Derniers articles

Le « pacte du silence » entre les Israéliens et leurs médias

Les médias d'Israël, depuis longtemps asservis, ont passé l'année dernière à imprégner le public d'un sentiment de légitimité à l'égard de la guerre de Gaza. Selon l'observateur des médias Oren Persico, inverser cet endoctrinement pourrait prendre des décennies.
Tiré d'Agence médias Palestine.
Au milieu de notre conversation, Oren Persico fait un aveu surprenant. Ce journaliste israélien chevronné, dont le travail a consisté pendant la majeure partie des vingt dernières années à surveiller les médias de son pays, ne regarde pas les journaux télévisés israéliens.
« Je n'y arrive tout simplement pas », m'explique Persico, qui travaille depuis 2006 comme rédacteur pour le site israélien de surveillance des médias The Seventh Eye. « C'est déprimant et exaspérant — c'est de la propagande, c'est plein de mensonges. C'est surtout le reflet de la société dans laquelle je vis, et il m'est difficile de rompre la dissonance entre ma vision du monde et ce qui m'entoure. J'ai besoin de garder la raison ». Au lieu de regarder la télévision, Persico se tient au courant en faisant défiler les sites d'information, les médias sociaux et en regardant des clips sélectionnés que les gens lui envoient.
Mais même le fait d'éteindre la télévision ne peut pas arrêter la dissonance et le désespoir que ressent Persico, qui n'ont fait que croître depuis les massacres perpétrés par le Hamas le 7 octobre et l'assaut de l'armée israélienne sur la bande de Gaza qui s'en est suivi pendant un an. Lorsque la guerre a commencé, les médias israéliens se sont trouvés dans une situation critique, devant faire face au traumatisme d'une nation ébranlée par une violence sans précédent et qui s'est rapidement repliée sur une perception profondément ancrée de victimisation historique. Les chaînes d'information ont réagi à ce traumatisme national, note Persico, en se laissant encore davantage prendre dans les griffes de la propagande sanctionnée par l'État.
Alors que les jours de violence brutale se sont transformés en semaines et en mois, les médias israéliens sont revenus à des schémas familiers : se rassembler autour du drapeau, amplifier les récits de l'État et marginaliser toute couverture critique de la brutalité d'Israël à Gaza, sans parler de montrer des images ou de raconter les histoires des souffrances humaines parmi les Palestinien-nes de la bande de Gaza.
Le chemin qui mène à ce moment est tracé depuis longtemps. Le paysage médiatique israélien, qui, selon M. Persico, a toujours été soumis à l'establishment politique et militaire, a subi des pressions incessantes de la part de Benjamin Netanyahou au cours de la dernière décennie ; le premier ministre israélien a tenté de le transformer en un outil permettant d'exercer le pouvoir et, en fin de compte, d'assurer sa propre survie politique. Les médias commerciaux, plus intéressés par la fidélisation des téléspectateur-ices que par la contestation du pouvoir, sont devenus la proie de la stratégie de coercition, d'autocensure et de pression économique de Netanyahou.
Ces dernières années ont également vu l'essor rapide de Now 14 (plus connu sous le nom de Channel 14), la version israélienne de Fox News, qui s'est ouvertement alignée sur Netanyahou et concurrence aujourd'hui la domination de longue date de Channel 12. Elle propose aux téléspectateur-ices non seulement des informations, mais aussi des polémiques anti-palestiniennes – souvent ouvertement génocidaires – conçues comme du divertissement. En utilisant habilement des organes de propagande tels que la chaîne 14, de même que les médias sociaux, Netanyahou s'est assuré une audience dévouée qui le défend et le soutient face à la pression nationale et internationale.
Dans un entretien avec +972, qui a été raccourci et édité pour plus de clarté, Persico réfléchit au rôle historique des médias dans la négation des violations des droits de l'homme par Israël, à leur incapacité à remettre en question l'establishment politique et à l'absence quasi-totale de solidarité envers les journalistes palestinien-nes sous les bombardements à Gaza.
Décrivez-moi le paysage médiatique israélien à la veille du 7 octobre.
Le 6 octobre, les médias israéliens – qu'ils soient publics ou privés, à la télévision, à la radio ou sur l'internet – étaient affaiblis et assiégés après plus d'une décennie de lutte acharnée du Premier ministre Benjamin Netanyahou pour les contrôler. Alors que certains médias étaient simplement devenus un outil dans la guerre de propagande de Netanyahou, d'autres se sont progressivement soumis à ses pressions, en diffusant les alliés du Premier ministre et les points de discussion dans leurs émissions.
[Quelques mois avant le 7 octobre], le ministre des Communications, Shlomo Karhi, avait annoncé un projet de loi visant à réformer le paysage médiatique, basé sur son désir de fermer la Société publique de radiodiffusion d'Israël (connue familièrement sous le nom de KAN) et de « s'occuper » (c'est-à-dire d'exercer un contrôle sur) du secteur des médias privés. Tout cela s'est fait sous les slogans d'« ouverture du marché » et de « suppression des barrières » – des slogans qui signifiaient en fait faciliter la tâche des médias qui servent les intérêts de Netanyahou tout en restreignant les médias qui le critiquent.
Quelles mesures Netanyahou et ses gouvernements successifs ont-ils prises pour réprimer la presse au cours des dernières décennies ?
Depuis 1999 [lorsque Netanyahou a perdu les élections après son premier mandat de Premier ministre], il a désigné les médias comme son rival et a progressivement unifié sa base dans une lutte populiste contre eux. C'est particulièrement vrai depuis 2017, avec l'explosion de ses nombreux scandales judiciaires – tous directement liés à ses tentatives de contrôle des médias.
Au cours de la dernière décennie, Netanyahou a tenté de fermer Channel 10 ; a cherché à éviscérer la domination de Yedioth Ahronoth dans la presse écrite israélienne ; aurait promis à un magnat des médias des changements réglementaires bénéfiques en échange d'une couverture positive de lui et de sa famille ; et a méticuleusement placé ses soutiens dans tous les points de vente israéliens possibles, de Channel 12 et de la radio de l'armée israélienne à i24 et à KAN.
Et pourtant, nous ne pouvons pas rejeter toute la responsabilité sur le premier ministre. Netanyahou opère dans un pays où la plupart des médias sont privés et où le public se déplace vers la droite. Ces médias commerciaux ne veulent pas perdre leur audience ni leur lectorat. Ils ne peuvent pas vendre de publicité s'ils n'ont pas d'audience, et ils ne peuvent pas garder leur audience s'ils leur montrent des choses qui les mettent en colère.
Aucune discussion sur les médias israéliens d'aujourd'hui n'est complète sans parler de Channel 14, qui est devenu un tour de force dans le paysage, et qui pourrait encore dépasser Channel 12 dans sa domination. Channel 14 est née de la Jewish Heritage Channel, une petite station qui a échoué dans sa mission de diffusion de contenus religieux et qui n'avait pas de licence de diffusion d'informations. Mais progressivement, Netanyahou et ses alliés ont commencé à s'attaquer à cette réglementation : la chaîne a fini par obtenir une licence pour diffuser des informations et est devenue l'organe de propagande à part entière que nous connaissons aujourd'hui.
Bien qu'elle soit aujourd'hui la deuxième chaîne la plus populaire en Israël, elle continue de recevoir des avantages comme si elle était la petite entreprise qu'elle était à l'origine. Aujourd'hui, la chaîne est détenue par le fils d'un oligarque qui entretient des liens étroits avec Netanyahou et qui aurait des relations avec Vladimir Poutine et d'autres personnages louches.
Avec le début de la réforme judiciaire au début de l'année 2023, de nombreux médias se sont souvenus de leur objectif et de leur rôle : couvrir de manière critique tous les nœuds du pouvoir dans le pays – à la fois les élites économiques et la classe dirigeante. Channel 14, en revanche, a continué à parler d'une seule voix avec le gouvernement.
Les fidèles de Channel 14 forment également une sorte de communauté. Les sondages montrent régulièrement que, contrairement à Channel 11, Channel 12 et Channel 13, dont les téléspectateur-ices passent d'une chaîne à l'autre, ceux et celles de Channel 14 sont des inconditionnel-les de la chaîne [et ne recherchent pas d'informations ou d'analyses sur d'autres chaînes].
Cela signifie-t-il que si Netanyahou se réveille un matin et décide d'adopter une certaine position, Channel 14 transmettra ce message à son audience ?
Comme l'ensemble de l'appareil médiatique que Netanyahou a construit – qui est souvent surnommé la « machine à empoisonner », et qui utilise à la fois les médias conventionnels et les médias sociaux – Channel 14 est un outil de propagande. Elle est perçue comme amusante : elle fournit un divertissement aux masses.
Cela ressemble beaucoup à ce que font Donald Trump et Fox News aux États-Unis. À quoi cela ressemble-t-il sur Channel 14 ?
Les Israélien-nes sont engagé-es dans une guerre sanglante depuis plus d'un an, et ce que leur dit Channel 14, c'est que nous sommes en train de gagner, que la vie est belle. La chaîne met l'accent sur les succès militaires d'Israël tout en minimisant ses échecs – et dénonce les autres chaînes d'information pour avoir encouragé la panique et le défaitisme.
Par exemple, à la suite de l'attaque d'un drone sur une base militaire de Tsahal, qui a tué quatre soldats et en a blessé des dizaines d'autres, les sites des médias israéliens ont maintenu l'histoire en tête de liste pendant toute la nuit et la matinée. Ce n'est pas le cas de Channel 14, qui en a fait le titre principal de son site web pendant une demi-heure, avant de le remplacer par un sondage montrant que la plupart des Israélien-nes sont favorables à une attaque contre l'Iran.
Il cible également les « ennemis communs » – les autres médias, l'élite de l'armée et le procureur général – en les accusant d'être de connivence avec le gouvernement et en les rendant responsables de la situation difficile dans laquelle se trouve actuellement Israël. Elle est pleine d'incitation, de propagande et de théories de conspiration, faisant appel au désir de vengeance du public après le 7 octobre. Les commentateur-ices qui interviennent dans « The Patriots », l'émission phare de la chaîne animée par Yinon Magal, appellent régulièrement au génocide et à l'extermination [des Palestinien-nes]. De nombreux téléspectateur-ices se sentent bien lorsqu'ils ou elles voient cela ; cela confirme leurs sentiments déjà existants.
La popularité du canal 14 semble avoir surgi de nulle part. Comment cela s'est-il produit ?
Au moment où les principaux médias israéliens se sont opposés à la réforme judiciaire, l'audience de Channel 14 a commencé à augmenter rapidement. La deuxième hausse d'audience a eu lieu immédiatement après le 7 octobre. Ces deux augmentations représentent la capacité de la chaîne à former une communauté de leur audience.
Après deux ou trois semaines d'affichage d'une sorte d'« unité nationale » à la suite des attaques du Hamas, les médias israéliens sont rapidement revenus à leurs positions antérieures, soit pro-, soit anti-Netanyahou. Plusieurs voix se sont élevées sur Channel 14 dans les jours qui ont suivi pour blâmer le Premier ministre pour ce qui s'est passé le 7 octobre, mais elles se sont elles aussi très vite repliées sur la ligne du parti.
La croissance continue et la banalisation de Channel 14 après le 7 octobre est, à mon avis, l'évolution la plus significative que nous ayons observée dans les médias israéliens depuis le massacre.
Mais les manifestations de rhétorique extrémiste et de bellicisme ne se sont certainement pas limitées à Channel 14. Nous avons vu cela sur pratiquement tous les médias grand public après le 7 octobre, qu'ils soient ou non critiques à l'égard de Netanyahou.
Vous avez raison, l'ensemble du public israélien a basculé à droite et, pour la première fois de son histoire, Channel 12 doit faire face à une concurrence serrée de Channel 14. Elle a commis l'erreur classique d'essayer de plaire à tout le monde, y compris aux fascistes qui regardent Channel 14, et offre ainsi une tribune à des gens comme Yehuda Schlesinger [qui a appelé à ce que le viol des détenues palestiniennes au centre de détention de Sde Teiman devienne une politique officielle].
Il ne faut pas oublier que les journalistes en Israël font partie de la société israélienne. Ils et elles connaissent des personnes qui ont été tuées ou enlevées le 7 octobre. Ils et elles connaissent des soldat-es à Gaza.
Bien sûr, mais les journalistes ont aussi la responsabilité envers le public de rapporter ce qui se passe, et pas seulement envers les Israélien-nes. Sinon, ils et elles manquent à leur devoir.
C'est vrai, mais je considère également que leur comportement – qui consiste à mettre de côté leur intégrité journalistique afin de créer une sorte d'unité au sein du public – est une réaction naturelle et humaine à la suite d'un événement aussi traumatisant. Je ne pense pas que ce soit une bonne chose, je pense que c'est une erreur. Mais je ne pense pas que je puisse attendre autre chose de leur part.
Ne les ménagez-vous pas un peu ?
Les journalistes israélien-nes considèrent qu'il est de leur devoir patriotique de se concentrer sur notre statut de victime, d'ignorer les victimes de l'autre côté et de remonter le moral national, en particulier celui des soldats israéliens. Je pense que la chose patriotique à faire est de fournir des informations fiables au public afin qu'il puisse se faire une idée réelle de ce qui se passe autour de lui. Sinon, la société israélienne – ou toute autre société – aura une compréhension déformée de la réalité, fondée sur l'ignorance, le mensonge et le déni. Cela conduit à une société faible qui peut s'effondrer beaucoup plus facilement. Déclarer la vérité aura l'effet exactement inverse, mais les journalistes d'ici ne le croient pas.
Les médias israéliens montrent-ils au public ce que l'armée fait aux Palestiniens de Gaza ?
Non.
S'intéressent-ils aux violations des droits de l'homme commises par les Israéliens en Cisjordanie ?
Non.
Est-ce qu'ils retracent les mensonges répétés du porte-parole des FDI ?
Non.
Je comprends votre point de vue sur les premières semaines au cours desquelles les journalistes ont été profondément traumatisé-es, mais nous sommes un an après le 7 octobre et les journalistes continuent, pour la plupart, à abdiquer leurs responsabilités lorsqu'il s'agit de faire face à ces questions fondamentales. Ont-ils et elles simplement cessé de s'en préoccuper ?
L'ensemble de la société israélienne a de nombreuses années d'expérience dans l'ignorance de nos crimes contre les Palestinien-nes. Qu'il s'agisse de la Nakba, qui est un sujet totalement tabou, ou de l'occupation militaire permanente de millions de personnes. Les médias et leur public sont impliqués en concluant une sorte de pacte du silence : le public ne veut pas savoir, alors les médias n'en parlent pas. Ces mécanismes psychologiques étaient déjà tellement enracinés que le 7 octobre, ils se sont mis en marche et n'ont fait que s'amplifier.
Ce que nous avons vu au cours de l'année écoulée est le résultat d'un processus de plusieurs décennies visant à faire comprendre aux journalistes et aux téléspectateur-ices qu'il y a des choses dont nous ne parlons tout simplement pas et que nous ne montrons pas dans les journaux télévisés. La plupart des journalistes qui travaillent dans ces grands médias savent ce qui se passe, mais ils et elles ne veulent pas s'aliéner leur audience de peur de perdre en popularité. Il faudra des décennies pour inverser ce type d'endoctrinement.
Ils font comme si ces choses n'existaient pas ?
Les médias grand public comprennent que les violations des droits de l'homme ne sont pas une chose à célébrer, alors ils les ignorent tout simplement. Nous ne voyons pas de gros titres sur le ministère de la santé de Gaza annonçant que 40 000 Palestinien-nes ont été tué-es à Gaza. Nous ne voyons pas d'histoires humaines de Palestinien-nes sous les bombardements israéliens. Nous n'entendons pas parler des maladies qui ravagent la bande de Gaza. Personnellement, ce que j'ai entendu de la part des journalistes, c'est que « ce n'est tout simplement pas le moment de parler de ces questions ».
Il semble qu'à chaque fois que l'on allume l'une de ces chaînes d'information, on revit constamment les horreurs du 7 octobre, que ce soit à travers des récits de survivant-es ou de nouveaux rapports d'enquête. Quel effet cela a-t-il sur le public israélien ?
Le 7 octobre a été un événement qui a replacé les Juif-ves israélien-nes dans la position de la victime historique. Les images de kibboutzim et de villes israéliennes envahies et massacrées par des tireurs du Hamas nous rappellent les images historiques de l'Holocauste. Ce n'est pas une plaisanterie : nous sommes une société profondément post-traumatique qui n'a pas encore surmonté l'Holocauste, et ce jour-là, l'État qui était censé empêcher de futurs Holocaustes n'a pas réussi à le faire.
Et pourtant, la propagande que nous avons vue dans les journaux télévisés au cours de l'année écoulée ne fait que renforcer et justifier la violence de l'État à l'encontre des Palestinien-nes. Elle rationalise la nécessité de faire tout ce qui est nécessaire pour anéantir ceux qui sont dépeints comme un « mal absolu ». En fin de compte, cela donne aux Israélien-nes un sentiment de droiture, ce qui est nécessaire au cours d'une longue guerre dont la fin n'est pas clairement définie.
Quelle est l'influence réelle des médias israéliens sur le public, en particulier lorsque tant de personnes ont accès à d'autres formes d'informations sur les médias sociaux ?
Si, par le passé, le rôle des médias était de servir de médiateur et d'organiser la réalité [pour le public], le rôle central des médias israéliens aujourd'hui est de marquer les limites de la légitimité par rapport au discours public, ainsi que de déterminer qui est autorisé à participer à ce discours. Si vous regardez la chaîne 12, par exemple, vous verrez que lorsqu'il s'agit de questions militaires, ce sont d'anciens militaires – des hommes pour la plupart – qui participent à la conversation.
Il est également difficile d'éviter une autre dimension du rôle des médias : fournir une plateforme pour les efforts de la hasbara israélienne, et souvent servir de bras armé à cette dernière, avec des influenceurs tels que Yoseph Haddad apparaissant régulièrement dans les différents journaux télévisés.
Absolument. La hasbara est très demandée, et les médias – privés ou non – l'offrent au public, parce que c'est ce qu'il veut. Cela a atteint un point tel que Yoseph Haddad a constitué plus d'un tiers de toutes les apparitions d'« experts arabes » dans les médias israéliens au cours du premier semestre 2024. C'est bien qu'ils l'invitent, mais il ne représente en aucun cas la majorité des citoyen-nes palestinien-nes d'Israël.
Israël se targue souvent d'avoir une presse libre et extrêmement critique à l'égard du gouvernement. Est-ce vrai ?
Lors de chaque événement [historique] majeur, les médias israéliens ont toujours été loyaux envers la classe politique et militaire du pays, qu'il s'agisse d'une guerre, d'un plan de paix ou d'un programme économique. Jusqu'à la réforme du système judiciaire, ils ont suivi pratiquement toutes les grandes décisions politiques du gouvernement. Ils sont très critiques à l'égard de Netanyahou, car c'est un menteur corrompu qui fait clairement passer ses intérêts privés avant ceux de l'État. Mais ils ne critiquent pas l'armée ou l'État lui-même.
Il convient de rappeler qu'en 2002, l'indignation publique a été immense après l'assassinat par Israël du chef du Hamas [Salah Mustafa Muhammad Shehade] et la mort de 14 membres de sa famille, dont 11 enfants. Mais une occupation continue qui n'est pratiquement pas couverte par les médias grand public conduit également à une érosion de l'indignation publique et des normes journalistiques. Aujourd'hui, l'armée n'a aucun problème à tuer 14 personnes s'il s'agit d'éliminer un membre peu important du Hamas – et les médias, à l'exception de journaux comme Haaretz, s'en accommodent.
Qu'est-ce que les médias auraient pu faire différemment dans leur couverture après le 7 octobre ? Quelle différence auraient-ils pu faire ?
Tout d'abord, au cours des premiers jours qui ont suivi l'attentat, les médias ont accompli un travail exceptionnel à un moment où les autres institutions israéliennes ne fonctionnaient tout simplement pas. Les médias ont transmis des images au public, [ce qui a permis] d'aider les réfugié-es du sud et les survivant-es du massacre en fournissant littéralement une logistique aux gens parce que l'État ne fonctionnait tout simplement pas à ce moment-là.
Personne n'oblige le public israélien à ne pas savoir ce qui se passe à Gaza et en Cisjordanie. Ceux qui veulent savoir peuvent se tourner vers le New York Times ou le Guardian. Imaginez que vous preniez Haaretz ou +972 et que vous en fassiez une chaîne d'information grand public – cela changerait-il quelque chose ? Peut-être un peu, mais il s'agit ici de défaire des générations d'endoctrinement.
Le mois dernier, nous avons assisté à une sorte d'euphorie publique depuis les attentats au bipeur et l'assassinat du chef du Hezbollah Hassan Nasrallah, après lequel nous avons vu Amit Segal et Ben Caspit, de Channel 12, boire des coups et porter un toast à sa mort à la télévision. Cette euphorie s'est étendue à l'invasion israélienne du Sud-Liban et à l'assaut du Nord de Gaza dans le cadre de ce que l'on appelle le « plan des généraux », qui vise à liquider la région. Que pensez-vous de cette atmosphère apparemment festive dans les studios d'information ?
Les succès israéliens au Liban ont été accueillis en fanfare et célébrés. Dans les jours qui ont suivi ces « victoires », les médias ont très peu discuté de l'importance géopolitique de ce moment, au-delà des dommages causés par Israël au Hezbollah, qui, selon les experts, pourraient entraîner sa déclaration de défaite. Personne ne s'est levé pour évaluer de manière réaliste que nous entrons dans une phase où nous verrons [une augmentation] des roquettes et des drones dans le nord.
Cela rappelle ce qui s'est passé immédiatement après l'attaque du Hamas, lorsque les médias ont affirmé que l'opération ne durerait que quelques semaines ou quelques mois. [Ils ont totalement ignoré le fait qu'] en 2014, les FDI avaient estimé que la réoccupation de la bande de Gaza pourrait prendre cinq ans et coûterait la vie à des dizaines de milliers de Palestinien-nes et d'Israélien-nes. Netanyahou aurait divulgué cette évaluation à Channel 2 en 2014, précisément parce qu'il comprenait ces coûts immenses et ne voulait pas réoccuper militairement Gaza. Pourquoi les médias ne rappellent-ils pas ces évaluations au public ? Pourquoi Udi Segal, le journaliste de Channel 2 qui avait révélé cette information, ne s'exprime-t-il pas aujourd'hui ?
Je suis sûr qu'il existe des évaluations similaires concernant le Hezbollah, mais lorsque l'armée israélienne a commencé son invasion, les médias ont affirmé qu'elle ne durerait que quelques semaines. Cela nous ramène à la première guerre du Liban, lorsque les médias ont fait des déclarations très similaires sur la durée de l'opération [l'armée israélienne est restée dans le sud du Liban pendant près de deux décennies].
Selon le Syndicat des journalistes palestiniens, Israël a tué 168 journalistes palestiniens à Gaza depuis octobre dernier. Quel est le degré de solidarité des journalistes israélien-nes avec leurs homologues palestinien-nes de Gaza, ou avec les journalistes d'Al Jazeera qui ont été interdit-es de travailler en Israël et dont les bureaux à Ramallah ont été perquisitionnés et fermés par les forces israéliennes en septembre ?
Zéro. À la fin de l'année dernière, j'ai aidé Reporters sans frontières à organiser une pétition de solidarité des journalistes israélien-nes envers leurs collègues palestinien-nes. Je leur ai déclaré que personne, à part quelques personnes de la gauche radicale, ne signerait ce genre de déclaration, et j'ai proposé à la place d'essayer de faire signer aux journalistes israélien-nes une pétition demandant aux médias de montrer davantage ce qui se passait à Gaza, parce que je pensais que nous serions en mesure de faire signer davantage de journalistes traditionnel-les. Cela n'a pas été le cas. Très peu de gens ont voulu signer.
Ce que les journalistes israélien-nes ne comprennent pas, c'est que lorsque le gouvernement adopte sa « loi Al Jazeera », il s'agit en fin de compte de quelque chose de bien plus important que de simplement cibler la chaîne. La loi actuelle vise à interdire les organes d'information qui « mettent en danger la sécurité nationale », mais elle veut aussi donner au ministre israélien des communications le droit d'empêcher tout réseau d'information étranger d'opérer en Israël s'il risque de « nuire au moral national ». Ce que le public israélien ne comprend pas, c'est que la prochaine étape sera BBC Arabic, Sky News Arabic et CNN. Ensuite, ils s'en prendront à Haaretz, Channel 12 et Channel 13.
Craignez-vous une telle évolution ?
Nous nous dirigeons vers un régime autocratique à la Orbán et tout ce qui en découle – dans les tribunaux, les universités et les médias. Bien sûr, c'est possible. Cela semblait irréaliste il y a dix ans, puis plus réaliste il y a cinq ans, lorsque les scandales juridiques liés aux médias de Netanyahou ont éclaté. Ensuite, c'est devenu encore plus raisonnable avec la refonte du système judiciaire, et encore plus aujourd'hui. Nous n'y sommes pas encore, mais nous sommes certainement sur la bonne voie.
Traduction : JB pour l'Agence Média Palestine
Source : +972
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Dossier de presse du Syndicat des Journalistes Palestiniens : « Réduire les voix au silence »

