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En Namibie, un vent de contestation inédit plane sur les élections

3 décembre 2024, par Courrier international — , ,
L'opposition a annoncé qu'elle ne reconnaîtrait pas les résultats du scrutin qui s'est déroulé fin novembre et qui s'annonce comme le plus disputé depuis l'indépendance du (…)

L'opposition a annoncé qu'elle ne reconnaîtrait pas les résultats du scrutin qui s'est déroulé fin novembre et qui s'annonce comme le plus disputé depuis l'indépendance du pays. Le vote a été marqué par de multiples problèmes logistiques dus à la forte affluence ainsi que par des irrégularités.

Tiré de Courrier international.

“Libres ? Peut-être. Équitables ? C'est douteux. Crédibles ? Clairement pas !” Dans un éditorial au vitriol, le quotidien The Namibian dresse un réquisitoire accablant contre la commission électorale namibienne. Un vent de contestation inédit plane sur les élections législatives et présidentielle qui se sont achevées samedi 30 novembre après quatre jours de vote en Namibie. L'opposition a déjà annoncé qu'elle ne reconnaîtrait pas les résultats du scrutin, marqué par des problèmes logistiques et une forte affluence dans les bureaux de vote.

Samedi, le candidat des Patriotes indépendants pour le changement (IPC), le principal parti d'opposition, Panduleni Itula, a dénoncé des irrégularités “flagrantes, indéniables et inacceptables”, rapporte le quotidien namibien New Era. La commission électorale elle-même a reconnu l'existence d'“une série de problèmes, résume le site sud-africain News24, notamment une pénurie de bulletins de vote en raison d'un taux de participation plus élevé que prévu et la surchauffe des tablettes utilisées pour vérifier [l'identité des] électeurs”.

Certains bureaux de vote ont également fermé alors que des électeurs attendaient encore de voter. Dépassée par cette multitude de problèmes, la commission électorale a prolongé du 29 au 30 novembre le scrutin dans certains bureaux de vote, semant un peu plus le chaos.

“Chaos généralisé dans les bureaux de vote”

Cette élection, qui s'annonce la plus serrée depuis l'indépendance de la Namibie vis-à-vis du régime d'apartheid sud-africain, en 1990, menace la domination jusque-là incontestée de la Swapo, le parti historique au pouvoir depuis trente-quatre ans.

“Les autorités électorales ont aggravé la situation en rouvrant quelques bureaux, en supprimant la publication des résultats dans les bureaux de vote et en refusant avec arrogance d'impliquer l'ensemble des principales parties prenantes dans leurs décisions”, juge The Namibian.

“Que les résultats annoncent une victoire, un second tour ou une défaite, nous chercherons à annuler cette élection devant les tribunaux”, a annoncé sur le réseau social X Panduleni Itula, cité par le compte X du Windhoek Times. Il a rapidement été rejoint par d'autres partis d'opposition. “L'IPC a lancé la procédure de contentieux et nous le suivrons”, a notamment déclaré le secrétaire général du Mouvement démocratique populaire, Manuel Ngaringombe, repris par The Namibian.

Les élections n'ont été “ni libres ni équitables”, estiment également plusieurs experts interrogés par l'hebdomadaire namibien Windhoek Observer. “Compte tenu du chaos généralisé dans les bureaux de vote, on ne peut que déduire qu'il s'agissait soit d'un chaos chorégraphié, soit d'une incompétence flagrante, ou d'une combinaison des deux”, juge l'analyste politique Rui Tyitende, toujours dans les pages du Windhoek Observer.

“La Swapo a perdu sa domination incontestée”

Ignorant ces critiques, la commission électorale a commencé à annoncer les résultats alors que les bulletins avaient été dépouillés dans un peu plus de la moitié des circonscriptions électorales. Le 2 décembre au matin, la Swapo rassemblait officiellement 59,5 % des voix, contre 25,5 % pour son principal concurrent, l'IPC.

Analysant les résultats provisoires, le politologue Henning Melber note que la Swapo, si elle semble en voie de remporter officiellement les élections, a “perdu sa domination incontestée”. Alors que le parti règne encore sur le nord du pays, dans les centres urbains, “les électeurs ont tourné le dos à l'ancien mouvement de libération”, explique le professeur dans les colonnes du Windhoek Observer.

Un phénomène qui traverse toute une partie de l'Afrique australe, comme le suggère le Daily Maverick : au cours des derniers mois, plusieurs partis issus des mouvements de libération de la région ont vu s'éteindre leur suprématie sur le paysage politique alors qu'arrive une nouvelle génération d'électeurs plus sensibles aux problèmes économiques qu'à l'héritage des luttes d'indépendance.

En dépit des résultats officiels, qui lui sont pour le moment favorables, la Swapo “aurait intérêt à garantir sa légitimité et sa confiance sur la base d'élections véritablement libres et équitables”, souligne Henning Melber.

“[L'organisation de nouvelles élections serait] la voie de sortie la plus évidente afin de regagner l'image d'une société démocratique.”

“En l'absence d'équité et de crédibilité, nous ne pouvons imaginer d'autres options que la tenue de nouvelles élections”, pense également The Namibian, qui met en garde : “Quelque chose de radical doit être fait pour empêcher la Namibie de s'engager sur la pente glissante de l'illégitimité comme nous l'avons vu au Zimbabwe et dans d'autres pays.”

Courrier international

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Tunisie : non à la criminalisation de la solidarité avec les migrants

3 décembre 2024, par Comité pour le respect des libertés et des droits de l'homme en Tunisie — , ,
En solidarité avec Abdallah Said - dont l'arrestation semble principalement liées à son engagement humanitaire en faveur des enfants réfugiés et abandonnés - un ensemble (…)

En solidarité avec Abdallah Said - dont l'arrestation semble principalement liées à son engagement humanitaire en faveur des enfants réfugiés et abandonnés - un ensemble d'associations demande sa libération immédiate ainsi que celle de tous les détenus poursuivis pour leur engagement humanitaire et la fin des persécutions contre les organisations solidaires envers les migrants.

Tiré du blogue de l'auteur.

Le 12 novembre 2024, Abdallah Said, activiste et président de l'Association Enfants de la Lune de Médenine, a été placé en garde à vue par la cellule d'enquête financière tunisienne. Après un long interrogatoire, les charges retenues contre lui restent floues, mais semblent principalement liées à son engagement humanitaire en faveur des enfants réfugiés, migrants et abandonnés dans la région de Médenine.

Cet événement s'inscrit dans un contexte préoccupant de criminalisation de la solidarité en Tunisie, qui s'est intensifié depuis mai 2024. À cette époque, la répression avait déjà ciblé plusieurs figures de proue et organisations humanitaires soutenant les migrants, notamment avec l'arrestation de Saadia Mosbah, présidente de l'association Mnemty, et de Sherifa Riahi, ancienne directrice de Tunisie Terre d'Asile, ainsi que des membres du Conseil Tunisien pour les Réfugiés et d'autres militants et militantes en lien avec la solidarité avec les migrants *. Ces arrestations illustrent une dérive autoritaire visant à réduire au silence toute critique des politiques gouvernementales ou de l'aide humanitaire en lien avec les migrants subsahariens.

Cette répression a coïncidé avec des campagnes de haine et des discours racistes, alimentés par des déclarations officielles, au plus haut niveau de l'Etat. Tunisien, décrivant les migrants subsahariens comme une "menace" pour l'identité nationale tunisienne. Cette rhétorique a eu des conséquences dévastatrices : expulsions forcées, déportations collectives vers le désert libyen et la répression ciblée contre ceux et celles qui s'opposent à ces pratiques racistes et inhumaines.

Abdallah Said : un nouvel exemple de la criminalisation de la solidarité

Abdallah Said, citoyen tunisien d'origine tchadienne, milite depuis des années pour la défense des droits humains et la protection des enfants migrants et réfugiés. Dans le cadre de son association les enfants de la lune, il s'est toujours occupé des enfants tunisiens handicapés et des migrants. Son seul “crime” est son engagement en faveur des plus vulnérables, dans le strict respect des lois tunisiennes, avec une reconnaissance locale et internationale.

Son arrestation est encore un exemple d'une stratégie répressive visant celles et ceux qui défendent les droits humains et soutiennent les migrants.

Cette politique, amorcée en Tunisie sous prétexte d'une "urgence migratoire" fabriquée, s'est traduite par des arrestations arbitraires*, des campagnes de haine sur les réseaux sociaux et une criminalisation croissante du travail des organisations humanitaires.

Nous soulignons le caractère politique de l'arrestation de Abdallah Saïd, en contradiction avec les engagements internationaux de la Tunisie. Nous demandons :

La libération immédiate d'Abdallah Said et de tous les détenus poursuivis pour leur engagement humanitaire. *

La fin des persécutions contre les organisations et individus solidaires envers les migrants.

Le respect des droits humains, de la dignité et des normes juridiques internationales, notamment envers les réfugiés, demandeurs d'asile et migrants.

Nous appelons toutes les organisations maghrébines, françaises, européennes et internationales partageant les valeurs de solidarité et de droits humains à dénoncer cette dérive répressive et à soutenir activement ceux qui, comme Abdallah Said, sont persécutés pour leur engagement solidaire avec les migrants.

Dignité pour les réfugiés, les migrants.

*Sherifa Riahi, Ancienne directrice de "Terre d'asile Tunisie" (2016-2021/2022), placée en garde à vue le 8 mai 2024 pour des soupçons de blanchiment d'argent. Dans la foulée, deux autres personnes ont été arrêtées dans le cadre de la même affaire : Iyadh Bousselmi, directeur actuel de "Terre d'asile Tunisie", et Mohamed Jouou, responsable financier.

*Saadia Mosbah , Militante antiraciste et présidente de Mnemty, arrêtée début mai 2024 et poursuivie pour blanchiment d'argent, dans un contexte de répression des associations critiques.

*Mustafa Jamali, président du Conseil tunisien pour les réfugiés, et Abdelrazek Krimi, chef de projet au sein du même conseil, ont été arrêtés en mai 2023, accusés d'héberger illégalement des étrangers et de recevoir des financements étrangers.

*Abdallah Saïd, fondateur de "Les Enfants de la Lune", a été arrêté le 12 novembre 2024 et transféré au pôle antiterroriste, accusé de recevoir des fonds étrangers pour aider des migrants. (2 responsables de l'association ont également été arrêtés dans la foulée).

Premiers signataires

Organisations Internationales

Migreurop
Euromed Rights
Fédération Internationale des droits de l'Homme
Réseau Euromed France (REF)
Coordination maghrébine des organisations de droit de l'Homme (CMODH)

Syndicats

Confédération générale du Travail (CGT)
Confédération française démocratique du travail (CFDT)
Fédération syndicale unitaire (FSU)
Union nationale des syndicats autonomes (UNSA)
Union syndicale solidaires (SUD)

Organisations maghrébines, françaises européennes et internationales

Action Jeunesse – Maroc
Association des citoyens originaires de Turquie (ACORT)
Association de défense des droits de l'Homme au Maroc (ASDHOM)
Association marocaine des droits de l'Homme (AMDH)
Association des Marocains en France (AMF)
Association N'aoura – Bruxelles
Association des refoulés d'Afrique-centrale au Mali (ARACEM) - Mali
Association des Travailleurs Maghrébins de France (ATMF)
Association des médecins français pourla prévention de la guerre nucléaire (AMFPGN) (membre de l'IPPNW, prix Nobel de la paix)
Associazione Ricreativa Culturale Italiana - Association italienne de loisirs et de culture (ARCI) - Italie
Aswat Media Network – Libya – Aswat réseau de médias - Libye
Attac France
Cédetim / IPAM
The Centre for Peace Studies – Zagreb - Le Centre d'études pour la paix – Zagreb
Centre Lixus pour les jeunes chercheurs – Maroc
Coalition internationale des sans-papiers et migrants (CISPM)
Collectif des communautés subsahariennes au Maroc (CCSM)
Collectif Sans papiers 75 (CSP-75)
Collectif associatif pour l'observation des élections (CAOE) - Maroc
Collectif régional pour la Coopération Nord-Sud – Hauts de France (CORENS)
Comité de soutien à la Ligue algérienne de defense des droits de l'homme
(CS-LADDH) - Algérie
Centre national de coopération et développement belge (CNCD-11.11.11)
Droit aux Logements (DAL)
Droit ici et là-bas (DIEL)
Egyptian Front for Human Rights (EFHR) - Front égyptien pour les droits de l'homme (EFHR) - Egypt
E-joussour portail de la société civile maghrébine/Machrek - Maroc
Ensemble Vivre Travailler et Coopérer de Saint Denis (EVTC)
Femmes plurielles
Fondation Copernic
Fondation Frantz Fanon (FFF)
Forum des alternatives Maroc (FMAS) - Maroc
Forum France Algérie (FFA)
France Fraternité (FF)
Groupe d'information et de soutien des immigrés (GISTI)
HuMENA for Human Rights and Civic Engagement to the statement in the MENA -HuMENA pour les droits de l'homme et l'engagement civique au Moyen Orient
Iridia-center for the defense of human rights - Barcelona – Espana
Ligue des droits de l'Homme (LDH)
Migration, Asylum, Racism Discrimination and Trffiking (KISA-Cyprus) - Chypre
Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP)
New Woman Foundation - Egypt
Observatoire Marocain des libertés publiques (OMLP) - Maroc
Observatoire Marocain de la protection sociale - Maroc
Organisation pour les libertés d'information et d'expression (OLIE) Hatim - Maroc
People in Need, Czech Republic - Personnes dans le besoin, République Tchèque
Pour une Alternative Démocratique en Algérie (PADA)
Réseau Féministes « Ruptures »
Riposte Internationale (RI)
Statewatch – Londres - UK
SOS migrants – Belgique
SOS Racisme
We at Libya Crimes Watch (LCW) – Libye

Partis

Europe écologie les verts (EELV)

Ensemble

Pour une Ecologie Sociale et Populaire (PEPS)

NPA -l'Anticapitaliste

Personnes

Pierre Khalfa, économiste,

Michelle Guerci, journaliste, militante féministe antiraciste.

