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Sur la somme requise pour se constituer un fonds de défense professionnel1

7 février 2024, par Yvan Perrier — , ,
Durant la présente ronde de négociation dans les secteurs public et parapublic j'ai entendu à deux reprises des syndicalistes mentionner qu'un fonds de grève pour soutenir des (…)

Durant la présente ronde de négociation dans les secteurs public et parapublic j'ai entendu à deux reprises des syndicalistes mentionner qu'un fonds de grève pour soutenir des dizaines ou une centaine de milliers de membres exigeait des « sommes astronomiques ». À première vue, cette assertion a toutes les apparences d'être vraie. Mais dans les faits, c'est plutôt le contraire qui est véridique. Voyons voir ce qu'il est possible d'accumuler avec une toute petite cotisation équivalente à 1.00$ par jour de travail, soit 10,00$ par membre, par paye bihebdomadaire, durant 5 ans.

Avec 10,00$ par paye versée toutes les deux semaines, dans une année, le montant accumulé pour un seul membre s'élève à 260,00$. Sur la durée d'une convention collective de 5 ans, la somme totale atteint maintenant 1 300$. Avec un tel montant de 1 300$, il est possible de verser une prestation de grève de 50,00$ par jour durant 26 jours d'arrêt de travail. Convenons que 1,00$ par jour de travail, soit 10,00$ par membre par paye bihebdomadaire durant 5 ans, représente un montant très raisonnable et parfaitement supportable pour une ou un salarié.e syndiqué.e.

Bien sûr, avoir à verser 50,00$ par jour à 100 000 membres durant 20 jours donne au total la coquette somme de 100 millions de dollars. Un montant qui semble hors de portée pour des salarié.e.s syndiqué.e.s. Mais, en regroupant les cotisations des membres dans une démarche qui s'échelonne sur toute la durée d'une convention collective de 5 ans, il est possible pour une organisation syndicale de se doter d'un fonds de grève, digne de ce nom, qui va permettre, par la suite, à la ou au gréviste de préserver sa dignité de personne en période de grève ou d'arrêt de travail et ce pour aussi peu que 1,00$ par membre par jour de travail.

La constitution d'un fonds de grève n'a rien d'extraordinaire, il suffit d'abord de vouloir en constituer un et ensuite de le faire adopter par les membres.

Yvan Perrier
7 février 2024
9h30 AM
yvan_perrier@hotmail.com

Note
1.Ce texte s'inspire d'un raisonnement préalablement formulé par Flora Tristan dans Union ouvrière. https://www.pressegauche.org/Flora-Tristan-1803-1844. Consulté le 7 février 2024.
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Ukraine : le travail et la guerre

7 février 2024, par Laurent Vogel — , ,
Un article publié par le magazine de l'Institut syndical européen Hesamag est un magazine de l'Institut syndical européen qui couvre les conditions de travail, la santé et la (…)

Un article publié par le magazine de l'Institut syndical européen
Hesamag est un magazine de l'Institut syndical européen qui couvre les conditions de travail, la santé et la sécurité. Son dernier numéro contient un dossier thématique sur les travailleurs face au changement climatique. Dans sa rubrique consacrée au mouvement syndical, il publie un article sur le travail et la guerre en Ukraine.
L'Institut syndical européen est un institut de recherche et de formation lié à la Confédération Européenne des Syndicats (CES).

Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/02/06/ukraine-le-travail-et-la-guerre/

L'auteur, Laurent Vogel, est chercheur associé de l'ETUI dans le domaine de la santé au travail. Il fait également partie du Réseau Européen de Solidarité avec l'Ukraine. Nous reproduisons le texte de cet article.

Depuis le début de l'invasion massive par l'armée russe, les conditions de travail en Ukraine ont été transformées profondément. Aucune guerre ne peut être gagnée simplement sur les champs de bataille. C'est la mobilisation de la société ukrainienne, et particulièrement des travailleuses, qui explique l'échec de la guerre-éclair russe. Le mouvement ouvrier ukrainien n'entend pas se limiter àrepousser l'invasion. Il veut garantir l'avenir d'une société plus égalitaire, plus sociale, plus démocratique [1].

Le 24 février 2022, l'Ukraine se réveille à l'heure d'une guerre totale. Pour beaucoup, c'est une surprise. Des colonnes de blindés russes se dirigent vers Kiev. Des troupes aéroportées attaquent à proximité de la capitale. L'armée russe attaque sur une ligne de front de plus de 1 000 kilomètres. De la frontière biélorusse à proximité de Chernobyl jusqu'à la mer Noire. Partout dans le monde, partisans et adversaires de Poutine pensent que la disproportion des forces militaires est telle que la guerre sera gagnée par la Russie.

Ce matin-là, chacun en Ukraine a dû se situer face à cette guerre. Les clivages anciens qui traversaient la société ont été remodelés. Le premier grand échec de l'offensive russe a été le refus massif de collaborer avec l'envahisseur qui a déclenché, en représailles, une énorme violence contre la population civile dès que l'échec de la guerre-éclair est devenu patent. Nulle part, les occupants n'ont été accueillis en libérateurs. Parmi les élites, les candidats à la collaboration n'ont guère été nombreux.

Tandis que des dizaines de milliers de volontaires se précipitaient vers les bureaux de recrutement militaire, d'autres se lançaient avec une créativité énorme dans les formes de résistance qui étaient à leur portée. À Kiev, des milliers de jeunes ont transformé des drones de loisir en armes de combat très simples qui ont contribué à bloquer l'avance des blindés.

Les travailleurs ont joué un rôle essentiel dans la résistance, particulièrement dans les secteurs où les syndicats étaient présents. C'est Yelena Sabirova, avec ses 19 ans de métier, qui décide de continuer à conduire le tram à Kiev après que la ville a été à moitié désertée, ce sont les mineurs aux alentours de Kryvyi Rih au sud du pays qui se répartissent les tâches : les uns vont vers le front, les autres assurent la continuité de l'extraction du minerai de fer. Le lien constant entre la mine et le front est maintenu par des convois quotidiens qui apportent aux combattants de la nourriture, des équipements.

La guerre transforme complètement le travail du personnel des chemins de fer. En quelques semaines, il faut assurer le déplacement de presque un tiers de la population : 8 millions de réfugiés à l'étranger, 5 millions de personnes déplacées à l'intérieur de l'Ukraine. Il faut aussi assurer le transport des volontaires et des conscrits vers le front, assurer l'approvisionnement alimentaire et la circulation d'autres biens essentiels. Les principales gares doivent être aménagées pour héberger et nourrir la masse des réfugiés. Les syndicats soutiennent une campagne d'information menée par des associations féministes sur la présence d'organisations criminelles qui se livrent à la traite des femmes, profitant du désespoir de réfugiées. Ce travail se fait parfois sous les bombes. À Kramatorsk, le 8 avril 2022, deux missiles russes frappent la gare qui hébergeait plus de 1 000 réfugiés en attente d'évacuation. Il y aura 57 morts, dont 5 enfants.

Le slogan populaire « Gloire à l'Ukraine, gloire aux héros » paraît en décalage avec la situation réelle d'une guerre où l'héroïsme est avant tout collectif et quotidien, indépendamment de la forme que prend l'engagement de chaque personne. La plus grande victoire remportée par cette résistance populaire multiple – qui, à l'arrière, est massivement féminine – a été l'échec de la campagne de bombardements russes de l'hiver 2022-2023. En détruisant systématiquement les infrastructures indispensables à la production d'électricité, d'eau potable et au chauffage, l'armée russe remettait en cause la survie de la population. Elle pensait ainsi acculer le pays à une capitulation et menaçait les autres pays d'Europe d'un afflux massif de réfugiés.

La bataille de l'hiver a été gagnée grâce à un réseau dense de collectifs de solidarité où les femmes des milieux populaires ont souvent tenu un rôle dirigeant. C'est ce qu'a pu observer Daria Saburova, une chercheuse travaillant pour le Réseau européen de solidarité avec l'Ukraine, à Kryvyi Rih où elle a séjourné entre janvier et avril 2023. Contrairement aux grandes ONG dirigées par les classes moyennes, généralement liées aux Églises ou aux partis parlementaires libéraux ou nationalistes, et qui agissent souvent sans établir de contacts directs avec la population, les petites organisations locales de solidarité mènent un double travail. À l'arrière, elles viennent en aide aux réfugiés ainsi qu'aux habitants des zones récemment libérées. Sur le front, elles maintiennent un contact permanent avec les soldats. Dans un premier temps, ce contact était indispensable en raison des insuffisances de la logistique. Aujourd'hui, c'est surtout le maintien d'un lien fort entre l'armée et le peuple qui motive les bénévoles. Beaucoup de femmes apportent de la nourriture au front en disant : l'aide que j'y apporte à des soldats que je ne connais pas sera apportée à mes fils ou à mon mari dans d'autres régions par d'autres femmes. La guerre devient une expérience collective qui renforce l'autonomie des couches populaires.

Le dépassement de certains clivages

L'armée russe a attaqué des régions d'Ukraine où une partie importante de la population est classifiée comme « russophone ». La réalité est plus complexe [2]. La caractéristique principale de ces régions d'Ukraine est ce que les linguistes appellent une diglossie. Les personnes passent du russe à l'ukrainien avec aisance, en fonction des interlocuteurs, du type de conversation. Il est fréquent qu'une discussion se déroule en plusieurs langues. Une partie des milieux populaires parle des surzhyks. Il s'agit d'un ensemble linguistique qui intègre à la fois du russe et de l'ukrainien et qui est considéré comme « impur » par les nationalistes des deux pays.

Pour les nationalistes russes, ces populations étaient supposées adhérer au « monde russe » et accueillir l'invasion comme une libération. Il s'agissait souvent de régions où la population ouvrière avait été majoritairement anti-Maïdan, notamment parce qu'elle estimait qu'une intégration dans l'Union européenne aurait des conséquences lourdes en termes d'emploi.

L'invasion du 24 février a complètement changé la donne. L'extrême brutalité de l'invasion a été rapidement connue grâce aux contacts individuels, d'amis ou de membres de la famille dans les territoires occupés. Ces interactions personnelles étaient considérées comme plus fiables que les informations officielles qu'elles soient russes ou ukrainiennes. La population a pris conscience que l'armée russe s'en prenait prioritairement aux populations civiles, qu'elle interdisait les syndicats dans toutes les villes occupées, qu'elle mettait en place des « centres de filtration » où les personnes étaient souvent torturées et parfois exécutées. Dans certains cas, un simple tatouage évoquant de possibles allégeances nationalistes ou politiques pouvait représenter un risque. À cela s'ajoutait le pillage lié à l'incapacité de la logistique russe à nourrir sa propre armée.

L'expérience de huit ans d'occupation du Donbass a contribué à ce changement de perspective. En 2014, une partie de la population urbaine a soutenu les séparatistes qui promettaient un processus sans grande effusion de sang et une amélioration rapide des conditions de vie. Contrairement à ce qui s'était passé en Crimée, la sécession du Donbass a été très sanglante et a abouti à la prise du pouvoir par des clans mafieux. Les industries appartenant à des oligarques ukrainiens ont été confisquées puis redistribuées entre ces clans avant d'être nationalisées et démantelées. La majorité des usines ont cessé de fonctionner et les équipements de valeur ont été transférés en Russie. Pour les hommes en âge de travailler, l'employeur principal est devenu le réseau de milices qui administre la région. Cela a provoqué un exode de la population ouvrière tant vers l'Ukraine que vers la Russie ou d'autres parties du monde. Seuls les retraités pouvaient trouver leur compte dans la mesure où ils continuaient à toucher leur pension ukrainienne et ils pouvaient toucher une pension russe à condition d'accepter un passeport russe. En 2022, même les secteurs populaires qui avaient été les plus anti-Maïdan rejetaient la perspective de suivre l'exemple du Donbass. Dans les territoires occupés, les administrations mises en place par les Russes ont dû être formées majoritairement de personnes extérieures, originaires de Russie ou appartenant aux milices séparatistes.

Des femmes unies pour soutenir le secteur de la santé

Le secteur de la santé est vital en temps de guerre comme en temps de paix. Avec une immense majorité de femmes qui y travaillent, c'est un secteur mal payé, affaibli par les politiques de privatisation. Il n'a jamais été considéré comme prioritaire par les différents gouvernements qui se sont succédé depuis l'indépendance en 1991. Entre 1991 et 2017, le nombre d'infirmières est passé de 670 000 à 360 000 d'après Nina Kozlovska, fondatrice du mouvement syndical des infirmières, « Sois comme Nina » [3]. L'ensemble du personnel de soin a continué à diminuer de près de 140 000 personnes entre 2017 et 2022. Le ministère de la Santé est un organisme bureaucratique, lent à s'adapter à un changement brutal de la situation et des besoins. Sa propre inefficacité lui permet de justifier le recours croissant au secteur privé.

Dès le début de l'invasion massive, les infirmières n'attendent pas de recevoir des consignes de leur direction. Elles se répartissent les tâches entre celles qui restent dans les hôpitaux et centres de santé et celles qui vont renforcer les services de première ligne sur le front. Leurs hôpitaux sont la cible des bombardements russes. Après 15 mois de guerre, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a enregistré 1 004 attaques russes contre des établissements de santé. Le docteur Jarno Habicht, représentant de l'OMS en Ukraine, ne cache pas son admiration : « Le fait que le système de santé ukrainien continue de fonctionner dans de telles circonstances témoigne du dévouement héroïque des personnels de santé. Malgré les défis posés d'abord par la pandémie de Covid-19 et maintenant par plus d'un an de guerre, les personnels de santé ukrainiens restent étonnamment forts, courageux et patients, jour après jour, sauvant des vies et dispensant des soins à ceux qui en ont besoin » [4].

Ce courage et ce dévouement ne peuvent être séparés d'une prise de conscience d'intérêts collectifs en tant que travailleuses. C'est ce qui explique que différents hôpitaux du pays, des collectifs syndicaux se sont unifiés sous l'appellation « Sois comme Nina » à la fois pour rendre possible un travail de qualité et pour améliorer les conditions de travail du personnel. Les infirmières qui en font partie dénoncent le fait qu'en dépit d'une croissance spectaculaire des besoins de soins de santé liée à la guerre, certains hôpitaux profitent de la loi martiale pour licencier du personnel, réduire les salaires et pour imposer un volume important d'heures supplémentaires non rétribuées. Ils imposent parfois un passage du temps plein au temps partiel alors même que les heures supplémentaires se multiplient.

Autant les travailleuses ukrainiennes se sont engagées massivement dans des activités bénévoles qu'elles organisent de manière autonome, autant elles refusent que leur travail salarié soit dévalorisé. Elles dénoncent les réductions de salaire alors que certains hôpitaux continuent à faire du profit. Actuellement, le salaire mensuel minimum des infirmières est d'environ 320 euros. Dans de nombreux hôpitaux, il a été réduit ou est payé avec d'importants retards. Cette situation est rendue possible par une résolution de 2023 du gouvernement ukrainien [5] qui l'autorise pour les employeurs d'institutions de santé où les dépenses salariales (charges sociales comprises) dépassent 85% des fonds reçus comme subsides. Autrement dit, les employeurs peuvent décider unilatéralement de réduire les salaires en fonction des aléas liés à leur propre gestion.

Ce combat permet de prendre ses distances d'une vision d'une société rendue unanime par les conditions de la guerre. S'il y a un large consensus autour de la nécessité de repousser l'invasion, l'affrontement est vif autour des projets de société qui s'affrontent de manière très concrète dans la vie quotidienne, au travail et hors du travail. Une loi de 2022 punissant les collaborateurs a été élaborée sous l'influence des forces nationalistes. Elle tend à étendre la notion de collaboration au-delà des activités menées au service de la machine administrative et répressive de l'occupant. Cela représente une menace pour les milieux populaires ne disposant pas d'épargne et contraints de continuer à travailler en dépit de l'occupation. Une des victoires obtenues par la pression des travailleuses est que l'État a renoncé à poursuivre pénalement le personnel des soins qui a continué à travailler dans les territoires occupés qui ont été libérés ultérieurement.

Une lutte sur deux fronts

Depuis le début de la guerre à grande échelle, le mouvement syndical ukrainien se bat sur deux fronts. Il participe massivement à la lutte pour chasser les occupants russes. De nombreux syndicalistes combattent dans les rangs de l'armée et de la défense territoriale. Leur collectif de travail reste en contact quotidien avec eux et leur assure un appui matériel et psychologique constant. D'autre part, dans les entreprises, il y a une lutte quotidienne pour défendre les droits sociaux et syndicaux contre les mesures gouvernementales qui utilisent la loi martiale pour remettre en cause les conventions collectives, faciliter les licenciements et réduire les droits syndicaux [6]. Sous la loi martiale, la grève et les manifestations sont interdites. Cela n'empêche pas les syndicats de lutter et, dans certains cas, de passer à la grève.

On y trouve des exemples dans de nombreux secteurs comme ces mineurs de Novovolynsk (Ukraine occidentale) partis en grève en septembre 2022 contre la nomination d'un nouveau directeur corrompu et autoritaire ou ces jeunes livreurs de l'entreprise Bolt Food à Dnipro et à Kiev qui se mobilisent en octobre 2023 contre une détérioration de leurs conditions de travail.

L'ensemble de ces mouvements montre à quel point la résistance est globale : sur le front contre l'occupant, à l'arrière pour une société plus égale et démocratique. Dans un certain nombre de petites entreprises, des formes d'autogestion sont apparues [7]. Pour toutes les activités essentielles comme la santé, l'éducation, les transports, la créativité des collectifs de travail a dû improviser des solutions d'urgence qui ont démontré une plus grande efficacité que ce qui était proposé par le management.

De ce point de vue, l'Ukraine nous est très proche. Ce n'est pas sa situation géographique qui l'explique mais le fait que la résistance populaire en Ukraine partage les mêmes objectifs que les forces progressistes en Europe. Loin de se réduire à une action caritative, la solidarité permet de créer une solidarité réciproque entre les syndicats d'Ukraine et les syndicats en Europe et dans le monde. Que ce soit sous la forme de convois syndicaux, par l'invitation de syndicalistes d'Ukraine à faire des tournées à l'étranger ou par la publication d'informations et d'analyses émanant des syndicats et des autres forces progressistes de la société ukrainienne, la mise en œuvre de cette solidarité est d'autant plus importante que le conflit se prolonge.

Londres-sur-Dniepr

Une scène inhabituelle s'est produite à Londres le vendredi 29 septembre 2023. Devant le siège de Veolia, le parlementaire travailliste John Mc Donnell a pris la parole avec Yulia Yurchenko, une militante de l'organisation de gauche ukrainienne Sotsyalnyi Rukh sous les drapeaux du General and Municipal Boilermakers Union (GMB). Le GMB est un des principaux syndicats britanniques avec plus de 560 000 membres, principalement dans des secteurs industriels.

Le GMB avait décidé d'organiser une semaine de grève dans les usines de recyclage des déchets du Nottinghamshire à partir du lundi 25 septembre, pour revendiquer une augmentation de salaire. Ces usines traitent les déchets collectés auprès de plus de 250 000 foyers dans le cadre du contrat de Veolia avec le conseil du comté du Nottinghamshire. Selon Mick Coppin, organisateur du GMB, « Veolia Nottinghamshire engrange d'énormes sommes d'argent sur le dos des contribuables locaux. En retour, elle demande aux travailleurs locaux d'effectuer des tâches dangereuses, difficiles et malodorantes pour le salaire minimum. Nos membres n'ont plus les moyens de chauffer leur maison et de payer leurs factures. Ils sont réduits à la misère par une entreprise multimillionnaire ».

L'Ukraine Solidarity Campaign, qui compte sur une base syndicale importante, a mis en avant que Veolia, qui refuse de négocier avec le GMB, continue à négocier des opérations commerciales avec le régime russe.

Depuis l'invasion massive, l'Ukraine appelle les entreprises qui continuent à faire des affaires en Russie à prendre des mesures immédiates pour couper les liens et se retirer de manière responsable. Veolia a refusé cet acte de solidarité. Le groupe fait partie des 23 multinationales françaises qui n'ont rien modifié à leur activité en Russie depuis février 2022. C'est ce qu'indique notammentla base de données sur les entreprises multinationales en Russie qui a été établie par l'Université de Yale aux États-Unis.

Le GMB a fourni de l'aide humanitaire et de l'assistance aux membres de syndicats ukrainiens qui combattent sur le front. Les membres du GMB travaillant pour Veolia à Londres ont déjà organisé des manifestations de soutien à l'Ukraine. Sur leurs piquets de grève, ils ont déployé des drapeaux ukrainiens en signe de solidarité avec le peuple ukrainien. Le GMB a été à l'initiative d'une résolution du dernier congrès du TUC, la confédération des syndicats britanniques.Cette résolution du 12 septembre 2023 témoigne d'un engagement ferme des syndicats britanniques dans des activités multiples de solidarité « du bas vers le bas » qui créent des liens directs entre syndicalistes des deux pays.

Notes
[1] Cet article doit beaucoup à Artem Tidva, Daria Saburova et Denys Gorbach. Artem est un des organisateurs du syndicat ukrainien des services publics, affilié à la Fédération des syndicats ukrainiens (FPU) ainsi qu'à la Fédération syndicale européenne des services publics. Daria et Denys sont des chercheurs ukrainiens vivant en France qui participent aux activités du Réseau européen de solidarité avec l'Ukraine.
[2] Voir la vidéo de l'exposé de Daria Saburova sur la question linguistique :
https://solidarity-ukraine- belgium.com/daria- saburova-sur-la-question- linguistique-en-ukraine/
[3] Un rapport du syndicat « Sois comme Nina », La douleur des infirmières ukrainiennes en temps de guerre,
Soutien à l'Ukraine Résistante,n° 20, juin 2023.
[4] Communiqué de pressede l'OMS, 30 mai 2023.
[5] Résolution n°28 du conseil des ministres du 13 janvier 2023.
[6] Voir l'excellent article d'Alexandre Kitral,
Ukraine : résistances sociales au travail.
[7] Patrick Le Tréhondat,
Ukraine : “La pratique de l'autogestion est généralisée”, Europe Solidaire.

Toutes les illustrations sont de Katya Gritseva.

Laurent Vogel
publié en français et en anglais par le magazine syndical européen
Hesamag n°28, (2e semestre 2023)

https://solidarity-ukraine-belgium.com/ukraine-le-travail-et-la-guerre/

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Une définition trop étroite

La définition retenue par le MEQ du bris de service dans le Rapport de dénombrement 2021 est la suivante : « Les élèves vivant un bris de service sont ceux qui, pour de multiples motifs, voient leur temps de présence à l’école réduit ou interrompu en raison de besoins qui dépassent la mission de l’école et l’organisation des services en milieu scolaire4 ». Par ailleurs, on s’empresse de préciser qu’une telle réduction ou interruption de la scolarisation est exclue de la définition si elle s’étend sur moins de deux semaines consécutives ou si elle constitue une scolarisation à temps partiel, tel que prévu dans un plan d’intervention. De notre point de vue, cette définition force une vision artificiellement étroite de l’exclusion scolaire complète ou partielle que vivent les élèves. Dans la totalité des trajectoires de déscolarisation étudiées à travers nos recherches, les interruptions scolaires de plus de deux semaines consécutives sont des moments circonscrits qui s’inscrivent dans des périodes beaucoup plus longues de scolarisation partielle ou précaire. Une compréhension des bris de service comme un éventail large d’exclusions à plus ou moins long terme et juxtaposées les unes aux autres correspond beaucoup plus à la réalité de ces trajectoires. Les exclusions scolaires qui font l’objet de nos études émanent de décisions administratives de directions d’école, qui invoquent majoritairement la contrainte excessive pour interrompre ou réduire la présence à l’école d’un élève. Dans la plupart des témoignages recueillis, la déscolarisation ou la scolarisation partielle s’amorce par une période de précarisation, qui survient le plus souvent autour d’un moment de transition : un changement de classe ou d’école, un roulement d’intervenant-­e­-s, un transfert dans le transport scolaire, qui sont toutes des situations potentiellement fragilisantes pour les élèves et les équipes des écoles, particulièrement dans le contexte actuel d’érosion du système et d’épuisement généralisé. Cette première période de précarisation peut être caractérisée par des appels de plus en plus fréquents aux parents pour venir chercher leur enfant à l’école pendant les heures de classe. Parallèlement, l’enfant peut être exclu­-e du service de garde, ou alors du transport scolaire. Dans plusieurs cas, l’école com­mence à faire des demandes aux parents pour garder de façon préemptive leur enfant à la maison. Éventuellement, on peut en venir à une suspension ponc­tuelle, par exemple en attendant une rencontre en comité clinique ou en plan d’intervention. Lors de cette rencontre, il peut être établi qu’on réintègrera l’élève à temps partiel, par exemple à raison d’une demi­-heure ou une heure par jour, quelques jours par semaine. Ou alors on peut prévoir la prestation de services éducatifs à domicile pour un maximum de cinq heures par semaine. Dans certains contextes, on fera même appel à des organismes communautaires pour assurer les services éducatifs. Aucun de ces moments de scolarisation précaire ou partielle n’est inclus dans la définition de bris de service retenus par le MEQ. Ces moments s’échelonnent pourtant sur des mois, voire des années, cumulant en une exclusion à long terme de l’école, et donc en des atteintes au droit à l’éducation et aux droits qui y sont interreliées. De plus, la déscolarisation et la scolari­sation partielle et précaire ne forment qu’un élément particulièrement frap­pant de l’ensemble des conditions de scolarisation délétères des élèves HDAA qui minent leur bien-­être à l’école et leur réussite éducative. La Politique de l’adaptation scolaire5 prévoit que chaque élève doit avoir accès à des services d’adaptation scolaire permettant de répondre adéquatement à ses besoins, eux­-mêmes identifiés par l’équipe-­école à travers un processus d’évaluation individuelle. La Politique indique que le milieu de scolarisation le plus favorable est l’école régulière de quartier, avec accompagnement particulier au besoin. Par ailleurs, la Politique prévoit que, dans les cas où l’intégration en classe régulière présente une contrainte excessive pour l’élève ou pour la classe, l’élève sera transféré dans le milieu où les conditions de scolarisation correspondent le mieux à ses besoins de soutien : une classe spécialisée ou une école spécialisée ou à mandat régional. Peu importe le type d’école ou de classe, il est entendu que l’élève bénéficiera de services professionnels, par exemple en orthophonie, ergothérapie ou psychoéducation, permettant le plein développement de ses capacités et de ses compétences. De plus, l’ensemble de l’expérience scolaire doit être adaptée aux capacités et besoins. Cela implique par exemple un accompagnement par un ou une technicienne en éducation spécialisée, des aménagements particuliers pour les périodes de service de garde, l’accès au transport scolaire adapté, etc. Malgré ces prescriptions, le Protecteur du citoyen6, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse7, le Conseil supérieur de l’éducation8, ainsi que plusieurs organisations de défense de droits des élèves HDAA et de leurs parents constatent des manquements majeurs dans l’accès à des conditions de scolarisation adaptées aux besoins et profils des élèves. Ces organisations dénoncent entre autres : la difficulté et le temps d’attente important pour l’accès aux services d’adaptation scolaire ; l’instabilité dans les parcours scolaires et les écoles ; les stratégies d’intervention inadaptées auprès des élèves, notamment l’usage abusif de la contention ; les ressources humaines et matérielles insuffisantes ; les difficultés de collaboration avec les services sociaux ; et la gestion en silo de services tels le transport scolaire et le service de garde.

