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Débat. « Autoritarisme et démocratie au XXIe siècle »
Dans un contexte mondial marqué par la résurgence des forces d'extrême droite, l'historien Enzo Traverso propose dans cette interview une réflexion actualisée sur le concept de postfascisme, qu'il a développé tout au long de ses écrits. (M. M.)
Tiré de A l'Encontre
4 août 2025
Entretien avec Enzo Traverso conduit par Martín Mosquera
Martín Mosquera : Vous avez écrit un livre qui a eu un grand retentissement, traduit en espagnol sous le titre Las nuevas caras de la derecha [édition français Les nouveaux visages du fascisme, Textuel, 2017], dans lequel vous avez forgé le terme « postfascisme ». Depuis, plusieurs années se sont écoulées et des événements clés liés à la montée de l'extrême droite que vous n'avez pas pu aborder à l'époque ont eu lieu : l'assaut du Capitole aux Etats-Unis, la tentative similaire au Brésil avec Jair Bolsonaro, la victoire de Javier Milei en Argentine, la nouvelle ascension de Trump, etc. Comment analysez-vous aujourd'hui l'extrême droite et le concept de postfascisme à la lumière de ces nouveaux événements ?
Enzo Traverso : Le livre dont vous parlez est né d'une interview réalisée début 2016, pendant la campagne électorale aux Etats-Unis, avant même le premier mandat de Trump. Puis il y a eu une sorte de deuxième interview, après les élections, il y a près de dix ans. Comme vous le dites, le contexte a considérablement changé, ce qui soulève la question logique de savoir ce qui devrait changer par rapport à l'édition originale de mon livre.
Je ne modifierais pas le cadre général. Le concept de postfascisme que j'ai tenté de définir dans cet entretien me semble toujours utile pour définir ce phénomène, même si je ne le considère pas comme un phénomène clos, défini. Il me semble qu'il s'agit toujours d'un phénomène transitoire, dont l'issue finale est encore difficile à comprendre ou à décrire avec précision. Cependant, il ne fait aucun doute que beaucoup de choses ont changé, et certaines tendances qui pouvaient déjà être identifiées et analysées il y a dix ans apparaissent aujourd'hui beaucoup plus claires et, pourrait-on dire, consolidées à l'échelle mondiale. Tous les phénomènes que vous mentionnez le confirment, qu'il s'agisse de l'Europe, des Etats-Unis, de l'Amérique latine ou même au-delà.
Le changement le plus notable, selon moi, n'est pas seulement le renforcement de la droite radicale, mais sa nouvelle légitimité. Ce qui a changé par rapport à l'analyse que j'avais faite il y a dix ans, c'est qu'aujourd'hui, la droite radicale est devenue un interlocuteur légitime – et dans de nombreux cas privilégié – des élites dominantes au niveau mondial. Ce n'était pas le cas il y a dix ans. A l'époque, Trump avait remporté les élections de manière surprenante. Tous les sondages et tous les analystes donnaient Hillary Clinton gagnante, car elle était la candidate de l'establishment, des élites. Trump, en revanche, a dû faire face à de nombreux obstacles au sein de son propre parti, le Parti républicain, et lorsqu'il a été élu, il était perçu comme un outsider, quelqu'un qui avait gagné de manière tout à fait inattendue.
Si l'on compare 2016 à 2025, Trump n'avait signé qu'un seul décret le jour de son investiture. Aujourd'hui, il en a signé des dizaines. En 2016, il ne savait pas vraiment quoi faire en tant que président ; aujourd'hui, il a des idées très précises sur la manière d'agir. Et, bien sûr, il n'est plus un outsider : il est le président des Etats-Unis et dispose d'un appareil consolidé derrière lui pour le soutenir. En 2016, Bolsonaro était également un outsider, et personne ne pouvait même imaginer quelqu'un comme Milei. Giorgia Meloni était une figure complètement marginale de la politique italienne. Lors des élections présidentielles françaises de 2017, ce qui a surpris tous les observateurs, c'est le débat télévisé entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. A l'époque, elle apparaissait comme quelqu'un de clairement peu fiable : lorsqu'on lui demandait ce qu'elle ferait de l'Union européenne ou de l'euro, elle ne savait pas répondre de manière claire ou convaincante.
En bref, la droite radicale n'était pas considérée comme une option viable par les élites. Au contraire, elle était observée avec beaucoup de méfiance, tant aux Etats-Unis qu'en Europe et en Amérique latine. Même Bolsonaro n'a pas gagné en tant que candidat direct du grand capital brésilien. Il avait certes des soutiens au sein de l'armée et de certains secteurs économiques, mais le candidat favori restait celui du PT, qui semblait alors être une option beaucoup plus solide. En 2017, en Europe, un événement traumatisant s'est produit : l'entrée de l'Alternative für Deutschland au Parlement allemand a marqué un tournant. Peu après, Vox a fait son apparition en Espagne. Et le paysage a considérablement changé.
Toutefois, ce processus n'a pas été linéaire. Après leur victoire, Trump et Bolsonaro ont tous deux perdu les élections quatre ans plus tard. Entre-temps, la pandémie et la crise économique mondiale qu'elle a entraînée ont frappé. Dans mon livre, j'avançais justement une hypothèse à ce sujet : que se passerait-il en cas de crise internationale ? Je soutenais qu'une crise de cette ampleur pourrait transformer le postfascisme en une nouvelle forme de fascisme. Mais ce n'est pas ce qui s'est passé. La crise, loin de renforcer l'extrême droite, l'a affaiblie, car il était clair qu'elle était incapable de relever des défis d'une telle ampleur.
Je parlais alors d'un double tournant. D'une part, un tournant potentiellement autoritaire, avec la mise en place de lois d'exception, d'un état d'urgence, qui remettent en cause les libertés individuelles et collectives, ainsi que les espaces d'action publique. De ce point de vue, la droite radicale est le candidat idéal pour gérer ce virage autoritaire. Mais d'un autre côté, la pandémie a également entraîné un virage biopolitique, avec une forte intervention de l'Etat visant à protéger les citoyens définis physiquement comme des corps, à protéger les populations. Sur ce terrain, la droite radicale a échoué dans tous les pays. Ce fut un moment de recul et, en général, elle a perdu les élections suivantes.
Puis est venue une nouvelle vague, celle à laquelle nous sommes confrontés actuellement. J'insiste donc : il ne s'agit pas d'un processus linéaire, mais la tendance générale est assez claire. Cela ne signifie pas que nous sommes confrontés à un nouveau fascisme au profil bien défini et aux traits nets. Je pense qu'il s'agit encore d'une constellation très hétérogène qui cherche des formes de convergence. Et même si cette nouvelle alliance entre le postfascisme et les élites mondiales est aujourd'hui indéniable, elle reste marquée par des tensions et des contradictions. On ne peut pas encore parler d'un nouveau bloc historique, au sens gramscien du terme. Il s'agit davantage d'une convergence fondée sur des intérêts communs que de la constitution d'un bloc.
Avec la montée en puissance de la nouvelle droite radicale, le débat sur le fascisme a refait surface avec force, un débat qui tend à polariser entre ceux qui soutiennent que, s'il s'agit de fascisme, cela doit impliquer un changement de régime politique – avec des éléments tels que le parti unique ou l'Etat corporatiste, comme cela s'est produit dans les années 1930 – et ceux qui affirment que si la démocratie libérale reste formellement en vigueur, il s'agirait simplement d'une nouvelle version de la droite traditionnelle, avec une idiosyncrasie différente.
La question est de savoir si cette polarisation n'est pas mal posée. En d'autres termes, les phénomènes autoritaires actuels ne ressemblent-ils pas davantage à ce que représente la Hongrie de Viktor Orbán, un régime autoritaire qui se développe dans le cadre de la démocratie libérale, en conservant au moins ses formes extérieures ? Nous aimerions connaître votre opinion sur ce débat et, en particulier, quelle place vous accorderiez au modèle Orbán, qui peut être considéré comme une sorte d'utopie politique pour les nouvelles extrêmes droites, en contraste tant avec le fascisme historique qu'avec les droites conventionnelles.
Oui, c'est une caractéristique centrale des nouvelles droites radicales que, comme beaucoup d'autres observateurs, j'avais déjà soulignée il y a dix ans. Le fascisme classique établissait une dichotomie radicale entre fascisme et démocratie : il se définissait explicitement comme antidémocratique. Cela n'était pas seulement théorisé par ses idéologues, mais aussi revendiqué avec fierté par ses leaders charismatiques. Il suffit de rappeler la célèbre définition de Mussolini, qui décrivait la démocratie comme un ludus cartaceus, un simple « jeu de cartes ». Le fascisme affichait son mépris pour la démocratie. Aujourd'hui, en revanche, tous les mouvements et dirigeants que j'appelle postfascistes adoptent une rhétorique démocratique. Tous revendiquent leur appartenance au système de la démocratie libérale et se présentent même comme ses meilleurs défenseurs. Cette rhétorique a été fondamentale pour leur légitimation auprès de l'opinion publique.
Marine Le Pen, par exemple, a non seulement changé le nom de son parti et rompu avec son père, mais elle a aussi explicitement affirmé son attachement aux institutions de la Ve République et aux valeurs démocratiques. L'Italie est un autre cas révélateur. Giorgia Meloni dirige un parti aux racines clairement fascistes. Il y a encore quelques années, elle revendiquait fièrement cet héritage. Mais depuis son arrivée au gouvernement, elle a abandonné toute apologie du fascisme. Elle ne se déclare pas antifasciste, bien sûr, mais insiste constamment sur son caractère « démocratique » et son adhésion au cadre institutionnel en vigueur.
Aux Etats-Unis, le paradoxe atteint son paroxysme : l'assaut du Capitole en janvier 2021 a été mené au nom de la démocratie. Les manifestants prétendaient défendre une démocratie qui leur avait été « volée » par les démocrates. En d'autres termes, ils se présentaient comme les vrais démocrates.
Il s'agit là d'une transformation fondamentale : le rapport de la nouvelle droite radicale à la démocratie est complètement différent de celui du fascisme historique. Comme vous le soulignez dans votre question, la frontière entre démocratie et fascisme n'est plus claire aujourd'hui. Le fascisme du XXIe siècle ne cherche pas à abolir les formes démocratiques, mais à intervenir de l'intérieur, à les éroder, à les transformer de l'intérieur. Cette manière de brouiller les frontières entre fascisme et démocratie rend quelque peu obsolètes les anciennes catégories analytiques telles que celles de Poulantzas, sur lesquelles je reviendrai plus tard.
Mais il faut également tenir compte d'une autre différence historique qui aide à expliquer cette mutation. Dans l'entre-deux-guerres, la démocratie était une conquête récente, une conquête historique des classes subalternes, produit – ou sous-produit – de la Révolution d'octobre et de la vague révolutionnaire qui a suivi l'effondrement de l'ordre libéral du XIXe siècle après la Grande Guerre. Ce fut une période de crise brutale, mais aussi d'avancées démocratiques importantes : le suffrage universel masculin s'est consolidé dans de nombreux pays, les femmes ont obtenu le droit de vote dans certains d'entre eux, l'espace public s'est transformé, de nouvelles formes de participation populaire ont émergé… Dans ce contexte, le fascisme est clairement apparu comme l'ennemi de la démocratie. Ce fut le cas en Italie à partir des années 1920, en Allemagne avec la destruction fulgurante de la République de Weimar en 1933, et dans la guerre civile espagnole, qui fut un affrontement direct entre le fascisme et la démocratie.
Aujourd'hui, en revanche, le contexte est complètement différent. La démocratie n'apparaît plus comme une conquête à défendre, mais plutôt comme une coquille vide. Dans une grande partie du monde occidental – et nous pourrions même dire à l'échelle mondiale –, la démocratie est perçue comme une coquille formelle (creuse), profondément érodée par les processus de marchandisation de l'espace public, par le vidage des institutions, par une transformation structurelle de la relation entre l'économie et la politique. Personne ne considère plus la démocratie comme une promesse d'émancipation. Aux Etats-Unis, Elon Musk a soutenu la campagne électorale de Donald Trump en lui accordant 270 millions de dollars, puis a rejoint son administration en occupant des postes clés. Dans un tel contexte, personne ne peut définir la démocratie comme une garantie d'égalité, de liberté et de justice.
Mais au-delà du cas des Etats-Unis, il est très rare que l'on parle du fascisme comme d'une menace réelle. Et même aux Etats-Unis, le débat sur le « fascisme de Trump » est très circonscrit aux élites libérales. Joe Biden et Kamala Harris, par exemple, l'ont qualifié de fasciste pendant la campagne. Et il y a des discussions dans des médias comme le New York Times sur ce sujet. Mais même là, Trump est souvent présenté comme un corps étranger, comme une anomalie venue de l'extérieur qui s'est abattue sur la démocratie des Etats-Unis, paradigme des démocraties occidentales. En d'autres termes, il n'est pas perçu pour ce qu'il est réellement : un produit authentique de la société américaine et de son système démocratique.
Et pour une grande partie des classes populaires, des secteurs laborieux, la défense de la démocratie est le dernier de leurs soucis. Pourquoi considéreraient-ils Trump comme une menace pour la démocratie et Biden comme son sauveur ? Cette opposition n'a aucun sens pour eux. Bien sûr, il y a là un certain degré d'aveuglement – Trump est une menace –, mais le problème est plus profond : on ne peut pas défendre la démocratie en l'identifiant à ce qui existe aujourd'hui. La question est de savoir quelle démocratie nous voulons défendre, quelle démocratie nous voulons construire.
Car si la démocratie se résume à ces institutions vidées de leur substance, il sera très difficile de mobiliser un grand mouvement antifasciste pour les défendre, surtout lorsque ceux qui les attaquent se présentent également comme des démocrates et affirment, avec une certaine raison, que ces institutions ne fonctionnent pas. Que faut-il défendre ? C'est là que réside le problème.
Vous avez souligné que l'une des caractéristiques distinctives de cette nouvelle extrême droite est son soutien croissant parmi les élites. Dans le cas de Trump, cela semble particulièrement marqué : il contrôle désormais le Parti républicain de manière beaucoup plus solide qu'en 2016, il bénéficie du soutien des deux chambres, la Cour suprême est alignée sur son projet et une grande partie de la classe dominante semble aujourd'hui beaucoup plus proche de lui. Que pouvons-nous attendre de ce second mandat, tant sur le plan intérieur que sur la scène internationale ?
C'est une question que beaucoup se posent aujourd'hui, mais à laquelle il n'y a pas de réponse facile. Et cela marque déjà, en partie, une différence importante par rapport au fascisme classique. Le fascisme historique avait un projet clair : un régime politique défini, une stratégie de pouvoir, une conception de l'ordre interne et de l'ordre international. Le fascisme italien, par exemple, aspirait à faire de la Méditerranée son mare nostrum, son espace vital. Le fascisme allemand avait pour objectif le contrôle de l'Europe continentale et, en particulier, la conquête impériale et militaire de l'Europe de l'Est. En Espagne, Franco se proposait d'« écraser les rouges » et d'établir une dictature nationale-catholique. Il y avait donc une idée assez cohérente du régime et du monde.
