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Pour une loi générale sur les violences sexuelles
La victime de viol attend-elle de la justice une reconnaissance de son traumatisme ou que la justice lui fasse revivre et amplifie ce traumatisme ? La réponse à cette question est évidente et, pourtant, la pratique judiciaire va à l'encontre de l'évidence. Il est temps d'améliorer le traitement judiciaire de ce crime trop ordinaire dans une loi générale sur les violences sexuelles.
Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/05/02/pour-une-loi-generale-sur-les-violences-sexuelles/
C'est le mythe de Sisyphe : les victimes de viol engagent des démarches dans l'espoir d'une reconnaissance des faits et de leurs souffrances mais la justice les ramène sans arrêt à leur traumatisme en le faisant revivre à travers la répétition du récit des faits, les confrontations, les expertises, les questions intrusives et suspicieuses…
Il est temps d'améliorer le traitement judiciaire de ce crime dans une loi générale sur les violences sexuelles, comprenant, d'une part, la redéfinition du viol et de l'agression sexuelle, et, d'autre part, l'effectivité de la procédure en prenant en compte le traumatisme des victimes.
Aujourd'hui, la loi ne prévoit pas que le viol ou l'agression sexuelle soit un acte « non consenti ». La loi laisse entendre : « dans le doute, si elle ne bouge pas, si elle ne dit pas non, je peux y aller ».
Pourtant, dans notre société le « non » ne peut pas toujours être librement exprimé : on peut être dominé économiquement, subir un contexte conjugal avec prégnance d'identités et/ou de comportements de genre, ainsi que d'autres types d'emprise. Quant à l'état de sidération, il caractérise l'incapacité à réagir de la victime ; on le retrouve dans 70% des cas, selon une étude suédoise.
Dès lors, exiger de « passer outre un refus » est inadapté pour caractériser un viol. Prouver la « violence, contrainte, menace ou surprise » exigée par le Code pénal est impossible dans certaines situations, notamment quand l'agresseur n'a pas eu besoin d'exercer une coercition active.
Le droit canadien, qui a introduit la notion de consentement dans sa définition du viol depuis plus de trente ans, nous ouvre la voie.
Concrètement, il ne s'agit pas de passer un contrat ; le consentement peut s'exprimer de multiples manières, y compris tacite. Mais dans la procédure canadienne, la personne mise en cause est questionnée sur les mesures raisonnables qu'elle a prises pour s'assurer du consentement de son partenaire. Si le mis en cause se contente de répondre qu'il l'a lu dans son regard par exemple, on peut en déduire qu'il ne s'est pas suffisamment assuré que la victime était consentante.
Cette interrogation supplémentaire sur le consentement laisse les magistrats se focaliser plus précisément sur la stratégie et le passage à l'acte de l'agresseur, sans pour autant écarter l'examen des circonstances entourant l'acte sexuel à savoir « violence, contrainte, menace ou surprise ».
Précisons que la France est signataire de la Convention d'Istanbul du 11 avril 2011 [11], de portée obligatoire, qui prévoit que : « Le consentement doit être donné volontairement comme résultat de la volonté libre de la personne considérée dans le contexte des circonstances environnantes. » mais n'a pas pour autant adapté son droit interne.
C'est pourquoi une redéfinition du viol et de l'agression sexuelle, ajoutant la notion de consentement ou d'accord volontaire, est nécessaire.
Mais cette redéfinition, bien que nécessaire, ne suffit pas ; elle doit s'intégrer dans une loi générale sur le traitement des violences sexuelles. Evidemment, les moyens mis en œuvre dans les enquêtes préliminaires pour les violences sexuelles devraient être augmentés. Actuellement certaines procédures peuvent durer 7 à 8 ans jusqu'à la mise en accusation, ce qui affaiblit le poids des preuves et des témoignages qui deviennent fragiles avec le temps. La recherche des éléments probants est aussi, souvent insuffisante.
Il ne s'agit bien évidemment pas de mettre à mal la présomption d'innocence ni les droits de la défense, mais d'interroger l'équilibre de notre procédure pénale au regard de l'obligation de mener une enquête effective (telle que rappelée par la Cour Européenne des Droits de l'Homme – arrêt CEDH De Giorgi c. Italie, 16 juin 2022) avec un autre principe : la protection des victimes, souvent malmenées par la procédure (arrêt CEDH c Russie 7 févr. 2023).
Une loi générale sur les violences sexuelles s'impose pour une véritable amélioration du traitement judiciaire dans le respect de la personne victime fragilisée par les violences subies, avec pour objet avec pour objectif :
* une redéfinition des viols et agressions sexuelles prenant en compte le consentement,
* des moyens d'enquête renforcés,
* la création de centres d'accueil d'urgence pluridisciplinaires,
* la réduction de la répétition du récit, et les confrontations,
* l'audition de la victime à l'audience hors la présence du mis en cause si besoin,
* les expertises par des victimologues pour renforcer la parole de la victime,
* la prescription glissante pour les majeurs et l'imprescriptibilité pour les mineurs,
* l'interdiction de poser des questions et d'émettre des propos reprenant des stéréotypes de genre (vie intime ou mauvaise réputation de la victime),
* des formations sur les stéréotypes de genre pour compléter la formation des professionnels.
Notre pratique judiciaire peut et doit être améliorée. Encore faut-il qu'avocats, magistrats, politiques en prennent l'initiative, en ressentent l'impérieuse nécessité ou éprouvent « l'espoir d'un monde différent et qui pourrait être meilleur » (Benoîte GROULT).
[1] Entrée en vigueur en France le 1er novembre 2014
Carine Diebolt, avocate de victimes de violences sexuelles
https://blogs.mediapart.fr/sur-les-violences-sexuelles-par-carine-diebolt-avocate/blog/270424/pour-une-loi-generale-sur-les-violences-sexuelles
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Tunisie : Million de Femmes Rurales soutient les luttes pour la terre à Siliana
Le mouvement d'occupation des terres domaniales a débuté à Chouaïgui et Dakhla, dans le gouvernorat de Manouba. C'est là que l'Association Million de Femmes Rurales et les Sans-Terre a vu le jour, en dirigeant les mouvements et les protestations des paysan·nes sans terre pour récupérer les terres de leurs ancêtres et les soustraire aux mains des investisseurs capitalistes qui exploitent illégalement des centaines de milliers d'hectares.
Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/05/05/tunisie-million-de-femmes-rurales-soutient-les-luttes-pour-la-terre-a-siliana/
Cette mobilisation a entraîné une campagne de répression et d'emprisonnement, par crainte du pouvoir de voir se reproduire l'expérience réussie de Jemna, où les paysan·nes ont revendiqué et transformé ces terres en un paradis au service de la communauté.
L'expérience de Dakhla-Chouaïgui a suscité le soutien et l'engagement des avocats et des militant·es, avec à leur tête le martyr Chokri Belaïd.
En 2021, un groupe de femmes et d'hommes paysan·nes a lancé un mouvement pour récupérer des terres des investisseurs spéculateurs à Siliana, notamment à Henshir Laqasba. Des dizaines de travailleur·euses et agriculteur·rices y ont organisé un sit-in qui a duré des mois, entraînant une série d'arrestations et de procès impliquant neuf paysan·nes, dont leur camarade Turkia Chaibi, présidente de l'Association Million de Femmes Rurales et les Sans-Terre, qui les a soutenus et encadrés. Ce procès se poursuit depuis 2021.
La réponse a été l'organisation, avec la création d'une antenne régionale de l'Association Million de Femmes Rurales et les Sans-Terre à Siliana et cinq branches locales dans les profondeurs de Fériana. La solution réside dans l'organisation, la formation et l'éducation, avec l'organisation par l'association de sessions de formation en agriculture écologique et en promotion des droits des paysan·nes basés sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales (UNDROP).
Le 17 avril 2024, le procès en appel a coïncidé avec la Journée internationale des luttes paysannes. En conséquence, environ 100 paysan·nes membres de l'association et leurs partisans de plusieurs régions de Siliana se sont rassemblé·es devant le tribunal pour demander l'arrêt des poursuites judiciaires et la justice pour les paysan·nes. Ensuite, iels se sont dirigé·es vers le lieu de départ du sit-in, Henshir Laqasba, où ils ont été accueilli.es par les habitant.es et ont organisé une réunion publique où des discours ont été prononcés, notamment celui de Turkia Chaibi, qui a rappelé le 17 avril comme jour commémoratif des paysan·nes martyr·es ce jour-là, et a mis en lumière le mouvement de Million de Femmes Rurales et les Sans-Terre.
Des slogans ont été scandés devant le tribunal et au lieu du sit-in.
Les principaux slogans étaient :
Terre, Liberté, Dignité Nationale
Arrêtez les poursuites, mettez fin aux poursuites
Droit d'accès à la terre
Vive le 17 avril, journée internationale des luttes paysannes
l'Association Million de Femmes Rurales
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Les féministes en défense de Bochra Bel haj Hmida pour préserver les droits, les libertés et nos acquis
Nous, militantes de l'association tunisienne des femmes démocrates, réunies d'urgence en commission élargie, après que le comité de défense de l'association nous ait informées du contenu de l'ordonnance de clôture de l'instruction dans l'affaire dite du complot contre la sûreté de l'Etat, faisons état de notre profonde consternation quant au degré d'atteinte aux libertés et à l'absence totale de respect des standards du procès juste et équitable ainsi que de l'indépendance de la justice.
Tiré de Entre les lignes et les mots
L'instruction s'est clôt par la mise en accusation d'une quarantaine de personnalités politiques et de défenseur.e.s tunisiens des droits humains pour des crimes de terrorisme, de complot, d'offense au chef de l'Etat et d'autres crimes dont les peines peuvent aller jusqu'à la peine de mort, confirmant ainsi les rumeurs qui sont parvenues à l'association quant à la mise en accusation pour de tels crimes de leur ancienne présidente et fondatrice. L'association n'avait alors pas manqué de mettre en garde contre toute éventuelle implication de son ancienne présidente, la militante Bochra Bel haj Hmida, dans cette affaire concoctée de toutes pièces pour discréditer toutes les familles politiques et vider la scène politique de toute opposition au président de la République. Affaire qui n'est que dans la continuité du 25 juillet 2021 et de l'exercice de représailles sur tous ceux et toutes celles qui se sont opposé.e.s par des modalités variées et non violentes à l'abrogation de la Constitution de 2014, à la remise en cause de tous les acquis démocratiques dont la liberté d'expression et des composantes de l'Etat de droit. Après avoir pris connaissance de l'ordonnance de clôture de l'instruction, nous n'avons plus de doutes sur cette politique répressive tant celle-ci contient d'irrégularités et d'incohérences dont la seule explication est que la justice ne répond plus à aucun critère d'indépendance. A L'absence de respect de la procédure, au non-respect des standards minimum du procès juste et équitable, les autorités qui ont mis la justice au pas n'ont même pas daigné étayer la mise en accusation par des faits ou des éléments de droit pouvant imputer l'un quelconque de ces crimes à Bochra Bel haj Hmida et aux autres prévenu.e.s. Parce que le seul élément sur lequel se base la mise en accusation est que Bochra Bel haj Hmida a reçu la légion d'honneur française, laquelle a été attribuée à des centaines de tunisiens et de tunisiennes, il s'agit de fausses accusations de crimes dont elle est innocente.
Bochra Bel haj hmida a consacré sa vie entière à défendre les libertés publiques et individuelles ainsi que l'égalité. Députée dans le premier parlement élu après la révolution, elle a contribué à la réalisation de plusieurs acquis dont l'un des plus importants est l'adoption de la loi 2017-58 relative à l'élimination des violences contre les femmes et les enfants. Son parcours militant et professionnel, sa présidence la commission libertés individuelles et égalité (COLIBE), son engagement pour la défense des droits humains et ce, depuis plus de quatre décennies, lui ont valu sa grande popularité et la reconnaissance des institutions que ce soit en Tunisie ou à l'étranger.
La militante Bochra Bel haj Hmida a cessé toute activité partisane à la fin de son mandat parlementaire en 2019 et n'est restée présente sur la place publique qu'en tant qu'activiste en défense de la démocratie, des droits des femmes et des droits humains comme elle l'a toujours fait et ce, depuis les années 80. Quant aux malversations financières qui lui sont faussement imputés, sans preuve aucune, elles ne relèvent que de la volonté de discréditer auprès de l'opinion publique toute personne qui porte le projet sociétal progressiste et démocratique.
L'intégration de notre amie et camarade dans la liste des prévenus en fuite alors qu'elle n'a reçu aucune convocation légale ajoute à notre consternation de la voir mise en accusation pour terrorisme et complot, elle qui est connue depuis les années 80 pour son engagement non violent et résolu en faveur des droits humains et contre la peine de mort, elle qui a été l'une des cibles des terroristes. Elle encourt aujourd'hui la peine capitale, peine contre laquelle nous avons toujours mis en garde parce que nous savions qu'elle serait utilisée à des fins politiques par toutes les dictatures pour liquider les opposants et terroriser la population.
L'ordonnance de clôture de l'instruction est d'autant plus incohérente et absurde qu'elle commence par prononcer un non-lieu au profit de Bochra Bel haj Hmida pour absence de preuve ou de présomptions permettant de lui imputer l'un quelconque de ces crimes. Par la suite et dans cette même décision, elle est mise en examen pour pas moins de 17 crimes. Décider d'une chose et de son contraire n'est que la preuve d'une justice sous les ordres d'un régime qui n'hésite pas à exercer des représailles sur les juges qui tentent de maintenir un tant soit peu leur indépendance.
Au vu de ce qui précède, l'Association Tunisienne des Femmes Démocrates déclare :
Sa fierté du parcours de la militante Bochra Bel Haj Hmida et de sa contribution passée et future à la consécration de l'égalité et des libertés et pour toutes les distinctions qui lui ont été attribuées du public ou des institutions, nationales ou étrangères, lesquelles ne sont qu'une reconnaissance minime de son combat contre toutes les formes de domination, de répression, d'injustice et de discrimination.
Sa solidarité inconditionnelle avec son ancienne présidente Bochra Bel Haj Hmida conforme à son approche féministe basée sur la solidarité avec toutes les victimes de la tyrannie politique et de l'injustice sociale et annonce son engagement ferme à la défendre en droit et par l'activisme basé sur les droits humains et ce, afin de préserver sa liberté, son retour sauf et digne à son pays et à son militantisme habituel pour les droits, l'égalité et les libertés.
Qu'il faut mettre fin aux arrestations et aux fausses accusations de toutes les voix critiques ou d'opposition et de prononcer un non-lieu à leur profit, d'infirmer l'ordonnance de clôture de l'instruction dans la dite affaire de complot contre la sûreté de l'Etat dont les incohérences et l'inconsistance portent atteinte à la crédibilité et à l'intégrité de l'institution judiciaire.
Son refus catégorique des procès politiques qui visent les activistes politiques et les défenseur.e.s des droits humains et dont l'objectif est de les éloigner de la place publique et de leur lutte pour la démocratie et des droits humains ; Et pour que cessent le harcèlement des centaines de tunisiens et de tunisiennes incarcérés ou contraints à l'exil et les procès faits aux apposant.e.s sans garantie aucune d'un procès juste et équitable ainsi que l'utilisation de la justice à des fins politiques.
Sa ferme disposition à la défense en droit et à l'activisme basé sur les droits humains pour une justice indépendante, un Etat de droit et une vie politique plurielle garantissant le droit à l'existence réelle d'une opposition pacifique, libre, sans atteintes aux libertés d'opinion et de réunion.
Invite toutes les organisations féministes, de défense des droits humains, de la culture et des jeunes de prendre acte de la gravité de la situation que traverse notre pays et de se mobiliser, solidaires, contre l'autoritarisme qui menace la stabilité de la Tunisie et l'union des tunisiennes et des tunisiens.
Pour l'association tunisienne des femmes démocrates,
Sa présidente,
Neyla Zoghlami
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Communauté internationale dites-vous ?
Les journaux d'ici et d'ailleurs utilisent encore souvent le terme « communauté internationale » pour représenter un groupe de pays exprimant une prise de position ou un jugement à l'encontre d'un ou plusieurs autres pays. Seulement en avril, le terme s'est par exemple retrouvé quinze fois dans les pages du Devoir, neuf fois dans celles du Journal de Montréal et une fois dans celles d'Acadie Nouvelle.
Le terme « communauté internationale », faut-il le rappeler, n'a pas de fondement juridique. Il ne regroupe ni l'ensemble des habitants de la planète, ni l'ensemble des pays du globe. Il est d'ailleurs insensé que ce terme, qui se veut par définition regrouper tous les pays ou tous les habitants de la planète, puisse servir à condamner, comme c'est souvent le cas, un pays ou un groupe de pays ou d'habitants qui font eux-mêmes partie de son entièreté. Imaginerions-nous par exemple, dans un groupe plus restreint, la France, l'Allemagne, l'Italie, la Suisse et l'Autriche réprimander politiquement l'Italie et la Suisse ?
Sans compter que le mot « communauté », qui est un mot à connotation positive qui suggère l'intérêt commun de ses membres, est presque toujours utilisé ici de façon négative en mettant en opposition deux parties de son tout. La preuve, encore une fois, dans cet enchevêtrement de contradictions, que le ridicule ne tue pas !
Mais en fait, ce qui pose bien davantage problème, particulièrement en terme de communication et plus encore de désinformation, c'est qu'on ne sait jamais clairement quels pays sont ainsi compris dans cette supposée « communauté internationale » s'opposant à un pays ou à groupe de pays.
De notre point de vue occidental et à la lumière des textes dans lesquels on retrouve ce terme, il appert qu'il s'agit le plus souvent :
* soit des États-Unis et de ses États vassaux ou de ses alliés de circonstance,
* soit du G7 (dominé bien sûr par les États-Unis),
* soit des pays de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, (l'OTAN, cette détestable organisation militaire, sous la coupe des États-Unis, qui sème la pagaille en Europe),
* soit parfois du G20,
* ou soit encore – plus rarement - des pays membres de l'Organisation des Nations unies (ONU), ce qui relève encore une fois de l'absurdité, puisque cette organisation regroupe essentiellement tous les pays du monde.
C'est probablement le linguiste et philosophe américain Noam Chomsky qui définit le mieux ce terme tel qu'il est utilisé dans nos journaux et par nos politiciens : « Lorsque le terme communauté internationale est utilisé en Occident, écrit-il, la communauté internationale désigne les États-Unis et quiconque va dans son sens. » Il arrive donc ainsi que cette soi-disant communauté internationale ne regroupe en fait… que les États-Unis.
Ne serait-t-il pas beaucoup plus honnête, de la part de nos journaux et des agences de presse, de toujours définir clairement à quels pays on fait précisément référence dans tel ou tel article ? À titre d'exemple, une nouvelle comme « La communauté internationale a accusé l'Iran… » pourrait devenir en réalité : « Les États-Unis, la Grande-Bretagne, le Canada et Israël ont accusé l'Iran… ».
Il serait d'ailleurs intéressant, dans le cas qui suit, de connaître à qui l'on fait expressément référence quand on écrit « La communauté internationale demande à la Chine, à l'Inde et à d'autres pays de réduire... », cette « communauté internationale » n'incluant nécessairement pas ici ces deux pays, la Chine et l'Inde, qui sont les plus populeux de la planète, ni un certain nombre d'autres pays...
L'utilisation fréquente de ce terme imprécis - la communauté internationale – nous offre en fait une fausse image du monde. Elle est malhonnête et trompeuse et s'inscrit bien davantage dans une tentative de brouiller les pistes, de désinformation en somme, et de propagande, que de nous bien informer. Les journaux, qui ont mission de nous informer et de bien nous informer, devraient en prendre note !
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L’originalité et l’importance de la 1re conférence mondiale anti fasciste qui se réunit à Porto Alegre du 17 au 19 mai 2024
Nous ne sommes qu'au début d'un processus et l'issue positive n'est pas garantie. Ce qui est garanti, c'est que si on n'essaye pas de construire un puissant mouvement international contre l'extrême-droite, celle-ci a de fortes chances de poursuivre sa progression et de s'enhardir. Les divisions au sein de la gauche dans les différents continents constituent un élément important de la faiblesse de la riposte face à la montée de l'extrême-droite.
3 mai 2024 | tiré du site du CADTM
Quelle est l'originalité de la conférence qui se déroule à Porto Alegre du 17 au 19 mai 2024 ?
Au cours des dernières années, face à la (re)montée de l'extrême-droite au niveau mondial plusieurs conférences internationales ont eu lieu. Généralement, elles étaient organisées par un parti politique ou par une même famille politique, ou encore par une fondation particulière, par exemple la Fondation Rosa Luxembourg.
L'originalité de la présente initiative : elle est organisée par plusieurs partis et a le soutien d'autres partis politiques de gauche qui ont mis de côté pour cette occasion les désaccords qui les séparent. En l'occurrence, deux partis de gauche qui ont une histoire différente, le PT et le PSOL de Porto Alegre, capitale de l'État de Rio Grande do Sul, se sont mis d'accord pour convoquer ensemble cette conférence et constituer un comité organisateur local unitaire. Ils ont obtenu le soutien de leur organisation nationale. C'est la première originalité. Ce n'est pas banal quand on sait combien la gauche est divisée aux quatre coins de la planète.
La deuxième originalité : d'autres partis de gauche leur ont emboîté le pas et soutiennent cette conférence, il s'agit notamment du Parti Communiste du Brésil (PCdoB d'origine maoiste) et de l'Unité populaire.
Lire aussi :CONTRE LE FASCISME !
La troisième originalité : d'importants mouvements sociaux apportent leur soutien actif, il s'agit du Mouvement des Sans Terre (MST, membre de La Via Campesina) et des syndicats, comme ceux des personnels de l'enseignement (CEPRS), des personnels technico-administratifs des universités (Assufrgs) et la Centrale unique des Travailleurs (CUT) de l'État de Rio Grande do Sul. D'autres mouvements sociaux soutiennent également.
La quatrième originalité : tous les continents et presque toutes les grandes régions du monde seront représenté-es même si c'est de manière inégale. Il y aura des délégué·es d'Amérique du Nord, de toute (ou presque) l'Amérique latine et de la Caraïbe, d'Afrique du Nord et de la région « arabe », d'Afrique subsaharienne, d'Europe, d'Australie,…
La cinquième originalité : des réseaux internationaux comme le CADTM ou les ATTAC, des fondations comme CLACSO (le Conseil latino-américain de Sciences Sociales), le Transnational Institute basé à Amsterdam ou la Fondation Copernic basée en France seront également présents. Des organisations ou des forums politiques internationaux seront là : le Forum de Sao Paulo, la Quatrième internationale, la Ligue Internationale Socialiste (LIS), la Tendance socialiste internationale (IST en anglais) et, comme on l'espère, l'Internationale progressiste et probablement d'autres. De France, La France Insoumise et le NPA seront présents ; de l'État espagnol, Anticapitalistas, la CUP (Catalogne) et ATTAC ; du Portugal le Bloc de gauche (Bloco de Esquerda),… Des Etats-Unis : DSA (Democrat Socialist of America). D'Australie : Green Left (Gauche Verte). D'Argentine : Mouvement socialiste des Travailleurs/euses, Libres del Sur, Unidad Popular, Marabunta, MULCS, FOL, CPI, et aussi l'Autoconvocatoria pour la suspension du paiement de la dette, la Revue Crisis, ATTAC-CADTM Argentine, les économistes de gauche, des syndicats comme la CTA. Pour voir la liste des « personnalités » dont la participation est confirmée, visiter https://antifas.org/appel/ (la liste déroulante se trouve en bas du programme).
La sixième originalité : alors que dans le cadre des Forums sociaux mondiaux et de leurs homologues au niveau des continents les partis politiques ne sont pas admis en tant que tels, dans le cas présent partis politiques, mouvements sociaux, associations citoyennes seront présent·es ensemble.
Septième originalité : il ne s'agit pas seulement d'interpréter le monde de l'extrême-droite, il s'agit d'essayer de lancer une initiative pour tenter de changer la situation. Certes, ce sera de manière modeste car nous ne sommes qu'au début du processus, mais si l'étape de Porto Alegre est encourageante, on pourra progresser pas à pas. Cela impliquera de surmonter les divisions qui affaiblissent dramatiquement la gauche pour faire face à l'extrême-droite.
Comment se passent les préparatifs à Porto Alegre ?
C'est très encourageant de constater qu'à la date du 2 mai 2024, deux semaines avant le début de la conférence, il y a 1376 personnes qui se sont inscrites via le site https://antifas.org/ pour participer en présentiel. Plusieurs organisations syndicales de Porto Alegre mettent des logements collectifs et des salles de réunion à la disposition de la conférence. Ils mettent également des bus pour transporter des personnes des quartiers populaires vers le lieu de départ de la marche d'ouverture qui aura lieu le vendredi 17 mai à partir de 18H00. Des milliers de participant-es sont attendus à cette marche. Cela aussi, ce n'est pas banal, car ces derniers temps, la gauche n'a pas réuni de grandes concentrations au Brésil. Et dans le monde, on n'a pas connu récemment de grandes manifestations de rue contre l'extrême droite, sauf en Allemagne en début d'année 2024. Bien sûr et c'est encourageant, il y a, sur toute la planète, les massives mobilisations en solidarité avec le peuple palestinien face au gouvernement d'extrême-droite de Netanyahu. D'ailleurs, lors de la conférence de Porto Alegre, on fera le lien avec les mobilisations qui touchent massivement les campus universitaires des Etats-Unis.
Il faut souligner également que dans d'autres États que celui de Rio Grande do Sul, des initiatives unitaires sont prises en préparation de la conférence de Porto Alegre, c'est le cas notamment dans l'État de Ceara.
Quelles sont les activités au programme de la conférence outre la manifestation du 17 mai ?
Il y a aura 8 assemblées plénières successives organisées sous la responsabilité du comité organisateur local entre le samedi 18 au matin et le dimanche 19 mai après-midi. Et en plus il y aura des dizaines d'activités auto organisées. Voir le programme des plénières : https://antifas.org/appel/ Il y aura probablement des visites de terrain pour les participant·es qui arriveront avant que commence la conférence ou qui resteront après le dimanche 19 mai. Il y aura également des activités culturelles. Il faut préciser que le PT et le PSOL sont dans l'opposition au niveau de la capitale Porto Alegre et dans l'Etat de Rio Grande do Sul dominés par la droite. Toute la logistique est organisée sans aucun soutien institutionnel. Tout passe par des efforts militant·es et par le soutien financier apporté par les organisations politiques et sociales qui soutiennent cette initiative.
Pourquoi la ville Porto Alegre constitue-t-elle un bon endroit pour cette conférence et pour lancer un processus qui devrait gagner en force par la suite ?
Porto Alegre a été le berceau en 2001 du Forum Social Mondial qui s'y est réuni à plusieurs reprises avec une participation très nombreuse : jusqu'à 100 000 participant-es. C'était bien sûr une autre époque : on était à l'apogée de grandes mobilisations internationales contre l'offensive capitaliste néolibérale et y est né ce qu'on a appelé le mouvement altermondialiste ou alter globaliste avec comme thèmes : « Un autre monde est possible. » « Le monde n'est pas une marchandise. » Ensuite le FSM et ces grandes mobilisations ont décliné. Dans un contexte franchement défavorable avec une montée massive de l'extrême-droite et un recul de la gauche à beaucoup d'endroits de la planète, il s'agit d'essayer de contribuer à relancer une dynamique d'accumulation de forces. Cela ne sera pas facile. Prendre un nouveau départ à partir de Porto Alegre berceau du forum social mondial est donc un bon choix.
Lire aussi :Ire Conférence Internationale Antifasciste
Il y a une deuxième raison pour considérer que Porto Alegre est le bon endroit pour tenir cette première conférence : la relative proximité avec l'Argentine (par la route il y a environ 1 300 km, moins de 1 000 si on passe par l'Uruguay). Il est possible de se déplacer par la route en transport collectif pour se rendre de Buenos aires ou d'autres parties de l'Argentine vers Porto Alegre. Une douzaine d'organisations argentines de gauche se coordonnent pour envoyer deux autobus à Porto Alegre soit une centaine de militant·es. La présence active des camarades d'Argentine est particulièrement fondamentale vu qu'y sévit le gouvernement de Javier Milei qui tente de mettre en œuvre un programme de choc contre les conquêtes sociales et qui se réclame clairement des idées d'extrême droite.
La troisième raison : dans cette ville le PT et le PSOL sont alliés et ont surmonté leurs divergences par exemple pour se présenter ensemble aux élections municipales qui auront lieu en novembre 2024. Ils ne sont pas seuls il y aussi avec eux le PCdoB, le parti REDE,… Il y a également le soutien des mouvements sociaux comme le MST et les syndicats.
Pourquoi réunir une telle conférence en 2024 et pourquoi au Brésil ?
Cela fait un moment qu'on aurait dû réunir une telle conférence. En effet, il faut se rappeler que Bolsonaro et ses partisans ont tenté en envahissant les centres des trois pouvoirs judicaire, législatif et exécutif à Brasilia le 8 janvier 2023 de faire un remake du 6 janvier 2021 organisé par Trump et ses soutiens lorsqu'a été envahi le congrès à Washington. On a pu avoir la confirmation dès ce moment que Bolsonaro était en train de préparer son retour en déstabilisant le gouvernement de Lula à peine élu. D'ailleurs Bolsonaro et ses partisan·es viennent de refaire en février 2024 avec une manifestation de près de 200 000 personnes à Sao Paulo, la démonstration qu'ils peuvent mobiliser massivement leurs partisans dans les rues. La gauche a montré en s'unissant électoralement qu'elle pouvait battre Bolsonaro dans les urnes mais la victoire a été très courte et les Brésilien·nes ne se sont pas débarrassés définitivement de Bolsonaro et de l'extrême-droite, loin de là. Plus récemment, à la fin 2023, il y a eu la victoire électorale de Javier Milei en Argentine, c'est un autre signal d'alerte de très grande gravité sur le plan continental.
