Presse-toi à gauche !
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« Les sportives qui portent le voile ont le droit de jouer, comme les autres ! »

Dans une tribune collective, des personnalités publiques et des présidents d'associations dénoncent la proposition de loi qui voudrait interdire le port de tenue manifestant ostensiblement une appartenance religieuse.
Tiré de Entre les lignes et les mots
Ces 18 et 19 février, à l'occasion d'une séance plénière au Sénat, sera débattue une proposition de loi visant à renforcer le principe de laïcité dans les compétitions sportives en interdisant le port de tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse. Celle-ci aurait pour effet d'interdire l'accès aux compétitions à de nombreuses femmes et filles en France. L'Anestaps (organisation représentative des jeunes dans le champ du sport et de l'animation), Amnesty International France et Basket Pour Toutes alertent sur les dangers de cette proposition de loi qui est contraire au droit international et aux valeurs de libertés, d'inclusion et d'égalité que prône le sport.
Cette proposition de loi prétend faire respecter le principe de laïcité, mais porte en réalité une atteinte grave à la liberté de conscience. Elle porte aussi atteinte aux droits de participer à la vie culturelle, de disposer de son corps et de ne pas être discriminée, pourtant garantis par les conventions internationales ratifiées par la France.
Selon l'Observatoire de la laïcité, « la laïcité garantit la liberté de conscience, la liberté de religion et de culte, de laquelle découle la liberté vis-à-vis de la religion, et celle de manifester des convictions, quelles qu'elles soient – religieuses ou non –, mais toujours dans les limites de l'ordre public ». L'Observatoire rappelle d'ailleurs que l'interdiction du port de signes religieux ne s'applique pas aux usagers des services publics. C'est aussi le sens de la décision du Conseil d'Etat statuant dans le contentieux opposant les Hijabeuses à la Fédération française de football (FFF) [dans laquelle, tout en autorisant la FFF à édicter ses propres règles, il estime que les joueuses sont bien des usagères d'un service public et qu'elles ne sont donc pas soumises au devoir de « neutralité », NDLR].
Le sport est, par essence, un espace où chacune et chacun peut se dépasser, apprendre et s'épanouir. Il transcende les barrières sociales, culturelles et religieuses et porte des valeurs universelles de respect, d'égalité et de diversité. Pourtant, choisir d'interdire le port du couvre-chef sportif revient à priver des milliers de femmes qui portent le voile de cet épanouissement personnel et collectif.
De plus, cette interdiction ne prend pas en compte les réalités des terrains. En effet, elle constituerait un frein pour des femmes et des filles dont la pratique sportive est déjà bien inférieure à celle des hommes. Elle serait la source d'isolement social, de sédentarité, de mal-être psychologique et d'humiliation supplémentaire, pour les sportives exclues ou obligées d'enlever publiquement leur voile. Elle porterait atteinte à la pérennité des clubs dont l'activité bénévole repose en partie sur l'implication de femmes qui portent le voile. Enfin, elle restreindrait les opportunités de voir des talents français s'épanouir sereinement. En n'entravant pas la pratique du sport, nous favorisons sa féminisation, un objectif que la France s'est fixé, notamment à travers l'organisation des premiers Jeux olympiques et paralympiques paritaires en 2024.
Les institutions internationales comme le Comité international olympique, la Fifa ou encore les Nations unies ont démontré qu'il est possible de concilier liberté religieuse et pratique sportive. Leur décision d'autoriser le port du couvre-chef sportif dans les compétitions prouve qu'une réglementation inclusive peut coexister avec des standards élevés de sécurité et d'équité. La proposition de loi aggraverait une exception française remarquée lors des Jeux olympiques et paralympiques, où la France était le seul pays à interdire le port du voile à ses athlètes.
Nous appelons les sénatrices et sénateurs à rejeter cette proposition discriminante et à travailler collectivement à des solutions qui garantissent l'accès au sport pour toutes et tous, sans distinction. Ensemble, faisons du sport un monde inclusif et émancipateur, fidèle à ses valeurs universelles.
Premiers signataires :
Nathalie Tehio, présidente de la LDH (Ligue des droits de l'Homme) ; Anne Savinel-Barras, présidente Amnesty International France ; Hélène Bâ, présidente de Basket Pour Toutes ; Lily Rogier, présidente de l'Anestaps ; Béatrice Barbusse, sociologue ; Jean-Louis Bianco, président de Vigie de la laïcité, ancien ministre, ancien président de l'Observatoire de la laïcité ; Aurélie Bresson, fondatrice des éditions Les Sportives ; Kayode Damala, président des Etudiants musulmans de France (EMF) ; Yohann Diniz, ancien athlète de haut niveau
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L’altruisme obligatoire, handicap rédhibitoire des femmes

La féministe Adrienne Rich a parlé de « compulsory heterosexuality » (hétérosexualité obligatoire) comme un obstacle quasi-insurmontable à l'affranchissement des femmes. Encore plus handicapante pour elles est l'idéologie de l'abnégation féminine, qui leur impose de s'investir dans une identité altérocentrée –le fait de se définir relativement aux autres, comme dispensatrice de services et de soin, (continuation sociale de la fonction maternelle) – idéologie qui est en soi désindivisualisante et autodestructrice.
Tiré de Entre les lignes et les mots
Le problème est que cette socialisation à l'altruisme place les femmes dans une situation lose-lose : si elles se conforment à cet impératif de vivre pour les autres et à n'exister que relativement à leurs besoins et à leur bien-être, la seule forme de réalisation qui leur est ouverte est de se consacrer aux tâches de care qui leur sont dévolues normativement par la société, ce qui les exclut de toute forme d'activité créatrice et de toute possibilité d'accès au pouvoir.
Si elles décident de s'investir dans leur propre réalisation, d'être artistes, chercheuses, politiciennes, etc. elles sont stigmatisées pour avoir refusé leur vocation altruiste « naturelle » et leurs productions sont qualifiées de secondaires ou ignorées. Si elles sont politiciennes, elles sont rejetées par l'opinion comme trop peu féminines, trop dures, trop égoïstes, trop bossy, et ne sont pas élues.
Il y a quelques années, « une expérience a été conduite à la Columbia Business School, pour évaluer comment les étudiant/es percevaient le leadership selon le sexe. Les chercheurs ont présenté à la moitié des étudiant/es le CV d'une auto-entrepreneuse, Heidi Rozen, une investisseuse en capital risque ayant connu une brillante réussite basée sur sa personnalité entreprenante et son large réseau de contacts professionnels et personnels. A l'autre moitié, ils ont présenté le même CV, mais avec un prénom différent, masculin : Howard.
Les étudiant/es éprouvaient du respect pour les succès de Heidi et d'Howard, mais au niveau de l'appréciation de leur personnalité, il y avait une différence. Iels trouvaient Howard sympathique mais pas Heidi, qui était vue comme égoïste, et infréquentable comme collègue. Les hommes peuvent accéder au sommet sans choquer ou déplaire aux autres parce que leur succès leur appartient. Des femmes par contre, on attend que leurs efforts bénéficient à la collectivité – elles doivent s'occuper des autres autour d'elles au lieu de travailler pour leur propre succès. Par conséquent, quand les femmes réussissent à accéder à des positions de leadership, elles sont perçues comme présentant un déficit en matière de nurturance et de qualités collectivement utiles, comme l'étude Heidi/Howard l'a mis en évidence. » (Gemma Hartley)
C'est ce qui explique qu'il n'y ait que 20% de femmes au Congrès aux Etats-Unis, et si peu de femmes chefs d'Etat dans le monde.
Parce qu'en gros, si les femmes manifestent ces qualités maternelles/altruistes qu'on exige d'elles, on les voit comme manquant d'autorité et d'agressivité, et incapables d'exercer un leadership compétent et énergique dans un monde régi par les rapports de force.
Si elles se montrent volontaires, déterminées, peu émotionnelles et « masculines », on les accuse d'être ambitieuses, égoïstes et « control freaks » (maniaques du contrôle), et on les trouve personnellement antipathiques. L'affirmation égocentrée de soi, fondement de toute expression créatrice, est interdite aux femmes.
You cant' win…
Francine Sporenda
https://sporenda.wordpress.com/2025/02/07/laltruisme-obligatoire-handicap-redhibitoire-des-femmes/
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Afrique : La RDC démunie face à l’agression du Rwanda

La capitale du Nord-Kivu, Goma, est tombée. Les troupes conjointes de la milice M23 et du Rwanda ont vaincu le dispositif déployé en urgence pour défendre la ville. Il était composé du bataillon spécial de la Monusco (Mission de l'Organisation des Nations unies pour la stabilisation en république démocratique du Congo), et des troupes de l'Afrique du Sud déployées dans le cadre de la Sadec, la structure régionale de l'Afrique australe.