À l' initiative de :

Association Démocratique des Tunisiens en France (ADTF)

Union des travailleurs immigrés tunisiens (UTIT)

Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives (FTCR)

Le Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l'Homme en Tunisie (CRLDHT)

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À New Delhi, les enfants respirent un air mortel

3 décembre 2024, par Côme Bastin — , ,
La « capitale la plus polluée au monde » fait face à un terrible épisode de pollution aux particules fines. La santé des enfants, notamment des plus pauvres, est fortement (…)

La « capitale la plus polluée au monde » fait face à un terrible épisode de pollution aux particules fines. La santé des enfants, notamment des plus pauvres, est fortement affectée alors que cet « airpocalypse » devient la norme.

Tiré de Reporterre

New Delhi (Inde), correspondance

Aparna Agarwal revient tout juste de l'Himalaya où elle a fui avec sa fille de 6 ans et son fils de 3 ans. « Depuis l'arrivée du smog sur New Delhi, ils toussent comme jamais. Ma fille est victime de maux de tête constants. Il leur est impossible de se concentrer ou même de s'amuser. Alors, nous sommes partis dans les montagnes pour éviter d'aggraver ces problèmes respiratoires », raconte cette mère de 35 ans qui vit à Noida, une banlieue à l'est de New Delhi.

Après quelques jours au contact de l'air pur, les symptômes de ses enfants ont diminué, mais pour combien de temps ? « Les habitants de New Delhi se réjouissent dès que la pollution a un peu baissé, mais les niveaux restent extrêmement élevés ! », s'inquiète Aparna Agarwal. Il y a une semaine, la pollution aux particules fines2,5 (inférieures à 2,5 microns) était 60 fois supérieure aux seuils fixés par l'Organisation mondiale de la santé à New Delhi. Elles sont aujourd'hui « seulement » 30 fois au-dessus des normes…

Maladies chroniques mortelles

L'air est vicié toute l'année à New Delhi, mais cette pollution explose en novembre. Le froid hivernal, les fêtes hindoues célébrées avec des pétards polluants, l'agriculture sur brûlis des régions alentour, les usines et chantiers de la capitale : tout concourt pour créer un cocktail mortel. Les mesures gouvernementales timides, telles que la fermeture des écoles ou les solutions fantasques comme les tours antipollution, sont impuissantes face à la catastrophe.

La revueLancet a attribué à la mauvaise qualité de l'air la mort de 1,67 million d'Indiens en 2019. À Delhi, les experts s'inquiètent des conséquences pour les plus jeunes. « Les enfants continuellement exposés alors que leurs poumons se développent sont extrêmement vulnérables », explique le docteur Nikhil Modi, pneumologue. « En quinze ans, j'ai vu les cas d'asthme et d'allergies exploser. Cet hiver, les consultations ont été multipliées par trois. » Seule l'élite a les moyens, comme Aparna Agarwal, d'éloigner temporairement ses enfants de l'air empoisonné.

Ces maladies chroniques sont une bombe en puissance. « L'espérance en vie des enfants diminue alors qu'on les voit développer des maladies mortelles de fumeurs : cancer des poumons, attaques cardiaques, AVC », alerte ce spécialiste en pédiatrie pour qui cette année est une des pires jamais vues à New Delhi. « Cela affecte aussi les familles, avec des heures de travail perdues pour les parents, qui viennent ajouter à la précarité économique de beaucoup de familles. »

Les plus pauvres sans solutions

Bhavreen Khandari, à la tête de Warriors Moms, une association de mères militants contre la pollution, ne décolère pas. « De qui se moque-t-on en faisant croire que fermer les écoles est une solution ? Il n'y a que 3 % de la population qui dispose de grands appartements et purificateurs d'air. Les enfants vont s'entasser dans une pièce polluée où l'on se chauffe parfois au charbon ! » Aparna Agarwal, elle, « empêche ses enfants de gambader dehors et leur fait suivre des cours en ligne », mais se lamente pour ceux « à qui on donne le choix entre la faim ou la toux, car le repas de midi à l'école est fondamental pour les plus pauvres ».

« Les industriels devraient être jetés en prison »

Les associations de défense des enfants ont déposé de nombreuses plaintes auprès d'institutions comme la Cour suprême. Cette dernière appelle régulièrement à des mesures ponctuelles, comme, récemment, le contrôle des véhicules polluants. Des mesures rarement suivies d'effets sur le terrain. « La seule solution, c'est de combattre pour de vrai la pollution de l'air, juge Bhavreen Khandar. On perd espoir car, chaque année, on nous fait des promesses vides. Les industriels et responsables devraient être jetés en prison car ils tuent nos enfants ! »

https://reporterre.net/

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Pourquoi il nous faut un parti ?

3 décembre 2024, par Édouard Soulier, Fabienne Dolet — , ,
La situation sociale, politique, écologique du monde montre plus que jamais que nous avons besoin de mutualiser nos expériences de lutte, de réfléchir ensemble pour gagner (…)

La situation sociale, politique, écologique du monde montre plus que jamais que nous avons besoin de mutualiser nos expériences de lutte, de réfléchir ensemble pour gagner l'ensemble de notre classe à la transformation sociale. Reste à déterminer la forme d'organisation nécessaire.

Novembre 2024 | tiré de la Revue l'Anticapitaliste no 161| Photo : Manifestation à Angoulême, 9 setembre 2024. © Photothèque Rouge / Aurore C. / CC0.
https://lanticapitaliste.org/actualite/politique/pourquoi-il-nous-faut-un-parti
section débats

« Pourquoi tout le monde crée des mouvements et plus personne ne crée de partis », s'interrogeait Galaad Wilgos dans Slate en 20171. Depuis un peu plus d'une dizaine d'années, avec l'horizontalité permise par les réseaux sociaux, le discrédit des politiques de gauche et de droite alignées sur le « No alternative » thatchérien, un consensus avait surgi : il y aurait une désaffectation historique pour la forme « parti ». Pourtant, à l'heure où résonnent les bruits de bottes partout en Europe, le « mouvement » ou le « réseau » suffisent-ils encore ? En quoi un parti peut-il être utile ?

De la rue aux partis politiques : une rupture

Faute de victoires significatives des mouvements sociaux ces quinze dernières années, d'autres formes de contestation, souvent complémentaires, parfois vues comme remplaçant l'action des partis et des syndicats ont émergé : le mouvement des places, Nuit Debout en 2016, black blocs et politique appeliste, Gilets jaunes en 2018, etc. Dans ces mouvements s'exprime souvent la peur de l'endoctrinement et la volonté de conserver une certaine indépendance de pensée. S'exprime aussi l'envie d'une démocratie ponctuelle, horizontale, d'une action politique exemplaire. La spontanéité est valorisée par rapport à la lourdeur des partis, vus comme bureaucratisés ou prisonniers des enjeux de pouvoir.

La désaffection pour les partis semble avoir atteint un pic qui s'accompagne d'ailleurs d'une abstention record aux élections. Ainsi, seul·es un tiers des Français déclarent être membres d'une association, d'un syndicat ou d'un parti politique2. Pour la participation active, seul·es 2 % des Français·es déclarent être membre d'un parti et y participer activement, 4 % d'un syndicat et enfin 9 % d'une association qui « défend une cause ». Ces chiffres traduisent donc un désengagement pour l'organisation collective, au-delà de la forme « parti ».

De l'impuissance à l'action directe

Si les partis politiques sont souvent vus comme des outils obsolètes, c'est parce qu'ils se fixent des objectifs politiques lointains ou ne répondent pas suffisamment dans le cadre institutionnel aux revendications.

Au cours de la dernière décennie, le déclin numérique des organisations politiques militantes (on ne parle évidemment pas des partis d'élus de la droite) a coïncidé avec une diminution de la lutte organisée et de masse notamment au plan syndical. Ce recul entraîne des frustrations devant l'impuissance, avec à la clé résignation, désaffection mais aussi de nouvelles formes de mobilisation. Ces mobilisations ont privilégié l'action immédiate, qui donne des résultats tangibles rapidement. Cette idée résonne particulièrement avec les luttes écologiques : de Notre-Dame-des-Landes à Greta Thunberg, du barrage de Sivens à Sainte-Soline. L'écologie radicale a trouvé à s'exprimer en France autour des Soulèvements de la Terre.

Du « parti » aux mouvements : recul de la conscience de classe

La faiblesse des organisations politiques traditionnelles suit par ailleurs une tendance au long court : la méfiance à l'égard de toute organisation politique quelle qu'elle soit. Les partis politiques traditionnels de la gauche ont donné une image ambivalente : l'émancipation était souvent soumise aux enjeux de pouvoir. Ainsi, la tradition stalinienne, qui réunissait des organisations de militants obéissant aveuglément ou presque, a produit des courants politiques dans la dynamique post-Mai 68 qui ont cherché d'autres manières de faire de la politique, comme la Ligue communiste, devenue ensuite LCR (Ligue communiste révolutionnaire). Les partis d'élu·es de la social-démocratie en France dans les années 1980-1990 pouvaient utiliser les militants comme des faire-valoir et servir de petites mains à des barons locaux ou ministériels.

De la peur de la récupération politique à la déconnexion totale entre la rue et les partis de gouvernement sous François Hollande, en passant par l'inventaire post-1989, la forme « parti » a pris un coup dans l'aile au profit d'organisations basées sur le mouvement. Les partis d'élus de la gauche institutionnalisés, menant des politiques social- libérales, ont achevé de discréditer les partis. La macronie est le fruit de cette décomposition. Elle s'est d'ailleurs organisée elle aussi en mouvement… évoqué par le nom même lui-même : « En marche ! », pour faire moderne ! La bourgeoisie a contribué à vider de sa substance la forme « parti », mais aussi la forme « mouvement », pour promouvoir… des hommes forts. Macron est l'incarnation de ce processus. D'abord, parce que sa politique l'a mené à discréditer les « corps intermédiaires », puis à mépriser les partis représentés à l'Assemblée nationale, et enfin les députés et l'Assemblée elle-même avec l'usage réitéré de l'article 49.3… Sans même parler du déni de démocratie de la dissolution et des législatives anticipées.

Tout cela éclaire l'offensive idéologique et matérielle du libéralisme économique. Depuis 2008, et la crise des subprimes, les milliardaires se sont enrichis, et les plus pauvres se sont appauvris. Les droits sociaux et les services publics issus du consensus d'après-guerre ont été attaqués de plus en plus à l'échelle européenne. Le capitalisme libéré de toute entrave politique affaiblit les liens collectifs et sociaux, voire il a intérêt à les détruire au profit d'une société d'individus producteurs à bas coût, d'une part, et de consommateurs enragés, d'autre part. Les individualismes ont aussi tendance à accentuer le repli sur soi et la baisse de l'engagement.

En conséquence, il existe des sauts générationnels avec rupture de transmission d'expérience dans les partis et une difficulté à aborder les changements de paradigme historique et politique. Tout cela, alors que s'organiser, réfléchir ensemble, résister ont rarement été aussi nécessaires.

Un parti pour comprendre et résister

Pour faire face à un capitalisme débridé, à bout de souffle, archi-subventionné, comme le dit David Harvey, pour faire face à l'autoritarisme, nous avons besoin d'une organisation, pas seulement ponctuelle, pas seulement tournée vers l'action immédiate, pas seulement tournée vers des victoires institutionnelles… Une organisation qui n'est pas la somme des individus qui la composent mais qui est et qui a une force de penser et d'agir.

Une organisation politique, telle que nous la concevons, se donne à la fois des objectifs stratégiques (la transformation révolutionnaire de la société) et tactiques (gagner des luttes pour renforcer les travailleuses et les travailleurs). Or, ce socle commun, ce programme, est transmis, construit et retravaillé dans des pratiques à la fois formatrices et démocratiques. Un parti permet de mutualiser et de lutter contre l'idéologie dominante. C'est aussi un cadre collectif pour assimiler des expériences organisationnelles et politiques. C'est un lieu de formation pour comprendre le monde. Parce qu'il n'y pas homogénéité entre les luttes et la conscience de classe, il y a nécessité d'un outil collectif pour assimiler les expériences de la classe et agir. Le parti sert à comprendre mais aussi à conserver la mémoire des luttes et à les intégrer. On apprend bien sûr de ses erreurs, si on peut ensemble en tirer les bilans.