Au cours de cette année 2024, l'extrême droite qui vient de marquer des points dans plusieurs pays d'Europe entre fin 2023 et avril 2024, notamment aux Pays Bas, au Portugal, en Allemagne… va encore se renforcer lors des élections européennes de juin 2024 et dans d'autres élections nationales. De même, le gouvernement d'extrême droite de Modi risque bien de sortir renforcer des élections de mai en Inde. Bukele au Salvador a été réélu début 2024, Poutine a été réélu et bien sûr il y a le risque d'une victoire électorale de Trump aux élections présidentielles d'octobre 2024. Sans oublier le génocide en cours perpétré contre le peuple palestinien par le gouvernement fascisant de Netanyahu.
Pour tout cela en 2024, il était plus que temps de lancer une initiative de portée internationale et le Brésil est un bon endroit pour le faire.
L'extrême droite est-elle à l'initiative au niveau international ?
Manifestement, l'extrême-droite profite de la crise capitaliste dans ses différentes formes pour progresser et exprimer qu'elle a le vent en poupe au niveau international. Des réunions de l'extrême-droite se multiplient au niveau international et le fait qu'elle soit à la tête de gouvernements lui donne des ailes. L'investiture de Milei fin 2023 a été une occasion de plus de montrer la convergence, malgré leur diversité, entre Victor Orban premier ministre hongrois, Donald Trump, Bolsonaro, Netanyahou, l'extrême droite espagnole,… En juillet 2024, des représentant·es de l'extrême-droite se réuniront à Sao Paulo.
Et dans le futur ?
Si jamais l'alliance PT-PSOL gagnait la mairie de Sao Paulo aux élections d'octobre 2024, la capitale économique du Brésil pourrait peut-être accueillir en 2025 une deuxième conférence anti fasciste. Pourquoi pas ? Et si ce n'est pas le cas, il faudra trouver un lieu approprié pour poursuivre l'effort entamé.
Ce qui serait aussi très utile, ce serait d'avoir des initiatives continentales ou par grandes régions. Après le choc que va provoquer le renforcement de l'extrême-droite dans le parlement européen, y aura-t-il une réaction salutaire de la part d'un nombre significatif de forces de gauche afin de convoquer une grande conférence européenne unitaire ? Et en Amérique du Nord (Etats-Unis, Canada, Mexique,…), la gauche pourrait-elle organiser elle aussi une initiative ? D'autres régions de la planète pourraient voir naître des initiatives…
Quelles sont les difficultés à surmonter pour lancer un processus puissant ?
Nous ne sommes qu'au début d'un processus et l'issue positive n'est pas garantie. Ce qui est garanti, c'est que si on n'essaye pas de construire un puissant mouvement international contre l'extrême-droite, celle-ci a de fortes chances de poursuivre sa progression et de s'enhardir. Les divisions au sein de la gauche dans les différents continents constituent un élément important de la faiblesse de la riposte face à la montée de l'extrême-droite. Parmi les nombreux problèmes qui surgissent dans la tentative de construction d'une grande initiative unitaire, on peut mentionner les problèmes suivants : la volonté de privilégier sa propre construction en tant que force politique ; le refus d'aider au succès d'une initiative à vocation unitaire par la crainte que cela renforce un concurrent politique ; la résistance à faire l'unité avec des partis dont la politique au gouvernement favorise des désillusions qui amènent une partie de l'électorat de gauche ou les primo votant à porter leurs suffrages vers la droite ; l'absence de collaboration antérieure, la difficulté de mettre ensemble partis, mouvements sociaux et associations citoyennes ; à mettre ensemble organisations et individus… Tout cela correspond à des problèmes bien réels et il n'est pas facile de les surmonter. D'ailleurs dans la construction d'un vaste mouvement international contre l'extrême droite, il faut être capable de débattre de ces problèmes, de les comprendre, pour tenter de les résoudre ou de les mettre provisoirement de côté afin de renforcer les convergences sur une plate-forme unitaire opératoire.
L'adoption d'une telle démarche de front unique n'implique pas du tout que chaque organisation renonce à son autonomie, son programme et son action. Pour les anticapitalistes, le fait de construire une alliance anti-extrême droite, antifasciste, qui peut inclure des partis de gauche qui participent à des gouvernements, qui pratiquent la collaboration de classe, devrait aller de pair avec le fait de redoubler d'efforts pour rendre crédibles une perspective et une pratique révolutionnaire. De toute manière, réussir à faire face à la montée de l'extrême droite dépendra de la capacité à développer de grandes mobilisations populaires et à aider à ce qu'elles aboutissent à des changements politiques en rupture avec le système capitaliste favorisant une issue écologiste socialiste (« écosocialiste »), féministe, antiraciste, internationaliste…
Auteur
Eric Toussaint Docteur en sciences politiques des universités de Liège et de Paris VIII, porte-parole du CADTM international et membre du Conseil scientifique d'ATTAC France.
Il est l'auteur des livres, Banque mondiale - Une histoire critique, Syllepse, 2022, Capitulation entre adultes : Grèce 2015, une alternative était possible, Syllepse, 2020, Le Système Dette. Histoire des dettes souveraines et de leur répudiation, Les liens qui libèrent, 2017 ; Bancocratie, ADEN, Bruxelles, 2014 ; Procès d'un homme exemplaire, Éditions Al Dante, Marseille, 2013 ; Un coup d'œil dans le rétroviseur. L'idéologie néolibérale des origines jusqu'à aujourd'hui, Le Cerisier, Mons, 2010. Il est coauteur avec Damien Millet des livres AAA, Audit, Annulation, Autre politique, Le Seuil, Paris, 2012 ; La dette ou la vie, Aden/CADTM, Bruxelles, 2011. Ce dernier livre a reçu le Prix du livre politique octroyé par la Foire du livre politique de Liège.
Il a coordonné les travaux de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015 par la présidente du Parlement grec. Cette commission a fonctionné sous les auspices du parlement entre avril et octobre 2015.
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Décision historique : les communautés indigènes et les assemblées socio-environnementales arrêtent les compagnies minières de lithium
Dans un coup dur pour les multinationales du lithium et le gouvernement de Catamarca, la plus haute cour provinciale a interdit la délivrance de nouveaux permis et exigé la réalisation d'études d'impact pour tous les projets miniers de la région. La plainte a été déposée par les communautés de Diaguita et les assemblées socio-environnementales. Chronique d'un triomphe.
Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/04/19/decision-historique-les-communautes-indigenes-et-les-assemblees-socio-environnementales-arretent-les-compagnies-minieres-de-lithium/
Le jeudi 7 mars au matin, la nouvelle a fait la une des principaux journaux locaux et, quelques heures plus tard, celle des sites Internet nationaux. Le titre, jaunâtre, comme le font habituellement les médias hégémoniques, a eu un impact énorme : « La Cour de justice suspend l'exploitation du lithium ». Pour un gouvernement comme celui de Catamarca, qui promeut et se projette autour du boom minier du lithium (plus précisément appelé « méga-mine de l'eau »), le choc a été total. Rapidement, les stations de radio, les médias télévisés, les comptes Instagram et X se sont remplis d'avocats, de spécialistes et de politiciens tentant d'expliquer quelque chose d'inexplicable à première vue. La surprise, la perplexité, les doutes et la désinformation étaient légion : l'activité minière dans la province est-elle en train de s'arrêter ? L'entreprise de lithium, qui brasse des millions de dollars, est-elle en train de s'effondrer ? Le tribunal porte-t-il un coup terrible au gouverneur Raúl Jalil en raison d'une lutte de pouvoir interne ? Comment tout cela a-t-il pu se produire du jour au lendemain ?
Le chemin précédant l'amparo
Comme c'est souvent le cas lors des emballements médiatiques, une fois la frénésie et le délire passés, un peu d'histoire est nécessaire pour comprendre ce qui s'est passé. La protection de l'environnement de cet arrêt de la Cour de justice de Catamarca (dossier Nº 054/2022, intitulé (Guitian, Román c/ Poder Ejecutivo Nacional y Otros), commence en 2019 et a deux protagonistes principaux : la communauté indigène Atacameños del Altiplano et la majestueuse et vitale rivière Los Patos.
C'est en août 2019 que les voisins d'Antofagasta de la Sierra ont été mis en alerte lors d'une réunion de quartier confuse convoquée par l'Intendencia, où ils ont été informés de l'intention de la société minière Livent (en 2023, elle a fusionné avec la multinationale Allkem, créant ainsi la troisième plus grande société minière du monde, qui opère aujourd'hui à Catamarca sous le nom d'Arcadium) de lancer un projet de canalisation consistant en la construction d'un aqueduc de plus de 30 kilomètres pour extraire l'eau du plus grand cours d'eau de la région (la rivière Los Patos). Pourquoi l'entreprise avait-elle besoin de ce nouvel aqueduc ? Parce qu'au cours des dernières années, elle avait complètement asséché la rivière et la plaine de Trapiche, causant des dommages environnementaux immenses et irréparables.
Ces données, qui datent de 2019, sont essentielles pour comprendre la récente décision du tribunal de Catamarca, étant donné que l'un des éléments de preuve les plus convaincants dans l'amparo est le dommage causé à la rivière et à la plaine de Trapiche (une destruction qui aurait pu être évitée).
En décembre de la même année, un groupe de membres de l'assemblée environnementale Pucara (Pueblos Catamarqueños en Resistencia y Autodeterminación), composé de deux avocats, d'un communicateur et d'un responsable environnemental, s'est rendu à Antofagasta pour prendre contact avec la communauté indigène et les résidents locaux. À la suite de ce voyage, la photo de la Vega del Trapiche, une rivière complètement noire, asséchée et morte, a été publiée pour la première fois sur un support graphique, une photo qui a fait le tour des portails d'information de tout le pays.
Au cours des années suivantes, l'inquiétude s'est accrue. Parallèlement, des enquêtes indépendantes ont été menées sur les agissements des autorités locales et des entreprises (Livent, Galaxy, Posco) dans l'utilisation inconsidérée de l'eau douce.
En février 2020, l'assemblée de Pucará a accompagné la communauté de Román Guitian dans la présentation de la première demande de suspension. Une présentation simultanée a été faite au Tribunal des mines, alors sous la responsabilité du juge Raúl Cerda, et une autre au Ministère des mines. Les deux actions comprenaient une analyse technique des rapports d'impact sur l'environnement (RIE) de Livent et Galaxy, et étaient accompagnées de 200 signatures de voisins d'Antofagasta.
La principale demande concernait la suspension des permis d'extraction d'eau de la rivière Los Patos, ainsi que des plaintes pour violation des droits des communautés indigènes, fausses audiences publiques et persécution sociale, tant du chef et de sa famille que des voisins qui s'étaient exprimés contre l'exploitation minière (c'est le cas d'un enseignant qui a été condamné à deux ans d'emprisonnement dans un acte manifeste de persécution politique).
Face à cette première présentation, la réponse du gouvernement de Raúl Jalil a été percutante par son impunité et son manque de démocratie. Le ministère des mines a répondu (croyez-le ou non) qu'il avait « perdu la présentation ».
Malgré les relances via des notes, des demandes d'information et de nouvelles soumissions, aucune réponse n'a jamais été reçue. Le cas du Tribunal des mines est encore plus incroyable. En 2021, en obtenant une modification du nombre de membres de la Cour provinciale (la même qui critique aujourd'hui le gouvernement), Jalil a réussi à modifier le Code de procédure minière de la province ; cela a mis de côté toute contestation devant le tribunal des mines. Ainsi est mort le premier essai judiciaire.
De l'amparo à la décision de justice
En août 2021, après de nombreuses plaintes dans les médias locaux et internationaux, après la première d'un film documentaire mettant en scène la communauté des Atacameños del Altiplano, et au milieu d'un conflit social croissant à Antofagasta, Román Guitian a introduit un recours en amparo devant le Tribunal fédéral. Il l'a fait par l'intermédiaire du Bureau fédéral de défense de Catamarca, avec l'avocate Verónica Gostissa. Une fois de plus, l'accent a été mis sur l'eau et la protection de la rivière Los Patos. À cette occasion, les informations se sont multipliées et un rapport clé préparé par la Fondation Yuchán a été ajouté. Après un long parcours de deux ans, qui comprenait une déclaration d'incompétence du tribunal fédéral de Catamarca (en novembre 2021), la Chambre fédérale de Tucumán a confirmé la déclaration d'incompétence des tribunaux fédéraux (décembre 2021), et ce n'est qu'en septembre 2022 que l'amparo a été déposé devant le tribunal de Catamarca.
Tout cela jusqu'à l'arrêt du jeudi 13 mars 2024, où la résolution de la Cour a été obtenue et les mesures conservatoires partiellement accordées. Comme l'explique l'avocat Santiago Kosicki, accompagné de l'équipe juridique de l'Assemblée de Pucara : « La Cour de justice de Catamarca a statué contre le gouvernement provincial et l'oblige à corriger les autorisations accordées aux entreprises minières pour l'extraction de lithium dans le Salar del Hombre Muerto à Antofagasta de la Sierra ».
La Cour a ordonné la réalisation d'un rapport d'impact environnemental présentant deux caractéristiques fondamentales (que les précédents n'avaient pas) : il doit être cumulatif et exhaustif pour l'ensemble du Salar et, en particulier, pour la rivière Los Patos. D'autre part, il doit prendre en compte l'impact total des entreprises qui ont demandé l'autorisation d'utiliser et d'extraire l'eau, et leur potentiel de transformation de l'environnement dans la même zone géographique.
Ce nouveau rapport doit mesurer l'impact de l'ensemble des projets de toutes les entreprises (et non de chaque projet individuellement). Il faut savoir dans quelle mesure tous les prélèvements d'eau de toutes les entreprises affecteront l'environnement en même temps. Cela fera une énorme différence dans les bilans et le résultat pourra donner aux habitants d'Antofagasta et à la communauté indigène, pour la première fois, une idée de l'ampleur et des conséquences socio-environnementales de l'activité minière sur leurs territoires.
L'autre point essentiel de l'arrêt est que la Cour « interdit au ministère des mines et au ministère de l'eau, de l'énergie et de l'environnement de la province d'accorder des autorisations ou des déclarations d'impact sur l'environnement pour de nouveaux travaux liés à la rivière Los Patos dans le Salar del Hombre Muerto ». Cela signifie qu'aucun autre permis ne peut être accordé. Dans un contexte d'expansion de tous les projets miniers dans la région, il s'agit d'un coup dur pour les actions menées par les entreprises en collaboration avec le gouvernement.
La plus haute juridiction provinciale reconnaît également « que le gouvernement de la province de Catamarca agit en violation systématique de la réglementation environnementale, en accordant des autorisations conditionnelles, sans connaître le véritable fonctionnement des bassins hydrographiques du Salar del Hombre Muerto, sans rapport d'impact environnemental cumulatif et complet et sans garantir la tenue d'une audience publique avec la communauté d'Antofagasta de la Sierra et une consultation préalable, libre et informée avec la communauté indigène des Atacameños del Altiplano ». Elle considère également que la communauté concernée ne dispose pas d'informations actualisées sur au moins huit projets d'extraction de lithium dans le même aquifère (aqueduc de la rivière Los Patos) ».
D'une part, elle peut faire appel de la décision, ce qui l'amènera à saisir la Cour suprême de justice de la nation. D'autre part, elle peut se conformer à l'arrêt et mettre les permis et les rapports d'impact environnemental en conformité avec les nouvelles exigences.
Ni Jalil ni la Cour, le peuple et l'eau
Dans les couloirs du gouvernement provincial, on dit la même chose que dans les couloirs de la Cour provinciale : que le jugement est un coup de plus dans la dispute soutenue et féroce entre les deux pouvoirs. Il est possible qu'il y ait une part de vérité dans les couloirs, mais ce qui est vrai – ce qui transcendera les couloirs, ce qui restera pour le développement de l'histoire – est une réalité dans laquelle « le soleil ne peut être couvert avec les mains ».
Ce « soleil » de l'adage est la véritable raison qui a rendu possible cet amparo et son arrêt respectif. Ce qui est certain, c'est que les entreprises ont présenté leurs rapports d'impact environnemental de manière incorrecte, et ce qui est certain, c'est que tant le ministère des mines que le ministère de l'eau et de l'environnement ont effectué les contrôles et les procédures de manière incorrecte. Tous les responsables, les PDG des entreprises, les ministres et les gouverneurs (Lucía Corpacci et Raúl Jalil), ont tous violé de multiples lois environnementales et sociales nationales et internationales. Entre autres, la Convention 169 de l'Organisation internationale du travail (OIT), qui traite des droits des indigènes et qui, en Argentine, a un statut supra-légal (au-dessus des normes locales).
Ce que l'arrêt met sur la table, c'est la vérité que les communautés et les assemblées indigènes proclament depuis cinq ans. C'est la même vérité que des milliers de personnes affectées dans tout le pays par le modèle de la méga-mine signalent, communiquent, diffusent, enquêtent et dénoncent. Un modèle impuni, corrompu, illégal et illégitime qui viole toutes les normes, procédures et lois qui protègent les citoyens. Sans le courage de Román Guitian, qui a fait l'objet d'intimidations, de persécutions et de tentatives de corruption répétées. Sans sa persévérance, les médias ne montreraient pas aujourd'hui cette vérité crue, qui devient maintenant – avec les mots de la Cour – tranchante et retentissante.
L'arrêt devra maintenant faire face aux diatribes du pouvoir en place et à tous ses artifices. Mais la vérité est déjà nôtre, elle appartient déjà aux citoyens. Il n'existe pas d'exploitation minière durable, prudente, respectueuse de l'environnement, à faible impact ou propre. Il existe une exploitation minière corrompue, illégale, destructrice, polluante et appauvrissante. Telle est la base du débat, telle est la vérité indéniable à partir de laquelle toute discussion doit être entamée. Le pouvoir continuera à insister sur son mensonge, un mensonge qui ne marche même plus, qui rampe à peine et qui commence à s'estomper.
La lutte pour la défense de l'eau se poursuit, tout comme la recherche d'un mode de vie sans destruction de la nature. Il n'y a pas de fausses querelles ici, il n'y a pas de clivage, pas d'affrontement entre pro-miniers et anti-miniers. Ce qui existe, c'est ce qui a toujours existé : la recherche d'une vie et d'un travail dignes, d'un environnement sain, de montagnes, de rivières, de salines et de plaines qui font partie de la culture et de l'identité du peuple Puna.
L'eau est indispensable à une vie digne, à l'économie régionale des cultures et des animaux, à la croissance et à l'existence millénaire de chaque village de la Puna. C'est pourquoi la phrase est simple et claire : l'eau vaut plus que le lithium. C'est aussi le soleil, notre soleil, qui ne peut être recouvert de nos mains.
Publié par Manuel Fontenia, Tierra Viva, le 18 mars 2024
Source : https://agenciatierraviva.com.ar/fallo-historico-comunidades-indigenas-y-asambleas-socioambientales-frenan-a-mineras-de-litio/
https://www.cdhal.org/decision-historique-les-communautes-indigenes-et-les-assemblees-socio-environnementales-arretent-les-compagnies-minieres-de-lithium/
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Alain Deneault : repenser l’écologie dans un monde en « polycrise »
De passage à Montréal pour le lancement de son nouveau livre sur l'économie de la pensée, Alain Deneault était l'invité des Amis du Monde Diplomatique pour une conférence à l'UQAM sur le thème de l'écologie. Pour l'occasion, il a ainsi abordé les enjeux écologiques et les possibilités d'agir dans un monde dit en polycrise. Il invite ainsi à réfléchir sur l'écoanxiété ou l'écoangoisse et à (re)penser un futur davantage respectueux du vivant par le biais de l'esthétique et de l'imagination, notamment via les biorégions.
Tiré du Journal des Alternatives
Par Théa Lombard -25 avril 2024
Dessin de la synthèse du Forum mondial sur l'entreprise et l'environnement , Oxford 2010, - @The Value Web Photo Gallery CC BY 2.0.
Théa Lombard, stagiaire à Alternatives et correspondante au journal
Pour Alain Deneault, l'écologie apparaît comme un enjeu politique et social actuel, nécessitant une réorganisation de nos moyens de consommation, de nos actions et de nos modes de pensées. Les dégradations et problèmes écologiques sont aujourd'hui multiples et investissent toutes les sphères de notre vie.
Déprime, écoanxiété et écoangoisse
La déprime, l'écoanxiété ou plutôt l'écoangoisse, comme le définit Alain Deneault, sont des réalités centrales en écologie contemporaine. Le vocabulaire dédié à cette thématique ne définit pas précisément les faits et les conséquences de cet enjeu. L'utilisation du terme anxiété semble davantage renvoyer à une médicalisation et pathologisation d'un phénomène commun, compte tenu du contexte actuel.
Préférant le terme écoangoisse, Alain Deneault définit cette dernière comme un signe de bonne santé mentale, par la conscience des phénomènes environnementaux et problèmes écologiques. L'écoangoisse n'est donc pas un problème individuel. Il s'agit d'un véritable enjeu public et commun, dans lequel les affects sont collectifs. L'écoangoisse s'accroît avec l'analyse des impacts environnementaux définis comme irrémédiables et irréparables. Il nous amène à une réflexion sur le vivant, sur notre place au sein de ce dernier et sur les futurs possibles.
Le dérèglement climatique apparaît comme un phénomène autonome et exponentiel, dans lequel nos possibilités d'agir semblent dérisoires. La réduction de la biodiversité accentue la vulnérabilité des êtres humains aux maladies circulant parmi les autres espèces animales, comme le Covid, et renvoie à ce qu'on partage en « commun » en santé avec les animaux. La conjoncture industrielle amène d'importants changements dans nos habitudes de consommation et de vie. La diversification des moyens utilisés pour exploiter les ressources de pétrole est source de contamination massive et de destruction, y compris de l'eau.
Le capitalisme participe à cette aggravation des crises sociales et environnementales, qui profitent à une minorité. Il renforce les disparités et accentue la richesse de puissances occidentales. Quant à la transition énergétique du capitalisme vert, elle utilise les infrastructures existantes pour les faire perdurer. L'informatisation des éoliennes, les panneaux voltaïques, les voitures électriques ne suffisent pas à renverser la balance et ne sont pas des solutions durables. Leur coût en minerais, notamment en lithium, amène d'autres conséquences écologiques et ne permet pas d'inscrire leur utilisation à long terme. Dans le système actuel, le développement durable n'est pas profitable à tous.tes et ne permet pas de se projeter à imaginer un futur davantage en accord avec les besoins écologiques et sociaux.
Comment penser la transformation écologique ?
La situation vécue actuellement est sans précédente et on ne dispose pas de points de comparaison dans le passé qui puissent nous faire penser au présent, mais aussi au futur. Il apparaît crucial de se fixer un objet, sur lequel rapporter la pensée et l'action écologique. Pour nous fixer un objet, nous devons utiliser aussi bien l'esthétique et l'imagination.
L'esthétique nous permet de représenter la situation, de créer des références concernant la crise actuelle écologique, par des fictions pouvant non seulement servir d'appui pour penser le présent, mais aussi penser le réel. La participation des artistes, écrivain.es, est donc nécessaire pour tenir compte de la complexité de la situation et permettre d'autres imaginaires. L'imagination nous permet de trouver des objets adaptés afin de sortir de l'écoangoisse, la canaliser et la mobiliser à bon escient pour l'utiliser en tant que moteur.
Les biorégions
Le concept de biorégion, apparu dans les 1970, en est un exemple. Objet politique à objectif régional, la biorégion donne à l'écologie les mêmes droits que le social, promouvant une politique à l'intérieur même du vivant, incluant les espèces et redéfinissant des rapports différents avec ces dernières et avec la nature.
La biorégion invite la créativité, la projection et l'inventivité. Elle amène à repenser les savoirs individuels. Plutôt qu'un projet, elle est un impératif historique, une nécessité plutôt qu'une option. En ville, la biorégion se pense par l'apparition d'écoquartiers, l'utilisation de cultures sur les toits. Les spécificités varient selon les villes, les climats, les ressources.
Pour Alain Deneault, elle n'est pas un nouveau modèle universel et permet une cohabitation avec d'autres structures politiques. La biorégion n'est ni parfaite ni utopique, des tensions, des manques et des combats restent présents.
L'écologie politique se veut radicalement démocratique, avec une prise en compte des savoirs scientifiques, mais également des savoirs et apprentissages davantage populaires et communautaires, pour penser l'écologie dans un monde en polycrise.
Alain Deneault est un philosophe québécois et docteur en philosophie de l'Université Paris-VIII. Actuellement enseignant au sein de l'Université de Moncton, il est également auteur de nombreux essais critiques, notamment sur les politiques canadiennes du secteur minier, les paradis fiscaux, les multinationales, l'idéologie ou l'écologie. https://alaindeneault.net/
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Réduire la production mondiale de plastique
Face aux évidences scientifiques qui s'accumulent, autant les pays du G7, que la majorité de ceux à la récente ronde du traité mondial de lutte contre la pollution plastique, ou s'est illustré l'Afrique, ont demandé une réduction de la production de plastique, source d'une pollution planétaire jugée maintenant catastrophique.
G7
Réunis à Turin en Italie, les pays du G7 ont affirmé le 30 avril, après deux jours de réunion, vouloir réduire la production mondiale de plastique pour enrayer la pollution planétaire qu'elle crée. Ils considèrent cette pollution « alarmante » et souhaitent y mettre fin avant 2040. C'était la première fois qu'ils s'engageaient à prendre des mesures si ambitieuses.
C'est que cette production mondiale a doublé en 20 ans pour atteindre 460 millions de tonnes par an et pourrait même tripler d'ici à 2060. Cette décision a été prise à la lumière des toutes dernières découvertes scientifiques, comme celles publiées le 25 avril dans la revue Science Advances, qui établit un lien direct entre la production des plastiques et la pollution qu'ils créent. À l'échelle de la planète, plus de la moitié des plastiques engendrant cette pollution serait créée par seulement 56 multinationales.
La délégation française conclut que « Le G7 reconnaît pour la première fois que le niveau de pollution plastique est insoutenable » et que son augmentation serait alarmante. À ce sujet, le ministre français de l'Environnement, Christophe Béchu, a dit que « La dissémination des plastiques dans tous les environnements est un phénomène relativement récent à l'échelle de l'histoire humaine, mais il semble déjà échapper à tout contrôle. » La principale solution mise de l'avant par l'industrie, soit le recyclage de ses produits, aurait été jugée insuffisante puisqu'il plafonne à 9 % à l'échelle planétaire. La très grande majorité de la production terminerait donc en déchets envahissant lentement toutes les régions de la Terre.
L'Afrique s'illustre
La volonté pour diminuer cette production plastique était beaucoup moins forte à la quatrième et avant-dernière phase de négociations pour arriver à un traité mondial de lutte contre la pollution plastique, qui se tenait du 23 au 29 avril à Ottawa. Deux blocs s'y sont affrontés. Face à une cinquantaine de pays faisant partie de la coalition dite de haute ambition qui voulait une limitation contraignante, se trouvait le lobby de l'industrie pétrochimique et des États dépendants des énergies fossiles tels la Russie, la Chine, l'Iran, l'Arabie saoudite et l'Inde. Ces pays du BRICS+ se sont opposés à la limitation de la production et à l'interdiction de certains produits chimiques désirés par des dizaines de pays du sud global.
Les pays africains étaient très nombreux dans cette coalition de haute ambition, coprésidée par le Rwanda et la Norvège. Le Malawi a milité pour l'adoption d'un texte demandant d'interdire les sacs en plastique. C'est que les 54 pays africains ne produisent que 5 % du plastique mondial, mais sont fortement affectés par toute sa pollution, y a fait remarquer la Kenyane responsable du Pan-African Plastics Project chez Greenpeace Africa, Hellen Kahaso Dena. Les déchets plastiques brûlés émettraient des polluants nocifs causant des problèmes respiratoires. Ceux jetés dans la nature augmenteraient la reproduction de moustiques porteurs de maladies. Le plastique s'accumulerait aussi dans les rivières et nuirait à l'écoulement de l'eau. Les rives de l'Île Maurice reçoivent continuellement des déchets plastiques portés par les courants marins. Bon nombre de ces pays ont déjà pris des mesures de protection. Au Madagascar, les sacs en plastique de moins de 0,05 millimètre d'épaisseur sont interdits depuis 2015. Le Rwanda a pour sa part interdit les plastiques à usage unique depuis 2019, et l'Afrique du Sud impose une taxe à l'achat.
Des conséquences néfastes
Le documentaire américain réalisé en 2023 : « We're All Plastic People Now », qui a reçu un Emmy, présente les récentes découvertes au sujet des conséquences de la pollution plastique. Une quinzaine de docteurs, spécialistes et environnementalistes y décrivent où elle en est rendue. Le poids des déchets plastiques sur la planète dépasserait actuellement celui de tous les animaux terrestres et marins combinés.
On y voit le Dr. Antonio Ragusa à la tête d'un groupe de chercheurs à Rome en Italie qui a découvert des micros plastiques dans le placenta humain. Les bouteilles en plastique d'eau et de soda seraient la principale source identifiée par laquelle ces micros plastiques entreraient dans l'organisme humain. Ce plastique inclurait des produits chimiques qui pourraient modifier le métabolisme de ceux qui les ingèrent.
À ce sujet, le professeur David A. Davis, du département de neurologie de l'université de Miami, à découvert que l'ingestion de plastique est corrélée avec la prise de poids. Les chercheurs auraient pu créer des souris obèses et d'autres minces à volonté en changeant la quantité de plastique qu'elles ingéraient.
Il y aurait actuellement des micros-plastiques dans l'eau des bouteilles de plastique, le sel de mer et même le système racinaire des plantes. Beaucoup de bébés ont déjà du plastique dans leur sang quand ils arrivent au monde. Nous vivons dans une expérience à laquelle nous n'avons pas consenti et dont nous souffrons des conséquences, conclut un chercheur.
L'ultime rencontre pour adopter un traité juridiquement contraignant avant la fin 2024, comme se sont engagés à le faire 175 pays en mars 2022, serait du 25 novembre au 1er décembre à Busan, en Corée du Sud. Plusieurs pays souhaitent profiter de la prochaine rencontre du G20 en octobre pour inciter les pays réfractaires à des mesures musclées de suivre la position du G7 pour réduire la production de plastique.
