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Aéroport de Montréal se sacre de tout le monde

25 février, par Collectif — , ,
La lettre a été signée par 171 personnes. Elle vient mettre en lumière que ADM, n'est pas un bon citoyen corporatif, comme il le prétend. D'abord, il est *le seul *à entraver (…)

La lettre a été signée par 171 personnes. Elle vient mettre en lumière que ADM, n'est pas un bon citoyen corporatif, comme il le prétend. D'abord, il est *le seul *à entraver le projet de conservation du Parc nature Des Sources, qui fait l'unanimité de auprès de 35 ONG, 25 municipalités, des communautés autochtones et des milliers de personnes (via pétition) qui sont en faveur de la protection de ces milieux naturels uniques, habitats de dizaines d'espèces protégées, dont le papillon Monarque.

Dans le même ordre d'idée, nous dénonçons l'attitude d'ADM, qui n'a jamais voulu s'engager à respecter une plage de 23h à 7h exempte de mouvements aériens, ce qui permettrait à tous les montréalais-se d'avoir une nuit de sommeil complète. Le projet d'expansion et l'ajout de 10 nouvelles portes d'embarquement, mettra une pression accrue sur la plage horaire des vols.

Ceci, additionné à la mauvaise qualité de l'air mesurée par une professeure de l'université McGill dans les quartiers environnant l'aéroport, nous amène à questionner la pertinence et la moralité de l'expansion d'un aéroport en plein coeur d'une ville densément peuplée comme Montréal. Y aurait-il d'autres options ? ADM n'est pas du genre à ouvrir le dialogue...

Malgré l'opposition ferme de 35 organisations citoyennes et environnementales, de 25 municipalités, des communautés autochtones et de plusieurs dizaines de milliers de citoyennes et citoyens qui ont signé des pétitions, nous apprenions récemment que Aéroports de Montréal persiste dans son projet de destruction de plus de 100 hectares de marais, de prés fleuris, et de forêt urbaine à haute valeur écologique, abritant des dizaines d'espèces en péril, dont le papillon monarque.

C'est ce qu'ADM a confirmé dans un mémoire déposé à la Communauté métropolitaine de Montréal dans le cadre d'une consultation publique, et réitéré lors d'une rencontre avec l'organisme de conservation Technoparc Oiseaux.

Ces lots sont au cœur du projet de conservation de 275 hectares du Parc Nature Des Sources, havre de biodiversité exceptionnelle et rare îlot de fraîcheur dans ce secteur extrêmement minéralisé de l'Île de Montréal.

Plusieurs victoires citoyennes ont déjà été remportées pour la préservation de ce territoire, notamment avec Medicom ou plus récemment avec Hypertec, où le promoteur a compris l'importance de ce terrain pour la biodiversité et la santé humaine ainsi que la nécessité de l'acceptabilité sociale.

Aujourd'hui, envers et contre tous, ADM est le seul à entraver le projet de conservation, le seul à ne pas voir la nécessité de la préservation de ce site unique et essentiel. Protéger la biodiversité, c'est aussi protéger la santé des êtres humains en atténuant les effets des îlots de chaleur, la pollution de l'air et de l'eau, la pollution sonore et les risques d'inondation.

Des arguments aux airs de déjà vus

Selon ADM, ces terres serviront à créer un “pôle de décarbonation et de soutien aux opérations permettant d'accélérer la transition énergétique de l'industrie aéronautique”.

Rappelons à ADM que la décarbonation a pour but de permettre aux écosystèmes de continuer à nous maintenir en vie, en produisant de l'air pur, de l'eau potable et des terres fertiles. Détruire des écosystèmes vitaux dans le but de décarboner est une aberration.

ADM met aussi de l'avant le "risque aviaire". Sans sous-estimer ce risque, précisons qu'on ne parle pas ici de créer de nouveaux espaces verts, mais bien de protéger ceux qui s'y trouvent déjà. Les oiseaux cohabitent avec les avions dans cette zone depuis la création de l'aéroport et ADM a jusqu'à maintenant démontré qu'elle savait bien gérer ce risque, comme d'autres grands aéroports voisins de milieux naturels. Il existe une panoplie de moyens, autre que la destruction des habitats, pour gérer le risque aviaire.

Déni des impacts directs sur la santé des montréalaises et montréalais

De la même manière, ADM refuse de s'engager à respecter un couvre-feu pour permettre aux familles montréalaises de bénéficier d'une nuit complète de sommeil entre 23h et 7h. Le projet de nouvel aérogare, ajoutant 10 portes d'embarquement, entraînera une augmentation des mouvements aériens dans le ciel de Montréal, et une pression accrue sur la plage horaire comprise entre 23 heures et 7 heures, qui devrait être interdite aux avions.

Rappelons que le lieu de résidence n'est pas toujours un choix, particulièrement en contexte économique difficile et celui de la crise du logement, et que le droit au sommeil est un droit fondamental, qui ne devrait pas être réservé aux populations riches.

En outre, la pollution de l'air dans les quartiers environnant l'aéroport a été documentée par une scientifique de l'université McGill, avec des taux préoccupants de nanoparticules de métaux toxiques. ADM est bien au fait de ces données et les ignore dans ses projets d'expansion.

Ces informations ne devraient-elles pas nous amener collectivement à remettre en question l'expansion d'un aéroport dans une zone urbaine aussi densément peuplée que Montréal ?

La mobilisation continue, tant qu'il le faudra

M. Yves Beauchamp, président-directeur général d'ADM, nous ne vous laisserons pas détruire la nature qui foisonne, nous ne vous laisserons pas compromettre notre santé et celle de nos enfants.

Vous trouverez sur votre chemin des milliers de mères et de grands-mères au front, et leurs innombrables allié·e·s.

Rédactrice principale Nathalie Ainsley, mère au front pour Laurie, Annie et le vivant
et 170 co-signataires.

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Trump II, un mois plus tard

25 février, par Guylain Bernier, Yvan Perrier — , ,
« Le pouvoir tend à corrompre, le pouvoir absolu corrompt absolument. » Lord Acton. Le 45e-47e président des USA est en poste depuis maintenant un peu plus d'un mois. Les (…)

« Le pouvoir tend à corrompre, le pouvoir absolu corrompt absolument. » Lord Acton.

Le 45e-47e président des USA est en poste depuis maintenant un peu plus d'un mois. Les noms ou les adjectifs qui ont circulé en vue de qualifier la nature de son style de gouverne ont été nombreux. Le texte qui suit s'inscrit dans cette mouvance. Nous suggérons ici que Donald Trump est en train de gouverner son pays à partir d'une définition très personnelle sur la portée et l'étendue de sa capacité d'agir et de prendre des décisions. La chose qu'on peut minimalement affirmer, avec certitude, c'est qu'il en mène large avec ses déclarations démesurées et déconnectées du réel, et il ne se gêne pas pour semer le chaos avec sa rhétorique agressive et revancharde. Ses décisions sont souvent, à première vue, illégales et reconnues, pour le moment, comme telles par les paliers inférieurs de l'ordre juridique. Que diront les juges de la Cour suprême de ces dérogations présidentielles ? C'est à venir éventuellement. Mais le mal à la tronçonneuse risque d'être fait. Pour ce qui est de la nature du régime politique qui prend forme, cela représente une chose qui doit être examinée avec beaucoup de circonspection. Par contre, ce qui semble certain au moment où nous écrivons ces lignes, Donald Trump met tout en oeuvre pour renforcer et affirmer la suprématie du pouvoir présidentiel sur l'ensemble des pouvoirs de l'État. C'est le début d'une sorte « (d')état d'exception » qui prend forme actuellement. Ce ne sont pas les droits et libertés des citoyennes et des citoyens qui sont suspendus. Nous sommes plutôt devant une situation où, par les dispositions des choses, il semble très possible qu'il n'y aura plus aucune force ou puissance pour arrêter le pouvoir présidentiel. Exit par conséquent le mot de Montesquieu selon lequel : « Pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ».

Renforcer et affirmer le pouvoir présidentiel

Manifestement, Donald Trump pose des gestes en vue d'affirmer et de renforcer le pouvoir présidentiel sur l'ensemble des composantes étatiques. De plus, nous assistons à des mises en scène quasi quotidiennes qui focalisent les projecteurs sur la personnalité du leader à l'ego surdimensionné. Voici quelques preuves à l'appui de ces deux assertions : il exerce son pouvoir d'une manière autoritaire, prend des décisions unilatérales qui vont au-delà de ses prérogatives. Même si la majorité républicaine au Sénat est faible (53 sénateurs sur 100), Donald Trump est parvenu en un rien de temps à neutraliser et à s'assujettir le pouvoir législatif qui réagit nullement devant les débordements présidentiels. Trump II s'arroge unilatéralement des prérogatives législatives qui relèvent de la compétence exclusive du Congrès. Peu de voix s'élèvent ici devant cet unilatéralisme présidentiel.

De plus, le 45e-47e président américain attaque le pouvoir judiciaire en le discréditant à l'avance en vue de pouvoir être en mesure de réduire la portée des jugements à venir susceptibles d'invalider les oukases présidentiels. Les membres de son entourage reprennent à leur compte son refrain, selon lequel les juges n'ont ni le pouvoir ni la légitimité de s'opposer ou de contrôler les décisions du pouvoir exécutif. Est-il nécessaire de rappeler ici que la Cour suprême a décidé le 1er juillet 2024, à 6 juges contre 3, que le président américain jouit d'une immunité absolue pour des actes officiels.

Last but not least, Trump II a décidé de confier à un oligarque non élu — Elon Musk — une mission de purger et de dépecer le pouvoir administratif. Ce dernier est entrain de réduire à peau de chagrin ou à néant de nombreuses agences gouvernementales. Des fonctionnaires sont cavalièrement congédiéEs et invitéEs à se chercher un emploi dans le secteur privé. De plus, le président américain veut diriger vers son bureau des pouvoirs et des compétences qui relèvent de la très indépendante Banque centrale des USA (la FED).

Donald Trump est sans conteste en train de renforcer et d'affirmer le pouvoir présidentiel en mettant en place un régime fondé sur la peur et l'intimidation de ses adversaires ainsi que des personnes qui voudraient se mettre ou s'interposer sur son chemin.

Avant même d'être assermenté, Donald Trump a sévèrement blâmé le gouverneur de la Californie pour les incendies qui ont récemment ravagées et dévastées la région métropolitaine de Los Angeles. Il a, la semaine dernière, annulé le règlement municipal de la ville de New York au sujet des droits d'entrée à acquitter pour y accéder en automobile. Il a annoncé, ces derniers jours, le remplacement du chef d'état-major de l'armée américaine. Sur le plan intérieur Trump II, ne veut qu'une chose : des personnes loyales et disposées à se soumettre et à exécuter ses ordres.

Dans sa République, Platon avait d'ailleurs souligné cette mauvaise inclination du régime démocratique à se verser dans la tyrannie. Parce qu'il y a corruption même de celui-ci, en raison d'un détournement des lois et de leur vertu. Dans l'analyse détaillée du dialogue, Pierre Pachet (Platon, 1993, p. 36) évoque ceci :

«

La démocratie est détruite par l'excès de liberté, qui conduit au mépris des lois dans tous les domaines. Cette liberté excessive engendre la servitude. Les faux-bourdons détruisent le régime. Certains faux-bourdons deviennent chefs du peuple, provoquant par réaction la naissance d'un complot oligarchique, et le peuple se choisit un chef, qui devient comme un homme-loup, un tyran. S'il obtient une garde du corps armée, la transformation est complète. Le tyran commence par être bénin, puis provoque des guerres, et nettoie la cité de sa richesse et de ses hommes de qualité. Il embauche des esclaves pour son armée personnelle. »

Ce qui se trame présentement aux USA constitue la continuité de la première présidence de Donald Trump, qui justement avait mis en doute la vertu des lois actuelles, notamment en matière électorale, puisqu'elle s'avérait favoriser un Parti démocrate tourné vers le plus d'État, le plus de lois et de règles, et donc vers moins de liberté dans tous les sens du mot, mais surtout dans l'enrichissement personnel. Le courant de l'extrême droite, pour ne pas dire le libéralisme radical, sur lequel nous reviendrons plus loin, a permis à Donald Trump d'aviver des partisanEs qui ont d'ailleurs pris d'assaut le Capitole le 6 janvier 2021. Et ses fidèles ont été récompensés récemment en obtenant le pardon présidentiel, malgré l'outrage d'un symbole de la démocratie américaine. En soi, cet événement est aussi symbolique et expose les réelles intentions derrière, c'est-à-dire un détournement des lois dites démocratiques à des fins particulières, voire égoïstes.

