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Argentine : En chemin vers octobre, en passant par septembre
Les récentes élections en ville autonome de Buenos Aires (Ciudad Autónoma de Buenos Aires), des législatives de troisième ordre découplées des nationales pour la première fois, ont eu un fort impact politique, et ont pris une dimension et une importance sans équivalent jusqu'ici, qui dépasse le nombre de sièges obtenus par les différentes forces. C'est à dire que leurs résultats influeront sur les législatives nationales d'octobre prochain et très possiblement se ressentiront jusqu'à la présidentielle de 2027.
Tiré de Inprecor
11 juin 2025
Par Edouardo Lucita
Javier Milei © United States of America - CC BY-SA 2.0
Les urnes ont désigné La liberté avance (LLA, la coalition de droite qui soutient Milei) pour vainqueur indiscutable. À la différence des cinq élections provinciales antérieures, là, le pouvoir en place localement a perdu. L'insistance présidentielle à vouloir nationaliser et donner aux élections de cette année (spécialement aux nationales d'octobre) un caractère plébiscitaire sur la gestion de son gouvernement a transformé ces législatives locales en une sorte de quasi référendum. Avant cela, il devra passer par les élections de septembre dans la Province de Buenos Aires.
Les résultats des autres forces politiques, qui nécessiteraient des analyses particulières, permettent d'anticiper un macrisme qui est en train de perdre son identité et s'estompe de jour en jour, et un péronisme qui n'a pas fait une mauvaise élection mais qui n'est pas arrivé à dépasser son score historique dans la ville. En fonction des résultats d'octobre, il est possible que commence à se dessiner la future carte politique.
Pendant ce temps, l'économie continue en mode électoral. Comme je l'ai signalé dans une note antérieure, le gouvernement a besoin que le plan anti-inflation fonctionne pour gagner les élections, en même temps qu'il a besoin de gagner les élections pour que le plan ait des possibilités de fonctionner au-delà d'octobre.
Trois aspects émergents de ces élections provoquent des controverses interprétatives et de sérieux défis. En synthèse :
a) Caractérisation du triomphe de LLA : ceux qui essaient de minimiser le coût de ce triomphe ajoutent que 30 % des votes exprimés obtenus par cette alliance, représentent seulement 17 % de l'ensemble des électeurs. Que ce vote a eu besoin de l'appui du grand patronat, de l'accord du FMI et de la pression du ministre de l'Économie sur les faiseurs de prix pour garder le dollar et l'inflation sous contrôle. Qu'il a dû tirer parti, pendant la campagne, de la figure présidentielle, car effectivement, le candidat a juste réussi à dire « Je suis Milei ».
Comme d'autres, nous donnons une autre valeur à ces résultats électoraux, nous ne méconnaissons pas l'impact de ces variables et le poids de l'appareil d'État, mais nous reconnaissons que plusieurs d'entre elles font partie du jeu pré-électoral. Le résultat fournit au gouvernement un fort soutien politique et LLA peut se présenter comme étant le représentant dominant (pas encore hégémonique) de la droite et de l'ultradroite native. En général et comme cela a été signalé dans un article de La Nacion, « la politique continue à l'état liquide, même si Milei et les siens représentent le plus solide de cette scène ».
Cette montée en puissance lui permet d'affronter les prochaines élections nationales avec les plus grands espoirs quant à sa représentation parlementaire et surtout d'avancer dans les réformes structurelles en accord avec le FMI et le grand patronat, et aussi d'incarner, durant les deux prochaines années de mandat son projet de transformation radicale intégrale (économique, sociale et culturelle) de la société argentine. Au cours de cette semaine, il a déjà enclenché différentes initiatives régressives, abrogation de droits, changement dans la politique des droits humains et dans les études historiques, en même temps qu'une nouvelle et plus forte répression lors de la marche des retraités.
b) Taux bas de participation : la participation aux élections est une autre donnée centrale de cette élection. Elle a baissé de 12 points par rapport aux élections antérieures locales, de plus de 20 par rapport à la moyenne historique de ce type d'élections. Et cela, dans le district électoral le plus politisé et avec les citoyens les plus informés du pays. Ce qui renforce la tendance nationale qui s'exprime élection après élection depuis plusieurs années.
Le vote témoigne aussi d'une coupure de classe. Cela le différencie des temps du macrisme, qui progressait dans toutes les communes. Au contraire, maintenant, dans les communes du nord où se situent les revenus familiaux les plus élevés, c'est LLA qui a gagné, alors que dans les grands bidonvilles de Buenos Aires et dans le sud où se concentre la population la plus humble et pauvre, c'est le péronisme qui a gagné, et c'est même dans certaines de ces communes que le FITU a enregistré le plus haut pourcentage. Mais c'est aussi dans ces communes sudistes qu'a été enregistré le taux d'abstention le plus élevé. Les résultats dans la Commune 8 sont emblématiques qui vont dans ce sens, selon les analystes. Cette Commune anticipe d'habitude le vote de toute la périphérie de Buenos Aires…
La baisse continue de la participation est vue par certains secteurs comme un acte de rébellion face à l'insatisfaction généralisée. À tel point qu'un programme l'a caractérisée comme étant un silencieux « qu'ils s'en aillent tous ». Cette caractérisation part des élections précédentes de 2001 où il y a eu de l'abstention mais aussi beaucoup de votes blancs et nuls. Et comme nous le savons, il y a des différences qualitatives entre les utilisations de l'un ou de l'autre. Le blanc et le nul impliquent une attitude active du votant, qui prend la peine d'aller voter pour manifester son rejet et son indignation, alors que l'abstention est, dans le meilleur des cas, l'expression d'un non-conformisme passif. Je crois que ce dernier a prévalu dans ces élections, un non-conformisme qui peut aussi être interprété comme résignation, reflet de vastes secteurs de la société qui se sont installés dans la crise et qui attendent que celle-ci se résolvent toute seule. LLA s'accommode de ce niveau d'abstention. Dans des contextes d'apathie généralisée, ceux qui réussissent à consolider des noyaux durs peuvent s'imposer, sans nécessité de construire d'ample majorité. Je m'en remets à ce que dit l'un des consultants qui était décrit : « On voit très clairement comment le bas niveau de participation bénéficie à LLA (La Liberté Avance), qui est en train de consolider un noyau dur et, avec des scores aux élections entre 30 et 35 %, est en train de s'imposer », avertit le consultant Santiago Giorgetta.
c) Le problème démocratique. Le régime démocratique libéral est remis en question par la logique du gouvernement. C'est aussi une tendance mondiale. La dévalorisation des institutions, l'accoutumance aux discours violents qui dévalorisent ou empêchent la politique, le recours aux décrets spéciaux émis par le président, la possibilité de verser de l'argent sur le marché sans en connaître la provenance, la persécution des journalistes, les répressions continues, l'agression des autres forces politiques, et maintenant plus seulement de gauche… Ce qui s'est passé avec la fausse vidéo sur laquelle Macri changerait sa position politique est un appel à la vigilance. Si cela se passe lors d'une élection de troisième ordre, que peut-il arriver sur le chemin vers octobre, et même pire lors de la présidentielle ?
Lentement, l'idée fait son chemin d'un bon sens qui accepterait de remettre en cause les droits civils, et lentement se dessine un chemin chaque jour plus autoritaire. Cela fait partie de la bataille culturelle qu'impulse le président Milei. Une dérive des plus périlleuse si la riposte n'arrive pas à temps.
Le 20 mai 2025
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Etats-Unis - Los Angeles. « Il s’agit d’un projet d’ingénierie démographique déguisé sous le langage de l’application de la loi »
[La police de Los Angeles a déclaré avoir procédé à plus de 300 arrestations de manifestants au cours des deux derniers jours. Selon The Guardian du 11 juin, ces arrestations seraient une sorte de contrefeu déclaré par le gouverneur démocrate Gavin Newsom pour faire échec à l'administration Trump qui a mobilisé l'armée et la Garde nationale « pour accompagner les agents de l'ICE (Immigration and Customs Enforcement) lors de leurs raids dans toute la ville de Los Angeles ». Ce qui qualifie, à sa façon, l'orientation politique du démocrate Gavin Newsom face à l'offensive suprémaciste blanche de Donald Trump et Stephen Miller.
Or, comme le souligne The Guardian, « des travailleurs agricoles ont rapporté que des agents de l'immigration ont envahi le cœur agricole de la Californie, les agents fédéraux ciblant apparemment les champs et les entrepôts de la côte centrale jusqu'à la vallée de San Joaquin. Des groupes de défense des immigrants ont déclaré que les agents poursuivaient les travailleurs dans les champs de myrtilles et menaient des opérations dans des installations agricoles. »
L'économie de la Californie repose très largement dans son secteur agricole sur le travail des travailleurs et travailleuses immigré·e·s – « réguliers ou irréguliers ». La vague de répression – sous l'égide de l'ICE – déstabilise la structuration de l'emploi dans ce secteur, ce qui susciter quelques oppositions de grands propriétaires. En effet, « selon le département de l'Université de Californie consacré à la situation des travailleurs agricoles, l'UC Merced, environ 255 700 travailleurs agricoles en Californie sont sans papiers ».
Toujours selon The Guardian, les raids contre les ouvriers du textile, les employés des stations de lavage, les diverses catégories de travailleurs journaliers s'inscrivent d'abord dans l'objectif fixé par Stephen Miller, le chef de cabinet adjoint de Trump, d'atteindre le quota de 3000 arrestations par jour, mais s'insèrent aussi dans une bataille politique contre des dirigeants démocrates. Toutefois, il faut replacer cette offensive anti-immigré·e·s dans un contexte d'une sorte de guerre aux couleurs du suprémacisme blanc. Ce qui se révèle dans les termes du discours militaire de Trump qui qualifie de manifestant·e·s Los Angeles d'« animaux » et se propose de « libérer Los Angeles ». Ce que l'écrivaine Jean Guerrero soulignait déjà le 10 juin dans l'entretien que nous publions ci-dessous. – Réd. A l'Encontre]
11 juin 2025 - tiré du site alencontre.org - Photo : Jean Guerrero (à g.). « Retourner chez nous sans danger, nous ne le pouvons pas » (à d.)
https://alencontre.org/ameriques/americnord/usa/etats-unis-los-angeles-il-sagit-dun-projet-dingenierie-demoa-lgraphique-deguise-sous-le-langage-de-lapplication-de-loi.html
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Entretien avec l'écrivaine et journaliste Jean Gerrero conduit par Amy Goodman et Juan González du média en ligne Democracy Now !
Amy Goodman : Pourriez-vous commencer par nous décrire les manifestations dans les rues à Los Angeles ? Y avez-vous participé ? Et parlez-nous de ce recours sans précédent de la force militaire, et du Parti républicain, le parti qui défend les droits des Etats, ainsi que du président Trump qui met en question les droits des Etats en faisant intervenir l'armée américaine [Garde nationale et Marines, ces derniers mobilisés suite à l'ordre du secrétaire à la Défense Pete Hegseth], contre la volonté de la maire locale, Karen Bass, et du gouverneur de Californie, le gouverneur démocrate de Californie Gavin Newsom.
Jean Guerrero : Je tiens à être claire sur ce qui se passe ici à Los Angeles. Le gouvernement fédéral envahit les communautés multiculturelles de Los Angeles pour les terroriser. L'ICE (Immigration and Customs Enforcement) se présente devant les écoles, devant les magasins Home Depot [chaîne de distribution pour l'équipement de la maison], devant d'autres lieux de travail. Ils arrêtent des gens dans la rue, devant leur domicile, devant leurs enfants, souvent sans mandat.
Mais ce qui se passe au cours des manifestations, c'est que des personnes de toutes les races et de tous les horizons risquent leur vie pour protéger leurs amis, leurs voisins, les membres de leur famille contre ces arrestations. Et c'est magnifique à voir. Hier [9 juin], j'étais à l'une de ces manifestations, où j'ai parlé à des grands-mères blanches, qui sortent pour protéger les personnes qu'elles aiment et qu'elles craignent de voir arrêtées par l'ICE. J'ai parlé à des Latinas qui ont peur d'être victimes de profilage racial et d'être arrêtées en raison du caractère aveugle de ces arrestations, mais qui n'hésitent pas à risquer leur vie, car elles sont citoyennes et croient qu'elles doivent utiliser leur privilège pour défendre les personnes qui leur sont chères.
Et ces manifestations ont été largement pacifiques. Vous savez, ce sont des gens qui veulent dire à l'ICE qu'ils ne sont pas les bienvenus dans leurs communautés. Et ce à quoi nous assistons, c'est à une provocation. Vous savez, le déploiement de la Garde nationale et des Marines contre la volonté des dirigeants californiens, c'est une atteinte à la souveraineté de l'Etat de Californie, et c'est une tentative de provoquer les Angelenos [habitants de Los Angeles, « originaires de Los Angeles »] pour les pousser à un affrontement violent. Ils veulent que les manifestant·e·s réagissent violemment pour détourner l'attention de ce qui se passe réellement, à savoir que des familles sont séparées, que nos communautés sont dévastées et que les habitants de Los Angeles se lèvent pour dire : « Nous ne tolérerons pas cela. » Mais l'administration tente de les pousser à la violence, de les qualifier de rebelles afin de justifier une répression fédérale généralisée et de créer des images virales qui détourneront l'attention des Américains de la réalité effroyable : l'ICE kidnappe des membres estimés de la communauté et détruit des familles.