Michel Gourd
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La course aux métaux : écologiquement irresponsable
Les besoins en métaux de tous les secteurs industriels sont immenses. Le contrôle de leur production est devenu un enjeu géopolitique. L'exploitation minière devient un impératif d'intérêt public majeur.
Hebdo L'Anticapitaliste - 706 (02/05/2024)
Par Commission nationale écologie
Crédit Photo
Une femme congolaise nous présente un sachet de cassitérite qu'elle vient d'extraire dans une carrière située aux alentours de la ville-Abel Kavanagh. Monusco
Le capitalisme avait su rendre l'activité minière invisible en délocalisant la plupart des mines. Aujourd'hui, la relance minière (dans les anciennes mines) et l'industrialisation de nouveaux territoires remettent sur le devant de la scène leurs effets destructeurs.
L'extraction et la transformation de ressources naturelles — combustibles fossiles, métaux, biomasse, sable —contribuent à la triple crise de la nature, de la pollution et des déchets. Les impacts (au Sud) et les usages (au Nord) sont profondément inégalitaires.
La fuite en avant au nom de la transition
Mais groupes miniers et gouvernements ont écrit un nouveau récit justifiant cette ruée extractiviste ample et brutale. Réussir la « transition énergétique » nécessiterait une électrification complète de la société (voitures, batteries, éoliennes, panneaux photovoltaïques, des milliers de kilomètres de câbles) et une numérisation généralisée, baptisée « dématérialisation » : 5G, bientôt 6G, objets connectés (14 milliards vendus en 2022), smartphones (7 milliards d'humains en possèdent et les renouvellent tous les deux ans), développement irraisonné de l'« intelligence artificielle ».
Cette fuite en avant nécessite de gigantesques quantités de métaux (60 métaux rares dans un smartphone, 70 kg de matières nécessaires sur toute la vie de l'objet), la fabrication de « puces » (consommant et polluant plus de 200 litres d'eau par seconde), la circulation et le stockage des données dans des data centers (mobilisant eau et électricité pour les refroidir).
Les mines au secours du climat ?
« Des mines pour sauver la planète » est devenu le slogan d'une gigantesque opération de greenwashing ! Ce qui est en jeu, c'est la poursuite de la croissance de tous les secteurs industriels (aéronautique, armement, construction, transport, agrobusiness…). Leur prétendue « transition énergétique » devient le paravent qui masque la poursuite de la croissance capitaliste à tout prix !
Pour Célia Izoard qui vient de publier La ruée minière au XXIe siècle (1), « la mine est l'épicentre de l'accumulation par dépossession ». Les mines géantes dévorent à grande vitesse l'eau, l'air, la terre, la faune et la flore. « Pour les entreprises du secteur, les conflits environnementaux sont le principal facteur de risque de l'activité minière, bien loin devant la gestion de la main-d'œuvre ou les coûts de production ».
Pas de mines responsables
Symbole du capitalisme extractiviste et colonial, l'activité minière est aujourd'hui le lieu d'une opération de mystification. L'ouverture de mines en Europe ne ralentira pas le développement de mines ailleurs.
De « meilleures » normes environnementales n'empêcheront ni les lacs de résidus miniers, ni la pollution ou la contamination des eaux, ni les sécheresses ou les atteintes à la biodiversité. Il n'y aura pas de mines durables et responsables.
Électrifier le système énergétique mondial, numériser nos vies ne supprimera pas les émissions de carbone, au contraire. Réduire notre dépendance aux métaux est aussi indispensable qu'abandonner les énergies fossiles.
« On ne peut miser sur les énergies renouvelables qu'en réduisant drastiquement la production et la consommation. Et cela nécessite des bouleversements majeurs que les élites du capitalisme mondialisé refusent de faire. »
1. Célia Izoard, La ruée minière au XXIe siècle, Enquête sur les métaux à l'ère de la transition, Éditions du Seuil, 2024.
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Le rapprochement de la Russie et de l’Afrique : un feu d’artifice éphémère
Lorsqu'on observe de près ces expressions d'enthousiasme pour Moscou dans la jeunesse africaine, il faut relever qu'ils n'expriment guère d'appétence pour la Russie de Poutine, la culture slave ou les standards de vie de la Russie contemporaine. La diplomatie est par excellence l'espace des affaires humaines où les symboles et les imaginaires sont parfois bien plus parlants que les postures politiques.
Tiré de MondAfrique.
À l'annonce de la chute du lieutenant-colonel Paul Henri Damiba, fin septembre 2022 dans les rues de Ouagadougou, des jeunes en liesse célèbrent la prise de pouvoir du jeune capitaine Ibrahim Traoré. Des rumeurs infondées font état d'une tentative de restauration du pouvoir déchu par la France. Au milieu des manifestants sont brandis des drapeaux russes comme signes de défiance envers l'ancienne puissance coloniale et de rapprochement envers Moscou.
Quelques mois plus tard, les troupes françaises partiront du Burkina Faso et le nouvel homme fort fera un voyage très remarqué à Moscou lors du deuxième sommet Russie-Afrique qui s'est tenu à Saint-Pétersbourg les 27 et 28 juillet 2023. À son retour au pays, il sera célébré dans les rues de Ouagadougou pour son propos souverainiste fort remarqué sur l'urgence, pour les États africains, d'assurer par eux-mêmes leur sécurité alimentaire.
Après Bamako et Bangui, une russophilie jusqu'alors discrète, ou cantonnée à l'espace virtuel des réseaux sociaux, bat désormais et ostensiblement le pavé. Ces drapeaux russes ne sont assurément pas sortis des chaumières de façon spontanée. On se croirait revenu dans certaines capitales africaines pro-soviétiques, lorsque certains régimes marxistes prononçaient de sévères réquisitoires contre le néocolonialisme ou l'impérialisme occidental. Même si le monde de Poutine n'est pas celui de Brejnev ou de Khrouchtchev.
La structuration des imaginaires
Pour ceux qui suivent avec grande attention les débats géopolitiques en Afrique subsaharienne, notamment dans les anciennes colonies françaises, la Russie a effectué un travail patient et souterrain de structuration des imaginaires au sein des jeunes générations, à travers des médias à forte audience et de puissants relais dans les réseaux sociaux. Maniant parfois sans vergogne affabulations et approximations, ces campagnes médiatiques n'hésitent pas à installer l'idée selon laquelle c'est par le seul fait d'une France néocoloniale que ses anciennes colonies demeurent dans les chaînes du sous-développement, précisément les États membres de la zone “franc”, alors que la Russie se targue de n'avoir jamais colonisé l'Afrique.
Une rhétorique dont Evgueni Prigojine était le porte-voix inégalable, servi par sa gouaille et son aplomb singulier.
Giorgia Meloni, un soutien de poids
Dans cette bataille du soft power dans le pré carré français, la Russie de Poutine aura bénéficié du soutien inespéré d'un allié de poids, à savoir l'Italie de la Première ministre Giorgia Meloni. Au plus fort de la déferlante de migrants sur les côtes italiennes, on se souvient de la sortie virulente du ministre italien des Affaires étrangères contre la France qu'il accusa de contraindre les Africains à l'émigration massive vers l'Europe, parce qu'elle rendait impossible dans leurs pays tout développement endogène, en ponctionnant leurs richesses par le biais de la monnaie néocoloniale qu'est le franc CFA.
Face à l'offensive de Moscou pour le contrôle des cœurs et des imaginaires en Afrique, les diplomaties européennes sont longtemps restées sur la défensive, voire atones, jusqu'à ce que la guerre en Ukraine vienne ramener le continent africain au centre de leurs priorités géostratégiques.
Ce tropisme russe, qui fait florès dans certaines capitales africaines, ne manque pas de susciter quelques questionnements. Durera-t-il le temps d'un effet de mode ou pourrait-on y voir un positionnement géopolitique de long terme pour ces pays d'Afrique ?
Pour s'en tenir à l'actualité immédiate, les récents attentats de Moscou, en pleine guerre avec l'Ukraine et l'OTAN, sont venus écorner la réputation d'invulnérabilité de la Russie. Or, la Russie de Poutine, dans son déploiement tous azimuts en Afrique depuis plus d'une décennie, a fait de son parapluie sécuritaire le signe distinctif de son efficacité et de sa capacité à sécuriser ses États partenaires d'Afrique. L'attentat qui a frappé fin mars le centre névralgique du pouvoir de Moscou pourrait instiller des doutes dans les esprits en Afrique, à l'instar des attentats de masse dont le Burkina Faso est actuellement le théâtre, en dépit de l'appui des forces recyclées du groupe Wagner.
Le manque d'appétence pour la Russie
Combien d'Africains, jeunes ou moins jeunes, choisiraient un visa pour Moscou si une proposition similaire leur était faite pour Paris, Berlin, ou Rome ? Il va de soi que la file d'attente devant les représentations consulaires de l'Union européenne serait interminable. Le socle historique et culturel des liens entre l'Europe et l'Afrique, fait de brassages des hommes et des cultures, est un capital anthropologique que les antagonismes géopolitiques actuels ou passés n'ont pas effacé. Avec le temps, ils se sont même renforcés.
Entre les sociétés africaine et européenne, y compris au niveau des formations politiques, ne cessent de se construire des ponts, des passerelles, que n'entament guère les divergences de vue au sommet des États. Lors des récents débats en France sur la récente loi immigration, dont certaines dispositions étaient jugées discriminatoires à l'endroit des étudiants originaires d'Afrique subsaharienne francophone ou des travailleurs de cette région d'Afrique installés en France, de vives protestations se sont élevées au sein de certaines formations politiques, dans la société civile, y compris au sein des universités, des milieux artistiques, de leaders d'opinion.
Des mouvements progressistes audibles en Europe
S'agissant de la conduite des affaires politiques dans les anciennes colonies françaises d'Afrique subsaharienne, si des ingérences sont parfois à déplorer ou des connivences coupables comme la Françafrique, il faut également se réjouir que les mouvements progressistes en Afrique ont paradoxalement trouvé au sein de cette même Europe des voix, des consciences éminentes et progressistes qui ont soutenu et soutiennent encore leurs combats pour l'émancipation des peuples africains. C'est sur ces acquis de l'histoire, en dépit des drames du passé, que les classes dirigeantes actuelles et futures en Europe devraient s'appuyer pour refonder durablement la relation entre ces deux espaces de civilisation.
La Russie ne peut guère se prévaloir, sur le long terme, d'un capital historique aussi solide, qui permettrait de considérer la russophilie actuelle comme une lame de fond qui déboucherait sur une tectonique des plaques dans cette bataille géopolitique dont l'Afrique est actuellement le théâtre.
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Au Soudan, la ville d’El-Fasher “au bord d’un massacre à grande échelle”
Dans la guerre que se mènent l'armée soudanaise et les Forces de soutien rapide (RSF), la ville d'El-Fasher joue un rôle central. Sa conquête assurerait au groupe paramilitaire le contrôle total du Darfour, au risque d'un massacre d'ampleur.
Tiré de Courrier international.
Elle est la dernière ville du Darfour encore tenue par l'armée soudanaise du chef d'État de facto, le général Abdel Fattah Al-Burhan. Dans la guerre qui oppose cette dernière aux Forces de soutien rapide (RSF), la ville d'El-Fasher tient lieu de dernier bastion à conquérir par la milice armée dirigée par le général Mohamed Hamdane Dagalo, dit “Hemeti”. Un an après le début du conflit, El-Fasher est l'épicentre du conflit meurtrier qui a déjà déplacé plus de huit millions de personnes.
Le sort de cette ville assiégée inquiète l'ONU et Washington, qui avertissent contre les conséquences de son assaut par le groupe paramilitaire. Selon The New York Times, l'ambassadrice américaine auprès des Nations unies, Linda Thomas-Greenfield, a annoncé ce 28 avril que la ville était “au bord d'un massacre à grande échelle”.
De son côté l'ONU appelle à la retenue les acteurs armés à El-Fasher et s'inquiète “des informations de plus en plus alarmantes [qui] font état d'une escalade dramatique des tensions”.
Le site Middle East Eye, dans son édition française, rapporte quant à lui les analyses de spécialistes qui estiment que le siège de la ville, entamé le 14 avril, pourrait entraîner un massacre, avec “des pertes à l'échelle de Hiroshima et de Nagasaki”. Les bombes atomiques américaines qui ont explosé au-dessus des deux villes japonaises en août 1945 avaient tué environ 215 000 personnes.
Population prise en otage
En cas d'attaque des RSF, la capitale de l'État du Darfour du Nord, qui compte environ 1,8 million de civils, pourrait même devenir une “zone de mise à mort”, préviennent les experts dans Middle East Eye. La ville est déjà sous blocus, les RSF contrôlant toutes les routes qui y mènent et pillent les marchandises susceptibles d'être livrées en ville. El-Fasher a d'ores et déjà faim et soif et manque cruellement de médicaments.
Si les RSF pillent ces marchandises, de son côté, l'armée soudanaise a interdit, selon des responsables américains et onusiens, aux Nations unies de faire passer de l'aide via le Tchad voisin, à l'exception d'un seul poste-frontière. Autrement dit, la population civile de la ville se trouve coincée entre ces deux forces armées ennemies.
L'inquiétude est d'autant plus vive que le précédent de la ville d'El-Geneina, dans l'ouest du Darfour, reste encore dans les mémoires. The New York Times rappelle qu'en octobre dernier, l'avancée des RSF et leur conquête de la ville s'étaient accompagnées d'exactions ethniques contre les populations civiles qui avaient causé la mort de 10 000 à 15 000 civils, selon les estimations de l'ONU. La plupart des victimes appartenaient à des groupes ethniques ciblés depuis longtemps par les Forces de soutien rapide, à majorité arabes.
El-Fasher constitue le dernier verrou pour un contrôle total, par les RSF, du Darfour, note le quotidien américain. La milice armée avait envahi la région à la fin de l'année 2023 et tient désormais quatre des cinq principales villes de la zone. La conquête d'El-Fasher assurerait alors à la milice, poursuit le journal new-yorkais, la maîtrise d'environ un tiers du territoire du Soudan, ce qui constituerait une bascule importante dans le conflit.
Plus encore, le scénario libyen tant redouté, soit une scission du Soudan en fiefs rivaux dirigés par des seigneurs de la guerre, apparaîtrait de plus en plus plausible.
Courrier international
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L’Ethiopie réprime une marche de réfugié·e·s soudanais·e·s en quête de sécurité
Mercredi 1er mai, 8 000 réfugié·e·s soudanais·e·s vivant dans les camps de Komar et Olala à la frontière soudano-éthiopienne ont décidé de se rendre à pied dans la ville éthiopienne la plus proche, fuyant l'insécurité et les mauvaises conditions de vie dans les camps. La marche a été réprimée par la police éthiopienne, et les réfugié·e·s attendent toujours des solutions.
Tiré du blogue de l'auteur.
Depuis le début de la guerre au Soudan en avril 2023, plus de 1,6 million de Soudanais·e·s ont fui leur pays. Environ 33 000 d'entre ell·eux ont trouvé refuge en Éthiopie. Les camps de Komar et Olala à la frontière soudano-ethiopienne accueillent des dizaines de milliers de réfugié·e·s qui fuient les combats dans leur pays d'origine. Ces camps de transit a été mis en place par le Service Gouvernemental des Réfugiés et Retournés d'Ethiopie, et le Haut Commissariat aux Réfugiés de l'ONU (HCR).
Ces derniers temps, selon les habitant·e·s, les conditions de vie dans le camp se sont considérablement dégradées, avec une absence de services de santé. Un habitant rapporte qu'il y a eu plus de 15 accouchements ces dernières semaines sans assistance médicale, dans des conditions catastrophiques. Le HCR a reconnu dans une déclaration de presse que les conditions de vie dans le camp étaient "très difficiles".
Les habitant·e·s des camps de Komar et Olala ont également été victimes de nombreuses attaques par des milices locales de la région d'Amhara. Ces milices s'opposent à l'armée fédérale depuis plus d'un an dans la région, dans un conflit qui a fait au moins 200 mort·e·s l'année dernière, selon l'ONU. Ces dernières semaines, une série d'attaques de milices ont été menées contre les habitant·e·s du camp. Un habitant de Komar a été blessé par balle et hospitalisé.
Mercredi 1er mai, à 5 heures du matin, entre 7 000 et 8 000 réfugié·e·s ont décidé de quitter le camp et de se rendre à pied dans la ville de Gondar, la capitale régionale située à 120 kilomètres. Ils et elles voulaient se rendre au bureau du HCR, pour demander l'accès à un lieu de vie sécurisé. Dans une vidéo filmée par les réfugié·e·s en marche, l'un d'entre eux explique : "Nous en avons assez de ces problèmes de sécurité et de ces violations. Nous avons décidé de sortir et de chercher un endroit sécurisé, un refuge".
Mais à peine 3 kilomètres après le départ de la marche, leur progression a été stoppée par les forces de la police fédérale éthiopienne. Certaines personnes ont été arrêtées et détenues par les autorités éthiopiennes, les autres sont simplement bloquées sur la route depuis plusieurs jours. Dans une vidéo filmée sur place, l'un des réfugié·e·s exprime sa colère contre le gouvernement éthiopien : "Il y a des noms qui sont apparus sur la liste des personnes recherchées, juste parce qu'ils ont participé à une réunion. La police menace la sécurité de certains individus, alors que c'est justement un des problèmes qui nous poussent à partir. Le gouvernement utilise la violence contre les réfugiés, et bloque l'accès à certaines ressources, ils empêchent qu'on ait accès à de l'eau et à de la nourriture."
L'endroit où le cortège a été arrêté se trouve au cœur de la zone en proie à l'insécurité et aux conflits armés. Les réfugié·e·s bloqué·e·s se retrouvent ainsi obligé·e·s de camper en pleine nature, encore plus exposé·e·s que dans les camps qu'ils et elles ont quitté. Un d'entre eux raconte : "Hier, il y a eu des tirs qui ont créé un état de peur, il y a aussi eu une attaque de la part des milices contre le campement, mais quand les gens ont commencé à crier, ils sont partis. Au moment où on parle, tout peut arriver, parce que nous on a nulle part où aller, on n'est pas protégés, donc ils peuvent nous attaquer à tout moment."
Les Soudanais·e·s résidant à d'autres endroits du territoire éthiopien ont protesté contre cette répression disproportionnée des autorités éthiopienne face à une simple demande de protection. Sur les réseaux sociaux, des militant·e·s soudanais·e·s de la plate-forme "Darfour Victim Support" pointent du doigt : "les politiques discriminatoires mises en place par le gouvernement éthiopien à l'encontre des réfugié-e-s soudanais-e-s, par exemple l'interdiction d'accès au territoire éthiopien et la contrainte de résider dans des zones où la sécurité et les services de base font défaut".
Un des réfugié·e·s bloqué·e·s note également l'injustice liée à l'invisibilité de leur situation : "On ne se sent pas du tout en sécurité, et je pose la question au monde entier : pourquoi le monde n'est pas solidaire avec nous, comme ils sont solidaires avec d'autres peuples, comme le peuple ukrainien ?"
Le porte-parole du gouvernement éthiopien, l'administration régionale d'Amhara, la police fédérale n'ont pas fait de déclaration aux médias. Le HCR a reconnu à l'agence de presse Reuters que : "les raisons pour lesquelles ces personnes ont quitté le camp est parce qu'elles ne s'y sentaient pas en sécurité". Dans les vidéos filmées par les réfugié·e·s, cell·eux-ci disent toujours attendre une réponse du HCR et du gouvernement pour régler leur situation.
– Équipe de Sudfa (en collaboration avec des militant·e·s soudanais·e·s en Éthiopie)
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Le socialisme est-il interdit ? Le Mouvement socialiste russe a été reconnu comme « agent étranger »
Le 5 avril 2024, le Mouvement socialiste russe a été déclaré "agent étranger". Quel a été son rôle dans la politique de gauche russe ? Quelle est la raison de son statut d'"agent étranger" ? Avec ses membres, Posle.media rappelle l'histoire du mouvement au cours de la dernière décennie.
3 mai 2024 | tiré d'Arguments pour la l utte sociale
https://aplutsoc.org/2024/05/03/le-socialisme-est-il-interdit-le-mouvement-socialiste-russe-a-ete-reconnu-comme-agent-etranger/comment-page-1/
Le 5 avril 2024, le Mouvement socialiste russe (RSM) a été déclaré "agent étranger". C'est la première fois que les autorités russes interdisent de facto une organisation de gauche : il est évident que la loi oppressive et antidémocratique de Poutine élimine toute possibilité d'activité politique sous ce nom. Toutefois, si nous considérons le statut d'agent étranger comme une sorte de reconnaissance par le régime, il est bien mérité. Au cours de ses 13 années d'existence, le RSM s'est constamment opposé à l'agression militaire, à la dictature et à la privation des droits de la majorité des travailleurs. L'équipe de Posle.media s'est entretenue avec trois membres de l'organisation afin de retracer les étapes de son évolution, qui reflète à bien des égards l'histoire politique de la Russie au cours de la dernière décennie.
Ilya Budraitskis, philosophe politique et historien
Le congrès fondateur du Mouvement socialiste russe s'est tenu au printemps 2011. Il a précédé les événements politiques décisifs qui allaient changer le cours de l'histoire du pays : Poutine a annoncé son retour à la présidence en septembre et, en décembre, les manifestations de la place Bolotnaïa ont commencé à Moscou. Il est emblématique que le congrès de la nouvelle organisation fusionnant plusieurs groupes socialistes en un seul ait été accueilli par le Centre Sakharov, finalement fermé par les autorités.
Le manifeste du RSM, adopté lors du congrès, stipulait ce qui suit : "La gauche russe s'est retrouvée dans une situation où la crise du système politique s'aggrave et où la demande d'une alternative politique se fait de plus en plus pressante au sein de la société. Ainsi, le mouvement nouvellement créé ne revendiquait pas la possession exclusive d'un véritable programme révolutionnaire, pas plus qu'il ne considérait sa propre construction organisationnelle comme une fin en soi. Notre objectif était d'initier le processus de création d'une large coalition de gauche qui, à l'avenir, deviendra un pôle socialiste indépendant d'un large mouvement d'opposition. Cette analyse a été confirmée par ce qui a suivi peu de temps après.
Le RSM était représenté par une grande colonne lors de la première manifestation massive sur la place Bolotnaya le 10 décembre 2011, et une édition spéciale de notre journal a été publiée dans les minutes qui ont suivi. Dans les mois qui ont suivi, le RSM a participé activement à tous les événements clés du mouvement de protestation en pleine évolution : des membres de l'organisation ont pris la parole lors de rassemblements à Moscou et à Saint-Pétersbourg ; nous avons imprimé un journal quotidien pendant les deux semaines du célèbre "Occupy Abai", participé aux élections du Conseil de coordination de l'opposition, et même fait des incursions militantes dans les rassemblements de soutien à Poutine (qui étaient alors, comme aujourd'hui, largement fréquentés par des employés contraints du secteur public). La composition de notre organisation a beaucoup changé pendant cette période : dans la foulée des manifestations, de nombreux nouveaux camarades nous ont rejoints, tandis que d'anciens ont quitté l'organisation, peu convaincus par les tactiques de participation active au mouvement de masse démocratique. Notre position selon laquelle la lutte pour le changement social est inséparable de la lutte pour les droits démocratiques fondamentaux se démarquait déjà de l'arrière-plan des groupes staliniens et dogmatiques qui sous-estimaient le risque de succomber à une dictature pure et simple.
Après l'annexion de la Crimée et l'implication de la Russie dans le Donbas, le RSM s'est opposé sans équivoque au jeu impérial du régime de Poutine, dont les victimes n'étaient pas seulement des Ukrainiens, mais aussi des Russes ordinaires. Lors de la marche contre la guerre à Moscou au printemps 2014, la colonne du RSM a défilé sous une banderole où l'on pouvait lire "Le peuple paie toujours la guerre" : un slogan qui sonne encore plus juste aujourd'hui, dans la troisième année d'une guerre totale qui a fait des centaines de milliers de morts. En 2014-2015, alors que les autorités attisaient l'hystérie chauvine, le RSM n'a pas eu peur d'aller à contre-courant et n'a cessé de répéter son message : "l'ennemi principal est au Kremlin".
Kirill Medvedev, poète, traducteur et musicien
L'année 2017 a marqué un tournant municipal et électoral pour le RSM. Nous avons participé aux élections municipales à Moscou en 2017 et rejoint la campagne de Sergei Tsukasov pour la Douma de la ville de Moscou. Démocrate de gauche avec plusieurs années d'expérience en politique locale, Tsukasov était à l'époque le président du conseil local d'Ostankino, contrôlé par l'opposition. Sergei était soutenu par le Parti communiste de la Fédération de Russie (PCFR) et avait de bonnes chances de l'emporter. C'est pourquoi, juste avant le jour du scrutin, il a été écarté de la course pour des motifs inventés de toutes pièces. Nous avons organisé de grands rassemblements à Moscou pour exiger que lui et les autres candidats de l'opposition retirés soient réintégrés. Finalement, la campagne de Sergei a soutenu le candidat du parti Iabloko qui a transformé ces efforts consolidés en une victoire sur son adversaire soutenu par le gouvernement. Il s'agit là d'un bon exemple de coopération au sein de l'opposition dans le district. Depuis lors, nous avons participé à des actions militantes locales à Ostankino.
En 2021, nous avons rejoint la campagne de Mikhail Lobanov pour la Douma de la ville de Moscou. Nos militants ont participé à diverses activités, de la préparation de l'ordre du jour à la rédaction des journaux locaux, en passant par le travail sur le terrain. La campagne de Lobanov a prouvé qu'un socialiste qui a rassemblé plusieurs personnes partageant les mêmes idées dans sa campagne peut devenir un leader qui unit l'opposition dans son ensemble dans une immense circonscription d'un million d'habitants. Nous avons travaillé avec d'autres hommes politiques de gauche, par exemple Vitaly Bovar à Saint-Pétersbourg, et nous avons désigné nos propres candidats, par exemple Kirill Shumikhin à Izhevsk. En 2022, nous avons soutenu l'initiative Vydvizhenie ("Nomination").
Les élections sont l'occasion de travailler sur un projet avec un calendrier et des résultats réalisables. Il s'agit d'une expérience nécessaire pour les groupes de gauche, qui opèrent généralement dans l'urgence, en essayant de répondre aux initiatives bien planifiées et dotées de ressources suffisantes des autorités. En outre, les élections sont l'occasion d'entrer en contact avec les habitants qui, malgré une dépolitisation massive, font davantage confiance et s'intéressent davantage à un candidat et à sa campagne qu'à des activistes extérieurs dont les objectifs et les motivations sont le plus souvent perçus comme flous et suspects.
Devenir un homme politique, se présenter aux élections et se battre pour représenter le peuple est une décision personnelle, un choix de vie sérieux qui est généralement irréversible. Les organisations de gauche russes ne produisent pratiquement jamais d'hommes politiques. Les gens les rejoignent à la recherche d'autre chose : une identité de groupe, une lutte collective pour un grand programme révolutionnaire. Les enjeux élevés en l'absence de moyens adéquats conduisent souvent à l'épuisement et à la déception.
C'est pourquoi il est si important que les politiciens de gauche, qui ont une expérience pratique des élections et des médias, collaborent avec les groupes d'activistes, qui ont des horizons théoriques, historiques et idéologiques. Les élections sont la principale plateforme pour une telle coopération et nous devrons continuer à le faire d'une manière ou d'une autre, mais bien sûr, ce n'est pas une fin en soi. Le résultat devrait être la formation d'un environnement commun et, en fin de compte, d'une organisation qui rassemble des politiciens, des militants et des experts ; ceux qui ont bénéficié de la coopération avec le CPRF et ceux qui ont toujours été déterminés à créer une infrastructure alternative de gauche. La guerre à grande échelle a perturbé de nombreux plans, mais elle a également accéléré la consolidation de forces de gauche saines - anti-guerre et démocratiques. Le RSM a toujours été à l'avant-garde de ce processus et y joue aujourd'hui un rôle particulier.
Sasha Davydova, activiste du RSM
Le jour où l'invasion de l'Ukraine a commencé, les membres du RSM sont descendus dans la rue pour protester contre la guerre. Je me souviens que nous avons imprimé à la hâte des tracts pour les distribuer dans les rues et que nous avons tenu des piquets de grève solitaires. Certains ont été arrêtés. Les manifestations sont terminées aujourd'hui, mais ce jour-là, il était déjà évident que la guerre changeait radicalement la donne. Les changements politiques du système plaçaient toute action politique organisée dans un cadre plus répressif que jamais.
Nous avons été contraints de nous adapter à la nouvelle réalité de la législation en temps de guerre, au sein de laquelle nous devions exister. Depuis le 24 février, nos priorités se sont déplacées vers la sécurité, la non compromission de nos camarades et la préservation de l'organisation. La question s'est posée de savoir comment agir, mais le RSM est resté fidèle à lui-même pendant la guerre. Les membres et les participants du mouvement ont fait le choix de quitter la Russie ou non, mais la plupart d'entre eux sont restés dans l'activisme.
Le RSM s'est développé en tant que média de gauche depuis 2022, et notre programme s'est également élargi. Nous avons commencé à réfléchir et à parler plus souvent de décolonialité pour tenter de faire évoluer le discours de l'opposition dans son ensemble vers la gauche. Nous avons poursuivi nos efforts dans le domaine des syndicats et soutenu les syndicats indépendants. Nos activistes se sont fait entendre pour faire avancer l'agenda social féministe : nous avons créé un zine sur la maternité, organisé des actions contre la violence de genre et fait campagne contre les attaques conservatrices sur l'autonomie corporelle des femmes. Dans le domaine de l'éducation, le RSM a organisé des écoles pour les sympathisants et des groupes de lecture. Nous avons fait de notre mieux pour ne pas rester isolés et repliés sur nous-mêmes, en cherchant plutôt à faire évoluer le discours d'opposition vers un démocratisme de gauche. Ainsi, nous avons dénoncé les inégalités flagrantes, écrit sur les grèves et les violations des droits des travailleurs, fait campagne contre la violence de l'ultra-droite, etc.