L'Agence Média Palestine propose une traduction de ce dossier de presse fourni par le Syndicat des Journalistes Palestinien-nes, qui compile des témoignages de journalistes Palestinien-nes et démontre la volonté d'Israël d'empêcher le travail d'information afin de dissimuler ses propres crimes.
Tiré d'Agence médias Palestine.
Le calvaire des journalistes palestinien·nes détenu·es à Gaza lors de l'agression israélienne en cours
Introduction
Israël commet à Gaza l'un des massacres les plus odieux de l'histoire mondiale des médias, avec la volonté d'étouffer la vérité en s'en prenant directement aux témoins qui documentent ces crimes, à savoir les journalistes.
Nasser Abu Bakr, président du Syndicat des journalistes palestinien-nes, déclare : « Les crimes systématiques contre les journalistes vont de l'assassinat de ceux qui témoignent de la vérité à l'emprisonnement et à l'intimidation. Plus grave encore, leurs maisons ont été détruites, leurs familles tuées et leurs organismes de presse pris pour cible ». Il ajoute : « Il s'agit d'une véritable guerre contre les médias palestinien-nes, Gaza étant le théâtre du massacre le plus atroce jamais vu dans l'histoire du journalisme mondial. »
Depuis le début de la guerre israélienne en cours contre Gaza, le Syndicat des journalistes palestinien-nes a recensé l'assassinat de 167 journalistes, tandis que deux d'entre elles et eux sont toujours porté-es disparu-es suite à des détentions forcées. Plus de 190 journalistes ont été gravement blessés.
Des statistiques accablantes : Plus de 10 % des journalistes de Gaza tué-es par l'occupation
Abu Bakr décrit la guerre israélienne contre les journalistes palestiniens comme une » guerre génocidaire contre les médias, les journalistes et leurs institutions « . Au cours des onze derniers mois, la machine militaire israélienne a systématiquement exécuté des journalistes dans le cadre d'une campagne continue et délibérée. Les chiffres sont choquants : plus de 10 % des journalistes de Gaza ont été tué-es et 100 % des infrastructures de presse de la bande de Gaza ont été détruites.
Les données du Syndicat des journalistes palestinien-nes révèlent que les crimes de l'occupation comprennent également l'arrestation de plus de 100 journalistes à Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem. Mais l'horreur ne se limite pas au nombre de détenu-es : les formes de torture physique et de terreur psychologique qui leur sont infligées sont inimaginables. Les témoignages de journalistes et d'avocat-es libéré-es, documentés par le Syndicat des journalistes palestinien-nes, décrivent des actes de torture qui dépassent l'entendement. Ces traitements sont sans équivalent dans l'histoire.
« Les témoignages des journalistes détenu-es, hommes et femmes, sont poignants », poursuit Abu Bakr. « Elles et ils parlent de coups portés avec des objets tranchants, de suspension prolongée, de déshabillage forcé, de tentatives de viol sur des prisonniers et des prisonnières, et de menaces de mort. Il s'agit d'une torture lente, pratiquée pendant des heures, des jours et parfois des mois. Voilà les conditions dans lesquelles plus d'une centaine de journalistes, censé-es être protégé-es par le droit international, ont vécu alors qu'elles et ils tentaient d'exercer leur métier. »
Abu Bakr le souligne : « Les organisations internationales ont le devoir de documenter, d'exposer et de faire connaître ces crimes. Les organes de l'ONU spécialisés dans les questions de torture et de détention sont témoins, avec le reste du monde, de l'ampleur du massacre qui se déroule sous nos yeux. Pourtant, ces organisations, y compris la Croix-Rouge internationale, n'ont pas visité les prisons ne serait-ce qu'une seule fois depuis le 7 octobre 2023, alors que les avocat-e-s palestinien-ne-s ont réussi à rendre visite à certain-e-s prisonniers-ères. Pourquoi n'ont-elles pas agi ? Qu'est-ce qui les empêche de rendre visite aux prisonnier-e-s depuis près d'un an de guerre ? »
« Quant aux rapporteur-e-s spéciales-aux de l'ONU concerné-es par ces questions, nous attendons toujours qu'elles et ils publient une déclaration sur la réalité des crimes commis à l'intérieur des cellules fortifiées et sombres des prisons, où les prisonnier-e-s sont entravé-e-s par des chaînes en fer, privé-e-s de nourriture, d'eau et de la dignité humaine la plus élémentaire. Elles et ils subissent des coups, des tortures, des intimidations et des attaques répétées de chiens policiers, dans le froid rigoureux de l'hiver et la chaleur extrême de l'été. »

Il ajoute : « Les journalistes ont enduré des souffrances que les générations futures n'oublieront jamais. Aujourd'hui, nous tirons la sonnette d'alarme, nous frappons avec force aux portes et nous demandons à la presse internationale et aux organisations de défense des droits de l'homme de faire la lumière sur ces prisons, dont beaucoup fonctionnent comme des bases militaires de l'armée israélienne. Imaginez la scène à l'intérieur de ces centres de détention : des femmes journalistes, entièrement déshabillées, les yeux bandés, battues et torturées, avec d'un côté des bruits de chiens qui menacent de les mutiler, et de l'autre un interrogateur masculin qui menace de les violer. De quelle humanité pouvons-nous parler face à une telle horreur ? Et sans doute y a-t-il eu pire encore pendant ces heures d'agonie, prolongées en journées. Nous sommes en droit de demander à toutes les organisations internationales et aux journalistes du monde entier : avez-vous jamais rencontré, dans toutes les guerres fascistes de l'histoire, de tels témoignages, véridiques et documentés ? Nous demandons à la conscience de l'humanité : où êtes-vous dans tout cela ?
Ce message est un appel à tous les journalistes du monde entier pour qu'elles et ils s'acquittent de leur devoir professionnel et humain. Ces atrocités ne visent pas seulement les Palestinien-ne-s, ni uniquement les journalistes ; il s'agit de crimes contre l'humanité elle-même. »
La question la plus importante est la suivante : pourquoi l'occupation commet-elle tous ces crimes contre les journalistes ? Bien sûr, elles et ils ne sont pas armé-e-s, et le contraire n'a jamais été démontré. Les interrogatoires ne portent pas sur les armes, mais plutôt sur leur travail journalistique professionnel.
L'histoire de l'humanité a-t-elle jamais connu un interrogatoire aussi horrible que celui d'un journaliste simplement parce qu'il fait son travail ? Il s'agit d'une torture et d'un abus systématiques visant à instaurer la terreur. L'histoire retiendra que l'occupation israélienne est l'une des plus brutales et des plus hostiles envers les journalistes du monde entier et qu'elle a commis l'un des plus grands massacres de professionnels des médias de l'histoire moderne.
Le président du Syndicat des journalistes palestiniens, Nasser Abu Bakr, déclare : « La protection des journalistes est garantie par le droit humanitaire international, le droit international des droits de l'homme, les conventions de Genève et leurs protocoles additionnels, ainsi que par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Les journalistes sont considérés comme des civils et ont droit aux mêmes protections que les populations civiles. Par conséquent, l'arrestation, la torture et l'assassinat de journalistes en raison de leur travail professionnel constituent une violation flagrante du droit international et peuvent constituer des crimes de guerre. La résolution 2222 du Conseil de sécurité des Nations unies, adoptée en 2015, condamne unanimement toutes les violations commises à l'encontre des journalistes et dénonce fermement l'impunité pour de tels crimes. »
Les journalistes font l'objet de crimes et d'attaques systématiques, qui se sont intensifiés jusqu'au massacre. Depuis le 7 octobre, 167 journalistes ont été tué-e-s et ces attaques systématiques visent à les empêcher de rendre compte de la situation à Gaza et dans l'ensemble des territoires palestiniens.
Outre les assassinats, 125 journalistes ont été arrêté-e-s. Ces arrestations sont survenues soit sur la base d'accusations de provocation, soit dans le cadre d'une détention administrative, où les détenu-es ne connaissent ni les charges retenues à leur encontre, ni la durée de leur emprisonnement. Amnesty International définit cette pratique comme « la détention d'une personne sans procès pendant une période déterminée sous le prétexte d'un dossier secret auquel ni le détenu ni son avocat n'ont accès ».
L'arrestation de journalistes, en plus de violer le droit international et le droit humanitaire, comporte des actes de violence, de torture physique et de terrorisme psychologique. Le Syndicat des journalistes palestiniens surveille activement les conditions de détention des journalistes, documente les crimes commis à leur encontre et publie régulièrement des rapports sur leur situation. Ces rapports sont communiqués à la Fédération internationale des journalistes et aux organisations de défense des droits de l'homme. Selon les données du syndicat, 125 journalistes ont été détenu-es depuis le 7 octobre, dont 61 en détention administrative. Parmi ces journalistes, 32 journalistes de Gaza dont 6 femmes sont toujours en détention. Cependant, en raison des conditions dangereuses à Gaza et des difficultés à recueillir des informations, il est documenté que 15 journalistes de Gaza restent en détention administrative. Le syndicat estime que les autorités d'occupation utilisent la détention dans le cadre d'une politique systématique visant à intimider les journalistes et à empêcher que la vérité soit rapportée. D'après les témoignages recueillis, il est clair que l'objectif de l'occupation est de punir les journalistes pour leur rôle professionnel et de créer un climat de peur et d'anxiété, afin de les empêcher d'exercer leurs fonctions. Bien qu'elle soit signataire de nombreuses conventions internationales, y compris celles qui protègent les journalistes – comme l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui consacre le droit à la liberté d'opinion et d'expression -, l'occupation ne respecte pas ces obligations. Les journalistes considèrent que ce ciblage systématique crée un environnement hostile à leur profession, une stratégie qui est appliquée quotidiennement à Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem. Ces difficultés font peser de grands risques sur le journalisme palestinien. Pourtant, les journalistes palestinien-nes continuent de couvrir la situation avec un courage remarquable, malgré la violence, la censure, la répression, la détention, l'intimidation et les assassinats auxquels elles et ils sont confronté-es.
Les méthodes militaires utilisées par l'occupation israélienne pour supprimer la liberté de la presse remettent en cause les valeurs et les principes mêmes du journalisme libre, ainsi que la liberté d'opinion et d'expression. Ces actions remettent également en cause le droit international et la responsabilité des institutions mondiales de veiller à ce que les auteur-ices de ces crimes n'échappent pas à leur obligation de rendre des comptes.
Témoignages de détention de journalistes palestinien-nes
Traitement exceptionnel des journalistes
Les journalistes sont délibérément pris-es pour cible par l'occupation dans le but de faire taire leurs voix. Il ne s'agit pas d'une simple hypothèse, mais d'un fait, étayé par les témoignages poignants de journalistes qui ont subi de graves tortures lors de leur détention par les forces israéliennes. Des dizaines de témoignages, recueillis par le Syndicat des journalistes palestiniens, confirment que les journalistes sont soumis-es à un traitement spécifique et sévère pendant leur détention, uniquement en raison de leur profession.
C'est le cas de Diaa Al-Kahlout, directeur du bureau d'Al-Arabi Al-Jadeed dans la bande de Gaza et père de cinq enfants. Al-Kahlout a été arrêté par les forces d'occupation alors qu'il se trouvait au domicile familial, dans le nouveau quartier résidentiel de Beit Lahia. Il a été conduit de force, nu, avec des dizaines d'autres personnes, dans la rue du marché. Les soldat-es de l'occupation l'ont filmé et photographié, et ces images ont ensuite été diffusées publiquement par les soldat-es, qui l'ont humilié au milieu du marché.

Notre collègue Diaa Al-Kahlout, dans une interview accordée à Al-Arabi TV après sa libération du centre de détention « Zkayim », où il a été détenu pendant 33 jours, fait part de son expérience : « Dès mon arrestation, je me suis identifié comme journaliste, espérant que les enquêteur-ices respecteraient ma profession. Au contraire, les soldat-es de l'occupation ont immédiatement pris ma carte de presse du Syndicat des journalistes palestinien-nes et l'ont cassée. Au lieu d'être traité avec respect, ma situation s'est aggravée. Plusieurs soldat-es se sont rassemblé-es autour de moi et, pendant l'interrogatoire, leurs questions portaient uniquement sur mon ‘crime' d'être journaliste ».
Dans un autre témoignage, un journaliste de Gaza (S.F.) raconte : « Nous sommes devenu-es des cibles directes, comme si transmettre la vérité était désormais considéré comme un crime ». Un autre journaliste (A.L.) a ajouté : « Les journalistes ne sont plus considéré-es comme des observateur-ices ; nous sommes maintenant traité-es comme des ennemi-es. »
Un journaliste palestinien des territoires de 1948 (S.S.), qui a demandé à rester anonyme pour éviter les représailles, a partagé son point de vue : « Malgré la carte de presse israélienne, la discrimination entre les journalistes étrangers ou juifs et les journalistes arabes est flagrante. Les restrictions de mouvement et de travail ont atteint des niveaux sans précédent, en particulier pour les journalistes arabes et palestinien-nes ».
Le journaliste Rajai Al-Khatib, basé à Jérusalem, décrit son calvaire : « Je préparais un reportage télévisé, ma carte de presse visiblement accrochée à mon cou, et j'avais un appareil photo. Dès que je suis arrivé à Bab al-Asbat, quatre policiers israéliens se sont approchés et ont commencé à me frapper avec leurs mains et leurs pieds. L'un d'eux a crié : « Vous, les journalistes, vous êtes la cause principale de la guerre. Tout ce qui se passe, c'est à cause de vous, c'est vous qui prenez des photos et qui les diffusez ». Chaque fois que je leur disais que j'étais journaliste, les attaques redoublaient d'intensité. Un soldat m'a même dit : »Va au diable » ».
Torture dans les prisons israéliennes
Moaz Ibrahim Amarneh, photojournaliste palestinien résidant dans le camp de Dheisheh, dans le gouvernorat de Bethléem, a perdu son œil gauche alors qu'il couvrait des affrontements populaires pacifiques dans le village de Surif, au nord-ouest d'Hébron, en 2019, à la suite d'un ciblage direct par les forces d'occupation israéliennes. Le 16 octobre 2023, Amarneh a été arrêté par les autorités d'occupation.

J'avais peur de finir dans le « sac noir »
Dans son témoignage au Syndicat des journalistes palestiniens, Amarneh décrit son expérience de la détention : « Lorsque je suis arrivé à la prison de Megiddo, j'ai été victime d'une grande violence et d'une agression physique. J'ai été frappé à la tête jusqu'à ce que je perde connaissance, et après avoir repris connaissance, je me suis retrouvé face à un officier israélien qui essayait de me réveiller. J'ai demandé à être transféré à l'hôpital en raison d'une ancienne blessure à la tête et de la nécessité d'un traitement contre le diabète. Ma demande a été refusée et on m'a laissé souffrir. Pendant un moment, j'ai eu peur de finir dans le ‘sac noir'… avant de pouvoir voir un médecin pour la première fois après quatre mois ».

Le journaliste Ismail Maher Khamis Al-Ghoul (correspondant de la chaîne satellitaire Al Jazeera), né le 14 janvier 1997, a été assassiné par un drone israélien quelques minutes après sa couverture journalistique en direct, le 31 juillet 2024, alors qu'il se trouvait dans sa voiture portant l'enseigne de la presse avec son collègue, le photographe Rami Al-Rifi. Ils ont été tués lors d'une opération délibérée d'assassinat menée par les forces d'occupation israéliennes dans le camp d'Al-Shati, à l'ouest de la ville de Gaza.
Al-Ghoul avait déjà été arrêté par les forces d'occupation avec un groupe de journalistes lorsque l'occupation a pris d'assaut le complexe médical Al-Shifa dans la ville de Gaza le 17 mars 2024. Son épouse Malak décrit dans son témoignage au Syndicat des journalistes palestinien-nes les détails de l'agression dont son mari a été victime avant d'être assassiné : « Mon mari se trouvait avec un groupe de journalistes dans une salle du complexe médical Al-Shifa. Ils ont emmené un groupe d'entre eux dans la cour de l'hôpital Al-Shifa et les ont agressés en les frappant et en les injuriant pendant toute la nuit devant les personnes déplacées de l'hôpital ».
L'épouse endeuillée d'Ismail Al-Ghoul poursuit avec un discours plein de douleur : « Ismail ne m'a jamais révélé les détails de l'agression dont il a été victime de la part des soldats de l'occupation. Il ne voulait pas m'effrayer, mais les marques des attaques des soldat-es de l'occupation étaient clairement visibles sur certaines parties de son corps. »

Rasha Hirzallah, journaliste de la ville de Naplouse, travaille comme rédactrice en chef à l'agence de presse et d'information palestinienne « WAFA ». Elle a été arrêtée le 8 juin 2024 par les services de renseignement israéliens sur la base d'accusations liées à son travail dans les médias et se trouve toujours dans la prison de Damon, au nord de l'État d'occupation, au moment de la rédaction du présent rapport. Osama Hirzallah, le frère de Rasha, déclare à propos de son arrestation : « La famille vit dans l'inquiétude permanente au sujet de Rasha. Les visites familiales sont interdites. Même pendant le procès, on nous a empêchés de la voir, et nous ne savons rien d'elle, si ce n'est son lieu de détention ».
Nidal Abu Aker, journaliste du camp de Dheisheh près de Bethléem, âgé de 56 ans, a été arrêté à plusieurs reprises par les autorités israéliennes, au cours desquelles il a passé une quinzaine d'années en détention administrative. Il a fondé la radio « Voice of Unity » qui a émis depuis le camp entre 2012 et 2016.
Muhammad, le fils de Nidal Abu Aker, cite l'un des soldats de l'occupation lors de l'arrestation de son père : » Nous arrêtons Nidal Abu Aker parce qu'il est Nidal Abu Aker « , en précisant : « Cette confession des raisons de l'arrestation révèle que le journaliste est pris pour cible sans aucune charge. »
À propos de la nuit de l'arrestation, il déclare : » Cette nuit-là, les soldat-e-s de l'occupation ont pris d'assaut notre maison et nous ont battu-e-s, maudit-e-s et insulté-e-s, puis sont passé-e-s à l'étape de la destruction de la maison, et après avoir terminé l'assaut et la destruction, ils nous ont arrêtés, mon père et moi ».
Muhammad continue : » On nous a mis avec un groupe de détenu-es dans une cour, on nous a attaché les mains derrière le dos avec les pieds et on nous a fait asseoir sur les genoux. Quiconque tentait de lever la tête ou de bouger une jambe recevait un coup de bâton sur le corps de la part d'un des soldats. L'un des soldats a crié en arabe à l'un d'entre nous : Dit : ‘J'aime Israël'. »
La souffrance de la famille Abu Aker ne s'est pas arrêtée là. Muhammad Abu Aker raconte : « J'ai été placé dans la prison du Néguev. Pendant ma période de détention, les soldat-es de l'occupation ont pris d'assaut notre maison à plusieurs reprises et, à chaque fois, ont fait preuve de sadisme en brisant le contenu de la maison et en frappant ma mère et mes sœurs. Plus d'une fois, elles et ils ont convoqué ma mère au complexe de la colonie d'Etzion ou au (Checkpoint 300). Elles et ils m'ont menacé plus d'une fois d'assassiner mon père ».
« Comme des moutons… ils nous ont jeté-es les un-es sur les autres »
Ali Abdul Aziz Muhammad Abu Sharia, journaliste palestinien de la ville de Gaza, vivait dans le quartier de Sabra avant d'être déplacé. Il a été arrêté par les forces d'occupation israéliennes le 25 janvier 2024 alors qu'il était déplacé avec sa famille vers le sud en quête de sécurité.
Décrivant le moment de son entrée dans les centres de détention de l'occupation, Abu Sharia déclare : « Je n'avais pas de vêtements. Ils m'ont frappé sur tout le corps. Le soldat israélien m'a déclaré « Viens à moi », dès que je l'ai rejoint des dizaines de soldats m'ont battu sur tout le corps de tous les côtés. «

« Comme des moutons… ils nous ont jeté-es les un-es sur les autres », c'est en ces termes qu'Abu Sharia décrit la scène à laquelle lui et les prisonnier-es ont assisté au moment de leur arrestation et de leur transfert vers les centres de détention de l'occupation dans des camions. Il ajoute : « Bien sûr, étant donné que nous étions nus, ils nous ont jetés les uns sur les autres : » Bien sûr, comme nous étions nu-es, ils nous ont jeté-es l'un-es sur l'autre. Nous étions nombreux-ses, plus de cinquante à soixante détenu-es, les un-es sur les autres dans des camions. Je suis désolé pour l'expression, mais comme des moutons… nous avons été balancé-es les uns sur les autres… une scène qui n'a rien à voir avec l'humanité ».
Lama Ghosheh, journaliste indépendante de Jérusalem, a été arrêtée le 4 septembre 2022 et interrogée par les autorités israéliennes en raison de son travail journalistique. Elle déclare : « J'ai été menacée d'emprisonnement plus d'une fois, simplement parce que je suis journaliste ».

