024 suivent des élections présidentielles boycottées et contestées en novembre 2023 où le Président sortant, Andry Rajoelina, fut réélu. La liberté du scrutin à venir est douteuse.
Au Mozambique, le Président Filipe Nyusi, au pouvoir depuis 2015, ne peut plus se représenter aux élections générales prévues pour le 9 octobre. Mais peu importe l'identité de son dauphin, il gagnera très probablement : le parti FRELIMO, héritier de la guérilla, dirige le pays depuis l'indépendance en 1975. De plus, chaque scrutin passé a été marqué par les fraudes et l'intimidation.
En Namibie, une situation quelque peu similaire se reproduit, à l'exception du fait que les élections dans ce pays sont libres et équitables. Le Président Hage Geingob ne peut plus se représenter, mais sa dauphine, Netumbo Nandi-Ndaitwah, est sûre de remporter le scrutin (dont la date n'est pas encore fixée) sous l'égide de la SWAPO, ancien mouvement d'indépendance très populaire dans le pays.
Idem au Botswana, où le Parti Démocratique du Botswana (BDP) règne sans partage depuis les premières élections en 1965, depuis 57 ans. Pourtant, les élections sont globalement considérées comme libres. Le Président actuel, Mokgweetsi Masisi, élu en 2019, brigue un second mandat face à une opposition divisée.
Finalement, en Afrique du Sud, poids lourd de la région, le Congrès National Africain (ANC), au pouvoir depuis la fin de l'apartheid en 1994, tremble sur ses assises. Il est quasiment certain que l'ANC perdra la majorité absolue qu'il détient au parlement depuis 20 ans lors des élections générales prévues pour mai, les obligeant à envisager pour la première fois un gouvernement de coalition avec l'EFF (Combattants pour la Liberté Economique).
Avec quelle marge le parti va-t-il perdre ? Suffisamment pour que l'opposition centriste de l'Alliance Démocratique puisse elle-même former un gouvernement de coalition ? Probablement pas, la barre semble trop haute. Mais qui sait… Entre criminalité et crise énergétique, le parti au pouvoir n'a jamais été aussi déstabilisé.
Enfin une bonne nouvelle où un scrutin démocratique peut faire vaciller un pouvoir africain.
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La révolte des Libyens contre l’accaparement de la rente pétrolière

Des manifestants ont forcé la fermeture du champ pétrolier d'El Sharara, l'un des plus important de Libye situé dans le sud ouest du pays. Les manifestants évoquent des problèmes sociaux et revendiquent une meilleure redistributions des revenus du pétrole issue de ce champ pétrolier.
Tiré de MondAfrique.
Des manifestants ont forcé la fermeture du champ pétrolier d'El Sharara, l'un des plus important de Libye situé dans le sud ouest du pays. Les manifestants évoquent des problèmes sociaux et revendiquent une meilleure redistributions des revenus du pétrole issue de ce champ pétrolier.
Des manifestants réclamant le développement social et économique de la région de Fezzan, située dans le sud-ouest de la Libye, ont contraint la fermeture du champ pétrolier d'El Sharara, dans le cadre d'un mouvement de protestation visant à attirer l'attention du gouvernement sur la situation difficile de la population locale.
La manifestation, organisée par des tribus berbères appauvries et négligées, a éclaté le 1er janvier 2024, forçant une semaine plus tard la National Oil Company (NOC) à fermer le site alors que des pourparlers avec les leaders de la protestation sont en cours.
La protestation coûte à la Libye plus de 20 millions de dollars par jour en revenus perdus, le pays étant incapable de produire environ 300 000 barils de pétrole par jour. Les problèmes qui préoccupent la population locale incluent la disponibilité des produits pétroliers sur les marchés locaux, l'infrastructure, l'accroissement de la pauvreté, etc.
Pour rappel sur le 1,9 million barils de pétrole que la Libye produit par jour, le champ d'al-Sharara en produit 300 000.
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La France et le génocide des Tutsis « Désolé, on ne peut rien pour vous »

L'abandon des employé⸱es rwandais⸱es de la chancellerie française durant le génocide de 1994 demeure une tâche indélébile pour la France. Parmi les personnalités mises en cause, l'ancien ambassadeur à Kigali, Jean-Michel Marlaud, est confronté à de nouveaux témoignages accablants recueillis par Afrique XXI.
Tiré d'Afrique XXI. Cet article est le deuxième d'une série.
Dans le salon de son appartement de la région parisienne, Béatrice Kabuguza gribouille sur un post-it. Après plus d'une heure de discussion, elle conclut, avec ce petit dessin, le récit de près de deux mois de traque dans les rues de Kigali, pendant le génocide des Tutsi⸱es, qui a fait plus de 800 000 mort⸱es entre avril et juillet 1994. Le 30 mai 1994, « avec d'autres Tutsi⸱es, nous avions rejoint l'ambassade de Tanzanie, explique-t-elle tout en traçant des rues bien parallèles. Le gardien avait été payé pour nous cacher et nous faire passer pour des Tanzanien⸱nes. Nous n'étions plus qu'à trois ou quatre rues de l'hôtel des Milles-Collines (1). C'était notre dernière chance de profiter des évacuations, le lendemain, le 31 mai, vers le camp de Kabuga, tenu par le FPR [Front patriotique rwandais, groupe armé essentiellement constitué de Tutsi⸱es exilé⸱es et qui a mis fin au génocide, NDLR]. Je savais que si je ne rejoignais pas l'hôtel, c'était la mort assurée. »
Après avoir passé plusieurs clôtures, Béatrice et ses compagnons d'infortune doivent terminer leur course à découvert sur la grande avenue qui longe l'établissement de luxe. « Un convoi des FAR [Forces armées rwandaises, qui participaient au génocide, NDLR] nous a repéré·es, arrêté·es et mis·es à genoux, se rappelle-t-elle. Heureusement, un Casque bleu des Nations unies a vu la scène depuis l'entrée de l'hôtel. Il est venu vers ces militaires avec son arme brandie et j'en ai profité pour crier aux autres de courir vers l'hôtel… Voilà comment je m'en suis sortie. J'ai dormi dans un couloir de l'hôtel et, le lendemain, j'ai pu partir à Kabuga avec un convoi de la Minuar. »
Béatrice Kabuguza est une témoin clé. Si son récit de rescapée est tout aussi terrifiant que ceux des autres survivant⸱es, son histoire aurait dû être bien différente : en 1994, elle a 35 ans et est employée par la France depuis treize ans en tant que secrétaire du chef de la mission de coopération et d'action culturelle – Michel Cuingnet, à l'époque des faits. Comme les autres employé⸱es rwandais⸱es, elle a pourtant été abandonnée à son sort. D'origine tutsie, elle a miraculeusement échappé à la mort, contrairement à dix-sept de ses collègues. Certains d'entre eux étaient des ami⸱es très proches.
Un diplomate inexpérimenté et un récit remis en cause
Depuis trente ans, les raisons qui ont poussé la France à ne pas évacuer les employés locaux durant le génocide restent incertaines. Cette négligence est soulignée dans un recours contre l'État français déposé devant le Tribunal administratif, en avril 2023, par des associations, des rescapé⸱es et des familles de victimes, dont des ancien⸱nes employé⸱es du réseau diplomatique français. Des critiques visent aussi l'ancien ambassadeur de France Jean-Michel Marlaud. Ce dernier a publié un livre en décembre 2022, Dire l'indicible (L'Harmattan). Sur le sort des employé⸱es, qu'il balaye en deux pages, il réitère son argumentaire livré en 1998 devant la mission d'information parlementaire sur le Rwanda (2), qui a enquêté sur la responsabilité de la France dans le génocide. Selon lui, les employés locaux étaient injoignables, il n'y avait pas de plans d'évacuation les concernant et il était dangereux de circuler dans Kigali pour les rechercher...
Le diplomate est nommé à Kigali le 29 mars 1993. À 38 ans, après seulement deux courtes expériences à l'étranger, il s'agit de son premier poste d'ambassadeur – un âge exceptionnellement jeune pour occuper de telles responsabilités. Surtout, l'énarque ne connaît rien à l'Afrique et encore moins au Rwanda, alors que la France est en première ligne dans les négociations de paix – qui aboutiront aux accords d'Arusha, le 4 août 1993 – entre le régime du président Juvénal Habyarimana et les rebelles du FPR. Il remplace Georges Martres, qui fait alors valoir ses droits à la retraite. Issu de la coopération, ce vieux routier de la diplomatie française en Afrique est passé par le Mali, le Niger, le Sénégal et le Cameroun. Cette nomination surprenante est-elle un signal de rupture envoyé au pouvoir rwandais ? Pas vraiment. Avant de s'envoler pour le pays des Milles Collines, Marlaud est reçu par le directeur des Affaires africaines et malgaches, Jean-Marc de La Sablière, en présence de Martres. Sa consigne, que relate l'ancien ambassadeur dans son livre (p. 23) : « Continuez la politique de votre prédécesseur. »
Béatrice ne s'est jamais exprimée sur l'abandon des employé⸱es de la chancellerie française. Aujourd'hui, elle brise le silence et confie avoir été « choquée par les propos des diplomates français, notamment lors de la commission Quilès de 1998 ». Pour elle, il n'a jamais été question d'évacuer les agents locaux. Pour appuyer son sentiment, elle va se remémorer durant cet entretien les « mensonges » distillés depuis trente ans, et va leur opposer les faits dont elle a été témoin.
Ses informations viennent corroborer celles qui ont déjà été avancées par d'autres survivant⸱es, comme l'ancien employé du Centre d'échanges culturels franco-rwandais (CECFR, désormais Institut français), Vénuste Kayimahe, dans son livre France-Rwanda : les coulisses du génocide. Témoignage d'un rescapé (Dagorno, 2001). Celui-ci a régulièrement été décrédibilisé par des militaires ou des diplomates français : certes, certains de ses souvenirs sont peut-être imprécis (des dates, des noms...), malmenés par la douleur d'avoir perdu une de ses filles, sa mère, ses frères et ses sœurs ainsi que leurs familles, et le sentiment d'avoir été abandonné par le pays pour lequel il travaillait depuis vingt ans. Mais son témoignage reste puissant et mérite attention. Il y a aussi les souvenirs d'Étienne Nsanzimana, le fils de Pierre Nsanzimana – le seul employé rwandais évacué par la France (décédé en 2023), qu'Afrique XXI a rencontré pour le premier épisode de cette série consacré à Gaudence Mukamurenzi, une de ses tantes, qui était secrétaire de l'ambassade, assassinée le 19 avril 1994.
« La question ne s'est pas posée »
Le 7 avril 1994, au lendemain de l'attentat contre l'avion du président rwandais, Juvénal Habyarimana, dont la mort servira de prétexte au déclenchement du génocide, les employé⸱es tutsi⸱es de l'ambassade sont menacé⸱es à plusieurs endroits de la ville. Dans le quartier de Muhima, où elle a emménagé six mois plus tôt, Béatrice se terre chez elle : « Je suis restée chez moi parce que les sorties étaient interdites, raconte-t-elle. Sinon, j'aurais essayé de rejoindre l'ambassade ou les églises. Je pensais aussi que ça passerait… Les tueries avaient commencé. Je n'avais aucun contact, je me cachais et j'écoutais la radio, c'était le seul moyen de s'informer. Les voisins ne me connaissaient pas encore et je dois ma vie à ça, je pense. »
D'autres ont en effet dû fuir leur domicile, pourchassé⸱es par leurs voisin⸱es excité⸱es par les appels au meurtre diffusés par la Radio-télévision des Milles Collines (RTLM) qui, dès le 6 avril au soir, a appelé à exterminer les « inyenzi » (les « cafards »). Les noms de certain⸱es Tutsi⸱es étaient même cités. Parmi eux, plusieurs employé⸱es de l'ambassade, dont Pierre Nsanzimana, du service des états civils. Il vit dans le quartier de Nyakabanda quand, le 7 avril, il doit mettre à l'abri sa famille chez un voisin hutu, sa maison ayant été attaquée par des miliciens Interahamwe. À une centaine de mètres de chez lui, la petite sœur de sa femme, Gaudence Mukamurenzi, a aussi été attaquée le lendemain de l'attentat. Son mari a été assassiné, et le fils aîné de celui-ci (issu d'une première union) a disparu. Elle et ses enfants vont trouver refuge dans le débarras d'un voisin.
Immaculée Mukamuligo, la collègue et amie de Béatrice, a dû faire de même. Vénuste Kayimahe, à qui la directrice du CECFR, Anne Cros, avait demandé de quitter les locaux quelques jours plus tôt, a dû y rester caché avec sa femme et certains de ses enfants. Il y a aussi les employé⸱es des résidences, comme Déo Twagirayezu, le maître d'hôtel du chef de mission de la coopération, qui sont resté⸱es chez leur employeur français, dans l'incapacité de rentrer chez eux.
Le 8 avril, la nouvelle de l'assassinat de deux gendarmes français et de l'épouse de l'un d'eux (3) décide Paris à évacuer ses ressortissant⸱es. À cette fin, débute dans la nuit du 8 au 9 avril l'opération Amaryllis, qui se poursuivra jusqu'au 14 avril. La mission des 460 militaires français⸱es est facilitée par l'existence de plans de sécurité, qui permettent de localiser les expatrié⸱es dans Kigali. Les quartiers sont organisés en « îlots », coordonnés par des « chefs d'îlot ». « Après l'attentat, nous avons joint les chefs d'îlot », précise Jean-Michel Marlaud, rencontré à Paris par Afrique XXI le 8 janvier 2024. Les Français⸱es sont ensuite regroupé⸱es à l'École francophone Antoine-de-Saint-Exupéry en attendant leur départ pour l'aéroport. En revanche, le sort des employé⸱es rwandais⸱es de la chancellerie n'est pas évoqué. « La question ne s'est pas posée, [la mission d'Amaryllis] consistait à évacuer les ressortissants français », explique Jean-Michel Marlaud.
« Il me semble que je me sois trompé »
Le premier télégramme qui autorise l'évacuation des employés locaux arrive à l'ambassade le 11 avril en milieu de journée, puis à Amaryllis dans la soirée (4). « Nous ne savions pas où habitaient les Rwandais qui travaillaient à l'ambassade », affirme Jean-Michel Marlaud dans son livre (p. 123). « Dans tous les pays, ces plans [de sécurité] concernaient les seuls Français. D'ailleurs, lors de la précédente évacuation au Rwanda, en 1990, nul n'avait soulevé la question des recrutés locaux », poursuit-il (p. 124). Selon lui, à cette absence de plans d'évacuation des employés locaux s'ajoutait le fait que « les quartiers ou les rues n'ayant pas de nom et les maisons pas de numéro, il était tout aussi difficile de se rendre au domicile des membres du personnel local » (5).
Deux survivant⸱es infirment pourtant ces allégations. Vénuste Kayimahe écrit dans son livre que, « deux ans auparavant […], le personnel rwandais de la Mission [de coopération], de la chancellerie et du Centre d'échanges culturels franco-rwandais a également fourni toutes les informations sur la façon de les atteindre, en vue d'une évacuation en cas de besoin. […] Nous avons rempli des fiches et fait des croquis de notre lieu d'habitation » (6). « J'ai moi-même travaillé sur ces documents, confirme Béatrice Kabuguza. On avait fait les plans précis des quartiers et des résidences. C'était facile à trouver. Ils étaient déposés avec les plans d'évacuation des expatrié⸱es, dont je me suis aussi occupée avec un militaire français. On a réalisé ce travail au lendemain des événements d'octobre 1990 (7). »
Face à ces témoignages, Jean-Michel Marlaud, qui s'en tient à la même version depuis trois décennies, est étonné : « Je ne le savais pas. Le plan de sécurité était tenu par le consulat, donc par William Bunel [décédé depuis, NDLR]. Certes, il n'était pas à Kigali au moment de l'attentat, mais il est revenu 24 ou 48 heures après… Je ne comprends pas, il semble que je me sois trompé. » « Ces plans étaient connus des services de l'ambassade », lance Béatrice Kabuguza. Concernant la présence de Vénuste Kamyimahe et de sa famille au CECFR (ils étaient facilement localisables, donc), le diplomate assure ne jamais avoir été mis au courant de cette information, contrairement à ce qu'affirme dans son livre l'ancien employé du Centre culturel. Selon lui, sa responsable avait prévenu l'ambassadeur (p. 147). Sa présence au Centre culturel était également connue des journalistes : il est interrogé le 12 avril 1994, et son témoignage, déchirant, est diffusé dans le journal de 20 heures de France 2 (8) :
- On est dans une situation presque d'assiégés parce qu'il y a dehors les miliciens, les militaires, tous ceux qui peuvent nous tuer. Ils viennent de massacrer tout ce monde dans la ville de Kigali. On est condamnés. On est résignés. On attend un miracle ou alors la mort tout simplement.
« Immaculée a crié au secours au téléphone »
Vénuste Kayimahe assure par ailleurs avoir tenté de joindre l'ambassade par deux fois avec le téléphone du CECFR. Il écrit que de nombreux autres employés ont appelé le Centre culturel pour être secourus (p. 155) : « Parfois je réponds et on discute un peu, d'autres fois je n'en ai pas le courage et je raccroche sans rien dire. […] J'ai du mal à convaincre [mon interlocuteur] de mon impuissance et de la peine que je partage. Car, moi-même, l'ambassade, que j'ai appelée par deux fois, refuse de m'écouter. » Devant la mission parlementaire de 1998, Jean-Michel Marlaud a déclaré que « dans leur très grande majorité, [les recrutés locaux] n'avaient pas le téléphone. Il était très difficile de trouver un téléphone pour appeler l'ambassade ».
Outre les déclarations de Vénuste Kayimahe, beaucoup de témoignages viennent contredire cette affirmation. Plusieurs salarié⸱es rwandais⸱es se sont arrangé⸱es pour trouver un téléphone. Le récit du chef de la mission de coopération française, Michel Cuingnet, va dans ce sens. Dans un rapport rédigé à Paris le 15 avril 1994, à son retour de Kigali, voici ce qu'il écrit : « Samedi 9 avril. [...] Les secrétaires tutsis [sic] de la Mission nous font connaître qu'elles sont attaquées. Appels téléphoniques hallucinants... de personnes agressées (plantons, secrétaires, chauffeur de la Mission) cris et plus rien... » Dans le documentaire Retour à Kigali : une affaire française, de Jean-Christophe Klotz (2019), Cuingnet explique avoir « eu un appel [qu'il a] encore en mémoire, d'une secrétaire qui s'appelait Immaculée, qui a crié au secours au téléphone. J'ai prévenu l'ambassadeur et je lui ai dit : “Qu'est-ce qu'on fait avec le personnel tutsi ?” Il m'a fait répondre par je ne sais plus qui : “Ah mais les militaires vont venir les défendre”. » Michel Cuingnet n'a pu être joint avant la publication de cet article.