Dans différentes villes, nous avons également conclu des alliances horizontales avec d'autres initiatives et organisations, par exemple pour collecter des fonds en faveur des femmes et des prisonniers russes ou pour écrire des lettres aux prisonniers politiques. À Saint-Pétersbourg, nous avons continué à participer à des campagnes contre l'embourgeoisement et le développement immobilier dans les zones vertes.
Le RSM a noué des liens de solidarité internationale avec des organisations de gauche à l'étranger. En dehors de la Russie, les militants pouvaient se permettre de défiler ouvertement avec des slogans contre l'impérialisme, de s'aligner sur les syndicats le 1er mai, d'organiser des manifestations antifascistes et des actions de solidarité avec les prisonniers politiques russes.
Mais c'est la campagne "Monde juste" menée pendant les "élections" présidentielles qui a apporté la vengeance sous la forme d'un statut d'"agent étranger". Il s'agissait à la fois d'une campagne contre tous les candidats et d'un programme socialiste minimum qui a réuni la gauche en une coalition (et l'union de la gauche est un succès en soi). La campagne pour un monde juste a combiné une action politique légale et une campagne active sur le terrain qui a évité l'erreur de légitimer les soi-disant élections, qui ont été complètement mises en scène par le Kremlin. Je pense que leur résultat montre que notre position s'est avérée la meilleure possible, car un pari sur l'un des faux candidats (Davankov en particulier) ne pourrait jamais être l'expression d'une protestation. La campagne Just World avait pour but d'unir et de politiser les voix de ceux qui réclament la paix, l'égalité et la justice. Ce potentiel ne sera pas perdu.
Publié par Poste.media,
Dans https://posle.media/language/en/socialism-outlawed/
Traduit avec deepl.
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Argentine - « Le programme de Milei est une offensive contre les femmes et les personnes LGBTQI+ »
Suite à l'élection de Javier Milei, les attaques contre les droits des femmes et les minorités de genre se multiplient dans un pays où le mouvement féministe est particulièrement puissant et présent dans l'administration étatique.
Tiré de la revue Contretemps
30 avril 2024
Par Sabrina Cartabia et Paula Lenguita
Ces attaques sont institutionnelles et structurelles : la disparition du ministère des Droits des femmes en témoigne. Elles prennent aussi la forme d'agressions physiques et sexuelles contre les femmes, les minorités de genre et celles qui militent au sein des associations des droits humains pour la reconnaissance des crimes commis pendant la dictature.
L'une des dernières en date a été commise juste avant la manifestation du 24 mars – date du coup d'État de 1976 commémoré chaque année par une marche – contre une militante de l'association d'enfants de victimes de la dictature H.I.J.O.S, agressée à son domicile par un groupe qui a signé son crime en inscrivant sur le mur le slogan de Milei : VLLC (Viva la libertad carajo, « Vive la liberté putain »).
Peu de temps après l'élection de Milei, en janvier dernier, nous avons recueilli les points de vue de deux intellectuelles féministes, engagées dans le mouvement social et/ou les institutions. Sabrina Cartabia est avocate et conseillère au ministère des Femmes et de la Diversité de la province de Buenos Aires. Paula Lenguita est sociologue, professeure à l'Université de Buenos Aires.
Elles abordent les effets directs et indirects de la politique de Milei sur l'égalité de genre, en lien avec les autres enjeux de son programme : l'approfondissement des inégalités sociales et la destruction des services publics, parmi lesquels l'éducation et l'Université, pour la défense de laquelle une marche a été organisée ce 23 avril 2024.
***
Contretemps (C.) et Mouvements (M.) – Pouvez-vous revenir sur les éléments du programme de Milei qui sont défavorables aux femmes et aux personnes LGBTIQ+ ?
Paula Lenguita (PL) – Le programme d'action politique du parti fondé par Javier Milei, La Libertad Avanza, ne fait aucune référence explicite aux femmes ou aux personnes LGBTIQ+ parce qu'il ne reconnaît pas les discriminations ou les inégalités auxquelles ielles sont confronté·es. Plus encore, il est critique de la promotion de politiques de discrimination positive, parce qu'il considère qu'elles génèrent des discriminations contraires à l'égalité devant la loi.
Cependant, cette pensée politique de Javier Milei connaît aussi des variations. Par exemple, lorsqu'il a été invité à la clôture du festival du parti d'extrême droite espagnol, Vox, en octobre 2022, il s'est positionné dans la lutte contre le « zurderío », un terme péjoratif qu'il utilise souvent pour parler de la gauche politique [« les gauchistes »]. À cette occasion, il a proclamé que cette confrontation suppose que « ce n'est pas le temps des tièdes », et a développé l'argument selon lequel « nous les libéraux sommes supérieurs productivement, nous sommes supérieurs moralement ». Une conception suprématiste qui s'est modérée avec le triomphe électoral, lorsqu'à la clôture de l'élection présidentielle, le 22 octobre 2023, il a parlé en faveur de la « gente de bien » (les gens respectables). Plus récemment, lors de la conférence de Davos, il a rejoué ce scénario du « berger du néolibéralisme », dans une position qui ne se comprend qu'en opposition à un large éventail de positions politiques. Se considérant contre un dénominateur commun qu'il appelle le « collectivisme ».
Dans la cartographie de l'activisme anti-droits (« anti-derechos »)[1], Milei s'oppose explicitement aux politiques de discrimination positive et d'égalité des genres, et il est farouchement opposé aux droits reproductifs. Selon lui, ce sont des instruments qui faussent ce qu'il considère comme l'égalité devant la loi, c'est pourquoi l'une des premières mesures qu'il a souhaité prendre est la suppression du ministère des Femmes, du Genre et de la Diversité, créé en 2019. Cependant, l'abandon de cet engagement de l'État à protéger les droits des femmes et des personnes des minorités de genre [de la « dissidence sexuelle », terme utilisée en Amérique latine pour les personnes LGBTIQ+ ] en matière de violences et de discriminations sera un recul significatif. À plusieurs reprises au cours de la campagne, il a déclaré qu'il s'opposerait à la « politique de l'identité », que l'État n'a pas à financer. Il a également déclaré qu'il supprimerait l'obligation d'éducation sexuelle, car il s'agit d'un domaine où seule la famille pourrait décider, et non l'État. Il a enfin mentionné son intention de soumettre à un référendum l'abrogation de la législation actuelle sur l'interruption volontaire de grossesse, obtenue à la fin de 2020, et ce, même si c'est une initiative anticonstitutionnelle ; car en Argentine, il n'est pas possible de soumettre au vote public l'abrogation de la législation pénale.
Sabrina Cartabia (SB) – Le programme de Milei est défavorable aux femmes et aux personnes LGBTQI+ aux niveaux idéologiques, économiques et institutionnels.
D'un point de vue idéologique, c'est un programme conservateur qui est proposé : ramener la société argentine au début du XIXe siècle. Par exemple, un député de ce groupe a proposé que les hommes puissent avoir le droit de renoncer à leur paternité afin de ne pas être responsables des tâches de soins ou de ne pas payer la pension alimentaire, ce qui nous ramènerait à une situation de discrimination structurelle entre les enfants nés en-dehors ou dans le cadre du mariage. Cette proposition a été faite au moment où le mouvement des femmes a réussi à mettre sur la table du débat public le non-respect du paiement des pensions alimentaires comme un problème qui nécessite une intervention plus efficace de l'État, puisque près de7 pères sur 10 ne remplissent pas leurs obligations, surchargeant ainsi les mères et appauvrissant les enfants lorsque les couples se séparent. Cette offensive idéologique favorise les discours de violence et génère un sentiment d'impunité qui se reflète dans la vie quotidienne des femmes et des personnes LGBTIQ+ , qui ne sont pas considérées comme des personnes ayant des droits, mais comme des citoyen·nes de seconde zone. Dans le même temps, l'offensive idéologique se déploie au niveau institutionnel avec la disparition et l'amputation de domaines d'action publique clés pour le développement de politiques d'égalité entre les femmes et les hommes.
Enfin, sur le plan économique, la déréglementation et la réduction des dépenses proposées par Milei dans le cadre d'un plan d'austérité extrême touchent principalement les classes moyennes et populaires. Les femmes, les enfants, les personnes âgées et les personnes LGBTIQ+ sont particulièrement vulnérables aux conséquences de ces politiques d'austérité sur leur vie quotidienne. Aujourd'hui, ielles se trouvent déjà dans une situation critique, avec des niveaux d'endettement élevés pour garantir leur simple subsistance. L'inflation devrait augmenter fortement, rendant l'accès à la nourriture très difficile, tandis que la dérégulation des loyers laissera de nombreuses personnes à la rue. La récession économique sera particulièrement ressentie par celles et ceux qui ont besoin de l'aide de l'État pour survivre. Milei affirme que la justice sociale est un vol et qu'elle devrait disparaître. Or la responsabilité du soin des autres, qui incombe presque exclusivement aux femmes, les empêche d'atteindre l'autonomie économique car elles sont cantonnées dans des emplois mal rémunérés et leur formation à de meilleurs emplois est entravée.
C. & M. – Depuis son élection, des attaques contre les femmes et les personnes LGBTIQ+ ont déjà eu lieu, comme l'attaque du bus rapportée par Pagina 12. Pouvez-vous revenir sur les différentes formes d'attaques contre les féministes et les minorités de genre que l'on peut observer ?
S. – Nous avons entendu parler d'agressions verbales sur la voie publique, mais aussi d'agressions physiques graves. Par exemple, une enseignante lesbienne a été brutalement attaquéepar un inconnu dans les transports publics et ce qui est peut-être le plus choquant dans cet événement, c'est l'apathie des passagers et du chauffeur de bus, qui n'ont rien fait pour empêcher le passage à tabac. La violence a été érigée en forme légitime d'expression par un personnage, Milei, qui a insulté et abusé des femmes en public chaque fois qu'il en a eu l'occasion. Enfin, des allié·es de ce gouvernement, comme Mauricio Macri, se sont déjà exprimé·es dans les médias pour appelerles groupes qui soutiennent Milei à sortir et à affronter les manifestant·es, qualifiant même d'« orcs » les personnes qui manifestent contre Milei – à l'image des personnages de Tolkien, qui sont des humanoïdes à l'apparence terrible et bestiale.
PL. – Le triomphe de l'extrémiste de droite Javier Milei a d'une manière ou d'une autre encouragé l'expression publique de différentes formes de violence symbolique et physique contre les femmes et la communauté LGBTQI+. Comme vous le dites, il y a eu l'enseignante lesbienne qui a subi une agression physique dans les transports en commun, près de l'Université nationale de Lomas de Zamora, le 23 novembre dernier. Il y a également le récit d'Adriana Carrasco, journaliste lesbienne et militante féministe active depuis les années 1980. Elle a également été victime d'un acte d'intimidation et de violence dans un bar du quartier de Buenos Aires. Ces deux agressions n'ont pas été signalées car le pouvoir judiciaire n'a pas mis en place suffisamment de mesures réparatrices ou préventives pour ces cas. Le cas qui a été signalé est celui d'adolescentes menacées dans une école religieuse, le San Juan Evangelista, situé dans le quartier de La Boca à Buenos Aires. Ces adolescentes ont subi des menaces qui ont été amplifiées sur les réseaux sociaux, telles que « nous allons vous violer, féminazis ».
C & M. – Bien que Milei se soit présenté comme un candidat anti-caste, il mène des négociations avec la coalition de partis de droite PRO (Propuesta republicana, « Proposition républicaine ») de Patricia Büllrich et Mauricio Macri. Quelles en sont les conséquences, en général et plus particulièrement pour l'égalité entre les femmes et les hommes ?
PL. – Bien que Javier Milei ait fondé sa campagne sur l'opposition à l'establishment politique et à la dollarisation, nous savions déjà avant même son entrée en fonction qu'il était en train de négocier avec ce même establishment politique pour former un gouvernement et obtenir les conditions nécessaires pour gouverner à court terme. Plus précisément, les négociations avec le parti de droite que vous mentionnez ont abouti à la présence de deux fonctionnaires-clés du gouvernement précédent de Mauricio Macri dans les mêmes ministères : Patricia Büllrich est responsable du ministère de la Sécurité et Luis Caputo occupe le poste de ministre de l'Économie. De plus, une grande partie de ces négociations se font avec d'ancien·nes fonctionnaires du gouvernement de l'ancien président libéral Carlos Menem dans les années 1990.
Sa trahison immédiate envers ses propres électeur·rices est un coût pour sa propre survie politique. Car même s'il a remporté le soutien d'une majorité lors des élections, il a besoin du soutien politique d'un système de partis qui est en crise. Cette trahison électorale est également nécessaire pour trouver un équilibre dans sa gestion, sur la base de nouveaux partenariats et de contre-pouvoirs afin de mettre en œuvre des réformes draconiennes qui nécessitent l'adhésion d'une grande partie de la « caste politique ». Comme l'ont souligné les féministes elles-mêmes lors des récentes manifestations du 28 septembre et du 25 novembre dans le pays, on peut souligner que c'est aussi une référence à la caste patriarcale. Il suffit de se baser sur ses propos, lorsqu'il a déclaré lors de la foire du livre de l'année dernière qu'il « n'a pas honte d'être un homme, d'avoir un pénis », « ni d'être blond aux yeux bleus ».
SB. – Le PRO était une alliance électorale conservatrice qui a de multiples liens avec le parti de Milei. En fait, Milei est devenu président avec le soutien explicite de personnalités du PRO telles que Macri et Büllrich. Les femmes argentines ont déjà vécu le gouvernement PRO, dont les politiques et décisions publiques étaient très similaires à celles de Milei, au point que Luis Caputo, qui était le ministre des Finances de Macri et qui est aujourd'hui le ministre de l'Économie de Milei, est revenu au pouvoir. Ce gouvernement était opposé à la légalisation de l'avortement et Patricia Büllrich était la ministre de la Sécurité qui a ordonné une répression excessive le 8 Mars 2017 qui a conduit à la criminalisation de femmes qui manifestaient simplement dans l'espace public. Elle est actuellement ministre de la Sécurité de Milei, et elle a pris ses fonctions avec un protocole anti-manifestation qui menace tou·tes celles et ceux qui veulent manifester, mais surtout les femmes parce qu'il leur est interdit d'être présentes avec leurs enfants. En même temps, on peut dire que, dans sa politique, le PRO s'est montré cohérent au sujet de la disparition des domaines porteurs d'égalité de genre.
C. & M. – Quelles sont les régressions que vous redoutez en matière de droit à l'avortement légal ? Quels sont les impacts sur les femmes des autres pays voisins d'Amérique latine ?
SB. – Tout d'abord, nous nous attendons à ce que le financement des services de santé sexuelle et reproductive soit supprimé, puis ils avanceront certainement une proposition législative visant à abroger la loi actuelle. Au-delà, l'effet symbolique de cette attaque frontale contre le droit à l'avortement pourrait permettre aux groupes anti-droits d'agir avec une extrême cruauté dans un contexte de permissivité institutionnelle de la violation des droits.
PL. – En ce qui concerne le droit à l'avortement légal, les politiques du gouvernement de Milei chercheront à faire reculer les avancées récentes. Tout dépendra de la force du mouvement féministe pour arrêter cette progression. Selon les déclarations du président élu pendant la campagne, l'atteinte aux droits sexuels et reproductifs des femmes inclut la loi sur l'Interruption Volontaire de Grossesse adoptée fin 2020. Tout d'abord, il dit qu'il mettra en place une procédure pour abroger la loi, ce qui est anticonstitutionnel comme je l'ai mentionné. Cependant, il cherchera également d'autres moyens de réduire l'application de la loi, par le désinvestissement des services publics qui la mettent en œuvre, et il renforcera probablement au niveau national les initiatives existantes dans certaines provinces, qui mettent en avant la clause de conscience afin de restreindre l'accès aux soins médicaux pour les interruptions de grossesse. Dans le prolongement de cette réduction de l'engagement de l'État, il y a également la politique d'éducation sexuelle et reproductive, qui impose des restrictions poussant les femmes vers des pratiques illégales, avec des conséquences pour leur vie et leur santé. En fin de compte, les féministes devront mener plusieurs batailles pour faire face aux obstacles dans les procédures légales en vigueur, y compris la fourniture de services médicaux sécurisés et l'accessibilité des services actuels aux personnes sans ressources.
En Argentine, l'articulation du mouvement anti-droits avec l'émergence de ce régime privé déclenche des affrontements ouverts avec le mouvement féministe. Mais les Argentines ne sont pas seules, nous comptons sur la force et la présence dans les rues des féministes latino-américaines et du monde en général. Parce que nous savons que cet internationalisme renforce la lutte nationale et consolide notre opposition ouverte contre ces restrictions des droits reproductifs qui mettent en danger la santé et la vie des femmes. Et enfin, cela entraînera une aggravation notable des inégalités sociales et économiques qui touchent les femmes à faible revenu, qui ne peuvent pas se permettre d'accéder à des services médicaux sûrs.
C. & M. – Le système d'éducation publique en Argentine est un symbole en Amérique latine, où les autres pays ont un système public moins développé et une éducation reposant davantage sur le secteur privé. En matière d'éducation, les féministes se mobilisent en faveur d'une Éducation sexuelle intégrale. Quelles sont les craintes liées à la volonté de Milei de privatiser l'éducation ?
SB. – L'ensemble du système public argentin est menacé. Cela inclut l'éducation et la santé. D'abord, parce que la proposition consiste à défaire tous les services publics et à passer à un schéma de privatisation totale. Avec une inflation galopante, le budget prévu en pesos pour 2024 est le même que celui de 2023, où l'inflation a atteint 140 % par an et devrait être de 30 % par mois en 2024. Cela pose un problème en termes d'accès aux services, mais aussi du point de vue de l'emploi, puisque la majorité des personnes travaillant dans les secteurs de la santé et de l'éducation sont des femmes. Dans le même temps, il a été annoncé que les salaires seraient gelés dans tous les emplois publics, avec une inflation qui pourrait atteindre l'hyperinflation, et d'autre part, des systèmes de retraite volontaire seront mis en place et une présence à 100 % est exigée, alors qu'après la pandémie, ces régimes avaient été assouplis, permettant une meilleure conciliation des tâches de travail et de soins dans la logique de la coresponsabilité de l'État pour les responsabilités familiales de celles et ceux qui travaillent. Tous les services publics sont menacés. La pauvreté augmentera de façon dramatique, laissant les classes moyennes actuelles dans une situation de précarité que nous ne pouvons même pas imaginer.
PL. – Comme je l'ai mentionné précédemment, la nomination au ministère de l'Éducation de Carlos Torrendell, en raison de son parcours politique et de ses orientations restrictives, est une autre indication du cap que le président élu essaiera de mettre en œuvre contre l'éducation sexuelle dans le pays. En effet, la privatisation de l'éducation, dans n'importe quel contexte, limite l'accès équitable à une formation de qualité et au respect des droits sexuels et reproductifs. Dans le pays, grâce à la législation en la matière, tous les niveaux d'éducation s'engagent à offrir une approche pédagogique sur ces droits pour les filles, les garçons et les adolescent·es sur l'ensemble du territoire. Cette approche est basée sur des informations précises, objectives et scientifiques avec des contenus fournis par une santé et une éducation publiques, gratuitement assurées par l'État. La privatisation de cette politique pourrait affecter le contenu et la qualité de l'éducation dispensée, car elle serait soumise à des intérêts économiques et à des critères restrictifs différents de l'équité recherchée. Pour être plus précise, la politique restrictive du gouvernement de Milei menace une tradition inclusive consacrée dans l'histoire éducative de notre pays, en introduisant des mécanismes d'exclusion et de différenciation basés sur des différenciations économiques, géographiques et d'accès aux normes académiques, en particulier pour les personnes à faible revenu ou les communautés marginalisées. Une situation qui les empêchera d'accéder à des informations cruciales pour leur santé sexuelle et reproductive. Les orientations restrictives du gouvernement auront un impact sur l'approche publique et démocratique de l'éducation argentine aujourd'hui, ainsi que sur des régressions indéniables en matière de santé sexuelle et de droits reproductifs des élèves.
*
Propos recueillis par Viviane Albenga (membre du comité de rédaction de Mouvements) et Fanny Gallot (co-directrice de publication de Contretemps).
Illustration : © Wikimedia Commons / Romi Pecorari
Note
[1] Le terme de « mouvement anti-droits » renvoie aux franges conservatrices, religieuses ou réactionnaires hostiles au spectre des droits revendiqués par les mouvements féministes et LGBTQI+.
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France - Éditorial : contre l’escalade répressive, pour la solidarité avec la Palestine, faisons front maintenant !
En politique comme dans l'histoire, il existe des moments d'accélération et de bascule. Pour le meilleur mais aussi pour le pire. Nous vivons l'un de ces moments, lourd d'inquiétudes et de menaces pour nos droits et libertés.
Tiré de la revue Contretemps
24 avril 2024
Par Contretemps
Les deux mandats d'Emmanuel Macron sont marqués par des niveaux inédits d'autoritarisme et de répression. D'une très longue liste, on se contentera de mentionner les séquences des Gilets Jaunes, de la mobilisation à Sainte-Soline ou de la révolte des quartiers de l'été dernier. Ce déchaînement de violence d'Etat est l'accompagnement nécessaire d'une politique antisociale d'une grande brutalité et le signe de l'isolement croissant du pouvoir.
Pourtant, un nouveau cap a été franchi depuis le 7 octobre avec la volonté acharnée de criminalisation des expressions de soutien au peuple palestinien. Interdiction totale des manifestations pendant plusieurs semaines, annulation de plusieurs réunions et conférences, expulsion d'une responsable politique palestinienne, poursuites à l'encontre des organisations et des militant.es politiques et du mouvement social, amalgame systématique de la dénonciation des crimes perpétrés par Israël avec l'antisémitisme, pressions et menaces de sanctions dans les universités et les institutions de recherche, un climat liberticide s'est installé dans le pays, avec l'active complicité des médias et d'une large partie du spectre politique.
L'un de ses premiers effets a été le blanchiment de l'extrême droite, désormais considérée comme faisant pleinement partie du prétendu « arc républicain », au moment où en était exclue la première formation politique de la gauche. La défense zélée d'Israël a ainsi permis aux héritiers d'un parti fondé par des anciens Waffen-SS, des miliciens collaborationnistes et des tortionnaires des guerres coloniales de participer à des manifestations censées dénoncer l'antisémitisme.
Dès lors, c'est à juste titre que le Rassemblement National se targue d'avoir remporté une « victoire idéologique » avec le vote à l'Assemblée d'une « loi immigration » qui ouvre la voie à l'instauration de la « préférence nationale », son thème de prédilection. On savait depuis longtemps que le calcul politique du macronisme reposait sur son face-à-face électoral avec l'extrême droite. A présent, on comprend que sa politique vise explicitement à l'installer comme la solution d'alternance légitime face à sa majorité chancelante.
Un instant, on a pu croire que le fond avait été atteint dans la chasse aux sorcières à l'encontre des voix dissonantes. Que le soutien officiel, certes tardif et timoré, à un cessez-le-feu à Gaza, à l'acheminement de l'aide humanitaire, et même à une « solution à deux Etats » marquaient un changement de cap. Que la reconnaissance par la Cour de Justice Internationale de la « plausibilité » du génocide commis à Gaza aurait un impact au sommet de l'Etat. Il a fallu déchanter. A la fin janvier déjà, le ministère de la justice, comptait 626 procédures au motif d' « apologie du terrorisme » en lien avec la guerre à Gaza, et des poursuites engagées à l'encontre de 80 personnes.
Ces dernières semaines ont été marquées par une nouvelle escalade répressive, qui vise des acteur.ices de la gauche sociale et politique, des militant.e.s associatifs, des journalistes et des personnalités intellectuelles. Jean-Paul Delescaut, secrétaire de l'Union départementale CGT du Nord condamné à un an de prison avec sursis pour un tract syndical ; Mohamed Makni, élu municipal socialiste à Echirolles condamné à 4 mois de prison avec sursis pour avoir relayé des messages sur les réseaux sociaux ; Rima Hassan, militante franco-palestinienne candidate sur la liste LFI aux européennes et Mathilde Panot, présidente du groupe LFI à l'Assemblée, convoquées par la Police Judiciaire dans le cadre d'enquêtes pour « apologie d'actes de terrorisme », tout comme Anasse Kazib, syndicaliste SUD-Rail et porte-parole de Révolution Permanente, des militant.es de la section Solidaires Etudiant.es de l'EHESS, la journaliste Sihame Assbague et des dizaines d'autres ; une conférence de Jean-Luc Mélenchon et Rima Hassan à Lille annulée à deux reprises, ce ne sont là que quelques exemples de l'emballement répressif en cours.
Il devient urgent de réagir. La dénonciation des actes liberticides, l'expression de solidarité avec celles et ceux qui sont visés sont indispensables. Mais cela ne saurait suffire. Des actions concrètes, unitaires et de grande ampleur sont nécessaires pour mettre en échec cette politique de l'intimidation et de la peur. Les organisations de la gauche politique et syndicale, le mouvement social, les réseaux internationalistes, les espaces de résistance intellectuelle portent à cet égard une responsabilité particulière.
Comme l'ont déjà proposé des personnalités de la gauche sociale et politique, nous jugeons impératif de construire dès maintenant le front le plus large pour défendre les libertés démocratiques et le droit d'exprimer la solidarité avec le peuple palestinien. Contretemps prendra toute sa place dans cette démarche de rassemblement, indispensable pour arrêter la course au désastre et redonner espoir au camp de l'émancipation.
La rédaction de Contretemps-web
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Illustration : Photographie de Martin Noda / Hans Lucas / Photothèque rouge.
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Macron - Le capitalisme porte la guerre et l’autoritarisme comme la nuée porte l’orage…
Depuis des mois, nous avançons aveuglés par l'éclat des bombes dans les fenêtres des médias et des réseaux sociaux. Nous les voyons tomber sur Gaza ou en Ukraine. Nous continuons, étonnés, étourdis même, par le son des canons qui résonnent au loin.
4 avril 2024 | tiré d'Europe solidaire sans frontières | Crédit Photo. Photothèque Rouge/Milo
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article70617
À mesure que la guerre étend son ombre, nos gouvernants s'y préparent et entendent bien nous y jeter à corps perdus. Et derrière eux, les Bolloré, les Dassaut, les Peugeot et autres marchands de canons se pourlèchent les babines en calculant leurs prochains profits.
Capitalisme, colonialisme, autoritarisme et guerre
Le capitalisme mondialisé sous la domination des États-Unis et de ses alliés est entré dans une crise multidimensionnelle aux contradictions inextricables. Les crises environnementales (sécheresses, inondations, pandémies), les crises financières et économiques (subprimes, dettes…) et la crise d'hégémonie du système capitaliste se conjuguent et se renforcent. Ce système économique à bout de souffle renforce l'exploitation, les inégalités, et pour se maintenir attise la haine, le racisme et l'extrême droite… et la guerre. On en veut pour preuve la montée des budgets militaires partout dans le monde, en même temps que l'autoritarisme des États et la poussée des idées d'extrême droite.
Cette situation donne des ailes à tous les colonialismes à commencer par le projet colonial israélien qui consiste à nettoyer ethniquement les PalestinienNEs pour s'emparer des gisements massifs de gaz sur les rives de Gaza, des terres et de l'eau en Cisjordanie. En Ukraine, la Russie compte bien mettre la main sur les ressources naturelles, les immenses terres arables et les centrales nucléaires. Aux États-Unis, la guerre, pour conserver l'hégémonie sur la globalisation et rester le centre impérial, concentre les flux financiers et économiques. Et en France, le retour d'un impérialisme guerrier enchante les « capitaines d'industrie » et les financiers. Il s'agit pour l'État français de reprendre pied en Afrique et au Moyen-Orient, pour retrouver les marchés et les positions perdues ces vingt dernières années.
Économie de guerre et mise au pas
Avant la guerre, « l'économie de guerre » et « le réarmement »… réclamés par les laquais du capital, les économistes de cour, les intellectuels de préfecture. Ce ne sont pas leurs enfants qui vivront la misère et crèveront sous les balles. Alors, Macron ouvre en grande pompe des usines de poudre et de canons, tandis que le champagne coule à flots dans les salons dorés de la République. Il entend consacrer 413,3 milliards d'euros aux armées de 2024 à 2030. Et pour tout cela, il faut mettre le peuple au pas. Il faut lui apprendre la discipline et le sacrifice. Ainsi, Attal a décidé de cadenasser la jeunesse 10 heures par jour tous les jours en transformant les collèges en casernes, en développant l'uniforme, après le SNU.
Museler la contestation
De leur côté, Darmanin et Dupont-Moretti pourchassent toute parole contestataire, écologique ou sociale. La répression est particulièrement zélée envers l'expression de la solidarité pour le peuple palestinien sous génocide. Fin janvier, le ministère de la Justice comptait 626 procédures pour « apologie du terrorisme » en lien avec la guerre à Gaza. Le secrétaire de l'Union départementale CGT du Nord vient d'être condamné à un an de prison avec sursis pour un tract ; Rima Hassan, candidate sur la liste LFI aux européennes, est convoquée par la police judiciaire pour « apologie d'actes de terrorisme », ainsi que des militantes la section Solidaires ÉtudiantEs de l'EHESS, de SUD-Rail, la journaliste Sihame Assbague, notre propre directeur de publication et des dizaines d'autres… et désormais la députée Mathilde Panot.
Enfin, parce qu'il faudra bien payer pour les canons et le champagne, Le Maire annonce, à grand renfort de coupes dans les budgets de l'éducation, de la santé et de la protection sociale, l'austérité totale.
Tout cela jusqu'à quand ? Accepterons-nous de marcher au pas et d'envoyer nos enfants à l'abattoir ? Ou tournerons-nous nos fusils contre nos propres généraux ? Il est plus que temps de relever la tête et de refuser la censure et la répression. De refuser l'autoritarisme du gouvernement Macron et la guerre qui vient.