Ghosheh ajoute : « Des milliers de Palestinien-nes à Jérusalem et dans les 48 territoires ont la « gorge entravée », car le prix des mots et de l'opinion est soit la mort, soit l'arrestation. »
Mishal Mohammed Al-Masri, journaliste palestinien de 43 ans originaire de la région de Beit Lahia, dans le nord de la bande de Gaza, a été arrêté le 9 décembre 2023. Il raconte : » Les soldat-e-s nous ont interrogé-e-s si brutalement que cela nous était insupportable, à l'aide de matraques et de bâtons, des coques métalliques de leurs chaussures, de chiens policiers, et d'eau froide par un temps glacial, après nous avoir forcé-e-s à nous déshabiller. «
La journaliste Ikhlas Sawalhah, épouse du journaliste détenu Ibrahim Abu Safiya, a été arrêtée par l'occupation le 12 décembre 2023. Elle a déclaré dans son témoignage au Syndicat des journalistes palestinien-nes qu'elle avait été sévèrement battue par des femmes soldat-es de l'occupation après qu'elles l'aient forcée à se déshabiller.
Agressions lors de l'arrestation
Les forces d'occupation israéliennes utilisent délibérément des méthodes brutales lors de l'arrestation de journalistes palestinien-nes, en perquisitionnant leurs domiciles aux premières heures de l'aube, en cassant les portes et en terrorisant les membres de leurs familles. Le journaliste (A.M) a décrit le moment de son arrestation comme terrifiant, lorsque des soldats ont soudainement pris d'assaut sa maison et l'ont fouillée sauvagement, et ont fait usage de violence contre les membres de sa famille qui voulaient s'enquérir de la raison de l'arrestation. Dans de nombreux cas, les journalistes sont violemment maîtrisés devant leurs proches, puis transférés dans des véhicules militaires sans leur permettre de porter des vêtements appropriés ou de prendre leurs affaires de base.
Le journaliste (M.R), dans son entretien avec le Syndicat des journalistes palestiniens, a déclaré qu'il avait été battu et insulté pendant son transfert, où les soldats lui lançaient des insultes et le menaçaient de le torturer. Ces pratiques font partie de la stratégie de l'occupation visant à terroriser les journalistes et à les dissuader d'exercer leur métier.

La journaliste de Jérusalem Roz Al-Zarou (47 ans) a indiqué dans sa déclaration au Syndicat des journalistes que les forces d'occupation ont pris d'assaut sa maison le 9/9/2024, provoquant un climat de terreur et d'intimidation dans sa famille, en particulier chez son jeune enfant. La maison a été saccagée et encerclée par un grand nombre de fonctionnaires de la police israélienne.
Elle ajoute : « Les soldat-es de l'occupation ont confisqué toutes mes cartes de presse (palestinienne, internationale et israélienne), ainsi que mon passeport. J'ai ensuite été emmenée au centre de détention de Moscobiyeh, où j'ai passé une journée entière à subir des interrogatoires brutaux ».
Al-Zarou explique que la police d'occupation a décidé de la libérer contre une caution financière de 6 000 shekels, à condition qu'elle soit assignée à résidence pendant huit jours. » C'est au-delà de toute description… » C'est en ces termes qu'Al-Zarou a fait part de la terreur et de l'intimidation causées par le raid sur sa maison, affectant sa famille, en particulier les enfants, et lui laissant de graves traumatismes psychologiques.
Le journaliste Moaz Amarneh raconte : » Lors de mon transfert de mon domicile à la détention, j'ai été battu et menacé, et j'ai été utilisé comme bouclier humain lors de confrontations qui se sont produites en chemin. Dès mon arrivée au centre de détention, j'ai été sévèrement battu jusqu'à ce que je perde connaissance. Il a fallu quatre mois pour que je puisse voir un médecin ».
Pour ce qui est de Muhammad Nidal Abu Aker, il déclare : « En 2018, les forces israéliennes ont pris d'assaut la maison familiale et ont arrêté Muhammad et son père ensemble, où ils ont été battus et transférés dans des véhicules militaires séparément. La famille a mentionné que ces attaques se répétaient périodiquement, les forces prenant d'assaut la maison, brisant son contenu et agressant les membres de la famille, y compris sa mère et ses sœurs. »
Le journaliste Mishal Al-Masri raconte : « Nous avons été interrogés au cours des premières heures de notre arrestation, et l'interrogatoire a été brutal. Personne ne pouvait supporter les coups violents. Les soldat-es ont utilisé des matraques et des bâtons, et ils ont utilisé tous les moyens brutaux contre nous pendant l'arrestation. »
Malak, épouse du journaliste assassiné Ismail Al-Ghoul : « Ismail a été arrêté tard dans la nuit, les forces d'occupation sont entrées dans sa chambre et l'ont sévèrement battu devant tous les détenus dans la cour du complexe médical Al-Shifa. Selon des témoins oculaires, Ismail a été brutalement frappé à la tête, aux mains et aux jambes. La torture s'est poursuivie toute la nuit.
Disparition forcée et privation de visites
Les disparitions forcées et les privations de visites constituent deux graves violations des droits de l'homme auxquelles sont soumis-es les prisonnier-es palestinien-nes dans les prisons israéliennes. Ces derniers mois ont été marqués par une augmentation sans précédent des cas de disparition forcée de journalistes.
Les informations reçues par le PJS indiquent que deux journalistes de la bande de Gaza sont soumis à une disparition forcée depuis le 7 octobre 2023. Il s'agit des collègues Nidal Al-Wahidi et Haitham Abdul Wahed, tous deux photojournalistes. Les autorités d'occupation refusent de fournir la moindre information sur le lieu où ils se trouvent – comme des milliers de prisonnier-e-s arrêté-e-s dans la bande de Gaza – et refusent d'autoriser leurs avocat-e-s et les organisations internationales à leur rendre visite. Selon les témoignages, la disparition forcée accroît les souffrances des prisonnier-e-s et de leurs familles, car il devient difficile pour les familles d'obtenir des informations sur leurs conditions de vie ou leur état de santé.
Selon la Déclaration sur la protection contre les disparitions forcées, adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies dans sa résolution 47/133 du 18 décembre 1992 en tant qu'ensemble de principes applicables à tous les États, il y a disparition forcée lorsque : » des personnes sont arrêtées, détenues ou enlevées contre leur volonté ou privées de toute autre manière de leur liberté par des agent-es de différentes branches ou de différents niveaux du gouvernement, ou par des groupes organisés ou des particuliers agissant au nom du gouvernement ou avec son appui, direct ou indirect, son consentement explicite ou tacite, suivi d'un refus de révéler le sort réservé à ces personnes ou l'endroit où elles se trouvent ou d'un refus d'admettre qu'elles sont privées de liberté, ce qui les soustrait à la protection de la loi « .

Privation de soins et de traitements dans les prisons d'occupation
Le journaliste Moaz Amarneh, qui souffre d'une balle logée dans la tête, parle de ses souffrances et de son besoin de soins et de traitements constants pour son état : « Après avoir été sévèrement battu, je souffrais de douleurs intenses et j'ai demandé un traitement médical à plusieurs reprises, mais l'administration pénitentiaire n'a pas tenu compte de mon état. Étant diabétique et ayant une balle de l'occupation logée dans la tête, mon état de santé nécessite un suivi permanent. On ne m'a présenté à un médecin qu'au bout de quatre mois, après une forte pression de la part de l'avocat.
Mishal Al-Masri, journaliste palestinien, raconte dans son témoignage la négligence médicale dans les prisons israéliennes : « Il y avait un médecin qui nous surveillait, mais il ne faisait pas son devoir. Nous étions attachés avec des câbles métalliques et ils portaient des taches de notre sang. Les blessures étaient traitées après plus de 4 heures, lorsque la plaie avait séché. Cela se répétait tous les jours, et la douleur était continue 24 heures sur 24, jour et semaine. »

Diaa Kahlout, un journaliste palestinien, a raconté des détails horribles sur les conditions de santé des prisonnier-es : « Ce qui est malheureux, c'est qu'il y a des enfants – de 16 et 17 ans – et des personnes âgées et malades. Je connais un détenu de 77 ans qui souffre de la maladie d'Alzheimer. J'ai été détenu avec des personnes souffrant d'un cancer et un autre blessé par une balle de l'armée d'occupation, détenus de la même manière ».
Qadura Fares, chef de la Commission des affaires des prisonnier-e-s et ex-prisonnier-e-s palestinien-ne-s, a parlé de la propagation des maladies de peau dans les prisons, en déclarant : » Le manque d'eau, en particulier d'eau chaude, et le manque de produits de nettoyage tels que le savon et le shampoing, tout cela conduit à la propagation de maladies de la peau, en particulier de la gale, qui touche plus de 60 % des prisonnier-e-s. Cette maladie est très incommodante pour les prisonnier-es, qui ne peuvent pas dormir à cause d'elle. En outre, les attaques des forces d'occupation contre les sections de la prison et les agressions contre les prisonnier-e-s causent des blessures qui, en raison du manque de propreté et de traitement, se transforment en ulcères, puis en infections et en empoisonnements. L'empoisonnement finit par atteindre l'os, et certains prisonniers, risquant la gangrène, se voient amputés d'un membre ».
L'avocat (A.J) de la Commission des affaires des prisonniers et ex-prisonniers (qui a refusé de divulguer son nom par crainte des politiques d'occupation) a confirmé que » les prisons israéliennes sont le théâtre d'une négligence médicale délibérée à l'égard des prisonnier-e-s, qui sont privé-e-s des soins de santé dont ils et elles ont besoin. Les journalistes en détention souffrent de cette négligence au même titre que les autres prisonnier-e-s. Cette négligence conduit à l'aggravation de leur état de santé et les rend vulnérables à des maladies chroniques et graves sans recevoir de traitement approprié ».
Le directeur général de la Commission indépendante des droits de l'homme (ICHR), Ammar Dwaik, déclare : » La négligence médicale délibérée est pratiquée dans les prisons de l'occupation israélienne. Les prisonnier-e-s sont privé-e-s des traitements nécessaires, et des conditions de santé graves sont aggravées sans aucune intervention médicale réelle. Cette négligence entraîne non seulement l'aggravation des maladies et des blessures, mais aussi la mort d'un certain nombre de prisonniers à l'intérieur des prisons ».
Shawan Jabarin, directeur de la Fondation Al-Haq, a confirmé que « la négligence médicale est l'un des outils de répression les plus dangereux utilisés par les autorités d'occupation contre les prisonniers palestiniens. Les autorités ont délibérément omis de fournir un traitement approprié aux détenu-es souffrant de maladies graves, ce qui a entraîné une aggravation tragique de leur état. Des cas d'amputation de membres ont été documentés en raison de l'absence de traitement approprié en temps opportun, ce qui témoigne de l'ampleur des violations flagrantes ».
La famine dans les prisons israéliennes
Les journalistes emprisonné-es, comme toutes les personnes détenues en Palestine, sont confronté-es à des conditions extrêmement difficiles, dont l'une des manifestations est un système de torture par la faim, que les autorités d'occupation israéliennes utilisent de manière systématique.
Le journaliste Moaz Amarneh, dans son témoignage au Syndicat des journalistes palestiniens, déclare avoir perdu environ 30 kilos et décrit son expérience en ces termes : « « La nourriture en prison était de pire en pire, car la quantité était très faible, et j'ai beaucoup souffert du manque de nourriture. Je suis diabétique, ce qui nécessite une alimentation particulière, mais personne ne s'en souciait. La nourriture était malsaine et parfois mal cuite. Les repas étaient distribués à dix ou seize personnes selon le nombre de personnes dans la cellule, alors qu'ils étaient à peine suffisants pour une personne ».
Ali Abu Sharia, qui a perdu pas moins de 18 kilos en 23 jours de détention, déclare : « Les repas ne nourrissent pas et ne satisfont pas la faim, à tel point que j'ai perdu pas moins de 18 kilos en 23 jours de détention. Mon poids a diminué de près d'un kilo par jour. »
Osama Hirzallah confirme : « Chaque prisonnier-e libéré-e des prisons israéliennes a perdu pas moins de 30 ou 40 kilos de son poids, en raison des mauvais traitements et de la malnutrition. »
Quant à Ikhlas Sawalhah, détenue à la prison de Damon, elle raconte sa douloureuse expérience en disant : « Lorsque je suis entrée pour la première fois dans la prison, les quantités étaient très faibles, les variétés étaient pauvres et très rares, réparties sur les jours de la semaine. Nous recevions une demi-tasse de thé par jour. Sauf le samedi, nous n'en avions pas. Quant à la confiture, c'était le mercredi. Les repas de midi se limitaient à de la soupe – parfois de la soupe d'orge – et du riz pour le déjeuner, en très petites quantités qui ne nourrissent ni ne rassasient personne ».
Ikhlas Sawalhah poursuit son récit sur la souffrance dans les prisons : « En raison de la mauvaise qualité et de la rareté de la nourriture, la plupart des prisonnières souffraient de constipation, du syndrome du côlon irritable, d'hémorroïdes et de cycles menstruels irréguliers. »
Rasha Ibrahim, épouse du journaliste détenu Dr. Mahmoud Fatafta, décrit la situation alimentaire en prison d'après ce que les compagnons de son mari dans la même cellule lui ont déclaré après leur libération : « La nourriture était peu abondante et de mauvaise qualité, un certain nombre de prisonniers préféraient rester affamés plutôt que de manger la nourriture fournie ».
Qadura Fares, chef de la Commission des affaires des prisonniers palestiniens, explique l'impact de la politique de privation de nourriture en ces termes : « La politique de famine a réduit la quantité de nourriture fournie aux prisonniers de plus d'un quart, ce qui a entraîné une chute collective du poids des prisonniers. La perte de poids moyenne est d'environ 30 à 35 kilogrammes. Il ne s'agit pas d'un accident, mais d'un résultat de la politique de privation de nourriture ».
Shawan Jabarin, directeur de l'organisation Al-Haq, ajoute : « Dans certains cas, cinq prisonniers partagent un seul œuf ou une petite quantité de labneh, qui sert de repas à 12 prisonniers. Il s'agit d'une politique de famine systématique et délibérée ».
(ICHR) : La privation de nourriture est l'une des méthodes utilisées pour torturer les prisonniers
Amar Dweik, directeur général de la Commission indépendante des droits de l'homme (ICHR), déclare : « La privation de nourriture est l'une des méthodes utilisées pour torturer les prisonnier-es dans les prisons de l'occupation israélienne. Cette privation de nourriture ne consiste pas seulement à réduire la quantité de nourriture fournie, mais aussi à fournir des aliments de mauvaise qualité et impropres à la consommation humaine. Ces pratiques visent à affaiblir les prisonniers physiquement et psychologiquement, à mettre leur vie en danger et à accroître leurs souffrances quotidiennes ».
Dans ces conditions désastreuses, la cruauté et la négligence que subissent les prisonniers palestiniens deviennent évidentes, car la politique de famine fait désormais partie intégrante des outils d'oppression utilisés par les autorités d'occupation israéliennes pour briser leur volonté et les dépouiller de leur humanité.
Harcèlement sexuel dans les prisons israéliennes
Les témoignages de prisonnier-es libéré-es et d'institutions de défense des droits de l'homme ont révélé que les détenu-es palestinien-nes étaient soumis-es à de graves tortures et à des traitements dégradants pour la dignité humaine, y compris le déshabillage et le harcèlement sexuel ou des menaces en ce sens. Les prisonnières palestiniennes sont victimes de harcèlement sexuel et d'autres violations.
La journaliste Ikhlas Sawalhah révèle dans son témoignage au Syndicat des journalistes palestinien-nes : « J'ai été fouillée nue à la prison de Ramon à deux reprises, et à Damon à cinq reprises, que ce soit à l'entrée ou à la sortie de la prison, en plus d'avoir été fouillée nue à quatre autres reprises lors d'opérations de transfert d'une prison à l'autre. » Elle confirme : » Bien sûr, toutes les filles et les femmes étaient fouillées nues, il s'agit d'une procédure obligatoire… Il y a des filles très jeunes qui ont été fouillées nues collectivement dans la prison de Hasharon. »

Elle explique : « Les soldat-es de l'occupation demandent aux prisonnières de se déshabiller et, à une occasion, une soldate m'a frappée alors que j'étais nue avec sa chaussure à pointe métallique. »
La journaliste de Jérusalem Lama Ghosheh a été arrêtée et interrogée par les autorités d'occupation israéliennes.
Lama a raconté son expérience au Syndicat des journalistes en disant : « Ils m'ont placée dans une section spéciale pour les détenus criminels, où seuls les hommes sont emprisonnés, puis dans la prison de Hasharon. À cette époque, elle était réservée aux criminels, la plupart d'entre eux ayant été arrêtés pour des affaires de viol et de drogue… vous pouvez imaginer ce que cela signifie !!… »
Ces témoignages ne sont pas de simples faits isolés, mais des preuves des violations systématiques et continues dont sont victimes les journalistes palestinien-nes et leurs familles. Par ces pratiques répressives, les autorités d'occupation tentent de faire taire les voix libres qui cherchent à transmettre la vérité et à documenter les crimes israéliens contre le peuple palestinien.
Lama Ghosheh a dessiné cette peinture pendant sa période d'assignation à résidence pour documenter l'expérience difficile qu'elle a vécue pendant sa détention. Elle explique : » Cette peinture incarne le moment difficile que chaque prisonnière traverse dans les centres de détention de l'occupation lorsqu'elle est soumise à une fouille à nu, où les prisonnières sont forcées d'enlever tous leurs vêtements sous le prétexte d'une fouille pour des raisons de sécurité par des soldates de l'administration pénitentiaire (Shabas). J'ai personnellement vécu ce moment et j'ai jugé utile de le documenter pour l'humiliation et l'oppression qu'il comporte et qui ne s'arrêtent pas avec la fin du moment, mais dont les effets se poursuivent à jamais ».
Ismail Al-Ghoul parlait ainsi de son expérience, avant d'être assassiné par Israël : » Les forces d'occupation nous ont forcé-es à nous déshabiller complètement, à nous agenouiller sur le sol et à mettre nos mains sur la tête pendant environ une heure, par un temps très froid, et nous sommes resté-es dans cet état pendant environ 12 heures, après que les forces d'occupation aient pris d'assaut l'hôpital et démoli la tente des journalistes. Nous avons été forcé-es de nous asseoir par terre, nus, et par un temps très froid, dans une pièce de la cour de l'hôpital, alors que les forces d'occupation tiraient lourdement sur les environs de l'hôpital, et malgré le fait que nous avions les yeux bandés et les mains menottées ».
Quant au journaliste Diaa Kahlout, il a raconté les détails de ses souffrances en ces termes : « Nous avons été forcés d'enlever tous nos vêtements, et nous n'avons été autorisés à garder qu'un sous-vêtement pour la partie inférieure, avant d'être transférés à la base militaire de Zkayim. »
Dans le cadre des enquêtes sur les violations flagrantes subies par les prisonniers palestiniens dans les prisons israéliennes, des témoignages émergent confirmant que certain-e-s prisonniers-es ont été soumis-es à des agressions sexuelles, y compris des cas de viols systématiques.
Ces témoignages mettent en lumière un aspect sombre des pratiques de l'occupation à l'encontre des prisonniers, où les violations ne se limitent pas à la seule torture physique, mais s'étendent à des violations plus graves qui dégradent la dignité humaine et visent leur humanité. Ces pratiques ne sont pas seulement des crimes contre des individus, mais font partie d'une politique visant à briser la volonté du peuple palestinien et à l'humilier de manière brutale et inhumaine.
Shawan Jabarin, directeur général de la fondation Al-Haq, souligne l'une des violations les plus dangereuses et les plus odieuses dont sont victimes les prisonniers palestiniens : » Le harcèlement sexuel et le viol font partie des exactions les plus atroces dont sont victimes les prisonnier-es palestinien-nes. Ces pratiques comprennent des agressions sexuelles directes qui vont jusqu'au viol et sont utilisées comme un moyen d'humilier les prisonnier-es et de briser leur volonté. Ces agressions sont accompagnées de graves violences physiques et psychologiques, qui augmentent les souffrances des prisonnier-es et laissent des séquelles psychologiques à long terme. Ces violences ne sont pas des cas individuels, mais reflètent une politique systématique visant à détruire le moral des prisonniers et à renforcer leur isolement ».
Dans le cadre de l'examen de ces violations, il convient de noter qu'il est possible que certain-es journalistes emprisonné-es aient été victimes d'agressions sexuelles, mais qu'elles ou ils aient refusé de le révéler pour des raisons sociales. Ces cas restent souvent non déclarés, ce qui rend difficile l'évaluation précise de l'ampleur de ce type de crimes.
Ce refus de révéler ces crimes, qu'il soit dû à des contraintes sociales ou psychologiques, ajoute un niveau de cruauté supplémentaire aux souffrances des prisonnier-es, qui souffrent en silence sans pouvoir obtenir le soutien ou le traitement psychologique nécessaire pour faire face à ces expériences horribles commises dans un contexte d'impunité totale, et restera un témoin de l'étendue des violations flagrantes dont sont victimes les Palestinien-nes, y compris les journalistes, dans les prisons de l'occupation.
Conditions de libération à la sortie des prisons d'occupation

La journaliste de Jérusalem Lama Ghosheh fait part de sa dure expérience de l'assignation à résidence : » Après dix jours, le 14 septembre, j'ai été transférée à la prison de Damon. À mon arrivée, j'ai appris la décision de libération conditionnelle, qui me soumettait à une assignation à résidence à durée indéterminée. Les conditions comprenaient une amende de 50 000 shekels et une interdiction totale d'utiliser les médias sociaux, internet, et même d'avoir des appareils comme des smartphones ou des téléviseurs connectés à un ordinateur.
Lama poursuit : » Comme je vivais à Kafr Aqab, une zone où les dispositifs de sécurité sont limités, ils ont décidé de me transférer dans la maison de mes parents à Sheikh Jarrah, une zone où les dispositifs de sécurité sont plus stricts. Mes parents à la retraite devaient être présents dans la maison 24 heures sur 24 pour me surveiller au nom des autorités d'occupation. Ils ont signé les conditions de libération, qui prévoyaient de lourdes sanctions – 50 000 shekels et une possible arrestation – en cas d'infraction, y compris ma ré-arrestation. Cette assignation à résidence n'utilise pas seulement les parents comme agent-es d'exécution, mais tente de créer un conflit au sein de la structure familiale palestinienne ».
De la même manière, la journaliste Sumaya Azzam, originaire de Naplouse et enceinte de sept mois, a été arrêtée le 5 novembre 2023 pour ses publications sur Facebook. Elle a été libérée sous la forme d'une assignation à résidence pour une durée indéterminée, assortie d'une interdiction d'utiliser l'internet. Le Syndicat des journalistes palestinien-nes a tenté d'interviewer l'un des membres de la famille de Sumaya, mais celui-ci a refusé, craignant de nouvelles mesures punitives de la part des autorités d'occupation.