« Immaculée a bien joint Michel Cuingnet, confirme Béatrice Kabuguza. Ce sont les voisins qui la cachaient qui me l'ont dit… Selon eux, il lui a répondu qu'il ne pouvait rien faire pour elle. C'est à cette occasion que j'ai appris qu'elle avait été trouvée par les Interahamwe et tuée par balles. » Ce jour-là, « peut-être autour du 10 avril, se remémore-t-elle, j'ai pu aller chez des voisins qui avaient le téléphone. J'ai appelé mes parents, les gens qui cachaient Immaculée, puis l'ambassade de France. Je suis tombée sur une dame et je me suis présentée : “Je suis Béatrice, de la coopération française, j'ai besoin de votre aide”, et elle m'a répondu : “Désolé, on ne peut rien pour vous.” J'ai demandé si elle pouvait transmettre un message à monsieur Cuingnet, elle a répondu à nouveau qu'elle ne pouvait rien pour moi et a raccroché. » Qui répondait au téléphone ? « Je ne sais pas », répond Jean-Michel Marlaud.
« Désormais, nous sommes quittes »
Le 11 avril, Pierre Nsanzimana, l'employé du consulat qui s'est réfugié chez un voisin avec sa famille quatre jours plus tôt, a lui aussi pu utiliser le téléphone de son hôte pour joindre l'ambassade. Son fils Étienne, qui avait 18 ans à l'époque, s'en souvient parfaitement. Il raconte cet épisode en détail dans le livre de Laurent Larcher, Papa, qu'est-ce qu'on a fait au Rwanda ? (Seuil, 2024).
- […] Papa a entendu le téléphone sonner dans la maison principale. Il pensait que les lignes téléphoniques étaient hors d'usage. Il a demandé la permission de passer un coup de fil à l'ambassade de France. Hussein a accepté. Une secrétaire a décroché, elle a été très surprise d'apprendre que nous étions encore en vie, l'ambassade pensait que tous les Tutsis de notre quartier avaient été tués. Un gradé est passé à côté d'elle, il a pris le combiné, il connaissait mon père, qui lui avait facilité la tâche dans une procédure d'adoption. Ce militaire a d'abord été stupéfait d'apprendre que nous étions toujours vivants, puis il lui a dit que des militaires allaient venir nous chercher.
Pierre sera le seul employé de l'ambassade a être évacué par la France. Ce cas particulier a d'ailleurs été mis en avant par Jean-Michel Marlaud lors de ses divers témoignages pour démontrer qu'il n'y avait pas eu de volonté de ne pas sauver les recrutés locaux (alors que dans le même temps, la France évacuait des génocidaires), affirmant que Pierre avait été le « seul » à avoir « réussi à joindre l'ambassade ». Pierre Nsanzimana « a pu nous indiquer où il se cachait et j'ai demandé aux militaires d'aller le chercher, écrit-il dans son livre (p. 123). Lorsqu'ils sont revenus en m'indiquant ne pas l'avoir trouvé, j'ai répondu que je ne partirais pas tant qu'il n'aurait pas été récupéré. La deuxième tentative a été la bonne. »
Sauf que, selon Pierre Nsanzimana, l'ambassadeur n'est pas à l'origine de son évacuation. Selon plusieurs personnes à qui Pierre a confié son histoire, celui-ci a d'abord eu une secrétaire qui lui a répondu qu'elle ne pouvait rien pour lui. Mais un officier, qu'il connaissait pour l'avoir aidé dans ses démarches d'adoption, a pris le téléphone et s'est chargé d'organiser son évacuation. Lors de son départ, à l'aéroport, le 12 avril, ce même militaire lui aurait d'ailleurs lancé : « Tu m'as rendu service, je t'ai rendu service, désormais nous sommes quittes. » Selon eux, à aucun moment Pierre n'a évoqué une quelconque intervention de l'ambassadeur.
« Évacuer veut-il dire "rechercher" ? »
Qui est cet officier ? Selon nos informations, il s'agirait du lieutenant-colonel Erwan de Gouvello, du Détachement d'assistance militaire et d'instruction (Dami). Dans Rwanda, ils parlent. Témoignages pour l'histoire (Laurent Larcher, Seuil, 2019), un Père blanc fait référence à cet officier et à sa démarche d'adoption d'une « petite Rwandaise » (p. 231). Erwan de Gouvello n'a pas pu être joint avant la publication de ces lignes. « Erwan de Gouvello est le militaire qui est allé cherché Pierre », admet Jean-Michel Marlaud. Mais est-ce cet officier qui a eu Pierre au téléphone ? « Je ne sais pas, honnêtement je ne me rappelle plus… Ça fait trente ans. Mais c'est lui qui est allé le chercher, ça c'est sûr. Je me souviens de Gouvello qui me dit : “On y est allés, on ne l'a pas trouvé”, et moi de lui dire : “C'est pas possible, on ne part pas sans lui.” »
Lors de cette évacuation, Pierre a tenté de convaincre les militaires d'aller chercher la sœur de sa femme, une employée de l'ambassade, qui habitait à une centaine de mètres. Ils ont refusé, expliquant que leur mission était d'évacuer Pierre et sa famille… « Je n'étais pas dans la Jeep... Je ne savais pas qu'elle habitait à côté », répond le diplomate à la retraite.
Jean-Michel Marlaud a également toujours mis en avant les ordres reçus depuis Paris, dès la mi-journée du 11 avril, élargissant l'évacuation aux employés locaux qui en feraient la demande. Cet ordre est, selon lui, la preuve que la chancellerie n'avait aucune intention d'abandonner les employé⸱es rwandais⸱es. En fin de journée, l'ordre est très clair : « Le Département vous confirme qu'il convient d'offrir aux ressortissants rwandais faisant partie du personnel de l'ambassade (recrutés locaux), pouvant être joints, la possibilité de quitter Kigali. » (9) Alors comment explique-t-il le fait de ne pas avoir cherché à récupérer celles et ceux qui étaient facilement localisables et joignables, comme les employé⸱es de la résidence de Michel Cuingnet, Béatrice Kabuguza, Gaudence Mukamurenzi ou encore Vénuste Kayimahe ? « “Il faut les évacuer”, ça veut dire : “Vous ne partez pas en les laissant”, mais est-ce que ça veut dire : “Il faut les chercher” ? Je n'ai pas la réponse… », se contente-t-il de déclarer ce 8 janvier.
« Les militaires français circulaient comme ils voulaient »
Jean-Michel Marlaud argue dans son livre que « les déplacements en ville [étaient] dangereux » (p. 123). Pourtant, il demande aux militaires de repartir chercher Pierre Nsanzimana après une première tentative infructueuse. « Enfin ! S'ils m'avaient dit “non”, je ne sais pas ce que j'aurais fait. Loin de moi l'idée de vouloir dire que c'est grâce à moi et que Gouvello n'a fait qu'exécuter mes ordres… » Kigali était certes plongée dans le chaos, mais de nombreux travaux (journalistiques, universitaires...) ont démontré que les militaires français n'avaient aucune difficulté à se déplacer. Ils étaient même plutôt bien accueillis par les génocidaires, qui pensaient que l'armée française venait les aider à repousser l'offensive du FPR.
Trente ans après le génocide, Béatrice ne décolère pas et n'arrive toujours pas à comprendre les arguments du diplomate. « Les militaires français circulaient comme ils voulaient. Jean, le chauffeur de l'ambassade, était hutu. Il pouvait très bien accompagner des convois, il ne risquait rien… En plus, il savait où habitaient la plupart d'entre nous (10). »
Si Jean-Michel Marlaud se défend avec force d'avoir sciemment abandonné les employé⸱es de la chancellerie, il n'a jamais cherché à connaître leur sort, y compris celui des trois employé⸱es de sa résidence. Caché pendant plusieurs jours au Centre culturel, où des éléments de l'opération Amaryllis s'étaient installés, Vénuste Kayimahe n'a dû son salut qu'à l'intervention de soldats belges (11) qui l'ont évacué avec sa famille, le 14 avril, après le départ du Rwanda des derniers militaires français de l'opération Amaryllis. Durant près d'un mois, Béatrice Kabuguza est, elle, restée cachée dans la résidence de Michel Cuingnet, qu'elle a rejointe fin avril après avoir dû fuir son appartement. « Le téléphone fonctionnait très bien, certains amis français m'ont appelée. Mais jamais Michel Cuingnet ou l'ambassadeur… Quand je suis partie, pour rejoindre l'hôtel des Milles Collines, j'ai laissé Déo [Twagirayezu, le maître d'hôtel, NDLR], qui n'a pas voulu nous suivre. Il disait que sa mission était d'assurer la sécurité des biens de l'ambassade... Il a été assassiné peu de temps après mon départ. »
Lire le premier article de cette série consacré à Gaudence Mukamurenzi :« La France nous a abandonnés, les bourreaux nous ont exécutés »
Notes
1- Lieu protégé par les Casques bleus de la Mission des Nations unies pour l'assistance au Rwanda, Minuar, où de nombreux Rwandais ont trouvé refuge.
2- Paul Quilès, Pierre Brana, Bernard Cazeneuve, « Rapport d'information par la Mission d'information de la Commission de la Défense nationale et des forces armées et de la Commission des Affaires étrangères, sur les opérations militaires menées par la France, d'autres pays et l'ONU au Rwanda entre 1990 et 1994 », 1998.
3- René Maïer, Alain Didot et l'épouse de celui-ci, Gilda, ainsi que leur jardinier, Jean-Damascène Murasira, ont été assassiné⸱es le 8 avril 1994 et retrouvé⸱es sommairement enterré⸱es le 11 avril, dans le jardin de leur villa kigaloise. Lire l'enquête de Pierre Lepidi, « Le mystère des gendarmes français assassinés à Kigali », Le Monde, 5 janvier 2022.
4- Dans Rwanda, ils parlent. Témoignages pour l'histoire, de Laurent Larcher (Seuil, 2019), l'ancien ministre des Affaires étrangères Alain Juppé explique (p. 769) : « Je sais que, dans la question Amaryllis, il y a la question des dix-neufs collaborateurs tutsis de l'ambassade qui n'ont pas été évacués. [...] Des instructions avaient été données à l'ambassadeur pour les traiter comme les autres. Ces instructions n'ont pas abouti parce qu'on était là sous le commandement militaire, donc il y a peut-être eu un défaut de transmission. »
5- Audition de Jean-Michel Marlaud le 13 mai 1998 dans le cadre de la Mission d'information parlementaire sur le Rwanda. Son audition est téléchargeable ici
6- Vénuste Kayimahe, France-Rwanda, les coulisses du génocide. Témoignage d'un rescapé, Dagorno, 2001, p. 178.
7- Le 1er octobre 1990, le FPR lance une offensive depuis l'Ouganda voisin. Il sera repoussé in extremis grâce à l'aide de la France, qui va déployer à cette occasion l'opération d'assistance militaire Noroît (officiellement jusqu'aux accords d'Arusha d'août 1993) et évacuer près de 300 Français⸱es. Dans les jours qui ont suivi cette attaque, le régime rwandais va traquer les « infiltré⸱es » du FPR dans la population et prendre systématiquement pour cible tou·tes les Tutsi⸱es.
8- À voir, le journal de 20 heures de France 2 du 12 avril 1994, ici.
9- Commission de recherche sur les archives françaises relative au Rwanda et au génocide des Tutsi, « La France, le Rwanda et le génocide des Tutsi (1990-1994) », rapport remis au président de la République le 26 mars 2021, p. 368.
10- Jean Rwabahizi a été jugé par les tribunaux gacaca, « reconnu coupable d'avoir joué un rôle dans les massacres de Tutsis qui avaient cherché refuge à l'église de la Sainte-Famille, à Kigali, et à l'ambassade de France », et condamné à trente ans de prison. Lire « L'ancien chauffeur de l'ambassadeur de France arrêté pour génocide à Kigali », AFP dans Jeune Afrique, 15 janvier 2010.
11- Les militaires belges étaient présents à Kigali du 10 au 14 avril dans le cadre de l'opération d'évacuation Sylver Back.
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« Le peuple a gagné » : le Guatemala inaugure le président anti-corruption Bernardo Arévalo malgré le sabotage

L'émission d'aujourd'hui commence au Guatemala. Plusieurs y voient une renaissance de l'espoir malgré le long délai pour l'assermentation du nouveau Président, M. Bernardo Arévalo. Il a été assermenté aux côtés de la vice-présidente, Mme Karin Herrera un peu passé minuit lundi (le 15 janvier). Mais ce n'était pas le moment prévu. Les avocats de l'opposition ont fait reporter la cérémonie plus de neuf heures dans une tentative de dernière minute de la part de l'élite corrompue du pays de bloquer la transition vers le pouvoir.
Democracy Now, 16 janvier 2024
Traduction, Alexandra Cyr
Amy Goodman : Cette manœuvre a suscité une vague de protestations alors que la population de tous les coins du pays se précipitait vers la Guatemala Ciudad pour assister à ce moment historique. Les dirigeants.es indigènes ont tenu des cérémonies et des ralliements pendant que la Place constitutionnelle de la ville et son centre historique étaient remplis de gens qui célébraient. Le
Président Arévalo a pris la parole après qu'il ait finalement été assermenté : « ce qui peut sembler un simple résultat du processus politique de changements formels dans les institutions, est en réalité le début d'une transformation qui a commencé en chacun et chacune de nous. Nous partageons un horizon où nous sommes unis.es pour construire le pays auquel nous aspirons tous et toutes qui s'épanoui et prospère. Nous ne pouvons-nous habituer aux peines quotidiennes ou tourner le regard des pénibles réalités. Nous ne pouvons, nous limiter à rêver à l'avenir ou à nous réfugier dans le passé. Nous devons prendre nos responsabilités en ce moment présent pour ce moment présent. Le Guatemala se présente à nous avec d'énormes de défis que nous ne pouvons ignorer ».
Après son assermentation le nouveau Président a posté un message sur les réseaux sociaux : « Le Guatemala va de l'avant ». Dans ses premières remarques il a remercié la jeunesse guatémaltèque et les communautés indigènes qui se sont opposées devant le Bureau de la Procureure générale.
La victoire du Président Arévalo a choqué l'extrême droite politique du pays de même que l'élite d'affaire qui contrôlent le Guatemala depuis des décennies. Depuis sa victoire en août dernier, la Procureure générale, Mme Consuelo Porras a lancé une campagne pour l'empêcher de prendre le pouvoir. Elle a aussi visé d'autres membres du Parti Semilla (semence) avec des accusations non fondées de fraudes et autres motifs.
Bernardo Arévalo est le fils de l'ancien Président Juan José Arévalo premier à être élu démocratiquement qui a mis de l'avant des politiques révolutionnaires durant ses mandats de 1945 à 1951. Trois ans plus tard, en 1954, la CIA a soutenu un coup d'État qui a mis fin à la démocratie dans le pays. Pour ses supporters, l'élection du Président Arévalo est un nouveau printemps.
Pour en savoir plus, nous nous tournons vers trois invités.es : à Ciudad Guatemala, Andrea Villagrán membre du Congrès guatémaltèque faisant parti du Parti Movimiento Semilla, le Mouvement semence.
Bienvenue à Democracy Now et félicitations. Ça été un vrai suspense jusqu'à la fin dimanche dernier. Je vous ai suivi d'heure en heure. Je pense que M. Arévalo a posté un message disant : « Tenez bon ; ça va vraiment arriver ». Ça aura pris presque neuf heures. Chez-nous il était une heure du matin, lundi matin. Donnez-nous la signification de cette victoire, de toutes vos victoires alors que la Procureure générale vous avait visés.es tous et toutes tant que vous êtes.
Andrea Villagrán : bonjour, merci pour l'invitation.
Ici, au Guatemala nous vivons des moments d'espoir très joyeux maintenant que nous avons un Président qui nous représente et qui combat la corruption, ce qui nous change de ce que nous avons vu durant les dernières décennies. C'est le passage d'un régime reposant sur un système de corruption, autoritaire, à un régime démocratique. Le peuple a élu Semilla parce qu'il rejette toutes les pratiques traditionnelles de corruption. Avec l'administration Arévalo, nous allons mettre le peuple au centre de nos préoccupations, et lui donner ce que nous demandons depuis bien longtemps. Nous allons nous attaquer à la corruption et mettre l'accent sur le rétablissement démocratique des institutions. Nous allons essayer de récupérer les services publics, la santé, l'éducation et les services de base dont les Guatémaltèques ont besoin.
Juan González : Pouvez-vous aussi nous parler de la situation au Congrès avec ces élus.es conservateurs.trices qui ont tenté d'empêcher le nouveau Président d'arriver avec son programme ? Dans ce Congrès, comment Semilla pourra-t-il faire voter ses lois ?
A.V. : Fondamentalement, il y a au Congrès un groupe de corrompus qui a tenté de maintenir ses privilèges à l'impunité et à la corruption. Il essaie …le 14 janvier, il a même tout tenté pour retarder une session du Congrès en introduisant toutes sortes d'actions illégales pour empêcher la passation des pouvoirs. Mais nous avons gagné au Congrès ; nous sommes 160 contre 92 élus.es pour défendre la démocratie. Donc, nous avons été capables d'assurer la passation des pouvoirs durant la nuit du 14 janvier. C'était une session très dure, très intense. Mais finalement le peuple a gagné. La volonté du peuple d'élire Bernardo Arévalo et Karin Herrera a prévalu. Nous avons donc été capables d'assurer le transfert des pouvoirs à minuit le 14 janvier.
J.G. : Pouvez-vous nous parler de l'histoire de Semilla, comment il s'est développé et comment il est arrivé (à cette victoire) ?
A.V. : Le Movimiento Semilla est issu des protestations de 2015. Nous avions tout un lot de preuves de cas de corruption montrant comment les élus.es, les politiciens.nes abusaient et ainsi affectaient nos vies en matière de santé et par l'augmentation terrible du coût de la vie. Nous voyions beaucoup de migration à cause du manque d'opportunités. Donc, le mouvement s'est transformé en parti politique avec des gens qui voulaient du changement. Après deux cycles électoraux, nous avons fait élire sept députés.es ; nous sommes maintenant 23.
Avec les résultats du premier tour, le 25 juin dernier, Bernardo Arévalo a pu se présenter au deuxième tour le 20 août et il a été élu. Nous avons été attaqués pendant plus de six mois, je dirais depuis juin. Nous en avons subi tout un flot qui visaient à l'empêcher de prendre le pouvoir. Nous avons été défendu par le peuple. Tout était contre nous : le système de justice et le Congrès. L'ancien Président, M. Alejandro Giammattei nous attaquait. Nous nous sommes défendus mais c'est la population qui est descendu dans les rues pour protester, pour défendre son vote, sa victoire dans les urnes. Un grand nombre des leaders indigènes ont défendu le mouvement non pas parce que nous étions un parti politique qui pouvait représenter leurs intérêts mais surtout pour défendre la démocratie.
Résultat : toutes ces attaques ont abouti à une unité renforcée entre les jeunes, les leaders indigènes et les secteurs privés. Je dirais aussi avec ceux et celles qui voulaient un nouveau chapitre de la vie politique au Guatemala, une avancée vers un système démocratique. C'est ainsi que nous avons pu nous rendre où nous sommes aujourd'hui, que nous avons pu avoir le transfert des pouvoirs le 14 janvier. Nous avons fait face à beaucoup d'obstacles mais nous avons pu aller de l'avant parce que nous avons l'appui de la population qui nous a choisi.
A.G. : Merci beaucoup Andrea Villagrán d'avoir été avec nous. Nous restons à Ciudad Guatemala pour parler à Frank LaRue, avocat et militant des droits humains dans le pays. Lucía Ixchíu nous rejoint également. Elle est une dirigeant indigène K'iche en exil. Elle nous parle depuis Bibao en Espagne.
Lucía, je voudrais commencer avec vous. La victoire du Président Arévalo est due en bonne partie à l'incroyable mobilisation des indigènes guatémaltèques. Pouvez-vous nous parler de cette mobilisation ? En 2015, vous étiez une des dirigeantes étudiantes qui a aidé à diriger le Movimiento Semilla vers le Parti Semilla et vers ce que nous voyons aujourd'hui dans votre pays.
LuÍa IxchÍu : Bonjour tous et toutes. Pour moi, voir les autorités indigènes de 48 cantons, 48 cantones, (agir de la sorte) est un honneur. Je n'avais jamais imaginé voir nos autorités indigènes envahir Ciudad Guatemala et prendre le pouvoir. Pour moi, il ne s'agit pas vraiment (du résultat d'une élection). Ce n'est pas exactement ce qui se passe en ce moment dans le pays. Nous nous opposons au colonialisme, à 531 ans d'esclavage. Le Guatemala est un des pays le plus pauvre du monde où la condition d'esclavage règne encore aujourd'hui. Le peuple est entré dans un processus libre. Pour moi, c'est un moment radical. Je n'ai jamais imaginé cela. Je n'ai jamais imaginé les indigènes envahissant la capitale ; nos manifestations se sont toujours tenues sur nos hauts plateaux. Nous avons toujours défendu notre terre mère. Nous avons toujours défendu nos territoires. Nous nous sommes toujours battu. Nous avons combattu le colonialisme et ses pratiques extractives depuis 550 ans.
Mais maintenant, nous savons que la réalité doit changer parce que le pays est sous dictature d'extrême droite depuis 17 ans. Ce n'est pas nouveau. Nous ne pouvions voter que pour des partis d'extrême droite. Donc, c'est pourquoi le peuple voulait ce changement. Pour nous, c'est une inspiration. Je suis tellement fière de faire partie du peuple K'iche de ces 48 cantones, avec Totonicapán, qui est un des leaders à qui le Guatemala doit être reconnaissant comme aux autorités indigènes de tout le pays. À cause de cette action, de cette grève, de ces manifestations, nous avons maintenant un pays où nous pouvons récupérer toutes les petites parts de démocratie en ce moment même.
J.G. : LucÍa vous êtes maintenant en Espagne. Vous y avez reçu le statut de réfugiée après avoir fui le Guatemala. Pouvez-vous nous parler un peu de votre expérience, des menaces et des problèmes que vous et votre sœur avez eu au Guatemala ?
L.I. : Nous avons subi trois tentatives de meurtre dans notre pays. Il y a deux causes contre moi pour criminalisation et pour être une leader indigène qui veut changer la réalité au Guatemala. Même chose pour ma sœur. Elle a subi une tentative de meurtre elle aussi. La situation des indigènes, des journalistes et des militants.es comme nous empire toujours. Durant la crise de la COVID !9 sous la dictature, c'était vraiment horrible pour les défenseurs des droits humains et de la terre au Guatemala. Les meurtres ont augmenté. La situation était vraiment épouvantable.
C'est pour cela que nous n'avons rien du tout. Les conditions ne nous permettent pas de nous défendre au tribunal à cause de la dictature ; au Guatemala, le bureau du/de la Procureur.re général.e fait partie de la dictature. Je le répète : au Guatemala, il y a une dictature judiciaire en ce moment. Pour moi, le plus grand changement (qu'introduit) l'arrivée du nouveau gouvernement Arévalo, c'est de sortir Mme Porras, la procureure la plus importante parce que nous savons qu'elle est responsable de l'exil d'un grand nombre de leaders indigènes avec beaucoup de membres de ce bureau et de juges également. Ils et elles sont responsables. Alejandro Giammattei et Jimmy Morales, anciens présidents, sont responsables. Maintenant, nous pouvons envisager un retour au pays mais selon certaines conditions ; en ce moment nous ne sommes pas certaines de pouvouir le faire.
A.G. : Je veux traiter de ce sujet avec Frank LaRue. Quelles sont ces conditions ? Est-ce que l'arrivée du nouveau Président signifie la fin de la lutte contre ce qui est connu comme le « pacto de corruptos », le pacte des militaires, des gouvernants.es et de l'élite d'affaire en faveur de la corruption ? Frank, vous êtes un militant de longue date, un avocat, vous avez vu ce qui est arrivé en 1954 quand le Président américain a aidé au renversement du Président guatémaltèque en soutient à United Fruit. N'était-ce pas les frères Dulles ? John Foster Dulles secrétaire d'État à l'époque avait déjà représenté la compagnie, il était son avocat. Mais cela a signifié l'assassinat de centaines de milliers de guatémaltèques au fil du temps. Comment cela a-t-il affecté les événements jusqu'à ceux de dimanche quand il a fallu attendre des heures pour l'assermentation à cause des manœuvres de dernières minute des membres conservateurs et conservatrices du Congrès et de la procureure générale ? Pensez-vous que le Président Arévalo est en sécurité ?
Frank LaRue : Merci de m'avoir invité Amy.
Ma réponse est oui. Comme l'ont dit les deux personnes qui m'ont précédé, la transition est vraie. Je suis très heureux que vous l'ayez mentionné aux deux autres invités.es aussi. Un des précédents historique (de l'actuelle situation), est que le père du Président Arévalo faisait partie de ce qui est considéré comme le premier printemps qui a pris fin avec le coup d'État de 1954. Il est important de mentionner que durant cette période nous avons vécu sous dictature, régimes militaires et que nous avons connu une période de génocide. Il y a eu plus de 200,000 victimes qui ont donné leur vie en luttant pour un processus de paix. Aujourd'hui, 27 ans après le processus de paix, nous commençons à voir du changement au pays. Et je pense que cette fois il s'agit de réels changements.
Il y a deux enjeux sur lesquels il faut mettre l'accent à mon sens. Bernardo Arévalo est tout-à–fait fiable. Ceux et celles qui ont voté pour lui, sans nécessairement le connaître personnellement, ont confiance dans son honnêteté, ont confiance dans Semilla, le Parti. Je suis d'accord avec la députée Villagrán : nous sommes enthousiastes de pouvoir faire cesser le passé de la corruption. Mais l'autre enjeu sur lequel il faut insister, est ce que Lucía Uxchíu a mentionné très clairement, c'est-à-dire la possibilité pour le leadership indigène et ancestral comme je les appelle, d'apporter sa force, de montrer au monde et à l'élite dominante du pays qui les a dominés.es et abusés.es, que les temps changent. Le Guatemala est un pays avec des enjeux importants d'exclusion, de différence, de différences économiques. Il y a un fossé entre les communautés indigènes et non indigènes. Il est temps que cela change. Et je pense que le changement est irréversible.
Honnêtement, je crois que l'administration Arévalo-Herrera sera capable d'introduire ce changement. Mais je pense que cela va demander un travail énorme. Ils héritent d'une Chambre en désordre, d'un pays en désordre avec d'énormes problèmes sociaux et d'inégalités, d'un État ravagé qui ne donne pas de garanties de sécurité, de santé, d'éducation ni de services de base. Donc le défi est énorme. Mais je crois qu'ils sont à la hauteur.
Mais le facteur le plus important sans doute est le niveau de conscience du peuple guatémaltèque. Les gens ont voté, les jeunes dans les villes mais, comme le mentionnait Lucia, (il y a eu) l'implication des peuples indigènes. C'était une preuve de leur force. Je pense que ceux et celles qui ont exercé le pouvoir dans le passé ne peuvent pas les battre ; cette fois les peuples indigènes ont dit : « Nous ne nous battons pas pour une élection. Nous ne nous battons pas pour une seule victoire. Nous nous battons pour sauver la démocratie et pour les obliger à respecter notre vote ».
De toute évidence, ceux et celles qui sont contre Bernardo et la transition vers la démocratie sont allés.es au bout de tout avec cette longue session de neuf heures au Congrès. Tout a été fait pour tenter d'empêcher la transition mais nous avons réussi. Je pense que c'est un moment de véritable espoir dans le pays. Espoir à cause de la transition, parce que c'est la première fois que nous avons un bon gouvernement honnête, mais aussi parce que la population est mobilisée. C'est la victoire du peuple guatémaltèque spécialement les indigènes.
J.G. : Frank, je voulais vous demander ce que vous anticipez du gouvernement américain ? Les gouvernements antérieurs ont toujours supporté l'élite corrompue pour qu'elle se maintienne au pouvoir au Guatemala. Qu'attendez-vous de votre nouvelle administration et de celle du Président Biden à Washington ?
F.LR. : Nous attendons un soutien solide. En fait, les États-Unis, la communauté internationale dont l'OAS qui n'a pas un passé très convaincant et l'Union européenne ont tous soutenu la transition. Je pense que nous étions à un point ou tous et toutes reconnaissaient que le Guatemala était au bord de l'effondrement, de l'implosion s'il persistait dans (sa situation politique) et que la seule façon de s'en sortir était de restaurer la démocratie. C'est, selon moi ce qui a fait que ces instances internationales ont offert leur appui à Bernardo Arévalo, Karim Herrera et au Parti Semilla pour former le gouvernement. Et je pense que c'est important.
Maintenant il faut que cet appui dure. Dans son discours, Bernardo a dit : « Nous remercions la communauté internationale mais s'il vous plait, ne nous oublié pas. Arriver au pouvoir n'est qu'un premier pas, en réalité un pas originel de ce qui sera un long processus. S'il vous plait, soyez avec nous tout au long de ce long processus ».
Évidemment nous sommes liés à différentes politiques. L'actuelle administration à Washington a fait les bonnes déclarations, pris les bonnes positions. Mais nous nous rappelons que lors de l'administration antérieure avec le Président Trump, la Commission internationale contre l'impunité au Guatemala, une expérience positive en matière de justice, a été attaquée par les élites et cette administration qui s'en sont détaché et l'ont laissée s'effondrer. Ce fut tragique. Donc, il est crucial de comprendre que les politiques à Washington ont un effet direct sur la capacité des élites à obtenir ce qu'elles veulent.
A.G. : Finalement, Lucía Ixchíu en Espagne, aimeriez-vous être au Guatemala en y étant en sécurité ? Quelle est votre demande finale à la nouvelle administration Arévalo, maintenant que la transition est en place, ?
L.I. : En ce moment, nous sommes organisées à titre de migrantes, d'exilées en Europe. Nous sommes en contact avec des réseaux de migrants.es aux États-Unis aussi. Nous avons nos propres demandes. Nous existons, nous sommes essentielles pour le pays même si l'État nous a forcées à quitter pour toutes sortes de raisons. Nous avons nos propres demandes et nous voulons parler au gouvernement Arévalo-Herrera. Nous voulons leur parler, leur faire savoir ce que nous voulons. Nous voulons des droits, que nous soyons reconnues comme personnes même comme communautés de migrants.es et exilés.es hors du pays car nous lui sommes essentielles. Nous avons travaillé avec intensité, nous nous sommes activés.es et avons fait campagne auprès des représentants.es internationaux en Europe et aux États-Unis. Notre travail a été essentiel pour le retour de la démocratie dans le pays.
A.G. : Je vous remercie tous les deux. (…) Je voudrais vous demander de demeurer en ligne après l'émission pour que nous puissions avoir une entrevue en Espagnol pour Demacracy Now ! en Espagnol et la mettre en ligne.
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Soutien à la grève générale du 24 janvier en Argentine