Tiré d'Afrique en lutte.
Incertitude sur la politique rwandaise
L'avancée du M23 et des troupes rwandaises dans l'est du pays qui compte le Nord et le Sud-Kivu ainsi que l'Ituri semble inéluctable. Le président congolais Félix Tshisekedi a fait appel à une société de mercenaires roumains censée faire la différence grâce à l'utilisation de drones. C'était compter sans l'efficacité de la défense anti-aérienne et du brouillage GPS de l'armée rwandaise rendant ces armes inopérantes.
Dans les territoires conquis, les miliciens du M23 ont mis en place une nouvelle économie permettant l'exploitation du coltan et de l'or dont la production est acheminée au Rwanda. Les pertes pour le Nord-Kivu sont estimées à 7 millions de dollars par mois. Au-delà de l'aspect économique, les objectifs du Rwanda restent flous. En effet, si l'ambassadeur itinérant du Rwanda pour la région des Grands Lacs, Vincent Karega, a déclaré que les miliciens du M23 « vont continuer dans le Sud-Kivu, parce que Goma ne peut pas être une fin en soi » il a été démenti aussitôt par le ministère des Affaires étrangères de Kigali. Cependant, James Kabarebe, important dirigeant du pays des Mille Collines, revendique les deux régions comme historiquement rwandaises.
Dans le même temps, Corneille Nangaa le dirigeant de l'Alliance du fleuve Congo (AFC), qui se veut l'aile politique du M23, affirme : « Notre objectif n'est ni Goma ni Bukavu mais Kinshasa, la source de tous les problèmes ». L'AFC déploie beaucoup d'effort pour tenter de fédérer les différentes milices armées qui pullulent dans la région. Au vu de la situation, il n'est pas exclu que certains wazalendo (les patriotes en kiswahili) qui se battaient aux côtés des forces armées congolaises ne changent de camp.
En tout état de cause, quel que soit l'objectif du Rwanda, transformer la région Est de la RDC en une sorte de dominion ou renverser le pouvoir au profit d'un gouvernement associé, voire subordonné à Kigali, le défi pour le Rwanda est l'administration de ces vastes territoires.
La RDC isolée
C'est évidement un coup dur pour Tshisekedi qui avait fait de la défense de la souveraineté son principal argument électoral lors des dernières élections présidentielles. Il appelle à l'unité nationale, exhorte la jeunesse à s'enrôler dans l'armée. Il annonce une contre-offensive qui risque de ne pas dépasser le stade de la rhétorique vu l'état de délabrement de l'armée congolaise d'autant que peu de pays de la région souhaitent s'investir militairement.
Au niveau diplomatique, ce n'est guère mieux. Certes la plupart des pays ont condamné la prise de Goma mais dans des termes généraux s'en assortir ces déclarations de quelconques mesures dissuasives. Les pays occidentaux n'ont guère envie de se fâcher avec le président rwandais Paul Kagamé qui reste un fidèle soutien du camp occidental en protégeant les infrastructures des majors pétrolières, dont TotalEnergies, au Mozambique. De plus son libéralisme autoritaire n'est évidemment pas pour déplaire à Trump et consorts.
Les voix de la « négociation » semblent aussi être dans l'impasse. Tshisekedi a décliné l'invitation du Kenyan William Ruto pour une réunion avec Kagamé. Il a préféré se rendre en Angola où le président João Lourenço a mené un travail de médiation entre les deux pays. Lourenço a dénoncé la prise de Goma par les RwandaisEs au risque de saper sa neutralité auprès de Kigali.
Dans cette guerre, ce sont les populations civiles qui paient le plus lourd tribut de l'agression du Rwanda en RDC notamment les femmes et jeunes filles victimes de viols et d'agressions sexuelles dont le nombre a explosé.
Paul Martial
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L’Égypte du président Sissi prisonnière de crises inextricables

Un sommet arabe se réunira le 4 mars au Caire pour proposer un plan sur l'avenir de Gaza, après la proposition du président Donald Trump de déporter sa population. Jamais la situation du président Abdel Fattah Al-Sissi, coincé entre son alliance avec Israël, une situation régionale instable, ses réformes économiques antisociales, son autoritarisme sans limite et son armée qui a étendu sa mainmise sur les richesses du pays, n'a été aussi précaire. Sur cette situation, Robert Springborg, spécialiste de l'Égypte, répond aux questions d'Orient XXI.
Tiré d'Orient XXI. Traduit de l'anglais par Philippe Agret.
Sylvain Cypel. — Donald Trump a demandé au président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi d'accueillir un nombre massif de Palestiniens de Gaza. La presse américaine a récemment fait écho à une possible pression de Trump sur lui à propos du grand barrage de la Renaissance sur le Nil, en Éthiopie, qui menace de réduire l'accès de l'Égypte à l'eau. Pensez-vous que le président égyptien puisse finalement céder à la pression américaine quant à l'avenir des Palestiniens ?
Robert Springborg — D'après des images satellites prises dans le Sinaï, on sait que, plusieurs mois après le début de la guerre de Gaza, l'Égypte préparait un grand « camp » pour recevoir les Palestiniens expulsés, a priori à la suite de pressions de l'administration Biden. Après que ces photos ont été publiées, le développement du projet a été stoppé. Ce qui laisse penser qu'il y a eu des pressions sur le président Sissi pour qu'il renonce à ce plan, des pressions exercées sans doute par la seule force qui possède de l'influence en Égypte, à savoir l'armée.
L'administration Trump a désormais fait monter les enchères en offrant son soutien à l'Égypte, y compris — mais probablement pas seulement — en ce qui concerne le conflit sur le barrage avec l'Éthiopie. Mais en même temps, l'indignation ressentie en Égypte, comme dans presque tout le reste du monde, devant la destruction de Gaza a rendu beaucoup plus difficile tout compromis de la part du président Sissi, comme l'a montré la plus grande tolérance du régime à l'encontre des manifestations contre les actions israéliennes.

Les dilemmes de la guerre contre Gaza
Cela dit, on peut imaginer un scénario dans lequel le déplacement/transfert d'au moins une partie des Palestiniens de Gaza en Égypte pourrait devenir un élément d'un accord plus large qui mettrait fin à l'engagement actuel d'Israël à Gaza. Dans ce cas, Sissi obtiendrait le soutien américain contre l'Éthiopie et une poursuite de l'assistance étrangère de Washington, ce qui amènerait l'armée égyptienne à considérer un tel accord plus favorablement. Et s'il s'accompagnait d'un retour de l'Autorité palestinienne dans un rôle à Gaza, et d'un soutien arabe et international à la reconstruction du territoire ainsi que d'une garantie de sécurité, cela réduirait encore les réticences du Caire à accueillir des Gazaouis. Et cela offrirait au premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou une possibilité de revendiquer une « victoire » grâce à l'expulsion de Palestiniens.
En résumé, la situation est fluide, mais il est possible d'imaginer certaines conditions qui conduiraient l'Égypte à céder aux pressions américano-israéliennes.
Divisions entre nantis et laissés pour compte
S. C.— Quel est l'état réel de la société égyptienne plus de dix ans après l'arrivée au pouvoir d'Abdel Fattah Al-Sissi ?
R. S.— Les politiques du régime ont divisé la société égyptienne entre nantis et laissés pour compte. Ce fossé prend plusieurs formes. Premièrement, les salaires n'ont pas suivi le rythme de l'inflation, et donc les familles dépendant d'un travail rémunéré ont vu leurs revenus réels substantiellement réduits. Deuxièmement, l'inflation a davantage frappé les produits de première nécessité, en particulier les denrées alimentaires, que les autres biens et services. Troisièmement, les services publics, en particulier dans le domaine de la santé et de l'éducation, se sont dégradés, forçant les usagers à se tourner vers le secteur privé. Quatrièmement, le niveau d'emploi dans la fonction publique par rapport à l'emploi global a décliné, touchant ainsi les femmes et la petite classe moyenne qui, traditionnellement, dépendaient davantage des emplois dans le secteur public.