Ces témoignages révèlent la politique systémique employée par l'occupation pour utiliser l'assignation à résidence comme un outil d'intimidation des journalistes palestiniens et de leurs familles. Ces mesures ne visent pas seulement à limiter les libertés individuelles, mais aussi à démanteler le tissu social des familles palestiniennes, en transformant les parents en agent-es d'exécution contraint-es de la surveillance de leurs propres enfants.
Révélations d'une source de la Croix-Rouge au syndicat des journalistes palestiniens
Une source de la Croix-Rouge a révélé au Syndicat des journalistes palestinien-nes que 8 500 citoyen-nes palestinien-nes de la bande de Gaza sont porté-es disparu-es et que le Comité international de la Croix-Rouge n'est pas en mesure de déterminer leur sort.
Cette source a ajouté que la Croix-Rouge n'a pas effectué de visites aux prisonnier-es depuis le 7 octobre 2023. Elle poursuit : « Nous avons fait beaucoup, et c'est un élément central de notre rôle humanitaire et de notre travail sur le terrain et diplomatique. Nous documentons les histoires des martyr-es et des détenu-es libéré-es, nous dialoguons avec les familles et nous aidons les personnes libérées. Nous exigeons que chacun-e soit traité-e avec dignité, conformément aux accords internationaux, y compris la Convention de Genève ».
Notre source ajoute : « Selon le droit humanitaire, l'arrestation de journalistes est une violation grave des conventions de Genève. De tels actes portent atteinte à la protection de base accordée aux journalistes dans les zones de conflit. Nous examinons actuellement ces violations en coordination avec les autorités compétentes afin de garantir la responsabilité et le respect des principes du droit international. »
Intimidation du journalisme arabe dans les territoires de 48
Un climat d'intimidation et d'abus a été, et continue d'être pratiqué par les autorités d'occupation israéliennes à l'encontre des journalistes dans les territoires '48. Malgré des différences dans le niveau de discrimination et d'abus contre les journalistes palestinien-nes dans les différentes régions (Gaza, la Cisjordanie et les territoires de '48), les journalistes dans les territoires de '48 sont confrontés à des agressions et à des intimidations qui entravent gravement leur capacité à exercer leurs fonctions journalistiques. Les agressions physiques et verbales pendant les enquêtes et reportages sur le terrain sont parmi les plus importantes de ces abus. Ces attaques ont conduit à une diminution significative ou à un retrait complet du travail sur le terrain, en particulier au cours des premiers mois de la guerre d'extermination israélienne.
Le journaliste Abdul Qader Abdul Haleem, originaire des territoires de 1948, a confirmé au Syndicat des journalistes palestiniens qu'il avait cessé de travailler sur le terrain après le 7 octobre, car il y avait eu au moins 20 agressions contre des journalistes arabes et des organismes de presse, la plus notable étant l'agression du journaliste Ahmed Darawsheh

Un policier israélien armé menace le reporter d'Al-Araby Ahmed Darawsheh en direct.
Notre collègue Abdul Haleem ajoute : » Bien que ce chiffre puisse sembler faible par rapport à ce qui se passe en Cisjordanie et à Gaza, il a un impact significatif, surtout si l'on considère que le nombre de journalistes arabes dans les territoires de 48 est relativement faible. Outre les agressions, la censure intensive, l'intimidation et les pressions exercées sur les agences qui emploient ces journalistes ont contribué à ce que les journalistes palestinien-nes des 48 territoires pratiquent une autocensure stricte afin d'éviter les poursuites, les mesures punitives ou les pénalités financières liées à leur travail journalistique. Par exemple, surtout dans les premiers mois, les journalistes palestinien-nes évitaient d'utiliser des mots spécifiques comme « occupation ».
Il poursuit : » En ce qui concerne les arrestations, il y a le cas d'un journaliste palestinien des territoires de '48, Tariq Taha, qui a été détenu pendant des jours à cause d'un article sur le phénomène de l'armement dans les universités. Il y a eu plusieurs cas de journalistes qui ont été convoqués en rapport avec leur travail d'information et qui ont reçu des avertissements directs concernant leurs reportages. En outre, le siège du site d'information Arabs 48 a fait l'objet d'une descente et d'une perquisition avant et après le 7 octobre.
Outre les arrestations et les agressions de journalistes sur le terrain, de nombreux-ses non-journalistes ont été arrêté-es pour avoir publié des messages sur les réseaux sociaux, ce qui a conduit les journalistes à s'autocensurer et à s'abstenir d'aborder des questions qui n'auraient pas déjà été couvertes par des médias israéliens de premier plan comme Haaretz et d'autres, en particulier au cours des premiers mois.
Abdul Haleem poursuit : « Il y a un sentiment d'échec dans le soutien aux journalistes de Gaza et de Cisjordanie et dans la lutte contre les crimes commis par l'occupation à leur encontre. La solidarité manifestée par les journalistes des territoires de '48 a été timide, notamment par une abstention de recevoir des journalistes de Gaza, en particulier dans les mois qui ont suivi le 7 octobre, ce qui constitue une forme d'autocensure. Cependant, il est clair que les crimes commis par l'occupation à l'encontre des journalistes au cours des derniers mois ont servi de leçon aux journalistes des territoires de '48, car la protection partielle qu'offrait autrefois la carte de presse s'est considérablement amoindrie. Bien que cette protection partielle se soit quelque peu rétablie au cours des derniers mois, elle reste bien inférieure à ce qu'elle était avant le 7 octobre ».
Conclusion
Le Syndicat des journalistes palestinien-nes (PJS) observe, sur la base des témoignages de journalistes libéré-es, que les autorités d'occupation utilisent systématiquement la détention comme un outil pour intimider les journalistes, faire obstruction à la vérité et instiller la peur. Ceci est fait pour dissimuler leurs crimes et punir les journalistes pour leur rôle professionnel, en créant une atmosphère de peur et d'anxiété pour les décourager de continuer leur travail, d'autant plus qu'elles et ils font face à des menaces constantes et sévères de la part des autorités d'occupation.
En réponse, le PJS appelle toutes les organisations internationales et de défense des droits de l'homme à lancer la plus grande campagne internationale pour mettre fin au ciblage des journalistes palestinien-nes. Le syndicat demande également à la communauté internationale et à ses institutions de tenir l'État d'occupation pour responsable de sa rupture avec les valeurs de la civilisation humaine et de son mépris flagrant pour les principes et les lois des droits de l'homme universels, bien qu'il soit signataire d'accords et de traités internationaux, en particulier ceux qui concernent la protection des journalistes.
La tentative de l'occupation israélienne de créer un environnement hostile au journalisme ne réussira pas, car les journalistes palestinien-nes ont toujours fait preuve d'un profond engagement éthique et national à l'égard de leur profession. Elles et ils défendent la justice et la vérité, maniant leur plume et leur caméra avec un courage inégalé, continuant à couvrir le plus grand massacre et la plus grande agression de l'histoire contemporaine.
La suppression militaire de la liberté de la presse par l'occupation israélienne est un défi direct aux principes du journalisme libre, de la liberté d'opinion et d'expression. Elle viole également le droit international et sape le rôle des organismes mondiaux chargés de veiller à ce que les responsables rendent compte de leurs actes. La communauté internationale doit mettre fin à sa complaisance et demander des comptes à l'occupant israélien pour ses tentatives systématiques d'étouffer la vérité et de faire taire les témoins.
Traduction : JB pour l'Agence Média Palestine
Source : Palestinian Journalists Syndicate
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Crimes et violations contre le journalisme en Palestine depuis le début de la guerre génocidaire

L'Agence Média Palestine propose une traduction de ce dossier de presse fourni par le Syndicat des Journalistes Palestiniens, qui recense les crimes et violations commis par Israël à l'encontre des journalistes depuis le 7 octobre 2023.
Tiré d'Agence médias Palestine.
Chiffres clés
– 1 639 violations totales enregistrées contre le journalisme et les professionnel.le.s des médias
– 167 journalistes et professionnel.le.s des médias tué.e.s
– 2 journalistes disparus par la force
– 357 blessures causées par des missiles, des balles et d'autres attaques par les forces d'occupation et les colons
– 125 journalistes arrêté.e.s, dont 21 journalistes femmes tuées et 16 actuellement détenues par l'Occupation
– 73 institutions médiatiques détruites à Gaza et 15 fermées en Cisjordanie
– 902 autres violations perpétrées par l'Occupation et les colons, dont des tirs, des détentions et des interdictions à couvrir les événements
Ramallah : Le Syndicat des journalistes palestinien.ne.s rapporte que l'occupation israélienne commet, depuis maintenant un an de guerre génocidaire contre le peuple palestinien, le plus vaste et le plus horrifique massacre de journalistes de l'histoire moderne.
Dans un rapport publié à l'occasion du premier anniversaire de la guerre, le 7 octobre 2023, le Syndicat détaille 1 639 crimes commis par l'Occupation israélienne contre des journalistes et des institutions médiatiques, en particulier à Gaza. Parmi ces violations, on compte la mort de 167 journalistes et de personnes travaillant dans les médias.

Le plus grand massacre de l'histoire
Selon le Comité pour la liberté, 167 journalistes, travailleurs et travailleuses des médias ont été tué.e.s par l'Occupation israélienne depuis le 7 octobre 2023, dont 21 journalistes femmes. Parmi les victimes figure Ibrahim Mohammed, un journaliste du camp de Noor Shams à Tulkarem, en Cisjordanie. Cela représente 11 % des journalistes de Gaza.
Le syndicat souligne que ces journalistes ont payé le prix ultime pour transmettre la vérité au monde, et que l'Occupation israélienne cherche à supprimer cette vérité par des assassinats ciblés.

Graphique : Blessures infligées aux journalistes par les forces de l'Occupation et par les colons
Blessures causées par des balles ou des éclats de missiles
Agressions par coups et sévices
Blessures directes au corps causées par des bombes à gaz et des bombes assourdissantes
Agressions par des colons
Suffocation due aux toxines des bombes à gaz
Une année d'assassinats ciblés et de blessures graves infligées
Le Syndicat rapporte que plusieurs journalistes ont été tué.e.s et leurs corps sont restés enfouis sous les décombres de leurs maisons pendant des mois. Il s'agit notamment de Heba Al-Abadleh, dont le corps git encore sous les débris, tout comme ceux de Salam Mima et d'Ayat Khudura.

Le rapport du Syndicat fait état de 357 blessures parmi les journalistes au cours de la guerre génocidaire, blessures provoquées par les missiles de l'Occupation, les tirs directs, les bombes à gaz toxiques et les attaques des colons. Parmi ces blessures, 101 résultent de missiles et de balles, des tirs ciblé et délibérés de l'Occupation israélienne contre les journalistes. L'un des cas les plus récents concerne le journaliste Ahmed Al-Zard, photographe pour Al-Kufiyah TV, qui a été grièvement blessé. Sa mère a également été blessée, alors que son frère, ainsi que plusieurs autres membres de sa famille, ont été tué.e.s lors d'une frappe israélienne qui a visé leur maison à Khan Younis.

Le rapport note que plusieurs journalistes ont subi des blessures graves qui ont conduit à des amputations. Sami Sh-hadeh, par exemple, qui a été frappé par l'Occupation alors qu'il couvrait le déplacement dans le camp d'Al-Nuseirat au centre de Gaza, a été amputé de la jambe droite. D'autres journalistes ont été blessé.e.s au niveau des organes vitaux, ce qui témoigne de l'intention de tuer de l'armée israélienne.
Le correspondant d'Al Jazeera, Ismail Abu Omar, a été amputé de la jambe droite lors d'une attaque dans la zone de Mirage, au nord de Rafah ; sa jambe gauche a également subi une blessure grave. De même, le photojournaliste Abdullah Al-Haj a perdu une jambe alors qu'il couvrait les événements du camp d'Al-Shati' à Gaza. Le photographe Mohammed Al-Za'anin a été blessé à l'œil gauche après avoir été pris pour cible par un drone qui larguait des bombes explosives près de l'hôpital Nasser à Khan Younis.
125 journalistes arrêté.e.s par l'Occupation israélienne

Les données du Syndicat révèlent que depuis octobre de l'année dernière, les autorités de l'Occupation ont arrêté 125 journalistes en Cisjordanie et à Gaza, dont 61 se trouvent toujours dans les prisons israéliennes. Parmi les personnes arrêtées figurent 16 femmes journalistes palestiniennes, dont six sont toujours en détention. En outre, les autorités d'occupation ont exilé le journaliste Siqal Qaddum, 51 ans, qui travaille pour Palestine TV, de Hébron à Gaza via le point de passage de Kerem Shalom.
Le Syndicat note que 33 journalistes ont été soumis.e.s à ce que l'on appelle la « détention administrative ». En outre, les tribunaux israéliens ont profité des lois d'urgence pour accuser certain.e.s journalistes détenu.e.s d'incitation à la violence par le biais de médias et de plateformes de réseaux sociaux. Il s'agit notamment de la journaliste Rasha Harzallah, rédactrice à WAFA, et d'Ali Dar Ali, correspondant de Palestine TV.

Depuis le 7 octobre 2023, les journalistes Nidal Al-Wahidi, qui travaille pour Al-Najah TV et la plateforme New Press, et Haitham Abdel Wahid, d'Ain Media, ont disparu de force. Les autorités d'occupation refusent de divulguer toute information sur leur sort ou de répondre aux interrogations de la communauté internationale et des défenseurs des droits de l'homme qui cherchent à élucider les circonstances de leur disparition.
Destruction complète des institutions médiatiques à Gaza et fermetures en Cisjordanie
L'occupation israélienne a détruit 73 institutions médiatiques à Gaza, selon la documentation du Comité de la liberté du syndicat. Il s'agit notamment de 21 stations de radio locales, de 3 tours de diffusion, de 15 agences de presse, de 15 chaînes satellites, de 6 journaux locaux et de 13 bureaux de médias et services de presse.
En Cisjordanie, l'occupation a fermé 15 institutions, notamment Palestine TV à Jérusalem et les chaînes Al-Mayadeen et Al-Jazeera, ainsi que 12 imprimeries dans différents gouvernorats de Cisjordanie.

514 martyr.e.s parmi les familles des journalistes à Gaza
Les familles de journalistes ont payé un lourd tribut en raison de la profession de leur proche. Selon les chiffres de la « commission liberté » du Syndicat, 514 membres des familles de journalistes à Gaza ont été tué.e.s à la suite de frappes aériennes visant les domiciles et les lieux de déplacement de leurs proches journalistes.

Le rapport indique que l'occupation israélienne a pris pour cible, par des frappes aériennes et des obus d'artillerie, environ 115 maisons appartenant à des familles de journalistes palestinien.ne.s à Gaza. Dans plusieurs cas, ce sont des familles entières de journalistes qui ont été rayées des registres d'état civil. Parmi elles et eux, le journaliste Hussam Al-Dabbaka d'Al-Quds TV a perdu sa femme et ses enfants lorsque leur appartement a été frappé et d'autres membres de sa famille ont trouvé la mort dans le camp d'Al-Maghazi. On y compte aussi le journaliste Mohammad Abu Hatab de Palestine TV, dont 11 membres de la famille, y compris sa femme, ses enfants et son frère, ont été tué.e.s, tout comme la journaliste Salam Mima, son mari et leurs trois enfants, Hadi, Ali et Sham, qui ont été tué.e.s quand une frappe aérienne a décimé leur maison dans le camp de Jabalia.
Les coups de feu sont le langage utilisé par l'occupation pour communiquer avec les journalistes

La forme d'agression la plus courante en Cisjordanie depuis le début de la guerre génocidaire a été les tirs directs sur les équipes de presse. Au total, 198 membres d'équipes de presse ont été exposé.e.s à ces incidents dangereux mettant leurs vies en danger, dont la plupart se sont produits à Jénine et à Tulkarem.
Au cours du dernier trimestre 2023, 26 incidents ont été enregistrés. Ce nombre est passé à 106 au cours du troisième trimestre de l'année. De nombreux journalistes et leur matériel (caméras et véhicules) ont souffert à la suite de ces attaques.
La violence des colons légitimée par le gouvernement israélien
Vingt-six journalistes ont été victimes d'attaques brutales de la part de colons en Cisjordanie, souvent en présence de la police et des forces militaires d'occupation qui ne sont pas intervenues et n'ont demandé de comptes à aucun.e des agresseur.euse.s.
Ces incidents incluent l'exhibition d'armes et des menaces de mort explicites. Ainsi, Shrouq Issa, journaliste au Palestine Post, a reçu des menaces de mort lorsqu'un colon israélien a pointé un fusil sur elle alors qu'elle couvrait des événements dans la ville de Beit Ummar, au nord d'Hébron. De même, le photographe anglophone pour Al Jazeera Joseph Handal a été agressé physiquement par un groupe de colons au point de contrôle « Container », à l'est de Bethléem. Les agresseur.euse.s ont brisé les vitres de sa voiture à l'aide de pierres et de bâtons et l'ont aspergé de gaz poivré au visage, ce qui lui a causé des blessures et des fractures.