Un parti pour agir

Le parti permet de transmettre la mémoire des luttes mais aussi des bonnes pratiques. Pour toute tentative de lutte d'émancipation, nous avons besoin d'une organisation solide politiquement tournée vers l'action. Nous entrons dans une période où la satisfaction des revendications même les plus élémentaires nécessite un rapport de forces supérieur à celui d'il y a trente ans, cela nécessite donc de s'unir. Un groupe avec des habitudes militantes développées en commun – habitudes de discussion, reconnaissance et confiance créées pendant la lutte – est une force pour organiser des actions. Et il faut savoir sur quelles forces on peut compter pour les organiser.

Une organisation est utile pour être ensemble, pour préparer et intégrer différentes idées/méthodes, etc. Il est évident que la répression ne s'abat pas de la même manière sur des individus ou sur un collectif. Ce collectif permet aussi de donner la confiance nécessaire contre cette répression. Tous ces éléments montrent l'importance du collectif pour la lutte.

Ainsi une organisation doit être un outil utile pour les luttes. Cette idée générale de base repose sur le parti qui est un outil face à une classe dirigeante impitoyable et organisée. On imagine mal la police venir sans leur matériel pour réprimer en manif. Il est indispensable de se coordonner pour être efficace dans une lutte. Cette nécessité de s'organiser, notre camp social l'a naturellement lors d'affrontements avec la classe dirigeante. Lorsque c'est nécessaire, il y a des AG qui s'organisent des comités de mobilisation, etc. Mais lorsque la lutte reflue, il est plus difficile de maintenir l'activité locale. C'est pour cette raison que puisque la lutte de classes est permanente, l'organisation politique et militante doit l'être aussi.

Le parti aujourd'hui

La situation du monde est pleine de potentiel pour des luttes révolutionnaires, et les rapports de classe sont si tendus que les revendications qui s'expriment ne peuvent trouver satisfaction dans le cadre du capitalisme. Elles posent la question du pouvoir : qui décide et pourquoi ?

C'est pour cette raison qu'il faut envisager que l'organisation de notre classe, au-delà de la discussion sur la forme « parti », implique une forme de plasticité. Comme l'exprime Daniel Bensaïd : « Dans toute crise révolutionnaire, il faut chercher la forme d'organisation dans laquelle peuvent s'exprimer le plus directement et plus clairement les rapports de forces ; dans laquelle peuvent se modifier les rapports entre les masses et leurs organisations traditionnelles ; par laquelle la rupture entre les masses et ces directions peut s'opérer sans provoquer des divisions accrues du mouvement de masse lui-même. Autrement dit, un cadre où les aspirations unitaires pèsent un maximum, où la radicalisation de la base, qui va dans ces circonstances beaucoup plus vite que celle des appareils, même intermédiaires, se reflètent le mieux et le plus fidèlement. »3

1. Galaad Wilgos, Pourquoi tout le monde crée des mouvements et plus personne ne crée de partis, Slate.fr, 31 juillet 2017.

2. Adelaïde Zulfikarpasic, Les Français et l'engagement, Fondation Jean Jaurès, 22 juillet 2021

3. Daniel Bensaïd, Stratégie et parti, Les Prairies ordinaires, 2016, page 85.

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Né-e-s ici ou venu-e-s d’ailleurs, l’égalité des droits, c’est pour toutes et tous !

3 décembre 2024, par ATTAC-France — , ,
Appel : Nous ne voulons pas d'une société raciste. Nous voulons pour nos voisin-e-s, collègues de bureau, d'atelier, nos camarades d'amphi, pour notre médecin, notre (…)

Appel :

Nous ne voulons pas d'une société raciste. Nous voulons pour nos voisin-e-s, collègues de bureau, d'atelier, nos camarades d'amphi, pour notre médecin, notre boulanger-e, pour la copine ou le copain de classe de nos filles, de nos garçons… une réelle égalité des droits.

Nous vivons ensemble, et ne concevons pas la société autrement que dans le respect de ce qui nous lie. La fraternité est aux côtés de la liberté et de l'égalité sur le fronton de nos édifices publics. Ces grands principes doivent se traduire par l'accès effectif à tous les droits, pour toutes et tous ; par l'accueil et la valorisation de la diversité qui fait la richesse de notre pays, de tout pays ; par le développement des solidarités pour et avec celles et ceux qui en ont besoin.

Travailleuses et travailleurs étrangers, personnes exilées, étudiantes et étudiants internationaux… qu'ils et elles soient arrivés hier ou il y a 20 ans, toutes et tous se retrouvent la cible de politiques migratoires qui voient en l'étranger un criminel en puissance, un « indésirable ».

La loi immigration de janvier 2024 et le Pacte Asile & Immigration de l'Union européenne ont encore radicalisé des politiques répressives et brutales, généralisant la maltraitance administrative. Les politiques publiques sont aujourd'hui dévoyées et utilisées comme des outils pour surveiller, arrêter, enfermer, expulser… C'est sur cette toile de fond que prospèrent au quotidien la xénophobie, la stigmatisation et les discriminations.

Les mers ramènent sur nos côtes les corps de celle et ceux que le choix politique d'une « Europe forteresse » a condamné-e-s ; des exilé-e-s venu-e-s chercher la protection à laquelle elles et ils ont droit sont renvoyé-e-s vers d'atroces destins dans des pays qui violent les droits fondamentaux autant que le droit international ; des enfants et des adolescents sont abandonnés par les institutions qui devraient les protéger ; des personnes qui travaillent, étudient, vivent avec nous sont harcelées et traitées comme des délinquants faute de recevoir les documents qui légaliseraient et pérenniseraient leur séjour ; des résident-e-s de longue date rencontrent des difficultés indues pour la prolongation de leur titre de séjour, et se retrouvent de ce fait plongé-e-s dans une dramatique spirale, perdant leur travail, leur logement, leurs droits sociaux et leur couverture médicale.

L'extrême droite développe le fantasme d'une population « étrangère » présentée comme trop nombreuse et « inassimilable ». Elle attise auprès de la population le rejet des « étrangers » qui – selon elle – seraient la cause de tous les maux socio-économiques endurés par la société. En écho, le gouvernement instrumentalise cette peur de l'autre et prépare une énième loi toujours plus répressive qui pourrait s'affranchir, cette fois, du cadre de l'Etat de droit. Cette surenchère, contraire à nos valeurs d'humanité et de solidarité à la base de notre pacte social, abîme profondément nos sociétés.

Il faut réagir ! Nous sommes déjà nombreuses et nombreux à le faire au quotidien, en dépit des menaces qui pèsent sur nos militant-e-s syndicaux et associatifs qui s'engagent auprès de celles et ceux qui sont privé-e-s de leurs droits et de leur dignité pour une couleur de peau, une religion ou le simple fait d'être né-e ailleurs.

Des millions de citoyennes et de citoyens pensent comme nous et sont prêts à faire retentir la puissante voix de la solidarité !

Le 14 décembre, manifestons partout en France pour défendre le respect de la protection et des droits des travailleuses et travailleurs migrants, de leurs familles et de toutes les personnes exilées !

Et le 18 décembre, Journée internationale des migrants, en meeting unitaire à Paris et dans d'autres initiatives en régions, réaffirmons plus encore l'impérieuse nécessité de l'égalité des droits pour toutes et tous, né-e-s ici ou venu-e-s d'ailleurs !

Un appel à l'initiative de la LDH (Ligue des droits de l'Homme), Amnesty International France, Attac France, Centre de recherche et d'information pour le développement (Crid), La Cimade, Confédération générale du travail (CGT), Emmaüs France, Fédération syndicale unitaire (FSU), Femmes égalité, Groupe accueil et solidarité (Gas), Intercollectif de sans-papiers, Médecins du monde, Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (Mrap), Oxfam France, SOS Racisme, Syndicat des avocats de France (Saf), Syndicat de la magistrature (SM), Union syndicale Solidaires, Utopia 56.

Autres signataires :

Association nationale des villes et territoires accueillants (Anvita), Association des travailleurs maghrébins de France (ATMF), Fédération des Tunisiens citoyens des deux rives (FTCR), Femmes Egalité, Réseau d'actions contre l'antisémitisme et tous les racismes (RAAR)

Les organisations qui souhaitent signer l'appel « Né-e-s ici ou venu-e-s d'ailleurs, l'égalité des droits, c'est pour toutes et tous ! » peuvent remplir CE FORMULAIRE.

https://www.ldh-france.org/ne-e-s-ici-ou-venu-e-s-dailleurs-legalite-des-droits-cest-pour-toutes-et-tous/

https://france.attac.org/se-mobiliser/contre-la-repression-et-le-racisme-pour-les-libertes-publiques/article/ne-e-s-ici-ou-venu-e-s-d-ailleurs-l-egalite-des-droits-c-est-pour-toutes-et

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Trump et les droites européennes : des rapports attraction-répulsion qui n’annoncent rien de bon…

3 décembre 2024, par Yorgos Mitralias — ,
*Que penser du retour de Trump à la Maison Blanche ? Pour les bourgeoisies européennes et leurs partis, la réponse devrait être et a été positive et même enthousiaste. Pourquoi (…)

*Que penser du retour de Trump à la Maison Blanche ? Pour les bourgeoisies européennes et leurs partis, la réponse devrait être et a été positive et même enthousiaste. Pourquoi ?

Mais, en raison de l'intention très clairement exprimée de Trump d'appliquer des politiques réactionnaires, anti-syndicales, anti-ouvrières, antisociales et pro-capitalistes que les droites européennes voudraient bien mettre en œuvre chez elles aussi, afin de “pacifier” leurs propres sociétés pour une période aussi longue que possible. Signe infaillible de cette euphorie capitaliste : les bourses européennes pavoisaient le lendemain de la victoire électorale de Trump…*

Évidemment, les partis et autres forces d'extrême droite ont tout à fait raison d'exulter plus que tout autre, s*ûr*s que la victoire de Trump ne peut que leur profiter dans leur marche -pour le moment inarrêtable- vers le pouvoir de plusieurs pays, y inclus des plus grands de l'Union Européenne comme la France et l'Allemagne. Ayant déjà le vent en poupe depuis une dizaine d'années, ces partis d'extrême droite et même néofascistes, deviennent maintenant, grâce a Trump, encore plus attrayants pour les ailes et les tendances ultra-droitières déjà existantes au sein des grands partis de la droite traditionnelle. Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, les hémorragies électorales et les scissions que vont subir ces partis de la droite traditionnelle européenne en faveur d'une extrême droite plutôt très radicale et sympathisante de Poutine, risquent de redessiner le paysage politique de toute l'Europe, changeant radicalement le rapport de forces également à l'intérieur de la Commission de l'Union Européenne !...

Cependant, force est de constater qu'il y a aussi l'autre face de la médaille des conséquences européennes du retour de Trump à la Maison Blanche. C'est pourquoi la liesse initiale des bourgeoisies européennes qui a suivi le triomphe électoral de Trump a été de courte durée. Pourquoi ? Mais, parce qu'il y a dans tout ça un hic de taille : le protectionnisme agressif et l'ultra-nationalisme de Trump. C'est ainsi qu'au fur et à mesure que Trump multiplie, jour après jour, les déclarations concrétisant son intention d'imposer même à ses alliés et amis des tarifs douaniers exorbitants qui vont frapper durement leurs économies, la satisfaction initiale est remplacée par l'inquiétude, l'anxiété et même la peur. Il s'agit une vraie douche froide qui a comme résultat non seulement de calmer leurs enthousiasmes mais aussi de changer profondément l'humeur et les dispositions des bourgeoisies, des médias et des droites européennes envers Trump.

En somme, ce qui se dessine à l'horizon seulement un mois après sa victoire électorale, c'est que* les droites et les bourgeoisies **européennes** sont presque **condamnées* *à* *développer** des rapports * *d'attraction-répulsion** avec **Trump** et son administration !* D'un coté l'attraction provoquée par la proximité idéologique et la haine commune de ceux d'en bas. Et de l'autre, la répulsion provoquée par les profondes divergences géostratégiques et surtout, par le protectionnisme très agressif de Trump. Un protectionnisme qui pourraient bien mettre le feu aux poudres dans les sociétés du vieux continent et au-delà (par exemple en Chine, aux Indes, au Mexique et même au Canada) et déstabiliser ultérieurement leurs systèmes politiques déjà fragilisés, en raison du marasme social et du chômage record résultant de la faillite des pans entiers de leurs economies et de la probable perte des millions de postes de travail...

Il va de soi, que de tels rapports si contradictoires ne peuvent pas durer éternellement et que les bourgeoisies européennes ainsi que leur personnel politique ne pourront pas être tiraillés éternellement entre l'attirance et la répulsion pour Trump. Tôt ou tard la balance va pencher en faveur de l'attraction et de la coexistence plus ou moins pacifique ou de la répulsion qui pourrait conduire à des drames. Si évidemment ces drames ne sont pas empêchés par l'entrée en jeu des forces sociales et politiques capables de stopper et de battre tant les uns que les autres. Ceci étant dit, on ne peut pas exclure que des inconditionnels ou même des clones politiques de Trump se tournent contre lui si leurs conflits d'intérêts s'exacerbent outre mesure. D'ailleurs, les premières manifestations de tels changements sont déjà perceptibles quand par exemple la Première ministre italienne, la meta-fasciste Mme *Meloni *ou son ami raciste et islamophobe d'extrême droite, le hollandais M. *Wilders* dénoncent le protectionnisme de Trump et font front avec leurs autres partenaires européens contre les tarifs douaniers qu'il veut imposer sur les produits de leurs pays.