Nous exprimons notre ferme soutien à la grève générale convoquée pour le 24 janvier en Argentine, en rejet du Décret de Nécessité et d'Urgence (DNU), du projet de loi omnibus et du protocole limitant la protestation sociale, que le gouvernement Milei entend imposer. Ces mesures représentent une offensive claire contre la classe ouvrière et le peuple dans son ensemble.
Quatrième internationale
22 janvier 2024
Par Bureau de la Quatrième Internationale
Ils cherchent à profiter aux grands groupes économiques et au Fonds monétaire international, au prix d'une violation des droits humains et des droits du travail les plus élémentaires du peuple argentin. Une dévaluation de 115 % du peso argentin a été décrétée, ce qui a provoqué une inflation galopante et une hausse des prix des transports, des denrées alimentaires et des services de base, entraînant une réduction brutale des salaires des travailleurs et des retraités et des milliers de licenciements dans le secteur public.
Avec ces mesures, le président Milei entend également s'arroger des pouvoirs extraordinaires, en contournant le pouvoir législatif. Il modifie des centaines de lois existantes, fait progresser la privatisation des entreprises publiques, établit un cadre réglementaire qui renforce l'extractivisme et la destruction des biens communs, et restreint les droits fondamentaux des travailleurs tels que le droit de grève, l'organisation syndicale et la mobilisation.
Le peuple argentin est descendu dans la rue, défiant les mesures répressives visant à empêcher les mobilisations, montrant son indignation et sa volonté de défendre les droits acquis au cours d'années de lutte.
Pour mettre en échec le plan de Milei et du FMI, il est nécessaire de construire l'unité la plus large, pour défendre les salaires, les pensions, les plans sociaux, la liberté d'organisation, de manifestation et d'expression, ainsi que pour exiger le non-paiement de la dette publique frauduleuse et odieuse. Il est essentiel de renforcer les espaces d'organisation et de délibération en assemblée dans les quartiers et les lieux de travail qui permettent une participation démocratique afin de générer un protagonisme populaire dans ce processus.
L'Argentine est aujourd'hui un laboratoire de l'extrême-droite internationale, qui suit de près le processus d'offensive contre la classe ouvrière et le peuple dans son ensemble.
Promouvons la solidarité internationale pour soutenir la grève générale.
Contre le décret de nécessité et d'urgence et la loi Omnibus du gouvernement de Milei !
Unité, pour l'organisation et la lutte pour faire échouer l'ajustement et le paquet de réformes !
Solidarité internationaliste avec le peuple argentin.
Bureau de la Quatrième Internationale, Paris, 22 janvier 2024
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Mexique : préparation de la présidentielle et construction d’un mouvement indépendant

La droite et l'extrême droite sont en crise. La candidate de la coalition des anciens partis du système (PRI-PAN…) ne décolle pas dans les sondages malgré le soutien massif des médias. Elle stagne à 30% quand la candidate soutenue par Andrés Manuel López Obrador (AMLO) et son organisation Morena (Mouvement de régénération nationale), Claudia Scheinbaum, est évaluée à près de 60%. La mobilisation que les partis d'opposition avaient tentée à l'automne dernier contre une modification de l'institut national électoral a fait long feu. AMLO a mobilisé infiniment plus de gens dans la rue que ne l'avait fait la droite.
15 janvier 2024 | tiré du site inprecor.org par Correspondant·es, MSPP-IVe Internationale
Photo : Le président mexicain Andrés Manuel López Obrador et son épouse Beatriz Gutiérrez Müller président la cérémonie du "Grito de Independencia" pour le 213e anniversaire de l'indépendance du Mexique. Place de la Constitution, Mexico, Mexique. © ProtoplasmaKid — Travail personnel, CC BY-SA 4.0
La permanence de l'avance (dans les sondages) de la candidate d'AMLO et de Morena est fondamentalement due à ce qui apparaît comme de bons résultats économiques : une progression annuelle du PIB de plus de 3,5%, une inflation maîtrisée à 4% par an. Des mesures sociales ont été adoptées comme l'augmentation de 25% des pensions minimales pour tous les travailleurs, la garantie pour tous que les augmentations de salaires se situent au-dessus de l'inflation, etc. Les grands travaux (train Maya, raffineries Pemex, hôpitaux…) sont inaugurés en grande pompe.
Les problèmes sont plutôt internes à Morena. AMLO continue d'imposer un régime interne sans démocratie. De même qu'il ne favorise en rien l'auto-organisation ni dans la société ni dans les syndicats, il impose sa politique, ses alliances et ses candidats au sein de Morena. Dans de nombreux endroits il favorise des alliances avec des secteurs de la droite qui viennent du PRI ou du PAN. Cela pose surtout un problème pour la désignation des candidatures aux prochaines élections. Si pour la présidentielle la candidature de Claudia Scheinbaum a été très largement ratifiée, pour les législatives et les municipales c'est une autre question et cela provoque pas mal de remous dans la « gauche » de Morena, qui cherche plutôt des alliances avec des mouvements sociaux (syndicats démocratiques, organisations féministes, mouvements indigènes…) Dans plusieurs endroits, nos camarades ont des actions communes avec les militants de la gauche de Morena. C'est d'ailleurs dans ce cadre que le SME (syndicat des électriciens) envisage de proposer la candidature de trois de ses membres pour la liste des députés fédéraux…
Le plus grand danger : le crime organisé
L'insécurité et la violence ne cessent de croître au Mexique. C'est le grand échec du gouvernement AMLO (il y en d'autres, l'extractivisme à outrance par exemple) et l'argument numéro un de la droite et de l'extrême droite. Ce qui est un comble parce que la connexion de nombre de leurs politiciens avec le crime organisé est très ancienne et permanente. Il y a quatre cartels principaux (Sinaloa, Jalisco-Nueva Generacion, Golfo et Centro) qui contrôlent l'essentiel du trafic de drogue, du blanchiment par investissements dans l'immobilier entre autres, le rançonnement (et les enlèvements et les assassinats) des migrant·es. Ils sont de plus en plus puissants et multiplient les attaques spectaculaires. D'autres cartels plus petits (comme ceux du Michoacan), opèrent des campagnes de « cobro de piso » (racket dans les quartiers et les communautés). Les guerres entre cartels, particulièrement au Chiapas, retombent sur les populations, principalement indigènes. Les camarades du MSPP sont concerné·es puisqu'ils et elles sont présent·es au Chiapas, participant à l'organisation d'une communauté de plus de 1000 personnes qui est encerclée dans les zones des cartels. Pour l'instant ils se protègent avec leur police communautaire mais, de plus en plus menacés, ils cherchent à tisser des alliances défensives avec d'autres communautés et l'EZLN pour faire un front commun contre les cartels et leurs soutiens politiques.
Le principal danger pour les peuples indigènes, les travailleurs/ses et leurs organisations vient de là. Et du fait que la droite et l'extrême droite en manque de perspective électorale misent de plus en plus sur leurs connexions avec le crime organisé.
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Selon un avocat de Gaza, les États-Unis sont les « complices d’un génocide »

Nous nous tournons maintenant vers Ahmed Abofoul. C'est un avocat né à Gaza qui occupe un poste de chercheur et d'avocat dans l'organisation Al-Haq, la plus vieille ressource humanitaire et de droits humains palestinienne. Il a récemment publié un article intitulé : « We are Witnessing a Genocide Unfolding in Gaza : To Stop it, the ICC Prosecutor Must Apply the Law Without Fear or Favour ». Il nous parle depuis New York.
Demoncracy Now, 22 décembre 2023
Traduction, Alexandra Cyr
photo Serge d'Ignascio
Amy Goodman : (…) Le Conseil de sécurité des Nations Unies se prépare à voter une résolution d'aide à Gaza diluée. Les États-Unis ont fait repousser le vote quatre fois cette semaine pendant qu'Israël poursuit ses attaques massives qui ont fait plus de 20,000 morts palestiniennes dans l'enclave soit environ 1% de sa population. Les autorités sanitaires déclarent qu'au moins 390 personnes ont été tuées au cours des dernières 48 heures. Les Nations Unies préviennent que plus d'un demi-million d'habitants.es de Gaza, soit un quart de la population, souffrent de la faim, sont au bord de la famine.
Soyez le bienvenu a Democracy Now. Vous êtes un avocat des droits humains internationaux, et vous employez le terme génocide . Pouvez-vous nous expliquer ce que vous voulez dire exactement et pourquoi vous pensez qu'il s'applique à Gaza ?
Ahmed Abofoul : D'abord, merci de m'avoir invité. Ensuite, le mot « génocide » est un terme légal spécifiquement défini dans la loi internationale. C'est aussi un crime qui comporte ses éléments. Quand l'un de ces éléments est démontré, un crime a été commis. Comme vous le savez, le terme n'a pas été souvent été employé dans la situation palestinienne même si, comme nous le croyons, le crime a déjà été commis. Par exemple, plusieurs affirment que ce qui s'est passé en 1948, est un acte de génocide. La seule raison pour laquelle nous ne l'avons pas invoqué à l'époque c'est que le concept n'était pas encore cristallisé. Nous n'avions pas de convention, pas de définition. Mais il a été utilisé lors du massacre de Sabra et Shatila. C'est d'ailleurs la seule fois ou les Nations Unies ont qualifié cette situation de génocide. Selon la loi internationale, le génocide est un crime qui est présent quand certains actes sont commis avec une intention spécifique de détruire complètement ou en partie certains groupes ethniques, religieux ou politiques. C'est ce qui arrive à Gaza ; donc nous croyons qu'il s'y pratique un génocide.
Habituellement, les plus difficile à prouver eut égard au génocide, est l'élément subjectif de l'intention spécifique de le commettre. Pour faire cette preuve, les tribunaux s'en remettent aux déclarations des génocidaires. Dans notre situation nous possédons de multiples déclarations prouvant cette intention génocidaire qui a été appliquée directement sur le terrain. Nous voyons le niveau de destructions sans égard aux humains et comme l'a dit le Président Biden, des bombardements de civils.es sans discrimination. Nous ne sommes pas la seule organisation palestinienne de défense des droits à tirer cette conclusion. Pas moins de 800 universitaires spécialistes de l'Holocauste en ont fait autant. Certains.es disent même qu'il s'agit d'un cas d'école.
A.G. : Maintenant, pouvez-vous nous parler de votre lien personnel avec Gaza ? Vous y avez grandi, vous y êtes né. Et est-ce que quelqu'un de même patronyme, quelqu'un de votre famille, n'est pas décédé récemment ?
A.A. : En fait, 60 membres de ma famille sont décédé, ont été tué dont mon plus vieil oncle et quelques-uns de mes cousins. Et comme la plupart des Palestiniens.nes nous ne pensons pas que nous ayons le luxe de vivre notre deuil tant le niveau de destruction et les crimes horribles commis (sont présents). Ça brise le cœur. Nous avons grandi avec les histoires de la Nakba. Nous n'avions jamais imaginé que nous allions les vivre. C'est arrivé en 1948 et ça n'était pas télévisé bien sûr. Le monde n'a pas su ce qui se passait en Palestine. Mais maintenant, le carnage qui est télévisé est scandaleux et le monde l'observe.
Vous avez parlé de la résolution du Conseil de sécurité qui a été diluée et qui sera soumise au vote aujourd'hui. Mais si vous examinez la situation, les résultats des votes antérieurs, vous pouvez conclure que, au fond, il s'agit toujours des États-Unis contre le monde entier. En ce moment, les États-Unis font la promotion de ce génocide, ils le soutiennent. Je ne le saurai jamais mais, il est plus que probable que ma famille ait été tuée par des armes américaines. Nos enfants sont présentés.es disloqués.es à la télévision, sur vos écrans de télévision grâce aux taxes américaines, avec le soutien du gouvernement américain. Le gouvernement américain est complice de ce génocide. Il a du sang des enfants palestiniens sur les mains.
C'est pourquoi, avec nos partenaires américains, avec le Center for Constitutional Rights, nous poursuivons le Président Biden, le Secrétaire d'État Blinken et le Secrétaire à la défense, Austin, non seulement pour complicité dans ce génocide mais aussi pour ne pas l'avoir prévenu. S'il y a un pays dans le monde qui peut influencer Israël, ce sont les États-Unis.
Et, si vous permettez, je voudrais mentionner que je suis issu d'une famille de réfugiés.es. Nous ne sommes pas originaires de Gaza. Environ 75% de la population de la bande est composée de réfugiés.es. Donc, quand nous parlons d'une seconde Nakba, c'est exactement ce que nous voulons dire. En 1948, plus de 80% de la population palestinienne a été forcée de se déplacer. Maintenant, se sont 90% qui le sont. Plus de 60% des habitations de Gaza ont été détruites. La majorité de la population est au bord de la famine. Honnêtement, c'est assez honteux que les États-Unis ne puissent pas assurer le minimum de décence humaine en appelant à un cessez-le-feu et en tentant de tenir compte diplomatiquement du génocide qui se passe à Gaza.
A.G. : (…) Le Président Biden met en garde Israël à propos des bombardements indiscriminés mais par ailleurs, les États-Unis ont retardé (le vote) toute la semaine. Hier, juste après notre émission, nous avons pensé qu'il aurait lieu. Mais maintenant ce sera vendredi. Quatre fois il a été retardé et cette résolution ne fera pas appel à un cessez-le-feu c'est clair. Pouvez-vous nous expliquer ce que cela signifie et la différence avec les autres résolutions adoptées par les Nations Unies. Et qu'est-ce qui a été assoupli maintenant, aujourd'hui ?
A.A. : Bien sûr. Le Conseil de sécurité adopte des résolutions même si historiquement, Israël ne les respecte pas. Les États-Unis sont en train d'amoindrir le texte actuel pour ne pas que l'appel au cessez-le-feu soit invoqué immédiatement. En même temps, ils appellent à une aide humanitaire et matérielle sure et sans encombres, mais pas pour un cessez-le-feu. Curieux n'est-ce pas qu'en même temps on demande un corridor pour des approvisionnements sûrs mais sans que les bombardements cessent ? Donc, finalement, ils veulent que les employés.es d'aide humanitaire travaillent sous l'enfer qu'Israël lâche sur la population civile palestinienne.
Comme vous l'avez mentionné, (le Président) Biden ne fait pas qu'armer Israël, il a fait une déclaration avec laquelle nous sommes d'accord, il a dit qu'Israël procédait à des bombardements indiscriminés. C'est un crime de guerre. Donc on doit demander : pourquoi armez-vous Israël ? La position américaine est plutôt hypocrite. Les États-Unis ne peuvent revendiquer le leadership dans le monde alors qu'ils ne nous en donnent pas la preuve. Les actes sont plus éloquents que les discours. Encore hier, les États-Unis, le Président Biden, a publié un « tweet » où il disait soutenir le droit du peuple palestinien à l'auto-détermination. Deux jours plus tôt, les États-Unis avaient voté contre une résolution sur ce même droit à l'auto-détermination du peuple palestinien. Nous ne voulons pas de ces discours, nous voulons des actes. L'hypocrisie américaine est si évidente. Vous savez, le leadership principal, le véritable leadership exige d'être consistant dans l'application de la loi internationale, principalement son application à vos adversaires comme à vos alliés. L'hypocrisie, les deux poids deux mesures et les choix parcimonieux ne sont pas les caractéristiques du leadership mais bien plutôt d'une complicité dans le génocide.
Et si vous me le permettez, ce qui est en cause en ce moment, ce n'est pas seulement la déshumanisation du peuple palestinien et le génocide auquel nous faisons face ; c'est aussi tout le corpus des lois internationales qui est mis à l'épreuve. Fondamentalement, si nous voyons l'Occident, sous l'impulsion des États-Unis, le mobiliser dans le cas de l'Ukraine mais pas dans celui de Gaza et empêchent ou sont incapables de faire le strict minimum soit d'en appeler à un cessez-le-feu pour qu'il soit respecté, qu'est-ce à dire ? Je pense que c'est aussi la réputation des États-Unis qui est en jeu. Ils se décrivent constamment les comme les modèles de la démocratie alors qu'en fait, ils donnent la preuve qu'ils soutiennent le génocide.
Je pense aussi que dans cette situation, il est intéressant de voir que toutes ces démocraties dites libérales, sont soumises au test parce que les sondages démontrent que ce que les Américains.es soutiennent le plus, c'est un cessez-le-feu. La plupart des Démocrates du Congrès le veulent aussi. Il semble y avoir un fossé entre ce que la population veut et ce que leur offre le leadership américain. Donc nous en appelons à J. Biden et à son administration d'entendre leur peuple et de faire le strict minimum qui est d'appeler à un cessez-le-feu.
A.G. : Merci Ahmed et toutes nos condoléances pour la perte de votre famille à Gaza. (…).
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Alors que Biden étend la guerre au Moyen-Orient, l’opposition grandit

Alors que des dizaines de milliers de personnes ont défilé à travers les États-Unis pour exiger un cessez-le-feu à Gaza et la fin du soutien militaire américain à Israël, le président Biden doit maintenant faire face à une nouvelle opposition, y compris au sein de son propre parti au Congrès, à propos de sa guerre non déclarée contre les Houthis au Yémen.
Hebdo L'Anticapitaliste - 691 (18/01/2024)
Par Dan La Botz
Crédit Photo
Biden et Netanyaou en 2016. Wikimedia Commons
La semaine dernière, Biden, rejoint par les Britanniques et d'autres, a ordonné le tir de centaines de missiles sur des dizaines de cibles au Yémen, en représailles aux attaques des Houthis contre des navires marchands en mer Rouge. Les Démocrates du Congrès sont furieux contre leur dirigeant qui n'a respecté ni la Constitution des États-Unis qui donne au Congrès le pouvoir de déclarer la guerre, ni la loi sur les pouvoirs de guerre adoptée pour limiter le pouvoir présidentiel en 1973 après que le président Richard Nixon eut unilatéralement étendu la guerre du Vietnam au Cambodge.
Une décision présidentielle anticonstitutionelle
Pramila Jayapal, démocrate, chef du groupe progressiste à la Chambre des représentants, a qualifié les armes lancées contre les Houthis au Yémen de « violation inacceptable de la Constitution ». La députée démocrate Cori Bush, qui est également membre des Socialistes démocratiques d'Amérique (DSA), a déclaré : « Le peuple ne veut plus que l'argent de nos contribuables serve à financer des guerres sans fin et à tuer des civils. Arrêtez les bombardements et faites mieux pour nous ». Les représentantEs démocrates Rashida Tlaib, Mark Pocan et Ro Khanna ont également condamné cette guerre anticonstitutionnelle. La plupart des Républicains ont soutenu l'action de Biden, mais quelques-uns se sont également plaints du fait qu'il n'ait pas demandé l'approbation du Congrès.
Le président affirme que ces actions ne s'inscrivent pas dans le cadre de la guerre qui s'étend au Moyen-Orient à la suite des bombardements génocidaires d'Israël sur Gaza, mais en fait il a également autorisé des frappes sur le Hezbollah Kataib, une milice chiite pro-iranienne en Irak et sur un entrepôt d'armes d'un groupe allié de l'Iran en Syrie. Les Houthis, le Hezbollah et les milices irakiennes espèrent peut-être, en soutenant leur allié le Hamas, décourager la campagne de bombardements d'Israël et accroître la pression sur les États-Unis, mais ils risquent de déclencher une guerre impliquant l'Iran, Israël et les États-Unis. Il en va de même pour les répliques israéliennes et américaines.
Les États-Unis détenteur d'une poudrière
Le Moyen-Orient est un camp militaire américain bourré d'armes. Les États-Unis maintiennent actuellement 2 500 soldats en Irak et 900 en Syrie — où la Russie a également des troupes — et ont environ 3 000 soldats dans chacun des pays suivants : Jordanie, Arabie saoudite, Émirats arabes unis, et également 8 000 au Qatar, 9 000 à Bahreïn et 13 500 au Koweït. Ces derniers jours, les États-Unis ont déployé une équipe d'officiers de renseignement pour aider Israël à cibler ses frappes, en principe pour réduire le nombre effroyable de pertes humaines à Gaza. Dans les eaux du Moyen-Orient se trouvent également une douzaine de navires de guerre américains avec leurs équipages et quelque 2 000 marines.
Soutien au PalestinienNES et à la plainte de l'Afrique du Sud
Pendant ce temps, à Gaza, Israël poursuit ses bombardements et ses attaques qui ont déjà tué 27 000 PalestinienNEs, dont 10 000 enfants, et plus de 7 000 seraient enterrés sous les décombres. Quelque 60 300 personnes ont été blessées, dont beaucoup sont mutilées. Selon Oxfam, le taux de mortalité est plus élevé que dans n'importe quel autre conflit du 20e siècle. Tout cela a poussé l'Afrique du Sud à accuser Israël de génocide à Gaza, ce qui a conduit à une audience devant la Cour internationale de justice de La Haye. Aux États-Unis, des militantEs ont signé des pétitions et participé à des manifestations pour soutenir la cause de l'Afrique du Sud.
Ainsi, alors que Biden tente peut-être d'empêcher l'extension de la guerre, il s'oppose à un cessez-le-feu et continue de soutenir la guerre d'Israël contre les PalestinienNEs, ainsi que les actions militaires au Yémen, en Irak et en Syrie. Non seulement Israël, mais aussi son sponsor et bienfaiteur, les États-Unis, devraient être jugés pour crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocide. C'est ce que disent des millions de personnes à travers le monde qui sont consternées par les atrocités actuelles, qui craignent une guerre de plus en plus étendue et exigent un cessez-le-feu et la justice pour la Palestine.
Traduction DeepL, revue HW
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USA / Palestine : les appels pour un cessez-le-feu se multiplient, Biden s’isole