À l'autre extrémité de l'échelle sociale, ceux ayant accès au capital, soit grâce à des emplois dans le secteur privé ou à la propriété d'entreprises, soit grâce à des transferts de fonds ou à diverses formes de corruption, ont vu leurs revenus grimper en flèche, et ils se sont alors livrés à des acquisitions ostentatoires, notamment dans l'immobilier et les services haut de gamme. C'est ainsi que, tandis que ceux d'en haut s'enrichissaient, la situation de ceux d'en bas déclinait, creusant l'écart des revenus et le fossé social qui étaient déjà importants. En effet, selon l'indice de Gini (1) des inégalités, tel que rapporté par l'économiste Thomas Piketty, parmi les pays à revenu moyen et moyen inférieur, l'Égypte est la plus inégalitaire. Cette profonde inégalité a fortement exacerbé les tensions socio-politiques, dont la pléthore de grèves dans les grandes entreprises n'est qu'un des indicateurs.
Une économie contrôlée par les militaires
S. C.— Le soutien du Fonds monétaire international (FMI) et de l'Europe en faveur de l'Égypte se poursuit. La présidente de la Commission européenne, Ursula Van der Leyden, a récemment chanté les louanges de réformes qui sont virtuellement inexistantes (2). Comment l'expliquez-vous ?
R. S.— Le FMI, l'Union européenne et presque tous ses États membres ont renoncé à encourager les réformes en Égypte, qu'elles soient politiques ou même économiques, comme le prouvent leurs aides financières massives offertes au printemps 2024. Le moteur de ce soutien résulte de la peur, de la crainte d'un effondrement du régime dictatorial, qui poserait une multitude de défis, sous la forme de migrations transméditerranéennes, de terrorisme, d'antagonisme avec Israël, et de liens avec des forces déstabilisatrices dans des pays frontaliers comme la Libye et le Soudan, ou autres…
L'Égypte étant « un trop gros morceau » pour la laisser échouer dans l'esprit de ces décideurs, ces derniers font systématiquement abstraction des violations des droits humains par le président égyptien, de son autoritarisme toujours plus étouffant, de son mépris effronté des réformes conclues avec le FMI et d'autres donateurs, de ses accointances avec Vladimir Poutine et les Chinois, etc. Que les opinions occidentales n'aient pas protesté plus vigoureusement contre ce soutien à courte vue et, finalement contre-productif, au plus terrible dictateur de l'histoire moderne de l'Égypte est un acte d'accusation de la démocratie occidentale elle-même.
Aucune réforme en perspective
S. C.— Quelle direction prend l'économie égyptienne ? D'un côté, le régime prône une orientation néo-libérale. De l'autre, la mainmise de l'armée sur l'économie nationale semble toujours plus forte. N'y a-t-il pas là une contradiction ?
R. S.— Oui, c'est contradictoire et cela conduit à une économie très similaire à celle de la Russie de Poutine. Il y a deux « gagnants » : d'abord l'armée et les officiers des services de sécurité, ainsi que d'autres, liés administrativement à l'État dans l'État ; puis les oligarques qui dirigent des secteurs de l'économie qui sont en cheville avec les premiers. Pratiquement tous les autres acteurs économiques sont des « perdants ». Et comme votre question le suggère, cette division s'intensifie au fur et à mesure que le contrôle direct et indirect des militaires sur l'économie — et les petits arrangements avec leurs oligarques favoris — devient de plus en plus étroit. Il n'y a aucune chance pour la moindre réforme fondamentale de cette économie qui restera dominée par l'État dans l'État aussi longtemps que le président Sissi et l'armée restent au pouvoir. La promotion d'une économie libérale dans laquelle s'engagerait le régime est une opération de relations publiques entièrement destinée à des audiences occidentales et n'a strictement aucun rapport avec l'organisation et la gestion actuelles de l'économie.
S. C.— Le fait que l'armée égyptienne étende son contrôle de l'économie n'est-il pas dangereux pour l'armée elle-même ? Lors d'une conférence à Florence (Italie) en janvier 2025, vous avez parlé de sa lente évolution vers un conglomérat de « milices ». À quoi faisiez-vous référence ?
R. S.— D'abord sous Anouar El-Sadate, puis davantage sous Hosni Moubarak et encore plus sous le président Sissi, l'armée a changé sa priorité. De conduire la guerre, elle est passée à celle de générer du profit. Par conséquent, ses capacités de combattre ont stagné en dépit du fait qu'elle est l'une des forces armées du Sud qui dépensent le plus pour ses achats d'armes, qu'elle est la plus grande armée en Afrique et l'une des plus grandes au monde. Elle consacre des ressources inadéquates à l'entraînement, à la réparation et l'entretien du matériel, à sa logistique, à l'intégration des forces et de l'organisation et de la gestion militaires. La pléthore d'équipements qu'elle a acquise auprès de nombreux fournisseurs différents nécessiterait d'ailleurs des militaires bien mieux formés pour les intégrer dans leurs différents corps. L'Égypte ne les a pas, donc l'efficacité de son armée de l'air, de ses blindés et même de son infanterie de base ne s'est pas développée parallèlement à ses dépenses et ses achats. Le corps des officiers se préoccupe de faire de l'argent, pas de se préparer à faire la guerre.
Des milices pour consolider le pouvoir
Quant au phénomène des « milices », je faisais référence à l'organisation des Fils du Sinaï (Abnaa Sina) dirigée par Ibrahim Al-Argani et créée à l'origine par l'armée afin de servir d'unités auxiliaires lors de la campagne de contre-terrorisme dans le nord du Sinaï. Al-Sissi a ensuite orchestré l'extension de son rôle à la fois géographiquement jusqu'à l'Égypte « continentale », et fonctionnellement, au sein des systèmes économique et politique. Par exemple, il lui a permis de devenir l'intermédiaire entre le ministère (égyptien) de l'Intérieur et le Hamas pour la délivrance de visas pour les Gazaouis en échange de paiements dépassant souvent 5 000 dollars (4 820 euros).
Fin 2024 — début 2025, Sissi a également favorisé l'émergence d'un nouveau parti politique, le Front national, dans lequel Al-Argani a d'abord obtenu la place de dirigeant, jusqu'à ce que des objections se fassent apparemment jour au sein des militaires qui ont commencé à le percevoir comme une menace à leurs intérêts. Il a été provisoirement écarté puis réinstallé, mais dans un rôle quelque peu ambigu. Selon des sources informées, Al-Sissi voudrait qu'Al-Argani, sa milice et son parti politique servent à la fois de bras répressif de la présidence et de contrepoids à l'armée. Jamais auparavant dans l'histoire moderne de l'Égypte, une milice de cette nature avait été autorisée par l'État. Qu'une telle milice ait été créée laisse deviner la décrépitude de l'État-nation.
S. C.— Le soutien officiel de l'Égypte en faveur de l'armée soudanaise dans la guerre civile, qui dure depuis bientôt deux ans, pèse-t-il sur son économie ?
R. S.— C'est un fardeau, mais également un bénéfice pour l'économie. D'abord, directement, car l'Égypte a facilité la contrebande d'or du nord et de l'ouest du Soudan, dont tirent profit les Égyptiens impliqués dans ce trafic au cœur duquel on trouve probablement les militaires et les services de sécurité. Ensuite indirectement, parce que la présence de réfugiés soudanais en Égypte est une source de revenus pour le gouvernement, sous la forme d'aide financière fournie par les donateurs, qu'il s'agisse du FMI, de l'UE, des États-Unis ou de nombreux pays européens. Ces réfugiés sont traités incroyablement durement par le régime égyptien et une grande partie de la population. Tout bien pesé, Le Caire a probablement tiré profit de la guerre civile soudanaise.
La dépendance à l'égard d'Israël
S. C.— Comment l'armée égyptienne gère-t-elle ses relations étroites avec Israël (notamment sur la sécurité dans le Sinaï) tout en préservant sa mission fondamentale de garante de l'indépendance ? N'y a-t-il pas de risques pour elle après ce qui s'est passé à Gaza ?
R. S.— L'armée et les services de sécurité des deux pays collaborent étroitement, ainsi que le démontre leur capacité à gérer une multitude de crises sécuritaires, que ce soit des meurtres de soldats des deux côtés de la frontière, des violations de clauses des traités ou des tensions plus graves résultant de la guerre israélienne contre Gaza. L'une des raisons pour lesquelles les relations ont résisté est que l'armée israélienne a joué un rôle clé dans la répression de l'insurrection qui a éclaté au Sinaï dans le sillage de la révolution égyptienne de 2011. Une autre raison, encore plus importante, est que l'influence de Tel-Aviv à Washington est cruciale pour que Le Caire y conserve sa position privilégiée, malgré la récente condamnation du sénateur Bob Menendez pour avoir accepté des pots-de-vin du plus proche conseiller du président Sissi afin de faciliter la livraison d'aide étrangère (par les États-Unis) à l'Égypte (3).
