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Le rôle du gouvernement canadien an Ayiti

25 octobre 2024, par Chantal Ismé — , ,
Ayiti s'embourbe dans un cycle de crises à répétition. Les services publics sont détruits, l'économie criminelle s'impose et bloque tout développement de l'économie nationale, (…)

Ayiti s'embourbe dans un cycle de crises à répétition. Les services publics sont détruits, l'économie criminelle s'impose et bloque tout développement de l'économie nationale, la pauvreté extrême s'approfondit, les élites sont incapables de résoudre les problèmes globaux par leurs propres moyens. Le Canada, sous le couvert de l'aide internationale, joue un rôle dans le maintien de l'occupation d'Ayiti.

Ces crises s'inscrivent aussi dans un contexte mondial caractérisé par l'internationalisation accentuée du capital et l'aggravation alarmante de la crise environnementale. La communauté internationale a une volonté plus ou moins affichée de renforcer l'occupation d'Ayiti pour consolider ses positions géopolitiques. Ces crises s'inscrivent aussi dans un contexte mondial caractérisé par l'internationalisation accentuée du capital et l'aggravation alarmante de la crise environnementale.

Le Canada, pour des raisons historiques, se voit lui-même et est vu par les membres du Core Groupe – un groupe consultatif regroupant les ambassadeurs de l'Allemagne, le Brésil, le Canada, l'Espagne, les États-Unis, la France et de l'Union européenne – comme l'entité idéale pour asseoir le dispositif adéquat.

Engagés à fond dans leur effort de guerre au Moyen-Orient et en Afrique, les États-Unis d'Amérique du Nord et l'Union européenne se sont relativement désengagés dans les Caraïbes, modifiant ainsi le rôle géostratégique de cette région. C'est précisément le vide laissé aujourd'hui dans la région par ces deux grands acteurs mondiaux que le Canada, membre à la fois du Commonwealth et de la Francophonie, essaie de combler, en jouant la carte de la coopération avec Ayiti, dont les liens sont particulièrement étroits du fait notamment de la présence massive d'Ayitien·nes au Québec.

L'aide canadienne est principalement orientée vers les ONG et parallèlement remet en question les capacités de l'État ayitien à en assurer la gestion. Pour bien comprendre cette dynamique, il importe de brosser un portrait historique des relations entre Ayiti et le Canada et faire un survol rapide de la situation actuelle.

Survol historique des relations canado-ayitiennes

Les premières relations diplomatiques entre Ayiti et le Canada datent de 1937 et vont s'officialiser en 1954. Elles se renforcent au fil des ans, notamment avec la présence significative de la diaspora ayitienne au Canada, en particulier au Québec.

Dès les années 30, le Canada devient une destination d'étude pour de nombreux étudiant·es ayitien·nes. L'immigration ayitienne au Canada se poursuit par vagues successives à partir des années 1960. Les premières cohortes sont constituées de militant·es politiques, d'intellectuel·les, d'artistes et professionnel·les poussé·es à l'exil par la dictature féroce de Duvalier. Dans les années 1970, ce sont des travailleur·euses et des ouvrier·ères qui fuient Ayiti pour venir s'installer au Canada à cause des politiques intenses d'ajustement structurel qui déstructurent l'économie ayitienne. Depuis, l'afflux de migrant·es ayitien·nes (avec ou sans papier) et de réfugié·es n'a cessé de croître ce, en dépit des difficultés auxquelles ils et elles sont confronté·es et des épreuves qu'ils et elles subissent.

Les relations entre Ayiti et le Canada se développent également à travers les organisations canadiennes qui œuvrent directement en Ayiti. La pénétration économique du Canada en Haïti s'accentue avec la présence d'hommes d'affaires et de compagnies canadiennes (Icart, 2007). Les intérêts d'entreprises canadiennes pour l'exploitation de gisements d'or et de cuivre sont connus. D'ailleurs, en 1997, deux conventions minières ont été signées (sanctionnées en 2005, un moratoire a été imposé en 2013 par le Sénat Ayitien) entre le gouvernement ayitien et deux sociétés minières, filiales de sociétés canadiennes basées à Montréal. Mais, les relations commerciales bilatérales entre Ayiti et le Canada sont peu significatives.

Rôle du Canada en Ayiti

Depuis 2004, le Canada joue un rôle actif et significatif dans la mise sous tutelle d'Ayiti et sa perte de souveraineté. Différentes missions dites de stabilisation et de maintien de la paix sont déployées en Ayiti depuis plus de 20 ans. Les Forces armées canadiennes et des forces policières civiles ont fait partie des Casques bleus des différentes missions de l'ONU en Ayiti. Le Canada préside le Groupe consultatif ad hoc du Conseil économique et social des Nations Unies sur Ayiti (ECOSOC-AHAG), sans oublier le rôle qu'il joue aussi auprès des instances internationales comme OEA et OIF. Créé en 1999, l'ECOSOC-AHAG a pour mission de faire des recommandations en vue d'une meilleure adéquation, cohérence, coordination et efficacité de l'assistance (aide) internationale à Ayiti. Cette structure est réactivée en novembre 2004 et depuis, le Canada en assure la présidence.

Ce groupe consultatif ad hoc sur Ayiti demande en juillet 2022 au Conseil de sécurité des Nations Unies l'extension du mandat du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) [1] , qui a pour mandat « appui à bonne gouvernance, stabilité, professionnalisation de la police, réduction de la violence communautaire et de la violence des gangs ». Ce mandat a été actualisé et sera en vigueur jusqu'en juillet 2023.

En outre, les fonds de développement canadiens sont principalement orientés vers la sécurité, ce qui se traduit par le renforcement de la police et d'autres organismes de justice pénale, faisant ainsi de la réforme de la police un objectif majeur de la politique étrangère du Canada. Pourtant, la réforme de la police a un côté sombre qui peut étendre la violence, la corruption et l'impact néfaste que les pratiques surannées de justice pénale peuvent avoir sur la cohésion communautaire.

À ce propos, Davis [2] explique comment le côté obscur qui accompagne l'imposition de transitions démocratiques préemballées se traduit souvent par la violence et la détérioration de l'État de droit. Il est notable que l'aide fournie par le Canada et les Nations Unies en Ayiti était basée sur la formation et la distribution de technologies aux membres de groupes paramilitaires qui ont comblé un vide de pouvoir après la destitution d'Aristide et qui sont devenus membres de la Police nationale d'Ayiti.

Ce nouveau rôle hégémonique du Canada se manifeste à travers sa participation et sa contribution à la constitution du Core Groupe. Le Canada, aujourd'hui, prend la direction des opérations sous la houlette de l'Oncle Sam.

Interventions directes dans les affaires internes

Aujourd'hui, Ayiti fait face à une « guerre de basse intensité », une guerre larvée liée à la manière dont les richesses vont être distribuées. Il ne s'agit pas d'une guerre conventionnelle, même si on est exposé à des formes d'agressions qui s'approchent et s'apparentent à une situation de guerre.

Le gouvernement canadien est de plus en plus à l'avant-scène et prend des initiatives claires de contrôle et de domination d'Ayiti. Il a soutenu différents gouvernements fantoches, décriés, illégitimes, illégaux ou inconstitutionnels, qui depuis 2010 renforcent la formation ou le renforcement de gangs criminalisés. Très peu a été dit sur les massacres, des centaines de kidnappings sur la population ruinant la classe moyenne, paupérisant davantage les classes populaires, semant le deuil et le désespoir dans les familles ; rien n'a été dit sur les répressions systématiques et sauvages de la police nationale formée aux bons soins des forces canadiennes sur les manifestant·es.

En résumé, les interventions canadiennes à ce jour ne visent qu'à encourager un ordre social d'apartheid dans lequel les classes populaires sont mises hors de la sphère de la prise des décisions politiques, économiques et sociales du pays en ignorant les solutions alternatives endogènes et en priorisant le statu quo.


[1] Le mandat a été établi par la résolution 2476 du Conseil de sécurité du 25 juin 2019 et déployé sous le Chapitre VI de la Charte des Nations Unies.

[2] D. Davis, « Undermining the Rule of Law : Democratization and the Dark Side of Police Reform in Mexico » Latin American Politics and Society, 48, no 1 (2006)

Chantal Ismé militante féministe et politique, membre de la Coalition Haïtienne au Canada contre la dictature en Haïti (CHCDDH).

Illustration : Elisabeth Doyon

Droit à l’assurance-chômage : le combat de tous et toutes

En septembre 2022 paraissait aux éditions Écosociété le livre Trouve-toi une job ! Petite histoire des luttes pour le droit à l'assurance-chômage. À bâbord ! s'est entretenu (…)

En septembre 2022 paraissait aux éditions Écosociété le livre Trouve-toi une job ! Petite histoire des luttes pour le droit à l'assurance-chômage. À bâbord ! s'est entretenu avec Jérémie Dhavernas, avocat du Mouvement Action-Chômage (MAC) et auteur de l'ouvrage. Propos recueillis par Viviana Melisa Isaza Lescano.

À bâbord ! : Qu'est-ce que le Mouvement Action-Chômage ?

Jérémie Dhavernas : Le MAC est un organisme communautaire issu de groupes populaires créés dans les années 70 qui défend les droits des sans-emploi. Le MAC offre des services de formation, d'accompagnement et de représentation juridique afin d'aider les sans-emploi à avoir accès à leur droit de prestations.

ÀB ! : Quelles sont les raisons qui ont convaincu le MAC de Montréal de faire la lumière sur l'histoire récente du chômage et sur la fragilité de cette maille du filet social ?

J. D. : Le MAC revendique l'amélioration et la sauvegarde du programme d'assurance-chômage qui est constamment menacé par les stéréotypes et les préjugés véhiculés par les gouvernements. Pour son 50e anniversaire, nous avons décidé de souligner son histoire et ses luttes contre les réformes du programme d'assurance-chômage et la propagande des gouvernements fédéraux dénigrant les chômeur·euses. En bref, ce discours dit : « un chômeur est un mauvais pauvre, un paresseux et un fraudeur ».

Depuis les années 70, le MAC défend des travailleur·euses qu'on tente d'exclure du régime à l'aide de la loi et de l'application de directives restreignantes, voire agressives, par les fonctionnaires. Il ne faut pas oublier que ces chômeur·euses ont déjà été à l'emploi et ont contribué à la caisse d'assurance-chômage destinée à les aider en cas de perte d'emploi. Ils n'ont pas à avoir honte.

ÀB ! : Comment ces préjugés et ces stéréotypes subsistent encore aujourd'hui ?

J. D. : La source première de cette dynamique est le programme d'assurance-chômage en lui-même. D'abord, le programme exclut dans une très grande majorité les travailleur·euses qui ont dû quitter leur emploi pour diverses raisons et ceux et celles qui ont été congédié·es pour une inconduite, sans égard au nombre d'années durant lesquelles ils et elles ont contribué à l'assurance-chômage.

La deuxième problématique est le traitement inquisitoire et culpabilisant réservé aux sans-emploi. Bien que les chômeur·euses remplissent les critères d'admissibilité, soit avoir un emploi assurable, avoir un arrêt de rémunération et avoir travaillé les heures demandées par le programme, on présumera de leur mauvaise foi, on remettra en doute leur volonté de se trouver un nouvel emploi et on croira davantage la version du patron lorsque la fin d'emploi est litigieuse. Tout ceci s'exprime par une pression sur les sans-emploi qui se traduit par : TROUVE-TOI UNE JOB !

ÀB ! : Le MAC réclame un programme social pour l'assurance-chômage avec « un minimum syndical ». Quel est ce minimum syndical ?

J. D. : Nous avons cinq revendications qui visent à améliorer la couverture des travailleur·euses par le programme d'assurance-chômage.

La première revendication concerne le nombre d'heures de travail nécessaires pour se qualifier au programme d'assurance-chômage. Ce nombre varie d'une région à l'autre, allant de 420 à 700 heures en fonction du taux de chômage de la région de résidence des travailleur·euses sans emploi. Par exemple, si deux travailleur·euses sont mises à pied du même poste, mais demeurent dans deux régions différentes, l'une pourrait toucher l'assurance-chômage alors que l'autre, non, simplement en raison de taux de chômage différents dans leur région respective. Le MAC réclame donc l'uniformisation du nombre d'heures de travail nécessaire pour avoir droit aux prestations et de le fixer à 350 heures dans la période de référence (la dernière année).

