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Un colloque révisant la stratégie éolienne du Québec

17 juin, par Climat Québec — , ,
Trois-Rivières, mercredi le 11 juin juin 2025 – Alors que la pénurie d'électricité annoncée par Hydro-Québec s'effrite à vue d'œil, en grande partie à cause de l'abandon de (…)

Trois-Rivières, mercredi le 11 juin juin 2025 – Alors que la pénurie d'électricité annoncée par Hydro-Québec s'effrite à vue d'œil, en grande partie à cause de l'abandon de projets industriels énormément énergivores, la direction d'Hydro-Québec s'obstine à foncer tête baissée dans la construction de parcs éoliens démesurés.

Des experts et citoyens réclament un développement démocratique et transparent

Rappelons que ces nouvelles éoliennes prévues en Mauricie comme dans plusieurs autres régions du Québec mesureront plus de 200 m de haut, soit deux fois la hauteur du pont Laviolette à Trois-Rivières, et pourraient atteindre jusqu'à 40 unités dans un seul village.

Un colloque d'envergure intitulé « Repenser l'éolien au Québec », réunira experts, élus et citoyens le 14 juin prochain au cégep de Trois-Rivières, visera justement à remettre en question la gouvernance énergétique actuelle et à proposer une vision lucide, ancrée dans l'intérêt public.

Les 10 000 MW prévus, soit environ 1 500 mégaéoliennes imposées aux communautés, n'ont plus aucune justification. La stratégie précipitée du gouvernement Legault et de Michael Sabia, fondée sur une pénurie désormais remise en question, est mise à nu. Puisque tout le développement éolien repose sur cette fausse prémisse, il est urgent d'instaurer un moratoire tant que la lumière n'aura pas été faite sur les besoins réels du Québec.

Ce moratoire, c'est ce que demandait déjà en conférence de presse, le 29 janvier 2025, une large coalition citoyenne : 25 comités citoyens éoliens, dans presque autant de MRC, en plus de groupes syndicaux, de chercheurs, et de deux partis politiques. Cette pause servirait à instaurer une démarche cohérente profitant au bien commun et non à des intérêts particuliers. Aux termes d'un débat public et d'un BAPE générique sur l'éolien, il serait alors possible d'orienter ce développement en fonction des recommandations d'experts, des populations visées et de différents groupes de la société civile, et non pas seulement pour servir un programme politique affairiste.

Il est urgent de rectifier le tir alors que l'approche actuelle laisse fuir des milliards de profits vers le secteur privé et les paradis fiscaux, qui va se traduire immanquablement en une augmentation importante du coût de l'électricité pour les consommateurs et les PME.

« Ce qu'on veut pour le Québec, c'est un développement éolien justifié, cohérent, démocratique, public, transparent et respectueux du territoire et de ses habitants », déclare Janie Vachon-Robillard, porte-parole du collectif Pour un choix éclairé dans Nicolet-Yamaska et co-organisatrice de l'événement.

« Nous assistons à l'accélération de la privatisation de l'énergie éolienne. Les citoyens ruraux subissent les impacts tandis que de précieuses forêts et terres agricoles sont sacrifiées. Les profits enrichissent seulement quelques actionnaires au lieu de bénéficier à toute la société québécoise à travers Hydro-Québec », souligne Louise Morand, coordonnatrice au Regroupement vigilance énergie Québec (RVEQ).

Trois tables rondes d'experts

L'événement réunira 12 panélistes répartis en trois tables rondes thématiques animées par des spécialistes reconnus :

Choix énergétiques – Justice et durabilité

Municipalités – Démocratie – Acceptabilité sociale

Agriculture – Forêt – Santé

Le colloque sera également marqué par le lancement d'un numéro spécial sur l'éolien de la prestigieuse revue L'Action Nationale.

« Les questions sont nombreuses et légitimes : combien d'hectares de terres agricoles seront sacrifiés ? Quels sont les impacts sur la santé animale et humaine ? Quelles sont les alternatives aux projets en cours ? », énumère Rachel Fahlman, conseillère municipale à Saint-Zéphirin-de-Courval et présidente de Vent d'élus.

« L'absence de consultation publique mine la cohésion sociale. Les Québécois méritent d'être consultés sur des décisions qui transformeront leur territoire pour les décennies à venir », affirme Carole Neill, porte-parole du collectif Toujours Maître chez nous.

Détails pratiques

Quoi : Colloque « Repenser l'éolien au Québec »
Quand : 14 juin 2025, 9h à 17h
Où : Cégep de Trois-Rivières, Pavillon des Humanités, local HC-1000
Inscription :https://rveq.ca/colloque

Organisé par le Regroupement vigilance énergie Québec

En collaboration avec : Vent d'élus, Toujours Maître chez Nous, Pour un choix éclairé dans Nicolet-Yamaska, Climat Québec, L'action Nationale et le Syndicat canadien de la fonction publique Québec

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Gaza : quand les mots occultent la réalité

Dans le conflit israélo-palestinien, il est des habitus rhétoriques médiatiques et politiques à déconstruire. Les mots qui occultent la réalité, comme le silence, sont un choix (…)

Dans le conflit israélo-palestinien, il est des habitus rhétoriques médiatiques et politiques à déconstruire. Les mots qui occultent la réalité, comme le silence, sont un choix – et une arme qui tue aussi sûrement que les bombes.

Tiré du blogue de l'autrice.

Quand les mots occultent la réalité

Dans le conflit israélo-palestinien, il est des habitus rhétoriques médiatiques et politiques à déconstruire. Au-delà des sempiternels « Israéliens sauvagement assassinés par des terroristes » et des « Palestiniens morts dans des heurts avec l'armée », où la déshumanisation est flagrante, il y a une inversion lexicale tenace qui mérite d'être examinée.

En effet, à force de convoquer des termes aussi lourds de sens que « extermination », « combat existentiel », « isolement », ou encore « non-reconnaissance » au sujet d'Israël, il devient impératif de confronter ces mots à la réalité, non pas celle projetée dans les discours officiels ou les intentions supposées, mais celle qui s'impose dans les faits chaque jour sur le terrain, dans les chiffres, dans les corps.

L'extermination : du fantasme idéologique au fait concret

L'invocation d'une volonté d'extermination du peuple israélien, notamment attribuée au Hamas, appelle une mise au point. Le Hamas est une organisation autoritaire, radicale et classée terroriste par l'Union européenne, les États-Unis, le Canada et d'autres. L'attaque du 7 octobre 2023 en constitue une illustration tragique.

Il est nécessaire de rappeler que ces attaques ne ciblaient pas des Juifs parce que Juifs, mais des Israéliens à proximité de l'enclave sous blocus depuis 17 ans parce qu'Israéliens et donc considérés comme appartenant à la puissance occupante. D'ailleurs des victimes non juives ont été recensées. Il n'en reste pas moins que ces attaques relèvent d'un mode opératoire terroriste et qu'à ce titre elles doivent être condamnées. Pourtant, en dépit de sa violence, ce mouvement ne possède ni la puissance militaire, ni les capacités logistiques pour anéantir un État souverain doté de l'un des arsenaux les plus sophistiqués au monde.

À l'inverse, sous nos yeux, c'est bien le peuple palestinien qui subit aujourd'hui une dynamique d'effacement méthodique : physique, démographique, territorial. Selon les Nations Unies, plus de 52 000 Palestiniens ont été tués à Gaza depuis octobre 2023. The Lancet, publication scientifique de référence, dont la méthodologie et la rigueur sont internationalement reconnues, estime que ce chiffre est sous-évalué de 40%.

À l'échelle d'un territoire aussi exigu que la bande de Gaza, ce bilan constitue un fait historique d'une gravité exceptionnelle. S'y ajoutent des dizaines de milliers de blessés et une multitude de morts indirectes, causées par l'absence de soins, de médicaments, de nourriture ou d'eau potable. Le PAM, l'UNICEF et l'OCHA alertent sur une famine généralisée et une malnutrition aiguë frappant massivement les enfants. Cette hécatombe n'est pas un dommage collatéral.

Elle résulte d'une stratégie militaire ciblant délibérément les infrastructures civiles, les hôpitaux, les écoles, les camps de réfugiés. Le Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme parle ouvertement d'une punition collective, en violation flagrante des Conventions de Genève.

En Cisjordanie, les colons armés par des membres du gouvernement israélien et soutenus par l'armée israélienne sur le terrain orchestrent des expulsions violentes de camps et de villages. Ces forces d'occupation perpétuent une colonisation agressive, un harcèlement administratif, judiciaire et militaire incessant, au mépris du droit international et dans une impunité totale. Le quotidien des Palestiniens y devient invivable.

La bataille existentielle : qui disparaît vraiment ?