Juan González : Et, Jean, vous avez publié sur les réseaux sociaux : « Le programme de Trump en matière d'immigration n'a rien à voir avec la loi et l'ordre. Il s'agit de remodeler la démographie raciale de ce pays. » Pourriez-vous développer cette idée, notamment en ce qui concerne le fait que Stephen Miller, le conseiller clé de Trump, a qualifié cela de « lutte pour la civilisation » ?
Jean Guerrero : Vous savez, cette répression est une affaire personnelle pour Stephen Miller. Comme je le raconte dans mon livre, Hatemonger, lorsqu'il était lycéen à Los Angeles, il s'en prenait souvent à ses camarades latino-américains et immigrés, leur disant de « parler anglais » et de retourner dans leur pays d'origine. A l'époque, il était critiqué pour ses opinions, et il a passé sa carrière à essayer de punir les communautés qui l'avaient rejeté.
Ces expulsions massives n'ont rien à voir avec la sécurité aux frontières. Elles n'ont rien à voir avec la criminalité. Elles visent à détruire le tissu multiculturel de villes comme Los Angeles. Et je tiens à le répéter : il ne s'agit pas de lutter contre la criminalité. N'oublions pas que dès son premier jour au pouvoir, le président Trump a gracié les personnes qui ont violemment agressé les forces de l'ordre lors de l'assaut du Capitole le 6 janvier 2021. Trump et Miller ne sont donc pas contre la criminalité. Ils ne sont pas contre les membres de gangs. En fait, dans mon livre, je relate en détail les rêves de jeunesse de Miller, qui voulait devenir gangster. Ce qu'ils font, c'est diriger un Etat mafieux qui utilise les immigrant·e·s comme boucs émissaires pour nous asservir tous.
Donc, encore une fois, ils se moquent de l'ordre public. L'obsession centrale de Miller n'a jamais été l'immigration illégale. Elle a toujours été l'immigration légale. C'est pourquoi, dès le premier jour, vous avez assisté à une attaque d'ensemble contre les demandeurs d'asile : l'étouffement du régime d'asile, les restrictions à l'obtention de la carte verte (carte de résident permanent), l'attaque contre le droit du sol. Et maintenant on tente d'invoquer la loi sur l'insurrection pour expulser des personnes sans distinction, simplement en raison de la couleur de leur peau. Donc, encore une fois, il ne s'agit pas de sécurité nationale. Il s'agit d'un projet idéologique d'ingénierie démographique déguisé sous le langage de l'application de la loi. Et Los Angeles résiste.
Juan González : Pourriez-vous nous parler du nombre de journalistes qui ont également été blessés par les forces de l'ordre ces derniers jours à Los Angeles ?
Jean Guerrero : Plusieurs journalistes, dont certains de mes collègues, ont été touchés par des balles en caoutchouc. Certains ont été hospitalisés. Je crois que PEN America [organisation créée en 1922 pour la défense des droits de l'homme, la libre expression et le développement de la littérature] a recensé au moins 27 agressions contre des journalistes à Los Angeles depuis le 6 juin. Les reporters sont visés par des balles en caoutchouc et des gaz. Et c'est très inquiétant, car ces balles dites non létales peuvent, en fait, être mortelles. Le journaliste chicano respecté Rubén Salazar a été tué par une grenade lacrymogène en 1970 alors qu'il couvrait des manifestations à Los Angeles. Ce souvenir reste vivant dans l'esprit des journalistes de la ville, en particulier des journalistes latino-américains qui tentent de dénoncer les injustices qui se produisent dans leurs communautés.
Amy Goodman : Jean Guerrero, pouvez-vous nous parler de ce qui se passe actuellement à Los Angeles, où toute l'attention est concentrée en raison de la décision sans précédent de Trump et de Hegseth, le secrétaire à la Défense, de faire appel aux Marines et à des milliers de membres de la Garde nationale et de les fédéraliser ? Mais en réalité, cela se produit dans tout le pays. Pouvez-vous nous en dire plus sur les deux hommes dont vous parlez dans votre livre, Hatemongers : Stephen Miller, Donald Trump, and the White Nationalist Agenda ? Stephen Miller dit que les agents de l'ICE doivent se rendre dans les magasins 7-Eleven et Home Depot, ce qui est très différent de Trump qui parle d'arrêter les meurtriers et les violeurs et de porter le nombre d'arrestations à 3000 par jour. On assiste donc à des arrestations massives au Texas et en Arizona. A ce stade, nous n'y prêtons même pas attention à cause de la militarisation de Los Angeles.
Jean Guerrero : Ce que vous voyez, c'est en quelque sorte une amplification exponentielle de ce que nous avons vu pendant le premier mandat, à savoir que des ressources sont retirées d'enquêtes sérieuses sur la sécurité intérieure, sur le trafic de drogue et la traite des êtres humains, pour financer l'ICE et atteindre ces quotas d'êtres humains à arrêter afin de satisfaire l'appétit de Miller pour la répression des immigrant·e·s, qu'ils soient en situation régulière ou irrégulière.
Et une chose qui n'a pas reçu suffisamment d'attention et que je tiens à souligner, c'est que ce qui se passe à Los Angeles, c'est que les gens risquent leur vie non seulement pour résister à ce qui se passe, pour résister à ces enlèvements de membres estimés de leur communauté, mais aussi pour documenter, dénoncer et témoigner de ce qui se produit. Ils enregistrent des vidéos de mères arrachées à leurs enfants, arrêtées devant les tribunaux, de femmes enceintes malmenées dans la rue et placées en détention, de pères séparés de leurs filles en larmes. Et ces images sont cruciales, car chaque acte documenté ébranle la réalité alternative que Trump et Stephen Miller ont créée. Cette « réalité alternative » dans laquelle ils sont censés réprimer les gangsters, les violeurs et les criminels dangereux. Je ne saurais trop insister sur l'importance de cela.
L'administration intensifie les expulsions à un rythme sans précédent, ce qui signifie qu'elles sont plus visibles que jamais. Auparavant, elles se déroulaient dans l'ombre. Aujourd'hui, tout le monde peut les voir partout. Et les gens sortent leurs téléphones. Ils enregistrent ce qui arrive à leurs proches, à leurs amis, à leurs voisins. Du coup, ces expulsions, ces arrestations sont de plus en plus difficiles à présenter sous un faux jour, ce qui menace le discours que Trump et Stephen Miller ont passé des années à répandre.
Je crois donc sincèrement que si Los Angeles refuse de se laisser entraîner dans la violence, reste disciplinée et continue à dénoncer sans relâche la manière dont l'ICE kidnappe les innocents et ce que l'ICE fait réellement aux membres éminents de notre communauté, tout cela finira par se retourner contre l'administration Trump. Ainsi, la tentative de Trump de semer le chaos dans nos communautés finira par s'effondrer sous le poids de sa propre cruauté.
Juan González : Je voulais vous interroger sur le conflit qui oppose manifestement les élus californiens et l'administration Trump. Vous savez, j'étais là-bas en tant que journaliste en 1992, lors des émeutes de Los Angeles [suite à l'acquittement de 4 policiers blancs qui avaient, en mars 1991, passé très brutalement à tabac Rodney King, un Afro-Américain]. Et il n'y a vraiment aucune comparaison possible entre les événements du week-end dernier et ceux de 1992. A l'époque, 60 personnes – plus de 60 personnes – ont été tuées, 12 000 ont été arrêtées, plus d'un millier de bâtiments ont été endommagés. Et même lorsque le président George H.W. Bush [1989-1993] a fait appel à la Garde nationale, 30 personnes avaient déjà été tuées. Et il l'a fait à la demande d'un gouverneur républicain, Pete Wilson, et d'un maire démocrate, Tom Bradley. Parlez-nous de la différence entre la réaction des élus actuellement et l'excuse invoquée par Trump pour faire appel à la Garde nationale et aux Marinesw.
Jean Guerrero : Comme je l'ai dit, la majorité de ces manifestations sont pacifiques. Vous voyez des enfants dans ces rassemblements.
Ce sont des personnes qui essaient simplement de manifester pacifiquement et de dire au gouvernement fédéral qu'elles ne veulent pas que les personnes qu'elles aiment à Los Angeles soient kidnappées. La dernière fois qu'un président a pris une telle mesure, c'est-à-dire envoyer la Garde nationale contre la volonté du gouverneur, c'était en 1963 pour faire respecter la déségrégation en Alabama [assurer l'accès aux écoles ségréguées face à la campagne de la droite raciste républicaine, entre autres le gouverneur de l'Alabama George Wallace]. La mobilisation présente de la Garde nationale et des Marines est donc vraiment sans précédent.
Et honnêtement, c'est de l'autoritarisme pur et simple. Vous voyez bien que Trump parle maintenant d'arrêter Gavin Newsom et d'autres dirigeants californiens ! D'un côté, c'est choquant, mais de l'autre, c'est tout à fait prévisible. C'est ce que font les gouvernements autoritaires. Ils utilisent les immigrant·e·s comme prétexte pour s'en prendre à l'opposition. Et les immigré·e·s ne sont que la première cible. Si vous lisez la littérature nationaliste blanche qui a inspiré des gens comme Stephen Miller, elle diabolise non seulement les immigrés respectueux de la loi, mais aussi tous ceux qui les défendent. Les pires ennemis dans cette littérature ne sont pas les immigrés, même s'ils sont décrits comme des monstres, des bêtes et des menaces pour la civilisation occidentale. Les pires ennemis dans cette littérature – et je parle ici de livres comme Le Camp des Saints [roman dystopique de Jean Raspail datant de 1973 dans lequel il décrit la destruction de la civilisation occidentale par les immigrés] que Stephen Miller a ouvertement promu – les pires ennemis sont les alliés blancs des immigrants, les politiciens, les militants et les gens ordinaires qui leur témoignent de l'empathie. Ce sont ces gens qui sont, je cite, « contaminés par le lait de la bonté humaine », comme le dit l'un des livres qui a formaté Miller.
Ainsi, la conclusion logique des politiques de Trump n'est pas seulement le nettoyage ethnique, mais aussi le nettoyage idéologique. Il s'agit d'une purge non seulement des personnes, mais aussi des principes. Ils veulent éliminer tous ceux qui croient en la compassion envers « les étrangers », qui croient aux droits des immigré·e·s, qui croient en une démocratie multiculturelle ou multiraciale. C'est une vision des Etats-Unis où vous n'êtes américain que si vous choisissez cette haine. Et si vous choisissez l'amour ou la compassion, vous faites partie de ceux qui empoisonnent le sang de ce pays. Je ne suis donc pas surprise de voir le président s'en prendre à des innocents qui ne sont pas seulement les immigrants de nos communautés, mais aussi ceux et celles qui les défendent, qu'ils soient blancs, noirs, bruns, de toutes les couleurs, et qui expriment simplement leur humanité et leur compassion pour les autres. (Transcription partielle de l'entretien avec Jean Gerrero animé par Amy Goodman et Juan González du média en ligne Democracy Now !, 10 juin 2025 ; traduction rédaction A l'Encontre)
Jean Guerrero est chroniqueuse au New York Times et autrice du livre Hatemonger : Stephen Miller, Donald Trump, and the White Nationalist Agenda (? William Morrow Paperbacks, 2021).
Dans Le Monde du 10 juin, Piotr Smolar décrit « l'idéologue en chef de la Maison Blanche », Stephen Miller. Piotr Molnar écrit que Stephen Miller célébrait le 1er mai l'initiative de Donald Trump pour combattre « la culture communiste “woke” cancérigène qui détruisait notre pays, nous conduisant à croire que les hommes sont des femmes, que les femmes sont des hommes, que la discrimination raciale [contre les Blancs] est bonne, que le mérite est mauvais, et que la sûreté et la sécurité physique importent moins que les sentiments des idéologues libéraux ».
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Une offensive conjointe
David Huerta
L'offensive de Trump et Miller contre les travailleurs migrants participe aussi de l'attaque contre le mouvement syndical, ce qui fait partie du programme de Trump et de la Heritage Foundation. Une illustration de la pratique de ce régime autoritaire est fournie par l'arrestation du dirigeant syndical David Huera, ce que décrivent le 9 juin deux journalistes du Guardian, Michael Sainato et Chris Stein. – Réd.]
David Huerta, président du Service Employees International Union California et du SEIU United Service Workers West, servait d'observateur communautaire lors d'une opération de l'ICE à Los Angeles vendredi 6 juin, lorsque des agents fédéraux l'ont arrêté pour entrave à l'exercice de leurs fonctions.