À Jérusalem, un grand nombre de journalistes ont été agressé.e.s par des colons qui les ont battu.e.s et ont allumé des incendies criminels. Ainsi, Saif Al-Qawasmi, correspondant du site web d'Al-Asima, présente des cicatrices à la main après que des colons ont délibérément écrasé des cigarettes sur lui. La journaliste Diala Jweihan d'Al-Hayat Al-Jadida a également été battue et agressée en même temps que sa collègue Malak Arouq, de même que Bara'a Abu Ramoz, correspondant d'Al-Arabiya, et de nombreux.ses autres.
Les gaz toxiques blessent encore les yeux des journalistes et portent atteinte à leur corps
Le rapport souligne que 152 journalistes ont été blessé.e.s par des bombes à gaz, dont 140 cas d'inhalation de gaz toxiques et 19 cas où des bombes à gaz ont directement atteint des journalistes.
Un incident notable concerne le journaliste Sadqi Rayan, qui a été blessé à la tête par une bombe à gaz lorsque les forces d'occupation ont pris pour cible des journalistes sur le mont Sabih, près de l'avant-poste de la colonie « Evitar » dans la ville de Beta, à Naplouse. La photographe de Reuters, Raneen Suwafta, a également été touchée au visage par une bombe à gaz et transportée à l'hôpital de Jénine après une attaque menée par les forces d'occupation contre des journalistes.
Une série de crimes pour empêcher les équipes de travailler
Le rapport du Comité pour la liberté dénombre 396 cas de détention de personnes et d'équipes de presse, empêchant leur travail. Nombre d'entre elles et eux ont été menacé.e.s verbalement de coups de feu et d'arrestation en cas de refus d'obtempérer. On observe notamment une augmentation significative des cas d'obstruction, y compris des tentatives d'écrasement de journalistes avec des engins lourds et des véhicules militaires.
Un cas parmi d'autre a eu lieu près de la ville de Tubas, lorsqu'une jeep militaire israélienne a heurté le véhicule des journalistes Majdi Ishtayeh et Ali Ishtayeh alors qu'ils couvraient les événements dans la région de Tiyasir. De même, des véhicules militaires ont tenté d'écraser le correspondant d'Al Jazeera, Jevara Al-Badiri, le photographe Aref Tufaha, le correspondant de Palestine TV, Amir Shahin, et un groupe d'autres journalistes.
D'autres journalistes ont été près d'être écrasés par un bulldozer de l'armée israélienne, alors qu'ils couvraient les démolitions des rues de Jénine. Il s'agit notamment du correspondant d'Al-Arabiya, Amjad Shahada, du correspondant d'Al-Ghad, Diaa Houshiah, du correspondant de la chaîne Ro'ya, Hafez Abu Sabra, et du correspondant du journal Al-Quds, Ali Samoudi.
Autres formes de crimes et d'agressions
L'occupation israélienne emploie diverses tactiques pour poursuivre, contraindre et cibler les journalistes. Il s'agit notamment d'empêcher les déplacements, de confisquer les biens personnels et professionnels, de convoquer les journalistes pour les interroger, de recourir à des tribunaux militaires injustes, d'imposer des amendes et de prescrire l'assignation à résidence.
Cette situation reflète la soumission de la Cour suprême, la plus haute autorité judiciaire du système d'occupation, laquelle, en connivence avec le gouvernement et l'armée israéliens, rejettent les demandes de l'Association des journalistes étranger.e.s de leur accorder l'autorisation à entrer dans la bande de Gaza pour travailler et couvrir l'actualité.
Conclusion
Les indicateurs alarmants de crimes brutaux commis contre les journalistes palestinien.ne.s — et la facilité avec laquelle on leur ôte la vie — découlent de décisions prises au plus haut niveau du gouvernement d'occupation israélien. Ces actes ne peuvent être attribués à des initiatives individuelles sur le terrain ; il s'agit plutôt d'actions systématiques menées par des institutions politiques et leur appareil de sécurité.
Le rejet par la Cour suprême israélienne de la demande de l'Association des journalistes étrangers d'entrer dans la bande de Gaza afin d'y couvrir les événements souligne l'effort persistant de l'occupation pour isoler les journalistes palestinien.ne.s et pour saper leur crédibilité alors qu'ils et elles tentent de dire au monde la vérité.
Le coût élevé supporté par les familles des journalistes palestinien.ne.s, illustré par la perte de leurs proches en raison de leur seule profession, reflète un niveau de décadence morale et d'inhumanité sans précédent dans l'histoire humaine. Le nombre de blessures graves causées par les éclats de missiles et les balles dépasse largement celui des blessures causées par les matraques et les coups de pied, ce qui témoigne d'une volonté manifeste de tuer. La nature de ces incidents et ces chiffres ne trouvent pas d'équivalent dans les rapports des syndicats et des organisations de défense des droits de l'homme couvrant d'autres conflits dans le monde.
Le bombardement par les forces d'occupation des bureaux des médias, y compris ceux appartenant à des organisations de médias étrangères, envoie un message de défi au monde, démontrant un mépris flagrant pour la série de crimes et d'actes de génocide commis à l'encontre de la société palestinienne.
L'augmentation alarmante des tirs à balles réelles contre les journalistes en Cisjordanie confirme l'intention délibérée d'opprimer et de violer leurs droits, créant une atmosphère de terreur et d'intimidation à l'unique fin d'occulter la vérité.
La détention de journalistes sans procès et l'interdiction de visites par la Croix-Rouge et par les membres de leur famille constituent une violation de tous les accords et chartes internationaux. En outre, les raids de l'armée d'occupation sur les propriétés des journalistes et les institutions médiatiques se produisent sans aucune justification légale, sans documentation ni reconnaissance de ces « confiscations ».
Les schémas géographiques et temporels du ciblage des journalistes témoignent de l'effort israélien systématique d'oppression de la société palestinienne. À Gaza, l'occupation se livre à des actes de génocide, espérant que le fait de réduire les journalistes au silence occultera la réalité de ses actions brutales. L'augmentation des attaques contre les journalistes dans les régions du nord de la Cisjordanie est caractéristique d'une tendance plus générale à la violence contre les civil.e.s dans ces régions, tandis que le règne outrancier de non-droit qu'impose l'armée d'occupation à Jérusalem confirme que ce sont bien les journalistes de la ville qui sont ciblé.e.s. Et nous savons que la fréquence plus élevée d'attaques contre des journalistes dans une région spécifique est indicative d'une tendance plus générale à la violence contre les civil.e.s dans la région en question.
Enfin, l'augmentation notable des agressions et des actes de terrorisme perpétrés par les colons à l'encontre des journalistes nous indique clairement que le gouvernement d'occupation israélien leur a accordé la légitimité de commettre des atrocités à l'encontre des journalistes et des civils.
Recommandations
1- Action des Nations Unies : Les Nations Unies et le Conseil de sécurité des Nations Unies doivent émettre des directives claires exigeant que le gouvernement d'occupation israélien mette fin à ses attaques contre les journalistes.
2- Cour internationale de justice : La Cour internationale de justice a l'obligation professionnelle, éthique et humanitaire de prendre des mesures et d'émettre une série de décisions visant à protéger les journalistes palestinien.ne.s.
3- Responsabilité de la Cour pénale internationale : La réputation et le professionnalisme de la Cour pénale internationale sont en jeu, car elle n'a pas encore traité les nombreux cas présentés par le Syndicat concernant les crimes israéliens passés, y compris l'assassinat de la journaliste Shireen Abu Akleh et le meutre de plusieurs collègues à Gaza au cours des années précédentes.
4- Soutien de la Fédération internationale des journalistes : Nous demandons instamment à la Fédération internationale des journalistes de poursuivre son soutien en créant un syndicat et un réseau de défense des droits afin de faire pression sur la Cour pénale internationale pour qu'elle poursuive les responsables politiques et sécuritaires de l'occupation et ainsi que les colons, et qu'elle les empêche de se soustraire à l'obligation de rendre compte de leurs crimes.
5- Mobilisation de l'Union des journalistes arabes : L'Union des journalistes arabes se doit d'être le fer de lance d'un mouvement impliquant les parlements arabes, la Ligue arabe, les syndicats et les organisations de défense des droits de l'homme afin de soutenir les journalistes palestinien.ne.s dans leur travail et de dénoncer les crimes de l'occupation.
6- Activation au niveau national : Il est essentiel d'activer un mécanisme national palestinien pour prévenir l'impunité et assurer la protection des journalistes au niveau local, ceci en collaboration avec le ministère palestinien des affaires étrangères, le ministère de la justice, l'Organisation de libération de la Palestine, l'Association du barreau palestinien, l'Union des écrivain.e.s et des auteur.ice.s, la Commission indépendante, Al-Haq et d'autres secteurs concernés.
7- Soutien aux journalistes de Gaza : Les journalistes palestinien.ne.s, en particulier dans la bande de Gaza, ont besoin de toute urgence d'un soutien juridique et moral sans faille, ainsi que des ressources nécessaires pour vivre décemment en raison du manque de revenus dû au siège actuel et à la perte d'équipements, de bureaux et d'équipes.
8- Veille et documentation : Le Syndicat des journalistes palestinien.ne.s et toutes les institutions concernées continueront à surveiller, documenter et publier tous les crimes et agressions commis par l'occupation contre les journalistes.
9- Un traitement médiatique plus humain : Les médias locaux et arabes doivent fournir, avec plus d'attention à la dimension humaine, une couverture complète des crimes de l'Occupation contre les journalistes, en mettant l'accent sur leurs souffrances et celles de leurs proches plutôt que de présenter froidement des statistiques. Le Syndicat des journalistes souligne l'importance de respecter les normes de sécurité professionnelle afin de protéger la vie des journalistes, et de maintenir des normes éthiques pour assurer l'exactitude des informations.
Télécharger le document en format PDF
Source : Press Freedom Report
Traduction : BM pour Agence média Palestine
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Afghanistan : « On est en suspens, ni morts ni vivants »

Débordée par l'accueil de millions de Syriens, la Turquie a verrouillé ces dernières années les procédures d'asile. Les quelque 300 000 Afghans qui, comme Fatma Naziri et sa famille, vivent dans le pays, sont les premiers touchés par cette politique.
Tiré de Entre les lignes et les mots
Fatma Naziri a toutes les raisons du monde de vouloir quitter la Turquie. Au rythme où vont les choses, sa demande d'asile pourrait ne jamais aboutir. Elle pourrait être refusée. Ils pourraient tous – Fatma, son mari et leurs quatre enfants – être jetés dans le premier avion, renvoyés en Afghanistan. « Plutôt se pendre », lâche-t-elle sans plaisanter. Là-bas, Fatma risque la mort. Ses deux filles, adolescentes, « encore pire ». « Des femmes, des femmes, toujours plus de femmes. C'est ce que veulent les talibans », tremble Fatma. Quant à demeurer en Turquie, c'est vivre avec ces peurs ; survivre de petits boulots sous-payés, jamais déclarés ; affronter les regards, les remarques, la colère d'une société « qui n'en peut plus des réfugiés », comme son voisin de palier aime à le lui rappeler.
Il y a ces raisons et il y a celle qui, à ce moment précis, dans cet atelier en sous-sol où Fatma fabrique des casquettes malgré son diplôme de littérature, semble l'émouvoir plus que toutes. « Mon fils cadet, ça fait des années qu'il joue au football dans un club. C'est sa passion, tout le monde me dit qu'il est très bon, mais il n'a pas le droit de participer aux matchs. Il est privé de licence au prétexte qu'il est étranger », soupire-t-elle dans un turc soigné. « Il en pleure, moi aussi. Quel avenir puis-je offrir à mon enfant si même ce bout de papier là, on refuse de lui donner ? »
Il y a dix ans, Fatma a quitté l'Afghanistan « avec les os en miettes », le corps transpercé de neuf balles. Un attentat des talibans contre son lieu de travail – le siège, à Kaboul, de la Commission électorale indépendante – l'a blessée grièvement. Transférée en Turquie en vertu d'un accord entre les deux pays, Fatma a subi une dizaine d'opérations qui lui ont sauvé la vie et ont permis de reconstruire en partie son visage. Son mari, fonctionnaire comme elle, l'a suivie jusqu'à Ankara, avec leurs deux filles et deux fils alors âgés de 1 à 8 ans. « J'allaitais encore le dernier », se remémore Fatma. La famille obtient des permis de séjour, les enfants vont à l'école.
Mais en 2021, peu avant que les talibans ne reprennent Kaboul, les permis ne sont pas renouvelés. « On m'a dit que mon traitement était terminé, que je n'avais qu'à rentrer en Afghanistan », raconte Fatma, qui a aujourd'hui 45 ans. La famille Naziri s'accroche à un dernier espoir : une demande d'asile déposée en 2016 auprès du Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) des Nations unies. Si la procédure aboutit, parents et enfants seront « réinstallés » dans un autre pays, car la Turquie n'accepte pas de réfugiés au sens juridique du terme.
Le système d'asile paralysé
Fatma voudrait y croire, mais un pénible paradoxe la rattrape toujours : son avenir n'est pas en Turquie, c'est pourtant la Turquie qui va en décider. « Avant 2018, les demandes d'asile étaient déposées directement auprès du HCR à Ankara, qui les examinait et se prononçait seul. Cela prenait du temps, mais souvent les demandes étaient acceptées », explique Salih Efe, un avocat spécialisé dans ces questions. « Mais en 2018, la présidence de la gestion des migrations (liée au ministère turc de l'Intérieur, NDLR) a pris le contrôle. C'est désormais l'État turc qui décide d'examiner ou non les demandes – y compris les anciennes demandes – et de dire si une personne aura droit à l'asile dans un autre pays ou pas. Le HCR n'est plus qu'un observateur. » L'État turc tient les clés, et il verrouille. Dans un pays débordé par l'accueil de plus de 3 millions de Syriens (non pas au titre du droit d'asile, mais sous un statut ad hoc de « protection temporaire »), endeuillé plusieurs fois par des attentats djihadistes (le plus récent, en janvier contre une église d'Istanbul, a été revendiqué par l'État islamique au Khorasan, qui prospère en Afghanistan), et face à une population locale hostile aux réfugiés, le système d'asile est paralysé, ou presque. Les quelque 300 000 Afghans qui vivent aujourd'hui en Turquie, dont environ un tiers ont pu déposer une demande (le plus souvent avant 2018), se retrouvent dans l'impasse.
« Quand les talibans sont revenus au pouvoir (en août 2021), les Afghans ont commencé à arriver par dizaines de milliers à la frontière turco-iranienne. La population turque s'est mise à paniquer, et l'État aussi. Depuis, tout est fait pour empêcher les Afghans d'entrer ou de rester dans le pays », résume l'avocat Salih Efe. Un Afghan qui a réussi à atteindre la Turquie n'a quasiment plus aucune chance de déposer une demande d'asile. « C'est contraire au droit international, car les États parties à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés ont l'obligation d'enregistrer les demandes. Mais pour les Afghans, même le fait d'être une femme, un ancien fonctionnaire, un journaliste ou un membre d'ONG n'accorde aucun traitement particulier », précise Salih Efe.
Quant aux dossiers enregistrés, « dans 90% à 95% des cas, ils aboutissent à un refus. Il est même arrivé que des demandeurs d'asile pour lesquels il y avait un pays d'accueil voient leur dossier refusé par la Turquie », ajoute le juriste. « Et ce qui valait au départ pour les Afghans s'est étendu peu à peu aux autres nationalités. Le gouvernement ne veut plus de réfugiés et veut le faire savoir à ceux qui tentent de venir, mais aussi à l'opinion publique. »
« Ni morts ni vivants »
Fatma Naziri en est là, avec sa demande en attente. « Au HCR, on m'a dit : « Vous avez des filles, vous travailliez pour le gouvernement, vous avez été victime d'un attentat… Votre dossier devrait être prioritaire, mais ça ne dépend pas de nous » », raconte cette femme. L'an dernier, la présidence des migrations lui a fait passer deux jours d'entretien. Depuis, aucune nouvelle : « On ne sait pas ce qu'on va devenir, on est en suspens, ni morts ni vivants. »
Fatma a peur d'être expulsée. En plus de contrôles draconiens à la frontière avec l'Iran, les renvois par avion depuis le territoire turc vers le pays des talibans se comptent par dizaines de milliers. Plus de 66 500 en 2022 (contre 13 000 en 2021) et plus de 15 000 l'an dernier, selon des chiffres compilés par l'Association de solidarité avec les réfugiés afghans.
« Les renvois se font dans le cadre d'un accord avec les talibans », dont Ankara n'a pourtant pas reconnu le régime, observe Ali Hekmat, fondateur de l'association, un architecte afghan installé en Turquie depuis 2009.
Une délégation de la présidence des migrations s'est même rendue à Kaboul en mai pour s'entretenir avec des responsables talibans de « lutte contre l'immigration illégale ». « Au début, les renvois se faisaient surtout par vols charters. Depuis que la compagnie nationale Turkish Airlines a rouvert les liaisons aériennes entre Istanbul et Kaboul en mai, à raison de quatre vols par semaine, un tiers des passagers sont des demandeurs d'asile expulsés par la Turquie. Presque tous sont des hommes seuls », affirme Ali Hekmat.
Les passeurs réclament 40 000 dollars
En tant qu'avocat, Salih Efe dit se sentir « totalement impuissant ». Ses clients afghans sont expulsés les uns après les autres, alors même qu'il intente des recours devant les tribunaux administratifs. Pire, explique-t-il, le recours ultime dont disposaient autrefois les migrants en instance d'expulsion – la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) – ne sert plus à rien. Documents à l'appui, cet avocat et ses collègues accusent la cour de Strasbourg de refuser toutes leurs requêtes visant à empêcher le renvoi d'Afghans dans leur pays.
« Désormais, 99% de nos demandes de mesure d'urgence auprès de la CEDH sont rejetées. La cour est sous l'influence des États, qui nomment les juges qui y siègent. La logique, c'est de dire : si on empêche les expulsions par la Turquie, alors la France non plus ne pourra plus expulser, ni l'Italie, ni l'Allemagne… Cela créerait une jurisprudence », dénonce Salih Efe. Selon cet avocat, la « motivation politique » se lit dans les motifs fournis par la cour : « Nos demandes sont souvent rejetées au prétexte que la date et l'heure de l'expulsion ne sont pas précisées. Mais personne ne connaît l'heure et la date d'une expulsion à l'avance ! La CEDH applique la politique migratoire européenne. »
Ali Hekmat, de l'Association de solidarité avec les réfugiés afghans, dépeint un tableau similaire. Il observe que les restrictions de la Turquie au droit d'asile, l'absence de recours et la montée des violences contre les réfugiés poussent de plus en plus d'Afghans à tenter de gagner l'Europe. « La Turquie, pour les Afghans, ne peut être qu'un pays de transit. La seule issue possible, c'est de tenter d'entrer illégalement en Europe, via la Grèce ou la Bulgarie. »
Fatma Naziri en rêve. « L'Europe ou ailleurs, peu importe. Là où il y a un avenir, un peu de sérénité », souffle-t-elle. Mais l'avenir est hors de prix : les passeurs lui réclament 40 000 dollars pour sa famille de six personnes. Avec leurs revenus actuels, Fatma et son mari devraient fabriquer des casquettes pendant presque six ans pour réunir cette somme, sans rien dépenser par ailleurs. « En plus, si on est attrapés à la frontière, la Turquie annulera notre demande d'asile et on risque d'être renvoyés en Afghanistan. » L'Afghanistan des talibans… Fatma, qui leur a survécu, s'est fait une promesse : « Ils ne m'ont pas eue, ils n'auront jamais mes enfants. »
Le Courrier de la Marche Mondiale des Femmes contre les Violences et la Pauvreté – N°436 – 15 octobre 2024
*****
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre
Le programme PAFI, vous connaissez ? PAFI pour programme d'aide financière à l'investissement.

« Monsieur Nétanyahou, les Iraniens n’ont pas besoin de vous pour se libérer » par Sepideh Farsi, cinéaste

Dans une lettre ouverte au Premier ministre israélien, la cinéaste iranienne Sepideh Farsi l'exhorte de cesser la guerre au Liban et à Gaza, et de ne pas intervenir en Iran, sous peine de faire du régime islamique une victime.
Monsieur Nétanyahou,
Vous avez cru bon d'adresser un discours au peuple iranien, le lundi 30 septembre, message vidéo dans lequel vous énumérez, face caméra dans un anglais fluide avec l'accent américain et l'air détendu, les raisons qui montrent que les dirigeants iraniens n'ont rien à faire des intérêts de leur propre peuple.
Et vous développez… sinon ils n'investiraient pas autant d'argent dans le gouffre nucléaire, ni ne financeraient des proxys terroristes aux quatre coins du monde, etc. Et sur ces points, vous avez raison.
Mais ne pensez-vous pas que les Iranien.nes savent déjà tout cela ? Que nous avons conscience que notre régime a les yeux tournés vers d'autres horizons, sourd à nos demandes et indifférent à nos besoins et revendications ?
Dans la même nuit, vous ordonnez l'invasion terrestre du Sud Liban par l'armée israélienne, forçant près de 1 million de Libanais à l'exode. Des Libanais qui ont dans leur mémoire récente les bombardements israéliens de 2006 et d'autres épisodes d'agressions israéliennes.
Folie meurtrière
En vous adressant aux Iranien·nes, vous annoncez ne pas faire l'amalgame entre les dirigeants iraniens et le peuple, et pourtant, c'est ce que vous faites au Liban et en Palestine. Pour abattre les dirigeants du Hamas, vous rasez tout Gaza, bloquant même les aides internationales, nourritures et médicaments, tuant volontaires, paramédicaux, et journalistes par paquets, et vous êtes en train de faire de même au Liban, sous prétexte d'atteindre les membres du Hezbollah. Bombardant des immeubles, anéantissant des quartiers entiers.
Depuis le 7 octobre 2023, lorsque vous avez commencé à répondre aux horribles attaques du Hamas, vous avez enfreint à peu près toutes les conventions internationales des droits humains et avez commis beaucoup de crimes aisément assimilables aux crimes de guerre. Et vous avez entraîné le peuple israélien avec vous dans cette folie meurtrière.
Je ne pleure pas l'élimination de Hassan Nasrallah, ni l'assassinat d'Ismaïl Haniyeh par vos ordres, mais je pleure les victimes civiles palestiniennes et libanaises.
Combien de victimes libanaises constituent le prix à payer pour l'affaiblissement du Hezbollah dans votre esprit, pour que vous lanciez l'explosion de milliers d'appareils électroniques utilisés par le quidam ?
Combien de Palestiniens doivent périr pour libérer un otage israélien ?
Y a-t-il un ratio dans vos sinistres calculs ?
L'armée israélienne a, en l'espace de quelques mois, violé la souveraineté territoriale de plusieurs pays sous vos ordres directs, tuant des dizaines de milliers de civils, dont une majorité de femmes et d'enfants.
Si dans un premier temps, vous avez justifié l'offensive sur Gaza comme la vengeance des horribles crimes commis par le Hamas, l'envergure des frappes et la conduite de l'armée israélienne ont largement dépassé ce cadre et ne se sont montrées efficaces que dans une chose : détruire la bande de Gaza.
Aucune dictature n'est éternelle
Si vous savez écouter les peuples amis, tels que vous prétendez le faire avec les Iranien·nes, pourquoi ne le faites-vous pas avec le vôtre ?
Pourquoi n'écoutez-vous pas les familles des otages israéliens qui crient haut et fort et depuis longtemps, que le seul moyen de les ramener vivants au pays, serait d'arrêter la guerre ?
Pourquoi n'êtes-vous pas à l'écoute de vos alliés (même les Américains), qui vous disent tous de cesser la guerre ?
Pourquoi infligez-vous tant de traumatismes aux peuples voisins d'Israël, en continuant cette guerre meurtrière et insensée (ou dois-je dire ces guerres, car vous vous battez sur de multiples fronts chacun censés effacer le précédent) et pour lesquelles les contribuables du monde entier sont en train de payer, en argent, en larmes, et en humanité bafouée ?
N'est-ce pas plutôt parce que si cette guerre s'arrêtait, son bilan catastrophique n'en serait que plus manifeste, que les Israéliens ne seraient plus derrière vous dans ce réflexe d'union en temps de péril, et que si vous n'êtes plus au pouvoir, vous, votre épouse et votre fils risquez une condamnation dans les procès qui vous sont intentés ?
Le mouvement « Femme, Vie, Liberté », dernier chapitre dans la longue histoire de lutte des Iranien·nes contre le régime islamique et son modèle d'apartheid de genre et pour une société libre et démocratique, montre bien la lucidité du peuple iranien.
Nous n'avons pas besoin de vous pour nous libérer. Les Iranien.nes viendront à bout de ce régime tôt ou tard. Aucune dictature n'est éternelle.
Votre discours à l'adresse du peuple iranien est-il une tentative d'éveiller nos consciences ou plutôt de légitimer des attaques que vous préparez ?
Mais je vous prends au mot, puisque vous vous placez en ami du peuple iranien, évitez de donner au régime iranien un prétexte de plus pour se positionner en défenseur des droits de l'homme ou en victime, tout en tapant sur son propre peuple.
Car c'est cela qui est en cours depuis un an. Vous êtes bien placé pour connaître ce phénomène : l'union nationale contre l'ennemi étranger. C'est ce qui va arriver en cas d'intervention militaire israélienne en Iran.
Ne vous souciez pas des Iranien·nes, monsieur Nétanyahou.
Cessez le feu à Gaza et au Liban.
De grâce, juste, cessez le feu !
Article paru dans Libération, le 6 octobre 2024
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Opinion. « La présence de troupes états-uniennes en Israël montre qu’une guerre plus large se rapproche »