Ainsi, le don de prédiction de Platon se concrétise à nouveau et plusieurs éléments déjà exposés prendront encore plus d'importance en lien avec ce qui suit. Car il faudra y ajouter au descriptif une réalité contemporaine, alors que la mondialisation et l'ordre international sont aussi chambardés.

Déconstruire l'ordre international

Sous prétexte que les USA ont jeté durant des décennies leur argent par les fenêtres, le président Trump a décidé unilatéralement de supprimer l'aide américaine à certaines agences internationales. Il a retiré son pays de certains accords internationaux. Il remet en question, sans débat, les alliances internationales et les engagements internationaux de ses prédécesseurs. Il s'immisce dans les affaires intérieures de certains pays et permet à des membres de son entourage immédiat de faire de même. Il dit vouloir mettre un terme à la guerre en Ukraine en négociant directement avec la Russie et, en prime, en l'absence de plénipotentiaires du gouvernement ukrainien.

Trump II semble prêt à participer à une déconstruction du système politique international tel qu'il s'est constitué et mis en place au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale. De plus, il annonce des visées d'annexion — ou d'achat — territoriale. Et quoi encore.

Sur le plan extérieur, Donald Trump ne veut qu'une chose : un monde conforme à sa vision simpliste et, pour y accéder, il n'hésite pas à multiplier les paroles blessantes et les gestes offensants pour montrer qu'il est prêt à tout pour rendre l'ordre planétaire conforme à sa vision de « Maître du monde ». Parce que, dans son imaginaire, être président des USA donne droit à tout, même à la réalisation de désirs capricieux, pour ne pas citer le despote de Montesquieu.

Lancer une guerre commerciale

Durant la campagne électorale, le candidat républicain Donald Trump promettait la prospérité et l'enrichissement de toutes et de tous à travers quatre mesures : une baisse d'impôts, l'expulsion des immigrantEs réputéEs illégauxGALES, la réduction de l'appareil administratif jugé inefficace et corrompu et l'imposition de tarifs douaniers. Quatre promesses électorales phares, quatre promesses visant une réorientation de la liberté perçue à sa façon.

Maintenant qu'il est en poste depuis plus d'un mois, en vue de renflouer les coffres du gouvernement américain qui est surendetté — la dette nationale brute s'élèverait environ à 35 770 milliards de dollars américains — et pour avoir les moyens de réduire les impôts de ses concitoyennes et concitoyens, il se dit prêt à déclencher une guerre tarifaire en imposant des tarifs douaniers, et ce, en vue supposément d'attirer vers son pays des entreprises étrangères qui veulent voir leur production s'écouler sur le marché américain. Il prétend même que cette guerre des barrières tarifaires ne déclenchera pas une nouvelle flambée inflationniste.

Et l'avenir dans tout ça ?

Nous ne spéculerons pas sur ce qui nous attend pour les 47 prochains mois à venir (ou plus si Donald Trump décide d'aller de l'avant avec son idée de solliciter éventuellement un troisième mandat). Une chose est certaine, la gouverne de Trump II est déstabilisante et comporte un certain nombre de ruptures importantes et significatives qui sont susceptibles d'être reconnues ou déclarées, plus ou moins majoritairement par les juges des différents paliers de tribunaux, inconstitutionnelles. D'où, en ce moment, une authentique fracture avec le passé dont nous devons prendre le temps de mesurer la portée et l'étendue. N'empêche que cette redéfinition du régime sous le courant trumpiste augure une transformation radicale qui remet en question même l'étatisme. Dès lors s'exposent de plus en plus un autoritarisme et une propagande de l'ère numérique, mais toujours dans sa phase préliminaire.

Ce qui est en jeu en ce moment

Donald Trump est en train de tout mettre en œuvre pour affirmer la suprématie du pouvoir présidentiel sur la totalité des autres composantes gouvernementales ou branches étatiques (le pouvoir judiciaire, le pouvoir législatif, les composantes administratives et militaires). C'est le début d'un « état d'exception » qui se met en place jour après jour. Un État de décret où les autres composantes du système des contre-pouvoirs sont invitées à ne pas intervenir ou à reconnaître comme légitime et fondé en droit les décrets présidentiels. Le tout dans un contexte où une censure ciblée se déploie et où une chasse aux sorcières est dirigée contre les WOKES (les groupes qui militent en faveur de l'équité, la diversité et l'inclusion des minorités discriminées). De plus, les droits des femmes à l'avortement sont toujours et plus que jamais dans la mire de Donald Trump. Une confusion entre le religieux et certains choix politiques est annoncée et sera pratiquée par des membres de l'exécutif du président.

Monarque sans royaume et Projet 2025

Le monarque sans royaume met en place les mesures contenues dans le programme Projet 2025 (document promu par l'Heritage fondation). Ce programme rédigé pour et par les membres de l'oligarchie de la richesse vise à affaiblir les assises de la démocratie américaine (démantèlement de l'appareil administratif, subordination des pouvoirs législatif et judiciaire à l'organe exécutif, limitation du droit de vote). Cette oligarchie qui se colle au Parti républicain, en vue de faire élire au Congrès des représentantEs et des sénateurTRICEs qui seront et sont disposéEs à adopter des lois qui vont compliquer l'accès au droit de vote à différentes catégories de citoyenNEs (principalement des personnes racisées et des femmes) et pourquoi pas cultiver, par divers moyens, l'apathie politique d'un nombre important de citoyenNEs, le tout en vue de limiter les votes favorables aux démocrates.

Est-il nécessaire de préciser que cette oligarchie de la richesse correspond à une ploutocratie réactionnaire et conservatrice qui veut faire disparaître, entre autres choses, les lois favorables à la protection de l'environnement ainsi que celles qui posent des limites ou des contrôles accrus aux activités dans le champ des nouvelles technologies d'information et des communications (le monde du WEB) et dans la cryptomonnaie. Il est même recherché, par ces ultra-riches milliardaires, des juges à nommer qui vont rendre des décisions qui s'inscrivent dans le courant juridique dit « originalisme ». Ajoutons en plus que cette oligarchie veut réduire les possibilités d'une alternance politique au Congrès et à la présidence.

Similitudes et divergences avec des régimes dits « totalitaires »

Par essence, il ne saurait faire de doute que tout gouvernement qui prône la suprématie du Chef sur les autres branches ou composantes de l'État porte avec lui des similitudes avec les régimes dictatoriaux de ceux qui ont été mis en place au XXe siècle par les Mussolini, Staline et Hitler…

La tentation est donc forte — et très forte même — de vouloir affubler ou qualifier la gouverne de Donald Trump II au fascisme ou à une sorte de néo-fascisme. Nous sommes par contre d'avis qu'il faut éviter, pour le moment, ce genre de comparaison hâtive. Oui, Donald Trump se comporte en tyran, en dictateur, en chef incontestable, en leader qui veut disposer d'un corps de serviteurs fidèles et serviles à son service tout en désirant être adulé par les foules. En plus, il répète son désir d'étendre son espace territorial vital à une terre proche (le Canada) comme lointaine (le Groenland), jugée nécessaire à la défense de son pays et d'accéder, par le fait même, aux ressources et aux richesses de ces territoires ; ressources et richesses qui font cruellement défaut à l'économie américaine.

Il y a quand même, selon nous, des nuances à prendre en considération entre les dictatures fasciste et nazie et le régime trumpiste. Nous ne sommes pas devant un dirigeant qui a un plan d'extermination de ses opposantEs et des oppositions — du moins, pas encore dans cette tournure meurtrière. Il est certes sur une lancée visant à continuer son œuvre déroutante, déconcertante, etc…. En agissant comme il le fait, Trump II concrétise et incarne la forme corrompue de la démocratie, selon la typologie aristotélicienne (mais aussi platonicienne) : il agit en tyran qui confond son intérêt personnel et celui des membres de son « sérail » immédiat avec le bien commun. Nous n'avançons donc pas que le régime trumpiste est un régime fasciste ou hitlérien… Il faut trouver des mots justes au contenu précis pour décrire la nouvelle réalité qui prend forme sous nos yeux. Avec Trump II, comme avec ses prédécesseurs, ce ne sera pas avant la fin de sa présence au Bureau ovale de la Maison-Blanche, dans quatre ou huit ans, que nous serons en mesure de forger ce mot-synthèse ou ce concept qui caractérisera l'ensemble de son œuvre qui prend incontestablement sa source dans l'idéologie libertarienne antiétatique qui est accompagnée d'un mouvement social diffus, mais très actif dans le Parti républicain et largement financé par des fondations et des fortunes privées.

N'empêche que l'homme derrière la présidence possède des traits de caractère qui le rapproche de dirigeants autoritaires, voir même « fasciste » à la rigueur. Car, comme les autres, il provient d'un régime démocratique et a en aversion les lois en vigueur, ou du moins les envisagent autrement. Il se sent coincé par le régime qui l'empêche de réaliser ses desseins, alors que ceux-ci sont généralisés à l'ensemble d'une population jugée comme étant perdue ou en quête d'une nouvelle utopie. La vraie liberté américaine vantée par la démocratie ne peut exister. Elle doit être guidée, ramenée dans un régime dont le dirigeant en connaît la véritable portée. Autrement dit, le régime doit être réformé en totalité, voire même contrôlé par quelqu'un qui saura l'incarner. Et comme le soulignait Montesquieu (XVIIIe, Troisième Livre, Chapitre 8, p. 67), en parlant du gouvernement despotique :

« Comme il faut de la vertu dans une République, et dans une monarchie de l'honneur, il faut de la crainte dans un gouvernement Despotique[,] pour la vertu elle n'y est point nécessaire et l'honneur y serait dangereux. Le pouvoir immense du Prince [voire du Despote] y passe tout entier à ceux à qui il le confie. Des gens capables de sentiments beaucoup. Eux-mêmes y seraient en état de faire des révolutions : il faut donc que la crainte y abatte tous les courages et y éteigne jusqu'au moindre sentiment d'ambition ». (Citation adaptée à l'orthographe et à la grammaire d'aujourd'hui).

Mais comme nous l'avons précisé, il est encore tôt pour statuer définitivement sur le qualificatif d'État despotique et l'attribuer aux USA, mais les diverses actions de la présidence actuelle démontrent bien la voie prise en ce sens. Montesquieu (XVIIIe, Cinquième Livre, Chapitre 13, p. 153) encore résume l'idée du despotisme comme suit : « Quand les Sauvages de la Louisiane veulent avoir du fruit[,] ils coupent l'arbre au pied et cueillent le fruit[,] voilà le gouvernement Despotique ». Il faut certes contextualiser cette citation et renier sa connotation raciste, afin de retenir l'action symbolisée ici, c'est-à-dire ruiner ce qui apporte les bénéfices à la nation. Autrement dit, en osant ici supputer sur l'avenir, les qualités reconnues des USA seront perdues et l'unité, déjà perdue, se divisera encore davantage ou plutôt cette division se cristallisera et se radicalisera au point de créer un conflit interne devant aboutir à de grandes souffrances pour le pays.

Et les juges dans tout ça ?

« Pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir » a dit Montesquieu.