Avec Trump, ce n'est pas aussi clair. Ses messages sont souvent contradictoires, et il est très difficile de faire la distinction entre la pure démagogie et ce qui pourrait être compris comme une véritable orientation stratégique. Il dit, par exemple, qu'il va planter le drapeau américain sur Mars, qu'il serait bon d'annexer le Groenland, ou même que le Canada devrait devenir le prochain Etat des Etats-Unis. Certes, derrière cela se cache un projet géopolitique visant à consolider l'influence continentale des Etats-Unis, dans le cadre d'une redéfinition de leurs relations avec la Chine et d'un repli relatif sur d'autres fronts. Il s'agit d'une ambition hégémonique qui prend des traits impériaux, mais qui, paradoxalement, est le produit d'un affaiblissement : les Etats-Unis ont renoncé à leur prétention de dominer le monde, telle qu'ils l'avaient imaginée après la fin de la guerre froide et la chute de l'Union soviétique.
Mais ce ne sont là que des spéculations, car il n'existe pas de projet clairement défini. Les lignes stratégiques de la droite néoconservatrice de Bush, il y a près de vingt-cinq ans, après le 11 septembre 2001, étaient plus claires. Certains idéologues et stratèges comme Robert Kagan les avaient définies avec précision. Derrière Trump se cache une constellation assez contradictoire de fascistes classiques comme Steve Bannon et de néolibéraux radicaux comme Elon Musk, qui se détestent mutuellement. Les analystes ont du mal à comprendre la cohérence des mesures prises par Trump en matière de commerce international.
Même lorsque Trump s'exprime en termes plus traditionnels, comme lorsqu'il dit « Make America Great Again », le contenu de cette grandeur est vague. Il semble faire référence à une restauration du rôle des Etats-Unis en tant que superpuissance mondiale, mais en même temps, il évite de s'engager dans une politique d'affrontement direct, par exemple avec la Chine. En fait, il recherche plutôt un accord avec la Chine, et il en va de même avec la Russie, qui est l'alliée de la Chine mais est beaucoup plus faible. Trump affirme qu'une superpuissance doit être capable de conquérir mais aussi de gérer des conflits. C'est là qu'interviennent ses positions sur l'Ukraine, où il propose de tourner la page, ou sur le Moyen-Orient, où son alliance avec Israël est évidente mais où il ne semble pas nécessairement enclin à prolonger la guerre indéfiniment. L'objectif final – en termes de politique – est probablement la colonisation complète de Gaza et de la Cisjordanie, mais je ne suis pas sûr que Trump ait pour stratégie de poursuivre le génocide à Gaza pour parvenir à ce résultat.
Nous observons donc un ensemble de tendances, mais sans cohérence programmatique forte. Et cela fait également partie du contexte international actuel. Si l'on veut trouver des analogies avec l'entre-deux-guerres, l'une des plus évidentes ne réside pas tant dans la politique intérieure que dans la situation mondiale : l'absence d'un ordre international stable, dans certains cas systémique, la concurrence entre puissances déclinantes et émergentes. Dans ce scénario, il est difficile de tracer des lignes claires, tant pour les Etats-Unis que pour tout autre acteur. C'est pourquoi je ne pense pas que Trump ait aujourd'hui des idées aussi claires et cohérentes que celles qu'avait Hitler en 1933. Entre 1933 et 1941, la politique nazie a suivi une ligne assez directe. Dans le cas de Trump, je ne vois ni cette cohérence ni les conditions qui lui permettraient de déployer un projet stratégique à long terme.
Vous avez mentionné comme analogie possible avec les années 1920 ou 1930 le fait que nous ne sommes pas confrontés à une simple crise économique ou politique, mais à un bouleversement plus profond, une sorte de crise structurelle de longue portée. A l'époque, il s'agissait de l'effondrement de l'ordre libéral du XIXe siècle ; dans ce contexte, la montée du fascisme semblait également liée au déclin de certaines puissances, comme l'Allemagne après la Première Guerre mondiale. Pensez-vous qu'un lien puisse également être établi avec le présent ? En d'autres termes, ce que nous observons aujourd'hui, avec la montée des nouvelles extrêmes droites, peut-il être lié à un processus plus large de déclin de l'Occident face à la montée de l'Asie, et en particulier de la Chine ? Pensez-vous que cette dispute géopolitique soit une motivation importante, même indirecte, de la montée de ces droites ?
Non, je ne pense pas qu'on puisse parler d'une analogie dans ce sens. On peut certes faire des comparaisons, mais il existe des différences fondamentales. Dans l'entre-deux-guerres, face à l'effondrement de l'ordre libéral du XIXe siècle – le capitalisme du laissez-faire, les Etats de « l'ancien régime persistant » modernisés (selon la formule d'Arno J. Mayer – voir son ouvrage La persistance de l'Ancien Régime, de 1983 en français), des institutions représentatives mais très peu démocratiques –, deux modèles alternatifs ont émergé, qui étaient en eux-mêmes des projets de civilisation. D'un côté, le socialisme, avec son utopie d'émancipation, d'égalité, de révolution ; de l'autre, le fascisme, avec son exaltation de la nation, de la race et de la domination. Tous deux étaient des visions de l'avenir, des modèles intégraux de société qui promettaient de transformer radicalement la vie des gens.
Aujourd'hui, je ne vois rien de comparable dans les nouvelles droites. Il n'y a pas d'horizon utopique ni de projet de civilisation à proprement parler. C'est pourquoi le concept de « postfascisme » me semble utile, car ces droites radicales sont profondément conservatrices. Leur élan n'est pas vers l'avant mais vers l'arrière : elles cherchent à restaurer un ordre traditionnel. Les valeurs qu'elles revendiquent – la souveraineté, la famille, la nation – forment une sorte de fil rouge qui les relie.
Trump, par exemple, affirme qu'il n'y a que des hommes et des femmes aux Etats-Unis, nie l'existence d'autres identités de genre et présente les communautés LGBTQ+ comme des menaces. Il s'agit d'une offensive réactionnaire contre tout ce qui signifie diversité ou droits acquis. Ce retour à la traditionnalité se manifeste également dans son hostilité à l'égard de la protection de l'environnement, dans son rejet de tout programme mondial sur le changement climatique ou dans son pari sur la production nationale face aux accords internationaux. Make America Great Again est un slogan qui permet d'imaginer un certain avenir, mais il s'agit d'une imagination régressive : revenir à une époque où les Etats-Unis étaient forts, prospères et dominants. Il n'y a pas là une proposition nouvelle, mais une idéalisation du passé.
Dans certains cas, comme celui de l'Argentine de Javier Milei, on peut avoir l'impression qu'il s'agit d'une tentative de construire un nouveau modèle civilisationnel. Milei se présente comme l'architecte d'une nouvelle société inspirée d'un néolibéralisme extrême. Mais même là, ce projet n'est pas vraiment nouveau. Si l'on lit ses discours et ses prises de position – je parle en tant qu'observateur extérieur, je le précise, sans connaître en profondeur la situation argentine –, on constate une correspondance évidente avec les idées de Hayek. Pas tant avec La route de la servitude, son texte le plus connu, qu'avec Droit, législation et liberté, où Hayek décrit une société entièrement régie par le marché. C'est ce modèle qui semble inspirer Milei : un néolibéralisme autoritaire (ou un postfascisme néolibéral, si l'on veut ; on peut l'appeler de différentes manières).
La nouveauté, si tant est qu'il y en ait une, c'est que l'on tente aujourd'hui de pousser ce modèle jusqu'à ses dernières conséquences depuis le pouvoir étatique. Dans le passé, le néolibéralisme a également été influent sous Margaret Thatcher au Royaume-Uni, Ronald Reagan aux Etats-Unis et Augusto Pinochet au Chili. Mais dans ces cas-là, l'objectif était de démanteler les acquis de l'Etat-providence – le New Deal, le modèle keynésien de l'après-guerre – et non de créer de toutes pièces une société « pure » de marché. De plus, cela a souvent été fait à partir d'Etats qui restaient très forts, comme au Chili, où la dictature pinochetiste était un appareil hypercentralisé issu d'une contre-révolution.
Ce que Milei prétend faire aujourd'hui est tout autre : faire du modèle néolibéral le noyau d'une nouvelle civilisation. Mais, j'insiste, ce n'est pas un projet nouveau. Ce n'est pas « l'homme nouveau » du fascisme classique. C'est une version radicalisée d'un modèle anthropologique qui domine déjà le monde global : individualisme, concurrence, marché. Pour reprendre les termes de Weber, il ne rompt pas avec une certaine Lebensführung, une « conduite de vie » qui est le modèle anthropologique du néolibéralisme. Cet ethos n'est pas une invention de Milei. Ce qu'il fait, c'est de le pousser à l'extrême et de prétendre qu'une nouvelle société en émergera. Mais il s'agit d'une intensification de ce qui existe déjà, et non d'une alternative historique. Et cela, me semble-t-il, doit être pris en compte. Ce projet est certes profondément antidémocratique et présente des traits autoritaires, mais il est tout le contraire d'un renforcement de l'Etat, comme le pensait Poulantzas dans les années 1970. Le postfascisme n'est pas étatiste comme le fascisme historique. Trump est en train de démanteler l'Etat américain, et c'est là une grande différence.
Chez Jacobin, nous travaillons sur une hypothèse concernant la situation internationale que nous avons développée dans le numéro précédent et que nous aimerions partager avec vous afin de connaître votre opinion. Notre idée est qu'à un moment donné au cours de la dernière décennie – bien qu'il soit difficile de dater précisément ce processus – un changement de cycle politique s'est produit à l'échelle mondiale. Si nous devions choisir une date symbolique, ce serait entre 2015 et 2016, lorsque s'enchaînent une série d'événements très significatifs : la défaite ou la capitulation de Syriza en Grèce, avec un fort impact sur la gauche mondiale, et, en parallèle, la victoire de Trump aux Etats-Unis et le Brexit au Royaume-Uni. C'est également le moment où commence la crise du progressisme latino-américain, marquée par la victoire de la droite en Argentine [Mauricio Macri 2015-2019] et le coup d'Etat parlementaire contre Dilma Rousseff au Brésil [août 2016].
On a le sentiment qu'à partir de ce moment, le signe politique du malaise généré par la crise de 2008 s'est inversé. Jusqu'alors, la gauche avait une certaine capacité à canaliser ce mécontentement : les indignés en Europe, les grèves générales en Grèce, le cycle progressiste en Amérique latine, le Printemps arabe… Mais à partir de là, nous assistons plutôt à l'échec, à la stagnation ou à la défaite de ces processus : le progressisme latino-américain entre en crise, la gauche européenne subit un coup très dur, le Printemps arabe se transforme en catastrophe et la gauche anglo-saxonne stagne également.
L'idée est donc que ce qui s'est produit à ce moment-là était un changement de cap à l'échelle internationale : la gauche est passée à la défensive presque partout et l'extrême droite à l'offensive. Etes-vous d'accord ?
C'est une hypothèse très intéressante, que je partage en grande partie. J'y ajouterais peut-être une nuance. Il est vrai que nous traversons une nouvelle vague – je parlais tout à l'heure d'un tournant qui s'est produit autour de la pandémie –, mais cette nouvelle montée de la droite a justement pour condition la crise de la gauche à l'échelle mondiale. Tous les éléments que vous mentionnez sont importants.
J'irais même plus loin : la paralysie et la défaite des révolutions arabes constituent un moment clé, et ce qui se passe aujourd'hui à Gaza en est l'une des conséquences les plus tragiques.
A cela s'ajoute la crise du modèle de résistance qui était apparu en Amérique latine dans les années 1990. Ce n'était pas un modèle nouveau, mais il y avait un continent qui représentait une forme de résistance face à l'offensive néolibérale. Aujourd'hui, les acteurs de cette résistance sont en crise ou totalement discrédités, ce qui a des conséquences politiques très profondes. Je ne m'étendrai pas sur des cas comme le Venezuela ou la Bolivie, mais on pourrait également mentionner la défaite en Argentine avec Milei, ou le fait qu'au Brésil – le pays le plus important de la région – la gauche ne soit pas capable de proposer une autre figure que Lula. Cela reflète également cette crise.
En Europe, comme vous le dites, il y a eu d'importantes tentatives de recomposition de la gauche en vue d'expérimenter un nouveau modèle, et Syriza comme Podemos ont été les protagonistes de ce cycle. Les attentes qu'ils ont suscitées étaient énormes… et malheureusement, l'impact de leur échec l'a été tout autant. Aux Etats-Unis, la situation est différente. Il n'y a pas eu de défaite aussi marquée, mais la relation symbiotique – et ambiguë – entre la gauche et le Parti démocrate crée d'énormes obstacles à toute avancée.
Donc oui, l'émergence du post-fascisme s'appuie sur cette crise politique et stratégique de la gauche. Mais ce n'est pas tout. Cette crise s'inscrit dans un processus beaucoup plus long, dans une série de défaites historiques accumulées. Si l'on prend du recul, nous vivons les conséquences de la fin d'un cycle historique, celui des révolutions du XXe siècle. Ce sont des défaites de longue haleine, dont les effets continuent de conditionner notre présent. Les reculs de 2015 et 2016 appartiennent à une conjoncture particulière, mais s'inscrivent en même temps dans une tendance structurelle, celle d'une défaite historique dont la gauche – à l'échelle mondiale – n'a pas été capable de sortir avec de nouveaux modèles.
Il n'est pas facile, tant s'en faut, d'imaginer une reconstruction. Mais j'ai été très frappé par une récente intervention de Bernie Sanders, dans laquelle il mettait en garde : « Attention, nous ne devons pas nous laisser subordonner à l'agenda de Trump ». La gauche a tendance à répondre à chaque point du discours de l'extrême droite, mais dans le cadre imposé par cette même droite. Sanders met donc en garde : « Nous devons parler de ce que Trump ne dit pas ». Tel devrait être le programme de la gauche : un programme social qui est aujourd'hui totalement absent du discours dominant.
Cela dit, je ne pense pas que la gauche d'aujourd'hui puisse se reconstruire uniquement à partir de l'antifascisme, comme cela a été le cas dans les années 1930. Premièrement, parce qu'aujourd'hui, on ne peut plus défendre la démocratie de la même manière. Et deuxièmement, parce que la lutte antifasciste doit s'articuler avec d'autres dimensions fondamentales : la question sociale, économique, environnementale et la confrontation avec un modèle de société néolibéral qui se veut une civilisation. Cette articulation est indispensable.
De plus, le monde globalisé n'est plus celui de la première moitié du XXe siècle. Le fascisme classique a eu son histoire, mais l'antifascisme de l'époque n'était pas un discours universel. Il n'avait aucune légitimité en dehors de l'Occident. Son lien avec le colonialisme, le fait que la démocratie était restreinte au monde occidental… tout cela le limitait. Aujourd'hui, quelque chose de similaire se produit. (Cet entretien fait partie du numéro 11 de la revue Jacobin, « La libertad guiando al pueblo », traduction rédaction A l'Encontre).
[1] Voir son ouvrage Fascisme et dictature. La IIIe Internationale face au fascisme, Paris, François Maspero, 1970. (Réd.)
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Corps de femme, un terrain de domination : chronique d’un système sexiste
En marge de l'activité Corps colonisés, savoirs dominés : Aux origines de la médecine de la domination au Forum social mondial des intersections, 30 mai 2025.