La décision du président Joe Biden d'envoyer en Israël un système de défense antimissile avancé, géré par une centaine de soldats états-uniens, constitue une étape importante vers l'engagement direct des Etats-Unis dans une guerre régionale au Moyen-Orient.
Tiré de A l'Encontre
15 octobre 2024
Par Patrick Cockburn
Le THAAD lors de son premier déploiement en Israël en 2019, sous Donald Trump. (Photo du Département US de la Défense)
C'est la première fois que les Etats-Unis envoient leurs troupes en Israël depuis le début de la guerre de Gaza, le 7 octobre 2023, bien que la Maison Blanche ait déclaré en octobre qu'il n'y existait « aucun plan ou intention » de le faire.
En outre, ces soldats seront potentiellement engagés dans des hostilités armées contre l'Iran dans le cas d'une attaque israélienne de représailles attendue sur le pays, provoquant une nouvelle contre-attaque par des missiles balistiques iraniens.
Les critiques affirment qu'en donnant au Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou une police d'assurance sous la forme d'un soutien militaire américain, cette initiative encouragera Israël à poursuivre l'escalade de la guerre. Netanyahou peut considérer avec certitude que, quoi qu'il fasse à Gaza, au Liban et contre l'Iran, il ne risque pas grand-chose puisqu'il est effectivement sous la protection militaire des Etats-Unis.
Joe Biden a ordonné dimanche que le système THAAD (Terminal High Altitude Area Defence), avec son personnel opérationnel, soit déployé en Israël. Sa détermination à continuer d'apporter un soutien inconditionnel à Israël, en dépit de sa position de plus en plus agressive, susciterait des inquiétudes au Pentagone [1].
De hauts fonctionnaires affirment que l'armada navale des Etats-Unis ainsi que les avions de combat (y compris les avions ravitailleurs) encouragent Israël à élargir sa campagne au Liban et à risquer une guerre avec l'Iran. Le général Charles Q Brown, président de l'état-major interarmées, a soulevé cette question lors d'une réunion au Pentagone et à la Maison Blanche, ont indiqué des responsables au New York Times du 4 octobre 2024.
[Le chapeau de l'article mentionné d'Helene Cooper et d'Eric Schmitt est le suivant : « Des responsables militaires se demandent si l'envoi de forces supplémentaires au Moyen-Orient contribue à prévenir une guerre beaucoup plus étendue ou s'il enhardit Israël. » Ils concluent : « Le général Brown, le secrétaire à la Défense Lloyd J. Austin III et d'autres responsables ont tenté de trouver un équilibre entre l'endiguement du conflit et l'enhardissement d'Israël, a déclaré un haut responsable de l'armée des Etats-Unis. Un autre responsable a déclaré qu'il était plus facile pour Israël de passer à l'offensive lorsqu'il sait que “Big Brother” n'est pas loin. » Réd.]
L'envoi d'un système de défense antimissile géré directement par des forces états-uniennes est le dernier développement en date d'une guerre dans laquelle le soutien des Etats-Unis à Israël est de plus en plus manifeste, malgré les appels répétés de Joe Biden à Netanyahou pour qu'il fasse « preuve de retenue » et appelle à un cessez-le-feu. Bien qu'Israël ait toujours fait exactement le contraire de ce que Joe Biden demande publiquement, le président a toujours approuvé a posteriori ce qu'Israël a fait.
Cette attitude contradictoire a conduit les commentateurs à clouer au pilori la politique des Etats-Unis, la qualifiant soit d'inefficace, soit d'hypocrite. « Si les Etats-Unis veulent réellement désamorcer la violence et empêcher une guerre régionale, leur politique a été un échec humiliant », m'a dit un analyste. « Mais si la véritable politique des Etats-Unis est de chercher à vaincre le Hamas, le Hezbollah et l'Iran face à Israël, alors elle s'en porte plutôt bien. »
L'envoi du système THAAD par les Etats-Unis est probablement motivé par la crainte que l'attaque de 180 missiles balistiques iraniens le 1er octobre n'ait été plus fructueuse que ce qui avait été admis à l'époque. De nombreux missiles visant des bases aériennes israéliennes semblent être passés au travers, bien que les Forces de défense israéliennes (FDI) aient minimisé les dommages causés.
La réaction de l'Iran à l'implication accrue des Etats-Unis dans la guerre sera déterminante. D'une part, l'Iran a jusqu'à présent cherché à ne pas riposter directement contre les Etats-Unis ; le président iranien Masoud Pezeshkian a déclaré à l'Assemblée générale des Nations unies à New York, fin septembre, que l'Iran « ne tombera pas dans le piège de la guerre » en déclenchant une guerre à grande échelle entre les Etats-Unis et l'Iran. D'autre part, les dirigeants iraniens pourraient conclure que ce n'est qu'en frappant les Etats-Unis qu'ils peuvent espérer forcer Washington à freiner Israël. [2]
Le soutien de Joe Biden à Israël a nui à Kamala Harris auprès des Arabes-Américains et des jeunes électeurs. Mais si des soldats américains, comme ceux chargés des batteries antimissiles, devaient être tués ou blessés au cours des trois semaines précédant l'élection présidentielle du 5 novembre, l'entrée en guerre des troupes américaines constituerait alors un enjeu politique majeur. (Article publié par INews, le 14 octobre 2024 ; traduction par la rédaction A l'Encontre)
[1] Ynetnews du 14 octobre 2024 (version anglaise du quotidien Yediot Aharonot) écrit : « L'aide du CENTCOM (United States Central Command) pour abattre les deux précédentes attaques de l'Iran [la dernière date du 4 octobre] contre Israël a presque épuisé le stock d'intercepteurs de la Sixième Flotte, ce qui rend nécessaire un soutien supplémentaire à Israël dans le cadre de représailles potentielles contre Téhéran. L'accord conclu entre Israël et les Etats-Unis sur le déploiement du système THAAD (Terminal High Altitude Area Defense) dans le pays découle autant d'une nécessité américaine que d'un besoin israélien. » Yossi Yehoshua, dans Ynetnews du 15 octobre, écrivait : « Deux semaines après que l'Iran a lancé un barrage d'environ 200 missiles sur des cibles israéliennes, l'horloge tourne vers une réponse stratégique. Comme l'a révélé Ynet, le Premier ministre Benyamin Netanyahu, le ministre de la Défense Yoav Gallant et le chef d'état-major de Tsahal Herzi Halevi se sont réunis en secret dans une base du Corps de renseignement dimanche, disséquant les détails complexes d'une frappe potentielle à l'intérieur des frontières iraniennes. »
Haaretz, du 12 octobre, soulignait que « La décision des Etats-Unis de déployer le système [THAAD] en Israël fait l'objet de “discussions avancées mais pas encore finalisées”, dans le cadre des préparatifs en vue d'une éventuelle frappe israélienne sur l'Iran et d'une riposte iranienne potentielle. Une source de sécurité [israélienne] a déclaré que si cette initiative était menée à bien, ce serait la première fois que le système THAAD (Terminal High Altitude Area Defense) serait déployé de manière opérationnelle en Israël. […] En 2019, le système avait été déployé en Israël dans le cadre d'un exercice de défense aérienne conjoint entre Tsahal et l'armée états-unienne. Cet exercice a eu lieu après que le président de l'époque, Donald Trump, avait annoncé son intention de retirer la plupart des forces des Etats-Unis de Syrie. » (Réd.)
[2] Les spéculations ayant trait aux options présentes des diverses fractions du régime théocratico-militaire iraniens renvoient à des débats au sein des cercles dirigeants – entre autres aux prises de position des Gardiens de la révolution exprimées sur leur site et dans leur journal, Javan – qui transpercent dans la presse. De nombreux analystes soulignent qu'une attaque israélienne, suivant sa forme et ses objectifs, attisera les sentiments nationalistes, malgré le large discrédit du régime auprès de la population. (Réd.)
*****
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Le sionisme a tué le monde judéo-musulman

Dans un entretien accordé à Jacobin, la cinéaste et universitaire Ariella Aïsha Azoulay explique comment l'exploitation du sionisme par les puissances occidentales a conduit non seulement au nettoyage ethnique de la Palestine, mais aussi à la disparition des communautés juives dans tout le Moyen-Orient.
tiré de NPA 29
Photo :Juifs dans la ville de Buqei'a, Palestine, vers 1930. © Keren Kayemet Leyisrael via Wikimedia Commons
Née en Israël, Ariella Aïsha Azoulay, cinéaste, conservatrice et universitaire, rejette l'identité israélienne. Avant de devenir israélienne à l'âge de dix-neuf ans, sa mère était simplement une juive palestinienne. Pendant une grande partie de l'histoire, cette combinaison de mots n'avait rien d'inhabituel. En Palestine, une minorité juive a vécu pacifiquement aux côtés de la majorité musulmane pendant des siècles.
La situation a changé avec le mouvement sioniste et la création d'Israël. Le nettoyage ethnique des juifs d'Europe allait conduire, grâce aux sionistes européens, non seulement à celui des musulmans de Palestine, mais aussi à celui des juifs du reste du Moyen-Orient, près d'un million d'entre eux ayant fui à la suite de la guerre israélo-arabe de 1948, dont un grand nombre en Israël.
Dans un entretien avec Jacobin, Azoulay replace le génocide israélien à Gaza dans le contexte de la longue histoire de l'impérialisme européen et américain. Azoulay est professeur de littérature comparée à Brown et auteur de Potential History : Unlearning Imperialism (Verso, 2019).
Vous vous identifiez comme une juive palestinienne. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet ? Pour beaucoup de gens, ces mots s'opposent.
Que ces termes soient considérés comme s'excluant mutuellement ou en opposition, comme vous le suggérez, est le symptôme de deux siècles de violence. En l'espace de quelques générations, des juifs très différents, qui vivaient partout dans le monde, ont été privés de leurs divers attachements à la terre, aux langues, aux communautés, aux métiers et aux formes de partage du monde.
La question qui devrait nous préoccuper n'est pas de savoir comment donner un sens à l'impossibilité supposée de l'identité judéo-palestinienne, mais plutôt l'inverse : Comment se fait-il que l'identité fabriquée, connue sous le nom d'israélienne, ait été reconnue largement comme ordinaire à travers le monde après la création de l'État en 1948 ? Non seulement cette identité occulte l'histoire et la mémoire des diverses communautés et formes de vie juives, mais elle occulte également l'histoire et la mémoire de ce que l'Europe a fait aux juifs en Europe, en Afrique et en Asie dans le cadre de ses projets coloniaux.
Israël a un intérêt commun avec ces puissances impériales à occulter le fait que « l'État d'Israël n'a pas été créé pour le salut des Juifs ; il a été créé pour le salut des intérêts occidentaux », comme l'a écrit James Baldwin en 1979 dans sa « Lettre ouverte à ceux qui sont nés de nouveau ». Dans sa lettre, Baldwin compare lucidement le projet colonial euro-américain pour les juifs avec le projet américain pour les Noirs au Liberia : « Les Américains blancs responsables de l'envoi d'esclaves noirs au Liberia (où ils travaillent toujours pour la Firestone Rubber Plantation) ne l'ont pas fait pour les libérer. Ils les méprisaient et voulaient s'en débarrasser ».
Avant la proclamation de l'État d'Israël et sa reconnaissance immédiate par les puissances impériales, l'identité juive palestinienne était l'une des nombreuses identités existant en Palestine. Le terme « palestinien » n'était pas encore connoté par une signification raciale.
Mes ancêtres maternels, expulsés d'Espagne à la fin du 15e siècle, se sont retrouvés en Palestine avant que le mouvement euro-sioniste n'y commence ses actions et avant que le mouvement ne commence progressivement à faire l'amalgame entre l'assistance aux juifs en réponse aux attaques antisémites en Europe et l'imposition d'un projet de colonisation de modèle européen auquel les juifs devaient participer – un projet non seulement interprété comme un projet de libération juive, mais aussi comme une croisade européenne contre les Arabes.
La décolonisation passe par la récupération des identités plurielles qui existaient autrefois en Palestine et dans d'autres lieux de l'Empire ottoman, notamment ceux où les juifs et les musulmans coexistaient.
Dans votre dernier film, The World Like a Jewel in the Hand (Le monde comme un joyau dans la main), vous évoquez la destruction d'un monde commun aux musulmans et aux juifs. Vous mettez en avant l'appel de juifs qui, à la fin des années 1940, ont rejeté la campagne sioniste européenne et ont exhorté leurs concitoyens juifs à résister à la destruction de la Palestine. Compte tenu de la destruction récente de vies, d'infrastructures et de monuments à Gaza, pensez-vous qu'il est encore possible pour les juifs et les musulmans de se réapproprier leur monde commun ?
Tout d'abord, sur la question historique : les sionistes ont cherché à effacer à jamais de nos mémoires cet appel des juifs antisionistes. Ces juifs anciens faisaient partie d'un monde judéo-musulman et ne voulaient pas s'en éloigner. Ils ont mis en garde contre le danger que représentait le sionisme pour les juifs comme eux à travers ce monde qui existait entre l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient, y compris en Palestine.
Il faut rappeler que jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale, le sionisme était un mouvement marginal et sans importance parmi les populations juives du monde entier. Ainsi, jusqu'à cette époque, nos aînés n'avaient même pas à s'opposer au sionisme ; ils pouvaient simplement l'ignorer.
Ce n'est qu'après la Seconde Guerre mondiale, lorsque les juifs survivants d'Europe – qui, pour la plupart, n'étaient pas sionistes avant la guerre – n'avaient pratiquement nulle part où aller, que les puissances impériales euro-américaines ont saisi l'occasion de soutenir le projet sioniste. Pour elles, il s'agissait d'une alternative viable au maintien des juifs en Europe ou à leur migration vers les États-Unis, et elles ont utilisé les organismes internationaux qu'elles ont créés pour accélérer sa réalisation.
Ce faisant, ils ont propagé le mensonge selon lequel leurs actions constituaient un projet de libération juive, alors qu'en réalité, ce projet perpétuait l'éradication de diverses communautés juives bien au-delà de l'Europe. Pire encore, la libération juive a été utilisée comme une autorisation et une raison de détruire la Palestine.
Ce projet n'aurait pas pu exister sans qu'un nombre croissant de juifs ne deviennent les mercenaires de l'Europe – les juifs qui avaient émigré en Palestine alors qu'ils fuyaient ou survivaient à un génocide en Europe, les juifs palestiniens qui vivaient là avant l'arrivée des sionistes et les juifs qui ont été incité·es à venir en Palestine ou qui n'ont eu d'autre choix que de quitter le monde judéo-musulman depuis qu'Israël avait été créé – avec un projet clair, celui d'un État antimusulman et anti-arabe – tous ont été encouragés par l'Europe et les sionistes européens à considérer les Arabes et les musulmans comme leurs ennemis.
Nous ne devons pas oublier que les musulmans et les Arabes n'ont jamais été les ennemis des juifs et que, de plus, nombre de ces juifs vivant dans le monde majoritairement musulman étaient eux-mêmes des Arabes. Ce n'est qu'avec la création de l'État d'Israël que ces deux catégories – juifs et Arabes – se sont mutuellement exclues.
La destruction de ce monde judéo-musulman après la Seconde Guerre mondiale a permis l'invention d'une tradition judéo-chrétienne qui allait devenir, dès lors, une réalité, puisque les juifs ne vivaient plus en dehors du monde occidental chrétien. La survie d'un régime juif en Israël exigeant davantage de colons, les juifs du monde judéo-musulman ont été contraints de le quitter pour faire partie de cet ethno-état. Détachés et privés de leurs histoires riches et diverses, ils ont pu être socialisés dans ce rôle qui leur a été assigné par l'Europe – celui de mercenaires de ce régime colonial visant à restaurer le pouvoir occidental au Moyen-Orient.
La compréhension de ce contexte historique n'atténue pas la responsabilité des sionistes pour les crimes qu'ils ont commis contre les Palestinien·nes au fil des décennies ; elle rappelle plutôt le rôle de l'Europe dans la destruction et l'extermination des communautés juives, principalement, mais pas seulement, en Europe, et son rôle dans la cession de la Palestine aux sionistes, les prétendus représentants des survivants de ce génocide qui ont formé une base occidentale pour ces mêmes acteurs européens au Proche-Orient.
Paradoxalement, le seul endroit au monde où juifs et Arabes – majoritairement musulman·es – partagent aujourd'hui la même terre est situé entre le fleuve et la mer. Mais depuis 1948, cet endroit est défini par une violence génocidaire. Les questions urgentes qui se posent aujourd'hui sont de savoir comment arrêter le génocide et comment empêcher l'introduction de nouvelles armes dans cette région.
Dans Eichmann à Jérusalem, Hannah Arendt décrit les sentiments contradictoires éprouvés par les survivant·es juifs de l'Holocauste pendant les années qu'ils et elles ont passées dans les camps de personnes déplacées en Europe.
D'une part, dit-elle, la dernière chose qu'ils pouvaient imaginer était de vivre à nouveau avec les bourreaux ; d'autre part, dit-elle, la chose qu'ils désiraient le plus était de retourner dans leur lieu d'origine. Il ne faut pas s'étonner qu'après ce génocide à Gaza, les Palestinien·nes ne puissent pas imaginer partager un monde avec leurs bourreaux, les Israélien·nes.
Mais est-ce une preuve que ce monde, où Arabes et juifs sionistes se sont retrouvé·es ensemble, doit aussi être détruit pour reconstruire la Palestine sur ses cendres ? Ce n'est que dans le cadre de l'imaginaire politique impérial euro-américain qu'une tragédie de l'ampleur de la Seconde Guerre mondiale et de l'Holocauste a pu se terminer par des solutions aussi brutales que les partitions, les transferts de populations, l'ethno-indépendance et la destruction des mondes.
Globalement, nous avons l'obligation de revendiquer ce que j'ai appelé le droit de ne pas être complice et de l'exercer de toutes les manières possibles. Les dockers qui refusent d'expédier des armes à Israël, les étudiants qui s'engagent dans des grèves de la faimpour faire pression sur leurs universités afin qu'elle rompent avec Israël, les juifs qui perturbent leurs communautés et leurs familles et revendiquent leurs droits ancestraux d'être et de s'exprimer en tant qu'antisionistes, les manifestant·es qui occupent des bâtiments publics et des gares au risque d'être arrêtés – tou·tes sont motivé·es par ce droit, même s'ils ne l'expriment pas en ces termes.
Ils comprennent le rôle que leurs gouvernements, et plus largement les régimes sous lesquels ils sont gouvernés en tant que citoyen·nes, jouent dans la perpétuation de ce génocide, et ils comprennent, comme le dit le slogan, que ce génocide est perpétré en leur nom.
Il y a des juifs parmi celles et ceux qui appellent à un cessez-le-feu. Mais même les voix juives sont réduites au silence. En Allemagne, par exemple, le travail d'artistes juifs bien établis a été annulé. Pensez-vous qu'il y ait un intérêt à renforcer un récit dominant mis en place depuis 1948 par l'Occident et l'État d'Israël, tout en supprimant les voix juives qui s'opposent à la violence perpétrée en leur nom ?
C'est vrai que les voix juives sont réduites au silence, mais ce n'est pas nouveau. Les voix juives ont été réduites au silence immédiatement après la Seconde Guerre mondiale, lorsque les survivant·es n'ont eu d'autre choix que de rester pendant des années dans des camps déracinés.
Pendant cette période, les biens pillés à leurs communautés, au lieu d'être restitués aux endroits d'Europe où ils avaient été spoliés, ont été partagés entre la Bibliothèque nationale de Jérusalem et la Bibliothèque du Congrès à Washington, comme des trophées. Et non seulement le traumatisme collectif des survivants – et de nous, leurs descendants – n'a pas été pris en compte, mais nous avons été réduits au silence par ce mensonge d'un projet de libération fondé sur un récit sioniste de libération par la colonisation de la Palestine, qui fournirait à son tour aux puissances euro-américaines une autre colonie au service de leurs intérêts impériaux.
Caractériser la souffrance des juifs comme exceptionnelle n'était pas un discours juif, mais occidental, dans le cadre de la conception de la violence génocidaire des nazis comme quelque chose d'exceptionnel. Dans le grand récit du triomphe occidental sur cette force ultime du mal, l'État d'Israël est devenu l'emblème de la force morale occidentale et a marqué la persévérance du projet impérial euro-américain. Dans le cadre de ce grand récit, les juifs ont été contraints de passer du statut de survivant·es traumatisé·es à celui de bourreaux. Des juifs du monde entier ont été envoyés pour gagner une bataille démographique, sans laquelle le régime israélien ne pourrait pas durer.
Les deuxième et troisième générations issues de ce projet sont nées sans histoire ni souvenirs de leurs ancêtres antisionistes ou non sionistes, et encore moins de souvenirs des autres mondes dont leurs ancêtres faisaient partie. De plus, ils étaient totalement dissociés de l'histoire de ce qu'était la Palestine et de sa destruction. Ils étaient donc une proie facile pour un État-nation présenté par les sionistes et les puissances euro-américaines comme l'aboutissement de la libération juive.
En ce sens, la Nakba n'était pas seulement une campagne génocidaire contre les Palestinien·nes, mais aussi, en même temps, une campagne contre les juifs, à qui l'Europe a imposé une autre « solution » après la « solution finale ». Sans le financement et l'armement massifs des puissances impériales, les massacres à Gaza auraient cessé après un court laps de temps, et les Israélien·nes auraient dû se demander ce qu'ils faisaient, comment ils en étaient arrivés là, et auraient été forcés de penser au 7 octobre en se demandant pourquoi cela s'est produit et comment parvenir à une vie supportable pour tous ceux qui vivent entre le fleuve et la mer.
Les voix juives dans des pays comme l'Allemagne ou la France continuent d'être les premières à être réduites au silence afin de maintenir à la fois la colonie sioniste et la cohésion artificielle d'un peuple juif unique, qui pourrait être représenté par des forces qui soutiennent le projet euro-américain de suprématie blanche. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. La nature génocidaire du régime israélien est exposée au grand jour et ne peut plus être cachée.
Pensez-vous qu'il existe encore une possibilité d'espoir pour les Palestiniens et pour nous toutes et tous qui voulons un monde à partager avec les autres ?
S'il n'y a pas d'espoir pour les Palestiniens, il n'y a d'espoir pour personne. La bataille de la Palestine dépasse la Palestine, et les nombreux manifestant·es du monde entier le savent.
Propos recueillis par Linda Xheza
Publié par Jacobin le 11 avril 2024.
Linda Xheza écrit sur la photographie et l'immigration à l'Amsterdam School for Cultural Analysis de l'université d'Amsterdam.
*****
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre
Le programme PAFI, vous connaissez ? PAFI pour programme d'aide financière à l'investissement.