L'expression « combat existentiel » revient régulièrement dans les discours israéliens, mais à la lumière des faits, on peut se demander qui mène réellement une lutte pour sa survie ? Israël est une puissance régionale majeure, alliée stratégique des États-Unis, dotée de l'arme nucléaire et d'une armée des plus performantes au monde. Aucun acteur régional ne dispose aujourd'hui des moyens de remettre en cause son existence, pas même l'Iran dont les missiles balistiques n'ont causé aucun dommage en Israël.

À l'inverse, les Palestiniens, eux, sont littéralement menacés de disparition. Le peuple se disloque, le territoire est morcelé, l'économie est asphyxiée et l'avenir politique confisqué. À Gaza comme en Cisjordanie, c'est l'existence biologique collective des Palestiniens qui est en péril, et ce n'est pas une menace symbolique ni fantasmée.

L'isolement : un renversement trompeur

L'idée selon laquelle Israël serait isolé sur la scène internationale relève d'une inversion discursive majeure. En réalité, Israël bénéficie d'un appui stratégique, diplomatique et financier sans équivalent. Le pays reçoit chaque année plusieurs milliards de dollars d'aide militaire américaine, entretient des relations commerciales solides avec l'Union européenne, première zone économique mondiale, et multiplie les partenariats sécuritaires et énergétiques avec des puissances émergentes. Plusieurs Etats arabes se sont même déjà engagés dans une normalisation diplomatique.

Israël n'a d'ennemis que ses voisins menacés par ses velléités expansionnistes, pas ceux dont il ne menace pas l'intégrité territoriale. À l'inverse les Palestiniens vivent dans un isolement presqu'absolu : Gaza subit un blocus total depuis plus de dix-sept ans, sans accès libre à la mer, à l'espace aérien, à l'importation d'équipements essentiels.

La Cisjordanie est morcelée par le Mur, militairement occupée et économiquement dépendante. Dans les territoires palestiniens, l'Autorité palestinienne ne contrôle ni les frontières, ni l'état civil, ni la monnaie. La voix politique palestinienne, marginalisée, ne trouve d'écho que dans des rapports d'ONG ou les couloirs de l'ONU.

La reconnaissance d'Israël : une formule creuse

L'injonction à reconnaître Israël est devenue une formule politique sans substance, voire une arme rhétorique. L'existence d'un pays qui dispose d'un siège aux Nations Unies est-elle réellement questionnable ? Aucun pays d'envergure ne nie l'existence d'Israël. L'Initiative de paix arabe de 2002 proposait une reconnaissance diplomatique pleine et entière (donc de nouer des relations diplomatiques) en échange d'un retrait israélien dans les frontières de 1967, conformément aux résolutions de l'ONU.

Or Israël entretient sciemment un flou autour de ses frontières : Jérusalem-Est, la Cisjordanie, le Golan restent annexés ou colonisés, sans cadre légal reconnu. Dès lors, parler de « non-reconnaissance » est une diversion rhétorique masquant le refus israélien de se soumettre au droit international.

À l'inverse, l'OLP a reconnu Israël dès 1988 puis avec les Accords d'Oslo en 1993. Mais Israël n'a jamais reconnu d'Etat palestinien, tout en rendant sa viabilité impossible par la colonisation continue et le morcellement de son territoire. Conditionner aujourd'hui, comme le fait le Président français, la reconnaissance de l'Etat palestinien à des exigences irréalistes revient à ajouter à la punition collective militaire, une punition collective politique qui fait porter à la population palestinienne la responsabilité de se débarrasser d'une faction armée minoritaire qu'est le Hamas et conforte le gouvernement israélien extrémiste dans son objectif d'assimiler tous les Palestiniens à des terroristes pour ne jamais avoir à reconnaître la Palestine.

Terrorisme et extrémisme : un miroir déformant

Le Hamas est un mouvement dont l'idéologie islamiste radicale est avérée. Il est né en 1987 dans la bande de Gaza, en opposition au Fatah de Yasser Arafat, et avec le soutien d'Israël1 soucieux de diviser l'OLP puis d'affaiblir l'Autorité palestinienne. Ce parti a pris le pouvoir à Gaza en 2007 au lendemain des élections législatives de 2006, mais sa gestion brutale et sa corruption ouverte l'a rendu impopulaire et largement contesté (par ex. la Marche du retour en 2018-2019 et encore des manifestations jusqu'à très récemment).

Aucune élection n'a eu lieu dans les territoires palestiniens de Gaza ou de Cisjordanie depuis 2006 donc la majorité de la population n'a jamais voté (en 2006, 60% de la population de Gaza avait moins de 18 ans ; en 2023, plus de 50% des 2,1 millions de Gazaouis avaient moins de 20 ans) et le Hamas n'a jamais dirigé la Cisjordanie où vivent plus de 3 millions de Palestiniens. Ce mouvement est donc minoritaire dans l'architecture institutionnelle palestinienne. La dénonciation du Hamas et de ses actes terroristes est fondée en droit, d'ailleurs, il figure toujours sur les listes noires.

À l'inverse, en Israël, l'extrémisme n'est pas un danger marginal, il est institutionnalisé. Les extrémistes ne sont pas dans l'opposition, ils sont au pouvoir. Les figures messianiques, xénophobes, homophobes, suprémacistes, issues de la mouvance kahaniste – autrefois interdite en Israël –, comme Itamar Ben Gvir ou Bezalel Smotrich, siègent aujourd'hui au gouvernement et dirigent des ministères clés.

Ils ont été élus démocratiquement. Et ce vote populaire est assumé puisqu'encore 82% de la population juive israélienne soutient la politique suprémaciste et le projet de nettoyage ethnique des territoires palestiniens2. Ces ministres extrémistes israéliens sont reçus à Bruxelles, à Washington, à Londres, à Paris. Ils signent des accords, posent pour des photos officielles. Ils sont armés, financés par les plus grandes puissances du monde et bénéficient de l'impunité diplomatique que confère la puissance.

Dès lors, une question fondamentale se pose : lequel des deux régimes exprime le mieux l'état réel de son opinion publique ? Un mouvement extrémiste palestinien qui a confisqué le pouvoir par les armes depuis 2006, ou un gouvernement israélien qui incarne fidèlement le choix de la majorité des électeurs ?

Et que signifie ce basculement de la majorité israélienne vers des partis prônant ouvertement l'annexion, le transfert de population, et la supériorité ethnico-religieuse ? Cette radicalisation démocratiquement validée, mériterait une attention au moins équivalente à celle accordée au Hamas. A défaut, le double standard constitue une faute politique, mais aussi une compromission morale historique.

Sortir de la fiction symétrique

Il ne s'agit pas ici de relativiser les crimes de l'un par ceux de l'autre. Il s'agit de voir que l'asymétrie est totale : militaire, diplomatique, narrative, humaine. Ceux qui meurent ne sont pas ceux que l'on dit. Ceux qui disparaissent ne sont pas ceux que l'on craint. Ceux qui résistent sont criminalisés. Ceux qui dominent sont légitimés.

Cette inversion du réel devient ici l'arme la plus efficace de l'impunité. Elle anesthésie les consciences et dévoie les mots. Pourtant la responsabilité intellectuelle demeure : regarder en face, c'est déjà refuser la complicité. L'Histoire jugera. Mais en attendant, les mots qui occultent la réalité, comme le silence, sont un choix – et une arme qui tue aussi sûrement que les bombes.

Notes

1- Tal Schneider, “For years Netanyahu propped up Hamas…”, Times of Israel, 08.10.2023 ; Nitzan Horowitz, “Netanyahou a explicitement
renforcé le Hamas”, Le Grand Continent, 11.10.2023.
2 Shay Hazkani, Tamir Sorek, “Yes to Transfer : 82% of Jewish Israelis Back Expelling Gazans”, Haaretz, 28.05.2025.

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Hydro-Québec attaqué !

17 juin, par Sébastien Bois — ,
La CAQ sombre de plus en plus dans une forme de duplessisme. Elle s'acoquine avec les classes dirigeantes économiques actuelles, nous tient des propos populistes et ce, au (…)

La CAQ sombre de plus en plus dans une forme de duplessisme. Elle s'acoquine avec les classes dirigeantes économiques actuelles, nous tient des propos populistes et ce, au détriment
de la collectivité.

Chers citoyen(ne)s et représentant(e)s de notre belle démocratie.