Tiré du Journal des Alternatives Alter Québec
Par Mégane Arseneau -13 juillet 2025
Si la médecine prétend être objective, universelle et neutre, elle reste pourtant profondément marquée par les logiques de domination. Historiquement façonné par le patriarcat, le savoir médical a invisibilisé les femmes, réduit leur corps à des fonctions reproductives et légitimé des violences systémiques. Cet article explore comment le corps féminin est devenu un terrain de contrôle, de silences et d'exclusions. Une plongée dans les racines sexistes du savoir médical.
La médecine, tout comme de nombreux champs de compétence de notre société, a été – et demeure – façonnée par des structures patriarcales. Une réalité aux conséquences violentes sur la santé des femmes, notamment en ce qui concerne les soins, les diagnostics et la recherche. Historiquement, le savoir médical a exclu les femmes, tant dans la construction des savoirs que dans leur pratique, perpétuant ainsi des inégalités systémiques à l'égard de la moitié de la population mondiale.
Mais le patriarcat ne s'est pas contenté d'exclure : il a dominé. Il a transformé le savoir médical en instrument de contrôle, particulièrement dans les domaines de l'obstétrique et de la gynécologie. Il est ironique – voire cruel – que les disciplines censées accompagner l'émancipation des femmes soient aussi celles qui ont contribué à leur oppression.
Alors, dans un tel contexte, comment (re)donner aux femmes le pouvoir sur leur corps et leur santé ?
Corps colonisés, savoirs dominés : Aux origines de la médecine de la domination
L'activité interactive Corps colonisés, savoirs dominés : Aux origines de la médecine de la domination, présentée lors du Forum Social Mondial des Intersections (FSMI), nous invite à réfléchir sur les violences systémiques ayant influencé, hier comme aujourd'hui, les pratiques obstétricales et gynécologiques.
Ce n'est pas nouveau : l'organe reproducteur féminin a longtemps été dénigré par la médecine, souvent perçu comme source de troubles psychiques et physiques. Le mot hystérie, dérivé du grec hystera (utérus), en est un symbole fort. Utilisé dès l'Antiquité par Hippocrate pour désigner des pathologies prétendument propres aux femmes, il illustre la manière dont la pathologisation du corps féminin a nourri des croyances médicales sexistes persistantes.
La violence passe aussi par les mots. Ceux-ci influencent les représentations sociales, les relations et les comportements. Le langage médical, loin d'être neutre, est un puissant outil de pouvoir, capable de façonner une vision du monde… souvent au détriment des femmes.
Cette vision a historiquement exclu les femmes du domaine médical. Autrefois, les sages-femmes et guérisseuses jouaient un rôle central dans les communautés. Leur savoir empirique leur conférait un pouvoir, perçu comme une menace par les systèmes patriarcaux. L'exclusion des femmes du savoir médical s'est alors accompagnée de leur persécution : la chasse aux sorcières en fut l'expression la plus brutale.
Et cette exclusion continue d'avoir des conséquences aujourd'hui : les savoirs liés au corps féminin restent largement invisibilisés dans la science. L'un des exemples les plus frappants : le clitoris n'a été représenté dans son entièreté dans un manuel français qu'en 2017 ! Une illustration frappante de la négligence scientifique envers les corps féminins.
Construire un savoir médical sur la prémisse d'une infériorité biologique des femmes revient à justifier leur invisibilisation, leur infantilisation et leur contrôle.
Mais cette domination ne s'arrête pas là : certaines femmes subissent également des violences croisées, à l'intersection du sexisme, du racisme et du colonialisme.
Les violences obstétricales et gynécologiques prennent alors racine dans l'histoire coloniale : médicalisation forcée, stérilisations non consenties, avortements imposés… Ces violences ne sont pas de simples « erreurs » du passé, mais les manifestations concrètes d'un système de domination.
Rappelons qu'à une époque, le statut d'esclave était transmis par la mère lors de l'accouchement. Cela faisait de l'utérus des femmes noires un territoire public, exploité au profit des colons. Et plus récemment, cette logique perdurait toujours : l'Alberta et la Colombie-Britannique ont légalement autorisé les stérilisations forcées de femmes autochtones, sans leur consentement jusqu'en 1972.
Comprendre cette histoire est essentiel pour dénoncer la légitimation actuelle de pratiques médicales archaïques et discriminatoires.
C'est ce passé, toujours actif, qui explique pourquoi l'accès à l'information sur le corps féminin demeure difficile. Ce manque de connaissances en santé féminine est structurel, non accidentel.
Comme le souligne Kimberlé Crenshaw, les violences médicales s'inscrivent dans un système d'oppressions croisées : elles se cumulent selon le sexe, la race, la classe sociale ou encore le statut migratoire.
Il va sans dire, les racines du patriarcat sont plus vastes, plus profondes et plus enracinées qu'il n'y paraît…
Il ne s'agit plus de demander une place dans un système médical qui a été conçu sans – et contre – les femmes. Il s'agit d'en reconstruire les fondations, en redonnant voix, pouvoir et savoir à celles qui en ont été privées. Il faut collectivement prendre conscience des biais sexistes et racistes dans la médecine, c'est ainsi qu'une transformation réelle des pratiques de soin pourra s'effectuer. Pour y arriver, il faudra forcément avoir de l'écoute des expériences vécues, de valoriser les savoirs oubliés, et adapter les formations des professionnels de la santé aux inégalités systémiques. Ce combat est collectif, transversal, et profondément nécessaire, car tant que la médecine continuera à reproduire les logiques patriarcales, elle échouera à soigner réellement la moitié de l'humanité. Il est temps d'exiger une médecine féministe, décoloniale et émancipatrice.
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Sur le plan environnemental et de la protection de la santé, l’historique de la Fonderie Horne est remplie d’affirmations fausses et trompeuses
Voici la lettre adressée par Pierre Vincellette (Médecin, pédiatre et néonatologiste, retraité depuis 3 ans. ) au premier ministre Legault suite à la dernière sortie de la fonderie Horne qui demande de ne pas être assujettie à la norme annuelle de 3 ng/m³ de l'arsenic dans l'air.
31 juillet 2025
Lettre ouverte Monsieur François Legault, Premier Ministre du Québec
Suite à la réception non sollicitée dans mon courrier d'encart publicitaire provenant de la Fonderie Horne, et en réponse à sa campagne publicitaire multimédia et principalement en réaction à la lettre publique envoyée au Premier Ministre du Québec par la chambre de commerce et de l'industrie de Rouyn-Noranda (CCIRN), je me sens interpellé. Elle est clairement une action, légale ou non, de lobbyisme ou lobbying (Déf. Wikipédia : L'acte de tenter légalement d'influencer les actions, les politiques ou les décisions des représentants du gouvernement, des législateurs ou des organismes de réglementation).
Depuis quelques semaines, la direction de la Fonderie Horne et celle de Glencore inondent les médias et les citoyens de messages. Ceci fait partie d'une vaste campagne de publicité et de lobbying tout azimut. Cette démarche n'est sûrement pas le fruit du hasard. Elle doit être considérée comme suspecte.
Ne soyons pas dupes !
Contrairement à ses promesses, cette campagne s'inscrit dans le contexte de leur décision d'abandonner leur projet AERIS. Pourtant elle s'était engagée à le réaliser. Elle était admissible à une aide financière importante de la part de divers paliers gouvernementaux, donc payée par l'ensemble des contribuables. Cela reflète aussi sa volonté de se désister quant au respect des échéanciers imposés dans l'autorisation ministérielle obtenue au début de 2023.
Dans un passé récent, ne nous a-t-elle pas inondé de messages affirmant sur toutes les tribunes l'importance de sa nouvelle technologie innovante AERIS, sa pièce maîtresse. Ainsi avec elle, elle aurait la capacité d'abaisser grandement l‘ensemble de ses rejets toxiques. À ses dires, grâce à elle, elle serait en mesure de répondre aux obligations fixées par le gouvernement, ceci à l'intérieur de l'échéancier qui lui a été imposé et dont le but premier est la protection de la santé des citoyens exposés.
Comme prévu dans les règlements, cette autorisation, par définition, fait partie intégrante d'un processus d'amélioration progressive devant conduire au respect intégral des différentes normes environnementales en vigueur partout ailleurs au Québec. Combiné à des actions supplémentaires, AERIS semble être un élément indispensable pour atteindre éventuellement les normes québécoises. Par magie elle ne serait plus nécessaire ! Au diable le respect des normes !
Face aux produits toxiques, les citoyens de Rouyn-Noranda savent qu'ils ne sont pas moins vulnérables que les autres personnes demeurant ailleurs au Québec.
Voilà que la direction de la Fonderie Horne fait marche arrière et renie ses propres engagements. Sommes-nous vraiment surpris ?
Dans le passé, la direction de la Fonderie Horne et celle de Glencore n'ont pas toujours fait preuve de transparence et de comportements exemplaires. Sa prétention “d'avoir changé” se révèle n'être qu'une tentative de nous “ jeter de la poudre aux yeux” !
Ainsi, elle a réussi à gagner du temps, espérant voir apparaître une certaine lassitude, une démobilisation ou un désintéressement de la part des citoyens et des journalistes ainsi qu'un manque de vigilance de la part des autorités concernées. Compte tenu de l'incertitude économique reliée à l'instabilité d'humeur manifestée par notre voisin du sud, de la proximité d'une élection au Québec et l'agitation reliée aux métaux dits critiques, elle juge le moment opportun pour contre-attaquer. Ne cherche-t-elle pas à éviter d'assumer correctement ses obligations et ses responsabilités ?
Une fois de plus, elle s'évertue à nous faire croire que ses rejets toxiques sont inoffensifs pour la santé. Elle fait appel à divers experts en toxicologie, liés à l'industrie minière, choisis et payés par elle, pour soutenir ses dires et, ainsi, convaincre certaines personnes influentes. Leurs propos sont orientés, parcellaires et généralement biaisés. Beaux-parleurs, ils réussissent à vendre leurs salades et ainsi à convaincre certains auditoires peu connaissant dans ce domaine spécialisé. Malgré la présence d'une situation flagrante de conflit d'intérêt, ils cherchent avec la complicité de la direction de la Fonderie Horne à nous faire croire à la “neutralité“ et à l'impartialité de leurs avis, de leurs rapports et de leurs études.
Ensemble, ils ont réussi à convaincre les représentants de la chambre de commerce et de l'industrie de Rouyn-Noranda (CCIRN) d'écrire une lettre publique à M. le Premier Ministre du Québec, François Legault. Ce n'est pas un geste banal. Sans aucune compétence en la matière et avec des connaissances extrêmement limitées sur le sujet, les représentants de la chambre de commerce se sont permis d'exprimer leur opinion sur la validité des différentes études de biosurveillances effectuées par la Direction de la Santé Publique de L'Abitibi-Témiscamingue (DSPub AT), celles de 2006-07, de 2018, de 2019 etc. Ils ont sélectionné la plus ancienne au détriment des récentes, même si les conclusions de cette première se sont révélées erratiques, tel que précisé par la DSPub AT. C'est celle qui leur convient personnellement. De plus, ils se sont estimés aptes à émettre des critiques sur les choix des biomarqueurs sélectionnés. Serviles, ils ont repris tout simplement l'argumentaire véhiculé par la direction de la Fonderie Horne et par Glencore.
Il me paraît déplorable et ridicule que le CCIRN se prononcent directement auprès du Premier Ministre du Québec sur le bien-fondé ou non de l'utilisation de biomarqueurs spécifiques ou encore sur la présence ou non de risques potentiels pour la santé liés aux rejets par la fonderie de produits toxiques dans l'environnement. Par ce fait même, consciemment ou non, ils contribuent implicitement à discréditer les experts de la Direction de la Santé Publique tant au niveau régional que national, tout comme le fait constamment la direction de la Fonderie Horne. Ils mettent en doute leurs compétences respectives et leur professionnalisme en laissant sous-entendre que leurs études et avis récents ne sont pas valables et qu'ils ne sont ni “neutres” ni impartiaux, contrairement, selon eux, aux experts choisis et rémunérés par la direction de la Fonderie Horne.
Suite à cette lettre, l'équipe éditoriale du Devoir a jugé bon de publier ses propres commentaires et exprimer son opinion. Ceux-ci sont partagés par de nombreux citoyens de Rouyn-Noranda et d'ailleurs.
Suite aux réactions provoquées par cette lettre publique au Premier Ministre, la mise au point diffusée ultérieurement par la chambre de commerce de Rouyn-Noranda me semble peu sincère. Elle n'efface pas ce qui a été envoyé. Affirmer une chose et agir en contradiction est déplorable. Son appel tardif au dialogue qu'elle a émis par la suite est peu crédible puisqu'elle a déjà pris une position claire et ferme en écrivant au Premier Ministre. La chambre de commerce et de l'industrie de Rouyn-Noranda avait-t-elle organisé des rencontres préalables avec les représentants de la Direction de la Santé Publique tant régionale que nationale et avec les représentants des divers groupes de citoyens qui ont manifesté publiquement leurs préoccupations ? Cela me paraît être un geste essentiel pour s'assurer que ses membres soient mieux informés, Ces rencontres auraient dû être tenues avant la rédaction de cette lettre. A-t-elle aussi consulté réellement l'ensemble de ses membres sur le sujet avant de s'exprimer à leurs noms ? Loin de favoriser la conciliation ou le rapprochement, cette lettre alimente la méfiance et la division au sein de la population. Elle attise cette fracture sociale qu'elle déplore. Elle ternit davantage l'image de Rouyn-Noranda et son attractivité. Ce n'est sûrement pas le but recherché.
En conflit d'intérêt évident, la majorité des signataires de cette lettre ont choisi avant tout de préserver pour eux-mêmes cette importante source de revenus. Ainsi, ils s'opposent à la volonté exprimée par la grande majorité des citoyens de Rouyn-Noranda lors de la consultation publique sur le sujet organisée par le gouvernement québécois à l'automne 2022. Par cette lettre au Premier Ministre, des gens fortunés et influents appartenant à la communauté d'affaires de Rouyn-Noranda expriment une certaine forme de non-respect ou de mépris envers leurs concitoyens qui ont à cœur leur santé et celle de leur famille, ainsi que celle de leurs voisins.
Lors de cette même consultation publique de 2022, la CCIRN dans son mémoire écrit ce qui suit : “Le débat démontre une fracture sociale évidente dans la population, qui est déchirée entre la protection de la santé et la préservation d'un acteur économique important. Le CCIRN a pris position que le développement économique ne devrait pas se faire au détriment de la santé de la population”. Elle écrit en caractère gras et souligné “ La cible proposé de 15 ng par m3 est une étape de transition en route vers la norme québécoise de 3 ng par m3 d'arsenic” et “ Le repère de 15 ng par m3 d'arsenic est conséquemment une valeur intermédiaire qui ne doit pas être maintenue indéfiniment dans le temps et qui doit être atteinte le plus rapidement possible”. “En somme, la CCIRN soutient la position de la Direction de la santé publique du Centre intégré de santé et de services sociaux de l'Abitibi-Témiscamingue quant à la cible proposée, et considère que cette valeur repère est une étape de transition vers le respect de l'atteinte de la norme québécoise”.