Guerre à la guerre ! Solidarité et liberté pour tous les peuples ! Liberté pour la Palestine ! Liberté pour l'Ukraine ! Plus que jamais anticapitalistes et internationalistes ! C'est ce que nous redirons le 1er Mai.
Thomas Rid
P.-S.
• Hebdo L'Anticapitaliste - 705 (25/04/2024). Publié le Mercredi 24 avril 2024 à 16h30 :
https://lanticapitaliste.org/actualite/international/le-capitalisme-porte-la-guerre-et-lautoritarisme-comme-la-nuee-porte-lorage
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Grèce : Quelles suites après la grève réussie contre la misère ?
Mercredi 17 avril a eu lieu en Grèce une des grèves les plus suivies des dernières années : 100 % dans les transports, 70 % dans la construction, gros chiffres dans les entreprises et la livraison à deux-roues. Mais quasiment rien dans les supermarchés, pourtant au cœur des accusations d'exploitants de la misère. Il faut dire que ces derniers temps, la répression syndicale, qui touche aussi le secteur public, est plus forte que jamais, avec menaces sur les renouvellements de contrats.
25 avril 2024 | tiré de Hebdo L'Anticapitaliste - 705 | Crédit Photo : Banderole des étudiantEs toujours mobiliséEs contre les facs privées - NPA
https://lanticapitaliste.org/actualite/international/grece-quelles-suites-apres-la-greve-reussie-contre-la-misere
Si la participation a été si forte, c'est que la Grèce est quasiment en tête de la vie chère en Europe. Les chiffres donnés par GSEE, la Confédération unique du secteur privé à l'origine de cette grève, sont édifiants : en trois ans, l'huile, produit de base en Grèce, a augmenté de 87 %, les laitages de 34 %, le prix de l'électricité de 39 %. Face à la pauvreté, le Centre KEPE propose l'institution de repas gratuits dans les écoles pour tous les enfants. Les expulsions de propriétaires endettéEs se multiplient, malgré la fréquente opposition solidaire du voisinage. Pour 6 foyers sur 10, le revenu mensuel suffit pour seulement 19 jours, et les « aides » diverses, malgré leur mise en scène, relèvent du bluff, et même du scandale : le ministre de la Santé instaure dans le public un « service spécial » d'opérations... payantes. Et pendant que le gouvernement se réjouit de l'attrait touristique du pays, les revenus engendrés (20 milliards sur les 11 premiers mois de 2023) ne sont en rien employés à lutter contre ce terrible appauvrissement.
Divisions syndicales
Absente des récentes mobilisations, alors que la Fédération du secteur public ADEDY s'y associait, GSEE a fini par appeler à la mobilisation — mais pas ADEDY ! — pour réclamer des salaires dignes et le rétablissement des conventions collectives. Si la grève a été réussie — et notamment dans certaines branches du Public — les manifs l'ont moins été ! L'une des raisons, la division : d'un côté, PAME, le courant syndical du KKE (PC grec) avec un discours autant anti-GSEE qu'anti-droite, de l'autre les syndicats de base et une partie de la gauche radicale, et enfin GSEE avec des accents radicaux strictement pour des effets de tribune, et avec elle une partie de la gauche radicale et réformiste.
ToutEs ensemble !
Comme le dit Prin, le journal du groupe NAR, pour les manifs à Salonique, « les rassemblements ont connu leur plus faible participation depuis de nombreuses années, et cela prouve la crise de l'actuel mouvement syndical et l'absence d'un projet militant et d'un cadre qui donnent envie de lutter aux travailleurEs ». Ce constat vaut en fait pour tout le pays, même si on vérifie une nouvelle fois que l'appel des bureaucrates de GSEE a permis une grève réussie. Pour sortir de ce cadre infernal et ouvrir des perspectives, la mobilisation universitaire contre les facs privées est exemplaire : grâce aux massives AG étudiantes et aux manifs « ToutEs ensemble », elle a su surmonter les divisions pour durer et, même si elle n'a pas encore gagné, elle a montré la voie.
A. Sartzekis, Athènes, le 20 avril 2024
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Portugal - Révolution des Œillets : Les masses en mouvement contre le colonialisme et le fascisme
Qui pouvait imaginer au printemps 1974 qu'une dictature née d'un coup d'État militaire en 1926 tomberait en seulement quelques heures, quasiment sans morts ni coups de feu (1) ? Le 25 avril 1974, le régime fondé par Salazar s'effondre pourtant, ouvrant une brèche dans laquelle va s'engouffrer le peuple portugais au cours des 19 mois suivants. Retour sur la révolution des Œillets, par Ugo Palheta.
Tiré de Gauche anticapitaliste
26 avril 2024
Par Ugo Palheta
Il est vrai que les luttes populaires n'ont jamais cessé au Portugal et que des putschs militaires ont déjà été tentés, mais on perçoit alors généralement le peuple portugais comme apathique – y compris au sein de la gauche internationale.
On estime en outre que les bases du régime salazariste sont solides : les forces de répression s'avèrent féroces et paraissent omniprésentes, à travers notamment un vaste réseau d'indicateurs ; de leur côté, les appareils idéologiques (Église, école, presse) se tiennent fermement du côté de la dictature et diffusent une idéologie particulièrement réactionnaire.
Les officiers sont l'étincelle
Pourtant l'histoire est capricieuse : le 25 avril 1974, la dictature s'effondre comme un château de cartes, grâce à l'action audacieuse menée par de jeunes officiers intermédiaires, réunis dans le cadre d'une organisation clandestine — le Mouvement des Forces armées (MFA). Alors inconnus de la population, ces capitaines et commandants s'étaient d'abord organisés autour de revendications relatives à des questions d'avancement et de statut. Mais à mesure qu'ils discutent ensemble de l'effroyable guerre coloniale menée par le Portugal depuis 1961, qui a conduit à la mort d'au moins 100 000 civilEs africainEs, ils comprennent que cette guerre ne peut être gagnée militairement, que la seule issue est politique, qu'elle doit conduire à l'indépendance des colonies, et que le régime y fera obstacle jusqu'à son dernier souffle. D'où la décision que prend le MFA d'organiser un soulèvement militaire.
Le coût du maintien de l'empire colonial
C'est donc aux colonies portugaises que naît la révolution. Ce sont bien les luttes héroïques menées par les mouvements de libération angolais, guinéens, cap-verdiens et mozambicains qui vont intensifier toutes les contradictions du fascisme portugais, celles-ci se condensant finalement au sein du pilier du régime : l'armée. Sans révolution anticoloniale, pas de révolution antifasciste. En contraignant la dictature à consacrer aux dépenses militaires jusqu'à près de la moitié du budget de l'État, les mouvements anticoloniaux sapent la capacité du régime à satisfaire minimalement les besoins de sa population.
Le Portugal est alors de loin le pays le plus pauvre d'Europe et présente les pires indicateurs en matière de santé, d'instruction, etc. Cela sans compter l'envoi au front de centaines de milliers de jeunes Portugais, la mort de milliers d'entre eux, les dizaines de milliers revenant mutilés, et l'exil forcé — vers la France notamment — de dizaines de milliers de jeunes hommes refusant de faire leur service militaire et de participer à cette sale guerre.
Industrialisation et nouvelle classe ouvrière
En outre, l'ouverture du pays aux capitaux étrangers impérialistes durant les années 1960 a pour conséquence une industrialisation rapide qui bouleverse les équilibres fragiles de la société portugaise, accentue l'exode rural et engendre une nouvelle classe ouvrière, sans l'expérience des défaites antérieures et qui jouera un rôle crucial dans les mois suivant la chute du régime. La guerre coloniale sans fin suscite également une contestation de plus en plus ouvertement politique au sein des universités, favorisant l'émergence d'une gauche révolutionnaire dynamique qui aura son importance au cours du processus révolutionnaire. Car le 25 avril qui, pour certains, devait être une simple transition dans l'ordre vers une démocratie bourgeoise, n'est qu'un début ; le combat va continuer.
Révolution démocratique, dynamique anticapitaliste
Les révolutions n'éclatent jamais pour les raisons et sous les formes qu'avaient imaginées les révolutionnaires. Les raisons de se révolter ne manquent pas, mais personne ne peut prédire quelle étincelle mettra le feu à la plaine.
Dans le cas portugais, c'est ainsi un putsch militaire qui, en faisant tomber la dictature et en fracturant l'État entre différents centres de pouvoir, va amener le peuple à prendre confiance en ses propres forces, à s'organiser et à lutter pour conquérir les libertés démocratiques et transformer les structures économiques et sociales.
Le plus grand mouvement de grève
Dès le 25 avril 1974, alors que le MFA multiplie les communiqués pour inviter la population à rester chez elle, spectatrice du changement de régime, des dizaines de milliers de personnes à travers le pays prennent la rue, acclament et encouragent les militaires insurgés, assiègent les principales institutions de la dictature, ou font pression pour la libération des prisonniers politiques. Dans les deux mois qui suivent, alors que le nouveau pouvoir — alliance entre le MFA, un vieux général opposant de la dernière heure (Spínola) et les principaux partis (dont le Parti communiste portugais, PCP) — tente d'opérer des changements institutionnels et de rationaliser le capitalisme portugais, le pays connaît le plus vaste mouvement gréviste de son histoire tandis que, déjà, des milliers de mal-logéEs s'organisent pour occuper des logements vides.
Auto-organisation
La chute si brutale du régime salazariste engage ainsi le Portugal dans un processus révolutionnaire qui demeure à ce jour le dernier soulèvement populaire à dynamique anticapitaliste en Europe. Dans la mesure où les organisations syndicales et politiques ont initialement une très faible implantation, les classes populaires construisent leurs propres outils démocratiques de lutte : dans les entreprises (commissions de travailleurEs), dans les quartiers (commissions d'habitantEs), dans les campagnes du Sud (ligues paysannes) et, tardivement, parmi les soldats. Cette auto-organisation populaire à vaste échelle radicalise les revendications et les aspirations, dans le sens d'une remise en cause de plus en plus franche de la propriété capitaliste et de la logique du profit.
Et bientôt se multiplient les appels à construire une autre forme de pouvoir : un pouvoir populaire, capable de concurrencer, briser et remplacer l'État capitaliste.
La bourgeoisie reprend la main en novembre 1975
Malheureusement, la stratégie étapiste du PCP (2), la fragmentation de la gauche révolutionnaire et les sectarismes croisés empêchent l'unification de ces formes d'auto-organisation populaire. De son côté, la bourgeoisie portugaise et internationale ne reste nullement l'arme au pied. En suscitant des violences contre-révolutionnaires contre la gauche dans le nord du pays, en soutenant un prétendu « socialisme démocratique » via notamment le Parti socialiste et la droite du MFA, elle parvient progressivement à reprendre le contrôle à l'automne 1975, jusqu'au coup d'État institutionnel du 25 novembre 1975 qui lui permet d'écarter les militaires les plus à gauche, de réunifier les structures de pouvoir et de renforcer les capacités répressives du nouvel État « démocratique ».
Des droits conquis
Les mobilisations populaires ne cessent pas du jour au lendemain mais l'occasion a été manquée. La révolution laisse néanmoins des traces importantes dans la société portugaise, avec la conquête de larges droits démocratiques et d'institutions (l'État social) que la bourgeoisie portugaise a, depuis lors, constamment cherché à démanteler. Et alors que l'extrême droite renaît actuellement au Portugal sur le plan électoral, la mémoire de cette révolution démocratique et sociale demeure un point d'appui pour celles et ceux qui n'ont pas renoncé à rompre avec le capitalisme et à bâtir un autre monde.
Article initialement publié sur le site de l'Anticapitaliste, le 24 avril 2024.
Crédit Photo : JVarlin-Wikirouge.
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Notes
1. Quatre personnes sont tuées le 25 avril lors de l'assaut populaire du siège de la police politique honnie.
2. Le PCP théorisait depuis les années 1960 la nécessité d'une étape démocratique durable devant précéder nécessairement la révolution socialiste. Or, dès le mois de mai 1974, les travailleurEs mobiliséEs combinent des revendications démocratiques et sociales dans le cadre de grèves dures, que condamne le PCP au nom de la nécessité d'une relance de l'économie portugaise et de ne pas effrayer la petite et moyenne bourgeoisie.
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1er mai : les syndicats doivent organiser la solidarité avec le peuple palestinien
À l'occasion du 1er mai, journée internationaliste par excellence, nous relayons l'appel urgent lancé aux syndicats états-uniens par la Fédération générale palestinienne des syndicats. Il est impératif que les travailleurs et leurs organisations, partout dans le monde, affirment par l'action leur solidarité avec le peuple palestinien soumis actuellement, à Gaza, à une guerre de nature génocidaire et, en Cisjordanie, à une intensification de la politique de nettoyage ethnique.
Tiré de la revue Contretemps
30 avril 2024
Par La Fédération générale palestinienne des syndicats
Frères et sœurs des syndicats et autres organisations syndicales aux États-Unis d'Amérique : au milieu de la douleur et du sang, dans les camps de déplacés, au milieu des décombres et des ruines de nos maisons, ateliers, usines, magasins et institutions détruits par l'occupation « israélienne », en utilisant des armes de fabrication américaine, au nom de la Fédération générale palestinienne des syndicats (PGFTU), nous vous appelons à la solidarité.
Au lieu de célébrer avec vous le 1er mai, Journée internationale des travailleurs, nous sommes occupés à envelopper des dizaines de personnes qui sont tuées 24 heures sur 24 au milieu d'une guerre génocidaire contre notre peuple – dans tous les sens du terme. Cela a conduit à la destruction de tout dans la bande de Gaza (hôpitaux, centres de santé, écoles, universités, rues, purification de l'eau, égouts et autres infrastructures, usines, magasins, centres culturels, mosquées, églises et même des enfants à naître). Aucun d'entre eux n'a été épargné par les bombes, les missiles et les obus de l'occupation (y compris les armes interdites au niveau international, comme le phosphore blanc).
Nous vivons un massacre massif et une dislocation forcée – un nettoyage ethnique – commis contre nous. Cette guerre dévastatrice et ses catastrophes nous ont imposé, à la Fédération générale palestinienne des syndicats à Gaza, de grandes responsabilités : récupérer les corps brisés et même les morceaux de notre peuple, soigner les blessés et essayer de soulager leurs douleurs (sans anesthésiques, antibiotiques ou autres médicaments), traiter les le traumatisme psychologique (surtout des enfants), tout en essayant de transmettre au monde la vérité sur ces souffrances et la catastrophe humanitaire et environnementale. Depuis le début de l'agression, nous, à la PGFTU, nous considérons comme faisant partie intégrante de notre peuple – non séparé de sa réalité. Nous avons souffert et perdu des milliers de membres, de bureaux syndicaux, d'installations et d'autres institutions.
Malgré nos efforts pour apporter une aide à notre peuple avec le soutien limité que nous avons reçu et pour faire entendre haut et fort la voix de notre peuple dans les forums internationaux, nous avons été confrontés à un silence et à une négligence choquants de la part du mouvement syndical international. Cependant, nous reconnaissons qu'il existe des exemples exceptionnels de syndicats, clairement démontrés lors de manifestations dénonçant la guerre de génocide sioniste menée dans la bande de Gaza. Chers camarades des syndicats américains, plusieurs actions ont été révélées au cours de l'agression, qui doivent être observées et dénoncées de près, notamment :
– Premièrement, les syndicats américains doivent dénoncer l'ampleur des crimes de guerre et du génocide commis contre notre peuple, ainsi que la position biaisée et la complicité des États-Unis dans l'autorisation de l'agression. Il faut y faire face et continuer de protester pour exercer des pressions contre l'exportation d'armes fabriquées aux États-Unis vers l'occupation. La pression doit être accrue sur l'administration américaine pour qu'elle abandonne ces actions hostiles contre le peuple palestinien.
– Deuxièmement, il y a la décision israélienne de suspendre ou de résilier les contrats de milliers de travailleurs de la bande de Gaza par les institutions locales, arabes et internationales dans le cadre de la guerre d'extermination, privant les employés de leurs droits et de leur indemnisation. Il aurait été préférable que ces institutions renforcent la sécurité économique des travailleurs en mettant en œuvre des mesures de soutien plutôt que de les licencier. Cette question doit être au cœur de vos préoccupations et de votre combat.
– Troisièmement : le mouvement syndical international, y compris la Fédération internationale des syndicats, s'est replié sur des positions verbales sans prendre de mesures sur le terrain ni faire pression sur les décideurs pour qu'ils mettent fin à cette guerre d'extermination, limitant les activités syndicales à des conférences et des déclarations et sans approfondir la nécessité de garantir l'aide humanitaire, ou d'influencer l'opinion publique internationale pour révéler la vérité sur les crimes sionistes et les pratiques des pays alliés qui continuent de soutenir Israël. Parmi ces mesures figure la lutte pour interdire les syndicats d'occupation au niveau international, car ils sont partenaires dans la guerre de génocide. Nous appelons notamment les syndicats américains à boycotter ces syndicats pour protester contre leur complicité dans cette guerre génocidaire.
– Quatrièmement, les syndicats peuvent jouer un rôle influent aux États-Unis pour venir en aide à des centaines de milliers de familles de travailleurs dont les maisons et les lieux de travail ont été détruits, les obligeant à s'abriter sous des tentes, sans travail ni revenu.
Vous pouvez contribuer à des projets financiers et à des fonds de secours pour les travailleurs et à la sécurité sociale temporaire en coordination avec la Confédération syndicale internationale pour soulager les souffrances de milliers de nos citoyens. Chers camarades… Nous faisons appel à vous pour être notre voix et notre défenseur à l'intérieur et à l'extérieur de l'Amérique. Ce que vivent nos peuples et ce à quoi les travailleurs et les syndicats en particulier sont exposés est la catastrophe la plus horrible connue par l'humanité au cours des dernières décennies.
Nous vous demandons de transmettre notre message et de donner une voix aux souffrances des travailleurs affamés et de leurs familles – pas seulement au peuple américain, pas seulement à vos syndicats, mais au monde entier. Nous sommes un peuple qui endure les bombardements, la faim, la maladie et toutes les formes de souffrance, mais nous sommes déterminés à vivre, à tenir bon et à reconstruire après cette destruction avec notre sang et de nombreux sacrifices. Merci pour vos efforts et bonne année à l'occasion de la Journée internationale des travailleurs. Nous porterons certainement l'étendard de la victoire malgré les massacres et les destructions.
De la part de vos camarades de la Fédération générale palestinienne des syndicats de Gaza.
*
Traduction par Contretemps.
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Histoire : le fascisme à l’israélienne
Ce qui est le plus étonnant dans la guerre contre Gaza, c'est… l'étonnement de nombreux observateurs – journalistes, mais aussi chercheurs – devant l'escalade génocidaire d'Israël. Cette apparente surprise, lorsqu'elle est sincère, découle notamment d'une sous-estimation du changement qualitatif représenté par la coalition mise en place dans les derniers jours de l'année 2022.
Tiré de Yaani.
La prolongation du conflit obéit bien sûr aux mêmes motifs que la formation du gouvernement : pour Benyamin Netanyahou, il s'agit inséparablement à la fois de préserver son poste de Premier ministre et de bloquer la procédure judiciaire entamée contre lui.
Mais cet objectif personnel ne saurait dissimuler la toile de fond politique commune au chef du Likoud et à ses alliés, anciens comme nouveaux. Qualifiée par l'ex-Premier ministre Ehoud Barak, qui n'a rien d'un gauchiste, de « gouvernement aux valeurs fascistes » la coalition investie fin décembre 2022 par la Knesset est formée autour d'un Likoud radicalisé (trente-deux députés), allié à deux partis ultra-orthodoxes (dix-huit députés). Et elle comprend aussi, pour la première fois, deux partis suprémacistes, racistes et homophobes (quatorze députés). Benyamin Netanyahou a offert aux dirigeants de ces derniers des ministères essentiels : à Itamar Ben Gvir la Sécurité nationale, à Bezalel Smotrich les Finances mais aussi la tutelle de la Cisjordanie.
Héritiers de Kahane et du Gush Emunim
L'un de ces deux irresponsables qui ne dissimulent même pas leur racisme, Itamar Ben Gvir, s'affiche comme l'héritier du rabbin fasciste Meïr Kahane. Fondateur de la Ligue de défense juive, condamné à cinq ans de prison pour « terrorisme » aux États-Unis, Kahane a fait son aliya en 1971, multipliant les violences anti-Arabes au service de son objectif : un Grand Israël vidé de tous ses Palestiniens.
En 1984, il fut élu à la Knesset, créant un choc tel que pas un autre député n'assistait à ses discours. Ses collègues décidèrent même d'interdire l'incitation au racisme dans le Code pénal et la Loi fondamentale régissant la Knesset. Si bien que Kahane fut exclu du scrutin de 1988. Le 5 novembre 1990, il mourait assassiné à New York.
Toutefois les deux mouvements qui s'en réclamaient – Kach et Kahane Hai – poursuivirent leurs actions violentes. Le 25 février 1994, 29 musulmans en prière dans la mosquée d'Abraham à Hébron seront massacrés par un colon kahaniste, l'Américain Baruch Goldstein – dont le portrait trônera longtemps dans le salon de Ben Gvir. Un mois plus tard, les deux mouvements sont interdits comme « organisations terroristes ». Ils n'en inspireront pas moins Yigal Amir, l'assassin d'Itzhak Rabin, le 4 novembre 1995. Peu avant, Ben Gvir apparut à la télévision en brandissant la plaque minéralogique de la voiture du Premier ministre, et annonça : « Nous avons eu sa voiture, et nous l'aurons lui aussi ».
Bref, la référence au fascisme n'a rien d'excessif s'agissant de Ben Gvir. Condamné à maintes reprises par la justice israélienne, il affichait un extrémisme tel que même l'armée ne l'a pas laissé effectuer son service militaire tant elle le jugeait « dangereux ». Au printemps 2021, évoquant son rôle dans les violences à Jérusalem et au sein des villes dites mixtes, le chef de la police de Jérusalem Kobi Shabtaï déclara à Netanyahou : « La personne qui est responsable de cette Intifada est Itamar Ben Gvir ». Jusqu'aux dernières semaines, avant les élections du 1er novembre 2022, il prônait l'annexion de toute la Palestine et le « transfert » de tous ses habitants arabes. Il se prononçait même pour la déportation des Israéliens « déloyaux » qui « travaillent contre l'État » – parmi lesquels il cite le député arabe Ayman Odeh, mais aussi le député juif Ofer Cassif…
Dans les dernières semaines de la dernière campagne électorale, Ben Gvir a certes tenté d'arrondir son image, mais en ne trompant que les naïfs. Même le général Dan Haloutz, ancien chef d'état-major de Tsahal, estime qu'« il n'a pas changé et ne changera pas » et que ses idées pourraient entraîner une « guerre civile ». Quant au président de l'État d'Israël, Isaac Herzog, il assure : « Cet individu inquiète le monde entier ». « Modération » ? Tout en brandissant son révolver en plein Sheikh Jarrah, il a conseillé à ses partisans criant « Mort aux Arabes » de se contenter de « Mort aux terroristes ». Un de ses colistiers, Almog Cohen, avait d'ailleurs vendu la mèche : il s'agit de créer un « cheval de Troie » pour permette au parti kahaniste Otzma Yehudit (Force juive) d'entrer à la Knesset sans être disqualifié par la Cour suprême… Son bilan depuis dix-sept mois ? Une surenchère permanente dans la guerre contre Gaza, une série de visites provocatrices sur l'Esplanade des mosquées, en compagnie de nombreux colons et, depuis le 7 octobre, la distribution de 100 000 ports d'armes dans un pays où les réservistes et presque tous les colons sont déjà armés…
Quant à Besalel Smotrich, héritier du mouvement de colons Gush Emunim, il exige, lui, l'interdiction des partis arabes, « le plus grand danger aujourd'hui pour [notre] sécurité ». Si son programme principal est l'annexion de la Cisjordanie, sa perspective est essentiellement messianiste : selon lui, l'État d'Israël doit être étendu à l'intégralité de la terre promise par Dieu à Abraham et « dirigé conformément à la Torah et à la Loi juive » – à l'exclusion du judaïsme réformé, qu'il considère comme une « fausse religion ». Son racisme décomplexé va jusqu'à la séparation entre femmes juives et arabes dans les maternités : « Il est naturel, a-t-il expliqué, que ma femme ne veuille pas être allongée à côté de quelqu'un qui a donné naissance à un bébé qui pourrait vouloir assassiner son bébé dans vingt ans ». Cette hystérie anti-arabe se double d'une homophobie obsessionnelle : après l'assassinat en juillet 2015 d'un participant à la Gay Pride de Jérusalem, il n'hésita pas à qualifier celle-ci d'« abomination » et de « parade bestiale »…
C'est pourquoi, j'ai souligné, dès les premiers pas du nouveau gouvernement, les graves dangers qu''il représentait :
1) Pour les Palestiniens, car il entend accélérer la colonisation en vue de l'annexion de la Cisjordanie, voire de Gaza, deux territoires dont les ministres ultra-nationalistes rêvent d'expulser les Palestiniens. Certains se sont même prononcés pour le démantèlement immédiat de l'Autorité palestinienne. Quant à Jérusalem, les provocations de Ben Gvir sur l'Esplanade témoignent de sa volonté de renier le statu quo de 1967. S'il fallait, avant le 7 octobre, un symbole de cette agressivité, l'interdiction du drapeau palestinien le fournirait.
2) Pour les Israéliens, car la coalition veut en finir avec le dernier garde-fou de la démocratie israélienne – la Cour suprême – en donnant « légalement » le dernier mot à la Knesset. C'est ce que des centaines de milliers de citoyens juifs ont dénoncé dans les rues de Tel-Aviv et de Jérusalem tout au long de l'année comme un « coup d'État ». Les suprémacistes planifient d'autres atteintes aux libertés : ils prônent notamment l'interdiction des partis arabes et même le retrait de la citoyenneté aux Israéliens « déloyaux » – et de citer deux députés communistes, l'Arabe Ayman Odeh et le Juif Ofer Cassif. Ce dernier a même failli être expulsé de la Knesset pour avoir appuyé la décision de la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye exigeant qu'Israël s'oppose à toute décision génocidaire.
3) Pour les uns et les autres, car suprémacistes et haredim entendent renforcer le caractère théocratique du régime. Ils tournent ainsi le dos à l'aspiration de la majorité des Israéliens à une forme de laïcité : renforcement du monopole orthodoxe contre réformés et conservateurs, application stricte du shabbat, refus du mariage et du divorce civils, rejet de l'imposition d'un cursus commun aux écoles publiques et religieuses, maintien de l'exemption du service militaire pour les étudiants des yeshivot, etc. Les suprémacistes entendent même rendre la loi du retour plus restrictive, quitte à réduire l'aliya…
4) Enfin, pour la région et le monde, car, au risque d'une troisième Intifada s'ajoute la menace d'une opération militaire contre l'Iran, pour l'empêcher de fabriquer sa bombe. Netanyahou harcèle l'Iran, « oubliant » que, si les mollahs ont pu enrichir leur uranium, c'est parce que Donald Trump avait, sous sa pression, déchiré l'accord sur le nucléaire iranien…
Les Netanyahou, tel père tel fils
L'histoire ne pardonnera sans doute jamais à Benyamin Netanyahou d'avoir rouvert en 2021 les portes de la Knesset aux kahanistes. Rien là, toutefois, d'une alliance contre nature : le chef du Likoud a lui-même grandi dans le sérail sioniste révisionniste. Comment oublier que, dans années 1930, David Ben Gourion appelait Jabotinsky, père du mouvement… « Vladimir Hitler » ? En fait, c'est surtout Mussolini qui soutenait le Betar : il avait mis à sa disposition à Bari un émetteur radio couvrant tout le Moyen-Orient ainsi qu'à Civitavecchia des locaux pour son école de cadres. Le Duce expliqua en 1935 à David Prato, futur grand rabbin de Rome : « Pour que le sionisme réussisse, il vous faut un État juif, avec un drapeau juif et une langue juive. La personne qui comprend vraiment cela, c'est votre fasciste, Jabotinsky ». Benzion Netanyahou, le père de Benyamin, fut non seulement un militant révisionniste, mais un birion (voyou), surnom choisi par les membres de la fraction d'extrême droite du mouvement. Quant à Yaïr, le fils de Benyamin, une provocation suffit à le situer politiquement : il a accepté que sa photographie figure sur une affiche de l'Alternative für Deutschland (AFD) vantant « une Europe libre, démocratique et chrétienne » – son alliance avec les néofascistes compte donc plus pour lui que sa judéité !
Jusqu'où ira cette fascisation d'Israël ? Ben Gvir et Smotrich ne sont pas des extrémistes isolés, ni même marginaux. Sauf crise majeure débouchant sur une nouvelle forme d'union nationale, Netanyahou n'aura pas de majorité sans eux. La gauche juive comme arabe est au plus bas, incapable de proposer une alternative à un électorat populaire hystérisé par la rhétorique raciste. Le risque est grand que l'opposition vote avec ses pieds : des centaines de milliers de citoyens juifs israéliens vivent désormais ailleurs qu'en Israël, et nombre d'autres se sont procuré le passeport d'un État européen. Pour eux comme pour feu Zeev Sternhell, « en Israël pousse un racisme proche du nazisme à ses débuts ».
Une fois encore, la logique du « bonnet blanc et blanc bonnet » rend l'évolution politique israélienne inintelligible. Que tous les partis sionistes, de « gauche » comme de « droite » aient en commun le même projet colonial, est évident. Qu'en particulier en 1947-1949, le Mapam et le Palmakh aient joué un rôle capital dans la conquête des villes et villages arabes et l'expulsion de leurs habitants est un fait historique établi. Et depuis, aucun gouvernement israélien, sauf celui de Rabin, de 1993 à son assassinat, n'a commencé à rompre avec cet engrenage. Mais tout cela ne justifie pas d'attribuer la même dangerosité à un Ben Gvir ou à un Smotrich et aux dirigeants de la « gauche » sioniste. C'est ce que les dirigeants et les militants de la gauche radicale arabo-juive ont compris, appelant depuis près d'une décennie à la constitution d'un front uni contre l'extrême droite et critiquant les abstentionnistes.