La deuxième revendication vise à bonifier la durée des prestations. Présentement, la durée des prestations est de 14 à 45 semaines, dépendamment du taux de chômage régional et des heures travaillées. Le MAC demande pour que les prestations universelles soient versées pendant 50 semaines.

La troisième revendication vise à assurer un taux de prestation à 70 % du salaire avec un plancher de 500 $ par semaine. Nous avons vu avec la pandémie que cette bonification est non seulement faisable, mais nécessaire. Selon Stephen Poloz, gouverneur de la Banque du Canada de 2013 à 2020, la Prestation canadienne d'urgence (PCU) à 500 $ par semaine a sauvé le Canada de la faillite, puisque notre programme d'assurance-chômage était extrêmement précaire.

La quatrième revendication est la fin des exclusions totales pour départ volontaire ou inconduite, afin de rétablir l'accès au programme pour les travailleur·euses dans ces situations.

La dernière revendication est de permettre l'accès aux prestations régulières en cas de situation de chômage sans égard aux prestations parentales reçues. La majorité du temps, ce problème survient lorsque les femmes perdent leur emploi durant ou immédiatement après leur congé de maternité. Au Québec, cette situation survient lorsque le parent touche près d'un an de prestations du Régime québécois d'assurance parentale (RQAP). Encore aujourd'hui, ce parent est presque toujours la mère. Ce sont donc les femmes qui se retrouvent sans protection contre le chômage lorsqu'elles ont le malheur de perdre leur emploi après être devenues parents. Le MAC a représenté six travailleuses dans cette situation devant le Tribunal de la sécurité sociale et a eu gain de cause en janvier 2022. La Commission de l'assurance-emploi du Canada a décidé de porter en appel cette décision, ratant une belle occasion de rendre le programme équitable et juste…

ÀB ! : Comment le programme d'assurance-chômage a-t-il désavantagé les femmes ?

J. D. : Le programme d'assurance-chômage a toujours été et demeure paternaliste. Par exemple, jusqu'en 1957, les épouses devaient respecter des critères supplémentaires pour toucher des prestations dans les deux ans suivant leur mariage, car on jugeait leur demande suspecte. Entre 1940 et 1957, des milliers de femmes ont ainsi perdu leur droit à une protection en cas de chômage.

En 1971, Pierre Elliott Trudeau modifie la Loi sur l'assurance-chômage et crée les prestations de maternité, améliorant la protection des travailleuses. Il imposera toutefois aux femmes enceintes désirant avoir accès au chômage-maternité de cumuler ٢٠ semaines de travail dans la dernière année, dont dix durant leur grossesse, alors que pour les travailleur·euses qui ne sont pas enceintes, on exige huit semaines pour se qualifier. En 1984, la Loi sur l'assurance-chômage est corrigée pour mettre fin à cette discrimination. Cependant, la Loi demeure discriminatoire pour les femmes qui perdent leur emploi pendant ou suite à leur congé de maternité.

Le programme désavantage également les femmes sur d'autres plans. Selon les statistiques de 2016, 53 % des hommes ont accès à l'assurance-chômage contre seulement 35 % des femmes. Pourquoi ? Notamment parce que les règles sévères d'admissibilité laissent de côté les salariées précaires et à temps partiel, qui sont encore en grande majorité des femmes. C'est sans compter les femmes qui seront exclues du programme car elles quittent leur emploi pour s'occuper de leur famille ou de leur entourage, sans que ce départ volontaire soit considéré comme justifié…

ÀB ! : À travers l'histoire du MAC, on en apprend plus sur les crises internes qu'a connues le mouvement, notamment sur la confrontation de deux visions concernant son organisation. La première vision favorise la centralisation et l'action collective, tandis que la seconde est plus favorable à la décentralisation et vise à mieux répondre aux besoins des travailleur·euses sans emploi. Quelle est la vision que priorise le MAC pour revendiquer une meilleure accessibilité au droit à l'assurance-chômage ?

J. D. : Depuis 1990, nous avons une position beaucoup plus équilibrée entre les deux visions, puisque le service individuel nourrit l'action collective. À travers l'éducation populaire, le MAC s'attèle à défaire le stéréotype du mauvais pauvre et à permettre aux chômeur·euses de mieux connaître leurs droits. Nos séances d'information outillent les travailleur·euses, les syndicats et les organismes pour qu'ils puissent mieux naviguer ce programme complexe et parfois déroutant.

Tout ce travail d'éducation et de service individuel permet de mobiliser les gens dans la défense des droits des chômeur·euses, qui font partie des droits des travailleur·euses. Dès sa création, le MAC a d'ailleurs forgé des alliances avec les centrales syndicales pour dénoncer les réformes du programme d'assurance-chômage brimant les droits des sans-emploi. Un exemple récent est celui de la réforme de Harper en 2012, qui modifiait la notion de l'emploi convenable et créait ainsi un système punitif qui sanctionnait les chômeur·euses dit·es « fréquent·es », en les obligeant à chercher un emploi sous-payé. Dans cette même réforme, le gouvernement Harper mettait sur pied le Tribunal de la sécurité sociale, complexifiant indûment le processus d'appel afin de décourager les chômeur·euses de défendre leurs droits. Grâce à la mobilisation, cette réforme a depuis été abolie, ce qui démontre la force de l'action collective.

Il faut également souligner que le MAC fait partie du Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi (MASSE) qui lutte depuis plus de vingt ans pour la mise en place d'un régime d'assurance-chômage juste et universel. Le MASSE rassemble 17 groupes membres dans dix régions du Québec et du Nouveau-Brunswick. Le MASSE et ses groupes membres font de l'action politique en se mobilisant avec des syndicats et organisations alliés contre des politiques affectant l'accessibilité au programme d'assurance-chômage. À titre d'exemple, on peut penser aux groupes de l'Est-du-Québec qui revendiquent une meilleure couverture pour les travailleur·euses de l'industrie saisonnière et qui se sont rendus cet automne à Ottawa pour rencontrer les différents partis fédéraux.

ÀB ! : Qu'est-ce que la pandémie et le déploiement de la prestation canadienne d'urgence (PCU) ont démontré quant au programme d'assurance-chômage ?

J. D. : La pandémie a démontré que le programme d'assurance-emploi est extrêmement fragile, à un point tel que le premier ministre Trudeau a dû créer la PCU afin de ne pas accentuer la crise économique. Ce constat d'échec a pavé la voie à une promesse de réforme de l'assurance-chômage.

Plus concrètement, la PCU et les mesures temporaires à l'assurance-chômage qui ont suivi jusqu'en 2022 ont été un laboratoire permettant de tester certaines revendications portées par le MAC. Par exemple, le montant de la PCU était de 500 $, ce qui correspond à la revendication du MAC sur un taux plancher de prestations. Lors du déploiement des mesures transitoires qui ont suivi à l'assurance-chômage, on a pu constater que l'abolition du délai de carence, le prolongement de la durée des prestations à 50 semaines et la diminution du nombre d'heures travaillées requis pour se qualifier étaient des mesures tout à fait applicables et bénéfiques.

ÀB ! : Quelles sont d'autres contributions importantes du MAC ?

J. D. : Il y a eu la victoire juridique pour les chômeur·euses âgé·es de 65 ans qui étaient exclu·es du programme d'assurance-chômage en raison de leur âge. En 1989, la Cour d'appel fédérale déclarait que la disposition qui prévoyait leur exclusion était contraire à la Charte canadienne des droits et libertés et constituait de la discrimination basée sur l'âge. Suite à cette décision, le MAC, avec l'appui des centrales syndicales, a publiquement demandé au gouvernement Mulroney de ne pas porter la cause en appel, ce qu'il refusa. Finalement, la Cour suprême confirmera en 1991 que la disposition est discriminatoire, une grande victoire pour les travailleur·euses de plus de 65 ans !

Comme mentionné précédemment, le MAC représente en ce moment six travailleuses qui ont été privées de leur droit à l'assurance-chômage en raison de leur congé de maternité. Le Tribunal de la sécurité sociale du Canada a donné raison au MAC en jugeant que la Loi sur l'assurance-emploi était discriminatoire. Cette décision a été portée en appel et l'audience aura lieu à la fin mars. Un dossier à suivre avec beaucoup d'intérêt !

Illustration : Elisabeth Doyon

Rassemblement de solidarité avec les activistes

25 octobre 2024, par Association québécoise pour la Taxation des Transactions financières et pour l'Action Citoyenne (ATTAC-Québec) — ,
Attac Québec est solidaire des activistes qui ont bloqué le pont Jacques-Cartier à Montréal. Leur cause est juste et très importante, ce sera bien plus qu'un pont qui sera (…)

Attac Québec est solidaire des activistes qui ont bloqué le pont Jacques-Cartier à Montréal. Leur cause est juste et très importante, ce sera bien plus qu'un pont qui sera bloqué sur une planète morte et face à des dérèglements climatiques qui nous dépasseront de plus en plus. Soyons présent·es le 31 octobre à 9h devant le Palais de justice de Montréal en solidarité avec eux ! Partagez l'événement Facebook svp.

La décision de criminaliser et de détenir les activistes du collectif Antigone et de Last Generation Canada est inadmissible et doit être remise en question. Comme le disait si bien dans La Presse hier Anaïs Barbeau-Lavalette : Qui, ici, désobéit ? C'est l'irresponsabilité et la désobéissance de nos gouvernements en matière environnementale qui devraient nous indigner collectivement.

Les revendications des activistes sont la fermeture graduelle de la ligne 9B, la mise en place d'une agence de réponse aux désastres climatiques et la signature du Traité de non-prolifération des combustibles fossiles. Cette action sur le pont faisait suite à des mobilisations et des actions directes contre l'industrie pétrolière.

Lieu
Palais de justice de Montréal 10, rue Saint-Antoine Est Montréal, QC CA

L’électricité pour se chauffer, pas pour le privé !

25 octobre 2024, par Association québécoise pour la Taxation des Transactions financières et pour l'Action Citoyenne (ATTAC-Québec) — ,
Au Québec, 1 ménage sur 7 n'arrive pas à payer sa facture d'électricité. Si le projet de loi est adopté tel quel, cette situation inacceptable va s'aggraver parce que les (…)

Au Québec, 1 ménage sur 7 n'arrive pas à payer sa facture d'électricité. Si le projet de loi est adopté tel quel, cette situation inacceptable va s'aggraver parce que les tarifs d'électricité vont beaucoup augmenter !

Attac Québec invite ses membres et sympathisant-es à participer à un rassemblement contre le projet de loi sur l'avenir énergétique du Québec (PL69), organisé par la Trovep Montréal et l'ACEF du Nord de Montréal. Rendez-vous le mercredi 30 octobre, de 11h à midi, devant les bureaux du premier ministre François Legault à Montréal.

Message des organisateurs :

Le 6 juin, le gouvernement a déposé un projet de loi sur l'avenir énergétique du Québec(PL 69). Avec ce projet de loi, le gouvernement se sert de la transition écologique comme prétexte pour faire des cadeaux aux industries et aux multinationales sur le dos des plus précarisé·e·s d'entre nous.

Le 30 octobre soyez des nôtres pour dénoncer les dérives du projet de loi et exiger un vrai débat public sur l'avenir énergétique du Québec !

Quoi : Rassemblement et conférence de presse
Quand : Mercredi le 30 octobre de 11h à 12h
Où : Bureaux de François Legault, 770 Sherbrooke Ouest (métro McGill)

Évènement Facebook : https://www.facebook.com/events/2060056437784504/

Cette mobilisation de l'ACEF du Nord avec la TROVEP de Montréal s'inscrit dans le cadre d'un l'appel à l'action plus large contre le projet de loi 69. Pour en savoir plus sur cet appel à l'action et télécharger le matériel, rendez-vous sur le site web de l'ACEF du Nord !