Jusqu'à maintenant, Donald Trump est parvenu à obtenir une immunité présidentielle élargie, il a nommé une flopée impressionnante de juges à travers le pays (200 environ) et trois à la Cour suprême des USA. Que vont dire ces juges du coup de force en cours visant à renforcer davantage le pouvoir présidentiel ? Car il s'agit bel et bien d'un coup de force qui prend forme en ce moment. Ces juges qui ont été sélectionnés en raison de leur position antiavortement et en faveur de l'immunité des décisions du président en exercice affirmeront-elles et affirmeront-ils leur indépendance ou trouveront-elles et trouveront-ils le moyen de donner des victoires constitutionnelles à Donald Trump ? Autrement dit, les juges en place vont-elles et vont-ils avaliser le coup d'État institutionnel qui se déploie sous nos yeux ? Les institutions américaines (le Congrès et les tribunaux) seront-elles en mesure de freiner et d'empêcher Donald Trump de remettre en question la séparation des pouvoirs prévue dans et par la constitution américaine ? Donald Trump semble prêt à se lancer dans un affrontement et un conflit avec la branche judiciaire. Il veut tester le système judiciaire en matière de partage des pouvoirs entre la branche exécutive et la branche judiciaire. C'est le système des checks and balance (le système de freins et de contrepoids) qui est en jeu ici. Se pose dès lors, avec beaucoup d'acuité l'interrogation suivante : jusqu'à quel point les institutions politiques prévues en vue de limiter les excès et les abus de pouvoir de Donald Trump seront-elles en mesure de le freiner, le contenir et l'empêcher d'agir ? L'avenir le dira.

Président des USA et chef du monde entier

En ce moment, nous assistons au retour de la notion d'impérialisme américain dans les déclarations ou les analyses de personnes qui ont fait leurs études dans des institutions universitaires conservatrices… Par-delà cet aspect particulier de la conjoncture politique, il est vrai que Donald Trump semble se prendre non seulement pour le président des USA, mais aussi pour le chef du monde entier. Lui et les membres de son cercle restreint se considèrent comme les nouveaux « Maîtres du monde » — du moins leurs agissements vont en ce sens. Trump se croit tout puissant, voire même hyper puissant. Il veut découper et partager le monde avec des vis-à-vis qu'il veut choisir seul ; voilà la conception d'un authentique despote.

La naissance d'un « état d'exception » ?

Il semble donc clair, selon nous, que Donald Trump veut mettre à plat la démocratie américaine et voir triompher la suprématie présidentielle sur les autres composantes de l'État. Y parviendra-t-il ? C'est lors de cet éventuel affrontement décisif avec les juges de la Cour suprême américaine que nous serons en mesure de constater si ses actions, ses exactions et ses interventions laisseront et ont laissé un caractère durable dans le temps et sur les institutions juridico-politiques des USA. La méthode du fait accompli — par le recours à la tronçonneuse et la multiplication des décrets présidentiels — sera-t-elle accompagnée de ruptures irréversibles qui seront difficiles à redresser ? En attendant, nous pouvons nous demander si ce n'est pas un « état d'exception » qui se met en place aux USA ?

L'État d'exception, selon nous, correspond à ce moment où le droit est en dehors du droit, tout en y appartenant. Donc, une situation contraire et à première vue étrangère au droit, mais qui reste légale tant que les juges n'ont rien tranché définitivement (Agamben, 2003). Bref, il s'agit d'un point de déséquilibre passager et provisoire entre le droit et le fait politique. C'est ce qui fait dire à Saint-Bonnet (2001, p. 335) ceci : « L'état d'exception, qui se caractérise par l'évidente nécessité, convertit une décision normalement inconstitutionnelle en non-décision inconstitutionnelle par une métamorphose qui appartient à un registre dont ni le politique ni le juridique ne peuvent rendre compte ». N'est-ce pas véritablement ce qui est en train de se mettre en place sous nos yeux au sud de la frontière canadienne ?

Quoi qu'il en soit, l'histoire nous enseigne comment les plus grands dictateurs ont été soit neutralisés ou soit renversés. En attendant, il ne faut pas rester les bras croisés. Il faut intervenir sur la scène publique et déployer son agentivité dans cette période trouble où même certaines bouches ministérielles, habituellement très sélectives dans leur choix de mots et qui n'ont surtout pas été formées sur les banquettes des peu nombreuses universités progressistes canadiennes ou dans les rangs des groupuscules de l'extrême gauche des années soixante-dix, osent parler maintenant très ouvertement de l'impérialisme américain. Le monde est en train de changer de base, mais, hélas, nulLE ne peut prédire l'avenir…

Guylain Bernier
Yvan Perrier
22 février 2025
14h30

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Références

Agamben, Giorgio. 2003. État d'exception : Homo Sacer. Paris : Seuil, 153 p.

Montesquieu, Charles de Secondat. XVIIIe siècle. De l'Esprit des Lois : Premier jet. Tome I (version manuscrite — archives de La Brède). Paris : NAF 12382.

Platon. 1993. La République : Du régime politique. Paris : Gallimard, 551 p.

Saint-Bonnet, François. 2001. L'État d'exception. Paris : PUF, 393 p.

Le gouverneur de l’Illinois, J.B. Pritzker, fait appel à la vigilance devant le gouvernement de Donald Trump

25 février, par André Jacob, J.B. Pritzker, Ovide Bastien — , ,
Le gouverneur démocrate de l'Illinois, J.B. Pritzker, élu en 2018 et réélu en 2022, a livré un discours émouvant, le 18 février 2025, dans lequel il présente une critique bien (…)

Le gouverneur démocrate de l'Illinois, J.B. Pritzker, élu en 2018 et réélu en 2022, a livré un discours émouvant, le 18 février 2025, dans lequel il présente une critique bien sentie de Donald Trump ; il tire la sonnette d'alarme devant la mainmise de ce dernier, d'Elon Musk, et autres sbires multimilliardaires sur le gouvernement fédéral américain.

Depuis l'élection de ce président populiste réactionnaire, les oligarques des gigantesques entreprises du contrôle numérique (Meta, Apple, etc.) et du commerce libertarien (Amazon, Uber, AirBnB, etc.) font la loi ; ils donnent l'impression de jouer dans un vieux film western dans lequel les bons cowboys éliminent les méchants « indiens » et tous les opposants à leur rêve de conquête de l'Ouest.

Hélas, sous nos regards incrédules, la conquête économique libertarienne au profit de bandes milliardaires organisées s'avère réelle et déjà ancrée dans l'opinion publique par les discours propagandistes arrogants, illusionnistes et manipulateurs de ces nouveaux chevaliers d'un nouvel ordre mondial qui se bâtit par la distorsion des faits ; le mensonge devient prégnant dans tous leurs discours.

Ces sangsues de l'État sans foi ni loi, sinon la leur, se croient les prophètes éclairés d'une société définie à leur image et à leur ressemblance en utilisant même la référence à Dieu s'ils jugent utiles de le faire selon leurs intérêts du moment. Au détriment des règles de base du droit et de la démocratie, ils lancent le gouvernement américain actuel dans une vaste entreprise de contrôle de tous les secteurs de la société américaine, notamment en s'attaquant à leurs « ennemis intérieurs » (la fonction publique, les immigrants, les intellectuels, les artistes, les scientifiques, les opposants politiques, etc.). Leur visée hégémonique ne s'arrête pas en si bon chemin, car Trump et sa bande veulent imposer les règles du jeu au monde entier, y compris, bien évidemment au Canada.

Le gouverneur Pritzker dénonce ce contexte délétère et invite tous les citoyens et citoyennes lucides à se lever et à agir pour éteindre la déflagration sociale, culturelle, politique et économique déclenchée par D. Trump et ses alliés du jour. Politicien expérimenté, le gouverneur Pritzker met le doigt sur la plaie vive de la révolution « trumpienne », cette vaste escroquerie morale détournant les rouages de l'État selon les principes du capitalisme libertarien.

Cette dérive antidémocratique, affirme Pritzker, attaque les droits fondamentaux et socioéconomiques de tous les citoyens et toutes les citoyennes, mais surtout ceux des groupes minoritaires et différents de la majorité blanche et chrétienne.

L'étranger comme vecteur de la propagande

Forts du soutien d'une masse de supporteurs fanatisés au regard embué par la désinformation, les « hommes » milliardaires aux commandes à Washington (les femmes restent absentes de leur univers étroit) profitent aussi de l'indifférence et de l'ignorance crasse d'une bonne partie de la population pour faire advenir leur royaume. On voit naître et s'organiser une répression structurée et systémique (par exemple, l'expulsion massive d'immigrants dits illégaux, le congédiement irréfléchi de milliers d'employé.e.s de l'État y compris des hauts-gradés de l'armée, etc.) ; ils évoquent n'importe quel motif de discrimination classique : sexe, l'identité ou l'expression de genre, la grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale, la couleur de la peau, la condition sociale, le handicap, etc. À leurs yeux, les personnes qui ne correspondent pas à leur credo ne trouvent pas grâce à leurs velléités de domination.

Le gouverneur Pritzker fait ressortir concrètement les effets négatifs que produisent les changements en cours téléguidés par la clique de tartuffes installés à la Maison blanche. Devant les élus de l'Illinois, il balise clairement les sentiers de la résistance et de l'offensive contre la supercherie antidémocratique et la propagande haineuse, soit l'engagement et l'action citoyenne dans le développement de stratégies et de tactiques de résistance et de perspectives constructives adaptées à la situation critique actuelle.

Pour illustrer la nécessité de l'engagement citoyen, il réfère à l'histoire avec un grand H ; il propose d'en retenir les leçons afin d'éviter les drames bien connus par des phénomènes massifs de discrimination contre les citoyens et citoyennes jugés « ennemis de l'intérieur ». On peut prévenir, par exemple, la répétition d'une tragédie historique comme l'Holocauste, estime-t-il, en agissant contre toutes les facettes et les manifestations de la haine et de l'ignominie du pouvoir politique trumpiste. Fort de son expérience personnelle comme juif, il rappelle que l'antisémitisme n'est pas né d'un coup de baguette magique, mais de la construction systématique des Juifs comme responsables de tous les maux de la société, soit la grande crise économique déclenchée en 1929.

Selon les tactiques de la propagande élémentaire, rien de mieux qu'un ennemi mythique pour justifier différentes exactions ; il suffit de mettre en marche le téléviseur pour voir la propagande à l'œuvre : tous les problèmes sont la faute de tel ou tel politicien ou bien des immigrants souvent traités de criminels, d'illégaux, d'usurpateurs des services publics comme l'a souvent répété le premier ministre du Québec (ils seraient la cause des problèmes dans les écoles, les services de santé, de la pénurie de logements, etc.). Le discours n'est même plus subtil ; on manipule les faits pour faire croire à une menace de la part de l'étranger, cet inconnu différent de nous. Cette stratégie est vieille comme le monde. Au Québec, l'étranger a souvent été présent dans la littérature comme le personnage mystérieux qui intrigue ou qui fait peur. Pensons, par exemple, au « Survenant » de Germaine Guèvremont.

Vigilance face à la tentation du totalitarisme

La prise de position du gouverneur Pritzker nous invite à relire Hannah Arendt sur le totalitarisme et l'antisémitisme. Ces deux paradigmes reposent sur le socle bancal du mensonge. À l'antisémitisme, aujourd'hui, s'ajoutent le racisme, la xénophobie, la misogynie et toutes les autres formes de discrimination utilisées par le gouvernement de Trump. Le propos de cette remarquable philosophe reste fort d'actualité par rapport à la conjoncture politique américaine actuelle au sein de laquelle la vérité n'est plus une valeur morale. Au contraire, la désinformation et le sophisme font loi. Hannah Arendt rappelle le sens de la pensée sophiste chez Platon : il découvrit que leur 'art universel d'enchanter l'esprit par des arguments' (Phèdre, 261) n'avait rien à voir avec la vérité, mais avait pour but les opinions, changeantes par leur nature même, et 'valides uniquement quand un accord se fait et aussi longtemps qu'il dure' (Théètète, 172). Il découvrit aussi l'instabilité de la vérité dans le monde, car c'est 'des opinions que procède la persuasion, mais non point la vérité' (Phèdre, 260). Et elle ajoute que les sophistes modernes détruisent la dignité de l'action humaine et les faits sont utilisés à tort afin de prouver telle ou telle opinion.[1] C'est, hélas, la manière de faire du gouvernement de Trump dans toutes ses tentatives de discréditer des personnes ou des groupes en radotant des faussetés qui semblent plus plausibles que la réalité. Pour faire face à cette lutte idéologique menée tambour battant par ce vil personnage, Arendt pourrait dire encore aujourd'hui que les résultats de telles expériences, effectuées par des hommes disposant des moyens de la violence, sont assez effrayants, mais ils ne disposent pas du pouvoir d'abuser indéfiniment. Poussé au-delà d'une certaine limite, le mensonge produit des résultats contraires au but recherché ; cette limite est atteinte quand le public auquel le mensonge est destiné est contraint, afin de pouvoir survivre, d'ignorer la frontière qui sépare la vérité du mensonge.[2] Ce point tournant permet à un personnage comme le gouverneur Pritzker de croire au changement et au retour à la raison et à la vérité.