Mais la collaboration avec Israël est impopulaire en Égypte, Sissi la cache donc, comme il le fait pour toutes les « mauvaises nouvelles », qu'elles soient de nature sécuritaire, politique ou économique. Et comme toutes les sources indépendantes d'information publique ont été supprimées dans le pays, les Égyptiens n'ont pas vraiment les moyens de savoir à quel point leur pays, leur armée et leur président sont devenus dépendants d'Israël. La dépendance vis-à-vis des Émirats arabes unis et de l'Arabie saoudite est davantage connue dans le public, mais elle n'est pas aussi problématique pour Sissi parce qu'il s'agit de pays arabes. Toutefois, même concernant cette dépendance, il y a un énorme rejet de l'opinion, ce qui montre combien des informations sur les relations sécuritaires entre Israël et l'Égypte pourraient s'avérer politiquement explosives.
Notes
1- NDLR. L'indice (ou coefficient) de Gini est un indicateur synthétique permettant de rendre compte du niveau d'inégalité pour une variable et sur une population donnée. Il varie entre 0 (égalité parfaite) et 1 (inégalité extrême). Les inégalités mesurées peuvent porter sur des variables de revenus, de salaires, de niveau de vie, etc.
2- Le 17 mars 2024, lors du forum UE—Égypte sur l'investissement, Ursula von der Leyen et Le Caire ont signé un « partenariat stratégique » pour 7,4 milliards d'euros dans le domaine de l'énergie et mais surtout dans le renforcement des frontières.
3- En juillet 2024, l'élu du New Jersey est reconnu coupable de corruption, de trafic d'influence et d'avoir agi comme agent de l'étranger en faveur de l'Égypte et du Qatar. Il démissionne de son poste de sénateur le 20 août 2024. En janvier 2025, il est condamné à une peine de 11 ans de prison pour corruption.
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L’Intelligence Artificielle façon Musk, une arme de destruction massive

Notre chroniqueur et ami Xavier Houzel est effrayé par les perspectives ouvertes par un Elon Musk, bras droit de Trump, qui tire « son pouvoir et son aura » de l'Intelligence Artificielle, « la sienne, bien entendu ».
Tiré de MondAfrique.
Elon Musk se présente aux États-Unis tel Protée, sachant tout du passé et du présent et doté du pouvoir de prophétie et de la faculté de se métamorphoser : il nous propose tout à coup , avec Grock 3, l'IA soi-disant « la plus intelligente sur terre[i] » ! Comme il tire son aura et qu'il détient son pouvoir de l'IA, des innovations et des ruptures correspondantes, il commence par faire table rase du passé en tentant de remplacer en bloc une nuée de fonctionnaires américains par l'IA – la sienne, bien entendu. Il fait à cette occasion la chasse au renseignement, qu'il s'agisse du FBI ou de la CIA, ou du Fisc et de la sécurité sociale, car il lui faut les données de leur clientèle pour s'en approprier aussitôt les clés, pour les référencer et les faire mouliner avec ses propres algorithmes, qu'il s'agisse des électeurs ou des contribuables, c'est-à-dire de tous les citoyens, et cela sans autorisation de personne ni la moindre protection de la vie privée des gens. Ce qui est ahurissant !
Après l'Amérique du Nord, pourquoi ne pas s'attaquer au reste de l'Humanité, avec la force de frappe des USA ? Sans limites aucunes. Le vice-président Vance reproche dès aujourd'hui à l'Union Européenne de brider ladite IA pour en contrôler les dérives éventuelles ! Il préfigure alors ce que sera le « monde d'après ». Mais nous sommes à la fois loin de l'ère du Sud Global et de son heure et de l'invention d'un nouvel ordre mondial, éventuellement favorable au groupe des BRICS, tel que le conçoit un universitaire comme Bertrand Badie.
L'IA va trop vite
Nous sommes aussi tout près d'un effondrement civilisationnel de l'ancien monde, parce que l'IA va trop vite ! La course se fait sur une corde raide. Une nouvelle forme de colonisation par la conformité des messages et par l'uniformité induite de la pensée risque de balayer toute volonté de rupture avant que les colonisés n'aient eu le temps de s'en prémunir. Nombre de métiers disparaîtront, d'autres les compenseront, comme jadis et depuis l'invention de la roue, là n'est pas la question ! Les philosophes et les théologiens se penchent sur le problème. Les flux migratoires, par exemple, devront être régulés pour éviter la « submersion » des civilisations par le nombre, et puis les naissances et puis la démographie….mais ce n'est pas l'IA qui y pourvoira ! La « démocratie » fonctionnera par algorithmes intercalés. Cela donne le vertige : monsieur Vance semble vouloir le nier, en créant un tohu-bohu jamais atteint auparavant quand il morigène la vieille Europe à ce propos. Qu'il ait raison ou qu'il ait tort, à terme, ce sera le retour à l'ordre primordial, à la révision des échelles de valeurs et des rapports de forces. C'est dangereux.
Deuxième chuchotement d'Elon Musk, bruissant comme un méchant acouphène dans les oreilles présidentielles : l'armement et la monnaie (le sacro-saint Dollar), qui faisaient la puissance de l'Amérique, risquent d'être trappés d'obsolescence ! Le char de combat et l'avion de chasse « à coups de millions » n'auront plus besoin d'équipages ; ils seront impuissants devant les attaques de plus petits que soi « au prix d'une poignée de Dollars » ; seulement. Le drone est devenu intelligent ! Et même très intelligent (beaucoup plus malin que ne peut l'être un char, trop compliqué).
L'esprit de conquête
Le même Protée poursuit cependant en murmurant à l‘oreille du président que le réchauffement climatique va libérer des glaces – sous la double influence de l'homme et des cycles naturels tels que l'oscillation Nord-Atlantique – la plus grande partie des eaux et des continents inclus dans le Cercle polaire Arctique. Or ce rivage invisible borde des pays aussi variés que l'Alaska, le Canada, le Groenland, l'Islande, la Norvège, la Suède, la Finlande et la Russie (notamment la Sibérie). Les satellites de Starlink (près de 7.000 unités) disent que les icebergs y fondent à toute allure mais surtout qu'il existe, au-delà de cette ligne de démarcation, un No man's land immensément riche encore à conquérir.
Nonobstant un traité datant de 1920 – celui de Svalbard, instauré pour réglementer l'inlandsis arctique[ii] – les Américains aimeraient bien bouter hors de l'Arctique les Russes et les Européens. En réalité, ce sont les Chinois que l'Amérique redoute le plus en Arctique, sachant que le « premier arrivé » pourrait y contrôler les eaux (la pêche), le sol (l'agriculture et les forêts), le sous-sol (les terres rares et les hydrocarbures) et les accès (la route du Nord sera bientôt ouverte aux tankers toute l'année). Les Chinois ont l'inconvénient d'être trop nombreux, ce qui se transforme en avantage quand il s'agit de peupler des pays vierges ! La région arctique a d'autre part un caractère stratégique évident depuis la guerre froide, les missiles balistiques de la Russie pouvant facilement passer par le pôle Nord vers le continent américain !
Ces considérations sont de nature à faire resurgir l'esprit de conquête qui anima jadis les ancêtres d'Elon Musk et de Donald Trump ! Aussi le tandem formé par le Sud-Africain et le pionnier yankee ne résiste-t-il pas à la tentation de mettre la main sur le trésor du Cercle Arctique Polaire. La population autochtone du Grand Nord Canadien, du Groenland ou de la Sibérie orientale qu'on nomme « les Esquimaux » est beaucoup moins nombreuse que les tribus « Indiennes » de la conquête de l'Ouest ou que les peuplades bantouphones de la Colonie du Cap.
C'est l'une des raisons pour lesquelles les États-Unis réclament sans vergogne aussi bien le Canada que le Groenland et c'est pourquoi ils se retirent sine die – sans aucune explication valable – de traités tels que l'Accord de Paris de 2015, adopté dans le cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), ainsi que de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), de la même manière que, le 8 mai 2018, le président américain d'alors, le même Donald Trump, avait annoncé le retrait des États-Unis de l'accord de Vienne, en accompagnant sa décision brutale de sanctions économiques accablantes contre l'Iran ! L'Europe s'était alors couchée, la France la première… anticipant ainsi sur son retour à la case zéro de l'ordre primordial (en vigueur lors du dernier refroidissement global, ou de la dernière glaciation terminée il y a 12.000 ans), quand le dominant primait obligatoirement sur le dominé – avant l'existence de « nations », avant les « valeurs », avant Homère, avant Tocqueville ! Et voilà enfin pourquoi, Donald Trump et son équipe se précipitent chez MBS (qui a les sous, dont la Russie pourrait avoir besoin pour se remettre de la guerre et développer la Sibérie) pour y rencontrer le président Poutine. L'affaire de l'Ukraine sera une bonne affaire pour les trois : l'un sera remboursé en terres rares et l'autre en territoires. Trump veut à tout prix éloigner la Russie de la Chine et MBS, gardien au nom de son père des Deux Mosquées, veut être dans la cour des grands, sachant que les Russes sont ancrés aussi solidement à Mourmansk qu'ils entendent le rester aussi durablement à Vladivostok.