La GRC enquête sur Doug Ford et l’accaparement de terres protégées

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Amélie David, correspondante Environ 250 000 travailleuses et travailleurs migrant.es, principalement d’Afrique et d’Asie, sont employé.es au Liban. Avec la guerre qui s’intensifie, ces travailleurs.ses domestiques se retrouvent abandonnés.es par les familles qu’ils servaient. Aujourd’hui, ils (…)

Le dilemme du Hezbollah

23 octobre 2024, par Gilbert Achcar — , , , ,
Le Hezbollah est maintenant confronté au dilemme de sa double loyauté, d'une manière qui affecte ses intérêts vitaux. Une partie de ses dirigeants sont enclins à accepter un (…)

Le Hezbollah est maintenant confronté au dilemme de sa double loyauté, d'une manière qui affecte ses intérêts vitaux. Une partie de ses dirigeants sont enclins à accepter un cessez-le-feu, ainsi qu'un retrait au nord du fleuve Litani. Téhéran, cependant, force le parti à faire dépendre un cessez-le-feu au Liban d'un cessez-le-feu à Gaza, malgré le fait que cela soit devenu absurde.

23 octobre 2024

Gilbert Achcar,blogue Médiapart

Professeur, SOAS, Université de Londres

Le Hezbollah libanais est un phénomène unique, et toute tentative de le réduire à l'une de ses facettes serait soit injuste, soit excessive en termes de sanctification. La nature compliquée et complexe du parti est évidente dans les circonstances mêmes de sa naissance. Il a commencé en tant que groupe dissident khomeiniste issu du mouvement Amal, cherchant à établir une « résistance islamique » idéologiquement engagée contre l'occupation israélienne du Liban en 1982 comme alternative à la « résistance libanaise » qu'Amal proclamait (le nom de ce dernier mouvement est l'acronyme arabe de « Brigades de la résistance libanaise »). Le motif de la scission qui conduisit à la fondation du parti était double : d'une part, la loyauté idéologique envers le régime institué par la « révolution islamique » de 1979 en Iran, mais aussi, d'autre part, une aspiration à une position résolue et radicale contre l'occupation sioniste, contrairement à la position ambiguë qu'Amal avait prise à son égard, en particulier au Sud-Liban.

En construisant au Liban un mouvement de résistance qui lui est affilié, le régime khomeiniste iranien avait trouvé une arme idéologique majeure dans sa guerre contre le régime baasiste irakien qui avait envahi son territoire en 1980. Le parrainage d'une véritable résistance contre l'État sioniste a permis à Téhéran d'exposer la fausseté des prétentions arabo-islamiques anti-persanes de Saddam Hussein et de combler le fossé nationaliste entre Arabes et Persans, au moyen duquel Bagdad a tenté d'immuniser les chiites d'Irak contre la contagion khomeiniste, et que les États arabes du Golfe dotés d'une importante population chiite ont exploité dans le même but. De même, surenchérir sur tous les régimes arabes sur la question de la Palestine, en particulier sur le royaume saoudien, a permis à Téhéran de briser le cordon sunnite que Riyad cherchait à construire autour de l'Iran pour immuniser les sunnites en général contre l'influence de la « révolution islamique ».

Ainsi, le Hezbollah est né en même temps comme incarnation de la résistance libanaise à l'occupant sioniste et comme bras armé de Téhéran, partie intégrante du réseau idéologico-militaire que l'Iran s'est appliqué à construire dans l'Orient arabe et qui allait considérablement s'étendre plus tard, en profitant du renversement par les États-Unis du régime baasiste irakien et de l'installation par Washington des partisans de Téhéran au pouvoir à Bagdad, puis du recours du régime baasiste syrien à l'Iran pour le sauver de la révolte populaire (il suffit de souligner ce paradoxe historique pour montrer la vacuité de ce qui restait de l'idéologie baasiste après la dégénérescence despotique des régimes de Bagdad et de Damas, mais aussi la priorité donnée par Téhéran aux considérations confessionnelles par rapport à sa propre idéologie panislamique).

Le Hezbollah a naturellement imité ce que le régime khomeiniste avait fait en Iran où il avait écrasé tous les autres groupes impliqués dans la lutte contre le régime du Shah, la gauche iranienne en particulier. Le parti imposa par la force son monopole sur la résistance contre l'occupation israélienne du Liban, portant des coups douloureux au Front de la résistance libanaise, dirigé par les communistes. Il finit par accepter une coexistence tendue avec ce qui restait de ses concurrents dans les zones où se concentrent les chiites libanais, d'Amal au Parti communiste libanais, s'adaptant ainsi à la spécificité d'un pays où le pluralisme confessionnel est imbriqué avec le pluralisme politique. Ce parcours a conduit le parti à s'intégrer, sous la direction de Hassan Nasrallah, son secrétaire général depuis 1992, dans le système politique et institutionnel libanais en une combinaison très hybride.

D'une part, le Hezbollah a formé son propre État avec toutes ses composantes, y compris armée, appareil de sécurité et diverses institutions civiles, au sein de l'État libanais, augmentant ainsi considérablement la fragilité de ce dernier. Le sous-État du Hezbollah est complètement dépendant de l'Iran, idéologiquement, financièrement et militairement, et déclare ouvertement son allégeance en professant le principe de Velayat-e faqih (« tutelle du juriste-théologien ») spécifique à la doctrine khomeiniste, qui légitime le pouvoir autocratique-théocratique caractéristique du régime des mollahs. D'autre part, le Hezbollah est une faction libanaise devenue un élément clé de la mosaïque du pays, bien qu'ayant importé des coutumes imitant le patron iranien. Hassan Nasrallah incarnait très bien cette dualité : c'est lui qui s'est vanté un jour dans un discours que son parti est le « Parti de la tutelle du juriste » de même qu'il était un leader typiquement libanais, s'adressant à la base populaire de son parti ainsi qu'à tous les Libanais dans le dialecte dont ils sont familiers.

Nasrallah tenait à préserver cette dualité, en renforçant sa facette libanaise par le biais d'alliances saugrenues d'un type particulier à la politique libanaise, en particulier son alliance avec Michel Aoun, le leader maronite qui, jusqu'en 2006, surenchérissait sur tout le monde en hostilité au régime syrien et se vantait de son rôle dans la production de la résolution 1559 du Conseil de sécurité de l'ONU de 2004 appelant au retrait des forces syriennes du Liban et au désarmement du Hezbollah. Hassan Nasrallah a également démontré sa préoccupation pour la base populaire de son parti et pour le Liban en général, en particulier lorsqu'il exprima ses regrets sur les conséquences de l'agression israélienne en 2006, qui faisait suite à une opération menée par son parti par-delà la frontière sud du Liban. Il n'empêche que le Hezbollah n'a pas hésité à répondre à l'invitation de Téhéran à jeter ses forces dans la bataille pour sauver le régime syrien d'Assad, contredisant son principal argument jusque-là, qui était qu'il devait conserver ses armes indépendamment de l'État libanais dans le seul but de défendre le pays.

Le Hezbollah a entretenu ce dernier récit au fil des ans en combinant son souci de ne pas exposer le Liban à la machine sioniste de massacre et de destruction par une aventure imprudente, telle qu'un nouveau franchissement de la frontière sud, tout en renforçant son image de bouclier du pays face à cette machine. Le parti a joué le rôle principal dans le départ contraint des troupes israéliennes du Liban en 2000 et a prouvé une fois de plus en 2006 sa capacité à résister à leur agression en leur imposant un prix élevé. L'Iran a ensuite considérablement renforcé l'arsenal de missiles et de roquettes du Hezbollah jusqu'à ce que le parti estime qu'un certain degré d'« équilibre de la terreur » s'était établi entre lui et l'État sioniste. Il a décrit son intervention en Syrie comme faisant partie de sa bataille contre Israël, visant à préserver « l'axe de la résistance ». Toutefois, depuis le mois dernier, l'État sioniste a réussi à briser la « dissuasion mutuelle, mais inégale » entre lui et le Hezbollah, au moyen d'une « guerre asymétrique » dans laquelle il a utilisé sa supériorité en renseignements et technologie en sus de sa supériorité militaire(voir « Réflexions stratégiques sur l'escalade de l'intimidation israélienne au Liban », 25/9/2024).

Le Hezbollah est maintenant confronté au dilemme de sa double loyauté, d'une manière qui affecte ses intérêts vitaux. Les faits indiquent qu'une partie de ses dirigeants, en particulier parmi les dirigeants politiques impliqués dans les institutions de l'État libanais, sont enclins à accepter un cessez-le-feu, ainsi qu'un retrait au nord du fleuve Litani, conformément à la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU de 2006 à cet égard, et à faciliter l'élection d'un président de la République libanaise par consensus, autre que l'homme loyal à Damas que le parti a soutenu jusqu'à présent. Téhéran, cependant, s'est fermement opposé à cette tendance, forçant le parti à adhérer au principe consistant à faire dépendre un cessez-le-feu au Liban d'un cessez-le-feu à Gaza, malgré le fait que cela soit devenu absurde puisque la force principale de l'agression sioniste s'est déplacée de Gaza au Liban. Il serait maintenant plus rationnel pour le Hamas d'insister sur la poursuite des combats dans la bande de Gaza jusqu'à ce qu'un cessez-le-feu soit conclu au Liban, en soutien au Hezbollah, que pour ce dernier d'insister sur la poursuite des combats au Liban en soutien au Hamas à Gaza, où le mouvement en est réduit à mener une guérilla qui se poursuivra certainement tant que l'occupation subsistera, c'est-à-dire jusqu'à un temps dont on ne voit pas la moindre lueur poindre dans l'obscurité de l'avenir prévisible.

Le fait est que l'insistance de Téhéran pour maintenir actif le front libanais n'a rien à voir avec un quelconque souci pour le peuple de Gaza, ou même pour le peuple libanais lui-même, y compris les chiites qui ont souffert et souffrent le plus des dommages résultant de l'agression sioniste en cours. Son objectif est plutôt de maintenir le rôle dissuasif du Hezbollah en activité tant que l'Iran est confronté à la possibilité du déclenchement par le gouvernement Netanyahu d'une guerre à grande échelle contre lui. C'est la raison pour laquelle le Hezbollah n'a pas utilisé les armes les plus puissantes de son arsenal militaire jusqu'à présent, celles-ci étant principalement destinées à la défense de l'Iran, et non à la défense du Liban ou même du parti lui-même.

Le dilemme et le paradoxe se compliquent à mesure que les meurtres et les destructions israéliens ciblant la base populaire du Hezbollah augmentent, car il est dans l'intérêt évident du parti d'arrêter le combat et de battre en retraite, comme toute force confrontée à une agression par une force beaucoup plus puissante devrait le faire, surtout lorsque l'ennemi a été en mesure d'éliminer une grande partie de sa direction. Cela sans parler du fait que le Hezbollah opère dans un environnement social et politique – le tissu libanais extrêmement fragile – qui menace de lui exploser au visage. Dans de telles circonstances, il serait logique d'opérer un retrait partiel pour limiter les pertes et dégâts et éviter le risque que le revers se transforme en défaite. Cependant, un autre intérêt évident entre en conflit avec le précédent et est régi par la dépendance à l'égard de Téhéran : sans l'Iran, le parti serait incapable de compenser financièrement sa base sociale et son environnement afin de préserver sa popularité, et sans l'Iran également, il ne peut pas reconstruire sa force militaire, comme il a fait sur les deux plans en 2006.

Traduction de ma tribune hebdomadaire dans le quotidien de langue arabe, Al-Quds al-Arabi, basé à Londres. Cet article est paru le 22 octobre en ligne et dans le numéro imprimé du 23 octobre. Vous pouvez librement le reproduire en indiquant la source avec le lien correspondant.

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Vider la mer

23 octobre 2024, par Marc Simard
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Des locataires s’opposent à Michael Klein, le plus grand rénovicteur ontarien

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NON à un accord de libre-échange entre le Canada et l’Équateur !