Il a d'abord été hospitalisé pour des blessures subies lors de son arrestation, puis libéré vendredi soir. Des vidéos diffusées en ligne montrent des agents plaquant au sol David Huerta, avant de lui passer les menottes.
« Ce qui m'est arrivé ne me concerne pas personnellement ; il s'agit de quelque chose de beaucoup plus important. Il s'agit de la manière dont nous, en tant que communauté, nous nous unissons et résistons à l'injustice qui se produit », a déclaré David Huerta. « Des personnes qui travaillent dur, des membres de notre famille et de notre communauté, sont traités comme des criminels. Nous devons tous nous opposer collectivement à cette folie, car ce n'est pas justice. C'est une injustice. Et nous devons tous nous ranger du côté de la justice. »
David Huerta a finalement été inculpé de complot visant à entraver l'action d'un agent et libéré lundi sous caution de 50 000 dollars, à l'issue d'une audience à Los Angeles. Mais sa détention est devenue un cri de ralliement pour des dirigeants syndicaux à travers les Etats-Unis, qui ont appelé à la fin des rafles contre les immigré·e·s et à l'utilisation de la Garde nationale pour réprimer les manifestations à Los Angeles. […]
« David a été le premier à dire qu'il ne s'agissait pas seulement de lui », a déclaré Becky Pringle, présidente de la National Education Association, le plus grand syndicat du pays. « Nous savons ce que fait cette administration, c'est pourquoi nous disons à Donald Trump et à tous ses alliés : nous ne ferons pas, nous ne ferons pas des immigré·e·s des boucs émissaires. »
Jaime Contreras, vice-président exécutif du SEIU 32BJ, qui représente les travailleurs du nord-est des Etats-Unis, a déclaré que le combat de David Huerta servirait de cri de ralliement pour ses membres et ses partisans, car « il y a beaucoup plus de gens qui sont d'accord avec nous qu'avec eux. David est pour nous… un leader syndical, un frère, un membre du syndicat, un leader respecté en Californie, et nous sommes ici pour lui faire savoir qu'il n'est pas seul. Nous n'allons pas rester les bras croisés. Il y a toujours une prochaine élection, donc nous ferons payer tout le monde dans les urnes le moment venu. » [Une affirmation qui traduit la permanence d'une orientation d'une grande partie de l'appareil syndical face au système bipartisan. – Réd.]
A New York, le président du SEIU 32BJ, Manny Pastreich, a déclaré aux membres du syndicat et aux manifestants qui soutenaient David Huerta : « Tout ce qui nous est cher est attaqué. Les syndicats, les travailleurs, la liberté, les communautés immigrées, les soins de santé, la Constitution, nos frères et sœurs syndicalistes. » (Extraits de l'article du Guardian du 9 juin ; traduction rédaction A l'Encontre)
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États-Unis. Projet de loi budgétaire et guerre sociale
Si un satiriste avait tenté de parodier une loi visant à voler les salarié·e·s pour enrichir les riches, il n'aurait pas pu faire mieux que le « grand et beau projet de loi » que la Chambre des représentants des Etats-Unis a adopté à une voix près le 22 mai [215 pour, 214 contre, dont deux républicains].
2 juin 2025 - tiré du site alencontre.org - Photo : Donald Trump et le président républicain de la Chambre des représentants Mike Johnson s'adressant à la presse à propos du « One Big Beautiful Bill Act », 20 mai 2025.
Trump a baptisé de ce nom ridicule de « grande et belle loi » ce projet massif de 1100 pages qui augmente le déficit budgétaire des Etats-Unis de 4000 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie [1]. Il intègre tous les plans du Parti républicain visant à réduire les impôts des plus riches, tout en augmentant les dépenses et en mettant en péril la santé et l'éducation de millions de membres des classes laborieuses.
Dans le même temps, il prévoit pour la première fois un budget militaire supérieur à 1000 milliards de dollars par an et une expansion considérable de l'appareil de déportation de migrant·e·s (U.S. Immigration and Customs Enforcement's-ICE) qui est au cœur du programme de Trump.
Dans quelle mesure cette « grande et belle loi » favorise-t-elle les riches ? Le Congressional Budget Office (en date du 20 mai), un organisme non partisan, a montré que ce projet de loi réduirait les revenus des ménages les plus pauvres (les 10% les plus pauvres) jusqu'à 4% par an, tout en augmentant les revenus des plus riches (les 10% les plus riches) jusqu'à 4% par an. Si l'on examine ces transferts en dollars, on constate que les 40% les plus pauvres de la population perdent de l'argent, tandis que les 0,1% les plus riches gagnent environ 390 000 dollars !
Ces changements sont le résultat cumulé de réductions d'impôts qui favorisent les revenus les plus élevés et de coupes drastiques dans le programme Medicaid (l'assurance maladie publique pour les personnes pauvres et handicapées) et le programme SNAP (Supplemental Nutrition Assistance Program – aide alimentaire pour les personnes à faibles revenus). Les coupes dans ces deux programmes essentiels s'élèvent à plus de 1200 milliards de dollars sur dix ans. Le journaliste spécialisé dans les statistiques G. Elliott Morris a résumé la situation ainsi : « Les républicains veulent que vous payiez plus pour avoir moins. » (Strengh In Numberts, 23 mai 2025)
Une autre conséquence moins connue sera la réduction obligatoire de 500 milliards de dollars du budget de Medicare, le programme d'assurance maladie publique pour les personnes âgées. Avec les prestations de sécurité sociale versées aux personnes âgées et handicapées, Medicare est si populaire qu'il est généralement considéré comme « à l'abri » des coupes budgétaires. A l'origine formelle de cette mesure d'austérité se trouve la loi « Pay As You Go Act » – adoptée par le Congrès démocrate en 2010, dirigé par la présidente de la Chambre des représentants Nancy Pelosi et le président Barack Obama – qui impose des coupes obligatoires dans ces programmes si le déficit budgétaire fédéral dépasse certains niveaux.
Les conséquences de ces coupes seront dévastatrices dans un pays où 4 personnes sur 10 ne peuvent pas réunir 400 dollars en cas de nécessité urgente et où près de 80% des habitants déclarent vivre « au jour le jour » (Forbes, 2 avril 2024). Les analystes prévoient que jusqu'à 15 millions de personnes perdront leur couverture santé, car le gouvernement fédéral impose des restrictions plus strictes sur les personnes pouvant bénéficier des prestations sociales et les Etats ne sont pas en mesure de combler les lacunes.
Medicaid n'est pas seulement un programme destiné aux Américains les plus pauvres. Grâce à la loi de 1997 sur l'assurance maladie pour les enfants (Children's Health Insurance Act) et à la loi de 2010 sur les soins abordables (Affordable Care Act), Medicaid fournit désormais une aide à l'assurance maladie à près de 80 millions d'Américains. En fait, il compte plus d'adhérents que Medicare.
Ainsi, à bien des égards qui ne sont pas tout à fait évidents, Medicaid est un soutien essentiel pour des millions d'Américains de la classe laborieuse. Il est le principal bailleur de fonds des maisons de retraite et des soins à domicile pour les personnes âgées et handicapées. Dans de nombreuses régions urbaines et rurales des Etats-Unis, il soutient les infrastructures de santé publique. Une enquête de la Kaiser Family Foundation a révélé que 65% des personnes interrogées ont bénéficié de Medicaid, soit elles-mêmes, soit un membre de leur famille ou un ami proche.
Ces coupes budgétaires ne sont pas populaires. Dans aucune des 435 circonscriptions électorales, il y a plus de 15% des électeurs et électrices qui soutiennent les coupes dans le programme d'aide alimentaire SNAP. Même Steve Bannon, le conseiller d'extrême droite de Trump, a mis en garde les républicains contre les coupes dans Medicaid. Mais ils l'ont fait quand même. Et même les républicains de la Chambre des représentants qui avaient juré de ne pas soutenir un projet de loi réduisant Medicaid ont voté en sa faveur. Ils vont maintenant passer des mois à jouer sur les mots pour essayer d'expliquer que leur vote n'était pas en faveur d'une « réduction », mais pour autre chose.
Dans une autre attaque contre les classes populaires, le projet de loi réduit également les bourses d'études qui aident les étudiants à faibles revenus à financer leurs études universitaires. Jusqu'à 4 millions d'étudiants seront touchés. Et de nouvelles dispositions applicables aux prêts étudiants augmenteront les remboursements et allongeront la durée de la dette pour la plupart des bénéficiaires.
Ce compte rendu ne s'est concentré que sur les coupes dans les soins médicaux, l'aide alimentaire et le soutien à l'éducation. L'idée que Trump et les républicains soient désormais en quelque sorte un « parti de la classe ouvrière » est donc risible.
Mais le reste du projet de loi est une liste de souhaits trumpistes, qui prévoit notamment : une multiplication par 13 du budget du système carcéral de l'ICE ; la possibilité pour l'administration de supprimer le statut d'exonération fiscale de toute organisation à but non lucratif qu'elle juge politiquement inacceptable ; l'interdiction pour les Etats de réglementer les technologies d'intelligence artificielle ; et même la limitation de la capacité des plaignants à demander des injonctions judiciaires pour bloquer les mesures prises par l'administration.
Le projet de loi est désormais entre les mains du Sénat, où certains républicains ont promis de ne pas le soutenir et ont appelé à des modifications importantes, etc. Ne les croyez pas. La plupart des détracteurs estiment que ce projet de loi ne va pas assez loin dans la réduction des dépenses. L'appel du sénateur Josh Hawley (républicain du Missouri) à « ne pas réduire Medicaid » dans une tribune publiée dans le New York Times du 12 mai relève davantage du spectacle politique que de la conviction.
En fin de compte, ce projet de loi représente l'intégralité du programme de politique intérieure de Trump et des républicains. Et même si le Sénat peut y apporter quelques modifications mineures, il sera adopté par le Congrès dans son intégralité. Au Sénat, où le Parti républicain détient une majorité de 53 sièges contre 47, trois républicains peuvent voter contre et le projet de loi sera tout de même adopté grâce à la voix décisive du vice-président JD Vance.
D'ici l'automne, la classe laborieuse des Etats-Unis commencera à subir la plus grave attaque législative dont elle ait été victime depuis plus d'un demi-siècle. (Article reçu le 31 mai ; traduction rédaction A l'Encontre)
[1] Donald Trump, sur sa plateforme Truth Social, a réagi ainsi à l'adoption du budget : « La grande et belle loi a été adoptée à la Chambre des représentants ! C'est sans doute le texte législatif le plus important qui sera signé dans l'histoire de notre pays. »
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ICE, hors de Los Angeles ! Retirez la Garde nationale ! Arrêtez la campagne de terreur contre les communautés immigrées !
Depuis plusieurs jours, des manifestations ont éclaté contre les raids de l'Immigration and Customs Enforcement (ICE) dans les communautés immigrées populaires de la région de Los Angeles. La plupart des raids de l'ICE ont eu lieu dans le quartier des ateliers de confection et dans les lieux de rassemblement des travailleurs immigrés journaliers à la recherche d'un emploi. Plus de 100 travailleurs prétendument sans papiers, originaires du Mexique et d'Amérique centrale, ont été arrêtés. Une centaine d'autres ont été arrêtés pour avoir défendu ces travailleurs, dont David Huerta, président du California Service Employees International Union (SEIU). Huerta a dû être hospitalisé pour les blessures qu'il a subies.
10 juin 2025 - tiré d'Inprecor.org
https://inprecor.fr/node/4797
En réponse à la résistance de la communauté latino-américaine à ce terrorisme de l'ICE, le gouvernement Trump a mobilisé la Garde nationale californienne contre les manifestants, tandis que Peter Hegseth, le secrétaire à la Défense, a menacé de faire appel aux Marines. Gavin Newsom, gouverneur de Californie, et Karen Bass, maire de Los Angeles – tous deux démocrates – se sont publiquement opposés à l'appel de la Garde nationale, mais ils n'ont pas demandé à la Garde nationale californienne ni au département de police de Los Angeles (LAPD) de refuser de coopérer. En fait, sous la direction de Bass, le LAPD a collaboré avec les autorités fédérales tant lors des raids que lors de la répression des manifestations. Un journaliste a déjà été blessé par balle.
Cette descente est une escalade de la détermination de l'équipe Trump à terroriser les communautés immigrées. Mais ces communautés et leurs alliés ont pris la défense des immigrés. Avide de combat, Trump a mobilisé la Garde nationale afin de souligner sa vision d'une Amérique blanche.
Le Comité national de Solidarity est solidaire des communautés immigrées et de ceux qui protestent contre ce terrorisme. Nous demandons le retrait immédiat de toutes les forces armées et la libération immédiate de tous les manifestants.
Cessez de qualifier les immigrés de criminels ! Cessez de terroriser les immigrés !
Garde nationale et autres forces armées, sortez de Los Angeles ! ICE, sortez de nos villes et de nos communautés !
Amnistie pour le leader du SEIU David Huerta et tous les manifestants arrêtés !
Défendez le droit de manifester !