Ce mémoire rédigé par le CCIRN et sa lettre au Premier Ministre sont difficilement conciliables. On constate une inconsistance qui s'explique difficilement. Cela pourrait-t-il s'expliquer par un comportement de girouette, ou d'hypocrisie, ou encore celui d 'aplaventrisme et de servilité (déf. Petit Robert : Servile : qui a un caractère de soumission avilissante et excessive = bas, obséquieux, complaisant = lèche-culs) et peut-être d'opportunisme et de cupidité, ou bien d'une combinaison des cinq ? Si certains se sentent offusqués par mes propos, ils devraient réaliser qu'ils récoltent les fruits de ce qu'ils ont eux-mêmes semé. Celui qui sème des mauvaises herbes et du chiendent ne doit pas espérer récolter de fines herbes. L'agriculteur qui épand du lisier sur son champ pour l'engraisser ne doit pas être offusqué si ses voisins affirment que ses terres ne sentent pas les roses.
Surprenamment, de façon redondante, chacun des signataires de la lettre s'est cru obligé d'ajouter un commentaire personnel complimentant la Fonderie Horne. Devant cette surenchère, nous avons l'impression d'assister à une compétition d'adulation ! Cela me paraît pour le moins déplacé. Il ne s'agit pas d'un anniversaire ou une fête quelconque où l'on demande à chacun d'écrire sur la carte de souhait un petit mot pour faire plaisir à la personne fêtée et lui signifier leur appréciation.
Comme vous, nous avons constaté une baisse significative de ses émissions atmosphériques d'arsenic, mais elles demeurent encore beaucoup trop élevées et dépassent encore énormément la norme québécoise. Elles sont néfastes pour la santé. Ce n'est que suite aux études de biosurveillance effectuées par la Direction de la Santé Publique régionale publiées en 2019 et 2020, puis aux avis de la Direction Nationale de Santé publique et de l'INSPQ émis à l'été 2022, à l'intérêt manifesté par les nombreux journalistes et les informations diffusées par les médias, qu'une grande partie de la population d'ici et d'ailleurs au Québec ont pris conscience de cette importante problématique environnementale et des risques pour la santé qui en découlent. Face à elle, le CCIRN et la majorité de ses membres ont exprimé leur inquiétude et ont demandé eux aussi sa résolution le plus rapidement possible.
Suite à l'avis interministériel de 2004 et contrairement à leurs recommandations, nous pouvons constater une longue période de quasi immobilisme dans la réduction des hauts niveaux des émissions atmosphériques d'arsenic. Comme c'est son habitude, la direction de la Fonderie Horne avait alors brandi la menace de fermeture et elle a utilisé avec succès un chantage lui permettant ainsi d'éviter d'avoir à faire face aux obligations légales et aux exigences qui auraient normalement dû lui être imposées dans l'autorisation ministérielle de 2007. Depuis lors, elle utilise abusivement l'étude de biosurveillance de 2006-2007 comme un paravent pour justifier son inaction relative. Tardivement, elle n'a commencé à bouger significativement que face aux nouvelles exigences associées à l'autorisation légale de 2023. Elle essaie maintenant, une fois de plus, de les faire baisser et d'étirer les échéanciers. Elle n'a aucunement fait preuve d'un comportement presque angélique comme le prétendent le CCIRN et les signataires de la lettre. Au contraire ! Je reconnais le droit de la chambre de commerce de Rouyn-Noranda d'avoir un point vue divergeant du mien (partagé par de nombreux citoyens de Rouyn-Noranda et d'ailleurs), et celui d'essayer de défendre les intérêts financiers de certains de ses membres ainsi que celui de s'exprimer publiquement. Lorsqu'elle essaie d'influencer directement le Premier Ministre en dénigrant la Direction de la Santé Publique régionale et nationale et en se prononçant sur le niveau de dangerosité pour la santé lié aux rejets toxiques émis par la fonderie, elle dépasse les bornes. Elle ne peut pas dire quelque chose et son contraire et ainsi prétendre être crédible.
Je reconnais le droit pour le syndicat des employés de la fonderie de défendre le gagne- pain de ses membres et son droit à s'exprimer publiquement. Devant la puissance de son employeur, moi et beaucoup d'autres citoyens, nous déplorons une certaine servilité dans ses interventions publiques, bien que nous la comprenions.
Nous savons tous aussi que le jour où Glencore considérera que cette fonderie n'est pas suffisamment rentable, même avec l'aide financière gouvernementale et avec l'octroi de privilèges exceptionnels, elle la fermera tout simplement. Ce jour-là, comme bien d'autres dans le domaine minier, elle cherchera probablement à éviter le plus possible de remplir ses obligations de réhabilitation sous prétexte que ce sont les anciens propriétaires qui sont responsables de la plus grande partie de la contamination des sols et de l'eau. Les besoins grandissants pour les métaux dits critiques et pour le recyclage des appareils électroniques, ainsi que la préservation des emplois directs et indirects à Rouyn-Noranda, si importants dans son discours actuel, ne pèseront pas lourd dans la balance.
Je suis conscient tout comme les autres citoyens, soucieux ou non envers la protection de leur santé et de l'environnement, de l'importance du poids économique de cette fonderie et de son apport. Cela ne lui donne pas le droit de polluer sans scrupule l'environnement où nous vivons à titre de voisins. C'est pourquoi les autorités concernées se doivent de la surveiller et aussi de l'obliger à assumer adéquatement ses responsabilités à titre de bon citoyen corporatif particulièrement dans les domaines de la protection de l'environnement et de la santé. Dans le passé, avec ses très hauts taux de rejets de produits toxiques dans l'environnement, elle s'est montrée pour le moins extrêmement négligente. Suite aux divers propos tenus par sa direction et par ses partenaires d'affaires ou par ceux qui en dépendent, nous constatons qu'ils demeurent encore trop peu sensibilisés.
Chercher à faire un débat sur le choix de biomarqueur est d'aucune utilité. Au contraire, cela peut servir à détourner l'attention et ainsi éviter de faire face au vrai problème : les répercussions négatives pour la santé associées aux rejets d'une multitude de produits très toxiques dont certains sont sans seuils. Ce terme veut dire que ces produits toxiques continuent à provoquer chez certains individus des effets dangereux même à très petite dose. C'est le cas de l'arsenic, (et plus encore lorsqu'il est sous forme de trioxyde d'arsenic tel que présent à Rouyn-Noranda), du plomb et possiblement du cadmium et de plusieurs autres. Le problème est là et il est incontestable. Le nier ne le fait pas disparaître. Porter des œillères ne devrait pas faire partie des solutions. C'est à cet important problème que tous et chacun doivent vigoureusement s'attaquer. C'est vrai autant pour la direction de la Fonderie Horne, que pour ses partenaires d'affaires, autant pour les citoyens de Rouyn-Noranda que pour les diverses instances et autorités gouvernementales impliquées tant au niveau national, régional que municipal. Le rôle de la Santé Publique est primordial. Face à la puissance de Glencore, nous devons tous vigoureusement la soutenir.
Comme de nombreux citoyens l'ont déjà fait, sachons encore nous tenir debout !
Conclusions :
Sur le plan environnemental et de la protection de la santé, l'historique de la Fonderie Horne est remplie d'affirmations fausses et trompeuses, de promesses brisées et de tergiversations qui s'éternisent, de chantage et menaces successives de fermeture, accompagnés d'actions concrètes timides et d'investissements minimalistes.
Aucunes données scientifiques supplémentaires, récentes et crédibles, ne justifient la remise en question du bien-fondé des exigences imposées dans l'autorisation gouvernementale décrétée en 2023. Au contraire, la littérature scientifique actuelle nous oriente vers une plus grande prudence et un resserrement des normes environnementales. Cela concerne particulièrement le plomb, l'arsenic, le cadmium, le SO2, et de nombreux autres produits toxiques.
La lettre envoyée par le CCIRN n'est aucunement pertinente. Il s'agit d'une forme de lobbying dont les signataires sont en position de conflit d'intérêt. Leur argumentaire n'est pas basé sur des données probantes. Ne possédant pas les connaissances de base suffisantes en relation du domaine précis que sont les risques pour la santé liés aux émissions de produits toxiques, ils se basent uniquement que sur du ouï-dire véhiculé par des sources biaisées.
L'INSPQ (2022) a clairement souligné qu'il fallait tenir compte de l'importance des risques très significatifs déjà encourus par les personnes demeurant à Rouyn-Noranda et associés à leur exposition prolongée à des niveaux atmosphérique très élevés d'arsenic et autres produits toxiques rejetés dans le passé par la Fonderie Horne. Pour certains, de graves conséquences négatives pour leur santé se sont déjà manifestées, pour d'autres, elles peuvent se manifester ultérieurement au cours des prochaines décades. Ils ont recommandé de minimiser le plus possible les niveaux d'expositions et aussi de procéder le plus rapidement possible. Le but est de limiter l'addition de risques supplémentaires surajoutés.
M. le Premier Ministre François Legault et M. le Ministre responsable de l'Environnement Benoît Charrette, je me permets de vous demander de vous montrer fermes vis-à-vis la direction de la Fonderie Horne et de celle de Glencore, afin qu'elles respectent les obligations imposées dans l'autorisation ministérielle de 2023, selon les échéanciers décrétés.
Laisser la Direction de la Fonderie Horne déterminer elle-même les niveaux minimums atteignables pour ses rejets toxiques et qui selon elle étaient acceptables a eu des répercussions catastrophiques pour les personnes demeurant à Rouyn-Noranda. Les niveaux de pollution atteints à la fin des années 1990 et au début des années 2000 furent horribles. Le niveau atmosphérique annualisé a dépassé 1 000 ng par mètre cube. (la norme québécoise est de 3 ng). Suite à l'avis de 2004 les niveaux ont été ramenés à ceux du début des années 1990. Par la suite, et jusqu'au début des années 2020, nous avons constaté la presque absence d'améliorations significatives. Je vous prie d'éviter que cette erreur se répète. Les directions successives de la Fonderie Horne et de Glencore ne sont pas avérées sur le plan environnemental et sur celui de la protection de la santé être des interlocuteurs fiables et transparents.
Pierre Vincelette, Citoyen de Rouyn-Noranda depuis près de 5 décennies, et demeurant depuis 43 ans dans le quartier Notre-Dame, Père de 3 enfants qui ont été élevés ici, et grand-père de 2 enfants demeurant avec leur famille dans le quartier Notre-Dame. Médecin, pédiatre et néonatologiste, retraité depuis 3 ans.
Addendum :
Voici un bref rappel destiné à ceux qui ont oublié et à ceux qui n'ont pas compris certaines notions de base sur les biomarqueurs. Ils sont encore trop nombreux. Malheureusement, consciemment ou non, certains entretiennent encore une confusion sur ce sujet.
Aucun des biomarqueurs utilisé couramment dans les études épidémiologiques, tel le dosage de produits toxiques dont l'arsenic, que ce soit dans le sang, dans l'urine, dans les ongles d'orteils ou de doigts, dans les cheveux, quelque soit le résultat obtenu, n'apporte une valeur prédictive précise pour chacun des individus quant à son propre risque de développer éventuellement ou non un cancer, une maladie ou un problème de développement qui y sont reliés. Aussi aucun individu ne peut prétendre face à un résultat de dosage considéré bas ou normal qu'il n'y aucun risque pour sa santé. C'est aussi vrai pour le contraire, devant un résultat de dosage très élevé, il ne sera pas ultérieurement automatiquement malade.
Ainsi, les personnes qui ont été très fortement exposés aux formes les plus toxiques d'arsenic pendant de nombreuses décennies et encore jusqu'à récemment présenteront systématiquement des taux strictement comparables à ceux mesurés au sein de populations composées uniquement de personnes “dites non exposées”. Ce phénomène survient lorsque les prélèvements dans le sang ont été effectués quelques heures ou plus après l'arrêt de l'exposition, ou après quelques jours ou plus pour l'urine, ou encore après quelques mois ou plus pour les ongles et les cheveux. Devant des résultats identiques, le niveau de risques pour la santé ne sont pas équivalents, loin de là. Ceci a été très clairement prouvé. Même en présence de cas de cancer causé par l'arsenic, qu'il soit en phase présymptomatique, en phase de traitement actif ou en phase terminale, ces mêmes constatations s'appliquent.
L'arrêt de l'exposition n'entraîne aucunement l'annulation des risques de développer ultérieurement, même des décennies plus tard, des cancers ou autres problèmes de santé liés directement à cette exposition. L'arrêt de l'exposition sert simplement à empêcher une augmentation des niveaux de risques.
Pour mieux illustrer ce principe voici un exemple : l'achat d'un seul billet de loterie vous donne une chance de gagner le gros lot. L'achat de 10 ou de 100 billets augmentent vos chances de le gagner. Malgré cela, vos chances d'être le gagnant restent encore minime lorsqu'un million de billets ont été vendus. Celui qui gagne, quel que soit le nombre de billets qu'il a achetés, reçoit exactement le même montant. Le même constat s'applique aux perdants. Pour les cancers causés par l'arsenic, cette même logique s'applique, sauf qu'il n'y a pas qu'un seul gros lot et que personne ne veut être parmi ceux qui seront atteints.
On va comparer deux populations, l'une nettement plus exposée chroniquement à l'arsenic ou au plomb et l'autre considérée comme non exposée. Au sein de la première, plus de personnes présenteront éventuellement des problèmes de santé reliés à l'inhalation et à l'ingestion de ces produits toxiques qui sont sans seuil. Ceci a été scientifiquement très clairement démontré. C'est facile à comprendre car cela répond aussi à la règle du gros bon sens. Certaines personnes essaient de nier cette vérité et utilisent toutes sortes d'arguments qui tiennent mal la route. Parfois ils réussissent à embobiner une partie moins avertie de l'auditoire.
Ni l'étude de biosurveillance de 2006-2007 mesurant l'arsenic dans l'urine, ni celles de 2018 et de 2019 mesurant l'arsenic dans les ongles n'ont de valeurs prédictives positives ou négatives individuelles pour chacune des personnes faisant partie de ces études. Cela n'était aucunement le but de ces études, et les outils utilisés ne le permettaient tout simplement pas.
Pourquoi cette obsession que certains manifestent en cherchant à remettre constamment à l'avant-plan l'étude de biosurveillance de 2006-2007 ? Elle ne démontre aucunement l'absence de risques pour la santé reliés aux rejets de produits toxiques par la Fonderie Horne contrairement aux prétentions de certains ? C'est un moyen utilisé pour éviter de faire face au vrai problème en niant tout simplement son existence.
N'importe quel expert qui se respecte, a l'obligation éthique de bien préciser ces notions de base à son auditoire composé de profane en la matière, lorsqu'il commente ou donne son avis sur n'importe quelles études épidémiologiques de biomonitoring mesurant les taux de divers produits toxiques. Est-ce toujours le cas ? J'en doute !
D'aucune façon je ne me considère ni ne prétend être un expert en Santé Publique, en toxicologie, ou en épidémiologie. J'ai une formation scientifique dans le domaine de la santé. J'ai aussi accumulé des centaines d'heures de recherche d'informations sur les effets néfastes potentiels sur la santé de divers produits toxiques rejetés par la Fonderie Horne et présents à des niveaux anormalement élevés dans l'air et dans les sols de Rouyn-Noranda, particulièrement l'arsenic et le plomb. De plus, j'ai fait la lecture de centaines d'articles scientifiques sur le sujet publiés dans des revues scientifiques reconnues. J'ai consulté de nombreux documents concernant l'historique de cette fonderie. Je me permets donc d'écrire les commentaires livrés ici, sans ressentir un sentiment d'usurpation. Je n'aborde uniquement que l'aspect du risque pour la santé, c'est celui qui me préoccupe le plus et pour lequel j'ai développé une certaine compétence.