22 octobre 2024, par Sabine Bahi
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Sabine Bahi, correspondante en stage Fanny Kaekat, Hortencia Zhagüi, Zenaida Yasacama et Ivonne Ramos sont des femmes autochtones équatoriennes et militantes en provenance de différentes communautés amazoniennes. Côte à côte, elles ont parcouru le Canada pendant une semaine pour s’opposer (…)

Une quatrième édition captivante pour l’exposition d’art contemporain du collectif AN IN

22 octobre 2024, par Marc Simard
L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local Après trois éditions couronnées de succès, ayant attiré des centaines de visiteurs du Bas-Saint-Laurent et de tout le (…)

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local Après trois éditions couronnées de succès, ayant attiré des centaines de visiteurs du Bas-Saint-Laurent et de tout le Québec, le collectif AN IN est fier d’annoncer la tenue de la quatrième édition de son exposition d’art contemporain. (…)

« Les Défis de la gauche aujourd’hui »

22 octobre 2024 — ,
Nancy Fraser enseigne à la New School for Social Research de New York, où elle est titulaire de la chaire Henry et Louise Loeb de philosophie et de politique. Elle est (…)

Nancy Fraser enseigne à la New School for Social Research de New York, où elle est titulaire de la chaire Henry et Louise Loeb de philosophie et de politique. Elle est également membre du comité éditorial de la New Left Review. Fraser a reçu de nombreux prix et distinctions, dont celle de Chevalier de la Légion d'honneur, la plus haute décoration française. Elle est membre de l'Académie américaine des arts et des sciences. En 2018, elle a reçu le prix mondial Nessim Habif et, en 2022, le prix Nonino ‘Maître de notre temps', parmi de nombreuses autres décorations. Chercheuse prolifique, elle s'est penchée dans plusieurs œuvres sur la question de la justice et est réputée pour ses discussions sur la relation entre la reconnaissance et la redistribution dans les luttes pour la justice sociale, ainsi que pour ses contributions à la théorie féministe et marxiste. Elle a écrit ou co-écrit plusieurs livres ces dernières années, dont The Old Is Dying and the New Cannot Be Born, Feminism for the 99% et Capitalism : A Conversation in Critical Theory. Son dernier livre, publié en 2022 par la maison d'édition Verso, s'intitule Cannibal Capitalism : How Our System Is Devouring Democracy, Care and the Planet and What We Can Do about It. [1]

Comme Boris Kagarlitsky, Nancy Fraser est préoccupée par la question du dépassement de la fragmentation de la gauche contemporaine. Elle cherche à trouver une voie pour construire des ponts et une compréhension commune des sources des crises multiples et interdépendantes de notre époque parmi les socialistes, les féministes de gauche, les mouvements antiracistes et décoloniaux, la gauche du mouvement écologiste et d'autres pièces du puzzle qui pourraient former une alliance radicale, contre-hégémonique et anticapitaliste capable de contrer la montée alarmante du populisme et de l'extrême droite et de constituer une force efficace pour la transformation sociale.

Nancy Fraser a un autre point commun avec Boris Kagarlitsky en tant que cible récente d'efforts visant à punir et à faire taire les voix dissidentes. En l'occurrence, il s'agit de la campagne menée à l'échelle de l'Occident pour étouffer les critiques à l'égard d'Israël et supprimer les expressions de solidarité avec le peuple palestinien, campagne de répression que plusieurs qualifient de nouveau maccarthysme. Heureusement, ses démêlés avec la Chambre des Esteilles ne l'a pas valu une peine de prison, et nous avons le plaisir et le privilège de l'entendre aujourd'hui.

Introduction : Andrea Levy
Traduction : André Frappier et Andrea Levy

Intervention de Nancy Fraser

Nous nous sommes réunis à travers toutes ces distances dans une démonstration de la solidarité internationale de la gauche en action. C'est une chose vraiment merveilleuse et émouvante. En fait, comme on l'a déjà dit, il y a beaucoup trop peu d'événements comme celui-ci.

Boris Kagarlitsky est loin d'être le seul militant russe anti-guerre de gauche à avoir subi la répression. Et il y a, pourrions-nous dire, des Boris partout, en Palestine et en Israël, en Iran et en Chine, en Inde et au Brésil, en Allemagne, en France et aux États-Unis. La plupart de ces militants et militantes de gauche réprimés sont moins bien connus de l'intelligentsia internationale de gauche que ne l'est Boris. Mais ils ont tout autant besoin de notre soutien et cet événement, je l'espère, pourra servir de modèle en cette période de crise mondiale aiguë et de répression. Nous devrions multiplier les événements de ce type, encore et encore. Mais bien sûr, la défense des camarades en danger est le strict minimum lorsqu'il s'agit de pratiquer la solidarité internationale de la gauche. Nous devons également les prendre au sérieux. Nous devons honorer leur pensée et leur pratique. Et comme Kagarlitsky lui-même serait le premier à nous le rappeler, et il l'a d'ailleurs fait, nous devons avoir une conception stratégique à leur propos et avec eux. S'ils sont vraiment nos camarades, nous devons réfléchir à la manière de relier leurs luttes aux nôtres, leurs difficultés aux nôtres, ainsi que celles des autres.

En d'autres termes, nous devons poursuivre non pas une simple résistance, mais un changement social émancipateur. C'est ce que Boris lui-même nous a demandé de faire. Nous discuterons plus tard de son récent livre, The Long Retreat, où ce problème est au cœur de l'actualité, c'est à dire le dépassement de la résistance afin de former des coalitions pour le changement. Je ne veux pas voler la vedette à nos distinguéEs panélistes qui parleront du livre un peu plus tard, mais je tiens à noter qu'il fournit à la fois une analyse brillante de la conjoncture actuelle et un plaidoyer passionné en faveur d'une réflexion stratégique. Kagarlitsky diagnostique une crise aiguë du capitalisme néolibéral, ce qu'Adam Tooze a appelé une poly crise, une crise qui est à la fois économique, écologique, sociale, reproductive, politique, et bien sûr il faut maintenant ajouter géopolitique.

C'est une crise que nos classes dirigeantes mondiales ne peuvent résoudre. Elles ne peuvent pas décarboniser l'économie mondiale à temps pour arrêter la conflagration planétaire. Elles ne peuvent pas fournir des moyens de subsistance décents et un travail significatif à des milliards de personnes à travers le monde. Ils ne peuvent ni prévenir ni gérer avec succès les pandémies mondiales. Ils ne peuvent pas nous protéger de la violence des armées, de la police, des banques, des propriétaires terriens et des foules déchaînées et exaspérées. Ils ne peuvent pas arrêter la montée des mouvements autoritaires, même lorsque ces derniers semblent les menacer. Ils ne peuvent pas arrêter la guerre. En fait loin d'arrêter cet ensemble d'horreurs, le système qu'ils incarnent produit effectivement toutes ces choses, selon Boris. En conséquence, et je suis tout à fait d'accord, notre poly crise n'admet aucune solution capitaliste éclairée si cette expression n'est pas une contradiction en soi.

La crise est systémique et objective, mais elle est aussi, disons, subjective et hégémonique. Des masses de gens comprennent maintenant que les problèmes qu'ils rencontrent ne peuvent être résolus par des réformes au coup par coup. Nombre d'entre eux souhaitent un changement radical, et c'est ainsi que des masses de personnes à travers le monde sont désaffectés. Comme il fallait s'y attendre, ils abandonnent les partis et les visions du monde conventionnels. Ils sortent des sentiers battus. Ils recherchent des alternatives radicales. Mais nous devons nous demander ce qu'ils trouvent lorsqu'ils cherchent des alternatives radicales. Selon Kagarlitsky, ils ne trouvent pas d'alternative socialiste crédible, pas de regroupement de forces sociales de gauche en qui ils auraient confiance et qui véhiculerait un programme sérieux et un engagement stratégique solide en faveur d'un changement structurel profond. Au contraire, les forces qui auraient pu s'unir dans ce genre de bloc contre-hégémonique ont été atrophiées et désorientées au cours des décennies de recul de la gauche.

C'est la thèse de Boris. Qu'est-ce qui usurpe leur place aujourd'hui ? Je dirais, et je pense être d'accord avec lui, qu'il y a deux formations mutuellement antagonistes. Tout d'abord une poignée, peut-être plus, de groupes moralisateurs, cloisonnés dans l'identitarisme, qui ont perdu la force transformatrice et émancipatrice qu'ils possédaient autrefois. C'est ce que l'on peut appeler si l'on veut être méchant ‘Wokisme', mais je ne veux pas être aussi méchante. Ensuite, une panoplie de contre-mouvements populistes autoritaires, qui - et c'est l'expression de Boris - mélangent des griefs économiques légitimes avec des haines ethnoculturelles régressives. Ces deux forces, que j'appelle le néolibéralisme progressiste et le populisme réactionnaire, sont aujourd'hui enfermées dans une série de batailles factices qui sont loin d'aller au cœur des choses.

Le résultat est un amas de symptômes morbides qu'Antonio Gramsci reconnaîtrait facilement. Maintenant, le diagnostic de Kagarlitsky, qui me semble proche, si ce n'est en tous points, mais dans sa forme générale, de celui que je viens d'exposer. Son diagnostic me semble juste, mais que faut-il faire ? Y a-t-il aujourd'hui une voie possible pour reconstruire la gauche dans un avenir proche ? Et bien sûr, il faut ajouter, pas n'importe quelle gauche, mais une gauche qui renonce au sectarisme et à l'utopie au profit du réalisme, de la stratégie et de l'imagination. Existe-t-il donc une voie pour reconstruire ce type de gauche, disons, mature, une gauche qui soit réellement adaptée à la gravité, à l'ampleur et à la profondeur de notre crise ? Ou devons-nous nous contenter d'une retraite bien gérée qui nous permettra de vivre et de nous battre plus tard ? Et bien sûr, si vous adoptez cette deuxième option, vous devez vous demander si nous aurons le temps nécessaire avant la conflagration planétaire. Ce sont des questions dont j'ai envie de discuter avec Boris Kagarlitsky. Je ne l'ai jamais rencontré, mais j'ai imaginé un dialogue avec lui sur ces questions. À vrai dire, je suis un peu plus optimiste que lui. Je voudrais expliquer pourquoi par le biais de trois questions spécifiques qui me préoccupent.

Je viens tout juste de mentionner la première : la retraite ou la contre-hégémonie. La deuxième est la question de classe sociale, de la classe ouvrière mondiale et comment nous la comprenons. Et la troisième concerne la géopolitique. Ce sont toutes des questions profondes, troublantes et difficiles, et je ne sais pas exactement ce que j'en pense, mais quant à la question de la retraite versus la contre-hégémonie, je pense que la clé ici est de penser stratégiquement.

Pour cela, il faut commencer par les forces sociales existantes afin de déterminer lesquelles sont potentiellement émancipatrices, même si ce n'est peut-être pas le cas tout de suite, et lesquelles la gauche pourrait tenter de séduire afin qu'elles se séparent de leurs alliés actuels et se tournent vers la gauche.

Qui, parmi les personnes considérées les plus ‘Woke', c'est-à-dire les militantes et militants féministes et les antiracistes anticolonialistes, peuvent être persuadéEs de déserter leurs protecteurs corporatistes et d'adopter une perspective de classe qui corresponde mieux à leurs positions sociales réelles ? Qui parmi les rangs des réactionnaires ordinaires pourrait-on convaincre à se détacher des hommes forts tant adorés qui sont destinés à les trahir ? Et qui pourrait au contraire faire cause commune avec d'autres segments de la classe ouvrière qu'ils méprisent aujourd'hui ? C'est à ce genre de question que je réfléchis en termes de stratégie. La classe sociale est évidemment un élément clé de cette question. C'est donc le deuxième point que je souhaite évoquer. Boris souligne à juste titre que la classe ouvrière mondiale d'aujourd'hui n'est pas la classe ouvrière industrielle du 19e siècle.

Il conclut à juste titre qu'un socialisme pour le 21e siècle doit être différent de tous les modèles précédents. La notion de classe, prétend-t-il, et je suis tout à fait d'accord, demeure le critère de différenciation social déterminant. Et en fin de compte, elle doit être le point de ralliement crucial pour la gauche. Mais ce n'est pas la même idée de la lutte des classes d'autrefois. La question est de savoir comment nous pouvons comprendre globalement la notion de classe ouvrière aujourd'hui. Existe-t-il une façon de penser cette classe qui ne soit ni un industrialisme dépassé ni un mélange pluraliste de différences, quelque chose qui se rapprocherait de l'idée de la multitude de Negri ?