Publié le 9 juin 2025 par Solidarity
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États-Unis : soulèvement des migrant·es et des secteurs populaires
Mégaphone en main, la femme crie : « Nous les voyons pour ce qu'ils sont, une organisation terroriste. ICE (Immigration and Customs Enforcement), hors de Paramount. Vous n'êtes pas les bienvenus ici. » À leurs côtés, d'autres femmes brandissent des drapeaux américains et mexicains et des banderoles rejetant les raids et les déportations, entourées de nuages de gaz lacrymogènes tirés par la Garde nationale depuis ses véhicules blindés.
12 juin 2025 - tiré du Entre les lignes entre les mots -
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/06/12/etats-unis-soulevement-des-migrants-et-des-secteurs-populaires-et-autres-textes/
Pendant que cela se passait à Los Angeles, le président Trump a envoyé deux mille soldats. Mais les manifestants ont tenu tête à l'ICE et aux agents de l'immigration, ce qui a donné lieu à plus de 50 arrestations en deux jours, déclenchant une crise politique alors que les autorités locales rejettent les décisions du gouvernement fédéral.
La chasse aux migrants – l'ICE poursuivait littéralement les gens dans la rue – a provoqué une réaction populaire qui a mis en évidence les fissures dans les institutions de l'État, les chefs de la police de la ville et du comté de Los Angeles s'étant désolidarisés des actions, affirmant que leurs subordonnés n'étaient pas impliqués dans les arrestations. Dans certains cas, les manifestants ont encerclé les installations de l'État où les migrants étaient acheminés par bus.
L'épicentre de la révolte des migrants est la ville de Paramount, une ville de 51 000 habitants dont huit sur dix sont d'origine latinoaméricaine. Depuis la ville voisine de Los Angeles, nous avons contacté Lucrecia, une migrante mexicaine autochtone, qui nous a fait part de ses réflexions.
« Ce que nous voyons dans les rues, c'est le mécontentement de nombreuses personnes contre ce gouvernement fasciste. Ces deux dernières années, il a été important de voir comment la communauté des migrants et d'autres secteurs de la société de ce pays sont descendus dans la rue. Toutes les manifestations de l'année dernière contre le génocide en Palestine montrent que les gens en ont assez. Ce que nous voyons, c'est la force et le courage des jeunes qui ont des papiers, mais qui se rebellent contre l'état actuel des choses ».
Lucrecia raconte : « J'ai été impressionnée par la façon dont on s'occupait des sans-papiers, et ce sont eux qui sortent maintenant dans la rue pour éviter d'être expulsés. Cette solidarité qui est née depuis l'année dernière, l'attention portée aux personnes les plus vulnérables, est quelque chose de remarquable. Ceux qui mettent leur corps dans la rue sont des citoyens avec des papiers qui sont contre la politique de Trump ».
Interrogée sur le rôle des différents secteurs, sexes et générations, elle déclare : « Les femmes et les jeunes ont joué un rôle fondamental dans ce processus. Il y a une génération de jeunes et d'adultes dont les parents ont émigré et qui sont nés ici, qui constituent la grande majorité de ceux qui sont dans la rue. Les jeunes apprennent avec des personnes âgées de 40 à 60 ans, et ce n'est pas un hasard si cela se produit à Los Angeles, car il y a ici une histoire de résistance qui leur permet d'élargir l'horizon de leurs luttes, parce que les jeunes apprennent des luttes du passé, et maintenant ils parlent de fascisme, de racisme, de colonialisme, et cela les amène à voir leur lutte non pas comme quelque chose d'isolé, mais comme liée à ce qui se passe au niveau international ».
Lucrecia est convaincue que ce qui se passe en Californie est très similaire au scénario que nous observons habituellement en Amérique latine. Les gens continuent de sortir, de les affronter et n'ont pas peur d'eux. La peur est due à la forte présence de l'État, mais les gens savent qu'il est temps de s'organiser et de descendre dans la rue. La plupart des personnes qui sont dans la rue ont réglé leur statut migratoire. C'est très important car ils ne se battent pas pour quelque chose de personnel, mais pour la dignité de l'emploi et de la vie ».
Enfin, nous l'avons interrogée sur la continuité des manifestations, car en d'autres occasions, il y a eu des explosions qui se sont ensuite calmées. « Il est très difficile de maintenir des manifestations dans ce pays. Après les grandes manifestations sur la Palestine, on ne parle plus et on ne mentionne pas la façon dont l'État réprime de manière très profonde. Mais la répression ne va pas arrêter ce qui a déjà été déclenché. Cela ne s'arrêtera pas, même si la façon dont ils répriment est dévastatrice. Non, il n'y a aucun moyen d'arrêter cela. Les gens connaissent les conséquences, mais ils continuent. »
Raúl Zibechi
Source : https://desinformemonos.org/estados-unidos-levantamiento-de-migrantes-y-sectores-populares/
https://www.cdhal.org/etats-unis-soulevement-des-migrants-et-des-secteurs-populaires/
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Pour la presse israélienne, l’opération Rising Lion est “une guerre de survie, pas de diversion”
En ce troisième jour de guerre entre l'État d'Israël et la République islamique d'Iran, la presse hébraïque, même celle hostile à Benyamin Nétanyahou, soutient globalement l'opération massive déclenchée par le Premier ministre israélien contre le régime de Téhéran. Avec quelques bémols.
Tiré de Courrier international. Légende de la photo : Des secouristes dans les décombres d'un immeuble à Bat Yam, en Israël, touché par un missile iranien le 15 juin 2025. Photo Ronen Zvulum/Reuters
Entre fascination et inquiétude, la presse israélienne se montre globalement favorable à l'opération Am K'Lavi (Rising Lion, dans sa version anglophone internationale) lancée tous azimuts contre l'Iran par Tsahal (armée israélienne) et longuement préparée par l'Aman (renseignements militaires) et le Mossad (services secrets extérieurs).
Dans Yediot Aharonot (droite indépendante), Nahum Barnea, d'habitude peu porté sur le lyrisme, écrit un éditorial assez représentatif d'une majorité de l'opinion juive israélienne, malgré les nombreuses victimes civiles juives et arabes israélienne. “Il y a des peuples qui fuient la guerre et se ruent en masse vers les aéroports. Mais il existe un peuple qui s'obstine à réagir différemment, le peuple d'Israël. Quand une guerre éclate, il cherche, par tous les moyens et à n'importe quel prix, à réintégrer son foyer. Comme les autres peuples, beaucoup d'Israéliens ont la tête dans les nuages. Mais, dans leur majorité, ils gardent les pieds sur terre, notre terre, notre pays, notre seule patrie.”
“Une décision à la Ben Gourion”
Pour l'éditorialiste de Yediot Aharonot, la décision de déclencher la guerre appartient entièrement à un Benyamin Nétanyahou longtemps raillé par ses opposants pour sa répugnance à déclencher des guerres lourdes en coût humain. “Mais voilà, il vient de prendre une grave décision, une ‘décision à la Ben Gourion' [fondateur travailliste de l'État d'Israël] et dont il assume ouvertement la responsabilité. Les Israéliens, toutes opinions confondues, devraient le féliciter de l'anéantissement d'une partie non négligeable du programme nucléaire iranien. Et il serait bon que le régime iranien tombe dans les poubelles de l'Histoire.”
Nadav Eyal, toujours dans Yediot Aharonot, enfonce le clou.
- “La manière dont Israël a lancé cette guerre rappelle furieusement celle de la guerre des Six Jours [juin 1967]. Comme en 1967, le lancement d'une opération aérienne massive et inouïe a conduit à un effondrement extraordinaire et inattendu de l'espace aérien ennemi.”
Mais le risque existe de voir la République islamique intensifier ses représailles et attaquer d'autres États de la région, “ce qui pousserait les alliés occidentaux à se joindre à Israël, jusqu'à ce que Téhéran reconnaisse officiellement que ça suffit”. Quoi qu'il en soit, ce sont les États-Unis qui, quel que soit le scénario, “siffleront la fin du match”.
Vers un renversement du régime iranien ?
Un point de vue partagé par Ben Caspit dans Maariv. “Ceux qui, en ce moment, continuent de chercher des poux à Nétanyahou sont aveugles ou irresponsables.” Comparée à ce qui se passe aujourd'hui dans la bande de Gaza, l'offensive contre l'Iran est devenue une “milhemet ein breira [une guerre non choisie]”, la République islamique étant parvenue au seuil du nucléaire militaire. “Malgré tout le mal que, à juste titre, une majorité d'Israéliens éprouvent envers Benyamin Nétanyahou, ils devraient, du moins aujourd'hui, lui savoir gré d'avoir déclenché une guerre de survie, pas de diversion. Et tant pis si c'est au prix d'un regain de légitimité pour le Premier ministre, ce dernier ayant eu le cran de s'attaquer frontalement à un régime qui est la Mère de tous nos ennemis.”
Dans ce quasi-consensus en faveur de l'opération Am K'Lavi, certaines voix dissonantes se font entendre. Dans Ha'Aretz, Zvi Barel estime que Benyamin Nétanyahou n'a pas renoncé à l'ambition “insensée” de neutraliser voire de détruire le régime iranien.
- “Il s'agit d'une aspiration pour le moins démesurée, surtout au vu de l'échec relatif de l'objectif d'une victoire israélienne totale à Gaza.”
La “promesse céleste” (havtaha shmeymit) d'éliminer le régime iranien peut être excitante, mais il convient de noter qu'elle n'offre “aucune garantie quant à l'identité du régime iranien qui remplacerait celui de la République islamique”. Si la guerre israélo-iranienne devait s'éterniser, le pire serait à venir, à savoir “un renforcement des factions messianistes israéliennes et iraniennes”.
Une inquiétude partagée par la chroniqueuse Tal Schneider dans Zman Yisrael (centriste).
- “Quels sont les objectifs réels de la guerre actuelle ? À ma connaissance, personne ne parle, du moins officiellement, d'un renversement du régime iranien.”
Mais, affirme-t-elle, “officieusement, il semblerait que ce soit l'intention du gouvernement Nétanyahou”. Pour la chroniqueuse, les dirigeants israéliens seraient bien inspirés de laisser le choix au peuple iranien de mener lui-même un tel renversement. Le gouvernement israélien devrait concentrer ses efforts sur la destruction du projet nucléaire iranien, pas sur la destruction du régime, “un objectif qui embourberait Tsahal dans le sol iranien, une guerre sans fin et dont notre armée n'a tout simplement pas les moyens techniques et humains”.
Pascal Fenaux
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La Chine sous pression : mobilisations populaires et fractures systémiques
Les manifestations qui ont traversé la Chine entre mai et début juin 2025 mettent en lumière des tensions profondes et une dynamique d'instabilité croissante dans le tissu social du pays.
Tiré de Europe Solidaire Sans Frontières
5 juin 2025
Par Andrea Ferrario
Une société sous pression : le tableau général des mobilisations
L'analyse des épisodes de mobilisation sociale enregistrés en Chine entre la fin du mois de mai et le début du mois de juin 2025 fait apparaître des tensions systémiques qui traversent l'ensemble du pays. Loin d'être des phénomènes isolés, ces événements mettent en évidence des fractures profondes dans la situation sociale actuelle du pays, où les difficultés économiques se mêlent à des problèmes structurels de nature politique et à des violations croissantes des droits fondamentaux.
La période considérée, qui culmine symboliquement avec le 36e anniversaire de la répression de Tiananmen le 4 juin 1989, présente une concentration extraordinaire de protestations qui, en un peu plus d'une semaine, ont investi avec intensité différents secteurs de la société : de l'industrie manufacturière à la construction, de l'éducation aux soins de santé, et même le système pénitentiaire. Cette succession rapide de mobilisations transversales montre que les causes des troubles ne peuvent être attribuées à des problèmes sectoriels spécifiques, mais plutôt à des dynamiques systémiques plus profondes évoluant simultanément.
Les huit journées « échantillons » analysées en détail - du 26 mai au 3 juin - révèlent également une répartition géographique couvrant l'ensemble du pays, de la province industrielle de Guangdong aux régions du nord-est, soulignant ainsi que le phénomène n'est pas limité à certaines zones économiques, mais représente une manifestation généralisée des fractures du tissu social chinois contemporain.
Le phénomène des arriérés de salaires : dimensions et caractéristiques
Les arriérés de salaires apparaissent comme le dénominateur commun de la grande majorité des protestations documentées. Selon les données du China Labour Bulletin, pas moins de 88 % des incidents de protestation collective en 2024 étaient liés au non-paiement, soulignant la façon dont ce problème est devenu endémique dans l'économie chinoise. L'organisation note que « les arriérés de salaires représentent 76 % des événements sur la carte des grèves depuis 2011 », ce qui indique une persistance du phénomène sur une décennie.