Je vous interpelle du fond du cœur, face au récent bâillon du gouvernement, concernant Hydro-Québec et leur transition énergétique (PL69). Le geste posé est une attaque frontale à nos droits sociaux ; tant au niveau démocratique, économique, qu'écologique. À la suite du bâillon, j'ai ressenti une véritable claque identitaire et une désappropriation de notre joyau national qu'est Hydro-Québec. La CAQ sombre de plus en plus dans une forme de duplessisme. Elle s'acoquine avec les classes dirigeantes économiques actuelles, nous tient des propos populistes et ce, au détriment
de la collectivité. Je ne m'attends pas à des excuses de ce gouvernement, pas plus qu'il ne recule en fin de mandat… Mais *ce bâillon peut et doit être contesté considérant son **atteinte à la démocratie, à **l'absence de
justification et au risque de manipulation*.

Le « nationalisme économique » prôné par l'actuel gouvernement est plutôt une vieille recette régressive de capitalisme sauvage guidée par l'État. Je viens de Shawinigan et dans notre région, un énorme chantier d'éolienne privée est en cours. Je ne suis pas contre les éoliennes et je ne suis pas la famille Chrétien, l'obscure et puissante firme étatsunienne Halliburton et les stratégies d'insertion sociale, m'inquiètent au plus haut point. Le mégaprojet de TES Canada, au-delà des nombreux impacts socioécologiques, détourne notre attention sur les avantages de ces empires de devenir
d'importants distributeurs d'électricité privée. Avec ce projet de loi, ils ont le vent dans les voiles pour enfoncer le clou de la privatisation et contribuer au démantèlement de notre force collective qu'est Hydro-Québec.

La CAQ mène une attaque en règle contre le bien commun et nous musèle. J'ai le devoir de me battre avec amour et colère contre l'usurpation de Nos droits, le vol de nos ressources et la destruction de notre habitat. Je refuse d'être colonisé davantage. Je vous invite à joindre votre voix et vos actions pour faire reculer ce gouvernement. J'implore la majorité des acteurs de la société civile et les élu(e)s qui ne sont pas sous la domination caquiste ou impérialiste, à se défendre et à contester le bâillon.

*Sébastien Bois,*
*Citoyen de Shawinigan*

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Environnement : Les défis de la conscientisation

17 juin, par Bruno Marquis —
Notre principal espoir de changer la donne en matière d'environnement, chez nous et ailleurs dans le monde, passe par la conscientisation des populations. Et cette (…)

Notre principal espoir de changer la donne en matière d'environnement, chez nous et ailleurs dans le monde, passe par la conscientisation des populations. Et cette conscientisation passe à son tour par une presse libre, entièrement affranchie des intérêts privés, comme je l'ai déjà souligné, pour redonner aux questions environnementales et aux défis que posent les changements climatiques la priorité absolue dans le traitement et l'analyse de l'information.

(Ce texte a d'abord été publié dans l'édition de juin du journal Ski-se-Dit.)

Plusieurs intellectuels et militants relèvent ces temps-ci l'intérêt que l'on porte dans les médias à une foule de sujets secondaires au détriment du génocide en cours à Gaza. C'est bien sûr tout à fait déplorable ! Et il en est de même depuis des décennies pour ce qui est du réchauffement de la planète et de l'environnement en général auquel on accorde, somme toute, très peu de place dans les médias. Comme le soulignent pourtant depuis plus de vingt ans les plus éminents climatologues et scientifiques, « l'avenir de l'humanité est en jeu ».

Le principal obstacle

Nous vivons dans des sociétés où la presse écrite et électronique et les médias sociaux sont dominés par le monde des affaires et de vastes conglomérats qui en sont bien souvent d'ailleurs les propriétaires. Quand ces moyens de communication ne sont pas directement la propriété des forces de l'argent, ce qui n'est manifestement pas souvent le cas, ils sont alors soumis indirectement aux contraintes imposées par la publicité, les grands annonceurs ne permettant pas que l'on fasse la promotion de valeurs et de mesures qui puissent nuire au développement de leurs produits et services.

On peut bien sûr aborder les questions d'environnement et les questions sociales dans nos médias, mais alors de façon secondaire, dans les marges en quelque sorte, comme une quelconque soupape de sécurité, perdues dans le fouillis des communications de toutes sortes, à travers des petits et grands scandales, des questions d'argent, des accidents de la route, des faits divers, des potins et des sports. Quant aux médias sociaux, ils sont entre les mains d'intérêts financiers et de propriétaires très à droite sur le plan politique et ont en grande partie sombré dans le mensonge et la désinformation.

Nous avons évité le pire, lors des dernières élections fédérales, en ne portant pas au pouvoir le Parti conservateur du Canada, parti qui s'était engagé à démanteler progressivement notre diffuseur public Radio-Canada/CBC. Il n'est pas difficile de mesurer l'ampleur de ce qu'aurait été cette perte en matière d'indépendance journalistique et de qualité des informations et des analyses. Parce qu'il est essentiel que notre réseau public d'information radio et télévision qu'est Radio Canada/CBC continue d'exister et, plus encore, qu'il devienne véritablement – en changeant de cap – un réseau d'information totalement indépendant des intérêts privés et financiers.

Comme je l'ai mentionné dans ma précédente chronique sur l'environnement, nous devrons lui fournir ces moyens d'action en lui assurant un financement adéquat qui lui permette d'assurer cette pleine indépendance et donc, tant sur le plan journalistique que culturel, en interdisant toute forme de publicité privée et même partiellement privée sur son réseau de stations de radio et de télévision. Une information de grande qualité et indépendante des contraintes imposées par le secteur privé est fondamentale pour redonner aux questions sociales et environnementales l'importance qu'elles méritent. Nous pouvons le faire ! D'autres pays le font aussi !

Seule une presse indépendante devrait d'ailleurs pouvoir profiter directement et indirectement de l'aide gouvernementale si nous voulons bâtir une presse écrite et électronique libre et en mesure d'accorder aux questions environnementales et sociales la place primordiale qui leur revient. Je songe ici aux journaux communautaires et à tous les journaux d'idée sans buts lucratifs qui ne bénéficient pas du soutien financier - même sporadique - d'entreprises ou de mécénats. L'argent est disponible. Il suffirait entre autres, dans un premier temps, de taxer les géants du Web et de les bien réglementer. De faire de même, dans un deuxième temps, avec les grandes institutions financières et grandes entreprises qui engrangent chaque année d'indécents profits. Et dans le même ordre d'idée, de permettre et de soutenir la mise en place de médias sociaux entièrement publics, peut-être comme composante de Radio-Canada/CBC, réseaux qui appartiendraient à l'ensemble de la population, plutôt qu'à de riches entreprises américaines qui nous manipulent et nous désinforment plus qu'autre chose avec leurs détestables algorithmes.

Le politique suivra

« C'est énoncer une vérité désormais banale que de dire que ce sont les idées qui mènent le monde » écrivait Ernest Renan dans « L'avenir de la science » en 1848. Si banale qu'elle soit, cette vérité est cependant trop oubliée de nos jours, avec la mainmise graduelle des entreprises privées et conglomérats sur le monde des médias et de la culture au cours du dernier siècle. Parce que le capitalisme, appelons-le par son nom, ne détruit pas seulement notre environnement, la vie de foules et de foules d'individus sur terre, d'animaux et de plantes ; il pervertit et détruit aussi le monde des idées, des communications, des médias, qui nous permettraient de mener le monde… vers la justice sociale, l'égalité et un environnement sain pour l'avenir de l'humanité, et de la faune et de la flore.

Parce que ce dont tous les médias devraient parler, en priorité, à la une, en début de bulletins de nouvelles, quotidiennement, régulièrement, de façon encourageante dans la mesure du possible, c'est d'environnement, de décroissance, de justice sociale, d'égalités réelles. Le politique, dans une société représentative comme la nôtre et même dans d'autres formes d'organisation finirait par suivre la poussée populaire en faveur de réels changements.
L'information essentielle, celle qui porte sur la protection de notre environnement, la nécessaire décroissance, la justice sociale et l'égalité entre les êtres doit commencer à occuper toute la place, sinon presque toute la place, dans nos nouvelles, nos analyses et même nos loisirs et nos activités culturelles.

En matière de défense et de protection de l'environnement en particulier, il n'y a pas de demi-mesures. Un changement de cap s'impose ! Nous ne pouvons continuer à tergiverser avec des engagements de réduction des gaz à effet de serre jamais tenus de la part d'oligarchies uniquement soucieuses de la croissance sans fin du capital. Ni de mesures de substitutions, toujours ancrées dans un monde en perpétuelle croissance, elles aussi, comme le passage de formes d'énergie plus polluantes à des formes d'énergies moins polluantes ou supposées telles.