Normalisation du non-droit des élèves HDAA

La définition du bris de service citée dans le Rapport de dénombrement 2021 attribue ce type d’exclusion scolaire à deux catégories d’éléments : les besoins des élèves touché­-e-­s, qui sont réputés dépasser la mission de l’école, et l’organisation des services en milieu scolaire, qui n’est pas à même de répondre à ces besoins. Dans cet ordre d’idée, le MEQ précise : « En temps normal, [l]es motifs [des bris de service] peuvent être liés au handicap ou à la condition de l’élève ainsi qu’à l’absence de facteurs environnemen­taux favorisant une scolarisation en bonne et due forme. Les manifestations comportementales qui représentent un danger pour l’élève ou pour les autres en sont des exemples concrets9 ». Cette définition met en lumière que, pour le MEQ, certain-­e-­s élèves sont exclu­-e-­s (en totalité ou en partie) de la mission de l’école à cause de leur handicap ou de leur condition. De plus, on normalise le constat que l’organisation des services en milieu scolaire ne permet pas les facteurs environnementaux (par exemple, des locaux adaptés aux besoins physiques et cognitifs des élèves, la présence de personnel spécialisé, etc.) favorisant une scolarisation en bonne et due forme de ces élèves. Cette définition du MEQ entre en contradiction directe avec la Politique de l’adaptation scolaire de 199910 qui somme les institutions scolaires de « mettre l’organisation des services éducatifs au service des élèves handicapés ou en difficulté en la fondant sur l’évaluation individuelle de leurs capacités et de leurs besoins »11, tel que discuté dans la section précédente. Ce faisant, cette définition laisse craindre que le MEQ a plus ou moins jeté la serviette en ce qui a trait au droit égal des élèves HDAA à l’éducation et à l’école, alors qu’il ne peut se soustraire à l’application de la Charte canadienne des droits et libertés12 et de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne13 qui protègent les droits à l’égalité et à la non-­discrimination dans l’accès aux services et à l’instruction publique gratuite. Du point de vue de ces droits, les bris de scolarisation des quelque 1500 élèves HDAA recensé-­e-­s par le MEQ, qui ne forment que la cime visible d’un problème beaucoup plus vaste marqué par la scolarisation partielle et précaire, ne peut en aucun cas être une mesure raisonnablement nécessaire à la réalisation de la mission de l’école. Cette idée heurte la conscience et contribue à (re)produire des stéréotypes, alors que le MEQ a la responsabilité de les éliminer ou à tout le moins de les combattre activement. Les bris de service et la scolarisation partielle et précaire, qui demeurent un phénomène sous-­documenté par le MEQ et dont les répercussions se font durement sentir sur les droits des parents, laissent insidieusement croire que les élèves HDAA eux-­mêmes sont responsables de leur exclusion. C’est le récit que le gouvernement cherche à imposer pour masquer le fait que les services scolaires ne sont pas adéquatement conçus et organisés au sein du réseau et qu’ils sont financés sans qu’on ne les arrime aux besoins et réalités du terrain14. Or, le gouvernement est responsable de ces failles. Plus précisément, il est tenu, en vertu du droit à l’éducation protégé par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels15, la Convention sur les droits des personnes handicapées16 et la Convention sur les droits de l’enfant17, de respecter, protéger et mettre en œuvre le droit à l’éducation sans discrimination, en assurant un noyau minimal essentiel, en agissant au maximum de ses ressources disponibles pour assurer la réalisation progressive du droit et en accordant une attention prioritaire aux besoins des élèves les plus vulnérables. Dans cette perspective, les mesures régressives, typiques de la néolibéralisation de l’éducation qui va bon train dans le Québec de l’école à trois vitesses18, sont prohibées. Quand on note que 25,7 % des élèves HDAA quittent le secondaire sans diplôme ou qualification19, incluant l’acquisition de compétences permettant d’accomplir des tâches et de poursuivre des projets de vie (salariés ou non) après avoir quitté l’école, il semble clair que ces obligations ne sont pas respectées.

Pour une école « riche de tous ses élèves »20

Plus que jamais, il y a urgence de mettre le droit à l’éducation, ainsi que tous les droits de la personne auquel il est interrelié, au cœur de l’organisation et de la vision même de l’éducation adaptée. Cela implique de reconnaître les élèves HDAA, et surtout les élèves handicapé­-e­-s et les élèves considérés comme ayant des troubles graves du comportement, comme des élèves à part entière, égaux en droit, mais également égaux dans leur contribution à la richesse de notre société. En tant que droit d’« autocapacitation »21, le droit à l’éducation vise « le plein épanouissement du potentiel humain et le sentiment de dignité et d’estime de soi »22, ainsi que le « renforcement »23 des droits de la personne. Il vise plus particulièrement, « [l]’épanouissement de la personnalité des personnes handicapées, de leurs talents et de leur créativité ainsi que de leurs aptitudes mentales et physiques, dans toute la mesure de leurs potentialités »24 pour permettre leur « participation effective à une société libre »25. Pour ce faire, il est nécessaire d’appré­hender la mission de l’école à travers les obligations qu’impose le droit à l’éducation, lesquelles doivent orienter la Politique d’adaptation scolaire, la Charte canadienne des droits et libertés et la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Ainsi, la mission de l’école qui vise à « instruire, socialiser et qualifier » « dans le respect du principe de l’égalité des chances », doit se déployer de manière englobante et inclusive. À l’échelle des personnes, il s’agit d’assurer à chaque élève une offre de services qui non seulement lui permet d’accéder à l’école comme tout le monde, mais aussi de développer des compétences à la hauteur de son plein potentiel. Sur le plan collectif, il s’agit d’investir collectivement dans nos écoles, nos professeur-­e-­s et professionnel-­le­-s, pour offrir des services éducatifs de qualité, en nombre suffisant et qui soient organisés en s’arrimant aux besoins et en respectant les droits de tous les élèves. La réalisation du droit à l’éducation des élèves HDAA exige des mesures immédiates, pour aujourd’hui et demain, car l’éducation se conjugue au présent et au futur. C’est sa force et celle de toute la société.
  1. Ministère de l’Éducation, Dénombrement d’élèves à l’éducation préscolaire, à l’enseignement primaire et à l’enseignement secondaire en situation complexe ayant vécu ou vivant un bris de service, Gouvernement du Québec, Québec, 2021 [ci-après, le Rapport de dénombrement 2021].
  2. Bibliothèque de l’Assemblée nationale du Québec. L’étude des crédits budgétaires des ministères et organismes québécois, Québec, 2023.
  3. Le premier projet porte sur le lien entre le transport scolaire adapté et la déscolarisation des élèves HDAA. Le second, réalisé en collaboration avec des parents membres d’Autisme Québec, porte sur les écueils communs dans les parcours scolaires où il y a interruption ou fragilisation de la scolarisation. Ces deux projets de recherche sont menés conjointement avec Marie-Ève Carrier-Moisan du département de sociologie et d’anthropologie de l’Université Carleton.
  4. Rapport de dénombrement 2021, à la p. 5.
  5. Ministère de l’Éducation, Une école adaptée à tous ses élèves. Prendre le virage du succès. Politique de l’adaptation scolaire, Québec, Gouvernement du Québec, 1999 [ci-après, la Politique d’adaptation scolaire].
  6. Protecteur du citoyen, L’élève avant tout, Québec, Québec, 2022.
  7. CDPDJ, Le respect des droits des élèves HDAA et l’organisation des services éducatifs dans le réseau scolaire québécois : une étude systémique, Montréal, 2018.
  8. Conseil supérieur de l’éducation, Pour une école riche de tous ses élèves. S’adapter à la diversité des élèves de la maternelle à la 5e année du secondaire, Québec, 2017.
  9. Rapport de dénombrement de 2021, à la p. 5.
  10. Ministère de l’Éducation, Une école adaptée à tous ses élèves. Prendre le virage du succès. Politique de l’adaptation scolaire, Québec, Gouvernement du Québec, 1999 [ci-après, la Politique d’adaptation scolaire].
  11. Politique de l’adaptation scolaire, à la p. 23.
  12. Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982 [annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, c. 11 (R.-U.)].
  13. Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ c. C-12 [ci-après, la « Charte québécoise des droits et libertés de la personne »].
  14. Voir par exemple, le rapport de 2022 du Protecteur du citoyen, L’élève avant tout, est éloquent à ce L’élève avant tout, aux pp. 28 à 31, et plus particulièrement, par. 136 à 138.
  15. Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 16 décembre 1966, 993 RTNU 3 à l’art 16 (entrée en vigueur : 3 janvier 1976, adhésion par le Canada le 19 août 1976) [PIDESC].
  16. Convention relative aux droits des personnes handicapées, 13 décembre 2006, 2515 RTNU 3 (entrée en vigueur : 3 mai 2008, adhésion par le Canada en 2010).
  17. Convention relative aux droits de l’enfant, 20 novembre 1989, 1577 RTNU 3 (entrée en vigueur : 2 septembre 1990, adhésion par le Canada en 1991).
  18. Voir à ce titre les revendications du mouvement L’École ensemble selon qui le système d’éducation au Québec est le plus inégalitaire au Canada et qui met en lumière les effets pervers de l’école à 3 vitesses que subissent tous les élèves au Québec.
  19. Ministère de l’Éducation, Taux de sorties sans diplôme ni qualification au Édition 2022, Québec, Gouvernement du Québec, 2022, à la p. 7.
  20. Expression premièrement utilisée par le Conseil supérieur de l’éducation en 2017 dans le Rapport Pour une école riche de tous ses élèves.
  21. Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Le droit à l’éducation : 13 du Pacte, Doc off CES NU, 21e sess, Doc NU E/C.12/1999/10 (1990), par.1.
  22. Right to Education Projet, Instruments Droit à l’éducation des personnes handicapées, 2014, à la p. 2, qui résume le contenu du droit à l’éducation protégé à l’article 24 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées.
  23. Ibid.
  24. Ibid.
  25. Ibid.

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Le droit à l’éducation : son exercice pour les adultes

6 février 2024, par Revue Droits et libertés

Le droit à l'éducation : son exercice pour les adultes

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Daniel Baril, Directeur général, Institut de coopération pour l’éducation des adultes Pierre Doray, Président, Institut de coopération pour l’éducation des adultes Le droit à l’éducation est promulgué le 10 décembre 1948 (article 26 de la Déclaration universelle des droits de l’homme). Ce faisant, les signataires recon­naissent son caractère universel et ainsi l’importance de l’éducation tant pour les personnes que pour les États ; mais les vrais défis résident dans la mise en œuvre de ce droit. En effet, les enjeux sont nombreux, tant son application est compliquée par la diversité des situations. L’application ne peut pas être similaire dans les pays du Sud et ceux du Nord, tellement la scolarisation est différente1. Au Canada, l’éducation est du ressort des provinces. Il existe 13 systèmes éducatifs, sans compter la diversité des organisations commu­nautaires et la panoplie d’organismes d’éducation populaire. L’engagement des entreprises en matière de formation de leur personnel est variable selon leur taille et leur secteur économique. Visionner la conférence! La mise en œuvre est différente en formation initiale et en formation des adultes. L’obligation scolaire et les lois sur le travail des enfants ont contribué à faire de l’éducation la principale activité des enfants et des jeunes. En éducation des adultes, la situation est tout autre. La participation à des activités est largement fondée sur le volontariat et l’engagement personnel, gages d’une implication dans l’activité d’apprentissage. La participation dépend aussi de l’offre de formation, de même que des lois et des politiques qui structurent l’organisation des services de formation et des pratiques éducatives, qu’elles soient réalisées dans un cadre gouvernemental, privé ou associatif (organismes de la société civile). En somme, la mise en œuvre est largement sujette à des conditions d’existence et de développement variables. Dans une telle situation, une approche universaliste est difficile à tenir, car trop de différences entre pays, contextes socio­économiques et juridictions éducatives existent et modulent la réalité des pra­tiques éducatives. Nous désirons rendre compte de l’évolution du développement de l’éducation des adultes. Nous voulons aussi souligner comment les décisions prises ont créé une jurisprudence, et possiblement de l’irréversibilité, qui bali­sent, voire contraignent, la portée du droit affirmé, soit le droit en pratique plutôt que le droit théorique. Nous mettrons l’accent sur l’évolution du droit ainsi que sur l’impact des politiques et de la conjoncture sur ce droit.

Quelques rappels historiques

L’éducation des adultes s’est peu à peu consolidée au cours du XIXᵉ siècle, de telle sorte que dans la première moitié du XXᵉ siècle, les nouvelles institutions éducatives (écoles professionnelles, éco­les techniques, universités, organismes communautaires et organismes syndicaux) s’engagent en éducation des adultes. Ces initiatives sont pérennes, contrairement au siècle précédent. Le champ de l’éducation des adultes se structure. L’Institut canadien de l’Éducation des Adultes est créé2 pour regrouper les formatrices et formateurs de différents milieux sociaux et éducatifs. En 1960, la seconde conférence de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) sur l’éducation des adultes se tient à Montréal. Le principe de l’éducation permanente fait son entrée au Québec. Les travaux conduisant à des réformes au cours de la Révolution tranquille s’en inspirent. Ainsi, le gouvernement met sur pied un comité sur le développement de l’éducation des adultes dont le président est Claude Ryan. Le rapport Parent y puisera de nombreuses propositions concernant l’éducation permanente. Trois secteurs connaîtront une croissance significative. L’école du soir (formation créditée) se développe dans les éta­blissements scolaires, du secondaire à l’université. L’éducation populaire se répand, notamment grâce aux idées portées par Paulo Freire. Finalement, des activités de formation professionnelle sont organisées, dans un esprit providentialiste de lutte contre le chômage. La dernière manifestation de l’esprit social­-démocrate en éducation des adultes est la publication du rapport Jean3 (1982), qui propose un regard global sur l’éducation des adultes afin de la sortir de sa marginalisation dans le champ de l’éducation. Dès 1984, nous assistons à une reconver­sion des politiques par la professionnalisation des pratiques. Le plan d’action dit s’inspirer du rapport Jean, mais ne propose que des réformes concernant les formations professionnelles. Cette conversion est liée au contexte écono­mique4. Le Québec connaît au tournant des années 1980 une importante crise économique qui se manifeste par une tout aussi importante crise de l’emploi. En plus, l’esprit néolibéral se diffuse et sert de référent intellectuel et normatif à une révision des politiques publiques. Au cours de ces années, les réformes se multiplient : révision des programmes de formation professionnelle et technique, centration des services d’éducation des adultes sur la formation professionnelle et sur la formation sur mesure pour soutenir les entreprises dans leur effort de qualification, création d’instances de concertation regroupant les partenaires du marché du travail, modification des politi­ques sociales5 et adoption de la Loi sur le financement de la formation en entreprise (loi dite du 1 %). Une pratique amorcée dans la période précédente se poursuit : l’achat de cours par le ministère de l’Emploi et du Travail aux établissements scolaires. En parallèle,   les   ressources octroyées à l’éducation populaire diminuent, de manière absolue comme relative. Les politiques publiques réorientent les efforts vers la professionnalisation de l’éducation des adultes. En 2002, le gouvernement du Québec publie la première politique de l’éducation des adultes, qui reprend les grandes orientations du projet éducatif de l’éducation et la formation tout au long de la vie (EFTLV)6.
Différentes mesures sont proposées pour augmenter la littératie des groupes sociaux plus défavorisés ; d’autres, pour assurer une plus grande employabilité de différentes catégories de travailleur-­euse-­s. Dans l’une ou l’autre situation, un point commun ressort : le lien avec l’emploi.
Le thème des compétences prendra d’ailleurs plus d’importance dans les débats sur la formation des adultes. L’orientation d’ensemble reste néolibérale, pour faire référence à la distinction de Griffin7, entre une approche progressiste et une approche néolibérale de l’EFTLV. Dans les premières années de la politique, plusieurs mesures ont aussi cherché à susciter la demande de formation. Elles s’adressaient pour l’essentiel aux participant-e-­s potentiels. Pensons à la semaine des adultes en formation ou à un élargissement de l’accès aux pratiques de reconnaissance des acquis. Le sort de la politique est aujourd’hui ambigu. Elle prévoyait des plans d’action de 5 ans. En 2007, le gouvernement libéral devait produire un second plan, mais il n’est jamais arrivé. Nous pouvons y voir l’intérêt qu’il accordait à l’éducation des adultes... Une des mesures les plus importantes a été de faire de la formation générale des adultes la bouée de sauvetage des élèves en difficulté scolaire à l’école secondaire. Formellement, la politique est toujours active ; mais dans les faits, elle est tombée en désuétude.

Conclusion

Les politiques sont un levier stratégique de la mise en œuvre du droit à l’éduca­tion. Les valeurs qui leur servent de points d’ancrage, les diagnostics sur lesquels elles font reposer leur lecture de l’environnement ainsi que les objectifs qu’elles poursuivent peuvent fonder le droit à l’éducation. En ce sens, le portrait que nous avons exposé retrace une activité intensive au Québec en matière de politiques depuis les années 1960. Ces politiques ont per­mis des progrès en matière de droit à l’éducation. Les lois ayant traduit les réformes des années 1960 le montrent éloquemment. En éducation des adultes, l’intégration à la fin des années 1990 du droit à la formation générale pour les adultes dans la Loi sur l’instruction publique est un exemple à souligner. Depuis son affirmation dans la Déclaration universelle des droits de l’homme en 1948, le droit à l’éducation a servi de point de repère aux politiques qui devaient désormais contribuer à sa mise en œuvre. Or, l’éducation se transforme dans un contexte où les sociétés imposent des exigences croissantes à leurs citoyen­-ne­-s en matière de connaissances et de com­pétences. La recomposition de l’offre de formation par la croissance de l’éducation numérique, largement sous l’égide des grandes firmes de l’économie numérique, en est un exemple. Les pénuries de main­-d’œuvre, qui sévissent depuis plusieurs années, demandent aussi de repenser les politiques éducatives. En conséquence, les politiques sont confrontées à de nouveaux défis et enjeux d’une société comptant sur l’apprentissage tout au long de la vie. Il en ressort une pression omniprésente pour l’actualisation et le développement continu des capacités qui invite à repenser la portée du droit à l’éducation. Dans nos sociétés où le savoir est un moteur de développement individuel et collectif, un droit qui apparaît principalement centré sur l’éducation scolaire initiale des jeunes générations ne peut répondre que de manière incomplète à des besoins d’apprentissage s’étendant tout au long de la vie. Dans cette optique, non seulement de nouvelles politiques en phase avec une société de plus en plus exigeante en matière de connaissances et de compétences doivent-elles voir le jour, mais un droit actualisé à l’éducation devient aussi un chantier pertinent. À cet effet, l’UNESCO mène actuellement une telle réflexion qui sera porteuse et dont le Québec pourra s’inspirer.
  1. Bélanger et P. Federighi, Analyse transnationale des politiques d’éducation et de formation des adultes : la libération difficile des forces créatrices, Paris, UNESCO, 2000. Voir aussi M. Elfert, UNESCO, the Faure Report, the Delors Report, and the Political Utopia of Lifelong Learning, European Journal of Education, 2015.
  2. L’ICEA a changé de nom à la fin des années 1990.
  3. Michèle Stanton-Jean, Commission d’étude sur la formation des adultes, Apprendre : Une action volontaire et Responsable : énoncé d’une politique globale de L’éducation Des Adultes dans une Perspective d’éducation permanente, Ministère des Communications du Québec, 1982.
  4. Bernier, Formation et employabilité – Regard critique sur l’évolution des politiques de formation de la main-d’œuvre au Québec, Presses de l’Université Laval, 2011, 195 pages. P. Doray et F. B. Simoneau, Jalons pour une sociologie historique de l’éducation des adultes. Dans M. Doucet et M. Thériault, L’Adulte en apprentissage… pour devenir soi : Espaces et passages, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2019.
  5. Les gouvernements privilégient dorénavant les mesures de relance plutôt que les mesures dites de filet de sécurité.
  6. Ministère de l’Éducation du Québec, Politique gouvernementale d’éducation des adultes et de formation continue. Apprendre tout au long de la vie, 2002, et ministère de l’Éducation du Québec, Plan d’action en matière d’éducation des adultes et de formation continue, 2002.
  7. Griffin, Lifelong learning and social democracy, International Journal of Lifelong Education, 1999 et C. Griffin, Lifelong learning and welfare reform, International Journal of Lifelong Education, 1999.

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Solidarité avec la Palestine : défendons l’humanité

6 février 2024, par Marc Simard
Depuis plusieurs semaines, devenues mois, une infinie tristesse m’habite devant la détresse humaine et surtout devant la violence, tout aussi humaine. L’article qui suit est (…)

Depuis plusieurs semaines, devenues mois, une infinie tristesse m’habite devant la détresse humaine et surtout devant la violence, tout aussi humaine. L’article qui suit est largement inspiré d’une lettre adressée à notre député fédéral afin qu’il transmette la parole d’un groupe de citoyennes (...)

La gestion de l’immigration au Canada et au Québec est un vrai bordel

6 février 2024, par Jonathan Durand Folco — , ,
Après avoir ignoré la crise du logement pendant des années, en épargnant les acteurs responsables de la crise, on attribue ensuite cette même crise aux immigrants qui seraient (…)

Après avoir ignoré la crise du logement pendant des années, en épargnant les acteurs responsables de la crise, on attribue ensuite cette même crise aux immigrants qui seraient la principale cause de la pénurie de logements. Après l'argument sordide "ils nous volent nos jobs", nous sommes aujourd'hui arrivés au discours "ils nous volent nos logements".

Jonathan Durand Folco | Page Facebook | 22 janvier 2024

On laisse ici de côté le rôle des spéculateurs immobiliers, des plateformes numériques comme Airbnb, de la Banque centrale du Canada qui a fait grimper les taux d'intérêts, du sous-financement du logement social depuis des décennies, du désinvestissement des différents paliers de gouvernements qui continuent de se renvoyer la balle sans jamais prendre de leadership sur la question. On ne nomme jamais l'éléphant dans la pièce, c'est-à-dire le capitalisme néolibéral financiarisé, qui privilégie la construction de condos de luxe et d'appartements pour célibataires ou couples sans enfants, au lieu de satisfaire les besoins sociaux urgents en matière de logement.

Au lieu de réguler le marché privé et spéculatif du logement, ou de construire massivement des unités d'habitation par la puissance publique, on joue à l'autruche pendant des années, puis on pointe du doigt les immigrants une fois que la situation est devenue catastrophique et invivable pour la classe moyenne. Certes, l'arrivée d'un nombre important d'immigrants exerce une pression sur le marché de l'habitation, mais la pénurie de logements et l'envolée des prix de l'immobilier ne découlent pas d'abord de leur présence.

Pendant ce temps, le gouvernement Trudeau augmente les cibles d'immigration à 500 000 nouveaux arrivants pour se donner une belle image vertueuse, tout en multipliant le recours aux travailleurs étrangers temporaires, dont certains se retrouvent dans une situation de quasi-esclavage (selon un expert de l'ONU). Rappelons qu'il y avait plus de 2,2 millions de résidents non-permanents au Canada en juillet 2023, et leur nombre ne fait qu'augmenter année après année.

Selon la journaliste Sarah Champagne dans un article du Devoir du 27 septembre 2023 : "Les détenteurs d'un permis de travail seulement constituent près de la moitié de tous les non-permanents, soit 1 million de personnes. Cette proportion était un peu plus basse au Québec, soit de 43 %. Les autres catégories d'immigrants temporaires comprennent les étudiants étrangers, au nombre de 856 051, qui ont un permis de travail en plus ou non. Restent les 84 191 membres de la famille qui accompagnent ces immigrants, mais qui n'ont pas eux-mêmes un permis."

Aujourd'hui, on apprend que le gouvernement Trudeau "va plafonner pendant deux ans le nombre d'étudiants étrangers" comme réponse à la crise du logement. Selon le ministre fédéral de l'Immigration Marc Miller, "en 2024, 364 000 permis d'étude seront accordés, une baisse de 35 % par rapport à 2023". Alors que les universités sont sous-financées et utilisent la stratégie de recrutement d'étudiants internationaux pour garder la tête hors de l'eau, on vient de leur couper l'herbe sous le pied. Cela aura un impact direct sur le secteur universitaire, une petite université comme la mienne ayant entre 30 et 40% d'étudiants internationaux depuis quelques années. L'impact sur le nombre de logements disponibles, par contre, sera aussi minime qu'un coup d'épée dans l'eau.

Au Québec, le gouvernement Legault cherche à se donner l'image du bon père de famille et du nationaliste protecteur en gardant un seuil d'immigration plutôt bas, tout en ayant recours massivement à la main d'œuvre précaire et bon marché des travailleurs temporaires et sans statut pour continuer de faire rouler l'économie.

Alors qu'il limitait le nombre d'immigrants réguliers à 50 000 en 2023, le Québec recevait 58 000 travailleurs temporaires étrangers la même année. Le slogan de Legault en 2018 était "en prendre moins, mais en prendre soin"...On voit aujourd'hui qu'il "prend soin" d'une minorité de personnes qui arrivent ici, tout en laissant dans la précarité un grand nombre de gens qui n'ont pas la citoyenneté et ont peu de chances de l'obtenir en raison des obstacles administratifs qui s'ajoutent année après année.

Cette ségrégation entre deux catégories de travailleurs, la première étant celle du "travail libre" des citoyens nationaux, et la seconde celle du "travail non-libre" des résidents temporaires, avec un statut précaire ou irrégulier, prend son origine dans la dynamique du "capitalisme racial", lequel fonctionne comme un système d'exploitation à deux vitesses.

Ce capitalisme racial sous-tend à la fois la politique des libéraux multiculturalistes et des nationalistes conservateurs, car au-delà des discours idéologiques sur l'immigration, notre système économique a besoin de leur présence pour assurer l'accumulation des profits et la reproduction du statu quo. Selon la logique libérale, les immigrants sont qualifiés de "bons pour l'économie et pour la diversité", tandis que selon la logique du populisme conservateur, ils représentent une "menace pour l'identité nationale ou la protection de la langue", les adeptes de l'extrême droite allant jusqu'à parler de "noyade démographique" pour décrire la situation actuelle.

Le problème en réalité, c'est le capitalisme qui contribue à la crise des services publics, à la pénurie de logements, à l'exploitation des travailleurs d'ici et la surexploitation des travailleurs migrants précaires, à la destruction de l'environnement, à l'explosion du coût de la vie, tout cela générant un sentiment d'insécurité généralisée, que ce soit au niveau identitaire ou sur le plan économique.

À mon avis, la principale différence entre la gauche et la droite dans ce débat réside dans l'attribution des principales crises de notre époque. Pour la droite, ce sont les wokes et les immigrants qui sont la principale cause des problèmes actuels, alors que pour la gauche, c'est notre système inégalitaire désuet qui amplifie les inégalités, détruit le commun et effrite la cohésion sociale, en opposant les gens d'ici à ceux d'ailleurs.

Je ne dis pas ici qu'on ne peut pas débattre des seuils d'immigration, ou que toutes les personnes qui posent des questions en ce sens sont forcément racistes. Je ne crois pas non plus que les gens qui croient qu'il faut éviter de mettre tous nos problèmes sur le dos des immigrants seraient des "wokes totalitaires", comme le suggèrent certains. Ces débats sont souvent émotifs et polarisants, et je crois que l'enjeu migratoire ne représente que la pointe de l'iceberg de la crise de notre "modèle de société". On peut parler de monter ou de baisser les "seuils d'immigration" comme on veut, mais tant qu'on ne s'attaquera pas aux problèmes sociaux sous-jacents, qui affectent la qualité de vie des gens d'ici comme des nouveaux arrivants, on s'enfermera dans des débats de chiffres stériles.

Le "modèle québécois" est brisé, tout comme le "modèle canadien". Nous traversons une période de turbulences où le durcissement des frontières s'accompagnera de l'intensification des systèmes de contrôle et de surveillance, de l'incarcération massive de personnes sans statut dans des camps de détention aux conditions souvent inhumaines, de l'exploitation sans vergogne de travailleurs étrangers dans le secteur agricole, le monde industriel, la logistique et le travail de soins, dévalorisant ainsi symboliquement ceux et celles qu'on appelait il n'y a pas très longtemps nos "travailleurs essentiels" ou nos "anges gardiens". On préfère considérer ces gens comme des ressources non régularisées, au lieu de les accueillir en leur garantissant leurs droits et leur dignité.

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Le scénario proposé par le texte Solidaires à la croisée des chemins mènerait QS à l’impasse !

6 février 2024, par André Frappier — , ,
Le texte de Bálint Demers pose la question de la stratégie de la lutte sociale pour la gauche au Québec. Dans cette mesure, il permet d'ouvrir la discussion sur cette question (…)

Le texte de Bálint Demers pose la question de la stratégie de la lutte sociale pour la gauche au Québec. Dans cette mesure, il permet d'ouvrir la discussion sur cette question fondamentale. Mais les fondements politiques qui soutiennent son texte ne s'inscrivent pas dans une perspective d'alliance des forces sociales en lutte mais plutôt dans une perspective d'alliance des partis politiques, en l'occurrence le PQ et QS, dans un échange de procédés vers la souveraineté. Un scénario que nous avons déjà visité. Nous saisissons l'occasion pour analyser les failles dans la stratégie actuelle de QS mais également dans le scénario que l'auteur nous propose afin de dresser les perspectives qui, à notre avis, peuvent nous amener à un rassemblement des forces sociales pour leur émancipation.