Le cas de la manifestation des travailleurs de Yunda Express à Chengdu illustre la complexité de ces dynamiques et la manière dont les conflits se développent et, parfois, sont résolus. Le conflit, qui a duré du 30 mai au 2 juin, est né non seulement de questions salariales, mais aussi de la décision unilatérale de l'entreprise de délocaliser le centre de distribution dans la ville de Ziyang, dans le comté de Lezhi, sans offrir de compensation ou d'alternatives de travail aux employés en échange de la délocalisation. Les travailleurs ont bloqué l'entrée du centre de distribution pour empêcher les véhicules d'entrer et de sortir, paralysant ainsi les activités de l'entreprise.
La chronique de la manifestation révèle l'escalade des tensions : dans la nuit du 31 mai, la police a tenté de disperser les manifestants par la force et, selon les témoignages des travailleurs, certains employés ont été battus au cours de l'intervention. Après des jours de résistance et de négociations serrées, l'entreprise a finalement accepté, le 2 juin, d'indemniser les employés selon une formule mathématique précise : salaire moyen plus 6 000 yuans multipliés par les années de service. Cette résolution montre qu'une pression collective soutenue peut encore obtenir, bien qu'en de rares occasions, des résultats concrets dans le contexte chinois, malgré l'environnement répressif.
Le secteur manufacturier a connu de nombreux troubles reflétant les difficultés économiques structurelles de l'économie chinoise. Par exemple, à Ningbo, dans le Zhejiang, les travailleurs de Rockmoway Clothing se sont mobilisés pendant deux jours consécutifs (les 2 et 3 juin) pour protester contre la décision de l'entreprise de retenir arbitrairement 40 % de leurs salaires. De même, plusieurs usines ont connu des grèves prolongées en raison d'arriérés de salaires, comme sur les chantiers de BASF à Donghai, dans le Guangdong, où les ouvriers du bâtiment se sont croisés les bras le 2 juin pour protester contre le non-paiement de leurs salaires.
La géographie des protestations dans l'industrie manufacturière montre une concentration particulière dans la province de Guangdong, le « moteur » de l'économie chinoise, qui avait enregistré 37 cas en avril 2025, de loin le nombre le plus élevé de toutes les régions. Cette concentration reflète la pression croissante exercée sur les industries orientées vers l'exportation dans une province qui représente le cœur manufacturier de la Chine.
L'impact de la guerre commerciale et les transformations du travail industriel
L'escalade des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine a eu des effets directs et mesurables sur la condition des travailleurs. L'expansion des droits de douane américains, qui visent également les biens produits par des entreprises chinoises dans des pays tiers, a amplifié les incertitudes et exacerbé la crise à laquelle sont confrontés les travailleurs. Les données montrent que le secteur manufacturier a connu une augmentation significative des troubles, passant de 25 cas en mars 2025 à 39 en avril suivant, ce qui reflète les pressions croissantes exercées sur les industries orientées vers l'exportation.
Les manifestations se sont étendues géographiquement « de la province de Guangdong, dans le sud-ouest de la Chine, où se trouvent de nombreuses entreprises manufacturières, à Tongliao, dans la province de Jilin, dans le nord-est », mettant en évidence une répartition nationale du phénomène. Comme le note Workers' Solidarity, « cela reflète également le fait que les problèmes du système économique chinois s'étendent aussi aux activités internationales », les travailleurs chinois employés dans des projets à l'étranger ayant fait grève en Arabie Saoudite et à Oman le 29 mai pour réclamer leurs salaires.
Les protestations dans les usines Foxconn, l'un des plus grands fabricants au monde qui fournit des iPhones à Apple, sont particulièrement significatives. À l'usine de Hengyang, les travailleurs se sont mis en grève pour protester contre la réduction des subventions et des heures supplémentaires, tandis qu'à l'usine de Taiyuan, ils ont protesté contre les projets de transfert des installations de production de Taiyuan à Jincheng, à trois heures de route. Lors des manifestations de rue, les travailleurs ont crié « Nous voulons que nos droits soient respectés ».
BYD, le principal constructeur chinois de voitures électriques, a également été confronté à d'importants troubles. Le 28 mars, plus de 1 000 travailleurs de l'usine de Wuxi se sont mis en grève pour protester contre les baisses de salaire, la fin des primes d'anniversaire et d'autres réductions d'avantages. Quelques jours plus tard, les travailleurs de l'usine de Chengdu ont également manifesté pour réclamer la sécurité de l'emploi, la transparence des délocalisations et des compensations équitables.
Parmi les différents secteurs, l'industrie de l'habillement et de la chaussure a été particulièrement touchée par la crise, ses travailleurs ayant souvent souffert du non-paiement des salaires. Ces industries sont souvent petites et concentrées dans la même région, de sorte que le non-paiement des salaires ou la suspension de l'activité en raison de la baisse de la rentabilité se produisent souvent dans des endroits proches au même moment. Parmi les grèves dans l'industrie manufacturière en 2024, le secteur de l'habillement arrive en deuxième position (90 cas) après le secteur de l'électricité et de l'électronique (109 cas).
L'affaire « Brother 800 » : symbole du désespoir systémique
Le 20 mai 2025, l'incendie de l'usine textile de la Sichuan Jinyu Textile Company dans le comté de Pingshan a acquis une résonance symbolique qui dépasse largement la dimension locale de l'événement. Wen, un ouvrier de 27 ans, a mis le feu à son lieu de travail après avoir été privé des salaires qui lui étaient dus pour un montant total de 5 370 yuans, contrairement aux 800 yuans initialement rapportés par les médias et plus tard démentis par la police.
La reconstitution des faits révèle la complexité de la dynamique qui a conduit à ce geste extrême. Wen avait présenté sa démission le 30 avril et, conformément à l'article 9 des dispositions provisoires sur le paiement des salaires, il était censé recevoir tous les arriérés de salaire immédiatement après la cessation d'emploi. Lorsqu'il a terminé les procédures de démission le 15 mai, l'usine lui devait 5 370 yuans (environ 760 dollars). Wen a demandé un paiement immédiat, mais le service financier a refusé, invoquant des procédures d'approbation internes. Après avoir à nouveau demandé le paiement à son supérieur, sans succès, Wen a développé ce que le rapport de police appelle des « pensées de vengeance ».
L'incendie a causé des dommages économiques estimés à des dizaines de millions de yuans et a conduit à l'arrestation de l'auteur, mais l'histoire est devenue virale sur les médias sociaux chinois avec le hashtag « Brother 800 ». L'écart entre les 800 yuans initialement déclarés et les 5 370 yuans réellement dus a alimenté les débats sur les médias sociaux, où de nombreux utilisateurs ont exprimé leur solidarité avec Wen, le considérant comme un « héros désespéré » plutôt que comme un criminel.
Ce cas met en évidence l'inefficacité structurelle des mécanismes de protection juridique. Comme l'observe ironiquement un témoin, « lorsque les personnes à qui l'on devait des salaires ont demandé une aide juridique, les juges ont disparu et le personnel du département du travail s'est également éclipsé. Mais lorsque Wen a mis le feu à l'usine, la police est immédiatement arrivée et les magistrats sont réapparus ». Cette critique souligne que le système réagit rapidement aux violations de l'ordre public, mais reste inerte face aux violations systématiques des droits des travailleurs.
La description de la situation familiale de Wen - pauvreté, mère malade, besoin urgent d'argent - illustre la façon dont les difficultés économiques individuelles sont liées à l'absence de filets de sécurité sociale adéquats. Le China Labour Bulletin souligne que l'incident représente « une rupture dans les systèmes juridiques et institutionnels conçus pour soutenir les travailleurs », mettant en évidence l'inadéquation des structures syndicales existantes qui sont « restées silencieuses » tout au long de l'affaire.
La réaction du public reflète une frustration généralisée à l'égard de ces failles systémiques. En ligne, un commentaire viral demandait : « Pourquoi un homme en serait-il réduit à incendier une usine pour 800 yuans ? Cela signifie qu'il était littéralement affamé ». D'autres ont dénoncé le double standard : les travailleurs qui protestent sont qualifiés de fauteurs de troubles, tandis que les employeurs qui retiennent les salaires sont tolérés par les autorités.
La crise de la construction et de l'immobilier : une spirale descendante
Le secteur de la construction représentait 54,48 % de toutes les protestations collectives en avril 2025, un chiffre qui reflète la crise persistante du marché immobilier chinois. Cette concentration dans le secteur de la construction montre que la crise immobilière, qui a commencé avec l'affaire Evergrande en 2021 et s'est propagée à l'ensemble du secteur ainsi qu'à l'économie en général, continue d'avoir des effets dévastateurs sur les conditions de travail.
Les projets inachevés sont une source particulière de tensions sociales, car ils concernent non seulement les travailleurs du secteur, mais aussi les citoyens qui ont investi leurs économies dans le logement. Par exemple, à Xianyang, Shaanxi, le 30 mai, des propriétaires de bâtiments inachevés du projet Sunac Shiguang Chenyue ont manifesté devant le centre de pétition local, accusant le gouvernement d'avoir détourné des fonds de construction, ce qui a entraîné plusieurs arrestations par la police. Toujours à Qingdao, Shandong, des centaines de propriétaires du projet immobilier inachevé Heda Xingfucheng ont organisé une manifestation collective dans le district de Chengyang le 31 mai, bloquant la circulation et forçant l'accès au site de construction, plusieurs propriétaires ayant subi des violences de la part de la police.
Ces épisodes montrent que la crise immobilière ne concerne pas seulement les opérateurs du secteur, mais s'étend aux citoyens de la classe dite moyenne qui ont investi leurs économies dans l'achat d'un logement, créant ainsi une base sociale plus large de mécontentement potentiel. La convergence de la crise économique et des attentes sociales déçues est un élément particulièrement déstabilisant pour la stabilité sociale.
L'extension des manifestations au secteur public : enseignants, médecins et travailleurs de la santé
Les autorités sont particulièrement préoccupées par l'extension des manifestations au secteur public, traditionnellement considéré comme plus stable et fidèle au système. Dans la province de Shandong, les enseignants contractuels n'ont pas reçu de salaire depuis six mois. Un enseignant d'école primaire a déclaré : « Notre salaire mensuel n'est que d'environ 3 000 yuans (un peu plus de 400 dollars) et, depuis six mois, nous vivons avec de l'argent emprunté ».
Un autre enseignant de Shanxi a signalé que son école exigeait la restitution des primes de fin d'année versées au personnel depuis 2021, ainsi qu'une partie de la rémunération perçue pour les activités extrascolaires. Ces mesures ont provoqué un mécontentement généralisé sur le site , comme en témoignent les messages publiés sur le réseau social Xiaohongshu (RedNote).
Les travailleurs de la santé sont confrontés à des problèmes similaires. Une infirmière d'un hôpital public de la province de Gansu, dans le nord-ouest du pays, a déclaré que son salaire mensuel n'était que de 1 300 yuans (moins de 200 USD) et que sa prime de rendement n'avait pas été versée depuis quatre mois. À Fuzhou, dans la province de Jiangxi, des médecins et des infirmières de l'hôpital Dongxin n° 6 se sont rassemblés devant le bâtiment du gouvernement municipal de Fuzhou le 7 avril, pour réclamer le paiement des salaires liés à la performance qui n'ont pas été versés depuis sept mois.
Comme l'observe Zhang, un enseignant retraité de l'université de Guizhou : « Dans le passé, ce sont les travailleurs migrants et les ouvriers qui réclamaient des salaires, mais aujourd'hui, les enseignants, les médecins et les éboueurs se joignent également à la lutte. Cela montre que la »structure stable« de la Chine commence à s'effilocher ». Cette observation rend compte d'un changement qualitatif fondamental : l'extension du mécontentement social à des catégories traditionnellement privilégiées du secteur public indique une crise de légitimité qui va au-delà des difficultés économiques conjoncturelles.
Violations des droits de l'homme dans le système pénitentiaire : témoignage de Liu Xijie
Le système judiciaire et pénitentiaire a fait l'objet de plaintes particulièrement sérieuses qui ont mis en lumière des abus systématiques. Liu Xijie, originaire de Bozhou dans l'Anhui et détenu de 2011 à 2024 à la prison n° 1 de Fushun dans le Liaoning, a trouvé le courage de dénoncer publiquement et nominalement les abus systématiques de la police pénitentiaire ces jours-ci, en donnant les noms précis des officiers accusés.
Selon son témoignage détaillé, aux alentours de février 2022, plus de 200 prisonniers ont été soumis à des sévices de degrés divers, notamment des tortures électriques à l'aide de matraques électriques, des insultes et des coups pour des infractions mineures telles que des réponses non conformes, des postures inappropriées ou un pliage incorrect des couvertures. Les témoignages décrivent de manière particulièrement effrayante comment certains agents pénitentiaires auraient trouvé du plaisir dans les mauvais traitements, piétinant des personnes âgées, introduisant des matraques dans la bouche des détenus, électrocutant des prisonniers au point de provoquer une incontinence fécale.