Plus de deux mois et demi après l'assaut meurtrier sur Gaza par d'Israël, le soutien porté par Biden et son secrétaire d'État (équivalent d'un ministre des Affaires étrangères) Blinken à la politique de Netanyahou commence à choquer sa propre base de soutien électorale, moins d'un an avant les élections présidentielles.
Tiré de Inprecor 716 - janvier 2024
Par Kay Mann
19 janvier
Vue aérienne du rassemblement organisé, ce samedi 13 janvier 2024, par des dizaines de milliers de personnes brandissant des banderoles et des drapeaux palestiniens sur la Freedom Plaza. Les manifestants demandent un cessez-le-feu immédiat à Gaza (Mostafa Bassim - Anadolu Agency)
L'accusation de génocide contre Israël portée par Afrique du sud pèse, et les jeunes et les américain·es d'origine arabe sont particulièrement écœurés par la caution de Biden à Netanyahiu. La campagne d'intimidation contre tout·e opposant·e à la guerre à Gaza, par des accusations d'antisémitisme, a conduit à la démission des présidents de grandes universités comme Harvard et Princeton, parce qu'ils ont été considérés comme antisémites pour n'avoir pas fait assez pour supprimer les manifestations pro-Palestine dans les universités !
Même si la pression pour faire taire toute opposition à l'assaut meurtrier israélien continue, les voix se lèvent pour un cessez-le-feu. Une manifestation pro-Palestine à Washington, organisée par une coalition des groupes pro-Palestine, le groupe Voix juive pour la paix (JVP), et la coalition ANSAR a rassemblé 400.000 personnes le 13 janvier.
De plus en plus de syndicats ont voté des déclarations en faveur d'un cessez-le-feu immédiat. C'est le cas du syndicat des travailleurs/ses de l'automobile, avec ses 400.000 membres actifs et ses 580.000 retraité·es. L'UAW établira aussi un groupe de travail sur la Palestine. Cette prise de position réprésente une volte-face historique de l'UAW.
D'autres syndicats, dont le syndicat de la poste, le syndicat de secteur électrique (UE), le syndicat des infirmières de Californie et le syndicat des enseignants de Chicago (CTU) – qui a également préparé des tracts de formation sur les origines du conflit – ont voté des déclarations pour un cessez-le-feu immédiat. Des conseils municipaux, notamment ceux d'Oakland et San Francisco (Californie), ont aussi voté des déclarations pour un cessez-le-feu.
Au fur et mesure que les images d'une Gaza détruite continuent à passer sur les écrans, que les chiffres des civils tué·es montent et que la possibilité d'une guerre régionale augmente, l'image d'Israël comme phare démocratique au Moyen-Orient est démasquée. On peut s'attendre à une opposition croissante à la politique pro-Israël étatsunienne.
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Primaire dans l’Iowa : Trump triomphe, vers un nouveau duel Biden-Trump à la présidentielle

Ce lundi avait lieu le premier caucus républicain dans l'État de l'Iowa, lançant le cycle des primaires pour la nomination du candidat républicain à l'élection de novembre. Donald Trump remporte haut la main ces élections qui, si elles ne prédisent pas nécessairement sa victoire aux prochaines primaires, montrent que l'ancien occupant de la Maison Blanche domine fermement le Parti Républicain.
Tiré de Révolution Permanente
17 janvier 2024
Par Irène Karalis
Ce lundi avait lieu le premier caucus républicain dans l'État de l'Iowa, lançant le cycle des primaires pour la nomination du candidat républicain à l'élection de novembre. Donald Trump remporte le scrutin haut la main avec 51 % des voix, devançant de 30 points ses deux principaux concurrents, Ron DeSantis qui obtient 21,2% des voix et Nikki Haley qui enregistre 19,1 % des voix. Les trois autres participants, Asa Hutchinson, Ryan Brinkley et Vivek Ramaswamy arrivent ensuite avec moins de 8 %. Vivek Ramaswamy, homme d'affaires notamment soutenu par Elon Musk, s'est retiré de la course et a appelé à voter pour Trump.
Si la participation au vote a été relativement faible, environ 100 000 membres des Républicains se sont déplacés, les résultats du scrutin montrent sans aucun doute que Donald Trump domine largement le parti. Pour le Financial Times, « l'ancien président possède le parti républicain comme aucune personnalité ne l'a jamais fait auparavant ». Et ce dernier est parvenu à retourner ses faiblesses à son avantage, réécrivant les accusations portées à son encontre en justice, mais aussi celles concernant l'assaut du Capitole du 6 janvier 2021. Ainsi, alors qu'un procès s'ouvre pour la seconde fois ce mardi à New York contre Donald Trump après que celui-ci a déjà été condamné en 2023 à payer cinq millions de dollars à E. Jean Caroll pour agression sexuelle et diffamation, l'ancien président américain accuse les juges et les procureurs de mener une chasse aux sorcières contre lui pour l'empêcher de gagner la présidentielle de novembre.
De la même manière, Donald Trump a opéré à une « réécriture de l'assaut du Capitole comme manifestation pacifique patriotique » selon Mediapart ce qui sert de « mythe fondateur du retour politique de l'ancien président ». Le 45e président des États-Unis fait ainsi le lien entre les manifestants arrêtés et condamnés et son propre procès en justice, dans un récit visant à faire de lui et ses partisans des martyrs persécutés par l'establishment américain. Un tiers de l'électorat républicain considère ainsi que l'assaut du Capitole a été orchestré par le FBI pour pouvoir accuser Trump.
Au-delà des discours et des mythes édifiés par Donald Trump, comme l'explique Left Voice, le résultat des primaires dans l'Iowa est « le résultat direct de l'insatisfaction à l'égard du régime Biden, qui est devenu le visage de deux guerres étrangères impopulaires, d'une économie qui a laissé de nombreux travailleurs lutter pour se procurer les produits de première nécessité, et d'un néolibéralisme réchauffé déguisé en Bidenomics. Biden est actuellement le président le plus impopulaire depuis George W. Bush – un véritable exploit si l'on considère l'impopularité de son prédécesseur – et semble être un candidat particulièrement faible pour s'opposer à Trump ou, d'ailleurs, à n'importe quel républicain. »
Pour les concurrents du milliardaire, le résultat des premières primaires n'est pas celui espéré, en particulier pour l'ultra-réactionnaire Ron DeSantis, le gouverneur de Floride qui, s'il a annoncé qu'il continuerait, fait moins qu'escompté dans un État qui aurait dû lui être plus favorable. Nikki Haley, ancienne ambassadrice aux Nations Unies et ancienne gouverneure de Caroline du Sud qui avait reçu le soutien de plusieurs grands donateurs comme la famille Koch et de leur association de financement American for Prosperity qui avait collecté plus de 70 millions de dollars, était, elle, considérée comme le choix le plus modéré des Républicains avec de meilleures chances de battre Biden que les candidats à sa droite (tout en étant ouvertement opposée à l'avortement et à toute forme d'éducation sexuelle et pour le retrait de tous les accords contraignant sur le climat). En ce qui la concerne, elle n'avait jamais parié sur la victoire dans l'Iowa, espérant davantage du New Hampshire, prochain État qui accueillera les primaires républicaines. La candidate a ainsi expliqué que les États-Unis « méritaient mieux » qu'un nouveau match entre Trump et Biden et annoncé maintenir sa candidature.
Les votes de l'Iowa déterminent les 40 délégués de l'État à la Convention nationale républicaine de juillet au cours de laquelle les délégués de tout le pays sélectionnent le candidat du parti à la présidentielle. Donald Trump remporte ainsi vingt délégués, Ron de Santis en remporte huit, Nikki Haley sept et Vivek Ramaswamy trois. Mais la victoire de Trump ne signifie pas une victoire pour l'entièreté des primaires, et il est déjà arrivé que des candidats, comme Ted Cruz en 2016, gagnent la primaire en Iowa puis fassent des résultats bien moins bons la semaine suivante dans le New Hampshire. L'Iowa est en effet un État plus conservateur avec une forte concentration d'évangéliques, en plus d'être un petit État. Malgré tout, les résultats témoignent d'une dynamique en forme de rouleau compresseur pour Trump.
Mais si l'ancien occupant de la Maison blanche a réussi à convaincre sa base qu'il représentait quelque chose de différent par rapport à Joe Biden, il incarne un programme profondément anti-ouvrier, un populisme d'extrême-droite qui rejette la responsabilité des crises du capitalisme sur les immigrés et les couches les plus défavorisées de la société américaine. De plus, il représente un secteur de la bourgeoisie impérialiste qui cherche à intensifier les tensions avec la Chine et qui est favorable à une plus grande intervention des États-Unis en Amérique latine.
Face à lui, Joe Biden entend incarner la défense de la démocratie. Mais comme le rappelle Left Voice, « Biden vient de contourner le Congrès afin d'envoyer plus d'argent à Israël et restera dans l'histoire comme Joe le génocidaire. Il est resté les bras croisés alors que le droit à l'avortement était annulé par une Cour suprême antidémocratique. Il a brisé une grève des chemins de fer, alors qu'il prétendait être le président le plus favorable aux travailleurs de l'histoire. Surtout, Biden et Trump soutiennent tous deux – à des degrés divers – le régime antidémocratique dans lequel le collège électoral, le Sénat et la Cour suprême sont autant de signes évidents du caractère limité de la démocratie réelle aux États-Unis. »
Trump n'est pas la solution, et Biden non plus. La seule issue à la crise économique, mais aussi aux guerres qui se multiplient dans le monde, ainsi qu'à la crise écologique, réside dans l'organisation de la classe ouvrière et des classes populaires par en bas autour d'un programme qui défende l'augmentation des salaires, la fin du génocide en Palestine et des droits pour les minorités de genre et de race opprimées.
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Les Ukrainiennes demandent au gouvernement de démobiliser les soldats épuisés qui combattent depuis près de deux ans

Plus d'une centaine de femmes ont bravé une tempête de neige au début du mois de décembre pour se rassembler sur la place de l'Indépendance, au centre de Kiev, et demander au gouvernement de démobiliser les membres de leur famille qui sont sur les lignes de front depuis les premiers jours de l'invasion.
Tiré de Entre les lignes et les mots
Drapées dans des drapeaux ukrainiens, les femmes ont scandé : « C'est leur tour maintenant ». D'autres ont crié : « Les soldats ne sont pas faits de fer ».
De nombreux soldats ukrainiens qui se sont portés volontaires lorsque la Russie a lancé son invasion à grande échelle en février 2022 sont toujours sur la ligne de front, épuisés par près de deux années de combat sans répit.
« Cela fait presque deux ans, et les mêmes personnes sont dans les tranchées », a déclaré Alina, 29 ans, qui a refusé de donner son nom de famille, craignant des réactions négatives pour son mari soldat, au journal Kyiv Independent. « Beaucoup d'entre eux sont déjà morts ».
Les membres des familles demandent continuellement que les soldats soient démobilisés. Mais comme la Russie continue de consacrer d'énormes effectifs à sa guerre contre l'Ukraine, la démobilisation des soldats sans un nouvel effort de mobilisation dans le pays rendrait l'Ukraine extrêmement vulnérable à de nouvelles offensives russes.
Le gouvernement ukrainien débat actuellement des conditions du prochain cycle de mobilisation. Plusieurs versions de la législation sur la mobilisation sont en cours d'examen au parlement.
Le commandant en chef Valerii Zaluzhnyi et le ministre de la défense Rustem Umerov ont rencontré les législateurs ukrainiens pour discuter de la nouvelle législation le 4 janvier.
Les manifestantes savent toutes que l'Ukraine doit mobiliser de nouveaux soldats pour que les membres de leurs familles puissent rentrer chez eux dans un avenir proche. Actuellement, la démobilisation n'est possible qu'en cas de blessure grave, de raisons familiales impératives ou si l'on atteint la limite d'âge pour la mobilisation, actuellement fixée à 60 ans.
« Nous avons besoin d'une démobilisation totale pour ceux qui sont là depuis le premier jour », a déclaré Anastasia Bulba, une jeune femme tenant une photo de son mari, au Kyiv Independent.
Son mari, âgé de 50 ans, a pris les armes au début de l'invasion russe. Il se repose actuellement à l'hôpital de Zaporizhzhia pendant 90 jours pour guérir d'une commotion cérébrale, mais il devra bientôt retourner sur le champ de bataille, dit-elle.
« Lui et ses compagnons d'armes sont épuisés », a déclaré Mme Bulba. « Nous ne pouvons pas drainer la ligne de front, mais des soldats fatigués signifient que le front ne tiendra pas ».
À quelques pas de là, un autre manifestant tenait une pancarte sur laquelle on pouvait lire : « Soldat épuisé = guerre perdue ».
Des soldats épuisés
Le projet de loi présenté par le cabinet des ministres en décembre prévoyait de libérer les conscrits mobilisés après 36 mois de service, à moins qu'ils ne veuillent continuer à servir volontairement.
Les législateurs ont renvoyé le projet de loi au Cabinet pour révision le 11 janvier.
Umerov a déclaré que le ministère de la défense avait préparé une nouvelle version du projet de loi sur la mobilisation et qu'il était prêt à la soumettre à l'approbation du gouvernement. Il n'est pas certain que la limite de 36 mois soit maintenue dans le nouveau projet.
Umerov a déclaré le 11 janvier que la nouvelle version du projet de loi prévoyait « d'établir une durée claire du service militaire » car « chaque soldat en a besoin ».
« Les soldats enrôlés devraient enfin pouvoir rentrer chez eux. C'est juste », a déclaré M. Umerov.
Zaluzhnyi a déclaré lors d'une conférence de presse le 26 décembre que l'armée avait accepté la limite de 36 mois « en espérant qu'il n'y aurait pas d'escalade sur la ligne de front » et qu'il y aurait de nouvelles personnes pour remplacer les conscrits démobilisés.
Mais trois ans, c'est trop long pour les familles des soldats, qui exigent que les soldats soient démobilisés au bout de 18 mois.
« Ils proposent 36 mois, mais ce n'est pas juste pour ceux qui sont sur la ligne de combat », a déclaré Kateryna Tsvighun, 38 ans, au Kyiv Independent. « Ce serait une condamnation à mort pour eux ».
Les soldats volontaires de longue date ont rarement été remplacés en l'espace de deux ans, a déclaré au Kyiv Independent Anzhelika, une autre manifestante qui a également refusé de donner son nom de famille, par crainte de représailles.
Son mari, son frère et son oncle se battent tous. Ils ont rarement l'occasion d'obtenir un congé approprié depuis qu'ils se sont portés volontaires, car il n'y a pas assez de troupes pour tenir la ligne.
« Mon mari a obtenu 30 jours de congés, mais en fin de compte, il n'a eu que 15 jours de congés parce qu'il n'y avait personne pour être là à sa place », a-t-elle déclaré.
Le projet de loi propose également une rotation du personnel militaire sur la ligne de front tous les six mois, mais M. Zaluzhnyi s'est opposé à cette idée, affirmant que la situation sur le front reste imprévisible et qu'une telle rotation nécessiterait de doubler les effectifs.
« Nous ne pouvons pas prédire que ce sera dans six mois, cinq mois ou trois mois. La situation peut être complètement différente », a-t-il déclaré. « Et encore une fois, si les gens proposent une rotation de six mois, ils devraient comprendre que le nombre de troupes devrait être augmenté au moins deux fois ».
Recruter plus de soldats
La vague de mobilisation patriotique des premiers mois de l'invasion s'est essoufflée au point que les bureaux d'enrôlement ont eu du mal à trouver de nouveaux volontaires.
Kateryna Tsvighun a déclaré qu'elle ne soutenait pas la mobilisation forcée, mais que les jeunes et le gouvernement devaient assumer leur part de responsabilité dans la défense du pays.
Selon Zelensky, les forces ukrainiennes ont besoin de 450 000 à 500 000 conscrits supplémentaires.
Le projet de loi soumis au parlement ukrainien le 25 décembre vise à élargir les conditions de conscription, notamment en abaissant la limite d'âge des conscrits de 27 à 25 ans.
Le projet de loi met également fin à l'exclusion du service pour les citoyens souffrant de handicaps mineurs, légalise les avis d'appel sous forme numérique et limite la capacité des réfractaires à effectuer des transactions telles que l'achat ou la vente de biens.
Cependant, le parlement ukrainien n'examinera pas le projet de loi proposé par le gouvernement sur la mobilisation et le service militaire dans sa forme originale, a déclaré le janvier Yevheniia Kravchuk, chef adjoint de la fraction gouvernementale des Serviteurs du peuple.
La commission parlementaire sur les questions de sécurité et de défense souhaitait travailler sur « une option plus accommodante, qui lui permettrait d'être votée au parlement », a déclaré M. Kravchuk à la télévision nationale.
Cependant, le gouvernement doit trouver un moyen d'attirer de nouveaux volontaires sans recourir à une mobilisation forcée qui pourrait envoyer au front des troupes démotivées, comme l'ont déclaré certains soldats ukrainiens inquiets postés près de la ligne de front.
« Si les personnes aptes au combat comme nous s'épuisent, nous ne pourrons être remplacés que par des gens qui ne savent rien », a déclaré Roman, un natif de Kharkiv qui sert depuis 2016, au Kyiv Independent en octobre.
Insoumission/désertion
Pendant ce temps, certains Ukrainiens continuent d'échapper à la mobilisation en payant des pots-de-vin pour ne pas être incorporés. Des certificats médicaux falsifiés peuvent apparemment être achetés pour la modique somme de 3 000 dollars.
En vertu de la loi martiale, les Ukrainiens âgés de 18 à 60 ans, à quelques exceptions près, ne sont pas autorisés à quitter le pays, car ils pourraient être appelés à effectuer leur service militaire.
Environ 650 000 hommes ukrainiens âgés de 18 à 60 ans ont quitté l'Ukraine pour l'Europe depuis le début de l'invasion illégale de l'Ukraine par la Russie en février 2022, a rapporté la BBC Ukraine le 24 novembre, citant Eurostat.
La police nationale a ouvert 9 000 procédures pénales concernant le refus de la mobilisation, dont 2 600 ont fait l'objet d'une procédure judiciaire, a déclaré le ministre de l'intérieur, Ihor Klymenko.
En août, M. Zelensky a démis de leurs fonctions tous les responsables des centres régionaux de recrutement militaire dans le cadre d'un vaste scandale de corruption, promettant des enquêtes criminelles sur les systèmes de profit.
L'État tente de résoudre ces problèmes, a déclaré M. Zaluzhnyi dans un article d'opinion publié dans The Economist, en prenant des mesures telles que des « stages de combat », où le personnel nouvellement mobilisé et formé est placé dans des unités de première ligne expérimentées afin de le préparer.
Les proches des soldats présents sur le Maïdan ont appelé à la rescousse ceux qui ont fui pour éviter les combats.
« Beaucoup y échappent, grâce à des pots-de-vin ou à la corruption », a déclaré Alina, l'une des manifestantes dont le mari est dans l'armée. « Mon fils va à l'école, sur les 24 élèves de la classe, les hommes ne servent que dans deux familles ».
La plupart des manifestantes trouvent injuste d'avoir dû sacrifier leur famille alors que de jeunes couples et des hommes en âge de se battre déambulent dans les rues de Kiev, épargnés par la guerre.
« Je comprends que la vie doit continuer, et je ne souhaite la mort à personne », a déclaré Alina. « Mais il est temps que d'autres s'en chargent, il ne peut s'agir des mêmes hommes pendant tout ce temps ».
Alexander Query, 15 janvier 2024
Alexander Query est journaliste au Kyiv Independent. Il est l'ancien rédacteur en chef du Kyiv Post. Il a travaillé comme correspondant TV et présentateur à UATV en Ukraine, et a obtenu une licence en littérature moderne à La Sorbonne, à Paris.
https://kyivindependent.com/its-their-turn-now-ukrainians-call-on-government-to-demobilize-exhausted-soldiers-fighting-for-nearly-two-years/
Traduit avec DeepL.com (version gratuite)
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Ukraine 2023, le retour des luttes sociales

2023 a été marqué en Ukraine par le retour de luttes sociales. En dépit de la loi martiale qui interdit tout rassemblement ou manifestation sur la voie publique, les mouvements sociaux se sont réapproprié l'espace publique pour exprimer leurs revendications.
Il est à noter que dès novembre 2022, les étudiants de Lviv de l'Académie de l'imprimerie s'étaient rassemblés sur une place publique avec des pancartes pour protester contre le projet de fermeture de leur université. En décembre, le groupe féministe Bilkis tenait des piquets de protestation trois samedis de suite devant le magasin d'une marque de liqueur dont les bouteilles arboraient des femmes dénudées. Par ailleurs, Bilkis organisait en ce mois de décembre glacial des collages et distribution de tracts dans les rues de la ville.
Pour autant ces expressions ne relèvent pas d'un « défaitisme » (ou comme le disent habilement les médias occidentaux d'une « lassitude de la guerre » tronquant ainsi l'humeur publique). Selon une enquête du département sociologique du Centre Razumkov, réalisée en décembre 2023, 88 % des Ukrainiens croient en la victoire de l'Ukraine, seuls 5% des personnes interrogées en doutent. 70 % des Ukrainiens interrogés par les sociologues considèrent qu'il est important de critiquer d'éventuelles décisions erronées des autorités. Dans le même temps, 25% insistent pour éviter tout conflit politique.
Luttes sociales
Mesurer l'ampleur des luttes sociales dans les entreprises est difficile.
Les deux principales confédérations syndicales, FPU et KVPU communiquent peu sur ce sujet. De plus, outre les conditions de vie en temps de guerre peu propices au militantisme ou à la revendication, le mouvement syndical a été affaibli par l'engagement massif de syndicalistes [1] dans les forces armées dont nombreux sont mort au combat. Cet engagement, avec des conséquences immédiates, pèsera également à long terme sur le mouvement ouvrier ukrainien. Pour autant, la KVPU annonçait en décembre 2023 que le syndicat des mineurs avait obtenu des augmentations de salaire [2] . Toujours en décembre 2023, le tribunal régional de Kryviy Rih a reconnu, suite à un procès intenté par le syndicat des cheminots, illégale la suspension partielle de paiement de salaires par les chemins de fer ukrainiens Ukrzaliznytsya. Cette décision concerne plus de 300 000 travailleurs qui vont désormais toucher l'entièreté de leur salaire [3] . Ces actions en justice sont également engagées par salariés à titre individue, avec ou sans l'appui de syndicats. Les raisons en sont multiples. Licenciement abusif, non-paiement du salaire... Selon Vitalyi Dudin, avocat du droit du travail, 44 % de ces procès se concluent en faveur du salarié [4] .
Signalons enfin la longue lutte des coursiers de Kyiv et Dnipro [5].
Deux secteurs, la santé et les étudiants, où deux syndicats combatifs sont présents, ont vu des luttes importantes se dérouler.
1/ Luttes dans le secteur de la santé
Sous l'effet conjugué de la réforme néo-libérale (entamée avant le 24.2.22) et la guerre, la situation dans les hôpitaux s'est fortement dégradée. Selon un rapport du 10 août 2023 du Centre de santé ukrainien, depuis le début de l'invasion russe à grande échelle, plus de 1 000 attaques contre des infrastructures de santé ont été enregistrées. Le système de santé ukrainien - établissements médicaux et autres infrastructures de santé - a subi environ deux attaques par jour depuis le début de l'invasion à grande échelle de la Russie le 24 février 2022. La contre-réforme du système de santé, sous couvert de décentralisation et d' » optimisation » a confié aux collectivités locales la gestion des hôpitaux, subventionnés selon les actes médicaux déclarés [6]. De plus il est prévu que si la masse salariale dépasse 85%, les salaires peuvent être réduits au minimum unilatéralement [7]. Ajoutons la corruption endémique (achats de médicaments surfacturés, attribution de primes ou de d'augmentation de salaires pharaoniques aux organes de direction). On ne compte plus le nombre d'hôpitaux perquisitionnés par la police. Dans cette situation, il n'est pas rare de voir le personnel médical ne plus toucher son salaire pendant un, deux ou trois mois. Il arrive également qu'il soit brutalement licencié du jour au lendemain suit des fusions-restructurations décidées autoritairement.
Dans cette situation, l'organisation syndicale Sois comme Nina [8] se détache comme une organisation fortement combative. Outre l'important travail de secours humanitaire qu'elle mène à l'instar de l'ensemble du mouvement syndical [9], Sois comme Nina se bat quotidiennement dans les hôpitaux pour faire respecter les droits des travailleurs de la santé [10]. Sois comme Nina dénonce également la division genrée du travail à l'hôpital.
« Les femmes, en particulier les infirmières ukrainiennes, ont une charge de travail excessive. Sur leur lieu de travail, elles sont responsables de la santé des patients, doivent réagir en temps voulu et fournir des soins médicaux rapides. Dans le même temps, la majorité des infirmières ukrainiennes sont privées d'évolution de carrière et ne sont pas incitées à se perfectionner. En plus de son travail, une femme doit élever ses enfants, s'occuper de la santé de sa famille et de ses proches et veiller à la gestion de la maison. C'est pourquoi Sois comme Nina soulève cette question à chaque fois. Nous recherchons une répartition égale des responsabilités dans la société. Sois comme Nina a toujours été soutenue par des organisations féministes telles que l'Atelier féministe et Perspectives des femmes. Nous organisons ensemble des séminaires et des événements publics [11]
explique Oksana Slobodyana, présidente de Sois comme Nina.
Face au fonctionnement actuel des hôpitaux Sois comme Nina affirme un « contre-plan ». « Gérer et contrôler les hôpitaux est possible » considère le syndicat [12]. Face à la crise :
« Le moyen le plus efficace est de créer des syndicats indépendants qui peuvent et pourront comprendre clairement la situation et contrôler tout de l'intérieur. En effet, qui connaît mieux la situation de son hôpital, ses capacités, son administration que les employés eux-mêmes. Ainsi, gérer et contrôler les hôpitaux est possible si nous commençons par élire le directeur par le personnel lui-même. En outre, les membres de la direction doivent être responsables même après leur licenciement, de sorte que le syndicat sera en mesure de contrôler tous les processus [judiciaires]. Enfin, la chose la plus importante est une comptabilité transparente, qui montre clairement combien d'argent a été reçu et à quoi il a été dépensé ».
ajoute Oksana.
Cette revendication de contrôle est également dans d'autres secteurs (voir plus bas paragraphes luttes étudiantes et rassemblements citoyens).