Mais, ce qui semble inquiéter le plus les Européens sont les traits pour le moins atypiques du caractère de Trump, qui le rendent totalement imprévisible et incontrôlable.(1) Et cela d'autant plus qu'il décide seul de tout, car il a fait le vide autour de lui et il n'y a plus de garde-fous et des soupapes de sécurité institutionnelles pour l'empêcher de faire n'importe quoi, des folies. Comme par exemple de choisir seul un casting de son gouvernement, que la presse européenne s'est empressée de qualifier d ' « extravagant » ou d'« effroyable », tout en prévoyant que la prochaine administration américaine sera « chaotique ».

Et la gauche européenne dans tout ça ? Que pense-t-elle et que fait-t-elle en ce moment si critique de l'histoire ? La réponse pourrait se résumer dans ces mots : elle fait peu de choses. D'abord, sa social-démocratie jadis puissante mais aujourd'hui déconsidérée et faible, ne fait plus que subir les événements sans réagir, comme par exemple en Allemagne où elle s'attend à essuyer une défaite historique aux élections de février prochain, avec un résultat qui pourrait ne pas dépasser la moitié du résultat de l'extrême droite dure !

Quant à la gauche plus combative et radicale, elle a une influence et des forces assez limitées pour pouvoir peser sur la social-démocratie et les événements qui font trembler notre monde. A l'exception évidemment de la France à cause de l'existence du Nouveau Front Populaire (pourtant assez fragilisé) ainsi que des syndicats ouvriers qui ont fait encore récemment la preuve de leur combativité. Toutefois, cette gauche plus radicale est confrontée à un problème de taille dans sa lutte contre l'extrême droite : l'existence d'une gauche qui « hésite » et évite de dénoncer clairement Trump comme ennemi mortel des syndicats, des mouvements ouvriers, féministes, écologiques et de tout ce qui fait la gauche. Et pire, elle est confrontée à un courant de cette gauche « hésitante », lequel sympathise avec Trump, lui attribuant des vertus... « anti-systèmiques », qui le rendent un allié potentiel de ceux que cette « gauche » appelle des « anti-impérialistes ».

Ce n'est pas surprenant que la grande majorité de ceux qui découvrent en Trump un activiste anti-système, sont aussi des sympathisants de Poutine. Comme il n'est pas surprenant et sans précédents historiques de voir des gens de gauche adopter de telles positions qui dérivent vers l'extrême droite. En réalité, les actuels sympathisants et admirateurs de Trump et de Poutine ne font que perpétuer un triste, ou plutôt criminel, phénomène de l'entre-deux guerres qui a vu même des éminents représentants du mouvement ouvrier et de la gauche, comme par exemple l'Italien *Nicola Bombacci *ou le Français *Jacques Doriot* (1) reconnaître en...Mussolini et Hitler des « champions de la paix », des « révolutionnaires anti-impérialistes » et des « unificateurs de l'Europe » !

Notre conclusion ne peut être que (très) provisoire, car tout le monde est dans l'attente de la suite des événements pour se faire une idée plus claire de ce que va représenter pour l'Europe et pour le monde la deuxième présidence de Donald Trump. Cependant, une chose est déjà plus que sûre : Il faudra mobiliser tout ce qui est mobilisable de par le monde d'abord pour résister bec et ongles et ensuite pour battre l'extrême droite et l'Internationale Brune en gestation, qui constitue actuellement la plus grande menace mortelle pour ce qui reste de notre humanité, de nos droits et de notre planète…

Notes

1. <https://www.pressegauche.org/Et-mai...> https://www.pressegauche.org/Et-maintenant-l-humanite-face-au-fleau-Trump <https://www.pressegauche.org/Et-mai...> *

2. Fondateur et dirigeant avec son ami Gramsci du Parti Communiste Italien (PCI), le très populaire Nicola Bombacci* a été emprisonné et déporté à plusieurs reprises par le régime fasciste dont il était l'ennemi juré, avant de se rapprocher petit à petit à lui et d'adhérer finalement à la *Repubblica di Salò*. Arrêté et fusillé avec Mussolini par les partisans, il est mort le poing levé et criant « *Viva il So**c**ialismo ».

Numéro 2 dans les années ‘30 du Parti Communiste Français, le très populaire parmi les ouvriers *Jacques Doriot* passe en 1936 à l'extrême droite, dont il devient un des leaders. Collaborateur des occupants nazis, dirigeant du *P**arti Populaire* fasciste et créateur de la* Légion* des nazis Français, il combat avec la Wehrmacht en Russie et meurt en Allemagne en 1945 à la fin de la guerre.

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France-dossier. Vague de suppressions d’emplois : sur l’autel de la « compétitivité » et du profit

3 décembre 2024, par A l'encontre — , ,
Le quotidien Le Monde du 28 novembre constate : « A l'accumulation des faillites s'ajoutent les annonces de restructurations en dehors de toute procédure judiciaire. Mercredi (…)

Le quotidien Le Monde du 28 novembre constate : « A l'accumulation des faillites s'ajoutent les annonces de restructurations en dehors de toute procédure judiciaire. Mercredi 27 novembre, la CGT [Confédération générale du travail] a indiqué avoir recensé 286 plans de suppressions d'emplois depuis septembre 2023, estimant qu'entre 128 250 et 200 330 emplois directs, indirects et induits sont supprimés ou menacés. Sa secrétaire générale, Sophie Binet, a appelé les salariés à “se mettre en grève et occuper leurs usines” face à cette “saignée”. »

Nous reproduisons ci-dessous : 1° le bilan établi par la CGT ayant trait aux Plans de sauvegarde de l'emploi (PSE) – officiellement le PSE « vise à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement économique est inévitable » ! – et 2° « les mesures d'urgence » proposées par la CGT, publiés le 27 novembre. (Réd. A l'Encontre)

28 novembre 2024 | alencontre.org
https://alencontre.org/europe/france/france-dossier-vague-de-suppressions-demplois-sur-lautel-de-la-competitivite-et-du-profit.html

286 PSE : près de 300 000 emplois menacés ou supprimés

Dans un contexte où les entreprises s'enrichissent toujours plus, les vagues de suppressions d'emplois dans l'industrie se multiplient et impactent durement la France. Mercredi 27 novembre, la CGT a présenté à la presse ses propositions pour répondre à l'urgence sociale. Elle organisera des actions sur l'ensemble du territoire, pour l'emploi et l'industrie le 12 décembre.

La CGT dénombre près de 300 plans de licenciement
Depuis plusieurs mois, la CGT alerte sur la situation industrielle désastreuse. En mai dernier, la CGT a présenté une liste de 130 plans de suppressions d'emplois afin de dénoncer ce processus de désindustrialisation. En octobre, lorsqu'elle est présentée au Premier Ministre [Michel Barnier] par la CGT, cette liste atteint les 180 plans de licenciement.

Et moins de 6 mois après notre première liste, la CGT recense aujourd'hui 286 plans de suppressions d'emplois depuis septembre 2023.

Entre 128 250 et 200 330 emplois menacés ou supprimés depuis septembre 2023 recensés par la CGT
Une tendance globale à l'accélération du rythme de mise en œuvre de plans de suppressions d'emplois se dégage, avec plus de 120 plans concentrés sur la période juillet-novembre 2024, dont 89 sur la seule période septembre/novembre.

Les secteurs le plus impactés par les suppressions d'emploi sont :

la métallurgie : 13 000 emplois directs supprimés ou menacés,
le commerce : plus de 10 000 emplois directs supprimés,
le secteur public et associatif : plus de 7 000 emplois supprimés,
les banques et assurances : plus de 6000 emplois supprimés ou menacés
la chimie : plus de 7000 emplois directs supprimés

Si on cumule le total des emplois supprimés ou menacés (70 586) et le potentiel d'emplois indirects et induits dans l'industrie (57 664 hypothèse basse, 129 744 hypothèse haute), on arrive donc à l'évaluation globale d'un impact négatif compris entre 128 250 et 200 330 emplois depuis septembre 2023 recensés par la CGT.

Il donc permis de penser que ce sont plusieurs dizaines de milliers d'emplois supplémentaires menacés qui peuvent être ajoutés à ceux recensés par la CGT.

Le recensement de la CGT documenté est donc cohérent avec les évaluations qui ont pu circuler récemment, notamment celle du cabinet Altares [entreprise intervenant dans le domaine de la « Data Intelligence »] portant sur 300 000 emplois menacés du fait de la vague de défaillances d'entreprises.

Au-delà des ravages sociaux avec la destruction d'emplois directs et indirects, la désindustrialisation entraîne aussi des ravages territoriaux avec la désertification impactant tout le tissu économique et les services publics français.

Chaque emploi supprimé entraîne des effets domino sur les sous-traitants, les prestataires de services et tout l'écosystème économique local. Ces plans de licenciements n'effacent pas seulement des emplois, ils vident des régions de leur attractivité, de leur commerce de proximité…

Des vies brisées, des familles dans l'incertitude : derrière les chiffres c'est un drame humain qui se joue
Il n'y a pas pire violence sociale que le chômage, ces suppressions d'emplois plongent également des familles dans l'incertitude. Ces annonces peuvent être effectuées en visio ou par SMS en un temps extrêmement court, sans prendre en compte les conditions de vie des salarié·es et leurs chances de retrouver un emploi, notamment s'ils et elles sont en fin de carrière.

Ces plans de licenciements entraînent des impacts sociaux profonds, des difficultés financières jusqu'à la perte de logement, fragilisant le tissu social dans de nombreux territoires.

Des conséquences environnementales sont inévitables

La délocalisation de nos productions vers des pays où les normes environnementales sont faibles, voire inexistantes, amplifie l'impact écologique de ces choix.

A cela s'ajoute un paradoxe, les productions exportées à l'étranger reviendront manufacturées dans notre pays, alourdissant encore plus le bilan carbone de la délocalisation. La souveraineté de notre pays est, quant à elle, menacée.

En externalisant ces pans entiers de sa capacité productive, la France perd non seulement des emplois, mais aussi le contrôle sur des secteurs clés de son économie. Cette situation alimente une dépendance accrue à l'égard d'autres pays.

De l'argent public distribué sans contrepartie aux entreprises qui licencient et délocalisent

Face à cela, l'État ne joue pas son rôle de garant, et au contraire, il aggrave la situation. L'argent public est massivement versé dans des aides et subventions aux entreprises qui, sans contrepartie, licencient et délocalisent.

En juillet 2023, la Cour des comptes estime à 260,4 milliards d'euros le soutien financier total aux entreprises, y compris les prêts garantis et le report du paiement des cotisations sociales. Aucun contrôle ni mécanisme coercitif n'empêchent ces pratiques qui affaiblissent notre tissu industriel et nos emplois.

Ces fermetures d'entreprises et d'usines sont les conséquences directes de la politique de l'offre menée par Emmanuel Macron depuis son premier mandat.

Sa seule boussole a été d'attirer des investisseurs étrangers, qui une fois sur le territoire, pillent les savoirs et les brevets avant de repartir ouvrir des usines à bas coûts dans d'autres pays.

L'État doit impérativement agir pour restaurer la souveraineté industrielle de la France et mettre en place une véritable politique industrielle ambitieuse. Cela passe par l'arrêt des délocalisations et par une relocalisation des productions.

Il est également essentiel de lutter contre le dumping social qui exploite les travailleur·ses sous-payés dans d'autres pays, tout en détruisant les emplois locaux. Une véritable stratégie industrielle est donc indispensable afin de garantir un avenir durable pour la France.

La CGT demande à l'Etat de prendre ses responsabilités et de lancer en urgence des assises pour l'industrie afin de relancer notre outil productif et agir pour les emplois en France.

La CGT organise des actions pour l'emploi et l'industrie, le 12 décembre.

***

Les mesures d'urgence de la CGT pour endiguer les PSE

Face à la gravité de la saignée industrielle, il faut agir, sans attendre, sur trois aspects :

Un plan d'urgence pour l'emploi et l'industrie

  • Un moratoire sur les licenciements et un renforcement des dispositifs garantissant la recherche effective d'un repreneur
  • Un plan national de maintien et de relocalisation des outils et emplois industriels, piloté par un État assumant un rôle d'acteur central de l'industrie
  • Permettre un retour immédiat aux tarifs réglementés de vente de l'électricité et du gaz

Des assises de l'industrie et une grande loi pour réindustrialiser le pays et répondre au défi environnemental

  • Planifier et protéger notre industrie
  • Donner la possibilité aux travailleurs d'intervenir sur les orientations stratégiques des entreprises
  • Mettre en place une Sécurité Sociale professionnelle et environnementale
  • Responsabiliser les donneurs d'ordre par rapport aux sous-traitants
  • Mettre l'industrie au service de l'intérêt général
  • Investir pour préparer l'avenir

Réorienter la politique européenne

  • Renforcer les normes sociales et environnementales et protéger notre industrie
  • Mettre en place un plan d'investissement européen, à rebours des politiques d'austérité
  • Sortir du dogme de la concurrence libre et non faussée

*****

Par l'Union syndicale Solidaires

L'Union syndicale Solidaires est inquiète et en colère face à la multiplication des annonces de plans de licenciements.