Ni l'un ni l'autre ne sont adéquats. Je pense être entièrement d'accord avec Kagarlitsky. Maintenant, je voudrais simplement mentionner très rapidement, sans entrer dans les détails, que je crois qu'il y a une façon de penser la notion de classe sociale qui n'appartient à aucune de ces deux catégories. Et c'est parce qu'il s'agit d'une façon structurelle de penser la notion de classe sociale. Je pense que le capitalisme, l'accumulation du capital, dépend aujourd'hui et a toujours été dépendante d'au moins trois formes de travail distinctes mais mutuellement imbriquées :la main-d'œuvre exploitée, c'est-à-dire les travailleurs ‘libres' dans les usines ; la main-d'œuvre expropriée, à savoir les personnes non libres ou semi-libres, les coloniaux, les indigènes, les esclaves, les péons et les formes qu'ils revêtent aujourd'hui ainsi que les travailleuses et travailleurs du sexe victimes de la traite, les travailleurs emprisonnés, etc. ; ces travailleurs qui n'ont pas la possibilité de vendre leur propre force de travail et qui ne bénéficient pas de des droits donnant ouverture à des poursuites ou de la protection de l'état. Enfin, un groupe que j'appellerai les travailleurs ‘domestiqués', ceux qui se spécialisent dans la reproduction sociale, en particulier la reproduction de la force de travail.

Je prétends que la plus-value ne peut être extraite des travailleurs et travailleuses exploitéEs en l'absence d'intrants bon marché fournis par les travailleurs expropriés et de la main-d'œuvre bon marché fournie par les travailleurs domestiques. Vous pouvez déjà constater que cela suggère une classe ouvrière mondiale, divisée non seulement par pays, région et empire, mais aussi par sexe et par divisions ethno-raciales.

Cela rejoint ma première question concernant les publics que nous devons atteindre et comment y arriver. Et si nous pouvions convaincre la classe ouvrière, les personnes racisées qu'elles ont un rôle à jouer dans un système qui est complètement imbriqué et inextricablement lié aux travailleurs exploités qui ont toujours joué un rôle central dans les mouvements socialistes jusqu'à nos jours. Et si nous pouvions convaincre les féministes de la classe ouvrière qu'elles sont réellement des travailleuses et qu'on peut bien aborder leurs enjeux sous l'angle de la lutte de classe ?

Troisième et dernier point : la géopolitique. Ici il faut qu'on se parle, je pense, de deux choses : la guerre et l'immigration. Si nous parlons de la guerre, de l'impérialisme, de la rivalité inter-impérialiste et du vide de l'hégémonie géopolitique avec la montée relative de la Chine, le déclin relatif des États-Unis et ainsi de suite, si c'est l'un des axes du problème, on pourrait bien penser que les alternatives relèvent de l'opposition entre une gauche nationaliste et une gauche internationaliste, et c'est vrai. Cependant, si nous plaçons l'immigration au centre, les choses deviennent un peu plus complexes.

Et cela a tout à voir avec un populisme réactionnaire au sein de la classe ouvrière focalisé en grande partie sur l'opposition à l'immigration. Dans ce cas, la question est celle du nationalisme contre le transnationalisme, et non celle de l'internationalisme. Comment faire cohabiter ces deux éléments ? Je ne sais pas, mais il me semble que c'est extrêmement important. Force est de constater que nous n'avons pas eu, et ce depuis très longtemps, de véritable idée de ce que serait aujourd'hui une politique étrangère de gauche. C'est le point faible de la gauche, à mon avis. Ici et là, on trouve des gens qui ont des idées intéressantes sur la réorganisation de la production ou même de la reproduction, mais la politique étrangère est en quelque sorte un territoire inexploré. L'essentiel, et c'est là mon tout dernier point, est de savoir comment garder deux ‘Non' dans sa tête en même temps et comment les transformer en une sorte de ‘Oui', par exemple : Non à Poutine. Non à l'OTAN. L'un ne va pas sans l'autre. Quel est le ‘Oui' qui en découle ? Je ne pourrais dire.

De la même manière on doit dire ‘Non' au génocide gazaoui et ‘Non' à l'antisémitisme. Comment mettre les deux ensembles et aboutir à quelque chose d'autre ? Et cette incapacité à traiter ce dernier point, fait des ravages parmi les populations qui sont désemparées face au Moyen-Orient. « Non à Poutine, Non à l'OTAN », j'aimerais vraiment entendre ce que les collègues russes auront à dire à ce sujet. En tant qu'Américaine fermement anti-américain, je ne peux pas rejeter toute la responsabilité sur Poutine. Mais il se peut que nous ne soyons pas d'accord sur ce point. J'aimerais vraiment avoir une discussion plus approfondie à ce sujet. En tout cas, ce sont trois questions que j'ai envie de discuter avec Boris et avec vous. C'est dommage qu'il ne soit pas là, mais c'est formidable que vous soyez là. Je vous remercie.

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[1] Voir le lien vers la recension de son dernier livre paru dans Pressse-toi à gauche ! https://www.pressegauche.org/A-propos-de-Cannibal-Capitalism-de-Nancy-Fraser

Le racisme passe sa visite médicale

22 octobre 2024, par Omar Haddadou — ,
– Détendez-vous, M. Le Racisme ! Je vais prendre votre tension artérielle, comme d'habitude. – J'ai eu un moment d'émotion avant d'arriver, Docteur. - Pourquoi ? - En (…)

Détendez-vous, M. Le Racisme ! Je vais prendre votre tension artérielle, comme d'habitude.

– J'ai eu un moment d'émotion avant d'arriver, Docteur.

- Pourquoi ?
- En croisant un Africain, Avenue Montaigne.
– Mais ce n'est rien, ça.
– Si Docteur !
- Vous trouvez ?
- Evidemment. Il était affublé comme un Milord et paraissait vachement heureux.
– Ça doit être un touriste américain ?
- Non, non, non ! Un Africain ! Un Congolais.
– Pourquoi nommément un Congolais ?
- Sa SAPE*, Docteur ! Sa Sape ! On aurait dit une Labradorite.

– Y a pas d'mal à faire preuve d'élégance à Paris et d'être bien dans sa peau ?
- Attendez, Docteur ! Au lieu de se pavaner sur nos Avenues, il ferait mieux d'aller protéger les richesses convoitées de son pays.
– Et si c'était un militant bien fringué ?

- Elle est belle celle-là !
( Le Docteur incline la tête vers l'avant pour mieux le considérer, sans piper mot )
- Un Militant ? Ha, ha, ha. Avec une telle « Djatance* », et une iridescence digne d'une aurore boréale ? Désorbité, l'Africain ! Désorbité !
- Assez, rigolé ! Ajustez bien le brassard du tensiomètre !

- (…)
- 12.7 ! Je vous envie, M. Le Racisme. Une tension d'un Athlète de haut niveau, malgré l'âge. La dernière fois qu'on s'est vus, vous étiez angoissé, abattu par le diagnostic. Et aujourd'hui, j'ai devant moi un Racisme épanoui, lustral.

– J'infuse Docteur, j'infuse.
– J'aimerais bien voir la tête de l'Empathie, la Tolérance, l'Altruisme, l'Humanisme.

– Ils rasent les murs depuis le 12 janvier 2024*.
– Les pauvres !
- Vous allez me prescrire quelque chose Docteur ?

- Vous vous portez comme un charme, M. Le Racisme, et c'est tant mieux. Mais, par souci déontologique médical, j'aimerais que votre état aille en s'améliorant davantage.

– De l'anticipation conservatoire ou préventive ?

Plutôt préventive ! Assortie de recommandation méliorative. Ça tient en seule ligne

– D'accord.
( Le Docteur saisit le stylo et rédige l'ordonnance )

« Un séjour bimensuel de remise en forme « xénophobique » en France, Italie, Hongrie, Autriche, Pays-Bas… » Signé : Docteur HAINE

Texte et dessin Omar HADDADOU

* Date promulgation de la Loi Immigration par la Droite *Djatance : M'as-tu- vu ou la frime au Congo

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Rachad Antonius à Upop : l’histoire de la mainmise sioniste sur la Palestine

22 octobre 2024, par Massi Belaid
Massi Belaïd, correspondant en stage Différentes interprétations sur l’horreur qui se déroule à Gaza ont cours dans les discours médiatiques depuis le 7 octobre 2023. C’est en (…)

Massi Belaïd, correspondant en stage Différentes interprétations sur l’horreur qui se déroule à Gaza ont cours dans les discours médiatiques depuis le 7 octobre 2023. C’est en vue de proposer une analyse équilibrée de la situation que Rachad Antonius a écrit son livre La conquête de la Palestine (…)

Il faut sortir de la bulle parlementaire pour être sur le terrain

22 octobre 2024, par Roger Rashi, Ruba Ghazal — ,
Ruba Ghazal sera la prochaine porte-parole féminine de Québec solidaire. Seule candidate à ce poste, elle sera intronisée lors du congrès du parti qui se tiendra à Montréal le (…)

Ruba Ghazal sera la prochaine porte-parole féminine de Québec solidaire. Seule candidate à ce poste, elle sera intronisée lors du congrès du parti qui se tiendra à Montréal le 15-16-17 novembre prochain. Militante du parti depuis sa fondation, elle est députée du comté de Mercier depuis 2018 ou elle succéda à Amir Khadir, le premier parlementaire à être élu sous la bannière de QS. Ruba s'est présentée pour la première fois au porte-parolat féminin en 2023, course qu'elle a perdu par seulement quatre voix. Suite à la démission surprise d'Émilise Therrien-Lessard au printemps dernier, Ruba a annoncé sa candidature au courant de l'été. Sa campagne s'est donnée comme thème « Un nouveau souffle ». Elle a bien voulu répondre ici à quelques questions à caractère stratégiques que je lui avais posées il y a quelques semaines.
Roger Rashi

1. Roger Rashi : Comptes-tu toujours proposer une grande conférence ouverte à tous les membres du parti pour discuter/déterminer collectivement la stratégie électorale du parti aux prochaines élections ? Ce fut l'une des propositions phares de ton programme lors de la campagne pour le porte-parolat féminin en 2023. Suite à la crise du printemps dernier, cette vision démocratique des débats stratégiques dans QS serait plus que jamais nécessaires pour unifier le parti.

Ruba Ghazal : Lors de la course au porte-parolat de 2023, j'ai proposé, si je gagnais, d'organiser, d'ici l'élection de 2026, un Grand Rendez-vous des membres de Québec solidaire pour discuter uniquement de la conjoncture politique au Québec et des stratégies à déployer par notre parti. Je pense toujours que ce serait une bonne idée de tenir un tel évènement. N'ayant malheureusement pas gagné la course, je n'ai pas poursuivi la réalisation de cette proposition. L'idée reste bonne pour toute personne qui voudrait pousser pour sa réalisation.

Pour la présente course au porte-parolat, je propose que QS mette de l'avant un nationalisme ouvert et rassembleur, un nationalisme de gauche. Je propose également que QS ramène l'indépendance à l'avant-plan, car notre projet de transformation de la société québécoise à travers l'indépendance ne semble pas assez entendu par les Québécoises et les Québécois. Je parle aussi beaucoup de l'unité du parti, qui sera primordiale dans les deux prochaines années, et du fait qu'il faille rester fidèles à nos convictions. Je ferais d'autres propositions tout le long de la campagne.

2. Roger Rashi : Est-ce qu'une campagne politique pour « Défendre les services publics et s'opposer aux privatisations de la CAQ » te semblerait pertinente pour la prochaine période ?

Ruba Ghazal : Absolument. Le parti le fait déjà avec le site web services-coupés. QS doit être le chien de garde contre une austérité qui pourrait s'en venir plus vite que prévu. Il faut continuer à être les gardiens des services publics. Donc j'appuierais toute initiative qui allant dans le sens de mettre sur pieds une campagne politique pour défendre les services publics.