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La résistance palestinienne n’est pas un monolithe
Alors que les Palestinien·nes s'interrogent sur le génocide qui leur est infligé et sur leurs perspectives de libération nationale, c'est leur rendre un mauvais service que d'aplatir leur diversité politique et les débats complexes en cours.
Tiré de Europe Solidaire Sans Frontières
28 avril 2024
Par Bashir Abu-Manneh
Depuis le 7 octobre, toute évaluation critique de l'opération militaire du Hamas - sa méthode, sa rationalité, ses cibles ou son rôle dans la fin de l'occupation israélienne - a été difficile à exprimer au sein de la gauche. Il en est ainsi non seulement parce qu'une puissance occupante est en fin de compte responsable du statu quo destructeur, mais aussi parce que critiquer les tactiques d'un groupe agissant au nom des opprimés est perçu comme une atteinte à leur cause légitime.
Cette situation est aggravée par le fait que de nombreuses et nombreux intellectuel.les de gauche ont exprimé un soutien inconditionnel à l'attaque du Hamas, voire l'ont célébré. Unrecent post sur le blog Verso Books place un mouvement religieux socialement régressif comme le Hamas dans la tradition émancipatrice universelle de la gauche, déclarant que « les parapentistes qui ont volé vers Israël le 7 octobre continuent l'association révolutionnaire de la libération et de l'envol. »
Andreas Malm a suggéré que l'opération du déluge d'Al-Aqsa avait obtenu de meilleurs résultats que la première Intifada parce que les Palestinien.nes avaient réussi à remplacer les pierres par des armes militaires - ignorant que l'Intifada était le plus grand mouvement de masse anticolonial auto-organisé de l'histoire palestinienne et qu'elle avait contraint Israël à faire des concessions politiques sans précédent. En effet, affirmer que le Hamas a réussi à obtenir davantage revient à ignorer totalement que son attaque militaire a déclenché un énorme génocide contre le peuple palestinien.
Comme Rashid Khalidi l'a argué, « En regardant les six derniers mois - le massacre cruel de civils à une échelle sans précédent, les millions de personnes sans abri, la famine de masse et les maladies induites par Israël - il est clair que cela marque un nouvel abîme dans lequel la lutte pour la Palestine s'est enfoncée. » Tom Segev concours : « Pour les Palestinien.nes, la guerre de Gaza est le pire événement qu'ils aient connu en 75 ans. Jamais autant de personnes n'ont été tuées et déracinées depuis la nakba, la catastrophe qui les a frappés pendant la guerre d'indépendance d'Israël en 1948, lorsque des centaines de milliers de Palestinien.nes ont été contraints d'abandonner leurs maisons et de devenir des réfugiés. »
En plus des voix individuelles, la guerre de Gaza est aussi une occasion pour les Palestiniens de s'exprimer.
En plus de voix individuelles, des célébrations non critiques du Hamas ont également été observées dans certaines parties des mobilisations de solidarité, par ailleurs inspirantes, de ces derniers jours. « Nous disons justice, vous dites comment ? Brûlez Tel Aviv jusqu'au sol », entend-oncanterdans une vidéo.
De tels slogans, aussi rares soient-ils, sapent la cause palestinienne. Soutenir la Palestine, c'est mettre fin à une occupation illégale et demander des comptes à Israël pour ses violations du droit international. Il ne s'agit pas de soutenir le meurtre de civils israéliens ou la destruction de villes israéliennes. Faire respecter le droit international, c'est le faire respecter pour tout le monde.
Ce type de rhétorique réduit toute une série de positions politiques en Palestine à ce que dit et fait un groupe militant. Elle suppose également que le Hamas parle et agit en permanence au nom de l'ensemble du peuple palestinien, simplement parce qu'il a remporté une élection (avec 45 % des voix) dans les territoires palestiniens occupés en 2006 (principalement dans le cadre d'un vote de protestation contre la corruption de l'Autorité palestinienne et sa réduction à Oslo).
La victoire électorale du Hamas n'est donc pas un chèque en blanc pour l'éternité. C'est d'autant plus vrai qu'en gouvernant Gaza, le Hamas a oublié la démocratie, a eu recours à l'autoritarisme et à la corruption, et a réprimé l'organisation politique et la dissidence. Pour de nombreux Palestinien.nes de Gaza, il est coûteux de dire ouvertement ce que l'on pense ou d'exprimer ses opinions politiques. Mais leur silence n'est pas un soutien au Hamas.
Deux articles parus récemment dans la presse grand public montrent à quel point il est important d'écouter les voix des Palestinien.nes de Gaza qui subissent les conditions extrêmes de génocide, de famine et d'inanition instaurées par l'armée d'occupation israélienne.
Le Financial Timesrécemment a publié un rapport sur l'opinion publique à Gaza, qui donne à réfléchir. Si les Palestinien.nes de Gaza reprochent clairement à Israël d'avoir provoqué une catastrophe humaine à Gaza, la colère et le ressentiment sont de plus en plus vifs à l'égard du Hamas, qui n'a pas su anticiper l'ampleur des représailles israéliennes aux attaques du 7 octobre et protéger les Palestinien.nes pendant la guerre.
L'une des personnes interrogées, Nassim, déclare ouvertement que le Hamas « aurait dû prévoir la réponse d'Israël et penser à ce qui arriverait aux 2,3 millions de Gazaouis qui n'ont nulle part où aller en toute sécurité » et « aurait dû se limiter aux cibles militaires ».
Une autre personne interrogée, Samia, est encore plus accablante. « Le rôle de la résistance est de nous protéger, nous les civils, et non de nous sacrifier », dit-elle. "Je ne veux pas mourir et je ne voulais pas que mes enfants soient témoins de ce qu'ils ont vu et qu'ils vivent dans une tente, souffrant de la faim, du froid et de la pauvreté.
Ces critiques correspondent à ce que de nombreux Palestinien.nes de Gaza ont publié sur les médias sociaux au cours des derniers mois. Elle a également été représentée dans les reportages critiques de la journaliste vétéran anti-occupation Amira Hass.
Dans un article paru récemment dans Haaretz, Amira Hass fait état du mécontentement et des critiques de la population à l'égard des opérations du Hamas et de ce qui est considéré comme le mode de résistance armée extrêmement coûteux du Hamas face à une armée israélienne largement supérieure. Les Palestinien.nes de Gaza se plaignent ouvertement de leur manque de sécurité et de protection contre les représailles attendues d'Israël, ainsi que de l'absence de « planification politique stratégique claire » de la part du Hamas.
Ce qui dérange le plus l'une des personnes interrogées, Basel, c'est que sa critique du Hamas et de son approche de la résistance est assimilée à de la trahison. Comme l'explique Hass, « il est furieux que les Palestinien.nes hors de Gaza et leurs partisans attendent des habitants de Gaza qu'ils se taisent et ne critiquent pas le Hamas, parce que la critique aide ostensiblement l'ennemi. Il rejette l'hypothèse selon laquelle douter des décisions et des actions de ce groupe armé - et le faire publiquement - est un acte de trahison ».
Ces voix critiques sont cohérentes avec les sondages d'opinion les plus récents menés dans les territoires occupés. Bien que les sondages en temps de guerre soient soumis à des défis et à des fluctuations extrêmes, en particulier à Gaza où la peur politique et le silence sont des facteurs importants à prendre en compte pour évaluer l'exactitude des réponses, certaines tendances constantes peuvent être identifiées.
Les sondages montrent que la cote d'approbation du Hamas à Gaza a effectivement baissé de 11 points au cours des derniers mois, pour atteindre un tiers de la population. Le soutien à la lutte armée a également baissé de manière générale. À la question « Selon vous, quel est le meilleur moyen d'atteindre les objectifs palestiniens en mettant fin à l'occupation et en construisant un État indépendant ? », le soutien à la lutte armée a diminué tant en Cisjordanie qu'à Gaza, passant de 63 % en décembre à 46 % en mars. Dans la seule bande de Gaza, il est passé de 56 % à 39 %. Le Hamas lui-même vient de réaffirmer sa volonté de déposer les armeset d'accepter un cessez-le-feu à long terme avec Israël en échange d'un État le long des frontières de 1967.
À Gaza aussi, le soutien à la solution des deux États a augmenté de façon spectaculaire : il est passé de 35 % en décembre à 62 % en mars. Cela reste vrai même si la majorité des Palestinien.nes de Cisjordanie et de Gaza reconnaissent également les obstacles pratiques à une telle solution, à savoir l'expansion du projet de colonisation israélien. Cela indique néanmoins que les Palestinien.nes de Gaza espèrent que l'attention internationale et la pression politique extérieure exercée sur Israël pourraient donner des résultats.
Le soutien à la solution d'un seul État parmi les Palestinien.nes occupés est tombé à 24 % pendant la guerre contre Gaza. La plupart des Palestinien.nes occupés veulent se séparer d'Israël et vivre dans leur propre État, et ils veulent se débarrasser des colonies illégales en Cisjordanie. Le projet colonial contrevient aux droits des Palestinien.nes en vertu du droit international, en particulier le droit à l'autodétermination.
En outre, les Israéliens ont déshumanisé la société palestinienne à l'extrême au cours de cette guerre. Suivant les conseils de leur élite agressive et de leurs médias bellicistes (saturés d'anciens militaires et d'experts en sécurité), les Israélien.nes ont massivement soutenu la décimation de Gaza. Ce qui préoccupe le plus les Israélien.nes, ce sont les otages, pas la guerre. La vie des otages israélien.nes est importante, alors que les Palestinien.nes sont, selon les termes du ministre israélien de la défense, des « animaux humains ».
Motivé par la vengeance et le châtiment, Israël est une société narcissique qui se complaît dans sa propre blessure et qui utilise cette blessure comme excuse pour ses crimes monumentaux contre le peuple palestinien. Les Palestinien.nes trouvent Israël cruel, insensible et horrible, et leur première pensée est « protégez-moi d'Israël ». Est-ce là la société israélienne avec laquelle les Palestinien.nes devraient être censés vivre dans la dignité et avec des droits égaux ?
Quel que soit l'avenir, les Palestinien.nes doivent être en mesure de surmonter leur situation catastrophique collectivement, démocratiquement et sans crainte. Insister sur ce point, c'est renforcer leur droit à l'autodétermination.
Bashir Abu-Manneh
P.-S.
• Traduit pour ESSF par Pierre Rousset avec l'aide de DeepLpro.
Source : Jacobin
[https://jacobin.com/2024/04/gaza-left-hamas-occupation-war-solidarity->https://jacobin.com/2024/04/gaza-left-hamas-occupation-war-solidarity]
Traduit avec DeepL.com (version gratuite)0611]
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Palestine : vers une seconde déflagration
De nombreux éléments montrent qu'un élargissement des attaques israéliennes devrait avoir lieu dans les prochaines semaines. Pendant ce temps, en Allemagne, aux États-Unis et en France, la répression de la solidarité tente de l'empêcher de construire une alternative.
Tiré de Inprecor 720 - mai 2024
1er mai 2024
Par Antoine Larrache
En Allemagne, l'interdiction d'un congrès et l'annulation de la participation de Nancy Fraser à une université sont la partie émergée d'une immense pression politique contre la solidarité avec la Palestine, accusée d'antisémitisme. En France, le cortège de militant·es convoqués par la police pour des accusations d'apologie du terrorisme se prolonge, et la répression dans les universités se développe, à l'image de ce qui se passe aux États-Unis. Là-bas, à Los Angeles, New York, Austin, Boston, Chicago ou Atlanta, les mobilisations prennent de l'ampleur : des tentes sont installées, des manifestations et des prises de parole ont lieu. La répression est très forte, avec notamment une centaine d'arrestations mercredi 24 avril à Boston et la tentative continue de créer un amalgame entre
antisionisme et antisémitisme.
Réprimer pour mieux saigner
Une telle répression, contre des mouvements relativement restreints, ne peut signifier qu'une chose : la volonté de faire taire toute solidarité visible avec le peuple palestinien. Alors que, coïncidence ou pas, de nombreux indices semblent prouver l'imminence d'une attaque israélienne à Rafah. En effet, il semble que Netanyahou ait négocié un compromis avec les États-Unis qui consisterait à ne pas lancer de grande attaque contre le Liban ou l'Iran dans l'immédiat, en échange d'un feu vert pour attaquer Rafah. Rafah, une petite ville de 150 000 habitant·es dans laquelle se sont réfugiées 1,5 million de personnes fuyant la guerre et la destruction de leurs habitations, et luttant quotidiennement contre les engins de mort d'Israël, contre les maladies et la famine. Car Israël, non content de massacrer et de détruire, empêche toujours l'aide humanitaire de parvenir dans la bande de Gaza, poursuivant ainsi son œuvre génocidaire.
Massacrer à Gaza et à Rafah est un point d'orgue du projet sioniste mené par l'extrême droite au pouvoir en Israël : il s'agit de supprimer toute présence palestinienne dans cette région, en attendant de s'attaquer plus directement à la Cisjordanie, voire plus. Les attaques de colons et de l'armée d'occupation d'Israël contre les Palestinien·nes n'ont cessé d'augmenter depuis le 7 octobre. De plus, depuis le début de l'année, près de 1 100 hectares ont été déclaré terres domaniales, un statut qui donne leur contrôle au gouvernement israélien, soit déjà deux fois plus qu'en 1999, jusque-là année record. Les logiques guerrières et génocidaires ont leurs propres dynamiques : négocier de nouveaux financements militaires auprès des États-Unis, acheter des armes à ces derniers ou à la France, réprimer les populations, attaquer une région, tout cela pousse à en faire toujours plus et il n'est pas exclu qu'après avoir attaqué Rafah, Israël attaque aussi le Hezbollah au Liban, l'Iran, dans une fuite en avant qui correspond également à l'état du monde. En effet, de l'Ukraine aux Philippines, de la Palestine à Taïwan, le monde est de plus en plus militarisé (les budgets militaires ont augmenté de 6,8 % en 2023 atteignant 2 400 milliards de dollars), les zones d'influence sont de plus en plus disputées dans ce monde en crise profonde, le nationalisme et les extrêmes droites se renforcent.
Agir, vite et fort
Il y a donc urgence à ce que les solidarités internationales s'expriment de façon militante. Dans les universités du monde entier, dans les entreprises, aux élections européennes, tous les lieux d'intervention seront utilisés pour faire face au massacre en cours.
Il y a urgence à ce que notre mobilisation trouve un second souffle pour reconstruire des mobilisations de masse, capables de faire peur à nos dirigeants. Boycotter les produits et les entreprises qui collaborent, manifester, construire des collectifs de base, organiser des réunions de formation et de mobilisation sont nos tâches élémentaires. À cela s'ajoutent des discussions stratégiques sur la construction du mouvement : nous avons besoin de combiner, d'une part, une compréhension fine des enjeux de la situation, du rôle de l'impérialisme, de la nature du sionisme, de la nécessité d'une révolution régionale pour rejeter Israël, mais aussi les gouvernements arabes qui sont complices de la colonisation et des massacres et n'hésitent pas à réprimer leurs propres populations, avec, d'autre part, un mouvement large, très unitaire, pour arrêter les massacres et la répression, capable donc de compromis avec des forces avec lesquelles nous pouvons avoir de grands désaccords.
Construire une grande contre-offensive internationale, mobiliser les quartiers populaires, reconstruire une conscience de classe, internationaliste, faire face au racisme et au fascisme, contre les impérialistes, endiguer le développement du militarisme, tels sont les enjeux de la situation.
Le 27 avril 2024
Antoine Larrache est rédacteur d'Inprecor et membre de la direction de la IVe Internationale et du NPA.
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Le gouvernement Nétanyahou ordonne la fermeture d’Al Jazeera en Israël
Affirmant qu'elle menace sa sécurité, l'exécutif israélien a décidé de fermer la chaîne qatarie “Al Jazeera” dans le pays. Décrit comme un “organe de propagande du Hamas” par Nétanyahou, le diffuseur était l'un des derniers médias internationaux encore présents à Gaza. Sa fermeture fait couler beaucoup d'encre, et intervient alors que le Qatar tient un rôle clé dans les négociations pour une trêve à Gaza.
Tiré de Courrier international. Photo : Les bureaux de la chaine de télévision qatarie Al Jazeera à Ramallah, en Cisjordanie occupée, le 5 mai 2024. Photo Zain Jaafar / AFP
Ce dimanche 5 mai, “le gouvernement israélien a voté à l'unanimité la fermeture de la chaîne de télévision qatarie Al Jazeera en Israël, en raison de sa couverture de la guerre à Gaza”, relaie le quotidien israélien Ha'aretz. L'exécutif a donné le feu vert à Shlomo Karhi, ministre de la Communication, pour interrompre la diffusion du média en Israël – en anglais comme en arabe –, pour “fermer ses locaux” dans le pays, mais aussi pour “confisquer le matériel utilisé par son personnel, à l'exception des téléphones et des ordinateurs”, et “limiter l'accès à son site internet sur le territoire israélien”. Selon le Shin Bet, service de sécurité intérieure israélien, la couverture par la chaîne de la guerre à Gaza “nuit à la sécurité de l'État”, rapporte Ha'aretz.
Début avril, le Parlement israélien avait voté une loi permettant d'interdire la diffusion en Israël de médias étrangers portant atteinte à la sécurité de l'État – un texte qui visait la chaîne qatarie. Ce dimanche, Shlomo Karhi s'est félicité de cette décision sur X, affirmant : “après une trop longue attente et de trop nombreux obstacles juridiques, nous avons enfin pu mettre un terme à la machine d'incitation [à la haine] bien huilée de la chaîne, qui nuit à la sécurité du pays.”
Le média dénonce une décision “dangereuse”
Le directeur du bureau d'Al Jazeera en Israël et dans les Territoires palestiniens occupés, Walid Al-Omari, a dénoncé une décision “dangereuse et politique” qui “intervient après une campagne […] des ministres d'extrême droite” du gouvernement israélien. Il a précisé que le service juridique de la chaîne “préparait une réponse à cette fermeture”.
L'animosité d'Israël à l'égard de la chaîne qatarie ne date pas d'hier : le gouvernement israélien avait déjà tenté à plusieurs reprises de faire interdire le diffuseur ces dernières années.
Début avril, le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a décrit le média comme “un organe de propagande du Hamas” qui aurait “participé activement” à l'attaque terroriste menée le 7 octobre par l'organisation dans le sud d'Israël. Des accusations niées par la chaîne, qui accuse quant à elle le gouvernement israélien de cibler systématiquement ses employés dans la bande de Gaza. Au moins deux journalistes d'Al Jazeera y ont été tués depuis le début de la guerre le 7 octobre, et son chef de bureau à Gaza a été blessé.
Al Jazeera était “l'un des rares médias internationaux à rester à Gaza depuis le début de la guerre, diffusant des scènes sanglantes d'attaques aériennes et d'hôpitaux surchargés, et accusant Israël de massacres”, rappelle la principale intéressée sur son site internet. Cette décision, commente la chaîne, vient “aggraver la querelle de longue date” avec le gouvernement israélien et “menace d'envenimer les tensions avec le Qatar, qui finance le diffuseur, au moment où Doha joue un rôle clé dans les efforts de médiation en faveur d'une trêve à Gaza”.
Un moment choisi à dessein
Ce timing, justement, interroge jusque dans les rangs du gouvernement israélien : “les ministres issus du Parti de l'unité nationale [centriste], dirigé par Benn Gantz, étaient absents lors du vote”, indique Ha'aretz, et bien qu'ils aient affirmé soutenir la fermeture de la chaîne, ils jugent le timing “malheureux” et estiment que la décision “pourrait saboter les négociations sur la libération des otages avec le Hamas”.
Une source diplomatique a confié à Ha'Aretz que “la décision d'accélérer sur ce sujet au moment où des négociations sur une trêve ont lieu à Doha n'est pas une coïncidence” :
- “Il est clair que cela vise à mettre le Qatar sous pression. La loi et l'interruption des activités d'Al Jazeera en Israël sont un autre outil qu'Israël peut utiliser pour accroître la pression sur le Qatar, afin que celui-ci utilise son influence sur le Hamas pour obtenir de l'organisation qu'elle modère ses positions.”
Depuis Ramallah, en Cisjordanie, le reporter d'Al Jazeera Zein Basravi, a réagi à cette annonce en affirmant que la guerre entre Israël et la Palestine était “l'une des principales raisons pour lesquelles notre chaîne existe”. Et le journaliste d'ajouter :
- “Le fait que nous journalistes, nos activités, soient menacées de cette manière… Cela nous fait craindre, assurément, d'être les prochains à subir le même sort en Cisjordanie occupée”.
Mélanie Chenouard
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Le Programme alimentaire mondial (PAM) alerte la communauté internationale : Six semaines avant la famine à Ghaza
L'armée israélienne a mené, hier, de nouvelles frappes meurtrières sur la bande de Ghaza, alors qu'une attaque s'annonce imminente contre Rafah après l'approbation par le Sénat américain d'une aide militaire de 13 milliards de dollars au profit de l'entité sioniste.
Tiré de Algeria-Watch
25 avril 2024 (mise à jour le 26 avril)
Par M. Abdelkrim, El Watan
Des sources hospitalières palestiniennes ont fait état de raids israéliens, tôt hier, dans les secteurs de Nousseirat (centre) et de Rafah ainsi que de tirs d'artillerie nourris dans le nord du territoire assiégé. Au total, 79 Palestiniens ont été tués en 24 heures, selon le mouvement de résistance du Hamas. Au même moment, Israël remerciait les Etats-Unis pour l'aide militaire qu'ils lui ont octroyée.
Cette aide de 13 milliards de dollars doit notamment permettre de renforcer son bouclier antimissile « Dôme de fer », déployé à ses frontières et mis à l'épreuve lors des dernières frappes iraniennes ayant ciblé plusieurs sites israéliens. Cette aide à Israël « est un gage clair de la force de notre alliance et elle envoie un message fort à tous nos ennemis », a réagi sur X (anciennement Twitter) le chef de la diplomatie israélienne, Israël Katz.
Cette aide pourrait également constituer le feu vert à une opération d'envergure dans la ville de Rafah où se concentre la résistance palestinienne. Le déplacement effectué, hier, au Caire par de hauts responsables sécuritaires israéliens pourrait être le signe d'une telle éventualité. Le chef d'état-major israélien, Herzi Halevy, et le directeur du Shin Bet, Ronen Bar, se sont rendus en Egypte « en préparation d'une éventuelle opération militaire à Rafah », a rapporté Yediot Aharonot. Le quotidien israélien a indiqué que Halevy et Bar ont rencontré le chef du renseignement égyptien, Abbas Kamel, et « ont discuté de l'action future à Rafah ». Et ce au moment où les craintes d'une tragédie provoquée par la famine s'accentuent dans les territoires occupés.
Le Programme alimentaire mondial (PAM) a d'ailleurs appelé hier la communauté internationale à faciliter l'acheminement des aides humanitaires à Ghaza « en toute urgence ». Dans une déclaration à la chaîne Al Jazeera, les responsables du PAM ont indiqué que la situation dans la bande de Ghaza « est complexe, avec des cas de faim menant à la mort ». « L'aide doit être autorisée de toute urgence. Si l'aide n'est pas acheminée en quantité suffisante dans la bande de Ghaza, une famine est à craindre, s'alarme l'organisation onusienne. Nous avons enregistré un nombre croissant d'enfants souffrant de malnutrition à Ghaza. »
La bande de Ghaza pourrait en effet dépasser le seuil de famine dans les six prochaines semaines, a évalué la même source, ajoutant que la famine dans l'ensemble de l'enclave palestinienne se rapprochait de jour en jour, après avoir confirmé mardi que la moitié de la population de Ghaza souffrait de la faim.
Des sources palestiniennes ont révélé que 30 enfants sont morts de faim depuis le début de l'agression israélienne contre le territoire assiégé. « Nous nous rapprochons de jour en jour d'une situation de famine », a déclaré Gian Caro Cirri, directeur du PAM, bureau de Genève. Selon ce dernier, « il existe des preuves raisonnables que les trois seuils de famine, à savoir l'insécurité alimentaire, la malnutrition et la mortalité, seront dépassés dans les six prochaines semaines ».
Cirri s'exprimait lors du lancement d'un rapport du Réseau mondial contre les crises alimentaires, une alliance d'acteurs humanitaires et de développement comprenant notamment des agences des Nations unies, la Banque mondiale (BM) et l'Union européenne (UE). Il a noté que la seule façon d'éviter la famine à Ghaza était d' « assurer des livraisons immédiates et quotidiennes de vivres. Ils (les Palestiniens) vendent leurs biens pour acheter de la nourriture. Ils sont la plupart du temps démunis », a-t-il souligné. Les Nations unies se plaignent depuis longtemps des obstacles à l'acheminement de l'aide et à sa distribution dans toute la bande de Ghaza au cours des six derniers mois.
Un risque de famine « très élevé »
Un rapport soutenu par l'ONU et publié en mars indiquait que la famine était imminente et susceptible de survenir d'ici le mois de mai dans le nord de Ghaza et pourrait se propager à toute l'enclave d'ici juillet. Mardi soir, l'envoyé spécial américain pour les affaires humanitaires au Moyen-Orient, David Satterfield, a prévenu que le risque de famine à Ghaza « est très élevé ». Satterfield a, selon la chaîne américaine El Horra, déclaré que « le risque de famine concerne toute la bande de Ghaza », dévastée par les bombardements sionistes depuis le 7 octobre 2023, soulignant que ce risque « est très élevé » dans le nord de l'enclave assiégée depuis 17 ans. L'émissaire américain a appelé, dans ce contexte, à « accroître le volume de l'aide » destinée à ceux qui en ont besoin.
L'agence onusienne a déclaré, mardi, que 200 jours après l'agression israélienne, « la moitié de la population souffre de la faim ». Le PAM a souligné que son aide n'est « qu'une goutte d'eau dans l'océan des besoins, et qu'un cessez-le-feu est nécessaire » dans l'enclave. Israël restreint l'entrée de l'aide en Territoires occupés, ce qui a conduit à des pénuries de nourriture, de médicaments et de carburant et provoqué une famine qui a coûté la vie à des enfants et à des personnes âgées dans l'enclave habitée par environ 2,3 millions de Palestiniens, dont environ deux millions de personnes déplacées à cause de l'agression. L'occupation mène une agression meurtrière contre Ghaza, qui a fait plus de 111 000 victimes entre martyrs et blessés, dont la plupart sont des femmes et des enfants, selon les données palestiniennes et onusiennes.
Le 20 avril, le PAM a annoncé l'arrivée de seulement 392 camions chargés de nourriture depuis le début du mois, indiquant que ce nombre est « presque le même qu'en mars, mais la moitié de celui de janvier ». Le bilan de l'agression israélienne contre Ghaza s'est encore alourdi hier, s'élevant à 34 262 morts et 77 229 blessés depuis le 7 octobre dernier, selon l'agence palestinienne Wafa. D'après la même source, l'armée d'occupation a commis 6 massacres au cours des dernières 24 heures. Depuis le 7 octobre 2023, l'armée sioniste mène une agression sauvage contre l'enclave palestinienne qui a entraîné des destructions massives d'infrastructures en plus d'une catastrophe humanitaire sans précédent.
Les préparatifs de l'opération militaire sur Rafah s'accélèrent
Le gouvernement israélien dit « avancer » dans les préparatifs de son opération militaire prévue sur Rafah où, selon lui, quatre bataillons du mouvement de résistance palestinien Hamas sont regroupés. « Israël avance vers son opération ciblant le Hamas à Rafah », a déclaré hier en fin de journée un porte-parole du gouvernement, David Mencer, lors d'un point presse. Il a ajouté que « deux brigades de réservistes » avaient été mobilisées pour des « missions défensives et tactiques dans Ghaza ». Le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, a déclaré à plusieurs reprises qu'Israël entendait mener un assaut contre Rafah, ville où sont réfugiés des centaines de milliers de Ghazaouis, déplacés par la guerre génocidaire menée depuis plus de 200 jours par l'occupant.
M. Abdelkrim
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489 morts et plus de 8400 arrestations en Cisjordanie depuis le 7 octobre : Entre brutalités militaires et violences des colons
Alors que la machine de guerre israélienne continue à ravager la bande de Ghaza, où elle aura fauché plus de 34 356 innocents et blessé 77 300 autres jusqu'à vendredi, la Cisjordanie a eu elle aussi son lot de brutalités de la part des forces d'occupation sionistes, et qui n'ont fait que s'accentuer depuis le 7 octobre. Selon le Bureau central palestinien des statistiques, 489 morts ont été enregistrés en Cisjordanie dont 123 enfants, et 4800 blessés dont 660 enfants, depuis octobre 2023.
Tiré de Algeria Watch.
Un autre chiffre est révélateur de l'ampleur de la répression dans cette partie des territoires occupés : c'est le nombre d'arrestations qui y ont été opérées. 8455 Palestiniens ont été arrêtés par l'armée sioniste en Cisjordanie depuis le 7 octobre révèlent la Commission pour les Affaires des détenus palestiniens et le Club des prisonniers palestiniens dans un communiqué commun diffusé jeudi.
Selon Al Jazeera, la Cisjordanie a connu également un nombre assez élevé de déplacés avec 3985 habitants délogés de force. 648 actes de destruction ciblant des lieux d'habitations et autres bâtiments ont été en outre recensés dans ces territoires.
Dès le début de la guerre contre Ghaza, la population palestinienne de Cisjordanie est entrée en ébullition. Et cette effervescence s'est traduite par des affrontements presque quotidiens entre les insurgés palestiniens et les forces d'occupation sionistes, surtout que l'occupant n'a eu de cesse de multiplier les incursions brutales dans les localités palestiniennes de Cisjordanie après le 7 octobre. On ne compte pas, en effet, les sièges répétés, les assauts et les mises à sac à Jénine, à Naplouse, à Beit Lahm, à Tulkarem ou encore à Nour Shams. Il y a une semaine, un véritable carnage a été commis dans le camp de Nour Shams justement. « Jeudi 18 avril, l'armée israélienne a coupé l'eau, l'électricité et envahi, en fin de journée, les étroites allées de Nour Shams, à la lisière de la ville de Tulkarem. Le raid a duré plus de 50 heures », rapporte Le Monde. D'après le Croissant-Rouge palestinien, pas moins de 14 personnes ont été tuées au cours de cette opération dans ce camp de réfugiés où vivent quelque 7000 personnes selon l'AFP.