En ce sens, le gouverneur Pritzker tente d'éveiller les consciences et invite à regarder au-delà de la grisaille du moment présent. Méfions-nous des manipulateurs de la vérité ! Sous prétexte de redonner à l'Amérique toute sa splendeur – Make America Great Again ! – on utilise la construction d'ennemis mythiques menaçants pour justifier les dérives antidémocratiques, bafouer les droits fondamentaux et socioéconomiques et fomenter des guerres au détriment de la recherche d'une paix durable. Chaque jour, on semble inventer un nouvel ennemi menaçant qui ne mérite qu'une chose : la répression, l'expulsion ou l'élimination du monde de la majorité imbue de convictions patriotiques exacerbées par des discours incendiaires.

Extraits du discours du gouverneur Pritzker

Quelles que soient les circonstances budgétaires, qu'il y ait une guerre mondiale ou une pandémie mortelle, quel que soit le nombre de gouverneurs et de législateurs élus et installés, chaque année, notre processus démocratique recommence. Et chaque année, nous nous réunissons en tant que représentants démocratiquement élus du peuple - pour reconnaître que le pouvoir qu'ils nous accordent à chaque élection et réélection n'est pas illimité.

Ce sont des traditions comme celle-ci, qui rassemblent toutes les branches du gouvernement pour qu'elles se respectent mutuellement, qui sont à la base des garde-fous de notre démocratie. Le seul pouvoir que la Constitution reconnaît vraiment est celui de savoir s'humilier devant notre peuple.

Je crois fermement que nous devons poursuivre notre engagement ferme à renforcer le Rainy Day Fund, le financement de nos écoles publiques, l'investissement dans la croissance économique et l'emploi, et l'amélioration des services, dont ont besoin les familles de travailleurs et les personnes les plus vulnérables. Ce sont des choses sur lesquelles nous ne pouvons pas faire de compromis, en particulier lorsque nous sommes confrontés à l'incertitude des tactiques désordonnées du gouvernement fédéral à l'égard des Américains de tous les jours, selon le principe "prêt, feu, cible".

Je sais qu'il est de bon ton, au niveau fédéral, de sabrer sans discernement dans le financement des écoles, la couverture des soins de santé, le soutien aux agriculteurs et les services aux anciens combattants. Ils disent qu'ils le font pour éliminer les inefficacités. Mais seul un idiot penserait que nous devrions supprimer les interventions d'urgence en cas de catastrophe naturelle, l'éducation et les soins de santé pour les enfants handicapés, les enquêtes sur les crimes commis par les gangs, les programmes d'assainissement de l'air et de l'eau, la surveillance des mauvais traitements dans les maisons de retraite, la réglementation des réacteurs nucléaires et la recherche sur le cancer.

Nous devrions nous attacher à rendre la vie plus abordable pour les habitants de l'Illinois. Avec les nouveaux tarifs douaniers déjà mis en place par le président Trump et ceux qu'il a proposés, le coût des produits de tous les jours comme les tomates, le bœuf et la bière est susceptible d'augmenter à nouveau. Il est déconcertant de constater que lorsque cela se produit, il semble que les grandes entreprises se contentent d'augmenter les prix pour accroître leurs bénéfices, tandis que les gens ordinaires doivent payer la facture. Ce n'est pas normal, et nous devons interpeller le gouvernement fédéral et les entreprises à ce sujet.

Nous pouvons faire quelque chose au niveau des États.

L'année dernière, nous avons réduit les impôts des parents en promulguant le crédit d'impôt pour enfants et en éliminant de façon permanente la taxe sur les épiceries de l'État, ce qui a permis aux habitants de l'Illinois d'économiser plus d'un demi-milliard de dollars par an. Cette année, nous allons devoir faire encore plus pour lutter contre la hausse des prix et contrecarrer les tarifs douaniers de Trump qui augmenteront les impôts des familles de travailleurs.
Cette année, la difficulté qui fait surface est le projet de Donald Trump et d'Elon Musk de voler l'argent des contribuables de l'Illinois et de priver nos concitoyens de la protection et des services dont ils ont besoin.

Permettez-moi de vous donner quelques exemples.

20 millions d'Américains, dont 700 000 ici dans l'Illinois, perdront leur couverture de soins de santé - si les républicains du Congrès réussissent dans leur effort pour réduire l'Affordable Care Act (Loi sur les soins abordables) et les hôpitaux ruraux à travers l'Illinois seront fermés.

L'administration Trump a coupé le financement des inspecteurs de la sécurité alimentaire pendant près d'un mois, impactant plus de 70 installations de viande et de volaille dans l'Illinois. Sans ces inspecteurs, la chaîne d'approvisionnement s'effondre, les prix montent en flèche, des agriculteurs aux camionneurs en passant par les conditionneurs de viande et les détaillants, des emplois seront perdus.

Les programmes de repas à domicile - qui livrent 12 millions de repas par an à 100 000 personnes âgées et handicapées dans l'Illinois - sont en passe d'être supprimés par le gouvernement fédéral.

C'est une réalité. La nouvelle administration, le Congrès républicain et Elon Musk ont l'intention de supprimer ces programmes. Pour tous les habitants de l'Illinois qui nous regardent à la maison, permettez-moi d'être clair : cela va affecter votre vie quotidienne. Le budget de l'État ne peut pas compenser les dommages causés aux habitants de l'État s'ils réussissent.

Il y a des gens - certains dans mon propre parti - qui pensent que si vous donnez à Donald Trump tout ce qu'il veut, il fera une exception et vous épargnera une partie du mal. Je vais ignorer l'abdication morale de cette position pendant juste une seconde pour dire que presque aucune de ces personnes n'a la même expérience que moi de ce président. J'ai un jour ravalé ma fierté pour lui offrir ce qu'il apprécie le plus - des éloges publics dans les journaux télévisés du dimanche - en échange de ventilateurs et de masques N95 pendant le pire de la pandémie. Nous avons conclu un marché. Et il s'avère que ses promesses ont été aussi brisées que les machines BIPAP qu'il nous a envoyées à la place des ventilateurs. S'entendre pour s'entendre ne fonctionne pas - il suffit de demander aux gouverneurs des États rouges qui craignent Trump et qui doivent faire face aux mêmes réductions que nous. Je ne me laisserai pas berner deux fois.

Ces quatre dernières semaines, j'ai réfléchi à deux aspects importants de ma vie : mon travail pour aider à construire le musée de l'Holocauste de l'Illinois et les deux fois où j'ai eu le privilège de réciter le serment d'office du gouverneur de l'Illinois.

Comme certains d'entre vous le savent, Skokie, dans l'Illinois, comptait autrefois l'une des plus grandes populations de survivants de l'Holocauste au monde. En 1978, des nazis ont décidé d'y organiser une marche.

Les organisateurs de cette marche savaient que l'image de jeunes gens portant la croix gammée et marchant au pas de l'oie dans une rue paisible de la banlieue terroriserait la population juive locale, dont beaucoup ne s'étaient jamais remis de leur séjour dans les camps de concentration allemands.

La perspective de cette marche a déclenché une bataille juridique qui est allée jusqu'à la Cour suprême. C'est un avocat juif de l'ACLU qui a plaidé la cause des nazis en soutenant que même les discours les plus haineux étaient protégés par le premier amendement.

En tant qu'Américain et Juif, il m'est difficile d'exprimer mes sentiments sur cette affaire de la Cour suprême, mais je suis reconnaissant que la perspective de voir des nazis défiler dans leurs rues ait incité les survivants et d'autres habitants de Skokie à agir. Ils se sont regroupés pour créer la Fondation du mémorial de l'Holocauste et ont construit le premier musée de l'Holocauste de l'Illinois dans une vitrine en 1981 - un petit mais important précurseur de celui que j'ai aidé à construire trente ans plus tard.

Je n'invoque pas le spectre des nazis à la légère. Mais je connais l'histoire intimement - et j'ai passé plus de temps que probablement n'importe qui dans cette salle avec des personnes qui ont survécu à l'Holocauste. Voici ce que j'ai appris : la racine qui détruit les fondations de votre maison commence par une graine - une graine de méfiance, de haine et de blâme.

La graine qui a donné naissance à une dictature en Europe il y a quelques décennies n'est pas apparue du jour au lendemain. Elle a commencé avec des Allemands ordinaires qui étaient choqués par l'inflation et qui cherchaient un coupable.

J'observe avec effroi ce qui se passe actuellement dans notre pays. Un président qui regarde un avion s'écraser dans le Potomac et qui suggère - sans faits ni preuve aucune - qu'un employé issu de la diversité est responsable de l'accident. Ou le procureur général du Missouri qui vient de poursuivre Starbucks, arguant que les consommateurs paient leur café plus cher parce que les baristas sont trop « féminins » et « non blancs ». Le manuel de l'autoritarisme est ici mis à nu : Ils désignent un groupe de personnes qui ne vous ressemblent pas et vous disent de les rendre responsables de vos problèmes.

Je n'ai qu'une question à poser : Quelle est la prochaine étape ? Après avoir discriminé, déporté ou dénigré tous les immigrés, les gays, les lesbiennes, les transsexuels, les handicapés, les femmes et les minorités, après avoir ostracisé nos voisins et trahi nos amis, après que les problèmes que nous avons rencontrés au départ soient toujours là, à nous regarder en face, quelle est la prochaine étape ?

Toutes les atrocités de l'histoire de l'humanité se cachent dans la réponse à cette question. Et si nous ne voulons pas répéter l'histoire - pour l'amour de Dieu, en ce moment, nous ferions mieux d'être assez forts pour en tirer les leçons.

J'ai prêté le serment suivant sur la Bible d'Abraham Lincoln : « Je jure solennellement que je soutiendrai la Constitution des États-Unis et la Constitution de l'État de l'Illinois, et que je remplirai fidèlement les devoirs de la fonction de gouverneur .... au mieux de mes capacités. »

Je prête serment à la Constitution de notre État et de notre pays. Nous n'avons pas de rois en Amérique - et je n'ai pas l'intention de m'agenouiller devant l'un d'entre eux. Je ne m'exprime pas au service de mes ambitions, mais par respect pour mes obligations.

Si vous pensez que je réagis de manière excessive et que je tire la sonnette d'alarme trop tôt, considérez ceci :

Il a fallu un mois aux nazis, trois semaines, deux jours, huit heures et 40 minutes pour démanteler une république constitutionnelle. Tout ce que je dis, c'est que lorsque le feu à cinq alarmes commence à brûler, toute bonne personne devrait être prête à se mobiliser avec un seau d'eau si vous voulez l'empêcher de devenir incontrôlable.

Ces nazis de l'Illinois ont fini par organiser leur marche en 1978, mais pas à Skokie. Après toutes les retombées de l'affaire, ils ont décidé de manifester à Chicago. Seuls vingt d'entre eux se sont présentés. Mais 2 000 personnes sont venues protester. Le Chicago Tribune a rapporté ce jour-là que le « rassemblement s'est terminé de manière peu spectaculaire au bout de dix minutes ». Ce sont les habitants de l'Illinois qui ont étouffé ces braises avant qu'elles ne se transforment en flammes.

La tyrannie exige votre peur, votre silence et votre conformité. La démocratie exige votre courage. Alors rassemblez votre justice et votre humanité, Illinois, et ne laissez pas « l'esprit tragique du désespoir » nous envahir au moment où notre pays en a le plus besoin de nous.

Merci.

(1) Arendt, Hannah (2002). Les origines du totalitarisme. Eichmann à Jérusalem. Paris, Quarto Gallimard, p. 227.
(2) Arendt, Hannah (1972). Du mensonge à la violence. Paris, Calman-Lévy, p. 11.

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Dérèglements climatiques ? L’hiver 2025

25 février, par Denise Campillo — , ,
Enfin un vrai hiver ! De la neige, des beaux paysages. On en oublierait presque les dérèglements climatiques qui semblent pour le moment moins violents au Québec qu'ailleurs (…)

Enfin un vrai hiver ! De la neige, des beaux paysages. On en oublierait presque les dérèglements climatiques qui semblent pour le moment moins violents au Québec qu'ailleurs dans le monde.

