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Une course aux armements plus déstabilisante que jamais

1er octobre 2024, par Michel Rogalski — ,
Le monde a connu des guerres meurtrières, maints conflits et surtout des vagues de dépenses militaires quantitatives et qualitatives qui ont atteint des sommets colossaux. (…)

Le monde a connu des guerres meurtrières, maints conflits et surtout des vagues de dépenses militaires quantitatives et qualitatives qui ont atteint des sommets colossaux.

Tiré de La chronique de Recherches internationales
Michel Rogalski
Directeur de la revue Recherches internationales

Le modèle de référence qui s'impose fut celui de la guerre froide entre les deux Grands de l'époque - Union soviétique et États-Unis – dont la rivalité/affrontement se constitua dès 1917 pour se poursuivre après la seconde guerre mondiale sous la forme d'un conflit entre deux camps, l'URSS ayant étendu son influence. Cette guerre froide adossée sur deux grands pays s'est caractérisée par une course aux armements qui paraissait sans fin et atteint son apogée en 1988, date à laquelle elle s'arrêta pour décroitre d'environ 30 % dans les dix années qui suivirent. On appela cette période, les années des « dividendes de la paix ».

Plusieurs remarques s'imposent. Tout d'abord ce n'est pas l'effondrement du bloc soviétique (1991) qui provoque l'arrêt de la course aux armements, celle-ci ayant cessée trois ans auparavant. L'effondrement ne peut être rapportée à l'incapacité à suivre un rythme effréné de dépenses militaires. En réalité dès octobre 1986 Reagan et Gorbatchev se rencontrent à l'occasion du Sommet de Reykjavik et décident, sans l'acter dans un communiqué final, qu'ils arrêtent la course aux armements. La théorie du « linkage » qui prévalait à l'époque signifiait que tant que l'on n'était pas d'accord sur tout on n'était d'accord sur rien même si cela était faux. Compte-tenue de l'inertie des dépenses militaires le plafond fut atteint dès 1988. Chiffre élevé puisqu'il représentait un taux de militarisation d'environ 8 % (Dépenses militaires rapportées au PIB mondial). C'est dans cette période de la guerre froide qu'apparaît et se développe l'armement nucléaire et toute la technologie qui la rend opérationnelle (missiles, sous-marins, bases de lancements, …) et que le nombre d'acteurs nucléaires prolifère.

Il devient alors évident pour les deux Grands qu'ils s'épuisent mutuellement, alors que dans le même temps les « perdants » de la 2ème guerre mondiale qui se sont vus imposer des limites à leurs efforts de réarmement connaissent des « miracles économiques » (Japon, Allemagne de l'Ouest). Les études économiques se multiplient pour indiquer les pertes de compétitivité que subissent les États-Unis et l'URSS. À cela s'ajoute la certitude croissante que tout dollar ou tout rouble investi dans la course aux armements n'augmente plus la sécurité. Le moteur central de la course aux armements, la recherche de la parité, voir une marge d'avance qui se déclinera pour chaque type d'arme – en clair les conditions d'une agression réussie -, commence à questionner d'autant que certaines puissances se prévalent du concept de la dissuasion du faible au fort, de la puissance suffisante et mettent en avant le principe du pouvoir égalisateur de l'atome.

Mais ce qu'il faut retenir c'est que cette course aux armements de la guerre froide fut strictement codifiée et maîtrisée par ses acteurs. C'est par centaine que des traités et accords furent ratifiés permettant de construire une grammaire respectée par les protagonistes. Il s'agissait de brandir toute à la fois la menace mais aussi d'assurer de sa bonne foi. Dans cette perspective plusieurs types d'accords furent conclus.

D'abord s'assurer que l'arme nucléaire ne proliférerait pas. Ce fut le Traité sur la non-prolifération nucléaire (TNP). L'objectif en établissant une distinction entre États dotés et non-dotés était de promettre à ceux qui ne l'étaient pas une aide apportée par l'AIEA pour mettre sur pieds une industrie nucléaire civile en échange d'une renonciation à tout programme militaire. Le fait de ne pas s'inscrire dans l'accord revenait en fait à dévoiler ses intentions. Peu de pays refusèrent : Israël, le Pakistan, l'Inde, l'Afrique du sud qui peu à peu devinrent des puissances militaires nucléaires. Les pressions occidentales obligèrent ce dernier pays à démanteler son arsenal pour qu'il ne tombe pas entre les mains de l'ANC. La Corée du nord d'est retirée de l'accord et l'Iran est soupçonné de vouloir le contourner. Mais globalement cet accord, largement ratifié, a permis de limiter la prolifération nucléaire même si les États dotés n'ont pas respecté leurs engagements à réduire leur arsenal.
Ensuite des accords sur des plafonds de type d'armes à ne pas dépasser voire à réduire ou à interdire.

Enfin, proposer des accords qui instaurent la confiance et la bonne foi. C'est la démarche des accords Salt signés en cascade à partir des années soixante-dix. Le dernier accord signé entre les États-Unis et la Russie remonte à 2010. Les traités portèrent tout à la fois sur les missiles à moyenne portée (de 500 à 5500 km) ou sur les missiles intercontinentaux. Mais probablement l'engagement le plus fort symboliquement fut celui sur les ABM-Anti-balistic-missiles qui interdisait de protéger ses grandes villes ainsi offertes à toutes représailles de l'adversaire. C'était la preuve de sa bonne foi. Frapper l'ennemi c'était l'assurance de perdre ses grandes villes, pour autant que l'adversaire n'était pas détruit à l'aide d'une première salve.

C'est pourquoi lorsque Ronald Reagan lance en 1981 l'idée d'un bouclier spatial (plus connu sous le terme de « guerre des étoiles ») qui protégerait le territoire américain on comprend que se profile le concept déstabilisant d'une attaque qui n'aurait plus à craindre la riposte. L'espoir caressé portait également dans la certitude que les Soviétiques engagés en Afghanistan n'auraient pas la capacité de suivre. Fort heureusement sur les 17 premiers tests menés par les Américains, seuls deux aboutirent. Le projet fut donc discrètement abandonné.

Jusqu'alors, le cadre international qui s'était construit s'était polarisé autour de grandes puissances qui avaient su créer un enchevêtrement d'accords maillant la planète et qui pouvaient s'observer de plus en plus grâce au progrès des satellites. Puis depuis une quinzaine d'année une obsession bi-partisanne (Démocrate et Républicaine) s'est répandue aux États-Unis faisant de la Chine le principal adversaire, économique et militaire. Le pivot asiatique était né ainsi que les préoccupations de l'Océan indien.

La course aux armements reprenait, mais cette fois-ci entre trois protagonistes et dans des conditions qui n'étaient plus du tout codifiées. En effet la Chine n'avait souscrit à très peu des accords qui liaient les États-Unis à l'Union soviétique puis à la Russie. Elle avait l'avantage d'avoir les mains libres face à ses concurrents. Et elle ambitionna très vite de devenir non seulement une grande puissance économique et commerciale, mais également militaire et développa très vite ses dépenses dans cette direction sans négliger la dimension nucléaire. En face, les États-Unis avaient le sentiment d'affronter la Chine tout en étant contraints par les accords passés de longue date avec l'Union soviétique.
Deux solutions s'imposaient alors. Soit obliger la Chine à ratifier tous les Traités existants pour établir des règles du jeu égales pour tous. Soit sortir de tous les Traités pour avoir les mains libres. C'est ce second choix que firent les États-Unis en dénonçant ou en ne renouvelant pas certains accords. Aujourd'hui la course aux armements se déroule dans un cadre de plus en plus dérégulé et détricoté qui se traduit par l'écroulement progressif de l'architecture de maîtrise des armements héritée de la guerre froide, alors même que des foyers de tensions se développent, des armes tonnent, qu'un conflit majeur a commencé entre l'Otan et la Russie en territoire ukrainien et qu'Israël pouvant se prévaloir de l'aide occidentale met le Moyen-Orient à feu et à sang. S'ajoute à ce sinistre tableau l'apparition d'armes nouvelles comme les drones et les techniques d'observation de plus en plus fines qui permettent d'envisager des opérations plus osées.

Faut-il le rappeler, aucune guerre nucléaire n'est gagnable. La seule inconnue, c'est qui meurt en premier et qui meurt en second ?

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Cette chronique est réalisée en partenariat rédactionnel avec la revue Recherches internationales à laquelle collaborent de nombreux universitaires ou chercheurs et qui a pour champ d'analyse les grandes questions qui bouleversent le monde aujourd'hui, les enjeux de la mondialisation, les luttes de solidarité qui se nouent et apparaissent de plus en plus indissociables de ce qui se passe dans chaque pays.
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Les messages contradictoires de Washington sur l’incitation à la guerre au Soudan

1er octobre 2024, par Michelle Gavin — , , ,
Le 23 septembre, la Maison Blanche a publié un communiqué résumant la dernière réunion bilatérale entre le président des Émirats arabes unis (EAU), Cheikh Mohamed bin Zayed Al (…)

Le 23 septembre, la Maison Blanche a publié un communiqué résumant la dernière réunion bilatérale entre le président des Émirats arabes unis (EAU), Cheikh Mohamed bin Zayed Al Nahyan, et le président Biden. Ce long document mettait l'accent sur le partenariat étroit entre les États-Unis et les Émirats arabes unis. Dans le sixième paragraphe, intitulé « Partenaires dans un Moyen-Orient et une région plus vaste stables, intégrés et prospères », le communiqué notait l'inquiétude et l'inquiétude communes des dirigeants face à la crise au Soudan, soulignait qu'« il ne peut y avoir de solution militaire » et appelait à la responsabilité des atrocités et des crimes de guerre.

Tiré d'Afrique en lutte.

Tout cela semble louable, jusqu'à ce que l'on se rappelle les preuves indiquant que les Émirats arabes unis soutiennent l'un des antagonistes du conflit soudanais : les Forces de soutien rapide (RSF). Les RSF ressemblent plus à une bande de criminels qu'à une force politique. Il n'existe aucun scénario réaliste dans lequel les RSF gouverneraient un Soudan stable. Les atrocités sont la marque de fabrique des RSF. Cette force indisciplinée et maraudeuse est responsable de violences sexuelles à grande échelle et de nettoyage ethnique. Malgré les appels lancés depuis des mois par l'Union africaine et les Nations unies, les RSF poursuivent leur assaut contre El Fasher, le dernier grand centre de population du Darfour qui n'est pas sous leur contrôle.

Et la situation s'aggrave. Comme l'a rapporté le New York Times le 21 septembre, les Émirats arabes unis ne se contentent pas de soutenir les RSF en leur fournissant des armes, des fonds et des drones. Ils le font sous couvert d'apporter une aide humanitaire au peuple soudanais, entachant la crédibilité de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et, comme le dit le Times , « en s'engageant publiquement à soulager les souffrances du Soudan tout en les attisant en secret ». Ces souffrances sont d'une ampleur presque inimaginable. Quelque douze millions de personnes ont été contraintes de fuir leur foyer. Les civils meurent de faim parce qu'aucune des parties au conflit ne prend au sérieux son obligation d'autoriser l'accès de l'aide humanitaire. Les experts en sécurité alimentaire estiment que des millions de Soudanais pourraient mourir de famine dans les mois à venir.

Pourquoi Washington se rallie-t-il à la mascarade grotesque des Émirats arabes unis en faisant une déclaration qui suggère que nous sommes des partenaires alignés pour la paix ? Comment les États-Unis comptent-ils demander des comptes aux parties au conflit pour les promesses non tenues qui ont entravé les efforts de médiation alors que notre gouvernement fait lui aussi des déclarations qui ne correspondent pas aux faits ? Comment le gouvernement américain voudrait-il que les civils soudanais, épuisés par près d'un an et demi de guerre, de déplacements massifs et de famine imminente, comprennent-ils qu'il s'associe aux Émirats arabes unis ?

On peut espérer que la réalité alternative décrite dans la déclaration de la Maison Blanche faisait partie du prix à payer pour obtenir un véritable engagement de la part des Émirats arabes unis à cesser de verser de l'huile sur le feu qui engloutit le Soudan. Le 24 septembre, un jour après sa rencontre avec Ben Zayed, le président Biden a déclaré à l'Assemblée générale des Nations unies que « le monde doit cesser d'armer les généraux, parler d'une seule voix et leur dire : arrêtez de déchirer votre pays. Arrêtez de bloquer l'aide au peuple soudanais. Mettez fin à cette guerre maintenant. » On peut espérer qu'il a fait écho à ce message au dirigeant émirati à huis clos, malgré le discours optimiste. Mais en l'absence de toute preuve que ce soit le cas, l'exhortation de Biden à l'ONU semble cynique. Lues ensemble, les deux déclarations apparaissent comme une terrible trahison et une volonté de se joindre à un riche État du Golfe pour manipuler le reste du monde.

Michelle Gavin

Source : https://www.cfr.org/blog/africa-transition

Traduction automatique de l'anglais

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Rwanda : sous la façade de la démocratie de consensus

1er octobre 2024, par Denise Zaneza — , ,
25 ans après que le dialogue inter-rwandais a donné naissance à la « démocratie de consensus », il est désormais temps de revisiter et de renouveler le système. Tiré (…)

25 ans après que le dialogue inter-rwandais a donné naissance à la « démocratie de consensus », il est désormais temps de revisiter et de renouveler le système.

Tiré d'Afrique en lutte.

À l'occasion de la Journée internationale de la démocratie, les nations se rassemblent pour célébrer les valeurs fondamentales qui définissent les véritables sociétés démocratiques : l'État de droit, la participation active des citoyens, des institutions indépendantes et un profond respect des droits de l'homme. Pourtant, au Rwanda, sous la direction du président Paul Kagame, ces principes restent largement théoriques. Malgré la rhétorique de Kagame sur une « démocratie unique » adaptée au contexte rwandais, un discours souvent repris sur les plateformes internationales comme lors du Sommet 2024 du Forum sur la coopération sino-africaine qui vient de s'achever, au cours duquel il a déclaré que « chaque pays doit tracer sa propre voie en fonction de son contexte, de son histoire et de ses aspirations uniques ». La réalité sur le terrain contraste fortement avec ces idéaux. Le Rwanda offre un exemple troublant où l'apparence de progrès et de gouvernance démocratique masque un régime profondément répressif.

Le gouvernement rwandais affirme fonctionner dans le cadre d'une « démocratie de consensus », un système convenu lors du dialogue interrwandais qui a eu lieu en 1999 et qui est censé être adapté au contexte post-génocide unique du pays. L'idée derrière ce modèle est de promouvoir l'unité et d'empêcher les politiques de division en prenant des décisions par consensus plutôt que par la règle de la majorité. Cependant, la manière dont ce modèle est mis en pratique viole la Constitution rwandaise, qui consacre les principes démocratiques tels que le pluralisme, des élections libres et équitables et le droit à la participation politique.

En réalité, la prétendue démocratie de consensus au Rwanda est un mécanisme destiné à réprimer la dissidence et à maintenir le pouvoir du parti au pouvoir. Elle réduit effectivement au silence les voix de l'opposition, laissant peu de place au véritable discours politique ou à la concurrence. Les dispositions de la Constitution relatives à la démocratie, aux droits de l'homme et aux libertés civiles sont ainsi sapées, réduisant la Constitution à un simple document sans grande incidence sur le paysage politique réel.

La véritable démocratie repose sur la participation active des citoyens. Or, au Rwanda, cette participation fait cruellement défaut et le pays se situe bien en dessous de la moyenne de l'Afrique subsaharienne en matière de « liberté d'expression et de responsabilité ». L'opposition politique au Rwanda est non seulement découragée, mais elle est souvent confrontée à de graves intimidations, harcèlements et même à des peines d'emprisonnement.

Diane Rwigara , militante et femme d'affaires, en est un exemple frappant . Après avoir annoncé sa candidature à l'élection présidentielle de 2017, elle a été disqualifiée, soumise à une campagne de dénigrement et même emprisonnée. Elle a été acquittée une fois les élections terminées.

Un autre exemple marquant de Christopher Kayumba . En septembre 2021, peu après avoir fondé un journal en ligne appelé « The Chronicles » et créé une organisation politique, Kayumba a été accusé de viol. Il a été détenu pendant 17 mois, au cours d'une longue et éprouvante bataille juridique. Il a été acquitté de cette accusation. Mais l'expérience semble avoir eu un effet dissuasif : Kayumba ne s'est pas exprimé sur la politique depuis sa libération.

Ces cas illustrent la manière dont le gouvernement rwandais réprime systématiquement la dissidence, en utilisant le système juridique comme un outil pour étouffer l'opposition politique et décourager les autres de remettre en cause le statu quo.

Les rares partis d'opposition qui existent sont soit cooptés par le gouvernement, soit soumis à de sévères contraintes, ce qui rend la participation citoyenne quasi impossible. Ce climat étouffant est non seulement contraire à l'esprit de la démocratie, mais aussi à la lettre des garanties constitutionnelles du Rwanda.

Au Rwanda, le pouvoir judiciaire, le Parlement et l'exécutif sont étroitement liés, fonctionnant davantage comme des outils de l'élite dirigeante que comme des institutions indépendantes chargées de faire respecter l'État de droit. Plutôt que de servir de contre-pouvoirs, ils servent à renforcer l'emprise autoritaire du président Paul Kagame sur le pays.

Ceux qui osent remettre en cause ou sont perçus comme remettant en cause le discours du gouvernement sont régulièrement détenus sous des accusations vagues ou inventées. Nombre d'entre eux ne bénéficient jamais d'un procès équitable et certains sont confrontés à des conséquences désastreuses, y compris la disparition, voire la mort, pendant leur détention par les autorités. Prenons le cas de Boniface Twagirimana, un haut responsable du parti d'opposition FDU-Inkingi, qui a mystérieusement disparu d'une prison de haute sécurité en 2018, les autorités affirmant qu'il s'était évadé. À ce jour, on ignore où il se trouve et beaucoup pensent qu'il a été tué pendant sa détention. Son cas est emblématique d'un schéma plus large de détention arbitraire et de non-respect des droits humains fondamentaux.

La mort de Kizito Mihigo , un chanteur de gospel populaire, illustre une fois de plus le contrôle exercé par le régime sur le système judiciaire. Mihigo a été arrêté en 2020 pour avoir prétendument tenté de fuir le pays et a été retrouvé mort dans sa cellule de prison peu de temps après. Les autorités ont affirmé qu'il s'agissait d'un suicide, mais l'absence d'enquête approfondie et indépendante ne fait que souligner la culture de l'impunité qui prévaut au Rwanda. Comme le souligne le rapport de Human Rights Watch « Rejoignez-nous ou mourez » , les forces de sécurité du gouvernement rwandais ont systématiquement recours aux exécutions extrajudiciaires et aux disparitions pour éliminer toute menace perçue contre le régime de Kagame.

Dans certains cas, le Rwanda va jusqu'à violer ses obligations internationales. Le cas de Victoire Ingabire , une figure de proue de l'opposition, est un parfait exemple de la façon dont le Rwanda a violé le système juridique international. En 2010, Victoire Ingabire a été arrêtée et condamnée à 15 ans de prison pour des motifs politiques, de terrorisme et d'atteinte à la sécurité nationale. Le gouvernement rwandais a ignoré une décision de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples qui l'a acquittée de toutes les charges.

Outre le pouvoir judiciaire, le parlement rwandais manque également d'indépendance. Il fonctionne davantage comme une institution d'approbation automatique des politiques de Kagame que comme un organe représentant la volonté du peuple. Les débats critiques sur des questions nationales importantes, telles que les violations des droits de l'homme ou le traitement des prisonniers politiques, sont notablement absents des sessions parlementaires. Les parlementaires, dont beaucoup doivent leur position à leur loyauté envers le parti au pouvoir, s'abstiennent de contester l'exécutif, renforçant ainsi le régime autoritaire de Kagame.

Dans ce système, l'exécutif exerce un pouvoir illimité et Kagame contrôle presque tous les aspects de la gouvernance rwandaise. Cette consolidation de l'autorité ne laisse aucune place au fonctionnement indépendant des autres pouvoirs du gouvernement. Les lois sont appliquées de manière sélective pour cibler les détracteurs de Kagame tandis que ses fidèles restent à l'abri des poursuites, même lorsqu'ils sont impliqués dans de graves abus.

Le Rwanda est l'un des pays où le taux de représentation des femmes au parlement est le plus élevé, un chiffre souvent salué comme un signe de progrès. Mais ce résultat cache un problème plus profond : le parlement rwandais est loin d'être indépendant, la grande majorité de ses membres étant membres du parti au pouvoir . Il fonctionne davantage comme un organe d'approbation automatique de l'exécutif que comme un moyen de contrôle de son pouvoir.

Malgré le pourcentage élevé de femmes au parlement, leur présence ne contribue guère à promouvoir la démocratie ou les droits de l'homme. Ces parlementaires dénoncent rarement, voire jamais, les violations des droits de l'homme ou ne remettent pas en cause les actions du gouvernement. Le taux élevé de représentation féminine est donc une façade utilisée pour renforcer l'image internationale du Rwanda tout en masquant la réalité de sa gouvernance non démocratique.

Aucun des cas mentionnés ci-dessus n'a jamais été débattu au Parlement, ce qui met en évidence le manque d'indépendance du corps législatif rwandais. Cette absence de débat critique sur les questions urgentes liées aux droits de l'homme est une indication claire que les parlementaires rwandais ne sont pas libres d'agir de manière indépendante mais sont plutôt limités par les intérêts du parti au pouvoir.

Les élections de 2024 au Rwanda ont une fois de plus mis en évidence le profond déficit démocratique du pays. La victoire écrasante, presque stalinienne, revendiquée par Paul Kagame reflète les schémas des élections passées, où les résultats étaient prédéterminés et les voix de l'opposition réduites au silence. Ce résultat ne reflète pas un véritable processus démocratique, mais la continuation d'un régime qui utilise les élections comme une façade pour maintenir le contrôle, étouffant toute véritable compétition politique ou contestation.

Les leaders de l'opposition comme Victoire Ingabire, Bernard Ntaganda et Diane Rwigara se sont vu interdire de participer au scrutin. Ces trois hommes avaient auparavant été victimes de harcèlement, d'emprisonnement et de recours judiciaires destinés à les empêcher de se lancer dans une quelconque opposition politique sérieuse.

L'exclusion des véritables candidats de l'opposition garantit que les résultats des élections seront acquis d'avance, ce qui renforcera encore davantage la domination du FPR. Un tel processus ne peut être considéré comme une élection libre ou équitable, mais plutôt comme la continuation du régime dictatorial du Rwanda sous couvert de démocratie.

Les rapports d'organisations internationales comme Freedom House et Human Rights Watch dressent un sombre tableau de la démocratie rwandaise. Freedom House considère systématiquement le Rwanda comme « non libre », en raison des graves restrictions imposées aux droits politiques et aux libertés civiles. Human Rights Watch a recensé de nombreuses violations des droits humains, notamment la répression des médias, la détention arbitraire et la persécution des opposants politiques.

Ces rapports soulignent l'urgence pour la communauté internationale de réévaluer son engagement envers le Rwanda. La situation actuelle dans le pays n'est pas tenable et un soutien international continu sans obligation de rendre des comptes ne fait qu'encourager le gouvernement rwandais à persister dans ses pratiques répressives.

Une véritable démocratie, caractérisée par des élections libres et équitables, une participation politique ouverte et des médias indépendants, menace de plusieurs façons l'emprise de Paul Kagame sur le pouvoir. La démocratie implique la concurrence et la dissidence, deux éléments que le gouvernement de Kagame a historiquement réprimés. Elle incarne également la séparation des pouvoirs et pourrait révéler les violations des droits de l'homme et d'autres défauts du gouvernement de Kagame.

Alors que le monde commémore la Journée internationale de la démocratie, il est essentiel que la communauté internationale regarde au-delà de l'image soigneusement entretenue du Rwanda et affronte les dures réalités de sa gouvernance. La façade démocratique du pays ne doit pas être confondue avec de véritables pratiques démocratiques. Les dirigeants rwandais doivent rendre des comptes et la communauté internationale doit exiger des réformes significatives qui donnent la priorité à l'État de droit, aux droits de l'homme et à une véritable participation citoyenne.

Le président rwandais Paul Kagame a par le passé subi des pressions de la part des bailleurs de fonds occidentaux, notamment des États-Unis et du Royaume-Uni, pour faire avancer les réformes démocratiques. Lors de l'Examen périodique universel du Rwanda de 2021, le Royaume-Uni a publié une déclaration publique exhortant le gouvernement rwandais à renforcer la gouvernance démocratique , notamment en favorisant la liberté de la presse et en garantissant des élections plus transparentes.

De même, lors de sa visite au Rwanda en 2022, le secrétaire d'État américain Antony Blinken a publiquement fait part de ses inquiétudes concernant les violations des droits de l'homme et de la nécessité pour le Rwanda d'élargir les libertés politiques, de s'attaquer à des problèmes tels que la détention de détracteurs du gouvernement comme Paul Rusesabagina. Washington a souligné l'importance de protéger la liberté d'expression et de créer davantage d'espace politique pour les partis d'opposition. Bien que ces pressions reflètent un intérêt occidental plus large pour la promotion des droits de l'homme et des normes démocratiques au Rwanda, il reste encore beaucoup à faire.

Tout comme le Rwanda a adopté une forme de démocratie de consensus par le biais du dialogue inter-rwandais en 1999, il est temps aujourd'hui de revoir et de renouveler ce système et de remédier aux faiblesses qui ont été mises en évidence au cours des 25 dernières années. Il est en effet nécessaire d'organiser un nouveau dialogue inter-rwandais réunissant des responsables gouvernementaux et des opposants politiques ainsi que des représentants de la société civile du Rwanda et de l'extérieur, afin de convenir d'un cadre politique qui aborde des questions telles que l'exclusion politique, le manque de participation des citoyens et le respect des droits de l'homme et de l'état de droit qui caractérisent la démocratie de consensus pratiquée au Rwanda depuis 25 ans.

En conclusion, l'absence de démocratie au Rwanda n'est pas seulement un problème national, mais un problème mondial qui exige une action immédiate. La communauté internationale doit soutenir le peuple rwandais dans sa lutte pour une véritable démocratie, une démocratie dans laquelle sa voix est entendue, ses droits respectés et ses dirigeants responsables. Ce n'est que par des efforts collectifs que le Rwanda pourra véritablement incarner les valeurs de la démocratie, non seulement aujourd'hui, mais pour l'avenir.

Denise Zaneza

Source : https://africanarguments.org/2024/09/rwanda-beneath-the-facade-of-consensus-democracy/

Traduit de l'anglais automatiquement

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Sahara occidental : Résister au colonialisme marocain

1er octobre 2024, par Pierre Galand — , , ,
Face à l'oppresseur et aux multiples formes de soutien dont il dispose de la part des occidentaux et de l'Union européenne, en particulier de la France, de l'Espagne, des (…)

Face à l'oppresseur et aux multiples formes de soutien dont il dispose de la part des occidentaux et de l'Union européenne, en particulier de la France, de l'Espagne, des États-Unis et d'Israël, s'engager comme le fait le Front Polisario dans la résistance armée comme l'un des moyens à opposer à l'occupant marocain est conforme à la Charte des Nations unies et du Droit international.

Tiré du site du CADTM. Photo Dakhla, Western Sahara - cc

Car il est évident que le problème n'est pas la résistance armée du peuple sahraoui contre le colonisateur marocain mais bien l'occupation et le projet annexionniste de ce dernier.

Le peuple sahraoui est un peuple éminemment pacifiste qui a toujours témoigné de son souhait de coexistence et de coopération avec les autres nations de la région du Maghreb et de l'Union africaine. Il l'a démontré en faisant confiance, ces 25 dernières années, aux Nations unies et sa promesse de réaliser en 1990 un référendum d'autodétermination tel que prévu par la Résolution XV 14 de l'AGNU, réaffirmé chaque année par la 4e Commission de l'AG des Nations unies. C'est ainsi que fut signé par le Front Polisario et le Royaume du Maroc, sous les auspices du Secrétaire général des Nations unies à New York, l'accord de cessez-le-feu devant permettre l'identification des votants au référendum sous les auspices de la Mission des Nations unies pour l'organisation du référendum au Sahara occidental, la MINURSO.

Après dix ans de travail d'identification, malgré les nombreux obstacles voulus par le Maroc, lorsque la MINURSO remis les listes des votants, et le Maroc constatant qu'il risquait de perdre le référendum, en rejeta la mise en œuvre. Il avança alors l'alternative suggérée par l'Élysée (à l'époque de Jacques Chirac) d'un plan de large autonomie au sein de l'entité marocaine. Depuis ce temps, le Maroc, tout en revendiquant le Sahara marocain, ne cesse de s'abriter derrière ce dit plan d'autonomie. Il oublie que cette autonomie fut offerte par la plupart des ex-puissances coloniales mais fut rejetée par tous les mouvements de libération africains en lutte pour leur indépendance.

Il y a quatre ans, le président américain Donald Trump, tel un seigneur féodal, offrit le Sahara occidental au Roi du Maroc en échange de l'acceptation par ce dernier des accords d'Abraham, assujettissant le Maroc à une alliance avec Israël dans le cadre de la vision des USA du Great Middle East.

Le Maroc poursuit aujourd'hui ses tentatives d'accaparement du Sahara occidental, avec l'aide militaire et l'assistance technique d'Israël, en utilisant la répression comme la violence meurtrière. Dans le même temps, et comme Israël dans les Territoires palestiniens occupés (TPO), le Maroc colonise, prélève et exploite à son profit les ressources naturelles des Sahraouis, et ce en violation du Droit international et des arrêts tant de la Cour européenne de Justice, s'agissant des accords de partenariat U.E./ Maroc, que de la Cour africaine des Droits humains et des droits des peuples.

Depuis 1975, les Sahraouis ont connu le même sort que les Palestiniens en étant chassés de leur territoire. Les deux peuples ont été déplacés de force et survivent, pour la plupart, grâce à l'accueil qui leur est réservé par des pays frères, telle l'Algérie en ce qui concerne les Sahraouis. Dans les territoires occupés par le Maroc, les Sahraouis, parmi lesquels d'héroïques résistants et résistantes sont violemment réprimés et privés de leurs libertés les plus fondamentales.

Le drame que vivent tant les Sahraouis que les Palestiniens s'appelle le colonialisme ,dans sa forme la plus brutale et barbare. Ce colonialisme n'existe en outre que grâce à la complicité des occidentaux, en particulier de la France, de l'Espagne et des États-Unis. C'est ainsi que le Maroc, comme Israël, se croit au-dessus des lois, du droit et des grandes conventions internationales.

Aujourd'hui, dans leurs luttes de résistance contre l'envahisseur colonialiste, les Palestiniens comme les Sahraouis ne sont pas les avatars d'un colonialisme historiquement condamné et dépassé, ils sont l'avant-garde d'un monde où se produit la deuxième grande étape de l'émancipation des peuples du Grand Sud, confrontés à la domination impériale des multinationales et des grands groupes financiers.

Nombre de grands médiateurs internationaux, tels l'ambassadeur De Mistura, Francesca Albanésé ou encore Jean Ziegler, nombre de mouvements de solidarité pour le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, d'associations citoyennes, de syndicats et de jeunes, perçoivent cette nouvelle aspiration émancipatrice des peuples cherchant un nouveau modèle de coopération et de sécurité pour leur assurer les garanties nécessaires à la paix dans le respect de leur indépendance et la gestion de leurs ressources pour leur bien-être. L'attente des opprimés et des affamés n'a que trop duré. Il est temps de leur donner raison et de revenir aux tables de négociations pour initier un renouveau de l'Organisation des Nations unies et de leur rôle central.