L'Indépendance

PSPP parle d'indépendance, mais a-t-il rejeté le confédérationniste (soit la souveraineté-association) ? Il parle de monnaie canadienne – mais il souligne également que ce n'est qu'une hypothèse… L'indépendance n'est pas fondamentale pour le PQ qui a tenu ses deux référendums sur une nouvelle alliance (référendum de 1980) ou sur un nouveau partenariat (référendum de 1995). S'il revient à ses fondamentaux, c'est à ces derniers qu'il reviendra. Parmi d'autres fondamentaux, auxquels le PQ reste fidèle, il y a le libre-échange, assurance de la domination des multinationales sur l'économique du Québec.

Sur la démondialisation, il a repris les thèses sur la croissance nationale, sans remettre en question les tenants et aboutissants de la mondialisation – soit le libre-échange. Sur l'immigration, il a fait des personnes migrantes les causes des maux de la société québécoise en matière de logement, de difficultés des services publics ou d'itinérance. Il a proposé des quotas pour limiter à 35 000 personnes l'immigration permanente. Il a fait campagne contre le niveau des demandes des réfugié-e-s. Il a refusé d'admettre l'existence du racisme systémique malgré les dénonciations des peuples autochtones et des communautés ethnoculturelles. Il s'est rangé ainsi dans le camp du nationalisme conservateur, allant jusqu'à faire pression sur la CAQ pour son soi-disant laxisme en matière d'immigration.

Il réduit la question nationale aux francophones de souche, ne tenant aucunement compte des populations racisées ni des motifs qui conduisent les populations du sud global à émigrer au nord.

La stratégie d'indépendance du Québec ne peut, à plus forte raison dans la situation politique et économique actuelle, se situer autrement que dans une stratégie d'alliances avec les forces sociales du reste du Canada et avec les populations autochtones. Dans ce sens, la dynamique sociale au Québec qui a pour origine l'oppression nationale a permis des luttes sociales de grande ampleur qui n'ont pas d'équivalent dans le reste du Canada. Les luttes syndicales du secteur public ou les luttes étudiantes comme celle de 2012 en sont des exemples.

Le sort réservé à la Grèce en 2005 qui a subi le blocus financier de la Troïka, soit la Banque centrale européenne (BCE), le Fond monétaire international (FMI) et l'Union européenne (UE), démontre qu'un projet de changement social ne peut se faire sans une stratégie de soutien international. C'est également le cas du Québec. Naomi Klein avait développé une analyse percutante sur cette question dans La stratégie du choc.

L'auteur mentionne que QS semblait pouvoir jouer le rôle d'alternative suite à son succès électoral de 2018. Mais que depuis l'élection de 2022 il s'est fait damer le pion par le PQ.

Le succès de 2018 est le résultat du débat initié par le CCN concernant l'opposition à l'alliance électorale avec le PQ. Un débat public et dans les instances de QS qui a duré pratiquement une année. Ce débat a servi à politiser les membres concernant notre projet souverainiste et nous a permis de vivre un exercice de démocratie large. Il a permis également de déjouer les pièges mesquins tendus par Jean-François Lisée qui visaient à neutraliser QS pour emporter la mise et le pouvoir, son objectif n'ayant rien à voir avec la souveraineté.

L'élection des 10 députéEs était le résultat d'une campagne imaginative et qui savait illustrer les principaux enjeux de société tels les soins de santé, les soins dentaires, l'éducation, l'inclusion et le projet d'indépendance. Résultat qui aurait été impossible si QS était tombé dans le piège du PQ et de Lisée. Nous aurions politiquement été associés aux politiques du PQ et nous aurions sombré avec lui. Nous n'aurions jamais fait élire 10 personnes et nous ne serions certainement pas rendus là où nous sommes aujourd'hui. Cette conclusion pourtant évidente est passée pratiquement sous silence, même à l'intérieur des rangs de QS.

L'élection de 2022 et après

Cette campagne a démontré les limites d'une campagne se voulant porteuse de changement social avec par exemple son plan de transport écologique, mais sans plan global de changement de société. QS a omis d'indiquer qu'il mettrait les multinationales à profit afin de financer ses projets. La population laborieuse plus aisée, celle qui a un emploi stable et un fonds de retraite, a eu la nette impression qu'elle était la cible et qu'elle serait la seule à contribuer.

L'indépendance est également disparue de cette campagne. Ce changement de société, socialement et économiquement égalitaire, féministe et inclusif nécessite un combat des idées mais aussi un combat dans la rue, contre les dominants, les corporations et les multinationales. L'indépendance ne peut prendre un sens que si elle se conjugue dans un combat inclusif de toute la population laborieuse du Québec dans cet espoir de justice. On ne peut mener une campagne électorale sans mener ces combats, sinon nous serons pris au piège, celui du pouvoir pour le pouvoir.

L'auteur Bálint Demers apporte une réflexion et des critiques sur cette période concernant entre autres la timidité du caucus solidaire au sujet de l'abolition du serment à la monarchie britannique. Son plan stratégique passe par contre à côté des éléments essentiels à la construction d'un rapport de force et du rassemblement des forces sociales. Sa stratégie se concentre d'abord et presqu'uniquement sur la question de l'unité des partis souverainistes QS et PQ, dans une perspective politique qui fait abstraction des luttes de classe dans le reste du Canada, de l'importance des revendications territoriales et des luttes des populations autochtones et de la réalité des populations racisées et issues de l'immigration.

Il nie l'existence du nationalisme identitaire et va même jusqu'à en changer le nom pour « enjeux symboliques-institutionnels » et associe les positions inclusives de QS concernant la laïcité à un nouveau concept qu'il appelle « la gauche libérale américaine ». Il crée ainsi un effet de brouillard qui vient neutraliser le poids de ce nationalisme. Il prend ainsi à partie les populations racisées en les considérant comme adversaires déjà gagnés au fédéralisme et aux politiques libérales.

Il affirme ainsi que cette politique de QS l'a éloigné du sens commun de la majorité des Québécois et Québécoises sur les enjeux symboliques-institutionnels (laïcité) et conclut que le seul bassin politique pour QS est celui du PQ. Il met de côté toutes les personnes qui rejettent le nationalisme identitaire, ce nationalisme qui est vu et senti comme raciste et repoussant, qui conduit toutes ces populations, racisées ou non, à rejeter le nationalisme et par voie de conséquence l'indépendance.

Le refus de reconnaître la réalité du racisme systémique, contre les personnes noir-e-s, les peuples autochtones, et l'islamophobie, en solidarité avec le positionnement de la CAQ, démontre que le PQ refuse de comprendre les voies de la construction du Québec comme société plurinationale et pluriculturelle.
Sa perspective ne peut donc concevoir cette question politique que de façon binaire. Il classe ainsi ceux et celles qui considèrent la problématique de façon inclusive et égalitaire avec les populations racisées dans le camp du Parti Libéral. Un raccourci mensonger qui rejette l'idée d'une culture politique universalisante. Comme l'a écrit Silvia Federici, « les communs doivent être envisagés comme les résultants d'une diversité d'histoires d'oppression et de luttes dont les différences ne produisent pas de divisions politiques. Les communs sont le produit de la lutte ». [1]

Cela l'entraine également à ignorer le rôle qu'ont joué des personnages comme Jean-François Lisée ou Gilles Duceppe dans la stigmatisation des personnes racisées avec une vision du Québec où la définition est l'intégration aux « valeurs québécoises » comme cela a été le cas avec le débat concernant le port du voile. Comment oublier la campagne à la direction du PQ où Lisée avait affirmé qu'Adil Charkaoui appuyait son principal adversaire dans la course à la chefferie du Parti québécois ? Il avait également fait allusion au fait qu'en Afrique, les AK47 sous les burqas étaient une réalité.
Gilles Duceppe, dirigeant du Bloc québécois, avait utilisé les mêmes préjugés et fait campagne pour que le serment d'allégeance à la reine soit fait à visage découvert. Dans un message publicitaire contre le NPD de Mulcair, le Bloc avait même produit une vidéo dans laquelle une coulée de pétrole se transformait en niqab. [2] Le député Louis Plamondon avait publié une publicité qui portait uniquement sur le port du niqab et dans laquelle il démontrait que le Bloc était le seul parti à être contre.

La Ligue des droits et libertés soulignait dans son Portrait de l'extrême droite au Québec publié en 2019 [3], que le projet de la Charte des valeurs québécoises semblait avoir donné une légitimité politique aux discours identitaires. C'est en effet à partir de 2015 que naissait à travers la province une nouvelle panoplie de groupes nationalistes identitaires, xénophobes et anti-immigration.

L'espace politique de QS

Balint Demers affirme que faire le choix du souverainisme de gauche implique qu'il faille pour QS développer un espace politique commun avec le PQ,. Rien n'est plus faux.

QS traverse cependant une période problématique en termes d'orientation politique et de processus démocratique. Le livre de Catherine Dorion a souligné quelques éléments qui ont permis de lever le voile sur ce processus. L'absence de référence à l'indépendance lors de la campagne électorale de 2022 n'est pas le fruit du hasard. Le processus d'indépendance implique une prise en main de notre économie et de nos ressources. Par exemple, le programme prévoit que « …Québec solidaire préconise de placer l'industrie minière sous contrôle public (participation majoritaire de l'État), incluant au besoin la nationalisation complète. De plus, afin de réaffirmer la souveraineté de l'État et de la collectivité sur le territoire québécois, un gouvernement solidaire élaborera une nouvelle loi sur les mines à la suite d'une consultation populaire. »

La direction de QS n'a pas souligné la nécessité de mettre à contribution les multinationales dans le plan de financement du plan de transport, qui était un élément phare de notre campagne de 2022. Cela a eu pour effet que les mauvaises cibles, la population qui a un fonds de pension et ou une maison, ont senti que c'est uniquement elles qui devraient contribuer à financer nos projets étatiques. Cette mesure a été caractérisée par le terme taxe orange.

S'en prendre aux multinationales représentait probablement un écueil d'un point de vue communicationnel, parce qu'il fallait indiquer comment on les forcerait à se conformer à nos réglementations. Mais notre objectif, s'il n'est qu'électoral, conduira à une adaptation à ce qui est politiquement acceptable. Cette attitude a pour effet également de négliger la construction d'une mobilisation sociale, essentielle au changement de société que nous préconisons.

On voit également un manque important sur la question de l'immigration. Bien que la direction de QS ait proposé le seuil d'immigration le plus élevé et n'adhère pas au discours identitaire, elle reste dans le discours d'adaptation à l'immigration selon nos besoins, particulièrement en main d'œuvre. Cette position évacue la problématique des changements climatiques causés par l'industrialisation et la déforestation, dont les populations du sud global subissent plus fortement les conséquences, ainsi que l'exploitation économique intense par les compagnies multinationales. Au final les populations du sud global ont de moins en moins d'autre choix que celui d'émigrer vers le nord.

Cette question nous interpelle en tant que parti de gauche. Nous ne pouvons trouver de solution dans un cadre uniquement national, qui revient à calculer le taux d'immigration qui nous convient. Il est essentiel de voir cette problématique de façon mondiale et d'en faire une analyse anticapitaliste.

Vers un républicanisme radical

Les membres de Québec solidaire ont opté pour une perspective inclusive et altermondialiste comme en fait foi le programme et les différentes décisions prises en instances nationales.

Affirmer que Québec solidaire et le clivage ouverture/fermeture alimentent le nationalisme conservateur est un déni de la réalité. Les partis qui nourrissent et ont fait du nationalisme leur fonds de commerce, ce sont la Coalition Avenir Québec et le Parti québécois. Affirmer que les raisonnements de PSPP relèveraient non du nationalisme conservateur, mais du républicanisme, à partir de sa critique du multiculturalisme qui empêcherait « la constitution d'une communauté politique de citoyennes et de citoyennes repose sur un nationalisme étroit, qui nie le caractère pluriculturel et plurinational de la société québécoise. » Ce n'est pas un républicanisme radical, c'est un républicanisme d'exclusion.

Le républicanisme que doit développer Québec solidaire est celui d'une république sociale qui remet en question au-delà de la monarchie canadienne, le pouvoir économique des grandes entreprises au nom d'une souveraineté populaire véritable.

Le républicanisme du PQ a toujours été sous-développé. Le PQ, dans son histoire, n'a jamais radicalement remis en question le régime parlementaire d'origine britannique. Il n'a jamais remis en question la réalité du pouvoir politique basée sur la domination d'une minorité possédante. Son radicalisme n'est pas radical et il ne s'inscrit nullement dans une logique de mise en place d'une véritable république sociale.

Si Bálint Demers demande à Québec solidaire d'abandonner des pans entiers de son programme, il ne demande rien au PQ. Il ne demande pas l'abandon de son ralliement au nationalisme conservateur, il ne demande pas de rompre avec sa démagogie anti-immigrant, il ne demande pas d'envisager une démarche de souveraineté populaire.

Le texte de Bálint Demers est une initiative qui permet un débat. Mais son analyse propose en fait une alliance avec un parti qui n'a jamais rompu avec le néolibéralisme et qui est basé sur une conception nationaliste identitaire. L'avenir de la société québécoise est au contraire lié à une perspective inclusive, socialiste et internationaliste. Québec solidaire est le seul parti qui peut mener cette lutte.

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De justesse et d’une grande tristesse…

6 février 2024, par Yvan Perrier — ,
5 syndicats pour, 4 syndicats contre le contenu de l'entente de principe conclue en décembre dernier entre le Conseil du trésor et la FAE. Le tout s'accompagne, dans au moins (…)

5 syndicats pour, 4 syndicats contre le contenu de l'entente de principe conclue en décembre dernier entre le Conseil du trésor et la FAE. Le tout s'accompagne, dans au moins un syndicat, d'une très faible majorité (50,58% en faveur).

Personne ne peut se satisfaire d'un tel résultat obtenu de justesse. Au mieux, nous pouvons rêver à de nouveaux pourparlers à venir entre le ministère de l'Éducation et la FAE en vue de trouver des solutions adéquates aux problèmes les plus criants qui étaient au cœur de la présente négociation. Au pire, les enseignant.e.s de la FAE et les élèves auront à vivre, d'ici au moins le 31 mars 2028, avec les solutions, dans une certaine mesure, bancales négociées entre les deux parties et ne l'oublions pas solutions quand même recommandées aux enseignant.e.s pour adoption par l'instance fédérative de négociation de la FAE.

L'étape de la rédaction du « clause à clause »

La double condition (unités et mandats) étant maintenant satisfaite, la prochaine étape entre les parties négociantes consistera à consigner par écrit dans la convention collective les modifications à y introduire dans ce qu'il est convenu d'appeler, dans le jargon des relations de travail, « la rédaction du clause à clause ». Un exercice parfois long, pénible et laborieux. Là où il n'y aura aucune ambiguïté, réside en ceci : le contenu de l'entente prévoit, pour certains enseignant.e.s des gains salariaux importants et pour d'autres ce sera le moule uniformisateur du 17,4% (sur cinq ans) plus un potentiel d'ajustement, pour toutes et tous, de 3% face à l'inflation[1] (pour les trois dernières années en raison d'un maximum de 1% par année). Sur cet aspect de la réalité, pour les gestionnaires du monde scolaire, les choses seront faciles à mettre en application. Pour le reste, certaines « solutions » (sic) imaginées durant la négociation n'iront pas de soi.

Le défi de garder et d'attirer le personnel enseignant demeure entier

Avec un tel résultat mitigé en faveur de l'entente de principe force est de constater qu'un des enjeux principaux de la présente ronde de négociation – la composition de la classe – ne semble pas avoir été bien compris par le gouvernement. La solution de l'État patron (une prime là où il n'y aura aucune ressource professionnelle digne de ce nom) apparaît à sa face même comme une mesure inappropriée. Donner plus de fric, jusqu'à 8000$ par année, cela permettra-t-il réellement de répondre adéquatement aux besoins des élèves ? Cela permettra-t-il de retenir le personnel expérimenté ou d'attirer de nouvelles et de nouveaux enseignant.e.s ? C'est ce que nous serons en mesure de vérifier au cours de prochains mois et des prochaines années. En ce sens, le défi de garder et d'attirer le personnel enseignant, dans le réseau d'enseignement public de certains centres de services scolaires du Québec, demeure entier. Par conséquent, le défi d'offrir un enseignement élémentaire et secondaire de qualité à toutes et à tous, dans certaines écoles, reste également entier.

Une leçon possible à retenir de la présente négociation

Nous avons pu entendre au cours des dernières semaines certaines et certains ex-leaders syndicaux nous dire qu'une négociation ne permettait pas de régler la totalité des problèmes. C'est vrai. Mais diantre, à quoi peut bien servir une négociation quand celle-ci a pour effet de s'ajouter à d'autres rondes précédentes qui ont contribué à pelleter par en avant des problèmes ? Qui a la responsabilité de la gestion de la chose commune et de l'intérêt général dans notre société ? Qui doit trouver les conseillères et les conseillers capables de dégager des orientations susceptibles de résoudre nos problèmes sociaux et éducatifs ? Le gouvernement et ses différents ministères ou les syndicats ? Un gouvernement qui refuse d'écouter et de négocier sur la base des revendications des personnes à qui il confie la responsabilité de dispenser sur une base quotidienne des services jugés essentiels dans notre société est un gouvernement qui regarde ses salarié.e.s de haut. La présente ronde de négociation a été profitable, dans une certaine mesure pour les enseignant.e.s qui font, dans certains cas, des gains salariaux importants, mais elle a aussi permis au gouvernement d'imposer, dans un cadre négocié, sa solution, partiellement modifiée du côté de la FAE, à l'aide à la classe. Il n'est pas certain, selon nous, que toutes les écoles élémentaires et secondaires du Québec sortent gagnantes de la présente ronde de négociation.

La vision du gouvernement Legault

Pour le moment il est permis de dire que la vision de l'éducation élémentaire et secondaire et les pseudoréponses apportées aux problèmes qui la confrontent qui vont primer dans certaines régions au Québec (Montréal, Québec, Laval, Laurentides, Outaouais et Estrie) semblent découler de la vision et des intérêts du gouvernement. Le problème avec le gouvernement Legault est le suivant : il ne parvient pas à saisir ce à quoi correspond l'intérêt général de la population et il est incapable d'accepter de mettre en place des mesures ou des correctifs qui s'attaquent à la complexité de certains problèmes. De plus, il fait la sourde oreille à plusieurs solutions qui viennent de la base. Résultat : avec son approche qui réside dans plus d'argent à distribuer auprès de certain.e.s salarié.e.s, il laisse les services publics se dégrader et il s'imagine qu'avec ses primes il va attirer des personnes au travail sans leur offrir des conditions de travail digne de ce nom.


Pour conclure

Il n'est pas exagéré de dire que la situation dans certaines écoles publiques est catastrophique et le manque de ressources professionnelles compétentes est criant. La présente négociation était une occasion de s'attaquer à ces fameux problèmes de la charge de travail, d'attraction et de rétention des enseignant.e.s et également d'innover en ouvrant des postes à des ressources professionnelles d'accompagnement qualifiées. Nous verrons dans le temps ce que donnera l'aide à la classe, l'amélioration de l'échelle salariale pour les enseignant.e.s en début de carrière et les primes. À première vue, à la lumière des résultats obtenus chez les membres de la FAE, ce qui a été négocié ne semble pas suffisant pour relancer dans la voie de la réussite des élèves de certaines écoles publiques. C'est donc de justesse et avec une grande tristesse que semble se conclure, du côté de la FAE, la ronde de négociation 2023 avec le gouvernement Legault.

Après la signature de la nouvelle convention collective viendra l'heure du bilan de la négociation et qui sait l'heure des décisions à prendre en lien avec l'avenir professionnel de certaines personnes actives dans les structures syndicales et dans leur profession. Resteront-elles ou resteront-ils en place ou iront-elles et iront-ils ailleurs ? La décision leur appartient. À l'issue du processus qui s'est échelonné sur un peu plus de quatorze mois et d'un affrontement ouvert qui a duré 22 jours, il n'y a pas lieu de conclure ici à une grande victoire syndicale. C'est d'une tristesse à la fois pour certain.e.s enseignant.e.s de l'école publique et également pour leur organisation syndicale.

Yvan Perrier

4 février 2024

11h10

yvan_perrier@hotmail.com

1. La nouvelle convention collective des enseignant.e.s prévoit une bonification moyenne de 4% de leur échelon salarial.

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Les TJC lancent la campagne « Sortons le gaz de nos lieux de travail »

6 février 2024, par Marc Bonhomme — , ,
La CAQ a bloqué à double tour l'inclusion de toute clause environnementale dans la convention collective du secteur public malgré l'appui explicite de syndicats de professeurs (…)

La CAQ a bloqué à double tour l'inclusion de toute clause environnementale dans la convention collective du secteur public malgré l'appui explicite de syndicats de professeurs de cégep. Les Travailleuses et travailleurs pour la justice climatique (TJC), qui en avaient fait la proposition, loin de jeter la serviette rapplique en lançant la campagne « Sortons le gaz de nos lieux de travail ». Comme le dit d'entrée de jeu cette campagne :

Le gaz naturel dans les institutions publiques, c'est l'équivalent carbone de plus de 250 000 voitures. TJC vous propose de vous mobiliser pour sortir le gaz fossile - dit “gaz naturel” - de votre milieu de travail. Contactez votre syndicat, téléchargez la trousse de mobilisation, et écrivez-nous pour nous faire part de vos progrès !
Au Québec, les émissions de gaz à effet de serre (GES) des bâtiments représentent 7,1 mégatonnes (Mt) d'équivalents CO2 (en 2020). Le gaz « naturel », mieux appelé gaz fossile, est responsable de 63 % de ces émissions. Dans le milieu industriel, commercial et institutionnel, les émissions de GES liées au chauffage sont évaluées à 4,1 Mt d'équivalents CO2, soit 5,5 % des émissions de GES de la province. Ces émissions sont équivalentes aux émissions annuelles de 1,26 millions de voitures. Au moins 46 000 bâtiments commerciaux et institutionnels doivent encore être décarbonés au Québec alors que le chauffage des bâtiments est reconnu pour être un des secteurs les plus faciles à décarboner.

Un factuel argumentaire percutant et une concrète trousse de mobilisation en 7 étapes

Notons l'argumentaire percutant de la campagne qui dénonce ce gaz naturel composé à « 95 % de méthane […] dont le pouvoir de réchauffement est 81,2 fois plus élevé que celui du CO2 (sur 20 ans) » et qui « provient principalement de terres autochtones non cédées de l'Alberta et de la Colombie-Britannique ». La soi-disant solution biénergie proposée par le duo Hydro-Québec et Énergir génère deux fois plus de gaz à effet de serre (GES) que celle tout électricité mais coûte moins chère à cause de la structure tarifaire actuelle d'Hydro-Québec. « Avec une meilleure isolation des bâtiments, un chauffage électrique fonctionnant avec des thermopompes (3 à 5 fois plus efficaces que les plinthes) et des accumulateurs thermiques, les coûts d'exploitation seraient inférieurs à ceux de la biénergie […] Il existe plusieurs solutions pour [résoudre le problème de l'heure de pointe] notamment l'amélioration de l'efficacité énergétique, le recours aux thermopompes, aux accumulateurs thermiques, à la domotique et à la géothermie. »

« Il est également possible de récupérer les rejets thermiques des industries ou des centres de données […] Pour les nouveaux bâtiments, il faut mettre en place des normes de construction tendant vers des bâtiments à consommation énergétique nette zéro. La Bibliothèque de Varennes, la Maison du développement durable et le Mountain Equipment Coop de Longueil en fournissent de bons exemples. » Quant « gaz naturel renouvelable » (GNR), non seulement est-il pour l'instant « imaginaire », car « le gaz distribué par Énergir est composé à environ 99 % de gaz fossile », mais aussi « [l]a production à grande échelle de GNR peut poser d'autres problèmes écologiques : menaces pour les forêts et leur biodiversité, maintien des élevages industriels, perpétuation du gaspillage alimentaire. Elle pourrait aussi faire concurrence au compostage. »

Pour soutenir l'organisation de la campagne sur les lieux de travail, TJC suggère un mode d'emploi appelé « trousse de mobilisation » contenant un processus de « 7 étapes simples » dans lesquelles s'imbriquent une « proposition de résolution syndicale » et un « exemple de pétition ». On y suggère entre autres d'« entre[r] en contact avec l'association étudiante pour tenter d'obtenir son appui… », l'organisation de kiosques et « une tournée des bureaux, départements et espaces de travail ». On y conseille de monter un dossier concret sur la transformation de la climatisation avec argumentaire à l'appui propagé par le kiosque et le recours aux réseaux sociaux. « Si la position de votre CA semble intenable, envisagez de contacter les médias locaux. » On remarque que le mode d'emploi s'adresse particulièrement aux syndicats de l'enseignement ce qui reflète la composition réellement existante des TJC au stade actuel de son développement.

Un manifeste donnant l'esprit éco syndicaliste et démocratique de cette campagne pragmatique

En complément à la démarche pragmatique et concrète « Sortons le gaz de nos lieux de travail », les TJC se sont dotés d'un manifeste qui, si l'on peut dire, en donne l'esprit :

Nous produisons du jetable. Nous sacrifions des lacs et des forêts. Nous soignons avec des horaires qui nous rendent malades. Nous éduquons une jeunesse que l'on prive d'avenir. Cette contradiction nous brûle. Nous réclamons le droit de « gagner notre vie » sans contribuer à l'effondrement du vivant. On oppose souvent les emplois et l'écologie. Mais ce n'est pas le travail qui s'oppose à ce qui rend la vie humaine possible, ce sont les exigences toujours croissantes de productivité et de profit. […] Ceux qui accumulent le plus ne créent aucune richesse : ils la prennent sans honte en semant la désolation derrière eux. Les peuples autochtones et les personnes les plus précaires, surtout au Sud, sont les premier-ères à en payer le prix. […] Nous revendiquons une organisation du travail qui redonne au vivant autant qu'elle lui prend. Le syndicalisme doit devenir un écosyndicalisme : il doit défendre, bien plus que des salaires et des congés, des conditions de travail qui enrichissent et régénèrent notre milieu de vie. C'est en nous appuyant sur nos syndicats que nous pourrons contrer le ravage. […] Nous avons le pouvoir de sonner l'alarme et de forcer l'arrêt de la machine. […] Les carburants fossiles sont aujourd'hui la principale menace à la préservation de l'humanité, mais aussi de l'ensemble du vivant. Il faut s'en libérer. La crise écologique ne se résoudra pas en achetant une voiture électrique. Ce sont les transports publics qu'il faut déployer partout, c'est le chauffage au gaz qu'il faut détrôner, ce sont nos manières d'habiter, de produire et de manger qu'il faut révolutionner. […] Pour faire face aux catastrophes d'aujourd'hui et de demain, nous avons besoin de services publics forts et de programmes d'aide accessibles. Nous revendiquons une taxation massive de la richesse pour assurer des conditions de vie décentes à tous et toutes. […] Nous en avons soupé des consultations qui supposent notre « acceptabilité sociale ». Nous revendiquons une véritable démocratie politique et économique qui ne s'arrête pas aux portes du parlement et du patronat. […]
Nous sommes les travailleuses et travailleurs pour la justice climatique. Joignez-vous à nous.

Reste la tâche ardue mais emballante d'enraciner cette campagne dans les lieux de travail.

Marc Bonhomme, 3 février 2024
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.c

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« C’est trop ! », « Un fardeau ! », « Y a des abus ! » - Québec solidaire, le droit d’asile et l’immigration

6 février 2024, par Camille Popinot — ,
Après avoir méthodiquement coupé le financement des services publics et en chute libre dans les sondages, le gouvernement Legault reprend une recette éculée de la droite la (…)

Après avoir méthodiquement coupé le financement des services publics et en chute libre dans les sondages, le gouvernement Legault reprend une recette éculée de la droite la plus réactionnaire et se lance dans une surenchère xénophobe. Les migrant.es et plus récemment des demandeurs et les demandeuses d'asile en particulier sont systématiquement associé.es à la crise du logement, au débordement des services d'urgence, aux classes d'écoles surchargées, au développement de « groupes criminalisés » etc.