L'enfer au quotidien des Palestiniens d'« Al Dhifa »
Et même quand l'armée israélienne ne commet pas des boucheries aussi spectaculaires, elle fait vivre l'enfer aux Palestiniens de Cisjordanie, entre arrestations, perquisitions, expropriations, répression, tirs aveugle sur des civils sans défense, assauts contre des hôpitaux… Quotidiennement, des violences sont signalées dans ses comptes rendus journaliers par l'agence Wafa, dans pratiquement toutes les villes, les villages, les camps de réfugiés et les petites localités de la Cisjordanie occupée.
Ce vendredi, à Naplouse, « plus de 40 véhicules militaires israéliens sont venus du point de contrôle d'Awarta et ont pris d'assaut la zone orientale de la ville », rapporte l'agence d'information palestinienne qui ajoute : « Les forces d'occupation ont déployé des troupes de fantassins dans plusieurs quartiers de la ville, notamment dans la banlieue et à proximité de la rue Al Quds, et ont également pris d'assaut le quartier de la rue Amman ».
Les forces militaires israéliennes étaient « accompagnées de bandes de colons et ont pris d'assaut le Tombeau de Youssef et attaqué plusieurs bâtiments ». En outre, « des snipers ont pris position sur les toits des immeubles à l'est de la ville ». En Galilée, l'armée israélienne a fait des incursions dans plusieurs localités où elle a procédé à des perquisitions et des arrestations.
A Jénine, dans le village de Djalboun, les troupes israéliennes ont envahi le village, ce qui a entraîné des affrontements avec la population. Les soldats sionistes ont ouvert le feu sur les habitants. Le village de Djalboun fait l'objet d'assauts répétés depuis six jours informe Wafa en précisant que l'armée sioniste s'y est emparée de nombre d'habitations pour les transformer en cantonnements militaires.
Ce même vendredi, toujours en Cisjordanie, l'armée d'occupation a mené également des opérations dans les localités de Qobatiya, près de Jénine, à Djalzoun, près de Ramallah, et à Azoune et Jayouss, près de Qalqilya. A Qobatiya, l'occupant a arrêté de jeunes palestiniens.
Une unité spéciale a investi la localité suivie par des engins militaires. Des snipers se sont déployés sur les toits des bâtiments au milieu de tirs nourris. Au camp de Djalzoun (Ramallah), trois personnes dont une institutrices de 33 ans ont été arrêtées à l'aube. A Beit Lahm, de violents affrontements ont éclaté jeudi. Cela s'est produit exactement au village de Houssan, à l'est de Beit Lahm. D'après Wafa, les affrontements se sont déclenchés dans les zones d'Al Muteena et Chorfa. « Les forces d'occupation ont pris d'assaut Al Muteena et l'ont complètement fermée. Elles ont forcé les commerçants à baisser rideau et empêché les citoyens de circuler ».
Le bataillon Netzah Yehuda dans le viseur des Américains
A ces violences militaires s'ajoute celle des colons qui multiplient les exactions dans toutes les villes de Cisjordanie ainsi que l'expansionnisme colonial de l'Etat hébreux aux dépens des territoires protégés par les Accords d'Oslo. Jeudi, Emmanuel Macron s'est entretenu par téléphone avec le roi Abdallah II de Jordanie et les deux dirigeants « ont fermement condamné les récentes annonces israéliennes en matière de colonisation, qui étaient contraires au droit international », a indiqué la présidence française dans un communiqué.
D'après l'AFP, 1100 hectares ont été déclarés « terres domaniales » par Israël, « soit deux fois plus que sur l'ensemble de 1999, jusque-là année-record ». « Ce statut confère au gouvernement le contrôle de leur utilisation, aboutissant inévitablement à en priver d'accès les Palestiniens de Cisjordanie », souligne l'agence française.
S'agissant des exactions commises par les colons israéliens, le président français « a rappelé que des premières mesures avaient été prises contres des colons coupables de violences sur des civils palestiniens, et que la France envisageait d'autres mesures, en concertation avec ses partenaires », assure le communiqué de l'Elysée. Cependant, « les attaques de colons contre les Palestiniens ont commencé avant le 7 octobre et ont augmenté après le 7 octobre », insiste l'intellectuel et homme politique palestinien Moustafa Barghouti dans une déclaration à France Info.
Et de faire remarquer : « 486 Palestiniens ont été tués depuis le 7 octobre en Cisjordanie, dont plus de 22 par des colons israéliens. Les autres ont été tués par l'armée israélienne qui protège et soutient les colons dans ses attaques contre les Palestiniens ».
Les Etats-Unis ont envisagé d'imposer des sanctions à une unité extrémiste de l'armée israélienne, le bataillon ultra-orthodoxe Netzah Yehuda qui multiplie les violations des droits humains à l'encontre des Palestiniens de Cisjordanie. Le secrétaire d'Etat américain, Antony Blinken, a déclaré récemment qu'il révélerait la décision américaine « dans les jours à venir ». Hier, le verdict est tombé : l'administration américaine a revu sa position après consultation des autorités israéliennes. Netzah Yehuda ne sera donc pas sanctionné pour l'instant mais il reste dans le viseur de la communauté internationale.
Une enquête accablante de Human Rights Watch
Un récent rapport de Human Rights Watch accuse ouvertement l'armée israélienne d'avoir protégé et encouragé les attaques de colons contre les Palestiniens en Cisjordanie. « L'armée israélienne a participé à des violentes attaques menées par des colons en Cisjordanie ou n›a pas protégé les Palestiniens contre ces attaques », a déclaré l'ONG dans un communiqué diffusé le 17 avril. « Ces attaques, poursuit Human Rights Watch, ont déplacé des habitants de 20 communautés et ont entièrement déraciné au moins sept communautés depuis le 7 octobre 2023 ».
L'ONG de défense des droits humains dresse un inventaire accablant des crimes commis par les colons israéliens : « Sous couvert des hostilités en cours à Ghaza, des colons israéliens ont agressé et torturé des Palestiniens, commis des violences sexuelles, volé leurs biens et leur bétail, menacé de les tuer s'ils ne partaient pas définitivement et détruit des domiciles et des écoles.
De nombreux Palestiniens – dans certains cas des communautés entières – ont fui leurs foyers et leurs terres ». Ces violations ont été commises « avec le soutien apparent des plus hautes autorités israéliennes », déplore Bill Van Esveld, directeur adjoint de la division Droits des enfants à Human Rights Watch. « Alors que l'attention du monde est tournée vers Ghaza, les abus en Cisjordanie se multiplient, alimentés par des décennies d'impunité et l'indulgence des alliés d'Israël », a-t-il dénoncé.
Plus de 700 attaques menées par les colons israéliens
Human Rights Watch dit avoir « enquêté sur des attaques qui ont forcé le déplacement de tous les habitants de cinq communautés palestiniennes en Cisjordanie en octobre et novembre 2023 : Khirbet Zanuta et Khirbet al-Ratheem au sud d›Hébron, Al-Qanub à l›est d›Hébron, ainsi qu›Ein al-Rashash et Wadi al-Seeq, à l›est de Ramallah ».
« Les éléments de preuve, précise l'organisation internationale, indiquent que des colons armés, avec la participation active d'unités de l'armée, ont à plusieurs reprises bloqué les accès routiers et attaqué des communautés palestiniennes ; les colons ont détenu, agressé et torturé des habitants, les ont chassés de leurs maisons et de leurs terres sous la menace d'armes, ou les ont contraints à fuir en les menaçant de mort, parfois en les empêchant d'emporter leurs biens ».
Human Rights Watch dit par ailleurs avoir « mené des entretiens avec 27 témoins des attaques et a visionné des vidéos filmées par les résidants, montrant le harcèlement commis par des hommes en uniforme militaire israélien qui tenaient des fusils d'assaut M16 ». « Le nombre d'attaques par des colons contre des Palestiniens a augmenté en 2023, atteignant son plus haut niveau depuis que l'ONU a commencé à enregistrer ces données en 2006. Ceci était déjà le cas même avant les attaques menées par le Hamas le 7 octobre, qui ont tué environ 1100 personnes en Israël ».
Et l'ONG de préciser : « L'ONU a enregistré plus de 700 attaques menées par des colons en Cisjordanie entre le 7 octobre 2023 et le 3 avril 2024, dont près de la moitie en présence de soldats en uniforme. Depuis le 7 octobre, les attaques ont entraîné le déplacement de plus de 1200 personnes, dont 600 enfants, qui vivaient dans des communautés rurales d'éleveurs ».
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Palestine : « Le jour d’après » est-il en train de sombrer dans l’oubli ?
« Le jour d'après » a été le mantra du gouvernement et des médias américains depuis le début du carnage à Gaza au cours des six mois qui ont suivi le 7 octobre. Le postulat de départ en est que le « processus de paix » ectoplasmique et la « normalisation » des relations israélo-arabes se mettraient en place sous les auspices des Etats-Unis une fois Israël serait parvenu à la défaire et à « détruire » la domination du Hamas dans la bande de Gaza.
Tiré de Europe Solidaire Sans Frontières
1er mai 2024
Par David Finkel
Manifestation à New York contre la complicité de Washington dans la guerre d'Israël contre la Palestine. Les syndicats sont souvent présents lors de ces actions. Photo de la manifestation : Dan La Botz
En fait, la question qui se pose aujourd'hui est de savoir s'il y a un « jour d'après » tout court. Une demi-année de massacres de civils n'a pas abouti à la défaite du Hamas ni à la libération des otages israéliens - de ceux qui sont encore en vie - mais à l'anéantissement pur et simple de Gaza, peut-être à un tel point qu'il sera impossible de reconstruire, ce qui est de toute évidence l'objectif du gouvernement israélien.
La volonté du Premier ministre Nétanyahou de faire perdurer la catastrophe à Gaza, et non d'y mettre fin, était évidente bien avant l'attaque israélienne contre la mission diplomatique de l'Iran en Syrie et avant que les attaques de drones et de missiles iraniens du 14 avril, largement annoncées, ne fassent, comme on pouvait s'y attendre, que des dégâts minimes.
Against the Current est publié immédiatement après ces événements, avant que nous sachions si et dans combien de temps Netanyahou choisira de pousser plus loin la confrontation avec l'Iran, de manière à maintenir son gouvernement méprisé à flot et avec l'espoir d'entraîner la lamentable administration américaine de « Joe le génocidaire » dans une guerre de grande envergure.
Même avant les événements du week-end, ainsi que le faisait remarquer l'éminent journaliste israélien Amos Harel :
« Plus de six mois après le massacre du 7 octobre, Israël éprouve des difficultés à remporter une victoire militaire qui contrebalancerait stratégiquement une partie des ravages occasionnés par ce désastre, et est par ailleurs bien loin d'être en mesure de soulager la terrible détresse des familles des 133 otages (dont beaucoup sont morts) ». (Haaretz, 12 avril 2024)
Et maintenant ?
Après l'attaque iranienne, Joe Biden supplie Nétanyahou de « ramasser la mise » sans réagir davantage, soulignant que la riposte des forces multinationales qui ont abattu les drones et les missiles met en évidence la faiblesse relative de l'Iran.
C'est bien évidemment vrai. Il est également vrai que l'Iran a pris soin de prévenir les gouvernements de la région, sans même parler des services de renseignement, 72 heures à l'avance pour ne pas les surprendre et leur laisser le temps de se préparer. La priorité du régime iranien - comme celle de Nétanyahou - est sa propre situation intérieure. Il est en guerre avec sa propre population et la dernière chose dont il a besoin, c'est qu'elle souffre davantage.
Par ailleurs, si l'Iran avait réellement l'intention de provoquer des dommages de nature stratégique, il devrait recourir à des mesures extrêmes, notamment des frappes massives de missiles depuis le Liban et la fermeture du détroit d'Ormuz, ce qui constituerait une menace réelle d'embrasement total. Il est clair que l'Iran et les États-Unis veulent éviter cela. Mais est-ce le cas de Nétanyahou ?
Gilbert Achcar, dans un commentaire de l'action iranienne, affirme qu'« en lançant des centaines d'engins directement sur le territoire israélien, ils sont tombés dans le piège, légitimant ainsi une attaque israélienne directe sur leur propre territoire ... renforçant ainsi l'argument israélien en faveur d'une destruction préventive de leur propre potentiel. »
Achcar conclut : « A mon avis, il s'agit d'une erreur qui pourrait s'avérer aussi monumentale que celle que le Hamas a commise en lançant l'opération du 7 octobre 2023 ».
Parallèlement, les actes de sauvagerie sadique perpétrés par les forces israéliennes à Gaza, bien que peu médiatisés, sont impossibles à cacher entièrement, avec des conséquences bien sûr pour la population de Gaza, mais aussi pour Israël. Amos Harel les évoque ainsi :
« Le contrôle de l'état-major sur ce qui se passe sur le terrain et dans les postes de commandement ne cesse de s'affaiblir, ce qui se traduit par des déviations par rapport aux procédures et aux instructions... À cela s'ajoute l'indifférence croissante des Israéliens pour les vies humaines du côté palestinien. Ce phénomène, dont l'origine réside principalement dans les sentiments de vengeance que le massacre a suscités, est désormais devenu banal dans certaines unités de l'armée ».
Avec le temps, il est pratiquement inévitable que le génocide à Gaza et le nettoyage ethnique brutal en Cisjordanie aient des répercussions directes sur la société israélienne, comme nous l'avons vu aux États-Unis pendant et après la guerre du Viêt Nam, tout comme sur la crise politique potentiellement explosive qui refait surface actuellement. Quant à Nétanyahou lui-même, Harel conclut :
« Tout nous indique qu'il a l'intention de s'accrocher au pouvoir de toutes ses forces. Rien ne permet de penser qu'il se trouvera bientôt cinq courageux membres de la coalition prêts à lever la main pour le renverser. » Cet homme restera en poste et continuera à entraver toute possibilité pour l'État et la société de sortir de la situation calamiteuse dans laquelle nous nous trouvons et qui lui est largement imputable ".
L'attentisme cynique de l'impérialisme qui veut faire croire que l'influence américaine peut remodeler la Palestine et le Moyen-Orient « le jour d'après » le massacre appelle la question de savoir quand « l'après » arrivera, s'il arrive un jour.
David Finkel
P.-S.
• Traduit pour ESSF par Pierre Vandevoorde avec l'aide de DeepLpro.
Source : Against the Current No. 230, May/June 2024 :
https://againstthecurrent.org/atc230/the-day-after-fading-to-oblivion/
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Le cœur de sa jeunesse bat à Gaza... et l’Amérique entre en crise !
Jour après jour, ou plutôt heure après heure, le mouvement étudiant de solidarité avec le peuple palestinien et d'opposition au soutien du gouvernement à Israël se propage comme une trainée de poudre dans les universités et les écoles des États-Unis d'Amérique. Et comme il se distingue pour sa radicalité, les médias américains multiplient les flash-back pour comparer le mouvement actuel à l'immense mouvement de la jeunesse contre la guerre du Vietnam dans les années 1960 et 1970 ! D'ailleurs, c'est un article du New York Times qui titre éloquemment... « Le fantôme du mouvement anti-guerre de 1968 est de retour ».
30 avril 2024 | Tiré du Comité pour l'abolition des dettes illégitimes (CADTM)
Photo : Alisdare Hickson, Flickr, CC, https://www.flickr.com/photos/alisdare/27771123037
En effet, aujourd'hui comme hier, ce mouvement est confronté à la même féroce répression et aux mêmes calomnies de la part des mêmes milieux politiques et économiques. Les arrestations de manifestants pacifiques se comptent par milliers et les menaces et ultimatums des autorités universitaires et autres de l'establishment politique américain pleuvent. Mais, comme à l'époque, le mouvement ne se laisse pas intimider et persiste : il défie les menaces et les ultimatums et continue de s'étendre une semaine après le début de sa phase actuelle, centrée sur l'université Columbia à New York. Comme le montre la carte empruntée à Al Jazeera, le mouvement d'occupations et autres manifestations pro-palestiniennes s'étendait le 25 avril à toutes les grandes universités « historiques » - Harvard, MIT, Princeton, Yale, Berkeley, Columbia, mais aussi aux universités et collèges de presque tout le pays, au nord comme au sud, à l'est comme à l'ouest !
Au-delà de son caractère massif et radical, une autre caractéristique clé du mouvement actuel est sa maturité politique. Il ne se limite pas à manifester sa solidarité avec les Palestiniens, son opposition à la politique américaine au Moyen-Orient et sa condamnation des politiques génocidaires d'Israël. Il va plus loin, en frappant l'adversaire tout-puissant là où cela lui fait le plus mal : dans son portefeuille et son arsenal. C'est pourquoi sa principale revendication est de mettre fin immédiatement et une fois pour toutes aux relations et transactions économiques de toute espèce des universités américaines avec Israël et avec les entreprises américaines qui soutiennent financièrement et militairement Israël, allant jusqu'à l'armer pour mener sa guerre génocidaire à Gaza !
Mais il ne faut pas croire que ce mouvement est confiné aux universités. Comme le montrent tous les sondages depuis 7-8 ans, c'est l'ensemble de la jeunesse américaine qui est majoritairement (environ 80% !) possédée par les mêmes sentiments de solidarité avec le peuple palestinien et de condamnation de l'apartheid de l'État israélien, qui caractérisent le mouvement étudiant. En d'autres termes, le mouvement étudiant actuel puise sa force dans l'immense réservoir qu'est la jeunesse américaine.
En réalité, cette jeunesse nord-américaine a commencé à se radicaliser en masse à l'occasion et pendant les première et deuxième campagne électorale du sénateur indépendant Bernie Sanders. Un Sanders qui semble aujourd'hui s'inspirer à son tour du mouvement de la jeunesse et qui semble retrouver sa combativité lorsque, ce juif, dénonce le « raciste réactionnaire » Netanyahou et les calomnies « antisémites » systématiquement répandues par ce génocidaire et bien d'autres, avec ses six thèses tranchantes dont voici un extrait : "Non, Monsieur Netanyahou. Ce n'est pas être antisémite ou pro-Hamas que de rappeler qu'en un peu plus de six mois, votre gouvernement extrémiste a tué 34 000 Palestiniens et en a blessé plus de 77 000 - dont 70 % de femmes et d'enfants. »
Cependant, ces calomnies « antisémites », qui sont monnaie courante dans la bouche des pro-sionistes et autres partisans de droite et d'extrême droite de l'apartheid israélien partout dans le monde, ont récemment commencé à faire un flop aux États-Unis pour la simple raison suivante : Parce qu'au point de départ et à la tête des mobilisations de solidarité avec les Palestiniens et contre leur génocide par l'État d'Israël se trouvaient et se trouvent les organisations de jeunes juifs antisionistes telles que If Not Now et Jewish Voice for Peace. Alors quand les différentes autorités universitaires, secondées par les médias, les politiques et la...police, justifient la répression des manifestations, allant même jusqu'à demander l'intervention de l'armée ( ! ), avec l'« argument » qu'ils veulent protéger les étudiants juifs pacifiques des manifestants « antisémites », les manifestants juifs antisionistes répondent qu'en fait, les premières et principales victimes de la répression brutale, qui veut soi-disant protéger les étudiants juifs, sont justement... les jeunes étudiants juifs, car ils sont toujours en première ligne et participent plus massivement que n'importe quelle autre communauté au mouvement étudiant actuel !... [1]
Mais, comme en 1968, ce mouvement anti-guerre des jeunes ne se limite pas aux États-Unis et tend à s'étendre à d'autres pays et à d'autres continents. Il se développe déjà rapidement en Australie, et commence à trouver des imitateurs dans les universités européennes (France, Catalogne, Grande-Bretagne, Italie...) où pourtant sévit la répression « préventive » qui met en pièces ce qui nous reste de droits démocratiques fondamentaux. Toutefois, ses répercussions les plus significatives sur le plan politique se manifestent déjà... en Palestine. C'est de là, dans la bande de Gaza martyrisée, que vient lemessage de remerciement chargé d'émotion que les jeunes Palestiniens adressent aux étudiants américains mobilisés qui manifestent leur solidarité avec eux…
Ceci étant dit, en même temps que nous assistons à un soulèvement historique et si prometteur de la jeunesse américaine, nous sommes également témoins de la reprise rapide du mouvement syndical états-unien. Et ce n'est pas un hasard si, parmi les pancartes des étudiants mobilisés, on trouve de plus en plus d'analogues des syndicats, et tout d'abord du syndicat des travailleurs de l'automobile, l'UAW.
En effet, après les victoires historiques de ce syndicat (700. 000 membres) sous sa nouvelle direction radicale et classiste en septembre dernier dans le Nord américain, nous avons eu ces jours-ci un nouveau succès au moins aussi historique : pour la première fois, il a rompu la tradition d'interdire - de fait et par la répression - toute syndicalisation des travailleurs dans le Sud américain, puisque 73% des travailleurs de l'usine Volkswagen de Chattanooga, Tennessee, ont défié les menaces et les chantages, et ont voté en faveur de la syndicalisation de leur usine par l'UAW. L'événement suivant, qui s'est produit les jours mêmes où le mouvement anti-guerre des jeunes atteignait son point culminant, est révélateur de cette reprise fulgurante : la réunion annuelle de Labour Notes, qui est le rassemblement classiste et plutôt d'extrême-gauche des responsables syndicaux et qui, traditionnellement, ne réunissait pas plus de quelques centaines de syndicalistes, a accueilli cette année dans une ambiance survoltée 4.700 responsables syndicaux, présidents de syndicats et autres « troublemakers” ( fauteurs de troubles ), comme ils aiment s'appeler eux-mêmes les militants de Labour Notes. Il est à noter qu'en clôturant les travaux, Shawn Fain, le nouveau président radical de l'UAW connu aussi pour sa solidarité active avec le peuple palestinien, a prononcé un discours très combatif, soulignant que « la classe ouvrière est l'arsenal de la démocratie et les travailleurs sont les libérateurs »…
S'il est encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives, ce qui est certain en revanche, c'est que le crime contre l'humanité commis à Gaza contre le peuple palestinien par Israël et ses complices, commence - enfin - à se retourner contre eux au cœur même de la superpuissance mondiale. Et qu'en outre, la multiplication des secousses pré-sismiques à la base de la société de cette superpuissance américaine, préfigurent le grand tremblement de terre à venir, quel que soit le résultat des élections de novembre prochain. D'autant plus qu'il sera précédé par le grand rendez-vous du mouvement étudiant - et pas seulement - devant et peut-être à l'intérieur de la Convention Démocrate qui, comme en 1968, se tiendra à la même date et encore à Chicago. A l'époque, il y avait environ 10-12 000 manifestants [2] qui ont fait face à la férocité de 15 000 policiers lourdement armés et déchaînés, hurlant “kill the commies” (tuez les cocos). Aujourd'hui, les étudiants mobilisés prévoient qu'ils seront au moins 30 000 devant et autour de la convention démocrate qui se tiendra du 18 au 22 août. Sans doute, la suite des événements s'annonce passionnante... surtout aux États-Unis d'Amérique !…
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Notes
[1] Voir Jewish Voice for Peace, Statement on Columbia University's discriminatory and repressive treatment of Jewish students (Déclaration sur le traitement discriminatoire et répressif des étudiants juifs par l'université de Columbia) : https://www.jewishvoiceforpeace.org/2024/04/24/seder-campus/
[2] « Pour que les vieux se souviennent et les jeunes apprennent », voici un bref, mais génial, aperçu musical des événements historiques qui ont eu lieu lors de la Convention Démocrate de 1968 à Chicago :https://www.youtube.com/watch?v=Pswvi3QN_tI
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États-Unis - Soutien au mouvement étudiant propalestinien !
Le 17 avril, des étudiants de l'Université de Columbia à New York, soutenus par des enseignant·es sympathisant·es, ont installé un campement pour protester contre la guerre israélienne contre Gaza et contre les liens de Columbia avec les universités israéliennes et les entreprises qui font des affaires avec Israël, y compris des ventes d'armes. Dans les jours qui ont suivi, les manifestations et les campements se sont étendus à d'autres collèges et universités, de la Nouvelle-Angleterre au Michigan, en passant par le Texas et la Californie.
Tiré de Inprecor 720 - mai 2024
27 avril 2024
Par Solidarity
Plus de quatre douzaines de syndicats ont adopté des résolutions de soutien aux étudiants. La réponse de l'administration de Columbia aux manifestations pacifiques des étudiant·es a été d'appeler la police de la ville de New York pour qu'elle évacue le campus et arrête les manifestant·es. Des étudiant·es ont fait l'objet de mesures disciplinaires et ont reçu l'ordre de quitter les logements du campus.
Les manifestation·es ont lieu dans le contexte de l'assaut continu des forces de défense israéliennes sur Gaza – qui a tué au moins 34 000 personnes –, de l'augmentation de la violence des colons et de la complicité des forces de défense israéliennes contre les Palestinien·nes en Cisjordanie, et des préparatifs d'un assaut sur la zone densément peuplée de Rafah. Le gouvernement Biden continue de soutenir Israël, en refusant d'appeler à un cessez-le-feu inconditionnel et en opposant son veto à une résolution de l'ONU sur le cessez-le-feu.
Des responsables de campus, des milliardaires donateurs pro-israéliens et des politiciens réactionnaires, y compris le président républicain de la Chambre des représentants, dont le parti est devenu un refuge pour les racistes d'extrême droite et les antisémites de tous bords, ont cyniquement et hypocritement qualifié les manifestations d'antisémites. Netanyahou a qualifié les manifestant·es de « hordes antisémites ». Alors que la presse grand public se fait régulièrement l'écho du mensonge selon lequel les manifestations sont antisémites, il n'y a aucun élément prouvant que des étudiants juifs auraient été pris pour cible. Au contraire, les campements ont été des espaces accueillants où des étudiant·es palestinien·nes, musulman·es et juifs, y compris des membres de Jewish Voice for Peace, se sont joints à d'autres étudiant·es pour s'opposer au génocide à Gaza.
Le Comité national de Solidarity soutient les manifestant·es étudiant·es et leurs objectifs et demande une amnistie immédiate et la levée de toutes les sanctions à l'encontre des manifestant·es. Nous dénonçons l'accusation cynique des manifestant·es pro-palestinien·nes comme étant antisémites et appelons à la protection des étudiants palestinien·nes et musulman·es.
Soutien au mouvement étudiant propalestinien !
Ne touchez pas aux campements !
Amnistie pour tous les manifestant·es !
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Mobilisations étudiantes contre la prolongation de la guerre d’Israël
Depuis le début de la guerre d'Israël contre le peuple palestinien, avec la destruction croissante des infrastructures et les massacres sans fin de la population de Gaza, des manifestations de révulsion ont eu lieu sur les campus universitaires. Les partisans de la guerre d'Israël ont accusé les manifestations pro-palestiniennes sur les campus d'être antisémites. Au fur et à mesure que les tueries et les destructions s'intensifiaient, de nombreux types de manifestations anti-guerre ont également proliféré dans la société américaine, y compris sur les campus, tout comme les demandes des secteurs pro-israéliens de mettre fin à de telles manifestations dans les institutions universitaires.
24 avril 2024 | tiré de Viento sur | Photo : Getty Images. Les manifestants et les soldats de l'État du Texas sont engagés dans un face-à-face tendu à l'Université du Texas (UT) à Austin, au Texas. Là, des policiers ont menotté et arrêté au moins 31 personnes qui participaient à une manifestation étudiante pro-palestinienne sur le campus.
https://vientosur.info/movilizaciones-estudiantiles-contra-la-prolongacion-de-la-guerra-de-israel/
Récemment, à l'Université de Californie du Sud (USC), une étudiante musulmane américaine d'origine sud-asiatique, Asia Tabassum, a été nommée par l'USC pour prononcer son discours de remise des diplômes pour avoir été la première de sa classe. Presque immédiatement, les forces pro-israéliennes à l'intérieur et à l'extérieur de l'université ont exigé que la nomination soit retirée parce qu'elle était musulmane et pro-palestinienne, et ont dédié toutes sortes de messages de haine à la femme concernée. L'USC a capitulé et a annoncé que l'étudiante ne prononcerait pas le discours lors de la cérémonie de son cours. La direction a évoqué des problèmes de sécurité, mais n'a jusqu'à présent pas précisé quels étaient ces problèmes.
Tabassum a publié une réponse sur le site Web du Conseil des relations américano-islamiques, déclarant, entre autres, que « je ne suis pas surpris par ceux qui essaient de répandre la haine. Je suis surpris que ma propre université – où j'ai vécu pendant quatre ans – m'ait abandonné. Il y a eu immédiatement des protestations de la part des étudiants et des enseignants. Finalement, il a dit à l'USC qu'il n'y aurait pas de discours de remise des diplômes et que toutes les personnes invitées à prendre la parole lors de la cérémonie, y compris celles qui devaient recevoir des diplômes honorifiques, n'y assisteraient pas, de peur évidemment de dire quelque chose en faveur de la Palestine.
Quelques jours plus tard, une action étudiante de soutien à la Palestine sous la forme d'un campement, qui se déroulait sur le campus new-yorkais de l'université de Columbia, a été attaquée par la police, qui a procédé à plus d'une centaine d'arrestations. En plus de s'opposer à la guerre d'Israël à Gaza, les étudiants ont exigé que l'université se désinvestisse de ses investissements dans le vaste programme d'armement américain destiné à Israël. Le nombre d'arrestations sur le campus de Columbia a été le plus élevé depuis la manifestation étudiante contre la guerre du Vietnam en 1968, où environ 700 personnes ont été arrêtées.