Pour le reste, les Russes et les Perses se méfient l'un de l'autre depuis toujours. Poutine est relativement isolé. Les Chinois ne sont pas invités. Quant aux Européens, ils sont anéantis.
Les jeux de rôle de la diplomatie
Avec la fin du libre arbitre de l'homme (battu par plus intelligent que lui, mais pas obligatoirement par le plus fort), avec la fin de la diversité démocratique (tout le monde obéissant à la même intelligence supérieure), avec l'altération du principe de puissance (jusqu'alors caractérisé par la force), avec la dévalorisation de la notion de frontière (celles des traités, de celui de Berlin ou celui de Svalbard et d'une kyrielle d'autres lignes de partage négociées), avec la démonétisation des organisations internationales et de leurs chartes en déshérence, la communauté des nations risque de s'effondrer sous elle-même. Les traits des civilisations hier vivantes iront en s'estompant, à cause de l'IA, qui, entre temps, sera une « super IA » assistée d'ordinateurs quantiques « réagissant uniformément » et en temps réel. Justement, c'est imparable !
L'Histoire récente et la géographie sont certes encore prégnante de la colonisation des Phéniciens à Carthage, de celle de Rome sur le pourtour méditerranéen, des Chinois dans le Sud-Est Asiatique et jusqu'en Sibérie, des Ottomans, de la France ou de la Grande-Bretagne et du reflux – pour ne pas dire de la décadence – de leurs empires. On admet que sans le désastre de Diên Biên Phu et surtout sans la pantalonnade infligée à la France à 60 kms du Caire devant les menaces soviétiques et les semonces américaines du 7 novembre 1956 – lorsque « l'Opération Mousquetaire » tourna à l'avantage diplomatique pour Nasser – la Guerre d'Algérie n'aurait jamais eu lieu.
Oui, Nasser, le plus faible, a battu le plus fort, ce jour-là (la Grande-Bretagne, l'État Hébreu et la France, coalisés). Mais c'est épiloguer à revers et nous n'en sommes plus là ! Merci à Moscou et à Washington. La France, l'Angleterre, l'Allemagne sont aujourd'hui dans un même état de décrépitude sans qu'il n'y ait là de rapport avec la « décolonisation ». Avec la mondialisation, la téléphonie et internet, tout le monde colonise dorénavant tout le monde de multiples façons. Et j'ajoute, pour parler du faible qui bat le plus costaud, que l'Afghanistan a battu à plate couture successivement l'Union Soviétique et les États-Unis d'Amérique. Les colonisés d'hier sont les colonisateurs de demain, démarche à laquelle ils s'adonnent le plus souvent sans expérience ni mesure, directement ou par intermédiaire : les USA en sont l'exemple le meilleur. Au mieux, ils font des enfants « à la mitrailleuse » et ils investissent l'ancienne métropole.
La Diplomatie devrait enfin pouvoir jouer. Mais alors sans IA et hors la vue de toute caméra.
Notes
[ii] Ce dernier autorise ses signataires (le Canada, le Danemark, les États-Unis, l'Islande, la Norvège, la Russie, la Finlande, la Suède, la Chine et d'autres) à exploiter la zone arctique (pêche, chasse, tourisme, recherches scientifiques, industrie…). Exception faite à la Chine, pourtant signataire, n'ayant accès à aucun de ces droits.
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Esclavage, colonisation : l’Union africaine demande réparation

Au 38ᵉ sommet de l'Union africaine qui s'est tenu à Addis-Abeba, les 15 et 16 février, l'un des sujets centraux a été la demande panafricaine de réparations liées à la traite transatlantique des esclaves et à la colonisation. Une résolution a été adoptée à cet effet.
Tiré de Courrier international. Légende de la photo : Ouverture de la 38e session ordinaire de la Commission de l'Union africaine (CUA), à Addis-Abeba, en Ethiopie, le 15 février 2025. Photo Tiksa Negeri/Reuters.
Le 15 février, l'Union africaine (UA) a adopté une résolution, présentée par le Ghana et appuyée par l'Algérie. Cette résolution, intitulée “Justice pour les Africains et les personnes d'origine africaine à travers les réparations”, a été retenue comme thème de l'année 2025 pour l'Afrique. Selon Africa Inside, “cette initiative marque une avancée majeure dans la construction d'un front africain uni pour porter ces revendications sur la scène internationale”. C'est même la première fois dans son histoire que l'UA place les réparations au premier plan, analyse de son côté The Guardian.
“Esclavage, pillage : combien doivent Londres, Rome, Bruxelles, Paris… à l'Afrique ?” La question est abruptement posée par le titre ivoirien L'Infodrome, qui reproduit une carte de l'Afrique figurant les sommes que doivent verser la France, l'Espagne, l'Italie, la Belgique, le Portugal et le Royaume-Uni aux pays africains à titre de réparations.
Cette initiative a d'ailleurs été présentée comme un “moment historique” par Monique Nsanzabaganwa, vice-présidente sortante de la Commission de l'Union africaine, puisqu'elle devrait permettre “de rendre à l'Afrique ses droits légitimes et renforcer ses revendications légitimes”. Une analyse que partage Africa Inside, qui estime :
“En plaçant la question des réparations et de la justice coloniale au cœur du débat international, cette résolution de l'Union africaine pourrait marquer un tournant dans les relations entre l'Afrique et l'Occident. Elle ouvre la voie à une reconfiguration géopolitique.”
En amont de ce 38e sommet de l'UA, rapporte Business Insider Africa, le Conseil économique, social et culturel de l'UA (Ecosocc) avait organisé un présommet de la société civile pour faire avancer ce dossier des réparations et des dommages liés aux effets durables de l'esclavage et de la colonisation. Du XVe au XIXe siècle, au moins 12,5 millions d'Africains ont été kidnappés, transportés de force par des marchands, principalement européens, et vendus comme esclaves.
Justice réparatrice
En 2023, rappelle Business Insider Africa, l'Union africaine avait déjà adopté une résolution visant à obtenir une justice réparatrice pour l'esclavage transatlantique et la colonisation, relançant le débat sur sa mise en œuvre. L'organisation panafricaine avait notamment souligné la nécessité de la restitution des terres autochtones confisquées et la restitution des objets culturels saisis pendant la période coloniale.
La même année, l'UA s'était associée à la Communauté caribéenne (Caricom) pour exiger des réparations. À l'époque, le Guardian notait que ce partenariat entre l'Union africaine, composée de 55 membres, et la Caricom, composée de 20 pays, visait à intensifier la pression sur les anciens pays esclavagistes pour qu'ils s'engagent dans le mouvement des réparations.
La Caricom avait également élaboré son propre plan de réparation en dix points, qui prévoyait notamment une justice réparatrice, des excuses officielles complètes, l'annulation de la dette et l'investissement des anciennes puissances coloniales dans les systèmes de santé et d'éducation des pays lésés.
L'Afrique exige des comptes
Cependant, le succès de ces efforts dépendra de la capacité des pays de l'UA à surmonter la résistance des anciennes puissances coloniales. Car, comme le souligne Business Insider Africa, de nombreux dirigeants occidentaux s'opposent au versement de réparations.
Si Donald Trump estimait déjà en 2019 qu'il “ne voyait pas cela se produire”, Emmanuel Macron a plaidé, lui, pour une “réconciliation des mémoires”, tandis que le populiste britannique Nigel Farage voit dans ces négociations sur les réparations un signe de faiblesse.
En outre, la question n'est pas exempte d'arrière-pensées politiques. Ce projet de résolution a ainsi été porté par l'Algérie, qui a joué un rôle de premier plan dans la volonté de l'Union africaine de faire reconnaître sur la scène mondiale ce dossier de la réparation de la colonisation. Or cette résolution intervient dans un contexte d'une détérioration des relations entre l'Algérie et la France, notamment sur la question de la mémoire coloniale.