CC : M. Benoit Charette, ministre de l'Environnement, de la lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs
– M. Christian Dubé, Ministre de la Santé
– Mme Christine Fréchette, Ministre de l'Économie, de l'innovation et de l'énergie
– M. Jean Boutet, ministre du Travail, ministre responsable de la région de l'Abitibi-Témiscamingue et de la région du Nord-du-Québec
– M. Daniel Bernard, député Rouyn-Noranda-Témiscamingue
– Mme Suzanne Blais, député d'Abitibi-Ouest
– M. Pierre Dufour, député d'Abitibi-Est
– M. Sébastien Lemire, député fédéral d'Abitibi-Témiscamingue
– Mme Diane Dallaire, mairesse de Rouyn-Noranda
P.-S. : Des copies de cette lettre publique seront envoyées aux représentants de divers organismes et comités impliqués ou intéressés par cette problématique dont la CCIRN. Nous souhaitons que la CCIRN diffuse ce texte auprès de chacun de ses membres. Cette demande s'inscrit dans l'appel au dialogue et de partage d'informations qu'elle a formulé dans son communiqué qui a suivi sa propre lettre ouverte au Premier Ministre. En ce sens, une diffusion élargie de cette lettre serait possiblement appropriée et elle est autorisée par moi.
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Réchauffement climatique : Changement de paradigme
Que faites-vous pour lutter contre le réchauffement climatique ? Vous avez acheté un sac de courses réutilisable pour réduire le nombre de sacs de plastique ? Vous avez une gourde avec vous pour ne pas avoir à acheter de boissons en bouteilles plastiques ? Ou bien encore, vous avez acheté une voiture électrique ?
(Ce texte a d'abord été publié dans l'édition du mois d'août du journal Ski-se-Dit.)
Soyons clairs. Toutes ces bonnes intentions ne servent absolument à rien. Et non seulement elles ne servent à rien, mais au contraire, elles sont néfastes.
Pourquoi ? Parce que plus nous sommes persuadés que nous faisons quelque chose contre le réchauffement climatique, plus nous nous rendons incapables de prendre les mesures plus radicales qui s'imposent. La consommation nous sert d'indulgence. Elle nous permet de noyer notre sentiment de culpabilité et de fermer nos yeux sur la véritable crise, et elle peut très facilement se laisser embarquer dans l'écoblanchiment promu par le capital, qui nous trompe sous couvert de préoccupations environnementales.
Ces trois premiers paragraphes ne sont pas de moi. Ce sont les premiers paragraphes de l'excellent ouvrage « Moins ! La décroissance est une philosophie » du Japonais Kohei Saito, ouvrage dont j'ai brièvement parlé dans ma chronique de février. Ils illustrent bien l'état des choses, notre aveuglement et notre refus de nous attaquer sérieusement aux problèmes environnementaux qui se font des plus pressants, à commencer par le réchauffement climatique.
La question que l'on devrait se poser à la lumière des débats en cours – parce que nous en sommes essentiellement encore à débattre – c'est si les objectifs de développement durable définis par l'Organisation des Nations unies (ONU) et promus par nos gouvernements et les multinationales peuvent ou non changer l'environnement de la planète.
Nous savons tous – que nous l'admettions ou non – que ce n'est pas le cas. Que ces objectifs de développement durable, qui s'inscrivent dans la croissance sans fin du capital, soient suivis ou non par les gouvernements et les multinationales, ils ne permettront pas de lutter contre les changements climatiques. Ces objectifs servent uniquement d'alibis pour détourner l'attention de la crise qui se déroule sous nos yeux. Les mesures qui s'imposent pour faire face aux changements climatiques – et autres défis environnementaux – sont des mesures radicales qui nécessitent un changement de paradigme. Il nous faut sortir du capitalisme, de la croissance sans fin et sans buts du capital !
Rappel des faits
L'impact de l'activité humaine sur la planète n'a cessé d'augmenter depuis le début de la révolution industrielle, il y a près de deux cents ans. Comme l'ont établi le biologiste Eugene Stoemer et le chimiste Paul Josef Crutzen à la fin du siècle dernier, la Terre est entrée dans une nouvelle ère, l'anthropocène, qui se caractérise par la présence de traces de l'activité économique humaine sur l'ensemble de la surface du globe.
Bâtiments de toutes sortes, usines, ports, routes, terres agricoles, barrages et tutti quanti recouvrent aujourd'hui la surface de la Terre. Ces créations humaines transforment la planète, et la plus grave de ces transformations est assurément l'accroissement rapide et continue de la quantité de dioxyde de carbone dans l'atmosphère.
Le dioxyde de carbone est un gaz à effet de serre. Comme on le sait, les gaz à effet de serre absorbent la chaleur émise par la surface de la Terre et réchauffent l'atmosphère, et c'est grâce à cet effet de serre que la Terre maintient une température qui permet à l'humain et aux autres organismes de vivre. Sauf que depuis le début de la révolution industrielle, les quantités de charbon, de pétrole et d'autres combustibles fossiles utilisés dans les activités humaines produisent des quantités faramineuses de ce dioxyde de carbone. La concentration de dioxyde de carbone dans l'atmosphère est ainsi passée en deux cents ans de 280 à 400 parties par million (ppm) selon les données mesurées en 2016. Cette valeur n'avait pas été atteinte depuis… quatre millions d'années. Et ce chiffre n'a bien sûr cessé d'augmenter depuis.
Il nous faut ainsi reculer de quatre millions d'années, à l'époque du Pliocène, pour retrouver dans l'atmosphère une concentration de dioxyde de carbone de 400 ppm correspondant à ce que nous avons mesuré en 2016. Les températures à la surface de la Terre à cette époque étaient significativement plus chaudes qu'aujourd'hui et c'est vers ces températures terrestres que nous nous dirigeons à grands pas.
Le point de non-retour
La crise climatique ne va pas se déclencher soudainement quelque temps vers le milieu du siècle. Il est évident pour toute personne le moindrement informée qu'elle s'est déjà amorcée. Des événements météorologiques extrêmes, qui ne survenaient qu'une fois tous les cent ans, se produisent de plus en plus souvent : incendies de forêts, inondations, tsunamis, tempêtes violentes, etc. Et le moment où il ne nous sera plus possible de contrer le réchauffement de la planète, le point de non-retour, est à nos portes !
Pour éviter la catastrophe, nous disent depuis plusieurs années les scientifiques du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC), nous devons limiter l'augmentation de la température moyenne de la terre à 1,5 degrés Celsius par rapport aux températures préindustrielles. Nos émissions de dioxyde de carbone devaient donc être réduites de près de moitié d'ici 2030 (soit dans cinq ans), puis être réduites à zéro en 2050. À défaut de quoi, nous atteindrons prochainement ce fameux point de non-retour. La situation est grave, c'est le moins qu'on puisse dire !
Convergence des luttes
Comme le souligne avec justesse Kohei Saito en début de chronique, ce n'est pas avec de petits changements à nos habitudes individuelles, qui servent plus qu'autre chose à nous donner malgré nous bonne conscience, que nous luttons efficacement pour la diminution du bioxyde de carbone dans l'atmosphère et contre les changements climatiques et autres atteintes à l'environnement. C'est en acceptant de prendre et de promouvoir des changements radicaux et donc un véritable changement de paradigme : nous devons passer d'un monde capitaliste de croissance sans fin – dont ne profite qu'une faible partie de la population mondiale, faisant fi de la justice et de la démocratie – vers un monde de décroissance axé sur les solidarités et la préservation de notre environnement.
Nous devons changer notre façon de voir le monde ! Nous ne vivons pas seulement dans un monde qui détruit dangereusement son environnement, ses milieux de vie, nous vivons aussi dans un monde parfaitement inégalitaire, sur lequel nous fermons les yeux. La lutte pour sauver notre environnement et préserver la vie sur terre, la nôtre et celle de nombre d'être vivants sur la planète, doit également en être une en vue d'un monde juste, égalitaire et fraternel (pour reprendre la devise de la France).
Nous n'avons pas de recette magique pour passer d'un monde capitaliste à un monde post-capitaliste, d'un monde en perpétuelle croissance de la consommation et de la fortune d'une minorité à la décroissance. Cette recette, ou plutôt cette pratique, nous devons l'inventer et la construire progressivement, en n'oubliant personne, et en gardant toujours à l'esprit l'absolue nécessité de protéger notre environnement et de réduire radicalement nos émissions de dioxyde de carbone dans l'atmosphère. Et la meilleure façon d'y parvenir, sur le plan individuel, c'est de commencer à s'intéresser sérieusement aux questions d'environnement et de justice sociale, ici et ailleurs dans le monde.
Fausses solutions et mensonges
Les multinationales du pétrole et défenseurs de la croissance perpétuelle proposent bien sûr, pour faire taire les clameurs, certaines solutions technologiques. On songe bien sûr aux éoliennes, aux panneaux solaires, à l'hydrogène vert, aux véhicules électriques, aux villes et maisons intelligentes, au captage et à la séquestration du carbone, des technologies qui occupent une place centrale dans les politiques climatiques fédérales, nationales et municipales. Ces solutions ont parfois certains impacts positifs, mais c'est loin d'être toujours le cas. Comme le rappelait Oxfam-Québec dans un plaidoyer publié en 2021, le déploiement de ces technologies « vertes », en tout ou en partie, n'a cependant aucunement empêché les émissions de gaz à effet de serre d'augmenter de 8,6 % en dix ans…
Outre que ces technologies ne s'avèrent pas toujours efficaces pour faire face à l'augmentation du dioxyde de carbone dans l'atmosphère, elles nécessitent des matériaux rares et énormément d'énergie, ce qui contribue indirectement (c'est un euphémisme) à l'augmentation de ce même dioxyde de carbone dans l'atmosphère. Bref, elles s'insèrent dans une économie en perpétuelle croissance axée sur le profit, perpétuelle croissance qui est à l'origine même de tous nos problèmes environnementaux et particulièrement du réchauffement climatique en cours.
Pour conclure
La décroissance aura lieu de toute façon. Si ce n'est en raison des mesures que nous aurons mises en place en ce sens, ce le sera à la suite de l'actuel laissez-faire, entraînant le réchauffement de la planète appréhendé, des phénomènes météorologiques toujours plus destructeurs que nous ne serons plus en mesure de contrôler, de vastes déplacements de populations, des conflits, du désarroi, énormément de souffrance et un profond désespoir.
Mais tout n'est pas encore joué…
Nous devons toutefois réapprendre rapidement à vivre de façon juste, égalitaire et fraternelle, et de manière frugale, en harmonie avec notre environnement. Et définitivement rompre avec le capitalisme ! Il en va de notre survie !
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Une saga digne d’un mini Dynasty : le projet éolien Arthabaska de Boralex
Le projet éolien de Boralex dans la MRC d'Arthabaska, 42 éoliennes industrielles totalisant 265 MW, a des allures de soap opera. Boralex est issus de Cascades fondée par la famille Lemaire basée à Kingsey Falls. Le projet d'éoliennes industrielles bénéficie du soutien enthousiaste du préfet de la MRC, Christian Côté, aussi directeur des achats chez Cascades… et maire de Kingsey Falls. Fait troublant : aucune des 42 éoliennes ne sera installée à Kingsey Falls. Serait-ce que le « pas dans ma cour », si souvent reproché aux citoyens, serait soudainement acceptable pour protéger le chef-lieu des Lemaires ?
13 août 2025 | tiré du site de Climat Québec
https://climatquebec.wpcomstaging.com/2025/08/13/lettre-ouverte-une-saga-digne-dun-mini-dynasty-le-projet-eolien-arthabaska-de-boralex/
Les éoliennes industrielles seraient plutôt réparties comme suit : 30 à Ste-Séraphine, 7 à Sainte-Élizabeth-de-Warwick et 5 à Victoriaville.
Ste-Séraphine : copinage et conflits d'intérêts au rendez-vous.
C'est à Ste-Séraphine que la situation devient carrément indéfendable. Le maire David Vincent est en plein conflit d'intérêts. Il y aurait 6 éoliennes industrielles prévues sur la terre du maire et son père et 2 sur celle de son cousin et son oncle. Le conseiller municipal Justin Allard n'est pas en reste : 2 éoliennes seraient projetées sur ses terres, 4 chez sa mère, 2 chez sa tante, 2 chez son oncle et 2 chez un petit cousin. En tout, 20 des 30 éoliennes prévues à Ste-Séraphine se retrouveraient sur les terres d'élus municipaux ou de leur entourage générant plusieurs dizaines de milliers de $ annuellement.
Le conseil municipal a même dû voter une résolution reconnaissant ces conflits d'intérêts, les empêchant du coup d'émettre un appui officiel au projet. Résultat : la décision a été déléguée à la MRC… dirigée par un maire dont la municipalité ne sera pas touchée, mais qui bénéficierait du partage des redevances. Qui plus est, ce préfet est employé de Cascades. Peut-il réellement représenter les intérêts des citoyens de Ste-Séraphine ?
Privatisation verte : qui paie, qui encaisse ?
Il est vrai que Boralex est une entreprise québécoise. Il faut toutefois savoir que selon une étude de l'IRIS, elle ne se gêne pas pour mettre ses profits à l'abris de l'impôt au Luxembourg privant ainsi l'État de revenus cruciaux pour la santé et l'éducation. De plus, une étude de l'IREC évalue à 6 G$ le surcoût lié à la privatisation de l'éolien.
Contrairement au discours alarmiste véhiculé, les projets éoliens ne servent ni la transition énergétique ni la décarbonation. La prétendue pénurie d'électricité, gonflée à 200 TWh par Sabia pour servir les visées industrielles, s'est écroulée à 4.5 TWh, selon les dernières informations. Il s'agit clairement d'une vaste opération de désinformation visant à favoriser les compagnies privées au détriment d'Hydro-Québec.
Il faut stopper ce modèle de développement fondé sur la collusion, les conflits d'intérêts et l'appauvrissement du bien commun. Si besoin est, les futurs parcs éoliens doivent être 100 % publics, gérés et détenus par Hydro-Québec. Et surtout, un BAPE générique sur l'éolien s'impose pour restaurer la confiance citoyenne.
Martine Ouellet
Cheffe de Climat Québec
Ancienne ministre des Ressources naturelles
Ancienne gestionnaire chez Hydro-Québec
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Recension - La catastrophe était le but : la dialectique de Gaza selon Gilbert Achcar
Le génocide à Gaza ne peut être compris correctement sans vous pousser à une action de solidarité. Simon Pearson chronique le livre de Gilbert Achcar, Gaza, génocide annoncé – un tournant dans l'histoire mondiale.
Tiré d'Europe solidaire sans frontière.
La Catastrophe de Gaza, de Gilbert Achcar, n'est pas un appel à la compassion. C'est une arme politique. Écrit en plein génocide, il dépouille le discours de ses euphémismes, de son théâtre diplomatique et de son brouillard moral. Cette guerre, affirme-t-il, est un projet colonialiste. Accélérée jusqu'à sa forme la plus brutale, elle bénéficie du soutien total des puissances occidentales qui prétendent défendre les droits humains. Achcar met le système en évidence, en retrace l'échafaudage historique et accuse non seulement Israël, mais aussi l'ordre mondial qui le rend possible. Ce n'est pas un livre de deuil. C'est un appel à l'action.