Le cas le plus grave concerne Fan Hongyu, un prisonnier décédé le 19 février 2022 à la suite de tortures répétées pour n'avoir pas mémorisé le règlement de la prison. Ce témoignage, rendu public à un moment de tension sociale particulière, met en lumière la façon dont le système répressif utilise des méthodes qui violent systématiquement les droits humains fondamentaux, contribuant au climat général d'oppression qui alimente le mécontentement social.
Episodes de protestation étudiante : le cas de Xuchang et la mémoire de Tiananmen
L'analyse des mouvements étudiants révèle des dynamiques particulièrement significatives. Le 3 juin à Changning, dans la province du Hunan, des centaines de lycéens de l'école Shangyu ont organisé une manifestation spontanée sur le campus pour évacuer le stress des examens d'entrée à l'université. L'événement, d'abord pacifique et caractérisé par des cris libérateurs, a rapidement pris une connotation politique lorsque l'école a alerté les autorités sur l'enthousiasme excessif manifesté par les jeunes.
Lorsque la police est intervenue et a arrêté trois organisateurs présumés, la situation a rapidement dégénéré : les étudiants ont formé un mur humain pour empêcher les voitures de police de partir, en criant des slogans tels que « retirons-nous de l'école, rendons l'argent » et en exigeant la libération des camarades arrêtés. Malgré la détermination affichée, les policiers ont réussi à briser le cordon d'étudiants par la force, emmenant les trois jeunes hommes sous le regard impuissant de leurs camarades.
Cet épisode est particulièrement sensible compte tenu de sa proximité temporelle avec l'anniversaire du 4 juin 1989, une date qui continue de représenter un moment extrêmement sensible pour les autorités chinoises. Dans le cas du collège n° 6 de Xuchang, dans le Henan, où une élève s'est suicidée prétendument à cause des brimades de son professeur, des milliers d'élèves et de citoyens ont manifesté devant l'école, pénétrant dans le campus et endommageant des bureaux avant que la police n'intervienne. Wu Jianzhong, secrétaire général de la Taiwan Strategy Association, note que l'incident s'étant produit à proximité d'une date sensible comme le 4 juin, les autorités ont réagi avec une extrême prudence, craignant qu'il ne déclenche des troubles sociaux et ne se propage rapidement, comme un incendie.
Contrôle social et répression : l'anniversaire de Tiananmen
Dans le cadre du 36e anniversaire de Tiananmen, les autorités ont mis en œuvre des mesures de contrôle sans précédent à l'encontre du groupe des « mères de Tiananmen ». Pour la première fois dans l'histoire du groupe, toute communication avec le monde extérieur a été coupée, les téléphones portables et les appareils photo étant interdits lors de la commémoration au cimetière de Wan'an à Haidian.
Le 31 mai, les Mères de Tiananmen ont publié une lettre ouverte signée par 108 parents de victimes, commémorant les membres décédés au cours de l'année écoulée et réitérant leurs demandes : enquête impartiale sur l'événement, publication des noms des morts, indemnisation des familles et punition des coupables. Zhang Xianling, 87 ans, s'est ému dans une vidéo il y a quelques jours : « Depuis 36 ans, nous n'avons cessé de chercher le dialogue avec les autorités, mais nous n'avons été que mis sous contrôle et réprimés ».
Cette escalade du contrôle met en évidence la sensibilité particulière des autorités à toute forme de mémoire collective liée aux événements de 1989, suggérant une vulnérabilité perçue du régime aux liens potentiels entre les protestations contemporaines et les précédents historiques de mobilisation sociale.
Censure numérique et contrôle de l'information
La gestion de l'information sur les incidents de protestation révèle des stratégies sophistiquées pour contrôler le discours public. Dans le cas de l'incident du collège Xuchang n° 6, les autorités ont rapidement supprimé tous les contenus publiés sur les médias sociaux, et le fil de discussion sur le collège Xuchang n° 6 sur le site Weibo a disparu. Lorsque les élèves ont réalisé que leurs messages n'étaient pas autorisés à circuler, ils n'ont eu d'autre choix que d'exprimer leur frustration contre l'école elle-même, ce qui a fini par dégénérer en une confrontation ouverte.
Dans le même temps, le cyberespace chinois a montré des réactions anormales. Début juin, dans le jeu de Tencent « Golden Spatula Wars », tous les avatars des utilisateurs de WeChat ont été uniformément remplacés par des pingouins verts et ne pouvaient être changés, ce qui a suscité une grande attention de la part des joueurs. Un internaute s'est plaint sur Platform X : « Les pingouins étaient à l'origine un symbole de divertissement, mais ils sont maintenant devenus un masque de censure. »
En outre, comme chaque année autour du 4 juin, les plateformes de médias sociaux chinoises bloquent des mots-clés tels que « square », « tank », « 8964 », et le contenu correspondant est immédiatement supprimé, tandis que les comptes qui les ont publiés risquent d'être interdits. Le 4 juin, l'avocat des droits de l'homme Pu Zhiqiang a été sommé par la police de supprimer son discours commémoratif sur la plateforme X.
Dynamique de la résistance effective : le cas de Dongguan
Malgré le contrôle autoritaire, plusieurs épisodes montrent que la mobilisation sociale conserve une capacité à influencer les décisions des autorités locales lorsqu'elle atteint des dimensions significatives et formule des demandes économiques concrètes. Le cas de Dongguan est un exemple emblématique de mobilisation spontanée et réussie des travailleurs.
Le 2 juin, des centaines de travailleurs migrants vivant dans le village de Yangyong, dans la ville de Dalang, se sont opposés à l'introduction d'un système de péage qu'ils considèrent comme économiquement insoutenable. Leur action collective, qui a débuté vers 18 heures par le blocage des barrières de péage, s'est étendue à plusieurs centaines de personnes criant des slogans tels que « enlevez les barrières ».
Sous la pression soutenue des manifestants, la police de stabilité sociale a dû céder vers 22 heures, envoyant des travailleurs pour retirer tous les équipements de péage. La politique fiscale, mise en œuvre la veille, a été déclarée nulle et non avenue, mettant en évidence le fait que les difficultés économiques poussent les classes populaires à des formes de résistance de plus en plus organisées et efficaces.
Évolution des stratégies de protestation et de l'organisation sociale
L'analyse révèle une évolution dans la manière dont les manifestations sont organisées, reflétant l'adaptation des mouvements sociaux à l'environnement technologique et répressif contemporain. Dans le cas des étudiants de Xuchang, l'utilisation des téléphones portables et de l'internet a permis une connexion et une agrégation rapides, soulignant comment les technologies numériques peuvent agir comme des multiplicateurs d'action collective en dépit des contrôles gouvernementaux.
Zeng Jianyuan, directeur exécutif de l'Association académique démocratique chinoise à Taïwan, note que « dans le climat actuel de gouvernance répressive et de purges politiques en Chine, seules les questions apolitiques peuvent légitimer des formes de rassemblement collectif à grande échelle ». Toutefois, il ajoute que « le Parti communiste chinois perçoit clairement que ce tumulte n'est pas seulement un geste de soutien à une école ou à un incident isolé, mais qu'il reflète également deux problèmes plus profonds ».
Le premier problème, selon Zeng, est que « sous l'administration de Xi Jinping, la société chinoise connaît une vague de détresse émotionnelle collective, et beaucoup cherchent un exutoire ». Le second, , est que « l'incident de Xuchang révèle un relâchement du contrôle social par les autorités locales : les étudiants ont pu se coordonner et se rassembler rapidement grâce aux téléphones portables et à l'internet, signe de l'échec des mécanismes locaux de maintien de la stabilité ».
Il est clair que les manifestations les plus récentes ne peuvent pas être interprétées comme de simples réactions spontanées à des injustices spécifiques, mais représentent plutôt des manifestations d'un « malaise émotionnel collectif » plus large qui cherche des canaux d'expression à travers des questions apparemment apolitiques.
Crise de légitimité des autorités locales
Les protestations documentées mettent en évidence une crise de légitimité croissante des autorités locales, incapables d'assurer une médiation efficace entre les pressions économiques centrales et les besoins sociaux locaux. L'imposition arbitraire de taxes au niveau local est un excellent exemple de cette dynamique.
Dans le cas du village de Pingtang, dans la ville de Gushan, province de Zhejiang, le comité du village a publié un avis annonçant qu'à partir du 10 mai, des « frais de gestion sanitaire » et des « frais de stationnement » seraient prélevés sur tous les résidents permanents et les travailleurs du village : 80 yuans par an pour les adultes, 40 yuans pour les enfants et 500 yuans pour les voitures et les tricycles. L'avis indiquait également que ceux qui ne paieraient pas à temps seraient « mis sous contrôle » à partir du 1er juin, et que chaque personne devrait payer un supplément de 200 à 100 yuans, que leurs véhicules seraient verrouillés et que ceux qui forceraient les serrures seraient « traités comme des auteurs d'actes de vandalisme contre des biens publics ».
Li, un locataire du village, a déclaré que « cette taxe n'a jamais été convenue avec les villageois et n'a jamais fait l'objet d'une réunion publique. Je suis un locataire extérieur et je n'ai jamais entendu parler d'une réunion du village approuvant cette taxe ». Certains villageois ont critiqué la décision du comité du village, la qualifiant d'« extorsion éhontée ». Un autre villageois, Zhang Shun (pseudonyme), a déclaré : « Ma famille compte cinq personnes et nous devons payer 400 yuans par an. Nous ne pouvons absolument pas nous le permettre. Est-ce encore un pays dirigé par le Parti communiste ? ». Jia Lingmin, une militante, a souligné que le comité du village est une organisation populaire autonome et que toutes les redevances doivent obtenir un « permis de redevance », faute de quoi elles sont illégales.
Cet épisode illustre la façon dont les gouvernements locaux, sous la pression des difficultés fiscales, ont recours à des mesures de plus en plus désespérées et illégales pour lever des fonds, ce qui érode encore plus leur légitimité aux yeux de la population. Comme l'observe Zhang, un enseignant retraité de l'université de Guizhou : « Le niveau élevé de la dette locale et le durcissement des politiques centrales ont fortement affecté la gestion fiscale locale. Les victimes les plus directes sont les travailleurs permanents et contractuels ».
Transformations du tissu social chinois
Tang Gang, un universitaire du Sichuan, propose une analyse particulièrement perspicace des transformations sociales en cours, notant que la société chinoise évolue « d'une société traditionnelle où il était possible de faire des compromis, de se tolérer mutuellement et de coexister, à une société marquée par de rudes conflits, où les positions sont irréconciliables et où la coexistence devient impossible ». Cette transformation, qu'il attribue aux changements survenus au cours des dix dernières années sous la direction de Xi Jinping, suggère une détérioration qualitative des relations sociales qui transcende les questions économiques spécifiques.
Xue, chercheur en relations du travail à Guizhou, identifie plusieurs facteurs qui contribuent à l'escalade des conflits entre travailleurs et patrons. « Tout d'abord, dans certaines entreprises, les dirigeants syndicaux sont directement nommés par les patrons, ce qui empêche le syndicat de représenter véritablement les intérêts des travailleurs. Cela entrave la défense des droits des salariés et alimente les tensions. Deuxièmement, la relation entre le capital et le travail est fortement orientée vers le marché, mais il n'y a pas de répartition équitable des revenus. De plus, dans de nombreuses usines, l'opacité prévaut dans la gestion des questions concernant les travailleurs, ce qui exacerbe encore les contradictions ».
L'analyse de M. Xue montre que les problèmes ne sont pas simplement économiques, mais qu'ils reflètent des déficiences structurelles dans le système de relations industrielles de la Chine. L'absence de syndicats indépendants et représentatifs prive les travailleurs de canaux efficaces de résolution des conflits, ce qui les oblige à recourir à des formes de protestation de plus en plus directes et parfois extrêmes.
Vers des scénarios d'instabilité croissante
L'accumulation des tensions documentées au cours de la période fin mai-début juin 2025 indique à elle seule que la Chine d'aujourd'hui est confrontée à des défis sociaux de nature systémique qui ne peuvent être résolus par les seuls mécanismes répressifs traditionnellement employés par le régime. La transversalité sectorielle des protestations, l'extension géographique nationale des phénomènes et l'implication de catégories traditionnellement stables telles que les enseignants et les travailleurs de la santé montrent que les difficultés actuelles ne sont pas des fluctuations conjoncturelles mais plutôt des manifestations de contradictions structurelles plus profondes.
La capacité limitée des autorités locales à répondre efficacement aux demandes populaires, combinée au désespoir économique croissant de larges pans de la population, crée des conditions potentiellement explosives. Comme l'a montré l'affaire « Brother 800 », lorsque les voies légales de résolution des conflits s'avèrent inefficaces, les citoyens peuvent recourir à des formes de protestation de plus en plus extrêmes et destructrices.
L'intensification des mesures répressives, visible dans l'isolement des Mères de Tiananmen et la censure rapide des épisodes de protestation, indique une perception de vulnérabilité de la part du régime qui pourrait paradoxalement alimenter de nouvelles tensions. La stratégie de contrôle de l'information, bien qu'efficace à court terme, risque d'alimenter la frustration et la radicalisation lorsque les citoyens découvriront l'impossibilité de communiquer leurs revendications par les canaux institutionnels.