Inquiète pour l'avenir des dizaines de milliers de salarié·es concerné·es qui risquent de perdre brutalement leur emploi, et de subir le chômage.

En colère, car ce sont des vies qui sont détruites, des couples qui parfois perdent simultanément leurs emplois.

En colère, car les gouvernements successifs et le patronat ne cessent de s'attaquer à l'Assurance-chômage pour en durcir les règles. Le cynisme patronal est décidément sans limite alors qu'en même temps il licencie en masse.

En colère, car les politiques des gouvernements successifs nous ont menés à cette situation et aujourd'hui le gouvernement joue le théâtre de l'impuissance.

“Moderniser” le marché du travail, inverser la hiérarchie des normes, faciliter les licenciements (loi El Khomri de 2016), soutien financier massif aux entreprises (CICE, CIR, exonérations de cotisations…) : la politique de l'offre appliquée depuis des années n'a abouti qu'à engraisser les grands groupes.

Bien qu'effectuant des bénéfices et reversant des milliards de dividendes, ces grandes entreprises licencient pour préserver voire augmenter leurs marges au mépris des salarié·es et de leurs sous-traitants.

Michelin qui avance des raisons économiques à ces licenciements se garde bien de rappeler que le groupe a encore réalisé des bénéfices records de plus de 3 milliards d'euros en 2023 !

Auchan annonçait quasi concomitamment 2400 licenciements dans ses magasins français malgré un chiffre d'affaires de plus de 16 milliards d'euros en 2023 et 1 milliard de dividendes versés !

Casino, Saunier-Duval, Bosch, Valeo, Adrexo-Milee, Lecas, Don't Nod, People Doc, Exxon Mobil, Stellantis, Nexity, Sanofi, Batimetal… autant de groupes qui licencient. La liste ne cesse de s'allonger.

Pour arrêter le massacre, il faut des mesures d'urgence. Solidaires revendique l'interdiction des licenciements pour les entreprises qui font des bénéfices, un droit de veto des CSE sur les licenciements et le remboursement des aides publiques !

Face à la multiplication des annonces, l'heure est à se coordonner pour frapper plus fort ensemble.

L'Union syndicale Solidaires travaille à la construction d'une riposte unitaire. Pour l'interdiction des licenciements, la défense de l'emploi et un statut du salarié plus protecteur qui garantisse la continuité des droits des salarié·es. (18 novembre 2024)

*****

Mettre un coup d'arrêt aux fermetures de sites et aux licenciements

Par Robert Pelletier (L'Anticapitaliste)

Après les premières suppressions d'emplois et de fermetures annoncées par Sanofi, Michelin et Auchan, de nouvelles annonces de suppression d'emploi tombent chaque semaine, presque chaque jour.

La filière automobile est la plus touchée. Dans le cadre d'une situation au moins européenne les restructurations engagées chez Renault, les baisses de production continues chez Stellantis tentent de répondre à la concurrence exacerbée, à la stagnation voire aux baisses des ventes notamment dans l'électrique qui s'inscrivent dans la durée.

Dans toutes les branches, toutes les régions

Les mesures décidées ou envisagées impactent d'ores et déjà plusieurs sous-traitants ou équipementiers que ce soit Valeo (Normandie, Sarthe, Isère), Amis (Montluçon), Dumarey et Novarex en Alsace, et en contrecoup, Michelin. Dans la chimie, la fermeture de Vencorex (Isère) et celle de WeylChem Lamotte (Oise) pourraient bien n'être que l'amorce d'une séquence importante de suppressions d'emplois dans ce secteur. Et au-delà de ces exemples qui ont plus ou moins franchi le mur du silence médiatique ce sont des dizaines (centaines) de milliers d'emplois qui sont condamnés dans les mois qui viennent dans de multiples branches (sidérurgie, alimentation, habillement). L'expérience montre qu'à ces milliers de suppressions de postes de travail dits « directs » il convient d'ajouter 3 à 4 fois plus de suppressions d'« indirects » que ce soit dans le commerce, les transports et même les services publics. Même si certaines régions comme le Nord, l'Est ou l'Ouest sont particulièrement impactées, tous les territoires risquent de connaître ces situations désespérées.

Et pendant ce temps-là le gouvernement regarde ailleurs

À la question du journal les Échos, le 22 novembre, « la multiplication des annonces de plans de licenciement augure-t-elle selon vous d'un retournement du marché du travail ?? », la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, ose répondre : « ?Non. Des tensions mais pas un retournement. Il faut être lucides et mobilisés, sans verser dans le catastrophisme ». Osera-t-elle aller tenir ce discours à Cholet, Vannes ou dans l'Isère ? Même le très officiel OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) se montre nettement plus pessimiste pour la fin de l'année, mais surtout pour 2025 avec 143 000 emplois en moins et un taux de chômage qui se hausserait à 8% en fin d'année prochaine. Pour le gouvernement, il semble n'y avoir pas de sujet, tout juste l'occasion de mesures de répression contre celles et ceux qui comme à Cholet tentent de défendre leurs moyens de vivre : sept ouvriers, dont un militant de la CGT, étaient convoqués au tribunal d'Angers vendredi dernier à la demande de Michelin qui se permet d'invoquer sa « liberté » du travail avec l'appui de l'appareil judiciaire à défaut de pouvoir dans l'immédiat assumer politiquement une intervention des forces de police contre le piquet de grève.

Élargir la riposte
Sur de nombreux sites, la mobilisation se construit. Mais on est encore « chacun dans son coin » et bien souvent sur la revendication d'un « départ digne ». Devant l'ampleur de la purge annoncée, entamée, c'est plus que jamais un « tous ensemble » qu'il faut construire. Dans les filières, dans les régions. En lien avec la défense de l'emploi public lui aussi violemment attaqué. L'interdiction des licenciements, la suppression des aides au patronat accordées tant par les gouvernements de droite que de gauche, la réduction du temps de travail ne seront pas obtenues lors de batailles parlementaires. Plusieurs dates de mobilisation dans le public comme dans le privé sont au calendrier de décembre. Nous devons nous en saisir pour amplifier les mobilisations encore trop éparses pour faire reculer patronat et gouvernement. (28 novembre 2024)

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Contre les fermetures et les licenciements : ce combat doit devenir celui de tous !

Nathalie Arthaud (Lutte ouvrière, 25 novembre, Bulletins d'entreprise)

Que nous soyons ouvriers, employés, salariés du public ou du privé, le gouvernement et le grand patronat ne nous laissent aucun répit. Après le vol de deux années de retraite et la brutale flambée des prix, voici les licenciements de masse !

200 fermetures d'usines seraient déjà annoncées. Et on ne compte pas les centaines de petits fournisseurs et sous-traitants entraînés dans la chute des plus grosses entreprises. 150 000, voire 200 000 suppressions d'emplois seraient à prévoir dans l'automobile, la chimie, la sidérurgie, la grande distribution… C'est une attaque d'ampleur.

Mais elle n'a rien d'une fatalité. Car les responsables, les Michelin, Auchan, Bosch, Valeo…, sont des groupes richissimes dont les actionnaires sont assis sur des montagnes de capitaux. Ils ont les moyens financiers d'assurer les emplois et les paies de tous leurs salariés. Ils peuvent répartir les productions entre les dizaines, voire les centaines d'usines qu'ils possèdent dans le monde et préserver tous les emplois.

Cela leur coûterait de l'argent ? Oui ! Cela diminuerait leur taux de rentabilité ? Également. Mais où est-il inscrit qu'ils doivent faire 8, 10 ou 15% de marge ? L'année dernière, Michelin a réalisé deux milliards de profits et a distribué 900 millions à ses actionnaires. Eh bien, qu'il prenne sur ces dividendes !

Les fortunes des grands actionnaires, les familles Michelin, Mulliez ou Peugeot, se comptent en dizaines de milliards. Qu'ils ne touchent pas de dividendes pendant quelques années ne les privera de rien. Ils continueront de survoler la planète en jet privé, de peupler les palaces de luxe et de claquer des milliers d'euros en une soirée.

Mais à Cholet, si Michelin ferme et que le chômage fait rage, combien de travailleurs ne pourront plus rembourser leur crédit, plus payer les études de leurs enfants, plus se chauffer ? Combien se retrouveront avec des retraites de misère ? Misère qui frappera aussi les artisans, les commerçants et les petits agriculteurs déjà étranglés par la baisse de la consommation et par les crédits contractés pendant le Covid.

Les industriels se disent en « crise ». Celle-ci serait provoquée par la faiblesse des ventes de voitures électriques en Europe, par la concurrence chinoise et le prix élevé de l'énergie. Et de fait, la bourgeoisie européenne est secouée par ses concurrents chinois et aussi américains.

Mais dans cette crise, le grand patronat n'a encore rien perdu. C'est pour ne pas perdre un centime qu'il se retourne contre des centaines de milliers de travailleurs. C'est aussi pour cela qu'il réorganise son système productif en délocalisant ou en retirant ses capitaux des affaires jugées pas assez rentables. Alors, il n'y a pas à se laisser attendrir par ce grand patronat. Non seulement il pleure la bouche pleine, mais il a déclaré la guerre à l'ensemble du monde du travail !

Ne nous laissons pas berner par ceux qui promettent de lutter contre la concurrence « déloyale » et de faire du protectionnisme. La concurrence est toujours jugée déloyale par les perdants, en particulier les plus petits, qui finissent toujours dévorés par plus gros qu'eux. Le problème, c'est le principe même de la concurrence, parce que c'est la loi de la jungle.

Cette jungle économique, le grand patronat la défend bec et ongles. Il en est le principal acteur et profiteur. Parce qu'avec la propriété privée des entreprises, la concurrence est à la base du capitalisme. Pour les groupes les plus puissants, c'est une source d'enrichissement sans fin et le moyen de mettre les travailleurs du monde entier en compétition pour les exploiter toujours plus.

Les discours politiciens sur la réindustrialisation et le protectionnisme ne sont que démagogie. Les capitalistes jouent nos emplois et nos vies au casino mondial de la finance pour leurs seuls intérêts de parasites. Notre seule protection, c'est notre colère, notre combativité et notre organisation.

Il y a des luttes, des débrayages et des grèves dans certaines usines menacées de fermeture. Les ouvriers qui se battent pour leur emploi et leur salaire ont raison. Mais il ne faut pas les laisser seuls. Les licenciements frappent tant de secteurs et de régions que nous en subirons tous les conséquences. Alors, ce combat doit devenir celui de tous les travailleurs !

La mobilisation générale ne se décrète pas, surtout après des années de recul. Mais le grand patronat ne nous laisse pas le choix. Il faut nous battre avec la conviction que nous ne sommes pas condamnés à subir les diktats d'une minorité de rapaces. Tout est une question de rapport de force. Et parce que le monde du travail produit tout et fait tout tourner dans la société, il peut et doit s'imposer !

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France : Fermeture d’usines à ArcelorMittal : la grève s’étend à l’ensemble des sites du pays

3 décembre 2024, par Lino Lussu — , ,
Alors que les travailleurs de Reims et Denain se mobilisent depuis la semaine dernière contre la fermeture de leurs usines, les 6 autres sites du pays ont rejoint le mouvement (…)

Alors que les travailleurs de Reims et Denain se mobilisent depuis la semaine dernière contre la fermeture de leurs usines, les 6 autres sites du pays ont rejoint le mouvement ce mardi à l'appel de l'Intersyndicale. Une jonction progressiste qu'il s'agit d'amplifier et de généraliser.

27 novembre 2024 | tiré de Révolution permanente | Photo : Crédit photo : Union Locale CGT Onnaing et Environs

Suite à l'annonce de la fermeture de leurs usines, les salariés d'ArcelorMittal Centres de Services de Reims et de Denain se sont mis en grève la semaine dernière. Ce mardi 26 novembre, à l'appel de l'Intersyndicale (CGT, CFDT, FO, CFE-CGC), le mouvement s'est étendu à l'ensemble des 8 sites français. Même s'ils ne sont pas directement concernés par les licenciements en cours, de nombreux travailleurs ont souhaité se mettre en grève en solidarité avec leurs collègues, alors qu'ils pourraient également être les prochains sur la liste.

En effet, rien ne porte à croire que la direction du deuxième producteur mondial d'acier va s'arrêter là. Au contraire, dans leur course effrénée au profit, le plus probable est une progressive délocalisation de toute la production vers des pays où la main d'œuvre est « meilleur marché ». En ce sens, les patrons d'ArcelorMittal viennent de geler les investissements sur les projets de décarbonation de l'acier français, et exhorte l'Union Européenne à les protéger de « la concurrence extra-européenne déloyale ». Un discours teinté de protectionnisme qui cherche à justifier les licenciements.

Travailleur sur le site de Woippy, Thomas* nous explique : « c'est toujours pareil, la direction essaye toujours de nous monter contre les travailleurs allemands ou chinois, alors que pendant ce temps-là ils font des milliards de profits ! ». Tout comme Michelin, Auchan ou encore Stellantis, ArcelorMittal s'apprête à licencier alors qu'il a versé près de 9 milliards d'euros à ses actionnaires entre 2020 et 2022.

