Presse-toi à gauche !
Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...

Démanteler l’USAID : le cadeau en or de Donald Trump à Xi Jinping

En supprimant d'un trait de plume la totalité du programme USAID d'aides américaines au développement, le 47è président américain Donald Trump se tire une balle dans le pied en offrant un cadeau en or à son homologue chinois Xi Jinping à qui il ouvre la voie pour relancer à bon compte une vaste opération de séduction auprès des pays pauvres mis en difficulté.
Tiré de Asialyst
14 février 2025
Par Pierre-Antoine Donnet
Source : Politico. Légende : Des manifestants devant le siège de l'USAID à Washington. DR
USAID, l'Agence des États-Unis pour le développement International, créée en 1961, est l'organisme du gouvernement américain chargé du soutien aux pays pauvres et de l'aide humanitaire dans le monde. Ses financements représentent les deux-tiers de l'aide publique au développement américaine, soit quelque 43 milliards de dollars en 2024 versés pour soutenir les populations de 120 pays et régions tels que l'Ukraine, Gaza, le Soudan, l'Afghanistan, le Bangladesh ou le Pakistan. USAID centre ses actions sur l'aide humanitaire et représente 42% des financements publics mondiaux dans ce domaine.
La fermeture de ces milliers de programmes d'aide à travers la planète non seulement met en danger des vies humaines mais elle va sans nul doute porter un coup terrible à l'image des États-Unis et à son soft power, déjà sérieusement mis à mal par les extravagances de Donald Trump depuis son retour à la Maison-Blanche le 20 janvier dernier.
Un « nid de vipères marxistes »
Le démantèlement d'USAID représente « l'une des pires et plus coûteuses bourdes de politique étrangère de l'histoire américaine », a réagi, dans la presse américaine, son ex-cheffe Samantha Power. Pis, cela mettrait « en péril des millions de vie, des milliers d'emplois aux États-Unis (…) et compromet gravement notre sécurité nationale et notre influence dans le monde – et pendant ce temps les [dirigeants] extrémistes et autoritaires se réjouissent », dit-elle.
Sitôt nommé à la tête du département de l'Efficacité gouvernementale (DOGE), Elon Musk a accusé l'agence d'être une « organisation criminelle » et « un nid de vipères marxistes qui détestent l'Amérique […] qui doit mourir », tout en prédisant sa fermeture prochaine. Chose faite le 7 février.
Les médias anglo-saxons regorgent de critiques acerbes contre cette annonce. Certains analystes réputés soulignent que Washington joue contre son camp au profit de la Chine qui ne manquera pas d'en profiter pour redoubler de critiques contre l'égoïsme américain et surtout marquer des points sur la scène internationale. « Les Etats-Unis cèdent du terrain à la Chine en s'infligeant une blessure à eux-mêmes » car « la suspension soudaine des fonds pour le développement représente pour Pékin une opportunité parfaite pour s'emparer du vide ainsi créé et renforcer son soft-power », souligne le 7 février le quotidien britannique The Guardian.
L'annonce de Donald Trump prévoit la suspension pour une période initiale de 90 jours de l'USAID et son rattachement ultérieur aux services du département d'État qui gèrera lui-même au cas par cas les aides étrangères en fonction des intérêts du pays. Cette suspension a semé la confusion avec la mise à pied immédiate de ses employés et le chaos dans certains pays où des populations font face désormais à la famine ou la mort faute de soins désormais non financés.
Un cadeau livré à la Chine sur un plateau d'argent
Les États-Unis livrent « sur un plateau d'argent à la Chine une opportunité parfaite pour étendre leur influence à un moment où l'économie chinoise ne va pas très bien », estime Huang Yanzhong, professeur expert de la santé dans le monde au Council on Foreign Relations, un think tank américain sans couleur politique ayant pour but d'analyser la politique étrangère américaine et la situation politique mondiale. « Ce que fait Trump est en réalité de donner à la Chine une opportunité pour repenser et rénover ses projets de soft power et revenir ainsi sur les rails de son leadership global », ajoute-t-il, cité par le journal.
Très largement distancée par les Etats-Unis dans le domaine de l'aide au développement, Pékin a créé en 2018 une agence, la China International Development Cooperation Agency, dont l'objectif est de coordonner ses programmes d'aide au développement qui se traduisent surtout par des investissements et des prêts dans le cadre de son programme pharaonique des Nouvelles routes de la soie (Belt and Road Initiative ou BRI). Le montant de ses aides au développement demeure confidentiel mais elles se concrétisent surtout sous la forme de prêts. Une étude du William & Mary's Global Research Institute estime que la Chine a prêté quelque 1 300 milliards de dollars entre 2000 et 2021 à des pays émergents ou en développement, la plus grande partie des pays signataires de la BRI.
Les « Gardes rouges technocrates » du gouvernement fédéral
La charge contre la décision américaine est beaucoup plus forte dans la bouche de Huang Yasheng (黄亚生), un professeur renommé d'origine chinoise membre de la International School du Massachusetts Institute of Technology (MIT). « L'Amérique est désormais plongée dans une situation plus périlleuse que jamais. Oubliez la croissance économique ou l'inflation ; elles ne sont plus que secondaires. La sécurité de l'Amérique est en ce moment sabotée par un hubris qu'elle s'inflige à elle-même devant nous », dit-il sur X (ex-Twitter).
« Oui, il y a des problèmes, des inconvénients, un formalisme qui ne plaît pas à tout le monde et des déchets. Nous devrions toujours réfléchir sur la façon d'améliorer notre gouvernement. Mais tout ceci ne représente que des bugs et non des fondamentaux qui sont le prix que nous payons pour éviter que les avions ne tombent du ciel, que les virus ne se répandent pas partout ou que des produits chimiques ne contaminent pas nos eaux », ajoute ce professeur très respecté, ancien étudiant de Harvard.
« Ce que font ces Gardes rouges technocrates au gouvernement fédéral [américain] revient à éviscérer les fonctions du gouvernement, des fonctions que nous avons tous pris pour argent comptant mais qui auront des conséquences horribles », estime-t-il, reprenant le nom donné à l'époque par Mao Zedong à ses jeunes partisans fanatiques pendant la Révolution culturelle (1966-1976), sans jamais citer nommément Donald Trump ou Elon Musk.
Tom Wang, directeur général de l'ONG basée à Manille People of Asia for Climate Solutions spécialisée sur le changement climatique, met en garde contre un narratif « simpliste » qui se bornerait à présenter une Chine qui remplacerait les Etats-Unis en une nuit. « Il ne s'agit pas seulement de la disparition d'argent mais celle de l'expérience », explique-t-il dans le même quotidien. « Le plus gros impact [de la décision de Donald Trump] est l'anxiété ». « D'un seul coup, vous ne pouvez plus continuer votre travail […] en tant qu'activiste d'une ONG pour le climat, cela fait très peur », souligne-t-il.
Mais pour George Ingram, chercheur au Brookings Institution Centre for Sustainable Development, l'un des plus anciens think tanks américains spécialisé dans la recherche scientifique, et ancien responsable de USAID, « Les États-Unis et l'Europe, le Canada, l'Australie, le Japon, nous observons un grand intérêt pour le fait de vivre dans un monde de démocraties et d'économies libérales ». « La Chine tout comme la Russie s'efforcent de mettre en avant un monde autoritaire. C'est l'exact contraire de nos intérêts », souligne-t-il, cité par The Guardian.
Une initiative à l'opposé du slogan « Rendre sa grandeur à l'Amérique »
Non sans ironie, le Nikkei Asia souligne, quant à lui, que « la mise à mort de l'USAID » va « accélérer le retrait de l'Amérique », une politique pourtant à l'opposé du slogan de Trump « Rendre sa grandeur à l'Amérique » (MAGA : Make America Great Again). Dien Luong, expert des médias et chercheur associé dans une université de Singapour, explique dans les colonnes du journal le 7 février que le risque induit par le démantèlement de l'USAID est de mettre à bas des décennies de confiance des pays de l'Asie du Sud-Est envers les États-Unis, en particulier le Vietnam.