Loin de dénoncer cette instrumentalisation de l'immigration et la persécution des demandeurs d'asile, Québec solidaire, sans vergogne, sans aucune donnée, sans même questionner celles du gouvernement, sans aucun égard pour les obligations internationales du Québec, reprend haut et fort cet argumentaire xénophobe.

« 500 000 travailleurs temporaires », « c'est trop… ce n'est pas raisonnable » affirme ainsi le 25 janvier, le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois . « Le Québec a fait plus que sa part en matière de demandeur d'asile » ; « y a un fardeau.. y a des abus… y a un impact… c'est mathématique…c'est clair, on va se le dire », martèle à son tour, pendant plus de cinq minutes, Guillaume Cliche-Rivard avocat et porte-parole de Québec solidaire en matière d'immigration, lors d'un entretien avec un fervent défenseur des « valeurs québécoises », Mario Dumont, qui opine du chef et boit du petit lait.

Et quelle est la solution de Québec solidaire ? « Notre position n'a pas changé : Québec solidaire réclame depuis longtemps un changement de modèle basé sur des études, et élaboré avec l'appui des expert.es et des groupes » ; tout en affirmant, qu'il ne faut pas dépasser un quota de 80 000 résidant.es permanents par an. Pourquoi ce chiffre ? On ne sait pas.

On sait en revanche que quelques jours plus tard, le 1er février, la Ministre de l'immigration, Christine Fréchette, reconnaissait sur Radio-Canada qu'elle n'avait aucune donnée permettant d'appuyer l'idée d'un quelconque lien entre les demandeurs d'asile et les classes surchargées, par exemple. Dans le même sens, le 5 février, on apprenait que le gouvernement Legault gonflait artificiellement le nombre de demandeurs et demandeuses d'asile au Québec et qu'il n'avait absolument aucune idée de si elles ou ils avaient pu bénéficier de services sociaux du Québec ou si elles ou ils avaient préféré quitter le Québec pour d'autres Provinces, peut-être plus accueillantes.

Pendant ce temps, le Conseil du patronat du Québec, chiffres et études à l'appui quant à lui, relève que « les villes du Québec ayant le plus faible taux d'inoccupation se trouvent en région, là où le pourcentage de population immigrante est le plus bas » et « rappelle que l'immigration est une solution à nos enjeux, et non un obstacle » .

Alors, quand le patronat défend une politique migratoire plus ouverte que le parti qui se prétend le plus à gauche de l'échiquier politique, il semble effectivement plus que temps d'exiger des porte-paroles de Québec solidaire qu'ils fassent des études et qu'ils se renseignent. Cela permettrait peut-être d'éviter qu'ils attribuent sans aucune preuve des responsabilités aux demandeurs et aux demandeuses d'asile et plus largement aux migrant.es dans la crise du logement, dans la surcharge des services publics de santé et d'éducation et surtout qu'ils cessent d'alimenter ce discours xénophobe nauséabond.

A minima, ils pourraient commencer par s'engager à respecter les engagements internationaux et rappeler que les États sont juridiquement tenus d'accueillir les demandeurs et demandeuses d'asile et d'examiner leurs demandes. A minima toujours, ils pourraient revendiquer la résidence permanente à des travailleurs et des travailleuses temporaires éhontément exploité.es, victimes de « discrimination systémique » selon un rapport de 2010 de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse (CDPDJ) et soumis.es à un programme qualifié en 2023, par un rapporteur des Nations Unies, comme « un terreau pour des formes d'esclavage modernes ».

Après, si un parti de gauche souhaitait développer une politique d'immigration « de gauche », on rappellera que la régularisation des personnes sans statut, la libre circulation, l'ouverture des frontières, la lutte contre la xénophobie et la solidarité internationale ont fait partie, historiquement, des critères pour se revendiquer de gauche.

Camille Popinot

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Un tournant : le Canada et le jugement de la Cour internationale de justice sur un génocide à Gaza

6 février 2024, par Derek Sayer — , ,
Le 26 janvier la Cour internationale de justice a émis un jugement intermédiaire en réponse à la poursuite de l'Afrique du sud contre Israël qui l'accuse de génocide à Gaza. Ce (…)

Le 26 janvier la Cour internationale de justice a émis un jugement intermédiaire en réponse à la poursuite de l'Afrique du sud contre Israël qui l'accuse de génocide à Gaza. Ce jugement exige qu'Israël cesse les attaques militaires contraires à la loi internationale, prenne des mesures immédiates pour que l'aide humanitaire soit distribuée aux civils.es palestiniens.nes de l'enclave.

Derek Sayer, professeur émérite de l'Université d'Alberta et Fellow de la Société royale de Canada
Canadian Dimension, 30 janvier 2024
Traduction, Alexandra Cyr

Note : Dans ce texte le # suivi d'un nombre correspond aux articles du jugement de la CIJ. L'utilisation du terme UNRWA est choisi plutôt que le nom Français de l'agence en concordance avec cette utilisation courante dans les grands médias. A.C.

En moins de 48 heures le Canada et d'autres « démocraties occidentales » ont cessé leur financement à l'UNRWA, l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés.es de Palestine dans le Proche Orient, l'organisation dont dépend Gaza pour l'aide effective dont elle a besoin.

C'est un tournant dans l'histoire moderne : ce sont bien les auteurs.es des « règles de base de l'ordre international » sorties des cendres de la deuxième guerre mondiale qui leur donnent le coup de grâce, non ses ennemis. On lance les gants et retire les masques.

Le jugement de la CIJ

Trouvant que la « situation humanitaire catastrophique dans la bande de Gaza est dans un sérieux risque de détérioration à l'avenir » (#72), la Cour impose à Israël l'application de « six mesures provisoires » afin de « préserver … les droits des Palestiniens.nes de Gaza, qui préviennent des actes de génocides à leur égard et d'autres actes interdits associés » (#59). Le jugement insiste « qu'il y a urgence, dans le sens qu'il existe un réel risque imminent que des préjudices irréparables soient infligés aux droits, que le tribunal le pense plausible avant que sa décision finale ne soit émise » (#74, italiques par l'auteur).

Certaines mesures parmi d'autres :

• « Prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir a) la mort des membres du groupe, b) de causer de sérieux effets sur la santé physique et mentale des membres du groupe, c) de délibérément infliger au groupe des conditions de vie en vue de le mener à sa destruction physique en tout ou en partie, d) d'imposer des mesures pour empêcher les naissances dans le groupe » (#79).

• « S'assurer immédiatement que les forces armées ne commettent aucun des actes ci-haut décrits ». (#79)

• « Prendre immédiatement des mesures effectives pour rendre la distribution urgente des services de base et d'assistance humanitaire pour contrer toutes les circonstances menaçant la vie des Palestiniens.nes de la bande de Gaza ». (#80. Italiques de l'auteur).

Même si la Cour n'a pas les moyens de faire appliquer ces injonctions, elle les impose à tous les pays qui ont accepté sa juridiction, dont Israël et le Canada.

La Cour internationale de justice (CIJ) a été créée en 1946. Elle est le tribunal principal des Nations Unies et la Cour du plus haut niveau au monde pour juger des disputes entre pays. Les mesures (décrites ici) ont été votées à majorité de 16 contre un ou 15 contre deux par les (19) juges de la CIJ qui ont été élus.es par l'Assemblée générale des Nations Unies et son Conseil de sécurité. Plusieurs viennent de pays dont les gouvernements ont soutenu Israël jusqu'à maintenant dans son conflit avec le Hamas dont les États-Unis, l'Allemagne, la France et l'Australie. Des ministres de haut rang du gouvernement israélien ont accusé la CIJ d'antisémitisme ; c'est proprement risible. Malgré que nous nous sommes habitués.es à ce que ceux et celles qui soutiennent Israël, qui ont fait de ce terme une arme, y masquent absolument toutes les critiques à l'État d'Israël et ses agissements à Gaza.

La réponse du Canada au jugement de la CIJ

Le jour même de la publication de ce jugement, la ministre des affaires étrangères du Canada, Mme Mélanie Joly, a répondu au nom du gouvernement par un bref communiqué : « Le Canada soutient le rôle critique de la CIJ dans le règlement pacifique des disputes et son travail pour le maintien des règles de base de l'ordre international. Notre soutien à la CIJ ne veut pas dire que nous acceptons, dans ce cas, les prémices de la cause apportées par l'Afrique du Sud … Le Canada va continuer à soutenir Israël, son droit à l'existence et de se défendre en observance de la loi internationale … le Canada demeure profondément préoccupé par la crise humanitaire à Gaza et les sérieux impacts qu'elle a sur les civils.es palestiniens.nes ».

Ce message contient bien des aspects préoccupants. Le Canada soutient la CIJ ; cela va de soi puisqu'il est sujet à sa juridiction. Il est correct de dire « notre soutien … ne veut pas dire que nous acceptons les prémices de la cause portée par l'Afrique du Sud » jusqu'au moment où la décision finale du tribunal est en faveur de l'Afrique du Sud. Le Canada est obligé de l'appliquer qu'il soit d'accord ou non. La raison pour introduire cette phrase n'est autre que de jeter un doute sur la validité des décisions intérimaires de la CIJ sans remise en cause explicite.

Le communiqué affirme « Qu'Israël a droit à l'existence et à se défendre en respectant la loi internationale » alors que rien ne dit le contraire dans le jugement. Mme Joly nous éloigne de la seule préoccupation de la Cour qui doit établir si Israël commet ou non un génocide à Gaza, et nous centre sur la façon qu'a Israël de présenter ses actions comme des actes de légitime défense. En même temps, le communiqué passe allègrement sur ce que le jugement reconnait comme « plausible » (#54,66,74), soit, que les actes d'Israël aient enfreint la loi internationale et dépassé ce qui est permis par la légitime défense.

En plus, le communiqué insiste pour statuer que « rien ne peut justifier les brutales attaques du Hamas du 7 octobre dont le nombre effarant de pertes de vies, les actes de violences haineux perpétrés sur les personnes attaquées, dont les violences sexuelles ». Il est fort probable que le Hamas ait commis des crimes de guerre haineux le 7 octobre mais, plusieurs des pires mentionnés, dont les violences sexuelles ne sont toujours pas attestées. Mais, encore une fois, ça n'a rien à voir puisque le jugement porte sur Israël et non sur le Hamas ; ce n'était pas lui qui était jugé. C'est typique des gouvernements et des médias occidentaux : ils l'ont répété depuis l'attaque du 7 octobre pour justifier ou éloigner l'attention accordée à la réponse d'Israël par ses actions à Gaza.

Plus important encore, le communiqué de Mme Joly ne fait aucune mention (italiques de l'auteur n.d.t) des mesures provisoires imposées par le tribunal, à part qu'il souligne qu'Israël et le Hamas doivent « faciliter un accès rapide et sans faille aux secours humanitaires pour les civils.es ». Au contraire, on ajoute des conditions à ce à quoi la CIJ oblige Israël, soit d'immédiatement et sans conditions, de mettre en place un « cessez-le-feu durable » durant lequel, « le Hamas doit libérer tous les otages et cesser de faire des civils.es palestiniens.nes des boucliers humains et déposer les armes ». Que la Cour exige « qu'Israël (lui) soumette, dans un mois, un rapport sur toutes les mesures prises pour respecter ces directives » souligne à quel point elle attache de l'importance à l'immédiateté de ces mesures provisoires. (#82).

Même si elle proclame que le Canada soutien le processus de la Cour, en pratique, Mme Joly fait fi de l'aspect contraignant du jugement temporaire qui résulte du processus et des informations sur lesquelles il repose.

Comment cela peut-il être en phase avec le soutien du Canada « aux règles de base sur lesquelles repose l'ordre international » ?

La catastrophe humanitaire à Gaza

Dans son sommaire, la CIJ ne laisse aucun doute sur « la situation catastrophique à Gaza » (#72).

La Cour considère que la population civile de la Bande de Gaza demeure extrêmement vulnérable. Elle rappelle que les opérations militaires qu'Israël a menées après le 7 octobre 2023 ont résulté en fait en des dizaines de milliers de morts et de blessés.es, dans la destruction d'habitations, d'écoles, de centres médicaux et autres infrastructures vitales comme au déplacement massif de personnes … En ce moment, plusieurs Palestiniens.nes de la bande de Gaza n'ont pas d'accès aux plus importants équipements de base : la nourriture, l'eau potable, l'électricité, les soins médicaux essentiels et au chauffage (#70).

Le jugement cite des données des Nations Unies qui montrent qu'entre le 7 octobre et le 26 janvier (courant) 26,083 Palestiniens.nes ont été tués.es par les attaques israéliennes à Gaza. 70% de ces personnes étaient des femmes et des enfants. Des milliers de plus manquent à l'appel et sont probablement sous les débris. Durant la même période, 64,487 personnes ont été blessées et 1 million 700 mille déplacés.es de façon permanente. Plus de 60% des habitations de Gaza ont été détruites ou endommagées de même que 378 installations éducatives, 161 mosquées et 122 ambulances. Seuls 14 des 36 hôpitaux de Gaza n'ont pas été totalement détruits et fonctionnent partiellement.

La CIJ était particulièrement préoccupée par les risques imminents de famine puisqu'Israël poursuit son blocus qui ne laisse passer que très peu d'aide :

93% de la population de Gaza fait face à un niveau critique de famine puisqu'il manque de nourriture de même qu'à un haut niveau de mal nutrition ; c'est sans précédent. Au moins un ménage sur 4 vit dans des conditions catastrophiques : avec la faim dû à un manque extrême de nourriture, a dû vendre ses biens et prendre d'autres mesures extrêmes. La famine, le dénuement et la mort sont évidents (#48).

Depuis ce moment, la situation humanitaire s'est encore aggravée. Le 29 janvier, on dénombrait au moins 26,637 personnes décédées et 65,387 blessées par les attaques Israéliennes sur Gaza depuis le 7 octobre. Des centaines sont probablement morts.es depuis le jugement de la Cour. Le carnage continue sans indications qu'Israël se soumettra aux obligations imposées par la CIJ, soit de cesser la tuerie ou que le Canada lui demandera de le faire.(Italiques de l'auteur n.d.t.)

L'attaque contre l'UNRWA

Le jour même où la CIJ émettait son jugement, le chef de l'UNRWA, M. Philippe Lazzarini, annonçait qu'en réponse aux allégations d'Israël à l'effet que certains.es de ses employés.es auraient participé à l'attaque du Hamas le 7 octobre, il avait : « en vue de protéger les capacités de l'agence à distribuer l'aide humanitaire, pris la décision d'immédiatement mettre fin aux contrats de ces employés.es et lancé une enquête afin d'établir la vérité sans délai ». Le Secrétaire des Nations Unies, M. A. Guterres, a confirmé que 12 de ces employés.es étaient accusés.es par Israël.

Le moment choisi pour cette annonce par Israël, laisse fortement penser qu'il s'agit de sa part d'une manœuvre de diversion pour éloigner les regards du jugement de la CIJ mais aussi, possiblement des conséquences d'un potentiel génocide.

Avec les États-Unis, le Royaume Uni, l'Australie, la Nouvelle Zélande, le Japon, l'Allemagne, l'Italie et quelques autres pays européens, le Canada a répondu à M. Lazzarini en annonçant la suspension immédiate de son financement à l'agence. Donnons crédit à l'Irlande, l'Écosse, l'Espagne, le Luxembourg et la Norvège pour avoir refusé ce boycott. M. Lazzarini était atterré : « Il est choquant d'apprendre ces suspensions de financement en réaction aux allégations contre un petit nombre de membres de notre personnel. Spécialement, étant donné la décision immédiate de l'UNRWA de mettre fin à leurs contrats et de demander une enquête indépendante et transparente…

L'UNRWA est la première agence humanitaire à Gaza. Elle dessert environ 2 millions de personnes qui en dépendent pour leur survie. Beaucoup ont faim alors que le signal de la famine sonne. L'agence donne des refuges à plus d'un million de personnes, de la nourriture et les soins de santé primaires même lors de la plus haute intensité des hostilités…

Il serait immensément critiquable de sanctionner l'agence et toute la communauté qu'elle dessert à cause d'allégations d'actes criminels commis par quelques individus spécialement en temps de guerre et de crises politiques dans la région ».

21 ONGs, dont Oxfam et Save the Children, on écrit pour dire qu'elles « sont profondément préoccupées et outragées (de voir) quelques-uns des plus importants donateurs s'être unis pour suspendre leur financement à l'UNTWA … (cela) va avoir un impact sur l'assistance vitale pour plus de 2 millions de civils.es, dont la moitié sont des enfants, qui comptent sur son aide à Gaza ».

Leur déclaration conjointe note en plus :

152 membres du personnel de l'UNRWA ont été tués.es. L'UNRWA a vu 145 de ses installations endommagées par les bombardements. Elle est la plus importante agence humanitaire à Gaza et son assistance humanitaire ne peut être remplacée par aucune autre agence qui s'y trouve. Si, ces suspensions ne sont pas retirées, nous feront face à un effondrement total de la réponse humanitaire déjà réduite à Gaza.

Le moment des monstres

Avec ce châtiment barbare imposé à 2,2 millions de déplacés.es Palestiniens.nes désespérés.es qui survivent sous les bombardements incessants d'Israël, à cause d'allégations de crimes commis par une douzaine des employés.es de l'UNRWA qui en comptent 13,000 à Gaza, nous sommes devant une parfaite métaphore de l'obscénité de la guerre.

Selon les données officielles d'Israël, le nombre exact de morts lors de l'attaque du Hamas le 7 octobre, était de : « 695 civils.es israéliens.nes dont 36 enfants, 373 membres des forces de sécurité et 71 étrangers.ères pour un total de 1,139 décès ». Ce nombre comprend 2 bébés. (N'en déplaise aux nombreux reportages à propos d'allégations de « 40 bébés décapités » qui n'ont pas encore été complètement démenties).

Les médias israéliens rapportent qu'un nombre inconnu mais substantiel de ces morts seraient le fait de tirs amis à cause soit des conditions chaotiques du 7 octobre ou de l'application du Protocole Hannibal qui autorise de prendre tous les moyens nécessaires, dont les tirs, pour prévenir la prise d'otages par l'ennemi. À la fois, les témoignages oculaires et les preuves visuelles (les édifices détruits, les véhicules brûlés) suggèrent que plusieurs des morts dans les Kibboutz de Be'eri et au festival de musique Nova, ont été causées par des armes aériennes ou des obus tirés par des tanks que le Hamas ne possède pas. Quelques-unes des pires images (de ce massacre), ont été utilisées par la propagande israélienne.

Nous ne connaîtrons probablement jamais toute la vérité à propos du 7 octobre. Mais la monstrueuse disproportion de la réponse israélienne n'est pas remise en doute. Pour chaque individu tué en Israël le 7 octobre, 23 Palestiniens.nes l'ont été à Gaza ; pour chaque civil.e israélien.ne tué.e le 7 octobre, 77 Palestiniens.nes l'ont été à Gaza. Mais nous vivons au temps des monstres, quand le vieux monde se meurt alors que le nouveau, peine à naître.

Je ne comprends pas quel pourrait être l'intérêt du Canada à s'associer à ce que peuvent, de façon plausible, être des actes génocidaires de la part d'Israël à Gaza. Nous avons refusé de nous associer aux États-Unis dans sa guerre au Vietnam et à la guerre en Irak en 2003. Qu'est-ce qui est si différent en ce moment ? Qu'y a-t-il de si particulier à propos d'Israël qui nous permette de défier la CIJ et d'affaiblir les règles de base de l'ordre international alors que nous devons les protéger ? Nous avons agi autrement lors de causes semblables devant la CIJ, dans les cas du Myanmar et de l'Ukraine.

Je ne prétends pas avoir les réponses (à ces questions). Mais je crains fort qu'elles reposent dans le racisme profond qui accorde implicitement moins de valeur à la vie des Palestiniens.nes, des Arabes et des Musulmans.es qu'à celle des blancs.hes. Le contraste de la réponse du gouvernement Trudeau à la guerre en Ukraine et à celle de Gaza est glaçante. Mais, comme Israël et les États-Unis, le Canada est un colonisateur qui construit sur la dépossession de ses habitants.es indigènes. Quand tombent les masques …..

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Le Parti Québécois et Québec solidaire : des frères ennemis ?

6 février 2024, par Jean-François Delisle — , ,
Dans le texte publié la semaine dernière et intitulé : "Les solidaires à la croisée des chemins", Balint Demers reprend le même vieux thème du lien entre indépendance et (…)

Dans le texte publié la semaine dernière et intitulé : "Les solidaires à la croisée des chemins", Balint Demers reprend le même vieux thème du lien entre indépendance et socialisme démocratique (ou social-démocratie).

Il propose une alliance informelle et ponctuelle, bref un rapprochement entre le Parti québécois et Québec solidaire. Selon lui, seule cette entente sur une base souverainiste et social-démocrate serait susceptible de redonner de la vigueur à Québec solidaire qui formerait une sorte de front commun avec le Parti québécois.

À première vue, cette stratégie est logique et pourrait porter ses fruits. Mais l'auteur prend pour acquis la vérité du virage "social-démocrate et écologique entamé sous Jean-François Lisée puis confirmé et clarifié sous PSPP".

Il n'entre pas dans mes intentions de commenter en détails toutes les propositions et suggestions de Balint Demers. Il me paraît avoir raison sur un certain nombre de critiques comme l'adoption par la direction du parti des thèses de la gauche libérale américaine et son opposition à la loi 21 et se tromper sur d'autres. Je vais plutôt me livrer à une remise en perspective historique de l'évolution du Parti québécois et du Québec solidaire.

Il faut d'abord corriger une erreur de sa part. Contrairement à ce qu'il affirme, le Parti québécois ne s'est pas rallié au néolibéralisme à partir de Lucien Bouchard, premier ministre de 1996 à 2001. L'adhésion du cabinet péquiste à ce courant idéologique et aux politiques sociales restrictives qui en découlent remonte au second et dernier mandat de Lévesque (1981-1985). Elle est donc ancienne. Pour résumer, René Lévesque avait donné le pouvoir aux éléments conservateurs du parti après le scrutin d'avril 1981. Son gouvernement a par conséquent coupé massivement et arbitrairement dans les dépenses publiques pour compenser la baisse des paiements de transfert fédéraux et affronter la récession de 1982-1984. Il s'est mis à tenir un discours néoconservateur pour justifier ce changement de cap dont l'ampleur et la brutalité ont surpris bien des gens. À partir de 1982, il n'a plus défendu la social-démocratie que du bout des lèvres. Il en a résulté une impopularité croissante du gouvernement péquiste. Il a rompu avec ses alliés traditionnels (les centrales syndicales et les groupes communautaires) pour tenter de se rallier le monde des affaires, un vieux rêve de Lévesque et d'une partie de sa garde rapprochée. S'il a bien réussi la première partie de l'opération, la seconde connut un échec monumental.

À la suite de ce qu'on a appelé "le rapatriement de la constitution" en 1982 par le gouvernement libéral fédéral de Pierre-Elliott Trudeau malgré l'opposition du Québec et surtout du marasme économique qui sévissait, Lévesque a du démissionner en 1985 dans le discrédit général. Il avait perdu la confiance de plusieurs de ses députés, qui sentaient leur réélection menacée. Pierre-Marc Johnson l'a remplacé au pied levé, ce qui n'épargna pas la défaite du gouvernement péquiste au scrutin tenu cette année-là. Les libéraux de Robert Bourassa le remplacèrent.

Les gouvernements du Québec qui se sont par la suite succédé ont tous plus ou moins suivi la même voie socio-économique, reprenant les thèmes néolibéraux comme l'avait déjà fait René Lévesque : austérité, équilibre à tout prix des finances publiques, survalorisation du privé dans l'économie, précarisation croissante du marché de l'emploi et j'en passe. Lucien Bouchard n'a fait que continuer dans cette veine.

C'est en réaction contre cette orientation néo-conservatrice que la gauche sociale s'est regroupée pour former d'abord l'Union des forces populaires (l'UFP) en 2002 et ensuite Option citoyenne en 2004. Les deux ont fusionné en 2006 pour donner Québec solidaire.
Ayant participé à la mise sur pied de l'UFP je me souviens que l'objectif premier du parti n'était pas l'indépendance mais une forme de socialisme démocratique. Québec solidaire une fois mis au monde a immédiatement fait sien l'objectif souverainiste. C'est en 2011 que fut intégré un projet d'assemblée constituante, ouvert à toutes les tendances (y compris fédéralistes), qui devait rédiger une constitution pour le Québec, laquelle serait soumise à la population par voie de référendum et qui servirait éventuellement de base de discussion avec Ottawa. Cette décision me semblait plus rassembleuse que l'adoption d'une orientation indépendantiste. En mai 2017, le parti a décidé de ne soumettre à la population qu'un projet indépendantiste (sous l'influence d'Option nationale dont les militants avaient "pacté" l'assemblée qui devait décider de la nature du projet à proposer aux gens).

Mais selon les sondages, une majorité de membres de QS ne sont pas souverainistes, ou du moins n'accordent pas la priorité à cet objectif, ce qui explique les contorsions de sa direction sur ce sujet.

Sur ce plan, le Parti québécois présente l'avantage de la clarté. Par contre, pour ce qui regarde son "virage social-démocrate et écologique", il faut se rappeler qu'il a l'habitude de jouer sur les mots. Il s'est toujours prétendu progressiste tout en justifiant des politiques rétrogrades par les présumés nécessaires sacrifices que travailleurs et travailleuses devaient accepter afin de sauvegarder la capacité de redistribution de l'État... Présentement, sous PSPP, le Parti québécois tente de revamper son image de parti de gauche. Mais dans quelle mesure peut-on prendre ce virage au sérieux ? Ça reste à voir.

Un examen rétrospectif s'impose à ce point de mon exposé au sujet de ce qu'on appelle "la gauche". Il faudrait plutôt parler "des gauches". On en distingue trois au Québec.

1- Une gauche nationaliste, indépendantiste mais dont tous les membres ne sont pas à gauche sur le front social ;
2- Une gauche sociale, surtout syndicale et communautaire mais dont tous ne sont pas indépendantistes ;
3- Une gauche culturelle (artistes, chansonniers, comédiens, etc)..

Fin des années 1960 et début de la décennie suivante, à la faveur de la fièvre souverainiste alors montante, l'ensemble des deux dernières gauches a rejoint le camp souverainiste, non sans esprit critique vis-à-vis de la direction péquiste, ce qui explique les tiraillements qui ont marqué l'histoire de cette formation politique. Mais elles ont fortement contribué à la doter d'un programme très social-démocrate, plus que ne l'aurait souhaité Lévesque. Si celui-ci était un grand réformateur d'État, c'était moins le cas sur le plan social. Là-dessus, il nichait plutôt au centre-droit.

Ces trois gauches ont donc toujours malaisément cohabité au sein du Parti québécois. Notoirement, durant la décennie 1970, la plupart des artistes étaient indépendantistes mais pas forcément péquistes, en dépit du charisme que dégageait René Lévesque.

Au cours de la décennie suivante, ce front souverainiste a éclaté vu le virage à droite imprévu de la direction péquiste. La quasi victoire du OUI à la souveraineté-association lors du référendum d'octobre 1995 n'a pas changé grand chose à cette perte de confiance de plusieurs alliés du Parti québécois. La désillusion de plusieurs militants communautaires et syndicaux à l'endroit du gouvernement péquiste mené par Lucien Bouchard a été le déclencheur du processus qui a mené à la fondation de Québec solidaire. Quant aux artistes, ils se sont peu à peu éloignés de l'idéal indépendantiste et du parti qui l'incarnait, d'autant plus que celui-ci a pratiquement cessé d'en parler après l'arrivée au pouvoir de Lucien Bouchard en 1996. Ancien ministre fédéral dans le cabinet conservateur de Brian Mulroney, il a beaucoup plus traité d'équilibre des finances publiques que d'émancipation nationale...

Donc, les groupes de gauche se sont éloignés du PQ pour l'évident motif d'une confiance trahie à plusieurs reprises par ce dernier. Sous le leadership de Paul Saint-Pierre Plamondon (PSPP), il a recouvré de la force il faut l'admettre, mais même une victoire électorale en 2026 ne constituerait pas le gage de celle du OUI à la souveraineté lors d'un hypothétique troisième référendum.