Le livre de Gilbert Achcar, Gaza, génocide annoncé, n'est pas un livre de plus sur Gaza. C'est un réquisitoire. Et pas seulement contre Israël, même si le nom de cet État apparaît dans presque toutes les pages. C'est un réquisitoire contre le système mondial qui a rendu le génocide possible, légal, acceptable, voire bureaucratiquement inévitable. Ce n'est pas un livre sur une tragédie. C'est un livre sur un crime. Et ce crime, insiste Achcar dès le début, n'est pas seulement l'acte de destruction, mais la logique qui a rendu cette destruction concevable.
Le titre est délibéré. Ce n'est pas une catastrophe (L'auteur fait référence au titre en anglais : Gaza Catastrophe : The Genocide in World-historical Perspective, NdT). C'est la catastrophe. Et ce n'est pas accidentel. C'était le but recherché.
La méthode d'Achcar : nommer le système
L'œuvre de Gilbert Achcar s'est toujours démarquée du genre des lamentations libérales. Marxiste de l'école anti-impérialiste, Achcar n'écrit pas pour diagnostiquer la tragédie, mais pour en exposer la structure. Ayant grandi au Liban et longtemps basé à la SOAS à Londres, il apporte à chaque crise non seulement une mémoire historique profonde, mais aussi une analyse acérée. Le choc des barbaries (2002) a disséqué l'ordre mondial post-11 Septembre bien avant que le centre libéral ne s'en empare. Les arabes et la Shoah (2010) a remis en cause à la fois l'instrumentalisation sioniste et l'amnésie historique arabe. Dans chaque cas, la méthode est la même : déconstruire l'échafaudage idéologique, révéler l'architecture géopolitique et réarmer la gauche avec une clarté conceptuelle.
Cette même clarté transparaît dans Israel's War on Gaza, une brève et urgente polémique publiée par Resistance Books en décembre 2023, écrite alors que les bombes tombaient et que les euphémismes étaient forgés. Achcar y exposait ce que beaucoup refusaient de nommer : que le bombardement de Gaza par Israël n'était pas simplement une riposte, mais une extermination, « rien de moins qu'un génocide ». Il a averti très tôt qu'une deuxième Nakba n'était pas seulement un risque, mais un objectif stratégique. Et il a dénoncé la complicité des gouvernements occidentaux. En particulier celle des États-Unis et de l'Union européenne. Non pas comme une passivité diplomatique, mais comme une collaboration active. « Le refus des gouvernements occidentaux d'appeler à un cessez-le-feu », écrivait-il, « les rend complices de crimes contre l'humanité ».
Israel's War on Gaza n'était pas seulement une chronique, c'était une intervention politique. Il esquissait les contours d'un argument plus long : ce à quoi nous assistions n'était pas un outrage isolé, mais l'éruption d'une contradiction historique mondiale. Il s'agissait de l'incapacité de l'État colonial à contenir la conscience nationale du peuple qu'il avait tenté d'effacer. Gaza, un génocide annoncé s'appuie sur ce texte, mais il est plus complet, mieux structuré et plus précis sur le plan polémique. En quatre parties, Achcar retrace le long arc qui va de la Nakba au génocide, de la complicité libérale au discrédit atlantiste, des fausses promesses d'Oslo à la politique brûlante du cabinet de guerre de Netanyahou. Si le livret était un signal d'alarme, cet ouvrage est le règlement de comptes politique.
Achcar est impitoyable dans son analyse, mais il ne succombe jamais au désespoir. Sa méthode est dialectique, non moraliste. Il ne demande pas ce qu'il faut ressentir, mais ce qu'il faut faire. Ce faisant, il va à contre-courant de l'indignation performative et nous entraîne sur le terrain de la stratégie politique. La catastrophe de Gaza n'est pas seulement le titre de ce livre (en anglais, NdT). C'est la réalité qui se déroule sous nos yeux. Et elle nous oblige non seulement à observer, mais aussi à agir.
1. Le génocide comme stratégie
Le livre s'ouvre sur des « Réflexions sur le génocide de Gaza et sa portée historique mondiale ». Achcar est précis : il s'agit d'un génocide, non pas au sens métaphorique, mais au sens littéral. Il établit un parallèle entre les actions d'Israël (bombardement de zones civiles, privation de nourriture, destruction des infrastructures) et la définition du génocide donnée par l'ONU. Il cite le langage déshumanisant de Gallant, la doctrine opérationnelle de l'armée israélienne et les déclarations de ministres israéliens. L'intention de détruire n'est pas cachée. Elle est déclarée.
L'une des idées les plus pertinentes d'Achcar apparaît dans sa critique de la stratégie militaire du Hamas : « Cette stratégie est irrationnelle car il est illogique d'attaquer ses ennemis sur le terrain même où ils détiennent une supériorité insurmontable. » Il condamne le choix du Hamas de recourir à la lutte armée, qu'il qualifie de mystique et contre-productif, écrivant que « rien ne justifie ce qui a été le mauvais calcul le plus catastrophique de l'histoire de la lutte anticoloniale ».
Mais l'argument plus profond est que Gaza révèle non seulement la nature de la politique israélienne, mais aussi l'épuisement de l'ordre mondial libéral. L'expression utilisée par Achcar (libéralisme atlantiste) résume bien le consensus qui a prévalu après 1945, à savoir la promotion de la démocratie par les États-Unis, le discours humanitaire et le multilatéralisme fondé sur des règles. Gaza, comme l'Irak avant elle, déchire ce masque. Le soutien inconditionnel de Biden à la campagne de Netanyahou, la paralysie de l'ONU et le silence de l'Union européenne ne sont pas des échecs diplomatiques. Ce sont des faits structurels. Le 18 octobre 2023, Biden a déclaré : « S'il n'y avait pas d'Israël, nous devrions en inventer un... Il n'est pas nécessaire d'être juif pour être sioniste. » Achcar relie cela à ce qu'il appelle la « compassion narcissique », la tendance occidentale à n'étendre l'empathie qu'à ceux qui sont perçus comme culturellement proches. Selon lui, « la définition de soi de Biden en tant que sioniste a été considérablement aiguisée » par les images traumatisantes du 7 Octobre, en particulier celles du festival de musique Nova. La campagne génocidaire qui a suivi, écrit Achcar, s'est déroulée sous le couvert politique de cet outrage.
Et à travers cet effondrement, Achcar voit autre chose : l'ascension d'une nouvelle configuration idéologique. L'ère du néofascisme n'est pas imminente. Elle est déjà là.
II. D'Oslo à l'anéantissement
La partie II « Vers la catastrophe » revient au terrain qu'Achcar connaît le mieux : l'excavation historique. Mais il ne s'agit pas ici d'établir un contexte libéral. Il s'agit d'un diagnostic structurel. Il commence par interroger la manipulation de la mémoire de l'Holocauste par l'Europe. Loin de prévenir de futures atrocités, l'Holocauste a été instrumentalisé politiquement pour sanctifier l'État d'Israël et faire taire les critiques. Achcar montre que le sionisme est devenu un projet de « blanchiment », alignant la colonie juive sur le bloc civilisationnel occidental.
Il se tourne ensuite vers l'échec du processus de paix. Oslo, selon lui, n'a jamais été synonyme de paix. Il s'agissait d'un confinement contrôlé. Et il s'est effondré dès que les Palestiniens ont compris que les échanges de terres était en réalité une annexion et que la création d'un État équivalait à un asservissement permanent. Achcar détaille comment le Hamas s'est construit à la suite de l'effondrement d'Oslo, non pas comme une simple résistance, mais comme le renversement religieux de la défaite politique.
Sa critique du Hamas est sévère, mais politique. Il qualifie sa stratégie de « mystique », sa lutte armée de contre-productive, son idéologie de régressive. « Qui veut sérieusement affronter une superpuissance nucléaire avec quatre lance-pierres ? », citant Yahya Sinouar, l'homme qui a lancé l'attaque du 7 octobre.
Mais il ne se livre pas à un faux équilibre. La dévastation de Gaza n'est pas une réaction au Hamas. C'est un projet de longue date. « Le génocide de Gaza a été déclenché par une combinaison de facteurs », écrit Achcar, notamment « l'intention délibérée d'infliger un maximum de dégâts... sous la supervision d'une coalition de néofascistes et de néonazis... la fureur meurtrière de l'armée israélienne, associée à la déshumanisation des Palestiniens ».
III. Un bilan en temps réel
Dans la troisième partie, « Gaza, Nakba, Génocide », Achcar rassemble ses interventions politiques écrites au fur et à mesure que la catastrophe se déroulait. Il ne s'agit pas d'essais universitaires, mais de polémiques urgentes, forgées en temps réel. Leur objectif est stratégique : nommer le génocide, briser les euphémismes et arracher le masque libéral de l'empire.
Achcar ne concède rien sur le terrain du langage. Sa critique est la plus acerbe lorsqu'elle vise « l'équivalence morale » colportée par les médias occidentaux et les dirigeants politiques : l'idée que l'attaque du Hamas du 7 octobre et la campagne militaire israélienne sont des actes de violence équivalents. « Assimiler le massacre du 7 octobre au génocide de Gaza, écrit-il, c'est nier l'asymétrie fondamentale entre colonisateur et colonisé. »
Il fustige les commentateurs libéraux et les ONG qui évitent le terme « génocide », soulignant que le vocabulaire humanitaire est utilisé non pas pour clarifier, mais pour obscurcir. Dans l'une de ses interventions les plus virulentes, il écrit : « L'obscénité ultime est l'équivalence morale entre le génocide de Gaza et le massacre du 7 octobre. »
Cette section est également remarquable pour son analyse des médias. Achcar dissèque sans pitié la manière dont des expressions telles que « boucliers humains », « tunnels de la terreur » et « frappes chirurgicales » servent à justifier l'injustifiable. Selon lui, ces euphémismes ne se contentent pas d'édulcorer la violence, ils la légitiment. Ils constituent un vocabulaire de la complicité.
Son objectif est de repolitiser le débat. Non pas pour faire ressentir les choses, mais pour faire réfléchir, puis agir.
IV. La convergence impériale
L'épilogue, intitulé « Entrée en scène de Trump », ne fonctionne pas comme un post-scriptum, mais comme une synthèse de l'argumentation structurelle d'Achcar : le génocide à Gaza n'est pas une aberration du libéralisme, mais un symptôme de son déclin. Le retour de Trump, affirme Achcar, n'est pas le début de quelque chose de nouveau, mais la consolidation d'une formation néofasciste en gestation depuis longtemps.
Achcar commence par dénoncer ce qu'il appelle une « épidémie généralisée d'illusions » dans la période qui a précédé la réélection de Trump en 2024. Il s'agissait d'un espoir irrationnel, partagé même par les observateurs libéraux ou de gauche, qu'un second mandat de Trump pourrait mettre Netanyahou au pas. Au lieu de cela, Achcar nous rappelle que Trump était déjà le président qui :
• a transféré l'ambassade des États-Unis à Jérusalem,
• a reconnu la souveraineté israélienne sur le plateau du Golan syrien,
• a réduit l'aide à l'UNRWA et à l'Autorité palestinienne,
• et a contribué à la conclusion des accords d'Abraham.
Aucune de ces mesures n'était une anomalie. Elles étaient au contraire le but recherché. Comme le dit Achcar, toute personne « dotée d'une lucidité normale » aurait dû s'attendre à une continuité, voire à une escalade.
Mais Achcar va plus loin. Il dévoile les coulisses de l'influence de Trump sur la politique guerrière de Netanyahou. Pendant la campagne de 2024, Netanyahou a semblé bloquer la proposition de cessez-le-feu négociée par les États-Unis, non seulement pour des raisons stratégiques internes, mais aussi pour courtiser Trump. Une citation révélatrice de Netanyahou en juillet 2024 – « nous y travaillons » – suit immédiatement sa rencontre avec Trump à Mar-a-Lago. Ce n'était pas un hasard. C'était un hommage.
Achcar détaille comment Netanyahou a collaboré avec l'envoyé de Trump, Steve Witkoff (un investisseur immobilier, et compagnon de golf), qui entretient des liens étroits avec Trump et le capital du Golfe, afin de faire coïncider la mise en œuvre du cessez-le-feu avec l'élection du président. Le génocide à Gaza devient ainsi non seulement une campagne stratégique, mais aussi une offrande électorale, alignant les intérêts de deux dirigeants autoritaires grâce à un théâtre de domination commun.
C'est l'aboutissement de la thèse d'Achcar : Gaza est le terrain d'essai d'un nouveau mode de gouvernance impériale, défini non pas par des règles ou des normes, mais par une coopération « enthousiaste » entre dirigeants suprémacistes. Le génocide devient un moyen de diplomatie, un instrument non pas de paix, mais d'alignement entre néofascistes.
L'utilisation de la satire par Achcar (des qualificatifs tels que « vieil ami du président, son partenaire de golf, son ex-avocat, et, comme lui, spéculateur immobilier en association avec les riches États pétroliers arabes ») renforce son propos : il ne s'agit pas d'une aberration, mais d'une mascarade qui constitue la structure même du système. Gaza n'est pas seulement le théâtre d'une tragédie, mais la scène sur laquelle s'affirme un nouvel ordre international.
Dans cette lecture, Trump n'est pas une déviation américaine, mais une cristallisation. Il représente la convergence impériale qu'Achcar a observée tout au long de son ouvrage : Washington, Tel Aviv et les monarchies du Golfe, qui ne se cachent plus derrière une rhétorique humanitaire, mais travaillent ouvertement comme un bloc de capitalisme racial et de coordination sécuritaire. C'est là que le libéralisme prend fin. Non pas dans la contradiction, mais dans la collusion.
Annexe : antisémitisme, sionisme et bataille autour de la définition
L'annexe de Gaza, génocide annoncé reproduit une déclaration importante, co-rédigée par Gilbert Achcar et Raef Zreik, publiée pour la première fois dans The Guardian en 2020 (et en français par Mediapart le 30 novembre 2020, NdT). Il ne s'agit pas d'une réflexion après coup. Il s'agit d'une intervention politique, conçue pour exposer le terrain idéologique sur lequel se déroule le conflit israélo-palestinien dans le discours occidental.
Le contexte est clair : des efforts croissants, en particulier en Europe et en Amérique du Nord, pour confondre antisémitisme et antisionisme à travers la promotion et l'adoption de la définition de l'antisémitisme par l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste. Cette manœuvre, affirment Achcar et Zreik, ne sert pas à protéger les juifs de la haine, mais à délégitimer la cause palestinienne et à réduire au silence les défenseurs des droits des Palestiniens.
« Face à la pression croissante des pro-israéliens pour [l'adoption d'] une définition de l'antisémitisme assimilant toute critique du sionisme et de l'État sioniste à une variante de l'antisémitisme, il était nécessaire que les intellectuels arabes se prononcent sur ce débat. »
La déclaration commence par affirmer la nécessité et l'urgence de lutter contre le véritable antisémitisme : la haine des juifs en tant que juifs, enracinée dans les stéréotypes, le complotisme, la négation de l'Holocauste et la haine raciale. Mais il doit s'agir d'une lutte fondée sur des principes, et non d'une lutte « détournée » pour servir les fins d'un État.
« L'antisémitisme doit être combattu et discrédité. La haine des Juifs en tant que Juifs ne saurait nulle part être tolérée, quel qu'en soit le prétexte ».