.
À la veille du nouvel An, Sois comme Nina a obtenu une nouvelle victoire. Le personnel soignant de la ville d'Oleksandria, dans l'oblast de Kirovohrad, a réussi à obtenir le paiement de plusieurs mois d'arriérés de salaires. Son montant total s'élevait à environ 4 millions Hryvnias (97 000 euros). Le personnel médical de l'hôpital d'Oleksandria (150 salariés) était confronté à des retards de salaire depuis septembre 2023. En raison d'un financement insuffisant de la part du Service national de santé ukrainien, leur établissement médical avait été liquidé et le personnel transféré dans un autre hôpital. Cependant, le problème de la dette salariale n'avait pas été résolu. « Le mouvement Sois comme Nina joue un rôle important dans la mise en lumière des problèmes du secteur médical. C'est le seul mouvement en Ukraine qui se bat réellement pour les droits des travailleurs de la santé » a souligné une infirmière.
2/ Luttes étudiantes
En février 2023, le paysage syndical étudiant (dominé par deux organisations syndicales « de droite ») a vu l'arrivée d'un nouveau venu : Priama Diia (PD, Action directe) [13]. Cette nouvelle organisation (qui s'inscrivait dans la lignée des Priama Diia qui avaient existé antérieurement) est né de la lutte des étudiants de Lviv contre la fermeture de l'Académie de l'imprimerie [14] de novembre 2022. Depuis le syndicat a remporté plusieurs victoires que lesquels il revenait dans son bilan de l'année 2023
« C'est sur la base d'une crise sociale de grande ampleur que la nouvelle génération du syndicat indépendant Action directe a vu le jour.
• Grâce aux efforts du syndicat, l'étudiante Karina Chmeliuk, qui est aujourd'hui une membre active d'Action directe, a été renvoyée de la Crimée occupée vers les territoires contrôlés par le gouvernement ;
• L'initiative « Students - Academics ! » a été lancée pour attirer l'attention sur le problème des étudiants financés par l'État qui prennent des congés académiques ;
• Les étudiants ont organisé un événement intitulé « Semaine contre le fascisme », au cours duquel nous avons rappelé que l'opposition aux idéologies haineuses est toujours d'actualité,
• Nous nous sommes rassemblés pour des nettoyages afin de montrer que la protection de l'environnement est une question qui devrait préoccuper tous les groupes sociaux, y compris les étudiants ;
• En collaboration avec le conseil des étudiants du département de psychologie de l'université de Karazin, nous avons édité une brochure sur la lutte contre la violence psychologique exercée par les enseignants ;
• Nous avons lancé une action demandant l'occupation de l'ambassade russe vide pour la transformer en un centre de jeunesse accessible au public ;
• Participation aux manifestations contre la saisie du bâtiment du KNUKiT par les pillards, qui se sont soldées par une victoire pour les étudiants ;
• Nous avons contribué à la création du « Comité étudiant du 11 octobre » chargé d'inspecter la réinstallation des fenêtres et des portes à l'université nationale de Lviv, puis nous avons inspecté les abris dans les universités ;
• Nous avons participé à des manifestations contre la chauvine Iryna Farion, exigeant son licenciement de son poste de professeur à l'école polytechnique de Lviv ;
• Nous avons organisé une manifestation à la KIMA contre la décision de l'administration de faire payer les étudiants pour leurs absences. »

Ajoutons que le syndicat connaît un réel développement. Dans plusieurs de ces mobilisations le syndicat a mis en avant le contrôle étudiant [15]. Comme il mentionne plus haut il a contrôlé l'état de nombreux abris dans les universités et publié des comptes rendus publics de ses inspections. Le syndicat explique sa démarche ainsi :
« Dans un contexte de guerre, la question des conditions de sécurité des études dans les établissements d'enseignement et l'hébergement dans les dortoirs pour étudiants se pose avec une acuité particulière. Afin de protéger les étudiants et le personnel des effets dévastateurs de futurs bombardements, le gouvernement a proposé des recommandations sur la manière d'organiser des abris dans les établissements d'enseignement. Cependant, dans quelle mesure les administrations des universités ukrainiennes respectent-elles consciencieusement ces exigences et quel est l'état de nos abris ?
Nous lançons une campagne d'inspection des abris dans les bâtiments scolaires et les dortoirs afin d'attirer l'attention du public sur la situation réelle des mesures de sécurité et de créer un espace pour la lutte en faveur d'abris sûrs et confortables.
Pour ce faire, nous avons créé un canal où nous publierons des informations sur les résultats de l'audit, alors rejoignez-nous
Nous appelons tous ceux qui le souhaitent à participer - écrivez-nous sur l'état des abris dans vos universités/dortoirs en utilisant notre bot - @priama_dia_bot. Si vous êtes prêt à participer à la vérification, écrivez-nous et rejoignez la campagne ! »
Actuellement, le syndicat est engagé dans une campagne contre la fermeture de l'Université nationale de Tauride originellement en Crimée exilée en territoire libre [16] qui enseigne notamment la langue tatare. Cette fermeture s'inscrit dans une vaste de plan qui vise à
– Réduire le nombre d'étudiants (aussi réduction en cours des bourses d'études) ;
– Livrer à la spéculation leur terrain et bâtiment à la spéculation immobilière
Elle est le fruit d'un audit soutenu par la Banque mondiale effectué avant le 24.2 22. 70 autres universités sont promises à la fermeture
Rassemblements citoyens
L'année 2023 a vu également la multiplication de rassemblements citoyens [17] dans l'espace public des villes d'Odessa à Lviv. On peut y voir toutes les classes d'âge, hommes et femmes (souvent la presse interroge d'ailleurs les « organisatrices » à leur sujet). Des militaires en treillis y participent et s'y expriment librement. Ils rassemblent selon les jours et les endroits entre 30 et 1 000 personnes [18]. Malgré la loi martiale la police [19] laisse faire même lorsque ils se transforment en manifestation dans les rues.
On peut distinguer trois types de rassemblements selon les questions mises en avant.
1/ Pour le retour des prisonniers de guerre.
Les participants ont souvent des membres de leurs familles prisonniers des Russes et exigent que les échanges de prisonniers soient plus importants. Ils demandent à la société ukrainienne de ne pas les oublier. Par exemple le dimanche 14 janviers 2024, à Dnipro, un rassemblement a été organisé en soutien aux prisonniers de guerre. Sur la place Slobozhansk, une centaine de personnes sont sorties avec des affiches appelant au retour de leurs proches de captivité russe. À Kyiv, ils étaient 300 venus rappeler une fois de plus à la société et aux autorités qu'ils attendent depuis près de deux ans le retour de leurs proches de captivité russe et ils étaient 120 à Mykolaïv. Des rassemblements ont eu lieu également à Odessa (30 participants), à Tcherkassy (100), à Potlava (30), à Soumy (20) et à Khmelnytsky (une manifestation dans les rues de 23 femmes).

2. Pour la relève des soldats au front
Ces rassemblements demandent la relève des soldats au front. Exemple toujours le dimanche 14 janvier 2024, Le 14 janvier, à Vinnytsia, des familles de militaires - femmes, mères et enfants - ont participé à un rassemblement dans le centre de la ville. Elles ont exigé que les autorités démobilisent les militaires après 18 mois de service. Une telle action a eu lieu à Vinnytsia pour la cinquième fois depuis le début de l'invasion à grande échelle. Les affiches portées par les participants disaient : « C'est à mon tour de serrer papa dans mes bras tous les jours », « L'Ukraine est un pays de gens libres. Les militaires ne sont-ils pas des gens ? », « 36 mois. Peine de mort pour les militaires », « Laisse papa rentrer à la maison ! C'est l'heure des autres », « Les familles de militaires exigent la démobilisation », etc. Les participantes ont exprimé leurs revendications lors d'une marche à travers la ville et a duré une heure et qui s'est terminée près du bâtiment administratif de la mairie.
Comme pour le retour des prisonniers de guerre, ces rassemblements n'expriment à ce jour pas de revendications précises au gouvernement (par exemple sur la mobilisation) mais témoignent d'une exaspération à l'égard des autorités.
3/ Contestation des budgets municipaux
« Des drones puis des pavés » est le plus souvent le mot d'ordre qui domine ces rassemblements. Ses participants contestent les dépenses faites par les conseils municipaux en faveur de dépenses qu'ils jugent « non essentielles » comme la rénovation d'un stade ou d'un tribunal ou bien encore... le repavement d'avenue Et ce aux dépens des aides qui pourraient être apportées aux forces armées. Les participants sont aussi des membres de familles de soldats au front qui, tant ils sont démunis de produits essentiels à la vie quotidienne mais aussi de drones par exemple, leur demandent de leur apporter leur aide.
Exemple ;
Le 9 septembre 2023, des rassemblements ont eu lieu à Odessa et à Lviv pour exiger que l'argent des contribuables soit dirigé vers les besoins des forces armées plutôt que vers d'autres dépenses engagées par les autorités locales. Environ 60 personnes étaient présentes près de l'immeuble de l'administration militaire régionale de Lviv. « Allouez des fonds à l'armée, pas aux pavés » ont crié les manifestants. Sviatoslav Litynskyi, l'auteur de la pétition sur la limitation des dépenses non essentielles et en faveur du développement de la capacité de défense de l'Ukraine, a déclaré que plus de 25 000 personnes avaient soutenu sa pétition. Un officier grièvement blessé de la 93e brigade mécanisée, Artur Kireev a expliqué sa présence ainsi ! « Je suis venu au rassemblement pour informer nos autorités qu'il faut désormais allouer des fonds à l'armée, et non au pavage des rues, à la construction de nouveaux stades et à autre chose ». Le rassemblement à Lviv a duré une heure.
Le matin du 9 septembre, plus de 1 000 personnes se sont rassemblées à Odessa. Ce rassemblement faisait suite à d'autres moins importants en nombre tenus les semaines précédentes. « Nous exigeons que les impôts soient dépensés pour l'aide aux militaires, pour les garrots, les véhicules d'évacuation. Au lieu de cela, nous voyons des appels d'offres tous les jours : tribunaux, arbres de Noël... » explique Kateryna Nozhevnikova.

À Tcherkassy (200 000 habitants, situé à mi-chemin entre Kyiv et Dnipro), les habitants à force de rassemblements ont obtenu que 500 millions d' Hryvnias soient dédiés au soutien des forces armées. Quelques jours avant ce qu'ils considèrent comme une victoire ne soit obtenue, ils avaient organisé un débat public sur les finances municipales dans un abri d'un centre commercial. « La communauté enverra les propositions élaborées à la réunion au conseil municipal » avait déclaré une des animatrices du débat Viktoriya Feofilova. Et au lendemain de l'annonce du conseil municipal des 500 millions, lors d'un nouveau rassemblement « Maintenant, notre tâche est de surveiller et de contrôler. À partir de janvier, il est nécessaire de surveiller le processus d'allocation des fonds » devait déclarer un manifestant en s'adressant aux 500 personnes présentes le 23 décembre. Anna Malysh a ajouté : « Actuellement, l'objectif intermédiaire a été atteint : nous nous sommes battus pour que le programme de soutien aux forces armées soit inclus dans le budget de la ville. Mais la lutte continue, car il est important de garantir que cette aide soit effectivement fournie. Maintenant, notre tâche est de surveiller et de contrôler ». Une forme de contrôle populaire. Une expérience qui fait tache d'huile puisque dans une localité voisine, Valery Makeev organisateur d'un rassemblement déclarait début janvier 2024 « Il est interdit d'assister à des rassemblements pendant la loi martiale. Mais cela a fonctionné à Tcherkassy, et cela peut fonctionner à Kanev. Parce qu'ici avec notre rassemblement des conseillers de la ville vont sentir qu'il serait préférable qu'ils ne restent pas sur leur position. »
4/ Territoires occupés
Outre les mouvements de résistance, Atesh (guérilla et renseignements militaires), le Ruban jaune (diffusion des couleurs de l'Ukraine dans l'espace public), Mavka (mouvement de femmes, édite un bulletin clandestin, 14 numéros parus), il existe des rassemblements d'Ukrainiens excédés par leurs conditions de vie que leur impose l'occupant russe. Ces rassemblements réunissent moins de 10 personnes, en raison de graves risques qu'il y a à s'opposer aux autorités locales. Cependant, souvent les protestataires se filment et diffusent les vidéos sur les réseaux sociaux où ils (en fait souvent elles) expriment leurs doléances.

Fin 2023, une sociologue de Kharkiv estimait que ces rassemblements se coordonneraient et pourraient devenir une force avec laquelle le gouvernement devrait compter.
La photographie présentée ici est très incomplète. N'y figurent pas les mouvements féministes [20]et , les mouvements LGBT ou les mouvements écologistes, les coopératives etc. Mais cependant elle indique que la société ukrainienne est en train de bouger et de porter ses exigences sociales, dont la satisfaction expliquent certains de ses acteurs est indispensable à la victoire. Il est vrai que libération nationale et libération sociale sont imbriquées dans l'histoire contemporaine de l'Ukraine. La capacité d'auto-organisation dont a fait preuve la société ukrainienne lors des Maïdan mais surtout dans les premiers mois de la guerre a inscrit dans la mémoire collective le chemin possible de la double émancipation qu'il lui fallait emprunter.
19 janvier 2024
Patrick Le Tréhondat
[1] Il est remarquable que des groupes gauchistes français qui appellent de leurs vœux à longueur de colonnes à l' « armement du prolétariat » ignorent cette réalité, préférant pérorer sur la mainmise de puissances impérialistes occidentales sur l'Ukraine et se refusent à toute solidarité avec le mouvement ouvrier ukrainien.
[2] Augmentations de salaire dans les mines, https://laboursolidarity.org/fr/europe/n/2985/augmentations-de-salaire-dans-les-mines
[3] Les cheminots et cheminotes ont droit à leurs salaires ! https://laboursolidarity.org/fr/europe/n/2895/les-cheminots-et-cheminotes-ont-droit-a-leurs-salaires-
[5] « Vous ne vivez pas dans un pays où l'on peut faire grève », https://laboursolidarity.org/fr/europe/n/2940/vous-ne-vivez-pas-dans-un-pays-ou-l039on-peut-faire-greve
[6] Une maternité a été convaincue d'avoir déclaré de fausses naissances pour augmenter sa subvention.
[7] C'est ce qui est arrivé aux infirmières d'un hôpital dans la région de Lviv qui ont donc demandé « l'ouverture des livres de compte » de l'hôpital pour vérifier si la réduction de leurs salaires était justifiée. Demande refusée, elles ont créé un syndicat affilié à Sois comme Nina.
[8] Sois comme Nina ne se réduit pas à une organisation syndicale classique. Il faudrait prendre le temps et la place ses multiples facettes et expliciter sa stratégie syndicale qui au-delà du simple développement linéaire de l'organisation.
[9] La FPU, par exemple, disposant de nombreuses infrastructures (centre de colonies de vacances etc.) a mis celles-ci à la disposition des réfugiés, ce qui a constitué une aide considérable. « Nous créons des syndicats indépendants dans les hôpitaux »
[10] « Nous créons des syndicats indépendants dans les hôpitaux » https://laboursolidarity.org/fr/europe/n/2623/-nous-creons-des-syndicats-independants-dans-les-hopitaux-
[11] 3 questions à Sois comme Nina, https://laboursolidarity.org/fr/europe/n/2962/3-questions-a-sois-comme-nina. »
[12] Gérer et contrôler les hôpitaux est possible, https://laboursolidarity.org/fr/europe/n/2800/gerer-et--controler-les-hopitaux-est-possible
[13] Le syndicat étudiant ukrainien Action directe est de retour, https://laboursolidarity.org/fr/busca/n/2531/le-syndicat-etudiant-ukrainien-action-directe-est-de-retour
[14] Mobilisation étudiante à Lviv, https://laboursolidarity.org/fr/busca/n/2405/mobilisation-etudiante-a-lviv
[15] Priama Diia (Action directe), pour le contrôle étudiant, https://laboursolidarity.org/fr/busca/n/2922/priama-diia--action-directe-pour-le-controle-etudiant
[16] En raison de l'occupation de la Crimée par la Russie en 2014, l'université a réussi à être déplacée vers les territoires contrôlés par l'Ukraine. En 2016, l'université a rouvert ses portes à Kyiv.
[17] La page Facebook du comité français de solidarité avec l'Ukraine se fait l'écho régulièrement de ces rassemblements et en publie les photos https://www.facebook.com/profile.php?id=100087563586225
[18] Notons que les participants prennent des risques en raison de la concentration de portables qu'ils provoquent et n'échappent pas aux radars russes. En Syrie, les Russes ont souvent pilonné des concentrations de portables comme devant une distribution de pain.
[19] Le seul cas de répression que je connaisse est celui d'une jeune manifestante à Lviv qui avait répandu de la peinture à l'eau rouge lors d'un rassemblement. Arrêtée, elle a été relaxée par le tribunal.
[20] Pour découvrir l'un d'entre eux voir Bilkis un groupe féministe ukrainien https://www.syllepse.net/syllepse_images/articles/bilkis-french_compressed.pdf

Appel à soutenir plus que jamais la résistance populaire armée et non armée en Ukraine

En ce second anniversaire de l'invasion impérialiste russe de toute l'Ukraine, dixième anniversaire de la guerre commencée en 2014, le Comité français du Réseau européen de solidarité avec l'Ukraine (RESU) appelle plus que jamais à soutenir la résistance populaire armée et non armée en Ukraine.
19 janvier 2024
Nous appelons donc à fournir à l'Ukraine les aides financières – en dons, pas en crédits – pour faire face aux destructions et au froid, autant que nécessaire et sans délais. L'Ukraine doit pouvoir recevoir et produire les armes et munitions qui lui manquent afin de protéger la population et d'empêcher de nouveaux crimes et de conquérir une paix durable, parce que juste !
Les pressions pour un cessez-le-feu et pour le ralentissement voire l'arrêt de l'aide militaire à l'Ukraine, associées de facto à l'idée d'un gel du maintien sous domination russe des territoires annexés, ne conduiraient pas à la paix mais à la poursuite de la guerre et des crimes contre l'humanité.
Il s'agit de la lutte contre l'oppression, la torture, les viols, les déportations de populations, les enlèvements d'enfants, la destruction de la nation ukrainienne et de toute différence envers la « grande Russie » dans les territoires occupés, les destructions d'infrastructures et l'écocide en cours : la voie de la paix passe par la défaite du régime poutinien.
Tel est le message du RESU auprès des mouvements sociaux, de la gauche et des organisations syndicales en France : les armes ne doivent pas être des marchandises, elles ne doivent pas être destinées à des dictatures. Pas plus que les aides financières, elles ne doivent être des moyens de pression politique ou des instruments d'assujetissement économique et d'endettement. Elles doivent être fournies gratuitement à un pays agressé, car elles ont en Ukraine une vraie utilité sociale et démocratique !
Et ne vaudrait-il pas mieux les fournir rapidement à l'Ukraine plutôt que les livrer à des dictatures ou à Israël, qui détruit Gaza ? Pendant ce temps les ventes d'armes de la France explosent.
Notre soutien à l'Ukraine, s'il veut être efficace et internationaliste, doit être donc associé à la revendication d'abrogation de la dette extérieure ukrainienne. Il appuie la volonté de contrôle par la population de l'utilisation des aides et il apporte son plein soutien aux soldat•es, à la société civile ukrainienne, aux femmes, aux jeunes mobilisé•es dans des rassemblements, manifestations, actions diverses dans tout le pays pour que les moyens du combat ne soient pas détournés par la corruption. Nous soutenons toutes celles et tous ceux qui luttent pour les droits sociaux, contre la destruction du droit du travail et du droit syndical, des attaques qui vont à l'encontre des besoins de la mobilisation contre l'invasion.
Notre soutien vise la défaite et le renversement du régime poutinien et va aux combattant•es antiguerre en Russie et auBélarus, ainsi qu'à l'exigence de libération de tous les prisonnier•ères politiques dans ces pays
C'est par la résistance populaire que l'invasion a été stoppée en février-mars 2022. C'est par la résistance populaire et un véritable soutien internationaliste que la victoire reste possible, seule voie vers la paix en Europe et l'émancipation de tous les peuples opprimés dans le monde.