J'en arrive au coeur de ma démonstration, si je puis m'exprimer ainsi. Contrairement à l'idée courante qui prévaut dans les milieux indépendantistes, souveraineté et progrès social ne vont pas automatiquement de pair.

Tout débat majeur sur l'indépendance reléguerait au second plan celui du type de société que nous voulons. Il s'agit là de deux discussions distinctes. Si une majorité de Québécois et de Québécoises apportait son appui à la souveraineté lors d'un autre référendum, une crise majeure éclaterait nécessairement entre Québec et Ottawa. En effet, Ottawa, le Canada anglais (et indirectement Washington) ont des intérêts énormes à défendre au Québec ; la classe politique et bureaucratique fédérale (francophone comme anglophone), sauf le Bloc québécois bien sûr ne lâcherait pas le morceau facilement. S'ouvrirait alors une longue et cahoteuse période de transition marquée par des négociations corsées entre délégués québécois et fédéraux ; on remarquerait toutes sortes de pressions, de manoeuvres d'intimidation et de chantage d'Ottawa à l'égard de Québec, car l'accession du Québec à la souveraineté signifierait la reconfiguration en profondeur des arrangements constitutionnels, politiques et commerciaux qui encadrent le fonctionnement du Canada ; elle entraînerait aussi son affaiblissement marqué sur la scène internationale. Paul Saint-Pierre Plamondon et Gabriel Nadeau-Dubois (comme avant eux René Lévesque) misent beaucoup sur "l'esprit démocratique" d'Ottawa pour mener à bien, sans trop de secousses, les négociations sur le rapatriement des pouvoirs à Québec. Mais l'importance des enjeux en cause amènerait le gouvernement fédéral à mettre pas mal d'eau dans son "vin démocratique". Il n'est pas certain que ces deux leaders indépendantistes ont l'étoffe nécessaire pour gagner une lutte serrée qui s'annonce intense.

Pour préserver les équilibres budgétaires et financiers élémentaires, un gouvernement indépendantiste quel qu'il soit devrait couper dans les dépenses publiques à un degré encore inégalé. Affirmer cela n'équivaut pas à pratiquer le terrorisme psychologique, mais à regarder la réalité bien en face. Réaliser la souveraineté-association exigerait beaucoup de la part des Québécois et Québécoises.

Certes, un Québec plus ou moins indépendant émergerait de cette difficile période de transition, si la majorité de sa population tenait le coup. À court terme, il serait exsangue sur le plan financier. Les beaux projets de justice redistributive se trouveraient remis à un avenir assez lointain.

Associer étroitement indépendance, justice sociale et protection de l'environnement ne va pas de soi. Il faut cesser de rêver en couleurs.

On peut choisir de mousser l'indépendance, mais comme le disait le défunt Pierre Bourgault : "Le Parti québécois a le devoir de ne rien cacher à la population."

Il est impossible pour un parti politique qui se veut important de ne pas prendre en compte la question nationale. La position de 2011 avancée par Québec solidaire d'une assemblée constituante ouverte à toutes les tendances me semble plus porteuse que son indépendantisme ambigu et hésitant actuel.

Lorsqu'une majorité de membres ne partage pas l'orientation officielle de la direction, des louvoiements de sa part sont inévitables et nuisent à la limpidité de sa démarche. Qui en profite alors ? La Coalition avenir Québec perd beaucoup de membres par les temps qui courent, mais ils rejoignent en grande majorité le Parti québécois. Québec solidaire n'en profite guère, ce qui augure mal pour son avenir. Il devrait demeurer fidèle à sa vocation initiale : réinventer la social-démocratie, sans pour autant balancer ce qu'on nomme la question nationale. Exactement l'inverse de la démarche péquiste actuelle. Ses chances de succès augmenteraient s'il acceptait de corriger des erreurs de parcours comme celles identifiées par Balint Demers. Il serait alors en meilleure posture pour faire des alliances formelles ou informelles avec le Parti québécois. Si la réalisation de la souveraineté constitue la raison d'être du Parti québécois, celle de réinventer la social-démocratie justifie l'existence de Québec solidaire. Si ce dernier décide de s'allier au PQ, dans les conditions actuelles, il n'est pas certain qu'il aurait la force de le tasser. Il serait peut-être réduit au rôle de petit frère de l'aîné souverainiste...

Jean-François Delisle

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Les membres de la coalition Sortons le gaz réclament une approche ambitieuse pour décarboner l’ensemble des bâtiments du Québec

6 février 2024, par Association québécoise des médecins pour l'environnement, Coalition Sortons le gaz !, Greenpeace Canada, Nature Québec — , ,
Des représentant(e)s de la coalition Sortons le gaz ! seront à l'Assemblée nationale aujourd'hui à 15 h afin de présenter leur mémoire dans le cadre des consultations (…)

Des représentant(e)s de la coalition Sortons le gaz ! seront à l'Assemblée nationale aujourd'hui à 15 h afin de présenter leur mémoire dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 41 – Loi édictant la Loi sur la performance environnementale des bâtiments et modifiant diverses dispositions en matière de transition énergétique et de réagir à la volonté du gouvernement d'encadrer le gaz dans les bâtiments. Accueillant favorablement ces propositions, les membres de la coalition ont tout de même plusieurs préoccupations quant au niveau d'ambition énoncé et s'inquiètent des impacts potentiels que pourraient avoir ces mesures sur les nombreuses municipalités engagées dans la décarbonation des bâtiments.

Alors que le gouvernement du Québec vient d'annoncer son intention d'encadrer le gaz dans les bâtiments, la coalition insiste sur l'importance d'inclure tous les bâtiments existants et futurs du parc immobilier du Québec dans sa stratégie de décarbonation, et d'exclure les fausses solutions telles que la biénergie électricité-gaz ou le gaz de source renouvelable (GSR) qui devraient être réservés à certains cas bien précis.

Les membres de la coalition sont aussi d'avis que le ministre doit permettre aux municipalités qui le souhaitent d'adopter des règlements plus ambitieux que la norme nationale qui sera établie en matière de performance environnementale.

« La volonté du gouvernement du Québec d'encadrer le gaz et l'efficacité énergétique des bâtiments est une excellente nouvelle. Toutefois, si l'ambition n'est pas au rendez-vous, si les mauvaises solutions sont retenues ou si le cadre proposé vient annuler ou restreindre les initiatives municipales de décarbonation des bâtiments, le Québec passera à côté de l'objectif », déclare Marie-Noëlle Foschini, coordonnatrice de la coalition.

« Même si le projet de loi 41 présente des avancées intéressantes en matière d'efficacité énergétique, c'est trop peu trop tard. Nous aurions applaudi ce projet de loi il y a 15 ans, alors qu'il faut aujourd'hui aller beaucoup plus loin pour réellement décarboner les bâtiments du Québec. Nous suivrons donc de près l'intention annoncée aujourd'hui par le ministre Charette d'encadrer d'ici peu l'utilisation du gaz dans le secteur des bâtiments », affirme Alice-Anne Simard, directrice générale de Nature Québec.

« En proposant des demi-mesures, le gouvernement continue de souffler sur les braises de la crise climatique et alimente les événements climatiques extrêmes comme les feux de forêts records de l'an dernier. Le gouvernement doit décarboner beaucoup plus rapidement les bâtiments et abandonner les fausses solutions comme le gaz fossile et le gaz naturel renouvelable au profit de l'efficacité énergétique et des solutions 100% électrique. Les solutions pour réduire la consommation d'énergie et sortir le gaz des bâtiments sont économiquement avantageuses et ont démontré leur efficacité » a déclaré Patrick Bonin responsable de la campagne Climat-Énergie chez Greenpeace Canada

« Décarboner est important pour la réduction des GES, qui ont des impacts sur la santé humaine, et pour la réduction des problèmes de santé relatifs à la qualité de l'air, dans les bâtiments existants et nouveaux. Car les bâtiments et les équipements fonctionnant au gaz ont des effets sur la santé de plus en plus connus et reconnus, et d'autant plus chez les plus vulnérables, comme les enfants (dont le système respiratoire est en développement) et les personnes atteintes de problèmes respiratoires chroniques ou qui peuvent le devenir », souligne Patricia Clermont, coordonnatrice de l'Association québécoise des médecins pour l'environnement (AQME)

Lors des consultations particulières, la coalition sera représentée par Marie-Noëlle Foschini, coordonnatrice de la coalition Sortons le gaz !, Patricia Clermont, coordonnatrice pour l'Association québécoise des médecins pour l'environnement (AQME), Alice-Anne Simard, directrice générale de Nature Québec, et Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie chez Greenpeace Canada.

Lien vers le mémoire de la coalition

Le modèle économique de la CAQ ou le refus de s’engager vers une véritable bifurcation écologique

6 février 2024, par Réseau Militant Écologiste de Québec solidaire (RMÉ-QS) — , ,
Le premier ministre François Legault se disait ému en annonçant le plus grand investissement privé dans l'histoire du Québec, celui de la compagnie suédoise Northvolt. Il faut (…)

Le premier ministre François Legault se disait ému en annonçant le plus grand investissement privé dans l'histoire du Québec, celui de la compagnie suédoise Northvolt. Il faut dire que les gouvernements fédéral et québécois lui avaient construit un pont d'or, subventionnant cette entreprise à la hauteur de 7,3 milliards de dollars. Ce n'est qu'un début, nous prévenait Pierre Fitzgibbon. D'autres milliards sont également prévus pour soutenir la filière batteries. [1] Le gouvernement fédéral et celui de l'Ontario ont d'ailleurs déjà offert une subvention de 16,3 milliards de dollars pour favoriser l'installation de la première usine nord-américaine de batteries pour véhicules électriques de Volkswagen en Ontario. [2] .

Le développement de la filière batteries et la hauteur des subventions pour en favoriser la croissance sont l'expression du développement d'un nouveau modèle économique pour le Canada et le Québec reposant sur le renforcement des liens de dépendance avec l'économie américaine. Cette politique économique ne répond en rien à l'urgence de la crise climatique et va directement à l'encontre d'une lutte conséquente contre cette dernière.

Ce modèle se donne comme objectif de satisfaire les besoins en énergie et en composantes de batteries des grandes entreprises américaines, particulièrement les entreprises de l'automobile, pour qu'elles soient en mesure d'affronter la concurrence des entreprises chinoises tant en ce qui a trait à la production de minerais stratégiques qu'à celle des batteries ou des voitures électriques. L'objectif des grands de l'auto, comme GM, Ford, Stellantis et Volkswagen, entre autres, est de convertir le parc des automobiles thermiques en voitures électriques, d'en vendre le maximum, à fort prix, y compris avec l'aide des gouvernements pour ce faire.

Davantage d'extraction minière, davantage de production d'énergie électrique éolienne ou solaire, davantage d'investissements industriels gourmands en ressources minières et énergétiques dans une filière vouée à la transformation du parc automobile, le tout sous le contrôle de multinationales étrangères. Voilà, en somme, le modèle économique que cherche à nous imposer le gouvernement Legault. Ce modèle n'a rien à voir avec les objectifs de réduction des gaz à effet de serre (GES) ni avec ceux de la réduction des dépenses en ressources et en énergie nécessaires pour faire face à la crise climatique.

A. Davantage d'extraction minière avec ses conséquences environnementales désastreuses

Le Québec dispose de minéraux stratégiques (cobalt, coltan, cuivre, graphite, lithium, zinc, nickel) et de terres rares (néodyme, europium, gadolinium, terbium, dysprosium). Depuis quelques mois, facilitée par la Loi des mines qui donne tous les droits aux minières et aux spéculateurs, on a assisté à la prolifération de demandes de claims miniers sur le territoire du Québec . On compte désormais (en 2022) plus de 20 000 titres miniers dans sept régions du sud du Québec, dont 7 674 titres miniers dans trois régions du sud-est du Québec en date de novembre 2022 : Estrie (1 739), Bas-Saint-Laurent (1 242) et Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine (4 693). [3] .

Les projets d'exploitation minière grugent les terres agricoles et cela ne fait que commencer à cause de la recherche des minerais stratégiques particulièrement le graphite dans le sud du Québec. La Commission pour la protection des terres agricoles du Québec a accordé 100 % des demandes d'exploration des minières en milieu agricole, 97 % des projets d'infrastructures liés au transport et à la production d'électricité et 99 % des demandes d'implantation des parcs éoliens sur les territoires agricoles. [4]

La multiplication des claims par les minières en territoires citoyens montre que les droits des minières ont préséance sur les plans d'aménagement des territoires des villes et des Municipalités régionales de Comté (MRC). Le développement des mines et des entreprises par les multinationales risque de se faire aux dépens du contrôle citoyen sur ces territoires. Laisser libre cours aux principes dévastateurs du free mining fait aussi courir le risque immense de voir se multiplier les cas de contamination des réserves d'eau potable de ces territoires.

Cette montée d'un extractivisme sans balise vise à répondre aux besoins des entreprises multinationales que le gouvernement Legault cherche à attirer par des subventions qui se comptent maintenant en milliards de dollars.

B. L'augmentation de la production électrique pour répondre aux besoins des entreprises multinationales

Le gouvernement Legault ne vise nullement à réduire les demandes en énergie en priorisant l'efficacité et la sobriété énergétique. Dans une démarche de prophétie autoréalisatrice, il crée la perspective d'une pénurie d'énergie électrique pour répondre à des projets de croissance à tout prix à l'initiative des multinationales. Pour concrétiser cette perspective, l'énoncé de la CAQ est : « Hydro-Québec calcule qu'il faudra 150 à 200 TWh additionnels pour répondre à la demande d'électricité du Québec à l'horizon 2050 » soit deux fois plus d'électricité qu'actuellement. Pour y parvenir, la société d'État entend notamment « tripler la production éolienne » et « ajouter de la capacité de production hydroélectrique », tout en augmentant « la puissance de centrales existantes ainsi qu'en en créant de nouvelles » [5] . Cette approche de croissance à tout prix ne se préoccupe en rien de la diminution des émissions de GES et de la protection des ressources ; les associations patronales exultent.

Mentionnons ici qu'à plus long terme, cette augmentation se fera par la mise en chantier de vastes barrages hydro-électriques comme l'a annoncé à plusieurs reprises le premier ministre Legault. La renégociation avec Terre-Neuve-et-Labrador du contrat de Churchill Falls s'inscrit dans cette même logique des besoins en hydro-électricité. [6]. L'heure est donc dans ce modèle économique au renforcement des capacités de production d'électricité pour satisfaire les besoins des industries de la filière batteries, pour augmenter l'exportation directe de cette énergie pour les multinationales de l'automobile aux États-Unis et pour faire du Québec selon l'expression du premier ministre, la “batterie de l'Amérique du Nord”.

C. Fitzgibbon planifie la privatisation de la production d'énergie et la fin du monopole d'Hydro-Québec

La perspective d'une privatisation totale ou partielle d'Hydro-Québec est dans les plans du ministre de l'Économie et de l'énergie et du PDG d'Hydro-Québec. Cette privatisation ne prendra sans doute pas la forme de la vente d'une partie d'Hydro-Québec aux entreprises privées, mais le secteur privé est appelé à occuper une place de plus en plus importante dans la production de l'électricité. Déjà la production des énergies renouvelables (éoliennes et solaires) qui est appelée à se développer rapidement se fait par des entreprises privées, souvent multinationales. On pouvait lire dans le Manifeste pour un avenir énergétique juste et viable publié en novembre dernier, cet avertissement : « Nous nous opposons fermement à toute tentative de privatisation d'Hydro-Québec ou de ses actifs. Hydro-Québec est un patrimoine stratégique et doit rester sous contrôle public. Nous rejetons toute forme d'érosion de cette institution, cruciale pour le bien-être collectif, au profit du privé ».

Les syndicats d'Hydro-Québec affiliés au SCFP ont d'ailleurs lancé une campagne publique pour mettre en garde contre toute volonté de privatisation de la société d'État. Le développement de la filière-batteries, soutenu par les gouvernements fédéral et provincial exigera beaucoup d'électricité et le ministre Fitzgibbon, a ouvert la perspective d'autoproduction d'électricité par les entreprises privées dont les surplus pourraient être revendus à Hydro-Québec. La porte est grande ouverte aux projets privés de production et de transports d'électricité, comme celui de TEX, en Mauricie. [7]

Le ministre Fitzgibbon présentera d'ailleurs, dans les prochaines semaines, un projet de loi pour légaliser la vente d'électricité entre compagnies privées. Cela signifie que la production des énergies renouvelables se fera selon la logique de recherche de profits, sans plan d'ensemble. Cela affaiblit le rôle d'Hydro-Québec dans cette production tout en diminuant sa capacité à long terme à fournir des redevances qui permettent au gouvernement du Québec de soutenir ses missions sociales, entre autres, l'accès à une électricité abordable pour tous.

D. Le mépris gouvernemental de la consultation et du pouvoir citoyen

Que ce soit pour la Fonderie Horne à Rouyn-Noranda, pour l'aluminerie d'Arvida, pour le Port de Québec ou enfin pour l'usine de Northvolt, le gouvernement Legault est plus que conciliant sur les dépassements des normes environnementales par les entreprises. C'est plus de 89 entreprises très polluantes que le gouvernement autorise à déroger à la loi. [8] Il se heurte ainsi, comme l'a montré un sondage Léger d'août 2022, à la population du Québec dont le consentement est exigé à hauteur de 78 % pour toute nouvelle exploitation minière. 75% de la population voudrait interdire tout projet minier dans les zones touristiques et 89% souhaiterait interdire tout rejet des déchets miniers dans les lacs, rivières et milieux écologiques sensibles. La Coalition Pour que le Québec ait meilleure mine a demandé au gouvernement d'interdire cette pratique, mais le gouvernement est jusqu'ici resté sourd à ses demandes. Le gouvernement de la CAQ va jusqu'à autoriser des méga-projets en dépit des études du BAPE qui en identifient des lacunes. Il va même jusqu'à se passer des études du BAPE.

Le gouvernement du Québec se moque du nécessaire consentement des populations locales qui seront impactées tant par l'exploitation minière que par de grands projets industriels. Il prétend tenir compte des droits des peuples autochtones, mais ce ne sera que leur mobilisation et notre solidarité qui permettront la reconnaissance de leurs droits.

Le gouvernement de la CAQ dit bénéficier de l'oreille des pouvoirs et de la finance et avoir une vision d'hommes d'affaires. C'est pourquoi il refuse de réformer la loi sur les mines, d'écouter les doléances des Nations autochtones et des municipalités et de donner la priorité concernant l'aménagement du territoire au pouvoir citoyen. La mobilisation unitaire contre le projet de loi que doit présenter le ministre Pierre Fitzgibbon sera essentielle pour défendre la majorité populaire contre les intentions prédatrices du capital d'ici et d'ailleurs.

E. La filière batteries, un soutien au tout à l'automobile (thermique ou électrique)

Le premier ministre Legault et son ministre Fitzgibbon font fi de la nécessité de tenir compte des limites de la planète et de veiller à l'économie des ressources et de l'énergie. Ils refusent d'opérer une transformation radicale des formes que prend la mobilité. En 2021, le gouvernement Legault dépensait encore deux fois plus d'argent pour le réseau routier qu'en transport collectif. En 2022, l'argent du PQI pour le transport collectif diminuait encore : « Loin d'atteindre la moitié, les investissements en transport collectif représentent donc 30,4 % des dépenses dans les transports, contre 31 % dans le PQI 2021 et 34 % dans le PQI 2020. » [9]

C'est là la manifestation du refus du gouvernement de sortir du paradigme de l'auto solo comme principal instrument de la mobilité. Ce choix favorise l'étalement urbain et l'effritement des terres agricoles sacrifiées à la construction d'infrastructures routières et de nouveaux quartiers.

Le premier levier au Québec pour limiter la pollution et amoindrir le changement climatique est la limitation des déplacements et l'utilisation en priorité des transports en commun, du vélo et du partage des véhicules. Le passage à l'utilisation des transports en commun implique de rendre le transport public possible, efficace et gratuit. A contrario, la production d'un nouveau parc de voitures électriques par les multinationales de l'automobile vise à produire plus, pour vendre plus et empocher le maximum de profits sans modifier les habitudes de transport. On est loin de la nécessaire réduction du parc automobile comme l'a évoqué le ministre Fitzgibbon. On est en fait engoncé dans une dynamique tout à fait contraire.

F. Un modèle économique qui ne tient aucun compte de l'urgence climatique et de la démocratie citoyenne.

Refuser de remettre en question le free mining et le pillage de nos ressources ; soutenir les multinationales qui veulent faire main-basse sur la production des énergies renouvelables, mettre fin au monopole d'Hydro-Québec sur la production de l'énergie, fermer les yeux et permettre à des entreprises polluantes de ne pas tenir compte des normes environnementales, refuser de donner la priorité au développement des transports publics, refuser de s'engager dans une politique de sobriété tant en ce qui concerne nos ressources et notre énergie, balayer du revers de la main les propositions des citoyens et citoyennes des différentes régions et des institutions qui les représentent, voilà le modèle de développement que veut nous imposer le gouvernement de la CAQ.

Le modèle économique du premier ministre Legault et de son ministre Fitzgibbon ne vise pas à répondre aux besoins de la majorité populaire du Québec. Il cherche à faire du Québec une terre d'investissement profitable pour les multinationales dont la classe dominante d'ici espère recueillir certaines retombées, en reléguant au dernier de ses soucis la nécessité de répondre à la crise climatique qui ne cesse de se manifester de façon toujours plus dramatique.

Québec solidaire s'engage à réduire les émissions de GES « d'au moins 55 % par rapport au niveau de 1990 d'ici 2030, en se rapprochant le plus possible de la cible de 65 % ». Mais il lui reste à élaborer un plan global de bifurcation écologique pour parvenir à cet objectif. Il rejette l'extractivisme et veut en finir avec le « free mining » imposé par la Loi des mines. Mais il ne s'est contenté jusqu'ici à proposer un moratoire sur la ruée vers les claims miniers. Il propose la nationalisation des énergies renouvelables. Mais il serait nécessaire de mener une campagne sur la reprise en mains de nos ressources naturelles, minières et forestières. Il refuse la privatisation de la production de l'énergie. Il donne la priorité aux transports publics et à l'économie d'énergie. Il lui reste à insister sur le fait que l'autosolo même électrique n'est pas une solution à la crise climatique et à montrer l'impasse d'un modèle économique construit autour de la filière batteries. En précisant ses orientations, il sera en mesure de proposer une alternative concrète à la politique anti-écologique du gouvernement Legault.

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Les groupes demandent au gouvernement d’interrompre le projet et de refuser son financement

6 février 2024, par Gilles Provost, Ginette Charbonneau, Ralliement contre la pollution radioactive — , ,
Des groupes de citoyens de l'Ontario et du Québec soutiennent que certains déchets destinés à une gigantesque décharge de déchets radioactifs, près de la rivière des Outaouais, (…)

Des groupes de citoyens de l'Ontario et du Québec soutiennent que certains déchets destinés à une gigantesque décharge de déchets radioactifs, près de la rivière des Outaouais, devraient être enfouis en profondeur.

Ottawa, le 5 février 2024 — Des groupes de citoyens ont lancé un avertissement urgent au sujet des déchets radioactifs qui seraient enfouis dans une gigantesque décharge sur une colline, à 1 km de la rivière des Outaouais en amont d'Ottawa, Gatineau et Montréal. Ces groupes citent des experts dans le domaine du nucléaire qui affirment que certains déchets seront fortement radioactifs pendant des milliers d'années et que nous devons les enfouir en profondeur pour protéger la population.

La Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) a approuvé récemment cette déchargé haute comme un édifice de sept étages, connue sous le nom d'Installation de gestion des déchets près de la surface (IGDPS).

En 2017, le rapport d'un <https:/www.canada.ca/fr/services/e...>'>comité d'experts a mentionné les perceptions selon lesquelles la CCSN est en relation trop étroite avec <https:/concernedcitizens.net/2021/...>'>l'industrie nucléaire et qu'elle promeut des projets qu'elle devrait réglementer.

Si elle était construite, l'IGDPS contiendrait plus d'un million de tonnes de déchets radioactifs et d'autres déchets dangereux résultant de 80 ans d'exploitation des Laboratoires de Chalk River ; cette installation de recherche nucléaire contaminée appartient au <https:/ottawacitizen.com/news/chal...>'>gouvernement fédéral. Des déchets <https:/concernedcitizens.net/2022/...>'>radioactifs commerciaux et provenant d'autres sites du gouvernement fédéral y <https:/concernedcitizens.net/2020/...>'>seront placés.

L'IGDPS est sur le site des Laboratoires nucléaires canadiens (LNC), à 180 km au nord-ouest d'Ottawa, sur la rivière des Outaouais, juste en face de la province de Québec. Des études démontrent que cette décharge de déchets aura des <https:/concernedcitizens.net/2021/...>'>fuites radioactives pendant son exploitation et qu'elle s'effondrera après quelques <https:/concernedcitizens.net/2020/...>'>centaines d'années à cause de l'érosion. Cela contaminera la rivière des Outaouais, source d'eau potable de millions de Canadiens.

Concerned Citizens of Renfrew County and Area, l'Association des propriétaires de chalets d'Old Fort William, le Ralliement contre la pollution radioactive et le Regroupement pour la surveillance du nucléaire figurent parmi les nombreux organismes qui critiquent depuis 2016 la conception de cette décharge géante de déchets radioactifs. Selon eux, l'information est trop vague concernant les déchets destinés à l'IGDPS même si la Commission de sureté nucléaire et les Laboratoires nucléaires canadiens ont affirmé à plusieurs reprises que seulement des déchets radioactifs de faible activité y seront placés.

" Les installations de gestion des déchets près de la surface ne conviennent pas aux déchets radioactifs de moyenne activité qu'on voulait y mettre au début, "déclare Ginette Charbonneau du Ralliement contre la pollution radioactive. " À la suite des protestations du public, les promoteurs du projet disent maintenant que l'IGDPS n'acceptera que des déchets de faible activité. Malheureusement, ce n'est pas crédible. Il est très difficile de séparer des déchets de faible activité et de moyenne activité qui ont été stockés ensemble dans des colis non marqués. Il est donc inévitable qu'il y ait encore des déchets de moyenne activité dans cette décharge en surface. C'est très dangereux ".

Johanna Echlin de l'Association des propriétaires de chalets d'Old Fort William (Québec) mentionne que l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) est l'organisme responsable de la sûreté et de la sécurité nucléaires au niveau mondial. Selon l'AIEA, les <https:/concernedcitizens.net/2022/...>'>déchets hérités par les Laboratoires de Chalk River sont de "moyenne activité " et ils devraient être enfouis à des dizaines ou des centaines de mètres sous terre.

Les groupes de citoyens citent également les déclarations de James R. Walker (Ph.D), un ancien cadre supérieur responsable des déchets radioactifs hérités des Laboratoires de Chalk River. M. Walker énonce clairement dans ses commentaires à<https:/concernedcitizens.net/2019/...>'>la CCSN que certains déchets destinés à l'IGDPS sont des " déchets de moyenne activité " qui nécessitent plutôt un stockage souterrain. Il affirme que la décharge serait dangereusement radioactive pendant des milliers d'années et que les radiations provenant de l'installation dépasseraient les niveaux autorisés.

" Le Cabinet et le Parlement ont le pouvoir et le devoir de renverser cette décision le plus tôt possible ", déclare Lynn Jones de Concerned Citizens of Renfrew County and Area. " Il est clair que les actionnaires d'Atkins Realis (anciennement SNC-Lavalin), de Fluor et de Jacobs seront les seuls à bénéficier du projet d'IGDPS. Tous les autres n'en tireraient que des problèmes : pollution de la rivière des Outaouais, risques sanitaires accrus, coûts de nettoyage astronomiques et une grande tache noire sur la réputation internationale du Canada ".

Dans une lettre envoyée <https:/concernedcitizens.net/2024/...>'>le 5 février aux élus et aux responsables locaux, les groupes de citoyens demandent au gouvernement canadien de stopper ce projet et de couper son financement. Les études menées par le promoteur lui-même<https:/concernedcitizens.net/2024/...>'>démontrent clairement que les déchets destinés à l'IGDPS sont fortement contaminés par de grandes quantités de substances radioactives de très longue durée de vie provenant des réacteurs nucléaires, expliquent-ils dans leur lettre. Ces déchets pourraient provoquer des cancers, des malformations congénitales et des mutations génétiques chez les populations exposées.