De même, l'expulsion des troupes françaises de plusieurs pays du Sahel et d'Afrique de l'Ouest s'est accompagnée d'une critique mémorielle de l'ancienne colonisation française, tandis que la Russie et la Chine ont amplifié et utilisé la question de la responsabilité coloniale pour contester l'influence européenne en Afrique, analyse le Guardian.
Mais peut-être est-ce justement “le bon moment pour que l'Afrique exige des comptes et pour que les démocraties européennes proposent enfin une réponse significative”, souligne le titre britannique, qui estime qu'“alors que le monde est aux prises avec des dynamiques de pouvoir changeantes, l'appel de l'Afrique à la justice est plus urgent que jamais”.
Courrier international
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L’équipe éditoriale de La Presse+ : Des choix pas anodins

Soyons clairs, les faits ne sont pas en cause ici. Les viaducs s'écroulent, la chaussée s'ouvre comme la mer Rouge du temps de Moïse et les aqueducs éruptent tels le Vésuve. Il y a aussi de la moisissure dans les murs des écoles et plus de gens dont le quotidien se résume à deux choix : passer leurs nuits dans les édicules de la STM ou crever de froid. Le récent dossier de La Presse, « Le Québec à l'heure des choix » (ainsi que l'éditorial qui l'accompagne), rapporte certaines vérités quant à l'état de la situation.1
Henry Diaz, économiste
Là où on risque la dispute, c'est aux moments où les textes tirent des conclusions douteuses, proposent des fausses dichotomies et où ils plantent sournoisement les semences de l'apologie du capitalisme, de la privatisation des besoins de base et du démantèlement généralisé de l'État. Car en effet, quelques vérités n'équivalent pas automatiquement à l'ensemble de la réalité.
Par exemple, c'est curieux qu'en nous proposant l'idée que l'État dépense trop et n'en génère pas assez, l'éditorialiste en chef de La Presse nous parle des CPE, du personnel spécialisé dans les écoles, des rentes de retraite et de la cohésion sociale.2 En d'autres mots, on dépenserait trop pour les enfants, les personnes âgées et les immigrants non blancs et non catholiques, entre autres. Pas un mot sur l'inégalité des revenus qui se creuse au Québec depuis quarante ans ni sur le traitement fiscal des mieux nantis, qui ne contribuent pas leur juste part :
• L'écart entre le 1 % des Québécois les plus riches et la moitié la plus pauvre s'est creusé de 52 % entre 1982 et 2019 ; 3
• La part de revenus du 0,1 % des plus riches au Québec a augmenté de 141,7 % entre 1982 et 2019 ; 4
• En 2020, le taux marginal d'imposition provincial du 0,1 % (revenus nets d'au moins 595 600$) était le même que celui de ceux et celles ayant des revenus de 108,390$.5,6
Ce n'est pas anodin non plus que cette critique juge que l'augmentation de 5,5 points de pourcentage (par rapport au PIB) sur 20 ans de toutes les dépenses de l'État serait « considérable »,7 notamment en raison de tous ces programmes pour les plus vulnérables. Cependant, on passe sous silence l'augmentation salariale de 30 % que les députés se sont octroyés en 2023 alors que l'économie du Québec a cru de 0,6 % la même année.8
On évite aussi de mentionner que la valeur du parc immobilier des ministres du gouvernement Legault s'élevait à 45 millions $ en 2023,9 mais on n'hésite pas à nous dire que le Québec n'a pas assez de richesse pour inclure de nouveaux éléments dans la mission de base de l'État (ça vous dit quelque chose, la crise du logement ? On se souviendra que le gouvernement Legault a longtemps refusé de reconnaitre l'existence de l'enjeu).10
En santé, on donne la parole à Gaétan Barrette pour nous convaincre que les problèmes financiers du réseau de la santé sont le résultat des syndicats et des familles qui ne prennent pas soin des aînés.11 Pas un mot sur la masse salariale des médecins spécialistes (autour de 5 milliards $ annuellement).12 Silence aussi par rapport au fait que c'est l'ancien ministre lui-même, dans son rôle de président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, qui a fait bondir le salaire des médecins spécialistes (gain de 77 % entre 2006 et 2015).13 À l'époque, Radio-Canada écrivait : « il n'existe aucune profession au Québec rémunérée à même les fonds publics qui a connu un tel bond. » 14
Encore moins anodin, l'éditorial de La Presse veut nous vendre la Suède comme un idéal à atteindre, pays où la social-démocratie irait mieux grâce à la cohésion sociale qui a permis de sabrer dans les rentes de retraite, entre autres.15 La « solution » au Québec passerait donc par l'homogénéisation de la société et les coupures dans les programmes. Cependant, pas un mot sur le fait qu'en Suède le salaire moyen d'un PDG est 60 fois le salaire moyen d'un travailleur, ratio qui atteint 226 au Québec. 16,17 Pourtant, on ne trouve pas la chronique ou article de La Presse demandant une réduction de cet écart au Québec pour s'aligner avec la Suède. Curieux.
En long et en large, ce grand dossier de La Presse nous dit que l'État dépense trop et choisit de cibler comme cause les groupes les plus vulnérables, tout en taisant toute problématique liée aux plus nantis et à la répartition équitable du pouvoir économique et de la richesse. C'est un point de vue qui ouvre la porte à des dérives comme celle qui se déroule présentement aux États-Unis, où un milliardaire a maintenant la main mise sur des décisions de l'État, dont potentiellement celles concernant les contrats et subventions qui pourraient être accordés à sa propre compagnie, le tout au nom de l'efficacité et de la productivité.
Il est facile de demander des sacrifices aux plus démunis, aux enfants et aux aînés, d'autant plus que ce sont des groupes typiquement sans pouvoir et sans tribune. C'est curieux que Mmes Gramond et Fournier n'en demandent pas autant aux plus riches ni aux pouvoirs économiques et politiques dont La Presse semble se faire le porte-parole.
C'est comme si on s'identifiait plus aux multimillionnaires et milliardaires qui aimeraient tout privatiser pour ornementer leurs fortunes. On devrait plutôt se battre pour notre vrai groupe d'appartenance, car, malgré ce qu'on voudrait nous faire croire, nous sommes tous plus proches de devoir dormir à l'entrée des stations de la STM que de s'acheter un yacht ou une île privée (deux gestes extrêmement problématiques, mais c'est sujet pour un autre moment).
Notes
1. État-providence : le Québec à l'heure des choix
2. Le Québec à l'heure des choix
3.Les inégalités de revenus ont plus augmenté qu'il n'y paraît au Québec
4. Ibid.
5.Ibid.
7.Le Québec à l'heure des choix
8.Statistiques Canada. Tableau 36-10-0222-01 (calculs de l'auteur).
9.Un gouvernement de propriétaires – Institut de recherche et d'informations socioéconomiques
10.Legault refuse de parler de crise du logement : « ça a des impacts »
11.État-providence : le Québec à l'heure des choix
12. Les médecins spécialistes réclament une hausse de rémunération « équitable »
13. Le fossé de la rémunération se creuse entre médecins et infirmières
14.L'effet Barrette : 42 % de plus pour les médecins spécialistes
15.Le Québec à l'heure des choix
*****
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Trump le « pacificateur » comme Hitler le « chancelier de la paix » !

Friedenskanzler, c'est-à-dire Chancelier de la paix. Si on vous dit que c'est comme ça que qu'on appelait … Hitler avant que celui-ci déclenche la Seconde Guerre mondiale, vous n'en croirez pas vos oreilles. Et pourtant, c'est la vérité car l'image d'un Hitler « pacifiste » n'était pas cultivée seulement par ses acolytes mais aussi par tous ces Européens – et ils étaient la majorité – qui aimaient prendre pour argent comptant ses professions de foi en faveur de la paix, car pensant que, tout compte fait, « Hitler était mieux que les communistes ou le Front Populaire ».
17 février 2025 | tiré du site entre les lignes entre les mots | Illustration : Ensemble avec Musk, Vance et Milei - dssin de Sonia Mitralias
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/02/17/trump-le-pacificateur-comme-hitler-le-chancelier-de-la-paix/#more-90801
Cela se passait il y a presque un siècle avant qu'un ami et propagandiste des actuels nostalgiques de ce même Friedenskanzler d'antan, (comme le sont le AFD allemand, les Fratelli d'Italia de Mme Meloni, Le Vox espagnol de M. Abascal, les fidèles de M. Zemmour et accessoirement de Mme Le Pen, et tant d'autres) se présente aussi comme un « pacificateur » qui n'a qu'une ambition : mettre fin aux guerres en Palestine et en Ukraine ! Évidemment, ce nouveau Friedenskanzler est Donald Trump, bien que ce même Donald Trump proclame haut et fort qu'il a l'intention de prendre possession, « par tous les moyens », du Canada, du Panama, du Groenland, de Gaza et qui sait de quel autre endroit du monde. Et ceux qui le présentent comme tel sont tous ceux qui ont intérêt à ce que les guerres en Ukraine et en Palestine se terminent le plus vite possible selon les termes de Donald Trump et de son second (?) Elon Musk : par le triomphe des génocidaires Poutine et Netanyahou et l'extermination ou le nettoyage ethnique des Ukrainiens et des Palestiniens !