Pour finir

J'aimerais terminer cette chronique d'abord en soulignant l'importance de la présence de journaux communautaires ou indépendants comme le journal Ski-se-Dit pour contribuer à de tels changements, journaux dont la survie financière n'est jamais assurée, qui survivent contre vents et marées, en nous assurant chaque mois une présence médiatique proche de nos réalités quotidiennes. Je suis d'ailleurs très reconnaissant à la direction de ce journal de me permettre de m'y exprimer avec cette liberté de parole qui n'est pas toujours admise, quoi qu'on en pense, sans jamais tenter, à aucun moment, d'en réduire la portée.

J'aimerais aussi profiter de cette précieuse tribune pour vous suggérer quelques ouvrages sur l'environnement et des sujets qui y sont liés de près dans notre lutte pour un monde meilleur :

(Je tiens à commencer par l'essai le plus connu de Serge Mongeau, le père de la simplicité volontaire, qui nous a quittés au cours du dernier mois.)

La simplicité volontaire – Serge Mongeau – Écosociété.
Aux origines de la décroissance – Cédric Biagini, David Murray, Pierre Thiesset et plusieurs autres – Écosociété.
Le plastique est mort, vive le bioplastique ! – Paul Lavallée – Écosociété.
L'Entraide, l'autre loi de la jungle – Pablo Servigne et Gauthier Chapelle – Éditions Les liens qui libèrent.
Tenir tête aux géants du web – Alain Sauliner – Écosociété.
Sens dessus dessous - Eduardo Galeano (traduit de l'espagnol) – Lux Éditeur

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Monde arabe. Quelle culture dans un espace politique contraint ?

Comment mener une réflexion sur la production culturelle dans le monde arabe tout en tenant compte du contexte politique ? Car la culture n'est pas seulement le miroir du réel (…)

Comment mener une réflexion sur la production culturelle dans le monde arabe tout en tenant compte du contexte politique ? Car la culture n'est pas seulement le miroir du réel : elle agit dessus, tout en étant elle-même impactée par ses bouleversements. Au cours de la dernière décennie, le durcissement de la vie politique et le rétrécissement continu de l'espace public observés dans plusieurs pays du Maghreb et du Proche-Orient ont eu une incidence directe et indirecte sur le secteur culturel : restrictions budgétaires, fermeture des lieux dédiés, censure ouverte ou déguisée, coupure progressive avec le public…

Tiré d'Orient XXI.

Entre mémoire, témoignage et résistance

Pour autant, la situation diffère selon les pays. Ainsi, en Jordanie, l'affaiblissement de la scène théâtrale s'explique autant par la marginalisation de la culture dans les politiques publiques que par la répression politique. En Tunisie, certaines formes d'expression tentent d'investir un espace alternatif à la suite de la fermeture des espaces officiels. Tandis qu'en Égypte, la répression institutionnelle qui s'abat sur la culture indépendante n'a pas réussi à empêcher l'émergence de la littérature carcérale comme acte de mémoire et de résistance individuelle. Pour survivre à la guerre et à l'effondrement de leur pays, les écrivains yéménites se réfugient pour leur part dans la littérature, alors qu'en Algérie la culture prospecte de nouveaux espaces – numériques, mais aussi physiques, comme les cafés littéraires – pour permettre la circulation des idées, loin de la censure. Au Liban, le centralisme culturel vole en éclats, grâce à des initiatives qui s'attachent – notamment depuis l'agression israélienne de 2024 – à élargir l'identité collective en restaurant le lien entre le fait culturel et l'appartenance locale.

Et comment ne pas s'arrêter sur le cas de la Palestine, où le génocide en cours à Gaza nous place devant une question fondamentale : quelle signification peut encore avoir l'acte d'écrire, de peindre ou d'exposer alors que des villes sont dévastées et des familles entières, anéanties ? Dans une telle situation, l'œuvre artistique constitue à la fois un témoignage et un acte salvateur : ainsi des installations présentées lors de la dernière biennale de Charjah, aux Émirats arabes unis, qui ont donné à voir des fragments de corps, des décombres et une mémoire disloquée. Le moment n'est pas seulement celui d'une production culturelle, mais aussi celui de l'interrogation sur l'utilité de l'art et sa capacité à exprimer une résistance face à l'anéantissement.

Dans ce nouveau dossier du Réseau des médias indépendants sur le monde arabe, nous verrons comment la culture s'adapte au rétrécissement du champ politique et à son verrouillage en ouvrant un espace alternatif. Mais aussi comment les restrictions laissent de profondes empreintes, et comment la fiction peut devenir un moyen d'appréhender l'impasse. Seront également posées des questions fondamentales : comment maintenir vivante la culture là où la vie publique est vidée de son sens ? L'écriture, la chanson ou la peinture sont-elles des expressions à même de restituer aux populations ce dont elles ont été dépouillées ?

Diversité des expériences

Nous constaterons dans ce dossier la diversité des expériences. Ainsi, en Tunisie, les stades de football apparaissent comme le dernier espace public où la contestation collective est tolérée. Selon le blog Nawaat, constitué de dissidents tunisiens proposant un espace de débat, les groupes d'ultras y sont une force politique et culturelle qui relaie la colère sociale et livre une bataille quotidienne contre la censure et la répression par le biais des chants, des slogans et des tifos. Depuis les gradins des stades jusque sur les murs des villes, l'art du tag a explosé dans la foulée de la révolution tunisienne en 2011, avant de reculer avec le retour de la répression policière et du contrôle de l'espace public. Cette forme de contestation perdurera-t-elle face aux menaces de bâillonnement ?

En Jordanie, la situation est différente : si le théâtre n'y est pas directement en butte à la répression, il se retrouve de fait exclu des politiques culturelles qui ne l'inscrivent pas parmi leurs priorités, déplore le webmédia indépendant jordanien 7iber. On assiste ainsi à l'érosion continue d'un secteur qui perd à la fois ses subventions et son public, tandis que des grand-messes officielles viennent cacher la misère culturelle. Ici, la parole n'est pas étouffée, on la laisse simplement s'éteindre en silence.

Au Liban, Mashallah News nous emmène dans une Tripoli longtemps négligée, où le centre culturel Rumman tente de briser le centralisme beyrouthin. Ouvert dans la foulée du soulèvement d'octobre 2019, cet espace d'expression et de rassemblement a pris une nouvelle dimension après l'explosion du port de Beyrouth, le 4 août 2020. Durant l'agression israélienne contre Gaza et le Sud-Liban en 2024, le lieu a entrepris de faire le lien entre expression culturelle et colère politique. Rumman ne se présente plus uniquement comme une tribune artistique, mais comme un espace où est repensé le rapport de la culture à la société.

En Algérie, où sévit toujours une censure féroce, certains tentent d'instaurer des espaces indépendants de débat et de création. Le portail d'information algérien Maghreb émergent, ouvert en 2010, plusieurs fois censuré, nous explique comment le numérique permet de redéfinir la relation entre les artistes et le public et de promouvoir une culture critique libérée du discours officiel.

Malgré la répression institutionnelle qui frappe la culture égyptienne depuis 2013, l'écriture continue de sourdre des murs : littérature carcérale, tribunes numériques alternatives et projets cinématographiques, selon le média panarabe Assafir Al-Arabi, né en 2012 comme supplément au quotidien libanais de gauche As-Safir avant de continuer en version numérique à la disparition de celui-ci en 2016. Le site documente une réalité qui, à défaut d'être changée, sera du moins sauvée de l'oubli. De l'écriture comme acte de résistance à l'écriture comme tentative d'appréhender la perte : dans un Yémen ravagé par la guerre et son cortège de tragédies, les écrivains privilégient le roman à la poésie, comme si la fiction restait le seul langage possible, constate Orient XXI. En plein essor depuis quelques années, ce genre littéraire apparaît aujourd'hui comme un moyen de conjurer le chaos au sein d'une réalité devenue inintelligible.

Mais c'est en Palestine que la question se pose avec le plus d'acuité. Au moment où des villes sont rayées de la carte et des familles entières, massacrées, l'art se fait à la fois témoignage et cri de détresse, relève le site web d'information égyptien Mada Masr. À la biennale de Charjah, où les participants gazaouis exposent des œuvres porteuses de mémoire, d'affliction et de résistance, l'art se présente comme ultime acte de salut.

Depuis l'Italie, enfin, le site culturel Babelmed.net relaie la voix des artistes de hip-hop d'origine arabe, qui expriment leurs revendications identitaires à travers la musique. Refusant d'être réduits à un statut de migrants, c'est dans leur dialecte qu'ils chantent leurs épreuves afin de s'affirmer dans une société qui ne les reconnaît pas totalement. La culture est ici un instrument d'affirmation par-delà les frontières géographiques.


Ce dossier a été réalisé dans le cadre des activités du réseau Médias indépendants sur le monde arabe. Cette coopération régionale rassemble Assafir Al-Arabi, BabelMed, Mada Masr, Maghreb Émergent, Mashallah News, Nawaat, 7iber et Orient XXI.