Le Canada devrait s'engager à construire des installations de gestion des déchets radioactifs <https:/concernedcitizens.net/2022/...>'>de classe mondiale, afin de garantir la sécurité des Canadiens et de créer de bons emplois dans l'industrie nucléaire, tout en gérant les déchets de manière sûre pour les générations futures, disent ces groupes de citoyens.

Le coût de la dépollution du site des Laboratoires de Chalk River a été estimé à <https:/concernedcitizens.net/2020/...>'>8 milliards de dollars lorsque le site a été confié au secteur privé par le gouvernement Harper en 2015. Le consortium multinational appelé "Canadian National Energy Alliance "**, dirigé par SNC-Lavalin (aujourd'hui appelé Atkins Realis), a remporté le contrat de plusieurs milliards de dollars pour gérer et nettoyer "rapidement et à moindre coût" le site de Chalk River et d'autres sites fédéraux. Depuis que le consortium a pris le relais, les contribuables canadiens ont vu le coût d'exploitation des Laboratoires nucléaires canadiens (autrefois les Laboratoires de Chalk River) gonfler de 336 millions de dollars par an à plus de 1,5 milliard de dollars par année.

  • **Le consortium connu sous le nom de Canadian National Energy Alliance est composé d'Atkins Realis (anciennement SNC-Lavalin), qui a été radié par la <https:/www.worldbank.org/en/news/p...>'>Banque mondiale pendant 10 anset qui a fait l'objet d'accusations de fraude, de pots-de-vin <https://www.bennettjones.com/layout...>'>et de corruption au Canada. La société texane Fluor Corporation a payé 4 millions de dollars pour mettre fin à des allégations de<https:/www.justice.gov/opa/pr/texa...>'>fraude financièreliées à des travaux de nettoyage de déchets radioactifs sur un site américain ; et la société texane Jacobs Engineering, qui a récemment acquis CH2M, un membre initial du consortium, a accepté de payer 18,5 millions de dollars pour mettre fin à des<https:/www.justice.gov/opa/pr/ch2m...>'>accusations criminelles fédérales sur un site de nettoyage de déchets radioactifs aux États-Unis.

Ginette Charbonneau, physicienne et porte-parole du Ralliement contre la pollution radioactive

Gilles Provost, porte-parole du Ralliement contre la pollution radioactive

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Pour une écologie sociale du capitalisme avancé

6 février 2024, par Eric Pineault — , , ,
Éric Pineault Professeur au Département de sociologie der et membre de l'Institut des sciences de l'environnement tiré de FRACTURES, vol.2 no. 9 | Le Bulletin des membres (…)

Éric Pineault Professeur au Département de sociologie der et membre de l'Institut des sciences de l'environnement

tiré de FRACTURES, vol.2 no. 9 | Le Bulletin des membres de l'IRIS

Quatre-vingt-douze gigatonnes. C'est la quantité de matière qui a été globalement extraite sur la planète en 2o17. Environ la moitié de cette masse (44Gt) était constituée de minéraux non métalliques-sable, gravier, calcaire et autres, dont l'essentiel a été transformé en béton-, une autre partie de ces 44 Gt a servi de remblai et le reste a été dissipé sous forme d'engrais essentiels à l'agriculture industrielle ou bien façonné en pro¬duits de verre jetables (recyclables). La biomasse issue du vivant représente le quart (24 Gt sur 92 G) de l'extraction globale. En tant que flux de matière, elle circule dans les sociétés sous la forme de denrées alimentaires et d'aliments pour animaux, est également brûlée comme combustible ou finalement accu¬mulée dans les bâtiments sous la forme de bois et de ses déri¬vés ligneux. Les combustibles fossiles, qu'ils alimentent des machines ou qu'ils soient transformés en plastiques à usage unique, représentent 15 Gt sur 92. L'extraction mondiale de métaux ajoute 9 Gt de matière à ce flux de masse.

Quatre-vingt-douze gigatonnes en 2o17, certainement plus aujourd'hui en 2023, tandis qu'en 1970, le flux extractif mondial s'élevait à 27 gigatonnes. La masse de matière que les sociétés et leurs économies ont arrachée à la terre et mise en mouvement a été multipliée par 3,4 en un peu moins d'un demi-siècle. Une croissance exponentielle qui est l'incarnation matérielle de l'accumulation capitaliste et de sa croissance éco¬nomique. Pour mettre ces chiffres en perspective, on estime à 118 gigatonnes la quantité de matière fixée par la photosynthèse dans les écosystèmes terrestres grâce à l'énergie du soleil etau travail biologique des plantes. Ces flux massifs rivalisent ainsi en ampleur avec ceux qui assurent l'épanouissement de tous les êtres vivants terrestres de notre planète. Leurs effets négatifs sur les écosystèmes et les grands cycles biogéochimiques de la planète sont tout aussi imposants.

Une fois extraite par les processus économiques, cette matière sera soit accumulée sous la forme de stocks biophy-siques (bâtiments, ouvrages, infrastructures, machines et cossins) ou bien elle fera l'objet d'un usage rapide plus ou moins dissipatif (pensons au sel de déglaçage, aux canettes d'aluminium et aux ustensiles en bambou). Dans tous les cas, la matière extraite se dirige inexorablement vers son point de dissipation final où elle deviendra -à des vitesses distinctes - déchets, résidus ou émissions. Car même la matière accumulée et façonnée en artefacts durables tels que les machines, bâti¬ments, barrages ou autoroutes n'est pas immuable ; elle finira, elle aussi, par se dissiper sous la forme de déchets. Par contre, pendant leur existence, ces stocks durables commandent par leur usage certains flux de matière, et cela renforce encore la dépendance à long terme du processus économique à l'égard de l'extraction et de la dissipation de masse.

Extraction et dissipation sociale sont les interfaces et fron¬tières entre l'économie saisie dans sa matérialité et l'environ-nement naturel. De pan et d'autre de la frontière extractive et dissipative, la nature est réduite à sa fonction de source de matière première ou de puits absorbant les déchets et résidus de la société. Ce sont tout le long de ces frontières qu'émergent les contradictions écologiques des économies capitalistes et de leur croissance.

C'est pour comprendre cette matérialité de l'économie capitaliste, son métabolisme social, que je me suis lancé dans la recherche qui a mené à l'écriture du livre The social ecology of capi¬tal. L'écologie sociale étudie le flux de matière que mobilisent et transforment les sociétés pour assurer leur reproduction maté¬rielle. Par le biais de l'analyse du métabolisme. des sociétés, elle s'intéresse à la composition et au volume de l'extraction de matière, aux conditions écologiques et sociales de l'extraction, aux transformations entropiques que subit cette matière dans le cadre des relations de production et de consommation, aux modalités qui régulent sa dissipation sociale sous la forme de déchets et d'émissions. Du point de vue de l'écologie sociale, l'économie capitaliste repose ainsi sur quatre relations méta-boliques fondamentales. À côté des relations de production et de consommation, qui sont les structures classiques qu'analyse l'économie politique, s'ajoutent les relations sociales d'extrac¬tion et de dissipation, relations métaboliques qui encadrent et déterminent le processus économique du capitalisme et son écologie.

Pour l'écologie sociale, la matérialité du processus économique du capitalisme repose sur quatre moments uccessifs organisés en un flux linéaire : extraction- production - consommation - dissipation.

L'écologie sociale s'intéresse également à la manière dont le capital s'accumule à chacun de ces points et à la façon dont il se fixe dans des artefacts (machines, ouvrages, infrastruc¬tures et bâtiments ayant de longs cycles d'amortissement qui engagent la société dans des flux extractifs et dissipatifs futurs. La dépendance vis-à-vis de l'extraction, de la circulation et de la dissipation de certaines matieres est ainsi capitalisée par les projets d'investissements des grandes entreprises privées. L'accumulation du capital au point d'extraction, par exemple, se traduit en résistance des entreprises d'énergies fossiles à la transition écologique. L'accumulation de capital au point de dissipation, par exemple dans un site d'enfouissement, un incinérateur ou une technologie de capture et de séquestra-tion de CO,, implique la même inertie matérielle. Pourquoi produire et consommer moins alors qu'il faut jeter plus pour rentabiliser ces sites du capital dissipatif ? Pour répondre à cette question, il faut examiner de près la logique économique des grandes entreprises multinationales qui contrôlent l'essentiel des flux biophysiques dans le capitalisme par le biais de stra¬tégies monopolistiques.

Le capitalisme avancé a été théorisé par une longue tradi¬tion d'économistes politiques radicaux. Les hétérodoxes tant marxistes que postkeynésiens le définissent comme un régime d'accumulation basé sur la surconsommation de ce que le capi¬tal surproduit. Dans cette économie, production de masse et consommation de masse sont couplées l'une à l'autre, stabili¬sant le système et soutenant la croissance économique à long terme. L'écologie sociale du capital et le tournant matérialiste écologique qu'elle propose s'appuient sur cette tradition en étudiant les moteurs métaboliques de la croissance et de l'ac¬cumulation ainsi que les conséquences et les contradictions écologiques que cette croissance implique. Elle souligne que s'il y production et consommation de masse, il y a également extraction de masse et dissipation de masse. Le livre se conclut sur la question de savoir comment sortir de l'engrenage de la croissance capitaliste dans lequel la plupart des sociétés sont prises aujourd'hui en examinant les voies alternatives que sont le socialisme et la croissance verte progressive. Il se ter¬mine par un appel à considérer sérieusement la décroissance socialiste comme la seule alternative viable à l'effondrement socioécologique.

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Le dernier conseil fédéral de la FNEEQ et notre deuxième front

6 février 2024, par Kaveh Boveiri — , ,
Si l'on entend fréquemment que le deuxième front (qui va au-delà du salaire et des conditions de travail) est ce qui caractérise la CSN, c'est a fortiori vrai de la Fédération (…)

Si l'on entend fréquemment que le deuxième front (qui va au-delà du salaire et des conditions de travail) est ce qui caractérise la CSN, c'est a fortiori vrai de la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ-CSN).

Kaveh Boveiri

Étant donné que l'ensemble des membres de cette fédération est l'un des composants principaux (scientifique, social, mais aussi politique) de la société québécoise, on prévoit que les enjeux de ce deuxième front soient considérés dans toutes les réunions, assemblées et conseils de la FNEEQ.

Cette caractéristique peut être également reconnue, sans difficulté, lors du Conseil fédéral de la FNEEQ qui a eu lieu du 31 janvier au 2 février Québec. Les discussions chaleureuses contre la privatisation du système de santé et le gouvernement caquiste, la loi PL15, l'accent donné à la manifestation contre les féminicides, n'en sont que quelques exemples. Dans ce texte, en revanche, nous soulignons quelques éléments relevés de ce conseil concernant le génocide actuel à Gaza.

Tandis que le gouvernement canadien, avec sondoute connu, hésite encore à exprimer une demande de cessez-le-feu, la FNEEQ trouve un tel acte absolument nécessaire.

Le conseil décide de se joindre à plus de 1000 organismes internationaux pour soutenir la demande de l'Afrique du Sud contre les actions d'Israël en reconnaissant ces actes comme un cas du génocide. Le gouvernement canadien n'a pas encore eu le courage d'un tel appui.

Non seulement le conseil apuie-t-il la signature d'une déclaration lancée par les syndicatspalestiniens contre l'apartheid exercé contre les de la part de la FNEEQ, mais il encourage tous ses syndicats affiliés de le faire.

De plus, malgré toutes les menaces que subit le mouvement du « Boycott, Désinvestissement, Sanctions » (BDS), non seulement la FNEEQ, en tant que membre fondateur de ce mouvement, ne recule pas sur sa position, mais il la réitère et invite tous ses syndicats affiliés à le faire.

Dans tous ces cas, et en gardant son esprit militant contre l'intimidation des membres de la FNEEQ, le Conseil insiste sur la nécessité de trouver une solution pacifique à la situation actuelle en Palestine en général et à Gaza en particulier, une solution qui vise l'autodétermination du peuple palestinien.

Tout cela montre comment un ensemble progressiste de la classe ouvrière se distancie des membres indifférents de la société, des associations moins soucieuses face aux enjeux du deuxième front, mais aussi, et ceci a une importance primordiale, se distingue des politiques des gouvernements québécois et canadien.

Avec cette détermination, nous pouvons espérer témoigner par une participation plus remarquable des membres de la FNEEQ avec son drapeau lors de manifestations pour la Palestine et au-delà de cela.

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Déclaration de Bea Bruske : Les syndicats du Canada dénoncent la PM de l’Alberta qui fait de la politique sur le dos des enfants, jeunes et adultes trans et d’identités de genre diverses

6 février 2024, par Congrès du travail du Canada (CTC) — , ,
Bea Bruske, présidente du Congrès du travail du Canada, a publié la déclaration suivante : « La première ministre Smith de l'Alberta a récemment annoncé une panoplie de (…)

Bea Bruske, présidente du Congrès du travail du Canada, a publié la déclaration suivante : « La première ministre Smith de l'Alberta a récemment annoncé une panoplie de nouvelles mesures qui porteraient atteinte à l'inclusion, au bien-être et à la sécurité de la population albertaine trans et d'identités de genre diverses.

Les élus politiques sont tenus de prendre des décisions fondées sur des preuves et sur la compassion, et les mesures proposées par Smith sont exactement à l'opposé, s'appuyant plutôt sur la désinformation et mettant en danger les enfants trans et queer.

La première ministre Smith se dit « profondément préoccupée » par les enfants et les jeunes trans et d'identités de genre diverses. Mais ses propositions ne sont rien d'autre qu'une tentative cynique de violer les droits de protection de la vie privée et de la sécurité des enfants queer et trans en Alberta.

Nous assistons à une hausse de la violence transphobe légiférée, à savoir, la montée des politiques et des lois dites « droits des parents » au Canada, et nous ne pouvons le tolérer.

Les syndicats du Canada ne peuvent tolérer les tactiques de Smith qui ne règlent pas les questions réelles au détriment des jeunes 2SLGBTQI+. Nous devons donner la priorité à la santé et au bien-être des jeunes 2SLGBTQI+ en rejetant les politiques transphobes.

Cette annonce s'ajoute à une série de décisions du gouvernement Smith qui ont nui aux Albertaines et aux Albertains, et ne fait rien pour régler les véritables crises auxquelles il est confronté. Les choix du gouvernement Smith ont aggravé, par exemple, la crise de l'abordabilité et ont fait grimper l'utilisation des banques alimentaires. Au moment où Smith perd le soutien des Albertains en général et des membres du PCU en particulier, elle s'inspire d'un programme dommageable du Parti conservateur pour essayer de se faire du capital politique.

Avec l'annonce de cette semaine, Smith est maintenant le troisième premier ministre provincial conservateur à utiliser les enfants trans comme pions politiques, et nous ne pouvons le tolérer. Les syndicats du Canada ne resteront pas les bras croisés alors que la première ministre Smith et d'autres leaders conservateurs font de la politique sur le dos des communautés trans et d'identités de genre diverses. Nous continuerons d'unir les travailleuses et travailleurs partout au pays et de travailler en toute solidarité avec les défenseurs de personnes 2SLGBTQI+ pour dénoncer ces politiques discriminatoires.

Nous ne pouvons pas accepter de nos gouvernements qu'ils prennent des décisions unilatéralement afin de faire valoir leurs intérêts ou d'utiliser les enfants comme un outil politique pour détourner l'attention du fait qu'ils ne font pas face aux véritables défis auxquels sont confrontés les travailleuses et travailleurs et leurs familles – comme la crise du coût de la vie. »

Lettre ouverte | Questions tendancieuses en consultation pré-budgétaire

6 février 2024, par Audrey Gosselin Pellerin, Émilie Charbonneau — , ,
Le ministre des Finances a lancé récemment le processus annuel de consultation entourant l'élaboration du prochain budget du Québec. C'est en mars prochain que sera dévoilé le (…)

Le ministre des Finances a lancé récemment le processus annuel de consultation entourant l'élaboration du prochain budget du Québec. C'est en mars prochain que sera dévoilé le fruit du travail du ministre Eric Girard, mais nous pouvons dès maintenant soulever d'importantes inquiétudes sur le processus de consultation lui-même.

Émilie Charbonneau est deuxième vice-présidente de l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) ; Audrey Gosselin Pellerin est organisatrice féministe politique du Réseau des Tables régionales de groupes de femmes du Québec. Elles cosignent 28 autres signataires membres de la Coalition Main rouge.*


Un fait saute aux yeux : le ministre sollicite les avis de ceux et celles qui ont de bonnes chances d'être d'accord avec lui. C'est ce qu'il a fait ces derniers mois en demandant les opinions, sous la forme de mémoires, d'un groupe restreint d'économistes. Parmi eux se trouvent bien entendu d'éminents chercheurs universitaires dont les travaux éclairent avec pertinence l'oeuvre de la planification budgétaire. Cependant, s'y trouvent aussi, de manière fort disproportionnée, des économistes associés à des institutions financières ou à des organismes de recherche dont les biais favorables à celles-ci sont manifestes.

Cela pourrait se comprendre et s'expliquer si, parallèlement, le ministre s'informait auprès de sources plus variées et représentatives, mais ce n'est pas le cas. Il semble se satisfaire d'un portrait partiel, fortement influencé par les intérêts des banques et du monde des affaires, et non d'un dialogue social digne de ce nom.

Par exemple, il est de plus en plus difficile de rencontrer le ministre, ou un membre de son équipe, dans le processus de consultation budgétaire. Aux demandes de rencontres provenant de groupes de la société civile, l'argument du manque de temps, forçant à restreindre la liste des organismes rencontrés pour l'élaboration du budget, arrive de plus en plus souvent, tel un jugement duquel on ne peut faire appel.

Pire, les consultations publiques sont résolument orientées, invariablement, pour confirmer les priorités gouvernementales. Ce n'est pas nouveau, les consultations accessibles sur la page Web du ministère n'ont jamais brillé par leur ouverture aux idées et aux débats. De surcroît, cette année, il n'est même plus possible de sortir du chemin tracé en utilisant, par exemple, une case « autres considérations » afin de faire entendre un son de cloche un brin discordant.

On nous demande, notamment, quelles devraient être les priorités du gouvernement lors du prochain budget. S'ensuivent sept réponses possibles, qui vont toutes dans le sens de ce que le gouvernement affirme déjà vouloir faire. On demande, par exemple, si Québec devrait réduire le fardeau fiscal des Québécois et des Québécoises. Impossible de répondre qu'au contraire, il devrait travailler à augmenter les contributions fiscales des plus riches et des entreprises. On nous offre aussi l'option d'améliorer le potentiel économique du Québec afin de relancer l'économie de manière durable, mais il est impossible de dire au ministre qu'une relance durable passe d'abord par une lutte contre les inégalités. Pourtant, plusieurs mesures fiscales progressives rapporteraient des milliards aux finances publiques…

Si le gouvernement a été élu pour gouverner, il n'a pas été élu pour faire fi des avis discordants aux siens. N'oublions pas que plus de la moitié des électeurs et des électrices n'ont pas voté pour la Coalition avenir Québec (CAQ) qui, pourtant, prétend gouverner en leur nom aujourd'hui. La moindre des choses serait de mettre en place des consultations dignes de ce nom, ne serait-ce que pour que la diversité des idées et des opinions puisse s'exprimer et être prise en compte.

Actuellement, le gouvernement ne se donne même pas la peine d'entendre tout le monde pour ensuite décider. Il écarte, dès le début, ceux et celles qui ne pensent pas comme lui.

*Ont cosigné cette lettre : Réjean Leclerc, président, FSSS-CSN ; Véronique Laflamme, porte-parole, FRAPRU ; Benoît Lacoursière, secrétaire général et trésorier, Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec – CSN ; Stéphanie Vallée, présidente, Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles ; Patricia Chartier, coordonnatrice, Coalition des Tables régionales d'organismes communautaires (CTROC) ; Patrick Bydal, vice-président à la vie politique, Fédération autonome de l'enseignement ; Christian Daigle, président général du Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ) ; Marie-Line Audet, directrice générale, Table nationale des corporations de développement communautaire (TNCDC) ; Vanessa Massie, présidente de L'R des centres de femmes du Québec ; Claude Vaillancourt, président, Attac-Québec ; Dominique Daigneault, présidente, Conseil central du Montréal métropolitain – CSN ; Marianita Hamel, co-coordonnatrice, Solidarité populaire Estrie ; Mariepier Dufour, directrice générale, Fédération des associations des familles monoparentales et recomposées du Québec ; Maud Provost, organisation communautaire, Réseau d'action des femmes en santé et services sociaux (RAFSSS) ; Steve Baird, organisateur communautaire, Front commun des personnes assistées sociales du Québec ; Marie-Christine Latte, coordonnatrice, Organisation populaire des droits sociaux ; Jean Trudelle, président, Debout pour l'école ; Marie-Andrée Painchaud-Mathieu, coordonnatrice, Regroupement intersectoriel des organismes communautaires de Montréal (RIOCM) ; Louis-Frédéric Verrault-Giroux, agent de mobilisation et de communication, TROVEP de Montréal ; Joanne Blais, directrice, Table de concertation du mouvement des femmes de la Mauricie (TCMFM) ; Marie-Eve Surprenant, coordonnatrice, Table de concertation de Laval en condition féminine ; Élise Landriault-Dupont, co-coordonnatrice aux volets vie associative et vie d'équipe, Regroupement des groupes de femmes de la région de la Capitale-Nationale – RGF-CN ; Karine Verreault, directrice générale, ROC 03 ; Joée Deschênes, agente de concertation, Table de concertation du mouvement des femmes Centre-du-Québec (TCMFCQ) ; Gisèle Dallaire, coordonnatrice de RÉCIF 02 ; Isabelle Thibault, co-coordonnatrice générale, Réseau des femmes des Laurentides ; Joanne Blais, directrice, Table de concertation du mouvement des femmes de la Mauricie (TCMFM) ; Martin Leclerc, représentant sociopolitique, Alliance des professeures et professeurs de Montréal (APPM).

La ruée minière au XXIe siècle : Enquête sur les métaux à l’ère de la transition

6 février 2024, par Editions de la rue Dorion — , ,
Une nouvelle ruée minière d'une ampleur inédite a commencé. Au nom de la lutte contre le réchauffement climatique, il faudrait produire en vingt ans autant de métaux qu'on en a (…)

Une nouvelle ruée minière d'une ampleur inédite a commencé. Au nom de la lutte contre le réchauffement climatique, il faudrait produire en vingt ans autant de métaux qu'on en a extrait au cours de toute l'histoire de l'humanité. Ruée sur le cuivre en Andalousie, extraction de cobalt au Maroc, guerre des ressources en Ukraine, cette enquête sur des sites miniers du monde entier révèle l'impasse et l'hypocrisie de cette transition extractiviste.

En analysant la nouvelle géopolitique minière, Celia Izoard met au jour un autre enjeu : répondre aux besoins en métaux colossaux du numérique, de l'aérospatiale ou de l'armement, dans un monde où les industries occidentales rivalisent avec les superpuissances des ressources que sont devenues la Chine et la Russie. Sous la bannière de la « civilisation », du « développement », la mine a joué un rôle structurant dans l'expansion du capitalisme. À l'ère de la « transition », comment dépasser ce régime minier auquel les élites ont suspendu notre destin ?

Celia Izoard est journaliste et philosophe, spécialiste des nouvelles technologies au travers de leurs impacts sociaux et écologiques. Elle est l'autrice de Merci de changer de métier. Lettre aux humains qui robotisent le monde (2021) et coautrice de La machine est ton seigneur et ton maître (2022). Elle a traduit 1984 de George Orwell (2019) et Le livre de la jungle insurgée d'Alpa Shah (2022). Tous ces livres sont publiés aux Éditions de la rue Dorion.

Cet ouvrage est le fruit d'une collaboration avec les Éditions du Seuil et paraît en France dans la collection « Écocène ».

Celia Izoard

344 pages

À paraitre le 5 février 2024

Format 14 x 19 cm

ISBN : 978-2-924834-52-7

Prix : 26.95 $

— - Format e-pub ---

ISBN : 978-2-924834-53-4

Prix : 19.99 $

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Miguel Urbán : « L’extrême droite se radicalise de plus en plus tandis que la gauche devient de plus en plus modérée »

6 février 2024, par Andrés Gil, Miguel Urbán — , ,
Miguel Urbán (Madrid, 1980) est membre du Parlement européen et leader d'Anticapitalistas. Il a participé à la fondation de Podemos il y a dix ans, après des années de (…)

Miguel Urbán (Madrid, 1980) est membre du Parlement européen et leader d'Anticapitalistas. Il a participé à la fondation de Podemos il y a dix ans, après des années de militantisme qui l'ont amené à s'impliquer dans des mobilisations contre des sommets internationaux tels que le G8 à Gênes, lorsque la police italienne a abattu le militant Carlo Giuliani en juillet 2001. Urbán, qui achève son deuxième mandat au Parlement européen, vient de publier Trumpismos (Verso Libros), un ouvrage dans lequel il analyse les différents phénomènes de l'extrême droite dans le monde.

28 janvier 2024 | tiré de Viento sur
https://vientosur.info/miguel-urban-la-extrema-derecha-crece-siendo-cada-vez-mas-radical-mientras-la-izquierda-es-cada-vez-mas-moderada/

On se demande souvent si nous vivons dans les années 1930, en raison de la façon dont les élites politiques et économiques conservatrices ouvrent la voie à l'extrême droite, alors qu'il y a une crise des systèmes libéraux. Dans quelle mesure sommes-nous dans une sorte de République de Weimar ?

Nous avons toujours du mal à penser le présent et l'avenir, et nous cherchons des parallèles. Depuis la crise de 2008 jusqu'à aujourd'hui, il y a eu non seulement une crise économique multidimensionnelle, avec certains éléments similaires à ce qu'a été le krach de 1929, mais aussi l'émergence de l'extrême droite. Et cela amène les gens à se demander si une sorte de réédition du néo-fascisme est possible.

Ces questions, légitimes, montrent l'incapacité de penser l'avenir, et c'est pourquoi nous devons penser en termes de passé. Bien sûr, il y a des parallèles. L'extrême droite actuelle reprend des éléments de mobilisation des passions comme le fascisme de l'entre-deux-guerres, mais ce que j'essaie de défendre dans le livre, c'est que nous ne sommes pas face à une sorte de réédition des fascismes de l'entre-deux-guerres, mais plutôt à quelque chose de nouveau.

Cela ne veut pas dire que c'est moins dangereux ou meilleur, mais que c'est nouveau. Et nous devons partir de ce qu'était l'analyse du fascisme pour analyser l'extrême droite actuelle ; Mais cela devrait être un point de départ et non un point d'arrivée.

Il y a un élément fondamental expliquant la brutalité du fascisme, c'est la Première Guerre mondiale, qui a construit toute une base militante d'ex-combattants, tant en Italie qu'en Allemagne et dans d'autres pays où le fascisme était très fort, comme c'est le cas en France.

Un autre élément fondamental est la montée du mouvement ouvrier. Les années 1920 ont été une période de révoltes, de révolutions. En Allemagne, nous avons l'échec de la révolution spartakiste, avec l'assassinat de Rosa Luxemburg ; nous avons la République hongroise des Soviets ; La révolution russe, bien sûr, qui conditionne que l'État libéral ne puisse pas mettre la classe ouvrière à genoux simplement en s'appuyant sur la coercition de l'État.

Et il y a ce qu'on appelle un État capitaliste d'urgence : les appareils répressifs de l'État ne suffisent pas à mettre fin à la montée du mouvement ouvrier et il faut mobiliser une partie de la population pour écraser les tentatives révolutionnaires.

À ce jour, nous n'avons pas ces révoltes. C'est vrai qu'en 2011, avec le 15 M [1], la Grèce et l'Amérique latine, on a pu voir certains exemples, mais ça ne peut s'identifier à la profondeur, au niveau de rupture des montées ouvrières des années 20 et 30 en Europe.

L'autre élément, c'est la rupture de la petite bourgeoisie, de la classe moyenne, de la classe qui a donné la subjectivité du fascisme dans l'entre-deux-guerres. C'est la classe moyenne, profondément effrayée, qui était surreprésentée. Nous trouvons ce parallèle dans la montée de l'extrême droite d'aujourd'hui et dans la montée du fascisme.