Les autorités chinoises semblent se trouver dans une position de plus en plus difficile, obligées de trouver un équilibre entre les exigences du contrôle social et la nécessité de maintenir la stabilité économique. L'expérience de la courte période analysée suggère que cette tension atteint des seuils critiques, avec des implications qui pourraient s'étendre bien au-delà des frontières de l'épisode ou du secteur concerné.
Andrea Ferrario
SOURCES : Yesterday, Radio Free Asia, China Labour Bulletin, AsiaNews, Workers' Solidarity
P.-S.
• Traduction Pierre Vandevoorde et Pierre Rousset avec l'aide de DeepL.
Source - Andrea Ferrario 05 juin 2025 :
https://andreaferrario1.substack.com/p/la-cina-sotto-pressione-mobilitazioni
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Modernité ou barbarie
Comme l'a dit le poète iranien Sohrab Sepehri : « Remplacez les hommes politiques par des arbres, pour que l'air devienne pur. »
Aujourd'hui, le monde est plus que jamais stupéfait face au paradoxe entre modernité et barbarie. Lorsque Israël a attaqué ma belle Téhéran, j'ai ressenti ce que peut ressentir un soldat en première ligne, pris en pleine tête par une balle ennemie. C'était comme si mon cerveau avait explosé. Jusqu'à quand l'humanité restera-t-elle l'héritière de sa propre sauvagerie ?
En 1979, l'Ayatollah Khomeiny a pris le pouvoir à la suite de la révolution islamique en Iran et a cherché à propager l'idéologie islamiste non seulement dans le pays, mais dans le monde entier. Depuis sa création, la République islamique a affirmé vouloir "exporter" sa révolution, notamment en soutenant financièrement et idéologiquement des groupes comme le Hamas, le Hezbollah ou les Frères musulmans.
En tant que personne ayant vécu toute sa vie sous un régime religieux, je sais à quel point un tel pouvoir peut être toxique, dangereux et criminel. L'histoire a prouvé que les gouvernements théocratiques n'apportent jamais ni paix ni prospérité. La religion, entre les mains de fanatiques, fournit les justifications les plus crédibles pour tuer des innocents.
Dix ans après la révolution, en 1989, Khomeiny, se proclamant guide suprême du monde musulman, a lancé une fatwa ordonnant l'exécution de Salman Rushdie pour son livre Les Versets sataniques. Cette fatwa a encouragé les extrémistes musulmans à tenter de l'assassiner – bien que beaucoup d'entre eux n'aient même pas lu son livre. Rushdie a perdu un œil lors d'une attaque terroriste, après des années de vie clandestine. Ce n'est là qu'un exemple parmi d'autres des menaces que représente un régime idéologique pour la communauté internationale.
Depuis plus de quarante ans, la République islamique construit son identité sur la haine des États-Unis, d'Israël, et de quiconque menace ses objectifs idéologiques. Elle s'appuie sur une manipulation émotionnelle permanente pour conserver le pouvoir. Pourtant, ce pouvoir se fissure : aujourd'hui, le régime sait qu'il n'a plus de soutien populaire. Mais il ne peut pas abandonner, car il est conscient que les crimes qu'il a commis l'amèneraient tôt ou tard à rendre des comptes.
Ce soir, Israël a affirmé avoir visé des résidences de hauts responsables iraniens lors d'une frappe en Iran. D'après les vidéos publiées, ces attaques ont causé d'importants dégâts. En tant que citoyen ordinaire, je ne cache pas mon absence de chagrin à l'idée de la mort de dirigeants criminels. Je pense alors aux beaux yeux de Mehrshad Shahidi, au sourire innocent de Nika Shakarami, à l'innocence de Mahsa Amini, et à tous ces jeunes Iraniens massacrés par ce régime brutal – et une part de moi se sent soulagée.
Mais qui peut garantir que des innocents, totalement étrangers à ce conflit, ne seront pas blessés ? D'ici quelques jours, nous apprendrons la mort de simples citoyens dans cette lutte de pouvoir.
Je repense alors à certains amis naïfs qui croyaient que Trump allait sauver le monde d'une Troisième Guerre mondiale… Quelle illusion ! Non seulement cela n'a pas eu lieu, mais le monde est devenu encore plus instable. Le populisme et le radicalisme se répandent, de l'Est à l'Ouest, et il est tout à fait possible que les droits humains – ces droits chèrement acquis au fil des siècles – s'effondrent d'un seul coup, laissant l'humanité revenir à la case départ.
Baharé Roohi
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Québec, le 13 juin 2025
Ce matin, Israël a mené une série de frappes aériennes contre l'Iran, ciblant notamment plusieurs sites à Téhéran. Selon les informations disponibles, des installations militaires et nucléaires ont été visées, entraînant la mort de plusieurs hauts responsables militaires et scientifiques du régime. Des pertes civiles sont également à déplorer.
Le Centre socio-culturel des Iraniens de Québec Simorgh souhaite rappeler qu'il lutte constamment contre le régime de la République islamique d'Iran et pour l'instauration d'une démocratie respectueuse des droits humains. Nous considérons ce régime comme le principal responsable de la situation dramatique actuelle en Iran et dans toute la région du Moyen-Orient. Cela dit, nous réaffirmons notre opposition à toute forme de guerre. Nous croyons que la seule voie vers la liberté en Iran et la stabilité dans la région passe par le soutien au mouvement social du peuple iranien.
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Le Bangladesh après le soulèvement de 2024
En 2024, pendant ce qui fut un été intense, le Bangladesh a connu des bouleversements politiques sans précédent depuis son indépendance. Ce qui avait commencé comme des manifestations étudiantes contre un système de quotas dans la fonction publique, controversé depuis longtemps, s'est rapidement transformé en un mouvement de masse qui a mis fin à plusieurs décennies de domination de Sheikh Hasina et de la Ligue Awami au pouvoir.
Tiré d'Europe solidaire sans frontière.
Début août, les rues de Dhaka et des autres grandes villes ont vibré au rythme des slogans de protestation et ont été le théâtre de violences sanglantes, dans ce qui est depuis connu sous le nom de « révolution de juillet ».
Le 5 août 2024, sous la forte pression des manifestant.e.s, d'une partie de l'armée et d'un système de partis de plus en plus fracturé, la Première ministre Sheikh Hasina a fui le pays. Son départ a marqué la fin symbolique et effective d'une époque caractérisée par le développement économique et le développement des infrastructures, mais aussi par l'autoritarisme, la répression de la dissidence et la violence politique. Dans le vide du pouvoir qui a immédiatement suivi, le chaos a régné. Les forces de sécurité se sont temporairement retirées de nombreuses zones et les institutions ont vacillé, à deux doigts de l'effondrement. C'est dans ce climat d'incertitude qu'une figure fédératrice a émergé : le prix Nobel Muhammad Yunus. Ancien leader politique marginal, Yunus était depuis longtemps reconnu pour son travail au sein de la Grameen Bank et connu pour ses critiques à l'égard de la classe dirigeante. À l'invitation des dirigeants étudiants et avec le soutien d'une large partie de la société civile, Yunus a prêté serment le 8 août en tant que chef d'un gouvernement intérimaire. Son gouvernement de transition s'est engagé à rétablir l'ordre démocratique, à réformer les institutions défaillantes et à préparer le terrain pour la tenue d'élections dignes de ce nom.
Les mois qui ont suivi ont été marqués à la fois par l'espoir et l'incertitude. Une commission de réforme a été créée pour l'examen du fonctionnement de la justice, des forces de police, des agences de lutte contre la corruption et du système électoral. Un organe consultatif constitutionnel a commencé à travailler à la refonte de ce que beaucoup qualifiaient de structure aux mains d'un clan politique. Mais dans le même temps, ce changement a mis en évidence les profondes divisions sociales du pays. Le vide politique qui a suivi le renversement de Hasina a entraîné une forte recrudescence des violences communautaires, en particulier à l'encontre de la minorité hindoue, dans certaines régions du pays. Plus de 2 000 incidents ont été signalés entre août et décembre, notamment des attaques contre des temples, des pillages de biens et la perte de vies humaines. La réponse initiale du gouvernement a été lente, ce qui lui a valu les critiques des groupes de défense des droits humains et des observateurs internationaux. Mais selon certaines sources, la Ligue Awami, qui avait été évincée du pouvoir, aurait orchestré ces incidents afin de ruiner la réputation du gouvernement intérimaire et de provoquer des troubles sociaux dans le but de prouver que le régime précédent était meilleur.
À fur et à mesure que le programme de réforme avançait, le gouvernement intérimaire lançait également une vaste campagne de poursuites judiciaires. Des milliers de membres de la Ligue Awami et de ses affiliés ont été arrêtés, notamment après une attaque meurtrière à Gazipur en janvier 2025, qui aurait été perpétrée par des partisans du parti au pouvoir. Beaucoup ont salué cette mesures, y voyant la mise en œuvre d'une justice qui avait fait défaut pendant de longues années de violence politique ; d'autres ont craint qu'il ne s'agisse là que d'un prélude à une vengeance post-électorale. En mai 2025, les tensions atteignaient un nouveau paroxysme. Des foules immenses se rassemblaient à nouveau sur la place Shahbagh de Dhaka, réclamant non pas davantage de réformes, mais l'interdiction définitive de la Ligue Awami. Cette fois-ci, c'est le National Citizen's Party (Parti national des citoyens, NCP), né du soulèvement de 2024 et mené par des étudiant.e.s, qui a pris les choses en main. Le 12 mai, le gouvernement intérimaire a annoncé la suspension de toutes les activités de la Ligue Awami, invoquant les lois antiterroristes. Le paysage politique, déjà en pleine mutation, était désormais plus clairement redessiné.
Hasina, toujours en exil en Inde, a été inculpée de crimes contre l'humanité. Le 1er juin, un tribunal de Dhaka a officiellement ouvert le procès contre elle et plusieurs anciens ministres, accusés d'avoir orchestré la répression meurtrière des contestataires lors du soulèvement de juillet. L'affaire a divisé l'opinion publique : tandis que les partisans du nouveau régime saluent cette mise en cause tant attendue, ses détracteurs y voient une instrumentalisation politique de la justice. Parallèlement, Yunus subit des pressions croissantes pour qu'il précise son calendrier électoral. Après être resté dans le vague, il a récemment annoncé que les élections nationales se tiendraient au cours du premier semestre 2026. Le BNP, autrefois principal parti d'opposition à la Ligue Awami de Hasina, a rejeté cette date et exige des élections avant décembre 2025.
La société civile est elle aussi divisée : si certains se réjouissent du temps ainsi gagné pour mener à bien les réformes institutionnelles, d'autres craignent que les retards et l'inégalité des chances ne portent atteinte à la légitimité du processus engagé. Les réactions internationales ont également été mitigées. L'Inde, qui soutient Hasina depuis des années, a exprimé son inquiétude quant à la marginalisation de la Ligue Awami, mettant en garde contre la création d'un précédent qui exclurait des acteurs politiques clés. Les gouvernements occidentaux, notamment le Royaume-Uni et l'Union européenne, soutiennent le processus de réforme mais restent vigilants quant à la situation des droits humains et à l'indépendance du pouvoir judiciaire. À mi-chemin de l'année2025, le Bangladesh reste suspendu entre révolution et reconstruction.
Badrul Alam
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Appel à l’action unitaire de la société civile palestinienne
Alors que les États membres de l'ONU se préparent à se réunir le 17 juin pour la Conférence internationale de haut niveau sur le règlement pacifique de la question de Palestine, et que la France s'apprête à réunir certains acteurs le 13 juin, plus de 100 organisations de la société civile palestinienne, mais aussi internationales et en exil, réaffirment leurs revendications unitaires « en faveur d'une résolution juste dont la légitimité repose sur les droits inaliénables du peuple palestinien. »
Tiré d'Europe solidaire sans frontière.
Alors que les États membres de l'ONU se préparent à se réunir à New York le 17 juin pour la Conférence internationale de haut niveau sur le règlement pacifique de la question de Palestine, coprésidée par la France et l'Arabie saoudite, et alors que la France s'apprête à réunir certains acteurs choisis le 13 juin dans le but déclaré de lancer avant la conférence « un appel clair et urgent à agir » à destination de la communauté internationale, nous, organisations et coalitions de la société civile palestinienne en Palestine et en exil, réaffirmons nos revendications unitaires en faveur d'une résolution juste dont la légitimité repose sur les droits inaliénables du peuple palestinien.