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Résister par la musique : Les Suds à Arles célèbrent la culture palestinienne

En 2025, alors que les images d'une Palestine meurtrie continuent de traverser les écrans du monde, le festival des Suds, à Arles fait le choix de célébrer, dans toute sa (…)

En 2025, alors que les images d'une Palestine meurtrie continuent de traverser les écrans du monde, le festival des Suds, à Arles fait le choix de célébrer, dans toute sa beauté et sa complexité, la culture palestinienne.

Tiré du blogue de l'auteur.

« Dans le tumulte d'un monde conquis par des démons dont nous nous espérions délivrés, célébrer la 30eédition d'un festival conçu comme une ode à la diversité offre l'occasion d'affirmer qu'un autre récit est possible. Celui qui oppose à la verticalité d'une vision exclusive et excluante, l'horizontalité des droits culturels, la fécondité de l'hybridation et du dialogue entre les cultures, la force des émotions partagées. »

Stéphane Krasniewski

En 2025, alors que les images d'une Palestine meurtrie continuent de traverser les écrans du monde, le festival des Suds, à Arles fait le choix de célébrer, dans toute sa beauté et sa complexité, la culture palestinienne.

Ainsi, lundi 14 juillet, Elias Sanbar conversera avec Farouk Mardam-Bey et Edwy Plenel à l'occasion de la Rencontre Mediapart, et le festival projettera, vendredi 18 juillet, le film Mémoires de Palestine, avec Leïla Shahid comme figure centrale… avant d'applaudir le Trio Joubran venu fêter ses 20 ans sur la scène du Théâtre Antique. Ils rêvaient de n'être que des musiciens, les souffrances de leur peuple leur imposent d'en être plus que jamais les porte-drapeaux. Viscérale, leur musique témoigne, résiste, et alors que de nombreux artistes palestinien·nes sont empêché·es de se produire sur leur propre territoire, leur concert à Arles – accompagnés d'un quintet de cordes et percussions – a une résonance particulière. Leurs cordes entrelacées avaient déjà fait vibrer le cœur du public venu les écouter sur cette même scène en 2018… Et comment ne pas se souvenir du dernier récital du poète palestinien Mahmoud Darwich, le 14 juillet 2008, au Théâtre Antique, entouré de Samir et Wissam Joubran ?

Quelques heures plus tard, dans la Cour de l'Archevêché, un autre regard sur la culture palestinienne prendra vie à travers le live set d'Isam Elias, mêlant sonorités afro-orientales, beats électro et influences trap. Installé en France pour pouvoir faire entendre sa voix par la musique – « Là-bas [en Palestine], on accorde moins d'importance à l'art et à la culture. Je ne peux pas vivre de ça, ni me faire entendre si je reste » [interview Le Courrier de l'Atlas] –, il affirme l'urgence d'une expression artistique libre et politique. Sa musique reflète une jeunesse palestinienne multiple, urbaine et connectée au monde. Là où l'on parle de guerre, il insuffle la fête comme réponse. Là où l'on veut faire taire, il fait danser.

À travers ces propositions, SUDS choisit à nouveau de faire de la scène un lieu d'écoute, de mémoire, et de solidarité. Dans un paysage culturel qui a parfois tendance à l'apolitisme confortable, offrir une scène, un public, une écoute devient une responsabilité éthique pour les institutions culturelles.

Du 14 au 20 juillet 2025 à Arles, on ne viendra pas seulement écouter de la musique. On viendra honorer la force d'un peuple, la beauté d'une culture, et la puissance de l'art comme dernier bastion de liberté.

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Océans : jusqu’où faut-il en arriver pour que la situation soit prise au sérieux ?

17 juin, par Didier Gascuel, Olivier Autmont, Sara Labrousse, Xavier Capet — ,
Alors que s'achève le sommet des océans de Nice, un ensemble de chercheurs en écologie marine et océanographes dresse un premier bilan et propose quelques principes (…)

Alors que s'achève le sommet des océans de Nice, un ensemble de chercheurs en écologie marine et océanographes dresse un premier bilan et propose quelques principes fondamentaux pour susciter le sursaut collectif que la situation appelle. « La conférence UNOC3 aurait pu être l'occasion pour la France de prendre le leadership d'une transition écologique du secteur de la pêche et d'une réelle protection des écosystèmes marins. Mais les mesures annoncées lundi dernier par le Président sont très loin de cela ».

13 juin 2025 | tiré d'Europe solidaire sans frontières

Les écosystèmes marins subissent les impacts des activités humaines, en particulier dans les zones côtières où ils ont connu d'importantes pertes historiques d'habitat. Plus de la moitié de la surface des océans est soumise à la pêche industrielle et plus d'un tiers des stocks sont considérés comme surexploités[1],[2].

En Europe, la Politique Commune de la Pêche (PCP), malgré les moyens considérables qui lui sont alloués, échoue de manière systémique depuis des décennies à atteindre ses objectifs[3]. À peine la moitié des stocks pêchés dans l'Atlantique sont considérés en bon état, et des espèces emblématiques comme le maquereau et le hareng sont désormais hors de leurs limites de sécurité[4].

Face à ces constats alarmants, l'UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) et la communauté scientifique recommandent la mise en place d'aires marines protégées dont la couverture spatiale et les niveaux de protection soient suffisamment ambitieux pour produire des effets significatifs (10% sans aucune activité extractive et 20% sans pêche/infrastructures industrielles).

À l'instar de nombreux autres pays, la France a jusqu'à présent mis en avant une ambition essentiellement axée sur l'étendue de ses AMP, au détriment de mesures de protection réellement contraignantes. Les restrictions imposées aux activités humaines y restent souvent limitées, et la pêche industrielle, notamment au chalut (pélagique ou de fond), y est fréquemment permise. L'autorisation dans la très grande majorité des AMP françaises de la pêche au chalut de fond, pourtant reconnue pour ses effets particulièrement destructeurs sur les écosystèmes benthiques, est un enjeu clé pour le gouvernement français.

Cette situation s'inscrit à rebours des travaux scientifiques qui indiquent sans ambiguïté l'inefficacité de demi-mesures de protection[5],[6],[7]. En qualifiant de « protégées » des aires marines qui ne le sont pas, elle traduit aussi un mépris de la sémantique et du débat public sur le sujet.

À l'inverse, des aires marines véritablement protégées apporteraient des bénéfices importants : effets de régénération accompagnés de débordements dans les zones adjacentes (accessibles aux pêcheries)[8],[9], et possibilité pour les scientifiques de démêler les effets de la pêche de ceux du changement climatique. L'usage des AMP comme zones témoin est notamment essentiel pour établir des états de référence, et fournir des informations indispensables à la gestion des milieux marins.

Des bénéfices importants peuvent donc être obtenus avec des aires marines sous protection stricte. Pour autant, les AMP ne sont pas la solution miracle à la surexploitation des ressources marines et à ses effets sur les écosystèmes. Tout d'abord parce qu'elles ne font pas à elles seules diminuer la pression de pêche si cette dernière est simplement reportée hors AMP. Et aussi parce que la définition des AMP ne s'est pas toujours faite sur des critères d'intérêt écologique. C'est particulièrement vrai pour la protection des écosystèmes benthiques, écosystèmes qui restent mal connus, mal cartographiés et mal protégés.

Les niveaux d'exploitation actuels ne sont pas soutenables. Ils menacent à la fois le devenir de nombreux écosystèmes marins et aussi celui des filières de pêche qui en dépendent. C'est d'autant plus vrai que celles-ci sont par ailleurs soumises à un renchérissement tendanciel de l'énergie qui va se raréfier et qu'elles doivent se décarboner. Il est donc indispensable d'engager une transformation profonde de nos modes d'exploitation des ressources marines. Trop rares sont les voix qui abordent le sujet, notamment du côté du gouvernement. Même les constats les plus simples ne sont pas posés.

Avec l'intérêt général en tête, nous proposons ici quelques principes fondamentaux, en espérant susciter le sursaut collectif que la situation appelle.

• Les perturbations écologiques et socio-économiques liées à l'exploitation des écosystèmes marins dans un contexte de changement climatique sont largement imprévisibles. Cette réalité nouvelle rend illusoire la poursuite du statu quo. En particulier, la grande pêche industrielle, et notamment celle pratiquée au chalut de fond par des navires de plus de 25 mètres, doit être considérée comme un mode d'exploitation obsolète.