Roger Rashi : Dans ta plateforme de 2023, tu proposais de mener des campagnes politiques afin de renforcer la présence médiatique du parti et mobiliser les membres à la base, dans ce qui semble être une vision de QS comme parti des urnes et de la rue, c.a.d. pas uniquement cantonné au seul travail parlementaire. Est-ce que tu es toujours du même avis ?

Ruba Ghazal : Plus que jamais. Je pense qu'il faut renouer avec les campagnes politiques. L'an passé j'allais même jusqu'à proposer le thème d'une première campagne politique que j'aurais aimé voir porter sur les inégalités. Je pense qu'il faut plus sortir de la bulle parlementaire pour être sur le terrain.

3. Roger Rashi : Quels sont les moyens que tu préconises pour combattre la concentration du pouvoir au sein de l'aile parlementaire et à la direction du parti ? Comment comptes assurer la présence et pertinence de la PPF ? La concentration du pouvoir aux mains de quelques personnes de l'entourage du porte-parole masculin a été pointé du doigt par Catherine Dorion et Émilise Thérien-Lessard comme les raisons amenant leur démission. Quelles sont les améliorations/réformes que tu envisagerais au caucus parlementaire et à la direction du parti pour assurer une vraie collégialité ?

Ruba Ghazal : Je pense qu'il faut absolument garder le fait d'avoir deux porte-paroles égaux. Et je suis certaine que c'est ce que les membres et la direction veulent aussi. QS a toujours pris des décisions en collégialité et cela doit continuer. Lors de la crise du printemps dernier, je pense que les membres se sont bien fait entendre. Je suis d'avis que le caucus doit se donner des statuts de fonctionnement, ce qui est en cours présentement. Pour le futur de QS, il faut toujours s'inspirer de ce qui a fait que notre parti a percé et s'est tenu : notre démocratie interne et décentralisée.

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Dossier spécial sur la vie chère

22 octobre 2024, par Fédération des Travailleurs et des travailleuses du Québec (FTQ) — ,
« Il y a moins de logements qu'avant ! » « La crise du logement, c'est une affaire de Montréal. » « Dans mon temps, je pouvais me trouver un petit 4 ½ pas cher. Il faut juste (…)

« Il y a moins de logements qu'avant ! » « La crise du logement, c'est une affaire de Montréal. » « Dans mon temps, je pouvais me trouver un petit 4 ½ pas cher. Il faut juste chercher un peu. » « Si c'est trop cher à loyer, les jeunes ont juste à s'acheter une maison. » Ces affirmations, quoique familières, présentent une vision déconnectée d'une réalité bien plus difficile. Dans ce dossier spécial, Le Monde ouvrier a choisi de braquer les projecteurs sur la crise de la vie chère : non seulement pour démystifier ces raccourcis faciles, mais pour explorer des solutions ambitieuses et nécessaires face à une situation aussi déplorable. Car il ne s'agit pas seulement de logements, mais d'un modèle de société qui dérape.

Tiré du journal de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec
LE MONDE OUVRIER N° 148 • AUTOMNE 2024 •
Presse-toi-à-gauche ! a trouvé important de reproduire cet important dossier sur la vie chère.

La vie chère

La forte inflation des dernières années recule enfin. La Banque du Canada a même commencé à réduire son taux directeur face à une économie qui tourne de plus en plus au ralenti. Malgré une hausse du chômage, la situation est loin d'être comparable à celle des années 1980 où le taux de chômage a déjà atteint 12 %. Même si les données sur l'économie et l'emploi semblent encourageantes à première vue, l'impression que les Québécoises et les Québécois se portent mal demeure persistante. Les signaux d'alarme sont devenus trop nombreux pour être ignorés.

L'insécurité alimentaire est en hausse et les banques alimentaires font état d'un nombre record de demandes parmi lesquelles de plus en plus de personnes qui occupent un emploi. En quelques années, la crise de l'habitation s'est exacerbée avec une forte augmentation du prix des loyers et un taux d'inoccupation extrêmement bas. Des Québécoises et des Québécois doivent faire des choix impossibles, comme celui de couper ses médicaments en deux ou de sauter des doses. Du côté des syndicats, les membres réclament avec raison que leurs salaires soient augmentés pour tenir compte de la hausse du coût de la vie.

« Pendant des années, la FTQ s'est battue pour augmenter le salaire minimum, relate la présidente de la FTQ, Magali Picard. Même si demain matin, le salaire minimum passait à 21$, on ne réglerait pas le problème. Pour plusieurs travailleuses et travailleurs, ce ne serait pas suffisant pour joindre les deux bouts ». Au cours des derniers mois, les deux dirigeants de la centrale ont parcouru plusieurs régions du Québec pour aller à la rencontre de personnes qui sont au front de la hausse du coût de la vie. Les hommes et les femmes qui s'occupent des moins nantis de la société québécoise ont confirmé la gravité de la situation.

Les Québécoises et les Québécois n'y arrivent plus et la souffrance humaine est plus visible que jamais, particulièrement dans les centres urbains.

Ce dossier spécial du Monde ouvrier s'intéresse à la vie chère et plus particulièrement à la crise de l'habitation. Cette question trône au sommet des préccupations du moment. Dans nos discussions avec les personnes ouvrant au sein des groupes communautaires, tout partait ou se rapportait au logement. Les dysfonctions actuelles du marché avec des prix indécents et une cruelle rareté ont un impact sur le bien-être collectif et individuel des Québécoises et des Québécois. Le logeme nt n'est pas le seul problème associé à la vie chère, mais il s'agit d'un des plus urgents à régler. Le Monde ouvrier a ainsi voulu explorer des pistes de solution pour régler cette crise intolérable dans une société aussi riche que le Québec.


Les mythes

MYTHE Nº. 1
La crise du logement, c'est une affaire de Montréal.

Pas vraiment. Le taux d'inoccupation dans le marché locatif est de 1,3 % dans tout le Québec en octobre 2023, de 1,5 % à Montréal, de 1,3 % au Saguenay et à Sherbrooke, de 1,1 % à Gatineau, de 0,9 % dans la ville de Québec, de 0,5 % à Drummondville et de 0,4 % à Trois-Rivières.

MYTHE Nº. 2
Il y a moins de logement qu'avant !

Faux. Selon l'IRIS, l'offre résidentielle a augmenté au même rythme que celle de la population, malgré une diminution de l'accès et de l'abordabilité au logement locatif principalement pour les ménages à faibles et modestes revenus .

MYTHE Nº. 3
Si c'est trop cher à loyer, les jeunes ont juste à s'acheter une maison.

Le prix médian d'une maison unifamiliale au Québec s'élève en août 2024 à 443 000 $ en hausse de 7 % par rapport à 2023. Les hausses de prix sont notamment attribuables à une demande plus forte que l'offre. De plus, avec la hausse des taux d'intérêt, la mise de fonds requise, il est reconnu que l'accès à la propriété est de plus en plus difficile pour les jeunes.

MYTHE Nº. 4
L'immigration est à la base du problème

La crise du logement est surtout liée au déficit de construction de logements sociaux, aux difficultés d'accès à la propriété, au nombre croissant de locations à court terme sur des plateformes comme Airbnb, à la facilité de conversion de logements en condos et aux évictions de plus en plus nombreuses. Les personnes immigrantes, quant à elles, constituent une faible portion de la nouvelle demande pour des logements.

MYTHE Nº. 5
Dans mon temps je pouvais me trouver un petit 4 ½ pas cher. Il faut juste chercher un peu.

Dans les grands centres au Québec, le loyer moyen pour un deux chambres à coucher s'élevait à 1 042 $ en octobre 2023 selon la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL). Cela dit, les prix des loyers sur le marché sont beaucoup plus élevés. D'après le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ), le loyer moyen demandé sur Kijiji pour un 4 ½ était de 1504 $ en 2023. Sur le site Rentals.ca, le loyer moyen demandé en septembre 2024 pour un deux chambres à coucher au Québec était de 2 168 $ ! Et tout le reste n'est pas encore payé :téléphone, chauffage, épicerie.

MYTHE Nº. 6
Pour régler la crise, il suffit d'augmenter l'offre en facilitant la construction au privé.

Il faut construire plus d'habitations, oui, mais surtout des logements sociaux et à prix modique. Le privé n'a jamais pu fournir suffisamment de logements abordables et en bon état pour les personnes à faible revenu.


L'habitation ne se porte pas bien

Au moment d'écrire ces lignes, l'Indice des prix à la consommation (IPC) a augmenté de 2 % en août 2024 comparativement à août 2023. [1]

Même si cela peut sembler encourageant, les ménages locataires n'ont pas connu de répit face à l'inflation. En effet, les prix des loyers ont augmenté de 8,6 % sur la même période. Le taux d'inoccupation demeure très bas dans la plupart des villes du Québec, particulièrement pour les loyers abordables. Chaque année, le 1er juillet est de plus en plus difficile avec de nombreux ménages incapables de se trouver un logement. Les campements de personnes en situation d'itinérance se multiplient et certaines municipalités n'ont d'autre réponse que de les démanteler alors que ces personnes n'ont nulle part où aller.

Comme le constate Véronique Laflamme, porte-parole du Front d'action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), la crise du logement a progressivement pris des proportions de plus en plus alarmantes. « Avant même la crise des dernières années, il y avait déjà des milliers de ménages locataires qui vivaient une crise mois après mois, rappelle- t-elle. Ce n'est pas nouveau, mais ce qui est particulier c'est que, dans toutes les régions du Québec, il y a des pénuries. Cette rareté extrême vient mettre une pression importante et ça appauvrit des locataires qui se pensaient à l'abri. Compte tenu de l'absence d'un contrôle obligatoire des loyers, on voit le prix des loyers augmenter en flèche. On voit des ménages discriminés qui n'ont plus accès au logement et c'est sans compter les rénovictions qui se multiplient. »

Chantal Bertrand est conseillère régionale à la FTQ dans les régions de Lanaudière et des Laurentides. En l'espace de quelques années, elle a vu la situation se détériorer et l'itinérance exploser, particulièrement à Saint- Jérôme où se trouve le conseil régional FTQ.

« Les personnes qui perdent leur appartement n'ont plus beaucoup de possibilités pour se reloger, explique-t-elle. Les appartements en deçà de 1 500 $ par mois n'existent presque plus dans les Laurentides et le marché des maisons à vendre est devenu exorbitant. Dans le stationnement près de notre bureau, une mère a dû rester dans sa voiture avec ses deux enfants parce qu'elle n'arrivait pas à trouver un appartement à la hauteur de son budget. Cette crise de l'itinérance touche tout le monde, ce n'est plus juste ceux et celles qui ont des problèmes de consommation ou de santé mentale. »

Après avoir nié son existence, le gouvernement de la CAQ a finalement reconnu du bout des lèvres qu'il y avait bel et bien crise. Pourtant, cette reconnaissance tardive ne s'est pas traduite par des mesures structurantes.

Selon les personnes rencontrées par les dirigeants de la FTQ cet été, le dernier budget n'a pas sufisamment entraîné de hausses d'investissements pour le logement social et communautaire. On a même assisté à des reculs avec la fin du programme AccèsLogis qui visait la construction de logements sociaux ou la fin des cessions de bail avec l'adoption du projet de loi n o 31, Loi modifiant diverses dispositions législatives en matière d'habitation.

« Le gouvernement doit se réveiller et comprendre, exhorte Alexandre Cadieux, coordonnateur du Comité logement Bas- Saint-Laurent. Ce n'est pas idéologique, c'est humain. Le monde, y'en peuvent plus. Chaque jour, je reçois un appel avec quelqu'un qui a des idées noires. Pas juste en détresse. Ces personnes ont des idées suicidaires et parlent que ça va finir là. »


Logement et emploi vont de pair

À une certaine époque, des dirigeants de la FTQ expliquaient que la centrale s'était donné trois priorités : l'emploi, l'emploi et l'emploi. Elle continue d'être obsédée par cette question. Dans un contexte de hausse du coût de la vie et de chômage relativement faible, la qualité des emplois devient aussi importante que leur quantité.