« Le retrait brutal de Washington sabote ses engagements souscrits après la guerre [du Vietnam] dans le Partenariat global stratégique [signé récemment] avec le Vietnam. C'est également un signal éclatant du fait que les assurances de l'Amérique s'effacent au moment où Hanoi demeure l'un des rares pays d'Asie du Sud-Est encore en faveur d'un alignement avec Washington plutôt qu'avec Pékin », écrit-il.
« Cette crise s'étend bien au-delà du Vietnam. A travers l'Asie, ce précédent suscite une inquiétude plus profonde : la confiance envers les Etats-Unis disparaît rapidement. Et des signes montrent déjà que Pékin agit vite pour combler le vide », ajoute cet expert vietnamien. « En retirant le soutien américain, l'administration [Trump] ne fait pas que s'aliéner ses partenaires clé ; elle donne à la Chine sur un plateau d'argent la possibilité de renforcer sa présence en Asie » écrit encore cet expert. Le bimestriel américain Foreign Affairs n'est pas plus tendre en titrant le 6 février : « La stratégie chinoise de Trump : Pékin se prépare à tirer avantage du chaos ».
La Chine s'est préparée à contrer la politique de Donald Trump
Yun Sun, directeur du China Program au Stimson Center, un autre think tank américain non partisan qui analyse les questions liées à la paix mondiale, explique que les stratèges chinois s'activent depuis des mois déjà pour préparer leur pays face à une politique américaine qu'ils anticipaient plus dure encore avec le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche. Raison pour laquelle, la Chine a pris ces derniers mois des mesures d'apaisement avec ses voisins, en particulier l'Inde, le Japon et l'Australie.
Mais « les dirigeants chinois restent confiants dans le fait que même si l'économie de leur pays souffre [des sanctions américaines], quatre ans de Trump ne vont probablement pas plonger [la Chine] dans une crise ouverte », écrit-il dans la revue américaine. « Ils s'attendent à ce que si Trump applique les politiques qu'il a annoncées, telles que celles sur le commerce et l'expansion territoriale, il pourrait bien causer un tort grave à la crédibilité des États-Unis et son leadership global. Pékin voit de ce fait le second mandat de Trump comme une opportunité potentielle pour la Chine d'étendre son influence plus loin et plus vite encore », souligne-t-il.
Des conséquences directes pour la sécurité nationale américaine
Pour The Hill, média américain numérique basé à Washington spécialisé dans les relations internationales et la politique américaine, USAID a été l'un des instruments les plus puissants pour servir son influence dans le monde et un outil précieux pour contrer les ambitions chinoises, dont tout particulièrement son programme des Nouvelles Routes de la soie.
« En détruisant l'USAID, les Etats-Unis donnent à Pékin la chance d'étendre sans frein sa domination économique et politique », affirme le journal en ligne très influent au sein des élites américaines. « Avec le démantèlement de l'USAID, la capacité de la Chine d'imposer son rayonnement économique va s'accélérer. Les pays qui jusque-là avaient le choix entre un développement soutenu par l'Amérique et les prêts chinois n'auront plus qu'une option : Pékin », ajoute-t-il. « Ceci n'est pas qu'une inquiétude concernant la politique étrangère – cette question aura des conséquences directes pour la sécurité nationale des États-Unis. A fur et à mesure que la Chine prendra davantage le contrôle les routes commerciales mondiales, elle pourra renforcer la domination de ses infrastructures dans les conflits à venir », poursuit le journal en ligne.
« Une Chine plus enhardie, dotée de leviers économiques et militaires sur des dizaines de pays, rendra pour les Etats-Unis plus difficile de contrer l'assurance de Pékin en mer de Chine du Sud, à Taïwan et au-delà », explique encore The Hill. « La fermeture de USAID est plus qu'une décision budgétaire : elle marque le retrait de l'Amérique du leadership mondial », souligne The Hill, car « l'aide étrangère a été depuis longtemps un outil pour un engagement diplomatique, permettant aux États-Unis de forger des alliances, mettre en avant la bonne volonté, promouvoir la stabilité dans des régions vulnérables aux influences autoritaires ».
« Désormais, le message au monde est clair : l'Amérique se retire et la Chine est prête à combler le vide. La décision de Trump de fermer USAID n'est pas seulement une mesure pour réduire les coûts ; il s'agit d'un changement fondamental de la posture de l'Amérique. En l'absence d'une alternative conduite par les Etats-Unis, la diplomatie coercitive de Pékin va s'étendre sans entrave, laissant les nations vulnérables devant les pièges de la dette, les empiètements militaires et l'influence autoritaire », conclut le journal en ligne.
Un signe qui ne trompe pas : des millions d'internautes chinois ont, ces derniers jours, applaudi sur les réseaux sociaux les commentaires d'Elon Musk sur USAID et la décision de Donald Trump de démanteler l'organisation. Même le South China Morning Post, quotidien anglophone de Hong Kong aujourd'hui inféodé à Pékin n'a pas manqué de souligner dans son édition du 4 février que la décision de Donald Trump « pourrait permettre à la Chine de combler le vide grâce à la BRI ».
La Chine en sortira gagnante
A l'appui de ce commentaire, le journal cite le professeur Christopher Barret de l'université américaine Cornell pour qui « La Chine sera la gagnante » de la fermeture de USAID car elle s'efforce « d'accéder aux ressources vitales à l'étranger » et tente de « construire des alliances qui ne sont pas dans l'intérêt des États-Unis ». « Couper soudainement des projets essentiels pour sauver des vies est une bonne façon de provoquer un retour de bâton anti-américain. Un tel retrait du plus grand fournisseur mondial d'aides étrangères va entraîner un retrait similaire d'autres nations riches », ajoute ce professeur, cité aussi par le quotidien Financial Times dans son édition du 4 février.
A ceci s'ajoutent également les annonces spectaculaires sinon grotesques de Donald Trump sur son intention de transformer la bande de Gaza en une station balnéaire et de la vider de sa population palestinienne, de rebaptiser le Golfe du Mexique « Golfe de l'Amérique », de s'emparer du Groenland et du Canal de Panama, sans oublier le retrait de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et de l'Accord de Paris sur le Climat.
« Avec les Etats-Unis, la Russie et la Chine dirigés par des hommes aux ambitions expansionnistes, les implications sont sombres pour le système international actuel. Le monde pourrait bien passer d'une ère où les petits pays pouvaient demander une protection de la loi internationale à une autre où, comme le disait Thucydide, les puissants peuvent faire ce qu'ils veulent et les faibles souffrir comme ils le doivent », juge mardi 11 février le Financial Times dans un article intitulé « Trump, Poutine et Xi : le nouvel âge des empires » signé de son éditorialiste Gideon Rachman.
« Trump, Musk et leurs mignons de MAGA ont lancé une guerre idéologique contre l'ensemble de l'alliance démocratique avec des conséquences graves pour des milliers d'hommes et de femmes à travers le monde qui, chaque jour, mettent leur vie au service de la défense de la liberté, des droits humains et de la décence », déplore lundi 10 février Michael Cole, Senior Fellow au Macdonald-Laurier Institute, un think tank canadien pour la recherche, et au Global Taiwan Institute, autre think tank basé à Washington. « Cet assaut n'a jamais concerné la réduction des coûts ; il est idéologique. Aujourd'hui, les despotes à travers le monde se frottent les mains. Préparez-vous les amis : nous sommes sur le point d'entrer dans une ère sombre où les régimes répressifs vont s'en trouver confortés », ajoute ce géopoliticien.
Autant d'initiatives en effet, rocambolesques mais lourdes de conséquences, prises en quelques semaines à peine depuis l'investiture de Donald Trump qui ont tout lieu de réjouir le pouvoir communiste qui, probablement, n'en attendait pas tant. Ce dernier n'a maintenant plus qu'à attendre puisqu'elles risquent fort d'antagoniser une bonne partie du monde contre l'Amérique. Loin de se présenter comme le phare de la démocratie mondiale, celle-ci donne de plus en plus l'image d'un nouvel empire de l'argent haïssable dont la politique cardinale est celle de la loi du plus fort, laissant le champ libre à Pékin pour en tirer le plus grand profit possible.
Par Pierre-Antoine Donnet
*****
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