Avant la descente de police sur le campus, l'Université Columbia a suspendu trois étudiantes – Isra Hirsi, Maryam Iqbal et Soph Dinu – du Barnard College, un corps professoral historiquement exclusivement féminin, pour avoir participé au campement. Isra Hirsi est la fille du représentant du Congrès de Minneapolis, dans le Minnesota, Ilan Omar, l'une des deux femmes musulmanes du Congrès (l'autre est Rashida Tlaib) et la première femme de couleur élue au Minnesota. Le lendemain, il y a eu d'autres suspensions de manifestants. La suspension implique une interdiction d'assister aux cours, le refus d'une chambre dans les dortoirs et le refus de repas à la cafétéria.
Le président de l'Université Columbia, Minouche Shafik, a appelé la police à mettre fin à la manifestation. Elle l'a fait juste après avoir été interrogée par une commission bipartite du Congrès qui pratique la chasse aux sorcières et harcèle les responsables de l'université et de la faculté pour interdire les manifestations pro-palestiniennes. Même la police a déclaré que le campement était pacifique et qu'il n'y avait pas eu de violence ni de menaces. Les arrestations se sont déroulées sans résistance. Shafik n'a pas réussi à justifier sa décision par des arguments crédibles, et les militants détenus ont été accusés d'avoir « accédé illégalement » à leur propre campus !
Les étudiants de Columbia ont réagi à l'attaque en prenant des mesures tous les jours depuis. L'Université, cependant, empêche tous les « étrangers » d'accéder au campus, qui est normalement ouvert aux visiteurs. L'un de ces étrangers a sauté par-dessus une clôture pour participer à la manifestation de ce jour-là : Cornell West, un militant noir bien connu et professeur à l'Union Theological Seminary, affilié à l'Université Columbia. West est également un candidat indépendant à la présidence lors de l'élection de novembre. Il a déclaré à Democracy Now qu'il avait fait l'éloge du mouvement étudiant pour avoir « combattu la domination et l'occupation et l'avoir fait avec une formidable détermination ».
Amy Goodman a rapporté sur Democracy Now le 23 avril : « Alors que l'agression d'Israël contre Gaza marque son 200e jour, les rassemblements et les campements de solidarité avec la Palestine prolifèrent sur les campus universitaires à travers les États-Unis, inspirés par le campement de solidarité avec Gaza de l'Université Columbia. Ici à New York, la police a pris d'assaut un campement d'étudiants à l'Université de New York lundi soir. Plus de 150 personnes ont été arrêtées, dont des étudiants et des membres du corps professoral. Lundi, la police a arrêté 60 manifestants à l'université de Yale, dont 47 étudiants qui avaient organisé un sit-in pour exiger que l'université se désinvestisse des usines d'armement. Il y a d'autres camps sur d'autres campus de nombreuses universités, notamment Michigan-Ann Arbor, l'Université de Californie à Berkeley, l'Université du Maryland, le Massachusetts Institute of Technology et l'Emerson College de Boston.
L'un des thèmes qui a été utilisé pour appeler à l'interdiction des manifestations pro-palestiniennes est qu'elles ont pour but d'effrayer et de menacer les étudiants juifs sur les campus. La Maison-Blanche s'est jointe à ce chœur. Le New York Times rapporte : « Le président Biden a condamné l'antisémitisme sur les campus universitaires dans une déclaration publiée dimanche, trois jours après que plus de 100 personnes protestant contre la guerre de Gaza ont été arrêtées sur le campus de l'Université Columbia. La déclaration de Biden, qui fait partie d'un long message de salutation à la Pâque juive publié depuis la Maison Blanche, ne mentionne pas directement le nom de Columbia, mais indique qu'il y a eu « du harcèlement et des appels à la violence contre les Juifs » ces derniers jours. Cet antisémitisme flagrant est répréhensible et dangereux et n'a absolument pas sa place sur les campus universitaires ou ailleurs dans notre pays », peut-on lire dans le communiqué.
Ce même dimanche matin, la Maison Blanche a publié une déclaration distincte pour répondre directement aux manifestations anti-israéliennes à Columbia, qui se poursuivent cette semaine avec des sit-in étudiants sur le terrain de l'université. « Alors que tous les Américains ont le droit de manifester pacifiquement, les appels à la violence et à l'intimidation physique contre les étudiants juifs et la communauté juive sont manifestement antisémites, inadmissibles et dangereux », a déclaré Andrew Bates, secrétaire adjoint à la communication de la Maison Blanche. La manifestation à l'Université Columbia a eu lieu la même semaine qu'il y avait beaucoup d'autres manifestations à travers le pays pour dénoncer la guerre d'Israël à Gaza. Des manifestations ont bloqué les principales autoroutes de New York et de San Francisco et l'accès aux aéroports de Chicago et de Seattle.
Les Israélites pro-guerre peuvent se sentir de plus en plus minoritaires sur la plupart des campus, mais les accusations de violence antisémite par les manifestants anti-guerre sont infondées et aucun exemple concret n'a été publié. Ce qui est omis dans ce compte-rendu, c'est qu'il y a un secteur important d'étudiants juifs qui participent à des actions pro-palestiniennes et jouent souvent un rôle de premier plan, par exemple à Columbia, où Jewish Voice for Peace est impliqué dans la direction du mouvement depuis novembre et a été l'une des organisations alors officiellement interdites par l'université. bien que JVP ait continué à fonctionner.
Le lundi 22 avril a commencé la fête de la Pâque, qui célèbre la libération du peuple juif d'Égypte et qui en est venue à signifier la libération de tous les peuples opprimés. De nombreux campements ont été fréquentés par des célébrations de la Pâque. Le New York Times, un journal résolument pro-Israël, a dû l'admettre : « La première nuit de Pessah, le son des Quatre Questions a résonné dans les foyers et les rassemblements juifs du monde entier, même dans des endroits improbables et douteux : le centre des manifestations pro-palestiniennes à Columbia et dans d'autres universités où se déroulaient des manifestations. Alors que la nuit tombait sur le campement de Columbia lundi, une centaine d'étudiants et d'enseignants se sont rassemblés en cercle autour d'un auvent bleu où étaient empilées des boîtes de pain sans levain et de nourriture qu'ils avaient préparées dans une cuisine casher. Il y avait des étudiants qui portaient des keffiehs, le foulard traditionnel palestinien, et aussi des kippa juives. Des Haggadah faites à la main – des livres de prières juives de la Pâque – ont été distribuées et des prières ont été récitées en hébreu, maintenant l'ordre traditionnel.
Voilà pour l'antisémitisme des étudiants pro-palestiniens.
Une dernière remarque. Il y a eu des commentateurs qui ont vu des similitudes entre ces campements et ceux qui ont eu lieu dans les années 1960. Sommes-nous confrontés à une nouvelle vague de radicalisation étudiante ?
24/04/2024
Barry Sheppard
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« La Cour suprême est le produit de la domination de la minorité » : l’auteur Ari Berman à propos du système antidémocratique des États-Unis
Alors que la Cour suprême entend les plaidoiries dans des affaires allant de l'interdiction des avortements d'urgence dans l'Idaho à la question de savoir si l'ancien président Donald Trump est à l'abri des poursuites, notre prochain invité soutient que la Cour suprême est le produit de la règle de la minorité. Dans son nouveau livre, le journaliste et auteur Ari Berman explique comment, pour la première fois dans l'histoire des États-Unis, cinq des six juges conservateurs de la Cour suprême ont été nommés par des présidents républicains qui ont perdu le vote populaire, et confirmés par des sénateurs élus par une minorité d'Américains. Ari Berman dit que la composition de la Cour est le produit de deux institutions biaisées : la façon dont nous élisons nos présidents par le biais du collège électoral et la façon dont nous nommons les sénateurs américains – qui sont toutes deux défectueuses parce qu'elles violent toutes deux une personne, un vote.
26 avril 2024 | tiré de democracy.now !
https://www.democracynow.org/2024/4/26/ari_berman
AMY GOODMAN : C'est Democracy Now !, democracynow.org. Je m'appelle Amy Goodman.
Ari Berman nous rejoint aujourd'hui dans notre studio de New York. Son nouveau livre s'intitule Minority Rule : The Right-Wing Attack on the Will of the People – and the Fight to Resist It. Il est le correspondant du magazine Mother Jones sur les droits de vote et l'auteur de Give Us The Ballot : The Modern Struggle for Voting Rights in America. Bienvenue à nouveau à Democracy Now ! C'est un plaisir de t'avoir parmi nous, Ari.
ARI BERMAN : C'est un plaisir de vous voir, Amy. Merci.
AMY GOODMAN : Félicitations pour la sortie du livre.
ARI BERMAN : Merci.
AMY GOODMAN : Pourquoi ne pas commencer par ce qui s'est passé cette semaine, les plaidoiries sur la question de savoir si Trump jouit de l'immunité en tant que président des États-Unis ?
ARI BERMAN : Eh bien, c'était un nouveau creux, même pour cette Cour suprême, parce que cela a montré à quel point ils sont prêts à permettre l'autoritarisme de Donald Trump et à truquer le processus politique pour les républicains. Tout d'abord, vous devez prendre du recul et réaliser comment ils ont pris cette affaire, n'est-ce pas ? Ils ont attendu si longtemps pour s'occuper de l'affaire qu'ils ont rendu pratiquement impossible la tenue d'un procès pour Trump incitant à l'insurrection avant les élections. Donc, en soi, c'était une énorme victoire pour Donald Trump. Et puis, quand vous êtes arrivé aux plaidoiries elles-mêmes, je veux dire, c'était stupéfiant, certaines des choses qu'ils disaient. Ils ont fondamentalement ignoré toute l'histoire de l'insurrection. Et ils semblaient plus préoccupés par le fait qu'un président soit poursuivi pour quelque chose que par un président qui incite à l'insurrection. Ainsi, Samuel Alito dit que cela pourrait être déstabilisant pour la démocratie si un président est poursuivi. Ce qui déstabilisait la démocratie, Amy, c'était l'effort pour renverser l'élection et l'insurrection au Capitole. Cela a donc montré que la Cour suprême est une institution profondément antidémocratique, et qu'elle fera presque tout ce qui est en son pouvoir pour s'assurer que les républicains puissent gagner les élections et que l'autoritarisme de Donald Trump soit autorisé à aller de l'avant.
AMY GOODMAN : Et parlons davantage de l'immunité présidentielle, de ce qu'elle signifie.
ARI BERMAN : Ce que cela signifie, c'est qu'un président peut faire n'importe quoi, fondamentalement, dans l'exercice de ses fonctions et qu'il ne peut pas en être tenu responsable. Je veux dire, ils ont dit très clairement que le président pouvait ordonner l'assassinat de quelqu'un, et à moins qu'il ne soit destitué par le Sénat, il pouvait s'en tirer à bon compte. Alors, rappelez-vous quand Trump a dit : « Je pourrais tuer quelqu'un sur la Cinquième Avenue et m'en tirer à bon compte » ? Essentiellement, c'est ce qu'ils ont plaidé devant la Cour suprême.
Je veux dire, c'était tellement incroyable de voir comment la Cour suprême minimisait l'acte le plus autoritaire de l'histoire américaine moderne et disait essentiellement qu'il ne devrait y avoir aucune conséquence juridique pour cela, et que non seulement il n'y aura pas de conséquences juridiques, mais que les électeurs n'auront même pas l'occasion d'entendre les preuves contre Donald Trump qui ont été amassées par le procureur spécial Jack Smith avant l'élection. Nous sommes confrontés à une situation où, à moins que les électeurs eux-mêmes ne décident de ne pas élire Donald Trump, il n'y aura pas de responsabilité par le biais du processus juridique pour incitation à l'insurrection au Capitole. C'est tout simplement stupéfiant.
AMY GOODMAN : Je me demande si vous pouvez alors nous parler de la Cour suprême actuelle, de la façon dont elle est composée et de la façon dont elle illustre votre thèse principale dans votre nouveau livre, Minority Rule.
ARI BERMAN : Ainsi, la thèse principale de mon nouveau livre est qu'une minorité blanche conservatrice de plus en plus réduite a truqué le processus politique en faveur d'une faction extrême du Parti républicain, essentiellement pour empêcher une majorité beaucoup plus large et plus diversifiée de prendre le pouvoir. Et la Cour suprême en est une parfaite illustration, parce qu'elle est le produit de deux institutions antidémocratiques. C'est le produit des présidents, des présidents républicains, qui ont perdu le vote populaire, et c'est le produit des sénateurs conservateurs, qui ne représentent pas une minorité d'Américains, qui nomment les juges conservateurs. Donc, nous avons un — la façon dont nous élisons les présidents viole une personne, un vote. La façon dont nous élisons les sénateurs va à l'encontre d'une personne, d'un vote. Cela a conduit à une Cour suprême truquée.
Ensuite, la Cour suprême truquée elle-même a encore truqué le processus politique au profit des républicains en vidant de sa substance la loi sur le droit de vote, en autorisant l'argent noir par le biais de Citizens United, et en rendant des décisions qui sont en contradiction avec la majorité des Américains, en annulant Roe v. Wade, en annulant le contrôle des armes à feu, en annulant les protections environnementales. Ainsi, un produit de la domination minoritaire a ensuite approfondi la domination de la minorité aux États-Unis. Et fondamentalement, les républicains ont utilisé les tribunaux, et en particulier la Cour suprême, pour faire toutes ces choses impopulaires, parce qu'ils savent qu'ils ne peuvent pas gagner autrement.
AMY GOODMAN : Parlez de l'histoire, par exemple, de la Convention constitutionnelle, de la raison pour laquelle les États qui sont de plus en plus dépeuplés sont représentés par deux sénateurs, de la même manière que les États qui comptent des millions de personnes de plus ont toujours les mêmes deux sénateurs.
ARI BERMAN : Ce que je voulais faire dans le livre, c'était retracer la crise de la démocratie à laquelle nous sommes confrontés aujourd'hui jusqu'à la période fondatrice et dire essentiellement que les Pères fondateurs ont créé des institutions démocratiques qui n'étaient pas vraiment démocratiques. Et cela a jeté les bases de la crise actuelle que nous avons aujourd'hui, parce qu'en donnant à chaque sénateur le même nombre de représentants – de sorte que chaque État a deux sénateurs, quelle que soit la représentation – cela signifie que vous avez une situation où les États plus blancs, plus petits et plus ruraux obtiennent beaucoup plus de représentation que les États plus diversifiés, plus urbains, plus urbains. plus progressistes. Et cela s'est considérablement aggravé au fil du temps, Amy. Ainsi, en 1790, après la ratification de la Constitution, le plus grand État du pays, la Virginie, comptait 12 fois la population du plus petit État du pays, le Delaware. Aujourd'hui, la Californie, le plus grand État, compte 67 fois plus d'habitants que le plus petit État, le Wyoming. Cela signifie essentiellement que le Sénat assure la règle de la minorité en permettant, essentiellement, à une minorité d'Américains conservateurs d'élire une majorité au Sénat lorsque les républicains sont aux commandes.
AMY GOODMAN : Vous citez John Adams dans Minority Rule, qui dit : « Si une majorité contrôlait toutes les branches du gouvernement, les dettes seraient abolies en premier, les impôts seraient imposés aux riches et pas du tout aux autres, et enfin, une vision carrément égale de tout serait exigée et votée. »
ARI BERMAN : C'est vous dire que les fondateurs n'étaient pas principalement intéressés par l'égalité, ni même, vraiment, par la démocratie. Ils étaient préoccupés par la protection du pouvoir des gens comme eux, c'est-à-dire les riches propriétaires terriens blancs. Et ils ont créé tout...
AMY GOODMAN : Propriétaires terriens de sexe masculin.
ARI BERMAN : Exactement, de riches propriétaires terriens blancs de sexe masculin. Ainsi, une majorité d'Américains ont été exclus du document démocratique le plus important du pays. Les femmes, les Afro-Américains, les Amérindiens et même les Blancs pauvres ont été exclus de ces institutions démocratiques. Et donc, c'est une contradiction fondamentale que le document démocratique le plus important du pays, la Constitution, ait été destiné, à bien des égards, à rendre le pays moins démocratique.
AMY GOODMAN : Parlez de, oh, des pays [sic] comme le Delaware et la Convention constitutionnelle, et ce qu'ils ont menacé, des pays minuscules, par rapport à la Virginie, un État beaucoup plus grand – un État beaucoup plus grand.
ARI BERMAN : Oui, des États, des États plus grands, oui, exactement. C'était fascinant pour moi quand je suis retourné en arrière et que j'ai fait des recherches sur l'histoire, parce que nous avons toutes ces choses qu'on appelle des compromis, n'est-ce pas ? L'idée que chaque État devrait avoir le même nombre de sénateurs est appelée le « Grand Compromis ». Mais c'est en fait la grande concession, parce que beaucoup d'architectes de la Constitution, des gens comme James Madison, détestaient l'idée que chaque État ait le même nombre de sénateurs. Ils voulaient que le Sénat soit fondé sur la représentation proportionnelle. Ils voulaient que ce soit un corps d'élite, mais ils voulaient qu'il représente le plus grand nombre d'Américains. Et fondamentalement, les petits États ont dit : « Si vous ne nous donnez pas le même niveau de représentation, nous quitterons l'Union et trouverons un allié étranger. Nous pourrions rejoindre l'Angleterre ou la France. Ils ont donc pointé un pistolet sur la tempe des délégués et ont dit : « Donnez-nous ce pouvoir, ou nous ne ratifierons pas la Constitution. » La même chose s'est produite avec les États esclavagistes, Amy, par le biais de la clause des trois cinquièmes, de sorte que les États du Sud auraient beaucoup plus de pouvoir à la Chambre des représentants et au Collège électoral.
Donc, ce que nous voyons à travers la Constitution, c'est que ces petits groupes minoritaires – pas les groupes minoritaires comme nous les concevons en termes d'électeurs de couleur, mais les petits États, les États esclavagistes – ils avaient fondamentalement un énorme avantage dans la Constitution. Et ces caractéristiques antidémocratiques, même si nous nous sommes démocratisés depuis, se sont prononcées d'une manière telle qu'elles menacent le gouvernement représentatif aujourd'hui.
AMY GOODMAN : Permettez-moi de me tourner vers Paul Weyrich, qui est décrit comme le « père fondateur du mouvement conservateur », s'exprimant lors d'un rassemblement sur les droits religieux à Dallas en 1980, il y a 40 ans.
PAUL WEYRICH : Maintenant, beaucoup de nos chrétiens ont ce que j'appelle le syndrome du goo-goo – un bon gouvernement. Ils veulent que tout le monde vote. Je ne veux pas que tout le monde vote. Les élections ne sont pas gagnées par une majorité de personnes. Ils ne l'ont jamais été depuis le début de notre pays, et ils ne le sont pas maintenant. En fait, notre influence dans les élections, très franchement, augmente à mesure que la population électorale diminue.
AMY GOODMAN : La signification de ce que Paul Weyrich dit ?
ARI BERMAN : Je veux dire, une citation incroyable qui dit tout haut la partie silencieuse et qui expose vraiment la stratégie du mouvement conservateur, qui est que lorsque moins de gens participent à la démocratie, cela profite à la minorité blanche conservatrice qui se rétrécit. Et ce que je soutiens dans le livre, c'est qu'il y a ces institutions historiques anti-démocratiques, mais il y a aussi toutes ces nouvelles tactiques anti-démocratiques qui s'y superposent, donc des choses comme la suppression des électeurs, la subversion électorale, le gerrymandering, la censure de l'histoire – tout cela est utilisé pour maintenir le pouvoir blanc alors que le pays change démographiquement. Et c'est ce qui rend ces tactiques antidémocratiques si dangereuses.
AMY GOODMAN : Parlez-nous du collège électoral.
ARI BERMAN : Eh bien, c'est une institution fondamentalement antidémocratique. J'ai récemment essayé d'expliquer le collège électoral à ma fille de 9 ans, et elle m'a regardé comme si j'étais folle. L'idée que quelqu'un puisse obtenir plus de votes mais perdre l'élection est tout simplement folle pour elle, n'est-ce pas ? Ou à n'importe qui, quand vous l'expliquez. Et le collège électoral est aussi une institution fondamentalement antidémocratique. Les fondateurs ne faisaient pas confiance au public pour élire directement le président, alors ils ont créé ce mécanisme incroyablement antidémocratique qui donnerait aux hommes blancs de l'élite le pouvoir de choisir le président.
Et c'était fondamentalement défectueux dès le départ, parce que le collège électoral était une base de la façon dont nous élisons nos représentants, ce qui signifie que les petits États avaient plus de pouvoir à cause du Sénat américain, et les États esclavagistes avaient plus de pouvoir à cause de la clause des trois cinquièmes. Ainsi, le poids combiné des États esclavagistes et des petits États signifiait que pour le début de notre pays, Amy, 10 des 12 présidents américains étaient des propriétaires d'esclaves. Dix-huit des 31 premiers juges de la Cour suprême étaient des propriétaires d'esclaves. Et la majorité des présidents de la Chambre avant la guerre civile étaient des propriétaires d'esclaves. Donc, c'est incroyable. Fondamentalement, le racisme est inscrit dans la Constitution. Je veux que les gens comprennent que, parce que nous vénérons la Constitution comme s'il s'agissait d'un document divin, et que nous devons avoir une discussion plus réaliste sur la fondation de notre pays, le racisme est intégré dans nos institutions. C'est toujours un problème aujourd'hui. Et nos institutions sont si désuètes, si antidémocratiques, que nous avons besoin d'une réforme fondamentale pour les changer, pour les démocratiser.
AMY GOODMAN : Quelle est la place des trois cinquièmes dans tout cela ?
ARI BERMAN : Eh bien, ce que les trois cinquièmes signifiaient, c'est que les Afro-Américains étaient définis comme les trois cinquièmes d'une personne. Ce que cela signifie, c'est que même s'ils étaient réduits en esclavage et privés de leurs droits dans le Sud, les États du Sud étaient plus représentés en raison de leur population asservie, ce qui est incroyable. Et ça, c'était autre chose. Lorsqu'ils ont essayé de s'en débarrasser, les États esclavagistes ont essentiellement dit : « Nous ne ratifierons pas la Constitution à moins que vous ne nous donniez ce pouvoir. » Ce que cela signifiait, c'est que les États du Sud avaient un tiers de plus de représentation à la Chambre des représentants en raison de la clause des trois cinquièmes qu'ils n'en auraient eu autrement. Cela a ensuite déformé la présidence, car cela signifiait que la Chambre des représentants avait le pouvoir, avec le Sénat, de déterminer le nombre de votes électoraux. Donc, comme je l'ai dit, ce que cela signifie, c'est que les États esclavagistes avaient un pouvoir disproportionné à la fois à la Chambre des représentants et au Collège électoral jusqu'à la guerre civile.
AMY GOODMAN : Cela me fait penser aux prisonniers dans de nombreux États de ce pays. Par exemple, à New York, tant de personnes de couleur sont venues du nord de l'État, et du nord de l'État, elles comptent comme la population, ce qui augmente la population pour qu'elles aient plus de représentation. Mais ils ne peuvent pas voter.
ARI BERMAN : Exactement. Et le redécoupage des prisons et ce genre de choses n'est qu'un exemple des caractéristiques antidémocratiques qui subsistent aujourd'hui. Et donc, ce que je veux que les gens comprennent, c'est que nous devons réformer ces institutions non démocratiques. Nous ne pouvons pas nous contenter de nous battre pour les droits et les libertés que nous avons aujourd'hui. Nous avons besoin d'une réforme plus vaste pour démocratiser complètement ce pays d'une manière que nous n'avons jamais faite.
AMY GOODMAN : Et c'est la dernière partie de votre titre, Et le combat pour y résister. Pouvez-vous nous parler du National Popular Vote Interstate Compact ? Je veux dire, le Maine vient de se joindre à nous. On en est à quoi ? Il y en a 207 maintenant, ce qui représente 207 votes, qui passe à 270, et tout change.
ARI BERMAN : Exactement.
AMY GOODMAN : Expliquez ce que c'est.
ARI BERMAN : L'idée est que si les États qui totaliseraient jusqu'à 270 votes du collège électoral, ce dont vous avez besoin pour gagner la présidence, s'engageaient à nommer leurs électeurs au vote populaire, cela abolirait alors le collège électoral. Maintenant, je suis sûr que la Cour suprême conservatrice voudrait se prononcer là-dessus, mais c'est un mécanisme pour faire un tour de passe-passe autour de la modification de la Constitution, parce que la Constitution est si difficile à modifier.
Et ce dont je parle dans le livre, c'est, comme vous le dites, de la riposte et de ce long va-et-vient entre les forces démocratiques et antidémocratiques tout au long de l'histoire américaine. Et nous sommes à un autre point de basculement majeur aujourd'hui, où il y a des forces qui tentent de restreindre la démocratie américaine, et il y a des forces qui essaient d'étendre la démocratie américaine. Et c'est vraiment le choix auquel le pays est confronté en ce moment, c'est : dans quelle direction allons-nous aller ?
AMY GOODMAN : Quelle est la place de Trump et du Projet 2025 dans tout cela ?
ARI BERMAN : Eh bien, le Projet 2025 est essentiellement le projet du second mandat de Trump. Et ce qu'il fait, c'est qu'il essaie de consacrer l'autoritarisme de Trump et de l'intégrer à l'ensemble du tissu du gouvernement fédéral. Et c'est pourquoi je veux que les gens comprennent que Trump a un plan pour 2024 qui est beaucoup plus radical et beaucoup plus dangereux que celui dans lequel il s'est engagé en 2016, parce que l'ensemble du mouvement conservateur a maintenant approuvé l'autoritarisme de Donald Trump. Nous devrions donc écouter ce qu'il a à dire. Il a un plan pour rendre le règne de la minorité impossible à renverser. Les gens tiennent la démocratie pour acquise. Et je veux qu'ils comprennent que si Donald Trump revient au pouvoir et met en œuvre son programme autoritaire, il pourrait être très difficile, voire impossible, d'inverser la tendance.
AMY GOODMAN : Trump a fait des affirmations infondées selon lesquelles les démocrates aident les immigrants sans papiers à s'inscrire pour voter illégalement à l'élection présidentielle. C'est Trump qui s'exprime plus tôt cette année.
DONALD TRUMP : Je crois maintenant que c'est la raison pour laquelle ils permettent à ces gens d'entrer, des gens qui ne parlent pas notre langue. Ils les inscrivent pour voter. Et je crois que c'est la raison pour laquelle des millions de personnes affluent dans notre pays. Et cela pourrait très bien affecter les prochaines élections, et je crois que c'est la raison pour laquelle ils le font.
AMY GOODMAN : Votre réponse, Ari Berman ?
ARI BERMAN : Eh bien, c'est un mensonge total. Je veux dire, c'est un autre mensonge total de la part du président. Tout d'abord, les migrants ne traversent pas illégalement la frontière pour voter pour les démocrates. Deuxièmement, il est illégal pour eux de le faire. Et il y a des freins et contrepoids intégrés dans notre système électoral pour empêcher les gens de voter illégalement.
Mais ce qu'il essaie de faire, c'est qu'il essaie d'utiliser ces tactiques alarmistes pour préserver le pouvoir blanc, et il diabolise l'immigration pour essayer de rendre le pays plus blanc. Et il essaie également de rendre le vote plus difficile en diabolisant les immigrants au profit des républicains. Et ce que je soutiens, c'est qu'une grande partie de la poussée républicaine en faveur d'un régime minoritaire aujourd'hui concerne la peur d'un avenir majorité-minorité, dans lequel les Blancs ne seront plus la majorité du pays d'ici 2045. Et je pense que c'est ce qui motive Trump et le mouvement conservateur à construire une forteresse pour arrêter ce qu'ils considèrent comme le siège à venir.
AMY GOODMAN : Qu'est-ce qui vous a le plus choqué au cours de vos années de recherche pour ce livre, Minority Rule ?
ARI BERMAN : À quel point la crise de la démocratie est bien plus grande que Donald Trump. Je pense que beaucoup de gens pensent que Trump est une menace sans précédent, et à bien des égards, il l'est. C'est un accélérateur d'un système politique non démocratique, mais il est aussi le produit d'un système politique non démocratique. Et c'est pourquoi je parle des aspects antidémocratiques de la Constitution. C'est pourquoi je parle de la réaction violente à la démocratie multiraciale pendant la Reconstruction, parce qu'il y a des précédents pour Donald Trump. Il n'est pas sorti de nulle part. C'est un dirigeant autoritaire qui bénéficie d'un système politique profondément antidémocratique. Et c'est pourquoi nous devons changer le système politique lui-même, si nous voulons empêcher d'autres Trump à l'avenir.
AMY GOODMAN : Quels sont les mouvements de résistance les plus prometteurs que vous voyez ?
ARI BERMAN : Je pense que les mouvements de résistance les plus prometteurs à l'heure actuelle se trouvent au niveau de l'État, dans des endroits comme le Michigan, où les gens utilisent la démocratie directe pour étendre leurs droits et lutter contre un système politique truqué, où ils font des choses comme mettre fin au découpage électoral partisan, étendre le droit de vote, consacrer l'accès à l'avortement. Il est très facile d'être consterné par ce qui se passe au niveau fédéral et d'avoir l'impression qu'il est impossible de changer les choses. Mais vous regardez le Michigan, vous regardez le Wisconsin. Beaucoup de choses vraiment intéressantes se passent au niveau de l'État, où la poussée pour la domination de la minorité a conduit à une poussée tout aussi féroce pour la règle de la majorité. Et les forces qui tentent de truquer la démocratie américaine ont conduit à un mouvement pro-démocratie plus large pour la protéger.
AMY GOODMAN : Ari Berman, je tiens à vous remercier infiniment d'être avec nous. Je sais que vous serez à la bibliothèque publique de Brooklyn pour parler avec Chris Hayes lundi soir et faire le tour du pays avec votre livre. Le journaliste et auteur Ari Berman, son nouveau livre, Minority Rule : The Right-Wing Attack on the Will of the People – and the Fight to Resist It, correspondant pour le droit de vote pour le magazine Mother Jones. Je m'appelle Amy Goodman. Merci beaucoup de vous joindre à nous.
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