Ce qui nous préoccupe le plus en ce moment, ce sont les décisions aberrantes de notre voisin du sud, rendu fou par le goût du pouvoir et de l'argent. Fermer les frontières, enrichir les riches, exploiter les ressources naturelles et les travailleurs, faire peur au monde, menacer, faire du chantage : quel beau programme politique !

C'est peut-être justement ce qu'il nous fallait pour réfléchir à notre avenir à tous. Nos responsables politiques, à tous les niveaux, appellent à une remise en question. Nous, citoyens et citoyennes, que pouvons-nous faire ?

Boycotter les produits et les services américains, ne pas voyager aux États-Unis, c'est un bon début. Se nourrir avec des produits québécois (ou canadiens) ; acheter local au lieu de commander sur le web (ce qui évite aussi bien du gaspillage d'emballage).

Mais peut-être aussi consommer moins, gaspiller moins, voyager moins, penser à notre bilan carbone personnel. Nous sommes parmi les plus riches et les plus pollueurs de la planète. Et si tant d'humains essaient de quitter leur pays, c'est qu'ils y sont forcés, parfois par la guerre et la violence, souvent par la dégradation de leur environnement, de leurs terres, de leurs ressources, à cause de leur surexploitation et de la multiplication des désastres naturels (ouragans, inondations, incendies, sécheresses, canicules, manque d'eau).

Ces migrations, nous en sommes historiquement et économiquement responsables. N'oublions pas que la plupart d'entre nous sommes issus de l'immigration : soyons ouverts et respectueux envers les personnes qui frappent à nos portes.
C'est bien beau, toutes ces grandes déclarations, mais qu'est-ce qu'on fait ?

À notre échelle, on se rapproche, on travaille ensemble, on soutient nos instances démocratiques municipales et régionales. On les appelle à favoriser les structures existantes, le Cercle des fermières, les Loisirs et les initiatives sociales, économiques, communautaires, environnementales, éducatives et culturelles dans les MRC et dans les municipalités qui les composent.

On innove dans tous les domaines avec comme toile de fond la nécessité de lutter contre les dérèglements climatiques et de développer l'écoute, le partage, la mise en commun et la solidarité. Des idées ? Des suggestions ?

Denise Campillo
Roxton Falls

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Trump transforme les alliances mondiales et instaure une nouvelle ère impérialiste

25 février, par Dan La Botz — , ,
Donald Trump modifie fondamentalement la politique étrangère des États-Unis et ébranle les alliances mondiales en place depuis quatre-vingts ans. Il a ainsi choisi Vladimir (…)

Donald Trump modifie fondamentalement la politique étrangère des États-Unis et ébranle les alliances mondiales en place depuis quatre-vingts ans. Il a ainsi choisi Vladimir Poutine plutôt que l'Otan et l'Europe.

Hebdo L'Anticapitaliste - 742 (20/02/2025)

Par Dan La Botz

Crédit Photo
DR

Trump et Poutine ont apparemment l'intention d'imposer un traité qui obligerait l'Ukraine à céder 20 % de son territoire et lui interdirait d'adhérer à l'Otan. Trump souligne la faiblesse des sondages de popularité du président Volodymyr Zelensky, suggérant qu'il n'a pas le droit de parler au nom de l'Ukraine. Les États-Unis et la Russie sont depuis longtemps des puissances impériales ; désormais ils coopèrent et isolent des négociations de paix les puissances européennes qui craignent que si la Russie gagne des territoires en Ukraine, le prochain mouvement de Poutine soit éventuellement en direction de la Transnistrie, la Moldavie, l'Estonie voire la Pologne.

L'œil d'un agent immobilier sur Gaza

Au Moyen-Orient, Trump, qui admire l'autoritaire Benyamin Netanyahou et soutient Israël, propose de terminer la guerre en transformant Gaza en colonie américaine et en expulsant les deux millions de PalestinienNEs, en violation du droit international. Il suggère d'envoyer les PalestinienNEs en Égypte et en Jordanie et laisse entendre que l'Arabie saoudite pourrait financer son plan. L'Égypte, la Jordanie et l'Arabie saoudite se sont déclarées opposées à ce plan, mais Trump menace de réduire leur aide américaine s'ils n'acceptent pas. Une fois expulséEs, les PalestinienNEs ne seront pas autorisés à retourner dans leur pays, selon Trump. Avec l'œil d'un agent immobilier, il affirme que Gaza deviendra « la Riviera du Moyen-Orient », une station balnéaire internationale.

Autour du canal de Panama

Dans l'hémisphère occidental, Trump affirme qu'il s'emparera par la force si nécessaire du Groenland, possession du Danemark, membre de l'Otan. Il veut également faire main basse sur le canal de Panama, affirmant que la Chine contrôle désormais cette voie d'eau cruciale parce qu'une entreprise chinoise a des activités dans des ports situés à la fois sur les rives de l'Atlantique et du Pacifique. La menace de Trump a conduit le président du pays, José Raúl Mulino Quintero, à accepter des déportéEs américains d'origine africaine et asiatique dans son pays afin d'amadouer Trump. Lequel dit vouloir également absorber le Canada pour en faire le 51e État, une déclaration que le Premier ministre Justin Trudeau a qualifiée de véritable menace, tout en déclarant qu'il n'y a « pas la moindre chance ».

Droits de douane et immigration

En rupture avec les pratiques antérieures, Trump utilise les droits de douane de manière agressive contre des concurrents comme la Chine et contre des alliés comme le Canada, le Mexique et l'Union européenne. Il a pour l'instant reporté les droits de douane de 25 % annoncés pour le Mexique et le Canada, mais il a augmenté de 10 % ceux sur les produits chinois. La Chine a répondu.

La politique d'immigration de Trump a également été source de conflits. Lorsque les États-Unis ont expulsé des immigrantEs colombienNEs sans papiers dans des avions militaires, le président de gauche Gustavo Francisco Petro a refusé de laisser l'avion atterrir car les citoyenNEs du pays n'étaient pas traitéEs avec dignité. Menacé de tarifs douaniers de 25 %, Petro a cédé et a exhorté les ColombienNEs sans papiers à rentrer chez eux afin d'éviter de nouvelles frictions avec les États-Unis, affirmant qu'il apporterait son soutien à ceux qui reviendraient. Gustavo Petro a également annulé un contrat de 880 millions de dollars conclu par une société publique équatorienne avec la compagnie américaine Occidental Petroleum pour la réalisation de fracturations hydrauliques aux États-Unis.

Suppression de l'aide humanitaire

Enfin, la décision de Trump et de son partenaire milliardaire Elon Musk de fermer l'Agence américaine pour le développement international (USAID), le bras armé de l'Amérique depuis soixante ans, a conduit à l'annulation soudaine de millions de dollars d'aide humanitaire — nourriture, médicaments, écoles — dans 100 pays et au licenciement d'un grand nombre des 10 000 employéEs internationaux de l'agence. Trump est ainsi apparu comme l'ennemi de millions de personnes. Détestable !

Dan La Botz, traduction Henri Wilno

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États-Unis. Contre-la-montre pour sauver les données scientifiques des sites fédéraux américains

25 février, par Scott J Mulligan — , ,
Alors que le gouvernement Trump enchaîne les fermetures de sites web fédéraux, de nombreuses organisations non partisanes s'efforcent d'archiver les données scientifiques, (…)

Alors que le gouvernement Trump enchaîne les fermetures de sites web fédéraux, de nombreuses organisations non partisanes s'efforcent d'archiver les données scientifiques, concernant notamment la santé et le climat, avant qu'elles ne disparaissent pour toujours. Une tâche ardue, constate “MIT Technology Review”.

18 février 2025 | tiré du Courrier international | Photo : Dessin de Martirena, Cuba.
https://www.courrierinternational.com/article/etats-unis-contre-la-montre-pour-sauver-les-donnees-scientifiques-des-sites-federaux-americains_227586

Au cours des trois dernières semaines, des milliers de pages web gouvernementales concernant la santé publique, la justice environnementale et la recherche scientifique sont devenues inaccessibles.

Ce blocage massif s'inscrit dans la volonté du nouveau gouvernement de retirer toute information relative à la diversité et à l'“idéologie du genre” et de surveiller les pratiques de diverses agences fédérales.

Lire aussi : États-Unis. Pourquoi Elon Musk veut la peau de l'USAID, l'agence américaine pour le développement

Le site de l'Usaid [l'Agence des États-Unis pour le développement international] est désormais fermé, ainsi que d'autres qui lui sont liés, par exemple Childreninadversity.gov.. Il en va de même pour des milliers de pages du Bureau du recensement, des Centres de contrôle et prévention des maladies et du Bureau des programmes relatifs à la justice.

Une situation inédite qui pousse à l'action

“On n'a jamais rien vu de pareil, dit David Kaye, professeur de droit à l'université de Californie à Irvine et ancien rapporteur spécial des Nations unies pour la liberté d'opinion et d'expression. Personne ne sait ce qu'il se passe exactement. Ce qu'on voit, c'est que des sites gouvernementaux et des bases de données d'intérêt général essentielles sont inaccessibles. L'intégralité du site de l'Usaid a disparu.”

Mais pendant que l'Internet gouvernemental s'éteint, plusieurs organisations s'efforcent d'archiver documents et informations avant qu'ils ne disparaissent pour de bon. Elles espèrent garder une trace des données perdues pour que les scientifiques et les historiens puissent encore s'en servir à l'avenir.

Lire aussi : Opinion. À Washington, Elon Musk et ses sbires du Doge démolissent l'État fédéral

Si l'archivage est généralement considéré comme apolitique, les récentes actions du gouvernement ont poussé certains membres de la communauté de la conservation à réagir. Professeure émérite d'information à l'université du Michigan, Margaret Hedstrom explique :

“Je considère les actes du gouvernement actuel comme une attaque contre toute l'entreprise scientifique.”

Diverses organisations s'efforcent de sauver ce qui peut l'être. L'un des plus grands projets en ce sens est End of Term Web Archive (EoT Archive), une coalition non partisane qui sauvegarde tous les documents gouvernementaux à la fin de chaque mandat présidentiel. Les particuliers peuvent proposer des sites ou des jeux de données à conserver. “Tout ce que nous pouvons faire, c'est collecter ce qui a été publié, l'archiver et faire en sorte que ce soit accessible au public à l'avenir”, indique James Jacobs, bibliothécaire responsable de l'information du gouvernement américain à l'université Stanford et l'un des piliers d'EoT Archive.

Des données essentielles sur le climat

D'autres organisations adoptent un angle plus spécifique. L'Open Environmental Data Project(OEDP), par exemple, s'est spécialisé dans les données sur la climatologie et la justice environnementale. “On essaie de repérer ce qui a été retiré, relate Katie Hoeberling, une des dirigeantes de l'OEDP. Je ne peux pas dire avec certitude combien exactement de ce qui était accessible l'est toujours, mais on constate que le retrait s'accélère depuis deux ou trois semaines.”

Lire aussi : Environnement. Donald Trump, une catastrophe annoncée pour le climat, s'inquiète la presse internationale

En plus de repérer ce qui est retiré, l'OEDP effectue des sauvegardes des données pertinentes. Il avait commencé en novembre, à la fin du mandat de Joe Biden, mais il met les bouchées doubles depuis ces dernières semaines. “Les choses étaient beaucoup plus calmes avant l'investiture, constate Cathy Richards, une spécialiste de la technologie de l'organisation. Quand la première plateforme a fermé, le deuxième jour du nouveau gouvernement, tout le monde s'est dit : ‘Oh non ! Il faut qu'on continue à travailler sur cette liste de jeux de données.'”

Lire aussi : États-Unis. La discrète révolte des salariés de la tech contre le virage trumpiste de leurs patrons

Il s'agit d'un travail essentiel, parce que le gouvernement des États-Unis détient des informations internationales et nationales sur le climat d'une valeur inestimable. Pour Lauren Kurz, la directrice exécutive du Climate Science Legal Defense Fund, “ces sites contiennent des informations irremplaçables sur le climat. Si on les bidouille ou si on les supprime, on perd définitivement des informations essentielles. C'est absolument tragique.”