Mais il y a aussi une rupture fondamentale ici, et c'est que le fascisme avait besoin de construire des mécanismes de mobilisation de masse pour écraser la classe ouvrière. L'extrême droite d'aujourd'hui ne construit pas des mouvements de masse, mais des projets électoraux. L'extrême droite d'aujourd'hui n'entre pas dans nos quartiers parce qu'elle a un local, un groupe militant, mais par la télévision, par les téléphones portables.

Notre incapacité à regarder vers l'avenir nous pousse à chercher des parallèles. Il y en a, il y en a, mais il y a suffisamment de différences pour justifier que nous soyons confrontés à un phénomène nouveau dans un contexte évidemment différent.

Ce que l'extrême droite semble être capable de faire, c'est d'attirer les victimes de la mondialisation, du changement climatique. Ils ont une réponse à court terme qui n'est pas une solution au problème.

Comme dans les années 1930, la partie décisive de la mobilisation de cette extrême droite, c'est la classe moyenne, on pourrait dire la petite bourgeoisie. Une classe moyenne qui n'est même pas victime de la mondialisation, les victimes de la mondialisation se trouvent dans les pays du Sud. Il s'agirait d'une classe moyenne effrayée par un scénario d'appauvrissement possible, d'une vie plus difficile.

La situation économique a également été un catalyseur pour 15M.

Mais 15M était plutôt une rupture des promesses qui avaient été théoriquement données. De plus, c'était une question très générationnelle, ce n'était même pas tant l'étudiant universitaire que celui qui avait déjà fini, à qui on avait dit : « Tu étudies, tu as une carrière, tu auras un doctorat et tu auras un travail, une famille et un projet de vie ». Lorsque cette promesse n'est pas tenue, une explosion s'ensuit.

L'extrême droite s'empare de ces peurs qui ne se manifestent pas sous la forme d'une explosion sociale, comme les 15 millions de personnes qui descendent dans la rue, sur les places, qui participent à la politique, mais qui se produisent normalement avec des tremblements de terre électoraux.

Milei en est un magnifique exemple, il façonne l'agitation autour d'une révolte électorale, le vote protestataire. Et puis il ajoute d'autres choses, évidemment.

Contrairement aux fascismes classiques, qui proposent un avenir différent du capitalisme libéral, l'extrême droite ne propose pas un projet d'avenir, elle propose un retour au passé : nous ne sommes pas face à un mouvement révolutionnaire, mais à un mouvement réactionnaire. Pourquoi ? Parce qu'il se connecte très bien avec la crise du néolibéralisme.

Nous sommes incapables de penser à l'avenir. Et c'est la grande défaite de la gauche. Et face à l'incapacité de penser l'avenir, l'extrême droite propose un retour à un passé mythifié et irréalisable. Nous ne pouvons pas revenir en arrière. Et ça, cela débouche sur le négationnisme climatique, sur la promesse de vivre au moins comme nos parents...

Nous ne pouvons pas comprendre l'émergence d'un mouvement mondial comme celui de l'extrême droite sans comprendre que nous sommes confrontés à une crise mondiale du néolibéralisme en tant que tel et à son incapacité à penser l'avenir. Nous avons peur de ce qui nous attend, car la seule certitude que nous avons, c'est que nous allons vivre plus difficilement. Et ce que l'extrême droite vous dit, c'est : on peut revenir en arrière, c'est un projet réactionnaire de retour au passé, face à une crise politique et de gouvernance néolibérale.

Tout comme dans les années 1930, nous assistions à l'éclatement de l'Empire britannique en tant qu'empire hégémonique, nous assistons maintenant à l'éclatement de l'Empire américain en tant qu'empire hégémonique. Quel plus grand retour au passé que de rendre sa grandeur à l'Amérique. [2] ?

Dans le libellé de ce slogan, il est déjà reconnu qu'ils sont maintenant moins grands qu'auparavant.

Dans le moment réactionnaire dans lequel nous nous trouvons, le néolibéralisme a annulé l'avenir, et nous ne pensons qu'en termes de passé. Et cette peur de penser à l'avenir signifie que, pour la première fois, lorsque le prétendu ascenseur social qui n'a jamais existé est brisé, lorsque de plus en plus de capital s'accumule et qu'il y a plus d'inégalités, pour la première fois dans l'histoire, nous ne regardons pas vers le haut, mais vers le bas. Et c'est là que se construit l'extrême droite, à partir de ce regard vers le bas. Il ne s'agit pas de vivre mieux, c'est pas de sombrer, de ne pas d'être comme celui qui est en dessous de nous. Et sur cette peur que l'extrême-drote construit la logique de la guerre entre le dernier et l'avant-dernier, où cette classe moyenne n'aspire plus à être une classe moyenne supérieure, mais à ne pas être une classe ouvrière.

Et la classe ouvrière n'aspire pas à être le migrant qui nettoie les maisons. Et donc on va dans une logique terrible où l'extrême droite arrive à proposer une solution : on va revenir au passé, et s'il y a un problème de pénurie, alors expulsons les secteurs sociaux de la distribution des ressources rares. Et qui est expulsé ? Les secteurs les plus fragiles de la société. Ici, nous expulsons les Africains subsahariens, mais à Londres, ils expulsent les Espagnols, les Polonais, parce que c'est de cela qu'il s'agissait avec le Brexit, contre les Européens qui sont allés travailler à Londres et qui se sont disputé des ressources rares, du travail, des logements, des prestations sociales.

Face à cette logique, la gauche n'apporte pas de réponses. Questionner l'extrême droite, c'est s'interroger sur la nécessité de penser un avenir différent, dans lequel nous gérons la crise écologique, nous gérons la pénurie, où nous pouvons gérer collectivement afin de vivre une vie meilleure.

Oxfam a constaté que si les 99 personnes les plus riches du monde perdaient 99 % de leur richesse, elles seraient toujours les 99 personnes les plus riches du monde. C'est là que le bât blesse. Mais l'extrême droite est profondément fonctionnelle dans ce système néolibéral qui engendre les peurs mêmes auxquelles l'extrême droite est censée répondre. Et il y a l'effet Milei de manière très claire, qui nous fait regarder notre voisin subsaharien avant Amancio Ortega - [3].

Cela me rappelle le décret sur la dignité en Italie, un décret promu par le M5S [4] et approuvé par le gouvernement de coalition avec la Lega de Salvini, qui a été défendu par des gens de gauche dans un débat qui avait à voir avec la gestion de la pénurie. Et il y a aussi l'hypothétique succès que pourrait avoir le nouveau parti rouge-brun en Allemagne.

Le soi-disant mouvement rouge et blrun est le produit des défaites de la gauche. Lorsque vous adhérez au discours d'exclusion de l'extrême droite, vous perdez ou, pire, vous faites partie du problème. Les premiers à utiliser le Manifeste communiste furent les immigrés italiens, espagnols et polonais à Paris. Bien sûr, les premiers qui ont compris l'importance de ce que proposait le Manifeste communiste et ont compris qu'il n'était pas nécessaire d'opposer ceux d'en bas à ceux d'en bas, mais que ceux d'en bas devaient être opposés à ceux d'en haut. Les premiers à comprendre la force internationaliste des prolétaires du monde entier s'ils s'unissent. Il est intéressant de comprendre cette logique de ceux d'en bas contre ceux d'en haut comme antagonisme de classe.
Le bipartisme achète l'agenda politique de l'extrême droite, de la compétition, de la guerre entre le dernier et l'avant-dernier. N'oublions pas les politiques migratoires, par exemple la dernière loi de Macron en France, que Le Pen elle-même a considérée comme une victoire idéologique pour son parti. Une authentique lépénisation des esprits traverse les politiques migratoires de la moitié du monde. Et cela aussi est un produit de la défaite de la gauche. Et puis nous voyons des monstres qui ont commencé comme des rouges-bruns devenir juste des bruns.

Vous avez mentionné Milei à plusieurs reprises. L'autre jour, à Davos, il a prononcé un discours très favorable aux entreprises, au capitalisme, et il a dit que la menace de l'Occident est le socialisme et que tout le monde est collectiviste, sauf le sien.

Milei est une branche de l'anarcho-capitalisme, ce serait la branche des paléolibertariens qui combinent un élément profondément réactionnaire et conservateur que le Parti libertarien américain n'a pas. Et cela lui permet de se connecter avec certains éléments de la droite classique. Massa n'était pas un candidat de gauche, au mieux un candidat de centre-droit. Un politicien du système, tout comme Macri, tout comme Bullrich et le capitalisme argentin ait préféré une personne sans aucune sorte de capacité gouvernementale, une personne totalement imprévisible à une personne prévisible ce qui démontre la radicalisation de la droite.

Nous ne pouvons pas oublier qu'Esperanza Aguirre elle-même a demandé le vote pour lui, qu'Isabel Diaz Ayuso [5] a demandé le vote pour lui, que Mario Rajoy [6] a demandé de voter pour une personne comme Milei, qui parle de vendre vos organes comme un article commercial. C'est la radicalisation de la droite traditionnelle et la capacité de l'extrême droite à fixer l'ordre du jour à l'échelle internationale.

Thatcher a toujours dit que sa plus grande victoire était que Tony Blair ne voulait pas changer sa politique. L'autre jour, alors que Macron faisait passer la loi sur l'immigration la plus sauvage et la plus raciste de l'histoire de France avec les voix de Le Pen, Le Pen a parlé de victoire idéologique.

Nous assistons à une radicalisation de plus en plus grande vers la droite de manière brutale, et que la plus grande attaque contre les droits des réfugiés et des migrants va avoir lieu avec ce nouveau pacte migratoire qui a été approuvé avec la présidence espagnole du Conseil de l'UE, cédant au chantage, par exemple. La décision de Meloni de criminaliser les ONG qui recherchent et veulent sauver des réfugiés en Méditerranée illustre la capacité de l'extrême droite à fixer l'ordre du jour.

Ils construisent un climat politique où il est logique pour eux de gouverner. Y a-t-il eu des histoires au sujet du gouvernement de Meloni ?

Si l'on se reporte aux années 2000, lorsque Haider est arrivé au pouvoir pour la première fois en Autriche, avec le Parti populaire, il y a 11 pays européens qui ont protesté contre l'inclusion d'un parti d'extrême droite dans un gouvernement européen. Certains ont mêmeété jusqu'à protester diplomatiquement contre l'Autriche.

Avons-nous assisté à une sorte de protestation, à une sorte de rougissement pour avoir mis Vox (parti d'extrême-droite en Espagne) dans les gouvernements régionaux municipaux, parce que Meloni gouverne, parce que le PiS a gouverné en Pologne, parce que le parti de Haider, le FPÖ, a de nouveau gouverné avec le Parti populaire, qui est maintenant, soit dit en passant, la force dominante dans les sondages autrichiens ? Aucunr.

Cet élément de radicalisation vers la droite est l'une des grandes victoires de l'extrême droite. Le fait que tout le monde ait adhéré à son programme politique, auquel nous parlions de rouge et de brunisme, même une partie de la gauche s'exprimant dans ses propres termes.

Meloni [7] s'est rendue à Bruxelles dès son entrée en fonction, et Metsola [8] l'a accueillie avec des baisers et des câlins. Ensuite, elle a vu Weber [9] à plusieurs reprises, et il semblait que, puisqu'elle était alignée sur l'OTAN dans le conflit en Ukraine et qu'en même temps elle avait cessé d'avoir ce discours critique avec l'Union européenne, il lui suffisait de s'intégrer dans le tableau.

Peu importe vos politiques racistes tant que vous soutenez géopolitiquement la ligne des élites européennes. Tant que vous acceptez le cadre néolibéral de l'Union européenne, il n'y a pas de problème. En fait, il est curieux qu'après le Brexit, il y ait une vague d'euroscepticisme, mais l'extrême droite n'est plus eurosceptique, elle est euroréformiste. L'extrême droite a compris qu'elle ne voulait pas quitter un club dans lequel elle pouvait gouverner.

Ce que je propose dans le livre, ce n'est pas que l'extrême droite soit née avec Trump, mais que Trump lui donne une nouvelle dimension. La victoire aux États-Unis donne à l'extrême droite un élément de mimétisme, une portée mondiale, mais pas parce qu'elle veut être Trump, mais parce que Trump permet à Bolsonaro d'être Bolsonaro.

C'est là le grand élément du trumpisme, compris non pas comme un mouvement américain, mais comme un courant international dans lequel Ayuso s'inscrirait également dans cette logique trumpiste, où il y a un élément communicatif et discursif, où il y a des schémas communs dans la manière de communiquer autour de la provocation, des fake news, une série d'éléments communs qui construisent l'idiosyncrasie de ce mouvement diversifié qu'est le trumpisme. où il peut y avoir un paléolibertaire comme Milei, un néo-fasciste comme Meloni, un homme d'affaires comme Trump, un évangélique comme Bolsonaro ou un hindou comme Modi.

Le livre tente de faire valoir que nous sommes confrontés à une crise mondiale et à l'émergence d'une vague réactionnaire mondiale. Nous avons abordé la question de l'extrême droite indienne avec Modi. Et ce n'est pas anodin, car nous sommes déjà face au pays le plus peuplé du monde. Nous avons parlé d'Erdogan, de Netanyahou, nous avons parlé de Poutine... Nous parlons d'un certain nombre d'éléments qui sont communs.

Nous sommes dans un climat où la moindre étincelle peut mettre le feu au monde. Comprendre ce monde en flammes, essayer de le comprendre pour essayer de le changer, c'est ce que propose le livre, parce que le livre au final essaie de ne pas tomber simplement dans une logique académique rigoureuse d'analyse du monde, de l'extrême droite et du contexte, mais aussi de proposer des alternatives, de proposer quoi faire à partir de la modestie que ce livre ne va pas donner toutes les réponses.

Il y a une chose dont elle parle, qui a aussi à voir avec la bataille culturelle et la capacité à fixer l'ordre du jour, et comment cette bataille peut aussi être menée à gauche, comme le féminisme, la culture…

Il y a des expériences qui ne sont pas très connues des Espagnols, comme Rock Against Rascism, à l'époque de l'émergence du discours de haine d'extrême droite dans la musique anglaise, qui est liée à l'émergence de partis d'extrême droite très actifs dans les rues à la fin des années 70. Au début des années 80 en Angleterre, ils commençaient aussi à se connecter à une subjectivité de la jeunesse anglaise, ayant même certains succès électoraux locaux. Et comment se construit tout un mouvement culturel et politique qui se connecte à un mouvement antifasciste diversifié, qui construit un mouvement culturel et musical où il n'était plus cool d'être nazi, plus transgressif et alors que cela générait un rejet.

C'est très intéressant ce que les gens de SOS Racisme ont fait plus tard, qui l'ont aussi pratiqué au Portugal et à Toulouse avec Zebda.

Que peut-on faire d'autre pour surmonter ce bon sens de l'extrême droite ?

Nous avons plus de questions que de réponses, mais le premier élément est de bien analyser le phénomène, car cela déterminera nos tâches, et c'est ce que propose ce livre.

Si tout est fascisme, nous ferons des erreurs, nous banaliserons le fascisme. Si Ayuso est un fasciste... ce n'est pas la même chose que Social Home. Ce n'est pas la même chose et ils ne représentent pas la même chose. Et Vox [10] n'est pas la même chose qu'Aube dorée [11], et il ne peut pas être combattu de la même manière. Je ne pense pas que cette utilisation abusive du terme fasciste par la gauche nous apporte quoi que ce soit. Si nous pensions que le fascisme allait gagner dans notre pays, nous devions entrer dans la clandestinité. Une mauvaise analyse nous donne de mauvaises tâches.

Quelle est la solution de la gauche ? La gauche doit commencer à proposer de futures alternatives à la crise climatique, à la crise économique, à la crise du système capitaliste. Nous devons commencer à réfléchir à des alternatives post-capitalistes dans un scénario de crise et d'affrontements inter-impérialistes.

Si nous ne proposons pas d'alternative, une proposition pour l'avenir, il est normal que ce qui l'emporte soit une proposition du passé.

Un autre élément qui me semble fondamental est d'intégrer la logique de la distribution et des biens communs. Bien sûr, si l'on ne remet pas en cause le temple sacré de la propriété, si avec une crise pandémique qui a généré l'une des crises les plus fortes du capitalisme de ces dernières décennies, il n'a pas été possible de remettre en cause le droit de propriété des vaccins qui avaient été produits avec de l'argent public, c'est un signe d'une défaite politique, culturelle et idéologique de la gauche.

Cela ne serait pas arrivé dans les années 70, cela aurait été impossible. Dans les années 2000, Lula lui-même a ouvert des brevets pour, par exemple, lutter contre le sida.

Ou bien on commence à réfléchir à des alternatives écosocialistes à la crise écologique, on entre dans le temple de la propriété et on commence à parler de biens communs, de partage, de travailler moins pour travailler ensemble, de reconstruire les liens de classe et de communauté dans nos quartiers, de reconstruire le tissu social, de syndicalisme sur les lieux de travail, du syndicalisme social dans nos quartiers, ou tout passera par les téléphones portables.

Parce qu'en fin de compte, l'extrême droite s'est construite sur la peur de l'individualité. S'ils veulent que nous soyons seuls, ils devront nous trouver ensemble. C'est un slogan qu'il faut construire. Une grande partie de la victoire qui a marqué le début d'un cycle de contestation dans notre pays découle de cette construction où vous avez été expulsé seul dans votre maison et où vous avez trouvé vos voisins défendant votre maison et votre vie.

Les solidarités de classe et communautaires sont le meilleur antidote au virus de la haine de l'extrême droite, qui fomente la guerre entre le dernier et l'avant-dernier, le désignation des ennemis.

C'est un élément fondamental que d'arrêter de penser aux temps frénétiques d'une politique des médias sociaux pour revenir à un temps de politique humaine, de reconstruction du tissu où il faut comprendre que face à la défaite dans laquelle nous nous trouvons, les raccourcis électoraux ne sont pas valables.

C'est une question qui fait aussi partie de la défaite de la gauche, une gauche avec moins d'ancrage social que jamais, et qui fait confiance à tout pour gagner les élections et co-gouverner avec le Parti socialiste au lieu de commencer à réfléchir à la façon dont nous reconstruisons une société profondément atomisée et détruite et à la façon dont nous nous ancrons dans cette société. Comment s'insérer pour reconstruire un cycle qui remet en question ce qui se passe, qui nous permet de nous remettre de la défaite politique et idéologique dans laquelle nous nous trouvons.

Je dis toujours que nous ne nous sommes pas encore remis de la défaite d'Athènes, de Grèce, qui ne s'est pas encore remise, notamment parce qu'elle n'a pas tiré de leçons. Linera a dit que la gauche ne peut pas se modérer ; que nous ne sommes pas en période de modération et que la gauche doit se radicaliser.

J'ai toujours dit que les deux risques de Podemos étaient de se modérer et de se normaliser. Nous ne pouvons pas nous normaliser, nous ne pouvons pas être une offre électorale de plus du marché néolibéral et nous ne pouvons pas nous modérer et nous devons commencer à comprendre que les majorités sociales ne se construisent plus seulement à partir du centre, mais aussi à partir des marges, à l'extérieur du système.

L'une des grandes lectures de Milei est qu'il n'a pas construit une majorité en se modérant lui-même ou en se déplaçant du centre. C'est tout le contraire. Trump, Bolsonaro, Le Pen... L'extrême droite grandit avec un projet de plus en plus radical et nous devenons de plus en plus modérés ; de plus en plus internationalistes et nous nous devenons de moins en moins internationalistes. Eh bien, peut-être qu'il y a aussi une recette à ce niveau.

23J [12] a été vécu comme un triomphe parce qu'il a évité d'avoir Santiago Abascal [13] comme vice-président du gouvernement, par exemple, dans les urnes.

Le danger est qu'elles se transforment en défaites différées. Le fait que nous considérions 23J comme une victoire est le produit de notre défaite. Si nous ne faisons rien, si nous refaisons la même chose qui nous a permis d'être sur le point de perdre, la prochaine fois, nous perdrons sûrement.

Il y a des victoires qui peuvent être, si vous ne faites rien, des défaites différées. Le Pen a réussi à fixer l'agenda politique et à construire des victoires idéologiques, en étant systématiquement battue par ce front républicain qui a pratiquement fait disparaître la gauche française jusqu'à ce qu'elle soit sortie de la roulette du hamster dans laquelle ils nous avaient mis.

Le seul qui peut bénéficier de cette stratégie est le PSOE. S'il y a quelque chose à faire pour arrêter le fascisme, bien sûr, votons tous pour le PSOE. Pourquoi pas ? Si nous n'expliquons pas que nous ne voulons pas être la béquille sympathique du Parti socialiste, si nous voulons être quelque chose de plus qu'une béquille sympathique du système, ce que nous proposons, c'est que le système nous mène à l'abîme et que nous voulons rompre avec le système.

Si nous n'en parlons pas, ce qui se passe arrivera. En fait, je crois que l'extrême droite grandit aussi parce qu'on a toujours pensé que s'il y avait des troubles, si le capitalisme générait des troubles, bien sûr, qui allait les canaliser ? Et l'extrême droite démontre qu'à l'heure de l'agitation croissante, elle est capable de les gérer et de les canaliser, proposant même d'augmenter et d'accélérer les recettes qui génèrent ces troubles dans une logique de travestissement politique brutal.

L'une des personnes les plus riches des États-Unis se présente comme anti-establishment. C'est ça le trumpisme. Trump ressemble plus à Berlusconi qu'à Mussolini, c'est un fourre-tout.

En parlant de la radicalisation du discours. Nous voyons comment Netanyahou est un exemple, quand il a commencé en politique, il n'était pas sur les positions qu'il occupe maintenant.

Je ne pense pas qu'il ait jamais été pour la perspective des deux États. Et, en fait, le seul politicien sioniste qui a vraiment défendu la logique à deux États a été assassiné. Yitzhak Rabin a été assassiné par son peuple en tant que traître.

Mais ce gouvernement d'Israël est le plus ultra de l'histoire du pays.

Bien sûr, mais ne regardons pas Netanyahou, regardons les 70% de la société israélienne qui soutiennent le gouvernement Netanyahou. Pourquoi le soutiennent-ils ? Et comme plus rien ne scandalise la communauté internationale, parce que la logique était qu'Israël était la seule démocratie du Moyen-Orient et que les autres étaient des sauvages. Cette logique atavique, occidentale et profondément coloniale, quioublie qu'Israël est une colonie européenne au Moyen-Orient.

Cela a été brisé il y a longtemps. Beaucoup de gens ne savent pas qu'Israël n'a pas de constitution, le seul contrepoids qu'il a à l'exécutif est soi-disant la Cour suprême, une Cour suprême qui a été démantelée par Netanyahou lui-même.

Je parle du processus, de la façon dont le soi-disant illibéralisme est la phase la plus élevée du néolibéralisme, et de la façon dont le néolibéralisme a absorbé la démocratie libérale qui est une sorte de Frankenstein autoritaire avec des éléments formels de démocraties libérales, une démocratie où l'on vote, mais où il n'y a pas vraiment de séparation des pouvoirs où toute la logique libérale a été bannie.

Netanyahou est le rêve de l'extrême droite européenne. Il a réussi à construire un État ethnique : en 2018, il a approuvé que seuls les Juifs soient citoyens d'Israël. Personne au monde n'est allé aussi loin. Ni Milei, ni Bolsonaro, ni Trump, ni Orbán. Personne, pas même Poutine. C'est comme si nous décrétions maintenant que seule la religion catholique romaine est espagnole.

C'est ce que propose par exemple l'extrême droite en France avec la question de savoir ce que c'est que d'être français. L'extrême droite vit une névrose identitaire, on le voit aussi en Espagne avec Vox : seuls ceux qui ont une affiliation idéologique politique avec les prétendues valeurs espagnoles sont espagnols. Ainsi, le catalan n'est pas espagnol, mais pas plus que les féministes, les rouges, les migrant-e-s, etc. Une attribution idéologique est recherchée avec l'idée d'hispanité. Tout comme Le Pen remet en question le fait que les gens qui sont en France depuis cinq générations ne sont pas français, ils sont musulmans.

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[1] le mouvement des Indignés en Espagne

[2] le slogan de Trump -make America great again !

[3] riche homme d'affaires espagnol

[4] Le Mouvement 5 étoiles (en italien, Movimento 5 Stelle ou Cinque Stelle, M5S) est un parti politique italien fondé en 2009 par Beppe Grillo et Gianroberto ...

[5] présidente de la communauté de Madrid

[6] du Parti populaire espagnol

[7] Giorgia Meloni, qui avec son parti post-fasciste Fratelli d'Italia a remporté une victoire historique aux législatives italiennes du 25 septembre 2022

[8] Roberta Metsola est la présidente du Parlement européen

[9] Manfred Weber est membre de l'Union chrétienne-sociale en Bavière (CSU) et est a été élu au Parlement européen en 2004, puis réélu en 2009, 2014 et 2019

[10] parti d'extrême-droite espagnol

[11] parti d'extrême-droite grec, néo-nazi

[12] 23 juillet 2023, date de l'élection législative en Espagne

[13] chef du parti d'extrême droite Vox

Mois de l’histoire des Noirs : une programmation diversifiée et inspirante

6 février 2024, par Centrale des syndicats du Québec (CSQ) — , ,
Depuis 2007, février est officiellement le Mois de l'histoire des Noirs au Québec, un mois pendant lequel on souligne la contribution historique des communautés noires à la (…)

Depuis 2007, février est officiellement le Mois de l'histoire des Noirs au Québec, un mois pendant lequel on souligne la contribution historique des communautés noires à la société québécoise. Une foule d'activités sont organisées pour l'occasion.

Tiré de Ma CSQ cette semaine.

Au Québec, cela fait plus de 30 ans que la Table ronde du Mois de l'histoire des Noirs organise des activités permettant de découvrir la richesse et la diversité des communautés noires.

Le personnel qui travaille en petite enfance, en éducation (du primaire au secondaire, en passant par la formation générale des adultes) ou encore au cégep, peut trouver dans cette riche programmation de quoi l'inspirer pour intégrer cet évènement à sa pratique et ainsi éveiller les tout-petits, les élèves ainsi que les étudiantes et étudiants à des sujets touchant les communautés noires, leurs réussites et les défis qui leur sont propres, encore aujourd'hui.

Découvrez la programmation complète.

Petit historique de ce mois bien spécial

Le Mois de l'histoire des Noirs prend racine dans toute une mouvance de défense des droits civiques aux États-Unis, qui visait à combattre, par la recherche et l'éducation, le racisme et les préjugés de la société. Le rêve de son instigateur, le Dr Carter G. Woodson, était que l'histoire africaine et afro-américaine fasse l'objet d'un enseignement scolaire dans le respect de la diversité et empreint d'une sensibilité à son égard.

Ce noble objectif s'inscrit pile dans la mission et les valeurs de la CSQ !

Carter G. Woodson, père du mois de l’histoire des Noirs

6 février 2024, par Alain Saint Victor — , ,
L'historien afro-américain Carter G. Woodson est considéré comme le père du mois de l'histoire des Noirs. Pour comprendre pourquoi Carter Woodson a eu cette idée, il faut (…)

L'historien afro-américain Carter G. Woodson est considéré comme le père du mois de l'histoire des Noirs. Pour comprendre pourquoi Carter Woodson a eu cette idée, il faut comprendre le contexte historique de l'époque.

L'auteur est historien.

Après la guerre civile aux États-Unis qui a duré 4 ans (1861 à 1865), et qui a fait près de 600 000 morts, l'abolition de l'esclavage est proclamée partout au pays (le 13e amendement). 4 millions d'esclaves étaient devenus libres. La question était de savoir comment intégrer ces esclaves dans la société américaine. Rappelons que plusieurs personnalités politiques dont Lincoln lui-même (dans un premier temps) et organisations ne pensaient pas qu'il était possible d'intégrer les anciens esclaves dans la société.

Mais grâce au 14e amendement ratifié en 1868, ces anciens esclaves étaient devenus citoyens américains. Un programme a été mis sur pied pour les aider économiquement (leur donner une propriété, 40 acres et une mule) et politiquement (le droit de vote, etc.). Ce programme est appelé Reconstruction. Mais après l'assassinat du président Abraham Lincoln en 1865, ce programme a été graduellement démantelé, sous la présidence d'Andrew Johnson, pour finalement disparaître au début des années 1870.