Mais cette lutte, poursuivent-ils, est instrumentalisée par le gouvernement israélien et ses alliés :
« La lutte contre l'antisémitisme a été de plus en plus instrumentalisée ces dernières années, [...] dans un effort systématique visant à délégitimer la cause palestinienne et à réduire au silence les défenseurs des droits des Palestiniens. »
Au cœur de cette critique se trouve l'amalgame entre judaïsme et sionisme, et entre l'État d'Israël et « l'autodétermination de tous les juifs ».
La définition de l'AIMH, tout en prétendant être neutre, efface cette distinction, laissant entendre que toute critique d'Israël est nécessairement antisémite. Selon Achcar et Zreik, cela est intellectuellement malhonnête et politiquement dangereux.
« Par certains “exemples” qu'elle fournit, la définition de l'AIMH présuppose que tout Juif est sioniste et que l'État d'Israël dans sa présente réalité incarne l'auto-détermination de tous les Juifs. Nous sommes en profond désaccord avec ce postulat. »
Ils vont plus loin en proposant un contre-principe : le soutien aux droits des Palestiniens n'est pas de l'antisémitisme, et le présenter comme tel nuit à la lutte contre l'antisémitisme réel.
« Le combat contre l'antisémitisme ne saurait être transformée en stratagème pour délégitimer la lutte contre l'oppression des Palestiniens, contre la négation de leurs droits et l'occupation continue de leur terre. »
La déclaration appelle au rejet de tout cadre qui « transformerait les victimes en bourreaux » et conclut en affirmant que les Palestiniens ont le droit de résister à leur oppression et d'exprimer leur réalité (politiquement, moralement et historiquement) sans être réduits au silence par l'instrumentalisation du traumatisme juif.
Dans le contexte de Gaza, génocide annoncé, l'annexe renforce la thèse plus large d'Achcar : les structures idéologiques qui permettent le génocide ne se limitent pas à la doctrine militaire ou à la logique des colons. Elles sont intégrées dans le langage même utilisé pour définir la haine. En résistant à l'amalgame entre antisémitisme et critique d'Israël, Achcar remet en cause un pilier discursif central du sionisme libéral et défend le droit (voire la nécessité) de nommer le génocide lorsqu'il se produit.
Néofascisme : la banalité du génocide
L'analyse d'Achcar est particulièrement percutante lorsqu'il nomme la logique idéologique qui anime le gouvernement israélien : il ne s'agit pas seulement de l'extrême droite, mais d'un néofascisme en phase avec un courant mondial.
Dans Gaza, génocide annoncé, Achcar n'hésite pas à employer ce terme. Il décrit la coalition au pouvoir en Israël comme « composée des forces les plus extrêmes de la droite, des sionistes religieux et des ultra-orthodoxes du pays », affirmant que le génocide à Gaza n'est pas simplement le produit du militarisme ou du colonialisme, mais l'expression d'un projet politique néofasciste opérant derrière une façade démocratique.
Comme il l'écrit dans « L'ère du néofascisme et ses particularités » (5 février 2025) :
« Le néofascisme prétend respecter les règles fondamentales de la démocratie au lieu d'établir une dictature pure et simple comme l'a fait son prédécesseur, même s'il vide la démocratie de son contenu en érodant les libertés politiques réelles... »
En d'autres termes, les élections peuvent se poursuivre, mais le système devient vide, dépourvu de toute représentation pour les Palestiniens comme pour les Israéliens dissidents. Dans The Gaza Catastrophe, Achcar intègre cette analyse dans son analyse historique mondiale du génocide, soulignant que les conditions idéologiques préalables à la guerre contre Gaza n'étaient pas rhétoriques mais structurelles : la normalisation du sionisme suprémaciste, les attaques judiciaires contre les démocrates israéliens et l'ancrage d'acteurs ouvertement génocidaires au sein du gouvernement.
Achcar situe clairement le cabinet israélien dans cette logique néofasciste : des partis politiques autrefois considérés comme terroristes sont aujourd'hui au gouvernement ; des idéologues du nettoyage ethnique sont élevés à des postes ministériels. Il s'agit d'un apartheid contrôlé par l'État, avec l'électoralisme pour couverture et et l'occupation comme politique. L'appareil colonial ne se contente pas de perdurer. Il s'intensifie considérablement dans les conditions du néofascisme.
Il élargit son champ de vision au-delà de Jérusalem. Dans « Paix entre néofascistes et la guerre contre les peuples opprimés » (18 février 2025), Achcar observe :
« Nous assistons aujourd'hui à une convergence entre les néofascistes aux dépens des peuples opprimés... »
Cette convergence est structurelle. Dans Gaza, génocide annoncé comme dans ses essais, Achcar montre comment Washington, Moscou et Tel-Aviv opèrent désormais non pas en dépit du libéralisme, mais grâce à l'ascendant du néofascisme. Il ajoute : « Les États-Unis sont pleinement complices de la guerre génocidaire menée contre le peuple palestinien à Gaza... »
Pour Achcar, la logique génocidaire à Gaza n'est pas fortuite, mais coproduite par l'alliance impériale, médiatisée par les transferts d'armes, la couverture diplomatique et le cadrage racialisé de la résistance palestinienne.
Son article « Néofascisme et changement climatique » explique plus en détail comment ce mode de gouvernance est biopolitique, niant la réalité environnementale, ciblant les migrants et utilisant la crise écologique comme couverture pour l'exclusion raciale :
« Le néofascisme pousse le monde vers l'abîme avec [une] hostilité flagrante [...] aux mesures écologiques indispensables », en renforçant la « souveraineté d'exclusion »1.
L'analyse d'Achcar montre ainsi que les régimes colonialistes héritent non seulement d'une logique raciale, mais aussi d'un déni écologique. Il s'agit là d'une fusion dangereuse dans l'avenir de la zone assiégée de Gaza. Un lieu où la guerre, les déplacements et l'effondrement climatique convergent sous la logique de la règle exclusive.
Dans le contexte de Gaza, génocide annoncé, la théorie du néofascisme d'Achcar clarifie la continuité entre l'extrême droite israélienne et l'extrême droite mondiale, entre Smotrich et Trump, Ben-Gvir et Poutine. Ce n'est pas une métaphore, c'est une logique de développement.
Il écrit :
« Nous sommes entrés dans l'ère du néofascisme... qui est pire parce que la puissance impérialiste la plus importante est à la tête de la coalition néofasciste. »2
La position politique d'Achcar est donc double : internationale sur la plan analytique, locale sur le plan matériel et concret. Le génocide israélien n'est pas unique dans son horreur, mais il est unique par sa façade démocratique. La machine de destruction du Hamas est en parfaite cohérence avec l'ère du néofascisme : IA ciblée, doctrine du zéro blessé, rhétorique raciste et soutien mondial en matière d'armement.
Ce diagnostic n'est ni une exagération rhétorique ni une panique historique. C'est une acuité structurelle. Le néofascisme, selon Achcar, n'est pas un signe d'extrémisme. C'est une technique d'État, un écosystème idéologique dans lequel le génocide devient politique.
Conclusion : contre l'euphémisme, contre l'empire
Gaza, génocide annoncé est un livre peu réconfortant. Il ne se termine pas sur une note optimiste et n'offre aucune confiance dans le droit international. Sa force réside dans sa clarté. Achcar ne se lamente pas. Il nomme les choses, et à un moment où nommer est en soi subversif, ce n'est pas un mince exploit.
La catastrophe n'était pas une erreur politique. C'était une décision stratégique. Les décombres de Gaza ne sont pas un avertissement de l'histoire. Ils sont une révélation du présent.
C'est le système. Il faut s'y opposer. Pas seulement avec l'indignation. Mais avec la politique, en combinant le pessimisme de l'intelligence et l'optimisme de la volonté, nourris par l'espoir.
Simon Pearson
Notes
1- « Une Europe qui vire au noir et au brun », 24 juin 2024, Éric Toussaint, CADTM.
2- « Neofascism, imperialism, war and revolution in the Middle East », Gilbert Achcar & ; Rodrigo Utrera, 30 juillet 2025, New Politics, à paraître en français.
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Comptes rendus de lecture du mardi 19 août 2025
Moins !
Kōhei Saitō
Traduit du japonais
Tous ceux que le réchauffement climatique préoccupe réellement devraient lire cet important essai ! L'auteur nous y décrit ce qui demeure la seule voie réaliste pour faire face à la catastrophe environnementale appréhendée : le communisme de décroissance ; communisme de décroissance qui implique la mise en place de communs, la réappropriation de la démocratie et un monde axé sur l'entraide, la valeur d'usage des biens et services et la prospérité, sans oublier personne. Tout le contraire du capitalisme, de la croissance illimitée, inégalitaire et destructrice de notre environnement, qui n'assure en fait la prospérité que d'une faible minorité de possédants. Un bouquin plein d'optimisme aussi, qui nous trace la voie à suivre.
Extrait :
Le capitalisme dépend de la rareté artificielle. C'est ce capitalisme, en tant que système d'austérité, qui nous force à endurer une vie de pauvreté. Nous ne sommes pas pauvres parce que nous ne produisons pas assez. Nous sommes pauvres parce que l'essence du capitalisme c'est la rareté. C'est ça l'opposition entre valeur et valeur d'usage. Les politiques néolibérales d'austérité menées récemment conviennent parfaitement au capitalisme, car ce sont des politiques qui augmentent la rareté artificielle. Au contraire, l'abondance demande une rupture avec le paradigme de la croissance économique.
Le pari québécois d'une culture avant le pays
Jean-Claude Germain
Jean-Claude Germain nous a quitté plus tôt cette année. J'ai lu ses très intéressantes chroniques dans L'aut'journal pendant des années. Il nous y parlait de notre petite et grande histoire, du passé dont il avait été témoin, de culture, de la nôtre et de celles des autres, de façon colorée, avec des anecdotes, des souvenirs, des rappels de notre passé. Dans ce dernier bouquin, il nous parle de Durham, et de ceux qu'il nomme ses trois fils spirituels : Wilfrid Laurier, Louis St-Laurent et Pierre Elliot Trudeau. Il nous parle aussi de nos artistes, de notre langue, de féminisme… Un de nos grands historiens et grands raconteurs comme il s'en trouve peu.
Extrait :
À une époque où Maurice Duplessis tenait le Québec sous le charme de ses calembours et de son éloquence du terroir, Louis Stephen Saint-Laurent cassait son français. Cette particularité linguistique de Mononcque Louis — cette distanciation brechtienne par l'accent — lui conférait dans le paysage politique québécois, du moins celui des oreilles, un statut exotique. Presque celui d'un étranger.
L'OTAN
Medea Benjamin et David Swanson
Traduit de l'anglais
Ce bouquin, dont je vous recommande vivement la lecture, nous apporte un éclairage absolument nécessaire sur cette alliance militaire qu'est l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN), la plus grande et destructrice alliance militaire de tous les temps. Les militants pacifistes Medea Benjamin et David Swanson y exposent comment cette organisation en perpétuelle croissance et qui viole continuellement de nombreux articles de la Charte des Nations Unies stimule la course à l'armement, exacerbe les conflits dans le monde et accentue dangereusement le risque d'une guerre nucléaire.
Extrait :
Pour prévenir un autre confit mondial dévastateur et créer un ordre international qui ne sera pas fondé sur des alliances militaires, mais sur une coopération dont tous les pays sortiront gagnants, la tâche à accomplir est claire : il faut construire un mouvement citoyen mondial qui dira non à l'OTAN et non à la guerre.
Satan Belhumeur
Victor-Lévy Beaulieu
Victor-Lévy Beaulieu, qui nous a quittés le mois dernier, est une des figures les plus imposantes de notre littérature. Dans un style et une langue bien à lui, il nous aura légué une œuvre importante comprenant des dizaines de romans, de récits, d'essais, de téléromans et de pièces de théâtre. Dans ce roman, paru en 1981, le protagoniste Satan Belhumeur est un type marginalisé qui vit dans un tonneau, rue Monselet, à Moréal-Mort. Il a pour amis Jos, l'homme-cheval Bom' Câlice Doucet et Abel, et il à maille à partir avec les autorités, en particulier avec le maire Polux Ryani et l'infâme Caligula Trudel, qui veulent le forcer à quitter les lieux…
Extrait :
S'il y a une chose qui n'est pas normale, déclare l'un de ceux-ci, c'est bien celle-là : que Belhumeur occupe l'un des derniers beaux terrains qu'il nous reste à Moréal-Mort ! À la place de cet affreux tonneau, imaginez ce que ça serait si l'on érigeait une Tour d'habitation, avec plein de petites boutiques au rez-de-chaussée et un immense parquigne dans le sous-sol ! Pensez à la reconnaissance que tous nos vieillards et toutes nos vieillardes nous manifesteraient même après leur mort !

Les puits maudits
C'est en allant visiter un ami qui habite à la frontière entre La Présentation et Saint-Jude que j'ai eu une surprise de taille. Le site du puits gazier du Rang Salvail était rempli de nombreux véhicules et même d'une tour !
photo Ricochet Rémy Bourdillon
Est-ce que je refais un vieux cauchemar ? Peu après sa fracturation, les problèmes du « puits qui fuit » de La Présentation avaient fait les manchettes pour les mauvaises raisons.[1] Dès janvier 2011, le ministre de l'Environnement de l'époque, M. Pierre Arcand, avait émis un avis de non-conformité.[2] Deux mois plus tard, le gouvernement avait ordonné la fermeture définitive du puits de La Présentation car « une fuite de méthane détectée à l'extérieur de l'enceinte du puits, à une profondeur de sept mètres dans le sol, menaçait de contaminer la nappe phréatique. »[3] Et puis, la fermeture du puits aggraverait-elle la situation ? Cette question devint le sujet d'une vive controverse. [4] Quatorze ans plus tard, ces activités au puits ont-elles pour objectif de tenter de le réparer pour une énième fois, ou est-ce dans le cadre de sa fermeture définitive selon le Projet de loi no 21 de 2022 ? [5]
Malgré mon émoi, j'opterais pour la deuxième possibilité. En gros, la Loi mettant fin à la recherche d'hydrocarbures ou de réservoirs souterrains, à la production d'hydrocarbures et à l'exploitation de la saumure (LMF)[6] révoque les licences des compagnies gazières et exige la fermeture définitive des puits et la restauration des sites. Certes, il y a bien quelques conditions à respecter sans oublier des exceptions, mais ces cas sont des détails qui n'ont pas grand intérêt pour monsieur et madame Tout-le-Monde. Enfin, malgré le manque d'acceptabilité sociale, les gazières contestent encore et toujours cette loi devant les tribunaux.
L'important à retenir, c'est que la compagnie doit avoir un plan de fermeture qui a été approuvé. À partir du moment où la fermeture du puits fracturé est déclarée conforme par le ministère de l'Environnement, la compagnie est prête à signer une entente avec les autorités conformément aux dispositions de la loi. Après la signature de ce contrat entre les parties, la compagnie remet la propriété du puits aux autorités publiques (gouvernement du Québec et/ou municipalité) qui en deviennent propriétaires. Ce document est un genre de « quittance » qui libère la compagnie de toutes responsabilités légales ou financières s'il devait y avoir des problèmes dans l'avenir. Légalement, il y a un fort risque que toute contamination future par un puits fermé soit aux frais des contribuables et de leurs gouvernants. Parfois, selon les contrats signés, le propriétaire terrien pourrait également être tenu responsable.