« Le danger fasciste est réel » – la France et au-delà

Lucide sur l'avancée de l'extrême droite, l'ancien candidat d'extrême gauche à la présidentielle appelle à refuser la « dictature du fait accompli » : à condition d'éviter le sectarisme, le camp de l'émancipation peut se ressaisir.
Tiré d'Europe Solidaire Sans Frontières
11 janvier 2024
Par Olivier Besancenot et Mathieu Dejean
Mobilisation contre la loi immigration, divisions à gauche, monde en bascule avec l'ascension des discours et des forces d'extrême droite en Europe... L'ancien candidat à la présidentielle de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) en 2002 et 2007 (il avait obtenu respectivement 4,25 % et 4,08 % des suffrages exprimés), désormais simple militant au Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), qui a récemment proposé à La France insoumise (LFI) de faire liste commune aux élections européennes de 2024, porte un regard inquiet sur la situation en France et dans le monde.
Sans céder aux « fatalistes de l'Histoire » qui veulent imposer le récit d'une victoire inexorable de Marine Le Pen en 2027, il alerte sur ce « danger réel » et invite toutes les forces de gauche à reprendre le flambeau de l'antifascisme « au-delà de la seule question électorale ».
Mediapart : La loi immigration est passée fin décembre avec les voix du RN. Même si le Conseil constitutionnel censure certains de ses articles, considérez-vous qu'on est passé à une nouvelle étape dans l'évolution du macronisme ?
Olivier Besancenot : Cette loi marque un saut majeur dans l'extrême droitisation de la classe politique, c'est évident. Son élaboration témoigne de l'influence du Rassemblement national, qui est devenu une boîte à idées du pouvoir en place. Cela crédibilise un peu plus la thèse de l'accession possible du RN au pouvoir, même si l'extrême droite n'y est pas encore.
Sur la loi immigration, la bataille n'est pas terminée. Après la manifestation du 14 janvier, il y aura celle du 21 janvier. Nous allons unifier un maximum de forces et faire entendre la voix de toutes celles et tous ceux qui y sont opposés. Les macronistes traîneront cette loi comme un boulet, y compris lors d'échéances symboliques comme l'entrée de Manouchian au Panthéon. Car faire entrer au Panthéon l'un des responsables des Francs-tireurs et partisans – Main-d'œuvre immigrée (FTP-MOI) et faire voter cette loi, ce n'est pas du « en même temps » mais une contradiction politique scandaleuse et moralement révoltante.
Les nombreux coups portés par le camp présidentiel sur la question sociale, dans une ambiance internationale sombre, pourraient susciter davantage d'abattement que de révolte. Comment percevez-vous le climat du pays ?
Un récit nous est imposé sur le thème de l'inexorable ascension du RN au sommet de l'État. Je suis plutôt du côté du révolutionnaire Auguste Blanqui, qui pourfendait les fatalistes de l'Histoire. La responsabilité première à gauche, quelle que soit sa sensibilité, est de refuser cette dictature du fait accompli et de faire en sorte que ce récit soit démenti par les faits. Je suis conscient de l'évolution du rapport de force, et je sais qu'on ne l'inversera ni par des postures ni par de la gonflette, mais l'Histoire n'est pas une construction linéaire, elle est faite de bifurcations.
Il faut rassembler les forces sur des batailles essentielles, dont la lutte contre l'extrême droite et ses idées. S'il existe un drapeau qui permet de rassembler toute la gauche sociale et politique anticapitaliste, c'est le drapeau commun de l'antifascisme. Un tournant mondial nauséabond s'opère, auquel il faut opposer un large front d'actions et de résistance à l'air du temps.
À quoi attribuer ce tournant qu'on constate en Europe, mais aussi en Amérique latine avec Javier Milei en Argentine, ou en Israël avec Nétanyahou ?
Ce qui se passe en Israël, ce qui se passe en Europe et ce qui se passe en Amérique latine, au-delà des singularités propres à chaque situation, témoigne de la fin d'un cycle. Celui de la mondialisation libérale telle que nous l'avons connue depuis quarante ans, et cela renvoie aux contradictions profondes et inhérentes au système capitaliste.
Comme toujours, une fin de cycle n'est pas synonyme de retour à la situation antérieure : c'est une situation nouvelle qui s'ouvre, marquée par des intérêts nationaux aiguisés, des compétitions interimpérialistes et des guerres locales de très haute intensité qui mettent en péril le reste du monde à chaque instant. C'est comme si le monde avait perdu le contrôle de sa propre marche, comme un train fou qui roulerait à vive allure vers un précipice. La catastrophe écologique et climatique ou même la récente crise liée au narcotrafic en Équateur vont dans ce sens.
Nous ne vivons pas une redite des années 30, car ce n'est pas tant le “péril rouge” qui inquiète la classe dominante que le désordre globalisé qui menace ses affaires. Mais le danger fasciste est réel.
Politiquement, cela produit des courants d'extrême droite, néofascistes ou fascistes – l'heure n'est plus aux colloques sur leur dénomination. Marx comparait la révolution à un train qui tire l'humanité vers l'avant. Walter Benjamin, lui, tout en faisant sienne la rhétorique marxienne, comparait la nécessité révolutionnaire au signal d'alarme de ce train que l'humanité devait tirer au plus vite et en conscience, avant qu'il ne s'écrase. La tâche du mouvement d'émancipation tient aujourd'hui précisément à cela : tirer ce signal d'arrêt d'urgence !
L'extrême droite a fortement progressé tant électoralement que sur le plan culturel depuis 2002, où l'extrême gauche représentait un débouché politique important – avec Arlette Laguiller de Lutte ouvrière, vos deux candidatures cumulaient 10 % des suffrages exprimés à la présidentielle. Comment expliquer cette extrême droitisation, et le fait que la gauche de rupture soit moins identifiée comme un débouché politique aujourd'hui ?
D'abord, il y a eu des défaites sociales sur le terrain de la lutte de classes, dont très récemment celle sur la bataille des retraites. Dans ces circonstances, l'idée que la solidarité paye est plus compliquée à démontrer. Les discours émancipateurs ne sont jamais aussi forts que lorsqu'ils sont portés par des périodes de victoires par l'action. Or, compte tenu de la crise globale que nous traversons, les luttes ne sont pas derrière nous. Tout reste ouvert.
Mais il y a aussi des tendances de fond, notamment une aspiration à l'ordre que les discours simplistes remplissent facilement de haine. Hannah Arendt l'a analysé à maintes reprises : il existe une base sociale au mouvement totalitaire, qui ne s'explique pas seulement par le haut et le jeu des classes dominantes. Elle évoque un terreau : un phénomène de « désolation », sorte de stade suprême de l'individualisation et de la fragmentation des relations sociales. Face à cela, tout projet émancipateur doit partir de cette terrible réalité pour espérer être en phase.
Dans ce contexte, nous sommes obligés de tirer les bilans de notre propre histoire, même si celle-ci ne se répète jamais à l'identique. Nous ne vivons pas une redite des années 30, car ce n'est pas tant le « péril rouge » qui inquiète la classe dominante que le désordre globalisé qui menace ses affaires à terme. Mais le danger fasciste est réel du point du vue du racisme anti-immigrés et des attaques antidémocratiques. Les erreurs tragiques du mouvement ouvrier propres aux années 30, elles, menacent de se reproduire à l'identique : le sectarisme, la fragmentation, l'aveuglement.
C'est cette analyse qui a conduit le NPA à proposer une campagne commune avec LFI aux européennes de 2024 ?
Je ne suis plus à la direction du NPA, mais j'accompagne cette démarche qui consiste en effet à interpeller les forces de la gauche de rupture. Cela étant, au-delà de la seule question électorale, il y a une nécessité de dépassement et de rassemblement des forces sociales et politiques anticapitalistes, tout en plaçant au centre le front unique contre la droite et l'extrême droite. Une unité sur une démarche d'actions concrètes qui puisse alimenter le retour nécessaire des questions stratégiques pour incarner une alternative de masse – ce que nous n'avons pas réussi jusqu'ici.
L'extrême droite mène à sa façon une bataille pour l'hégémonie culturelle de manière décomplexée depuis trente ans ! À nous de mener la nôtre. Pour l'heure, nous traversons un énorme trou d'air idéologique où les gauches en France semblent perdre leurs boussoles, au point de devenir parfois méconnaissables...
Méconnaissables en termes de faiblesse politique ou en termes de ligne ?
En termes de ligne politique. Pendant longtemps, la lutte contre le racisme, sous toutes ses formes, était un repère politique structurant à gauche. De l'affaire Dreyfus aux générations qui ont écrit les pages de la Résistance et du mouvement ouvrier, sans oublier la marche pour l'égalité des années 80. Ce combat inclut autant la lutte contre l'antisémitisme, l'islamophobie que la négrophobie. Cette boussole à gauche est fondamentale, au même titre que l'a toujours été la lutte anticoloniale – je pense au Vietnam ou à l'Algérie, par exemple.
Or, depuis le 7 octobre dernier, les gauches paraissent perdre le nord, comme si les aiguilles s'affolaient au point de renoncer à l'une ou l'autre de leurs valeurs. Idem sur l'internationalisme, victime du triste retour du « campisme » qui voudrait transformer en loi la maxime qui prétend que « l'ennemi de mon ennemi est forcément mon ami ». C'est la même cohérence qui nous pousse, au NPA, à affirmer notre solidarité pour les résistances à la fois palestinienne, kurde ou ukrainienne, par exemple.
La gauche a en effet été accusée d'antisémitisme, de complicité avec le Hamas dans cette période, et le NPA n'y a pas échappé. Y a-t-il eu des maladresses, quand vous relisez les événements depuis le 7 octobre ? Avez-vous réussi à tenir tous les bouts ?
J'appartiens à un courant politique, la IVe Internationale, où des camarades ont été porteurs de valises pour le FLN, remplies d'argent ou d'armes. C'était notre contribution à la lutte d'indépendance algérienne. Pour ma part, j'en tire une grande fierté. Cela ne nous empêchait pas à l'époque de formuler nos désaccords, voire des critiques sur certaines modalités d'action. Nous étions par exemple opposés aux attentats aveugles contre les civils. Des questions morales d'autant plus importantes qu'une des conditions pour qu'une lutte de libération nationale l'emporte, c'est que la société coloniale elle-même se fracture.
L'accusation d'apologie du terrorisme qui nous est faite est une insulte à notre histoire.
En outre, le Hamas n'est pas le FLN. Nous sommes pour le droit à l'autodétermination du peuple palestinien, parce que nous sommes pour son droit à l'émancipation. Or le projet du Hamas est à l'opposé, point par point, d'un projet d'émancipation. Pour nous, les massacres contre les civils, les corps souillés ou les viols ne seront jamais des actes de résistance mais des actes de barbarie. Je les ai toujours dénoncés. Le 7 octobre 2023 n'échappe pas à la règle.
Du reste, l'accusation d'apologie du terrorisme qui nous est faite est une insulte à notre histoire. Ici comme ailleurs, je ne ferai jamais mienne la devise qui affirme que « la fin justifie les moyens ». Les contre-révolutions bureaucratiques du XXe siècle sont toutes nées en ânonnant joyeusement ce genre de slogan. Et précisément parce que, dans chaque situation, nous plaçons la vie humaine au-dessus de toute chose, les silences politiques assourdissants sur le massacre qui se déroule à Gaza me glacent le sang.
Il y a un côté orwellien dans la situation actuelle, quand on écoute les mots qui sont utilisés. Ce n'est pas d'une guerre d'occupation coloniale qu'il serait question mais d'une « opération militaire pour éradiquer le terrorisme », donc d'une opération de paix – on n'est pas loin de « la guerre, c'est la paix » dans le roman d'Orwell. On peut multiplier les exemples : on criminalise le simple fait de participer, comme je l'ai fait, à des manifestations de solidarité avec le peuple palestinien pour réclamer le cessez-le-feu. Brandir le drapeau palestinien serait désormais considéré comme un signe antisémite ! C'est du délire.
Un porte-parole de l'armée israélienne a promis des combats à Gaza « tout au long de cette année 2024 ». On ne peut pas dire qu'en France la mobilisation pour la solidarité soit aussi massive que dans d'autres pays. Comment peser pour que cessent les massacres ?
Une responsabilité considérable pèse sur nous pour que la solidarité s'organise ici, dans les pays les plus riches. La mobilisation qui se déroule aux États-Unis − notamment les manifestations juives qui proclament « Pas en notre nom ! » − est extrêmement importante de ce point de vue. Ces luttes exercent une pression au cœur même de la puissance protectrice de l'État colonialiste israélien.
Pour qu'une solution politique binationale voie le jour là-bas, avec égalité des droits pour tous et toutes – deux États, un État, un système fédéral… –, il faut, en complément de la lutte palestinienne, que la solidarité s'organise dans nos pays pour imposer à nos gouvernants de retirer à Israël tout appui logistique, économique et militaire, et mettre fin à l'horreur à laquelle nous assistons chaque jour, impuissants.
On a besoin d'un sursaut de conscience politique et que la gauche sorte de sa léthargie. Malheureusement, la gauche française paraît trop souvent prisonnière des règles de la Ve République. Une campagne présidentielle se termine, et les futurs candidats à la prochaine se profilent d'emblée. Trop de remplaçants sur le banc, qui ne pensent qu'au brassard de capitaine et plus vraiment à l'équipe. Au foot, ça finit toujours mal. Jouer collectif, c'est taper ensemble sur les mêmes clous, même lorsque nous marchons séparément, pour reprendre la vieille formule !
Le pire des risques pour la gauche aujourd'hui, c'est donc le sectarisme ?
Il ne faut céder ni au sectarisme ni à l'opportunisme. Affirmer sa solidarité avec le peuple palestinien est un minimum, quelle que soit notre obédience, et quelles que soient les pressions exercées par le courant dominant. Nous avons, par exemple, des désaccords politiques connus avec LFI, mais la diabolisation et la cornérisation dont cette organisation fait l'objet devraient tous nous alerter.
De même, lorsque le NPA a été convoqué par la police judiciaire et entendu dans le cadre d'une enquête préliminaire pour « apologie du terrorisme », les soutiens ont été discrets. La gauche peut s'en laver les mains, ou se les frotter, sur le thème « ils l'ont bien cherché », mais si par malheur le cours politique dominant réussissait à nous mettre au ban, c'est tout le mouvement ouvrier et syndical qui pourrait être emporté par la suite. Et même une partie de la macronie – souvenez-vous de cette scène où le député RN Laurent Jacobelli traite de « racaille » le député de la majorité Belkhir Belhaddad…
Loin des écuries présidentielles, il existe pourtant un renouvellement dans les combats de l'heure, marqués par une nouvelle génération qui s'est exprimée dans les luttes ouvrières, dans le syndicalisme, sur le terrain de l'écologie avec les Soulèvements de la Terre, dans les luttes LGBT… Les potentialités et les ressources existent. Mais en se privant sciemment d'horizons et d'espérances politiques, au nom des petits calculs électoralistes de la Ve République, la gauche continuera à creuser sa propre tombe avec enthousiasme.
J'espère que la bataille sur la loi immigration nous servira d'électrochoc. Et que le danger fasciste nous poussera à nouveau à nous serrer les coudes. Être révolutionnaire, répétait Alain Krivine, c'est aussi résister au fait de devenir cynique ou blasé. Nous sommes nombreuses et nombreux à avoir un rôle à jouer pour qu'un courant anticapitaliste unitaire, large, fasse entendre sa voix.
Mathieu Dejean
Boîte noire
Cet entretien a été réalisé le 11 janvier 2024 à Paris. Olivier Besancenot l'a relu et légèrement modifié avant sa publication.
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France - Un gouvernement toujours plus homophobe et transphobe

Quand Gabriel Attal a été nommé, nous avons entendu nombre de commentateurs s'extasier devant son âge, son côté « surdoué », mais aussi et surtout sur le fait qu'il était le premier Premier ministre ouvertement gay. À les entendre, le combat pour l'égalité arrivait à son aboutissement et on allait avoir droit au gouvernement le plus queer depuis Jésus-Christ.
Hebdo L'Anticapitaliste - 691 (18/01/2024)
Par Sally Brina
Crédit Photo
Photothèque Rouge/Martin Noda/Hans Lucas
Pourtant l'écran de fumée dissipé, que constate-t-on ? L'enquête administrative après le suicide du jeune Lucas, victime d'homophobie, n'a jamais été lancée par Attal quand il était au ministère de l'Éducation.
De nouvelles amies réacs pour Darmanin, Béchu et Lecornu
On constate également que si les affreux de La Manif Pour Tous comme Darmanin, Lecornu ou Béchu sont toujours en place, ils sont rejoints par de nouvelles amies. Rachida Dati, ministre de la Culture, ancienne ministre de Sarkozy, s'était abstenue au Parlement européen en 2018 au moment du vote sur l'interdiction des thérapies de conversion. Elle s'était également opposée en 2019 à la PMA pour touTEs. Catherine Vautrin, ancienne de la Manif pour tous, se retrouve à la tête d'un grand ministère regroupant le Travail et la Santé. Quand on connaît les difficultés d'accès des personnes LGBTI au marché de l'emploi, les discriminations rencontrées au travail, ainsi que les besoins spécifiques en matière de santé, on ne peut que s'inquiéter pour la suite.
La palme revient à Aurore Bergé mutée comme ministre déléguée chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Anciennement opposée au mariage pour touTEs et à l'adoption par les couples homoparentaux, militante pseudo-laïque mais réellement islamophobe, elle s'est aussi révélée ces dernières années être une transphobe fanatisée. Elle a ainsi reçu en grande pompe à l'Assemblée nationale Marguerite Stern et Dora Moutot, militantes anti-trans (1) françaises les plus connues, et a justifié leur invitation par un combat contre « l'invisibilisation des femmes » (sic). En 2022, lors du vote de la proposition de loi de constitutionnalisation du droit à l'IVG, elle rédige et fait adopter un amendement pour exclure les hommes trans du droit à l'avortement.
De nouvelles recommandations de santé pour les parcours de transition
Plusieurs enjeux liés aux personnes trans sont susceptibles de faire l'actualité ces prochaines semaines et prochains mois. Tout d'abord, la Haute Autorité de santé a mis en place un groupe de travail pour formuler des nouvelles recommandations pour les parcours de santé et de transition, remplaçant les anciennes largement obsolètes et inadaptées. Ce groupe de travail est attaqué par les droites et les extrêmes droites, par tous les cathos réacs, car il inclut des personnes trans, part de leurs besoins et revendications et s'appuie sur le consensus scientifique. Les transphobes sont ainsi vent debout contre toute simplification des parcours de transition, car ils sont contre toutes les transitions.
Une proposition de loi pour des thérapies de conversion
Ensuite, le groupe de travail des sénateurs LR consacré à « la transidentification des mineurs » (re-sic) devrait probablement proposer une loi. Ce groupe de travail était animé par les psychanalystes homophobes et transphobes Céline Masson et Caroline Eliacheff, fondatrices de l'Observatoire de la Petite Sirène (2) à l'origine des paniques morales contre l'éducation sexuelle ayant abouti à l'incendie de plusieurs écoles en Belgique (3). On peut se douter du contenu de cette loi : interdire les transitions des mineurEs au profit de thérapies de conversion, illégales, renommées de façon plus neutre sous le terme de « thérapies exploratoires » et consistant à reporter indéfiniment tout accès à la transition, même simplement sociale, en faisant subir des séances chez le psy jusqu'à ce que la personne annonce « ne plus être trans » ou « ne plus vouloir transitionner ». Il va de soi que ces thérapies détruisent la santé mentale des personnes, là où le consensus scientifique international reconnaît que les transitions l'améliorent durablement.
Vite, former et informer pour contrer les discours transphobes
Avec Aurore Bergé comme ministre déléguée chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, et un gouvernement qui penche toujours plus à droite, il est à craindre que cette offensive antitrans soit relayée par le gouvernement lui-même, à l'image de ce qui se passe au Royaume-Uni. L'année 2024 pourrait un point de bascule : notre pays pourrait suivre l'exemple des États-Unis ou du Royaume-Uni, et les discours transphobes y envahir quotidiennement le champ politique, médiatique, institutionnel.
Pour y faire face, il est plus que nécessaire de construire l'unité de tout le mouvement social, féministe, du mouvement ouvrier, en soutien aux revendications des personnes trans contre les attaques réactionnaires. Partout, il va nous falloir former et informer sur les thématiques trans, afin que les discours transphobes ne prennent pas dans notre camp social et nos organisations. Que ce soit pour la Grève féministe du 8 Mars, les Pride, ou l'ExistransInter à l'automne, il y a urgence à construire un mouvement d'ensemble !
Notes
1. Qui vont sortir un livre dans la maison d'édition d'extrême-droite Magnus, aux côtés de Marsault, Papacito, et Laurent Obertone.
2. http://petitesirene.org/
3. https://www.rtbf.be/arti…
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En Allemagne, des manifestations contre l’extrême droite d’une ampleur historique

Des dizaines de milliers de personnes ont à nouveau défiler ce dimanche dans les rues du pays, pour protester contre l'AfD, parti d'extrême droite à l'idéologie radicale.
Tiré de Europe Solidaire Sans Frontières
21 janvier 2024
Par Huffington Post
ALLEMAGNE - Un succès un peu trop important. La manifestation contre l'extrême droite organisée à Munich ce dimanche 21 janvier a été interrompue en raison de la trop forte affluence dans les rues de la capitale bavaroise.
Les organisateurs ont déclaré que 50 000 personnes s'étaient déplacées, soit deux fois plus que le nombre d'inscrits. D'autres estimations font état d'un chiffre plus élevé, jusqu'à 200 000 personnes. La police a pour sa part estimé la foule à 100 000 personnes, selon le quotidien Sueddeutsche Zeitung.
Comme à Munich, des dizaines de milliers de personnes étaient à nouveau dans les rues, ce dimanche en Allemagne, contre l'AfD, parti d'extrême droite à l'idéologie radicale qui suscite depuis une semaine une mobilisation d'une rare ampleur dans le pays.
Des rassemblements avaient été annoncés dans une quarantaine de villes (Berlin, Bonn, Cologne...) mais aussi dans des localités de taille beaucoup plus modeste. À Cologne, les organisateurs ont estimé la foule à 70 000 personnes ce dimanche, tandis qu'à Brême, la police locale a dénombré 45 000 manifestants dans le centre. À Dresde, capitale du Land de Saxe, un bastion du parti anti-migrants et anti-système Alternative pour l'Allemagne (AfD), une manifestation était ainsi aussi prévue.
Plus de 100 000 personnes étaient déjà descendues dans les rues samedi dans des dizaines de villes, la chaîne de télévision publique ARD avançant même le chiffre de 250 000 manifestants à travers le pays.
Le choc après une réunion d'extrémistes à Potsdam
Une mobilisation qui témoigne du choc provoqué par la révélation le 10 janvier par le média d'investigation allemand Correctiv d'une réunion d'extrémistes à Potsdam, près de Berlin, où, en novembre, un projet d'expulsion massive de personnes étrangères ou d'origine étrangère a été discuté.
La ministre de l'Intérieur Nancy Faeser est allée jusqu'à estimer dans la presse que cette réunion rappelait « l'horrible conférence de Wannsee », où les nazis planifièrent en 1942 l'extermination des Juifs européens.
Parmi les participants se trouvaient une figure de la mouvance identitaire radicale, l'Autrichien Martin Sellner, et des membres de l'AfD. Martin Sellner y a présenté un projet pour renvoyer vers l'Afrique du Nord jusqu'à deux millions de personnes − demandeurs d'asile, étrangers et citoyens allemands qui ne seraient pas assimilés −, affirme Correctiv.
Cette révélation a secoué l'Allemagne alors que l'AfD ne cesse de progresser dans les sondages, à quelques mois de trois importantes élections régionales dans l'est du pays où les intentions de vote pour le parti d'extrême droite sont encore plus élevées que dans le reste du pays.
Le HuffPost avec AFP
P.-S.
• Le HuffPost. 21/01/2024 17:23 Actualisé le 21/01/2024 17:25 :
https://www.huffingtonpost.fr/international/video/en-allemagne-des-manifestations-contre-l-extreme-droite-d-une-ampleur-historique_228668.html
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Iran : Mobilisations et grève des salarié.es du Groupe National de l’Aciérie d’Ahwaz

Le quatrième jour de mobilisation et grève des sidérurgistes du Groupe National de l'Aciérie d'Ahwaz s'est poursuivi avec des slogans tels que « Nous sommes prêt.es à mourir, plutôt que d'être humilié.es » « les menaces et et la prison, ne nous ferons pas plier ».
Tiré d'Iran-echo.
Selon les rapports du Syndicat des salarié.es du Groupe National de l'Aciérie d'Ahwaz, leurs revendications comprennent :
– La levée de l'interdiction d'entrer dans l'entreprise pour les travailleurs/euses suspendu.es et la réintégration des travailleurs/euses précédemment licencié.es ;
– L'alignement des salaires sur ceux des autres entreprises sidérurgiques, dont l'aciérie d'Oxin ;
– La mise en œuvre complète et immédiate du plan de classification des emplois ;
– Un contrat de travail sans paragraphes laissés en blanc pour tous les travailleurs/euses de la filiale Shafaq ;
– Le licenciement du PDG corrompu, l'appropriation et l'autogestion de l'entreprise par les travailleurs/euses ;
Les obstacles et les défis auxquels sont confronté.es les grévistes du Groupe National de l'Aciérie d'Ahwaz sont innombrables : menaces, intimidations, présence de vigiles et de membres des services sécuritaires interdisant la présence dans l'entreprise d'environ 40 travailleurs/euses protestataires, suspension et licenciement de travailleurs/euses protestataires, direction d'entreprise incompétente et corrompue menant une politique anti-ouvrière, rôle destructeur de la Banque Nationale, etc. Mais l'unité des travailleurs/euses, leur détermination et leurs organisations indépendantes traceront le chemin pour obtenir la satisfaction de ces revendications.
Nous saluons les grévistes du Groupe National de l'Aciérie d'Ahwaz.
Le chemin des travailleurs/euses vers la victoire passe par leur unité, ainsi que l'existence d'organisations ouvrières indépendantes du patronat, de l'Etat et de toutes les institutions liées aux forces de sécurité et de renseignement, tels le Conseil islamique du travail et la « Maison des travailleurs ».
26 décembre 2023
Syndicat des travailleurs/euses de la compagnie de bus de Téhéran et sa banlieue

Frappes américano-britanniques contre les Houthis : Premier acte d’une escalade régionale ?