Nord de Gaza. L’extermination méthodique des habitants de Jabaliya

Une tragédie humaine est en cours dans le camp de Jabaliya, déclaré zone militaire et complètement assiégé depuis le 12 octobre. Un journaliste, parmi les rares journalistes encore présents sur place, a été tué par l'armée israélienne. Orient XXI a recueilli des témoignages d'habitants vivant au milieu de ce cimetière à ciel ouvert.
Tiré d'Orient XXI.
Des habitants affamés, épuisés et contraints de se déplacer sous les balles : telles sont les conditions infernales décrites par les habitants de la partie nord de la bande de Gaza, joints par la rédaction d'Orient XXI au cours des dernières quarante-huit heures. Plus d'un an après le début de la guerre contre Gaza, le pire des scénarios semble se profiler dans ce territoire isolé, désormais coupé du reste du monde et privé de toute aide humanitaire. Sa population tente de survivre malgré le siège total imposé par l'armée israélienne depuis le 12 octobre 2024. Selon Giora Eiland, général de division à la retraite, ancien stratège de l'armée israélienne, et ancien chef du Conseil national de sécurité d'Israël, l'armée israélienne annonce vouloir affamer à mort « les quelque 5 000 membres du Hamas » présents dans la région.
Les quelques 100 000 habitants de Jabaliya ont déjà été particulièrement éprouvés : un carrefour très fréquenté au cœur du camp a été le théâtre de la première frappe israélienne au lendemain de l'attaque du 7 octobre 2023, faisant 50 morts et plusieurs blessés. Une dizaine d'autres massacres comme celui-ci suivront. Ces massacres à répétition, bien que de plus en plus meurtriers, ne sont pas parvenus à chasser l'ensemble des habitants de ce camp, eux-mêmes descendants de réfugiés de la Nakba et conscients des ambitions expansionnistes d'Israël. L'opération actuelle arrive alors que l'armée israélienne avait déjà annoncé, à deux reprises, en mai puis en juillet 2024, la fin de ses opérations militaires dans le nord de Gaza.
Le 7 octobre 2024, un quartier résidentiel du nord de l'enclave a été anéanti, tandis que des soldats israéliens se félicitaient de leurs actions.
Au rond-point Abou Charar, au cœur du camp, les scènes sont apocalyptiques : routes défigurées et immeubles éventrés, rendant méconnaissable l'ancien paysage urbain. Les habitants attribuent cette destruction à l'utilisation par l'armée israélienne de robots chargés d'explosifs, déployés sans discernement. Une vidéo, diffusée par Al-Jazira en mai 2024, avait confirmé le déploiement à Jabaliya de telles armes contrôlées à distance par les forces israéliennes.
« Meurs de faim ou rends-toi »
Le 6 octobre 2024, Avichay Adraee, porte-parole de l'armée israélienne en langue arabe, déclare la partie nord de l'enclave zone militaire et ordonne l'évacuation de ses habitants. Or, comme au début de la guerre il y a un an, des habitants qui tentent d'évacuer la zone, en passant pourtant par les routes indiquées, sont également ciblés par l'armée israélienne.

Contacté par Orient XXI, Issa Saadallah, un habitant piégé dans le camp de Jabaliya avec les membres de sa famille, explique n'avoir pas pu quitter la zone en l'absence de voies sûres. « Nous ne pouvons pas bouger en raison de la présence de tireurs d'élite et du survol intensif de quadricoptères israéliens », a-t-il déclaré. Son témoignage est corroboré par une vidéo vérifiée, partagée sur FaceBook le 9 octobre 2024. On y voit le ciblage délibéré des personnes déplacées tentant de fuir le nord de l'enclave, à pied, en empruntant l'une des deux artères désignées par l'armée.
Les otages israéliens ne figurant pas en tête des priorités de l'agenda militaire de Tel-Aviv, chaque endroit est une cible légitime pour les avions de chasse israéliens, toujours abondamment ravitaillés par les États-Unis. Dans leur ligne de mire se trouve aussi la dernière boulangerie du nord de l'enclave. Elle a été réduite en cendres lors d'une frappe israélienne le 8 octobre 2024. En mai 2024, plusieurs agences des Nations unies, dont le Programme alimentaire mondial (PAM), déclaraient déjà une « famine généralisée » dans le nord de Gaza. Aujourd'hui, les habitants ne reçoivent ni eau ni nourriture « depuis au moins vingt jours », témoigne un résident de Jabaliya.
Depuis leur encerclement par l'armée israélienne, les habitants se retrouvent confrontés à un dilemme : se rendre ou mourir de faim. Cette opération semble s'inspirer du plan de Giora Eiland proposé dès le 4 septembre 2024. Dans une vidéo publiée sur YouTube qui explique, cartes à l'appui, la stratégie militaire à appliquer pour reconquérir le nord de la bande de Gaza, Eiland détaille : « Non pas que nous vous suggérons de quitter le nord de la bande, mais nous vous ordonnons de quitter la zone… Aucun ravitaillement n'entrera dans cette partie du territoire. » Affamer la population après l'avoir chassée de cette zone s'inscrit dans un plan plus large qui vise à annexer le nord de Gaza, après l'avoir vidé de sa population (1).
Tuer les derniers témoins
Pour mener à bien son entreprise, le gouvernement de Benyamin Nétanyahou cherche encore une fois à éloigner les témoins, notamment les journalistes, toujours interdits d'accès dans l'enclave palestinienne. En outre, avec la guerre que mène également Israël au Liban, les derniers événements à Gaza tout comme les incursions répétées de l'armée israélienne sur le territoire syrien sont d'ores et déjà moins couverts — voire invisibles — médiatiquement.
Un des derniers journalistes présents à Jabaliya, Hassan Hamad, 19 ans, a été tué le 6 octobre, ciblé chez lui par un tir de sniper. Selon la chaîne Al-Jazira, il aurait reçu des menaces de l'armée israélienne lui ordonnant de cesser de filmer. Fadi Al-Whidi, caméraman pour la chaîne panarabe, filmait lui aussi les bombardements et les opérations militaires au cœur de Jabaliya le 9 octobre, lorsqu'il a été blessé par balle, ainsi que son collègue Tamer Lobod. Le corps de Fadi Al-Whidi est resté plusieurs heures au bord de la route avant qu'on puisse le transporter à l'hôpital. Les deux journalistes se trouvent encore dans un état critique.

Aujourd'hui, Anas Al-Sharif, correspondant de la chaîne qatarie, est le seul journaliste professionnel à continuer de diffuser des images depuis cette zone. Il est également menacé par l'armée israélienne via WhatsApp. Envisageant le pire, comme la plupart des habitants, il a partagé un poignant message d'adieu sur son compte X.
Les cadavres jonchent les rues
Devant ce calvaire, les habitants sont démunis. « La terreur domine nos esprits. Les bombardements aériens et tirs d'artillerie sont continus et accompagnés d'avancées terrestres sur l'ensemble du camp. Les équipes médicales sont empêchées d'intervenir pour sauver les blessés et évacuer les victimes », nous confie Issa Saadallah.
Déjà entravées dans leur travail, les équipes médicales sont également ciblées par les frappes israéliennes. Une vidéo vérifiée par Orient XXI en date du 14 octobre 2024 montre deux ambulanciers évacuant des blessés près de l'hôpital Al-Yaman Al-Saeed. Ils échappent de justesse à une frappe aérienne à quelques mètres d'eux. Quelques jours plus tard, les personnes déplacées cherchant refuge dans ce même hôpital sont également prises pour cibles. Une photo de la cour de l'établissement témoigne d'une scène de désolation.
À l'instar des hôpitaux, les écoles qui servent de refuges aux déplacés et sans-abri sont visées. Le 9 octobre 2024, l'école Al-Rafai, où s'étaient réfugiés des dizaines d'habitants, est frappée par une attaque aérienne, entraînant trois morts et 25 blessés. Dans ce contexte tragique, honorer les morts en les enterrant demeure une mission particulièrement difficile. « Les chiens et les chats mangent les cadavres éparpillés sur les routes », a déploré Issa. Le crime de Créon (2) semble, lui aussi, faire partie de la stratégie israélienne.
Notes
1- Voir Yaniv Kubovich, « Israeli Defense Officials : Gov't Pushing Aside Hostage Deal, Eyeing Gaza Annexation », Haaretz, 13 octobre 2024.
2- Référence à la tragédie grecque Antigone de Sophocle. Après le suicide de Jocaste, femme d'Œdipe, et l'exil de ce dernier, les deux frères d'Antigone, Étéocle et Polynice s'entre-tuent pour le trône de Thèbes. Créon, frère de Jocaste et — à ce titre — nouveau roi, décide de n'offrir de sépulture qu'à Étéocle et non à Polynice, qualifié de traître. Il ordonne que le cadavre de Polynice soit laissé en pâture aux chiens afin que chacun sache bien ce qu'il en coûte à ceux qui veulent prendre la ville.
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Le déplacement forcé des Palestiniens est un « crime de guerre »

Le haut commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, Volker Türk, a estimé jeudi que les déplacements forcés effectués par l'armée d'occupation sioniste contre une grande partie des Palestiniens dans le nord de la bande de Ghaza constituent un « crime de guerre ».
Tiré d'Algeria-Watch.
Dans une déclaration aux journalistes de New York, M. Türk a souligné que les droits de l'homme doivent être au cœur de toutes les consultations aux Nations unies, affirmant l'importance de cela, en particulier à la lumière des développements au Moyen-Orient. Les conclusions du dernier rapport de l'IPC de l'ONU sont « plus qu'horribles » et que le risque de famine demeure dans toute la bande de Ghaza, a-t-il ajouté en affirmant que « le monde ne peut pas permettre que cela se produise ».
« L'entité sioniste est tenue de faciliter le flux de nourriture, de fournitures médicales et d'aide humanitaire vers Ghaza conformément au droit humanitaire international, malheureusement, la réalité sur le terrain montre que l'aide à Ghaza n'arrive pas », a-t-il déploré. Le responsable onusien a estimé que « le déplacement forcé d'une grande partie de la population du nord de Ghaza constitue un crime de guerre ».
Depuis le 6 octobre, l'armée d'occupation sioniste a poursuivi son invasion terrestre dans le nord de la bande de Ghaza, coïncidant avec ses frappes aériennes et ses bombardements d'artillerie contre les maisons des citoyens et les écoles abritant des personnes déplacées.
Concernant l'agression sioniste au Liban, M. Türk a mis en garde que les attaques sionistes contre la force de maintien de la paix des Nations unies (Finul) pourraient également constituer un crime de guerre. « Ces tensions déraisonnables doivent cesser. Un cessez-le-feu est indispensable », a-t-il insisté.
Ciblage des journalistes
Le 10 octobre, la Finul a annoncé que deux soldats de la Force de maintien de la paix au Liban avaient été blessés lorsque l'armée d'occupation sioniste a pris pour cible une tour de guet de cette force au Liban. Le lendemain, l'armée d'occupation a visé l'entrée principale du centre de commandement de la Finul dans la ville de Naqoura, au sud du Liban, avec des obus d'artillerie.
Une tour d'observation de la Finul a été touchée par un obus tiré par un char sioniste, blessant deux autres soldats de l'ONU. Concernant le ciblage des journalistes par l'agresseur sioniste, M. Türk a indiqué que « les journalistes, en particulier ceux qui travaillent dans les zones de guerre, sont des défenseurs des droits de l'homme », précisant que « leur protection était extrêmement importante ».
La guerre génocidaire sioniste en cours dans la bande de Ghaza depuis le 7 octobre 2023 a fait 42 438 martyrs et 99 246 blessés, en majorité des femmes et des enfants. L'entité sioniste, puissance occupante, continue ses massacres, ignorant la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU visant à y mettre fin immédiatement, ainsi que les ordres de la Cour internationale de justice de prendre des mesures pour prévenir les actes de génocide et améliorer la situation humanitaire catastrophique à Ghaza.
Depuis le 23 septembre dernier, l'occupant sioniste a étendu la portée du génocide à la plupart des régions du Liban, y compris la capitale Beyrouth, par des raids aériens d'une violence et d'une intensité sans précédent. Il a également lancé une invasion terrestre dans le Sud, ignorant les avertissements et résolutions de l'ONU.
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Israël déploie-t-il une stratégie « se rendre ou mourir de faim » à Gaza ?

Une nouvelle phase de la guerre est peut-être en cours, alors que les espoirs d'un cessez-le-feu et d'un accord pour libérer les derniers otages du Hamas s'amenuisent.
Tiré d'Europe solidaire sans frontière. Photo : Une femme tient un enfant dans ses bras dans la ville de Gaza samedi (Dawoud Abu Alkas/Reuters).
Pendant un bref instant, l'attention semblait s'être détournée de la dévastation à Gaza. Le conflit entre Israël et l'organisation militante libanaise Hezbollah a déclenché une escalade et une nouvelle campagne israélienne au nord de sa frontière – causant des centaines de victimes civiles libanaises en l'espace de quelques jours, des tirs, apparemment, sur des soldats de maintien de la paix de l'ONU par les forces israéliennes et des scènes de destruction semblables à celles que nous avons vues à Gaza dans les villes du sud du Liban. Parallèlement, un tir de barrage de missiles iraniens sur des cibles israéliennes a laissé entrevoir la possibilité d'une riposte israélienne sur les sites pétroliers, voire nucléaires, de l'Iran, ce qui pourrait provoquer des bouleversements plus importants au Moyen-Orient.
Mais les événements de ces derniers jours nous rappellent la calamité durable qui est le point névralgique de toute l'agitation dans la région. Le nord de Gaza, déjà éprouvé par une année de guerre ruineuse, est en proie à une nouvelle offensive israélienne punitive. Les forces israéliennes ont encerclé le camp de réfugiés de Jabalya dans le but de « démanteler systématiquement les infrastructures terroristes », selon un communiqué des forces armées israéliennes. Israël a donné des ordres d'évacuation à quelque 400 000 habitants du nord de la bande de Gaza, leur demandant de se rendre dans des zones situées plus au sud, qui regorgent déjà de personnes déplacées et qui sont toujours touchées par les bombardements israéliens. Les frappes aériennes ont fait des dizaines de morts.
Les travailleurs humanitaires ont décrit une situation catastrophique. « Pour être honnête, c'est l'enfer », a déclaré Fares Afana, responsable des services ambulanciers dans le nord de la bande de Gaza, dans un message vocal au Washington Post dimanche. Les forces israéliennes attaquaient le camp de réfugiés de Jabalya « pour la troisième fois ainsi que ses environs à Beit Lahya et Beit Hanoun », a déclaré Afana, et le camp était encerclé « de tous les côtés ».
L'organisation humanitaire Médecins sans frontières a déclaré vendredi que des milliers de personnes, dont cinq membres de son personnel, étaient piégées dans le camp de Jabalya. « Personne n'est autorisé à entrer ou à sortir – tous ceux qui essaient se font tirer dessus », a déclaré Sarah Vuylsteke, coordinatrice de projet pour l'organisation, dans un communiqué de presse.
L'intensification du siège « se poursuivra aussi longtemps que nécessaire pour atteindre ses objectifs », a déclaré l'armée israélienne dans un communiqué. Il s'accompagne apparemment d'un blocus. D'août à septembre, Israël a progressivement réduit l'aide parvenant au nord de la bande de Gaza. Aucun camion de nourriture n'est entré en octobre.
Une telle tactique pourrait alimenter les accusations selon lesquelles Israël affame délibérément les Palestiniens de Gaza. « Je ne comprends pas vraiment quel est l'objectif stratégique concernant le nord », a déclaré à mes collègues Michael Milshtein, un ancien responsable des services de renseignement israéliens, ajoutant que si les habitants du nord de la bande de Gaza choisissent de ne pas partir – et beaucoup risquent de ne pas le faire, étant donné la conviction largement répandue que nulle part dans la bande de Gaza n'est réellement sûr – « ils mourront de faim ».
Les Nations Unies ont prévenu, lors d'une réunion d'information vendredi, qu'Israël avait coupé des « lignes de vie essentielles » dans le nord de la bande de Gaza. Dans certains cas, des hôpitaux débordés ont reçu l'ordre d'évacuer des patients, y compris des bébés en soins néonatals. Un rapport des Nations Unies publié la semaine dernière a souligné une « politique concertée » d'Israël visant à « détruire le système de santé de Gaza » dans le cadre de sa guerre contre le Hamas, qui a perpétré l'attaque audacieuse du 7 octobre 2023 contre le sud d'Israël.
« Il est clair qu'il existe un nouveau plan visant à déplacer de force les habitants du nord de Gaza en évacuant l'ensemble du système de santé », a déclaré Hussam Abu Safiya, directeur de l'hôpital Kamal Adwan, à mes collègues.
Georgios Petropoulos, chef du bureau de Gaza de l'agence des Nations Unies pour les affaires humanitaires, a décrit à mes collègues les tentatives infructueuses, la semaine dernière, d'un convoi de l'ONU pour atteindre les hôpitaux du nord de la bande de Gaza et récupérer les patients qui s'y trouvaient. « Il faut que les militaires israéliens comprennent que, quelle que soit leur action à long terme, les travailleurs humanitaires doivent se rendre sur place et faire leur travail en parallèle », a déclaré M. Petropoulos.
Dans les médias israéliens, les rapports du week-end ont suggéré qu'une nouvelle phase de la guerre pourrait être en cours, alors que les espoirs d'un cessez-le-feu et d'un accord pour libérer les derniers otages du Hamas s'amenuisent. Cette évolution s'accompagne de frustrations internes chez certaines personnalités de l'establishment militaire, qui souhaitaient que le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu présente plus clairement un plan stratégique pour la résolution du conflit, qui aurait permis d'intensifier la pression sur le Hamas et de gagner la bienveillance des voisins d'Israël.
En son absence, et compte tenu de la capacité du Hamas à perdurer parmi les ruines de Gaza, certaines voix éminentes ont appelé à des mesures extrêmes. En fait, certains éléments d'une stratégie envisagée – surnommée le « plan des généraux » dans les médias israéliens après qu'un groupe d'officiers à la retraite a lancé cette proposition – pourraient être en jeu dès à présent, à en juger par les préoccupations exprimées par les groupes humanitaires dans le nord de la bande de Gaza.
Il est possible que l'opération prépare le terrain pour une décision du gouvernement de mettre en œuvre le plan « se rendre ou mourir de faim » du général de division (à la retraite) Giora Eiland, notait dimanche le journal israélien Haaretz. « Ce plan prévoit l'évacuation de tous les habitants du nord de la bande de Gaza vers les zones humanitaires du sud, ceux qui choisissent de rester étant considérés comme des agents du Hamas et des cibles militaires légitimes. Alors que les Gazaouis du sud reçoivent une aide humanitaire, ceux qui restent dans le nord seront confrontés à la faim. »
Comme l'a ajouté Haaretz, il s'agit là d'un crime de guerre évident et aucune déclaration officielle d'Israël n'approuve de telles politiques. « Un fonctionnaire au fait de la question a déclaré que certaines parties du plan étaient déjà mises en œuvre, sans préciser lesquelles », a rapporté l'Associated Press. Un second responsable, qui est israélien, a déclaré que Netanyahou « avait lu et étudié » le plan, « comme de nombreux plans qui lui sont parvenus tout au long de la guerre », mais il n'a pas précisé si une partie de ce plan avait été adoptée.
M. Eiland, qui s'est fait entendre dans les médias israéliens et a critiqué l'approche initiale de la guerre par M. Netayahu, a ouvertement discuté de ce qu'il pensait devoir se passer ensuite. Dans une récente interview, il a déclaré que les 400 000 habitants du nord de la bande de Gaza devaient se voir accorder un délai pour quitter les lieux et qu'ensuite, « toute cette zone deviendrait … une zone militaire ». Les Palestiniens qui restent, a-t-il ajouté, « qu'il s'agisse de combattants ou de civils, auront le choix entre se rendre ou mourir de faim ».
Du point de vue d'Eiland, l'objectif devrait être de rendre la pression sur le Hamas insupportable, afin que son appareil militaire s'effondre et que les otages restants soient libérés. Mais pour les alliés d'extrême droite de Netanyahou, l'anéantissement des quartiers de Gaza et l'instauration d'un régime militaire indéfini pourraient être le prélude à de nouvelles vagues d'annexion. « Nos héroïques combattants et soldats détruisent le mal du Hamas et nous occuperons la bande de Gaza », a déclaré le ministre israélien des finances, Bezalel Smotrich, au début de l'année. « Pour dire la vérité, là où il n'y a pas de colonie, il n'y a pas de sécurité. »
Smotrich aurait réitéré ces appels à l'annexion et à la colonisation lors d'une réunion au plus haut niveau la semaine dernière.
Les détracteurs d'Israël, de plus en plus nombreux en Occident, craignent que la vision de M. Smotrich, autrefois marginale, ne devienne réalité. « Une population entière est encerclée et forcée de partir, sans aucun endroit où aller », a déclaré dimanche le ministre irlandais des affaires étrangères, Micheál Martin, dans un communiqué. « Il s'agit de l'expulsion massive de personnes de leur patrie. »
Ishaan Tharoor
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