« Pire que la deuxième Intifada » : les réfugiés de Cisjordanie subissent l’offensive israélienne

Déplacés de Jénine et de Tulkarem, les Palestiniens affirment qu'Israël mène une campagne délibérée pour rendre invivables les camps de réfugiés du nord.
Tiré d'Agence médias Palestine.
Sameera Abu Rmeleh franchit des montagnes de gravats et de débris pour atteindre ce qui reste de sa maison dans le camp de réfugiés de Jénine. C'est une journée froide et pluvieuse dans le nord de la Cisjordanie, et le camp est presque méconnaissable. Du béton brisé, des voitures incendiées, des douilles de balles et des corps sans vie de chiens errants bordent les rues à perte de vue. À une centaine de mètres de là, des bulldozers et des véhicules blindés israéliens se déplacent avec détermination.
« Ce qui se passe actuellement est bien pire que la deuxième Intifada », déclare Abu Rmeleh. « C'est comme à Gaza : aucune des maisons du camp n'est plus habitable. Mais nous n'irons nulle part. Nous sommes prêts à vivre dans des tentes si nécessaire. Nous l'avons déjà fait. »
Abu Rmeleh fait partie des 20 000 Palestiniens déplacés de force de leurs foyers dans le camp de Jénine ces dernières semaines en raison d'une opération militaire israélienne en cours dans la région. Prenant le peu qu'elles pouvaient emporter, les familles ont fui à pied dans les premiers jours de l'invasion, le long d'un chemin de terre détruit par les bulldozers israéliens, tandis que les soldats bloquaient les entrées et les sorties du camp.
Depuis lors, les routes traversant le camp ont été détruites, y compris les principales voies d'accès à l'hôpital public de Jénine. Les forces israéliennes ont également détruit les infrastructures d'approvisionnement en eau, d'assainissement et de télécommunications, et ont même rasé un quartier résidentiel entier par des explosions contrôlées.
L'opération « Mur de fer » en est maintenant à sa cinquième semaine et s'est étendue à trois autres camps de réfugiés dans le nord de la Cisjordanie, déplaçant 20 000 personnes supplémentaires des camps de Tulkarem, Nur Shams et Al-Far'a. L'armée israélienne affirme cibler les groupes de résistance armés dans ces zones, mais n'a produit que peu de preuves de ses succès à cet égard. Et tandis que les soldats détruisent les infrastructures civiles sur le terrain, des avions de chasse et des drones lâchent des missiles depuis le ciel.
Comme beaucoup d'autres personnes déplacées du camp de Jénine, la famille d'Abu Rmeleh est hébergée par des amis et des proches dans la ville voisine. Mais même en dehors du camp, la sécurité est un concept fragile. Les habitants craignent des représailles israéliennes pour avoir hébergé des personnes déplacées par l'assaut. Des tireurs d'élite israéliens sont postés sur les toits du camp et aux alentours, surplombant les ruines. Des rapports récents indiquent que l'armée a donné aux troupes en Cisjordanie toute latitude pour tirer sur tout ce qui est jugé « suspect ».
Abu Rmeleh est consciente de ces risques, mais hausse les épaules lorsque je lui demande si elle craint de se faire tirer dessus en retournant au camp pour récupérer certains de ses effets personnels. « Je m'en fiche », dit-elle. « Je suis déjà morte. »
Non loin de là, un adolescent nommé Adham semble tout aussi impassible. Lors de l'attaque actuelle du camp, les forces israéliennes ont détruit la maison de sa famille et tué son ami Mohammed, âgé de 17 ans. Debout devant les ruines d'une maison, il secoue une bombe de peinture, laissant un nouveau graffiti sur les décombres. Autour de lui, certains des bâtiments démolis ont déjà été tagués par des soldats israéliens avec le slogan nationaliste hébreu « Am Yisrael Chai », faisant écho à des scènes similaires à Gaza.
Remarquant mon photographe et moi-même sur la route déserte à l'intérieur du camp, Adham nous tend un tract que l'armée israélienne avait distribué ici. Imprimé en arabe, on peut y lire : « Le terrorisme a détruit le camp. Rejetez les militants. Ils sont la cause de la destruction. C'est vous qui payez le prix de votre sécurité et d'une vie meilleure. »
Pour beaucoup à Jénine, ce message n'est ni nouveau ni convaincant. La plupart des habitants du camp sont les descendants de familles expulsées de la région de Haïfa par les milices sionistes et les forces israéliennes lors de la Nakba de 1948. Au fil des décennies, Jénine est devenue un épicentre du militantisme et de la résistance palestiniens, ses rues ayant été ravagées par des invasions et des sièges israéliens répétés, notamment lors de la deuxième Intifada au début des années 2000, lorsque les bombardements israéliens et les affrontements avec les combattants de la résistance ont dévasté le camp.
Alors que les forces de sécurité de l'Autorité palestinienne ont mené une campagne de six semaines pour réprimer les groupes armés et reprendre le contrôle du camp, le ministre de la Défense israélien a présenté cette dernière opération israélienne comme l'application des « leçons tirées » de Gaza. Et Israël envisagerait maintenant de rendre permanente sa présence dans le camp.
« Ce qui se passe ici est une version réduite de Gaza »
À l'entrée du camp, l'entrée de l'hôpital gouvernemental de Jénine est marquée par une fresque de Shireen Abu Akleh, journaliste d'Al Jazeera tuée par balle par les forces israéliennes en 2002 alors qu'elle couvrait une précédente incursion militaire dans le camp. À l'intérieur de l'hôpital, le Dr Mustafa Hamarsheh, directeur médical, décrit une situation de plus en plus intenable.
« Beaucoup de nos 500 membres du personnel ne peuvent même pas atteindre l'hôpital », explique-t-il : à moins d'arriver en ambulance, les troupes israéliennes les arrêtent fréquemment aux points de contrôle, les fouillent et les refoulent souvent. Au début de l'incursion, plusieurs membres du personnel médical ont été blessés lorsque les soldats ont encerclé l'hôpital, assiégeant l'établissement. L'armée s'est depuis retirée des lieux, mais la peur persiste.
« La plupart des patients ont tout simplement trop peur pour essayer de venir ici », explique Hamarsheh. « Notre capacité d'accueil est aujourd'hui réduite de 50 % ».
Depuis le début de l'année 2025, les forces israéliennes ont tué au moins 70 Palestiniens en Cisjordanie, dont 10 enfants, selon le ministère palestinien de la Santé. Rien qu'à Jénine, 38 personnes ont été tuées, dont un ami de Hamarsheh âgé de 70 ans qui avait fui le camp après l'incursion mais qui était revenu pour inspecter sa maison.
« Son âge ne faisait aucun doute ; il n'était clairement pas un combattant », dit Hamarsheh. « Pourtant, lorsqu'il est arrivé chez lui, les forces israéliennes l'ont tué. Il a reçu une balle dans l'abdomen et a été laissé là [se vidant de son sang] pendant une heure. Aucune ambulance n'a pu l'atteindre ; elles n'ont tout simplement pas pu passer. »
Bloquer les ambulances est une pratique courante, explique Hamarsheh. Les médecins sont obligés d'attendre aux points de contrôle, ce qui fait que les patients se vident de leur sang avant de pouvoir être évacués. La destruction des routes et des infrastructures ne fait qu'aggraver la crise.