En somme, l'histoire ne se répète pas toujours comme une farce. Et l'affinité du présent avec les – pas si lointaines – années ‘30 devient évidente quand par exemple il suffit de remplacer l'Ukraine sacrifiée de 2025 par la Tchécoslovaquie sacrifiée de 1938 pour réaliser que puisque pratiquement rien n'a changé, on pourrait très bien s'attendre à une pareille suite tragique des évènements…
D'ailleurs, cette affinité, sinon filiation de ces deux prétendus « pacificateurs », crève parfois les yeux. Comme quand M. Trump pense « résoudre » la question moyen-orientale en prenant possession de Gaza et en chassant ses habitants Palestiniens vers une destination plus ou moins « exotique » et farfelue. Si ce plan pour le moins extravagant du président américain vous rappelle un non moins extravagant plan du régime nazi, vous avec tout à fait raison : il s'agit du « plan Madagascar » qui ambitionnait de « résoudre » la « question juive » en vidant l'Europe de ses 11-12 millions de Juifs, lesquels seraient transportés de force à Madagascar transformé en un gigantesque ghetto ! Si ce plan monstrueux n'a jamais été mis en application, cela est dû uniquement au fait que la Grande Bretagne n'a pas été défaite par les nazis, et que sa flotte a continué à interdire l'accès de Madagascar. Cependant, son souvenir reste toujours vivace chez les dirigeants de l'AFD néonazi, tant admirés par Elon Musk et le vice-président des Etats-Unis J.D. Vance, et a refait surface durant leur réunion « secrète » avec leurs amis Autrichiens à Potsdam fin novembre passé, en tant que référence et précèdent « idéologique » de leur intention actuelle de chasser les millions de migrants et autres citoyens allemands descendants de migrants vers un « Madagascar » du 21e siècle !
Alors, à l'opposé de ce que prétendent nos gouvernants, nos médias et leurs « analystes », Trump et Musk n'improvisent pas du tout quand ils nous « surprennent » jour après jour avec leurs déclarations, leurs actes et même leurs gestes (p.ex. le double salut nazi de Musk). En réalité, il suffit de connaitre un peu ce qu'ont dit et ont fait les dirigeants nazis, pour comprendre que Trump et Musk suivent ou même copient leur exemple. C'est ainsi que Trump copie le tristement célèbre besoin d'« espace vital » (Lebensraum) du Troisième Reich, quand il déclare que la population israélienne se trouve à l'étroit dans l'actuel État d'Israël, et c'est pourquoi il consent à l'annexion par Israël de la Cisjordanie et qui sait de quelles autres régions du Moyen Orient sur lesquelles Netanyahou et ses amis prétendent avoir un… « droit biblique » !
Mais, quel besoin a-t-on de ces exemples en guise de preuves de leur néofascisme, quand Trump, Musk, Vance et Milei font vraiment tout et devant les yeux de tout le monde, pour nous persuader, au-delà de tout doute, qu'ils se revendiquent du nazisme et qu'ils œuvrent pour unifier sous leur direction tout ce qu'il y a de vermine nostalgique du fascisme et du nazisme de par le monde ? D'ailleurs, n'est-il pas le second de Trump, cet inénarrable J.D. Vance qui a fait l'éloge des nostalgiques de Hitler et Mussolini devant la fine fleur des gouvernants européens réprimandés par lui pour ce qu'il leur reste d'antifascisme, avant qu'il rencontre en privé son amie, la leader de l'AFD néofasciste seulement quelques jours avant les élections allemandes ? Que faut-il de plus pour qu'on arrête tant à droite qu'à gauche, de décrire Trump et même Musk comme… « populistes », et de qualifier leurs affinités électives avec les nazis de simples… « provocations » et d'actions « controversées » ?
Ça va de soi que ce penchant prononcé de Trump, Musk, Vance ou Milei pour la violence brute et pour tout ce qui rappelle le nazisme ou le fascisme triomphant, n'aurait qu'un intérêt moyen s'il ne mettait pas en péril la vie des millions de gens, l'existence des pays entiers et la paix dans le monde. En effet, ce qui caractérise le « pacificateur » Trump est que sa paix ressemble comme deux gouttes d'eau à la paix des cimetières. Une paix faite sans et contre les victimes de la guerre tant en Ukraine qu'en Palestine. Une paix qui rappelle celle annoncée par Hitler quand il « unifiait » et « pacifiait pour toujours » l'Europe conquise par sa Wehrmacht et soumise par sa Gestapo et ses SS. Une pseudo-paix qui donnera des ailes aux bourreaux et conduira inévitablement à une conflagration et un bain de sang encore plus générales…
Quant à nous, nous n'avons rien à ajouter à ce que nous écrivions en juin 2022, quand nous dénoncions déjà nos gouvernants qui « ont le culot de commencer à discuter entre eux quelle partie de l'Ukraine ils pourraient céder, ces impérialistes occidentaux (!), à Poutine, dans le dos des Ukrainiens et de leur gouvernement ! » Et nous concluions avec ces mots : « Bien que nous ayons ici un cas carabiné de l'interventionnisme et du paternalisme impérialiste le plus scandaleux, il y a peu de gens de gauche qui osent faire ce qui va de soi, à savoir le dénoncer publiquement, comme il le mérite. Et malheureusement, sont encore moins nombreux ceux qui osent soutenir le droit encore plus évident et élémentaire des Ukrainiens – qu'ils défendent bec et ongles – de se battre jusqu'au bout et par tous les moyens contre les envahisseurs russes, en décidant eux-mêmes librement et démocratiquement, et sans aucune ingérence étrangère hostile ou « amicale », de l'avenir de leur pays et des personnes qui y vivent ! » [1]
Yorgos Mitralias
Note
1] Voir notre article Qu'est-ce que cette guerre étrange où on interdit à l'Ukraine que Poutine « soit humilié » :
https://europe-solidaire.org/spip.php?article62858
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G7, G8 ou G6 sans les États-Unis ?

L'orientation idéologique que prend actuellement le gouvernement américain l'éloigne des autres membres du G7, qui auraient en juin une occasion de l'expulser, une idée qui avait déjà surgi en 2018 lors d'une précédente guerre commerciale démarrée par ce pays.
En janvier, le Canada a assumé la présidence du G7 dont le sommet se tiendra du 15 au 17 juin à Kananaskis en Alberta. Depuis 50 ans, l'organisme qui comprend le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne, l'Italie, l'Union européenne, le Japon, les États-Unis et le Canada coordonne les réponses des démocraties libérales face aux défis qu'elles rencontrent. Le conseiller à la sécurité nationale des États-Unis, Jake Sullivan, a qualifié le G7 en 2022 de « comité directeur du monde libre » et le chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot, affirme actuellement qu'il est le groupe des grandes démocraties les plus avancées.
La Russie en a été membre pendant un certain temps, soit de 1997 jusqu'en 2014, date à laquelle elle en a été expulsée pour avoir envahi l'Ukraine. Or, le président Trump a récemment soutenu que la Russie aurait dû conserver son adhésion et plaidé pour sa réintégration, qualifiant son exclusion d'erreur.
Les États-Unis dans l'internationale réactionnaire
S'il est prévu cette année d'y discuter les enjeux mondiaux, la présence au sein de ce groupe d'un pays ayant changé d'allégeance politique pourrait forcer ses membres à prendre une décision difficile en ce qui concerne le nombre de ses participants. L'arrivée du nouveau gouvernement Trump le 20 janvier avec l'agenda MAGA (Make America great again) amène son pays sur la voie de ce qui a récemment été qualifié d'internationale réactionnaire. En exemple de cela, le 14 février, lors de la Conférence de Munich sur la sécurité, le vice-président américain, J. D. Vance, a prononcé un discours qui a mis à mal la relation transatlantique des États-Unis. Selon lui, la véritable menace pour l'Europe ne proviendrait pas d'acteurs extérieurs, mais de l'attitude des gouvernements européens qui ne sont pas à l'écoute des préoccupations de leurs électeurs les plus radicaux. « En Grande-Bretagne et à travers l'Europe, la liberté d'expression, je le crains, est en retrait », a-t-il affirmé, soutenant plusieurs partis nationalistes de droite, telle l'Alternative für Deutschland (AfD), acceptant des néonazis dans ses rangs.