Alors qu'une vague de licenciements frappe la France depuis plusieurs mois, laissant souvent les salariés visés dans l'isolement, l'initiative d'élargir la grève à l'ensemble des sites français va dans le bon sens. En effet, comme le rappelait dans notre précédent article David Blaise, délégué syndical central CGT, « il est clair que la solidarité entre tous les travailleurs, peu importe leur secteur ou leur branche, est essentielle. On ne peut pas se permettre de rester isolés chacun de notre côté à mener des luttes séparées. C'est en unissant nos forces qu'on pourra réellement peser. ».

De plus, l'offensive patronale en cours concerne en réalité l'ensemble des travailleurs du pays. En supprimant des centaines de milliers d'emplois, c'est tous les salaires qui vont être tirés vers le bas. Le monde du travail dans sa globalité aurait donc intérêt à se mobiliser autour de revendications fortes telles que l'interdiction des licenciements et l'embauche en CDI des salariés avec contrats précaires. De ce point de vue, l'appel de la CGT à une « convergence des mobilisations, avec débrayages et grèves en région pour l'emploi et l'industrie » le 12 décembre est un premier pas. Si cette journée peut constituer un point d'appui pour que différents secteurs se coordonnent, il faudra que la mobilisation dépasse la logique de journées de grèves isolées et sans lendemain si l'on souhaite construire un rapport de force suffisant pour mettre un frein à l'offensive patronale. Pour faire face à une bourgeoisie radicalisée seul un véritable plan de bataille construisant crescendo un mouvement de grève dure à dimension nationale, organisé par la base dans chaque entreprise, pourrait permettre d'imposer l'interdiction des licenciements.

*prénom modifié

Volodymyr Ishchenko : « En Ukraine, le désir réel de se sacrifier pour l’État est très faible »

3 décembre 2024, par Philippe Alcoy, Volodymyr Ishchenko, Sasha Yaropolskaya — , , ,
Cette entrevue ne ne reflète pas nécessairement les positions de Presse-toi à gauche ! Révolution Permanente s'est entretenu avec Volodymyr Ishchenko, sociologue ukrainien, (…)

Cette entrevue ne ne reflète pas nécessairement les positions de Presse-toi à gauche !

Révolution Permanente s'est entretenu avec Volodymyr Ishchenko, sociologue ukrainien, au sujet du conflit qui ravage le pays. Il nous donne sa vision de la guerre, des rivalités au sein de la bourgeoisie ukrainienne et du rôle de la classe ouvrière. Philippe Alcoy et Sasha Yaropolskaya et Volodymyr Ishchenko

25 novembre 2024 | tiré de Révolution permanente
https://www.revolutionpermanente.fr/Volodymyr-Ishchenko-En-Ukraine-le-desir-reel-de-se-sacrifier-pour-l-Etat-est-tres-faible

Sasha Yaropolskaya et Philippe Alcoy ont interviewé Volodymyr Ishchenko, sociologue ukrainien qui a milité et pris part dans plusieurs initiatives des milieux de gauche en Ukraine avant de déménager en Allemagne en 2019. Ishchenko travaille actuellement à la Freie Universität de Berlin et poursuit ses recherches sur les révolutions ukrainiennes, la gauche et la violence politique de l'extrême-droite qu'il étudie depuis 20 ans.

Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, il a également beaucoup écrit dans plusieurs médias internationaux sur différents aspects de celle-ci. Il nous livre ici sa vision sur le cours de la guerre, les évolutions des sentiments de la population ukrainienne à l'égard du conflit, les luttes internes au sein des classes dominantes nationales, le renforcement de l'extrême-droite souvent relativisé par les médias dominants en Occident et enfin la situation de la classe ouvrière et de la gauche ukrainienne.

Ici, en Occident, de nombreux reportages ont tendance à parler de l'enthousiasme des Ukrainiens à défendre leur pays. Mais aujourd'hui, nous voyons des images de jeunes hommes qui désertent ou refusent de servir dans l'armée. Pouvez-vous nous expliquer quel est le sentiment de la population ukrainienne aujourd'hui face à la situation de la guerre contre la Russie ?

Il n'y a pas d'enthousiasme ou du moins cet enthousiasme est limité à un groupe de personnes beaucoup plus restreint qu'il ne l'était en 2022. À l'époque, l'enthousiasme était occasionné non pas seulement par une réaction à l'invasion russe, mais aussi par le fait que le plan d'invasion initial avait échoué en quelques jours. Il n'y avait pas seulement l'indignation que la Russie ait attaqué notre pays, mais aussi d'immenses espoirs de victoire au printemps, et encore plus après la contre-offensive ukrainienne de septembre 2022 et les attentes d'un plus grand succès de la contre-offensive en 2023. Comme nous le savons maintenant, la campagne ukrainienne de l'année dernière a échoué et n'a atteint aucun de ses objectifs. Au lieu de cela, nous avons assisté à l'avancée relativement réussie des forces russes.

Cela a des conséquences sur la façon dont les gens ressentent la guerre. Dans l'opinion publique en particulier, il y a des tendances claires : lorsque la situation sur la ligne de front était bonne pour l'Ukraine avec des chances d'amélioration, le soutien aux négociations était très faible, mais lorsque la situation s'est détériorée et les espoirs que l'Ukraine pourrait gagner la guerre se sont amenuisés, le soutien aux négociations a augmenté, alors que le soutien au compromis et la confiance en Zelensky ont diminué.

Il y a de multiples indications qui laissent à penser que l'enthousiasme de 2022 était assez fragile ; ce n'est pas la première fois que l'on voit ce genre de dynamique. Après la « Révolution Orange » de 2004 et la révolution EuroMaidan de 2014, les gens ont eu de grandes attentes qui ont laissé rapidement place à la déception. Une dynamique similaire s'est produite après l'élection de Zelensky en 2019, puis en 2022. L'une des lignes d'interprétation est que ces événements étaient la manifestation de la montée de la nation ukrainienne avec une dynamique quasi-théologique, en tant qu'aboutissement ultime de la lutte de libération nationale.

Vous avez parlé de désertion. Le nombre de personnes qui tentent de s'échapper par la frontière est élevé. Une statistique encore plus parlante est que la majorité des hommes soumis au service militaire, âgés de 18 à 60 ans, n'ont pas mis à jour leurs coordonnées auprès du bureau de recrutement militaire. Ceci avait été exigé afin de rendre la conscription ukrainienne un peu plus efficace et de ne pas recourir à cette méthode assez brutale qui consiste à capturer les gens dans la rue, mais d'essayer de collecter les données de tous les conscrits potentiels pour ensuite commencer à les mobiliser de manière plus efficace. S'ils ne mettent pas à jour les données, ils seront punis d'une amende élevée et si les gens ne paient pas cette amende, il y aura encore plus de complications dans leur travail et leur vie. Il s'agit d'une question très sérieuse et, malgré tout, la majorité des hommes ukrainiens n'ont pas tenu compte de cette exigence. Et pour ce qui est des hommes ukrainiens à l'étranger, selon les estimations, seuls quelques-uns d'entre eux ont mis à jour leurs données, alors que tout le monde était tenu de le faire. Cela signifie que le désir réel de se sacrifier pour l'État est très faible.

La conscription militaire devient de plus en plus brutale en Ukraine. Des vidéos ont émergé d'arrestations publiques de conscrits militaires, et d'affrontements entre des policiers et des militaires d'un côté, et des citoyens témoins de la scène de l'autre. Y a-t-il un parallèle à faire avec la situation en Russie sur la question de la conscription militaire ? Et est-ce un sujet de crainte pour l'État de pousser à une large conscription qui pourrait entraîner un mécontentement social comme en Russie, où depuis des années il y a un mouvement des familles des conscrits, notamment des épouses et des mères, qui se mobilisent pour soutenir leurs maris et leurs fils ? En Russie, le régime craignait de lancer un vaste effort de conscription et il a essayé de trouver différents moyens d'éviter de grandes vagues de conscription militaire. Mais j'ai le sentiment que l'Ukraine, en particulier lorsque les approvisionnements en provenance des États-Unis étaient faibles, n'a pas eu le choix et a abaissé l'âge de la conscription, ce qui s'est accompagné d'une grande brutalité de la part de la police. Y a-t-il des protestations sociales potentielles qui pourraient découler de cette situation ?

Il y a beaucoup à dire à ce sujet. Contrairement à la Russie, la conscription a toujours existé en Ukraine. Ce n'est donc pas une seule vague de conscription comme celle que que Poutine a annoncée en septembre 2022 en réponse à la contre-offensive ukrainienne. L'armée ukrainienne se procurait ses soldats principalement par le biais de la conscription. Les volontaires ne constituent pas la majorité de l'armée ukrainienne, et leur nombre est devenu négligeable à partir de 2022. Toutes ces méthodes brutales de mobilisation sont le résultat d'un faible désir de se porter volontaire pour l'armée.

Pourquoi est-il si faible ? L'explication la plus généreuse pour l'État ukrainien, et également celle qui est répétée dans certains cercles, est que c'est simplement parce que les États-Unis n'ont pas fourni suffisamment d'armes. Cet argument implique une idée très précise de la manière dont la guerre pourrait être gagnée. Mais il n'est pas certain que si toutes les armes et fournitures avaient été livrées en 2022, une victoire décisive aurait été remportée sur la Russie. Je n'entrerai pas dans des spéculations, mais je ne pense pas qu'il s'agisse d'une analyse consensuelle parmi les experts militaires. Le revers de la médaille est que l'envoi d'armes est conditionné à l'efficacité de la mobilisation ukrainienne. Ainsi, la modification de la loi sur la conscription cette année était liée à l'envoi d'armes par les États-Unis. C'est ce qu'ont confirmé de nombreux hommes politiques ukrainiens. Les États-Unis attendaient de l'Ukraine qu'elle rende la conscription plus efficace. Aujourd'hui, la question la plus urgente est de réduire l'âge de la conscription. Il a déjà été ramené de 27 à 25 ans, et il y a maintenant une forte pression pour l'abaisser encore plus, à 22 ans, voire à 18 ans.

Il y a un argument important contre cela. Il s'agit de la cohorte démographique la plus fertile de la population ukrainienne, et c'est aussi l'une des plus petites. En fait, si vous envoyez ces jeunes gens mourir dans un massacre, la capacité de la population ukrainienne à se régénérer après la guerre diminuera encore plus. Selon les dernières prévisions de l'ONU concernant la population ukrainienne, d'ici la fin du siècle, celle-ci ne comptera plus que 15 millions d'habitants, contre 52 millions en 1992, après la désintégration de l'URSS. Et il ne s'agit même pas du scénario le plus pessimiste ; il repose sur l'hypothèse plutôt optimiste que la guerre prendra fin l'année prochaine et que des millions de réfugiés, en particulier des femmes fertiles, reviendront et pourront contribuer à la reproduction de la population ukrainienne, ce qui n'est pas certain, c'est le moins que l'on puisse dire.

Il s'agit d'un choix impossible. Tout au long de l'histoire, de nombreuses nations ont mené de longues guerres contre des conquêtes impériales – pas nécessairement des conquêtes impériales d'ailleurs : prenons l'exemple de la France révolutionnaire. Après 1789, la France a pu vaincre la coalition des plus grandes puissances européennes jusqu'en 1812, lorsque Napoléon a été vaincu en Russie. Pendant deux décennies, la France a vaincu toute l'Europe. Tel était le pouvoir de la révolution. Après 1917, la Russie révolutionnaire a pu vaincre la coalition des puissances impérialistes les plus fortes grâce au pouvoir de la révolution et à la capacité de construire une armée rouge efficace, nombreuse et victorieuse. Lors de la guerre du Vietnam, les Vietnamiens ont vaincu la France et les États-Unis sur une période de plusieurs décennies. L'Afghanistan a vaincu l'URSS et les États-Unis dans une guerre qui a duré de 1979 à 2021. Théoriquement, on peut penser qu'une petite nation peut vaincre un ennemi beaucoup plus grand, mais cela nécessite une stature sociale et une politique différentes.

Toutes ces guerres ont donc été menées par des pays disposant d'une importante population paysanne capable de se mobiliser dans des guerres révolutionnaires ou de guérilla de grande ampleur. Ainsi, au Vietnam, la démographie s'est maintenue au fil des décennies malgré les génocides perpétrés par les États-Unis au Vietnam, même si l'équilibre des forces était disproportionné. Mais c'était là le pouvoir de la révolution. L'Ukraine post-soviétique est un pays très différent. Sa structure démographique est très différente, pas comme au Vietnam, pas comme en Afghanistan, pas même comme en Ukraine il y a cent ans, qui était un pays essentiellement paysan avec de multiples armées révolutionnaires, l'Armée rouge, l'armée de Makhno, les divers seigneurs de guerre nationalistes qui bénéficiaient de la démographie de la paysannerie. Aujourd'hui, l'Ukraine est une société urbaine modernisée avec une démographie en déclin, elle ne pourra pas mener la guerre pendant des décennies.

Par ailleurs, il n'y a pas de changements révolutionnaires. Paradoxalement, les trois révolutions ukrainiennes de 1990, 2004 et 2014 n'ont pas créé un État révolutionnaire fort capable de mettre en place un appareil efficace pour mobiliser l'armée et l'économie. L'idée qui sous-tend ces révolutions est que l'Ukraine est censée s'intégrer dans l'ordre mondial des États-Unis comme une sorte de périphérie. Ce type d'intégration ne profiterait qu'à une étroite classe moyenne, à certains oligarques opportunistes et au capital transnational.