« Ce qui se passe ici est simplement une version réduite de Gaza », dit-il. « Une campagne délibérée pour détruire, rendre la vie invivable et envoyer un message à tous les habitants du camp et de la ville : partez. Quittez la Cisjordanie. Allez ailleurs. »
Après avoir parcouru les rues autour de l'hôpital gouvernemental de Jénine, mon photographe et moi décidons d'essayer d'entrer dans la partie ouest du camp, le soi-disant « nouveau camp ». Ici aussi, des jeeps militaires israéliennes rôdent le long du périmètre, leurs moteurs vrombissant alors qu'elles sillonnent les rues. Alors que nous approchons, des habitants nous préviennent qu'il y a un tireur d'élite dans cette zone.
À la limite du camp, le propriétaire d'une petite supérette, qui a été déplacé de l'intérieur du camp mais qui tient maintenant son magasin à la frontière extérieure, aperçoit nos gilets de presse et nous fait signe d'entrer dans l'appartement derrière le magasin. Il appartient à sa mère, qui l'accompagne.
Sa voix se brise lorsqu'elle raconte ce qui est arrivé à sa fille l'un des premiers jours de l'incursion : elle était sortie d'une rue latérale près du magasin, et s'est retrouvée directement sur le chemin de soldats israéliens qui ont tiré une balle qui lui a déchiré le bras. Les chirurgiens l'ont recousue avec des plaques de platine, mais elle ne pourra plus jamais bouger sa main, dit la vieille femme en faisant défiler des photos du bras déchiqueté de la jeune fille.
Soudain, nous entendons des coups de feu. Cinq, peut-être six coups de feu retentissent juste devant la boutique. Nous sursautons. La famille se précipite vers l'arrière de l'appartement et nous la suivons. Le son – fort et perçant – indique que les coups de feu ont été tirés à quelques mètres de là.
Selon un échange dans un groupe WhatsApp local, les forces israéliennes tiraient sur des personnes qui tentaient de retourner dans le camp pour récupérer leurs affaires. Peu de temps après, une autre personne à vélo tente d'entrer et essuie une nouvelle rafale de tirs, qu'elle évite.
Pendant environ trois heures, nous restons à l'intérieur de l'appartement derrière la supérette, à l'abri avec la famille palestinienne. Dehors, les rues sont calmes, mais la tension est palpable. Après quelques concertations, les travailleurs du Croissant-Rouge nous escortent enfin hors du camp.
« Nous sommes livrés à nous-mêmes »
Fin janvier, l'opération militaire israélienne s'était étendue bien au-delà de Jénine. Le 29 janvier, une frappe aérienne israélienne a touché un quartier très peuplé du village de Tammoun, près du camp d'Al-Far'a, tuant au moins dix Palestiniens. Peu après, les forces israéliennes ont attaqué Qalqilya et sa périphérie, intensifiant l'offensive et renforçant le contrôle sur tous les principaux districts du nord de la Cisjordanie.
À Tulkarem, qui borde la Ligne verte entre Israël et la Cisjordanie, la situation n'est pas moins instable. Depuis le début de la guerre à Gaza, les bulldozers et les drones ont ravagé le camp de réfugiés à maintes reprises, endommageant les routes, les maisons et les devantures de magasins. L'extension de l'opération « Mur de fer » a déplacé les trois quarts de la population du camp au cours des dernières semaines.
Je visite la région pour la troisième fois depuis le 7 octobre, en compagnie de l'ONG allemande Medico. Cette fois-ci, les partenaires locaux de Medico, membres de Jadayel, le Centre palestinien pour l'art et la culture, distribuent des couvertures et des oreillers aux familles récemment déplacées. Ils opèrent indépendamment de l'Autorité palestinienne, invoquant sa bureaucratie comme un obstacle qui retarde inutilement la distribution de l'aide.
En chemin, je rencontre Muayyad Shaaban, le chef de la Commission de l'Autorité Palestinienne pour la Résistance à la Colonisation et au Mur. Il insiste sur le fait que l'Autorité Palestinienne fait ce qu'elle peut, distribuant 400 à 500 repas par jour aux familles déplacées du camp. Mais il n'hésite pas à appeler un chat un chat. « Il ne s'agit pas d'une opération de sécurité, mais d'une opération politique », dit-il, en faisant valoir que la plupart des personnes tuées et blessées dans les camps n'avaient rien à voir avec la résistance armée. « Tout cela fait partie du cadeau de Netanyahu à l'extrême droite en échange du cessez-le-feu à Gaza : il donne à [Bezalel] Smotrich tout ce qu'il veut. »
Shaaban suggère que l'opération militaire en cours dans le nord de la Cisjordanie prépare en réalité le terrain pour quelque chose de bien plus important : l'annexion. Et les pièces du puzzle s'assemblent. L'intensification de la violence des colons soutenus par l'État a contraint plus de 50 communautés rurales palestiniennes à fuir leurs terres depuis le 7 octobre, et les colons ont établi plus de 40 nouveaux avant-postes au cours de la même période.
Pendant ce temps, l'une des premières mesures prises par Donald Trump à son retour à la Maison Blanche a été d'annuler les sanctions de l'administration Biden contre Amana, une importante organisation de développement des colons. Ces jours-ci, les Palestiniens soupçonnent de plus en plus que Washington pourrait bientôt reconnaître officiellement la souveraineté israélienne sur la Cisjordanie, reconnaissant ainsi sur la scène internationale ce qui est depuis longtemps une politique israélienne d'annexion de facto.
Dans un centre d'hébergement de Shweikeh, dans la banlieue nord de Tulkarem, un homme nommé Bahazat Dheileh décrit les difficultés croissantes pour acheminer des fournitures aux personnes dans le besoin. Les demandes les plus urgentes des familles déplacées, dit-il, concernent le lait maternisé et les couches.
Selon Dheileh, les forces israéliennes ont empêché les familles de prendre quoi que ce soit avec elles alors qu'elles fuyaient le camp. Cela a aggravé une situation humanitaire déjà désastreuse, tout comme le blocage par Israël de l'Office de secours et de travaux des Nations unies (UNRWA), qui a rendu la distribution de l'aide plus fragmentée que jamais.
Non loin de là, dans le jardin à l'arrière de la maison de son frère, Abdellatif Sudani regarde dans le vide. Il y a trois semaines, il a finalement quitté le camp de Tulkarem avec son fils et sa fille. Il avait insisté pour rester lors de chaque précédente incursion israélienne, ignorant les avertissements de partir, mais cette fois-ci, c'est différent. « Les rumeurs disaient que l'armée prévoit de rester », dit-il.
Mais ce n'est pas ce qui l'a poussé à partir ; ce sont ses enfants qui l'ont convaincu. « Qui va nous protéger ? », demande-t-il d'une voix monocorde. « Nous sommes livrés à nous-mêmes. »
Hanno Hauenstein est un journaliste et auteur indépendant basé à Berlin. Ses travaux ont été publiés dans des publications telles que The Guardian, The Intercept et Berliner Zeitung.
Traduction : JB pour l'Agence Média Palestine
Source : +972 Magazine
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Cisjordanie : Israël vide des camps de réfugiés et interdit leur retour