• Des formes alternatives de pêche existent, notamment en favorisant les arts dormants[10],[11],[12]. Mais à l'heure actuelle ces métiers sont mal reconnus et mal représentés. Ils ont besoin d'être rendus visibles, pris au sérieux et aidés par les pouvoirs publics. Ceci passe notamment par une réorientation des subventions aujourd'hui accordées massivement aux engins de pêche ayant les plus forts impacts environnementaux.

• L'abandon progressif et accompagné de la grande pêche industrielle au profit de filières respectueuses des écosystèmes doit s'accompagner d'une réduction des prises et donc aussi de la consommation. Le poisson pêché dans la nature est un bien rare et doit être consommé comme une fête.

• L'État doit assumer ses responsabilités et permettre à l'ensemble des parties prenantes de définir en concertation les chemins d'une transformation écologique et sociale, compatible avec la nécessaire préservation des écosystèmes marins, la prise en compte du sort des personnes qui travaillent dans les filières et l'accès des classes populaires aux produits de la mer.

La conférence UNOC3 aurait pu être l'occasion pour la France de prendre le leadership d'une transition écologique du secteur de la pêche et d'une réelle protection des écosystèmes marins. Mais les mesures annoncées lundi dernier par le Président sont très loin de cela : les 4 % de zones de « protection forte » n'interdisent que le chalutage de fond, et concernent principalement des zones profondes dans lesquelles cette technique est déjà bannie.

Elles permettent encore le chalutage pélagique, y compris par des navires industriels, et ne répondent toujours pas aux critères de protection stricte de l'UICN. Enfin, aucune vision sur la transition du secteur de la pêche n'a été esquissée. En dépit du volontarisme affiché par E. Macron en faveur du traité sur la haute mer (dont la portée restera très limitée), l'UNOC3 n'a fondamentalement rien réglé des pressions humaines qui dégradent toujours plus l'état des océans et des écosystèmes qu'ils abritent.

Jusqu'où faut-il en arriver pour que la situation soit prise au sérieux ?

Signataires :

Olivier Aumont (chercheur océanographe, IRD),

Xavier Capet (chercheur océanographe, CNRS),

Didier Gascuel (chercheur en écologie marine, Agro Rennes),

Sara Labrousse (chercheure en écologie marine, CNRS)

Notes

[1]IPBES (2019) : Global assessment report on biodiversity and ecosystem services of the Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services. https://files.ipbes.net/ipbes-web-prod-public-files/inline/files/ipbes_global_assessment_report_summary_for_policymakers.pdf

[2]FAO. 2024. La Situation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture 2024. Pour une transformation des systèmes agroalimentaires axée sur la valeur. Rome. https://doi.org/10.4060/cd2616fr

[3]Rainer Froese et al. Systemic failure of European fisheries management. Science 388,826828 (2025). DOI:10.1126/science.adv4341

[4] Scientific, Technical and Economic Committee for Fisheries (STECF) – 76th Plenary report (STECF-PLEN-24-02), PRELLEZO, R., NORD, J. and DOERNER, H. editor(s), Publications Office of the European Union, Luxembourg, 2025, https://data.europa.eu/doi/10.2760/1035959, JRC140570.

[5] Turnbull, J. W., Johnston, E. L., & Clark, G. F. (2021). Evaluating the social and ecological effectiveness of partially protected marine areas. Conservation Biology, 35(3), 921-932.

[6] Zupan, M., Fragkopoulou, E., Claudet, J., Erzini, K., Horta e Costa, B., & Gonçalves, E. J. (2018). Marine partially protected areas : drivers of ecological effectiveness. Frontiers in Ecology and the Environment, 16(7), 381-387.

[7] Sala, E., & Giakoumi, S. (2018). No-take marine reserves are the most effective protected areas in the ocean. ICES Journal of Marine Science, 75(3), 1166-1168.

[8] Halpern, B. S., Lester, S. E., & Kellner, J. B. (2009). Spillover from marine reserves and the replenishment of fished stocks. Environmental Conservation, 36(4), 268-276.

[9] Sala, E., Costello, C., Dougherty, D., Heal, G., Kelleher, K., Murray, J. H., ... & Sumaila, R. (2013). A general business model for marine reserves. PloS one, 8(4), e58799.

[10] Zeller, D., & Pauly, D. (2019). Back to the future for fisheries, where will we choose to go ?. Global Sustainability, 2, e11.

[11] McClenachan, L., Neal, B. P., Al-Abdulrazzak, D., Witkin, T., Fisher, K., & Kittinger, J. N. (2014). Do community supported fisheries (CSFs) improve sustainability ?. Fisheries Research, 157, 62-69.

[12] Charles, A. (2023). Sustainable fishery systems. John Wiley & Sons.

P.-S.
• Les invités de Mediapart. 13 juin 2025 :
https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/130625/oceans-jusquou-faut-il-en-arriver-pour-que-la-situation-soit-prise-au-serieux

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Percer les mystères de l’océan, un défi crucial pour comprendre le climat

17 juin, par Vincent Lucchese — ,
Malgré son rôle primordial dans la régulation du climat, l'océan reste sous-étudié par la science, faute de moyens. Dans les abysses, des phénomènes complexes risquent de (…)

Malgré son rôle primordial dans la régulation du climat, l'océan reste sous-étudié par la science, faute de moyens. Dans les abysses, des phénomènes complexes risquent de s'avérer décisifs pour l'avenir, selon les océanographes.

13 juin 2025 | tiré de reporterre.net | Photo : P Ifremer / CC BY 4.0 / Treluyer Loic
https://reporterre.net/Percer-les-mysteres-de-l-ocean-un-defi-crucial-pour-affronter-la-crise-climatique

Une énorme éponge nous protège pour l'instant du chaos climatique : l'océan. Il absorbe 90 % de l'excédent de chaleur généré par nos émissions de gaz à effet de serre. Sans compter qu'il limite, en amont, l'ampleur du changement climatique en absorbant environ le quart de nos émissions de carbone.

Pour combien de temps encore ? L'éponge va-t-elle arriver à saturation ? À quelle vitesse ? Dans quelle proportion et avec quelles conséquences ? Ces questions obsèdent bon nombre de climatologues et océanographes, encore incapables d'y apporter des réponses satisfaisantes.

Acteur majeur du système climatique terrestre, l'océan est paradoxalement sous-étudié par la science. En 2020, les États n'y consacraient, en moyenne, que 1,7 % de leur budget de recherche, déplorait un rapport de l'Unesco.

En amont de l'Unoc 3 (la troisième Conférence des Nations unies sur l'océan qui se tient à Nice du 9 au 13 juin), un congrès scientifique mondial, porté par le CNRS et l'Ifremer, appelait les décideurs politiques à s'engager fortement pour l'océan, notamment en finançant davantage la recherche. Et en matière de relations climat-océan, les zones d'ombre à explorer sont légion.

Les mystérieuses turbulences de l'océan

« Contrairement à l'atmosphère qui est relativement transparente et qu'on observe bien par satellite, l'océan est complètement opaque à tout rayonnement, passé quelques mètres de profondeur », explique Sabrina Speich, océanographe et climatologue, professeure à l'École normale supérieure.

Il faut donc aller mesurer in situ ce qu'il se passe sous la surface. Mais les campagnes océanographiques coûtent cher et peinent à couvrir l'immensité des mers du globe. La tâche est d'autant plus ardue que l'océan est particulièrement turbulent. C'est-à-dire qu'il s'y forme une multitude de tourbillons, rendant la compréhension de la circulation océanique très difficile.

« On a dans l'océan l'équivalent des cyclones et anticyclones dans l'atmosphère sauf que c'est à beaucoup plus petite échelle, de l'ordre de 50 à 100 km de diamètre, là où les anticyclones sont de taille continentale. C'est inévitable puisque l'échelle de turbulence est en partie déterminée par la densité des fluides, et que l'eau est plus dense que l'air », souligne l'océanographe Marina Lévy, directrice de recherche au CNRS.

Les connaissances se sont affinées avec le déploiement, au début des années 2000, du réseau de 4 000 flotteurs automatiques du programme international Argo. Ces bouées dérivent au gré des courants, plongent jusqu'à 2 000 mètres de fond et renseignent la communauté scientifique sur la température et la salinité des eaux un peu partout sur la planète, complétant les nombreux autres réseaux de bouées, marégraphes et navires gérés notamment par le Système mondial d'observation de l'océan, programme appartenant à l'Unesco.

Les modèles numériques peinent à inclure les petits tourbillons

Évidemment, plus la science progresse, plus elle réalise la complexité colossale des phénomènes en jeu. « La topographie très complexe de la dorsale médio-atlantique, ces montagnes sous-marines au milieu de l'Atlantique qui remontent jusqu'à l'Islande, génère des mécanismes océaniques à très petite échelle. On a, pas exemple, des eaux qui vont cascader de 300 m à 2 000 m de profondeur, entre le Groenland et l'Islande », dit Virginie Thierry, physicienne océanographe et coordinatrice de la contribution française à Argo.