L’armée israélienne s’acharne sur le Sud-Liban : Carnages à Nabatiyeh et Cana

Le Premier ministre libanais, Najib Mikati, a fermement condamné le bombardement du bâtiment municipal de Nabatiyeh, hier, qui a coûté la vie à six personnes, dont le maire, Ahmad Kahil. L'armée israélienne a « délibérément visé une réunion du conseil municipal à Nabatiyeh », dénonce-t-il. Les élus et autres responsables communaux fauchés par les frappes sionistes « étaient réunis pour discuter de la situation et des secours », a-t-il précisé. Et de déplorer l'immobilisme de la communauté internationale en s'interrogeant : « Qu'est-ce qui peut dissuader l'ennemi de ses crimes, lui qui est allé jusqu'à cibler des Casques bleus dans le Sud ? »
Tiré d'El Watan.
L'armée israélienne a intensifié hier ses frappes sur la banlieue sud de Beyrouth et sur les localités du Sud-Liban, en particulier la ville de Nabatiyeh, importante agglomération de 75 000 habitants. Une série de raids meurtriers se sont, en effet, abattus hier sur cette ville, ciblant le bâtiment municipal et d'autres infrastructures publiques.
Cette attaque a fait 6 morts, selon les autorités libanaises. « Le raid de l'ennemi israélien contre les bâtiments de la municipalité de Nabatiyeh et de son Union des municipalités a entraîné la mort de six personnes et en a blessé 43 autres », a annoncé le ministère libanais de la Santé dans un communiqué. Parmi les victimes figure le maire de Nabatiyeh, Ahmad Kahil, ainsi que d'autres élus. « L'aviation israélienne a mené une quinzaine de frappes sur Nabatiyeh, au Liban-Sud, et ses environs », rapportait hier L'Orient-Le Jour. « Ces frappes ont été menées avec des missiles de gros calibre », précise le journal libanais sur son site officiel.
« Des images obtenues par des personnes sur place montrent une dizaine de colonnes de fumée au-dessus de Nabatiyeh et derrière les collines environnantes. Ces bombardements ont notamment visé Zebdine, Nabatiyeh El Tahta, Nabatiyeh El Faouqa, Kfar Tebnit et Kfar Joz. Les détonations ont été entendues jusqu'à Saïda », détaille le même média.
Un autre massacre à Cana
La gouverneure de Nabatiyeh, Howaïda Al Turk, parle d'une « ceinture de feu » autour de cette ville, dont le marché principal avait été réduit en cendres samedi par l'aviation israélienne. Outre le siège de la mairie, un centre médical adjacent a été touché par les frappes d'hier. Selon l'ANI, une bibliothèque et un centre commercial ont également été visés. Deux médecins ont été tués dans cette attaque, selon un responsable des secours du Hezbollah, cité par l'AFP.
La Défense civile libanaise a déclaré elle aussi avoir perdu un de ses membres. Howaïda Al Turk qualifie l'opération de « massacre ». Le Premier ministre sortant, Najib Mikati, a fermement condamné cette tuerie dans un communiqué. L'armée israélienne a « délibérément visé une réunion du conseil municipal », dénonce-t-il. Les élus et autres responsables communaux fauchés par les bombardements sionistes « étaient réunis pour discuter de la situation et des secours », a-t-il précisé. Et de déplorer l'immobilisme de la communauté internationale en s'interrogeant : « Qu'est-ce qui peut dissuader l'ennemi de ses crimes, lui qui est allé jusqu'à cibler des Casques bleus dans le Sud ? »
La coordinatrice spéciale de l'ONU au Liban, Jeanine Hennis-Plasschaert, a condamné elle aussi cette opération. « Cette attaque fait suite à d'autres événements durant lesquels des civils et des infrastructures civiles ont été visés à travers le Liban (...). Les violations du droit humanitaire international sont absolument inacceptables », a-t-elle déclaré dans un communiqué.
L'armée israélienne a mené des frappes contre d'autres localités au Sud-Liban hier. « Des frappes israéliennes ont ciblé Houla, une maison de Marwaniyé qui avait déjà été bombardée la veille, Toul, où la frappe a visé les abords de l'hôpital Ragheb Harb, Zefta, Mhaybib, Chéhabiyé, Mjadel, Mazraat Mechref, Tiri, Qlaylé, Maaroub. La ville de Bint Jbeil a, elle, été visée à dix reprises par l'aviation israélienne. Dans la Békaa, selon notre correspondante Sarah Abdallah, une frappe a visé Yammouné », détaille L'Orient-Le Jour. Outre les villes et les villages du Sud, Israël a de nouveau bombardé hier matin la banlieue sud de Beyrouth, notamment à Harat Hreik, fief du Hezbollah.
A retenir également cette attaque effroyable commise mardi dans le village-martyr de Cana. Dans la mémoire collective libanaise, Cana est le « symbole de raids meurtriers israéliens depuis trois décennies », note l'AFP. Selon les autorités sanitaires, cette frappe a fait 3 morts et 54 blessés. « Selon Mohammed Ibrahim, secouriste du mouvement Amal, allié du Hezbollah, 15 bâtiments ont été « entièrement détruits » dans le quartier où « les dégâts sont énormes » », rapporte l'AFP.
« L'aviation israélienne a visé « la place du village » et « les morts sont des déplacés » ayant trouvé refuge à Cana pour fuir les bombardements israéliens sur leur village du sud du Liban, frontalier d'Israël », ajoute ce secouriste. Selon Euronews, le bilan est beaucoup plus lourd. Il serait de 15 morts. « Au moins 15 personnes sont mortes dans la ville de Cana, dans le sud du Liban, dans une frappe israélienne. Les recherches se poursuivent. La ville a déjà connu par le passé un nombre élevé de victimes civiles à la suite d'attaques israéliennes », révèle Euronews.
La marine de guerre pilonne les côtes libanaises
Signalons aussi cette frappe sur la plaine de la Békaa, précisément à Yammouné, près de Baalbek, faisant deux morts et 15 blessés, selon la presse libanaise. Le ministère libanais de la Santé a fait état aussi d'un raid aérien qui a visé des positions sur l'autoroute reliant Riyak à Baalbeck. Cette attaque a fait deux morts et neuf blessés.
L'armée israélienne a par ailleurs mobilisé sa force navale pour pilonner les côtes libanaises. La marine de guerre sioniste a visé des « dizaines de cibles du Hezbollah au Liban-Sud, en coordination avec les troupes sur le terrain, une première depuis le lancement de l'opération baptisée « Flèches du Nord » le 23 septembre dernier », relève L'Orient-Le Jour. « Un avis d'évacuation des côtes et des eaux libanaises avait été publié il y a une semaine par l'armée israélienne, affirmant que toute présence humaine au sud du fleuve Awali, qui se jette au nord de la ville de Saïda, serait considérée comme « hostile » », ajoute le quotidien francophone.
De son côté, le Hezbollah a indiqué avoir lancé « un grand nombre de roquettes » sur Karmiel, à l'est de Acca, hier après-midi. « Quatre personnes, trois hommes et une femme d'environ 50 ans, ont été blessés par des tirs de roquettes sur Majd El Krum, localité du nord d'Israël, voisine de Karmiel, selon le Haaretz. Le Hezbollah avait annoncé avoir visé Karmiel à 14h15. L'explosion a également causé des dégâts matériels, touchant des commerces et des voitures », écrit L'Orient-Le Jour.
Le mouvement de résistance chiite a en outre ciblé « à l'aide d'un missile guidé, un char Merkava israélien dans la périphérie de Ramiyé », près de Bint Jbeil. L'équipage de ce char a été touché de plein fouet. Il y a eu des morts et des blessés parmi les soldats israéliens suite à cette opération, selon le « Hizb ».
Dans la nuit de mardi à hier, la formation libanaise a tiré plusieurs projectiles en direction de Safed, au nord d'Israël. Des missiles ont été tirés aussi sur Haïfa. Des salves de roquettes ont également visé des positions de l'artillerie israélienne à Dalton et Dishon (nord-est). D'après l'armée israélienne, le Hezbollah a tiré plus de 50 missiles sur le nord d'Israël depuis le Liban.
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

La course à l’abîme d’Israël – Entrevue avec Mayla Baklache du Mouvement social libanais

Nous publions une entrevue avec Mayla Bakhache, membre du comité de direction du Mouvement social libanais. Elle livre un témoignage de première ligne sur l'agression israélienne en cours au Liban. Elle aborde différents asects de la conjoncture libanaise dans ce contexte, dont le place du Hezbollah. Tout droit réservé. Nous remercions Golia Hebdo de nous permettre de partager l'entrevue avec notre lectorat.
Tiré d'Alter.québec.

Golias : Comment vivez-vous ces derniers jours l'enchaînement des évènements et cette nouvelle guerre israélo-libanaise qui commence ?
Mayla Bakhache : Nous vivons au jour le jour, heure après heure, cela donne du recul, de la détermination, du courage aussi, même si l'espoir semble aux oubliettes, mais comme le disait Mouloudji « Et bien qu'aveugles sur fond de nuit, entre les gouffres infinis, des milliards d'étoiles qui rient, faut vivre ». Il faut vivre, donc. Je crois d'ailleurs qu'on apprend à vivre seulement quand on se dégage de l'espoir illusoire.
Golias : Comment le MSL réagit-il face à l'afflux de ces personnes réfugiées fuyant les bombardements israéliens ?
Mayla Bakhache : Après le 7 octobre, il y en a eu près de 70 000 fuyant la frontière sud du Liban, au démarrage des bombardements la semaine dernière, ils étaient 300 000 et avec les tous derniers bombardements sur Beyrouth et le début de l'invasion terrestre, on estime le nombre de déplacés à un million un quart. Il faut les accueillir et leur apporter le soutien matériel, social et psychologique. Nous avons dû fermer nos centres au Sud Liban (excepté dans la ville de Saïda, épargnée jusqu'aujourd'hui), rapatrier et répartir nos personnels qui sont pour certains eux-mêmes réfugiés, nous nous coordonnons avec les autres associations et sous les auspices des instances publiques dans les lieux ouverts aux déplacés, les écoles principalement. Outre la réponse à l'urgence, notre ligne est de créer des passerelles entre les centres de déplacés et le milieu d'accueil pour dépasser les logiques communautaires qui sont toujours à l'œuvre dans notre pays clivé. Les déplacés appartiennent essentiellement à la communauté chiite, le risque étant que les communautés chrétiennes et sunnites estiment que c'est le parti armé chiite, le Hezbollah, qui les a entraînés dans cette nouvelle guerre avec Israël. Dans notre travail dans les centres, nous mettons en avant les valeurs d'accueil et de bienveillance pour désarmer l'hostilité que l'afflux des déplacés suscite. Pour l'instant les citoyennes et les citoyens libanais sont au rendez-vous. Si la guerre devait durer, de nouvelles tensions pourraient monter.
Golias : En France, on lit que l'État libanais n'existe plus. Qui alors gère la situation des déplacés et coordonne l'assistance ?
Mayla Bakhache : C'est une vision galvaudée de la réalité libanaise qui arrange les voix misérabilistes et assistancialistes. Certes les institutions sont bloquées, nous n'avons plus de présidence de la République depuis deux ans, la corruption règne à tous les étages de l'administration, mais il y a encore des services publics qui fonctionnent même a minima et l'administration a une expérience de ces périodes de guerre. Si on excepte la guerre israélo-palestinienne de 1947-1948, nous subissons notre quatrième invasion israélienne : l'opération Litani de 1978 avec l'occupation permanente de la bande frontalière, Paix en Galilée, en 1982, quand l'armée d'Invasion israélienne est arrivée à Beyrouth, en 2006 et aujourd'hui en 2024. Il y a plus d'un an le MSL a participé à la préparation d'un plan pour accueillir les déplacés en cas de guerre, coordonné par le gouvernement libanais. Même si l'ampleur et la répartition géographique des déplacés dépassent le plan, les services de l'État ont su réagir : ouverture des écoles publiques et des centres sociaux, évacuation organisée, coordination des acteurs associatifs. L'objectif est d'accueillir tout le monde, certains vont dans leurs familles ou chez des amis. Il n'y a presque pas de réquisition de logements vides pour éviter les phénomènes de « squatérisation » quand la situation redeviendra normale et les écoles confessionnelles, chrétiennes pour la plupart, n'ont pas encore été ouvertes pour les déplacés. Il n'y a pas beaucoup de moyens, mais la solidarité entre les habitants complète pour l'instant. Ce n'est pas le chaos dans le pays, mais la situation est dramatique pour un million de Libanais et Libanaises et leurs familles. On craint que la situation ne s'aggrave, par exemple la nuit dernière l'armée israélienne a bombardé un quartier chiite dans le centre de Beyrouth près du siège de la Croix rouge libanaise où s'étaient réfugiés les habitants de La Banlieue Sud faisant fuir des personnes déjà déplacées. Lors de l'attaque contre le Hezbollah à travers les bipeurs piégés qui ont gravement blessé des membres du parti, les hôpitaux ont été un moment débordés.
Golias : Le coup porté contre le Hezbollah par Israël aura-t-il des répercussions sur les blocages politiques au Liban ?
Mayla Bakhache : Pas sûr. La place du Hezbollah dans la société libanaise est ambivalente. La violence disproportionnée de la riposte israélienne sur Gaza nous traumatise. Toute la population libanaise se sent solidaire de celle de Gaza, mais que pouvons-nous faire sinon témoigner de notre effroi et de notre compassion ? Le Hezbollah qui a gagné la guerre en 2006 maintenait en nous cette illusion que nous étions capables de riposter (sous le nom de l'équilibre de la terreur), que nous ne nous laissions pas faire en tant que pays. Mais le Hezbollah s'est piégé lui-même. Il a surestimé ses capacités militaires après 2006 et les combats qu'il a menés en Syrie aux côtés du régime de Bachar al Assad ont eu des conséquences ambiguës pour lui. L'affaire des bipeurs et des talkies-walkies a affaibli la ligne de commandement, les deux têtes du Hezbollah ont été tuées, mais les milliers de combattants et de combattantes aguerris sont toujours là et le parti maintient sa domination sur la communauté chiite. En 1982 c'était l'OLP de Yasser Arafat qui tenait ce rôle de structure politique armée à côté de l'État libanais. Il a été remplacé par les Syrien.nes puis par le Hezbollah avec l'appui de l'Iran après une guerre civile qui a connu des massacres inter et intracommunautaires épouvantables. Qui prendra la place du Hezbollah s'il sort durablement diminué ? Nul ne le sait. Même avec ses alliés, le Hezbollah comme parti politique n'est pas majoritaire au Liban, les dernières élections législatives de mai 2022 l'ont montré. Il est probable qu'au sein même de la communauté chiite il ne le soit pas non plus, ses méthodes violentes étouffent les voix dissidentes. La communauté chiite au Liban est ancienne, elle a construit le pays comme les autres communautés, on compte en son sein des grands intellectuel.les, des marxistes, des libertaires même. On peut aussi se mettre à espérer que les leaders politiques feront collectivement face à cette nouvelle invasion. Un cessez-le-feu a déjà été demandé par le gouvernement pour le respect strict de la résolution 1701 de l'ONU de 2006 prévoyant le désarment des milices armées au sud de la rivière Litani. C'est peut-être le vieux leader de la communauté chiite Nabih Berri, 88 ans, président du parlement depuis plus de trente ans qui détient la clé d'une évolution politique du pays dans un sens moins mortifère. Son parti Amal s'était allié avec le Hezbollah, mais les derniers évènements lui donnent possiblement de nouvelles marges de manœuvre. Les pays arabes en bute avec l'implantation iranienne dans la région au moyen de ses groupes armés alliés, peuvent contribuer à cette inflexion politique. On ne sait pas, tout est possible, le pire comme le moins pire voire le mieux, mais là on rêve.
Golias : Que pensez-vous d'Israël. Jusqu'où ira-t-il ?
Mayla Bakhache : C'est l'ennemi du Liban parce que, depuis sa création, il n'a pas pu, ne sait pas et ne peut pas vivre en paix avec les pays voisins. Le problème fondamental d'Israël est la domination de l'idéologie sioniste sur la société et l'État, un composite détonant de nationalisme juif, et de colonialisme de peuplement et de remplacement. Le sionisme laïque au départ, demandait la création d'un foyer national pour les Juifs persécutés en Europe. Il est devenu un sionisme religieux qui fait de la Palestine une terre sacrée qui doit revenir dans sa totalité aux Juifs uniquement, faisant fi des millions de Palestiniens et de Palestiniennes qui y vivent. Le projet du gouvernement Netanyahou à Gaza est d'expulser les 2,5 millions h'habitants vers l'Égypte, il n'y arrive pas. En Cisjordanie c'est l'expulsion des trois millions d'habitants palestiniens qui y vivent, vers la Jordanie. L'existence d'Israël est maintenant un fait historique. Même l'OLP l'a reconnu dans sa Chartre en 1988 et Israël a établi ou est en passe d'établir des relations diplomatiques avec plusieurs pays arabes. La question est celle de la capacité de ce pays à reconnaître l'existence de Palestiniens et de Palestiniennes et à vivre en paix avec eux. On dit qu'Einstein qui n'était pas sioniste s'était vu proposer la présidence du nouvel État, il refusa parce qu'il craignait que les sionistes ne puissent jamais vivre en paix avec les pays voisins.
***
Mayla Bakhache a été secrétaire générale du Mouvement social libanais (MSL) une des plus anciennes et importantes associations libanaises intervenant dans le domaine du développement social sur l'ensemble du pays. Elle est aujourd'hui au comité de direction chargée de renforcer la représentation, le rôle et le fonctionnement de l'assemblée générale de l'association pour en renouveler la dimension citoyenne active, affirmée à l'origine de sa fondation en 1961. Construit sur une base multiconfessionnelle dans ses instances, dans ses équipes salariées (187), ses bénévoles et ses bénéficiaires, le MSL s'est donné pour mission de faciliter l'accès des plus pauvres à l'autonomie et à la citoyenneté et d'impliquer les jeunes du Liban dans le développement et l'amélioration de leur société. L'association gère une quinzaine de centres de développement sur tout le territoire et dans la périphérie de Beyrouth en proposant des services concrets à plusieurs milliers de jeunes : école maternelle, soutien scolaire, centres de formation professionnelle, sensibilisation à la citoyenneté, ateliers de théâtre, espaces de débats et d'expression. Le MSL promeut un certain nombre de valeurs comme la laïcité, le non-confessionnalisme, le développement de tous et de chacun, le non caritatif, la citoyenneté ouverte et la non-violence comme forme de changement.
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre
Coup d’éclat surprise des travailleurs d’Amazon à Laval
Regards obliques : poésie, photographie et patrimoine ne font qu’un
Jour 379 de la guerre : les pays occidentaux offrent une leçon d’inhumanité
Des travailleurs de Vancouver se disent frustrés par l’augmentation des tarifs et la répression
La nature, ou comment le lange traduit notre compréhension du monde
Portrait du P’tit Belliveau, entre grenouilles et guitares
Trouvez la différence, édition : élections en C.-B.
Un cas régional qui reflète la tendance au manque de confiance envers les institutions : « Manifestation » devant les locaux de Radio-Canada le 16 octobre 2024
Rio Tinto : Elysis quand tu nous tiens !
1926-2026, cent ans d'occupation par Alcan et Rio Tinto
Radio-poubelles de Québec
Valoriser l’éducation, c’est notre ADN !
Des compressions bien réelles en francisation
Jean Boulet, Ministre du patronat
Une guerre en cache toujours une autre | Nedjib SIDI MOUSSA (Paris, 2024)
La dévitalisation du centre-ville de Rimouski
L’inaction des démocraties contre les génocides
FSMET 2024 à Cali : placer les personnes et l’environnement au cœur de l’économie
gauche.media
Gauche.media est un fil en continu des publications paraissant sur les sites des médias membres du Regroupement des médias critiques de gauche (RMCG). Le Regroupement rassemble des publications écrites, imprimées ou numériques, qui partagent une même sensibilité politique progressiste. Il vise à encourager les contacts entre les médias de gauche en offrant un lieu de discussion, de partage et de mise en commun de nos pratiques.