Comme l'OEDP, la Catalyst Cooperative s'efforce de stocker et de rendre accessibles aux chercheurs les données relatives au climat et à l'énergie. Ces deux organisations font par ailleurs partie de Public Environmental Data Partners, un collectif d'organisations qui se consacrent à la conservation des données environnementales fédérales. “Nous avons essayé d'identifier les ensembles de données dont nous savons que nos communautés se servent pour prendre des décisions sur la source d'électricité à privilégier ou la résilience en matière d'infrastructures”, indique Christina Gosnell, cofondatrice et présidente de Catalyst.

La récupération de données, un travail “extraordinairement difficile”

La tâche est parfois difficile ; il n'existe pas de moyen simple pour archiver toutes les données du gouvernement américain. “Les nombreux organismes et ministères fédéraux gèrent la conservation et l'archivage des données de façon très différente”, poursuit-elle. Et personne ne dispose d'une liste complète de tous les sites gouvernementaux existants. Ce mélange de données oblige, en plus du travail des robots d'indexation, qui font un état des lieux des sites et des documents, à extraire les données manuellement.

Lire aussi : Médias. Les aventuriers du Web perdu

En outre, les jeux de données se dissimulent parfois derrière une adresse de connexion ou un captcha pour empêcher une récupération automatisée. Et il arrive que les scrapers [les robots de récupération] passent à côté d'éléments clés. Les liens vers d'autres informations, par exemple, ne sont pas toujours récupérés automatiquement. Ou alors la récupération ne fonctionne pas à cause de la structure du site. Pour garantir que les informations sont correctement collectées, un être humain doit vérifier le travail du robot ou collecter les données à la main.

Reste qu'on se demande si le scraping [la récupération] de données sera suffisant. Il n'est en effet pas simple de restaurer un site et un ensemble complexe de données. “Il devient extraordinairement difficile et coûteux d'essayer de sauver et de récupérer les données, confie Margaret Hedstrom. C'est comme si on vidait un corps de son sang et qu'on attendait de lui qu'il continue à fonctionner. Il est parfois impossible de réparer et de récupérer quand on a besoin de lire les données en continu.” Christina Gosnell ajoute :

“Tout ce travail d'archivage n'est qu'un pansement provisoire.”

“Si les ensembles de données sont supprimés et ne sont plus mis à jour, ceux que nous avons archivés deviendront obsolètes et ne permettront plus de servir de base à des décisions.”

Lire aussi : Réseaux sociaux. Pourquoi tant de scientifiques migrent de X vers Bluesky

Cela pourrait avoir des effets durables. “On ne verra les conséquences de tout ça que dans dix ans, quand on remarquera qu'il y a un trou de quatre ans dans les informations”, s'inquiète James Jacobs.

Relier le présent au passé

Il est très important de connaître notre passé, soulignent les archivistes numériques. “On peut tous songer aux photos de famille qui nous ont été transmises et à l'importance de ces différents documents, rappelle Trevor Owens, responsable de la recherche à l'Institut américain de physique et ancien directeur des services numériques de la bibliothèque du Congrès. Cette chaîne de connexion avec le passé est fondamentale.”

Lire aussi : Dans nos archives. Y a-t-il quelqu'un pour sauver nos souvenirs numériques ?

“C'est notre bibliothèque, c'est notre histoire, déclare Cathy Richards. Ces informations sont financées par les contribuables ; il ne faut pas que ces connaissances disparaissent alors qu'on peut les stocker, éventuellement en faire quelque chose et continuer à en tirer des enseignements.”

Scott J Mulligan

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Trump finance une guerre spatiale

25 février, par Saïd Bouamama — , ,
Comme l'indiquait le journal La Presse du 17 février 2025, le ministre Bill Blair a déclaré jeudi le 13 février que le Canada est prêt à se joindre au projet de développement (…)

Comme l'indiquait le journal La Presse du 17 février 2025, le ministre Bill Blair a déclaré jeudi le 13 février que le Canada est prêt à se joindre au projet de développement du bouclier antimissile de type « Dôme de fer » proposé par Donald Trump.

Tiré de la Chronique de Saïd Bouamama, Le monde vu d'en bas

10 février 2025 | tiré du site Investig'action
https://www.youtube.com/watch?v=-4HmNGVa1uM&t=4s

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Des Mères au front de différentes régions du Québec se sont rendues à l’Assemblée nationale pour exiger des actions immédiates concernant la crise sanitaire ignorée à Rouyn-Noranda

25 février, par Mères au front — , ,
Québec, le 20 février 2025 – Alors que la crise environnementale et sanitaire causée par la Fonderie Horne perdure, les Mères au front de différentes régions du Québec se sont (…)

Québec, le 20 février 2025 – Alors que la crise environnementale et sanitaire causée par la Fonderie Horne perdure, les Mères au front de différentes régions du Québec se sont rendues directement à l'Assemblée nationale pour exiger l'écoute du gouvernement concernant la situation à Rouyn-Noranda.

La situation de Rouyn-Noranda a été soulevée aujourd'hui entre les murs du parlement, mettant une fois de plus en lumière les impacts dévastateurs de la pollution industrielle sur la santé des citoyen.nes de Rouyn-Noranda. Des exemplaires du nouveau livre Zones sacrifiées ont été remis en main propre à certain.es député.es pour qu'ils prennent
pleinement conscience de l'ampleur du drame qui se joue là-bas.

Par la suite, une performance artistique s'est tenue à l'extérieur devant l'Assemblée nationale. Cette action visait à marquer les esprits, confronter les élu.es à la réalité vécue à Rouyn-Noranda et leur rappeler leur responsabilité.

« Alors que nous assistons, impuissants, à l'effritement de la démocratie et du bien commun, nous avons ici la possibilité d'agir et de faire en sorte que le gouvernement arrête de sacrifier impunément une partie de sa population. » a mentionné Anaïs Barbeau Lavalette, co-instigatrice de Mères au front.

« L'histoire nous apprend que les luttes que l'on gagne sont celles que l'on n'abandonne pas. Les Mères au front ne laisseront pas le gouvernement permettre à Glencore d'empoisonner les enfants de Rouyn-Noranda. Nous sommes là pour rappeler l'urgence d'agir. » a ajouté Laure Waridel, écosociologue et co-instigatrice de Mères au front.

Un gouvernement qui refuse d'agir malgré les preuves accablantes

Les chiffres sont pourtant sans appel :

● 98 % de tout l'arsenic émis dans l'air au Québec se retrouve dans le ciel de Rouyn
Noranda.

● 89 % du plomb, 60 % du nickel, et 43 % du cadmium présents dans l'atmosphère
québécoise y sont également concentrés.

● 25 contaminants toxiques sont rejetés par la Fonderie Horne, dont l'arsenic, le
cadmium, le mercure et le plomb, tous reconnus comme hautement nocifs pour la
santé humaine.

Ces polluants augmentent les risques de cancers, de maladies neurologiques et de problèmes respiratoires graves, mettant en péril la santé de toute la population, particulièrement celle des enfants, mais aussi celle des générations futures. Pourtant, le
gouvernement du Québec persiste à tolérer ces dépassements, sous prétexte d'intérêts économiques.

« Il est inconcevable qu'en 2025, une ville québécoise soit encore une zone de sacrifice au profit d'une multinationale. Ce n'est pas une question environnementale isolée : c'est une crise de santé publique qui devrait mobiliser toute la classe politique de tout le Québec. » a revendiqué Isabelle Fortin-Rondeau, Mères au front de Rouyn-Noranda

Les revendications des Mères au front : Assez, c'est assez !

Aujourd'hui, les Mères au front se rendent à l'Assemblée nationale pour exiger :

● Que la Fonderie Horne respecte enfin les normes d'émission québécoises pour
TOUS les contaminants toxiques, dont l'arsenic.

● Que le gouvernement du Québec cesse d'ignorer la crise sanitaire à Rouyn-Noranda
et prenne des mesures immédiates.

● Que les élu.es rendent des comptes et arrêtent de privilégier les intérêts des
multinationales au détriment de la santé publique.

Elles appellent la population et les médias à relayer leur message et à mettre la pression sur le gouvernement pour qu'il cesse de fermer les yeux sur cette catastrophe.

Une performance artistique pour réveiller les consciences

Inspirée de l'action forte qui s'est déroulée à Rouyn-Noranda devant la Fonderie Horne en octobre dernier, Chloé Lacasse a ouvert la performance devant l'Assemblée nationale avec une interprétation poignante d'une chanson de Richard Desjardins.

S'en est suivi un tableau immobile et bouleversant : des dizaines de participant.es ont dénudé une partie de leur corps, maquillée de noir, pour symboliser la maladie et la contamination. Leur silence était soutenu par la diffusion d'un extrait percutant du nouveau livre Zones sacrifiées, lu par Véronique Côté.

Des figures publiques engagées étaient présentes devant le parlement de Québec pour porter ce message telles que :
● Anaïs Barbeau-Lavalette
● Laure Waridel
● Véronique Côté
● Steve Gagnon
● Des Mères au front de Rouyn-Noranda et de partout au Québec

Un livre, une lutte, un cri d'alarme ignoré

Le livre Zones sacrifiées, paru le 4 février dernier, amplifie ces voix citoyen.nes et expose l'ampleur de l'inaction gouvernementale face à une crise sanitaire documentée depuis des années.

Plusieurs événements, en lien avec ce lancement et auxquel.les tous.tes les citoyen.nes du Québec sont invité.es, se tiendront prochainement à Gatineau, Montréal, Sherbrooke et Rouyn-Noranda.

« Ce livre permet de mesurer l'ampleur de l'injustice que subissent les citoyen.nes de Rouyn-Noranda. C'est une lecture essentielle pour comprendre à quel point nous sommes traités comme une population sacrifiée. » a souligné Jennifer Ricard Turcotte, Mères au front de Rouyn-Noranda.

Soutenir la mobilisation

Pour appuyer cette démarche et s'informer davantage sur la réalité vécue par les
citoyen.nes de Rouyn-Noranda, il est possible de :

Acheter et lire le livre Zones sacrifiées
Assister aux lancements et événements prévus à travers le Québec
https://www.meresaufront.org/nos-actions
Inviter les Mères au front à venir parler des enjeux et du livre dans votre
localité

L'action du 20 février 2025 n'est qu'un début. Les Mères au front continueront à dénoncer
cette injustice jusqu'à ce que leur message soit enfin entendu par les élu.es.

À propos de Mères au front

Avec plus de 30 groupes locaux principalement à travers le Québec, Mères au front est un mouvement décentralisé qui regroupe des milliers de mères, grand-mères et allié.e.s de tous les horizons politiques, économiques, professionnels et culturels qui s'unissent pour protéger l'environnement dont dépend la santé, le bien-être et le futur de nos enfants. À travers leurs actions, elles demandent aux élu.es de mettre en place des mesures fortes et immédiates qui s'imposent pour répondre à l'urgence environnementale et à la dégradation des écosystèmes. Nous osons faire de l'amour, de la beauté, de l'art, et de la colère maternelle, un levier inébranlable de transformation sociale et écologique !

À propos des Éditions du Quartz

Les Éditions du Quartz publient et diffusent des œuvres littéraires enracinées dans le territoire boréal, explorant ce qui se trame dans les marges géographiques et sociales. Ces écrits s'inspirent de réalités propres aux communautés des régions isolées, nordiques, de colonisation récente et dont les populations sont réduites et dispersées sur un vaste territoire.

Source :
Mères au front | https://www.meresaufront.org/

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États-Unis - Classes, races et genres dans l’élection de 2024

25 février, par Kay Mann — , ,
La défaite de Kamala Harris face à Donald Trump est due en grande partie au déclin du soutien à la candidate démocrate de la part des syndicalistes, des Afro-Américain·es et (…)

La défaite de Kamala Harris face à Donald Trump est due en grande partie au déclin du soutien à la candidate démocrate de la part des syndicalistes, des Afro-Américain·es et des Latino-Américain·es, ce qui suggère un déclin de la conscience de classe, de la solidarité de la classe ouvrière et le renforcement des identités masculines et raciales blanches.