Trois camps de réfugiés du nord de la Cisjordanie ont été vidés, selon une annonce du ministre israélien de la Défense Israël Katz. Le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, a déclaré que l'armée israélienne avait évacué de force 40 000 Palestiniens de trois camps de réfugiés en Cisjordanie. Il a donné l'ordre à l'armée de ne pas autoriser leur retour.
Tiré d'El Watan.
Voici les points clés de sa déclaration :
Déplacement forcé : Selon Israël Katz, 40 000 Palestiniens ont été évacués des camps de réfugiés de Jénine, Tulkarem et Nour Chams.
Ordre de non-retour : Le ministre a donné pour instruction aux soldats de rester dans les camps évacués pendant un an et de ne pas autoriser le retour des habitants.
Justification : Israël Katz a justifié cette mesure en affirmant qu'elle visait à empêcher la « résurgence du terrorisme » dans ces camps.
Cette déclaration a suscité de vives critiques de la part de la communauté internationale et des organisations de défense des droits humains. L'ONU a condamné ces évacuations forcées et a appelé Israël à respecter le droit international humanitaire.
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Les émirats rejettent enfin le plan de Trump pour Ghaza : Mohammed Ben Zayed désavoue son ambassadeur à Washington

Ce sommet qui avait pour principal ordre du jour de répondre au plan du président américain, Donald Trump, pour Ghaza, devait ne réunir initialement que l'Arabie Saoudite, l'Egypte, la Jordanie, les Emirats arabes unis (EAU) et l'Autorité palestinienne. Finalement, il va être « élargi aux six pays du Golfe », affirme l'AFP qui dit tenir l'information de deux diplomates arabes.
Tiré d'El Watan.
« Un responsable saoudien a indiqué sous le couvert de l'anonymat que "le mini-sommet arabe" aurait lieu le "21 février" et non le 20 comme prévu initialement, précisant qu'il "réunira les dirigeants des six Etats du Conseil de coopération du Golfe (CCG), ainsi que l'Egypte et la Jordanie, pour examiner les alternatives arabes aux projets de Trump pour Ghaza », indique l'agence française. Un autre diplomate arabe a soufflé à l'AFP qu'« un pays du Golfe influent a exprimé son mécontentement après avoir été exclu du sommet de Riyad, ce qui a poussé les organisateurs à inclure l'ensemble des pays du Golfe ». Cette source n'a pas précisé de quel pays il s'agissait.
Fin de la tournée de Marco Rubio
A retenir, par ailleurs, la position exprimée par les Emirats arabes unis qui ont officiellement informé, hier, le chef de la diplomatie américaine, Marco Rubio, de leur rejet du plan de Trump. Le président des Etats-Unis avait proposé, rappelle-t-on, de placer la bande de Ghaza sous contrôle américain et de la vider de ses habitants en transférant 2,4 millions de Palestiniens vers l'Egypte et la Jordanie principalement. Selon l'agence de presse émiratie (WAM), « Cheikh Mohammed Ben Zayed Al Nahyan, président des Emirats arabes unis, a reçu hier le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio ».
Les discussions ont porté, entre autres, sur « l'évolution de la situation au Moyen-Orient, en particulier dans les territoires palestiniens occupés, et sur les efforts déployés pour résoudre la crise dans la bande de Ghaza et ses répercussions sur la paix, la stabilité et la sécurité régionales », explique l'agence émiratie. Et de préciser dans la foulée que Mohammed Ben Zayed « a souligné la position ferme des Emirats arabes unis, qui rejettent toute tentative de déplacer le peuple palestinien de sa terre ». MBZ a fait savoir, en outre, à son hôte que « la reconstruction de Ghaza doit être liée à une voie menant à une paix globale et durable fondée sur la "solution des deux Etats" qui est la clé de la stabilité dans la région ».
La position officielle formulée par le chef de l'Etat émirati vient ainsi contredire celle énoncée par l'ambassadeur des Emirats à Washington, Youssef Al Otaïba il y a quelques jours, où il disait qu'il ne voyait pas d'alternative à la solution douteuse proposée par Trump, synonyme de deuxième Nakba. Il avait fait cette déclaration lors du Sommet mondial des gouvernements qui s'est tenu le 12 février à Dubaï. « Lorsqu'on lui a demandé si les Émirats arabes unis (EAU) travaillaient sur un plan alternatif à la proposition de M. Trump, M. Al Otaiba a répondu : "Je ne vois pas d'alternative à ce qui est proposé. Je n'en vois vraiment pas. Donc si quelqu'un en a une, nous sommes heureux d'en discuter, nous sommes heureux de l'explorer. Mais elle n'a pas encore fait surface », rapporte l'agence Anadolu. Donald Trump's memoirs
Al Sissi et Pédro Sanchez contre le plan de Trump
Abou Dhabi constituait la dernière étape de la tournée du secrétaire d'Etat américain au Moyen-Orient. M. Rubio est arrivé, hier matin, aux Emirats en provenance de l'Arabie Saoudite où il avait pris part à la réunion entre les délégations américaine et russe pour préparer un prochain sommet entre Trump
et Poutine.
Lors de son séjour à Riyad, Marco Rubio a rencontré lundi le prince héritier Mohammed Ben Salmane. Au cours de cet entretien, il a souligné « l'importance d'un accord pour Ghaza qui contribue à la sécurité régionale », relève un communiqué du département d'Etat. A l'entame de sa visite dimanche, M. Rubio s'était rendu à Jérusalem où il avait réitéré le soutien inconditionnel des Etats-Unis à Israël. A noter par ailleurs que le président égyptien, Abdel Fattah Al Sissi, en visite officielle en Espagne, a réaffirmé hier, avec le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez, leur rejet total du plan souhaité par Donald Trump. Al Sissi a lu une déclaration où il insisté sur « la nécessité de la reconstruction de Ghaza sans déplacement forcé – je le répète : sans déplacement forcé – du peuple palestinien de sa terre, à laquelle il s'accroche, et de sa patrie, qu'il ne consent pas à abandonner », rapporte l'AFP.
Fervent défenseur de la cause palestinienne, Pedro Sánchez a exprimé à son tour « le refus catégorique de l'Espagne et de son gouvernement (de donner leur approbation) au projet de transférer la population palestinienne en dehors de la bande de Ghaza ». Le Premier ministre espagnol a dit « soutenir, bien évidemment », la proposition égyptienne de reconstruction de la bande de Ghaza sans expulser sa population. Cette proposition fera l'objet d'un sommet extraordinaire de la Ligue arabe qui devait initialement se tenir le 27 février, au Caire, et qui a été reporté au 4 mars.
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Face aux menaces tarifaires, une vaste coalition appelle à rendre l’assurance-emploi plus accessible

MONTRÉAL, le 25 févr. 2025 - Les groupes de défense des sans-emploi, le Conseil national des chômeurs et chômeuses (CNC) et le Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi (MASSE), et les grandes centrales syndicales québécoises (FTQ, CSN, CSQ et CSD) demandent au gouvernement fédéral de mettre en place des mesures d'assouplissement et d'amélioration au programme d'assurance-emploi. Cette demande intervient dans un contexte d'insécurité politique et économique, alors que les effets des menaces tarifaires américaines se font déjà sentir.
Ensemble, ils pressent le gouvernement canadien à adopter un projet pilote visant à permettre au régime d'assurance-emploi de répondre rapidement aux besoins des travailleurs et des travailleuses qui vont ou qui sont susceptibles de perdre leur emploi. En ce sens, les mesures demandées visent à régler les problèmes d'admissibilité au régime et à désengorger un système déjà surmené.
« On sent déjà les impacts des menaces tarifaires, nos groupes locaux et régionaux reçoivent des appels tous les jours de personnes inquiètes ou qui ont déjà perdu leur emploi. Dans son état actuel, le régime d'assurance-emploi n'est tout simplement pas capable d'encaisser la crise qui s'en vient », s'inquiètent Selma Lavoie et Milan Bernard, co-porte-paroles du CNC. « On s'attend à des délais de traitement importants et à des milliers de travailleurs et de travailleuses qui vont perdre leur emploi et qui pourraient ainsi tomber entre les mailles du filet ».
Les groupes de défense des sans-emploi et les centrales syndicales appellent à mettre en place un projet pilote comprenant minimalement les mesures suivantes :
– Une norme universelle d'admissibilité de 420 heures ;
– Une augmentation du montant des prestations et l'établissement d'un seuil plancher à 500 $ ;
– Que l'exclusion pour fin d'emploi invalide ne s'impose que sur le dernier emploi occupé ;
– Permettre de recevoir des prestations plus tôt en simplifiant les règles régissant le traitement des indemnités de départ et autres sommes versées à la suite d'une cessation d'emploi.
Par ailleurs, des mesures similaires ont déjà fait leurs preuves lors de précédentes périodes de crise.
« C'est dans des moments d'incertitude comme ceux-ci que l'on doit avoir une protection sociale fiable et solide. En ce moment, ce sont uniquement 40% des chômeurs et des chômeuses qui se qualifient à l'assurance-emploi, le montant des prestations est insuffisant et les délais de traitements sont inadmissibles. C'est maintenant que le gouvernement doit agir », affirment à l'unisson Caroline Senneville, présidente de la CSN, Denis Bolduc, secrétaire général de la FTQ, Luc Beauregard, secrétaire-trésorier de la CSQ, et Luc Vachon, président de la CSD.
« En écartant la réforme de l'assurance-emploi, le gouvernement libéral s'est tiré dans le pied. On se retrouve à peine quatre ans après la pandémie, avec une protection en cas de chômage qui n'arrive pas à protéger les travailleurs et les travailleuses de manière adéquate », affirme Fanny Labelle porte-parole du MASSE. « On lui demande aujourd'hui d'ajuster le tir, de le faire rapidement et d'amener des changements sur le long terme. Les mesures qu'on demande sont capables de répondre à la crise qu'on traverse, mais aussi de régler les problèmes de fond du programme d'assurance-emploi ».
La coalition invite le gouvernement à mettre en place dès maintenant ces mesures, dans l'objectif de les pérenniser et de fournir aux travailleurs et aux travailleuses une réelle protection en cas de chômage.

Encore une fois, NON aux énergies fossiles !