Les massacres génocidaires commis par Israël à Gaza, mais aussi en Cisjordanie et à Jérusalem, ont suscité un éveil mondial et de nouvelles mobilisations qui s'inscrivent dans les grandes étapes des soutiens aux luttes d'émancipation des peuples conduites en Algérie par le FLN et Ben Bella, au Vietnam par Hô Chimin, en Afrique par A. Neto, Mondlane, GA.Nasser, Nyerere, Lumumba, Th. Sankara, S. Nujoma, Sekou Tourré, Nkummah, J. Nyerere et N. Mandela, sans oublier Gandhi, Soekarno, Moa et Gusmao en Asie ou encore F. Castro et S. Allende en Amérique latine et tant d'autres encore.

Palestiniens et Sahraouis sont aujourd'hui des maillons solides de l'histoire qui pousse les peuples à décider souverainement de la conduite de leur lutte pour imposer à la communauté des Nations ce qui est juste. Les formes multiples de rébellion légitime qu'ils adoptent pour faire respecter leurs droits les plus fondamentaux au regard du Droit international qu'ils ont contribué à créer, se fondent sur leur droit à être respectés, ce qui n'est en fait qu'une nécessité existentielle face à l'aliénation qui leur est imposée par la force brutale des armes et des marchands.

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En Martinique, l’arrivée de la CRS 8 rappelle le douloureux passé de l’île avec cette unité de police

1er octobre 2024, par Maxime Birken — , ,
MARTINIQUE - Une mesure tristement symbolique alors que la Martinique est confrontée à une profonde crise liée au coût de la vie. La colère de la population s'est concrétisée (…)

MARTINIQUE - Une mesure tristement symbolique alors que la Martinique est confrontée à une profonde crise liée au coût de la vie. La colère de la population s'est concrétisée par plusieurs nuits de violences urbaines qui ont poussé les autorités locales à instaurer un couvre-feu et à interdire les manifestations. Et ce samedi 21 septembre, il a été annoncé que la huitième Compagnie Républicaine de Sécurité (CRS) va être déployée sur l'île.

22 septembre 2024 | tiré d'Europe solidaire sans frontières |
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article72022

En route pour l'île depuis samedi soir selon l'AFP, confirmant une information de BFMTV, la CRS 8 va venir prêter main-forte au GAN (Groupe d'Appui de Nuit) sur place. Une décision qui est justifiée par l'importante circulation d'armes à feu sur l'île. Des policiers avaient d'ailleurs été victimes de tirs à balles réelles plus tôt dans la semaine.

Cette unité d'élite spécialisée dans la lutte contre les violences urbaines, créée en 2021 par Gérald Darmanin, avait déjà été déployée en avril 2023 à Mayotte pour renforcer les effectifs de l'opération de sécurisation de Mayotte, baptisée « Wuambushu ». Mais aujourd'hui cette décision pose question en raison du lourd passif de l'île avec les CRS.

Trois jeunes tués en 1959

Comme le rappelle justement La 1re au lendemain de cette annonce sécuritaire, les policiers de la CRS 8 « sont prioritairement engagés sur des missions de maintien et rétablissement de l'ordre, lutte contre les violences urbaines et les émeutes, assistance et renfort aux autres directions de la police nationale » lorsque la menace est « particulièrement forte ».

Cette description résonne comme un triste écho aux émeutes de décembre 1959 en Martinique, date à partir de laquelle « aucune compagnie républicaine de sécurité n'avait été autorisée à intervenir » sur l'île, souligne le média ultramarin.

Cette année-là, trois jours de soulèvement provoqués par un banal accident de la route sur fond de crise économique et sociale avaient conduit à des émeutes entre la police nationale − dont un détachement de CRS − et de jeunes manifestants martiniquais. Bilan ? Trois jeunes tués par les forces de l'ordre, provoquant un grave choc chez les responsables politiques locaux, extrêmement surpris par la brutalité des forces de l'ordre déployées.

En réaction, les élus martiniquais de tous bords politique avaient exigé « que des conversations soient entamées immédiatement entre les représentants qualifiés des Martiniquais et le Gouvernement pour modifier le statut de la Martinique en vue d'obtenir une plus grande participation à la gestion des affaires martiniquaises ». Dans un extrait de la motion du Conseil Général de Martinique le 24 décembre 1959, citée par La 1re, le « retrait de tous les CRS et des éléments racistes indésirables » avait donc été acté et respecté… jusqu'à ce samedi 21 septembre 2024.

Maxime Birken

P.-S.
• Le HuffPost. 22/09/2024 13:08 Actualisé le 22/09/2024 15:50 :
https://www.huffingtonpost.fr/france/article/en-martinique-l-arrivee-de-la-crs-8-rappelle-le-douloureux-passe-de-l-ile-avec-cette-unite-de-police_239938.html

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Un oubli impardonnable pour la gauche : la situation de la classe ouvrière

1er octobre 2024, par Luis Bonilla Molina — , ,
Lorsqu'un marxiste révolutionnaire est interrogé sur la situation d'un pays, il dispose de trois cadres référentiels et catégoriels pour répondre. 20 septembre 2024 | tiré (…)

Lorsqu'un marxiste révolutionnaire est interrogé sur la situation d'un pays, il dispose de trois cadres référentiels et catégoriels pour répondre.

20 septembre 2024 | tiré du site inprecor.org
https://inprecor.fr/node/4302

Le premier cadre, basique et élémentaire, préalable et déterminant par rapport aux autres, renvoie aux conditions de la classe ouvrière, notamment à sa situation matérielle de vie et de travail (salaires, inflation, pouvoir d'achat, accès aux services de base et à la sécurité sociale) et au régime de libertés politiques dans lequel se déroule son processus de prise de conscience en tant que classe (liberté d'organisation syndicale, liberté de formuler des contrats collectifs, de présenter des revendications contradictoires, droit de grève, droit de mobilisation, possibilités de s'organiser en partis politiques révolutionnaires, liberté d'opinion et de production intellectuelle, entre autres).

Le deuxième cadre, les conditions dans lesquelles la bourgeoisie et les classes (et castes) dirigeantes s'approprient les richesses, le modèle dominant d'accumulation capitaliste, les caractéristiques du modèle de représentation politique qui exprime la domination bourgeoise et le régime de libertés politiques dont les riches disposent pour devenir de plus en plus riches.

Le troisième cadre, la relation des bourgeoisies nationales avec les nations impérialistes et les centres du capitalisme mondial, qui implique un débat actualisé sur les types d'anti-impérialisme, parmi lesquels les réarrangements des bourgeoisies nationales et de leurs systèmes de relations qui peuvent provoquer des fissures temporaires avec les liens historiques avec le centre impérialiste, et qui sont présentés comme de l'anti-impérialisme. Toute contradiction temporaire ou circonstancielle n'est pas de l'anti-impérialisme. Aujourd'hui, un anti-impérialisme cohérent et durable est un anticapitalisme.

Il est impossible de parvenir à une compréhension globale des deuxième et troisième cadres de l'analyse catégorielle sans une définition correcte du premier.

Depuis les premières heures du 29J-2024, lorsque le président du Conseil national électoral (CNE) du Venezuela, Elvis Amoroso, a annoncé les résultats des élections tenues la veille, une controverse s'est déclenchée sur la transparence et la fiabilité des données étayant l'annonce. Cette situation a généré un débat et une fissure dans la gauche internationale autour de trois grands pôles : le premier, celui de la géopolitique, le deuxième celui de la négociation pour sortir de la crise de légitimité, et le troisième celui du point de vue du monde du travail.

Le bloc majoritaire, celui de la géopolitique, pose tout en termes de « gauche au gouvernement » contre « droite et ultra-droite dans l'opposition ». Les catégories de droite et de gauche sont des signifiants vides si elles ne partent pas de la conformation et des confrontations entre classes sociales, des processus d'accumulation du capital et des rapports d'oppression ou de libération avec les classes subalternes, notamment la classe ouvrière.

Les partisans de la géopolitique ne mentionnent pas les processus de formation d'une nouvelle bourgeoisie dans le processus bolivarien, mis en évidence par des événements tels que la crise bancaire de 2009 (fermeture de banques créées avec des capitaux issus des relations avec le gouvernement) ou la révélation de la méga-corruption de l'affaire PDVSA-Cripto impliquant une centaine de dirigeants du PSUV, dont l'un des membres du bureau politique (on a parlé de 3 milliards de dollars, puis de 15 milliards de dollars et dernièrement de 23 milliards de dollars).

Il ne suffit pas de maintenir un discours de gauche pour être de gauche, si cela couvre l'incubation d'un secteur bourgeois et le maintien du modèle rentier de l'accumulation bourgeoise. Les programmes et les actions des gouvernements doivent être évalués au-delà des formalités discursives, pour cela il est important de les confronter ou de les relier à la logique d'accumulation et de distribution de la richesse nationale.

Le bloc géopolitique omet cela. Il ne consulte pas la gauche historique vénézuélienne PCV-authentique, le vrai PPT, les Tupamaros historiques, entre autres, pour savoir s'il y a cohérence et consistance entre la définition de la gauche par le gouvernement et sa pratique.

Le pire des « arguments de la gauche géopolitique » est que si le gouvernement vénézuélien « tombe », cela aura un effet désastreux sur la formation et l'avancée de la gauche dans leur pays, ignorant le discrédit social continental et mondial croissant du madurisme dans leurs pays, qui est ce qui les affecte vraiment.

Mais, de plus, dans le meilleur des cas, cette définition « géopolitique » implique une demande de sacrifice de la classe ouvrière vénézuélienne, d'acceptation soumise de ses conditions d'exploitation et d'oppression dans son propre pays, afin que les autres gauches au niveau international puissent, comme un bouchon, rester à flot. Il est terrible de penser seulement à demander ce sacrifice à la classe ouvrière vénézuélienne.

Le deuxième bloc est celui de la négociation, de l'accord pour sortir de la crise. Dans cet effort, nous trouvons les gouvernements du Brésil (Lula), de la Colombie (Petro), jusqu'à récemment du Mexique (AMLO) et, par intermittence, du Chili (Boric). Ce secteur semble être inspiré par le désir d'éviter une plus grande détérioration sociale et la possibilité de générer une atmosphère de commotion et de guerre civile dans le pays. Malgré leurs bonnes intentions louables, leurs efforts ont le défaut d'omettre deux éléments fondamentaux : 1) la situation matérielle et les libertés de la classe ouvrière vénézuélienne et 2) le fait que l'authentique gauche vénézuélienne (PCV, PPT, Tupamaros et autres groupes qui n'ont pas été autorisés à légaliser leurs partis) est hors-la-loi, n'a aucune possibilité d'obtenir une personnalité juridique ou une participation autonome dans le cadre électoral. Cette omission n'est pas un problème mineur.

Récemment, ce secteur a proposé (Lula et Petro) la tenue de nouvelles élections nationales pour sortir de l'impasse générée par le refus du gouvernement de montrer les procès-verbaux qui appuient la déclaration de triomphe de Maduro, alors que l'opposition a publié sur son propre site web plus de 81 % des copies des procès-verbaux, que le gouvernement accuse de ne pas être authentiques. Cette proposition de nouvelles élections doit être comprise comme une voie de continuité avec les politiques d'accord inter-bourgeois (ancienne et nouvelle bourgeoisie) promues par le gouvernement Maduro entre 2018-2024, qui n'ont pas réussi à se conclure en raison de la résistance d'un secteur de l'ancienne bourgeoisie dont María Corina Machado (MCM) fait partie et qu'elle représente.

De nouvelles élections ne pourraient évidemment pas être organisées à court terme, car elles déboucheraient sur une nouvelle impasse, mais devraient l'être à moyen terme (deux ans ou plus), précédées par la formation d'un gouvernement de cohabitation, de consensus ou d'intégration qui construise la viabilité d'une éventuelle transition (lois qui protègent le régime de Maduro de la prison, garanties pour la nouvelle bourgeoisie du respect de son patrimoine et des possibilités de continuer à accumuler). Le MCM s'est rapidement opposé à cette proposition parce qu'elle représente un secteur liquidationniste de la nouvelle bourgeoisie, qui va dans le sens d'un formatage de tout ce qui s'est passé – et accumulé par la nouvelle bourgeoisie – au cours des vingt-cinq dernières années.

C'est-à-dire que la question centrale aujourd'hui – sortir de l'impasse conjoncturelle de la logique du capital – est un accord inter-bourgeois, mais l'atteindre ne signifie pas la résolution de la crise du modèle d'accumulation et de représentation politique de la bourgeoisie initiée en 1983, mais il ouvre des voies dans cette direction. Les politiques de renversement de la bourgeoisie maduriste ou du secteur bourgeois représenté par Machado commencent à inquiéter la bourgeoisie latino-américaine, car cela pourrait créer une situation incontrôlable ; la médiation des présidents progressistes de la région tente de contribuer à éviter ce risque, en construisant un chemin de rencontre pour les secteurs bourgeois en conflit.

Le troisième bloc est constitué par les différentes nuances de la gauche qui s'appuient sur l'analyse de classe. Ce secteur, minoritaire dans ses relations partisanes au niveau international, a du mal à faire valoir ses arguments face au maelström médiatique qui installe l'idée d'une polarisation en deux blocs antagonistes (droite contre gauche, ignorant la lutte inter-bourgeoise et l'existence d'organisations à gauche du Madurismo).

La gauche vénézuélienne non maduriste est celle qui comprend le mieux ce qui se passe structurellement, mais elle a tendance à avoir des difficultés à proposer des analyses dans un langage compréhensible par la majorité de la population, qui parvienne à dépasser l'aspect pamphlétaire, le sectarisme ou l'ultra-gauchisme et même la « politique du foie ». Ce secteur a besoin de renouveler son discours pour peser davantage dans le débat et contribuer à clarifier la situation des organisations sociales et politiques de la classe ouvrière internationale.

Les discours qui présentent ce qui existe au Venezuela comme une contradiction entre la droite et la gauche, ou qui, même face aux erreurs du Madurismo, privilégient son « indépendance » vis-à-vis de l'impérialisme américain, constituent un large spectre connu sous le nom de « campisme », sont prépondérants.

L'oubli impardonnable de la gauche campiste (qui pose tout en termes de noir et de blanc) est que son lieu d'énonciation, de communication et de prise de position n'est pas la situation matérielle de la classe ouvrière vénézuélienne et les causes multiples de cette situation, qui incluent l'effet du blocus américain, mais aussi les politiques néolibérales et anti-ouvrières du gouvernement Maduro.

15/09/2024

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Pacte asile et migration : un pas de plus dans la nécropolitique européenne

1er octobre 2024, par Emmanuelle Carton — , ,
L'adoption par les instances de l'Union européenne du « Nouveau Pacte sur la Migration et l'Asile », en avril de cette année, s'est faite à bas bruit. Ce nouveau durcissement (…)

L'adoption par les instances de l'Union européenne du « Nouveau Pacte sur la Migration et l'Asile », en avril de cette année, s'est faite à bas bruit. Ce nouveau durcissement des politiques migratoires de l'UE s'explique en partie par la pression croissante des droites radicales, xénophobes et racistes. Mais il renvoie aussi à des facteurs d'ordre structurels, inscrits dans la logique même de l'intégration européenne et de la conception de la « liberté de circulation » qui y est à l'œuvre. C'est ce que montre Emmanuelle Carton dans cet article.

24 septembre 2024 | tiré de contretemps.eu
https://www.contretemps.eu/pacte-asile-migration-necropolitique-europeenne/

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En cette année 2024, les politiques migratoires en Europe offrent un tableau bien sombre. La Méditerranée demeure un chemin mortifère pour les milliers de personnes qui empruntent la voie maritime pour atteindre les côtes européennes, tandis que la Manche représente toujours un passage mortel pour rejoindre le Royaume-Uni. De même, l'Atlantique est quotidiennement traversé par des candidat·es à la migration et à l'asile, qui empruntent la voie maritime séparant l'Afrique des Canaries (Espagne). Le 10 avril 2024, l'Union européenne (UE), complice de ce bilan macabre, a franchi un nouveau cap vers une « nécropolitique »[1]. L'adoption du nouveau pacte sur la migration et l'asile par les vingt-sept pays de l'Union se traduira par une sélection brutale entre les personnes qui seront sauvées et celles qui seront condamnées. Après le vote des eurodéputé·es et l'approbation du Conseil de l'UE, le texte entrera en vigueur d'ici 2026. Ce pacte renforce une politique centrée sur les frontières, qui érige des barrières contre l'immigration dite « irrégulière » et risquant dès lors d'intensifier les dangers rencontrés par les nouveaux et nouvelles arrivant·es[2] tout au long de leur périple. Le texte prévoit un durcissement du contrôle à l'arrivée dans l'UE ainsi qu'un système de solidarité entre États membres pour l'accueil des demandeurs et demandeuses d'asile, tout en maintenant le système dit « de Dublin »[3]. Cette volonté de « maîtrise des flux migratoires » alimente les fantasmes sur une immigration perçue comme une menace pour l'intégrité et la sécurité des pays européens, offrant un terrain fertile aux politiques racistes venant de l'extrême droite. À l'approche des élections européennes (juin 2024), l'adoption du pacte a représenté un tournant stratégique pour les électeurs et les électrices, appelé·es à se positionner dans les urnes sur la direction à donner à leur continent concernant la question migratoire.

Une « crise de l'accueil » plutôt qu'une « crise migratoire »

Depuis les larges mouvements de population déclenchés en 2014-2015 par la guerre civile en Syrie, les pays européens font le choix de mobiliser la rhétorique de la « crise migratoire »[4]. Avec l'adoption du Nouveau Pacte européen sur la migration et l'asile, dont les négociations ont débuté en septembre 2020, l'UE s'érige en grand régulateur de la migration dite « irrégulière ». Il serait pourtant bien plus justifié de caractériser cette situation non pas comme une « crise migratoire » mais comme une « crise de l'accueil » en Europe[5] . Dans une série de condamnations retentissantes, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a multiplié les sévères réprimandes envers les États membres pour leurs pratiques inhumaines à l'encontre des nouveaux et nouvelles arrivant·es en quête de protection internationale : traitements dégradants, enfermements en centres de rétention , échecs patents à garantir une protection adéquate aux demandeur·euses d'asile. La CEDH souligne le désarroi persistant auquel sont confrontés les nouveaux et nouvelles arrivant·es sur le sol européen et le manque d'application du droit international. Alors que le bilan tragique s'aggrave, avec des milliers de disparu·es en Méditerranée en 2023, la gestion des politiques migratoires de l'EU a fait l'objet de nombreuses remontrances. Le dernier rapport en date du Réseau d'observation de la violence aux frontières met en lumière de nombreuses preuves de l'implication ou de la complicité de Frontex dans l'absence de secours porté aux personnes en danger dans la mer[6]. On pourrait également citer l'exemple lourd de sens de Fabrice Leggeri, ancien directeur de Frontex aujourd'hui élu député européen du Rassemblement national. Cette multiplication de constats révèle l'absence de réponse institutionnelle aux conditions inhumaines de l'accueil en Europe. Le bilan macabre exige un réexamen urgent de la manière dont l'Europe traite celles et ceux qui cherchent refuge, sécurité, prospérité sociale et économique sur ses rivages.

Présenté comme un rempart à l'échec de la « politique de Dublin », le nouveau Pacte comprend principalement de nouvelles législations visant à établir un mécanisme pour faire face aux « arrivées irrégulières massives de migrants dans un État membre ». Concrètement, le Pacte met en place un système d'évaluation rapide des demandes d'asile, avec une « procédure à la frontière » obligatoire, visant à déterminer la validité des demandes. Le pacte vise ainsi à faciliter le retour de celles et ceux jugé·es inaptes à recevoir la protection internationale. La base de données Eurodac, qui se fonde sur l'identification des empreintes digitales des nouveaux et nouvelles arrivant·es afin de déterminer si une personne a déjà été enregistrée dans un autre État membre de l'UE, selon les dispositions du règlement Dublin, sera désormais utilisée à de nouvelles fins. Eurodac permettra le partage des données biométriques entre les autorités chargées du maintien de l'ordre, facilitant l'identification de la migration dite « irrégulière » et justifiant alors des mesures de détention ou d'exclusion. La réforme prévoit l'abaissement de l'âge de la prise de données de 14 à 6 ans, la possibilité d'utiliser la force comme mesure de dernier recours pour obliger les personnes à donner leurs données biométriques ainsi que celle de maintenir des enfants en détention en vue de la prise de ces données. Ce nouveau tournant approfondit la politique migratoire européenne basée non pas sur un accueil mais une criminalisation des personnes en déplacement.

Une « solidarité » entre États contre l'immigration

Dans ce texte, le recours à la notion de « solidarité » entre États membres revêt une signification particulière. Plutôt que de promouvoir une assistance dans la Méditerranée ou une coopération en faveur de l'aide, l'accueil et la justice sociale, cette « solidarité » semble plutôt orientée vers une approche collective dirigée contre l'immigration. Il s'agit de collectiviser les mécanismes de surveillance aux frontières, de renforcer les infrastructures de gestion des frontières (construction de murs, installation de vidéos surveillance, mise en place de barbelés) au sein de l'UE. Dans une logique de « partage des responsabilités », le pacte autorise les contributions financières à des projets de limitation de l'immigration dans les pays tiers. Cela se traduit par davantage d'accords avec des États frontaliers, comme la Tunisie, l'Égypte ou la Turquie, qui acceptent de tenir le rôle de gardes-frontières en échange d'importants transferts financiers. À titre d'exemple, depuis 2018, l'Italie a déjà conclu un transfert de compétence avec les garde-côtes libyens selon lequel ces derniers ont l'obligation de désigner un port sûr pour les bateaux naufragés. Cependant, l'expression sinistre « enfer libyen » est devenu célèbre pour évoquer les conditions prétendument « sûres » dans lesquelles se trouvent les personnes en exil : viols, torture, détention, esclavage. Sophie Beau, directrice de SOS-Méditerranée France, raconte comment les garde-côtes libyens ont tiré sur le navire humanitaire Ocean Viking, destiné à secourir les naufragé·es. De plus, le dernier accord signé en mai 2024 entre l'UE et le Liban prévoit, en échange de milliards d'euros, des mesures visant à freiner les départs des exilés syriens vers l'Europe. L'adoption du Pacte témoigne clairement d'une solidarité interétatique dirigée contre la « menace migratoire » : ensemble contre l'« immigration irrégulière ».

L'UE a récemment reconduit son Mémorandum d'entente avec la Tunisie moyennant un soutien financier d'une valeur de 150 millions d'euros. Cet engagement s'appuie sur 5 piliers dont l'un concerne la migration et la mobilité visant une « gestion efficace des frontières, le développement d'un système d'identification et de retour des migrants irréguliers déjà présents en Tunisie vers leurs pays d'origine ». La Tunisie a annoncé avoir intercepté 21 545 personnes migrantes au moment de leur tentative de traverser la Méditerranée vers l'Italie depuis ses côtes, entre janvier et avril 2024. Dans le même temps, plusieurs enquêtes internationales mettent en lumière le soutien financier de l'Europe à des opérations clandestines dans les pays d'Afrique du Nord dont le but est d'arrêter les personnes en route vers l'Europe lorsque celles-ci se trouvent au Maroc, en Mauritanie et en Tunisie. Avec l'argent de l'UE, les autorités de ces pays ont pour mission de détenir ces personnes pour les transférer dans des zones désertiques ou reculées afin de les empêcher de partir demander l'asile aux portes de l'Europe. Une fois transférées dans ces zones, elles sont abandonnées sans aucune assistance, eau ou nourriture, et sont ainsi exposées aux risques d'enlèvement, d'extorsion, de torture, de violences sexuelles et, dans les cas les plus graves, de mort. D'autres sont emmenées vers des zones frontalières où, selon les témoignages, elles sont vendues par les autorités à des trafiquants d'êtres humains et à des gangs qui les torturent pour obtenir une rançon. Les enquêtes ont révélé que l'Europe finance sciemment, et dans certains cas participe directement à des détentions et expulsions systématiques basées sur des critères racistes visant des communautés noires dans ces trois pays d'Afrique du Nord. Ces enquêtes révèlent que ce système de déplacements massifs et d'abus est non seulement connu à Bruxelles depuis des années, mais aussi qu'il est soutenu par l'argent, les véhicules, les équipements, les renseignements et les forces de sécurité fournis par l'UE et les pays membres.

Décider qui peut entrer ou décider qui régulariser ?

La Présidente de la Commission européenne, Ursula Von Der Layen a déclaré que « ce sont les Européens qui décideront qui vient dans l'UE et qui peut y rester, pas les passeurs ». Le choix de déterminer qui peut franchir les portes de l'UE et qui se voit refuser l'accès découle d'une décision politique, d'une gestion que l'on peut qualifier de « nécropolitique ». La conséquence pour celui ou celle qui voit son accès refusé entraine une issue radicale : la mort. D'après le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), en 2024, sur les 11 889 arrivées en Grèce 48,8 % proviennent d'Afghanistan, 13,8 % de Syrie, tandis que moins de 5 % sont originaires de pays tels que l'Érythrée, la Palestine, le Yémen, le Soudan, ou l'Éthiopie, entre autres. Ces pays ont tous en commun de faire face à une situation de crise : guerre civile, instabilité politique significative, conflits ou crises humanitaires, entraînant des mouvements de personnes en quête de meilleures conditions sociales et économiques. Utiliser le pouvoir politique pour dicter qui pourra entrer et qui se verra refuser l'accès traduit une logique politique largement axée sur des critères inégalitaires. La majorité des personnes qui traversent les frontières européennes de manière irrégulière viennent de pays autrefois colonisés. L'histoire coloniale de ces pays a largement façonné des dynamiques de dépendance envers les anciens pays impérialistes. Cette relation a grandement profité à l'enrichissement des nations du Nord, notamment l'Europe. Aujourd'hui, le système global des relations économiques internationales maintient une nouvelle forme de domination, avec de nouvelles expressions d'impérialisme. La dette, en particulier, demeure un instrument de domination du Sud par le Nord. Elle permet, via des institutions comme le FMI ou la Banque mondiale, de perpétuer un système de domination économique en échange de prêts pour rembourser d'anciennes dettes. Ainsi, l'instabilité politique et le manque de structures sociales pour garantir la sécurité et les moyens de subsistance d'une grande partie de la population dans de nombreux pays des Suds, entraînent d'importants mouvements de populations.

Dans le cadre de la nécropolitique, l'UE exerce son autorité en adoptant des politiques qui discriminent les individus en fonction de leurs origines. Cette tendance est particulièrement visible dans le nouveau pacte asile et migration, qui prévoit que les décisions sur l'admission ou le renvoi des nouveaux et nouvelles arrivant·es sont influencées par leur nationalité ou leur région d'origine. En pratique, cela se traduit par des politiques migratoires européennes racistes qui favorisent les ressortissant·es de pays considérés comme économiquement ou politiquement stables, tandis que celles et ceux des régions en crise sont d'abord vu comme de l'immigration « irrégulière ». De plus, contraint·es de suivre le processus de demande d'asile de plus en plus complexe des pays européens, ces dernier·es se heurtent à des obstacles administratifs croissants pour accéder à leur demande de protection, pourtant garantie par le droit international. Récemment, plusieurs États européens ont adopté de nouvelles législations nationales qui bafouent l'accès à une politique d'accueil digne, comme c'est le cas en France avec l'adoption de la loi asile et migration en décembre 2023. En Europe des millions de personnes sont issues de l'exil. Dans les années 1970, l'Europe et notamment les anciennes puissances coloniales comme la France et le Royaume-Uni ont organisé la venue massive de personnes venant des anciennes colonies afin d'accueillir une main d'œuvre peu chère pour reconstruire les pays d'après-guerre. L'utilisation d'une main-d'œuvre provenant en grande partie de pays anciennement colonisés représente matériellement l'exploitation et la domination d'une partie de cette population. Dans Les damnés de la terre, Frantz Fanon traitait principalement du colonialisme et des effets psychologiques de l'oppression sur les peuples colonisés. Achille Mbembe s'inspire de sa formule pour parler aujourd'hui des « damnés de la mer » qui partent à la recherche d'un refuge et trouvent en fait la faim en Europe. Aujourd'hui, les politiques d'austérité ont affaibli les espoirs d'une vie digne en Europe. Face aux crises économiques successives traversées par les pays européens au cours des trente dernières années, l'immigration est désignée comme étant en partie responsable d'une politique sociale coûteuse. En réponse, la nouvelle politique migratoire a eu un impact majeur sur le droit d'asile dans les États, entraînant la montée des nationalismes de plus en plus axés sur la notion de frontières comme remparts contre l'insécurité et le « raz-de-marée » que représenterait l'immigration irrégulière[7].

Pourtant, les personnes en situation irrégulière continuent de jouer un rôle majeur dans nos économies européennes. A titre d'exemple, la transition écologique, prévoyant l'adoption d'ici 2030 de véhicules sans émission de carbone, renforce fortement l'exploitation des personnes sans papiers. La Hongrie ambitionne le rôle de principal producteur de batteries pour véhicules électriques. Pour ce faire, elle facilite l'arrivée de personnes non régularisées en situation de migration pour assurer la production de ces batteries. Alors que Giorgia Meloni coopère avec les autorités tunisiennes pour renforcer les contrôles à la frontière maritime afin d'empêcher les nouveaux et nouvelles arrivant·es d'atteindre les côtes italiennes, les gros exploitants du sud de l'Italie continuent de bénéficier d'une main-d'œuvre bon marché dans le domaine agricole. La ligne qui sépare l'Europe du reste du monde, principalement des pays du Sud, est souvent qualifiée d'« Europe Forteresse ». Sous couvert de « gestion de crise migratoire », l'UE opte pour une régulation qui semble répondre aux exigences fluctuantes du marché mondial[8]. Ce pacte, concentré davantage sur la gestion des conséquences que sur la mise en place de réponses structurelles visant à réduire le nombre de décès aux frontières, caractérise les politiques migratoires actuelles et leurs logiques racistes et nécropolitiques. Du fait d'une économie mondialisée axée sur la surexploitation, les larges chaînes qui nous alimentent déterminent désormais le droit ou non à la mobilité. Dans ce contexte, la question des frontières devient cruciale. La nécropolitique européenne s'inscrit dans une logique marchande où l'Europe forteresse maintient la main-d'œuvre en dehors de l'UE ou bien en Europe dans des conditions déplorables.
Conclusion

Un constat s'impose : le Nouveau Pacte sur l'Asile et l'Immigration s'inscrit pleinement dans une politique préexistante, consolidant une approche centrée sur les frontières et renforçant les obstacles aux arrivées qualifiées « d'irrégulières ». Alors que l'UE prétend exercer un contrôle sur les flux migratoires pour garantir la sécurité et l'intégrité de ses membres, ce pacte révèle une orientation mortifère, où la sélection des nouveaux et nouvelles arrivant·es est dictée par des critères largement hérités d'un système colonial. Les fondements de cette politique se déploient dans un contexte économique mondialisé, où les inégalités entre les travailleurs et les travailleuses issus des grandes puissances économiques et ceux et celles de la périphérie définissent la dynamique des chaînes de valeur mondiales. L'« Europe forteresse » émerge ainsi comme un symbole de cette gestion sélective de la main d'œuvre, favorisant les ressortissant·es de pays jugés politiquement ou économiquement stables (qui sont souvent des personnes blanches), tout en excluant ou en marginalisant celles et ceux provenant des régions en conflit ou en crise (qui sont souvent des personnes racisées). Derrière cette façade de régulation se cache une réalité plus sombre. Les politiques migratoires actuelles se révèlent souvent être des réponses superficielles, focalisées sur les angoisses racistes agitées par les partis d'extrême droite d'une partie de la population plutôt que sur les causes profondes des migrations, notamment lors des élections européennes de juin 2024. Cette rhétorique axée sur la peur est largement créée et exploitée par les partis d'extrême droite, ceci à leur avantage. Dans un climat où l'extrême-droite progresse très vite, il est crucial de recentrer le débat sur le désarmement des frontières et l'accueil des personnes en exil. Cela nécessite avant tout de reconnaître l'humanité des individus qui se heurteront aux réalités du nouveau Pacte, où les angles tranchants des politiques migratoires menacent leur dignité et leur vie.