À partir de cette décennie, le pays rentre dans une nouvelle période historique qu'on appelle Jim Crow. C'est une longue période qui dure à peu près 100 ans, au cours de laquelle, les Afro-Américains sont victimes d'un racisme extrêmement violent. Plus de 4 000 Noirs sont assassinés et lynchés. Dans plusieurs États du Sud, on leur enlève le droit de vote. Plusieurs entreprises, commerces, associations, organismes noirs sont détruits, réduisant à néant toute possibilité de fonder une base économique qui aurait pu permettre à la population afro-américaine de devenir prospère.

Dans les écoles, partout aux États-Unis, on apprenait que les Noirs n'avaient pas d'histoire, que les Noirs n'ont rien fait, qu'ils n'ont pas contribué au progrès de la société, etc. Beaucoup de gens pensaient que ces anciens esclaves ne pourront jamais intégrer la société, que ce serait mieux qu'ils retournent en Afrique ou s'installer dans un autre pays (Haïti a été l'un des pays visés. En fait plusieurs Noirs américains s'y sont installés à la fin du 19e siècle).

Carter Woodson est né à cette époque, plus précisément en 1875. Ses parents étaient d'anciens esclaves.

Il fait ses études secondaires à l'école Frederick Douglass. Il entre par la suite à l'université Lincoln et à l'université Chicago. Pour finir, il est admis à l'université Harvard où il décroche un doctorat en histoire (le 2e Noir qui obtient un doctorat dans cette université, après WEB Dubois).

En tant qu'historien, Woodson définit clairement son objectif. Il s'agit de faire connaitre l'histoire des Noirs aux États-Unis. En 1916, il crée une organisation, l'Association pour l'Étude de la Vie et de l'Histoire des Noirs. Il fonde au cours de la même année The Journal of Negro History, connu aujourd'hui (depuis 2001) sous le nom de The Journal of African American History.

En 1926, il propose la deuxième semaine du mois de février comme la semaine de l'histoire des Noirs, en hommage à Frederick Douglass et Abraham Lincoln qui sont nés en février.

En lançant cette idée en 1926, Woodson cherche à faire reconnaître la contribution des Noirs, leur existence en tant que citoyens. Et si l'on considère le contexte social dans lequel vivait l'historien, son idée était vraiment révolutionnaire, et même subversive. À l'époque le racisme biologique était à son apogée, des dizaines de Noirs étaient lynchés et assassinés chaque année, et cela impunément. Le Noir était perçu au mieux comme un sous-homme, au pire comme une bête qu'il fallait traquer et contrôler. Faire connaitre l'histoire d'une contribution sociale quelconque des Noirs était donc impensable à cette époque.

Pourtant, l'idée de Woodson d'observer une semaine pour signaler l'histoire des Noirs fut un succès instantané. Plusieurs organismes, enseignants et progressistes noirs et blancs mirent sur pied des groupes de discussion et essayèrent avec les moyens disponibles d'éduquer les gens sur la contribution historique des Noirs à la société. Les efforts de faire comprendre au public l'importance de cette contribution furent constants et assidus, et après des décennies de lutte, cela a finalement porté fruit. Il a fallu quand même attendre jusqu'en 1976 pour que le gouvernement américain reconnaisse la semaine de l'histoire des Noirs et d'adopter du même coup le mois de février comme le mois de l'histoire des Noirs. Quant au Canada, ce n'est qu'en 2008, grâce à une motion du premier sénateur noir Donald Oliver, que le mois de février fut adopté par le parlement canadien comme mois de l'histoire des Noirs.

Aujourd'hui, certains remettent en question la pertinence d'observer un mois de l'histoire des Noirs. Woodson, lui-même, pensait que l'adoption d'une semaine du mois de février pour souligner l'histoire des Noirs aux États-Unis serait temporaire, le temps nécessaire, que Woodson espérait un temps court, pour que cette histoire fasse partie de l'histoire officielle. Il est vrai que beaucoup de progrès ont été réalisés depuis 1926, mais il reste beaucoup à faire : ici au Canada et au Québec, l'image du perpétuel immigrant collée aux membres de la communauté noire, de l'étranger, même si plusieurs générations ont vu le jour sur le sol canadien et québécois montre qu'il est important de continuer la lutte, la lutte non seulement pour faire connaitre le parcours historique particulier des Noirs au Canada, mais aussi de faire comprendre que cette histoire fait partie, comme l'histoire d'autres communautés ethniques, de l'histoire canadienne et québécoise.

Quelques livres de Woodson (disponibles sur le net) :

The history of the Negro church (1921)

A century of Negro migration (1918)

The Mis-Education of the Negro (1933)

Valérie : « la prostitution fabrique des hommes sans empathie »

6 février 2024, par Valérie Pelletier — , ,
Valérie est Québécoise, militante féministe abolitionniste, chanteuse. À 43 ans, elle est l'exemple incarné de la femme qu'on a détruite et qui s'est relevée ; une femme partie (…)

Valérie est Québécoise, militante féministe abolitionniste, chanteuse. À 43 ans, elle est l'exemple incarné de la femme qu'on a détruite et qui s'est relevée ; une femme partie à la reconquête d'elle-même et qui en sort plus forte ; une personnalité attachante et joyeuse qui clôt ses conférences en chantant.

Choisi, pas choisi ? La prostitution, ce n'est pas une question de choix des femmes ; c'est une question d'aménagement de la sexualité des hommes. Que ce soit bien clair : subir des pénétrations à répétition est une violence. Ce n'est même plus un débat.

Aujourd'hui, je me sers de mon vécu pour comprendre le niveau systémique. Ce qui est intéressant dans mon histoire, c'est en quoi elle rencontre celle des autres.

J'ai été dans la prostitution de 16 à 23 ans. À 16 ans, j'étais dans l'idée du business, du corps outil. Pas besoin d'un gun (revolver – NDLR) sur la tempe pour y rester. J'étais dedans, je n'avais pas d'autre référence, je ne connaissais que les codes de l'industrie du sexe ; et personne n'était là pour me dire que je valais mieux que ça.

Quand j'étais dans les clubs, mon père était mon chauffeur. C'est lui qui m'y amenait. Je trouvais ça cool. Il ne me jugeait pas, il ne me prenait pas d'argent, il était ouvert d'esprit ! En fait, il avait été portier dans un club de danseuses et il était accro à la porno. Il cachait des magazines partout dans la maison, même dans la pièce où je jouais petite fille. Il était voleur, menteur, malhonnête. Il ne m'a jamais touchée mais il m'a fait intégrer tous ces codes. Je le détestais. Il est mort maintenant, c'est une délivrance.

À Montréal, il y a les clubs de danseuses nues où la prostitution s'exerce dans des cabines. Autour, il y a des miroirs partout, on vit dans le regard de l'autre, c'est très dissociant. Et on doit payer pour tout : le service du bar, les amendes, les tenues sexy, les préservatifs. On peut être mise à la porte n'importe quand, pour n'importe quoi. Il n'y a pas de salaire, on n'est pas rémunérée pour le spectacle de danseuse nue ; seulement pour ce qui se passe dans les cabines.

Une illusion de sécurité
La prostitution « indoor », c'est une illusion de sécurité. Ces clubs sont tenus par les mafias et les gangs de bikers qui sont des criminels et des trafiquants. Je me suis retrouvée dans une fusillade un soir. Quand ils voient que la police arrive, les gérants sortent vite des trucs des coffres. C'est le crime organisé, un univers sordide de gens délabrés qui font du blanchiment d'argent et trempent dans les machines à sous.

Ma stratégie de survie a été de ne pas prendre d'alcool ou de drogues. Je vivais en hyper vigilance, je ne buvais que mes bouteilles d'eau cachetée que je recapsulais et que je cachais sous ma chaise. Et comme mon père était dans le circuit, je n'ai pas eu de proxénète.

Je dansais nue, toujours cambrée, en talons hauts (aujourd'hui, je ne mets plus jamais de talons, c'est un acte militant). Face aux clients, je ne ressentais que du dégoût. Mais on ne peut pas se permettre de ressentir ces émotions-là. Pour tenir, il faut tout mettre à distance. J'avais mes rituels : les douches, mon autre nom… Je me suis abîmé le dos et j'ai hérité d'une sciatique qui revient tous les hivers. J'ai encore des douleurs, des migraines chroniques ; et une colite ulcéreuse, maladie inflammatoire auto-immune qu'ont beaucoup de survivantes.

À cause de mon psycho-traumatisme, des années après ma sortie, je me suis mise à prendre du cannabis tous les soirs. Je me sentais bien avec mais j'ai arrêté parce que je devenais passive. Du coup, les cauchemars sont revenus, ces labyrinthes où un prédateur me poursuit ; vingt ans après, je reste encore hantée pendant mon sommeil, c'est épuisant.

La prostitution, c'est dégradant ; dans une ruelle comme dans des draps en satin. On est un réceptacle dans lequel des hommes se vident. On est en risque d'être tuée ; bien plus que les policiers, les pompiers et les militaires. La pornographie, c'est pareil, cette prostitution filmée revendue un nombre infini de fois et qui formate les jeunes femmes pour leur dire ce qu'on attend d'elles : c'est l'érotisation de l'avilissement et des rapports de pouvoir. Il suffit de lire les forums de clients pour voir comment ils parlent de nous…

C'est quoi consentir dans la prostitution ? L'argent crée un biais ; le type te fait mal, tu laisses faire pour que ça finisse plus vite. Les prostituées, dont le « travail » est d'être perpétuellement sexuellement harcelables, sont les grandes oubliées de #metoo.

Ce que fabrique la prostitution, filmée ou pas, c'est des hommes stupides, compulsifs et sans empathie. On peut attendre quoi d'hommes qui se voient proposer dans les bordels allemands de participer à des gang bangs et d'acheter des femmes enceintes jusqu'au troisième trimestre ?

Une rupture de la pensée

Pour en sortir, le premier déclic pour moi, c'est quand un homme m'a proposé de l'argent dans ma propre vie, pas dans la prostitution ! Ce moment a fait un clash dans ma tête. Et il y a eu le jour où j'ai dit à mon père que j'avais reçu une bourse pour aller à l'université et que j'avais l'intention de m'inscrire en écologie. Au lieu de s'en réjouir, la seule chose qu'il a trouvée à dire, c'est « comment tu paieras ton loyer ? ». Pour moi, tout a basculé. J'étais bonne à livrer sexuellement aux hommes, pas à faire des études à l'université !

À partir de là, j'ai continué un moment mais le féminisme a orienté mes lectures. Comprendre le système a été guérisseur. J'ai pu identifier ce qui ne m'appartenait pas mais relevait de l'influence de mon père et de la société. Et il y a eu le travail de thérapie, et la question : comment j'ai pu me leurrer à ce point ?

Peu à peu, j'ai effectué une rupture de la pensée ; un changement de paradigme. Avant, je m'en voulais d'avoir accepté tout ça, j'avais honte, je me considérais comme ma propre abuseuse. Maintenant, je suis fière. Je dis la vérité aux gens. S'ils ne m'aiment pas à cause de ça, ils ne me méritent pas. C'est une clarification.

À la réflexion, j'ai découvert que cette industrie m'avait maintenue dans une position de mineure au niveau socio-économique. Mon père, qui a habité pendant 20 ans sur mon palier, gérait mes factures avec mon argent ; en ne m'apprenant pas comment faire, il me gardait sous emprise. Aujourd'hui, il n'y a plus que dans l'industrie du sexe qu'une femme dit à un homme « donne-moi mon argent ».

Je sais que c'est dur pour celles qui défendent l'industrie d'entendre ce que j'ai à dire ; elles qui militent aux côtés de leurs clients pour qu'ils gardent le droit de les acheter ! Elles me détestent, alors que moi j'ai envie de les prendre dans mes bras et de pleurer. Quand j'en entends une se réjouir que son compagnon ne voie pas d'inconvénient à ce qu'elle soit prostituée, je me dis qu'elle va sacrément lui en vouloir le jour où elle va arrêter ! Il me laissait faire ça, et il s'en fichait ? Elle aussi, elle risque de changer de paradigme…

Quand on est dans une réalité, on la défend. Des mineurs aussi ont défendu leur métier malgré l'amiante. Quand j'étais dedans, je me souviens avoir regardé les femmes « normales » de haut ; de m'être dit qu'elles, elles n'auraient pas été capables.

Franchement, nous dire que c'est un travail ! Mais dans quel travail c'est muqueuse contre muqueuse ? Échange de fluides corporels ? Dans tout métier, s'il y a muqueuse ou fluide corporel, ils sont mis à distance. Et, dans quel métier il faut payer pour travailler ? Je payais

100 dollars par soir pour avoir le droit de « danser ». Aujourd'hui, dans les vitrines belges, les femmes déboursent 250 € avant d'avoir fait un seul client ! On a vu ça où, un métier où, plus tu as d'expérience, plus tu dois baisser tes prix ? Où il n'y a ni protection ni avantages ? Où la seule promotion, c'est de devenir proxénète des autres ? Et est-ce qu'il y a d'autres métiers dont on invoque le droit « d'en sortir » ?

« Travailleuses du sexe », c'est un terme imposé par le lobby proxénète. Ce qu'elles appellent « compétences », marcher sur des talons de 15 cm, se dissocier pour résister à la violence qu'on leur impose, dans quel autre métier est-ce utile ? La dissociation, c'est un mécanisme de défense, pas une compétence professionnelle.

Militer, c'est prendre des risques

Aujourd'hui, je milite activement. Mais militer, c'est prendre des risques et se condamner à la précarité. Je commence à être connue au Québec et j'ai perdu des emplois à cause de ça. Notamment un, que j'adorais : je rendais visite à des femmes en milieu carcéral, c'était un travail d'accompagnement pour leur éviter de retomber dans l'exploitation sexuelle une fois purgée leur peine. Et un autre travail, auparavant, dans un organisme pour femmes, où des transactivistes m'ont accusée de transphobie parce que je défends le droit des femmes à des services qui leur soient réservés.

J'ai intenté des poursuites pour ce licenciement injuste, j'ai gagné et obtenu des excuses. Mais le mal était fait. Il faut savoir qu'au Québec, aujourd'hui, tout est queer. Depuis 2014, il suffit de s'auto-déclarer femme, sans chirurgie ni prise d'hormones, pour être considérée comme femme. Les femmes et les lesbiennes sont effacées et il est de plus en plus difficile de conserver des financements pour des organisations non mixtes. Une nouvelle fois, nous les femmes devons tout accepter.

Celles qui veulent s'engager aujourd'hui, je les encourage mais il faut qu'elles sachent que c'est difficile et qu'il faut savoir fixer ses limites.

Vers la troisième abolition ?

Au Québec, la politique privilégiée est celle de la réduction des méfaits. C'est prendre la question ici et maintenant, pas plus. Quand je questionne les travailleurs sociaux pour savoir s'ils demandent aux femmes en situation de prostitution si elles voudraient faire autre chose, ils répondent « oh non, ce serait un jugement de valeur ! » On n'a même plus l'exigence humaine élémentaire de ne pas être prostituable ! C'est surréaliste. Pour aider vraiment les femmes, il faut les reconnecter à leurs rêves, leur faire rencontrer des amis, organiser des activités, des sorties… Moi, je ne me sens en sécurité intellectuelle qu'avec des gens qui voient pour moi d'autres compétences que d'être prostituée.

En France, vous avez de l'avance avec les parcours de sortie prévus par la loi et avec les travaux de vos psychotraumatologues, comme Muriel Salmona. La psychotraumatologie n'est même pas un domaine d'étude au Québec ! Mais nous sommes meilleurs sur la réception des plaintes dans les commissariats.

Actuellement, au Canada, alors que la loi fédérale est abolitionniste, les villes continuent d'octroyer des permis d'exploitation au commerce du sexe et conservent le « zonage érotique » ancestral. Notre but à nous abolitionnistes n'est pas d'enlever leur gagne-pain aux femmes, mais de nous attaquer à ce proxénétisme.

Décriminaliser les personnes en situation de prostitution mais criminaliser les clients et les proxénètes est une révolution de la pensée. Pour moi, la prostitution sera la troisième abolition : après celle de l'esclavage et celle du travail des enfants, la sexualité libre de contrainte des femmes doit suivre.

Des rencontres, un réseau

Aujourd'hui, j'habite le même appartement qu'au temps où j'étais dans les clubs. Il y a toujours en bas un salon de massages érotiques et au coin un hôtel de passes. Beaucoup de femmes ont besoin de recommencer leur vie ailleurs ; j'ai choisi l'inverse. Je me suis dit que c'était mieux que ce soit moi qui change et que rester aiderait le quartier à monter de niveau.

Je n'aurais jamais imaginé avoir un jour la vie que j'ai aujourd'hui. Je me suis rendue à Glasgow à la conférence Filia, puis en France, à Nantes, Paris, Marseille. J'ai fait tellement de belles rencontres. Et je suis plein de femmes à la fois, militante abolitionniste, écologiste, chanteuse… J'ai autour de moi un réseau de survivantes incroyable. Je me sens pleine de joie de vivre.

Valérie Pelletier, 3 février 2024

Voir, Claudine Legardinier, https://mouvementdunid.org/prostitution-societe/temoignages/valerie-la-prostitution-fabrique-des-hommes-sans-empathie/

Version du texte, reprise de : https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/02/03/valerie-la-prostitution-fabrique-des-hommes-sans-empathie/

Empêchons l’assassinat de la culture palestinienne

6 février 2024, par Coalition d'artistes et de personnalités — , ,
« À travers les activités artistiques et les institutions culturelles, l'existence même du peuple est visée. » Après le saccage du célèbre « Théâtre de la Liberté » le 13 (…)

« À travers les activités artistiques et les institutions culturelles, l'existence même du peuple est visée. » Après le saccage du célèbre « Théâtre de la Liberté » le 13 décembre dernier par l'armée israélienne, un ensemble d'artistes et de personnalités dénonce cette stratégie d'effacement. « Massacrer l'enfance et la jeunesse, détruire les installations éducatives, abattre les porteurs de sa culture, c'est assassiner un peuple. »

30 janvier 2024 | Tiré du blogue de l'auteur.

Le « Théâtre de la Liberté » avait joué sans interruption et enseigné l'art dramatique dans les territoires occupés, en surmontant tous les obstacles et rayonnant partout dans le monde depuis sa fondation en 2006 au milieu du camp de réfugiés de Jénine par l'artiste israélo-palestinien Juliano Mer Khamis, assassiné en 2011.

Le 13 décembre dernier ses locaux ont été saccagés par l'armée, ses animateurs battus et incarcérés. À ce jour, le directeur général du théâtre Mustafa Sheta et son président Bilal Al-Saadi, sont toujours détenus sans motif.

Plus qu'un symbole, c'est une stratégie. À travers les activités artistiques et les institutions culturelles, l'existence même du peuple est visée.

Qu'est-ce qui fait qu'un peuple est un peuple ? demandait Jean-Jacques Rousseau dans un passage fameux du Contrat Social (1762). Cette question nous hante alors que nous assistons, horrifiés, à la destruction du peuple de Palestine écrasé sous les tonnes de bombes à Gaza, tiré à vue, battu, emprisonné en Cisjordanie par des colons et des soldats racistes à qui on a donné carte blanche, humilié et discriminé en Israël par des lois de ségrégation ethnico-religieuse…

Que fait donc le monde ?

À part l'Afrique du Sud qui vient de sauver l'honneur à La Haye et le Secrétaire Général des Nations-Unies qui crie dans le désert, les associations qui dénoncent la catastrophe humanitaire et tentent de faire passer un peu d'eau, de vivres et de médicaments, le monde attend, il justifie, il regarde ou il prête main forte, exerçant son veto par ci, livrant des munitions par là.

L'histoire jugera.

Un peuple, outre son nom, ce sont des hommes et des femmes de chair et d'os, des familles avec leurs vergers et leurs maisons, des enfants qui jouent et qui étudient, des ouvriers, des paysans, des travailleurs sociaux et des intellectuels, des soignants et des artistes. Mais c'est aussi une culture active, enrichie d'expériences heureuses ou malheureuses, transmise de génération en génération, qui fait l'idée qu'il a de lui-même et son unité sous l'oppression.

Et ce sont toutes les institutions qui font vivre cette culture : écoles, universités, théâtres, journaux, associations, lieux de culte ou de sociabilité. C'est tout cela qu'Israël, lancé par ses dirigeants dans une guerre d'extermination et de vengeance qui n'observe aucune limite et ne respecte plus aucune loi, a entrepris de détruire.

Au-delà de la « seconde Naqba » déjà programmée par de hauts responsables civils et militaires, il faut que, cette fois et pour de bon, le peuple palestinien soit décimé, décomposé, exclu de sa propre terre, de sa propre histoire. Que ses capacités de résistance soient anéanties.

Il n'est pas sûr que, malgré sa violence et son surarmement, le colonialisme israélien ainsi déchaîné parvienne à ses fins, tant les Palestiniens ont historiquement fait la preuve de leur solidarité et de leur volonté de survivre en tant, précisément, que peuple.

Mais les ravages causés par cette guerre d'extermination du fort contre le faible, déjà effroyables, deviendront irréparables si rien n'est fait pour les arrêter. Il faudra des décennies pour les compenser, ne serait-ce qu'en partie. Et le traumatisme qu'ils sont en train de causer ne s'effacera plus jamais. Il portera de nouvelles violences.

Car Israël a parfaitement compris, et de longue date, que son projet d'expropriation exigeait non seulement de tuer et de réprimer, mais de démanteler et d'effacer du paysage toutes les institutions qui confèrent au peuple palestinien sa propre identité et permettent de la préserver.

Il y a une cohérence sinistre entre le fait que, comme à Gaza, les enfants soient massacrés par milliers, ou, comme en Cisjordanie, les adolescents ciblés par les tueurs et emprisonnés au moindre geste (voire sans aucun geste), et le fait que la dernière université de la bande côtière, dite islamique et reconnue pour la qualité de ses enseignants et de ses chercheurs, soit rasée au sol. Ou que les tirs de missiles guidés par Intelligence Artificielle aient déjà éliminé par prédilection des dizaines de journalistes et d'écrivain.es (comme le poète Nour el-Din Haggag, dont on aura pu lire la déchirante Lettre d'adieu au monde). Ou que sous des prétextes juridiques fabriqués en vue de l'extension des colonies, les écoles de Palestine occupée soient détruites au bulldozer à peine sorties de terre, comme hier à Musafer Yatta (Hébron) et à Jib Al-Theeb (Bethleem) malencontreusement située en « zone de tir ». Et ainsi de suite.

Massacrer l'enfance et la jeunesse, détruire les installations éducatives, abattre les artisans de sa culture, c'est assassiner un peuple. C'est le crime contre l'humanité par excellence, que nous, les « civilisés », nous étions engagés solennellement à prévenir et à réprimer.

C'est à quoi nous assistons depuis des décennies en Palestine, et qui sous nos yeux, vient de s'accélérer dramatiquement.

Les Palestiniens appellent à l'aide, avec fierté, avec désespoir, avec colère.

Nous sommes comptables devant eux et devant le monde de nos actions et de notre inaction. Nos dirigeants, qui ne voient jamais qu'un seul côté des violences commises, et ne cessent d'osciller honteusement entre le soutien aux assassins et des remontrances humanitaires purement symboliques, doivent impérativement revenir aux exigences du droit international.

Ils doivent agir et s'exprimer pour que, au moins, le crime soit nommé et condamné. Eux aussi seront comptables.

Signataires

Les Amis du Théâtre de la Liberté de Jénine (ATL Jénine) avec : Étienne Balibar, Sonia Fayman, Julio Laks, Sophie Mayoux, Danièle Touati, Aline Bacchet,

ainsi que :

Ahmed Abbes, mathématicien
Tony Abdo Hanna, auteur
Raed Andoni, cinéaste
Cynthia Arra, collaboratrice à la direction d'acteurs
Kader Attia, artiste plasticien
Jean-Luc Bansard, comédien, metteur en scène
Marcos Barrientos, musicien
Julián Bastias, écrivain
Philippe Bazin, artiste
Nicolas Becker, Musicien & sound designer
Annie Benveniste, sociologue
Stéphane Bérard, artiste
Juliette Bialek, comédienne
Simone Bitton, cinéaste
Catherine Blondeau, autrice et directrice de théâtre
Elsa Bouchain, comédienne
Nicolas Bouchaud, comédien
Seloua Luste Boulbina, philosophe et politiste
Thomas Brémond, Directeur de la photographie
Anne Cantineau, comédienne
Carolyn Carlson, chorégraphe
Laurent Cauwet, éditeur et auteur
Laurence Chable, comédienne
Leila Chahid, ancienne déléguée générale de la Palestine
Rebecca Chaillon, metteuse en scène, comédienne
Yves Chaudouët, artiste
Sarah Chaumette, comédienne
Séverine Chavrier, metteuse en scène
James Cohen, politologue
Patrick Condé, comédien
Yann Coquart, Auteur-Réalisateur
Sylvain Creuzevault, metteur en scène
Annie Cyngiser, sociologue
Jonathan Daitch, auteur, photographe
Marianne Dautrey, traductrice, critique, éditrice, cinéaste
Sonia Dayan-Herzbrun, sociologue
Virginie Despentes, autrice
Lena Dia, comédienne
Joss Dray, auteure, photographe
Valérie Dréville, comédienne
Karine Durance, attachée de presse cinéma
Ivar Ekeland, mathématicien, économiste
Mohammed El Khatib, auteur et metteur en scène
Annie Ernaux, autrice
Fantazio (Fabrice Denys), performeur
Alain Frappier, auteur dessinateur
Désirée Frappier, scénariste
Marine Gacem, scénariste
Nathalie Garraud, metteuse en scène
Brigitte Giraud, écrivaine
Julien Gosselin, metteur en scène
Dominique Grange, chanteuse engagée
Lucie Guien, comédienne
Alain Guiraudie, cinéaste
Didier Haboyan, musicien
Adèle Haenel, actrice
Hervé Hamon, écrivain
Arthur Harari, réalisateur
Berry Hayward, musicien
Daniel Jeanneteau, scénographe, metteur en scène
Hervé Joubert-Laurencin, cinéaste
Karim Kattan, écrivain
Miloud Khétib, comédien
Nicolas Klotz, cinéaste
Julie Kretzschmar, metteuse en scène, direction de structure culturelle
André Laks, helléniste
Guy Lavigerie, metteur en scène
Jean-Marc Lévy-Leblond, physicien
Hervé Loichemol, metteur en scène
Frédéric Lordon, philosophe, économiste
Michael Löwy, sociologue
Bernard Lubat, musicien
Joëlle Marelli, traductrice, poète, chercheuse indépendante
Maguy Marin, chorégraphe
Rosalía Martinez, musicologue
Audrey Maurion, monteuse et documentariste
Marie-José Mondzain, philosophe
Mathilde Monnier, chorégraphe
Gérard Mordillat, auteur, cinéaste
Edgar Morin, sociologue, philosophe
Daniel Navia, musicien
Olivier Neveux, professeur d'études théâtrales
Stanislas Nordey, acteur, metteur en scène
Marcelo Novais Teles, cinéaste
Annie Ohayon, productrice
Valérie Osouf, artiste visuelle et documentariste
Alexis Pelletier, poète
Macarena Peña, musicienne,
Patrick Penot, directeur de Sens Interdits
Elisabeth Perceval, cinéaste
Katia Petrowick, danseuse, comédienne
Dominique Pifarély, violoniste
Ernest Pignon-Ernest, plasticien
Jean-Marc Poli, musicien
Joël Pommerat, auteur, metteur en scène
Nathalie Quintane, poète
Jacques Rancière, philosophe
Robin Renucci, acteur et metteur en scène
Jane Roger, distributrice de films
Olivier Saccomano, auteur
Elias Sanbar, ancien ambassadeur de la Palestine
Blandine Savetier, metteuse en scène
Eyal Sivan, cinéaste
Makis Solomos, musicologue
Rosemary Standley, chanteuse
Frédéric Stochl, musicien
Tardi, dessinateur
Nadia Tazi, philosophe
Jean-Pierre Thorn, réalisateur
Véronique Timsit, dramaturge
Christine Tournadre, réalisatrice
Florence Tran, cinéaste
Isabelle Ungaro, réalisatrice
Eleni Varikas, politologue
Marie Vayssière, comédienne et metteuse en scène
Françoise Vergès, autrice
Gisèle Vienne, chorégraphe
Vanina Vignal, cinéaste
Zoé Wittock, cinéaste
Sergio Zamora, écrivain

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