Tiré de Inprecor 729 - février 2025
19 février 2025

Par Kay Mann

Trump et la "Bro culture" Wired Staff / Getty Images

Ces résultats sont choquants non seulement en raison de l'hostilité de Trump à l'égard des syndicats et des difficultés de la classe ouvrière, de son racisme et de son sexisme manifestes, mais aussi parce que ces groupes font depuis longtemps partie de la base électorale du Parti démocrate.

Bien entendu, les élections ne mesurent qu'imparfaitement les opinions politiques et les identités sociales, et particulièrement aux États-Unis. Les deux principaux partis étant contrôlés par des intérêts financiers, les États-Unis sont le seul pays du Nord à ne pas disposer d'une sorte de parti ouvrier de masse, socialiste ou communiste, ayant des liens avec les syndicats. Cela signifie que les élections reflètent les dynamiques de classe encore moins clairement qu'elles ne le feraient dans les autres systèmes parlementaires multipartis. Les électeur·trices de toutes les classes, de tous les genres et de toutes les races votent pour des raisons variées. Les identités sociales multiples entrent en concurrence pour déterminer un vote. Votera-t-on par exemple républicain parce qu'on est catholique et opposé à l'avortement, pour les Démocrates parce qu'on est ouvrier et qu'on pense qu'ils représentent mieux nos intérêts, ou parce qu'on est une personne de couleur, comme la plupart des minorités racisées le font depuis des décennies ? Plus fondamentalement, le bipartisme implique que les élu·es sortant·es de l'un ou l'autre parti subissent les conséquences des situations impopulaires telles que les prix élevés, tandis que l'opposant profite de ces situations, comme ce fut le cas lors de ces élections. Il faudrait des études précises et nuancées pour comprendre exactement pourquoi les électeur·trices des groupes qui ne votent pas traditionnellement pour les Républicains se sont tournés vers Trump. Ces mises en garde mises à part, certaines données démographiques sur le vote suggèrent des tendances notables.

Dissolution de la coalition du Parti démocrate

De toute évidence, nous assistons à la poursuite de la détérioration de ce qui reste de la grande coalition du Parti démocrate, composée de travailleur·ses et d'Afro-Américain·es, mise en place par Franklin Delano Roosevelt dans les années 1930. Une tendance générale liait alors les électeur·trices de la classe ouvrière, la plupart des syndicats, les Afro-Américain-es et les Blanc-hes issus des minorités ethniques (1) au Parti démocrate dans la coalition du New Deal, tandis que le Parti républicain était perçu comme le parti des affaires, des riches, des petites villes et des zones rurales. La coalition du New Deal a commencé à s'effriter dans les années 1980, les travailleur·ses blanc·hes abandonnant le Parti démocrate au profit du Parti républicain. Les élections de 2024 ont reflété une accélération brutale de ce processus. Il devient de plus en plus difficile de trouver une cohérence au vote des classes dans les récentes élections aux États-Unis. Les changements dans la conscience et les comportements électoraux ne se produisent évidemment pas dans le vide. L'abandon constant, depuis des décennies, d'une partie de la classe ouvrière, toutes races et tous genres confondus, au profit du Parti républicain a été alimenté par l'adhésion du Parti démocrate à l'austérité néolibérale et par son incapacité à proposer des solutions aux aspirations de la classe ouvrière.

Il est prouvé que les identités de race et de genre ont éclipsé les considérations de classe parmi les secteurs de la classe ouvrière et les communautés racisé·es. Dans la mesure où le vote pour les Démocrates a représenté une conscience de classe déformée, et où Trump est fortement associé à la classe des riches employeurs, les votes de la classe ouvrière pour Trump représentent un déclin stupéfiant de la conscience de classe. Or, la plupart des syndicats restent dans le camp démocrate et ont officiellement soutenu Harris. Ainsi, non seulement les membres de la classe ouvrière en général ont voté pour une personnalité ouvertement antisyndicale étroitement associée à la classe capitaliste, mais une grande partie des 10 % de la main-d'œuvre qui est syndiquée l'a également fait, dans la plupart des cas, contre la position officielle de leur syndicat. Les attaques au vitriol de Trump et de Vance contre les immigré·es, souvent marquées de racisme, ont trouvé un écho parmi les secteurs de la classe ouvrière et les groupes opprimés sensibles à la recherche de boucs émissaires. À cela s'ajoutent une sensibilité aux déclarations protectionnistes liées à la crainte de la « concurrence étrangère » et, plus généralement, la dégradation de la conscience sociale causée par les attaques néolibérales contre les services sociaux. Celles-ci ont alimenté l'accentuation des identités sociales concurrentes telles que la race/l'ethnicité et le genre de manière à contredire, plutôt qu'à mettre en valeur, la solidarité sociale. Il est clair que tous ces éléments ont joué un rôle.

Le genre et la race à l'ère de Trump

Depuis des décennies, les Afro-Américain·es sont particulièrement fidèles à la coalition du PD. Jusqu'à récemment, plus de 90 % des électeur·trices noir·es votaient pour lui. Toutefois, lors des élections de 2024, 24 % des hommes noirs ont voté pour Trump (contre 9 % des femmes noires). Les hommes noirs ont moins voté pour Harris en 2024 que pour Biden en 2020. Cela a joué un rôle décisif dans la défaite de Harris dans les zones urbaines des États clés de 2024, traditionnellement très démocrates, comme Philadelphie, en Pennsylvanie, et Milwaukee, dans le Wisconsin. De même, environ 40 % des Latinos ont voté pour Trump (contre 30 à 33 % pour le républicain George W. Bush en 2004) – et 47 % des hommes latinos.

Les instincts réactionnaires de Trump l'ont amené à se rapprocher de la « Bro culture », une célébration des attitudes sexistes des hommes. Ce message trouve un écho chez les hommes de tous les groupes raciaux et de toutes les classes sociales, mais il est prouvé que les hommes des communautés de couleur y sont particulièrement réceptifs. Cela reflète le déclin de la conscience féministe en général. Après les victoires des années 1970, le mouvement des femmes est passé d'une action de masse à une activité législative et électorale, ce qui a fini par diminuer sa force, puis plus généralement celle de la conscience féministe. Il est très probable qu'aux élections de 2024, certains hommes, qui auraient pu voter pour un homme démocrate, aient voté républicain, ou n'aient pas voté du tout, plutôt que de voter pour une femme, même démocrate. Les attitudes sexistes de certains hommes de tous les groupes raciaux et de toutes les classes sociales ont donc certainement joué un rôle dans la défaite d'Hillary Clinton en 2016 et de Kamala Harris en 2024, les deux seules femmes à avoir jamais été candidates à la présidence pour un grand parti.

L'impasse du populisme raciste et sexiste

Trump trouve une grande partie de son soutien parmi les couches conservatrices de la classe dominante et les électeur·trices de la classe ouvrière qui n'ont pas fait d'études supérieures. Mais bien sûr, son gouvernement ne peut servir qu'une seule classe et il ne fait aucun doute que cette classe est celle des 1 %. Son populisme raciste et anti-immigré·es ne fera que détourner l'attention des vrais problèmes auxquels les masses populaires des États-Unis sont confrontées depuis longtemps.

Lorsque ses politiques de réductions d'impôts et d'augmentation des droits de douane, ainsi que la désignation des immigrant·es et des transgenres comme boucs émissaires, ne parviendront pas à résoudre les problèmes matériels urgents des travailleur·ses – notamment la hausse des prix et la stagnation des salaires tandis que les riches bénéficient de nouvelles réductions d'impôts –, son soutien s'érodera. Les attaques néolibérales contre le niveau de vie de la classe ouvrière, qui ont contribué à fracturer sa conscience, son unité et la solidarité, stimuleront les luttes qui impliqueront l'unité de la classe ouvrière dans l'action, et la reconstruction des solidarités.

L'absence d'un parti ouvrier ou socialiste de masse implique une absence de réponse efficace au flux constant de rhétorique raciste, anti-immigré·es et anti-LGBTQI+ provenant de la droite MAGA (2) et amplifié par les alliés de Trump, Musk et Zuckerberg, par leur contrôle de Facebook et X. Un parti ouvrier ou socialiste de masse offrirait une alternative à leur racisme, leur sexisme et leur nationalisme blanc, ainsi qu'à l'austérité néolibérale des Démocrates et des Républicains, et ce faisant, renforcerait la conscience de classe, et la solidarité au-delà des divisions de race et de genre. La construction de ce parti reste centrale pour toute possibilité réelle de changement social progressiste à une époque où la catastrophe climatique est imminente, où les acquis démocratiques fondamentaux des travailleur·ses et des opprimé·es sont menacés.

Dans les premiers jours de son mandat, Trump a publié, comme il l'avait promis, un certain nombre de décrets visant les immigré·es, les personnes LGBTQI+, et les initiatives Diversité, Équité et Inclusion (DEI). Cela supprimera des protections contre les discriminations à l'égard des minorités racisées, des personnes LGBTQI+, des femmes et des personnes handicapées, et abolira les contrôles sur la sécurité des travailleur·ses et de l'environnement. Des décrets antisyndicaux suivront certainement sous peu. Les mouvements des travailleur·ses, des femmes, de défense des immigrés, des Noir·es et pour l'environnement devront puiser dans les meilleures traditions militantes des luttes de masse et dans la solidarité pour faire face à Trump et à une classe patronale encouragée par ses politiques anti-régulation et anti-syndicales.

Traduit par Antoine Larrache.

Le 2 février 2025

1. Par ethnic whites, l'auteur parle des blanc·hes issu·es de la vague d'immigration, depuis 1881-1921, originaires des pays de l'Europe de l'est et de sud (Polonais·es, juifs, Italien·nes, Grec·ques, Bulgares, Serbes, etc.).

2. Make America Great Again, le slogan de Reagan en 1980, a été repris par Trump, et désigne aujourd'hui le mouvement des partisans de Trump.

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Syrie. Les Kurdes à l’épreuve des changements à Damas

25 février, par Chloé Troadec, Chris Den Hond — , ,
Alors que les négociations indirectes se poursuivent entre Ankara et Abdullah Öcalan, le leader du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), la situation dans le Kurdistan (…)

Alors que les négociations indirectes se poursuivent entre Ankara et Abdullah Öcalan, le leader du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), la situation dans le Kurdistan syrien reste incertaine après le renversement du régime de Bachar Al-Assad. Les Forces démocratiques syriennes (FDS) sont engagées dans des tractations complexes sur l'avenir du Rojava, tandis que la Turquie accentue ses ingérences.

Tiré d'Orient XXI. Toutes les photographies sont de Angéline Desdevises.

De notre envoyé spécial en Syrie Chris Den Hond, avec Chloé Troadec.

Devant une scène décorée aux couleurs kurdes se presse une foule de tous âges venue célébrer les dix ans de la libération de Kobané des griffes de l'Organisation de l'État islamique (OEI) par les Unités de protection du peuple (YPG) et Unités de protection des femmes (YPJ), combattant·e·s kurdes, et par leurs alliés. Samira danse avec ses copines. Elle est restée dans la ville pendant toute la durée de la guerre.

  • On a veillé sur les blessés, lavé les morts, fait à manger et chanté pour remonter le moral des troupes. Un combattant mourant m'avait dit : « Lorsque Kobané sera libérée, tu viendras me le dire sur ma tombe. » Lorsque la ville a été libérée de l'OEI, je suis allée sur sa tombe le lui dire. Cette phrase me hante toujours.

L'atmosphère festive est assombrie par le spectre d'une nouvelle attaque, de la Turquie cette fois-ci. Zeina Hanan, 50 ans, s'était enfuie en 2018 d'Afrin — dans le nord-ouest de la Syrie — pour échapper aux bombardements de l'aviation d'Ankara et aux exactions des milices syriennes qui lui sont alliées. Elle a vécu sous une tente à Tal Rifaat, à 40 km d'Alep, avec sa fille et son petit-fils avant d'être de nouveau chassée par les mêmes milices après la chute du régime de Bachar Al-Assad à la fin de l'année 2024. Elle s'insurge :

  • Maintenant la Turquie et ses mercenaires menacent Kobané. Mais nous ne bougerons plus d'ici. Où voulez-vous qu'on aille ? Le nouveau gouvernement à Damas, on ne l'aime pas, il n'a rien fait quand nous avons été expulsées de chez nous.

Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA), plus de 100 000 personnes, en grande majorité des Kurdes, ont dû trouver refuge ces dernières semaines dans les territoires de l'Administration autonome du nord et de l'est de la Syrie (AANES).