*

Emmanuelle Carton est diplômée d'un Master d'études africaines à l'Université de Copenhague. Animatrice d'éducation permanente au CADTM, elle est impliquée dans la critique sociale et tente de comprendre les racines de la crise écologique et sociale, ses liens avec les inégalités Nord-Sud ainsi que les alternatives possibles au sein de la politique des communs et des systèmes horizontaux et associatifs de solidarité.

Une première version de cet article a été publié le 4 juin 2024 sur le site du CADTM.

Illustration : Photo Merle Thiel – Calais, avril 2024.

Notes

[1] La « nécropolitique » fait référence à la notion proposée par Achille Mbembe qui y voit l'expression ultime de la souveraineté : la capacité d'un État à gouverner et de son contrôle absolu sur les affaires internes et externes se trouve dans le pouvoir de décider qui peut vivre et qui doit mourir. Souvent basée sur des catégories raciales, ethniques ou sociales, la nécropolitique désigne la façon dont l'utilisation de la violence devient un outil de gouvernance par lequel certaines populations sont soumises à des conditions qui rendent leur vie précaire, ou impossible, tandis que d'autres sont privilégiées et protégées.

[2] Le terme ‘nouveau-arrivant' est une terminologie neutre qui englobe à la fois les réfugiés, les sans-papiers et les demandeurs d'asile. Le terme « migrant » a parfois été utilisé dans des discours déshumanisants, englobant un grand nombre d'individus sans distinction et justifiant des rhétoriques qui bafouent le droit à la dignité humaine.

[3] Selon la réglementation de Dublin, adoptée par l'UE en 1990, chaque État membre est chargé d'examiner les demandes d'asile lorsque ses frontières sont franchies en premier par l'individu. Ce règlement a entraîné des déséquilibres criants entre des États en « première ligne » comme la Grèce, l'Espagne ou l'Italie, situés aux frontières extérieures de l'UE et largement tenus comme responsables du traitement des demandes d'asile, et les autres États membres.

[4] Cf. Laura Calabrese, Chloé Gaboriaux et Marie Veniard, « L'accueil en crise : pratiques discursives et actions politiques », Mots. Les langages du politique, n° 129, 2022 [En ligne].

[5] Cf. Annalisa Lendaro, Claire Rodier et Youri Lou Vertongen, La crise de l'accueil : Frontières, droits, résistances, Paris, La Découverte, 2019.

[6] Frontex est l'agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes. Créée en 2004, elle est chargée de coordonner et de mettre en œuvre les opérations de gestion des frontières dans les États membres de l'UE. Officiellement, les principaux objectifs de Frontex sont de renforcer la sécurité des frontières extérieures de l'UE, de faciliter les flux d'immigration légaux et fluides et de prévenir l'immigration irrégulière. Pourtant, l'agence est l'objet de nombreuses critiques. Travaillant en étroite collaboration avec les agences frontalières nationales, les autorités chargées du contrôle et de la gestion des frontières au sein de l'UE ont été régulièrement accusées de mauvais traitements, de mises en danger et de négligence envers les personnes en détresse.

[7] Cf. les vidéos du colloque « Pour l'asile, une autre politique de l'immigration est possible » (Université de Paris 8, 5 mars 2018).

[8] Cf. Jacques Rancière, Les trente inglorieuses : Scènes politiques, Paris La fabrique, 2022.

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Face à la droite et à l’extrême droite : Urgence antiraciste !

1er octobre 2024, par Josie Boucher — , ,
Macron, après deux mois de cirque pour éviter un gouvernement Nouveau Front populaire, a donc sorti de son chapeau comme Premier ministre Michel Barnier : vieux cheval de (…)

Macron, après deux mois de cirque pour éviter un gouvernement Nouveau Front populaire, a donc sorti de son chapeau comme Premier ministre Michel Barnier : vieux cheval de retour, choisi dans le groupe de droite extrême minoritaire de l'Assemblée nationale. Avec la bénédiction de l'extrême droite à qui Macron a délibérément laissé la maîtrise du jeu.

19 septembre 2024 | tiré de l'Hebdo L'Anticapitaliste - 721
https://lanticapitaliste.org/actualite/politique/face-la-droite-et-lextreme-droite-urgence-antiraciste

Et le RN, devenu indispensable, de se vanter : « Rien ne peut se faire sans le RN », dixit Bardella assurant ne pas vouloir participer au « désordre institutionnel et au chaos démocratique » mais à condition que le gouvernement se conforme à une politique acceptable pour le RN — c'est-à-dire toujours plus xénophobe et raciste.

La guerre contre les étrangerEs

Le CV du nouveau Premier ministre a en effet tout pour plaire à Marine Le Pen : outre ses positions réactionnaires en matière sociale, en 2022 il plaidait « pour une pose migratoire » de 3 à 5 ans, appelait à « cesser les régularisations inconditionnelles des sans-­papiers », à remettre en cause l'Aide médicale d'État, à restreindre les regroupements familiaux et, tout comme les extrêmes droites européennes, demandait que la CEDH (Cour européenne des droits de l'Homme) n'impose pas ses décisions à la France. Sans surprise, ses premières déclarations sont dénuées d'ambiguïté : la lutte contre l'immigration sera sa priorité et, pour ce faire, pourquoi pas le retour d'un ministère de l'Immigration : une armada de fonctionnaires afin de mieux traquer une population soumise à un régime d'exception, indésirable sur le territoire national. Nul doute que la loi Darmanin, arme de guerre contre tous les étrangerEs, va continuer — et en pire — à transformer en enfer la vie de celles et ceux qui, avec ou sans papiers, n'ont pas la bonne couleur/origine ou la bonne religion.

Combattre le capitalisme, c'est aussi combattre le racisme

Le racisme est inhérent au capitalisme. Plus que jamais avec la crise économique et politique, il lui est nécessaire pour continuer à exploiter les êtres humains et la nature. La poursuite et l'aggravation des attaques racistes, relayées par les grands médias, seront au cœur de la politique gouvernementale. Elles sont indispensables pour s'assurer une certaine neutralité parlementaire — sous conditions — du RN mais aussi pour reprendre les attaques antisociales que réclame la bourgeoisie. Pour diviser les classes populaires soumises à ces attaques, les migrantEs et les populations racisées servent de boucs émissaires pour les méfaits du capitalisme. Mais, ce faisant, ce sera à nouveau le RN, héraut de la « préférence nationale » raciste (au profit des prétendus « Français de souche »), qui tirera les marrons du feu si jamais la gauche se montre incapable d'offrir une alternative sociale et démocratique progressiste, intégrant la défense des migrantEs et des personnes racisées.

Faire échec à Barnier-Macron et barrage à Le Pen implique de mener, et de façon conséquente, la lutte antiraciste. Loin d'être opposées, la lutte pour les droits démocratiques et sociaux et la lutte antiraciste sont complémentaires et imbriquées. L'unité de combat contre le capitalisme et ses méfaits en dépend.
Contre le racisme systémique de l'État et de l'État colonial

Une gauche de combat, politique et syndicale, se doit d'être à la pointe des mobilisations avec les premierEs concernéEs : contre les campagnes islamophobes ; pour l'abrogation de la loi Darmanin et de toutes les autres lois racistes, la fermeture des centres de rétention administrative (CRA), l'abrogation du Ceseda (Code d'entrée et de séjour des étrangers et demandeurs d'asile), le désarmement de la police, la régularisation de touTEs les sans-papiers, l'ouverture des frontières, la liberté de circulation et d'installation.

Contre le racisme systémique d'État qui écrase les personnes racisées de ce pays, nous exigeons l'égalité des droits, l'égalité dans l'accès à l'éducation, à la santé, au logement ou à l'emploi et les pleins droits de citoyenneté pour toutes celles et tous ceux qui vivent sur ce territoire.

Combattre le racisme, c'est aussi dénoncer les forfaits et crimes de « notre » impérialisme en Afrique et ailleurs, et mener une politique sans faille de solidarité avec les peuples eux aussi infériorisés et opprimés par le racisme, et encore sous le joug colonial de la France, et qui, comme aujourd'hui en Kanaky, luttent pour leur indépendance.

Josie Boucher

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Keir Starmer cherche son inspiration auprès de Giorgia Meloni pour « gérer les migrant·e·s »

1er octobre 2024, par Kristina Millona, Nathan Akehurst — , ,
Après avoir rencontré [le lundi 16 septembre, à la Villa Doria Pamphili, à Rome] Giorgia Meloni, Keir Starmer a exprimé son admiration pour les plans de la Cheffe du (…)

Après avoir rencontré [le lundi 16 septembre, à la Villa Doria Pamphili, à Rome] Giorgia Meloni, Keir Starmer a exprimé son admiration pour les plans de la Cheffe du gouvernement italien visant à déporter les réfugié·e·s vers des camps en Albanie, signe de la volonté du gouvernement travailliste d'embrasser les politiques du néofascisme.

Tiré de A l'Encontre
25 septembre 2024

Par Nathan Akehurst et Kristina Millona

Capture d'écran d'Euronews.

Lorsque Keir Starmer a abandonné l'accord funeste des conservateurs sur les déportations vers le Rwanda quelques jours après son entrée en fonction, un soupir de soulagement s'est fait entendre. Beaucoup se sont félicités de ce qui semblait être un changement résolu par rapport à la stratégie du gouvernement précédent qui, lui, utilisait une cruauté implacable à l'égard des migrant·e·s pour détourner l'attention de ses échecs en matière de gestion des affaires publiques.

Certains espéraient même que la campagne du parti travailliste – qui mettait en scène une députée conservatrice [Natalie Elphicke] de la droite dure ayant fait défection et affirmant que les conservateurs n'étaient pas assez durs sur la question des frontières – n'était qu'une habile manœuvre électorale. Mais alors que le gouvernement travailliste multiplie les déportations massives et les descentes sur les lieux de travail, rouvre des centres de détention où les abus sont légion et envisage de ramener le Royaume-Uni dans le giron d'un régime européen de contrôle mortel des migrations, il semble que la campagne de Keir Starmer doive être prise au pied de la lettre.

Cette semaine, mi-septembre, le Premier ministre s'est rendu en Italie pour rencontrer Giorgia Meloni, une dirigeante qui est arrivée au pouvoir à la tête d'une formation [Fratelli d'Italia] qui s'inscrit dans la continuité du MSI [Movimento sociale italiano], parti construit au lendemain [1946] de la Seconde Guerre mondiale afin de maintenir un héritage de Benito Mussolini et du fascisme italien. Keir Starmer a déclaré qu'il souhaitait s'inspirer de l'approche de Giorgia Meloni en matière d'immigration et coopérer avec elle. [Starmer a expliqué : « Il y a eu ici une réduction assez remarquable des entrées de clandestins, donc je veux comprendre comment cela s'est produit ».]

Cette déclaration intervient dans le contexte où l'Italie et l'Albanie ont signé [le 6 novembre 2023] un accord [ratifié par la Chambre des députés italiens le 24 janvier 2024 et le Parlement albanais le 22 février 2024] prévoyant la construction de centres de détention sur le territoire albanais, où les ressortissants de pays tiers secourus en Méditerranée seraient transférés en vue du traitement extraterritorial de leur demande d'asile et, éventuellement, de leur expulsion. Giorgia Meloni a salué le protocole comme un « accord historique pour l'ensemble de l'UE » [1].

Les organisations de défense des droits de l'homme préviennent que la détention arbitraire légitimée par l'accord pourrait conduire à des violations potentielles des droits de l'homme, notamment en ce qui concerne la défense juridique et les droits d'asile. Les audiences sur les demandes d'asile se tiendront à distance et les autorités italiennes, dont le personnel est surchargé, seront chargées de traiter les demandes en provenance d'Albanie en seulement 28 jours, ce qui limitera encore davantage les procédures régulières.

Lors d'une visite des centres en Albanie cette semaine (3e de septembre), nous avons vu la construction rapide d'un mur de sept mètres de haut clôturant les camps de détention, qui, selon les gardes patrouillant sur les sites, « garantira qu'aucun migrant détenu là ne puisse s'échapper ».

L'accord avec l'Albanie est le dernier d'une série de mesures italiennes qui ont aggravé la situation déjà désastreuse en Méditerranée centrale, la route migratoire la plus meurtrière au monde. Giorgia Meloni est entrée en fonction en promettant un « blocus naval » contre les migrant·e·s. L'année dernière, l'un d'entre nous était à bord d'un navire civil de sauvetage en mer, qui a été immobilisé et qui fut condamné à une amende pour le crime supposé d'avoir sauvé trop de vies.

I'Italie a régulièrement recours à la détention arbitraire, à l'assignation de ports de sécurité éloignés [ce qui pose des problèmes de santé pour les migrants, de sécurité, de coût de transport, au harcèlement bureaucratique [le « droit » à un seul sauvetage] ou à l'arrestation pure et simple pour empêcher les gens de sauver des vies en mer. La rhétorique sur la répression des bandes de passeurs semble simple. Mais en réalité, les personnes qui recherchent la sécurité, celles qui apportent de l'aide et celles qui fournissent des services de base sont régulièrement criminalisées en tant que passeurs.

Le cas d'Ibrahima Bah, un adolescent sénégalais reconnu coupable d'entrée « illégale » au Royaume-Uni et d'homicide involontaire, nous rappelle les conséquences de la criminalisation des personnes qui émigrent en tant que passeurs. Bah a été arrêté en décembre 2022 et, plus tard, condamné à neuf ans de prison par les autorités britanniques pour avoir conduit un bateau lors d'une traversée de la Manche.

L'embarcation a tragiquement coulé ce qui a entraîné la mort de quatre personnes. En raison de la rareté des parcours praticables et légaux, Ibrahima Bah a été contraint de conduire le « bateau » en échange d'un passage gratuit pour lui et son frère. De tels cas sont monnaie courante aussi en Italie.

Et tout ne se résume pas à l'expérience italienne. Il y a pire. Keir Starmer et David Lammy [ministre des Affaires étrangère, du Commonwealth et du Développement] ont également indiqué qu'ils s'inspireraient des accords européens avec la Libye et la Syrie.

Externaliser les « contrôles frontaliers »

Pendant des années, l'Italie, la France et l'UE ont injecté de l'argent dans ce qu'on appelle les « garde-côtes libyens », une force qui maltraite régulièrement les personnes qui traversent la Méditerranée, voire leur tire dessus, et les ramène en détention en Libye.

Dans les tristement célèbres centres de détention libyens, la violence, la torture et l'esclavage sont monnaie courante. De nombreux détenus se retrouvent enfermés dans ces centres après avoir été interceptés et repoussés dans leurs tentatives désespérées de traverser vers l'Europe. Des récits poignants font état de la surpopulation dans des pièces non ventilées où la nourriture est glissée sous les portes verrouillées, de passages à tabac systématiques et d'épidémies régulières dues à l'insalubrité des lieux.

Loin de la rhétorique sur le « démantèlement des gangs », les fonds européens se sont retrouvés souvent entre les mains de milices profondément impliquées dans la contrebande, à qui Frontex, l'agence européenne des frontières, confie les positions (géolocalisation) des bateaux en détresse. Au début de l'année, il a également été établi que les fonds européens étaient complices d'opérations de maintien de l'ordre au cours desquelles des milliers de migrants, principalement des Noirs, sont rassemblés et jetés dans les déserts d' Afrique du Nord [voir l'enquête menée, entre autres, par le Washington Post, Der Spiegel, El Pais, Le Monde sur les pratiques en cours au Maroc, en Tunisie et Mauritanie] souvent laissés pour morts.

La Syrie reste un endroit profondément dangereux pour les personnes qui souhaitent y retourner, malgré les tentatives de certains Etats de l'UE de « découper » des zones sûres à l'intérieur de la Syrie où les réfugiés pourraient être renvoyés. Un récent rapport sur la Syrie publié par la commission d'enquête des Nations unies a mis en évidence l'escalade des crises humanitaires dans plusieurs régions du pays ravagées par des affrontements de plus en plus intenses. Le rapport conclut que le pays reste dangereux et que les soi-disant « zones de sécurité » sont fondamentalement inadaptées et inhumaines. [Voir la série de reportages, intitulé « Carnets de Syrie », publiés dans Le Monde, du 15 septembre 2024 au 21 septembre 2024.]

Lorsque le gouvernement travailliste a annulé le plan pour le Rwanda, il a souligné, à juste titre, qu'il était cruel et inapplicable. La sous-traitance de la gestion de la violence frontalière à d'autres pays n'empêche pas les gens d'émigrer, elle ne fait qu'engendrer la misère et la souffrance pour les personnes migrantes. Elle détourne des fonds publics indispensables vers des gouvernements sans scrupules et des firmes à but lucratif qui fournissent des armes, des murs et des moyens de surveillance pour entretenir la machinerie. [Voir l'ouvrage de Claire Rodier, Xénophobie business, Editions La Découverte, 2012]

Il y a une ironie tragique dans le fait que la visite de Starmer en Italie comprenne également l'annonce d'un investissement britannique de 485 millions de livres sterling de la part de Leonardo [firme d'origine italienne – anciennement Leonardo-Finmeccanica – installée dans de nombreux pays, entre autres au Royaume-Uni] , une entreprise d'armement impliquée à la fois dans la vente d'armes vers des zones de conflits – impliquant le déplacement contraint de personnes – et dans la construction des frontières militarisées auxquelles s'affrontent les personnes qui fuient.

Le récit des « crises migratoires » occulte la complicité de pays puissants tels que l'Italie et le Royaume-Uni, qui alimentent les déplacements par le biais de leur politique économique et étrangère. Et cela concourt à dégrader les dispositifs de protection des droits de l'homme qui nous protègent tous.

Un premier ministre, Keir Starmer, qui a fait valoir son expérience d'avocat spécialisé dans les droits de l'homme devrait le comprendre. Nous vivons un recul sans précédent de ces droits, des valeurs et des normes, et dont celles ayant trait à la « gestion de l'immigration » ne sont qu'un exemple parmi d'autres.

La promesse des sociaux-démocrates et des progressistes était de restaurer la dignité en politique, et non de prendre des conseils politiques auprès de gouvernements d'extrême droite. Plutôt que de répéter la stratégie du gouvernement conservateur précédent, qui a consisté à dénigrer les migrant·e·s et à faire preuve de brutalité – ce qui a contribué à ce que des foules tentent d'incendier des demandeurs d'asile il y a quelques semaines à peine [début août 2024] – Keir Starmer devrait utiliser sa majorité pour tracer une voie différente : une voie qui respecte nos obligations de protéger, plutôt que faire du tort aux personnes en quête de sécurité et une orientation qui n'aboutissent pas à nous diviser en fonction de l'endroit où nous sommes nés.

A son retour d'Italie, le Premier ministre devrait se concentrer plus près de chez lui, sur les besoins des personnes et des services publics qui souffrent d'années d'austérité et de mauvaise gestion, et sur la construction d'une Grande-Bretagne plus juste et plus décente, comme il l'avait promis. (Article publié dans le magazine Tribune le 18 septembre 2024 ; traduction par la rédaction de A l'Encontre)

Nathan Akehurst est chercheur et militant sur la problématique de la violence frontalière en Europe, et bénévole dans le domaine de la recherche et du sauvetage civils.

Kristina Millona est une chercheuse et journaliste d'investigation basée à Tirana, en Albanie. Elle travaille sur des sujets tels que la migration albanaise, la violence frontalière et le capitalisme racial.


[1] Le quotidien économique français Les Echos, écrivait le 7 novembre 2023 : « Giorgia Meloni a pris acte de l'échec de l'accord de partenariat entre l'UE et la Tunisie signé en juillet dernier pour endiguer les flux migratoires. Elle se tourne donc vers l'Albanie voisine pour l'accueil des migrants qui ont afflué en masse ces derniers mois sur les côtes transalpines. Alors qu'elle avait promis un soutien économique au président tunisien, elle offre cette fois au Premier ministre albanais, Edi Rama, le soutien de l'Italie pour sa candidature à l'entrée dans l'UE […] Deux centres [l'un situé dans le voisinage d'un village agricole : Gjadër, l'autre près de la ville portuaire de Shëngjin] seront donc construits en Albanie […] Ils seront placés sous la juridiction italienne et devraient être opérationnels au printemps 2024. »

La fin des travaux – qui coûteraient 800 millions d'euros payés par l'Italie – a sans cesse été décalée. Dès lors, Giorgia Meloni, lors d'un point presse récent (Les Echos, 5 août 2024), a souligné que cet accord est en train de devenir un « modèle » : « Une quinzaine d'Etats membres sur 27 ont signé un appel à la Commission lui demandant, entre autres, de suivre le modèle italien. Même l'Allemagne, par l'intermédiaire de sa ministre de l'Intérieur, a exprimé son intérêt. »

Voir de même l'article de Migreurop publié sur le site alencontre.org en date du 13 février 2024.(Réd).

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Le mouvement syndical mondial doit demander des comptes à la Russie pour les crimes de guerre commis à l’encontre des travailleurs ukrainiens.

1er octobre 2024, par Vasco Pedrina — , ,
Les crimes de guerre perpétrés par la Fédération de Russie contre le peuple ukrainien ont atteint un nouveau degré d'escalade. Les transgressions comprennent le bombardement (…)

Les crimes de guerre perpétrés par la Fédération de Russie contre le peuple ukrainien ont atteint un nouveau degré d'escalade. Les transgressions comprennent le bombardement délibéré d'hôpitaux, d'usines, de supermarchés et de bureaux de poste, et le meurtre de plus de onze mille civils. Les travailleurs ukrainiens sont attaqués, car le « syndicat » FNPR (Fédération des syndicats indépendants de Russie), fidèle au régime, a persécuté les syndicats ukrainiens dans les territoires occupés de Donbas et de Crimée, tandis que le gouvernement russe a bombardé les sièges des syndicats.

L'Organisation internationale du travail (OIT) doit s'attaquer au mépris flagrant de la Russie pour les droits fondamentaux des travailleurs et la dignité humaine. En tant qu'autorité mondiale en matière de normes du travail, l'OIT a à la fois le devoir et la capacité de faire face à ces violations de ses conventions. Il est essentiel que ces abus soient portés à la connaissance de l'OIT et que l'organisation prenne des mesures pour que la Russie réponde de ses crimes de guerre.

Une inhumanité persistante

Les attaques criminelles de la Russie contre le système de santé ukrainien doivent être comprises comme visant non seulement les infrastructures vitales, mais aussi les lieux de travail et les travailleurs. En octobre 2024, Physicians for Human Rights a recensé 1 442 attaques contre des établissements de santé, dont 742 hôpitaux et cliniques ont été détruits, entraînant la mort de 210 travailleurs de la santé. Il s'agit peut-être d'une sous-estimation puisque, en août, Human Rights Watch a indiqué que la Russie avait endommagé ou détruit 1 736 installations médicales. L'OMS a condamné à plusieurs reprises la tactique systématique de la Russie consistant à détruire les établissements de santé et à s'en prendre aux travailleurs de la santé, la qualifiant de crime de guerre.

Les travailleurs de la santé sont loin d'être les seuls à supporter le poids de l'agression russe. Les cas les plus flagrants sont ceux où les forces d'occupation russes non seulement torturent, tuent et déportent des civils ukrainiens, mais ont également instauré un système de travail forcé dans les territoires temporairement occupés de l'Ukraine, en particulier dans l'industrie de l'énergie atomique. Le phénomène du travail forcé dans les centrales nucléaires occupées par les Russes est étayé par de nombreux éléments de preuve.

En outre, la persécution et l'expropriation des syndicats ukrainiens, coorganisés par la FNPR dans les territoires temporairement occupés par la Russie, constituent une grave atteinte aux droits fondamentaux des travailleurs ukrainiens. Ils ont interdit les activités des syndicats libres ukrainiens et persécutent sauvagement toute personne qui tente de maintenir le contact avec leur syndicat.

Ce qui est particulièrement grave, c'est que la FNPR sert volontairement de bourreau et de complice au régime de Poutine dans ses efforts pour supprimer la liberté d'association. La FNPR joue un rôle central dans la persécution des travailleurs ukrainiens dans les territoires occupés par le régime russe et est activement impliquée dans l'expropriation illégale des syndicats ukrainiens, dont elle tire profit.

Le FNPR fait partie intégrante de l'appareil répressif, criminel et inhumain de la dictature de Poutine et, par extension, de ses crimes de guerre. Poutine a publiquement fait l'éloge de la FNPR lors de son congrès de 2024 pour avoir mis en œuvre le système de la « Nouvelle Russie » sur les lieux de travail de l'Ukraine occupée. La FNPR est le seul syndicat autorisé dans les territoires, et ceux qui n'y adhèrent pas et n'acceptent pas le processus de « russification » sont considérés avec suspicion par les forces d'occupation russes. Cette suspicion peut conduire à l'enlèvement ou à l'emprisonnement dans un centre de torture, comme l'ont montré de nombreux rapports de l'ONU.

L'attaque barbare de la Russie contre la Fondation suisse pour le déminage (FSD) à Kharkiv en juillet 2024 constitue une nouvelle violation grave du droit international par la Russie, qui ne sera certainement pas la dernière, et souligne l'urgence de cette question. Un mépris aussi flagrant des droits de l'homme et des normes internationales exige une action constante et décisive.

Il est impératif que ces cas soient portés devant l'OIT et que celle-ci tienne la Russie pour responsable de ses violations flagrantes des conventions de l'OIT destinées à protéger les droits les plus fondamentaux des travailleurs et la dignité humaine. Le système de l'OIT, en tant qu'autorité mondiale en matière de normes du travail, a la responsabilité et la fonction de s'attaquer à ces violations et de prendre position contre les actions de la Fédération de Russie.

Expulser le FNPR et cesser toute collaboration

Il est essentiel d'aborder le rôle de la FNPR dans ce conflit. La FNPR, agissant comme une marionnette du gouvernement russe, a soutenu la persécution des syndicats ukrainiens dans les territoires occupés. Compte tenu de cette complicité, la FNPR ne représente pas les intérêts des travailleurs en Russie ou ailleurs.

La Confédération syndicale internationale (CSI) doit donc cesser tout soutien direct ou implicite à la FNPR. La poursuite de la reconnaissance ou de la collaboration avec une telle organisation ne ferait que légitimer ses actions et saper la crédibilité du mouvement syndical mondial. Cela signifie explicitement que la CSI devrait empêcher la FNPR d'obtenir un siège au Conseil d'administration de l'OIT lors des prochaines élections.

Malheureusement, cette année, la CSI a permis (ou du moins n'a pas essayé d'empêcher) l'élection du représentant de la FNPR, Alexei Zharkov, en lui laissant une place vacante. Malgré l'amabilité malavisée de la CSI et le lobbying agressif de la FNPR et de ses alliés de l'ACFTU chinoise, Zharkov a été élu de justesse. Ce résultat est une réprimande cinglante pour la FNPR. Si la CSI s'était opposée à Zharkov, il n'aurait pas été élu.

En outre, le rôle des représentants russes à l'OIT dans la machine de guerre de Poutine devrait faire l'objet d'une enquête et ceux qui sont impliqués dans des crimes de guerre ou qui les soutiennent devraient être sanctionnés et se voir refuser l'octroi de visas. Il est incompréhensible que Mikhail Shmakov, qui agit sans vergogne en tant que complice de Poutine, ne figure encore sur aucune liste de sanctions, à notre connaissance - en particulier contrairement aux représentants de l'association des employeurs russes qui ont été sanctionnés.

Enfin, lors de la prochaine réunion statutaire compétente, la CSI - le mouvement syndical démocratique mondial - doit faire un choix décisif et expulser la FNPR de ses rangs. Le fait que cette organisation belliciste ne soit que suspendue nuit déjà à la crédibilité de la CSI.

Fermeture du bureau de l'OIT à Moscou

Dans la Russie de Poutine, la liberté d'expression et de pensée est étouffée et il n'est plus possible de travailler librement. Cette situation s'étend même au personnel diplomatique, y compris celui de l'OIT, qui est régulièrement harcelé, comme on le murmure souvent à huis clos. Des rapports d'intimidation à l'encontre du personnel non russe ont également fait surface à plusieurs reprises.

Les travailleurs de nombreux pays ne se sentent plus en sécurité lorsqu'ils se rendent à Moscou, et beaucoup, en particulier ceux d'Europe de l'Est et du Caucase - régions qui ont souffert de l'agression russe - ne veulent pas travailler à Moscou. De nombreux syndicats d'Europe de l'Est, du Caucase et d'Asie centrale refusent d'être « gérés » depuis Moscou. Compte tenu de la situation en Géorgie, en Arménie et en Asie centrale, cette position est tout à fait compréhensible.

Il est particulièrement insoutenable que le Belarus, où Lukashenko, allié de Poutine, a interdit tous les syndicats démocratiques et emprisonné plus de 40 syndicalistes, soit officiellement couvert par un bureau de l'OIT basé à Moscou.

Par conséquent, le bureau de l'OIT devrait être déplacé sans plus attendre.

Les syndicats démocratiques doivent s'opposer au poutinisme

Nous exigeons une véritable solidarité syndicale avec nos collègues syndicalistes et travailleurs d'Ukraine, qui sont actuellement confrontés à l'invasion et à la tentative de destruction de leur nation. Nous attendons de tous les mouvements syndicaux démocratiques, y compris et surtout ceux des pays appartenant à l'UE, au G7, au G20 et aux BRICS, qu'ils s'opposent au fascisme criminel de guerre incarné par le poutinisme.

Rien ne peut justifier que les syndicats collaborent avec un tel régime et ses syndicats asservis, en particulier dans des cadres tels que le G20 et d'autres groupes dont la Russie est membre. Si le G20, les BRICS, etc. ne se distancient pas de ces actions et de ces membres, ils risquent de devenir des « clubs » qui protègent, légitiment et, en fin de compte, soutiennent les dictateurs et les criminels de guerre.

Points d'action contre le régime de Poutine

En conclusion, l'ensemble de la communauté syndicale internationale doit s'exprimer clairement et bruyamment face à ces atrocités. Porter ce cas devant l'OIT n'est pas seulement une étape nécessaire pour demander des comptes à la Russie, c'est aussi une mesure essentielle pour protéger l'intégrité des normes internationales du travail. L'OIT et la CSI doivent rester unies dans leur engagement en faveur de la justice, des droits de l'homme et de la protection des travailleurs dans le monde entier.

Par conséquent, tous les mouvements syndicaux démocratiques devraient exiger

Que l'OIT, en utilisant tous les moyens légaux disponibles, prenne immédiatement toutes les mesures nécessaires pour poursuivre, nommer et punir toutes les violations des droits des travailleurs et des syndicats commises par la Russie en Ukraine. La CSI et les organisations syndicales internationales doivent prendre toutes les mesures juridiques et pratiques nécessaires à cette fin lors de la prochaine réunion de l'OIT.

Que la CSI et tous ses organes régionaux se distancient complètement de la FNPR en tant que complice du régime de Poutine - non seulement en Europe mais aussi en Asie, en Australie, en Amérique du Nord, en Amérique centrale et en Amérique du Sud. Nous exigeons une véritable solidarité syndicale contre le régime dictatorial imprudent et agressif de Poutine et ses mandataires au sein de la FNPR. La CSI doit enfin expulser la FNPR de ses membres.

Le déménagement immédiat du bureau de l'OIT de Moscou, car son maintien serait en contradiction avec les valeurs et la mission de l'OIT qui est de promouvoir les droits des travailleurs et la justice, étant donné les violations constantes du droit international par la Fédération de Russie.

En tant que syndicats démocratiques fiers et forts, la CUT brésilienne et le COSATU sud-africain devraient envisager de ne pas donner de légitimité et de crédibilité à la FNPR et à l'ACFTU en s'engageant dans le Forum syndical des BRICS.