Le conflit au Moyen-Orient prend une nouvelle dimension avec les frappes américano-britanniques menées contre des cibles houthies au Yémen, dans la nuit de jeudi à hier. Jusqu'ici, les Etats-Unis et leurs proches alliés, engagés solidairement dans un soutien inconditionnel à Israël dans sa guerre contre la Bande de Ghaza, avaient tout entrepris pour éviter un tel scénario, mais il est évident que la détermination des Houthis, jouissant de l'appui de Téhéran, a compté dans l'équation, brouillé les calculs de l'engagement occidental dans la région et eu raison de la réserve stratégique de Washington et son escorte de partenaires.
Tiré de Algeria-watch.org
17 janvier 2024
Par Mourad Slimani, El Watan
Des sites militaires dans des villes contrôlées par le mouvement Ansar Allah, nom officiel de l'organisation politique des Houthis, et identifiés comme étant les plateformes de lancement des attaques contre des objectifs maritimes en mer Rouge, ont été pris pour cibles par des avions de combat britanniques et des tirs de missiles américains, notamment dans la capitale Sanaa et les gouvernorats d'Al Hodeïda, Taïz, Hajjah et Saada.
Le porte-parole militaire du mouvement yéménite évoque un ensemble de 73 raids ayant fait 5 morts parmi les troupes houthies. « Notre pays fait face à une attaque massive par des navires américains et britanniques, des sous-marins et des avions », a réagi le vice-ministre des Affaires étrangères de l'organisation yéménite, Hussein Al Ezzi. Prenant le relais du chef du mouvement, Abdel Malek El Houthi, qui, jeudi dernier, avait menacé par anticipation de « riposte importante » toute attaque américaine, le ministre ajoute que « les Etats-Unis et la Grande-Bretagne doivent se préparer à payer un prix fort et supporter les lourdes conséquences de cette agression ».
Pour leur part, les coalisés avec Washington (Australie, Bahreïn, Canada, Danemark, Allemagne, Pays-Bas, Nouvelle-Zélande, Corée du Sud, Royaume-Uni) ont tenu à préciser, dans une déclaration commune, que les attaques se présentaient comme un mal nécessaire, se contentaient d'être défensives et visaient une désescalade de la tension dans la région.
Dans la foulée, Joe Biden, le président américain, a salué le « succès » de l'opération, insistant sur le fait que la riposte intervenait après des mises en garde adressées régulièrement au mouvement houthi et que le seul but de la réaction des coalisés restait la protection du commerce international. « Ces frappes ciblées sont un message clair que les Etats-Unis et nos partenaires ne toléreront pas les attaques sur nos troupes (et) ne permettront pas à des acteurs hostiles de mettre en danger la liberté de navigation », a menacé Joe Biden sur un ton qui tranche avec une certaine retenue observée jusqu'ici et soulignant le caractère délicat des opérations et leur timing problématique.
Le piège Bab el Mandeb
Ne voulant pas compromettre un processus de négociation de paix entre son allié l'Arabie Saoudite et le mouvement rebelle houthi, après des années de guerre sanglante, Washington a plutôt misé sur la dissuasion pour contenir le foyer yéménite. Mais la plus grande hantise consiste en une extension régionale du conflit au-delà du contexte palestinien, que signerait symboliquement et militairement une intervention US en terre yéménite.
La Maison-Blanche déploie en effet un effort diplomatique appuyé pour éviter un débordement du conflit et une implication militaire de mouvements soutenant la résistance du Hamas à Ghaza (Hezbollah au Sud Liban et mouvement Ansar Allah au Yémen, notamment) et pouvant compter sur l'appui de l'Iran. Ce fut au demeurant l'objet principal de la mission diplomatique du secrétaire d'Etat américain la semaine dernière dans la région.
La mise en place d'une coalition internationale, il y a un mois sous impulsion US, pour sécuriser les passages au détroit de Bab El Mandeb, n'a finalement pas eu l'effet dissuasif escompté sur l'audace guerrière houthie. Bien au contraire, la constance des attaques observée depuis près de deux mois, malgré les avertissements occidentaux et onusiens, s'est muée en une recrudescence.
La semaine dernière, un palier supérieur dans les attaques ciblant les navires suspectés de liens avec l'économie israélienne a été enclenché : alors que 18 drones et 3 missiles, lancés à partir des bases yéménites, ont été interceptés par l'armada américano-britannique stationnée dans les eaux de la région, jeudi un missile antinavire portant le sceau houthi a été par ailleurs abattu par le bouclier des coalisés. La nuit de la même journée, Rishi Sunak, le Premier ministre britannique, a réuni d'urgence son gouvernement pour avaliser une participation militaire de son pays aux frappes américaines contre Ansar Allah.
Inquiétudes et condamnations à l'international
Les réactions dans le monde ont suivi les contours qui marquent les degrés et la nature des implications dans la guerre contre Ghaza. Les alliés occidentaux d'Israël ont globalement salué les frappes, l'Union européenne a même choisi le contexte pour annoncer la tenue, à partir de la semaine prochaine, de discussions au niveau de ses instances autour de l'objectif de mettre en place une force navale européenne pour la sécurisation des voix maritimes en appui à la coalition militaire qui vient de frapper au Yémen.
Les deux grandes puissances que sont la Chine et la Fédération de Russie expriment, quant à elles, de grandes réserves ou de franches condamnations. Alors que Pékin se soit dit « préoccupé » par les conséquences des attaques, Moscou accuse le bloc occidental de persister dans son attitude de mépris à l'encontre du droit international. « Les frappes sur le Yémen sont un exemple du dédain total du droit international par les Anglo-Saxons au nom d'une escalade dans la région, de leurs objectifs destructeurs », dénonce la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova.
L'Iran, régulièrement cité comme le commanditaire direct des actions des mouvements de résistance « islamistes » hostiles à Israël, dont les Houthis, a pour sa part condamné les frappes.
Le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Nasser Kanani, dénonce une « action arbitraire » et une « atteinte à la souveraineté du Yémen ». Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, s'élève, de son côté, contre ce qu'il qualifie de riposte « disproportionnée ». « Toutes ces actions constituent un usage disproportionné de la force (…).
L'Amérique et Israël utilisent cette même force disproportionnée contre les Palestiniens et les Britanniques marchent dans les pas des Etats-Unis. Ils cherchent à créer un bain de sang en mer Rouge », charge-t-il. Enfin le mouvement Hamas prévient, dans un communiqué diffusé hier, que les frappes américano-britanniques vont avoir des « répercussions » inévitables sur la sécurité régionale.
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Attaques à la frontière entre le Pakistan et l’Iran : une mise en perspectives historiques

Après une frappe aérienne de l'armée pakistanaise le 18 janvier dans une ville frontalière iranienne qui a tué au moins 9 personnes en représailles à l'attaque de missiles du 16 janvier sur la ville frontalière du Baloutchistan qui, elle, avait tué entre autres deux enfants, les gouvernements pakistanais et iranien ont convenu de désamorcer la menace de guerre et de rétablir des relations diplomatiques à part entière.
Tiré de Europe Solidaire Sans Frontières
20 janvier 2024
Par Farooq Tariq
Pour l'heure, une accalmie complète règne en ce 20 janvier, les deux Etats semblant se venger de leurs « ennemis » réfugiés dans l'un ou l'autre pays. Tous deux ont réussi à tuer certains de ceux qu'ils considèrent comme appartenant à des groupes terroristes, le Jaish al Adl (Armée de la Justice) au Pakistan et les séparatistes baloutches en Iran.
L'Iran a affirmé avoir pris pour cible deux bases du groupe armé Jaish al Adl au Pakistan. Ce groupe a revendiqué l'attaque d'un poste de police dans la ville iranienne de Rask, dans la province frontalière méridionale du Sistan-Baloutchistan, qui a tué 11 membres du personnel de sécurité iranien. L'attaque a été condamnée par le Pakistan.
Quelles que soient les attaques menées par les uns et les autres, le peuple baloutche est la cible des deux camps. Les uns luttent contre les « atrocités du Pakistan » et les autres contre l'occupation coloniale iranienne d'une partie du Baloutchistan. Après la Première Guerre mondiale, le Baloutchistan occidental a été cédé à l'Iran par l'impérialisme britannique.
L'attaque pakistanaise contre les « camps séparatistes du Baloutchistan » en Iran a eu lieu au moment où plusieurs centaines de militants baloutches campent à Islamabad pour retrouver les militants baloutches disparus et mettre fin aux exécutions extrajudiciaires. Ils sont arrivés à Islamabad depuis le district de Turbat, au Baloutchistan, au cours d'une longue marche qui a attiré l'attention de nombreux observateurs internationaux.
L'escalade des tensions frontalières qui se traduit par des attaques de missiles à l'intérieur du Pakistan et de l'Iran doit être replacée dans le contexte du génocide israélien des Palestiniens. C'est la première fois qu'il y a eu une frappe aérienne et une attaque de missiles par le Pakistan en Iran. L'impérialisme américain serait très heureux si l'Iran était occupé à se défendre contre les attaques du Pakistan au lieu d'aider les Palestiniens, principalement par l'intermédiaire d'organisations que Téhéran patronne.
Il existe une longue histoire de conflits entre les deux pays. Il y a eu une guérilla au Baloutchistan sous le premier gouvernement Bhutto. Elle a eu lieu après que le gouvernement provincial élu du Parti national Awami (NAP), qui s'opposait au gouvernement fédéral du Parti du peuple pakistanais, a été renversé par Bhutto à l'instigation du Shah d'Iran, en 1973. De nombreux jeunes Baloutches sont partis dans les montagnes pour se défendre et beaucoup ont émigré en Afghanistan et en Iran.
Au cours de cette décennie, l'Iran a tenté d'introduire d'autres tribus dans la province voisine de Sestan-Baluchestan afin de transformer la majorité des Baloutches en minorité, comme Israël l'a fait avec les Palestiniens.
Le Shah d'Iran, terrifié par la résistance croissante des Baloutches en Iran, a demandé à Zulfiqar Ali Bhutto de prendre des mesures contre le gouvernement provincial du NAP. Bhutto l'a fait brutalement, pour écraser la résistance baloutche à l'aide d'une opération de l'armée au Baloutchistan. Le Shah d'Iran craignait que si le Baloutchistan oriental devenait indépendant, le Baloutchistan occidental, situé sur le territoire iranien, en ferait partie. Depuis lors, les Baloutches ont été pris pour cible par les deux parties, mais la résistance, sous de nombreuses formes, se poursuit jusqu'à aujourd'hui.
Les deux Etats s'accusent mutuellement d'abriter les « terroristes » dans leur pays, les groupes religieux au Pakistan et les groupes nationalistes en Iran.
Si la guerre s'intensifie, ce qui ne semble pas être le cas actuellement, elle portera atteinte aux économies des deux pays à un niveau jamais atteint auparavant. L'approvisionnement en pétrole du Pakistan pourrait être durement touché par les Iraniens. Le commerce entre les deux pays serait interrompu. L'Iran profite déjà de la « contrebande » de pétrole iranien en vrac vers le Pakistan à l'heure actuelle.
Il est important de noter que les activités commerciales entre le Pakistan et l'Iran se sont poursuivies normalement, les deux pays ayant gardé tous leurs points de passage ouverts malgré la violation de l'espace aérien par les forces iraniennes et la riposte des forces pakistanaises qui s'en est suivie. Les activités commerciales se poursuivent le long des villes frontalières, notamment Taftan, Gwader, Kech, Panjgor et Washuk.
En août 2023, les ministres des affaires étrangères des deux pays se sont réunis à Islamabad pour formuler un plan commercial quinquennal visant à atteindre un objectif commercial de 5 milliards de dollars.
Il semble que la menace d'une guerre totale soit désormais écartée, puisque les ministres des affaires étrangères de l'Iran et du Pakistan se sont parlés et ont mis l'accent sur une relation « fraternelle ». Il ne s'agit que d'une parenthèse entre les deux pays islamiques soi-disant frères, qui attendent un meilleur moment pour frapper à nouveau lorsque leur crise interne s'aggravera.
Le mouvement mené par les femmes contre la République islamique d'Iran au cours des dernières années et la longue marche des activistes baloutches au Pakistan sont le véritable espoir des mouvements progressistes dans les deux pays et au niveau international. Il faut mettre un terme aux enlèvements et aux meurtres de Baloutches par le gouvernement pakistanais et par celui de l'Iran.
Farooq Tariq
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Forum populaire Asie-Europe

Cour Internationale de Justice, Israel accusé de « génocide » : Plaidoyer de l’Afrique du sud

Dans leur plainte, les avocats sud-africains estiment que l'offensive israélienne vise « la destruction des Palestiniens de la bande de Gaza ». Des audiences ont lieu mercredi 10 et jeudi 11 janvier, une victoire formelle pour les adversaires de la politique israélienne. Le 28 octobre 2023, Craig Mokhiber, directeur du bureau new-yorkais du Haut-Commissariat des droits de l'homme à l'ONU, a démissionné de son poste. Dans une lettre, il explique les raisons de son geste. Relayée par de grands titres de la presse anglo-saxonne comme le Washington Post ou The Guardian, cette démission a pratiquement été ignorée par les grands médias français.
Tiré d'Afrique en lutte. Publié à l'origine par Al Jazeera English.
Cher monsieur le Haut-Commissaire,
C'est ma dernière communication officielle en tant que directeur du bureau de New-York du Haut-Commissariat aux droits de l'homme. Nous vivons une période très anxiogène et nous sommes inquiets pour la sécurité de beaucoup de nos collègues. Une fois de plus, nous assistons à un génocide qui se déroule sous nos yeux et nous sommes impuissants à l‘arrêter. J'ai enquêté sur les droits humains en Palestine depuis les années 1980. J'ai vécu à Gaza dans les années 1990 ; j'y étais en tant que conseiller des Nations unies pour les droits de l'homme. J'ai effectué encore plusieurs missions, avant et après, toujours pour la défense des droits humains.
Cette situation me touche profondément et m'atteint à titre personnel. J'étais présent, dans nos locaux de l'ONU quand il y a eu les génocides contre les Tutsis, les musulmans bosniaques, les Yezidis et les Rohingyas. Dans chacun de ces cas, alors que la poussière retombe sur les horreurs perpétrées contre des civils sans défense, il devient douloureusement clair que nous avons manqué à notre devoir de répondre aux impératifs de prévention de ces atrocités de masse, à notre devoir de protection des personnes vulnérables et à l'obligation que nous avions que les auteurs de ces crimes répondent de leurs actes. Il en fut ainsi lors des vagues successives de meurtres et de persécution contre les Palestiniens, tout au long de l'existence des Nation unies.
Monsieur le Haut-Commissaire,
Nous vivons encore un échec.
En tant qu'avocat spécialisé dans les droits humains, avec plus de trente ans d'expérience dans ce domaine, je sais bien que ce concept de génocide a souvent été galvaudé politiquement. Mais le massacre actuel du peuple palestinien, ancré dans une idéologie coloniale ethno-nationaliste, après des décennies de persécution et d'épuration systématiques et entièrement fondées sur leur statut d'Arabes, avec des déclarations d'intention explicites de la part des dirigeants du gouvernement israélien et de son armée, tout cela ne laisse aucune place au doute ou au débat.
À Gaza, les maisons d'habitation, les écoles, les églises, les mosquées et les établissements médicaux sont attaqués sans raison, et des milliers de civils sont massacrés. En Cisjordanie, y compris dans Jérusalem occupée, des maisons sont saisies et attribuées à d'autres en fonction de leur race. Des colons qui commettent des pogroms sont accompagnés par des unités militaires israéliennes. Dans tout le pays, c'est l'apartheid !
Il s'agit d'un cas typique de génocide. Le projet européen, ethno-nationaliste, de colonisation en Palestine est entré dans sa phase finale : la destruction accélérée des derniers vestiges de la vie palestinienne autochtone sur leurs terres. En plus, les gouvernements des États-Unis, du Royaume-Uni et d'une grande partie de l'Europe sont totalement complices de cet assaut terrible. Non seulement ces gouvernements refusent de remplir leurs obligations au regard des traités pour assurer le respect des conventions de Genève, mais ils fournissent des armes et des renseignements et ils couvrent politiquement et diplomatiquement les atrocités commises par Israël.
Ajoutons à cela que les grands médias occidentaux, de plus en plus proches de l'État et en violation claire de l'article 20 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, déshumanisent continuellement les Palestiniens pour faciliter le génocide. Ils diffusent de la propagande de guerre, appellent à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l'hostilité et à la violence.
Les entreprises de médias sociaux basées aux États-Unis étouffent les voix des défenseurs des droits humains, tout en amplifiant la propagande pro-israélienne. Les contrôleurs en ligne du lobby israélien, les trolls et les fausses ONG créées par les gouvernements, harcèlent et salissent les défenseurs des droits humains, et les universités et employeurs occidentaux collaborent avec eux pour punir ceux qui osent s'élever contre les atrocités. À la suite de ce génocide, ces acteurs doivent rendre des comptes, comme ce fut le cas pour la radio des Mille collines au Rwanda.
LES PROMESSES ILLUSOIRES D'OSLO
En de telles circonstances, notre organisation doit être efficace et fonder son action sur des principes. Mais nous n'avons pas relevé le défi. En raison de l'intransigeance des États-Unis, le Conseil de sécurité a été de nouveau bloqué. Le Secrétaire général est attaqué pour les protestations les plus bénignes et nos mécanismes de défense des droits humains font l'objet d'attaques calomnieuses et soutenues, venant d'un réseau organisé en ligne pour défendre l'impunité.
Les promesses illusoires et largement fallacieuses d'Oslo ont depuis des décennies distrait, détourné l'organisation de son devoir essentiel de défense du droit international, des droits humains et de la Charte elle-même. Le mantra de la solution à deux États est devenu un sujet de plaisanterie dans les corridors de l'ONU, à la fois pour son impossibilité absolue dans les faits et pour son incapacité totale à tenir compte des droits humains inaliénables du peuple palestinien. Le soi-disant Quartet1 n'est plus qu'une feuille de vigne pour l'inaction et la soumission à un statu quo brutal. Le renvoi (prôné par les États-Unis) aux « accords entre les parties elles-mêmes » au lieu de se référer au droit international a toujours été d'une transparente inconséquence, destiné à renforcer le pouvoir d'Israël sur les droits des Palestiniens occupés et dépossédés de leurs biens.
Monsieur le Haut-Commissaire,
Je suis venu à cette organisation dans les années 1980 parce que j'y ai trouvé une institution fondée sur des principes et des normes résolument du côté des droits humains, y compris dans les cas où les puissants États-Unis, le Royaume-Uni et l'Europe n'étaient pas de notre côté.
Alors que mon propre gouvernement, ses institutions et une grande partie des médias américains soutenaient ou justifiaient encore l'apartheid sud-africain, l'oppression israélienne et les escadrons de la mort en Amérique latine, les Nations unies défendaient les peuples opprimés de ces pays. Nous avions le droit international de notre côté. Les droits humains et les principes étaient aussi de notre côté. Notre autorité était liée à notre intégrité. Mais cela n'est plus le cas. Au cours des dernières décennies, des éléments clés des Nations unies ont cédé au pouvoir des États-Unis et à la peur du lobby israélien, abandonnant ses principes et se retirant du droit international lui-même.
Nous avons beaucoup perdu dans cet abandon, y compris notre propre crédibilité mondiale. Mais c'est le peuple palestinien qui a subi les plus grandes pertes à cause de nos échecs. L'ironie de l'histoire veut que la Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH) ait été adoptée en 1948, l'année de la Nakba perpétrée contre le peuple palestinien. Alors que nous commémorons le 75e anniversaire de la DUDH, nous ferions bien d'abandonner le vieux cliché selon lequel elle est née des atrocités qui l'ont précédée. On doit admettre qu'elle est née en même temps que l'un des génocides les plus atroces du XXe siècle, celui de la destruction de la Palestine. D'une certaine manière, les auteurs de la déclaration promettaient les droits humains à tout le monde, sauf au peuple palestinien.
N'oublions pas non plus que les Nations unies ont commis le péché originel de faciliter la dépossession du peuple palestinien en ratifiant le projet colonial européen qui s'est emparé des terres palestiniennes et les a remises aux colons.
Nous avons beaucoup de choses à nous faire pardonner.
Mais la voie de l'expiation est claire. Nous avons beaucoup à apprendre de la position de principe adoptée ces jours derniers dans les villes du monde entier où des foules s'élèvent contre le génocide, même au risque d'être battues ou arrêtées. Les Palestiniens et leurs alliés, les défenseurs des droits humains de tous bords, les organisations chrétiennes et musulmanes et les voix juives progressistes qui disent « pas en notre nom », tous nous montrent la voie. Il ne nous reste qu'à les suivre.
Hier, à quelques rues d'ici, la gare centrale de New-York a été complètement envahie par des milliers de défenseurs juifs des droits humains, solidaires du peuple palestinien et exigeant la fin de la tyrannie israélienne (beaucoup d'entre eux risquant d'être arrêtés). Ce faisant, ils ont éliminé en un instant l'argument de propagande (hasbara) israélienne et le vieux trope antisémite selon lequel Israël représente en quelque sorte le peuple juif. Ce n'est pas le cas. En tant que tel, Israël est seul responsable de ses crimes.
Sur ce point, il faut répéter malgré les calomnies du lobby israélien que la critique des violations des droits humains par Israël n'est pas antisémite, pas plus que la critique des violations saoudiennes n'est islamophobe, la critique des violations de Myanmar n'est antibouddhiste ou la critique des violations indiennes n'est antihindouiste. Lorsqu'ils cherchent à vous faire taire par des calomnies, nous devons élever la voix, pas la baisser.
LA RESPONSABILITÉ DES NATIONS UNIES
J'espère que vous conviendrez, monsieur le Haut-Commissaire, que c'est ce que parler vrai veut dire, face au pouvoir. Mais j'ai également espoir dans les parties des Nations unies qui ont refusé de compromettre les principes de l'organisation en matière de droits humains, malgré les énormes pressions exercées en ce sens. Nos rapporteurs spéciaux indépendants, nos commissions d'enquête et nos experts en traités ainsi que la plupart des membres de notre personnel, ont continué à défendre les droits humains du peuple palestinien. Alors que d'autres parties des Nations unies (même au plus haut niveau) ont honteusement courbé l'échine devant le pouvoir.
En tant que gardien des normes et des standards en matière de droits humains, le Haut-Commissariat aux droits de l'homme a le devoir particulier de défendre ces normes. Notre tâche, je crois, est de faire entendre notre voix, du Secrétaire général à la dernière recrue de l'ONU et dans l'ensemble du système des Nations unies, en insistant sur le fait que les droits humains du peuple palestinien ne peuvent faire l'objet d'aucun débat, négociation ou compromis, où que ce soit sous le drapeau bleu.
À quoi ressemblerait alors une position fondée sur les normes des Nations unies ? À quoi travaillerions-nous, si nous étions fidèles à nos remontrances rhétoriques sur les droits humains et l'égalité pour tous, s'il y avait imputabilité pour les auteurs de crimes et réparations pour les victimes et une protection des personnes vulnérables et l'accès à l'autonomie pour les personnes détentrices de droits, le tout dans le cadre d'un état de droit ? La réponse, je crois, est simple si nous avons la lucidité de voir au-delà des écrans de fumée propagandistes qui déforment la vision de la justice pour laquelle nous avons prêté serment, si nous avons le courage d'abandonner la peur et la déférence à l'égard des États puissants, si nous avons vraiment la volonté d'embrasser la bannière des droits humains et de la paix. Certes, il s'agit d'un objectif et la côte à gravir est raide. Mais nous devons commencer maintenant ou nous abandonner à une horreur indicible.
Dix points essentiels doivent nous guider.
1- Une action légitime. Premièrement, nous devons, au sein des Nations unies, abandonner le processus d'Oslo qui a échoué et qui est en grande partie fallacieux. Sa solution illusoire à deux États, son Quartet impuissant et complice. Et il faut cesser la mise en berne du droit international pour obéir à des diktats de pure convenance politique. Nos politiques doivent être fondées sans équivoque sur les droits humains et le droit international.
2- Une vision claire. Nous devons cesser de prétendre qu'il s'agit simplement d'un conflit territorial ou religieux entre deux parties belligérantes, et admettre la réalité de la situation dans laquelle un État au pouvoir disproportionné colonise, persécute et dépossède une population indigène sur la base de son appartenance ethnique.
3- Un test unique fondé sur les droits humains. Nous devons soutenir l'établissement d'un État unique, démocratique et laïque dans toute la Palestine historique, avec des droits égaux pour les chrétiens, les musulmans et les juifs et, par conséquent, assumer le démantèlement du projet colonialiste profondément raciste et la fin de l'apartheid sur l'ensemble du territoire.
4- Lutte contre l'apartheid. Nous devons rediriger tous les efforts et toutes les ressources des Nations unies vers la lutte contre l'apartheid, comme nous l'avons fait pour l'Afrique du Sud dans les années 1970, 1980 et au début des années 1990.
5- Retour et indemnisation. Nous devons réaffirmer et insister sur le droit au retour et à l'indemnisation complète de tous les Palestiniens et de leurs familles qui vivent actuellement dans les territoires occupés et au Liban, en Jordanie, en Syrie et dans la diaspora à travers le monde.
6- Vérité et justice. Nous devons appeler à un processus de justice transitionnelle, en utilisant pleinement les décennies d'enquêtes, d'investigations et de rapports accumulés par l'ONU, afin de documenter la vérité et de garantir que les coupables répondent de leurs actes, et qu'il y ait réparation pour toutes les victimes et des remèdes aux injustices qui auront été documentées.
7- La protection. Nous devons insister sur le déploiement d'une force de l'ONU dotée de ressources suffisantes et d'un mandat solide pour protéger les civils, du fleuve Jourdain jusqu'à la mer Méditerranée.
8- Désarmement. Nous devons plaider pour le retrait et la destruction des stocks massifs d'armes nucléaires, chimiques et biologiques d'Israël, de peur que le conflit ne mène à la destruction totale de la région et même possiblement au delà.
9- La médiation. Nous devons reconnaître que les États-Unis et les autres puissances occidentales ne sont pas des médiateurs crédibles, mais plutôt des parties au conflit qui sont complices d'Israël dans la violation des droits des Palestiniens, et nous devons les aborder en tant que tels.
10- La solidarité. Nous devons ouvrir grand nos portes (et celles du secrétariat général) à tous les défenseurs des droits humains palestiniens, israéliens, juifs, musulmans et chrétiens qui sont solidaires du peuple de Palestine et de ses droits humains. Et nous devons mettre fin au flux incontrôlé de lobbyistes israéliens qui assaillent les bureaux de l'ONU où ils prônent la poursuite de la guerre, de la persécution, de l'apartheid et de l'impunité, et dénigrent nos défenseurs des droits humains pour leurs positions de principe en faveur des droits des Palestiniens.
Il faudra des années pour y parvenir et les puissances occidentales nous combattront à chaque étape du processus. C'est pourquoi nous devons faire preuve de fermeté.
Tout de suite, nous devons travailler pour un cessez-le-feu immédiat, pour la fin du siège de Gaza et nous opposer au nettoyage ethnique à Gaza, Jérusalem, en Cisjordanie et ailleurs. Nous devons documenter l'assaut génocidaire à Gaza, contribuer à l'acheminement d'une aide humanitaire massive et à la reconstruction pour les Palestiniens. Nous devons prendre soin de nos collègues traumatisés et de leurs familles et nous battre comme des diables pour une approche reposant sur des principes dans les bureaux de l'ONU.
En tant que Haut-Commissariat des droits de l'homme, rejoignons avec audace et fierté le mouvement anti-apartheid qui se développe dans le monde entier, en ajoutant notre logo à la bannière de l'égalité et des droits de l'homme pour le peuple palestinien. Le monde nous observe.
Nous devrons tous rendre compte de notre position à ce moment crucial de l'histoire. Prenons le parti de la justice.
Je vous remercie, monsieur le Haut-Commissaire Volker, d'avoir écouté ce dernier appel. Dans quelques jours, je quitterai nos bureaux pour la dernière fois, après plus de 30 ans de service. Mais n'hésitez pas à me contacter si je peux vous être d'une quelconque assistance à l'avenir.
Je vous prie d'agréer monsieur le Haut-Commissaire, l'expression de mes salutations distinguées.
Craig Mokhiber
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Gaza : La famine comme méthode de guerre