Ancrée dans des décennies d'engagement auprès de nos communautés et de plaidoyer international, la société civile palestinienne a constamment été témoin des conséquences néfastes d'approches politiques internationales inefficaces, exclusives et symboliques. La conférence à venir pourrait marquer un tournant – mais seulement à condition qu'elle se recentre sur son fondement juridique : la résolution ES-10/24 de l'Assemblée générale des Nations unies, qui s'appuie sur les obligations de droit international en vigueur depuis des décennies. Cette résolution appuie l'avis consultatif rendu en juillet 2024 par la Cour internationale de justice (CIJ), qui ordonne à Israël à se conformer au droit international – notamment en mettant fin à son occupation illégale, en permettant au peuple palestinien d'exercer son droit à l'autodétermination et son droit au retour, et qui exige des États tiers qu'ils adoptent des sanctions concrètes et des mesures de responsabilisation pour faire respecter le droit international.
Pourtant, les processus préparatoires et les discussions, y compris l'évènement présenté comme conférence de la « société civile » à Paris, ont choisi d'écarter ce principe juridique pour soumettre un programme sans envergure en faveur de la solution à deux États, incapable de répondre aux réalités de la fragmentation, du siège et du génocide sous un régime de colonialisme de peuplement. Pendant des décennies, les approches internationales ont occulté les asymétries de pouvoir. Elles ont mis sur un pied d'égalité le colonisateur et le colonisé et ont canalisé les ressources diplomatiques et économiques dans des processus et des approches exemptant Israël de toute responsabilité, tout en gérant la situation, plutôt que s'attaquer aux causes profondes de l'injustice – plus de sept décennies de colonialisme de peuplement et d'apartheid israéliens, maintenus par l'occupation militaire, le blocus et le génocide.
Les approches qui favorisent le dialogue avec les autorités, les organisations ou les individus israéliens qui ne remettent pas en cause la réalité du colonialisme de peuplement ou ne reconnaissent pas les droits fondamentaux des Palestiniens à l'autodétermination et au retour servent en fin de compte à blanchir les crimes actuels d'Israël. Une résolution juste de la « Question de Palestine » nécessite un changement fondamental pour passer des cadres étroits et trompeurs de « construction de l'État » et de « consolidation de la paix » sous occupation continue, à une approche politique fondée sur le démantèlement du régime colonial, d'apartheid et d'occupation d'Israël et sur l'application des droits des Palestiniens à l'autodétermination et au retour.
Alors que notre peuple subit le génocide, la famine, le nettoyage ethnique et de nouvelles spoliations, l'heure n'est pas à la répétition des échecs du passé sous un nouvel habillage. Il est plus que temps de prendre des mesures concrètes : une responsabilisation significative, une pression internationale soutenue et des sanctions urgentes pour démanteler le régime illégal d'Israël et faire respecter les droits inaliénables du peuple palestinien.
Nous appelons donc tous les États, institutions et acteurs participant à la Conférence à :
Fonder toutes les solutions sur les droits inaliénables du peuple palestinien, notamment :
• Le droit à l'autodétermination, une norme impérative du droit international, pour les 15 millions de Palestiniens. Ce droit ne commence ni ne s'achève avec la création d'un État, mais inclut la volonté collective du peuple de déterminer librement son statut politique et de pourvoir lui-même à son développement économique, social et culturel – ce qui implique la souveraineté sur ses terres et ses ressources.<
• Le droit au retour pour tous les réfugiés palestiniens déplacés pendant la Nakba (1948), la Naksa (1967) et toutes les vagues de déplacements forcés qui ont suivi.
• Le droit à une réparation intégrale, y compris la restitution, l'indemnisation, la satisfaction et les garanties de non-répétition.
Mettre fin immédiatement au génocide et au siège de Gaza :
Cela nécessite un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel, le retrait des forces militaires israéliennes de Gaza et la fourniture immédiate et sans restriction de l'aide humanitaire.
Démanteler les structures de colonialisme de peuplement et d'apartheid d'Israël :
• Garantir le droit à l'autodétermination et le droit au retour
• Abroger toutes les lois discriminatoires à l'encontre des Palestiniens
• Mettre fin à l'occupation militaire
• Lever le blocus de la bande de Gaza
Soutenir les efforts palestiniens visant à reconstruire un leadership palestinien unifié et démocratique, représentant le peuple palestinien en Palestine et en exil : mettre fin à la délégitimation des factions politiques palestiniennes et promouvoir la réconciliation nationale sans conditions imposées. Faire pression sur Israël pour qu'il libère tous les prisonniers politiques palestiniens et mette fin à la détention arbitraire et à la torture.
• Mettre en œuvre des mesures concrètes de responsabilisation, conformément aux obligations erga omnes des États tiers à ne pas reconnaître, aider ou soutenir les crimes d'apartheid, de génocide, d'occupation et de déni du droit à l'autodétermination perpétrés par Israël – notamment :
• Imposer un embargo militaire bilatéral à Israël, couvrant toutes les armes, les technologies militaires, les équipements de surveillance, le kérosène, la formation, les exercices conjoints, les bases militaires, ainsi que l'exportation, l'importation, le transfert et le transit de toutes les pièces, composants et biens à double usage ;
• Appliquer des sanctions diplomatiques, notamment en expulsant les ambassadeurs israéliens et en suspendant les visites officielles et la coopération avec les autorités israéliennes ;
• Imposer des sanctions ciblées, notamment des interdictions de voyager et le gel des avoirs, à l'encontre des personnes et des institutions complices des crimes de droit international commis par Israël ;
• Mettre fin à toute aide économique et à tout accord de coopération qui soutiennent l'occupation illégale et le régime d'apartheid d'Israël, y compris en annulant les accords de libre-échange ;
• Imposer un embargo énergétique bilatéral en suspendant toutes les importations/exportations de pétrole, de gaz et de charbon ; se désengager des projets d'extraction ; et résilier tous les accords relatifs au transit et aux pipelines, ainsi qu'aux infrastructures impliquant le territoire palestinien occupé, y compris ses zones maritimes ;
• Interdire le passage côtier et l'accostage dans leurs eaux territoriales des navires transportant des armes, du matériel militaire et à double usage, du carburant ou des marchandises soutenant l'occupation, le génocide, l'apartheid ou les colonies illégales d'Israël ; interdire aux navires battant leur pavillon de transporter ce type de matériel militaire et à double usage.
• Mettre fin à tous les accords bilatéraux et multilatéraux de libre-échange et de coopération, en particulier l'accord d'association UE-Israël en se basant sur la violation de son article 2, ainsi qu'à tous les programmes de coopération financés par l'UE, y compris les programmes universitaires, culturels et sportifs, ainsi qu'à l'accord de libre-échange Mercosur-Israël ;
• Adopter une législation nationale empêchant les entreprises relevant de leur juridiction d'investir dans l'occupation illégale par Israël ou son maintien – notamment par le fait de poursuivre des opérations, d'entretenir des relations commerciales et de participer au projet de colonisation ;
• Veiller à ce que les entreprises, organisations et institutions financières relevant de leur juridiction se défassent de tout actif détenu par des entreprises et sociétés israéliennes et des sociétés complices impliquées dans des crimes de droit international.
• Abroger toutes les lois et politiques nationales qui criminalisent la solidarité avec la Palestine, en particulier les manifestations et campagnes de boycott, de désinvestissement et de sanctions (BDS) ;
• Enquêter et poursuivre leurs ressortissants impliqués dans des crimes contre les Palestiniens, y compris les citoyens binationaux enrôlés dans l'armée israélienne, et publier des directives décourageant l'enrôlement.
• Activer la compétence universelle pour poursuivre les auteurs de crimes de droit international contre les Palestiniens devant les tribunaux nationaux.
• Faire appliquer les mandats d'arrêt de la CPI contre Netanyahu et Gallant en arrêtant ces derniers et en les transférant à La Haye s'ils se trouvent dans leur juridiction – espace aérien compris.
• Soutenir l'enquête de la CPI sur la situation en Palestine en protégeant son personnel, en s'opposant aux sanctions, en augmentant le soutien financier et en faisant pression sur Israël pour qu'il permette au personnel de la CPI d'accéder à la Palestine pour mener des enquêtes indépendantes ;
• Si cela n'a pas encore été fait, saisir la CPI au sujet de la situation en Palestine, en mettant l'accent sur les crimes d'apartheid, de génocide et les crimes liés à l'occupation illégale.
• Soutenez les actions intentées contre Israël devant la CIJ par l'Afrique du Sud pour génocide, et par le Nicaragua contre l'Allemagne pour complicité, notamment en déposant une déclaration d'intervention en vertu de l'article 63 du Statut de la Cour.
• Rejoindre le Groupe de La Haye, qui s'aligne sur les États du Sud global pour faire progresser les mesures de responsabilisation en soutien à l'autodétermination du peuple palestinien.
• Exiger que l'Assemblée générale des Nations unies reconstitue le Comité spécial des Nations unies contre l'apartheid et le Centre des Nations unies contre l'apartheid, afin de mettre fin à l'apartheid israélien.
• Exiger que l'Assemblée générale des Nations unies suspende l'adhésion d'Israël pour violation de ses conditions d'adhésion, notamment le non-respect de la résolution 194 – la situation étant aggravée par ses violations systématiques et ses attaques contre les principes et les institutions des Nations unies ;
• Soutenir le mandat de la Commission internationale indépendante d'enquête sur les territoires palestiniens occupés et Israël, notamment en faisant pression sur Israël pour qu'il permette l'accès à la Palestine pour la conduite d'enquêtes indépendantes.
Cette conférence est une occasion cruciale de dépasser les cadres défaillants et d'adopter des mesures significatives qui ouvriront la voie à la résolution de la « Question de Palestine » par des actions fondées sur les principes du droit international. En tant que société civile palestinienne, nous parlons d'une seule voix : toute avancée vers l'exercice du droit à l'autodétermination du peuple palestinien passe par la mise en accusation des structures de domination coloniale et par leur démantèlement.
Liste des signataires (35 organisations) :
Palestinian BDS National Committee
The Palestine Institute for Public Diplomacy (PIPD)
Al-Haq
Al-Haq Europe
The Civic Coalition for Palestinians Right in Jerusalem
Applied Research Institute - Jerusalem (ARIJ)
Union of Agricultural Work Committees (UAWC)
Filastiniyat
Bisan Center for Research and Development
Visualizing Palestine
The Social Development Committee (SDC)
The Community Action Center at Al-Quds University
Law for Palestine
MUSAWA - Palestinian Centre for the Independence of the Judiciary and the Legal Profession
Beitna - Palestinian Collective in Belgium
QADER for Community Development
British Palestinian Committee
Women's Studies Centre
The Palestinian Initiative for the Promotion of Global Dialogue and Democracy- MIFTAH
Palestinian Youth Association for Leadership and Rights Activation
Center for Refugee Rights - Aidoun
Defense for Children International- Palestine
Palestinian Working Woman Society for Development-PWWS
The Palestinian Center for the Missing and Forcibly Disappeared (PCMFD)
AMAN Coalition
Palestinian Grassroots Anti-Apartheid Wall Campaign (Stop the Wall)
The Palestine New Federation of Trade Unions
BuildPalestine
Adalah Justice Project
Urgence Palestine
The International Commission for Supporting the Rights of the Palestinian People “Hashd”
Friends of Palestinian Medical Relief Society (PMRS)
Social Developmental Forum (SDF)
The Psychosocial Counseling Center for Women
US Campaign for Palestinian Rights (USCPR)
Rihannah Society, al-Azzeh Refugee Camp
Alrowwad Cultural & ; Arts Society
Reviving Gaza
Gaza Families Reunited
UK Gaza Community
Makan Rights
Sabeel - Ecumenical Liberation Theology Center
Signataires internationaux :
South African BDS Coalition
Palestine Solidarity Alliance, South Africa
Housing and Land Rights Network - Habitat International Coalition
Legal Forum for Kashmir
Pal Commission on War Crimes, Justice, Reparations, and Return
Arab Women Organization of Jordan
International Peace Bureau (IPB)
SERAPAZ (Mexico)
Jenin Freedom Cinema Club California
International Fellowship of Reconciliation (IFOR)
Red Eclesial Justicia y Paz en la Patria Grande (ALyC)
CBJP Comissão Brasileira Justiça e Paz
Llegó la Hora de los Pueblos, Colectivo de Apoyo al CNI CIG – EZLN
Friends of Sabeel North America (FOSNA)
Comisión de Justicia, Paz e Integridad de la Creación
Solidarity 2020 and Beyond
Cuidadores de la Casa Común
Hijas e Hijos por la Identidad y la Justicia contra el Olvido y el Silencio H.I.J.O.S., (Guatemala)
Park Avenue Baptist Church
World BEYOND War
GPPAC Pacific
Global Exchange
The Palestinian Solidarity Organisation (PSO) at Mandela University
Movimiento Franciscano Justicia, Paz e Integridad de la Creación
Mesa Ecuménica por la Paz - MEP -
Coalición de Movimientos y Organizaciones Sociales de Colombia - COMOSOC -
FabLanka Foundation
Australia Palestine Advocacy Network
Muslim Peace Fellowship
Community Media Network
Observatorio Latinoamericano de Geopolitica
Global Solidarity Coalition for Peace in Palestine
STOP the War Coalition Philippines
Palestinian-Canadian Academics and Artists Network
Programa Latinoamericano y Caribeño de tierras y agua
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