La crise de l'habitation, avec des prix élevés et la rareté de l'offre de logements à prix raisonnable, entraîne des conséque nces sur l'emploi, les deux marchés étant fortement liés. Pour certaines travailleuses et certains travailleurs, les difficultés à dénicher un logement abordable et décent viennent affecter leur capacité à occuper un emploi, même bien rémunéré. Avec les prix élevés des loyers, déménager devient plus risqué surtout si on dispose d'un logement qui correspond à la capacité de payer. Il est normal d'avoir certaines réticences à accepter un emploi dans des villes où le prix des appartements et des maisons est élevé, surtout si le taux d'inoccupation est faible. Celui-ci peut se rapprocher de 0 % dans certaines municipalités.

Plusieurs articles de journaux font état des difficultés des entreprises à recru- ter de la main-d'œuvre en raison du manque flagrant de logements.

Certaines d'entre elles doivent même se lancer en immobilier pour continuer d'opérer. En outre, les prix élevés font en sorte que les travailleuses et les travailleurs doivent parfois s'éloigner de leur milieu de travail, ce qui entraîne une augmentation des temps et des coûts de déplacement.

Cette situation pourrait entraîner d'autres conséquences extrêmement néfastes . Dans les villes américaines inabordables, comme San Francisco, les travailleuses et les travailleurs n'ont tout simplement plus les moyens d'habiter à proximité de leur lieu de travail. Si la crise de l'habitation se poursuit, on peut s'attendre à une pénurie de main-d'œuvre accrue pour les services publics [2].

Plusieurs régions, comme l'Abitibi-Témiscamingue et la Côte-Nord, font actuellement face à de graves pénuries de personnel dans le réseau de la santé et des ser- vices sociaux, lesquelles mettent en péril les services auxquels ont droit les citoyennes et les citoyens.

Karine Cabana, conseillère au Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), a été impliquée de près dans les négociations pour mettre sur pied des équipes volantes afin de limiter le recours aux agences privées de placement. « Jamais dans les négociations on a abordé la disponibilité de logements comme une des causes de la pénurie dans ces régions, explique-t-elle. Cela dit, ça ne prend pas de grandes analyses pour comprendre qu'il manque sérieusement de logements sur la Côte-Nord. On a beau vouloir faire venir des infirmières ou des préposées aux bénéficiaires, mais il va falloir trouver un endroit où les loger. C'est clair que la crise du logement est un frein dans la recherche d'une solution permanente. »


Une insécurité alimentaire inacceptable

En rencontre avec l'organisme Le Pignon bleu l'été dernier, le secrétaire général de la FTQ, Denis Bolduc, s'est entretenu avec sa directrice générale Roseline Roussel. « On n'a jamais vu une situation comme on la vit en ce moment, confie-t-elle. La moitié des gens qui nous fréquente, ce sont des travailleuses et des travailleurs au salaire minimum alors qu'avant la pandémie c'était environ 10 %. Tu travailles 40 heures par semaine, pour finalement ne pas être capable de te loger et te nourrir. Ces gens-là travaillent très fort. Les familles font du mieux avec ce qu'elles ont, mais elles n'y arrivent pas. Une petite de 7 ans est venue nous voir avec son argent de poche parce que sa mère n'avait plus les moyens de payer le montant de 1,60 $ pour un dîner fourni par notre organisme. Ça n'a aucun sens qu'une enfant doive supporter ce poids-là. On en voit beaucoup d'histoires comme ça. C'est inacceptable que le gouvernement accepte ça. »


Les solutions à la crise de l'habitation

Malheureusement, il n'existe pas de solution unique pour régler rapidement et durablement la crise de l'habitation. Pour la FTQ, une véritable sortie de crise débute par une prise de conscience collective sur la reconnaissance du droit au logement.

Tant et aussi longtemps que les gouvernements continueront de privilégier les intérêts financiers et le droit à la propriété au lieu des besoins humains, cette crise ne se réglera pas.

Rapidement, les gouvernements doivent renforcer les droits des locataires. À cet égard, des mesures pourraient être rapidement mises sur pied. Un fort consensus existe concernant l'efficacité d'un registre des loyers pour limiter les hausses abusives. Un tel outil a déjà été développé par l'organisme Vivre en ville et pourrait être rapidement utilisé s'il y avait volonté politique de la part du gouvernement. Les dysfonctionnements du Tribunal administratif devraient aussi être corrigés afin d'assurer un véritable accès aux services et à la justice ainsi que de garantir un contrôle des loyers.

Face à l'ampleur de la crise, l'heure est peut-être venue de formaliser la défense des intérêts collectifs des locataires à l'instar de ce que font les syndicats.

Déjà, des groupes de locataires ont mené des luttes héroïques, mais extrêmement exigeantes, contre des tentatives d'évincement. Cela dit, il n'existe pas de mécanisme formel pour leur garantir un droit d'association incluant celui de négocier avec son propriétaire. Encore une fois, certains États américains progressistes pavent la voie à de telles solutions. En 2022, le gouvernement local de San Francisco a adopté une loi qui accorde un droit d'association aux locataires. [3]

Pour tout immeuble comprenant plus de cinq unités, les locataires peuvent former une association si la majorité des résidentes et des résidents y consentent. Cette association peut informer ses membres et organiser des assemblées.

Les propriétaires ont l'obligation de discuter de bonne foi avec l'association et doivent assister à une de leur rencontre au moins tous les trois mois. Le non-respect du droit d'association des locataires par le propriétaire peut même servir de motif à une réduction de loyer ! Une association de locataires s'est appuyée sur ce nouveau cadre légal pour faire la grève des loyers, ceux-ci étant versés en fiducie le temps des moyens de pression, afin de forcer le propriétaire à régler les problèmes d'insalubrité de l'immeuble [4] . Si les syndicats savent bien une chose, c'est que la force du nombre fait toute la différence devant un adversaire de taille.

Plusieurs appellent également à limiter la spéculation immobilière, à démarchandiser le logement et à considérer l'habitation comme un bien essentiel. Autrement dit, il faut cesser de considérer une maison ou un immeuble comme une façon de faire de l'argent ou d'accumuler de la richesse. En priorité, il apparaît fondamental de construire massivement des logements sociaux et communautaires, ce qui nécessite des investissements de la part des deux paliers de gouvernement.

À cet égard, le Front d'action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) propose de doubler la part de ce type de logement en 15 ans.

Le documentaire, Le dernier flip [5] relatait entre autres l'expérience de la ville de Burlington avec les fiducies foncières communautaires comme solution pour maintenir l'abordabilité en habitation. Il y aurait immobilier également lieu de serrer la vis aux plateformes comme Airbnb qui retirent des logements du marché locatif.

Ce ne sont pas les solutions qui manquent pour s'attaquer à la crise. Ce sont plutôt les embûches politiques qui risquent d'être fort nombreuses. Lorsque le Parti libéral du Canada a augmenté le taux d'inclusion du gain en capital dans son dernier budget, plusieurs propriétaires sont montés aux barricades pour dénoncer une mesure pourtant juste et équitable. En 2022, la proposition progressiste de Québec solidaire d'imposer davantage la richesse n'a pas été bien reçue par tout le monde.

La crise de l'habitation fait déjà des gagnants et beaucoup trop de perdants. Des débats de société devront avoir lieu sur les solutions à mettre de l'avant et surtout pour remettre en question les privilèges trop longtemps détenus par une minorité.

Chose certaine, toute stratégie sérieuse devra être ambitieuse et prévoir des investissements.

Dans tout ça, qui devra payer la facture ? Les ménages locataires qui font déjà les frais de cette crise ou tous les acteurs qui en ont tiré des bénéfices immenses ?


Les syndicats ont un rôle à jouer

Par l'action politique et des revendications pour de meilleures lois et des investissements massifs pour le logement social et communautaire, les syndicats jouent déjà un rôle pour régler la crise de l'habitation.

Cela dit, cet enjeu doit redevenir une priorité pour le mouvement syndical et des pressions politiques doivent s'exercer à Ottawa, à Québec ainsi que dans chaque municipalité. Bien qu'il revienne d'abord aux gouvernements de régler cette crise, les syndicats disposent de leviers d'action qu'ils peuvent mobiliser dès maintenant, particulièrement grâce à la négociation collective. Face aux difficultés de leurs membres, de plus en plus de syndicats aux États-Unis abordent la question du logement lors du renouvellement des conventions collectives.

Voici quelques exemples de ces innovations syndicales. Dans le secteur de l'éducation, certains syndicats exigent la conversion de bâtiments inutilisés pour loger leurs membres ou les familles d'élèves qui ne disposent pas d'un logement adéquat [6]. Dans d'autres cas, on demande la cession de certains terrains vacants pour y construire du logement social. De telles demandes s'inscrivent dans un courant où les négociations doivent simultanément viser l'amélioration directe des conditions de travail, mais aussi le bien-être de la communauté.

Le Culinar y Workers Union Local 226, qui représente des travailleuses et des travailleurs de casinos de la région de Las Vegas, a négocié un fonds pour le logement afin de favoriser l'accès à la propriété pour ses membres. Pour ce faire, le syndicat accorde un prêt sans intérêt pouvant atteindre jusqu'à 20 000$, ce qui donne un coup de pouce pour la mise de fonds ainsi que tous les frais afférents à l'achat d'une maison. Depuis son implantation en 2007, cette initiative a sou- tenu plus de 1 700 membres du syndicat. [7]

À Los Angeles, un syndicat de l'hôtellerie a proposé d'imposer une surtaxe de 7% sur les prix des chambres afin de construire du logement social et fournir des prêts à très faible intérêt aux membres qui ont de la difficulté à payer leur loyer [8].

En remontant plus loin dans le temps, on constate que les syndicats ont déjà été extrêmement ambitieux en matière de logement. Au Québec, la FTQ a proposé le projet Corvée Habitation afin de relancer la construction domiciliaire dans un contexte de ralentissement du secteur de la construction. Ce grand succès a pavé la voie au Fonds de solidarité FTQ, lequel collabore avec les acteurs du milieu pour favoriser la construction de logements communautaires et abordables. Aux États-Unis, des syndicats ont contribué à construire des immeubles afin de loger leurs membres et les populations les moins nanties. À New York, un syndicat de l'électricité a construit un complexe de 38 bâtiments (Electc hester) en 1949, lesquels abritent encore des membres syndiqués.

Partout dans le monde, les syndicats et les forces progressistes ont contribué à la construction de logements sociaux et communautaires afin que le profit n'entre plus dans l'équation. Face à l'ampleur des défis et au laxisme des gouvernements, peut-être est-il temps pour les syndicats de s'impliquer plus activement dans la mise en œuvre de solutions à la crise de l'habitation.


La vie chère vue par les syndicats affiliés

Anny Gilbert, conseillère au SCFP. Elle œuvre dans cinq secteurs (transport, municipal, santé, mixte, incendies) et dans plusieurs régions (Saguenay-Lac-Saint-Jean et Nord-du-Québec).

« Pendant de nombreuses années, on a obtenu du 2 % à 2,5 % par année d'augmentations salariales. Il n'y a pas eu d'enrichissement. Les membres ont donc des attentes élevées sur le plan monétaire et ils nous les manifestent. Mais pour obtenir de bonnes hausses salariales, il faut de la solidarité. Les membres l'ont bien compris et ça a donné des résultats grâce à la mobilisation des exécutifs et des membres. Ça a été positif pour la vie syndicale.

La dynamique de négociation a vraiment changé. On a des arguments qui sont justes parce que, comme tout le monde, on subit l'augmentation des prix quand on fait notre épicerie et qu'on paie notre hypothèque. Les employeurs sont conscients que des ententes sont rejetées malgré de bonnes augmentations et que c'est la réalité des milieux de travail. C'est sans compter que l'inflation est venue empirer les difficultés de rétention du personnel chez certains employeurs parce que les salaires ne sont pas attractifs. »

Marc-André Paré, représentant national au service au Bureau de Trois-Rivières pour Unifor

« Les membres sont déterminés à aller chercher des offres satisfaisantes. Je suis allé chercher plusieurs mandats de grève à 100 % ou proche de 100%. Quand l'employeur fait des offres salariales très basses, ils se disent que c'est ça qu'ils auraient eu s'ils n'étaient pas syndiqués. Ceux qui ne comprenaient pas à quoi servait un syndicat le comprennent un peu plus aujourd'hui.