Le 12 avril 2022, le Québec a interdit l'exploration et l'exploitation des combustibles fossiles sur son territoire. Sous la pression de la société, il a dit NON à Énergie Est, à GNL Québec et à son gazoduc.
Pipeline Énergie Est, GNL Québec, GAZODUQ : on pensait que tout cela était derrière nous.
Depuis quelques années, les citoyens et citoyennes, inquiets de la dégradation du climat planétaire, réussissent, en se mobilisant, à convaincre les pouvoirs publics de travailler dans la bonne direction : la réduction de l'empreinte carbone dans tous les domaines.
Le gouvernement fédéral s'est lui-même doté d'un objectif de décarbonation de l'économie.
Or nos voisins du sud ont élu Donald Trump.
La campagne de déstabilisation globale lancée par ce sinistre bouffon, sa cour de milliardaires et ses idéologues illibéraux devrait être pour nous l'occasion de revoir et de resserrer ces objectifs : si on laisse agir cette clique, la crise climatique va s'intensifier.
Mais la réaction de nos dirigeants est aberrante. Contre toute attente, contre toute logique, certains (y compris notre ministre de l'Environnement et de la Lutte au changement climatique) semblent voir d'un bon œil les nouveaux projets de transport de combustibles fossiles. Et cela même si le Québec copréside la BOGA (Beyond Oil and Gas Alliance), dont la mission est de faciliter l'élimination progressive de la production pétrolière et gazière.
De tels projets iraient à l'encontre de cet objectif en favorisant une hausse de la production de pétrole et de gaz de l'Ouest canadien, alors même que les spécialistes comme Normand Mousseau, tout comme l'Agence internationale de l'énergie, répètent que la production de combustibles fossiles est proche de son pic.
Entre 2015 et 2020, la mobilisation citoyenne (manifestations, lettres, déclarations publiques, présentation de mémoires au BAPE et autres instances) a pu nous donner l'impression que ce dossier était clos. Faudra-t-il remonter au front, ressortir nos dossiers, nos argumentaires, nos pancartes ?
Tout cela est pourtant plus que jamais d'actualité, car la crise climatique ne fait qu'empirer.
Alors, M. Legault, M. Charette, ouvrez les yeux, regardez au loin et travaillez réellement à cette transition climatique, que vous définissez vous-mêmes comme « la transformation d'une société et de son économie visant à ce qu'elle cesse de contribuer aux changements climatiques et à la rendre résiliente face à ces derniers ».
Vous voulez des suggestions ? Pour diminuer notre dépendance au pétrole et réduire les émissions de GES du secteur des transports, ne faudrait-il pas cesser de favoriser l'achat et l'utilisation de l'automobile (pourquoi ne pas interdire la publicité sur les véhicules, comme on l'a fait pour le tabac et l'alcool ?) ; investir sérieusement dans les transports collectifs (à petite, moyenne et grande échelle) ; appeler les citoyens et citoyennes à la sobriété énergétique dans leur quotidien (transport actif, transport collectif, autopartage, covoiturage, aide et collaboration entre voisins).
Au lieu de nous abaisser devant les exigences d'un dictateur en puissance, d'aller dans le sens du Parti conservateur du Canada et de jouer le jeu mensonger de la croissance infinie, dressons-nous, opposons-nous à ces projets dépassés et dangereux et faisons du Québec un exemple de société tournée vers l'avenir.
Denise Campillo
Roxton Falls
*****
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Une longue histoire d’amour

Impétueuse, l'œuvre d'une Québécoise de 86 ans qui est atteinte d'Alzheimer depuis dix ans. Éliette Anderson Rioux se considère une femme tout à fait ordinaire. Cependant, l'immense courage dont elle fait preuve tout au long de sa vie à combattre oppression et injustice, surtout celles subies par les femmes, démontre qu'elle est, en fait, une personne tout à fait extraordinaire.
Impétueuse rassemble son récit de vie, ses articles et ses poèmes. Des textes qui, par l'intensité de sa verve et de son écriture, nous interpellent.
L'histoire d'Éliette illustre ce qu'était, dans les années 1950, la vie au fin fond de la vallée de la Matapédia d'une famille québécoise tellement pauvre qu'ostracisée par curé et villageois. Et, aussi et surtout, elle illustre le parcours fort difficile mais tellement impressionnant d'une militante du féminisme au Québec, dénonçant l'injustice subie par toutes les femmes depuis des millénaires, et, en particulier, les lesbiennes.
De son enfance et adolescence dans un rang de la vallée de la Matapédia comme aînée de 13 enfants, et des mois après son arrivée à Montréal à 18 ans, Éliette nous parle de misères et humiliations, mais aussi de sa détermination à vivre et de sa curiosité pour le vivant. Après avoir vécu une dépression sévère à Montréal, la vie d'Éliette reprend sens, à travers sa démarche en thérapie et lorsqu'elle décide de recommencer ses études, interrompues à 12 ans, et qu'elle s'inscrit plus tard au Cégep. Elle se lance alors dans un militantisme féministe radical, en s'exprimant par poésie et rédigeant de nombreux articles percutants dans Les Têtes de pioche, le journal des femmes qu'elle cofondait avec d'autres militantes en 1976.
Moi dès l'âge de cinq ans je tombai en amour avec les femmes. Je n'étais bien qu'avec elles, entourée de leur présence quotidienne. Je ne veux pas dire que toutes étaient bonnes, douces et parfaites… mais en comparant avec les hommes, j'ai compris très tôt qu'elles m'étaient tellement plus sympathiques et plus attirantes pour moi. Je n'ai pas été aussi spontanément attirée par les hommes, j'ai dû me forcer pour aller vers eux.
J'ai grandi avec ce goût en moi, ne sachant pas qu'il était possible de vivre de cette façon. Ce n'est pas dans ce coin perdu du Bas du Fleuve que l'on me l'apprendrait… Je me serais peut-être fait tuer, exiler ou interner si dans les années 50 j'avais osé m'affirmer comme lesbienne (je ne connaissais pas ce mot-là !). Pourtant ma première relation amoureuse fut vécue lorsque j'eus douze ans avec une semblable, une fille de 10 ans...nous ne savions pas que ce que nous faisions toutes les deux aurait été condamné si on en avait parlé, instinctivement nous nous sommes tues et ce n'est que bien plus tard que je me suis rappelée cette expérience.
Du plus loin que je me souvienne c'est avec les femmes que j'ai appris les choses les plus importantes sur la vie. Avec ma mère d'abord, ma grand-mère, mes tantes, et d'autres femmes que j'aimais beaucoup à cette époque de ma vie. Ma relation avec ma mère fut très bonne, nous nous entendions bien toutes les deux car j'étais l'aînée et nous avions besoin l'une de l'autre, face à tout ce que nous vivions à la maison : grosse famille, pauvreté, etc. Nous ne nous sommes jamais querellées et c'est pourquoi j'ai trouvé cela très difficile lorsqu'elle m'a quittée l'année dernière, je ne pouvais pas m'imaginer sa mort, et aujourd'hui au moment même où j'écris ces mots, je sens le manque, le vide dans mon ventre et dans mon cœur, elle est morte si vite, partie sans dire un mot, comme elle avait vécu sa vie. Moi je suis là, vivante, et je me suis fait la promesse de vivre à ma façon, je ne veux pas mourir à petit feu ma vie, Je n'accepterai jamais de me taire, de me sacrifier ou de me résigner comme elle a dû le faire !!!
Grand-mère me fascinait quand j'étais toute petite. Avec sa façon d'aimer tout ce qui vivait autour d'elle : humains, animaux, plantes, fleurs, elle m'a légué ce respect immense de la vie. Elle pouvait expliquer durant des heures la beauté de toute chose et de tout être vivant. Elle n'a jamais fait de mal à qui que ce soit, elle avait un sens profond de la justice qui s'est inscrit en moi pour le reste de mes jours. Elle me bouleverse grand-mère, elle m'atteint toujours en plein cœur, rien qu'à regarder ses gestes, gestes simples de chaque jour. Souvent, en la regardant travailler les larmes me montaient aux yeux, je la regardais en cachette laver la vaisselle, je ne voyais que son dos ployé par tant de travail, ce dos de femme que j'ai vu tant et tant de fois, ces gestes de femmes si souvent répétés, et dont la beauté m'émeut tellement. Ces petits gestes sauveurs, protecteurs de la vie, tendresse de femme, je n'oublierai jamais tout ce que vous m'avez apporté d'amour et de chaleur. J'ai vu ses épaules fatiguées, ses mains toutes sillonnées de petits chemins se croisant, se chevauchant, s'entrecoupant entre eux. Petits chemins de travail, creusés par l'eau, la terre, le bois, la laine filée, la nourriture préparée. De nouveau la vie protégée par grand-mère. Elle n'eut pas d'enfant grand-mère… elle en adopta trois dont l'un devint mon père. Aujourd'hui elle a 81 ans et elle vit seule, loin, très loin dans un petit village du Bas du Fleuve.
Des fois je me demande ce qu'elle dirait si elle apprenait que sa petite fille de 40 ans aime une femme… peut-être qu'elle s'en doute, car je ne lui ramène jamais d'homme lorsque je lui rends visite ! Je lui ai fait connaître quelques fois la femme que j'aimais à ce moment là, sous la couverture de l'amie avec laquelle je m'entends si bien ! Amie dont je ne pouvais me passer de sa présence même pour lui rendre visite. Elle a du se poser des questions, mais n'a jamais osé me les poser à moi. Car j'imagine que pour elle ce n'est pas pensable qu'une femme aime une autre femme. « Dans mon temps ça ne se faisait pas » qu'elle dirait. Je lui répondrais « ça s'est toujours fait grand-mère, mais vous ne le saviez pas''. Personne n'en parlait autour de vous, mais les hommes eux savaient. Savaient que ça se faisait entre eux, et entre les femmes, seulement entre eux, c'était acceptable… mais pas entre femmes.. C'était ''contre-nature''… tandis que pour eux ce n'était que ''folie de jeunesse'', plaisir de se retrouver entre hommes.
Voilà ce qui se passait grand-mère dans vot' temps, aujourd'hui aussi. Mais on vous a gardé à l'écart ! Moi j'ai eu plus de chance et j'en suis bien heureuse. Même si durant des années on m'a poussé vers les hommes, malgré que l'on m'ait conditionnée à la seule hétérosexualité, ben malgré tout cela j'ai déjoué leur plan. On m'a dépossédée de tout, de mon corps, de mes pensées, de mes désirs de femme, et pourtant je suis en train de tout récupérer. Je suis en train de me retrouver, de me réapproprier de tout ce qui fait de moi une femme, pas cet objet, pas cette marchandise qu'ils se passent de mains à mains, de corps à corps, pas ce trou servant à leur satisfaction de mâle, servant seulement à la reproduction de l'espèce !
Moi c'est un choix que je fais de ne pas me reproduire. Je pourrais, même en étant lesbienne, je pourrais… mais je ne veux pas. C'est plus qu'un choix, c'est viscéral, rien qu'à y penser d'avoir un enfant, c'est comme si on m'enlevait une partie de mon corps, une partie de moi. Je n'ai pas le temps, ni l'énergie à mettre pour le développement d'un enfant venant de moi. Je suis ma propre enfant, mon enfant unique. Je me mets au monde à chaque jour, et elle est si petite mon enfant, à peine vivante présentement, marchant avec difficulté, besoin encore de petites béquilles, enfant-fille de quarante ans. Quarante ans dans la tête, un peu dans le corps. Enfant dans tout le reste. Surface de quarante ans, raisonnements, pensées bien apprises, bien rationnelles de femmes colonisée, vieux clichés à mettre aux poubelles, vieilles leçons pas acceptables, vieux chemins tortueux où l'on m'a rendu boiteuse, c'est fini maintenant, bien fini. Enfant je suis, ai découvert au plus profond de moi en dessous des couches d'oppression, grands désirs, désirs tout neufs, pas encore vécus. Passions neuves enfouies depuis tant de temps. Désir d'une enfant pas mort complètement. Sens en moi le flamboiement rouge des désirs. Pas morts encore les feux de l'enfance. La passion de vivre, celle de découvrir, de me découvrir. Recherche de la beauté d'une être humaine, d'une enfant-fille de quarante ans, avec dans le cœur plein de choses ayant évité le massacre. Pas le temps, pas d'énergie pour mettre au monde une reproduction, une autre copie imparfaite de moi, qui à son tour refera probablement le même chemin ! Pas envie de me voir parcourir en double la route pleine d'ornières, vieille route millénaire avec quelques cahots en moins… pas intéressée vraiment pas. Je reprends mes petites béquilles, vais faire un autre bout de route avec. Vais les lâcher bientôt, au détour… vais les déposer sous une couche de mousse et de feuilles mortes. Debout enfin sur mes deux jambes, continuerai mon trajet vers une plus-être-femme, nantie d'une enfance à vivre pour le restant de mes jours.
*****
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre
Le programme PAFI, vous connaissez ? PAFI pour programme d'aide financière à l'investissement.