L'Ukraine discute toujours de l'augmentation des taxes, assez modérée, après deux ans et demi de guerre, ce qui en dit long sur la confiance potentielle des Ukrainiens envers l'État et sur leur désir de défendre leur État. La question des classes sociales était très importante, car les conscrits venaient principalement des classes inférieures, des villages. Il s'agit principalement de pauvres gens qui n'ont pas pu soudoyer les officiers de recrutement pour qu'ils les laissent partir et de personnes qui n'ont pas trouvé le moyen de fuir le pays.

Zaloujny, le chef des forces armées ukrainiennes, et Kuleba, le ministre des Affaires étrangères, ont été limogés cette année. Est-ce que vous pourriez revenir la question des luttes politiques au sein de la bourgeoisie ukrainienne ?

Zaloujny est un adversaire politique potentiel de Zelensky. Il était dangereux pour lui de voir un général populaire se transformer en politicien. C'est l'une des idées qui a motivé l'envoi de Zaloujny en tant qu'ambassadeur au Royaume-Uni. Avec Kuleba, il y avait aussi un problème de confiance. Nous pouvons analyser cela comme la construction d'un pouvoir vertical, une manière informelle de consolider l'élite et de gouverner le pays en utilisant des institutions formelles, comme la Constitution démocratique et le Parlement, mais aussi par le biais de mécanismes informels.

Tous les présidents ukrainiens ont essayé de construire ce pouvoir informel. Le pouvoir vertical de Zelensky a commencé à se construire avant l'invasion, mais la guerre a offert plus d'opportunités et son chef de cabinet, Andri Yermak, est considéré comme la deuxième personne la plus puissante du pays avec un énorme pouvoir informel et la capacité de construire une structure informelle efficace qui consolide le pouvoir autour du bureau présidentiel.

La dynamique de ces conflits qui éclatent parfois dans la sphère publique reste pour l'essentiel hors de portée du public. Elle est principalement liée aux résultats de la ligne de front et aux développements militaires. En cas de mauvais développement pour l'armée ukrainienne, ces conflits s'intensifieraient et certains nationalistes radicaux, voire certains oligarques, pourraient relever la tête, etc.

Beaucoup de choses dépendent de la position des États-Unis et de l'UE et de la stratégie que Trump va choisir. À moins que Zelensky ne soit en mesure de mettre fin à cette guerre d'une manière qui pourrait être présentée au public ukrainien comme une victoire, avec l'obtention de l'adhésion à l'UE ou à l'OTAN ou de certains programmes de financements généreux pour l'Ukraine par exemple, même si elle perd du territoire. Avec une issue qui serait perçue comme une défaite, Zelensky n'aurait probablement pas beaucoup de perspectives après la guerre.

Quel est le rôle de l'extrême droite en Ukraine ? Ce sujet a été très discuté dans les médias occidentaux tout au long de la guerre. Certains médias occidentaux libéraux tentent également de présenter l'extrême droite ukrainienne comme étant moins dangereuse que l'extrême droite occidentale parce qu'elle se bat du bon côté de l'histoire en présumant que la Russie est l'ennemi le plus important. Le régime Zelensky a tenté de s'adresser à ces secteurs de l'extrême droite en organisant des cérémonies officielles pour le bataillon Azov ou en célébrant l'anniversaire de Stepan Bandera, nationaliste et sympathisant nazi. Il est difficile de suivre depuis la France l'évolution de cette dynamique au fur et à mesure que la guerre progresse. L'extrême droite est-elle un petit segment mais puissant en raison de son implantation dans l'armée, ou gagne-t-elle en popularité en dehors des secteurs traditionnels de l'extrême droite ? L'extrême droite joue-t-elle un rôle important dans le paysage politique ukrainien ou est-elle exagérée par les médias ?

Lorsque les Occidentaux discutent de l'extrême droite ukrainienne, je pense qu'ils se trompent de point de comparaison. Par exemple, en France, l'extrême droite, principalement le Rassemblement national, le parti de Le Pen, est bien moins extrême que les mouvements dont nous parlons en Ukraine. Le parti de Le Pen n'utilise probablement pas de symboles nazis et a une attitude plus sophistiquée à l'égard de la collaboration avec Vichy pendant la Seconde Guerre mondiale. Ils essaient de se désintoxiquer. Ce n'est pas le cas en Ukraine.

Vous avez mentionné Stepan Bandera, qui est glorifié ouvertement, et plus encore la Waffen-SS, en particulier par les membres du bataillon Azov. Le degré d'extrémisme de l'extrême droite ukrainienne est bien plus élevé que celui de l'extrême droite occidentale. Récemment, une conférence internationale, « Nation Europa », s'est tenue à Lviv, la plus grande ville de l'Ukraine occidentale, où ont été invités des groupes tels que le Dritte Weg d'Allemagne, CasaPound d'Italie et d'autres groupes néo-nazis similaires de nombreux pays européens. En Ukraine, toutes les grandes organisations d'extrême droite y ont participé, y compris le parti Svoboda et des membres éminents d'Azov/Corps national. Ces partis, organisations et unités militaires ukrainiens sont généralement appelés « extrême droite », mais ils entretiennent des relations internationales avec des groupes occidentaux bien plus extrêmes et violents que les partis d'extrême droite dominants. D'ailleurs, la plupart des unités militaires ukrainiennes qui ont participé à cette conférence ont des liens avec les services de renseignement militaire ukrainiens (HUR).

La capacité de violence politique approuvée idéologiquement par l'« extrême droite » ukrainienne est bien plus grande que celle des partis d'extrême droite dominants en Occident. Ils disposent de beaucoup plus d'armes et de mouvements paramilitaires construits autour d'unités militaires capables de violence politique. Contrairement aux principaux partis d'extrême droite occidentaux qui cherchent à obtenir un statut parlementaire, le pouvoir de l'extrême droite ukrainienne a toujours reposé sur sa capacité de mobilisation dans la rue et sur la menace de la violence. Ils n'ont pas été capables de devenir des élus populaires, à l'exception des élections de 2012, lorsque le parti d'extrême droite Svoboda a remporté plus de 10 % des voix (bien qu'ils aient également été capables d'obtenir une représentation beaucoup plus significative et d'avoir les factions les plus importantes dans de nombreux conseils locaux de l'Ukraine occidentale). Toutefois, la principale source de pouvoir provenait de leur capacité de mobilisation extraparlementaire, contrairement aux partis oligarchiques ou aux faibles libéraux.

Les nationalistes ukrainiens peuvent s'appuyer sur une tradition politique qui remonte à l'Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN), qui appartenait à une famille de mouvements fascistes dans l'Europe de l'entre-deux-guerres. Les nationalistes ukrainiens post-soviétiques se sont souvent inspirés littéralement de l'OUN. Cette tradition s'est maintenue dans la diaspora ukrainienne, en particulier en Amérique du Nord. Le public canadien ne découvre que maintenant le nombre de fascistes ukrainiens que son gouvernement a accueillis après la Seconde Guerre mondiale. Les autres segments politiques ukrainiens post-soviétiques n'ont pas cet avantage de tradition politique préservée.

Aujourd'hui, les membres d'Azov sont devenus très légitimes en tant que héros de la guerre, ils bénéficient d'une attention extraordinaire de la part des médias, ils se présentent comme une unité d'élite, une affirmation qui est confirmée par les médias. De nombreux orateurs d'Azov sont devenus des célébrités. Ils ont également bénéficié d'un certain blanchiment dans les médias occidentaux qui, avant 2022, les qualifiaient de néo-nazis. Aujourd'hui, ils oublient facilement cette partie de l'histoire.

Enfin, nous devons réfléchir non seulement à l'extrême droite elle-même, mais aussi à la complicité des élites ukrainiennes et occidentales dans le blanchiment de l'extrême droite ukrainienne et de l'ethnonationalisme. Non seulement en Ukraine, mais aussi en Occident, discuter de ce sujet aujourd'hui peut immédiatement conduire à l'ostracisation. Par exemple, Marta Havryshko, une historienne ukrainienne qui s'est installée aux États-Unis, continue d'écrire des articles critiques sur les nationalistes ukrainiens, les politiques ethno-nationalistes ukrainiennes, l'extrême droite ukrainienne, et elle reçoit des milliers de menaces, des menaces de mort, des menaces de viol.

Azov est pour vous la principale force de l'extrême droite ukrainienne ? Elle a été fortement affaiblie par la bataille de Marioupol et de Bakhmout. Pensez-vous qu'elle jouera encore un rôle important à l'avenir, dans la recomposition de l'extrême droite ?

Au contraire, ils se sont développés, formant désormais deux brigades – la 3ᵉ brigade d'assaut et la brigade Azov de la Garde nationale – en plus d'une unité spéciale, le Kraken, subordonnée à la HUR. Leur attrait politique et leur publicité dans les médias se sont considérablement accrus. Leur légitimité s'est également accrue, de sorte qu'ils ne sont pas affaiblis, mais renforcés. Contrairement au mythe populaire, ils ne se sont pas dépolitisés.

Craignez-vous qu'après la guerre, l'extrême droite, et en particulier celle qui a combattu au front, soit la seule à avoir un projet idéologique suffisamment cohérent pour l'Ukraine d'après-guerre, compte tenu de l'absence d'idéologie du projet néolibéral pour l'Ukraine et de la faiblesse de la gauche ?

Cela dépend totalement de l'issue de la guerre, et l'éventail des résultats est encore très large. Une guerre nucléaire est une issue possible, même si l'on espère qu'elle n'est pas la plus probable. Dans ce cas, tout ce dont nous discutons aujourd'hui n'aura plus d'importance. Un cessez-le-feu durable est également possible, mais peu probable. La radicalisation de l'extrême droite ukrainienne dépendra de la stabilité du gouvernement de Zelensky et de la stabilité de l'économie ukrainienne. En cas de désintégration des institutions de l'État et d'économie défaillante, les nationalistes auront de bonnes chances d'asseoir leur pouvoir, car ils constituent une force politique très légitime, très connue et militarisée.

Quelle est la situation du mouvement ouvrier ? Il y a eu quelques grèves mineures en Ukraine depuis le début de la guerre, en particulier dans le secteur de la santé. Mais il est difficile de savoir quelle est la situation réelle de la classe ouvrière en Ukraine. Quelle est la situation et la capacité de la classe ouvrière à s'organiser et peut-être à jouer un rôle ou au moins à contrebalancer la montée de l'extrême droite dans le pays ?

La classe ouvrière ne peut jouer aucun rôle dans la situation actuelle. Le mouvement ouvrier en Ukraine était faible bien avant la guerre. La dernière grève politique vraiment massive a eu lieu en 1993 au sein des mineurs du Donbass. Ils réclamaient l'autonomie du Donbass et des relations plus étroites avec la Russie, ironiquement. Mais même cette grève était liée aux intérêts des « directeurs rouges » des entreprises soviétiques qui avaient beaucoup de pouvoir dans les années post-soviétiques immédiates. Ils ont utilisé la grève pour obtenir certaines concessions de la part du gouvernement. Finalement, la grève a conduit à des élections anticipées et à un changement de gouvernement. Mais depuis lors, il n'y a pas eu de grève à grande échelle.

Pendant trois décennies, nous n'avons vu que des grèves à petite échelle, généralement limitées à des entreprises spécifiques, au mieux à certains segments de l'économie, et très rarement politisées. D'ailleurs, c'est précisément l'incapacité à lancer une grève politique lors de la révolution EuroMaidan de 2014 qui a conduit à l'escalade violente, faute de pouvoir peser sur un gouvernement qui ne voulait faire aucune concession aux manifestants. Cela a donné l'occasion aux nationalistes radicaux de promouvoir la stratégie violente des manifestations. Et donc oui, après cette invasion à grande échelle, les grèves sont interdites. Les grèves qui ont eu lieu sont probablement des grèves informelles.

Ce qui se passera après la guerre dépend encore beaucoup de la façon dont elle se terminera. Mais d'après ce que nous savons, l'autonomisation du mouvement ouvrier nécessiterait une certaine croissance économique afin que les travailleurs ne soient pas licenciés. Cela nécessite une reconstruction réussie de l'économie ukrainienne. Dans certains scénarios très optimistes – mais pas nécessairement probables – les soldats ukrainiens qui reviendraient dans l'économie ukrainienne pourraient exiger davantage du gouvernement, ce qui s'est effectivement produit après certaines guerres, en particulier après la Première Guerre mondiale. Mais cela reste aujourd'hui de l'ordre de la spéculation. Des scénarios beaucoup plus sombres semblent désormais plus probables…

Pour ce qui est de la situation et les positions de la gauche ukrainienne ; au début de la guerre, beaucoup d'articles et de textes présentaient le point de vue de militants de gauche ukrainiens et expliquaient à quel point la gauche occidentale fait preuve d'aveuglement en ne soutenant pas davantage les livraisons d'armes de l'OTAN. Dans vos articles, vous essayez d'avoir un point de vue plus nuancé sur la guerre. Comment les positions de la gauche ukrainienne, et même de la gauche organisée, mais aussi des intellectuels, ont-elles évolué après deux ans d'invasion ? La gauche adopte-t-elle une position plus critique à l'égard du gouvernement ukrainien et du rôle joué par l'OTAN dans le conflit ?