Vasco Pedrina

Vasco Pedrina a été coprésident du syndicat Unia et vice-président de l'IBB (Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois) et représentant de l'Union syndicale suisse auprès de l'AELE (Association européenne de libre-échange).

Ce texte a été publié en anglais sur : https://globallabourcolumn.org/2024/09/18/the-global-labour-movement-must-hold-russia-accountable-for-war-crimes-against-ukrainian-workers/
Traduction :deepl.com

Blinken a ignoré les évaluations américaines selon lesquelles Israël a bloqué l’aide à Gaza

Le secrétaire d'État américain Antony Blinken a ignoré les évaluations d'agences et de fonctionnaires du gouvernement américain indiquant qu'Israël avait bloqué l'aide (…)

Le secrétaire d'État américain Antony Blinken a ignoré les évaluations d'agences et de fonctionnaires du gouvernement américain indiquant qu'Israël avait bloqué l'aide américaine à Gaza au début de l'année, selon un nouveau rapport, le plus haut diplomate américain ayant présenté une conclusion différente au Congrès.

Tiré de France Palestine Solidarité. Photo : Rencontre entre le Secrétaire d'État americain Antony Blinken et Benjamin Netanyahu en Israël pour discuter d'un cessez-le-feu à Gaza, le 20 août 2024 © Quds News

Network

Le média d'investigation ProPublica a rapporté mardi que l'Agence américaine pour le développement international (USAID) avait indiqué au département d'État, dans un rapport datant de fin avril, qu'Israël soumettait l'aide humanitaire américaine destinée à Gaza à « des refus, des restrictions et des entraves arbitraires ».

Selon ProPublica, des fonctionnaires du bureau des réfugiés du département d'État ont également constaté en avril que « les faits sur le terrain indiquent que l'aide humanitaire américaine est restreinte ».

Mais en mai, M. Blinken a remis au Congrès un rapport du département d'État contenant une conclusion différente.

« Nous n'évaluons pas actuellement que le gouvernement israélien interdit ou restreint le transport ou la livraison de l'aide humanitaire américaine », a déclaré le département d'État dans son évaluation du 10 mai.

Les mémos divulgués auraient eu des implications majeures sur la politique américaine s'ils avaient été adoptés par Blinken, y compris sur les livraisons d'armes américaines à Israël.

En effet, la loi américaine interdit toute assistance sécuritaire à un pays qui « interdit ou restreint, directement ou indirectement, le transport ou l'acheminement de l'aide humanitaire des États-Unis ».

Les États-Unis fournissent chaque année à Israël une aide militaire d'au moins 3,8 milliards de dollars et, cette année, M. Biden a approuvé une aide supplémentaire de 14 milliards de dollars pour financer les efforts du gouvernement israélien dans la guerre de Gaza.

Ce soutien a fait l'objet d'une condamnation généralisée et d'un examen minutieux à mesure que la guerre de Gaza s'éternise.

Le rapport de mai du département d'État, qui a finalement conclu qu'Israël ne bloquait pas l'aide américaine à Gaza, soulignait en même temps comment les responsables israéliens avaient encouragé les manifestations visant à empêcher l'aide d'atteindre les Palestiniens.

Le document indique également qu'Israël a mis en œuvre « d'importants retards bureaucratiques » dans l'acheminement de l'aide et a lancé des frappes militaires sur « des mouvements humanitaires coordonnés et des sites humanitaires déconflictuels ».

L'armée israélienne a tué plus de 41 000 Palestiniens à Gaza tout en imposant un siège strict sur le territoire qui a conduit la population au bord de la famine.Selon le bureau des médias du gouvernement de Gaza, au moins 34 enfants palestiniens sont morts de malnutrition cette année.

En mars, Bill Burns, directeur de la CIA, a reconnu que les Palestiniens de Gaza mouraient de faim.

« La réalité, c'est qu'il y a des enfants qui meurent de faim », a déclaré M. Burns aux sénateurs américains lors d'une réunion d'information. « Ils souffrent de malnutrition parce que l'aide humanitaire ne peut pas leur parvenir.

Au début de l'année, la Maison Blanche a également reconnu les efforts déployés par Israël pour bloquer l'aide américaine à Gaza.

Le ministre israélien des finances, Bezalel Smotrich, avait déclaré publiquement qu'il bloquait la farine fournie par les États-Unis à Gaza, ce qui avait amené la Maison Blanche à réagir.

« J'aimerais pouvoir vous dire que de la farine a été acheminée, mais je ne peux pas le faire pour l'instant », a déclaré John Kirby, porte-parole de la Maison-Blanche, à la presse le 15 février.

ProPublica a rapporté mardi que l'ambassadeur des États-Unis en Israël, Jack Lew, avait exhorté M. Blinken à accepter les assurances israéliennes selon lesquelles Israël ne bloquait pas l'aide à Gaza.

« Aucune autre nation n'a jamais fourni autant d'aide humanitaire à ses ennemis », a déclaré M. Lew à ses subordonnés, selon le rapport.

La Cour internationale de justice a statué que Gaza était sous occupation israélienne.

En vertu de la quatrième convention de Genève, une puissance occupante a le « devoir d'assurer l'approvisionnement alimentaire et médical de la population » dans le territoire qu'elle occupe.

Le Conseil des relations américano-islamiques (CAIR), une organisation américaine de défense des droits civiques des musulmans, a demandé mardi à M. Blinken de démissionner.

« Lorsqu'un haut fonctionnaire américain ment au Congrès en plein génocide pour que le gouvernement puisse continuer à financer ce génocide, il bafoue délibérément la loi et prolonge les souffrances de millions d'innocents qui ont désespérément besoin que notre gouvernement cesse de financer leur massacre », a déclaré Nihad Awad, directeur exécutif national du CAIR, dans un communiqué.

Traduction : AFPS

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Le racisme de Trump sème le chaos dans une petite ville de l’Ohio

1er octobre 2024, par Dan La Botz — , ,
Nous savons que le racisme est au cœur de la politique de Donald Trump, mais une histoire absurde récente montre à quel point il est dangereux. Et elle révèle à quel point (…)

Nous savons que le racisme est au cœur de la politique de Donald Trump, mais une histoire absurde récente montre à quel point il est dangereux. Et elle révèle à quel point notre société est profondément malade pour qu'il ait encore le soutien de la moitié de l'électorat.

Hebdo L'Anticapitaliste - 722 (26/09/2024)

Par Dan La Botz

Crédit Photo
wikimedia commons

Lors du débat présidentiel entre Kamala Harris et Donald Trump, ce dernier a affirmé que le pays était envahi par des millions d'immigréEs clandestins, libérés de prisons et d'hôpitaux psychiatriques de pays du monde entier, qui ont provoqué une vague de criminalité dans les villes américaines. Et, a t-il dit, dans la ville de Springfield dans l'Ohio, « ils mangent les chiens, les gens qui sont venus, ils mangent les chats, ils mangent les animaux de compagnie des gens qui vivent là ».

Les HaïtienNEs viséEs

L'histoire a commencé par une publication sur Facebook d'Erika Lee, une habitante de Springfield, qui affirmait qu'un voisin avait vu le chat du petit ami de sa fille, qui avait disparu, enlevé et mangé par des HaïtienNEs. « On m'a dit qu'ils faisaient cela aux chiens, ils l'ont fait à Snyder Park avec les canards et les oies ». Il n'y avait rien de vrai dans tout cela, mais le message Facebook a été repris sur des sites de médias sociaux d'extrême droite, puis par le sénateur J.D. Vance, colistier de Trump, qui a repris le récit. Une fois que Trump en a fait état lors du débat, l'histoire est devenue une nouvelle nationale.

Le maire et le directeur de la ville de Springfield ont contesté les fausses affirmations selon lesquelles les immigréEs mangeaient les animaux domestiques, mais M. Trump et M. Vance ont continué à répéter l'histoire lors de leurs rassemblements. L'histoire bien sûr suggère que le peuple haïtien est un peuple sauvage.

Donald Trump Jr., qui parle souvent au nom de son père, a ajouté ceci. « Vous regardez Haïti, vous regardez la composition démographique, vous regardez le QI moyen – si vous importez le tiers-monde dans votre pays, vous allez devenir le tiers-monde », a-t-il déclaré sur une chaîne de télévision conservatrice. « C'est tout simplement élémentaire. Ce n'est pas raciste. C'est juste un fait. »

Trump dénoncé par le gouverneur républicain de l'Ohio

Le langage raciste de Trump a rapidement créé le chaos à Springfield, car des provocateurs ont commencé à lancer des alertes à la bombe qui ont finalement conduit les autorités à fermer les écoles localement, les hôpitaux et la mairie, ainsi que l'université Wittenberg et le Clark State College. Les autorités de Springfield ont également annulé une fête de la culture prévue avec de l'art et de la musique « à la lumière des récentes menaces et des préoccupations en matière de sécurité ». Les HaïtienNEs de Springfield ont peur et sont inquiets.

Mike DeWine, le gouverneur républicain de l'Ohio, qui est né et a grandi à Springfield, a également désavoué les fausses affirmations sur les immigrantEs haïtienNEs et a écrit dans un article d'opinion du New York Times : « En tant que partisan de l'ancien président Donald Trump et du sénateur JD Vance, je suis attristé par la façon dont eux et d'autres continuent de répéter des affirmations qui manquent de preuves et dénigrent les migrants légaux qui vivent à Springfield. Cette rhétorique nuit à la ville et à ses habitants, ainsi qu'à ceux qui y ont passé leur vie. »

Springfield est une ville de 60 000 habitants qui a accueilli ces dernières années entre 12 000 et 15 000 immigrantEs haïtienNEs. Ces immigrantEs ne sont pas des « illégaux », comme l'ont prétendu Trump et Vance, mais bénéficient d'un « statut de protection temporaire », qui leur permet de vivre et de travailler aux États-Unis parce qu'il n'est pas sûr pour eux de retourner dans leur pays d'origine. Comme l'a écrit M. DeWine, « ils sont là légalement. Ils sont là pour travailler ».

Dans ses meetings, Trump s'insurge contre ce qu'il appelle une invasion d'immigrantEs qui sont, selon lui, des « animaux », de la « vermine » et qui « empoisonnent le sang de notre pays ». Trump promet qu'en tant que président, il lancera un effort national pour rassembler des millions d'immigréEs clandestins et les expulser. Il dit maintenant qu'il commencera à Springfield. Raison de plus pour empêcher ce dangereux raciste de devenir président.

Dan La Botz, traduction par la rédaction


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Elections 2024 (Etats-Unis) : Un argument marxiste en faveur du vote pour Kamala Harris

1er octobre 2024, par Cliff Conner — , ,
Les personnes qui me connaissent seront probablement choquées et sidérées de lire ma signature accolée à un tel titre. Nom de dieu, je suis choqué. Il s'agit d'un revirement à (…)

Les personnes qui me connaissent seront probablement choquées et sidérées de lire ma signature accolée à un tel titre. Nom de dieu, je suis choqué. Il s'agit d'un revirement à 180 degrés d'une opinion – non d'un principe – que j'ai fermement défendue pendant la plus grande partie de ma vie. Cinquante-trois ans, pour être exact – de 1967 à 2020.

Tiré de Europe Solidaire Sans Frontières
5 septembre 2024

Par Cliff Conner

En réalité, ce titre sous-estime ma position. Non seulement je pense que les socialistes et les travailleurs, y compris les lecteurs de cette publication [New Politics], devraient voter pour Kamala Harris, mais je les appelle à faire campagne pour elle. Sonnez aux portes. Passez des coups de fil. Distribuez des tracts. Donnez le pognon que vous avez durement gagné si vous en avez les moyens. Faites tout ce qu'il faut pour assurer son élection.

OK. Après avoir énoncé la proposition d'une manière aussi directe que possible, pour ne pas dire provocante, je vais maintenant tenter de la justifier.

Un principe fondamental de l'organisation socialiste à laquelle j'ai adhéré en 1967 stipulait qu'aucun socialiste ne devait jamais voter pour les partis démocrate et républicain ni leur apporter un quelconque soutien politique. Ces partis étaient et sont toujours les partis jumeaux du capitalisme, de l'impérialisme, de la guerre, du racisme, du sexisme, de l'homophobie et de la destruction de l'environnement. Voter pour un démocrate ou un républicain, c'était franchir la ligne de classe, c'était devenir l'équivalent d'un jaune franchissant le piquet de grève syndical.

J'avais adopté ce principe à cause de la guerre du Vietnam. Je m'opposais à la guerre depuis 1964, l'année où j'ai eu l'âge légal de voter. Ayant suivi la campagne présidentielle de Lyndon B. Johnson et celle de Barry Goldwater, j'étais convaincu que Johnson mettrait fin à la guerre – parce qu'il avait dit qu'il le ferait – et que Goldwater pourrait mettre fin au monde – parce qu'il menaçait d'utiliser la bombe atomique au Vietnam s'il était élu. Lorsque Johnson a été élu haut la main, j'ai été très soulagé. Puis vint la grande trahison.

Johnson a presque immédiatement fait le contraire de ce qu'il avait promis pendant sa campagne. En l'espace de deux ans, non seulement il n'a pas mis fin à la guerre, mais il l'a transformée en une guerre aux proportions monstrueuses, envoyant des centaines de milliers de soldats américains au combat et bombardant l'Asie du Sud-Est plus intensément que les puissances de l'Axe ne l'avaient été pendant la Seconde Guerre mondiale. Cette guerre a coûté la vie à des millions de combattants de la liberté et de civils. Bien que nous n'en ayons pas eu la preuve définitive avant la divulgation des « Pentagon Papers » en 1971, il était avéré que Johnson avait planifié cette escalade alors qu'il faisait campagne comme « candidat de la paix !

Pour faire court, je suis alors devenu un chantre du slogan « Hey, Hey, LBJ : combien d'enfants as-tu tués aujourd'hui ? ». J'ai rejoint le mouvement antiguerre et j'ai commencé à participer à son organisation. J'ai rejoint le mouvement socialiste, je suis devenu marxiste et j'ai juré de ne plus jamais me faire avoir par un démocrate. Au cours des cinquante années qui ont suivi, à chaque élection, j'ai soutenu que démocrates et républicains étaient pour l'essentiel les mêmes. Pas identiques, bien sûr, car s'ils ne faisaient pas semblant d'être différents, ils ne pourraient pas embobiner l'électorat. Mais les conséquences politiques seraient les mêmes, quel que soit le parti qui remporterait les élections : la classe capitaliste continuerait à gouverner, la classe ouvrière continuerait à être exploitée et, comme le chantait Bob Marley, « le rêve d'une paix durable ne restera qu'une illusion éphémère [1] ».

J'écris ces lignes en réponse à un défi affectueux lancé par l'une de mes filles, qui m'a rappelé que je lui avais appris à éviter comme la peste les deux partis jumeaux du capitalisme. Pourquoi, m'a-t-elle demandé, ai-je changé ?

La réponse courte est que je n'ai pas changé. C'est la situation politique américaine qui a changé si radicalement que je me suis senti obligé de revoir mon approche. Mais ne lui avais-je pas dit que voter pour un démocrate serait une violation de principe ?

Oui, je l'ai dit et je le pense toujours. Cependant, j'ai appris que les principes ne sont pas des absolus comme je le croyais autrefois. Parfois, on se retrouve coincé entre deux principes qui s'opposent et qui nous obligent à choisir celui qui est le plus important. C'est le cas ici. Le principe d'assumer la responsabilité d'agir pour éviter une catastrophe historique pour la classe ouvrière l'emporte [2] sur le principe de ne pas voter pour un démocrate.

La politique du « moindre mal » ?

Les personnes décentes et bien intentionnées que je connais et qui ne sont pas socialistes affirment que, malgré tout ce qui ne va manifestement pas dans la société américaine, les démocrates libéraux ne sont pas aussi mauvais que les républicains de droite. Les démocrates sont le « moindre mal » et c'est donc une bonne chose qu'ils gagnent les élections.

Les socialistes ont entendu cet argument ad nauseum et nous nous y sommes opposés à juste titre pendant longtemps. Je m'y suis opposé, comme je l'ai dit, jusqu'en 2020. Et puis les circonstances ont changé. Un mal beaucoup, beaucoup plus grand est soudain entré dans la danse.

La différence entre les deux maux n'était plus simplement une question de plus ou de moins ; elle était désormais qualitative. Et cette différence, j'en suis convaincu, si Donald Trump remporte un second mandat, pourrait bien se traduire par l'oppression et la mort d'une ampleur dépassant ce qui s'est passé en Europe au milieu du 20e siècle. Elle pourrait plonger non seulement les États-Unis, mais aussi une grande partie du monde, dans l'obscurité et l'horreur politiques pendant une génération ou plus. Essayer d'ignorer cela, c'est comme allumer une cigarette dans la soute à munitions. J'estime qu'il est de mon devoir, au nom des principes, de m'y opposer activement, non pas avec de la pensée magique, des fanfaronnades ou des théorisations vides de sens, mais d'une manière matériellement significative. Allez voter ! Pour Kamala Harris !

C'est la situation électorale d'aujourd'hui : on n'a pas le luxe de voter pour qui on voudrait. Les ennemis du prolétariat nous contraignent à un choix purement binaire. Il faut choisir entre Harris et Trump. On peut, bien entendu, s'abstenir, mais pour les électeurs de la classe ouvrière, ce serait une demie voix pour Trump.

Voter pour le candidat d'un tiers parti [3], c'est s'abstenir virtuellement. Tu n'es pas d'accord ? Tu penses que l'un tiers parti pourrait vraiment l'emporter ? Je serais tout à fait à l'aise et confiant en pariant littéralement ma vie que ce ne sera pas le cas. C'est aussi impossible que pour moi de gagner le cent mètres aux Jeux olympiques. Si tu perçois au plus profond de toi le danger existentiel que représente Trump, tu commenceras immédiatement à faire campagne pour Harris.

Cette position, m'a-t-on rétorqué, signifie que je soutiens Kamala Harris, que je soutiens le Parti démocrate ou encore que je soutiens le génocide à Gaza. Aucune de ces affirmations n'est vraie, quel que soit le nombre de fois où l'on m'a demandé si c'est bien ce que je « voulais dire ». Je ne soutiens pas Kamala Harris. Je ne soutiens pas le Parti démocrate. Je déteste leur politique de soutien moral et matériel inconditionnel à Israël, qui commet un génocide contre le peuple palestinien. Je suis partisan de nous débarrasser du Parti démocrate, du Parti républicain et de l'ensemble du système électoral bipartite.

Je soutiens l'idée d'un parti du travail et d'une Amérique socialiste. Non pas l'Amérique du business-as-usual et qui est dirigée par des politiciens qui se disent socialistes, mais une Amérique où l'ensemble du système de production est nationalisé et sous le contrôle des travailleurs. Malheureusement, il n'y a pas de véritable parti du travail à soutenir dans cette élection, et une Amérique socialiste est un objectif, pas une option pour aujourd'hui que l'on puisse obtenir en la souhaitant.

Je rejette la politique impuissante qui consiste à « réclamer » ce qui ne se produira pas à temps pour faire la différence, y compris un parti du travail et une résistance de masse organisée des travailleurs contre l'oppression trumpiste. Je me souviens de Jerry Gordon citant Shakespeare aux ultragauchistes qui « appelaient » à une grève générale contre la guerre au Vietnam :

« Je peux appeler les esprits des vastes profondeurs. »
« Pourquoi, ne le pourrais-je pas moi aussi, et n'importe qui d'autre ! Mais viendront-ils ? »

Mark Twain a eu ces mots restés célèbres : « La foi, c'est croire ce que l'on sait ne pas être. » La politique qui consiste à « réclamer » ce qui n'adviendra pas de sitôt sont des cousins germains des actes de foi.

Bref, mon appel à voter et à faire campagne pour la candidate du Parti démocrate en 2024 est uniquement basé sur le fait qu'elle n'est pas Trump et qu'elle ne représente pas la menace de gouverner comme un autocrate n'ayant aucun compte à rendre.

Quelle est la réalité et l'ampleur du danger que représente une réélection de Trump ?

De nombreux lecteurs de New Politics sont aussi familiers que moi des horreurs de l'époque nazie en Allemagne. En outre, la représentation du 3e Reich dans la culture populaire (livres, films et télévision) devrait permettre à des millions d'Américains de comprendre au moins ce que l'on entend par « le 3e Reich était un régime d'une cruauté presque inimaginable ». Le meurtre de millions de victimes innocentes a fourni un nouveau point de référence de la limite extrême de « l'inhumanité de l'homme envers l'homme (4) ».

« Je n'ai pas de boule de cristal », comme on dit, mais je crois qu'il est tout à fait possible qu'une deuxième administration Trump « sans garde-fou » atteigne et dépasse la cruauté nazie. Je m'attendrais à ce qu'elle commence par descendre des centaines de manifestants antigénocide ou de Black Lives Matter dans les rues. La population de Guantánamo pourrait augmenter rapidement, y compris avec manifestants américains et « immigrés ». Trump a explicitement fait savoir qu'il aimerait voir des camps de concentration « partout dans notre nation » pour lutter contre la criminalité urbaine et les sans-abris ; et bien sûr, la « criminalité urbaine » est étroitement associée dans son cerveau reptilien aux « immigrés » et aux personnes de couleur. C'est ainsi qu'il présente les choses :

« Il se peut que certains n'aimeront pas entendre cela, mais la seule façon d'évacuer les centaines de milliers de personnes, et peut-être même les millions de personnes dans toute notre nation […], c'est d'ouvrir de grandes parcelles de terrain bon marché à la périphérie des villes […], de construire des salles de bain permanentes et d'autres installations, bonnes, solides, mais rapidement construites, et de fabriquer des milliers et des milliers de tentes de bonne qualité, ce qui peut être fait en un jour. Un seul jour. Il faut déplacer les gens (5). »

Trump a explicitement promis que s'il obtenait le contrôle légal de l'exécutif, au « premier jour » de sa prise de fonction, il sera un dictateur qui ne rendra de comptes à personne d'autre qu'à lui-même.

Si tu as besoin d'une preuve supplémentaire de ses intentions, va sur You-Tube et regarde le fameux débat avec Joe Biden du 27 juin 2024. Le monde entier s'est focalisé sur la triste prestation de Biden. […] Cependant, ce qui était le plus affreux ce n'était pas la façon dont Biden s'est exprimé, mais ce que Trump a dit. Quelles que soient les questions que les journalistes lui posaient, il reprenait sans cesse sa diatribe contre les immigrés « violeurs et assassins ». C'était de la démagogie nazie classique, les « immigrés » remplaçant les « juifs » comme boucs émissaires de tous les maux de la société.

Je crois Trump lorsqu'il dit qu'il veut des camps de concentration à profusion, et tu devrais toi aussi le croire, car ses récentes attaques contre les « socialistes », les « communistes » et les « marxistes » nous visent directement, toi et moi. Lorsqu'il qualifie ses opposants politiques, y compris les démocrates, de « vermine » et qu'il accuse les immigrants d'« empoisonner le sang » des États-Unis, il démontre clairement ses intentions fascistes.

Si Trump est élu, son second mandat sera presque certainement « sans garde-fou ». Il a déjà la Cour suprême dans sa poche et, avec son soutien, il pourrait rapidement placer le ministère de la justice entièrement sous son commandement. Quiconque pense que « l'armée américaine par principe apolitique » va s'interposer et l'arrêter, se trompe malheureusement. Tout cela est-il vraiment « sans différence » avec ce que l'on peut attendre d'une administration Kamala Harris ?

Le marxisme et la révolution bourgeoise

Permettez-moi d'expliquer la différence en termes marxistes. Les démocrates disent que Trump représente une menace pour la « démocratie ». Le problème, c'est que la démocratie américaine n'est pas « la cité brillante sur une colline » qu'elle a toujours promise. Elle n'a certainement pas tenu ses promesses à l'égard des populations indigènes d'Amérique du Nord, des Afro-Américains – que ce soit pendant ou après la période de l'esclavage – ou encore des réfugiés et des immigrants qui n'ont vu qu'hypocrisie dans les mots d'accueil : « Donnez-moi vos fatigués, vos pauvres, vos masses recroquevillées qui aspirent à respirer librement. » La promesse d'une « justice égale pour tous » a été profondément corrompue par la capacité des criminels fortunés à « jouer » avec le système juridique en achetant les services d'avocats très coûteux (sans parler de l'encombrement de tous les tribunaux par des juges de droite […]).

Il n'en reste pas moins vrai que la société américaine bénéficie depuis ses origines de ce que les marxistes appellent la « démocratie bourgeoise ». C'est-à-dire la démocratie capitaliste. On l'appelle parfois « démocratie politique » pour la distinguer de la « démocratie économique » ou de la « démocratie socialiste ».

L'essence de la démocratie bourgeoise est la fidélité à l'État de droit et l'égalité devant la loi, ce qui exclut le règne d'autocrates qui n'ont pas de comptes à rendre. Quiconque pense que Marx, Lénine ou Trotsky ont crotté sur la démocratie bourgeoise en la qualifiant de « pas différente de la monarchie » se trompe tragiquement. Ils ont compris que la démocratie bourgeoise était l'aboutissement monumental de l'une des révolutions sociales les plus importantes au monde : La Révolution française de 1789-1793.

Les droits démocratiques bourgeois sont le fondement nécessaire de tous les droits humains. Ils ont été codifiés pour la première fois dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de la Révolution française et dans le Bill of Rights de la Constitution américaine. La consolidation et l'extension des acquis démocratiques des révolutions bourgeoises sont des conditions préalables à la démocratie socialiste. La démocratie bourgeoise et les droits démocratiques bourgeois aux États-Unis sont souvent considérés comme étant acquis, mais les marxistes, entre tous, devraient être parfaitement conscients de ce que signifierait leur perte. Cela rendrait les luttes dans lesquelles nous sommes actuellement engagés beaucoup, beaucoup plus difficiles et, par conséquent, encore plus difficiles à gagner. Si nous perdions la démocratie bourgeoise, les mouvements contre le génocide, pour le droit à l'avortement, pour les droits syndicaux, pour la justice pour Cuba, pour la justice climatique, seraient écrasés, réprimés et poussés dans la clandestinité – pour au moins une génération et peut-être beaucoup plus longtemps. Aucun principe politique ne peut primer sur la nécessité de résister activement à cette éventualité. Oui, la « résistance » implique bien plus que la simple tenue d'un vote alternatif à un démagogue, mais à l'heure actuelle, c'est la seule voie qui s'offre à nous. Les Palestiniens et leurs alliés poursuivront certainement la lutte contre le génocide à Gaza par tous les moyens nécessaires, et contre les politiques de Biden et Harris qui fournissent les armes qui tuent à Gaza. Peut-on concilier cela avec le fait de voter pour Harris contre Trump ? C'est possible et cela doit l'être, pour toutes les raisons que j'ai exposées ici.

En tant que marxiste, j'adhère également au matérialisme philosophique par opposition à l'idéalisme. J'ai donc compris depuis longtemps que le socialisme ne peut pas être atteint par des arguments logiques influençant les idées des gens, mais par des événements matériels qui poussent les travailleurs à résister par millions au système capitaliste qui s'effondre et à créer une alternative socialiste pour le remplacer. Pour la même raison, je ne m'attends pas à ce que mes arguments changent l'état d'esprit de ceux dont l'adhésion au principe de ne pas voter pour les démocrates est profonde et de longue date. Mais garder mon opinion pour moi reviendrait à violer le plus grand de mes principes : faire tout ce qui est en mon pouvoir limité pour empêcher la destruction désastreuse de la démocratie bourgeoise.

Ceux qui considèrent que ne pas voter pour un démocrate est un principe absolu disent que cela pourrait politiquement induire la classe ouvrière en erreur en lui faisant croire qu'un parti capitaliste peut résoudre ses problèmes. C'est vrai, mais c'est une erreur de l'idéalisme philosophique que de considérer les idées, erronées ou non, comme le facteur principal de la lutte des classes. Ce n'est pas le cas. Les conditions matérielles qu'un régime protofasciste à la Trump imposerait dépassent de loin la confusion politique à quelque échelle que ce soit. […]

Pour illustrer ce contre quoi je m'élève ici, je citerai une opinion parue le 28 août 2024 dans Socialist Organizer, le périodique d'une organisation que je respecte et admire :

« Les candidats [du Parti démocrate] n'obtiendront pas un vote garanti de la part de tout le monde simplement parce que nous ne voulons pas de Trump. Il est évident que nous ne le voulons pas. Personne ne veut quatre années supplémentaires de cette absurdité, mais il est dommage que nous n'ayons que deux options. Pour moi, Kamala n'est que Biden 2.0. Nous avons besoin d'un parti du travail. Il nous faut d'autres partis qui peuvent avoir des candidats que les gens voudront soutenir et pour lesquels ils voudront voter. ».

Cette opinion donna lieu au commentaire suivant de la rédaction : « Nous sommes d'accord ! »

Je suis catégoriquement en désaccord, camarades. La menace de Trump n'est pas simplement « quatre années supplémentaires de cette absurdité ». Il n'est pas simplement « dommage » que nos seules options électorales se limitent à Harris et Trump. Kamala n'est pas « juste Biden 2.0 ». Elle est la candidate démocratique bourgeoise qui se présente contre l'antithèse de la démocratie bourgeoise. La différence est une question de vie ou de mort à l'échelle mondiale.

Cliff Conner

1 « Guerre ». Marley citait en fait un discours d'Hailé Sélassié.

2 NdT. Ici l'auteur fait un jeu de mots intraduisible en utilisant le verbe « to trump » qui signifie éclipser » .

3 NdT. C'est ainsi qu'on désigne les candidats à la présidentielle ni démocrate ni républicain. Pour le scrutin de novembre, ils sont XXX

4 Que l'on me pardonne l'emploi du mot “homme” pour évoquer « l'inhumanité du genre humain », mais c'est ainsi que cette expression nous est parvenue.

5 Discours du 26 juillet 2022.

P.-S.

• Entre les lignes entre les mots. 24 septembre 2024 :

Source : Publié par Against The Current :
https://againstthecurrent.org/a-marxist-case-for-voting-for-kamala-harris/

Les diverses prises de position publiées sur la site d'Against The Current sont disponibles en anglais sur ESSF.

• Clifford D. Conner's latest book is The Tragedy of American Science. He previously authored A People's History of Science : Miners, Midwives, and Low Mechanicks and Jean Paul Marat : Tribune of the French Revolution.

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Comment la guerre à Gaza a fracturé la société américaine

Manifestations sur les campus, divisions au sein du Parti démocrate, conflit générationnel… L'offensive israélienne et le soutien constant apporté par Joe Biden à Benyamin (…)

Manifestations sur les campus, divisions au sein du Parti démocrate, conflit générationnel… L'offensive israélienne et le soutien constant apporté par Joe Biden à Benyamin Nétanyahou ont creusé un fossé parmi les Américains. De quoi entamer la “relation spéciale” entre Israël et les États-Unis, analyse “The Guardian”. Un an après les attaques du 7 octobre, “Courrier International” revient toute cette semaine sur le conflit qui a déstabilisé le Moyen-Orient.

Tiré de Courrier international. Article publié dans The Guardian à l'origine. Dessin de Cristina Sampaio, Portugal.

[Cet article est à retrouver dans notre hors-série “Israël-Palestine, une fracture mondiale”, en vente à partir du 25 septembre chez votre marchand de journaux et sur notre site.]

Rarement un chef d'État a été reçu avec un accueil aussi glacial que le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, lorsqu'il est arrivé à Washington pour s'exprimer devant le Congrès, à la fin de juillet. Aucune personnalité politique américaine n'est venue l'accueillir sur le tarmac, et des milliers de personnes ont manifesté contre sa venue : 200 membres de l'organisation Jewish Voice for Peace ont même été arrêtés devant le Capitole.