L'éviction du président Zelensky et des Européens des pourparlers de paix sur l'Ukraine a été un autre coup porté à cette relation transatlantique, ce qui a eu comme conséquence la création d'un « conseil de crise » formé de représentants français, britanniques, italiens, polonais et espagnol. Donald Trump met en place un nouvel ordre mondial en négociant seul avec Vladimir Poutine. Le président américain commence aussi une guerre économique internationale. Entre autres choses, l'acier et l'aluminium européen et du Canada pourraient prochainement être taxés à la hauteur de 25 % par les États-Unis, diverses nouvelles taxes visant aussi le Mexique et la Chine.
Réintégrer la Russie ou expulser les États-Unis ?
Jean-Noël Barrot considère comme « inimaginable » que la Russie réintègre aujourd'hui le G7, puisqu'elle en agresse des membres et se comporte de moins en moins comme une démocratie. La ministre des Affaires étrangères du pays hôte de la rencontre en juin, Mélanie Joly, a aussi déclaré que le Canada s'opposait fermement à cette réintégration.
L'idée d'exclure les États-Unis du G7 avait été présentée une première fois lors de la réunion de 2018 qui avait eu lieu à Charlevoix au Québec. Une semaine avant cette rencontre, Trump avait aussi imposé des droits de douane aux métaux provenant de l'Union européenne, du Mexique et du Canada. Les ministres des finances des pays visés avaient alors annoncé que leur coopération et collaboration avait été mise en danger en raison d'actions d'un pays membre. Le président de la France, Emmanuel Macron, avait alors fait le commentaire que le G7 ne serait pas très dérangé de redevenir G6, suggérant que le groupe pourrait être mieux sans les États-Unis, qui avaient d'ailleurs décidé de ne pas signer le communiqué final de la rencontre. Trump avait alors aussi dit qu'il voulait que la Russie revienne dans le G7.
Lors de la rencontre du G7 qui s'est tenu en Europe en 2024, les pays membres avaient réitéré leur attachement aux « principes démocratiques et aux sociétés libres, aux droits de la personne universels, au progrès social et au respect du multilatéralisme et de la primauté du droit ». Ils affirmaient avoir la volonté de renforcer les règles et les normes internationales pour le bien de tous. Or, les actions du gouvernement de Donald Trump montrent qu'il ne respecte pas cet ordre international.
Il y a quelques semaines, au sommet de Paris sur l'IA, le vice-président J.D. Vance s'en est pris aux lois européennes sur l'IA et les marchés numériques (DMA) qui doivent prévenir les abus des réseaux et les dérives dans l'intelligence artificielle parce qu'elles touchaient les Gafam. De plus, les déclarations du président américain qui veut vider Gaza de ses habitants et celles affirmant qu'il est prêt à utiliser la force militaire pour s'accaparer du Groenland, du Panamá et faire du Canada le 51e État américain en utilisant des contraintes économiques, montrent que Donald Trump est déterminé à mettre en place un nouvel ordre mondial basé sur l'injustice et la négation des droits des faibles. La mise en pratique cette année des propos de 2018 d'Emmanuel Macron empêcherait le président américain de détruire le G7 de l'intérieur et protégerait la crédibilité de l'organisme.
Michel Gourd
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PAJU exige la démission de la ministre Pascale Déry

Un article du Devoir révèle que la ministre québécoise Pascale Déry, ministre de l'Enseignement supérieur du Québec, a mené une enquête sur les cégeps Dawson et Vanier de Montréal sous l'influence de groupes pro-israéliens, CJA et CIJA(Centre consultatif des relations juives et israéliennes). Selon l'article, le site Internet de CJA affirme avoir influencé Mme Déry, avec l'aide de CIJA, pour lancer l'enquête. L'article du Devoir cite le site Internet de CJA : « Nous sommes heureux de cette décision et nous continuerons de collaborer directement [“to engage directly”] avec la ministre et les établissements au cours du processus », avait aussi écrit le CIJA sur sa page Facebook, dans une publication en anglais.
23 février 2025 | Tiré du site du PAJU
L'article du Devoir précise encore : Membre de la communauté sépharade, la ministre Déry a siégé au conseil d'administration du CIJA de 2016 à 2022. Le 4 février, la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ-CSN) lui a transmis une lettre dans laquelle elle dénonce l'« instrumentalisation politique du processus d'enquête administrative » que ferait la ministre aux collèges Dawson et Vanier, de même que l'« apparence de conflit d'intérêts » dans laquelle elle se place en raison de son implication passée au CIJA.
Ingérence dans le choix du cours académique
En mêlée de presse mardi le 18 février 2025, Mme Déry n'a pas répondu aux questions portant sur ce possible conflit d'intérêts. Elle a reconnu avoir exprimé des réticences à propos du cours de français intitulé « Appartenances palestiniennes » offert au collège Dawson.
Mme Déry a dit : « Je suis effectivement intervenue sur le contenu du cours pour une simple et bonne raison, c'est que le contexte était vraiment explosif, a-t-elle justifié. Ce que j'ai demandé, c'est : pour éviter de jeter de l'huile sur le feu, est-ce que dans ce cours de français, […] on aurait pu éviter de parler d'enjeux plus sensibles et plus clivants ? » Elle a souligné que « certains étudiants » avaient « des malaises » avec le contenu du cours.
Toujours selon l'article du Devoir, « Dans une récente enquête de La Presse, 10 enseignants ont dit avoir vu dans ce geste une ingérence de la part de la ministre. Des sources ont fait état au Devoir d'inquiétudes semblables ». La FNEEQ-CSN a réagi aux aveux de Pascale Déry. Le syndicat s'est dit « profondément indigné par l'admission de la ministre, elle-même signataire de la convention collective des profs de cégeps, où elle s'est engagée à respecter la liberté académique ».
« Ce principe fondamental est même reconnu par l'UNESCO, qui rappelle que l'État ne doit jamais s'ingérer de la sorte. Cette bévue de la ministre indique qu'il est temps de renforcer et d'étendre la Loi sur la liberté académique [dans le milieu universitaire] au réseau collégial, comme le réclamait la Fédération dès 2021 », a fait savoir le président du regroupement syndical, Benoît Lacoursière, cité dans l'article du Devoir.
Gouvernement québécois pro-Israël
Pascale Déry a démontré sans l'ombre d'un doute qu'elle s'est ingérée dans l'administration du Collège Dawson et du Cégep Vanier au nom de deux organisations pro-israéliennes, dont l'une qu'elle a représentée en tant que membre du conseil d'administration de 2016 à 2022. Elle est de plus un parfait exemple de la tendance pro-israélienne et anti-palestinienne du gouvernement caquiste québécois actuel de François Legault. Nous rappelons au public que c'est le gouvernement Legault qui a ouvert un bureau commercial à Tel-Aviv en pleine connaissance de la nature apartheid de l'État d'Israël et du génocide à Gaza à partir d'octobre 2023. Récemment, le coprésident de PAJU, Bruce Katz, a envoyé à la ministre des Affaires internationales du Québec, Martine Biron, une lettre ouverte demandant à savoir si le bureau du gouvernement Legault à Tel-Aviv est ouvert. Mme Biron n'a pas répondu.
La démission exigée
Dans ces circonstances, il incombe à Mme Déry de démissionner de son poste de ministre. Mme Déry a clairement outrepassé son mandat et se trouve clairement en situation de conflit d'intérêts ayant des ramifications politiques. Elle se positionne comme ministre en fonction de valeurs communautaristes. Qu''elle soit juive sépharade n'est pas la question : toute personne a un héritage, une culture. Mais qu''elle se serve de son poste de ministre pour promouvoir des valeurs sionistes, des valeurs Israël First, c'est tout le gouvernement Legault qui est en cause.
Si Mme Déry refuse de démissionner, il incombe au gouvernement Legault de la démettre de ses fonctions. Sinon, le gouvernement Legault se rendrait complice du conflit d'intérêts de Pascale Déry et de son ingérence politique dans l'administration des cégeps du Québec. Elle a bafoué le principe de la liberté académique et doit pour cette raison démissionner ou être démise de ses fonctions par le premier ministre du Québec.
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Contact : info@paju.org
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