Créer des modèles numériques permettant de rendre compte et d'anticiper les évolutions possibles de l'océan s'apparente donc à une gageure. « Pour comprendre la réponse des océans aux évolutions climatiques futures, on a besoin d'un modèle global comprenant toute la surface de la Terre et de prendre en compte le plus de rétroactions possibles. Complexifier ainsi les modèles nécessite de la puissance de calcul, qui est mobilisée au détriment de la finesse de la résolution spatiale des simulations », expose Juliette Mignot, océanographe et directrice adjointe du laboratoire Locean.

La résolution des modèles du système Terre, l'équivalent de leurs pixels, est aujourd'hui de l'ordre de 100 km de large. Tous les phénomènes de plus petite échelle sont difficilement pris en compte et certains processus ne sont pour l'instant pas du tout intégrés.

« Ces modèles sont hydrostatiques, c'est-à-dire qu'ils considèrent la vitesse verticale des eaux comme négligeable. Ces mouvements verticaux sont mal connus », illustre Sabrina Speich. De même, certains petits tourbillons, plus petits que les pixels des modèles, parfois de moins de 15 km de rayon, sont mal pris en compte, « alors même qu'ils semblent avoir un rôle clé dans les échanges avec l'atmosphère », dit l'océanographe.

La circulation océanique détraquée par le réchauffement

Inévitablement imparfaits, les modèles sont tout de même cohérents, corrigés et affinés continuellement en étant confrontés aux observations. Si leur amélioration reste un enjeu crucial, c'est parce qu'ils visent à mieux comprendre la circulation océanique globale, qui constitue le cœur du thermostat planétaire. C'est elle qui fait de l'océan une éponge climatique.

Pour comprendre ce qui concentre les efforts des océanographes, il faut revenir un instant sur le fonctionnement de cette éponge. Le moteur de cette circulation, c'est la différence de densité entre les eaux. Plus une eau est froide et salée, plus elle est dense.

Schéma simplifié de la circulation océanique profonde engendrée par des écarts de température et de salinité des masses d'eau. Wikimedia Commons/CC BY-SA 3.0/Robert Simmon, Nasa/Miraceti

Or, l'océan se refroidit en approchant des pôles. Il y devient également plus salé, car lorsque l'eau se change en glace, elle rejette le sel dans l'eau de mer, où la concentration augmente donc au fur et à mesure de la formation de la banquise. Les masses océaniques aux hautes latitudes sont donc plus denses, et vont plonger en profondeur. Elles entraînent comme un tapis roulant les courants en surface depuis les zones chaudes des tropiques vers les pôles, tandis que les courants en profondeur font le chemin inverse.

Cette boucle gigantesque est appelée « circulation méridienne de retournement » ou Moc, et Amoc pour l'océan Atlantique (Atlantic Meridional Overturning Circulation). Ce mécanisme est essentiel pour les deux facettes de notre éponge planétaire.

D'une part, ce brassage avec les abysses permet de stocker en profondeur la chaleur emmagasinée par l'océan. D'autre part, il transporte le CO2 qui se dissout naturellement à la surface de l'océan jusqu'aux fonds marins, permettant aux couches océaniques de surface de ne pas saturer et de continuer à retirer du CO2 de l'atmosphère. Ce qu'on appelle la « pompe physique à carbone ».

L'Amoc est un ensemble complexe de courants océaniques qui traversent l'Atlantique, dont le fameux Gulf Stream, ici représenté. Il joue un rôle crucial pour redistribuer la chaleur sur le globe. Nasa/Goddard Space Flight Center Scientific Visualization Studio

Mais le changement climatique perturbe lui-même grandement cette mécanique. La fonte de la banquise et le réchauffement de l'océan vont très probablement ralentir l'Amoc dans les prochaines décennies, en modifiant sa température et sa salinité, d'après le consensus scientifique sur le sujet. Même si l'intensité et la vitesse de cet affaiblissement sont entourés de très vastes incertitudes.

La dangereuse stratification de l'océan

Au-delà de l'Amoc, le réchauffement de l'océan affaiblit dangereusement ce mélange vertical des eaux océaniques. On l'a vu : plus l'eau est chaude, moins elle est dense et moins elle peut plonger vers les profondeurs. Sous l'effet du réchauffement planétaire, la couche de surface de l'océan se réchauffe et il devient de plus en plus difficile de réunir les conditions pour qu'elle se mélange aux eaux très froides des abysses. Autrement dit, plus le contraste de température entre les couches de l'océan est important, plus l'océan est stratifié, plus cette différence de densité entre les eaux va constituer une barrière compliquée à franchir.

La couche de surface de l'océan est mélangée par les vents et absorbe de plus en plus de chaleur atmosphérique. Ajouté à d'autres phénomènes, cela intensifie la stratification et réduit le mélange avec l'océan profond, les couches devenant trop contrastées, comme de l'huile sur de l'eau. © Jean-Baptiste Sallée, Locean (CNRS/MNHN/IRD/Sorbonne Université)

En 2021, une étude, publiée dans la revue Nature et menée par des chercheurs du CNRS, de Sorbonne Université, et de l'Ifremer, s'inquiétait de ce phénomène. Le réchauffement de la couche de surface stabiliserait depuis cinquante ans l'océan à un rythme six fois supérieur aux estimations passées, entravant les capacités de mélange des eaux, donc cette absorption en profondeur de la chaleur et du CO2.

Énième illustration de la complexité et des interactions entre phénomènes océaniques : ce blocage du mélange des eaux limite également les échanges d'oxygène et de nutriments entre la surface et les abysses. Avec pour conséquence de menacer le développement du plancton, ces organismes extrêmement divers qui constituent le socle des écosystèmes marins.

Cette espèce phytoplactonique (Lepidodinium chlorophorum) est responsable de cette eau colorée verte en baie de Vilaine. Lesbats Stephane / CC BY 4.0 / Ifremer

Or, ce plancton absorbe aussi du carbone, qu'il contribue à pomper vers les abysses lorsque les organismes et les particules organiques chutent vers le fond. « Cette pompe biologique contribue à réduire le CO2 dans l'océan de surface et à activer la pompe physique du carbone. Mais on ne sait pas si cette pompe biologique diminue ni quelles en seraient les conséquences. La plupart des modèles intègrent quelques groupes de planctons mais la réalité est beaucoup plus complexe, on travaille à l'intégrer plus finement », dit Marina Lévy.

1 200 capteurs plongeant jusqu'à 6 000 mètres

« Tout l'enjeu de nos travaux, c'est de réduire les incertitudes, résume Virginie Thierry. On connaît très mal l'océan profond mais on sait qu'environ 10 % de la chaleur en excédent va sous les 2 000 m. On a besoin de mieux comprendre la contribution de l'océan pour boucler le bilan énergétique de la planète. »

Explorer l'océan sous les 2 000 m, c'est l'ambition du déploiement des nouveaux flotteurs Argo, baptisés OneArgo, bardés de nouveaux capteurs et dont quelque 1 200 devraient être capables de plonger jusqu'à 6 000 m.

« Un soutien financier durable et renforcé est urgent »

En amont de l'Unoc, Virginie Thierry et des dizaines de ses collègues internationaux signaient un article dans la revue Frontiers in Marine Science. Un appel collectif à investir « en urgence » dans le programme Argo, financé aujourd'hui pour moitié par les États-Unis, dont la politique antiscience fait craindre pour la pérennité du projet.

« Un soutien financier durable et renforcé est urgent pour permettre à OneArgo de se déployer pleinement et donner à nos sociétés les moyens de préserver les nombreux services que l'océan nous rend et de faire face aux défis climatiques et environnementaux majeurs actuels », résume l'Ifremer. La plupart des océanographes dans le monde pourraient en dire autant.

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Un avant et un après l’UNOC 3 ?

17 juin, par Michel Gourd — ,
Si la conférence sur les océans, tenue à Nice durant la deuxième semaine de juin, a été grandement médiatisée et a permis plusieurs développements prometteurs pour la (…)

Si la conférence sur les océans, tenue à Nice durant la deuxième semaine de juin, a été grandement médiatisée et a permis plusieurs développements prometteurs pour la protection des océans, beaucoup de ceux-ci ne sont que des étapes dans la réalisation de projets encore à venir et de nombreux espoirs y ont fait naufrage.

La Conférence des Nations unies sur l'océan (UNOC), a réunis du 9 au 13 juin à Nice sur la Côte d'Azur plus de 100 000 personnes, 12 000 délégations de 175 pays, 115 ministres, 64 chefs d'État et 28 responsables d'organisations onusiennes, représentant au total près de 85 % du volume des ressources de la planète et plus de 90 % des zones économiques exclusives mondiales.