La gauche ukrainienne a toujours été très diverse. Ironiquement, le plus grand parti de gauche en Ukraine, le Parti communiste ukrainien, a soutenu l'invasion russe. Le parti communiste d'Ukraine était un parti très important jusqu'à la révolution EuroMaidan. Il était le parti le plus populaire du pays dans les années 1990. Le candidat du parti communiste a obtenu 37 % des voix lors des élections présidentielles de 1999. Même à la veille de la révolution EuroMaidan, le parti communiste a obtenu 13 % des voix. Même si son soutien a diminué, il disposait d'une représentation significative au Parlement et soutenait efficacement le gouvernement de Viktor Ianoukovytch. Après EuroMaidan, il a

perdu son bastion électoral dans le Donbass et en Crimée. Ils ont également été victimes de répression en raison des politiques de décommunisation, le parti a été suspendu et, en 2022, il a été définitivement interdit, tout comme une série d'autres partis dits pro-russes. Petro Symonenko, le leader du parti, qui n'a pas changé depuis 1993, depuis la création du parti, s'est enfui en Biélorussie en mars 2022. Depuis la Biélorussie, il a soutenu l'invasion russe comme une opération antifasciste contre le « régime de Kiev ». Les organisations communistes des zones occupées ont fusionné avec le Parti communiste de la Fédération de Russie et ont participé aux élections locales organisées par la Russie en 2023, entrant même dans certains conseils locaux. La même fusion s'est produite avec les syndicats officiels ukrainiens dans les zones occupées.

Voilà donc la part du lion de ce que l'on a appelé la gauche en Ukraine. Dans le même temps, il existait des groupes de gauche beaucoup plus petits et plus jeunes. Ils ont toujours critiqué les communistes et se sont mieux intégrés aux socialistes démocratiques et à la gauche libérale en Occident. Ils avaient également une base sociale très différente de celle des communistes – plus proche de la « société civile » pro-occidentale ONGisée de la classe moyenne en Ukraine. Après le début de l'invasion, ils ont pu communiquer leur position de manière beaucoup plus efficace à l'Occident grâce à une sorte de politique identitaire : « Nous sommes la gauche ukrainienne. La gauche occidentale, stupide et arrogante, ne comprend rien à ce qui se passe dans le pays ». Bien entendu, cette position a été très problématique, c'est le moins que l'on puisse dire, dès le début. À titre de comparaison, le Parti communiste comptait 100 000 membres détenteurs d'une carte en 2014. Le jeune milieu de gauche ne comptait pas plus de 1 000 militants et sympathisants dans l'ensemble du pays, même dans les meilleures années de son développement, et leur nombre a diminué depuis lors, après l'Euromaïdan. Parmi la gauche, la plupart ont soutenu l'Ukraine, beaucoup se sont portés volontaires pour l'armée, mais ils n'ont pas été capables de créer une unité militaire de gauche comparable aux unités d'extrême droite, même à une échelle beaucoup plus réduite. Beaucoup ont également participé aux initiatives humanitaires.

Aujourd'hui, certains d'entre eux ont tendance à revoir leurs positions sur la guerre, en particulier en réponse à la conscription brutale. Il est vraiment difficile d'affirmer que la guerre est toujours une sorte de « guerre populaire » si la majorité des Ukrainiens ne veulent pas se battre. La mesure dans laquelle ils sont prêts à exprimer cette position dépend également de leur crainte de la répression. Il est difficile de dire cela dans la sphère publique ukrainienne, ce type de critique existe surtout dans les conversations privées, les comptes Facebook « réservés aux amis » et ainsi de suite, et n'est articulé que très prudemment dans les publications.

Il y a aussi des critiques sur l'ethno-nationalisme qui vient de ce milieu parce qu'il est devenu trop difficile d'ignorer comment l'Ukraine a changé en deux ans avec l'extension de la discrimination des russophones et des politiques d'assimilation ethnique. Par exemple, le russe n'est plus enseigné dans les écoles ukrainiennes, même en tant qu'option, même dans des villes massivement russophones comme Odessa où probablement 80 à 90 % des enfants ukrainiens parlent russe avec leurs parents. Un projet de loi récemment présenté pourrait interdire de parler russe dans les écoles, non seulement en classe avec les enseignants, mais aussi pendant les pauses, dans les conversations privées des élèves entre eux. Le projet de loi a déjà été approuvé par le ministre de l'Éducation.

Le troisième segment de la gauche ukrainienne est marxiste-léniniste, et fait partie de ce que j'appelle le « renouveau néo-soviétique » qui se produit dans de nombreux pays post-soviétiques. Ils sont généralement organisés en krushki – ce qui signifie littéralement « cercles », mais qui sont des organisations proto-politiques, quelque chose de plus que de simples groupes de lecture marxistes-léninistes. Ils sont beaucoup plus populaires en Russie, où ils sont capables de créer des chaînes YouTube comptant des centaines de milliers d'abonnés. En Russie, au Belarus et en Asie centrale, les krushki peuvent impliquer des milliers de jeunes qui n'ont pas vécu un seul jour dans l'URSS, mais qui critiquent la réalité sociale et politique de leur pays et qui trouvent dans le léninisme marxiste orthodoxe des instruments pour faire face à cette réalité. Ils existent et se sont même développés en Ukraine également, malgré la décommunisation et la montée du nationalisme anti-russe et des attitudes anticommunistes. Presque dès le départ, ces groupes se sont opposés aux deux gouvernements et ont adopté une position défaitiste révolutionnaire. Dans cette situation, on peut se demander si une révolution sociale est même possible, comme ce fut le cas il y a cent ans, également en Ukraine, dans l'Empire russe qui s'effondrait. Néanmoins, dès le début, ces groupes ont critiqué la conscription forcée, ont appelé à l'internationalisme et n'ont pas essayé de légitimer les actions de l'État ukrainien.

Les interviews publiées sur le journal de Révolution Permanente ne reflètent pas nécessairement les positions de notre organisation.

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Pour la liberté de l’Ukraine et la nôtre !

3 décembre 2024, par Bulletin du Réseau syndical de solidarité avec l'Ukraine — , , ,
tiré du Bulletin d'information syndicale (Ukraine, octobre-novembre 2024, numéro 13) Pour lire l'ensemble du Bulletin cliquez sur ce lien Les temps sont durs pour le (…)

tiré du Bulletin d'information syndicale (Ukraine, octobre-novembre 2024, numéro 13)

Pour lire l'ensemble du Bulletin cliquez sur ce lien

Les temps sont durs pour le syndicalisme en Ukraine et dans le monde entier. La victoire de Trump à l'élection présidentielle américaine a ouvert un scénario plus sombre et plus complexe de montée de la menace de la droite et de l'extrême droite. Pour les travailleurs et les pauvres, les réponses “faciles” standard offertes par le capitalisme débridé et irresponsable sont de garder la tête baissée et de continuer à travailler (si nous avons un emploi ou si nous pouvons en trouver un) et de continuer à consommer (s'il nous reste de l'argent après avoir payé le loyer et les factures).

En période de crise, cette “normalité” s'apparente à un effort pour tromper, détourner et amortir la colère qui grandit face à la dégradation des conditions de vie et de travail, à l'urgence climatique, aux cancers de la xénophobie et de la haine raciale et à la montée du militarisme.

L'Ukraine, tout comme l'attaque du gouvernement israélien contre Gaza et le Liban, reste au centre de l'attention de l'Europe et du monde. La situation militaire s'aggrave, étant donné la réponse inadéquate en armes et en munitions que le gouvernement ukrainien reçoit depuis longtemps de la part de ceux qui se vantent de “soutenir l'Ukraine jusqu'à la victoire”.

La victoire de Trump et le spectre d'un accord conclu avec Poutine aux dépens de l'Ukraine rendent l'impasse sur le champ de bataille encore plus inquiétante. Elle est également aggravée par la politique du gouvernement ukrainien lui-même, qui, comme l'explique Oleksandr Kyselov du Mpuvement social, “suggère un choix délibéré des élites dirigeantes de transférer le fardeau de la résistance à l'agression sur les gens ordinaires”.

En réponse, le mouvement Iabour de solidarité avec l'Ukraine doit redoubler d'efforts pour une victoire ukrainienne. La troisième année de guerre ne sera probablement pas comme les précédentes : soit des progrès sont réalisés sur le front de bataille en vue d'une victoire sur l'envahisseur et des avancées sont réalisées à l'intérieur du pays pour restaurer la valeur réelle des salaires et des droits du travail et arrêter le glissement de millions de personnes dans la pauvreté, soit le revers qui en résultera se répercutera dans toute l'Europe.

La tâche immédiate du mouvement syndical soutenant l'Ukraine est de répondre à l'appel urgent de leurs frères et sœurs ukrainiens pour une aide humanitaire afin de faire face à l'hiver, tout en défendant le rôle du mouvement syndical ukrainien en tant qu'interlocuteur - et acteur social - face à un gouvernement déterminé à les marginaliser. Quelle est la meilleure façon d'y parvenir ? D'abord, en alertant les adhérents de nos syndicats sur les enjeux de la bataille qui se déroule en Europe et dont les caractéristiques rappellent la période qui a précédé la Seconde Guerre mondiale. Après avoir installé la dictature en Allemagne, Hitler a préparé sa machine de guerre devant la passivité de l'Occident dit démocratique, l'Angleterre et la France ayant d'abord abandonné la République espagnole à la dictature militaire de Franco, puis s'étant entendues avec Hitler et Mussolini pour dépecer la Tchécoslovaquie.

Si, à notre époque, Poutine parvient à acquérir un cinquième ou un quart de l'Ukraine grâce à l'aide de Trump et à l'inaction européenne, qui peut être sûr que ce ne sera pas le prélude à une nouvelle guerre, plus étendue, avec des répercussions dans le monde entier, mais surtout en Europe ? Le Réseau européen de solidarité avec l'Ukraine appelle les syndicats solidaires de l'Ukraine à se mobiliser pour soutenir les campagnes d'aide d'urgence pour l'hiver proposées par la Fédération des syndicats d'Ukraine (FPU) et la Confédération des syndicats libres d'Ukraine (KVPU), dont les détails sont disponibles aux pages 5 à 8.

Cette campagne devrait être dirigée à la fois vers les membres et les sympathisants des syndicats individuels, mais aussi pour exiger le soutien du gouvernement à tous les niveaux.

L'ENSU demande également aux parlements, aux groupes parlementaires et aux partis - en particulier ceux qui se réclament de la gauche et défendent le droit à l'autodétermination nationale - d'exiger du gouvernement (1) que l'Ukraine reçoive les armes dont elle a besoin pour gagner, et (2) que de véritables sanctions soient imposées aux entreprises russes et autres qui soutiennent l'agression de Poutine et tirent profit de la guerre. En particulier, comme l'explique l'éditorial de notre dernière Newsletter, le mouvement syndical devrait s'approprier la campagne visant à réduire fortement les importations de combustibles fossiles russes en vue de leur suppression complète (voir la couverture de la campagne aux pages 9 à 13).

Troisièmement, les syndicats doivent continuer à défendre les droits des travailleurs et des syndicats en Ukraine, par le biais de leurs propres déclarations et de celles qu'ils peuvent parrainer dans les parlements nationaux et régionaux et les organes gouvernementaux locaux, en prenant soin de communiquer leur position à la présidence, au gouvernement et au parlement ukrainiens, ainsi qu'aux principaux organes syndicaux ukrainiens (voir les coordonnées à la page 8). Trump La victoire de Donald Trump dramatise les enjeux de la lutte pour une victoire ukrainienne.

Comme l'explique Colin Long dans sa contribution en page 66, le spectre de la destruction des droits démocratiques, sociaux et syndicaux se profile de plus en plus lorsque deux des puissances dominantes du monde sont dirigées par des autoritaires déterminés à “rendre leur pays grand à nouveau”.

L'ENSU estime que le moment est venu pour le mouvement syndical de s'engager dans une défense internationale unie des droits démocratiques et syndicaux contre cette menace croissante de l'extrême droite, en commençant par l'Ukraine. Soulevons d'urgence ce besoin au sein de chaque syndicat en Europe, en commençant par ceux qui apportent déjà leur soutien à l'Ukraine, en promouvant une discussion collective sur la manière de développer une action commune, unie, visible et audacieuse contre ces forces qui considèrent le travail organisé comme leur plus grand ennemi.

Nous proposons d'ouvrir ce débat par cet éditorial. Tout d'abord, bien sûr, nous pensons que ce sont les syndicats ukrainiens, la FPU et la KVPU, qui doivent voir l'utilité et la possibilité de s'approprier cette proposition, de la conduire, de l'orienter pour répondre aux besoins qu'ils considèrent comme les plus urgents. S'ils sont d'accord, il faut agir. Une action qui pourrait déboucher sur une grande délégation internationale à la veille du troisième anniversaire de la guerre en février prochain, avec des délégués des organisations syndicales les plus importantes qui se réuniraient pour établir des plans d'aide concrets en faveur de la résistance de l'Ukraine et de sa reconstruction présente et future.

Donc, réflexion collective puis action collective. En attendant, commençons par répondre aux listes de besoins urgents de la FPU et de la KVPU. ¡No pasarán !

Alfons Bech, coordinateur syndical du RESU

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