Un de nos groupes est en grève depuis 16 semaines parce que les membres veulent un rattrapage salarial pour les trois grosses années d'inflation. Pendant le conflit, certains ont trouvé des jobines en attendant, mais d'autres se sont trouvé des emplois permanents. C'est un réel enjeu. »

Michel Thivierge, représentant syndical attitré à la négociation, Travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce, section locale 500 (TUAC-500)

« Les prix augmentent de partout : le logement, l'essence, le panier d'épicerie et le transport. Je me promène beaucoup pour mon travail et c'est rendu une réalité à la grandeur du Québec. Se trouver un logement, c'est tout un défi. Et devenir propriétaire c'est devenu impensable avec les prix de l'immobilier.

On est dans le secteur alimentaire, mais aussi dans la transformation alimentaire, le secteur bancaire et l'hôtellerie. Peu importe le secteur, les gens sont inquiets de la perte du pouvoir d'achat. Même si l'inflation a commencé à descendre, ils ne voient pas la différence. Les salaires n'ont pas toujours suivi l'inflation des années de la pandémie et il y a une volonté pour un rattrapage salarial afin de maintenir le pouvoir d'achat. »

Appel à toutes et à tous

Est-ce que votre section locale ou votre syndicat a récemment négocié des clauses en lien avec le logement ? Si oui, contactez le service de la recherche de la FTQ qui s'intéresse de près à ces questions (recherche@ftq.qc.ca).


Des inégalités de patrimoine

Non seulement les ménages locataires doivent subir les aléas du marché du logement, mais plusieurs vivent dans la pauvreté, car le paiement du loyer occupe une place disproportionnée dans leurs dépenses. Ces inégalités sont aussi présentes pour la richesse. L'Observatoire des inégalités a également compilé des données qui montrent que les familles propriétaires disposaient en 2019 d'un patrimoine 20 fois plus élevé que celles qui sont locataires [9] . L'augmentation des prix de l'immobilier des dernières années combinée à la hausse du prix des loyers viendra inévitablement accentuer ces inégalités de patrimoine entre propriétaires et locataires.


Documentaire à venir

Les rencontres que nos dirigeants ont faites cet été seront bientôt disponibles dans un documentaire à visionner sur nos réseaux. Lors de ces échanges, les personnes qui travaillent dans les milieux communautaires ont eu l'occasion d'expliquer ce qu'elles observent sur le terrain depuis quelques mois. Le constat est inquiétant ; notre filet social se fragilise dangereusement. Si vous souhaitez en savoir plus sur la vie chère et ses impacts, suivez-nous sur nos différentes plateformes.

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[1] Calculs FTQ, Statistique Canada, Indice des prix à la consommation mensuel, non désaisonnalisé, Tableau 18-10-0004-01

[2] https://abc7news. com/san-francisco- teachers-affordable- housing-sfusd-cost-of- living/14005317/

[3] https://www.sf.gov/ news/new-legislation- tenant-organizing-and- tenant-associations

[4] https://onlabor.org/ january-16-2024/

[5] https://ici.tou.tv/ le-dernier-flip- demarchandiser-l-

[6] https://drive.google.com/ file/d/1hF5qenxpGnsd DjIEKG4TJmsIji-Hcrfw/ view ; https://www. thenation.com/article/ activism/chicago- teachers-union- homelessness/

[7] https://www.instagram. com/p/C8nh1YPI6An/ ?utm_source=ig_embed &ig_rid=8e6a312d-fe68- 4f0f-a70a-facfc16a364d

[8] https://www.npr.org/ 2023/10/15/1205976886/ a-hotel-workers-3-hour-commute-tells-the-story-of-las-housing-crisis-and-her-str

La réponse canadienne aux sans-abris est de l’ordre du crime contre l’humanité

22 octobre 2024, par Cathy Crowe — ,
Prodiguer un abri devrait être déclaré : « droit humain » et pas qu'un simple abri mais abri adéquat. Un autobus ne peut être qualifié d'abri adéquat. Tiré de Rabble.ca (…)

Prodiguer un abri devrait être déclaré : « droit humain » et pas qu'un simple abri mais abri adéquat. Un autobus ne peut être qualifié d'abri adéquat.

Tiré de Rabble.ca
Cathy Crowe, 8 octobre 2024
Traduction, Alexandra Cyr

Le mois dernier, j'ai écrit sur les dangers et le jargon autour de l'itinérance dans notre langage. J'ai une nouvelle façon de voir.

Il y a 26 ans, le 8 octobre, des avocats.es déclaraient l'itinérance « désastre national ». La suite est de l'histoire, une mauvaise histoire. Les mauvais.es joueurs.euses des trois niveaux de gouvernement ont permis que l'itinérance empire de manière draconienne durant ces 26 ans. Il en résulte un désastre humanitaire dû à une négligence intentionnelle qui a causé de sévères maladies, des blessures et fait des centaines de morts prématurées. Cela s'appelle un meurtre social.

Les plus récents exemples de la négligence intentionnelle du gouvernement sont évidents dans les villes les plus importantes et les plus riches du pays.

Peut-on croire que Toronto ne peut trouver mieux comme abri que les autobus de la Toronto Transit Commission (TTC) ? Je crois que oui. Les élus.es de la ville pourraient ouvrir de véritables abris mais ne le font pas. Pourquoi ? Je pense que la mairesse, Mme Olivia Chow, attend l'argent du provincial.

Toronto a établi les plus bas standards en abris d'urgence de tout le pays. Je ne suis pas une avocate mais je pense que les décisions des hauts fonctionnaires de la ville et encore plus significativement celles de la mairesse et du conseil municipal devraient être considérées comme des crimes contre l'humanité. Ne rien faire est un refus de protéger la santé et la vie (des itinérants.es).

La solution de se servir des autobus comme abris n'arrive pas du tout au niveau des standards des Nations Unies dans ce domaine. Nulle part dans le monde on la considérerait comme une forme acceptable d'abri.

Un véritable abri doit comporter minimalement un lit, au moins un lit de camp, des provisions de bouche dont au moins un repas chaud par jour, des toilettes, des douches, un personnel qualifié et surtout (une obligation de) ne pas réveiller les gens pour qu'ils et elles quittent le refuge à cinq heures du matin. On peut se demander pour aller où ? On peut penser que pour éviter des abris dangereux, ont ait établi des standards d'hébergement. Ils sont là pour garantir le respect, la dignité des personnes tout en leur offrant la protection, les soins et l'attention.

Dans un autobus c'est impossible d'offrir cela aux personnes les plus vulnérable de la ville.

Les autobus chauffés, comme la ville les désigne, font maintenant partie de notre vocabulaire. Mais ce ne sont pas que des mots nous les intégrons comme des solutions à l'itinérance et c'est un problème dangereux.

Malgré des décennies de preuves que les refuges de la ville sont chroniquement à capacité, ses bureaucrates proposent de se servir des autobus pour retirer les itinérants.es des couloirs du métro et de les transporter vers des refuges. Si, et c'est un énorme « si » selon un fonctionnaire, les refuges sont pleins, les personnes sans-abris pourront passer la nuit dans les autobus. Ce programme a été baptisé « Transit Bus Initiative ».

Pour être honnête envers la TTC et la ville, les services en santé mentale, le soutien multidisciplinaire ont été introduit comme réponse aux problèmes plus larges de sécurité dans les transports en commun. Cela va de vérifications du bien-être, au support infirmier pour arriver à former le personnel des transports en commun sur les interventions de désescalade pour y assurer la sécurité.

Après la saison hiver-printemps 2023-24, d'utilisations des autobus chauffés comme refuge, la plupart des avocats.es, le public et les médias ont été sans nouvelles sur les résultats du programme ou sur les plans de la ville en vue des hébergements pour le futur.

Lors de sa réunion de juillet dernier, le TTC a tenu un discours sans grande cohérence à propos du TTC's Partnership Approach to Community Safety, Security and Well-being on Public Transit. Il traitait du temps de réponse de la police, de la vétusté du système PA, des coûts du programme des autobus chauffés, et comment minimiser la dépendance de la ville sur les refuges dans les transports pour la saison froide à venir.

Le personnel du TTC a rapporté qu'il avait coûté 1,200 millions de dollars entre autre pour la modification des véhicules, pour les contrats en sécurité, pour des toilettes amovibles et pour le chauffage. 5,900 prestations d'aide ont été effectuées et pas qu'à des individus, seulement 296 personnes ont été transportées avec succès vers des refuges ou des centres chauffés. Il y avait rarement de la place. Au point de départ on prévoyait deux autobus pour passer à six puis à 8 avec un achalandage de 62 personnes demeurant dans les autobus au plus fort de la demande. Comme le déclarait la conseillère municipale également membre du conseil d'administration du TTC, Dianne Saxe : « c'était surement une très piètre qualité d'hébergement ».

Ce qui est préoccupant, c'est que nous n'avons rien su des impacts humains, à propos du genre, de l'âge, de la race, de l'accessibilité ou sur les soins de santé nécessaires et sur où les gens ont été dirigés ailleurs à cinq heures du matin. Ces renseignements n'ont pas été recueillis. Et le silence des partenaires qui dispensent les services dans les autobus chauffés est encore plus inquiétant. Pour ce que j'en sais, personne n'a exprimé de préoccupations sur le caractère inadéquat du programme, sur les besoins de refuges à caractère humain. Aucune de ces agences n'a été présente à la réunion du TTC en juillet.
Le conseiller municipal, Paul Ainslie, qui est aussi membre du conseil d'administration du TTC et qui détient une réputation enviable de suivi des informations pour tenir la ville responsable avec des données a exprimé sa frustration, avait fait adopter six mois plus tôt, une résolution au Conseil municipal qui exige que les données liées à l'utilisation des autobus (comme refuge), soient incorporées à celles des refuges de la ville. Mais rien n'a été fait. (P. Ainslie est responsable de la collecte des données sur les décès de sans-abris à Toronto).

Comme c'est souvent le cas, les décisions des instances civiles sont transformées ou reportées. Dans le cas présent, il s'agissait de revoir les comptes rendus depuis octobre précédent en rapport avec « des options pour minimiser la dépendance (de la ville) envers le système de transport en commun du TTC pour offrir des refuges durant l'hiver 2024-25 ». J'aurais préféré qu'on écrive : « Communiquer au Toronto Shelter and Support Services que le TTC n'est pas un dispensateur de service adéquat et qu'il est incapable de donner les services requis à l'avenir ».

En septembre, j'ai reçu un rapport de Transit Bus Initiative Usage, qui montre que 100 refuges avec des lits pourrait être disponibles immédiatement. Mais nous le savions déjà. Alors que les autobus recevaient des gens tous les soirs, j'ai colligé quelques données pour démontrer les besoins`

25 décembre : 14 personnes sont restées dans l'autobus. Je me demande si elles ont reçu leur part de souper à la dinde.

14 février : 64 personnes sont restées dans les autobus.

18 février : 90 y sont restées.

21 mars : 82 personne y sont également restées.
Cela donne une idée de l'achalandage. Évidemment le logement est la solution à long terme. Mais pour le moment, on peut fournir de véritables refuges et Toronto devrait prendre la tête des droits humains au refuge.

Pour la mairesse Olivia Chow et son équipe, les possibilités de créer des refuges sont presque infinies : utiliser les ressources municipales comme les centres communautaires ou les écoles non occupées, exproprier des propriétés pour les transformer en refuges, se servir d'un quatrième Sprung dome qui est déjà utilisé depuis quatre ans dans la ville comme lieu de relaxation, allouer un site pour un projet pilote de « Two-Step Homes » avec ses cabines communautaires, demander au gouvernement fédéral l'autorisation de se servir d'un de ses sites, sortir le personnel municipal des édifices municipaux pour convertir les salles de réunion en abris, louer ou exproprier les espaces de condominium vides pour y installer des refuges, en faire autant dans les salles de la Légion ou les édifices du Centre de l'exposition nationale canadienne.

Cessons de ne faire des plans que pour des refuges pour l'hiver à venir. Soyons créatifs.ives et déclarons que l'abris adéquat est un droit humain.

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