L'arrivée au pouvoir de Hayat Tahrir Al-Cham (HTC) et de son leader Ahmed Al-Charaa ainsi que ses déclarations plaidant pour une Syrie inclusive n'ont pas suffi à apaiser les inquiétudes. Le 29 janvier, son investiture comme « président pour la phase de transition » s'est déroulée devant une assemblée de militaires, tous des hommes. Parmi eux, Abou Hatem Chakra, chef de la milice Ahrar Al-Charkiya, qui est accusé, entre autres, du meurtre sauvage de la militante politique kurde Hevrîn Khalaf en octobre 2019. À ses côtés, Abou Amsha, le nouveau commandant de la région de Hama, leader de la redoutable division Al-Hamza de l'Armée nationale syrienne (ANS) plusieurs fois épinglée par les Nations unies pour de nombreux crimes, dont de multiples violences sexuelles.

Trois points de négociation avec le nouveau régime

Dans un lieu sécurisé, les traits tirés, Mazloum Abdi, le commandant général des Forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance entre forces kurdes, arabes et syriaques, nous accueille. Il commence par détailler les causes des relations conflictuelles avec la Turquie puis énumère les trois points de négociations avec le gouvernement de Damas : l'intégration militaire des FDS, les institutions politiques et le contrôle des ressources énergétiques. « Un processus politique va s'enclencher. Des commissions vont être créées pour rédiger une nouvelle Constitution. Nous devrons faire partie de ces commissions », explique-t-il.

Le nord et l'est de la Syrie bénéficient déjà d'une sorte de constitution sous forme d'un contrat social qui garantit les droits des communautés, ceux des femmes et le respect des différentes religions. Ce texte est-il trop progressiste pour Damas ? Mazloum Abdi poursuit :

  • Notre contrat social est un document législatif très avancé. On aimerait qu'il soit pris en considération dans la nouvelle Constitution. Mais pour cela, il faut que la Turquie accepte un cessez-le-feu et cesse son ingérence dans les affaires syriennes.

Or, le long de l'Euphrate, les bombes turques, lancées par des avions de combat ou par des drones, font régulièrement des victimes. Mazloum Abdi explique :

  • Il n'y a pas d'affrontements entre nous et le nouveau gouvernement de Damas. Il y a seulement des combats autour de l'Euphrate entre Kobané et Membij avec les milices pro-turques qui essaient de passer à l'est du fleuve. Nous essayons d'obtenir un cessez-le-feu avec la Turquie. Des intermédiaires, dont des membres de la coalition internationale contre l'OEI, jouent les bons offices, mais Ankara n'en continue pas moins à nous bombarder.

Pour l'instant, le front est stabilisé. Les milices pro-turques, qui se battent entre elles, ne parviennent plus à progresser. Et les combattant·e·s des FDS sont de mieux en mieux entraîné·e·s, bien équipé·e·s et de plus en plus expérimenté·e·s. Ils et elles utilisent un vaste réseau de tunnels. Soutenu·e·s par la population, ils et elles infligent de nombreuses pertes aux miliciens pro-turques.

Défendre la place des femmes

Les FDS ont reçu le soutien symbolique de civils venus des villes du nord et de l'est — Kobané, Raqqa, Saké ou Qamichli — qui sont déterminés à former des « boucliers humains » visant à « protéger l'infrastructure vitale qui procure eau et électricité à la région », comme nous le raconte Halime. Ce dernier est inquiet et attend le retour de sa sœur qui a rejoint l'un des convois souvent visés par des drones turcs. À l'hôpital de Kobané, nous voyons arriver l'un de ces convois civils transportant son lot de morts et de blessés.

Ankara s'efforce de saboter les pourparlers entre le gouvernement de Damas et les autorités politiques et militaires du nord et de l'est de la Syrie. Néanmoins des propositions très concrètes pour une future Syrie démocratisée et décentralisée ont été mises sur la table par les FDS et l'Administration autonome (AANES). Les modalités d'intégration des FDS dans une armée nationale représentent l'un des principaux points d'achoppement. Le nouveau ministre syrien de la défense Mourhaf Abou Qasra a avancé l'idée d'une force militaire unifiée sous un commandement centralisé avec ralliement individuel des combattants des FDS.

Dans un abri sécurisé, la commandante en chef des YPJ, Rohilat Afrin exprime son opposition :

  • Nous voulons rejoindre l'armée syrienne, mais comme entité. Nous voulons aussi préserver notre droit à nous défendre en tant que femmes. […] Les femmes combattantes kurdes étaient en première ligne dans la lutte contre l'Organisation de l'État islamique (OEI). Elles ont obtenu dans le Contrat social l'égalité avec les hommes, notamment des coprésidences homme-femme dans toutes les assemblées. Elles ne veulent pas être désarmées. Elles réclament la pérennité de leur statut dans la Syrie de demain.

D'autre part, ajoute-t-elle, « comment se désarmer alors que nous sommes menacés quotidiennement ? Ça serait suicidaire. ». Une position partagée par d'autres forces en Syrie. Les Druzes du gouvernorat de Soueïda ainsi que les forces armées regroupées dans la Chambre des opérations du sud, deux autres groupes de rebelles anti-Assad, s'opposent eux aussi à une Syrie centralisée et ont refusé de rendre leurs armes. Ils réclament une autonomie au sein de la future armée.

Le modèle pluri-communautaire de Raqqa

À Raqqa, Khoud Al-Issa, la porte-parole de Conseil des femmes Zenobia, confirme : « Nous ne voulons pas céder sur ce que nous avons acquis dans la révolution du Nord et de l'est de la Syrie ». Sylvain Mercadier, journaliste français arabophone, nous rejoint à Raqqa. Il nous confie :

  • Il y a du mécontentement chez certains Arabes, parce qu'ils sont court-circuités dans les négociations entre les FDS et le gouvernement transitoire. Ils sont très majoritaires à Raqqa et ont très largement participé à la lutte contre l'OEI, subissant de lourdes pertes.

Depuis la chute du régime, des manifestations ont eu lieu dans plusieurs villes arabes du nord et l'est de la Syrie afin de demander leur rattachement au gouvernement central de Damas, alors que plusieurs commandants des FDS de Deir ez-Zor, dans le sud-est à grande majorité arabe, ont fait défection pour faire allégeance à Damas. Pourtant il n'y a pas eu de confrontations ni de soulèvement généralisé contre l'AANES. Mais dans les rues de Raqqa règne un climat d'incertitude.

Fares Alnazi et Laurens Al-Boursan, deux dignitaires arabes de Raqqa nous donnent leur point de vue à propos d'une Syrie centralisée. Pour le premier, membre du conseil de la tribu Al-Walda « l'Administration autonome a sa légitimité dans le contexte de la guerre et de l'instabilité, mais je considère qu'une fois la paix et le dialogue national rétablis, le centralisme sera la solution. » Il reconnaît toutefois que « l'AANES a fait du bon travail ces dix dernières années ». Fares Alnazi défend le même point de vue : « Un État fédéral mène à la division, ça ne fait que créer des problèmes entre les régions et les communautés ». Hamdan Al-Abed, membre de la tribu arabe des Dulaim (Dlim) les contredit :

  • Notre région a été détruite successivement par le régime, l'Armée syrienne libre, les milices chiites, Al-Nosra et l'OEI. Nous avons nos martyrs enterrés à côté de ceux des membres des autres communautés — Kurdes, syriaques ou autres. C'est le modèle pluri-communautaire actuel qui représente le mieux tout le monde.

L'enseignant kurde Raman Yosif précise qu'ils veulent bâtir une nouvelle Syrie décentralisée, non sur une base communautaire, mais sur une base géographique :

Je suis kurde, j'adore le Kurdistan, mais, ici au Rojava, le mieux c'est notre projet multi-communautaire, parce qu'il n'y a pas seulement les Kurdes qui ont versé leur sang. Les Arabes et les chrétiens ont aussi leurs martyrs. On ne se bat pas pour un Rojava qui serait un petit État kurde indépendant, ça n'aurait pas de sens.

La menace d'un protectorat turc

Le dialogue national s'annonce tendu alors qu'Ankara a déjà placé ses pions dans le commandement militaire et les ministères à Damas, encourageant ses hommes d'affaires à multiplier les contrats pour participer à la reconstruction du pays. Mais les Kurdes et leurs alliés ne perdent pas espoir. Îlham Ahmed, la ministre des Affaires étrangères de l'AANES, revendique « une Syrie unifiée sur la base des frontières d'aujourd'hui et la préservation des institutions politiques de l'Administration autonome AANES dans la nouvelle Syrie. Nous voulons être représentés dans son futur gouvernement. »

La coalition internationale a fait des déclarations allant dans le même sens : la nouvelle Syrie doit inclure et respecter toutes les communautés, Kurdes compris. A-t-elle un poids suffisant ? Par téléphone, l'écrivain Patrice Franceschi nous confirme « que la France est présente et aide militairement les Kurdes ». Les États-Unis disposent toujours de bases en Syrie où sont cantonnés entre 900 et 2 000 soldats, mais leur maintien n'est pas garanti. Entre-temps, le président turc Recep Tayyip Erdoğan a mis en place une coordination régionale entre la Turquie, la Jordanie, l'Irak et la Syrie « pour combattre l'OEI », une manœuvre pour convaincre le Pentagone de retirer la protection qu'il octroie aux FDS dans leur lutte commune contre l'OEI en pleine renaissance.

Dans l'attente d'Öcalan

Mais la question kurde se pose aussi en Turquie. L'État a autorisé à deux reprises une délégation du parti de gauche pro-kurde Parti démocratique des peuples (DEM), à rencontrer Abdullah Öcalan, le dirigeant du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), condamné à vie et enfermé dans l'île-prison d'Imrali depuis 1999. Une déclaration d'Öcalan est annoncée, mais la date n'a pas encore été fixée. L'État turc exige un désarmement du PKK, une option écartée pour l'instant par la direction de l'organisation en l'absence de garanties.

Salih Muslim, coprésident du Parti de l'union démocratique (PYD) en Syrie, est également très sceptique :

  • La Turquie nous attaque et nous reproche qu'on soit proche du PKK et qu'on applique les idées d'Öcalan. Si la Turquie prenait au sérieux ses pourparlers avec lui, elle arrêterait préalablement de nous bombarder.

Erdoğan continue de destituer les uns après les autres les maires du parti pro-kurde DEM démocratiquement élus, pendant que l'armée prépare une énième offensive printanière contre la guérilla du PKK dans le nord de l'Irak.

Le facteur pétrolier

Nous quittons le Rojava en direction de l'Irak, accompagné de deux Kurdes germanophones. La route est encadrée par des derricks qui pompent les plus importantes réserves de pétrole du pays. C'est dans le nord-est de la Syrie et dans la région de Deir ez-zor que se trouvent les ressources de pétrole et de gaz du pays. Reji travaille à Hambourg comme livreur et il est venu passer ses vacances au Rojava. Il en repart un peu inquiet : « Les gens souffrent. L'eau est polluée, internet rarement disponible et le réseau de l'électricité toujours en panne. » Depuis un an et demi, au moins à trois reprises, la grande centrale électrique de Soueïda a été la cible de l'aviation turque. Le réseau a été remplacé par des générateurs fonctionnant avec un pétrole mal raffiné et dont les émanations de fumées noires étouffent les villes.

Les énergies fossiles sont-elles un atout pour les Kurdes et leurs alliés dans leurs négociations avec Damas ? Salih Muslim nous confie :

  • Quatre-vingt-dix pour cent des pompes ont été détruites. Contrairement à ce que les gens pensent à Damas, nous ne tirons pas beaucoup de profit de ses ressources. Mais nous l'avons affirmé depuis le début : tout le peuple syrien doit avoir accès à ces ressources de gaz et de pétrole. Leur répartition doit être discutée autour d'une table avec le gouvernement pour qu'elle soit équitable.

Nous traversons la frontière syro-irakienne avec Cihan Ehmed, ses deux petits-enfants et ses deux grandes valises. Elle est venue enterrer sa mère à Hassaké. Elle craint pour l'avenir « Les gens ont peur du nouveau gouvernement, comme ils avaient peur du régime d'Assad. »

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