Le hic, c'est qu'une structure de béton et d'acier comme un puits ne dure pas éternellement. Une fois le gisement gazier fracturé, le gaz dans le schiste continue à migrer lentement dans la roche, puis il se faufile dans les fissures vers la sortie, c'est-à-dire le puits ; par conséquent, la pression interne va continuer à augmenter, même si le puits est fermé depuis belle lurette. Comme le puits est bouché, ce gaz, sous grande pression, va tenter de trouver une sortie ; le gaz se faufilera dans toute faille ou fissure qu'il peut trouver pour pouvoir quitter sa prison souterraine. De plus, après des dizaines d'années, la corrosion risque de multiplier les voies par lesquelles le gaz pourrait s'échapper dans le sous-sol et la nappe phréatique. Par comparaison, on pourrait dire qu'une fois que le génie est sorti de la « bouteille », il refuse de revenir dans son ancienne demeure !
C'est pourquoi les administrations municipales de la MRC des Maskoutains ET le ministère de l'Environnement ET le gouvernement du Québec doivent y penser longuement avant de signer un document légal ( quittance ) qui dégagerait les gazières de toute responsabilité, sinon ce sont les générations futures qui hériteront de ce cadeau empoisonné. Le principe de précaution devrait inciter nos administrateurs à exiger que les documents légaux contiennent des clauses qui permettent de tenir les compagnies responsables au cas où des problèmes criants devaient contaminer notre environnement dans l'avenir.
En août 2010, c'est avec son vélo que le regretté Pierre Foglia avait visité nos puits de gaz maskoutains. Avec trois articles en un mois, il avait puissamment contribué à nous faire prendre conscience de la présence prédatrice des gazières ; comme métaphore, il les avait assimilées à « des oiseaux de proie ».[7] Dans l'imaginaire populaire, un oiseau de proie fonce sur sa victime, puis l'emporte pour la déchiqueter et la dévorer. Même après leur départ, il ne faudrait pas que les contrats mal ficelés permettent à ces « oiseaux de proie » d'être libérés de leurs obligations légales et financières. La réalité brutale, c'est qu'à l'intérieur des puits fermés de la MRC (et de la province), la pression du gaz continuera à augmenter. Alors, avant de signer cette « quittance », nos administrateurs doivent répondre à la question qui tue : « Combien de temps l'acier et le béton de ces puits maudits sauront-ils résister à la corrosion inévitable ? »
Gérard Montpetit
Comité Non Schiste La Présentation
le 4 août 2025
1] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/524033/saint-hyacinthe-gazschiste-fuites
2] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/502552/gaz-schiste-la-presentation-citoyens-inquietude ?
3] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/509259/fermeture-puits-presentation?depuisRecherche=true
4] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/509698/danger-puits-presentation?depuisRecherche=true
6] https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/R-1.01
7] https://www.lapresse.ca/debats/201008/20/01-4308518-les-oiseaux-de-proie.php
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Internationalisme ou géostratégie, il faut choisir !
Poutine se frotte les mains car les crimes génocidaires monstrueux de Netanyahou et Cie contre le peuple palestinien tendent a éclipser les crimes à peine moins monstrueux qu'il commet contre le peuple ukrainien... avec la complicité évidente de Donald Trump.
Tiré de Europe Solidaire Sans Frontières
6 juillet 2025
Par Daniel Tanuro
Pourquoi Trump soutient-il Poutine ? Parce que son projet stratégique consiste a sauver l'hégémonie US en usant de la supériorité militaire yankee pour dicter à la Russie et à la Chine les conditions d'un partage du monde entre puissances - despotiques à l'intérieur, impérialistes à l'extérieur. Mutatis mutandis, ce projet est comparable à celui qu'Hitler caressait avant l'entrée en guerre des Etats-Unis, quand il envisageait un partage du monde entre Berlin, Tokyo, et Washington.
Dans ce projet, Israël est plus que jamais le chien de garde de l'impérialisme US au Moyen-Orient. Trump permet donc tout à Netanyahou, ou presque. Sa relation avec Poutine est plus contradictoire : c'est la relation d'un Capo avec le chef d'une mafia rivale, avec qui il veut délimiter les territoires respectifs. D'où un certain nombre de zig-zags. Mais c'est bien de partenariat et de complicité entre bandits qu'il s'agit, il n'y a aucun doute la-dessus.
Lavrov, le ministre russe des affaires étrangères, affirmait il y a quelques mois qu'Israël poursuivait à Gaza les mêmes objectifs que la Russie en Ukraine : « dénazification et démilitarisation ». Il faut être aveugle et sourd, en effet, pour ne pas voir que l'enjeu politique fondamental est le même en Ukraine et en Palestine (et ailleurs !) : le droit des peuples à exister et à déterminer eux-mêmes leur destin face au talon de fer des logiques d'écrasement coloniales et suprémacistes.
Ce n'est pas par hasard que Trump et la plus grande partie de l'extrême-droite internationale soutiennent à la fois Netanyahou et Poutine (et que ceux-ci se soutiennent d'ailleurs mutuellement, en coulisse !). La victoire de ces deux criminels sans scrupules serait pour les aspirants despotes du monde entier un formidable encouragement à établir partout des régimes autoritaires, fascisants ou fascistes. Avec tout ce que cela implique de racisme, de machisme, de négationnisme et d'obscurantisme.
Il est pathétique que la gauche internationale, à quelques trop rares exceptions près (notamment la IVe Internationale, à travers la résolution majoritaire à son dernier congrès mondial) soit incapable de se hisser au niveau de cet enjeu majeur. Elle devrait défendre une position de principe claire :
soutien aux peuples en lutte pour leur droit légitime à l'autodétermination ;
en Palestine, en Ukraine et partout, l'occupation est un crime ;
droit des peuples à défendre leurs droits, y compris par les armes.
Au lieu de cela, la plus grande partie de la gauche s'est embourbée dans des calculs géostratégiques qui l'amènent à choisir un des camps étatiques en présence contre l'autre, au nom du « moindre mal ». Les uns choisissent le camp de l'Occident, les autres choisissent le camp de ses rivaux. Parfois ouvertement - il y a des « communistes » pro-russes -, le plus souvent au nom d'un faux pacifisme (« pas d'armes pour l'Ukraine »... mais « le peuple palestinien a le droit de se défendre par les armes »). Une position révolutionnaire consiste au contraire à choisir toujours le camp des peuples en lutte, quel que soit le « camp » de l'Etat qui les opprime.
La gauche se dit « internationaliste ». Il faut donc rappeler, hélas !, que cette position de principe constitue justement le fondement de l'internationalisme ! « Prolétaires du monde entier, unissez-vous » : ce slogan s'adresse bien aux peuples, aux personnes qui les composent, pas à leurs dirigeants, n'est-ce pas ? Il n'implique en soi aucun soutien politique à ceux-ci, aucun alignement acritique sur leur orientation. Concrètement, il s'agit de soutenir le peuple palestinien en dépit du Hamas (et de « l'Autorité palestinienne » fantoche ! et du role des mollahs iraniens !). Il s'agit de même de soutenir le peuple ukrainien en dépit de Zélensky et de sa politique néolibérale pro-OTAN.
Précision n°1 : cette position de principe doit s'affranchir de toute comptabilité macabre. Un crime contre l'humanité est un crime contre l'humanité, quelle que soit son ampleur. Le bombardement des civils à Marioupol ou a Kyiv n'est pas « plus acceptable » que le bombardement des civils à Gaza. La déportation-russification des enfants ukrainiens n'est pas « plus acceptable » que le massacre des enfants de Gaza. Il y a « deux poids deux mesures » dans les positions occidentales sur Gaza et l'Ukraine ? Oui, c'est ignoble, c'est à dénoncer ! Mais répondre au « deux poids deux mesures » de l'Occident par un autre « deux poids deux mesures », symétrique du premier, est indigne d'une gauche de gauche et, plus largement, de l'éthique la plus élémentaire.
Précision n°2 : cette position de principe doit s'affranchir de tout pacifisme abstrait. Concrètement, le droit des peuples à l'autodétermination et à l'autodéfense implique de dire à la fois « Oui aux armes pour l'Ukraine » et « Stop arming Israel », tout en s'opposant au projet « Rearm Europe » et autres politiques de remilitarisation impérialiste. Ce n'est pas facile, mais il n'y a pas d'autre voie pour des anticapitalistes-internationalistes.
J'ai commencé ce billet en écrivant que Poutine se frotte les mains. Dans une certaine mesure, Netanyahou se les frotte aussi. Pour la même raison : la focalisation sur les horreurs sans nom infligées à Gaza détourne l'attention des crimes à peine moins monstrueux qu'Israël commet en Cisjordanie (pour ne pas parler des bombardements israéliens ininterrompus au Liban, en Syrie, dans la plus totale impunité !). Sans compter les régimes arabes (Arabie saoudite, Émirats, Égypte, Maroc...), qui n'ont qu'un souhait : se faire les plus discrets possible en espérant monnayer leur collaboration au « nouveau Moyen-Orient » qui sortira du poker menteur entre les empires. Sur le dos du droit de tous les peuples.
Daniel Tanuro
Commentaires
Martine Collin
D'accord sauf sur la critique trop globale de Zelensky .. crois tu vraiment que ce peuple envahi ait le choix de ses alliances ?
* * *
D Tanuro
Martine Collin - Il y a deux aspects. La politique néoliberale de privatisations et d'atteintes aux droits sociaux ne peut qu'affaiblir la mobilisation populaire contre l'invasion, raison pour laquelle nos camarades de Sotsialnyi Rukh et des secteurs sociaux luttent sur deux fronts. Sur l'OTAN, on peut comprendre que les peuples de pays qui ont subi la domination tsariste, puis stalinienne, voient l'OTAN comme une garantie anti-invasion. Mais la solidité de cette garantie diminue et, surtout, on ne peut que dire son opposition a ce réflexe, en raison de la nature même de l'OTAN, comme alliance impérialiste. Tactiquement, ce n'est pas facile du tout, évidemment (on l'a vu aussi en Suède et en Finlande !). Il faut développer les arguments adéquats en fonction du contexte, notamment en couplant cela, je pense, à la dissolution de toutes les alliances militaires.
P.-S.
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Impacts des projets éoliens au Québec : un BAPE générique est nécessaire
Les projets de parcs éoliens se multiplient au Québec. Depuis seulement 2024, déjà 9 nouveaux projetsont fait l'objet d'une consultation publique par le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE).
Crédit photo : Jean-Claude Coulbois. Film Boisbouscache : territoire sous influence.
À eux seuls, ces projets totalisent des investissements de près de 6 milliards de dollars. Les quelques 370 éoliennes prévues détruiront ou perturberont des milliers d'hectares de territoires forestiers et agricoles, et des milieux humides. Et ce n'est là qu'un début. Face à ce déferlement de projets éoliens, plusieurs municipalités, citoyens et groupes de tous horizons ont fait parvenir au gouvernement la demande de la tenue d'un BAPE générique sur la filière éolienne afin d'évaluer correctement les enjeux environnementaux, sociaux et économiques cumulatifs des projets. Le BAPE a lui-même formulé cette recommandation en conclusion de plusieurs de ses rapports sur des projets éoliens (voir les conclusions des rapports 375,385,386 et 388).
Malgré les demandes répétées, le gouvernement du Québec et l'ex-directeur d'Hydro-Québec, M. Michael Sabia, se sont toujours opposés à mener cet examen rigoureux de la filière éolienne, et cela en dépit des impacts négatifs très importants des projets éoliens dénoncés par de nombreux citoyens et experts.
Parmi les effets les plus nuisibles du développement éolien actuel mentionnons la dénationalisation de l'électricité et une crise tarifaire à venir sans précédent au Québec. Selon plusieurs experts, les tarifs d'électricités pourraient subir une hausse annuelle de 5,6 à 9% par an dès 2028, soit des hausses cumulatives de 65 à 75 % sur 11 ans. Selon l'Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC), la perte de la rente éolienne pour Hydro Québec, due à la privatisation dans ce secteur, est estimée à entre 1,79 et 3,34 milliardsà l'horizon de 2035.
Si ces profits étaient partagés 50-50 entre Hydro Québec et les MRC, les revenus de chaque partie devraient atteindre entre 910 millions$ et 1,70 milliard$ à l'horizon 2035. Ce qui est au moins 100 fois plus que ce qui est offert présentement aux municipalitésqui acceptent des éoliennes sur leur territoire en partenariat avec le privé. En laissant les compagnies privées accaparer la rente éolienne, ces profits seront vraisemblablement exportés vers desparadis fiscaux plutôt que d'enrichir le Québec.
De plus, chaque nouveau parc éolien augmente la charge financière d'Hydro-Québec Production qui doit assumer les frais pour l'intégration et l'équilibrage de la nouvelle électricité. Ce qui se chiffre en milliards de dollars. La société d'État est également obligée d'acheter cette électricité à prix fort (entre 10 à 12 ¢ au lieu des 2,79 ¢ le kilowattheure pour l'électricité patrimoniale). Le coût d'acquisition de l'énergie éolienne par Hydro-Québec est estimé à 22,2 milliards de dollars d'ici 2035. À cela doivent encore s'ajouter les frais d'Hydro-Québec pour l'entretien des infrastructures vieillissantes de son réseau. C'est ce qui a fait dire à plusieurs experts que le Plan d'action de l'ex-PDG d'Hydro-Québec, qui vise à doubler la production d'électricité au Québec est un gouffre financier qui préfigure un appauvrissement inutile de la population, en plus d'être totalement irréaliste.
Les experts reconnaissent que le gouvernement met la charrue avant les bœufs en se lançant dans une production pharaonique d'électricité avant même d'avoir un agenda concret de décarbonation de notre économie. Le gouvernement considère la transition énergétique comme une « occasion d'affaires » et il attribue l'essentiel des nouveaux blocs d'énergie (que nous ne possédons pas encore) à des entreprises, souvent étrangères, qui ne contribuent pas à la réduction de notre dépendance au pétrole et au gaz. L'idée de transition énergétique sert donc de prétexte pour un développement industriel qui favorise la mainmise du privé dans le marché nord-américain de l'électricité.
D'autres enjeux importants concernent la santédes populations qui doivent vivre avec les nuisances des tours éoliennes, dont le bruit, la perte des paysages et la baisse de valeur de leur propriété. Les conséquences sur l'environnement sont également très importantes, bien que banalisées par les promoteurs : fractionnement des corridors forestiers, destruction de milieux humides et d'habitats d'espèces menacées, mortalités d'animaux, perte de territoire agricole, alors que le Québec compte moins de 2 % de terres cultivables, etc.
Enfin, il faut encore mentionner les graves lacunes démocratiques dans la manière dont les projets éoliens sont imposés aux populations. Les décisions sont prises derrière des portes closes par une poignée de décideurs qui sont parfois en situation de conflits d'intérêts. Plusieurs municipalités refusent de tenir des référendums malgré les pétitions adressées par leurs concitoyens. Des citoyens aux prises avec des projets éoliens témoignent duchaos socialqui s'installe dans la communauté.
C'est dans ce contexte qu'une coalition s'est mobilisée pour demander un BAPE générique sur la filière éolienne. Les municipalités qui ne l'ont pas déjà fait sont invitées à se joindre à ce mouvement pour un développement plus socialement acceptable de la filière éolienne au Québec
Louise Morand
Regroupement vigilance énergie Québec
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