Plus révélateur encore, la moitié des élus démocrates du Congrès ont décidé de boycotter son discours. “Il y a une dizaine d'années, cela aurait été impensable”, commente Peter Frey, président de J Street, un groupe de pression juif de Washington qui soutient le droit d'Israël à se défendre, mais aussi la création d'un État palestinien. L'une des parlementaires présentes, la députée Rashida Tlaib, portait un keffieh et brandissait une pancarte qualifiant Nétanyahou de “criminel de guerre, coupable de génocide”.

Pendant ce temps, un certain nombre de syndicats, dont celui des enseignants, des employés de services et des ouvriers de l'automobile, ont adressé une lettre à Joe Biden pour lui demander de mettre fin au soutien des États-Unis à l'offensive israélienne à Gaza.

Coup de semonce

Selon les sondages, 70 % des démocrates et 35 % des républicains souhaitent poser des conditions à l'aide militaire apportée à Israël. Sur ce sujet, le fossé n'a cessé de se creuser entre les électeurs et le gouvernement Biden. Première conséquence : la confiance déjà chancelante des citoyens à l'égard du gouvernement continue de s'éroder. “C'est la démocratie qui est en jeu, analyse Peter Frey. Et cette bataille se joue devant nos yeux. Ce n'est pas sain. Et ce n'est pas une bonne chose pour Israël.” Et dans la mesure où les Américains s'intéressent à la politique étrangère, ajoute-t-il, “je pense qu'à long terme cela risque de saper leur confiance dans les institutions politiques”.

Bien avant sa performance catastrophique lors du débat télévisé face à Donald Trump, Joe Biden avait subi un premier revers avec la campagne menée par les militants du mouvement uncommitted [qui préconisait de voter “non engagé”, soit l'équivalent d'un vote blanc, aux primaires démocrates pour critiquer son soutien inconditionnel à Nétanyahou]. En persuadant plus de 100 000 démocrates de voter uncommitted lors de la primaire du Michigan, plutôt que de soutenir l'homme qui, selon eux, encourageait un génocide, ils ont envoyé au Parti démocrate un message fort : l'un des États clés les plus stratégiques pour l'élection de 2024 risquait de basculer. Pour finir, plus de 700 000 électeurs dans 23 États ont choisi de voter “non engagé” lors des primaires démocrates.

Ce vote de protestation a montré que la position traditionnelle de soutien à Israël était en train de s'éroder, du moins chez les progressistes, devenant une victime collatérale supplémentaire d'un conflit brutal, apparemment sans issue et qui menace toujours de prendre une ampleur régionale. Outre la mort de plus de 40 000 Palestiniens (et probablement beaucoup plus), le déplacement de millions de personnes et la destruction de plus de la moitié du bâti dans la bande de Gaza, cette guerre semble avoir porté un coup dur, peut-être fatal, à la “relation spéciale” d'Israël avec son plus proche allié.

Un fossé générationnel

Entre-temps, l'entêtement avec lequel Joe Biden soutient l'offensive menée par Benyamin Nétanyahou, même si celle-ci n'a pas réussi à détruire le Hamas ni à faire libérer tous les otages, ne menace pas seulement l'unité au sein des démocrates mais creuse un fossé générationnel.

Les jeunes Américains sont désormais presque deux fois plus nombreux que leurs parents à soutenir la cause palestinienne, ce qui provoque des tensions, en particulier au sein des familles juives. Des tensions que l'on a retrouvées sur les campus universitaires, amenant de vénérables institutions – dont la mission est avant tout de développer le libre arbitre et l'esprit critique – à répondre par la violence policière aux manifestations majoritairement pacifiques de leurs étudiants. Plus inquiétant encore, ce positionnement pro-israélien fait douter de nombreux Américains de l'engagement de leur nation en faveur de la liberté d'expression, des droits de l'homme et de l'État de droit – et les pousse à se demander, en somme, où sont passées les valeurs de l'Amérique.

Les Américains les plus déstabilisés par cette dynamique sont les étudiants juifs de gauche, dont la plupart restent attachés à Israël même s'ils sont très critiques de sa politique actuelle. Aujourd'hui, nombre d'entre eux se retrouvent de plus en plus isolés de leurs alliés politiques d'autrefois. S'ils sont gênés par les discours virulents entendus lors de certaines manifestations – auxquelles ils participent cependant –, ils ne se retrouvent pas dans le positionnement des groupes pro-Israël, de certains hommes et femmes politiques et des présidents d'universités qui cherchent à présenter toutes les manifestations antiguerre comme antisémites.

“Je suis de gauche, déclare Lauren Haines, étudiante en dernière année à l'université du Michigan et ancienne présidente de la branche universitaire de J Street sur son campus. Je m'informe sur Gaza tous les jours et je mets un point d'honneur à ne pas regarder ailleurs et je dois dire que j'ai du mal à dormir sachant que mes impôts servent à ça. Mais je ne comprends pas certaines tactiques de la gauche, tout ce discours ‘soit vous êtes avec nous, soit vous êtes contre nous' manque singulièrement de nuances. Je soutiens le peuple palestinien, et je suis convaincue que l'on peut faire avancer sa cause sans devoir pour autant propager des discours clivants et dangereux, comme dire que tous les sionistes sont des monstres ou encore attaquer des institutions juives parce qu'elles sont liées à Israël.”

Des campus sous haute tension

Cela dit, Lauren Haines condamne fermement l'usage de la force pour réprimer les manifestations propalestiniennes. “Les violences policières sur les campus sont scandaleuses, observe-t-elle, même si je ne suis pas toujours d'accord avec les propos des manifestants.”

Le romancier [canado-égyptien] Omar El-Akkad a lui aussi été choqué par la répression violente des étudiants. “Pour moi, c'était une mobilisation qui rassemblait des gens issus d'horizons très différents, une situation inédite dans le contexte américain, note-t-il. Et la réaction des présidents d'université et de quelques politiques va, selon moi, à l'encontre de tous les principes fondateurs des États-Unis, qui font de ce pays une exception.”

Si les conservateurs restent apparemment de marbre face à ce qui se passe à Gaza (Trump a même conseillé à Israël de “finir le boulot”), de nombreux Américains demeurent profondément attachés à une vision de l'Amérique comme phare du monde libre. Ce qui gêne le plus la jeune génération, ce n'est pas seulement le soutien militaire américain à l'offensive israélienne à Gaza, mais ce qu'il dit du rôle du pays en tant que garant de la paix dans le monde, analyse Michael Barnett, professeur de relations internationales et de sciences politiques à l'université George-Washington. “L'idée que notre politique étrangère est immorale – et donc contraire aux valeurs américaines, contraire à l'éthique – fait son chemin”, analyse-t-il. Dénoncer l'invasion de l'Ukraine par la Russie tout en donnant un blanc-seing à Israël pour rayer la Palestine de la carte ne passe pas, “c'est de la pure hypocrisie, poursuit Barnett. Et les jeunes ne l'acceptent pas.”

Que va faire Kamala Harris ?

Kamala Harris va-t-elle changer la donne ? Rien n'est moins sûr. Certains observateurs ont été rassurés par la teneur, très critique, de la rencontre entre la vice-présidente américaine et Benyamin Nétanyahou et sa décision de choisir Tim Walz comme colistier plutôt que Josh Shapiro [le gouverneur de Pennsylvanie, de confession juive] dont le positionnement pro-Israël et les propos sur les manifestants antiguerre ont indigné l'aile gauche du Parti démocrate.

Mais on ignore s'il faut s'attendre à du changement en matière de politique étrangère [si Kamala Harris venait à être élue à la présidentielle du 5 novembre]. La rumeur d'une rencontre avec des délégués du mouvement uncommitted pour mettre en place un embargo sur les livraisons d'armes à Israël a vite été démentie par son conseiller à la sécurité nationale, Phil Gordon. La vice-présidente “va toujours faire en sorte qu'Israël ait les moyens de se défendre contre l'Iran et tous les groupes terroristes soutenus par l'Iran. Elle n'est pas favorable à un embargo sur les armes livrées à Israël. Elle va continuer à travailler pour protéger les civils à Gaza et faire respecter le droit humanitaire international.”

Alors qu'Israël poursuit son offensive, détruit méthodiquement Gaza et tue, sans faire de distinction, des civils et des combattants du Hamas avec des armes qui lui ont été fournies par les États-Unis, ce genre de déclarations équivoques sonnent creux pour de nombreux Américains.

La question de la complicité des États-Unis, dans ce que certains spécialistes qualifient de génocide, ne pourra être éludée longtemps. Le positionnement de Kamala Harris aura des répercussions considérables, non seulement sur sa potentielle élection à la Maison-Blanche, mais sur la paix au Moyen-Orient, sur le sort des civils qui cherchent à échapper aux bombardements, ainsi que sur le prestige des États-Unis à l'international et leur réputation de “force du bien” dans le monde.

Aaron Gell

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15 Règles-Média couvrant Israël

1er octobre 2024, par Artistes pour la paix, Pierre Jasmin — ,
Aujourd'hui, Israël a massacré un demi-millier de personnes au Liban avec Tsahal lançant plus de mille attaques aériennes. Les États-Unis, encore une fois, envoient des troupes (…)

Aujourd'hui, Israël a massacré un demi-millier de personnes au Liban avec Tsahal lançant plus de mille attaques aériennes. Les États-Unis, encore une fois, envoient des troupes additionnelles au Moyen-Orient, sous les ordres d'un cerveau présidentiel qui a complètement arrêté de fonctionner. Israël lance un nouveau projet de violence militaire massive afin que Nétanyahou évite la prison en son pays révolté et ailleurs sous l'ordre de la Cour Pénale internationale de La Haye.

Merci à Caitlin Johnstone pour l'inspiration
24 septembre
Artistes pour la Paix P.J.

Rafraîchissons la mémoire des média des 15 règles appliquées :

Règle 1 : l'histoire israélienne a commencé le 7 octobre 2023 (personne ne se souvient de ce qui est arrivé avant).

Règle 2 : tous les meurtres causés par Israël sont justifiés par la règle 1, vérité à retenir, même si Nétanyahou commet des horreurs considérées injustifiables quand elles sont perpétrées par Poutine ou par les Ayatollahs iraniens.

Règle 3 : Israël a le droit de se défendre, mais personne d'autre.

Règle 4 : Israël ne bombarde jamais des civils, que des terroristes. Si de nombreux civils meurent, c'est qu'ils étaient des terroristes, ou que des terroristes les ont tués ou qu'ils habitaient trop près des terroristes. Sinon, il y a eu une raison mystérieuse qu'il faut laisser du temps à Tsahal d'enquêter.

Règle 5 : si vous critiquez quoi que ce soit fait par Israël, c'est par haine des Juifs. Il n'y a aucune autre raison pour laquelle vous vous opposez à ce qu'on laisse tomber des bombes explosives sur des refuges peuplés d'enfants et de secouristes humanitaires.

Règle 6 : aucune action d'Israël ne dépasse en haine les critiques évoquées en règle 5. Les critiques des actions de Tsahal sont bien pires que les actions elles-mêmes, puisqu'ils haïssent les Juifs et veulent commettre un nouvel Holocauste que 100% de notre énergie politique doit s'employer à prévenir.

Règle 7 : Israël n'est jamais le bourreau, il ne peut être que victime. Si Israël a attaqué le Liban, c'est que le Hezbollah a lancé des roquettes sur un pays occupé à son petit business génocidaire de paix. Et s'il y a des manifestants contre Tsahal réduisant des villes entières en poussières, Israël doit rester LA victime pleurée par les pays qui lui procurent ses armes.

Règle 8 : le fait qu'Israël est perpétuellement en guerre avec ses voisins et ses populations indigènes déplacées doit être interprété comme preuve que la règle 7 est vraie, au lieu de penser qu'elle n'est qu'un non-sens ridicule.

Règle 9 : les vies arabes sont beaucoup moins importantes que les vies occidentales ou israéliennes. Personne n'a le droit de réfléchir longtemps à ce fait avéré.

Règle 10 : les média disent toujours la vérité sur Israël et ses conflits. Si vous entretenez des doutes, vous êtes vraisemblablement en violation selon la règle 5.

Règle 11 : toutes allégations décrivant les ennemis d'Israël sous un jour négatif peuvent être rapportées comme des nouvelles factuelles sans aucune vérification, tandis que toutes les preuves confirmées de criminalité israélienne doivent être rapportées avec prudence et scepticisme comme « Le Liban ou le ministère de la santé contrôlé par le Hamas » affirment, précautions essentielles pour ne pas être accusé d'être propagandiste antisémite.

Règle 12 : Israël doit continuer à exister en sa forme politique actuelle, peu importent les coûts ou les vies humaines gaspillées. Aucune raison opposée ne doit être présentée (comme la formation de deux nations), sinon vous violez la règle 5.

Règle 13 : les gouvernements canadien et américain ne vous ont JAMAIS menti sur quoi que ce soit, en étant TOUJOURS du bon côté des guerres faites pour votre bien.

Règle 14 (pour les Américains seulement) : rien de ce qui arrive au Moyen-Orient n'est aussi urgent ou signifiant que de s'assurer que la bonne personne gagne les élections présidentielles. Aucun méfait ne doit vous écarter de cette mission d'importance cruciale.

Règle 15 : Israël doit être protégé parce que dernier bastion de la liberté et de la démocratie au Moyen-Orient, peu importe le nombre de journalistes que Tsahal doit assassiner, peu importe le nombre d'institutions de presse qu'il doit fermer, peu importe le nombre de manifestations que ses partisans doivent démanteler par la force brutale, peu importe la liberté d'expression qu'il doit éliminer, peu importe le nombre de droits civils qu'il doit effacer, et peu importe le nombre d'élections que ses lobbyistes doivent acheter.

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Yémen. Dix ans de pouvoir houthiste, une emprise encore précaire

1er octobre 2024, par Laurent Bonnefoy — , ,
Il y a dix ans, le 21 septembre 2014, les rebelles houthistes s'emparaient de Sanaa et renversaient le gouvernement issu du « Printemps yéménite ». Depuis lors, leur exercice (…)

Il y a dix ans, le 21 septembre 2014, les rebelles houthistes s'emparaient de Sanaa et renversaient le gouvernement issu du « Printemps yéménite ». Depuis lors, leur exercice du pouvoir dans de larges parties du Yémen s'est affirmé tant en interne, à travers la mise en place d'un État autoritaire, qu'à l'échelle régionale, où leur capacité militaire va croissante. Le 15 septembre 2024, un de leurs missiles atteignait à nouveau le centre d'Israël, éloigné de plus de 2 000 kilomètres. Bilan.

Tiré d'Orient XXI.

Depuis vingt ans, la place prééminente occupée par les houthistes au Yémen est le fruit de divers paradoxes. Né dans les montagnes de l'extrême nord du pays, non loin de l'Arabie saoudite, le mouvement emmené par la famille Al-Houthi avait profité de sa confrontation militaire avec l'État yéménite, entamée en juin 2004, pour gagner en expérience et légitimité. Au prix de dizaines de milliers de morts et de destructions de villages entiers, il avait alors accru sa puissance armée, ses connexions tribales, sa cohérence idéologique et son assise géographique jusqu'à gagner les confins de la capitale Sanaa peu avant le soulèvement de 2011. Rattaché à une expression marginale du paysage politique et religieux, le groupe Ansar Allah (Partisans de Dieu), courant de renouveau zaydite lié au chiisme dans un pays majoritairement sunnite, avait su mettre de côté les enjeux identitaires pour capitaliser d'abord sur le ressentiment face au pouvoir du président Ali Abdallah Saleh (jusqu'en 2012), puis contre le processus révolutionnaire du « printemps yéménite ». Ce dernier avait pourtant abouti au départ de l'ancien président et à son remplacement par Abd Rabbo Mansour Hadi chargé de mener la transition vers la démocratie. C'est toutefois en s'alliant avec leurs anciens ennemis du clan Saleh à compter de 2012 que paradoxalement les houthistes ont atteint leur masse critique, devenant le « monstre de Frankenstein » que les Yéménites connaissent. En effet, entre 2012 et 2014, les houthistes ont pu s'appuyer sur les ressources de Saleh, financières et militaires, pour mettre à mal le processus révolutionnaire qu'ils avaient pourtant initialement soutenu. Ce faisant, tous deux pouvaient atteindre un autre de leurs objectifs : mettre en pièce leurs ennemis communs, les Frères musulmans du parti al-Islah. Pour Saleh, ce pacte devait lui permettre de se venger de ceux qui l'avaient trahi lorsqu'ils s'étaient engagés dans le soulèvement révolutionnaire. Mais à l'évidence, l'accord était pour lui un trompe-l'œil et était passé au bénéfice des houthistes. Ils pouvaient dès lors entamer une phase d'exercice et de consolidation du pouvoir qui, dix ans plus tard, perdure malgré d'évidentes fragilités.

Incarner l'État

Passée la surprenante phase militaire de prise de contrôle de structures étatiques (radio et télévision nationale, ministères, casernes), les houthistes à compter du 21 septembre 2014 ont agi avec méthode. Leur coup d'État a autant été caractérisé par une volonté de dénoncer les compromis du nouveau gouvernement par rapport au projet révolutionnaire que de répondre à des aspirations réactionnaires. Les houthistes ont d'abord pu neutraliser le pouvoir reconnu par la communauté internationale en assignant à résidence le président Abd Rabbo Mansour Hadi. Ce dernier a pu fuir vers Aden et de là faire appel à l'Arabie saoudite qui est intervenue militairement à compter du 26 mars 2015 pour restaurer son pouvoir et vaincre les houthistes, sans succès.

Le processus interne essentiel de construction d'un État houthiste a été largement occulté par l'intervention de l'armée saoudienne ainsi que par les liens entre Ansar Allah et l'Iran. L'un et l'autre ont été certes importants et expliquent l'impasse que connait le pays. Mais ils n'épuisent aucunement l'analyse d'un pouvoir qui s'est affirmé au fil du temps et dont l'organisation a été finalement contre-intuitive. En effet, loin de l'image de combattants rétrogrades venus des tribus arriérées des hautes terres du Yémen, l'exercice du pouvoir par les houthistes s'est avéré efficace à divers titres. Ils se sont employés à incarner pleinement l'État dans l'ensemble des zones qu'ils ont contrôlé — le quart occidental du pays et environ la moitié de la population. Bien que n'étant pas reconnus par la communauté internationale et confrontés aux bombardements de la coalition emmenée par l'Arabie saoudite, ils ont su mettre en place des institutions qui ont empêché un effondrement général des services publics, de l'économie et de la sécurité. La stabilité du taux de change du riyal dans les zones sous leur contrôle est comparativement meilleure à celle dans les réduits du gouvernement reconnu par la communauté internationale. Le faible nombre d'attentats jihadistes atteste également de cette réalité, tout comme la permanence de médias gouvernementaux, d'une façade de vie partisane et institutionnelle.

Tout d'abord pour construire l'État houthiste, les nouveaux maitres de Sanaa ont assuré une forme de continuité en s'appuyant sur les réseaux de fonctionnaires liés à Saleh. Dans les banques, l'armée, la police, les entreprises publiques, la stabilité a un temps primé. Les petits fonctionnaires issus de domaines perçus comme moins essentiels, par exemple dans l'éducation, étaient eux délaissés, souvent privés de salaires et forcés donc de trouver des moyens de subsistance. Leur engagement, comme celui du personnel de santé, assurait malgré tout souvent une forme de continuité tout en n'empêchant pas le ressentiment parmi la population.

S'autonomiser

Progressivement les houthistes ont placé leurs hommes — d'autant plus aisément qu'Ali Abdallah Saleh, en décembre 2017, s'est retourné contre eux, finissant alors assassiné. Ils ont pu recomposer les élites politiques et sécuritaires en offrant une prime particulière à leur propre groupe, les hachémites se revendiquant descendants du Prophète. Ces derniers, forme de noblesse très minoritaire à l'échelle de la société mais qui joue un rôle central dans le zaydisme, ont avec les houthistes retrouvé leur rang perdu au moment de la révolution du 26 septembre 1962 qui avait mis fin à la monarchie.

Pour mener à bien cette recomposition, ils ont pu instrumentaliser et capter une part de l'aide humanitaire internationale, prenant en tenailles les agences de l'ONU ainsi que les ONG. Celles-ci ont été depuis 2015 tétanisées par la crainte d'une famine généralisée, acceptant finalement les exigences des houthistes et une corruption manifeste des structures de distribution. C'est ainsi qu'en 2018 l'offensive contre Hodeïda, cinquième ville la plus peuplée du Yémen, a pu être annulée à la suite de l'accord de Stockholm, ancrant leur position dans ce port et donc sur la Mer Rouge. Parallèlement, au niveau local, les houthistes ont développé un maillage sécuritaire, accentuant la surveillance et la répression de la société civile. Ils se sont appuyés sur un réflexe nationaliste en décrivant l'opération de la coalition arabe, soutenue par les Occidentaux, comme une agression, préservant ainsi un certain niveau de popularité. L'alignement de leurs ennemis yéménites sur les positions des pays étrangers — Arabie saoudite donc, mais aussi Émirats arabes unis pour ce qui concerne les sudistes —a pu faire oublier leur propre proximité idéologique et diplomatique avec l'Iran. L'idéologie portée par leur leader Abdlemalik Al-Houthi s'est affirmée, infusant dans la société à travers l'armée mais aussi les structures éducatives et religieuses, tournées vers l'effort de guerre. Une génération s'en trouve sacrifiée. Le zaydisme s'est aussi transformé, parfois à travers l'instauration de nouvelles célébrations religieuses comme Achoura ou au moment du Mouloud. Un système de taxation spécifique au bénéfice des hachémites, les restrictions exercées sur les droits élémentaires des femmes et une police morale ont enfermé la société dans une logique que bien des opposants des houthistes décrivent comme totalitaire ou finalement proche de ce que les talibans afghans imposent. L'idéologie est également structurée autour d'une contestation de l'ordre international, faisant de la question palestinienne un élément essentiel et ancrant le mouvement dans l'Axe de la résistance porté par l'Iran. Au plus fort de la guerre en Syrie, les portraits du président syrien Bachar Al-Assad trônaient dans Sanaa. L'idéologie reste pourtant caractérisée par des non-dits autour de la place des hachémites et des objectifs politiques internes. Bien que se revendiquant républicains, il est entendu que la prééminence d'Abdelmalik Al-Houthi et de son clan en général, notamment la tutelle exercée par Hussein, son demi-frère et fondateur du mouvement, tué par l'armée en 2004, acte pour les houthistes le passage vers un pouvoir héréditaire. Celui-ci s'autonomise en partie aussi de l'État et marginalise de fait la majorité sunnite, il s'appuie sur une peur de la répression qui est d'autant plus efficace dans un contexte de guerre.

Humilier les Saoudiens

L'inefficacité militaire de l'opération Tempête décisive menée par l'Arabie saoudite depuis 2015 a été largement actée, y compris par les dirigeants saoudiens. Ceux-ci ont en effet depuis avril 2022 entrepris de se retirer du dossier yéménite. Depuis lors, les bombardements aériens des positions houthistes ont cessé. Abd Rabbo Mansour Hadi a été forcé à la démission et les discussions menées grâce à Mascate ont un temps donné le sentiment que la paix était à portée de main. Les houthistes toutefois n'entendaient pas faciliter le travail des Saoudiens. En interne, ils tiennent militairement leurs positions et n'ont pas réduit la pression sur Taez par exemple. Depuis plus de deux ans, ils s'emploient à humilier l'Arabie saoudite en faisant monter le prix de la paix. Leurs exigences ont ainsi notamment été financières, visant à faire payer à la coalition les arriérés de salaires des fonctionnaires.

L'engagement armé des houthistes en Mer Rouge depuis novembre 2023 a rendu toute signature d'un accord impossible. Il a placé les Saoudiens dans l'embarras, incapables de reprendre les armes au nom des Américains et des Israéliens contre un mouvement affirmant s'engager en faveur des Palestiniens et qui a gagné en popularité sur le plan régional. Le mufti omanais, Ahmed Al-Khalili, avait pu signaler sa reconnaissance, tout comme Yahya Sinouar, chef du Hamas.

En dix mois, les plus de 120 attaques contre les navires marchands, de plus en plus sophistiquées, puis les missiles envoyés vers Israël en solidarité avec la population de Gaza ont de nouveau braqué les projecteurs sur le Yémen. En réaction à l'ouverture de ce nouveau front, les États-Unis et les Britanniques ont relancé les bombardements contre les houthistes dès décembre 2023, sans davantage de succès. Le bombardement israélien du port de Hodeïda le 20 juillet 2024 a eu pour effet principal de désorganiser l'aide humanitaire, aucunement d'affecter la capacité de projection des houthistes. Deux mois plus tard, un missile d'une nouvelle technologie explosait à six kilomètres de l'aéroport de Tel-Aviv.

La stratégie régionale des houthistes pèse indéniablement sur les Yéménites ainsi que sur les populations des pays voisins. L'attaque contre le navire Ruby Mar qui transportait des engrais en mars 2024 et a coulé avec sa cargaison, puis contre le pétrolier Sounion en août 2024 rendent compte d'une logique jusqu'au-boutiste. Une marée noire d'ampleur historique a, semble-t-il, été évitée in extremis en septembre 2024. L'Égypte elle-même a perdu près de la moitié des revenus liés à l'exploitation du canal de Suez. Les ONG et agences onusiennes gérant l'aide internationale ont subi au cours de l'été une vague de répression à Sanaa. Les houthistes se sentent autorisés à s'extraire des règles internationales.

Si la nuisance causée par les houthistes en Israël (et pour les pays occidentaux) n'est pas que symbolique et si elle flatte l'engagement sincère de la population en faveur des droits des Palestiniens, nombre des Yéménites sont avant tout impatients d'en finir avec la guerre. Ils demandent des houthistes une clarification de leur projet politique de long terme sans laquelle la stabilité de leur régime imposée depuis dix ans risque de ne pas durer.

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Syrie : Nous et les manifestations en Israël

1er octobre 2024, par Rateb Shabo — , ,
Les grèves et les manifestations populaires en Israël contre le gouvernement de Benjamin Netanyahou en raison de sa guerre génocidaire contre Gaza ne concernent pas la (…)

Les grèves et les manifestations populaires en Israël contre le gouvernement de Benjamin Netanyahou en raison de sa guerre génocidaire contre Gaza ne concernent pas la sauvagerie d'Israël, les horribles violations commises, le meurtre systématique de civils... Il s'agit avant tout de la vie des otages. Cela en dit long sur la capacité de la « démocratie » à donner naissance à des clones aveugles sur le plan humain. Cela trace également une ligne claire entre les protestations mondiales, en particulier celles des étudiants dans les universités, qui ont une dimension de droits de l'homme, et les protestations israéliennes, qui reposent sur le même terrain que le déni par les gouvernements israéliens des droits des Palestinien.nes, y compris des droits humains fondamentaux.

Tiré d'Europe solidaire sans frontière.

Néanmoins, ces manifestations démontrent ce qui nous a toujours fait défaut dans nos propres pays : une influence du peuple sur les décisions et les politiques de guerre. Ceci est étroitement lié à la relation à sens unique entre les gouvernements et les gouverné.es, une relation à sens unique basée sur l'absence totale des individus dans la gestion de leur vie et le déni de tout droit « populaire » à intervenir ou même à réfléchir à l'intérêt supérieur du pays. En temps de guerre notamment, nos systèmes politiques prétendent défendre l'intérêt suprême du pays, ne laissant au peuple d'autre choix que celui de la soumission ou de la trahison. Le même type de relation s'applique aux formations non étatiques, en particulier celles qui reposent sur une base religieuse, qui entreprennent des missions militaires contre Israël, mais ces formations ne disposent pas d'une capacité de domination suffisante sur la sphère nationale et sont donc moins à même de contrôler les individus que les États. Cependant, l'émergence de ces formations non étatiques est en soi l'expression d'un problème national profond.

Notre incapacité chronique à libérer l'État de l'emprise des cliques dirigeantes renforce notre vulnérabilité chronique à l'égard d'Israël.

Le fait que les politiques intérieures, et plus encore les orientations, les décisions et la gestion de la guerre, ne soient pas soumises à l'obligation de rendre des comptes a pour point de départ et pour aboutissement le fait que le peuple est privé de toute possibilité d'influer sur sa situation et que les « dirigeants » sont réputés infaillibles, ce qui signifie que leurs décisions et leurs politiques sont les meilleures possibles, les plus propices à l'intérêt national, et que le fait de protester contre ces décisions ne fait que faire le jeu de l'ennemi. Ainsi, il semble que les protestations du peuple « ennemi » et la mise en cause de ses dirigeants, la chute de certains d'entre eux, et peut-être leur procès pour les actes qu'ils ont commis, soient la preuve de la justesse des politiques de nos « dirigeants » qui sont infaillibles. C'est pourquoi nous nous réjouissons lorsqu'une commission d'enquête israélienne publie un rapport qui rend les dirigeants israéliens responsables d'un échec, comme ce fut le cas, par exemple, lors de l'annonce du rapport de la Commission Vinograd en avril 2007. Après la fin de la guerre israélienne contre le Liban à l'été 2006, sans qu'Israël ait atteint ses objectifs déclarés (destruction du Hezbollah, libération de prisonniers sans échange, mise en œuvre de la résolution 1559 du Conseil de sécurité des Nations unies), la rue israélienne s'est mobilisée pour faire pression sur le gouvernement afin qu'il forme une commission chargée d'enquêter sur les activités des dirigeants israéliens dans les domaines politique, militaire et de la sécurité. La commission Vinograd a été créée et, quelques mois plus tard, elle a publié son premier rapport, qui tenait le gouvernement pour responsable de l'échec de la guerre. L'échec ne signifie pas la défaite, mais plutôt que de meilleurs résultats auraient pu être obtenus, que ce soit en infligeant plus de dégâts à l'ennemi ou en évitant plus de pertes. Le chef d'état-major a démissionné au cours de l'enquête, avant la publication du rapport, le ministre de la Défense a démissionné après la publication du rapport et la popularité du Premier ministre Ehoud Olmert a chuté.

Le Hezbollah voulait faire croire à une victoire triomphale et a salué la « chute » des chefs de guerre israéliens comme une confirmation de sa victoire. En effet, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, avait déjà déclaré que cette guerre coûterait leur poste aux dirigeants israéliens, et c'est ce qui s'est passé. Mais est-ce une manifestation du succès du Hezbollah, du fait qu'il est sur la bonne voie et qu'il n'est pas nécessaire d'enquêter sur ses dirigeants ou de leur demander des comptes, ou est-ce une manifestation du fait qu'il existe en Israël un mécanisme de responsabilité fondé sur les intérêts suprêmes de l'État et que les dirigeants israéliens, même s'ils se situent très en deçà de ces intérêts, restent comptables de les avoir servis ? Il est évident que l'objectif de ces commissions d'enquête est que les dirigeants israéliens se comportent mieux, ce qui signifie qu'il faut accroître le différentiel entre Israël et son environnement, car Israël doit non seulement être supérieur sur le plan technique et matériel, mais aussi sur le plan de la conduite et de la gestion de la guerre. La démocratie intérieure qui permet les protestations n'est pas moins importante que ces deux aspects, car elle préserve d'une relation aliénée entre le peuple et son gouvernement, de sorte que le gouvernement n'apparaisse pas comme un organe répressif indépendant du peuple et échappant à son influence.

La situation inverse est largement et profondément ressentie en Syrie : les Syriens sont devenus indifférents à toutes les formes d'agression que subit leur pays sous le régime de la junte au pouvoir, et certains Syriens en sont même venus à apprécier les frappes israéliennes répétées comme un affaiblissement du régime et à les considérer comme une manifestation de la crise et de l'incapacité croissantes de la junte. Ainsi, la répression généralisée n'est pas seulement efficace pour le maintien de la junte au pouvoir, mais aussi, dans le même temps, efficace sur le plan interne au service d'un ennemi extérieur.