Aujourd'hui, devant la Cour internationale de justice de La Haye, l'Afrique du Sud a accusé Israël de génocide. Au cœur de son argumentation, l'Afrique du Sud affirme qu'Israël détruit la population de Gaza en la privant de nourriture. L'article 2(c) de la Convention sur le génocide interdit la « soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ». Israël affirme que ces accusations sont « sans fondement ».
Tiré d'Europe solidaire sans frontière. Publié à l'origine par la London review of books du 11 janvier 2024. Photo : Des palestiniens reçoivent de la nourriture à un point de distribution à Rafah le 19 décembre 2023 © Mohammed Talatene/dpa/Alamy Live News.
Le système alimentaire de Gaza s'est complètement effondré. Le système de santé s'est effondré. Les infrastructures de base pour l'eau potable et l'assainissement se sont effondrées. Selon le Comité d'évaluation de la famine (FRC), la population de Gaza est confrontée à une réelle perspective de famine : sans action immédiate, une mortalité massive due à la faim ou à des épidémies se profile à l'horizon. Le FRC transmet ses évaluations à un groupe d'organisations humanitaires internationales qui gèrent un système d'alerte précoce connu sous le nom de cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC).
Comme je l'ai écrit dans le LRB à propos de la crise du Tigré, l'IPC identifie cinq phases d'(in)sécurité alimentaire : minimale, sous pression, crise, urgence et catastrophe/famine. On parle de famine dans une région donnée lorsqu'au moins 20 % de la population est touchée, qu'environ un enfant sur trois souffre de malnutrition aiguë et que deux personnes meurent chaque jour pour 10 000 habitants en raison de la famine pure et simple ou de l'interaction de la malnutrition et de la maladie. Les ménages peuvent être en phase 5 de la catastrophe même si la famine n'a pas été déclarée dans la région. Selon l'analyse la plus récente du FRC sur Gaza, datée du 21 décembre 2023, « au moins un ménage sur quatre (plus d'un demi-million de personnes) dans la bande de Gaza est confronté à des conditions d'insécurité alimentaire aiguë catastrophique ».
Une autre façon de diagnostiquer et de définir la famine consiste à déterminer le nombre de décès excédentaires imputables à la faim et à des causes connexes. Une « grande famine » est une famine au cours de laquelle 100 000 personnes ou plus meurent et une « famine majeure » correspond à un seuil de 10 000 décès excédentaires. Cette méthode est utile pour les famines historiques, mais pas pour les crises alimentaires en cours.
Save the Children a prévenu que les décès à Gaza dus à la famine et à d'autres causes pourraient bientôt dépasser les quelque 22 000 décès directement causés par l'assaut militaire. Les familles passent souvent un, deux ou trois jours sans manger. Les maladies infectieuses, qui sont souvent la cause immédiate de la mort des personnes mal nourries, se propagent. On estime que près de 70 % des logements ont été détruits ou endommagés. Peu de personnes ont accès à l'eau potable et encore moins à des toilettes. Le risque d'épidémies de maladies hydriques et d'autres maladies infectieuses est extrêmement élevé.
Si la catastrophe à Gaza se poursuit sur sa trajectoire actuelle, la prédiction d'une mort massive due à la maladie, à la faim et à l'exposition aux dangers se réalisera. Si l'aide humanitaire est fournie rapidement et à grande échelle, les décès dus à la faim et à la maladie se stabiliseront et diminueront, mais il faudra encore du temps pour revenir aux niveaux d'avant la crise. Même en cas de cessation immédiate des hostilités et d'acheminement de l'aide d'urgence, ainsi que d'efforts pour rétablir l'approvisionnement en eau, l'assainissement et les services de santé, la mortalité resterait élevée pendant des semaines ou des mois. Même dans ce cas, il s'agirait d'une « famine majeure », selon la définition de 10 000 décès ou plus. Une « grande famine », avec 100 000 morts ou plus, pourrait être envisagée si les hostilités et les destructions se poursuivent à leur niveau actuel.
Le crime de guerre de famine est défini dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale comme suit :
« Le fait d'affamer délibérément des civils comme méthode de guerre, en les privant de biens indispensables à leur survie, y compris en empêchant intentionnellement l'envoi des secours prévus par les Conventions de Genève. »
Les « biens indispensables à la survie » comprennent non seulement la nourriture, mais aussi l'eau, les médicaments et le logement. Il n'est pas nécessaire que les individus meurent de faim pour que le crime soit commis ; il suffit qu'ils aient été privés de « biens indispensables à la survie ». Human Rights Watch et d'autres ont conclu que les actions d'Israël à Gaza constituent le crime de guerre de famine.
Le général Giora Eiland, ancien chef du Conseil national de sécurité israélien, a écrit : « On pourrait nous demander si nous voulons que les habitants de Gaza meurent de faim. Ce n'est pas le cas… Il faut dire à la population qu'elle a deux choix : rester et mourir de faim, ou partir ». Il s'agit toujours d'un crime de famine.
La guerre de siège n'est pas en soi illégale, mais elle peut le devenir si elle prive de manière disproportionnée et systématique les civils de « biens indispensables à la survie ». Le siège de Gaza depuis 2006 est un cas controversé : Israël contrôlait presque totalement l'approvisionnement en nourriture, en eau, en médicaments et en électricité ; il décidait rigoureusement des produits autorisés à entrer dans la bande de Gaza, tout en s'efforçant de ne pas enfreindre le droit humanitaire international. Selon Dov Weisglass, conseiller du Premier ministre israélien de l'époque, Ehud Olmert, « l'idée est de mettre les Palestiniens au régime, mais pas de les faire mourir de faim ».
Au fil des ans, le siège a entraîné de graves privations. « Avant le conflit actuel, selon les conclusions des Nations unies publiées le mois dernier,
« 64 % des ménages de la bande de Gaza étaient en situation d'insécurité alimentaire ou vulnérables à l'insécurité alimentaire, et 124 500 jeunes enfants vivaient en situation de pauvreté alimentaire… » En outre, avant le début des hostilités le 7 octobre, l'UNRWA a signalé que plus de 90 % de l'eau à Gaza avait été jugée impropre à la consommation humaine.
C'est à partir de cette situation que Gaza a rapidement basculé dans la catastrophe. Le gouvernement israélien a agi en pleine connaissance des conditions humanitaires existantes et des effets de toute action qu'il a choisi d'entreprendre. Il en va de même pour le Hamas, mais cela n'est pas pertinent pour déterminer la responsabilité d'Israël. Le 9 octobre, le ministre de la défense, Yoav Gallant, a déclaré : « J'ai ordonné un siège complet de la bande de Gaza. Il n'y aura pas d'électricité, pas de nourriture, pas de carburant, tout est fermé ». Les minuscules quantités d'aide humanitaire autorisées par la suite à entrer dans Gaza n'atténuent ni la force de cette déclaration ni son impact.
Selon le cadre élaboré par David Marcus, professeur de droit à l'UCLA, il s'agit là d'une indication prima facie d'un « crime de famine » au premier degré. Même si la déclaration de Gallant ne reflète pas la politique de l'État ou la stratégie militaire, le fait que la campagne militaire d'Israël se soit poursuivie sans modification significative de ses méthodes après que les conséquences humanitaires sont devenues évidentes signifie que l'opération à Gaza est également un crime de famine au deuxième degré. Quoi qu'il en soit, réduire Gaza à une situation où la famine menace est non seulement un crime de guerre au sens du Statut de Rome, mais aussi un crime contre l'humanité.
L'IPC a été élaboré en 2004. En se référant à ses procédures et critères, des famines ont été déclarées en Somalie en 2011 et au Soudan du Sud en 2017. Dans d'autres cas, notamment en Éthiopie, au Nigeria et au Yémen, le FRC a identifié des conditions généralisées de la phase 4 de l'IPC (« urgence ») et a mis en garde contre une famine imminente si des mesures humanitaires immédiates n'étaient pas prises. La famine n'a pas été déclarée en Syrie, où l'IPC n'a pas recueilli de données. Dans le catalogue historique des famines et des cas de famine de masse, il est difficile de trouver un parallèle étroit avec la situation à Gaza. Peu de cas combinent un siège d'une telle ampleur avec une destruction aussi complète des « biens indispensables à la survie ». Le nombre absolu de personnes qui meurent à Gaza n'égalera pas celui des famines calamiteuses du XXe siècle, car la population touchée est moins nombreuse, mais le nombre proportionnel de morts pourrait être comparable.
La rigueur, l'ampleur et la rapidité de la destruction des « biens indispensables à la survie » et de l'application du siège dépassent tous les autres cas de famine provoquée par l'homme au cours des 75 dernières années. Le FRC prévient que la famine pourrait être généralisée dès le mois prochain. Des comparaisons peuvent être faites avec la famine forcée du Biafra (1967-70), le siège de Sarajevo (1992-95), la tactique « s'agenouiller ou mourir de faim » utilisée par le gouvernement Assad en Syrie et les crimes de famine perpétrés par les gouvernements de l'Éthiopie et de l'Érythrée dans le Tigré (2020-22).
Dans une typologie historique comparative, Bridget Conley et moi-même avons identifié neuf objectifs de la famine pour les acteurs politiques et militaires qui la perpètrent à grande échelle, dont les cinq premiers sont : l'extermination ou le génocide ; le contrôle par l'affaiblissement d'une population ; la prise de contrôle territorial ; l'élimination d'une population ; la punition. Pour le gouvernement israélien, affamer Gaza correspond sans aucun doute aux quatre dernières catégories. Si certaines déclarations de hauts responsables politiques israéliens doivent être prises au pied de la lettre et si Israël poursuit sa campagne sans relâche, après un avertissement sans équivoque relatif à la famine, les arguments en faveur de l'extermination et du génocide peuvent devenir convaincants. Pour mettre fin au crime de famine, il est essentiel de demander des comptes aux acteurs responsables, et Israël ne fait pas exception à la règle.
Alex de Waal, 11 janvier 2024
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Massacres, destruction généralisée, déportation, famine, répression… : 100 jours d’atrocités à Ghaza

Près de 24 000 Palestiniens ont été tués dans la Bande de Ghaza, en cent jours d'une campagne militaire d'une incommensurable sauvagerie. 35% des infrastructures urbaines de l'enclave dévastée ont été rasés de la carte.
Tiré d'Algeria Watch.
La guerre féroce déclenchée par Israël contre Ghaza, en représailles à l'opération « Déluge d'Al Aqsa », a bouclé hier son centième jour. Cent jours d'une violence inouïe durant lesquels l'armée sioniste, au prétexte de détruire Hamas, a commis une véritable boucherie dont la majorité écrasante des victimes sont des civils innocents, majoritairement des femmes et des enfants.
En 100 jours de frappes, de pilonnages et de destruction tous azimuts, la cartographie de Ghaza n'est plus que ruines et dévastation. Un incommensurable champ de désolation. L'organisation humanitaire Oxfam indiquait, il y a quelques jours, que le nombre moyen de morts à Ghaza depuis le début des attaques israéliennes dépasse et de loin tous les ratios des derniers conflits, même les plus meurtriers.
« L'armée israélienne tue des Palestiniens à un rythme moyen de 250 personnes par jour, ce qui dépasse largement le nombre de victimes quotidiennes de tout autre conflit majeur de ces dernières années », affirme cette ONG. D'après le dernier bilan communiqué hier par le ministère de la Santé à Ghaza, plus de 23 968 personnes ont perdu la vie dans l'enclave palestinienne durant ces 100 jours apocalyptiques, tandis que 60 582 ont été blessées.
« La mort, la destruction, le déplacement, la faim, la perte et le chagrin massifs de ces 100 derniers jours entachent notre humanité commune », s'est ému le chef de l'Unrwa, Philippe Lazzarini, depuis les entrailles déchiquetées de Ghaza.
Pour le directeur de l'agence onusienne d'aide aux réfugiés palestiniens, une « génération entière » d'enfants à Ghaza vont être « traumatisés » pour la vie. M. Lazzarini a évoqué également les autres fléaux qui accablent la population de l'enclave palestinienne en insistant sur les maladies infectieuses et la famine.
« La famine menace 800 000 Palestiniens »
A propos de ce dernier point, le bureau gouvernemental des médias à Ghaza a alerté samedi, à travers un communiqué, sur le fait que la « famine menace de mort la vie d'environ 800 000 Palestiniens dans la Bande de Ghaza ». Il a expliqué que le territoire encerclé « a besoin de 1300 camions de nourriture par jour », mais l'armée sioniste, dénonce-t-il, empêche l'entrée des aides humanitaires.
La même instance accuse l'occupant de « tirer sur les camions qui tentent d'accéder au territoire, de cibler les conduites d'eau potable et les puits, et de perturber tous les aspects de la vie ». Dans un article bien documenté publié hier, l'agence d'information palestinienne Wafa est revenue sur ces 100 jours épouvantables avec, à la clé, un inventaire exhaustif des atrocités subies par la population civile de Ghaza.
Outre le chiffre de près de 24 000 morts et de plus de 60 000 blessés enregistrés depuis le début de l'opération militaire israélienne, Wafa précise qu'il a été recensé parmi les victimes plus de 7000 femmes et quelque 10 300 enfants. A ceux-là s'ajoutent au moins 8000 disparus ensevelis sous les décombres des bâtisses détruites par les bombardements.
« Sont tombés aussi en martyrs suite à l'agression sans relâche de l'occupant en 100 jours, plus de 109 journalistes, 373 cadres médicaux, 148 fonctionnaires des Nations unies, 4257 élèves et 227 enseignants et administrateurs scolaires », énumère l'agence de presse palestinienne.
La même source cite également un rapport de l'ONG Save the Children qui affirme qu'« au moins 10 enfants perdent chaque jour leurs jambes dans la Bande de Ghaza ». L'ONG déplore le fait que « la plupart des interventions chirurgicales subies par les enfants ont été effectuées sans anesthésie faute de fournitures médicales ».
D'autres chiffres du Bureau central palestinien des statistiques relayés par l'agence Wafa donnent un aperçu de l'ampleur des destructions au niveau du tissu urbain et des infrastructures des villes palestiniennes d'El Qita'. « 290 000 unités d'habitation ont été endommagées dans la Bande de Ghaza du fait des frappes aériennes, terrestres et maritimes de l'armée d'occupation au long de ces 100 jours », rapporte Wafa.
Et de poursuivre : « Les attaques ont lourdement touché 65 000 logements qui sont devenus inhabitables. 25 010 bâtisses ont été totalement détruites. En outre, 145 mosquées et 3 églises ont été ciblées par les frappes. 30 hôpitaux sont hors service et 26 autres sont partiellement paralysés, à quoi s'ajoutent 121 ambulances détruites. »
Concernant les infrastructures pédagogiques, Wafa souligne que « 95 édifices représentant un établissement scolaire ou bien une université ont été entièrement détruits ; 295 écoles et universités ont été partiellement endommagées, et 130 structures de l'Unrwa ont été directement touchées par les frappes ».
« 35% des zones urbaines ont été rasées à Ghaza »
L'agence de presse palestinienne fait savoir par ailleurs que « 35% des zones urbaines ont été rasées de la surface de la terre à Ghaza », chiffre attribué au ministère palestinien des Travaux publics. Le même département assure que « 40% des infrastructures ont été totalement pulvérisées, parmi lesquelles des routes, des réseaux de distribution d'eau potable, d'assainissement, des réseaux de télécommunications et des câbles électriques ».
Concernant les personnes déplacées, « selon certaines estimations, 1,93 million de citoyens, soit 85% de la population de Ghaza, ont été déportés de force, et plusieurs d'entre eux ont changé plus d'une fois de refuge en quête de sécurité ».
« Il a été enregistré près de 1,4 million de déplacés internes répartis sur 155 abris de l'Unrwa », continue Wafa. Et de faire remarquer : « Le gouvernorat de Rafah est devenu la destination principale des déplacés, le territoire ayant reçu plus de 1 million de personnes. Il détient de ce fait la densité démographique la plus élevée. »
Des indications de l'Unrwa complètent le tableau : « 670 000 déplacés sont répartis sur 97 abris de l'Unrwa à Khan Younès et Deir El Balah, et 160 000 autres se sont réfugiés dans 57 abris au nord de la Bande de Ghaza, et ces derniers ne reçoivent pas d'aide humanitaire. »
Depuis plus de trois mois, les Ghazaouis sont ainsi dispersés entre camps de fortune et abris de l'Unrwa surpeuplés, et qui, bien souvent, ne sont pas épargnés par les raids meurtriers. « Avec l'arrivée de l'hiver, de nombreux camps d'hébergement abritant des dizaines de milliers de déplacés, ont été inondés du fait de la pénétration des eaux pluviales mélangées aux eaux usées », note Wafa.
Il convient d'insister sur le volume dérisoire des aides humanitaires qui parviennent à la population de Ghaza, celles-ci entrant au compte-gouttes du fait du blocus implacable imposé à l'enclave dévastée. « 80 à 120 camions transportant l'aide humanitaire seulement entrent quotidiennement à Ghaza, selon les estimations d'organisations caritatives, sachant que les besoins au sein de la Bande de Ghaza sont de 600 camions par jour », informe l'agence Wafa.
A signaler enfin, pour clore ce bilan tout à fait partiel et provisoire, l'ampleur de la répression qui s'abat sur le peuple palestinien, et qui a redoublé de terreur durant ces 100 jours infernaux. Selon l'Association des prisonniers palestiniens, pas moins de 5875 personnes ont été arrêtées en Cisjordanie.
Les campagnes d'arrestation ont touché 200 femmes et 355 mineurs, décompte arrêté à la fin décembre 2023, selon Wafa. L'Association des prisonniers palestiniens souligne par ailleurs que le nombre total de prisonniers dans les geôles israéliennes jusqu'à la fin de l'année 2023 est de 8800 personnes, précisant que le nombre de détenus avant le 7 octobre était de 5250.
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