Une conférence nécessaire

Michel Prieur, professeur de droit de l'environnement et président du centre international de droit comparé de l'environnement, participait à l'UNCO 3. Il explique que cette conférence est nécessaire pour avoir une vision globale des enjeux qui s'entremêlent quand il est question de la mer. « Il y a déjà de nombreux traités sur la mer », affirme-t-il en mentionnant le traité de portée générale sur les droits de la mer de 1982 et de nombreuses conventions spéciales sur des pollutions particulières qui ont été instituées il y a assez longtemps et n'intègrent pas les nouvelles données environnementales. « Donc, il était nécessaire de réactiver le droit lié aux océans. C'est depuis Rio 92 ou il a été démontré que la mer était un milieu fragile qui était victime de pollution. » C'est d'abord toutes les catastrophes des déversements d'hydrocarbures qui ont alerté l'opinion publique et les gouvernements. Il y a aussi eu les découvertes scientifiques sur les richesses de la mer, la biodiversité, la crise alimentaire et la surpêche. « Tout ça faisait un ensemble. On ne pouvait pas traiter séparément la pollution par les hydrocarbures, les poissons, les recherches sous-marines. Il fallait une réflexion intégrée horizontale et c'est l'objet des conférences sur les océans. » Celle à Nice en est la troisième.

Avancées

Les organisateurs sont satisfaits de l'événement. L'envoyé spécial de la France et organisateur de l'UNOC 3, Olivier Poivre d'Arvor, affirme à ce sujet que « Nice a gagné le pari de l'océan ». Les avancées sur le traité international de protection de la haute mer et de la diversité marine ont motivé le président Macron à annoncer sa mise en vigueur en janvier 2026, bien qu'il manque quelques voix promises. Pour Rym Benzina Bourguiba, présidente de la saison bleue (Tunisie), obtenir 55 ratifications fermes alors qu'auparavant il y en eût 22 ou 23, c'est un bon pas, considérant ceux qui seraient à venir. « Avec 15 autres ratifications qui vont venir d'ici septembre, ça va être annoncé à New York, ce moratoire sur la haute mer, c'est très important. » Enseignant-chercheur à Sciences Po Bordeaux et à Bordeaux Sciences Agro, Pierre Blanc, auteur de « Géopolitique et climat », considère que les avancées de l'UNOC 3 montrent une vivacité du fonctionnement multilatéral.

La résolution de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) d'interdire les subventions aux techniques destructrices, qui a été ratifiée par 103 États, serait une autre avancée. « Cela représente environ 3 000 bateaux, il en faudrait 3 600, soit 10 pays supplémentaires, pour que la résolution entre en vigueur », a affirmé le directeur des politiques internationales de la Fondation Tara, André Abreu.

En ce qui concerne la réduction de la production de plastique, 96 pays ont signé une déclaration d'intention en ce sens. Ils représentent plus de la moitié des 170 pays impliqués dans les négociations du « traité plastique » qui dure depuis 2022 et dont le cinquième round doit reprendre en août à Genève. La ministre française de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, est directe à ce sujet. « Ce que nous voulons, c'est un traité qui fixe un objectif de long terme avec une trajectoire de réduction à respecter ». Le ministre de l'Environnement des îles Salomon, Trevor Manemahaga affirme que « C'est la pollution de l'océan qui est en jeu, la santé de nos enfants qui est en jeu, l'avenir de la planète qui est en jeu. » Il y aurait environ 460 millions de tonnes de plastique qui auraient été produites en 2024, une quantité qui pourrait tripler d'ici à 2060.

Moins bon point

La conférence a cependant essuyé certaines critiques, notamment au sujet des engagements financiers jugés insuffisants et du manque de progrès concret obtenu. La chef de délégation de Greenpeace International à l'UNOC, Megan Randles, commente à ce sujet : « Nous avons entendu beaucoup de belles paroles ici à Nice, mais elles doivent se transformer en actions. »

Il y a aussi eu 100 milliards de dollars d'aide qui ne se sont pas matérialisés. Cet argent serait nécessaire. Selon le président de la Polynésie française (300 000 habitants sur 118 îles), Moetai Brotherson, les nations insulaires sont « des colosses avec des épaules gigantesques et des tout petits pieds », puisqu'ils représentent moins de 0,1 % du PIB mondial réparti sur un tiers de la surface du globe.

La présidente des îles Marshall (42 000 habitants sur 29 îles), Hilda C. Heine, a affirmé que « trop peu de choses sont faites et trop lentement. »

Le président des Palaos (21 000 habitants sur 340 îles), Surangel Whipps Jr. demande aux pays riches de mettre en pratique leurs discours sur la protection des océans, mettant au défi ces pays : « Si vous voulez vraiment protéger les océans, prouvez-le. »

Le ministre de l'Environnement du Vanuatu (320 000 habitants sur 83 îles), Ralph Regenvanu, a affirmé « Nous vivons votre avenir. Si vous pensez être en sécurité, vous ne l'êtes pas. » Son pays a d'ailleurs saisi la justice internationale pour obliger les États développés à réduire leurs émissions de CO2.

Principales responsables du réchauffement climatique, les énergies carbonées ont aussi été peu discutées à la conférence. Selon l'ancien émissaire américain pour le climat, John Kerry, présent à Nice, « il est impossible de protéger les océans sans s'attaquer à la principale cause de leur effondrement : la pollution due aux combustibles fossiles injectés sans relâche dans l'atmosphère. » Bruna Campos, de l'ONG Ciel commente à ce sujet que d'« ignorer l'impératif de sortir du pétrole et du gaz offshore n'est pas seulement une injustice : c'est inadmissible. »

Une conférence historique malgré ses faiblesses ?

Pour l'artiste fondateur du projet archipel de l'UNOC, Yacine Aït Kaci, cette conférence lui fait penser à la COP21 à Paris. « Il y a vraiment eu un avant et un après, en tout cas au niveau de la mobilisation de la société civile et de la prise de conscience collective. Je crois qu'il s'est vraiment passé quelque chose à Nice cette semaine, et donc, dans le monde. »
Dans une entrevue donnée à TV5 Monde diffusée le 14, juin, le docteur François Gemenne qui est un des auteurs du dernier rapport du GIEC, considère que la conférence sur l'océan à Nice est aussi une opération de communication qui permet de mettre le sujet dans l'actualité et de créer une certaine forme de dynamique politique, comme cela se serait produit avec le traité sur la haute mer. L'UNOC 3 serait donc aussi un exercice de communication. « Sincèrement, sur quel autre sujet peut-on aujourd'hui trouver autant de gouvernements avec un but commun ? Il ne reste quasiment plus que l'environnement, il faut bien le dire.
»

Michel Gourd

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La voix des femmes : semons la résistance à l’agriculture industrielle

Bien qu'elles représentent près de la moitié de la main-d'œuvre agricole mondiale, les femmes possèdent moins de 15% des terres agricoles et sont rémunérées près de 20% de (…)

Bien qu'elles représentent près de la moitié de la main-d'œuvre agricole mondiale, les femmes possèdent moins de 15% des terres agricoles et sont rémunérées près de 20% de moins que leurs homologues masculins. Ces disparités ne sont pas de simples statistiques : elles reflètent des expériences vécues qui déterminent les luttes quotidiennes des femmes rurales. Partout dans le monde, les petites productrices alimentaires affrontent une réalité difficile. Qu'il s'agisse de l'accès à la terre, des politiques publiques, des conditions de travail ou du pouvoir décisionnel, les femmes se heurtent à des obstacles systémiques qui perpétuent les inégalités sociales.

Tiré de Entre les lignes et les mots

À mesure que l'agriculture dominée par les grandes entreprises s'étend, les pratiques agricoles traditionnelles sont de plus en plus évincées, exacerbant ainsi les vulnérabilités des communautés rurales. Les femmes, déjà marginalisées, subissent de plein fouet ces changements. Elles prennent soin de leurs familles et de leurs communautés, mais remplacent aussi leurs partenaires masculins quand ces derniers émigrent pour trouver du travail. Et ce sont également elles qui assurent la survie des personnes âgées et des enfants. Leur bien-être n'est pas qu'un enjeu personnel : c'est toute la résilience rurale qui en dépend.

Pourtant, les contributions et les luttes des femmes restent souvent invisibles, tout comme les préjudices spécifiques qu'elles subissent en raison de l'agriculture industrielle.

Télécharger le livret ici

https://grain.org/fr/article/7263-la-voix-des-femmes-semons-la-resistance-a-l-agriculture-industrielle

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