Si, en 2006, le Hezbollah a effectivement fait preuve d'une cohésion, d'une discipline et d'une excellente capacité de combat qui ont étonné le monde à l'époque, en particulier face à l'offensive terrestre israélienne dans les derniers jours de la guerre, lorsque l'armée israélienne voulait atteindre le fleuve Litani, il a fait montre de ce que les régimes arabes ont toujours montré : l'absence de toute forme de prise en compte ou de lien vivant avec les populations sous leur contrôle qui leur donnerait un droit à demander des comptes, à quoi il faut ajouter son régime partisan interne qui a produit une dissociation paralysante entre le patriotisme affiché comme objectif et la réalité du patriotisme que révèlent les moyens employés.

La vitalité de la relation entre le peuple d'Israël et son gouvernement favorise l'expansionnisme et la domination israéliens, contrairement à une perception qui voit dans les manifestations un signe de la désintégration de la société israélienne et une menace pour l'État occupant. Cette vitalité est un élément de supériorité politique qui s'ajoute aux autres atouts d'Israël. En revanche, notre incapacité chronique à libérer l'État de l'emprise des cliques dirigeantes renforce notre vulnérabilité chronique à l'égard d'Israël, et les droits de nos peuples glissent de plus en plus sur la pente savonneuse.

Rateb Shabo

• Traduction automatique par Deepl (légèrement remaniée pour ESSF par Pierre Vandevoorde) d'un article publié en arabe sur alaraby.co.uk

Source

L'auteur n'a pas pu vérifier la traduction.

• Rateb Shabo est né en 1963. Il est chirurgien, traducteur de l'anglais et écrivain. Il est actuellement réfugié politique en France. Il a été détenu 16 ans dans les prisons syriennes (1983-1999). Il est l'auteur de plusieurs ouvrages, parmi lesquels « Le monde de l'islam à ses débuts » (en arabe, non traduit), le récit de ses années de prison (« Achter deze Muren »-« derrière ces murs-là » disponible en arabe et en néerlandais) et « Une histoire du Parti de l'Action Communiste en Syrie (1976-1992) », non traduit.

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La persécution méthodique du Liban par Israël

1er octobre 2024, par Adlene Mohammedi — , , ,
Déjà confronté depuis 2019 à une crise économique et financière sans précédent, à laquelle s'ajoute un vide institutionnel depuis 2022, le Liban subit une fois de plus (…)

Déjà confronté depuis 2019 à une crise économique et financière sans précédent, à laquelle s'ajoute un vide institutionnel depuis 2022, le Liban subit une fois de plus d'intensifs bombardements israéliens sur son sol. Lundi 23 septembre, on dénombrait plus de 550 morts à l'issue du pilonnage du sud du pays (ainsi que du sud de la capitale et d'autres régions). Ces actes, indissociables de la question palestinienne et des massacres à Gaza, s'inscrivent aussi dans une tradition de martyrisation du pays du cèdre par l'armée israélienne. Ce n'est pas le Hezbollah qui est visé, mais tout un pays.

27 septembre 2024 | tiré de AOC info

Le 14 août dernier nous quittait Georges Corm, auteur prolifique sur le Proche-Orient, ministre des Finances du Liban à la fin des années 1990 et infatigable soutien de la cause palestinienne. Il insistait souvent sur une caractéristique géopolitique mortifère de son pays : le Liban est un État tampon et en tant que tel, sa stabilité dépend de la stabilité régionale. La guerre en Syrie, le bras de fer saoudo-iranien ou la politique israélienne sont donc autant de facteurs d'instabilité. Mais s'agissant des tensions israélo-libanaises en particulier, Georges Corm aimait dire que le Liban était un contre-modèle pour Israël : là où ce dernier est un État d'apartheid et de colonisation, le Liban privilégie malgré tout la concorde et la coexistence entre communautés diverses.

La guerre actuelle rappelle la centralité de la question palestinienne, mais elle rappelle aussi la profonde hostilité israélienne à l'égard du Liban. La présentation médiatique des événements est problématique : comme en Palestine où tout est résumé à un conflit entre Israël et le Hamas, il est question de « frappes » contre les positions du Hezbollah. Quand, pour la première fois depuis les guerres du Liban (1975-1990), plus de 550 personnes, dont une cinquantaine d'enfants, sont tuées en une seule journée, peut-on vraiment parler de « frappes ciblées » ? La cible a un nom : le Liban.

La ritournelle du Hezbollah

La place prépondérante du Hezbollah, à la fois parti politique libanais et groupe armé, ne fait aucun doute. Il est vrai que le « Parti de Dieu », qui bénéficie du soutien de l'Iran depuis ses débuts dans les années 1980, s'inscrit pleinement dans « l'axe de la résistance » face à Israël, et agit au-delà du périmètre de l'État libanais. Et il est vrai aussi que la question de son armement est régulièrement posée par ses opposants. Son désarmement est même demandé par des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. En somme, les adversaires et les ennemis du Hezbollah ne manquent pas d'arguments. Et certains commentateurs semblent trouver l'action israélienne « légitime ».

Le récit déployé par Israël, et hélas trop souvent relayé, est celui de la bienveillance étatique face à l'irrationalité des groupes « terroristes ». Associer systématiquement le Hezbollah à une communauté confessionnelle en particulier (les chiites) et à un allié extérieur (l'Iran), c'est contester sa dimension nationale. Le Hezbollah, et plus généralement ce qu'on appelait la résistance islamique dans les années 1980, est né contre l'occupation israélienne du Liban. Et c'est bien cette résistance, qui s'est poursuivie jusqu'en 2000 avec des soutiens dans toute la société libanaise, qui finit par débarrasser le pays de l'armée israélienne – qui occupe encore le Golan syrien et les fermes de Chebaa libanaises.

Le pire défaut du Hezbollah ces dernières années n'a pas été la subversion de l'État libanais, mais au contraire, son émergence comme gardien du système politique libanais, notamment face au soulèvement populaire de 2019. Souvent décrit soit comme une organisation hostile à l'État libanais, soit comme un acteur omnipotent en son sein, le Hezbollah n'est ni l'une ni l'autre. Il est membre du gouvernement libanais et il exerce assurément une influence sur les équilibres politiques du pays, mais il demeure tributaire de ses partenariats politiques, dans un paysage marqué par le confessionnalisme et la corruption – l'un nourrissant l'autre, le confessionnalisme empêchant une citoyenneté aboutie.

Depuis 2022, le Liban est sans président et un gouvernement d'affaires courantes a été reconduit ; le Hezbollah peine à imposer son candidat et il est loin de dominer le gouvernement.

Parmi ses partenaires, certains n'ont pas hésité à lui indiquer leur refus d'un « front libanais » censé soulager les Palestiniens (et maintenir la pression en vue d'un cessez-le-feu à Gaza). Pour eux, la solidarité avec les Palestiniens ne peut pas passer par une mise en danger d'un Liban, déjà largement fragilisé par une crise économique et financière inédite. C'est notamment le cas du courant aouniste (en référence au général Michel Aoun, président de 2016 à 2022 avec l'appui du Hezbollah), son principal allié chrétien de 2006 à 2022, favorable à la résistance à Israël tant que l'armée n'a pas les moyens d'assumer une telle mission seule, mais hostile à « l'unité des fronts » (un front libanais solidaire du front palestinien). Exploiter de telles divisions est l'un des objectifs constants d'Israël.

Détruire et diviser : les objectifs d'Israël au Liban

Tout cela n'est pas nouveau. Rappelons les années de ce que l'on a pris l'habitude d'appeler la « guerre civile » libanaise (1975-1990). L'un des buts d'Israël était d'exacerber les divisions confessionnelles (qui ne se confondaient pas avec les divisions politiques) du pays et d'apparaître comme une espèce de défenseur des chrétiens contre les Palestiniens (et leurs alliés libanais) et contre les Syriens. Israël est allé jusqu'à former une armée de supplétifs au sud du pays, ce même sud qui deviendra un bastion de la résistance anti-israélienne. Israël pouvait alors s'appuyer sur certains chefs politiques chrétiens (de ce que l'on appelait la « droite chrétienne ») dans sa lutte contre l'Organisation de libération de la Palestine (OLP). En 1982, cette lutte a pris la forme d'une invasion du Liban, quand Beyrouth était – déjà – prise pour cible.

L'expérience libanaise de l'armée israélienne n'a pas été un succès. Certes, l'OLP est poussée à quitter Beyrouth, mais ce qui succède à l'OLP en termes de résistance à Israël au Liban est redoutable pour l'armée israélienne : c'est dans ce contexte qu'est né le Hezbollah, au lendemain de l'invasion israélienne. L'organisation, soutenue par la République islamique d'Iran, s'insérera peu à peu dans la vie politique libanaise et sa résistance à Israël lui permettra d'acquérir une légitimité certaine auprès de toutes les communautés. Avant les affrontements actuels, la guerre de 2006 – considérée comme une déroute israélienne – était le dernier grand épisode de cette résistance.

L'autre échec est politique. En 1982, Israël n'obtient pas la « normalisation » escomptée – destinée à noyer la question palestinienne et à isoler la Syrie. Et depuis les années 2000, Israël n'arrive pas à obtenir l'exclusion du Hezbollah de la vie politique libanaise.

Bien sûr, on ne peut pas nier que les actions du Hezbollah divisent la population et la classe politique libanaises. C'était le cas en 2006, et c'est encore le cas cette fois. Néanmoins, la violence israélienne, aussi bien à l'égard des Libanais que des Palestiniens, laisse peu de place aux critiques à l'encontre du Hezbollah. Devant les bombardements continus et les centaines de morts, et même si certains réfutent l'opportunité des tirs du Hezbollah dirigés contre Israël, c'est bien ce dernier qui est largement perçu comme l'objet prioritaire des condamnations. Aujourd'hui, le parti des Forces libanaises (principale formation chrétienne du pays à l'issue des dernières législatives et principal adversaire du Hezbollah) se montre discret, tandis que les autres formations politiques – des aounistes au chef druze Walid Joumblatt – se focalisent sur les intentions d'Israël.

En dépit de la permanence des rhétoriques confessionnelles (sunnites versus chiites en 2006 ; chiites versus chrétiens aujourd'hui), Israël aura du mal à trouver au Liban les relais qu'il pouvait avoir naguère. Par ailleurs, le Hezbollah et la population chiite du sud du pays ont été et sont encore les premiers à payer le prix de cette guerre. Mais, si en décembre dernier, nous pouvions constater à Beyrouth une dichotomie entre ceux qui perdaient des proches au sud du pays et ceux qui présentaient une sorte de vitrine de vie « normale », désormais, c'est tout le pays qui constate l'étendue des attaques israéliennes.

Il est pourtant plus question de cibler le Hezbollah, ce qui donne l'impression qu'il s'agit d'une opération militaire. Mais s'agit-il vraiment d'une opération militaire ? Le politologue Pierre France partage sa réflexion sur ce point : « Il n'y a jamais eu de si grand nombre de morts en une journée au Liban sur une opération militaire, ni en 1978, ni en 1982, ni en 2006 : même pendant la guerre civile, où les chiffres se sont parfois affolés ». Autrement dit, si le Hezbollah est bien ciblé, tous les civils autour sont aussi intentionnellement tués. Bombarder en les sachant là, tuer des civils par centaines, les déplacer par milliers, cela relève du crime de guerre.

Une complaisance confirmée

Le Liban est ainsi le théâtre de la confirmation de l'impunité dont jouit Israël. Cette impunité auprès des États est sans doute inversement proportionnelle à la détestation qui s'étend parmi les opinions publiques face à l'ampleur des massacres. Sur le plan médiatique, les euphémismes (des « frappes » contre le Hezbollah pour parler de centaines de civils tués), voire une admiration malsaine (dans l'affaire des bipeurs piégés), reflètent cette complaisance. On en oublie le caractère parfois inédit de ce qui advient en Palestine comme au Liban.

On est même invité à considérer les bombardements israéliens comme une riposte presque normale, ce qui permet de négliger le crime originel (l'occupation, la colonisation, les massacres) et même d'ignorer la responsabilité israélienne dans la précipitation des événements (l'escalade après une guerre d'attrition). La propagande israélienne contribue directement à cette distorsion, d'autant plus qu'elle est peu questionnée. Lorsque l'on reprend le noble objectif du retour des populations du nord d'Israël affiché par le gouvernement israélien, on a tendance à mésestimer le prix payé sous nos yeux : le déplacement de milliers de Libanais.

Quant au soutien inconditionnel des alliés d'Israël – de Washington à Paris, en passant par Londres –, là encore, on est enclin à croire que c'est la seule position envisageable tant il est devenu automatique. Mais quelques rappels s'imposent. En 1982, après l'invasion israélienne du Liban, les positions britannique et française étaient autrement plus fermes. Margaret Thatcher est allée jusqu'à imposer un embargo sur les armes pendant douze ans. Et François Mitterrand a condamné « sans réserve » ce qu'il a lui-même qualifié « d'agression ». Où sont les condamnations française et britannique aujourd'hui ? Elles ont cédé la place à de vagues manifestations affectives. Cette pusillanimité reflète le mélange d'impotence et d'indifférence qui règne parmi les États occidentaux.
Il est trop facile de déplorer la montée en puissance d'acteurs non étatiques (Hamas, Hezbollah, Houthis…) dans la lutte contre Israël et dans la défense de la cause palestinienne quand les États eux-mêmes – pourtant principaux objets et sujets du droit international – ne trouvent rien de concret à offrir pour protéger des civils qui meurent par dizaines de milliers. La rationalité étatique face aux acteurs non étatiques ne se décrète pas. Elle se démontre par la rigueur et la cohérence.

Photo d'ouverture : De la fumée s'échappe d'un site visé par un bombardement israélien dans le village de Zaita, au sud du Liban, le 23 septembre 2024. (Photo par Mahmoud ZAYYAT / AFP)

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Forum de la gauche arabe : au Liban, résistance contre l’agression israélienne

1er octobre 2024, par Forum de la gauche arabe — , ,
Le Forum de la gauche arabe est une coalition d'une vingtaine de partis politiques de gauche, représentant plusieurs pays arabes, née en 2010 à l'initiative du Parti communiste (…)

Le Forum de la gauche arabe est une coalition d'une vingtaine de partis politiques de gauche, représentant plusieurs pays arabes, née en 2010 à l'initiative du Parti communiste libanais (PCL). Animé essentiellement par le PCL, le Forum de la gauche arabe a tenu sa dixième rencontre le 15 septembre 2024 à Beyrouth, avant le déclenchement de la guerre d'Israël contre le Liban.

Tiré de la revue Contretemps
28 septembre 2024

Par Forum de la gauche arabe

Afin que notre lectorat puisse se faire une idée de la position politique du PCL, la principale force de gauche au Liban, et d'une partie des gauches arabes actuelles, sur la guerre israélienne en cours contre le Liban, nous avons traduit de l'arabe le communiqué du Forum de la gauche arabe en date du 26 septembre 2024.

Les principaux mots d'ordre sont : résilience, résistance et unité contre l'agression israélienne.

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Le Liban, son peuple et sa résistance sont confrontés depuis le 17 septembre à une agression sioniste-impérialiste brutale, à une guerre méthodique d'anéantissement et de destruction qui frappe les enfants, les civils et les institutions sur l'ensemble du territoire libanais. Cette agression vient prolonger la guerre menée contre la bande de Gaza et la Cisjordanie, avec pour objectif de défaire la lutte et les fronts du soutien [à la résistance palestinienne], d'éliminer la résistance du peuple libanais et sa résilience, en vue d'isoler le peuple palestinien, d'éliminer sa résistance, de liquider sa cause, d'annihiler ses droits et de l'expulser de sa terre. Il s'agit d'une agression coloniale impérialiste qui, par son essence et ses dimensions, vise l'ensemble du monde arabe.

Le Liban, son peuple et sa résistance ont fait le serment – avant-même le lancement du Front de la résistance nationale libanaise (FRNL) en 1982, puis avec la libération inconditionnelle de son territoire de l'occupant sioniste en 2000, la mise en défaite de l'agression sioniste en juillet 2006, et encore aujourd'hui – de porter la cause palestinienne et de brandir l'étendard de la libération. De la même manière que la Palestine persévère et résiste toujours, depuis un an, à Gaza, en Cisjordanie, à Jérusalem et dans tous les territoires palestiniens occupés. Le Liban restera ainsi ferme et résistant, par son peuple et sa résistance nationale dans toutes ses formes, et par l'ensemble de ses composantes politiques nationales, syndicales, travailleuses, féminines et jeunes. Il sera présent et prêt à repousser l'agression sioniste sauvage de toutes les manières et par tous les moyens, main dans la main avec les forces de la résistance libanaise et palestinienne, ainsi qu'avec les forces de gauche et de la libération nationale arabe, pour mettre en échec les objectifs et les plans tactiques et stratégiques de l'agression, jusqu'à sa défaite.

Le Forum de la gauche arabe, en vertu de la traduction pratique des résolutions de la « Déclaration de Beyrouth » publiée lors de la dixième rencontre du 15 septembre 2024, apprécie hautement les positions politiques émises depuis le 17 septembre par les partis du Forum de la gauche arabe. Celles-ci constituent un appui et une base importantes pour soutenir la résilience et la résistance du peuple libanais. En raison de son importance politique, nous espérons des dirigeants des partis qui composent le Forum de la gauche arabe qu'ils engagent une série de mesures pratiques en soutien à la résilience populaire et au front de la résistance nationale libanaise dans la dangereuse confrontation en cours :

1/ Le lancement de campagnes politiques, de manifestations et de marches populaires de façon continue sur les places publiques en soutien aux peuples palestinien et libanais, et en opposition à la normalisation [avec Israël] sous toutes ses formes ;

2/ Une participation médiatique large pour fortifier l'opinion publique et pour soutenir l'action de résistance contre l'ennemi sioniste ;

3/ La constitution de comités de soutien dans tous les pays et la liaison avec les partis et les forces de gauche dans le monde ;

4/ Le soutien impératif à un plan d'urgence pour la résilience des populations sur le terrain au Liban, notamment à la suite des déplacements importants des zones larges ciblées au Liban. En particulier, travailler à garantir les besoins vitaux des personnes déplacées du Liban et cela compte tenu de l'absence et de l'incapacité de l'État libanais d'assurer ces nécessités urgentes.

La bataille contre l'ennemi israélien – avec ses alliés et ses instruments – est longue, rude et dangereuse. C'est pourquoi toutes les initiatives révolutionnaires sont requises d'urgence de la part du Forum de la gauche arabe, pour matérialiser sa présence et sa contribution politique et sur le terrain dans l'affrontement de la guerre d'agression sioniste qui nous cible tous, ainsi que pour maintenir notre bannière levée afin de renforcer le « Front de la résistance nationale arabe » et la « fermeté populaire » jusqu'à la défaite de cette agression sioniste, impérialiste étasunienne, atlantiste et réactionnaire arabe contre la Palestine, le Liban et la région.

À Beyrouth, le 26 septembre 2024.

Illustration : Naji al-Ali, caricaturiste palestinien.

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Gaza – Liban. Une guerre occidentale

1er octobre 2024, par Alain Gresh, Sarra Grira — , , , ,
Jusqu'où ira Tel-Aviv ? Non content d'avoir réduit Gaza à un champ de ruines en plus d'y commettre un génocide, Israël étend ses opérations au Liban voisin, avec les mêmes (…)

Jusqu'où ira Tel-Aviv ? Non content d'avoir réduit Gaza à un champ de ruines en plus d'y commettre un génocide, Israël étend ses opérations au Liban voisin, avec les mêmes méthodes, les mêmes massacres, les mêmes destructions, convaincu du soutien indéfectible de ses bailleurs occidentaux devenus complices directs de son action.

Tiré d'Orient XXI.

Le nombre de morts libanais des bombardements a dépassé 1 640, et les « exploits » israéliens se sont multipliés. Inaugurés par l'épisode des bipeurs, qui a suscité la pâmoison de nombre de commentateurs occidentaux devant « l'exploit technologique ». Tant pis pour les victimes, tuées, défigurées, aveuglées, amputées, passées par pertes et profits. On répétera ad nauseam qu'il ne s'agit après tout que du Hezbollah, d'une « humiliation », organisation que, rappelons-le, la France ne considère pas comme une organisation terroriste. Comme si les explosions n'avaient pas touché l'ensemble de la société, tuant miliciens ou civils de manière indifférenciée. Pourtant, le recours à des objets piégés est une violation du droit de la guerre, comme l'ont rappelé plusieurs spécialistes et organisations humanitaires (1).

Les assassinats sommaires des dirigeants du Hezbollah, dont celui de son secrétaire général Hassan Nasrallah, accompagnés chaque fois de nombreuses « victimes collatérales », ne font même pas scandale. Dernier pied de nez de Nétanyahou à l'ONU, c'est au siège même de l'organisation qu'il a donné le feu vert pour le bombardement de la capitale libanaise.

À Gaza et dans le reste des territoires palestiniens occupés, les membres du Conseil de sécurité de l'ONU enfouissent chaque jour un peu plus les avis de la Cour internationale de justice (CIJ). La Cour pénale internationale (CPI) tarde à émettre un mandat contre Benyamin Nétanyahou, alors même que son procureur fait état de pressions « par des dirigeants mondiaux » et par d'autres parties, y compris personnelles et contre sa famille (2). Avons-nous entendu Joe Biden, Emmanuel Macron ou Olaf Scholz protester contre ces pratiques ?

Cela fait presque un an que quelques voix, qui passeraient presque pour les fous du village, dénoncent l'impunité israélienne, encouragée par l'inaction occidentale. Jamais une telle guerre n'aurait été possible sans le pont aérien des armes américaines — essentiellement, et dans une moindre mesure européennes —, et sans la couverture diplomatique et politique des pays occidentaux. La France, si elle le voulait, pourrait prendre des mesures qui frapperaient vraiment Israël, mais elle refuse encore de suspendre les licences d'exportation d'armement qu'elle lui a accordées. Elle pourrait aussi défendre à l'Union européenne, avec des pays comme l'Espagne, la suspension de l'accord d'association avec Israël. Elle ne le fait pas.

Cette Nakba palestinienne qui n'en finit pas et cette destruction en règle qui s'accélère au Liban ne sont pas seulement des crimes israéliens, mais aussi des crimes occidentaux, dans lesquels Washington, Paris et Berlin portent une responsabilité directe. Loin des gesticulations et des mises en scène dont l'Assemblée générale de l'ONU a été le théâtre ces jours-ci, ne soyons dupes ni des colères de Joe Biden, ni des vœux pieux énoncés par Emmanuel Macron sur la « protection des civils », lui qui n'a jamais manqué une occasion pour montrer un soutien sans faille au gouvernement d'extrême droite de Benyamin Nétanyahou. Oublions même nombre de ces diplomates qui ont quitté la salle de l'Assemblée générale de l'ONU au moment de la prise de parole du Premier ministre israélien, dans un geste qui relève davantage de la catharsis que de la politique. Car si des pays occidentaux sont les premiers responsables des crimes israéliens, d'autres, comme la Russie ou la Chine n'ont pris aucune mesure pour mettre fin à cette guerre dont le périmètre s'étend chaque jour, et déborde sur le Yémen aujourd'hui et peut-être sur l'Iran demain.

Cette guerre nous enfonce dans un âge sombre où les lois, le droit, les garde-fous, tout ce qui empêcherait cette humanité de sombrer dans la barbarie, sont méthodiquement mis à terre. Une ère où une partie a décidé de la mise à mort de l'autre partie jugée « barbare ». Des « ennemis sauvages », pour reprendre les mots de Nétanyahou, qui menacent « la civilisation judéo-chrétienne ». Le premier ministre cherche à entraîner l'Occident dans une guerre de civilisation à connotation religieuse, dont Israël se pense comme l'avant-poste au Proche-Orient. Avec un succès certain.

Par les armes et les munitions dont ils continuent à alimenter Israël, par leur soutien indéfectible à un fallacieux « droit à se défendre », par le rejet de celui des Palestiniens à disposer d'eux-mêmes et à résister à une occupation que la CIJ a décrété illégale et dont elle ordonne l'arrêt — décision que le Conseil de sécurité de l'ONU refuse d'appliquer —, ces pays portent la responsabilité de l'hubris israélien. Membres d'institutions aussi prestigieuses que le Conseil de sécurité de l'ONU ou le G7, les gouvernements de ces États entérinent la loi de la jungle imposée par Israël et la logique de la punition collective. Cette logique était déjà à l'œuvre en Afghanistan en 2001 et en Irak en 2003, avec les résultats que l'on connaît. Déjà en 1982, Israël avait envahi le Liban, occupé le Sud, assiégé Beyrouth et supervisé les massacres des camps palestiniens de Sabra et Chatila. C'est cette « victoire » macabre qui a abouti à l'essor du Hezbollah, tout comme la politique israélienne d'occupation a abouti au 7 octobre. Car la logique de guerre et de colonialisme ne peut jamais déboucher sur la paix et la sécurité.

Notes

1- Lire, par exemple, le rapport d'Amnesty International, « Sept choses à savoir sur les attaques aux bipeurs et talkies-walkies au Liban », 23 septembre 2024.

2- Lire et écouter son entretien à la BBC, « ICC chief prosecutor defends Netanyahu arrest warrant in BBC interview », 5 septembre 2024.

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Le vote historique des Nations unies en faveur de sanctions à l’encontre d’Israël changera-t-il la réalité pour les Palestiniens ?

Les Palestiniens n'ont jamais perdu espoir dans la résistance qu'ils opposent depuis des décennies au régime d'oppression impitoyable d'Israël. Tiré de France Palestine (…)

Les Palestiniens n'ont jamais perdu espoir dans la résistance qu'ils opposent depuis des décennies au régime d'oppression impitoyable d'Israël.

Tiré de France Palestine Solidarité. Article publié pr The Guardian et traduit par l'organisme. Photo : Résultat du vote de l'AGNU sur une résolution relative aux politiques et pratiques d'Israël dans le Territoire Palestinien Occupé © UN photo/Evan Schneider.

Le Canada s'est abstenu lorsque l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté à une écrasante majorité une résolution appelant à des sanctions contre Israël le 18 septembre 2024, objectant que la résolution « s'aligne sur le boycott, le désinvestissement et les sanctions, auxquels le Canada s'oppose fermement ». Cette formulation, toute hypocrisie mise à part, renverse la vérité. Lancé en 2005, le mouvement non violent et antiraciste BDS, inspiré par la lutte anti-apartheid sud-africaine et le mouvement des droits civiques aux États-Unis, a toujours défendu les droits des Palestiniens dans le respect du droit international.

Le mouvement BDS appelle à mettre fin à l'occupation illégale et à l'apartheid d'Israël et à défendre le droit des réfugiés palestiniens à rentrer chez eux et à recevoir des réparations. C'est l'Assemblée générale des Nations unies qui commence enfin à s'aligner sur la tâche urgente d'appliquer le droit international de manière cohérente, même à l'égard d'Israël. Comme le dit Craig Mokhiber, ancien haut fonctionnaire des Nations unies chargé des droits de l'homme, l'arrêt de la Cour internationale de justice (CIJ) fait du BDS « non seulement un impératif moral et un droit constitutionnel et humain, mais aussi une obligation juridique internationale ».

Loin d'être un énième vote de l'ONU, ce vote est historique. C'est la première fois que l'assemblée générale dénonce le régime d'apartheid d'Israël et la première fois en 42 ans qu'elle demande des sanctions pour mettre fin à l'occupation illégale, comme l'a décidé la CIJ en juillet.

De nombreux Palestiniens et militants de la solidarité restent cependant sceptiques. Près d'un an après le début du génocide israélien contre 2,3 millions de Palestiniens dans la bande de Gaza occupée et assiégée, Israël commet quotidiennement des atrocités, faisant preuve d'un niveau sans précédent d'invincibilité apparente, ou de ce que même le docile secrétaire général de l'ONU appelle « l'impunité totale ». En partenariat avec les puissances occidentales hégémoniques, les États-Unis en tête, Israël extermine non seulement des dizaines de milliers de Palestiniens indigènes, mais bafoue également les principes mêmes du droit international.

De nombreux experts des Nations unies en matière de droits de l'homme partagent cet avis. Dans une déclaration publiée le même jour, ils affirment que « l'édifice du droit international est sur le fil du rasoir, la plupart des États ne prenant pas de mesures significatives pour se conformer à leurs obligations internationales réaffirmées dans l'arrêt [de la CIJ] ». Pour se conformer à l'arrêt, les États doivent imposer des sanctions économiques, commerciales, universitaires et autres de grande ampleur à l'occupation illégale et au « régime d'apartheid » d'Israël, écrivent-ils, précisant qu'un embargo militaire complet est la mesure la plus urgente.

Dès octobre 2023, quelques jours après l'attaque génocidaire d'Israël contre Gaza, le président colombien Gustavo Petro a mis en garde contre « la montée sans précédent du fascisme et, par conséquent, la mort de la démocratie et de la liberté... Gaza n'est que la première expérience visant à nous considérer tous comme jetables ». En d'autres termes, « plus jamais ça, c'est maintenant », comme l'ont dit les groupes juifs progressistes et antisionistes. Cela signifie que la priorité la plus urgente de l'humanité est de mettre fin au génocide israélien, tout en reconnaissant que la justice pour les Palestiniens croise et est entrelacée avec les luttes pour la justice raciale, climatique, économique, sociale et de genre.

Les décisions de la CIJ, le vote historique de l'assemblée générale et les déclarations des experts de l'ONU reflètent tous une majorité mondiale montante qui soutient non seulement la lutte pour l'émancipation des Palestiniens, mais aussi la mission fondamentale de sauver l'humanité, rien de moins, d'une ère de « la force fait le droit », sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale, qui relègue les institutions de l'ONU dans les poubelles de l'histoire.

Quoi qu'il en soit, les Palestiniens ne se font aucune illusion sur le fait que la justice leur sera rendue par la CIJ ou l'ONU, cette dernière étant historiquement responsable de la Nakba de 1947-1949, du nettoyage ethnique de la plupart des Palestiniens et de l'établissement d'Israël en tant que colonie de peuplement sur la majeure partie du territoire de la Palestine historique. L'échec total du système juridique international, dominé par les puissances coloniales euro-américaines, à fournir la base nécessaire, non ambiguë et juridiquement contraignante pour arrêter le premier génocide télévisé du monde, sans parler de rendre la justice, en dit long.

Nous avons le droit international de notre côté. En tant que peuple autochtone luttant contre un système d'oppression dépravé et génocidaire, nous avons une position éthique élevée pour faire valoir nos droits. L'éthique et le droit sont nécessaires dans notre lutte de libération ou dans toute autre, mais ils ne sont jamais suffisants. Pour démanteler un système d'oppression, les opprimés ont invariablement besoin de pouvoir : le pouvoir du peuple, le pouvoir de la base, le pouvoir de la coalition intersectionnelle, le pouvoir de la solidarité et le pouvoir des médias, entre autres.

En construisant le pouvoir populaire, les Palestiniens ne demandent pas la charité au monde ; nous appelons à une solidarité significative. Mais avant tout, nous exigeons la fin de la complicité. L'obligation éthique la plus profonde dans les situations d'oppression extrême est de ne pas faire de mal et de réparer le mal fait par vous ou en votre nom.

Comme l'a montré la lutte qui a mis fin à l'apartheid en Afrique du Sud, mettre fin à la complicité des États, des entreprises et des institutions avec le système d'oppression israélien, en particulier par le biais de la tactique non violente du BDS, est la forme la plus efficace de solidarité, de construction du pouvoir populaire pour aider à démanteler les structures d'oppression.

Près d'un an après le génocide, certains se plaignent de la « fatigue du génocide ». Mais les Palestiniens, en particulier à Gaza, n'ont pas le luxe de la « fatigue du génocide », car Israël continue de massacrer, d'affamer et de déplacer de force, commettant ce que les experts de l'ONU ont identifié comme « le domicide, l'urbicide, le scolasticide, le médicide, le génocide culturel et, plus récemment, l'écocide ».

Les Palestiniens n'ont jamais perdu espoir dans la résistance qu'ils opposent depuis des décennies au régime d'oppression impitoyable d'Israël. Cet espoir illimité n'est pas fondé sur des vœux pieux ou sur la croyance naïve en une victoire inévitable qui tomberait du ciel, mais sur le sumud incessant de notre peuple, sur son insistance à exister dans sa patrie, dans la liberté, la justice, l'égalité et la dignité. Elle est également ancrée dans la croissance inspirante du mouvement de solidarité mondiale et dans son impact.

Par ailleurs, comme le dit l'écrivain britanno-pakistanais Nadeem Aslam, « le désespoir se mérite. Personnellement, je n'ai pas fait tout ce que je pouvais pour changer les choses. Je n'ai pas encore gagné le droit de désespérer ». Si vous n'avez pas gagné ce droit, vous devez continuer à organiser, à espérer, à mettre fin à la complicité dans votre sphère d'influence relative. Avec un radicalisme stratégique, nous pouvons et devons vaincre le génocide, l'apartheid et toute cette oppression indescriptible.

Traduction : AFPS

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Quand les complices d’Israël nous accoutument à un monde monstrueux et inhumain, car sans coeur !

1er octobre 2024, par Gideon Levy, Yorgos Mitralias — , , ,
Pire que les crimes d'Israël est le fait que l'ensemble du monde dit « civilisé » les suit et les commente comme s'ils n'étaient qu'un jeu vidéo. Quand évidemment il ne les (…)

Pire que les crimes d'Israël est le fait que l'ensemble du monde dit « civilisé » les suit et les commente comme s'ils n'étaient qu'un jeu vidéo. Quand évidemment il ne les célèbre pas en armant le criminel. Ou ne les approuve pas en le laissant impuni. Et ça depuis plusieurs décennies. Et aussi, en direct sur les écrans de nos télévisions. Jour après jour, heure après heure. Comme si ces massacres quotidiens étaient une série télévisée sans fin, entrecoupée par des messages de publicité, qu'on peut suivre allongés sur nos canapés, pendant qu'on mange une pizza ou on sirote une boisson…

Tiré du site du CADTM.

Il y a presque un an on écrivait qu'un des objectifs de Netanyahou et de ses acolytes était de nous accoutumer « à un monde ressemblant de plus en plus à une jungle où règne uniquement le droit du plus fort et où sont « permises » les pires atrocités contre les plus faibles ! ». Aujourd'hui, et tenant compte du bilan de douze mois d'atrocités et de crimes qui dépassent souvent l'imagination, on peut dire que l'État sioniste est en train de nous accoutumer à quelque chose de bien plus grave : à la perversité, au sadisme de masse et à la violence aveugle et sans limite contre les civils, lesquelles sont tolérées, reconnues et même acceptées dernièrement comme des comportements « normaux » par ceux d‘en haut ! Ce qui fait que sont bestialisés non seulement ceux qui commettent ces crimes innommables, mais aussi tous ceux qui les tolèrent et les encouragent feignant de ne pas les voir…

On se trouve ici devant un « phénomène qui n'a aucun précédent historique, qui est totalement nouveau. Car s'il y a eu dans le passé des crimes aussi ou peut être plus graves que ceux commis aujourd'hui par Israël, il n'y a jamais eu l'indifférence et l'apathie, et même la tolérance et la bienveillance montrées à leur égard par les gouvernants, les centres de décision, les médias et même la majorité des opinions publiques du monde entier ! Donc, aucune comparaison avec les réactions des contemporains des nazis face aux crimes perpétrés par le Troisième Reich. Même si la majorité de leurs réactions étaient motivées non pas par l'antifascisme mais par un patriotisme anti-allemand, le fait est que, quand ils étaient connus, les crimes des nazis étaient presque unanimement condamnées, comme d'ailleurs ceux perpétrés plus tard par les États-Unis au Vietnam ou la France en Algérie.

Et maintenant ? Comment réagit la soi-disant « communauté internationale » face aux crimes en série d'Israël ? Dans la majorité des cas, elle réagit par un silence assourdissant. Pas un mot. Ses médias et ses autorités préfèrent ne rien dire. Alors, on parle à dessein de tout sauf des hécatombes quotidiennes en Palestine. On commente abondamment des histoires à dormir debout, on s'exaspère du sort des otages israéliens, et on s'apitoie a longueur de journée sur une victime d'un fait divers mais on passe sous silence la mort des dizaines, des centaines et des dizaines de milliers de Palestiniens de Gaza et des Territoires Occupées. Car manifestement il y a des morts qui pèsent bien moins que d'autres... ou ne pèsent rien du tout…

Mais, il y aussi ceux qui en parlent. Sauf qu'ils le font d'une façon bien... bizarre. En réalité, ils en parlent pour ne rien dire. À l'instar de leurs collègues poutinistes qui pérorent sur la guerre... « défensive » que mène la Russie en Ukraine, ils abondent eux aussi en « analyses » truffées de très savantes considérations « géostratégiques » sur le prétendu sens profond des opérations (militaires et autres) d'Israël, mais évitent soigneusement de parler de l'essentiel : des victimes humaines et de leurs bourreaux, des civils, surtout des femmes et des enfants bombardés et massacrés par dizaines de milliers. En somme, ils brouillent les cartes, afin de semer la confusion et ne pas nommer ni le criminel et ses crimes, ni ses victimes et leurs souffrances indicibles . Faisant preuve d'un cynisme et d'un amoralisme sans pareil, ces « analystes » et autres journalistes et « experts » en mission commandée, inaugurent ainsi une ère nouvelle : celle des sociétés monstrueuses où sont mal vues sinon bannies et criminalisées la compassion, la fraternité et la solidarité entre les humains. En somme, des sociétés totalement inhumaines condamnées à disparaître tôt ou tard dans un paroxysme de violence aveugle...

Ceci étant dit, il reste de réfléchir sur le présent et l'avenir des protagonistes de cette tragédie sans fin : les Israéliens et leur État. La parole donc à l'indomptable Israélien qu'est le célèbre journaliste et écrivain Gideon Levy, dont les prises de position plus que courageuses et toujours contre le courant ne font que sauver l'honneur non seulement des Juifs mais aussi de toute l'humanité. Voici donc son dernier et si terrible texte que nous avons traduit en français, publié il y a quelques jours dans le quotidien Haaretz. Il assène des vérités premières et existentielles à ses compatriotes...


Les Israéliens doivent se demander s'ils sont prêts à vivre dans un pays qui vit dans le sang
Il faudra des générations pour que Gaza se rétablisse, si tant est qu'elle le puisse.
par Gideon Levy

Israël se transforme, à une vitesse alarmante, en un pays qui vit de sang. Les crimes quotidiens de l'occupation ont déjà perdu de leur pertinence. Au cours de l'année écoulée, une nouvelle réalité de massacres et de crimes d'une toute autre ampleur est apparue. Nous sommes dans une réalité génocidaire ; le sang de dizaines de milliers de personnes a coulé.

C'est le moment pour tous les Israéliens de se demander s'ils sont prêts à vivre dans un pays qui vit dans le sang. Ne dites pas qu'il n'y a pas de choix - bien sûr qu'il y en a un - mais nous devons d'abord nous demander si nous sommes prêts à vivre ainsi.

Sommes-nous prêts, nous les Israéliens, à vivre dans le seul pays au monde dont l'existence est fondée sur le sang ? La seule vision répandue en Israël aujourd'hui est de vivre d'une guerre à l'autre, d'une saignée à l'autre, d'un massacre à l'autre, avec des intervalles aussi espacés que possible. Les gens pleins d'espoir promettent de longs intervalles, tandis que la droite promet une réalité sanguinolente permanente : la guerre, les massacres, la violation systématique du droit international, un État paria, se répétant dans un cycle sans fin.

Les Palestiniens continueront à être massacrés et les Israéliens continueront à fermer les yeux ? Difficile à croire. Un jour viendra où davantage d'Israéliens ouvriront les yeux et reconnaîtront que leur pays vit dans le sang. Sans effusion de sang, nous dit-on, nous n'avons pas d'existence - et nous sommes en paix avec cette horrible déclaration.

Non seulement nous croyons qu'un tel pays ne peut pas exister éternellement, mais nous sommes convaincus que sans l'offrande de sang, il n'a pas d'existence. Tous les trois ans, une saignée à Gaza, tous les quatre ans, au Liban. Entre les deux, il y a la Cisjordanie et, occasionnellement, une sortie de sang vers d'autres cibles. Il n'y a pas d'autre pays comme celui-là dans le monde.

Le sang ne peut pas être le carburant du pays. De même que personne n'imaginerait conduire une voiture alimentée par du sang, aussi bon marché soit-il, il est difficile d'imaginer que 10 millions d'habitants acceptent de vivre dans un pays qui fonctionne au sang. La guerre à Gaza marque un tournant. Est-ce ainsi que nous continuerons ?

Les médias tentent de nous faire croire qu'il s'agit d'une nécessité. Grâce à des campagnes qui diabolisent et déshumanisent les Palestiniens, un chœur unifié et monstrueux de commentateurs réussit à nous vendre l'idée que nous pouvons vivre pour l'éternité dans le sang. 'Nous tondrons l'herbe' à Gaza tous les deux ans, nous exécuterons génération après génération de jeunes opposants au régime, nous emprisonnerons des dizaines de milliers de personnes dans des camps de concentration, nous expulserons, nous abattrons, nous exproprierons et, bien sûr, nous tuerons, et c'est ainsi que nous vivrons : dans le pays du sang.

Nous avons déjà tué le peuple palestinien. Nous avons commencé par le massacre de Gaza, et maintenant nous nous tournons vers la Cisjordanie. Là aussi, le sang coulera à flots, si personne n'arrête le bataillon. Le massacre est à la fois physique et émotionnel. Il ne reste plus rien de Gaza.

Les détenus, les orphelins, les traumatisés, les sans-abri ne redeviendront jamais ce qu'ils étaient. Les morts ne le seront certainement pas. Il faudra des générations pour que Gaza se remette, si tant est qu'elle le puisse. Il s'agit d'un génocide, même s'il ne répond pas à la définition légale. Un pays ne peut pas vivre sur une telle idéologie, et certainement pas s'il a l'intention de continuer à le faire.

Supposons que le monde continue de l'autoriser. La question est de savoir si nous, les Israéliens, sommes prêts à l'accepter. Combien de temps pourrons-nous vivre en sachant que notre existence dépend du sang ? Quand nous demanderons-nous s'il n'y a vraiment pas d'alternative à un pays de sang ? Après tout, il n'y a pas d'autre pays comme celui-ci.

Israël n'a jamais sérieusement essayé une autre voie. Il a été programmé et dirigé pour se comporter comme un pays qui vit du sang, et ce encore plus après le 7 octobre. Comme si ce jour terrible, après lequel tout est permis, avait scellé son destin de pays du sang.

Le fait est qu'aucune autre possibilité n'a été évoquée. Mais un pays de sang n'est pas une option, tout comme une voiture alimentée au sang n'est pas une option. Lorsque nous nous en rendrons compte, nous commencerons à chercher des alternatives, ne serait-ce que par manque d'autres options. Elles sont là et attendent d'être testées. Elles peuvent nous surprendre, mais dans la réalité actuelle, il est impossible même de les suggérer.

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Toute accusation est un aveu : Israël et le double mensonge des « boucliers humains ».

1er octobre 2024, par Craig Mokhiber — , ,
De nombreux rapports d'organismes de défense des droits de l'homme montrent que les groupes armés palestiniens n'utilisent pas de boucliers humains, mais qu'Israël le fait. Les (…)

De nombreux rapports d'organismes de défense des droits de l'homme montrent que les groupes armés palestiniens n'utilisent pas de boucliers humains, mais qu'Israël le fait. Les fausses allégations d'Israël sur les boucliers humains palestiniens ne sont que des tentatives pour justifier son propre ciblage des civil·es.

Tiré de l'Agence Média Palestine
21 septembre 2024

Par Craig Mokhiber

Un Palestinien blessé attaché à l'avant d'un véhicule militaire israélien et l'utilise comme bouclier humain, Jénine, 22 juin 2024. (Photo : Social Media)

La prétendue pratique des « boucliers humains » est l'un des arguments les plus fréquemment déployées dans l'arsenal de la hasbara israélienne.

Depuis des décennies, Israël utilise systématiquement ce ressort de propagande pour justifier ses crimes de guerre, rejeter la responsabilité de ses crimes sur d'autres, contourner le principe de distinction du droit humanitaire, déshumaniser les victimes palestiniennes et armer ses mandataires occidentaux et les médias complices de munitions pour protéger l'impunité israélienne.

Mais une série d'enquêtes internationales révèle deux conclusions claires sur ces accusations :
Premièrement, les groupes armés palestiniens n'utilisent généralement pas de boucliers humains.
Et, deuxièmement, Israël le fait.

Le droit international

L'expression « boucliers humains » désigne une violation particulière du droit international humanitaire et des droits de l'homme. Cette pratique est strictement interdite en toutes circonstances.

Comme le résume le commentaire du CICR, qui fait autorité en la matière, il s'agit du « regroupement intentionnel d'objectifs militaires et de civil·es ou de personnes hors de combat dans l'intention spécifique de tenter d'empêcher que ces objectifs militaires soient pris pour cible ». (« Les personnes hors de combat » comprennent les combattant·es qui ont déposé les armes, les prisonnier·es, les malades et les blessé·es, etc.)

Le cas classique est celui où un groupe de soldat·es force des civil·es de l'autre camp à marcher devant elles et eux dans une zone de combat ou dans une structure non sécurisée, dans l'espoir que l'ennemi ne tirera pas sur les soldat·es de peur d'atteindre les civil·es.

Mais Israël, avec son allégation systématique de « boucliers humains » chaque fois qu'il tue un grand nombre de civil·es et détruit des infrastructures civiles protégées, ne tient pas compte de cette définition. Au lieu de cela, il étend simplement la phrase à tous les décès de civil·es. Sans preuve, les politicien·nes occidentales·aux complices, leurs porte-parole officiel·les et les médias répètent consciencieusement le mantra d'Israël, encore et encore, du bouclier humain.

Pour Israël, les réfugié·es qui vaquent à leurs occupations quotidiennes dans les camps de réfugiés, les patient·es et les médecins dans les hôpitaux, les personnes qui prient dans les églises et les mosquées, et les travailleur·euses humanitaires qui distribuent de la nourriture aux affamé·es sont tous·tes des boucliers humains.

Peu importe qu'elles et ils n'aient pas été contraint·es par le Hamas et qu'elles et ils ne se soient pas porté·es volontaires pour protéger qui que ce soit ni quoi que ce soit. Et peu importe qu'il n'y ait souvent aucun objectif militaire légitime (ou proportionné) dans les situations où Israël invoque les boucliers humains.

Si ces civil·es sont tués par des bombes ou des balles israéliennes, selon le récit israélien, c'est de leur propre faute ou de celle du Hamas, parce qu'elles et ils vivent dans les mêmes endroits densément peuplés.

Mais la simple présence de forces armées ou de membres de l'ennemi dans des zones civiles peuplées ne constitue pas l'utilisation de boucliers humains. Par ailleurs, Israël devrait examiner attentivement les implications de ses propres affirmations, étant donné qu'il maintient son quartier général militaire dans un quartier animé de la ville de Tel-Aviv.

La présence de combattant·es dans un lieu civil protégé ne supprime pas non plus le statut de protection de ce lieu. On peut voir des soldat·es israélien·nes dans tous les hôpitaux israéliens. Cela fait-il de ces hôpitaux une cible militaire légitime ? Bien sûr que non. Refuser la même protection aux Palestinien·nes constitue à la fois une grave violation du droit humanitaire et (que les journalistes occidentales·aux prennent note) un acte de racisme flagrant.

Il va sans dire que ce n'est pas ainsi que fonctionne le concept de bouclier humain dans le droit international.
En prétendant que c'est le cas, Israël et ses mandataires occidentaux ignorent volontairement trois éléments gênants : La logique, les faits et le droit.

La pratique d'Israël de ciblage les civil·es

Tout d'abord, l'acceptation de ces affirmations exige que les mandataires souples d'Israël en Occident ignorent des décennies d'expérience et de nombreux éléments de preuve recueillis selon lesquels Israël ne fait souvent aucune distinction entre les civil·es et les combattant·es dans ses activités militaires et, dans de nombreux autres cas, prend directement pour cible les civil·es et les infrastructures civiles.

Israël attaque régulièrement des hôpitaux, des écoles, des abris et des camps de réfugié·es. Ses tireur·ses d'élite et ses drones traquent et exécutent les civil·es. Ses armes guidées par l'intelligence artificielle, qui portent des noms cruels tels que « Où est papa », sont conçues pour attendre que les cibles soient chez elles avec leur famille avant de les bombarder. Elles abattent même des civil·es brandissant des drapeaux blancs, y compris des enfants et des femmes. Ces pratiques criminelles sont bien connues et bien documentées par les enquêtes successives des Nations unies et des organisations internationales, israéliennes et palestiniennes de défense des droits de l'homme.

Mais la logique même des boucliers humains repose sur l'idée de dissuasion, c'est-à-dire que les soldat·es hésiteront à tirer si des civil·es sont en danger. Une telle logique n'existe pas avec une force militaire comme celle d'Israël qui ne fait pas de distinction entre les civil·es et les combattant·es et qui pratique régulièrement le ciblage direct des civil·es.

En effet,la doctrine israélienne Dahiya, sur la base de laquelle Israël procède depuis longtemps à la destruction massive et intentionnelle de zones civiles afin de terroriser les populations civiles, est la preuve qu'Israël ne peut être dissuadé par l'utilisation de boucliers humains palestiniens ou libanais. La vague actuelle de génocide perpétrée par Israël à Gaza ne laisse aucun doute sur sa volonté de tuer intentionnellement et sans hésitation des civil·es palestinien·nes. La directive Hannibal, en vertu de laquelle Israël tue ses propres citoyen·nes (soldats et civil·es) pour les empêcher d'entraver ses objectifs militaires, signifie qu'il ne sera peut-être même pas dissuadé par l'utilisation d'un bouclier humain composé de ses propres citoyens.

Étant donné que les groupes qui contestent Israël en sont parfaitement conscientes, pourquoi essaieraient-elles d'utiliser une tactique qu'elles savent inutile ? La réponse est qu'elles ne le font pas. Ainsi, l'accusation de boucliers humains ne résiste pas à l'épreuve de la logique.

Mais elle échoue également au test de la loi. Tout d'abord, les situations dans lesquelles Israël prétend que des boucliers humains sont utilisés ne peuvent pas être considérées comme des cas de boucliers humains selon la définition juridique internationale décrite ci-dessus. En clair, et comme cette définition l'indique clairement, la simple présence de combattant·es à proximité ne transforme pas magiquement les civil·es en boucliers humains.

Par conséquent, l'accusation d'Israël concernant les boucliers humains n'a généralement aucun fondement juridique.

Deuxièmement, Israël allègue l'existence de boucliers humains pour tenter de retirer la responsabilité de ses forces et de les exonérer de toute responsabilité juridique. Mais ce qui leur échappe, c'est que même si des boucliers humains étaient utilisés, cela ne réduirait pas les obligations légales des attaquant·es.

En fait, les allégations d'utilisation de boucliers humains ne justifient pas une attaque contre des civil·es sans les contraintes imposées par le droit international humanitaire et le droit international des droits de l'homme, et l'attaquant reste responsable, même si l'utilisateur des boucliers humains l'est également.

L'attaquant doit toujours respecter les principes de précaution, de distinction et de proportionnalité pour éviter de blesser des non-combattant·es. En d'autres termes, la déclaration de boucliers humains n'est pas une excuse applicable en vertu du droit international.

Par conséquent, en droit, même en présence de boucliers humains, la tentative de rejeter la faute sur le tireur et de l'exonérer de toute responsabilité échoue.

Les Palestinien·nes n'utilisent pas de « boucliers humains », mais Israël le fait

Et puis il y a l'épineux problème des faits.

Israël n'a produit, lors de ses attaques récentes et en cours contre Gaza, aucune preuve crédible de l'utilisation de boucliers humains par les palestinien·nes. Il s'appuie au contraire sur la répétition par cœur et sans esprit critique de cette accusation par ses soutiens et mandataires occidentales·aux et par les sociétés de médias favorables à Israël.

Cela ne veut pas dire qu'aucun·e combattant·e palestinien·ne n'a jamais utilisé de boucliers humains dans l'histoire. Mais l'accusation selon laquelle elles et ils le font régulièrement ou systématiquement est une accusation sans preuve, et une accusation régulièrement brandie non pas pour demander des comptes aux contrevenant·es, mais plutôt pour justifier la perpétration de crimes de guerre israéliens.

Dans le même temps, nous avons tous vu les vidéosde soldat·es israélien·nes utilisant des Palestinien·nes comme boucliers humains à Gaza (et en Cisjordanie). Nous avons vu de nos propres yeux des images de Palestinien·nes (souvent des enfants) attaché·es au capot de jeeps militaires israéliennes, forcé·es de marcher devant une colonne de soldat·es israélien·nes ou de conduire les soldat·es dans des bâtiments ou d'autres structures. Cette pratique est aussi ancienne que l'État d'Israël lui-même.

Lors de chaque attaque israélienne successive contre des communautés palestiniennes, le schéma est le même : Israël accuse les Palestinien·nes d'utiliser des boucliers humains, les organisations internationales et les groupes de défense des droits de l'homme enquêtent, et les enquêtes révèlent que la partie qui utilise systématiquement des boucliers humains n'est pas la Palestine, mais Israël.

En effet, le groupe israélien de défense des droits de l'homme B'Tselem a documentél'utilisation répétée par Israël de boucliers humains au moins depuis 1967. Les enquêtes menées par Amnesty International et Human Rights Watch sur les attaques menées par Israël dans le cadre de l'opération « Plomb durci » à Gaza ont montré qu'Israël avait utilisé des boucliers humains (y compris des enfants), mais n'ont trouvé aucune preuve que des groupes palestiniens l'avaient fait.

De même, les commissions d'enquête des Nations unies qui ont enquêté sur les attaques israéliennes massives contre Gaza en 2008-2009 et en 2014 ont examiné les affirmations d'Israël et n'ont trouvé aucune preuve de l'utilisation de boucliers humains par les Palestiniens. Le Comité des droits de l'enfant des Nations unies a constaté « l'utilisation continue (par Israël) d'enfants palestinien·nes comme boucliers humains » entre 2010 et 2013. Le rapporteur spécial des Nations unies sur le terrorisme a fait le même constat.

L'enquête d'Amnesty International sur les attaques israéliennes « Plomb durci » fait état d'une constatation typique : « Dans plusieurs cas, les soldat·es israélien·nes ont également utilisé des enfants palestinien·nes comme boucliers humains ». Cependant, contrairement aux allégations répétées des responsables israéliens concernant l'utilisation de « boucliers humains », Amnesty International n'a trouvé aucune preuve que le Hamas ou d'autres combattant·es palestinien·nes aient agi de la sorte.

Et dans le rapport sur les « meurtres sous drapeau blanc » de civils palestiniens, Human Rights Watch a confirmé qu'« Israël affirme que le Hamas a combattu à partir de zones peuplées et a utilisé des civils comme “boucliers humains” — c'est-à-dire qu'il a délibérément utilisé des civils pour dissuader les attaques contre les forces palestiniennes… Human Rights Watch n'a trouvé aucune preuve que les victimes civiles (dans son enquête) ont été utilisées par les combattant·es palestinien·nes comme boucliers humains ».

Mais la pratique israélienne de l'utilisation de boucliers humains est de notoriété publique en Israël et fait depuis longtemps l'objet d'un débat public. Des soldat·es israélien·nes, s'adressant à l'organisation israélienne Breaking the Silence, ont eux-mêmes avouécette pratique répandue. Les médias israéliens en ont fait état, notamment dans un article paru le mois dernier dans Haaretz. L'armée israélienne a même défendu publiquement son « droit » à utiliser des boucliers humains dans des procès israéliens successifs. Bien entendu, les cas où elle a perdu son argumentaire n'ont eu que peu d'impact sur l'armée, qui continue la pratique jusqu'à aujourd'hui.

Ainsi, les tactiques de désinformation de la hasbara israélienne ont constitué un pilier important de sa stratégie de destruction de Gaza depuis le début de la vague actuelle de génocide à Gaza, il y a près d'un an. Les fausses accusations de bouclier humain ont été la clé de ces tactiques.

Mais cette tromperie s'effondre même après un examen superficiel. Si les politicien·nes et les journalistes occidentales·aux faisaient preuve d'un minimum de diligence avant de répéter les affirmations israéliennes, si elles et ils les soumettaient aux tests du droit, des faits et de la logique, la vérité serait rapidement révélée. La partie qui utilise régulièrement des boucliers humains est Israël, pas la Palestine.

Un adage veut que dans le discours public sur la Palestine, « chaque accusation israélienne est un aveu ». Le double mensonge des boucliers humains en est un exemple.

Craig Mokhiber est un avocat international spécialisé dans les droits de l'homme et un ancien haut fonctionnaire des Nations unies. Il a quitté l'ONU en octobre 2023, après avoir rédigé une lettre ouverte mettant en garde contre un génocide à Gaza, critiquant la réaction internationale et appelant à une nouvelle approche de la Palestine et d'Israël fondée sur l'égalité, les droits de l'homme et le droit international.

Traduction : JB pour l'Agence Média Palestine

Source : Mondoweiss

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Assemblée générale des Nations unies 2024 : Israël fait fi des efforts de paix alors que les alliés et les dirigeants mondiaux exigent des cessez-le-feu

La guerre d'Israël contre Gaza et l'escalade de la violence au Liban n'ont pas réussi à faire bouger les choses. Lors de la 79e Assemblée générale des Nations unies, qui se (…)

La guerre d'Israël contre Gaza et l'escalade de la violence au Liban n'ont pas réussi à faire bouger les choses. Lors de la 79e Assemblée générale des Nations unies, qui se tient au siège de l'ONU à New York, les dirigeants du monde entier ont continué à lancer des appels passionnés en faveur de l'arrêt de la guerre d'Israël contre Gaza et de l'escalade de la violence au Liban.

Tiré de France Palestine Solidarité. Photo : Mahmoud Abbas, président de l'Etat de Palestine, prend la parole à la 79ème session de l'Assemblée générale des Nations unies © UN Photo/Loey Felipe.

Le dirigeant palestinien Mahmoud Abbas est monté sur scène avec une annonce pleine de défi.

« Nous ne partirons pas. Nous ne partirons pas. Nous ne partirons pas. La Palestine est notre patrie. C'est la terre de nos pères, de nos grands-pères. Elle restera la nôtre et si quelqu'un devait la quitter, ce serait les usurpateurs qui l'occupent », a déclaré M. Abbas.

Le dirigeant palestinien a interpellé les personnes présentes dans la salle sur ce qu'il a appelé les « mensonges » d'Israël devant le Congrès américain quelques mois auparavant, en leur demandant qui était responsable de la mort de 15 000 enfants palestiniens, si ce n'est Israël.

Il a déploré la centaine de familles qui ont été complètement éliminées de Gaza, la propagation de la famine et des maladies, les dizaines de milliers de morts et les dommages incalculables causés à l'enclave assiégée.

« Arrêtez ce crime. Arrêtez maintenant. Arrêtez de tuer des enfants et des femmes. Arrêtez le génocide. Arrêtez d'envoyer des armes à Israël. Cette folie ne peut plus durer. Le monde entier est responsable de ce qui arrive à notre peuple à Gaza et en Cisjordanie ».

Mais les appels répétés des nations occidentales et des plus proches alliés d'Israël sont restés lettre morte.

Plus tôt dans la journée de mercredi, le président français Emmanuel Macron s'est lui aussi longuement exprimé sur Gaza. Décriant les pertes dévastatrices de plus de 41 000 Palestiniens, il les a qualifiées d'« outrage à l'humanité tout entière ».

Le président, qui avait appelé à une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU plus tard dans la journée pour faire face à l'escalade de la crise au Liban et s'assurer qu'une « voix diplomatique » soit entendue, a souligné qu'il s'agissait d'un appel urgent pour éviter une conflagration régionale.

« Israël ne peut pas, sans conséquence, étendre ses opérations au Liban. La France exige que chacun respecte ses obligations le long de la ligne bleue ».

Pousser à la paix

Des réunions entre les États-Unis et l'administration Biden ont débouché mercredi sur une initiative franco-américaine en faveur d'une trêve de 21 jours entre Israël et le Hezbollah, mais cette initiative a été catégoriquement rejetée jeudi par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.

Haaretz a rapporté jeudi que M. Netanyahou s'était d'abord engagé verbalement auprès des États-Unis, mais qu'il était revenu sur sa décision après avoir essuyé des critiques de la part de certaines factions de sa coalition gouvernementale.

L'Assemblée générale des Nations unies se tient cette semaine à la suite de frappes aériennes meurtrières menées par Israël le long de la frontière sud du Liban et dans plusieurs banlieues de Beyrouth, ainsi que du déploiement récent de brigades supplémentaires de l'armée à la frontière nord.

Les frappes aériennes israéliennes sur le Liban ont déjà tué plus de 600 personnes.

La demande de trêve a reçu le soutien de plusieurs pays, dont les États-Unis, l'Australie, le Canada, l'Union européenne et plusieurs pays du Moyen-Orient, appelant en outre au « soutien immédiat des gouvernements d'Israël et du Liban ».

Le président français Macron a averti que la poursuite de l'agression israélienne pourrait engendrer « une source dangereuse de haine et de ressentiment, mettant en péril la sécurité de tous, y compris celle d'Israël ».

« La France veillera à ce que tout puisse être fait pour que le peuple palestinien puisse enfin avoir un État. Aux côtés d'Israël », a ajouté M. Macron.

Plusieurs groupes ont organisé des manifestations devant le siège de l'ONU jeudi, bien que le discours du premier ministre israélien ait été reporté à vendredi. La presse israélienne rapporte à présent que le voyage aux États-Unis du dirigeant contesté pourrait être purement et simplement annulé.

La position de l'Europe

L'atmosphère de l'assemblée générale est restée tendue, les dirigeants soulignant le besoin critique de solidarité et de mesures unifiées comme seul moyen de rétablir la paix.

S'exprimant au nom de l'Union européenne, Charles Michel, le président du Conseil européen, a également exhorté Israël à œuvrer en faveur d'une solution pacifique à ce qui ressemble désormais à une guerre sur deux fronts, Gaza et le Liban.

« Je dis ceci au gouvernement d'Israël : il est impossible d'essayer d'obtenir la sécurité sans la paix. Sans paix, il ne peut y avoir de sécurité durable. Un monde animé par la vengeance est un monde moins sûr ».

M. Michel a déclaré que « la sécurité de tous les Juifs » serait compromise si les Palestiniens n'avaient pas leur propre État et que cela conduirait également à « l'affaiblissement du système international qui ne peut être soutenu par une politique de deux poids, deux mesures ».

Au cours des onze derniers mois, les États-Unis, Israël et l'Occident en général ont été accusés par le reste du monde de n'appliquer le droit international que lorsque cela les arrangeait.

Dans un discours qui a duré plus de 15 minutes, le président espagnol Pedro Sanchez a réaffirmé l'attachement de son pays aux valeurs internationales, aux principes du droit international et à une gestion responsable sur la scène mondiale.

M. Sanchez a souligné la foi inébranlable de l'Espagne dans l'obligation de rendre des comptes et dans la lutte sans relâche contre l'impunité, en insistant sur le rôle essentiel que jouent des institutions telles que la Cour internationale de justice (CIJ) et la Cour pénale internationale (CPI) dans l'exercice de la justice et la réparation des préjudices subis par les victimes.

La CIJ examine actuellement une affaire présentée par l'Afrique du Sud accusant Israël de génocide, et le procureur général de la CPI, Karim Khan, a demandé des mandats d'arrêt contre le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le ministre de la défense Yoav Gallant.

Les deux institutions ont été critiquées et menacées par Israël et les États-Unis.

M. Sanchez a ensuite insisté sur la nécessité d'une réponse collective à l'escalade de la violence au Moyen-Orient. La position de l'Espagne sur la guerre de Gaza, a-t-il déclaré, « est restée la même depuis octobre » 2023 et s'aligne sur ses propres principes. « L'Espagne défend la paix, les droits de l'homme et un ordre international fondé sur des règles.

Plus loin dans son discours, M. Sanchez a souligné la nécessité impérieuse de s'attaquer aux causes profondes du conflit israélo-palestinien, déclarant qu'il était « largement temps » de mettre en œuvre une solution à deux États et soulignant que la paix et la sécurité ne pouvaient être obtenues que par le dialogue et le respect du droit international.

La paix et la démocratie dans le monde, comme l'a noté le président, sont soumises à de fortes pressions. « Ce même système multilatéral est celui que le monde a construit, brique par brique, sur les cendres de la barbarie », a-t-il averti.

La réaffirmation de la reconnaissance de la Palestine par l'Espagne, en mai dernier, a constitué un moment clé de son discours.

Le président a déclaré que cette décision reflétait le soutien massif du peuple espagnol. « Cette reconnaissance vise uniquement à promouvoir la paix dans la région », a-t-il affirmé.

Jeudi, le dirigeant palestinien Abbas s'est fait l'écho du statut de membre de l'ONU de la Palestine en demandant : « Que nous manque-t-il pour être assis parmi vous ? Que nous manque-t-il pour être sur un pied d'égalité avec les 194 États membres officiels de l'ONU ? »

M. Abbas a plaidé pour que la résolution récemment adoptée à une écrasante majorité sur l'occupation des territoires palestiniens par Israël ne soit pas vaine.

« Sur les 1000 résolutions prises sur le peuple palestinien depuis 1948 jusqu'à aujourd'hui, pas une seule n'a encore été mise en œuvre ».

Traduction : AFPS

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Une base de données complète sur les résolutions de l’ONU relatives aux sanctions et aux embargos

1er octobre 2024, par Agence Média Palestine — , , ,
L'ONG de défense des droits de l'homme Law for Palestine (L4P) lance ce 24 septembre une base de données qui recense l'entièreté des résolutions décisives de l'ONU de sanctions (…)

L'ONG de défense des droits de l'homme Law for Palestine (L4P) lance ce 24 septembre une base de données qui recense l'entièreté des résolutions décisives de l'ONU de sanctions et d'embargos pris contre les États qui violent les normes juridiques internationales.

L'initiative vise à fournir aux États, aux organisations de la société civile et aux chercheur·ses un vaste registre, allant de 1948 à nos jours, permettant de considérer l'éventail d'actions possibles et pouvant servir de référence pour traiter les violations d'Israël.

« Cette base de données met en lumière à la fois les pratiques internationales antérieures et la responsabilité actuelle de mettre fin à cette situation illégale, notamment par l'imposition d'embargos sur les armes et de sanctions », a déclaré Anisha Patel, membre du conseil d'administration de Law for Palestine. « En présentant les résolutions adoptées par l'Assemblée générale des Nations Unies, y compris la plus récente, le 17 septembre 2024, nous souhaitons soutenir les efforts de responsabilisation et faire pression pour que des mesures efficaces soient prises contre les violations du droit international. »

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Liban, Gaza et Jordanie : les mouvements de colons affichent leurs projets

La colonisation de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est occupée est un processus en cours depuis 57 ans. Au cours des dernières années et encore plus au cours des derniers mois, (…)

La colonisation de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est occupée est un processus en cours depuis 57 ans. Au cours des dernières années et encore plus au cours des derniers mois, le nombre de colons implantés dans ces territoires a connu une augmentation exponentielle.

Tiré de France Palestine Solidarité. Les auteurs sont de Middle east eye.

Il y a désormais 600 à 800 000 colons dans le Territoire Palestinien Occupé, dont au moins 200 000 dans les quartiers et les extérieurs de Jérusalem-Est occupée. La guerre génocidaire menée contre le peuple palestinien dans la Bande de Gaza a permis à une multitude de leaders politiques israéliens d'officialiser leurs projets de recolonisation de Gaza. Ce même contexte a vu surgir des mouvements de colons appelant à l'occupation et à la colonisation du Sud-Liban et de la Jordanie.

Bande de Gaza

A Gaza, les appels à la colonisation constituent un élément clé de la guerre génocidaire. Les troupes israéliennes mettent constamment en avant la symbolique coloniale et les références aux colonies de Gush Katif, un ensemble d'implantations coloniales israéliennes dans le sud de l'enclave gazaouie, démantelées en 2005 par le gouvernement israélien.

Ces dizaines de soldats israéliens ne sont pas esseulés. Ils bénéficient du soutien et de la mobilisation de pans entiers de la classe politique israélienne. Les soutiens à la recolonisation de Gaza s'expriment des mouvements de colons jusqu'au conseil des ministres israélien, en passant par une grande partie des partis politiques de droite et de dizaines de députés du parlement israélien. Au début de l'année 2024, le ministre de la Sécurité Intérieure a déclaré :

« Ils m'ont dit : nous retournerons à Gush Katif. et je leur ai retorqué : pas seulement à Gush Katif, nous coloniserons dans tout Gaza. »Quelques semaines plus tard, les organisations de colons et les partis de l'extrême droite ont organisé, à Jérusalem, la "Conférence pour la victoire d'Israël - La colonisation apporte la sécurité : Retour dans la bande de Gaza et le nord de la Samarie".

Ces mêmes projets politiques ont pu être exprimées au cours de la « Marche pour Gaza », organisée en mai 2024.

Au cours de cette manifestation, le Député du Likoud, Amit Halevi, a déclaré que la voie privilégiée devait être la réoccupation et la recolonisation intégrale de Gaza. « Plus seulement Gush Katif, mais plutôt 3,4,5 grandes villes comme Ashkelon qui devront être bâties sur la route jusqu'à Rafah ».

Sud du Liban

En parallèle de la guerre génocidaire menée à Gaza, les mouvements de colons se font de plus en plus pressants quant à la colonisation du Sud du LibanEn décembre 2023, un journal sioniste religieux israélien avait annoncé la création future de cinq colonies qui seraient implantées dans « les nouvelles frontières nord d'Israël » qui correspond au territoire du Sud du Liban.Quatre mois plus tard, un mouvement appelant à la colonisation du Liban est officiellement né, le « Mouvement pour la Colonisation du Sud du Liban ».

Enfin à la fin du mois de septembre 2024, le mouvement a publié un projet de carte des colonies israéliennes au sud du Liban. Ce projet montre l'étendue territoriale de cette entreprise coloniale et met en lumière sa volonté de remplacement puisque les noms des colonies sur la carte, sont simplement des versions traduites en hébreu des noms des villes et villages libanais où s'implanteraient les potentielles futures colonies.

Jordanie

Contrairement à Gaza ou au sud du Liban, les volontés d'expansion coloniales en Jordanie n'ont que très rarement été publiquement affichées par les mouvements de colons. Mais l'été 2024 a marqué un tournant. L'inexorable avancée du processus de colonisation de la Cisjordanie occupée, et plus particulièrement de la Vallée du Jourdain, a légitimé et rendu possible les velléités expansionnistes des leaders colons dans la région.Depuis le mois d'août 2024, des affiches ont été placardées dans la Vallée du Jourdain et des distributions de tracts ont eu lieu dans les colonies de la région. Dans quel but ? Appeler à coloniser la « East Bank » la vallée orientale du Jourdain, en d'autres termes la Jordanie.

Sources : Younis Tirawi / Oren Ziv / Middle East Eye / Breaking The Silence / B.M. / Quds News NetworkPhoto : Younis Tirawi

Compilation de photographies de soldats israéliens posant fièrement avec les drapeaux du Gush Katif et affichant des banderoles appelant à la recolonisation de Gaza.

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La Chine change de stratégie pour relancer sa croissance

1er octobre 2024, par Romaric Godin — , , ,
La banque centrale chinoise a annoncé une série de mesures monétaires de grande ampleur pour soutenir le crédit, le secteur immobilier et les marchés financiers. Le signe d'une (…)

La banque centrale chinoise a annoncé une série de mesures monétaires de grande ampleur pour soutenir le crédit, le secteur immobilier et les marchés financiers. Le signe d'une forme de panique de Pékin face à l'affaiblissement de la croissance et à l'épuisement de son modèle économique.

Tiré d'Europe solidaire sans frontière.

Trois ans après la faillite du plus grand promoteur immobilier chinois Evergrande, Pékin sort le « bazooka » monétaire pour tenter de stopper l'affaiblissement continu de son économie. Mardi 24 septembre 2024, la Banque populaire de Chine (BPC), la banque centrale du pays, a annoncé une série de mesures de soutien massif à l'économie dans une mise en scène particulièrement rare.

Le gouverneur de la BPC, Pan Gongsheng, a convoqué une conférence de presse inopinée pour dérouler son plan. D'abord, une baisse du taux de refinancement à sept jours des banques, l'équivalent du taux directeur chinois, de 1,7 % à 1,5 %. Cette mesure devrait conduire à un recul des taux à moyen et long terme.

En parallèle, et pour la première fois, la BPC a doublé cette baisse des taux par une baisse des réserves obligatoires des banques de 1 000 milliards de yuans (environ 128 milliards d'euros) et par une baisse du taux de crédit immobilier pour les crédits en cours. Cette dernière mesure devrait, selon Pan Gongsheng, soutenir les revenus de 150 millions de personnes à hauteur de 150 milliards de yuans (environ 19,1 milliards d'euros).

Le plan de la BPC inclut également le soutien direct aux rachats des terrains des sociétés d'immobilier en difficulté par le secteur privé, venant compléter les 300 milliards de yuans (environ 38,2 milliards d'euros) accordés en mai aux autorités locales pour racheter les logements non vendus. Les mesures prises en 2021 par le gouvernement central pour freiner la spéculation immobilière, notamment la surcharge sur les rachats de résidences secondaires, sont abolies.

Enfin, la BPC a annoncé qu'elle mettait en place un programme de liquidité de 500 milliards de yuans, soit environ 63,8 milliards d'euros, pour les acteurs des marchés financiers chinois, compagnies d'assurance, fonds de gestion, courtiers. Ces acteurs pourront venir piocher dans cette facilité en plaçant des actions en garantie.

Pan Gongsheng a d'ores et déjà promis que, si cette mesure était un succès, 500 milliards de yuans supplémentaires pourraient être débloqués. Et pour faire bonne mesure, les autorités chinoises ont annoncé discuter d'un « fonds de stabilisation » pour « soutenir le marché financier ». En tout, ce serait là encore 1 000 milliards de yuans qui seraient injectés dans le système financier chinois.

L'ampleur de la crise chinoise

Toutes ces mesures ont logiquement réjoui les opérateurs boursiers chinois et, plus largement, asiatiques. L'indice CSI de Shanghai a bondi de 4,3 %, par exemple. Mais l'ampleur de l'annonce, que ce soit en termes de fonds injectés comme en termes de diversité des mesures, semble surtout montrer qu'une forme de panique s'est emparée des autorités de Pékin.

Depuis trois ans, la crise immobilière pèse lourdement sur la croissance chinoise. Avec la fuite en avant du pays dans la spéculation immobilière, qui s'est accélérée en 2015-2016 lorsqu'il a dû prendre des mesures contre la surproduction industrielle, construction et immobilier ont représenté jusqu'à 30 % du PIB chinois.

La faillite d'Evergrande à l'automne 2021 s'est propagée aux autres grands promoteurs ayant le même modèle économique (payer les constructions en cours avec les paiements des constructions futures) a logiquement donné un coup d'arrêt aux programmes immobiliers. Beaucoup d'acheteurs se sont retrouvés sans fonds et sans logements, conduisant à une baisse des ventes, soit faute de moyens, soit par précaution. Les prix se sont alors effondrés, conduisant à de nouvelles faillites qui ont fini par peser sur le secteur de la construction.

Pendant longtemps, Pékin a pris des mesures de stabilisation minimales et les autorités se sont toujours refusées à reconnaître le sérieux de la situation. L'effet négatif sur les revenus et la confiance des ménages s'est diffusé et a commencé à peser sur la demande intérieure. La baisse des prix a alors commencé à se généraliser. En 2023, le déflateur du PIB, c'est-à-dire l'évolution des prix s'appliquant à l'ensemble de l'économie, a reculé de 0,5 %. Cette amorce de déflation a pesé sur la rentabilité du secteur privé chinois, ce qui a conduit à une demande encore plus faible.

Pour contrer le phénomène, les autorités de Pékin ont répondu en accélérant les investissements dans les technologies de pointe et en relançant le moteur des exportations. La Chine a cherché à tirer profit de ses tensions internes en exportant sa surcapacité à des coûts très bas. La stratégie a partiellement fonctionné : les exportations chinoises ont, selon le Fonds monétaire international (FMI), gagné, en 2023, 1,5 point de part de marché par rapport à la période 2017-2019.

L'ennui, c'est que ces gains de part de marché affaiblissent la demande des autres économies, par exemple l'Allemagne en Europe, sans régler les problèmes internes, puisqu'ils se font à des prix bas. En parallèle, les investissements massifs dans les technologies de pointe peinent à produire des effets macroéconomiques concrets : ce secteur ne peut pas être un moteur de l'activité globale.

L'affaiblissement de la croissance

Résultat : la croissance n'a cessé de s'affaiblir. Au deuxième trimestre 2024, le PIB chinois a progressé de 4,7 % sur un an, bien en deçà des attentes des économistes à 5,1 %. Ce niveau met en doute l'objectif gouvernemental de 5 % pour l'ensemble de l'année. La croissance est très fortement portée par les investissements publics dans les transports et les infrastructures, mais l'investissement privé, lui, est pratiquement stagnant.

La situation n'est pas tenable en l'état. La croissance repose sur la construction publique de capacités déjà excédentaires dans les infrastructures et l'industrie. L'effet d'entraînement de ces mesures est quasiment inexistant : elles permettent tout juste de maintenir une forme de statu quo qui, dans le contexte chinois, signifie une croissance de 5 %. Le chiffre du deuxième trimestre vient même prouver que cette stabilisation n'est pas acquise. Certains économistes prédisent une croissance qui n'excédera pas 4 % cette année.

Un tel décrochage est inadmissible pour le pouvoir central chinois, dont l'objectif est de rejoindre les puissances occidentales en termes de PIB par habitant. Aujourd'hui, ce ratio en parité de pouvoir d'achat représente, en Chine, 30 % de celui des États-Unis. Pékin ne peut donc espérer rattraper son retard avec une croissance de 4 %, supérieure de 1,5 point à celle des États-Unis. Autrement dit : pour sortir du « piège du revenu moyen » que Xi Jinping redoute depuis son arrivée au pouvoir, il faut maintenir un taux de croissance élevé.

L'objectif semble de moins en moins tenable. Ce même Xi Jinping a dû même implicitement reconnaître ce fait le 12 septembre dans un symposium à Lanzhou. Il n'y a pas évoqué l'objectif des 5 %, mais a indiqué que la Chine devait « aspirer à remplir les objectifs et les tâches de développement économique et social pour l'année ». Ce changement sémantique subtil a beaucoup inquiété les observateurs. Il traduisait sans doute une forme de panique.

Le risque est que la spirale déflationniste s'accélère et que l'ensemble du secteur privé chinois tombe en récession. Les remontées du terrain sont fort inquiétantes. Ainsi, le quotidien de Hong Kong South China Morning Post relate, mardi 24 septembre, la situation critique du secteur de la distribution chinoise d'automobiles. Le secteur est pris dans une logique de demande faible, de baisses agressives de prix et de surstockage. 138 milliards de yuans (environ 18 milliards d'euros) seraient déjà perdus par les entreprises.

Pour l'instant, la demande publique permet de réduire les effets sur l'emploi, mais le chômage des jeunes ne cesse d'augmenter. Malgré un changement de mode de calcul destiné à réduire le taux de chômage des 16-24 ans, celui-ci a bondi en août à 17,4 %, contre 13,2 % en juin. Plus la déflation sera forte, plus le maintien de l'emploi sera difficile. Or, ici, l'enjeu devient politique : le Parti communiste chinois s'appuie sur une promesse de prospérité et d'emploi qui semble de plus en plus difficile à tenir.

Panne de modèle économique

C'est dans ce contexte que Pékin a décidé de changer de stratégie et de reconnaître le caractère sérieux de la situation. Les mesures annoncées par la BPC visent à soutenir le secteur privé et à mettre fin aux difficultés du secteur immobilier. L'ambition principale est de créer un « choc de confiance » qui permette aux entreprises et aux consommateurs de reprendre leurs dépenses et de les financer par l'accès au crédit.

Sur le papier, ce réveil peut paraître bienvenu. Mais la réussite de la nouvelle stratégie chinoise reste très incertaine. Le problème de la Chine est plus structurel que conjoncturel, c'est un problème de modèle économique. La Chine reste plus que jamais l'atelier d'un monde en surproduction industrielle et son rythme de croissance dépend de la dépense publique, qui elle-même repose sur le succès des exportations.

Mais, pour maintenir son rythme d'accumulation du capital, les succès à l'export ne suffisent pas. La solution n'est-elle pas alors de soutenir la consommation des ménages en augmentant les salaires ? En réalité, cette option, qui a longtemps été un objectif, est difficilement réalisable pour le capitalisme chinois.

Les gains de productivité du pays sont trop faibles pour basculer vers un régime dominé par la consommation des ménages. La hausse de la consommation pourrait certes temporairement venir éponger la surcapacité industrielle, mais elle menacerait la compétitivité externe du pays, qui repose encore largement sur les coûts et conduirait à ajuster la dépense publique. En définitive, la croissance s'affaiblirait. C'est un phénomène bien connu en Occident dans les années 1970 : l'aboutissement du développement de la consommation de masse a été la désindustrialisation et l'affaiblissement du régime de croissance.

Pour sortir de cette contradiction, la Chine a déjà essayé la bulle immobilière, ce qui a encore aggravé la situation. L'idée de Xi Jinping de « développer les nouvelles forces productives », c'est-à-dire de faire de la Chine le centre des nouvelles technologies, a connu de beaux succès, mais il est illusoire de penser que ce secteur puisse se substituer aux secteurs traditionnels pour fournir des emplois et des revenus à la masse de la population. Le risque, là aussi, est de se retrouver face à une bulle.

L'annonce de Pan Gongsheng laisse presque penser que la BPC espère développer un régime de croissance fondé sur la financiarisation et le crédit. Mais là encore, faute de perspectives concrètes, la seule possibilité est celle d'une bulle financière qui, comme la bulle immobilière, viendra, in fine, rajouter une crise à la crise.

On compare souvent la situation actuelle de la Chine à celle du Japon des années 1990. La comparaison est en partie valable et conduit à douter du succès du « bazooka » monétaire. Au Japon, l'assouplissement monétaire n'a pas mis fin à la déflation, bien au contraire, précisément parce que les salaires étaient sous la pression de compétitivité externe.

Mais la crise chinoise est encore plus complexe, dans la mesure où la Chine n'a pas achevé son développement capitaliste et se retrouve face à des impasses qui sont celles des pays occidentaux avancés, comme la surcapacité industrielle, l'épuisement de la financiarisation et les limites de la croissance technologique.

La Chine avait réussi à déjouer toutes les crises depuis sa transition vers le capitalisme dans les années 1980. Elle avait évité le sort des pays de l'ex-URSS, n'avait pas été emportée par les crises de 2001 et 2008. Mais depuis une dizaine d'années, elle est rattrapée par la crise du capitalisme global, dont elle est devenue un maillon essentiel.

La vitesse de son développement a donc un revers : celui d'arriver plus rapidement, et bien trop tôt au goût de ses dirigeants, dans l'impasse où se trouvent les pays avancés. Le besoin continuel de croissance du capital s'oppose, en Chine comme ailleurs, aux conditions de sa réalisation. Il ne reste alors plus que la fuite en avant, pratiquée ici comme ailleurs.

Romaric Godin

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Northvolt annonce de nouvelles réductions, inquiétant les investisseurs

1er octobre 2024, par The Economist — , , ,
Présentation Northvolt, cette petite multinationale suédoise qui ne possède qu'une seule usine en production, cherche à devenir le fer de lance de la filière batterie de (…)

Présentation Northvolt, cette petite multinationale suédoise qui ne possède qu'une seule usine en production, cherche à devenir le fer de lance de la filière batterie de l'Union européenne tout en s'insérant en même temps dans celle nord-américaine par l'intermédiaire du Canada-Québec prêt à risquer des sommes faramineuses pour la soutenir. Le ralentissement inattendu du marché des véhicules électriques sur fond de compétition avec la Chine plus avancée technologiquement dans ce domaine, produisant à meilleur marché et dominant de loin le marché mondial met en évidence l'enflure de la stratégie de l'entreprise cherchant en même temps à construire la partie manufacturière de la filière de haut en bas (de la cathode au recyclage) et de s'implanter sur deux marchés majeurs. Il serait tout à fait logique pour l'entreprise de lâcher le morceau nord-américain si la pression des grands financiers mondiaux devenait trop forte.

Marc Bonhomme, 29/09/24.
Traduction : Marc Bonhomme

26 septembre 2024 | tiré de The Economist
Source : https://www.economist.com/business/2024/09/26/northvolt-announces-more-cuts-worrying-investors?etear=nl_business_7&utm_id=1928018

Northvolt avait tous les atouts d'un champion industriel. Les capitaux avaient afflué de titans de Wall Street tels que Goldman Sachs et BlackRock. Plusieurs gouvernements avaient béni ses projets en lui accordant de généreuses subventions et de gros clients s'étaient portés garants de sa technologie. Mais le 23 septembre, le fabricant suédois de batteries, âgé de sept ans, a annoncé qu'il suspendait les travaux dans l'une de ses nouvelles usines, qu'il ralentissait l'expansion de son unité de recherche et de développement et qu'il licenciait un cinquième de sa main-d'œuvre. Il s'agit de la deuxième série de réductions en un mois.

Peter Carlsson, le patron de Northvolt, a mis en cause "les vents contraires du marché de l'automobile et le climat industriel général". Les constructeurs automobiles, y compris Volkswagen, le plus grand investisseur de Northvolt, se sont heurtés à l'économie des véhicules électriques (VE), certains affichant des pertes dans leurs divisions électriques. La demande de véhicules électriques s'est ralentie, ce qui a entraîné une baisse de la demande de cellules qui les alimentent. Même les grands fabricants de batteries, comme le sud-coréen SKOn et LG Energy Solution, sont confrontés à des marges de plus en plus faibles. Northvolt a perdu 1,2 milliard de dollars US l'année dernière, soit quatre fois plus qu'en 2022.

Pourtant, le plus gros problème de Northvolt est auto-infligé. Alors que son financement cumulé sous forme de dette, d'actions et de subventions atteignait 15 milliards de dollars US l'année dernière, l'entreprise a multiplié les paris technologiques. Elle a développé une nouvelle batterie sodium-ion, investi dans des batteries à base de bois avec Stora Enso, une société papetière, et soutenu des batteries pour l'aviation par l'intermédiaire de Cuberg, une startup qu'elle a rachetée en 2021.

Elle a agrandi son centre de R&D et s'est lancée dans l'intelligence artificielle - en vogue auprès des investisseurs - en mettant en place une nouvelle équipe chargée des logiciels. Elle a soutenu Liminal, une startup spécialisée dans l'analyse des batteries, et s'est engagée dans des coentreprises telles qu'un centre de R&D avec Volvo Cars et une raffinerie de lithium portugaise. En raison de ces dépenses, 2023 a été son "année d'investissement la plus importante", a déclaré Northvolt, avec un investissement moyen de 200 à 300 millions de dollars par mois. L'objectif de Northvolt est de devenir rapidement un géant européen de la batterie intégré verticalement.

Avec des sites de production à forte intensité de capital au Canada, en Allemagne, en Pologne et en Suède, Northvolt espère disposer d'une capacité de production de cellules de plus de 150 gigawattheures (gwh) d'ici 2030, soit dix fois sa capacité actuelle. (Les sceptiques ont fait remarquer que si les 15 milliards de dollars de financement de Northvolt étaient allés aux fabricants de batteries en place, tels que les entreprises sud- coréennes possédant des usines en Europe, ils auraient pu presque doubler la capacité de fabrication de batteries de l'Europe, pour atteindre plus de 300 gwh).

Au lieu de cela, la jeune entreprise a été détournée de son objectif principal : produire des batteries pour les véhicules électriques dans les délais impartis. Le 20 juin, le constructeur automobile allemand BMW a annulé une commande de 2,1 milliards de dollars à Northvolt en raison des retards. Rien de tout cela ne devrait surprendre M. Carlsson : le rapport annuel de Northvolt fait état d'un risque de "dépassement du plan en raison de multiples projets d'expansion". Ces problèmes nuisent aux efforts déployés par l'Europe pour soutenir une industrie d'importance stratégique sur le continent.

Le contrôle des opérations tentaculaires de Northvolt permettra de réduire la consommation de liquidités, mais les investisseurs et les créanciers commencent à s'inquiéter. Northvolt compte des banques américaines comme JPMorgan Chase parmi les 25 prêteurs qui lui ont accordé un prêt de 5 milliards de dollars en janvier. Les créanciers devraient se réunir le 27 septembre pour décider si l'entreprise peut utiliser ce prêt. Ces derniers jours, certains prêteurs ont fait appel à des conseillers pour évaluer les options qui s'offrent à eux si la pénurie de liquidités s'aggrave. Pour éviter une grave crise de confiance, M. Carlsson devra commencer à livrer rapidement le carnet de commandes de Northvolt, qui s'élevait à 53 milliards de dollars l'année dernière. Dans le même temps, il devra réduire encore davantage la taille de l'entreprise surchargée.

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Projet de loi n°69 : le gouvernement doit faire les choses dans l’ordre, selon des groupes de la société civile

30 septembre 2024, par Front commun pour la transition énergétique — , ,
Montréal, le 26 septembre 2024 – Au lendemain de la fin des consultations particulières sur le projet de loi n°69, Loi assurant la gouvernanceresponsable des ressources (…)

Montréal, le 26 septembre 2024 – Au lendemain de la fin des consultations particulières sur le projet de loi n°69, Loi assurant la gouvernanceresponsable des ressources énergétiques et modifiant diverses dispositions législatives, des groupes issus de la société civile réitèrent leur demande de suspendre les procédures parlementaires sur ce projet de loi
et de le réviser de fond en comble, après un véritable débat public large sur l'énergie effectué dans le cadre d'une commission indépendante et lors de laquelle l'ensemble des voix de la société québécoise auront été entendues.

Ce débat public, réclamé de toutes parts depuis près de deux ans par de nombreux groupes et spécialistes, devrait constituer le socle sur lequel plusieurs scénarios de plan de gestion intégrée des ressources énergétiques (PGIRE) devront être élaborés et débattus en misant sur une approche systémique plutôt qu'une approche en silo. Ces scénarios devraient notamment inclure :

l'identification des véritables besoins en énergie pour réussir la décarbonation complète du Québec ;

les différents usages possibles de l'énergie ;
les multiples impacts de la production d'énergie sur le territoire ;
les mesures garantissant l'accès aux services énergétiques et un niveau de vie décent pour toutes et tous, en conservant les tarifs d'électricité à un niveau accessible pour les ménages à faible revenu pour répondre à leurs besoins essentiels ;
les options liées à la sobriété, la réduction de la demande, à l'efficacité énergétique et aux sources d'énergies renouvelables.

Ces scénarios devraient être débattus au sein d'une institution indépendante du gouvernement. Les groupes réitèrent leur offre de collaboration à cet égard.

Les groupes sont également préoccupés parles éléments suivants :

Ils doutent que le projet de loi permette la décarbonation du Québec et la protection du territoire. Si le présent est garant de l'avenir, rien ne permet de croire que l'avalanche de nouvelle puissance bénéficierait nécessairement aux entreprises existantes qui veulent verdir leurs opérations et à qui on refuse les quelques mégawatts nécessaires, comme les Forges de Sorel. Le PL-69 favorise plutôt de nouveaux projets industriels, souvent initiés par des multinationales ayant peu ou même rien à voir avec la décarbonation.

Des impacts importants sur les tarifs. L'ajout massif de capacités électriques favorisé par le PL-69 ferait inévitablement augmenter les tarifs résidentiels et commerciaux, puisque les nouvelles infrastructures coûtent beaucoup plus cher que les capacités existantes et que le gouvernement cherche à appâter les industries avec une électricité à rabais. Les commerces et les ménages, surtout les moins nantis, assumeraient ainsi une part disproportionnée des coûts de la transition.

Un projet de privatisation. Sous le prétexte d'accélérer l'ajout de capacités énergétiques sans preuve à l'appui, le PL-69 ouvrirait des brèches béantes dans le caractère public du secteur électrique québécois, et ce, sans l'aval de la population. En 1962, nous avons collectivement rejeté la mainmise du privé sur l'électricité lors d'une élection référendaire qui a façonné le Québec d'aujourd'hui. De la même façon, nos décisions d'aujourd'hui façonnent le Québec de demain.

Un projet de loi qui ne priorise pas la sobriété énergétique, bien que cela permette de minimiser la construction de nouvelles infrastructures et ainsi contrôler les coûts de production, l'impact tarifaire et les impacts sur le territoire.

Pour toutes ces raisons, nous demandons au gouvernement de mettre le PL-69 de côté, le temps d'élaborer collectivement une politique énergétique et un PGIRE, un outil demandé depuis longtemps par les groupes, qui exprimera clairement la volonté de la population quant à son avenir. Les groupes insistent sur la nécessité que cette politique énergétique et ce PGIRE soient adoptés à la suite d'un véritable débat public. Il sera ensuite possible d'enchâsser la volonté de la population dans une loi qui serait le fruit d'un véritable processus démocratique.

Signataires :

Mélanie Busby, Front commun pour la transition énergétique

Bruno Detuncq, Regroupement vigilance énergie Québec (RVÉQ)

Émilie Laurin-Dansereau, ACEF du Nord de Montréal

Maxime Dorais, Union des consommateurs

Michel Jetté, GroupMobilisation (GMob)

Alice-Anne Simard, Nature Québec

Patricia Clermont, Association québécoise des médecins pour l'environnement (AQME)

Charles-Edouard Têtu, Équiterre

Jacques Lebleu, Mobilisation environnement Ahuntsic-Cartierville

Shirley Barnea, Pour le futur Montréal

Jean-Pierre Finet, Regroupement des organismes environnementaux en énergie

Pour la liste complète des signataires.

Immigration : vers une Europe forteresse ?

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Mycea Thebaudeau, stagiaire d’Alternatives en Tunisie Les dangers liés à l’externalisation du régime de contrôle des frontières européennes (Extrait d’un rapport rédigé par l’autrice pour le Forum Tunsien pour les Droits Economiques et Sociaux (FTDES) qu’on peut lire en suivant le lien ici). Le (…)
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Gauche.media est un fil en continu des publications paraissant sur les sites des médias membres du Regroupement des médias critiques de gauche (RMCG). Le Regroupement rassemble des publications écrites, imprimées ou numériques, qui partagent une même sensibilité politique progressiste. Il vise à encourager les contacts entre les médias de gauche en offrant un lieu de discussion, de partage et de mise en commun de nos pratiques.

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