Le Québec a-t-il besoin du projet de loi 89 du ministre Boulet ?

L'annonce récente du ministre du Travail - le caquiste Jean Boulet - de faire adopter par les députéEs de l'Assemblée nationale le projet de loi 89 en vue de rendre plus difficile l'exercice du droit de grève dans certains secteurs de l'activité économique (éducation, municipalités et certaines entreprises privées) est une très mauvaise idée. Elle survient, en plus, quelques semaines après l'annonce de la fermeture de sept entrepôts – dont un syndiqué- d'Amazon au Québec. La question se pose, sur quel enjeu le gouvernement du Québec devrait-il ou doit-il légiférer ? Sous-question : Le droit de négociation accessible à toutes et tous ou restreindre l'exercice du droit de grève ?
Alors que c'est, selon nous, au sujet du droit de se syndiquer - et de négocier les rapports collectifs de travail - que devrait s'intéresser le ministre Boulet, voilà plutôt que c'est l'exact opposé qu'il propose.
Nous vivons dans une société capitaliste au sein de laquelle le travail est réputé libre. Les droits du travail - droit d'association, droit de négociation et droit de grève - ne peuvent s'exercer que collectivement dans une entreprise de deux employéEs et plus. Pour le moment, il y a environ 40% de la main-d'œuvre salariée qui est syndiquée. C'est donc la majorité des travailleuses et des travailleurs qui se retrouve dans une situation vulnérable devant un employeur qui dispose d'un pouvoir de fixer arbitrairement leurs conditions de travail (horaire, promotion, période de vacances annuelles, etc.) et de déterminer unilatéralement leur rémunération et leur augmentation annuelle.
Il n'est plus à démontrer que certains employeurs n'ont pas hésité - et n'hésitent toujours pas apparemment - à fermer leurs portes dès qu'ils entendent parler de syndicalisation ou qu'une requête en accréditation syndicale est déposée à la Commission de relations du travail. Amazon s'ajoute à la triste liste de ces autres entreprises (Mc Donald, Target, Wall Mart) qui réalisent annuellement des profits milliardaires et qui se contentent ou se limitent à offrir à leurs employéEs des conditions de travail qui dépassent à peine ce qui est prévu par la Loi des normes minimales de travail et la Loi du salaire minimum.
Le gouvernement affairiste de la CAQ de François Legault semble n'avoir aucune envie à doter le Québec d'une législation musclée en vue de permettre l'exercice des droits constitutionnels en lien avec le travail. Que 60% environ de la main-d'œuvre salariée se retrouve comme des billes dans les mains d'un joueur - et ici il est question d'une main-d'oeuvre majoritairement féminine oeuvrant dans le secteur des services-, cela ne l'affecte pas une miette. Que son gouvernement décide de ne pas légiférer en vue de rendre effectifs le droit à la syndicalisation, le droit à la négociation et le droit d'aller en grève, cela nous en dit beaucoup sur l'idéologie qui habite son équipe ministérielle et sa députation : l'idéologie néolibérale qui a, entre autres choses, comme objectif l'affaiblissement des droits syndicaux.
Le projet de loi 89 vise supposément « à considérer davantage les besoins de la population » en cas de grève ou de lockout. Que cela est dit avec un vocabulaire débordant d'euphémismes à nous faire dormir debout. Il y a dans ce projet de loi une remise en cause frontale du droit de grève. L'offre minimale de services – ou de prestations de travail - à offrir en cas de conflit vise indiscutablement à atténuer l'impact d'un arrêt de travail. Le rapport de force qui va en découler sera nécessairement à l'avantage de l'employeur, car l'interruption de son service ne sera que partielle et non totale.
Et dire qu'il fut un temps où le droit de grève n'était nullement encadré par la loi au Canada et au Québec. Et dire qu'il fut un temps également où c'était via une loi spéciale de retour au travail que le gouvernement pouvait mettre un terme à l'exercice du droit de grève. Et dire encore qu'il fut un temps où c'était le droit de grève, selon le gouvernement du Québec lui-même, qui nous distinguait d'une société totalitaire.
«
En raison des expériences passées, il pourrait être facile de proposer quelques restrictions au droit de grève des syndiqués du secteur public. Il nous faut éviter de tomber dans ce piège qui ne règlerait (sic) rien dans les faits. Au contraire, nous nous proposons de reconnaître le maintien du droit de grève à titre d'expression de l'une de nos libertés démocratiques les plus chères et qui nous distingue des sociétés totalitaires ». Gouvernement du Québec. Ministère du Conseil exécutif. 1977. 1 Le travail, point de vue sur notre réalité. Québec : Secrétariat des conférences socio-économiques, p. 14-15.
Le Québec n'a aucunement besoin d'un projet de loi équivalent à l'article 107 du Code canadien du travail[1].
La main-d'œuvre non syndiquée, qui est à la fois vulnérable face à son employeur et qui vit dans la précarité, devrait être assurée de pouvoir profiter et jouir pleinement de ses droits constitutionnels.
Les centrales syndicales ont raison de dénoncer la contre-réforme Boulet.
Que vaut un droit constitutionnel qui ne peut pas être exercé ?
Poser la question c'est y répondre.
Yvan Perrier
24 février 2025
15h45
Ce qu'est un service essentiel selon le Comité de la liberté syndicale (CLS) du Bureau international du travail
Au fil des ans, le CLS a précisé ce qu'il entend par « services essentiels ». « Peuvent être ainsi considérés comme services essentiels : la police, les forces armées, les services de lutte contre l'incendie, les services pénitentiaires, le secteur hospitalier, les services d'électricité, les services d'approvisionnement en eau, les services téléphoniques, le contrôle du trafic aérien et la fourniture d'aliments pour les élèves en âge scolaire [...]. Toutefois, dans les services essentiels, certaines catégories d'employés, par exemple les ouvriers et les jardiniers des hôpitaux, ne devraient pas être privés du droit de grève (...) En revanche, le comité considère au contraire, de façon générale, que ne sont pas des services essentiels au sens strict : la radiotélévision, les installations pétrolières, les banques, les ports (docks), les transports en général, les pilotes de ligne, le transport et la distribution de combustibles, le service de ramassage des ordures ménagères, l'Office de la monnaie, les services des imprimeries de l'État, les monopoles d'État des alcools, du sel et du tabac, l'enseignement et les services postaux. Le service de ramassage des ordures ménagères est un cas limite et peut devenir essentiel si la grève qui l'affecte dépasse une certaine durée ou prend une certaine ampleur » dans Bernard GERNIGON, « Relations de travail dans le secteur public : Document de travail no2 », (2007), Genève, Bureau international du travail, 22-23.
[1] On se rappellera que c'est en vertu de l'article 107 du Code canadien du travail que le ministre fédéral du Travail est intervenu l'année dernière dans conflits au port de Montréal et à Postes Canada. Le ministre a référé le différend au Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) en vue d'un arbitrage exécutoire, ce qui a eu pour effet de suspendre, dans un cas, le lock-out et d'interrompre, dans l'autre cas, la grève en cours et ce jusqu'à ce que le conflit soit réglé.
*****
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Syndicat des Travailleuses et Travailleurs d’Amazon Laval (STTAL) et la campagne citoyenne ’Ici, on boycotte Amazon’

Québec, 20 février 2025 - Les travailleurs d'Amazon qui s'étaient rendu à Québec aujourd'hui, accompagnés de militants de la campagne citoyenne 'Ici, on boycotte Amazon', ont finalement obtenu une rencontre avec le ministre du Travail après avoir passé une vingtaine de minutes à manifester à l'intérieur du congrès de la Corporation des entrepreneurs généraux du Québec, au Château Frontenac. Celui-ci a démontré une ouverture superficielle à leur demandes, tout en refusant de prendre des mesures politiques contre la multinationale.
Jean Boulet a refusé de se positionner publiquement, arguant que le syndicat devait faire valoir ses demandes devant les tribunaux. Toutefois, cela pourrait prendre des années, et les travailleurs exigent justice maintenant.

Le syndicat et 'Ici, on boycotte Amazon' tiennent à rappeler que le pouvoir exécutif peut prendre des mesures pour sanctionner des entreprises. C'est la même chose pour l'assemblée nationale, qui pourrait faire passer une loi spéciale visant Amazon, ou interdisant ses pratiques à l'ensemble des entreprises.
La campagne citoyenne 'Ici, on boycotte Amazon' et le STTAL considèrent cette réponse comme un refus de prendre ses responsabilités de défendre la population du Québec.

CITATIONS :
"Nous avons demandé au ministre un engagement politique clair, mais de toute évidence, il refuse de prendre position pour les travailleurs, comme Legault l'avait fait lors de l'annonce de la fermeture. En restant dans ce flou prétendument neutre, il prend en pratique position pour les multinationales. Nous allons continuer nos efforts pour faire reconnaître nos droits et pour obtenir des sanctions contre Amazon." - Félix Trudeau, président du Syndicat des travailleuses et travailleurs
d'Amazon Laval (STTAL)
"Nous avons rencontré le ministre Boulet et nous lui avons dit que l'État québécois se doit d'agir face au mépris d'Amazon et à son non-respect des lois du Québec. Mais pour lui, ce n'est pas un enjeu dans lequel le gouvernement devrait intervenir. Il pense que les tribunaux sont le seul moyen de faire respecter les lois du Québec et la population, alors qu'il a les pouvoirs pour faire plus, dès maintenant ! On est vraiment déçus de son attitude." - André-Philippe Doré, co-porte-parole de la campagne citoyenne 'Ici, on boycotte Amazon'
*À propos du Syndicat des Travailleuses et Travailleurs d'Amazon Laval (STTAL)* : Le STTAL regroupe les travailleurs et travailleuses de l'entrepôt DXT4 d'Amazon, à Laval. Il a été fondé en mai 2024. Il est le premier syndicat de la multinationale au Canada.
*À propos de la campagne ‘Ici, on boycotte Amazon'* : ‘Ici, on boycotte Amazon' est une campagne citoyenne créée en réaction à la fermeture des entrepôts d'Amazon au Québec. La campagne s'est alliée au STTAL afin de réclamer justice pour la population du Québec, dont les droits fondamentaux ont été bafoués.
Pour obtenir des images des travailleurs à Québec :
https://www.facebook.com/people/Syndicat-dAmazon-Laval-CSN/61572512136658/
*****
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Projet de loi no 89 ; Un projet de loi inutile qui cache le bilan catastrophique du gouvernement de Francois Legault

La Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) réagit avec colère au projet de loi du ministre du Travail, Jean Boulet, qui en voulant limiter la durée des conflits, s'attaque clairement au droit de grève des travailleurs et travailleuses pourtant protégé par la Charte canadienne des droits et libertés de la personne et la Constitution canadienne. Les contrats de travail sont négociés et entérinés ou rejetés par les travailleurs et travailleuses, ce n'est pas le rôle des gouvernements de baliser dans un calendrier la durée des conflits potentiels. D'ailleurs, est-il besoin de rappeler que plus de 95 % des négociations se règlent par des ententes entre employeurs et syndicats ? Où est l'urgence ?
« Il est ironique de lire le titre que porte ce projet de loi : Loi visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de lock-out. C'est ça qui va régler les vrais problèmes du Québec comme le coût de la vie, la crise du logement, le panier d'épicerie qui coûte de plus en plus cher, des familles de travailleurs et travailleuses qui doivent faire appel aux banques alimentaires pour se nourrir et des menaces tarifaires ? Voyons donc ! On a encore une preuve d'un gouvernement complètement déconnecté qui se cherche des boucs émissaires pour masquer un bilan désastreux. Tout ce que trouve à faire le gouvernement de la CAQ c'est d'inventer un problème qui n'existe pas », soutient la présidente de la FTQ, Magali Picard
Duplessis serait fier du gouvernement de François Legault ! Brimer les droits des travailleurs et travailleuses c'était la spécialité de l'Union nationale de l'époque. Après les chèques-cadeaux pour se faire élire, voici que ce gouvernement est en train de recycler ce qu'il y avait de plus détestable de l'Union nationale. C'est un retour à l'époque de la Grande Noirceur que nous propose le gouvernement de la CAQ. Ce n'est pas ça un projet de société », déclare Magali Picard.
« Invoquer le bien-être de la population est un argument fallacieux. Oui, les grèves, ça dérange, mais lorsque les travailleurs et travailleuses choisissent ce moyen de pression, c'est pour améliorer leurs conditions de travail, les services à la population, pour cesser de s'appauvrir. Ce que veut faire le ministre c'est d'aider les employeurs à négocier de plus bas salaires et de moins bonnes conditions de travail. Ce gouvernement est complètement déconnecté de la population », ajoute la présidente.
Les gouvernements ont déjà tout ce qu'il faut pour baliser le droit de grève. « La Loi sur les services essentiels est on ne peut plus claire ; les services essentiels sont ceux dont l'interruption peut avoir pour effet de mettre en danger la santé ou la sécurité publique, pas pour faire plaisir au patronat. Le ministre Boulet doit retirer son projet de loi qui brime le droit à la libre négociation protégé par la Constitution canadienne », conclut la présidente.
Comme à son habitude, la FTQ compte bien participer aux consultations parlementaires afin de défendre le droit des travailleurs et travailleuses du Québec.
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :