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"Autant et aussi vite que possible" : Les colons israéliens lorgnent sur des terres en Syrie et au Liban

Quelques heures après la chute du régime Assad, les forces israéliennes pénétraient déjà en territoire syrien, conquérant le versant syrien du Mont Hermon/Jabal A-Shaykh et la zone tampon entre la Syrie et le plateau du Golan occupé par Israël depuis plus d'un demi-siècle. Mais l'armée n'a pas été la seule à réagir rapidement ; le mouvement des colons israéliens a fait de même.
Tiré d'Agence médias Palestine.
« Nous devons conquérir et détruire. Autant que possible, et aussi vite que possible », a écrit un membre d'Uri Tsafon – un groupe fondé au début de l'année pour promouvoir la colonisation israélienne du Sud-Liban – dans le groupe WhatsApp de l'organisation. « Nous devons vérifier, conformément aux nouvelles lois syriennes, si les Israéliens sont autorisés à investir dans l'immobilier et à commencer à acheter des terres dans ce pays », a écrit un autre membre. Dans un autre groupe WhatsApp de colons, les membres ont échangé des cartes de la Syrie et tenté d'identifier des zones potentielles de colonisation.
Le mouvement Nachala – dirigé par Daniella Weiss, qui a été le fer de lance des efforts déployés ces derniers mois pour coloniser Gaza – a exprimé un sentiment similaire dans un message publié sur Facebook : « Quiconque pense encore qu'il est possible de laisser notre destin entre les mains d'un acteur étranger renonce à la sécurité d'Israël ! La colonisation juive est la seule chose qui apportera la stabilité régionale et la sécurité à l'État d'Israël, ainsi qu'une économie stable, la résilience nationale et la dissuasion ».
À Gaza, au Liban, sur l'ensemble du plateau du Golan, y compris le ‘plateau syrien', et sur l'ensemble du mont Hermon », ajoute le texte, en joignant une carte biblique intitulée “Les frontières d'Abraham”, sur laquelle le territoire d'Israël comprend l'ensemble du Liban ainsi que la majeure partie de la Syrie et de l'Irak.
Il ne s'agit pas de paroles en l'air : ces groupes sont déterminés. Nachala a déjà dressé la carte des lieux où elle prévoit de construire de nouvelles colonies juives dans la bande de Gaza et affirme que plus de 700 familles se sont engagées à déménager lorsque l'occasion se présentera (Daniella Weiss elle-même s'est déjà rendue à Gaza avec une escorte militaire pour repérer les lieux potentiels). La semaine dernière, Uri Tsafon, qui a attendu son heure au cours de l'année écoulée, a tenté pour la première fois de s'emparer de terres dans le sud du Liban, où les soldats israéliens sont toujours présents depuis l'accord de cessez-le-feu.

Le 5 décembre, le fondateur du groupe, Amos Azaria, professeur d'informatique à l'université d'Ariel en Cisjordanie occupée, a franchi la frontière libanaise avec six familles pour tenter d'établir un avant-poste. Ils ont atteint la zone de Maroun A-Ras, à environ deux kilomètres en territoire libanais, et ont planté des cèdres à la mémoire d'un soldat israélien tombé au combat au Liban il y a deux mois. Plusieurs heures se sont écoulées avant que l'armée israélienne ne les expulse et ne les force à retourner en Israël. (En réponse à la demande de commentaire de The Hottest Place in Hell sur cet incident, la police israélienne a déclaré que, selon l'armée, aucun civil israélien n'avait traversé le Liban).
Dès le mois de juin, lors de la « première conférence sur le Liban » organisée par Uri Tsafon sur Zoom, les membres parlaient déjà de coloniser la Syrie. Le Dr Hagi Ben Artzi, beau-frère de Benjamin Netanyahou et membre du groupe, a déclaré aux participants que les frontières d'Israël devraient être celles promises au peuple juif à l'époque biblique : « Nous ne voulons pas dépasser d'un mètre l'Euphrate. Nous sommes humbles. [Mais] ce qui nous a été promis, nous devons le conquérir ».
Et avec la chute du régime Assad et l'avancée des troupes israéliennes en territoire syrien, ils étaient impatients de saisir l'occasion. « Nous avons demandé au gouvernement de s'emparer de la plus grande partie possible du territoire syrien », a déclaré M. Azaria au magazine israélien The Hottest Place in Hell (L'endroit le plus chaud de l'enfer). « Les rebelles sont exactement [les mêmes que] le Hamas. Peut-être que maintenant ils font de beaux discours, mais en fin de compte ce sont des sunnites qui trouveront l'ennemi commun, c'est-à-dire nous. Nous devons faire le maximum maintenant, tant que c'est possible ».
Le 11 décembre, un petit groupe de colons israéliens a affirmé avoir pénétré dans une zone du territoire syrien désormais sous contrôle militaire israélien, où ils se sont filmés en train de prier. L'armée israélienne n'a pas encore répondu à la demande de commentaire de +972 sur cet incident.
« Le plus important est d'être de l'autre côté de la barrière »
Uri Tsafon tire son nom d'un verset biblique appelant à « Se réveiller, ô nord ». Son site Internet décrit le Liban comme « un État qui n'existe ni ne fonctionne réellement » et affirme que la véritable étendue de la Galilée septentrionale d'Israël s'étend jusqu'au fleuve Litani, au Liban, que les forces israéliennes ont atteint juste au moment où le récent accord de cessez-le-feu est entré en vigueur, après avoir déplacé de force des dizaines de milliers d'habitants de villages du Sud-Liban dans le processus.
« Nous avons commencé par des activités plus calmes », a déclaré M. Azaria à The Hottest Place in Hell. « Nous avons appelé le gouvernement et l'armée à entrer en guerre dans le nord… [et] nous nous sommes rendus au Mont Meron, sous la base aérienne, et avons effectué des reconnaissances en direction du Liban ».
Mais la tentative de la semaine dernière d'établir un avant-poste dans le sud du Liban a marqué l'entrée du groupe dans une nouvelle phase d'activité visant à forcer la main du gouvernement. « L'objectif était et est toujours d'établir une colonie au Liban », a déclaré M. Azaria. Nous n'attendons pas que l'État nous dise « Venez », nous travaillons pour que cela se produise.
Selon M. Azaria, le mouvement compte déjà des milliers de membres « qui sont très enthousiastes et intéressés » par ses activités. L'action de la semaine dernière n'a pas été annoncée à l'avance, car « [l'armée] nous aurait bloqués et ne nous aurait pas permis d'entrer ». Et ils n'ont certainement pas rencontré beaucoup de résistance : « La porte était ouverte et nous sommes simplement entrés », a-t-il déclaré.
Azaria ne s'inquiète pas qu'ils n'aient pas réussi ; en fait, il considère leur expulsion comme la première étape d'un plan d'action à long terme qui a caractérisé le mouvement des colons depuis sa création il y a plus d'un demi-siècle.
« La première fois que nous sommes expulsés, nous partons », explique-t-il. « La deuxième fois, nous restons plus longtemps. La [troisième] fois, nous restons pour la nuit. C'est ainsi que nous continuerons jusqu'à ce qu'il y ait un compromis. Au début, [l'armée] démolit, puis ils parviennent à un accord selon lequel il n'y aura qu'une seule colonie, et c'est tout. Entre-temps, nous commençons à travailler sur la prochaine colonie. Il n'est peut-être pas réaliste de penser que l'État construira une colonie [de son propre chef], mais cela ne signifie pas que l'État doive démolir une communauté que nous avons construite.
» Dans un premier temps, nous nous installerons là où nous le pourrons », poursuit-il. « Il n'y a pas d'intérêt pour un lieu spécifique ; le plus important est d'être de l'autre côté de la barrière. Nous devons lutter contre le tabou de la frontière établie par la France et l'Angleterre il y a 100 ans. Nous vivrons à la frontière libanaise, si Dieu le veut, et si nous sommes là, la frontière se déplacera vers le nord et l'armée la gardera.
« De même que l'armée se bat à la fois à Gaza et dans le nord, il en va de même pour les colonies : nous devons nous installer partout », a poursuivi M. Azaria. « À Gaza, il y a Nachala et plusieurs autres organismes [qui encouragent la colonisation]. Dans le nord, nous sommes le seul mouvement qui s'occupe vraiment de cette question à l'heure actuelle. Nachala le fait davantage avec des permis. Nous agissons plutôt comme un fer de lance ».
M. Azaria est convaincu que le soutien viendra de la sphère politique. « Lorsque j'ai fondé [Uri Tsafon], les gens ne parlaient pas du tout de la colonisation du Sud-Liban », explique-t-il. « Nous sommes en train de changer le discours. Nous sommes en contact avec des membres de la Knesset. Je suppose que, tout comme il leur a fallu du temps pour accepter de parler de la colonisation de Gaza, il leur faudra également du temps pour commencer à parler de la colonisation du Liban. [Ariel Kallner, député du Likoud, a mentionné quelque chose. [Le député d'Otzma Yehudit] Limor Son Har-Melech a également mentionné quelque chose. Peu à peu, de plus en plus de gens osent en parler ».
Illy Pe'ery est journaliste d'investigation et rédacteur en chef adjoint du magazine en ligne israélien indépendant The Hottest Place in Hell.
Traduction : JB pour l'Agence Média Palestine
Source : +972
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Proche-Orient. « Ces guerres agissent comme un accélérateur de notre propre fascisme »

En plus de ses répercussions sur Gaza, le 7 octobre 2023 a été un bouleversement pour tout le Proche-Orient, dont on a vu les conséquences au Liban et en Syrie. Mais là où les discours géopolitiques pullulent, Peter Harling, fondateur de Synaps, analyse ces événements à hauteur des vies humaines.
Tiré de orientxxi
12 décembre 2024
L'image montre une scène stylisée et colorée représentant des figures humaines de manière abstraite. On voit quelques personnages en action, portant des armes, dans un décor qui rappelle des paysages, peut-être montagneux. Les teintes utilisées sont variées, avec des bleus, des verts et des roses, donnant une ambiance dynamique et expressive. Les formes sont fluides et puissantes, soulignant un sentiment de mouvement et d'interaction entre les figures.
Anas Albraehe, sans titre, 2024, huile sur toile
Orient XXI. — Quinze jours après un cessez-le-feu fragile entre Israël et le Hezbollah, comment lisez-vous cette guerre « pas comme les autres » selon votre propre expression ? En quoi bouleverse-t-elle les règles du jeu au Liban ?
Peter Harling. — J'ai malheureusement vécu plusieurs guerres dans la région, et celle-ci m'a semblé différente, tout d'abord en raison du phénoménal déséquilibre des forces. D'un côté, le Hezbollah a monté des tirs de missile et des attaques par drones contre Israël, dont les résultats ont presque toujours été dérisoires. De l'autre, Israël a fait usage d'une puissance sans proportion aucune : à chaque frappe, un immeuble entier était réduit en ruine, parfois en ensevelissant ses habitants pris au piège. Israël a notamment utilisé une profusion de « bunker busters », des armes épouvantables, théoriquement réservées à des complexes militaires souterrains et fortifiés. Près de chez moi, trois de ces bombes d'une tonne ont été employées pour abattre un bâtiment résidentiel ordinaire, en pleine nuit et sans préavis, dans l'espoir d'assassiner un seul responsable du Hezbollah.
La maîtrise totale de l'espace aérien libanais par Israël s'est aussi matérialisée par une présence presque continue, entêtante, d'immenses drones de surveillance, dont le rôle consiste à amasser du renseignement pour préparer les prochaines frappes. Leurs vols en cercle au-dessus de nos têtes, leur vacarme constant, pénétrant nos maisons et nos esprits, étaient donc lourds de sens.
« Une guerre menée, très ostensiblement, en notre nom »
Bien sûr, vivre sa vie entre deux raids, « sous les bombes », est une expérience de la guerre assez banale depuis la seconde guerre mondiale. Mais ce conflit ultra-technologique que l'on vient de traverser évoque surtout un monde dystopique, dans lequel quelqu'un, quelque part, a le pouvoir de faire s'écrouler des immeubles d'habitation, un à un, en appuyant tout simplement sur un écran. Beaucoup de gens au Liban en ont conçu une impuissance, une vulnérabilitéallant jusqu'à un sentiment confus de nudité face à une telle force omnipotente. C'est un des aspects difficilement communicables de cette guerre.
Un autre élément essentiel, que je peine aussi à faire comprendre à mon entourage à l'étranger, c'est qu'il ne s'agit pas d'un « conflit de plus », dans une région qui en a connu tant. Il est tentant en effet, vu de France par exemple, d'imaginer que cette guerre oppose Israël et le Hezbollah autour d'enjeux qui ne nous concernent pas vraiment. Une guerre obscure et lointaine en somme… Israël combat avec nos armes. Israël bénéficie le plus souvent de notre soutien médiatique, politique et diplomatique, dans une lutte qui fait resurgir tout un vocabulaire de la guerre contre le terrorisme, de la défense d'un camp occidental face à la barbarie, de la mission civilisatrice même. En somme, cette guerre est menée, très ostensiblement, en notre nom.
Or, pour ceux qui en suivent ou en subissent les détails, c'est aussi une guerre d'atrocités, où l'on cible les journalistes et les personnels de santé, où l'on profane des mosquées et des églises, où l'on rase des cimetières, parmi mille autres violences gratuites et injustifiables. Le décalage entre ce vécu intime, d'une part, et le récit édulcoré qui domine à l'extérieur, de l'autre, s'est traduit pour nombre d'entre nous, au Liban, par un sentiment d'abandon et de solitude.
Plus encore, on ne peut que voir, d'ici, comment nos gouvernements se radicalisent par l'entremise d'Israël, au point de saborder le droit humanitaire international, pourtant l'une des plus grandes et des plus belles contributions de l'Europe à la stabilité du monde. L'on assiste à une sorte de laisser-aller, à un retour du refoulé : on encourage de fait Israël à faire ce que l'on n'ose pas encore faire soi-même. Cette guerre, comme celle de Gaza, agit comme un révélateur, un accélérateur de notre propre fascisme, qui s'ancre presque partout désormais sur le continent européen. Ce n'est pas là où on l'imagine, donc, que ce conflit rebat les cartes.
« On encourage Israël à faire ce que l'on n'ose pas encore faire soi-même »
Au Liban même, le Hezbollah est certes affaibli, mais il conserve un ancrage social quasiment inébranlable. Il lui a suffi de crier victoire pour que sa base s'en réjouisse aussi. Il continuera à défendre sa place dans un système politique, dont il fait partie intégrante, communautarisme et corruption compris. D'ailleurs, la guerre a révélé une dégénérescence du Hezbollah, antérieure au conflit : Israël a pu infiltrer et pénétrer le mouvement massivement, parce qu'il a beaucoup perdu de sa solidité interne. L'arrogance et le sectarisme ont miné ses capacités d'analyse. Les intérêts prosaïques ont aussi pris le dessus : le Hezbollah a peu fait, par exemple, pour endiguer l'effondrement économique du pays, dont il a plutôt profité. Il n'a pas réagi non plus face au trafic de drogue qui gangrène ses propres quartiers. Son avenir va se jouer sur sa capacité à dresser un bilan lucide de ses propres errements, au lieu de se contenter de hurler au complot quand il ne crie pas victoire, comme il le fait de façon réflexe depuis une quinzaine d'années.
O. XXI.— Après 52 ans d'une dictature barbare, le régime syrien vient de s'écrouler. Vous en aviez décrit la grande fragilité. En regard, votre réseau Synaps a largement documenté la capacité de la population syrienne à relever les défis de l'après Assad. Comment les accompagner au mieux ?
P. H.— Toute transition de ce type est extraordinairement complexe et risquée. En Occident, la chute d'un régime arabe, c'est pour nos médias et une partie du public l'annonce du pire. Mais c'est oublier ce que nos propres révolutions ont impliqué de souffrances, d'incertitudes et de régressions provisoires. C'est négliger à quel pointla situation en Syrie était désespérée, toujours davantage à mesure que le régime disait « gagner ». C'est se méprendre aussi sur ce que cela veut dire de pouvoir enfin rentrer chez soi, à la maison, dans sa ville, son quartier, sa communauté, après des années d'exil. C'est aussi céder à un réflexe hautain dans nos pays : ce réflexe qui voudrait qu'un changement pour le mieux ne soit qu'une illusion dans certaines contrées, dans certaines cultures.
Au lieu de s'adonner à ces poncifs, on pourrait offrir notre sympathie et notre aide. Actuellement, la Syrie est agressée par Israël, qui en profite pour grignoter son territoire et détruire ce qui lui reste de capacité militaire. La Turquie a une attitude semblable de son côté. Les États-Unis aussi bombardent comme bon leur semble. L'Europe se précipite déjà à fantasmer le retour de tous les réfugiés dans ce pays exsangue, et exprime son inquiétude au sujet des seules communautés chrétiennes, comme s'il n'y avait pas d'autres minorités en danger et populations à risque. Pour l'instant, on a beau chercher : il y a peu de contributions extérieures constructives.
Cela changera vite, on l'espère, car les besoins sont immenses. Toutes les infrastructures sont à bout. La santé mentale est un vaste chantier, à mesure que cette société émerge d'un enfer dont on découvre chaque jour de nouveaux cercles, plus profonds et plus noirs encore qu'on ne pouvait l'imaginer. Le travail de mémoire, la justice transitionnelle, la refonte des institutions invitent à démarrer des projets de coopération. La lutte contre la drogue, dont la consommation est devenue endémique à la faveur de la guerre et de l'effondrement économique, est une autre priorité. Il y en a tant ! Il n'y a qu'à choisir… La société civile locale est extrêmement compétente, et la diaspora syrienne a des moyens considérables. Mais la Syrie aura besoin de toute l'aide disponible, si l'on souhaite donner les meilleures chances à cette transition… ne serait-ce que pour mieux satisfaire nos obsessions migratoires.
S'effacer au profit des figures locales
O. XXI.— Synaps a développé un travail original d'analyse, couvrant des questions sociétales en général peu abordées par la recherche, et au centre desquelles se trouve la société civile. La guerre brutale contre Gaza qui se déroule depuis un 14 mois, à grand renfort de technologies, aboutit à un nombre effroyable de victimes civiles et de déplacements de population. La population civile est-elle condamnée à être la grande oubliée dans cette région du monde ?
P. H.— J'ai fondé Synaps pour me détacher des thèmes les plus évoqués : les relations internationales, les rapports de force entre États, les guerres, tout ce qu'on appelle « la géopolitique ». Les soulèvements populaires de 2010 et 2011 ont été pour moi un tournant à cet égard : j'ai compris à l'époque qu'on ne pouvait pas ignorer les sociétés de la région plus longtemps. Ce constat me paraissait évident, d'autant que ces sociétés ne m'étaient pas inconnues : j'ai eu la chance d'avoir une vie sociale très ordinaire en Irak, où j'ai fait une partie de mes études, ainsi qu'au Liban, en Syrie, en Égypte et en Arabie Saoudite. À la suite des soulèvements, il me semblait essentiel que des étrangers, comme moi, qui apparaissaient trop fréquemment sur les plateaux de télévision pour commenter l'actualité de la région, s'effacent au profit de figures locales qui s'exprimeraient pour elles-mêmes. Synaps m'a permis de contribuer à ce processus, en formant de jeunes chercheuses et chercheurs qui travaillent sur des questions qui les concernent au premier chef.
Cette transition vers une expertise plus ancrée est en train de se produire à grande échelle. De nombreuses voix locales érudites portent davantage, désormais, dans les médias et sur les réseaux sociaux. Il est devenu rare d'assister à une conférence dont les orateurs ne sont pas principalement de la région. En revanche, les sujets abordés ont malheureusement bien moins changé que les visages des interviewés et panélistes. La région est toujours et encore appréhendée à travers le répertoire principal de la violence : guerres, massacres, réfugiés, radicalisation, répression, crises, catastrophes, etc. Ce regard tend à déshumaniser les populations locales, réduites à des masses en mouvement, à des victimes collatérales ou à des menaces éventuelles, que ce soit pour cause de terrorisme ou d'émigration.
Il y a bien un versant plus positif au discours sur le Proche-Orient contemporain. Celui-ci découle généralement d'une vision économique, réductrice à sa manière : attractivité ou compétitivité marocaine, innovation israélienne ou émiratie, investissements qataris, « pharaonisme » saoudien, et ainsi de suite. Se dessinent ainsi deux sous-espaces dans la région. D'un côté, il y a celui où l'on fait du business, et qui appartient à notre mappemonde d'échanges globalisés. De l'autre, il y a celui où on largue des bombes, de l'aide humanitaire et des envoyés spéciaux — de vastes régions qui s'estompent de plus en plus dans nos cartes mentales.
Mais il y a un troisième Proche-Orient, presque totalement absent : celui du quotidien que vivent nos voisins de l'autre côté de la Méditerranée, à savoir un demi-milliard d'êtres humains. Parmi eux, il y a de nombreuses personnes qui ne correspondent en rien à nos stéréotypes et dont nous aurions tant à apprendre : des paysans qui s'adaptent au changement climatique, des femmes conservatrices entrepreneuses, des réseaux denses et néanmoins informels de solidarité, une philanthropie traditionnelle très active, une riche production culturelle notamment dans les arts plastiques, de vastes diasporas qui se mobilisent dans des projets locaux d'infrastructures, etc.
Ces sociétés naturellement aussi riches et complexes que les nôtres connaissent aussi nombre des problèmes qui nous sont familiers, à commencer par la médiocrité des élites politiques, la prédation des plus riches, et le démantèlement graduel des services publics. Notre méconnaissance les uns des autres nous prive d'un socle d'expériences partagées sur lequel construire des relations moins méfiantes, plus humaines, délestées de toutes les rancœurs et de tous les fantasmes qui en font leur teneur aujourd'hui. Orient XXI est d'ailleurs l'un des rares espaces où cette découverte réciproque peut s'approfondir.
« Une diplomatie de l'événementiel »
O. XXI.— Vous avez un regard acéré et désabusé sur la diplomatie française et plus largement. Quelle révolution opérer pour retrouver une diplomatie de principes ?
P. H.— C'est un regard franc et amical, plutôt. La diplomatie est un bel héritage à chérir, mais voilà pourquoi il faut la rénover. Pour l'instant, les ambassades se crispent sur des pratiques de plus en plus dépassées. Les diplomates passent énormément de temps au bureau, avec d'autres diplomates, ou avec des personnalités qui servent de « sources », mais dont il n'y a honnêtement plus grand-chose à tirer. Leur travail reste centré sur les capitales et des enjeux conventionnels : géopolitique dans les pays en crise, coopération économique dans les États en paix.
Au fil des ans, le dispositif diplomatique n'a développé que trop peu de compétences dans de trop nombreux domaines. Par exemple, les ambassades gèrent mal l'information en interne. Leurs employés sont obligés à réinventer constamment la roue. Elles se retranchent et se ferment dans les situations instables, ce qui réduit leurs capacités d'analyse et d'action. Elles communiquent de façon superficielle, à coup de déclarations creuses et de publications plus vides encore sur les réseaux sociaux. Elles financent toutes sortes de projets de développement dont beaucoup s'étiolent, passé le moment de l'inauguration, comme s'il s'agissait seulement d'annoncer des progrès sans jamais avoir à tirer de leçons des échecs, qui sont nombreux. Les ambassades sont à peu près absentes, aussi, sur des thématiques essentielles du monde actuel : elles ressassent des généralités sur le changement climatique, la digitalisation, la mobilité, les inégalités économiques, même le droit international humanitaire, bien plus qu'elles ne consolident leur propre expertise dans ces domaines clefs.
Au final, notre diplomatie est une diplomatie de l'événementiel, du projet sans lendemain, du contrat entre entreprises, de la prise de position déclamatoire, ou encore du coup politique. Il y a peu de suivi, de stratégie, de travail de définition des intérêts de la France à long terme. Or les diplomates sont des gens intelligents, bien formés, bien payés : c'est à elles et à eux de repenser leur propre métier. C'est à elles et à eux de commencer à reconnaître que leurs moyens demeurent impressionnants, même si les budgets décroissent depuis des années. C'est à elles et à eux de se battre pour employer ces moyens à bon escient. Moi, par exemple, je ne parle quasiment plus aux diplomates, tout simplement parce que la relation s'est appauvrie au point de ne plus avoir de sens : nos échanges, au mieux, nourriraient une politique dont je ne comprendrais pas le sens, et ce, sans aucune contrepartie. Cette situation m'attriste, comme elle devrait peiner les diplomates eux-mêmes.
Bien sûr, la plupart des secteurs que je côtoie sont en crise. La diplomatie n'a rien d'exceptionnel, si ce n'est qu'elle résiste davantage au changement, peut-être pour des raisons de statut. Les médias engagent quant à eux un effort de réinvention perpétuelle, pour le meilleur et pour le pire. Le monde scientifique commence à s'ouvrir au grand public, à envisager un rôle social, à sortir de son tête-à-tête avec l'État. L'économie de l'aide au développement n'évolue pas de façon positive, mais n'a pas de réticence à l'admettre, au moins.
Synaps, pour sa part, doit aussi constamment faire son autocritique. Je suis moi aussi formellement évalué par mes collègues, qui signalent mes erreurs et mes limites, et c'est à moi de trouver les moyens de les dépasser. Dans nos métiers à vocation intellectuelle, il est bon de se rappeler que nous avons choisi ces occupations non pas pour le statut qu'elles confèrent, mais pour la responsabilité qui nous incombe de repenser le monde, et notre rôle en son sein. Si un respect nous est dû, c'est seulement sur la base de notre volonté de nommer les problèmes, concevoir des solutions, et ce faisant nous remettre nous-mêmes en question.
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Mayotte dévastée, la faute à qui ?

Alors qu'un terrible cyclone vient de frapper Mayotte et que le bilan s'annonce catastrophique, on peut déjà s'interroger sur les responsabilités des uns et des autres dans ce territoire le plus pauvre de France.
Tiré du blogue de l'auteur.
Mayotte, dans l'archipel des Comores, est administrée par la France contre l'avis de l'ONU qui demande sa restitution aux autorités comoriennes. L'État français considère Mayotte comme son 101ème département mais pourtant traite le territoire comme nul autre.
Cette spécificité est en partie responsable de l'importance du bilan du cyclone Chido. Ce phénomène tropical, classé cyclone de catégorie 4, frappe Mayotte de plein fouet le samedi 14 décembre 2024. Les dégâts sont énormes et le bilan humain s'annonce lourd. Comment expliquer cela ?
Avec un taux de pauvreté de 77% et un taux de chômage de 34%, Mayotte explose tous les records. Le PIB/habitant, comme le revenu médian, y sont les plus faibles de France. L'île est habituée des problèmes d'électricité, de distribution d'eau, d'assainissement, de santé publique... Les établissements scolaires et hospitaliers sont insuffisants, tout comme les logements sociaux et les centres d'accueil.
Mayotte manque grandement d'infrastructures mais aussi de personnels tant elle souffre de sa mauvaise image. Pourtant, les investissements de l'État sont les plus faibles de France. Seulement 125.25 euros de Dotation Globale de Fonctionnement par habitants contre 381.44 euros dans la Creuse, 396.02 euros en Martinique et 564.14 euros en Lozère par exemple.
Alors que les besoins sont énormes, les investissements sont insuffisants, l'État n'est pas au rendez-vous. Les collectivités locales non plus ; entre fonds européens non dépensés, emplois fictifs, investissements non-adaptés et détournement de fonds1, le Département, comme les communes se moquent de leur population.
Les habitants sont donc livrés à eux-mêmes, en particulier ceux qui vivent dans les bangas, cases des bidonvilles, dont on estime le nombre à au moins 100,000 personnes. Les autorités se concentrent sur les opérations de décasages, sans offrir de réelles solutions de relogement, comme c'était encore le cas du 2 au 12 décembre sur la commune de Koungou. Le préfet se félicitait alors de l'action de ses services alors même qu'ils jetaient des familles entières à la rue.
Ces populations pauvres sont celles qui se sont trouvées en première ligne lors du passage du cyclone Chido et c'est en leur rang que l'on va dénombrer le plus de morts. Les laissés pour compte, souvent de nationalité comorienne, sont ici habitués à servir de boucs émissaires et beaucoup leur imputent tous les maux de l'île.
Cette fois il est clair qu'ils ne sont ni responsables du dérèglement climatique qui accroît la fréquence et l'intensité des catastrophes naturelles, ni responsables du sous-investissement chronique de l'État français à Mayotte, ni responsables du manque d'anticipation et de préparation des autorités locales.
Aujourd'hui Mayotte est ravagée, les bidonvilles sont rasés, les bâtiments publics sont endommagés, le réseau routier est impraticable, même l'aéroport n'est pas fonctionnel. Les habitants sont littéralement livrés à eux-mêmes et ne peuvent compter sur personnes tant les responsables politiques ont montré leur inefficacité.
Espérons que ce triste événement serve de leçon et que Mayotte soit reconstruite de façon intelligente et harmonieuse, dans le vivre ensemble et le respect de chacun... on peut malheureusement en douter.
Notes
1- Andhanouni Said, maire de Chirongui en 2022 ; Mohamed Bacar, maire de Tsingoni en 2023 ; Daniel Zaidani, conseiller départemental en 2023 ; Salim Mdéré, conseiller départemental en 2024 ; Rachadi Saindou, prédisent de communauté d'agglomération en 2024 ; Mouslim Abdourahaman, maire de Bouéni en 2024 ; sont tous condamnés par la justice ; en 2024, Assani Saindou Bamcolo, maire de Koungou est poursuivi par la justice.
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La crise sud-coréenne

L'imposition, le 3 décembre, de la loi martiale par le président Yoon Suk Yeol a été rapidement mise en échec. Une bonne nouvelle, mais pas seulement.
Tiré d'Europe solidaire sans frontière.
Les raisons qui ont poussé le président Yoon à initier un putsch fort mal préparé restent obscures (comme la décision par Emmanuel Macron de dissoudre l'Assemblée nationale dans une conjoncture fort peu propice).
Mobilisation contre les actes illégaux
La mauvaise nouvelle est que l'armée (ou une fraction de l'état-major) a commencé par soutenir le président, alors même qu'il agissait dans l'illégalité (la Constitution exige l'accord des députéEs). Des forces spéciales dotées de moyens considérables (blindés, hélicoptères) devaient investir le Parlement et arrêter des dirigeants d'opposition. Le nombre de soldats impliqués dans l'opération était limité, ce qui explique que, confrontés à une situation imprévue, ils aient pu être débordés.
La bonne nouvelle est que cette tentative de putsch a été contrée en un temps record grâce à la résistance farouche des fonctionnaires et du personnel d'opposition sur place, ainsi qu'à une mobilisation citoyenne massive venue leur porter secours en pleine nuit, réunissant les générations, beaucoup de jeunes, activistes ou syndicalistes. Cela a permis à 190 éluEs de pénétrer dans le Parlement et d'abroger la loi martiale, avec le soutien d'un petit nombre de membres du parti gouvernemental.
Les ressorts de cette mobilisation montrent la vivacité de la démocratie sud-coréenne où le souvenir des temps de la dictature ne s'est pas dissipé. L'intervention de l'armée montre que sa stabilité n'est pas aussi assurée autant qu'il pouvait le paraître (la loi martiale n'avait pas été imposée depuis 1979). Les mobilisations se poursuivent aujourd'hui, pour la démission ou la destitution du président Yoon. Le premier intéressé s'y refuse, mais elles peuvent durer des jours, des semaines, voire des mois, comme ce fut le cas par le passé.
Crise économique, baisse du budget et corruption du pouvoir
Pourquoi cette crise intervient-elle aujourd'hui ? La Corée du Sud a longtemps connu un développement rapide, grâce à une politique interventionniste de l'État, favorisant la formation de conglomérats, que le Japon et les États-Unis ont à la fois tolérés et intégrés pour des raisons en particulier de géopolitique : la division de la péninsule coréenne, la proximité de la Chine et de la Russie. Elle exporte aujourd'hui massivement de l'électronique, s'impose comme le deuxième producteur de semi-conducteurs (en particulier les circuits imprimés de stockage de mémoire). Cependant, après la crise du Covid et dans un marché mondial moins porteur, la croissance s'essouffle. La situation économique de la population se dégrade, ainsi que la qualité des services publics. Le couple présidentiel est crédité de nombreuses affaires de corruption. La crise politique a éclaté alors que le Parlement devait réduire le budget dont le président Yoon peut user à discrétion, au nom de la sécurité nationale.
Bref, la Corée du Sud fait face à une situation qui, par-delà ses spécificités, n'est pas étrangère à celle de nombreux pays occidentaux. Elle a quelque chose à nous dire, particulièrement en France où l'armée occupe une place majeure au cœur de notre régime, où la macronie (entre autres) manifeste bien peu de respect pour l'institution parlementaire ou le résultat des urnes. Il ne faut pas porter sur ce pays d'extrême orient un regard « exotique ». Ses turbulences valent avertissement.
Pierre Rousset

Palestine-Israël. Cartographier la colonisation

Mêlant cartographies inédites, archives rares et récits éloquents, Philippe Rekacewicz et Dominique Vidal réussissent à rendre simple (et non simpliste) l'histoire mouvementée de la Palestine et de la colonisation israélienne. Un ouvrage qui permet de comprendre ce qui se joue aujourd'hui.
Tiré d'Orient XXI.
Israël désigne le génocide en cours à Gaza comme une riposte au 7 octobre et une « défense » à laquelle aurait le droit un État souverain. Une telle rhétorique, inlassablement relayée par des médias français complices, ignore, depuis plus d'un an, une évidence implacable : la guerre contre Gaza n'a pas commencé le 7 octobre 2023. L'actuel génocide est bien l'aboutissement d'un plan de nettoyage ethnique conçu de longue date, porté par des dirigeant·es israélien·nes de plus en plus extrémistes.
Cette remise en contexte nécessaire est savamment opérée dans Palestine-Israël. Une histoire visuelle. Avec cet ouvrage aussi précis que pédagogique, les deux auteurs – Dominique Vidal, ancien journaliste et historien, et Philippe Rekacewicz, cartographe – remontent au XIXe siècle ottoman et parviennent à éclairer avec finesse plus d'un siècle d'histoire du projet colonial sioniste et de son implantation en territoire palestinien.
Une cartographie de la disparition
Quiconque s'est déjà intéressé à la question palestinienne a sûrement vu ces cartes successives de 1948 aux années 2010, dont la juxtaposition montre le grignotement progressif du territoire palestinien par la colonisation israélienne. De la Nakba (« catastrophe » en arabe), fondation sanglante d'Israël, à aujourd'hui, une foule de dates marquent les étapes de l'annexion du territoire palestinien par l'armée israélienne, au mépris du droit international et des résolutions onusiennes.
Le recours à la cartographie n'est donc pas nouveau pour exposer la colonisation. Mais Rekacewicz et Vidal proposent un ouvrage compilant plus de 80 cartes et graphiques statistiques qui s'appuient sur des sources internationales variées. Étayée d'explications historiques, d'archives et de citations d'époque, cette « histoire visuelle » puise dans le travail d'historien·nes israélien·nes reconnu·es et parvient à rendre accessible une chronologie vertigineuse sans jamais la simplifier. Elle aboutit sur des cartes inédites détaillant la situation à Gaza en 2024, rendues plus riches et poignantes par l'exposé du siècle d'oppression coloniale qui la précède.
De la naissance du sionisme au nettoyage ethnique
De la naissance du sionisme dans une Europe colonialiste et antisémite au découpage du Proche-Orient par les puissances gagnantes de la Première guerre mondiale, on suit la complaisance européenne envers les premières congrégations sionistes, et en particulier celle du Royaume-Uni. Arrivent ensuite les années 1930, avec des révoltes arabes et juives en Palestine, puis la Seconde guerre mondiale et la Shoah. Assailli de toutes parts et se sentant coupables du génocide des juifs d'Europe, les Britanniques se retirent de Palestine, déjà partiellement colonisée en 1948 par ce qui devient l'État d'Israël. La souveraineté palestinienne, elle, n'a jamais été prise en compte ni dans les tractations impérialistes des puissances européennes ni dans le plan de partage, approuvé par l'Assemblée générale de l'ONU dès 1947, qui nie les réalités démographiques et politiques du territoire.
S'ensuivent des décennies violentes durant lesquelles les États arabes se détournent progressivement d'une question palestinienne qui ne les sert plus. Parallèlement, la résistance s'organise et finit par arracher, en 1993, des accords de paix — Oslo — plébiscités par le monde entier. Mais au prétexte de renforcer la souveraineté palestinienne, ces accords la conditionnent sévèrement. En outre, ils sont répétitivement ignorés par un État israélien qui fait fi du droit international et de l'ONU.
Les années 2000 voient naître un soulèvement réprimé avec violence — la deuxième intifada —, la construction d'un mur de séparation jugé illégal par les Nations unies, et, depuis 2007, un blocus de la bande de Gaza qui se retrouve totalement enclavée. L'ouvrage retrace en même temps la radicalisation de la politique israélienne, l'accélération de la colonisation sur tout le territoire et s'achève par un bref exposé sur la guerre actuelle.
À l'heure où la propagande coloniale cherche à invisibiliser l'expérience palestinienne, une telle entreprise de pédagogie est salutaire. Elle permet de dégager non seulement les contours du colonialisme en Palestine, mais aussi d'en désigner les responsables. Les réalités historiques que rappellent les auteurs n'auront rien d'une découverte pour beaucoup de lecteurs. En revanche, leur présentation en un récit précis et volontairement long permet de réitérer, preuves en main, les responsabilités multiples dans l'oppression du peuple palestinien, sans pour autant omettre la culpabilité de ses dirigeants.
Avec une chronologie aussi complète, cette histoire visuelle fait apparaître le caractère profondément impérialiste du colonialisme de peuplement sioniste en Palestine. Encouragée tour à tour par le Royaume-Uni, la France et les États-Unis selon le profit que ces puissances pensent en tirer, l'entreprise sioniste prend racine dans le colonialisme européen et n'a jamais caché ses ambitions suprémacistes envers la population arabe.
La conclusion d'une telle lecture est sans équivoque : l'évolution du projet colonial sioniste en politique d'État génocidaire a été ignorée, voire facilitée, par l'Occident. Les courants politiques racistes et extrémistes qui y fleurissent aujourd'hui sont aussi à l'origine du ravage d'un territoire palestinien réduit à peau de chagrin.
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Rapport : Abus des Palestiniens par des soldats israéliens dans le centre d’Hébron

Depuis plus d'un an, Israël mène une guerre effrénée contre le peuple palestinien dans la bande de Gaza, en Cisjordanie et à l'intérieur de l'État d'Israël. La violence qui a toujours caractérisé le traitement des Palestiniens par le régime d'apartheid israélien apparaît aujourd'hui sous sa forme la plus directe et la plus exposée. Ce rapport se concentre sur une facette de cette violence : les cas récurrents de sévices graves infligés aux Palestiniens par des soldats israéliens dans le centre d'Hébron au cours de l'été 2024.
Tiré de France Palestine solidarité.
B'Tselem a recueilli 25 témoignages de Palestiniens qui ont été maltraités par des soldats israéliens dans le centre d'Hébron entre mai et août 2024. Les témoignages décrivent des actes de violence, d'humiliation et d'abus dirigés par des soldats contre des hommes, des femmes, des adolescents et des enfants. Les victimes ont fait des récits poignants d'abus physiques et psychologiques, y compris des coups, des fouets, des cigarettes éteintes sur leur corps, des coups sur leurs parties génitales, l'injection d'une substance non identifiée, des liens prolongés et un bandeau sur les yeux, des menaces, des insultes et bien plus encore.
Les soldats choisissaient les victimes de manière arbitraire alors qu'elles vaquaient à leurs occupations quotidiennes : En se rendant au travail ou en rentrant chez elles, en buvant un café dans leur jardin ou en faisant des courses. Dans la plupart des cas, elles ont été emmenées par des soldats dans des installations militaires, où se sont déroulés la plupart des abus. Aucune des victimes n'a été soupçonnée d'un quelconque délit ni poursuivie. Elles ont été libérées immédiatement après avoir été agressées, et beaucoup ont dû recevoir un traitement médical après coup. Seules deux victimes ont été arrêtées, et toutes deux ont été libérées quelques jours plus tard sans avoir été inculpées.
L'escalade de la violence, tant dans sa gravité que dans sa portée, est le résultat direct de l'intensification de la déshumanisation des Palestiniens aux yeux des Israéliens. Le collectif palestinien est dépeint comme une masse indiscernable, et chaque individu est perçu comme un ennemi, à qui il est non seulement permis mais aussi bienvenu d'infliger des blessures.
L'ampleur de la violence révélée dans ces témoignages - perpétrée ouvertement et, dans certains cas, filmée par les soldats eux-mêmes - montre qu'il ne s'agit pas simplement du résultat de vendettas personnelles ou d'incidents isolés. Il s'agit plutôt d'une manifestation particulièrement brutale d'une politique systématique et ancienne d'oppression, d'expulsion et de dépossession qui est à la base du régime d'apartheid israélien.>>
Lire le rapport complet Abus des Palestiniens par des soldats israéliens dans le centre d'Hébron (en anglais)
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La guerre éternelle, ou mettre fin à l’occupation et la paix (Debout ensemble - Israel)

Uri Weltmann est le coordinateur national de terrain de Standing Together (نقف معًا, עומדים ביחד — Naqef Ma'an-Omdim be'Yachad), le mouvement social binational de base en Israël qui organise les citoyens palestiniens et juifs contre la guerre, l'occupation et le racisme, et pour la paix et l'égalité. Il s'est entretenu avec Daniel Randall après une visite à Londres fin octobre.
Tiré d'Europe solidaire sans frontière.
DR : Vous avez récemment visité Londres avec Sondos Saleh, une militante palestinienne et membre de la direction de Standing Together, intervenant lors de plusieurs réunions et informant des politiciens et des dirigeants syndicaux. Cette visite a-t-elle été un succès de votre point de vue, et quelle importance accordez-vous à l'établissement de liens de solidarité internationale dans vos luttes ?
UW : Nous avons visité Londres pendant quelques jours pour participer à une conférence organisée par le journal israélien Haaretz, en coopération avec des organisations juives progressistes basées au Royaume-Uni. L'événement a réuni plusieurs centaines de personnes et nous a permis d'exposer nos idées sur la manière d'avancer vers la fin de la guerre à Gaza, ainsi que nos perspectives sur la nécessité d'une transformation sociale et politique au sein de la société israélienne.
Nous sommes également intervenus lors de plusieurs événements organisés par UK Friends of Standing Together, notamment à la Chambre des communes, en présence de plusieurs députés, et nous avons travaillé à développer davantage nos liens avec des organisations des communautés juives et musulmanes qui partagent notre engagement à mettre fin à l'occupation et à promouvoir la paix et l'égalité. Nous avons appris d'eux la nature souvent polarisée des discussions autour de cette question au Royaume-Uni, et la montée de l'antisémitisme et de l'islamophobie dans le contexte de la guerre.
L'établissement de liens avec les syndicats était particulièrement important pour nous. C'est à la fois parce que, en tant que socialistes, nous partageons l'engagement du mouvement ouvrier organisé envers une vision de justice sociale, et aussi en raison de l'influence que les syndicats ont sur la politique du Parti travailliste britannique, qui est maintenant au pouvoir. Notre rencontre avec Mick Whelan, le secrétaire général du syndicat des conducteurs de train Aslef, qui avait adopté une résolution soutenant Standing Together lors de son congrès de 2024, était particulièrement importante pour nous. En échangeant analyses et expériences avec les directions syndicales, nous espérons informer les discussions au sein du Parti travailliste, afin que les points de vue des membres du parti qui défendent un cessez-le-feu immédiat et permanent, et rejettent l'idée que le Royaume-Uni devrait traiter le gouvernement Netanyahu avec impunité, soient mieux entendus et acceptés. Lorsque le mouvement pour la paix israélien et le mouvement pour la paix britannique parlent d'une voix unie, elle est entendue plus fort.
Campagnes et activités récentes
Depuis le début de la guerre, Standing Together a été la voix la plus importante au sein de la société israélienne poussant pour une voie alternative à celle de notre gouvernement, organisant les plus grandes mobilisations du mouvement pour la paix qui appelaient à mettre fin à la guerre à Gaza. Nous avons souvent fait face à la répression policière, y compris le refus de la police de délivrer des permis pour tenir légalement des manifestations et des marches. Nous les avons poursuivis en justice et avons gagné, notamment en juillet devant la Cour suprême de justice.
Récemment, à la veille de la Journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien (29 novembre, observée chaque année depuis 1977 par l'ONU), nous avons initié une marche anti-guerre à Tel-Aviv, en coopération avec Women Wage Peace et d'autres organisations, dans laquelle nous exigions la fin de la guerre à Gaza et le retour des otages vivants par un accord diplomatique. La marche a été appelée sous le slogan « Si nous ne mettons pas fin à la guerre, la guerre nous détruira tous ».
Ce qui a distingué cette manifestation anti-guerre des précédentes que nous avions organisées depuis le début de la guerre, c'est la présence parmi les intervenants de personnalités publiques très institutionnelles, pour qui apparaître sur scène lors d'un rassemblement anti-guerre organisé par Standing Together était quelque chose d'inhabituel.
Parmi eux : le général de division à la retraite Amiram Levin, ancien commandant du Commandement nord de l'armée israélienne et ancien directeur adjoint du Mossad ; Eran Etzion, un diplomate chevronné à la retraite, ancien président adjoint du Conseil de sécurité nationale et ancien chef du Département de la planification diplomatique au ministère des Affaires étrangères ; Orna Banai, une actrice et humoriste très connue de la télévision ; Dr Tomer Persico, chroniqueur à Haaretz et conférencier en philosophie juive ; Chen Avigdori, dont l'épouse et la fille ont été prises en otage par le Hamas le 7 octobre et libérées il y a un an lors de l'accord temporaire de cessez-le-feu et d'échange d'otages. Sont également intervenus Ghadir Hani, une dirigeante palestinienne de Standing Together, et Somaya Bashir, une dirigeante de Women Wage Peace.
Comme nous considérons notre rôle non pas simplement comme la mobilisation des « pacifistes » déjà existants, mais aussi comme l'élargissement des rangs du mouvement anti-guerre, il était important pour nous de donner une tribune à des intervenants avec lesquels nous ne sommes pas nécessairement d'accord, ou qui emploient parfois un langage très différent du nôtre, mais qui, en raison de leur parcours et de leurs positions, peuvent aider à faire évoluer la conversation publique et à gagner des gens aux positions anti-guerre.
La campagne d'aide humanitaire
Un autre développement important est que notre Campagne populaire pour mettre fin à la famine à Gaza arrive à son terme, après plusieurs succès. Nous l'avons lancée en août, appelant les habitants d'Israël, en particulier dans la communauté arabo-palestinienne, à faire don de nourriture et d'autres produits de première nécessité dans des points de collecte que nous avons établis dans différentes villes et villages. Notre objectif était de faire entrer cette aide dans la bande de Gaza, avec l'aide d'organisations d'aide internationale, à la fois pour aider à soulager les conditions désastreuses qui y existent, mais aussi pour envoyer un message politique à notre gouvernement.
Des milliers de personnes se sont portées volontaires et ont fait des dons, tant des citoyens palestiniens que juifs d'Israël, et nous avons pu collecter près de 400 camions d'aide. Après que le gouvernement a resserré le siège de Gaza en septembre, l'avenir de cette campagne d'aide semblait sombre. Mais ces dernières semaines, après avoir uni nos forces avec plus d'organisations d'aide internationale, nous avons pu faire entrer des dizaines de camions à Gaza, tant dans la partie sud, près de Khan Younis, que dans la région centrale, Deir el-Balah, et les camps de réfugiés environnants. La partie nord de la bande de Gaza, malheureusement, reste étroitement bloquée par l'armée, dans le cadre du plan de nettoyage ethnique de notre gouvernement, utilisant la famine comme tactique de guerre pour chasser massivement les gens de leurs foyers, pour les remplacer par de futures colonies exclusivement juives qui doivent être construites sur les ruines de leurs maisons.
Les photos et vidéos venant de Gaza, montrant des volontaires locaux distribuant des sacs de farine, de riz, des conserves et des sacs de shampooing, de lessive et de produits d'hygiène féminine, nous font monter les larmes aux yeux. Ce sont des articles donnés et collectés dans nos communautés, emballés et triés par nos volontaires. L'un des directeurs de ces centres de distribution de Gaza nous a dit au téléphone : « J'ai insisté pour que nous distribuions votre aide en portant des gilets violets. J'ai retourné la ville, mais j'ai pu trouver du tissu violet pour cela. »
L'évaluation du budget
Netanyahu parle souvent de remporter une « victoire totale » sur le Hamas, ce qui n'est, bien sûr, qu'un slogan vide pour justifier la prolongation indéfinie de la guerre. Il ne va pas obtenir de « victoire totale », et n'envisage pas sérieusement de détruire le Hamas, qui est son partenaire politique dans la remise en cause des perspectives d'un accord diplomatique qui garantirait les droits nationaux des deux peuples qui vivent sur notre terre.
Mais il y a une « victoire totale » qu'il est très déterminé à obtenir, et c'est une victoire sur le niveau de vie et le bien-être matériel des travailleurs en Israël. Le 1er janvier, une hausse des prix devrait frapper les familles de travailleurs. Il y aura une augmentation du prix des transports publics, de l'électricité, de l'eau et des impôts municipaux. De plus, la TVA augmentera d'un point de pourcentage, aggravant la crise du coût de la vie déjà existante. Dans le même temps, les salaires seront réduits car le gouvernement supprime les subventions fiscales pour les travailleurs salariés et augmente les cotisations de santé et de sécurité sociale prélevées sur la paie des travailleurs pour compenser l'augmentation des dépenses pendant la guerre.
La proposition budgétaire initiale du gouvernement allait encore plus loin, incluant le gel de la mise à jour automatique du salaire minimum, de l'allocation vieillesse et de l'allocation d'invalidité, ainsi que l'augmentation de la taxation sur l'épargne pour les retraites. Cependant, l'Histadrut, la principale fédération syndicale d'Israël, s'est opposée à ces mesures et a négocié avec le ministère des Finances pour les retirer. Le gouvernement a accepté, mais en contrepartie, l'Histadrut a accepté d'autres mesures : la réduction des salaires dans le secteur public de 2,29 % en 2025 et de 1,2 % en 2026, et la diminution de l'indemnité de congés dont bénéficient annuellement les travailleurs.
Au total, 2025 sera une année où la classe ouvrière israélienne supportera le fardeau des guerres lancées par notre gouvernement contre le peuple de Gaza et contre les pays voisins. Maintenir une grande armée permanente, acheter des armes à l'étranger, allouer des budgets au projet de colonisation et appeler les réservistes de l'armée à quitter leur travail pour reprendre le service militaire — tout cela pèse énormément sur l'économie israélienne, et notre gouvernement résolument néolibéral s'attend à ce que les travailleurs paient la part du lion.
La couverture médiatique de la guerre
Les médias grand public israéliens jouent un rôle incroyablement négatif, car ils retiennent les informations sur les conséquences désastreuses de la guerre sur la population civile à Gaza. Lorsque la guerre faisait rage au Liban, avant l'accord de cessez-le-feu très bien accueilli qui a été conclu il y a quelques semaines, très peu de la dévastation que notre armée infligeait à Beyrouth et au reste du Liban était décrite dans la presse et la télévision israéliennes. Ironiquement, les gens à l'étranger, qui s'appuient sur des médias non israéliens, peuvent être beaucoup mieux informés sur la réalité sur le terrain dans un endroit qui n'est qu'à une heure de route d'où beaucoup d'entre nous vivons que la plupart des Israéliens.
Il y a quelques mois, un groupe d'organisations de défense des droits civils en Israël a envoyé une lettre publique aux comités de rédaction des principaux médias en Israël, avertissant que la couverture de la guerre à Gaza maintient le public israélien dans l'ignorance des faits fondamentaux. Ils mentionnent, par exemple, que lorsqu'en mai, l'aviation israélienne a attaqué le camp de personnes déplacées à Rafah, provoquant un incendie tragique qui a coûté la vie à des dizaines de personnes, aucune image de Palestiniens blessés n'a été montrée à la télévision israélienne, et seulement 12 % des informations télévisées et radiophoniques concernant l'événement se sont donné la peine de mentionner qu'il y avait eu une grande perte de vies humaines. Le reste des informations se concentrait sur la façon dont cet événement pourrait délégitimer internationalement la cause juste de la guerre.
C'est pourquoi il est si important pour nous à Standing Together d'essayer de parler directement au public israélien, sans médiation. À la fois en développant notre présence sur les réseaux sociaux (notre compte TikTok, par exemple, a plus d'abonnés que celui de toute autre organisation politique en Israël — de gauche, de droite ou du centre), ainsi qu'à travers des campagnes publiques. Par exemple, nous avons récemment affiché des centaines de publicités aux arrêts de bus à Tel-Aviv et dans les villes environnantes, avec des images de la guerre à Gaza que notre gouvernement souhaite que les gens ne voient pas.
Nous voulons souligner que notre société est à la croisée des chemins, et nous devons choisir : soit la guerre éternelle, l'effusion de sang, la perte de vies innocentes, soit la fin de la guerre et de l'occupation, un accord diplomatique et une paix israélo-palestinienne, qui est la seule façon de préserver l'avenir et la sécurité des deux peuples.
Uri Weltmann
Daniel Randall
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États-Unis : La colère à l’égard de l’assurance santé

Au petit matin du 4 décembre, un homme armé d'un pistolet a assassiné Brian Thompson, PDG de UnitedHealth Group, l'une des plus grandes sociétés américaines d'assurance santé, qui devait assister à une réunion avec des investisseurs à New York.
12 décembre 2024 | tiré de l'Hebdo L'Anticapitaliste - 733
https://lanticapitaliste.org/actualite/international/etats-unis-la-colere-legard-de-lassurance-sante
Par Dan La Botz
Sur les lieux du crime, les policiers ont trouvé des douilles sur lesquelles étaient inscrits les mots delay (retarder), deny (refuser), defend (contester), des termes souvent utilisés par les sociétés d'assurance maladie lorsqu'elles rejettent les demandes des patients. Le tireur a laissé dans Central Park un sac à dos retrouvé par la police, qui ne contenait que de l'argent du jeu Monopoly, autre critique implicite du secteur.
Le dégoût vis-à-vis de l'assurance santé
Alors que le meurtre a entraîné la mobilisation de centaines de policiers et d'inspecteurs, le public n'a pas manifesté de sympathie pour Thompson, mais a plutôt exprimé sa frustration, sa colère et son dégoût à l'égard de l'activité qu'il représentait. Le New York Times a titré : « Un torrent de haine à l'égard de l'industrie de l'assurance maladie suit le meurtre du PDG ». L'article commence ainsi : « Le meurtre d'un dirigeant de UnitedHealthcare, Brian Thompson, sur un trottoir de Manhattan, a déclenché un torrent de joie morbide de la part de patients et d'autres personnes qui disent avoir eu des expériences négatives avec des sociétés d'assurance maladie à certains des moments les plus difficiles de leur vie ».
UnitedHealth a publié un message de condoléances, mais il a dû être retiré parce que 84 000 personnes – sans doute beaucoup d'entre elles clients de la société – ont envoyé un emoji de rire. Une personne a écrit sur TikTok : « Je suis infirmière aux urgences et les choses que j'ai vues comme des patients mourants se voyant rejeter par l'assurance me rendent physiquement malade. Je n'arrive pas à éprouver de la sympathie pour lui à cause de tous ces patients et de leurs familles ».
Un tiers des demandes refusées
Contrairement à la plupart des pays industrialisés avancés, les États-Unis ne disposent pas d'un système de santé national offrant un accès universel aux soins de santé. Il n'existe pas de couverture nationale d'assurance maladie, ni de réseau national public d'hôpitaux ou de cliniques. Le système est en grande partie privé et à but lucratif. 57 % des AméricainEs bénéficient d'une assurance maladie par l'intermédiaire de leur employeur. À l'heure actuelle, 8,2 % des AméricainEs, soit 27,1 millions de personnes, en grande partie des personnes âgées et des pauvres, ne bénéficient d'aucune couverture d'assurance maladie.
Quelque 65,4 % des AméricainEs disposent d'une assurance maladie privée, tandis que 36,3 % bénéficient d'une couverture publique par le biais de programmes gouvernementaux, tels que Medicaid (personnes à bas revenu), Medicare (personnes âgées) et divers autres programmes destinés aux militaires et aux anciens combattants. Certaines personnes ont à la fois une assurance privée et une assurance publique. La loi sur les soins abordables (Affordable Care Act), connue sous le nom d'Obama Care, offre une possibilité d'assurance aux ménages dont les revenus sont trop élevés pour bénéficier de Medicaid ou qui ne bénéficient pas d'une couverture d'assurance auprès de leur employeur. Les bureaucraties des compagnies d'assurance s'efforcent de réduire les demandes d'indemnisation et d'augmenter les bénéfices. Selon un récent rapport d'activité, UnitedHealth a refusé 33 % des demandes d'indemnisation en 2023, soit le taux le plus élevé du secteur.
La plus grande compagnie d'assurances
UnitedHealthcare fait partie de UnitedHealth Group, la plus grande compagnie d'assurances américaine et la quatrième plus grande entreprise américaine, tous types confondus en fonction de son chiffre d'affaires dans la liste Fortune 500. UnitedHealthcare emploie environ 400 000 personnes et comptait 52,7 millions d'adhérents à l'assurance maladie à la fin de l'année 2023. L'entreprise prévoit un chiffre d'affaires de 455 milliards de dollars en 2025 et a réalisé 22,3 milliards de dollars de bénéfices l'année dernière, contre 13 milliards de dollars en 2019. La pandémie de covid a entraîné une augmentation des bénéfices, car moins de personnes se sont rendues à l'hôpital pour des visites médicales et des traitements, de sorte que les entreprises n'ont pas eu à payer de demandes de prise en charge. UnitedHealth Group et d'autres assureurs augmentent régulièrement leurs bénéfices en retardant ou en refusant le paiement des traitements. Thompson, qui faisait l'objet d'une enquête pour délit d'initié, devait devenir président de la société lorsqu'il a été assassiné.
Le meurtre de Thompson a fait de son assassin une figure admirée, un genre de Robin des Bois. « Quiconque aide à identifier le tireur est un ennemi du peuple », peut-on lire dans un message publié sur X, qui a reçu plus de 110 000 « likes » et près de 9 200 « retweets », selon le Washington Post. Mais nous n'avons pas besoin de Robin des Bois, nous avons besoin d'un mouvement pour le socialisme démocratique.
Dan La Botz, traduction par Henri Wilno
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États-Unis : « C’est l’économie qui compte, espèce d’idiot »

L'histoire de l'élection de 2024 s'est avérée remarquablement claire. Dans un environnement politique où la plupart des électeurs et électrices pensaient que le pays évoluait dans une mauvaise direction, où ils percevaient l'économie comme étant déficiente et où la plupart d'entre eux déclaraient que l'inflation leur avait causé de sérieuses difficultés, les électeurs et électrices ont décidé de rejeter le parti sortant que la vice-présidente Kamala Harris symbolisait.
11 décembre 2024 | tiré d'Inprecor.org
https://inprecor.fr/node/4488
Donald Trump a remporté le vote populaire pour la première et seule fois [contrairement à 2016 et 2020, en 2024 il a obtenu 73.407.735 voix contre 69.074.145 pour Kamala Harris]. Il a progressé non seulement dans les zones rurales, mais aussi dans les banlieues, et même dans les bastions du Parti démocrate comme New York et Chicago. Selon les sondages de sortie des urnes, Kamala Harris a fait mieux que Joe Biden en 2020 auprès des Américains les plus aisés, mais Donald Trump a progressé par rapport à 2020 auprès de toutes les autres fractions de la population.
L'un des poncifs de la politique américaine est : « C'est l'économie qui compte, espèce d'idiot » [formule utilisée par Bill Clinton en 1992, sur la suggestion de son stratège Jim Carville]. Si l'économie est en croissance et que les gens ont des emplois et des salaires plus élevés, le parti en place est généralement réélu. Si l'économie est en déclin et que les gens ont du mal à joindre les deux bouts, les électeurs ont l'habitude de « jeter les fainéants dehors » en votant pour l'opposant. Pendant la majeure partie du mandat de Joe Biden, alors que l'économie se remettait des chocs subis lors de la pandémie de Covid-19, Biden a été un président extraordinairement impopulaire. Son impopularité a déconcerté ses conseillers, qui ne parviennent pas à la concilier avec les indicateurs économiques « macro » montrant que les États-Unis ont connu la plus forte reprise de tous les pays comparables après la pandémie de Covid 19 (Seth Masket, directeur du Center on American Politics, Université de Denver, 17 octobre).
Pourtant, le Covid a laissé derrière lui des perturbations économiques, notamment les taux d'inflation les plus élevés que les Américains aient connus en 40 ans, ce qui équivaut, bien sûr, à une baisse des salaires. L'explosion des dépenses militaires pour soutenir les guerres en Ukraine et à Gaza alimente également l'inflation. En conséquence, le niveau de vie des travailleurs et travailleuses états-uniens a baissé sous l'administration Biden, alors que l'essor du marché boursier a permis aux plus riches de tirer leur épingle du jeu.
Presque tous les gouvernements en place en Europe, en Asie et en Amérique latine – la plupart d'entre eux étant confrontés à des situations de perturbations et à des reprises post-Covid plus difficiles qu'aux Etats-Unis – qui se sont retrouvés face aux électeurs au cours de l'année écoulée ont perdu ou ont été gravement affaiblis. Le remplacement de Joe Biden par Kamala Harris au milieu de l'été a donné aux démocrates l'espoir d'éviter ce destin, car Biden était clairement en passe de perdre face à Trump. En fin de compte, Kamala Harris n'a pas pu échapper au fait qu'en tant que vice-présidente en exercice tous les aspects négatifs visant Biden lui ont été reprochés1.
Il s'agit de la troisième élection présidentielle consécutive [Trump-Hillary Clinton en 2016, Trump-Joe Biden en 2020, Kamala Harris-Trump en 2024] où le parti sortant a perdu et où le président sortant a passé la majeure partie de son mandat avec une cote de popularité inférieure à 50%. Cela en dit peut-être plus sur le mécontentement sous-jacent de la société états-unienne que sur un candidat en particulier.

La stratégie de campagne du Parti démocrate se retourne contre lui, une fois de plus
En 2016, Hillary Clinton a montré son mépris pour les partisans de Trump, alors majoritairement blancs, en les qualifiant de « pitoyables », plutôt que d'essayer de reconnaître la source de leur colère : l'inégalité flagrante du statut économique. Huit ans plus tard, alors que le soutien à Trump est plus important dans pratiquement tous les segments de la population, il est impossible d'ignorer le désarroi économique qui a éloigné les électeurs des démocrates, tandis que Biden continuait à se vanter que l'économie des Etats-Unis pendant son mandat était « la plus forte du monde » (déclaration du 25 juillet 2024, « Statement from President Joe Biden on Second Quarter 2024 GDP »).
Mais ceux qui ne disposent pas des capacités financières de gagner de l'argent en bourse vivent au jour le jour, incapables de joindre les deux bouts, souvent en cumulant deux emplois.
Dans un système politique où les deux grands partis capitalistes, démocrates et républicains, dominent à tour de rôle les instances du pouvoir – sans véritable parti d'opposition – le seul moyen pour les électeurs et électrices d'exprimer leur mécontentement à l'égard du parti au pouvoir est de voter pour l'autre, le moindre des deux maux.
De plus, depuis que Bill Clinton a occupé la Maison Blanche [1993-2001], les démocrates ont adopté les mêmes politiques néolibérales que les républicains, avec un enthousiasme à peine moins marqué. Depuis Ronald Reagan, les républicains se sont déchaînés contre les « fraudeurs à l'aide sociale », mais Clinton est le président qui a mis fin à la « protection sociale telle que nous la connaissons »2 dans les années 1990, entraînant des millions de pauvres dans une spirale de pauvreté qui n'a fait que s'aggraver aujourd'hui.
Au cours des dernières décennies, les démocrates ont délibérément courtisé les votes des personnes aisées et bien éduquées, ce qui a entraîné une érosion constante du soutien au Parti démocrate parmi ses électeurs et électrices traditionnels de la classe laborieuse et des Noirs. Cette tendance s'est encore accentuée depuis la défaite d'Hillary Clinton lors de l'élection présidentielle dd 2016. Pourtant, les fondés de pouvoir du parti n'ont rien fait pour modifier cette stratégie désastreuse au cours des années qui ont suivi. Ils ont couronné Joe Biden comme candidat pour 2024, alors même que ses facultés mentales déclinaient rapidement, puis, après l'avoir finalement écarté, ont refusé d'organiser en août une convention ouverte au sein du Parti démocrate, renonçant ainsi à un semblant de démocratie au sein de leur propre parti.
Aujourd'hui, « les poules sont rentrées au poulailler », autrement dit « les conséquences de nos décisions sont là ». Donald Trump, criminel condamné, sectaire et mentalement instable, retourne à la Maison-Blanche, avec une victoire écrasante du collège électoral (301 contre 226), tandis que les républicains ont repris le contrôle du Sénat et resteront peut-être maîtres de la Chambre des représentants, le décompte des voix n'étant pas encore achevé [ce 7 novembre au soir].
Un examen plus approfondi de la répartition électorale de 2024 devrait dissiper le mythe selon lequel la majorité de la population est composée d'incorrigibles racistes et misogynes qui croient à tous les mensonges de Trump – que les immigrants haïtiens mangent des chats de compagnie, ou que l'armée devrait regrouper les immigrants dans le cadre d'expulsions massives, par exemple. Il existe déjà des preuves empiriques que de nombreux électeurs de Trump ne croient pas réellement à ses affirmations les plus farfelues ou ne s'attendent pas à ce qu'il tienne ses promesses de campagne les plus radicales.
Comme l'a rapporté Shwan McCreesh dans le New York Times du 14 octobre par exemple :
L'un des aspects les plus étranges de l'attrait politique de Donald J. Trump est le suivant : Beaucoup de gens sont heureux de voter pour lui parce qu'ils ne croient tout simplement pas qu'il fera beaucoup des choses qu'il dit qu'il fera.
L'ancien président a parlé de mettre le ministère de la Justice en état d'alerte et d'emprisonner les opposants politiques. Il a déclaré qu'il purgerait le gouvernement de tout ce qui n'est pas loyal et qu'il aurait du mal à embaucher quelqu'un qui admettrait que l'élection de 2020 n'a pas été volée. Il a proposé « une journée vraiment violente » (citation faite par Rebecca Davis O'Brien, dans le NYT le 30 septembre) au cours de laquelle les policiers pourraient se montrer « extraordinairement brutaux » en toute impunité. Il a promis des déportations massives et prédit que ce serait « une histoire sanglante ». Et si nombre de ses partisans sont ravis de ces propos, il y en a beaucoup d'autres qui pensent que tout cela fait partie d'un grand spectacle.
Comme l'a déclaré un sondeur républicain dans le NYT (article de Shawn McCreesh cité), « les gens pensent qu'il dit des choses pour faire de l'effet, qu'il fait de l'esbroufe, parce que cela fait partie de ce qu'il fait, de son jeu. Ils ne croient pas que cela va réellement se produire ». Seul le temps nous dira si cette hypothèse est correcte ou non3.
Jusqu'à ce que les votes soient entièrement comptés dans tout le pays, la plupart des données analytiques actuelles reposent sur les sondages de sortie des urnes, qui doivent donc être considérés comme des estimations. Cela dit, ils ont montré que près d'un électeur de Trump sur cinq était une personne de couleur, ce qui constitue un changement majeur par rapport à 2016. Trump a remporté 26% du vote latino (Washington Post, 6 novembre, article d'Aaron Blake – un group certes différencié en termes d'origine et de localisation, réd.) y compris dans un certain nombre de comtés frontaliers à majorité latino dans le sud du Texas. Trump a progressé de manière moins spectaculaire parmi les électeurs et électrices noirs, mais a néanmoins remporté entre 13 et 16% du vote noir dans sa globalité (contre un pourcentage à seul chiffre lors des élections précédentes), et entre 21 et 24% parmi les hommes noirs, selon Politico (6 novembre).
Malgré la crise des droits reproductifs résultant des interdictions d'avortement, l'avantage de Harris parmi les électrices n'était que de 8%, le plus faible depuis 2004. Dans un certain nombre d'Etats où des référendums en faveur du droit à l'avortement ont été adoptés, Trump a tout de même remporté la victoire. C'est le cas du Missouri, où les électeurs ont annulé l'interdiction de l'avortement, mais où une majorité a toutefois voté pour Trump (NYT, 6 novembre).
Le soutien inconditionnel de Joe Biden à la guerre génocidaire d'Israël à Gaza a coûté à Kamala Harris au moins une partie des voix parmi les électeurs et électrices arabes, musulmans et pro-palestiniens, bien que, là encore, les statistiques nationales ne soient pas encore disponibles. Mais Trump a remporté la ville à majorité arabe de Dearborn, dans le Michigan, où de nombreux sondages avaient déjà montré que les électeurs et électrices se retournaient contre Biden, puis contre Harris, en raison de leur soutien aux atrocités commises par Israël en Palestine et au Liban. Kamala Harris n'a obtenu que 36% des voix à Dearborn, contre 68% pour Biden en 2020. Il apparaît aujourd'hui que si certains ont voté pour Trump, 18% des électeurs ont voté pour Jill Stein, du parti vert, contre moins de 1% pour les Verts dans l'ensemble de l'Etat du Michigan.
Toutefois, Kamala Harris a remporté la victoire parmi les électeurs gagnant 100 000 dollars ou plus par an, dans ce qui semble être un réalignement politique à long terme, bien que Trump conserve le soutien des super-riches milliardaires4.
Les conseils de Bernie Sanders
Comme on pouvait s'y attendre, le sénateur du Vermont Bernie Sanders n'a attendu qu'une journée pour émettre une critique cinglante de la campagne de Kamala Harris. « Il ne faut pas s'étonner qu'un Parti démocrate qui a abandonné la classe ouvrière s'aperçoive que la classe ouvrière l'a abandonné », a déclaré Bernie Sanders dans son communiqué. « Les grands intérêts financiers et les consultants bien payés qui contrôlent le Parti démocrate tireront-ils des leçons de cette campagne désastreuse ? . . . Probablement pas. »5 [6]
La critique de Bernie Sanders est vraie (en particulier la formule « probablement pas »), mais il est difficile de la prendre au pied de la lettre. Après tout, Sanders et d'autres supplétifs « progressistes » du Parti démocrate, comme la représentante Alexandria Ocasio-Cortez (AOC), étaient « à fond » – d'abord pour Joe Biden, puis pour Harris tout au long de sa courte campagne. Tous deux ont fait la tournée des Etats fédérés pour Harris. Harris a donné à Sanders et à AOC des places de choix pour prendre la parole à la Convention nationale du Parti démocrate (tout en refusant d'autoriser un seul orateur pro-palestinien), où leurs discours étaient destinés à établir la bonne foi de Harris au sein de la base progressiste du Parti démocrate6. Et maintenant, Sanders nous dit que la campagne de Harris était condamnée dès le départ ?
Sanders a certainement raison lorsqu'il critique les démocrates en tant que parti du statu quo. Mais il ne faut pas oublier que Sanders et AOC ont été parmi les derniers défenseurs de Biden avant que les leaders démocrates et les donateurs ne le poussent hors de la course. Le programme de Kamala Harris, intitulé « économie de l'opportunité », mettait l'accent sur l'esprit d'entreprise, avec quelques vagues clins d'œil à la réduction des coûts des soins de santé, du logement et des produits alimentaires. Même sa proposition apparemment « importante » d'ajouter à Medicare la couverture des soins à domicile pour les personnes âgées et handicapées n'était guère plus qu'un sujet de discussion – et encore, juste une goutte d'eau dans l'océan de ce qu'il faudrait pour réparer le système de santé basé sur le profit, ce qui le rend inabordable pour des millions de personnes.
Kamala Harris aurait-elle pu battre Donald Trump si elle s'était présentée avec le programme de Bernie Sanders ? On peut en douter. Il est difficile de se présenter en tant qu'« opposante » lorsque l'on est la vice-présidente en exercice d'une administration impopulaire. Mais elle n'a même pas essayé.
Harris et AOC ont organisé des événements sur mesure avec des dirigeants syndicaux comme le président de l'UAW, Shawn Fain. Les dirigeants syndicaux ont cité le fait que Joe Biden était présent sur un piquet de grève de l'UAW, ses nominations au National Labor Relations Board et la création de « bons emplois syndicaux » dans le cadre des investissements dans les infrastructures comme autant de preuves que Joe Biden (et vraisemblablement Kamala Harris, en tant que sa successeure) était le président le plus « pro-syndical » de toute une décennie. Mais les familles syndiquées n'offrent qu'un mince avantage aux démocrates, avec seulement 53% d'entre elles ont voté démocrate, contre 58% en 2012. Et lorsque le taux de syndicalisation de la main-d'œuvre n'est que d'environ 10% au total – et de seulement 6% dans le secteur privé –, même ces enjeux syndicaux ne trouveront pas d'écho dans la classe ouvrière au sens large.
Dans une période où la population accorde aux syndicats le plus grand soutien qu'ils aient jamais reçu (voir Union Track, article de Ken Green, 16 octobre 2024, portant sur l'enquête de l'institut de sondage Gallup), les dirigeants syndicaux devraient peut-être consacrer plus de temps et d'argent à aider les travailleurs et travailleuses à s'organiser qu'à dépenser des millions dans des campagnes électorales démocrates.
Qu'en est-il du taux de participation ?
Il faudra des semaines avant d'avoir une idée précise de la structuration de tous les votes exprimés lors de l'élection de 2024. Ce qui n'est pas remis en cause, c'est que, pour la première fois, Trump a remporté la majorité des voix. Il est le premier républicain à remporter le vote populaire présidentiel depuis George W. Bush en 2004.
Au 7 novembre, Trump avait recueilli environ 72,7 millions de voix, contre 68,1 millions pour Kamala Harris. Michael McDonald, expert en élections, estime que le taux de participation global sera d'environ 64,5% de la population en âge de voter, contre un peu moins de 66% en 2020. Cela représente une légère baisse par rapport au taux de participation de 2020, qui était le plus élevé depuis 1900. Le taux de participation de 2024 semble donc être parmi les plus élevés depuis plus d'un siècle.
Les sondages de sortie des urnes indiquent que Trump a obtenu 56% des 8% d'électeurs qui votaient pour la première fois. Environ 6% des électeurs et électrices de Biden en 2020 sont passés à Trump en 2024, contre environ 4% de Trump à Harris. Malgré tous les efforts déployés par Harris pour attirer les républicains sous la tente des démocrates, cela n'a pas fait de différence significative.
Par rapport à 2020, où Biden a obtenu 81 millions de voix et Trump environ 74 millions, les démocrates et les républicains semblent gagner moins de voix, bien que Trump puisse retrouver son score de 2020. Mais le recul du Parti démocrate sera de plus de 10 millions de voix.
Où sont donc allés les votes des démocrates de 2020 ? Un petit nombre d'entre eux sont allés à Trump, mais il semble que la plupart de ces votants soient restés chez eux. A Détroit et à Philadelphie, deux des principaux bastions du Parti démocrate dans les Etats du Michigan et de Pennsylvanie, la participation des démocrates n'a pas été au rendez-vous. Après tout le battage médiatique autour de la campagne du porte-à-porte de Kamala Harris, cette dernière a obtenu moins de voix à Détroit que l'exécrable campagne d'Hillary Clinton en 2016.
Une démarcheuse pour Kamala Harris a expliqué (Brigde Detroit, 6 novembre) pourquoi cela s'est produit à Détroit : « J'ai été choquée par le nombre de personnes qui ont déclaré avoir déjà voté, ce qui nous a permis de nous concentrer sur ceux qui ne l'avaient pas fait. Certains électeurs et électrices sont cyniques et insatisfaits de tout, (ils disent) que rien ne change jamais. On pourrait écrire 20 histoires différentes sur ce qui préoccupe les électeurs et électrices du Michigan, et elles seraient toutes vraies. »
Kamala Harris, la candidate « républicaine-allégée »
Comme on pouvait s'y attendre, les grands médias ont tiré les mauvaises leçons des résultats du scrutin de 2024. L'éditorial du 6 novembre du New York Times, par exemple, a rejeté la faute sur les progressistes, en affirmant :
« Le parti doit également se demander pourquoi il a perdu les élections… Il a mis trop de temps à reconnaître que de larges pans de son programme progressiste lui aliénaient les électeurs et électrices, y compris certains des plus fidèles partisans de son parti. Et cela fait maintenant trois élections que les démocrates s'efforcent de trouver un message convaincant qui trouve un écho auprès des Américains des deux partis qui ont perdu confiance dans le système, ce qui a poussé les électeurs et électrices sceptiques vers le personnage le plus manifestement perturbateur, même si une grande majorité d'Américains reconnaissent ses graves défauts. »
Mais comme l'a observé avec justesse Fairness and Accuracy in Reporting (FAIR) du 7 novembre, « Kamala Harris ne s'est pas présentée comme une progressiste, que ce soit en termes de politique économique ou de politique identitaire. Mais pour un média institutionnel [allusion au NYT et y compris au Washington Post] qui a largement complété, plutôt que contré, les récits de Trump basés sur la peur des immigrants, des personnes transgenres et de la criminalité, blâmer la gauche est infiniment plus tentant que de reconnaître sa propre culpabilité. »
Kamal Harris a choisi de courtiser les républicains, et non les progressistes, pendant la période précédant l'élection. Les rituels traditionnels de séduction électorale ont ainsi été bouleversés, la démocrate Kamala Harris rampant devant les électeurs républicains et le républicain Trump (avec un peu plus de succès) cherchant à séduire les électeurs latinos en particulier. Le soutien de Kamala Harris aux droits reproductifs et à l'élimination du plafond de verre entre hommes et femmes a été relégué en partie au second plan pour trouver un terrain d'entente avec les républicains sur les questions sociales.
Plutôt que de se concentrer sur ce qui la distinguait de Donald Trump, Kamala Harris a mené une campagne « républicaine allégée », mettant l'accent sur ce qu'elle avait en commun avec les républicains : son opposition à l'immigration et son soutien à la répression à la frontière sud ; la réaffirmation de son soutien indéfectible au génocide israélien en Palestine ; la vantardise de posséder un pistolet Glock pour séduire les défenseurs des armes à feu.
L'ancienne représentante républicaine Liz Cheney a rejoint Kamala Harris sur le chemin de la campagne. Son père, le criminel de guerre et néoconservateur Dick Cheney, a soutenu Kamala Harris en grande pompe.
Mais au milieu de toutes ces joutes électorales, il n'était pas évident de savoir ce que représentait réellement Kamala Harris. En tant que procureure puis procureure générale de Californie au début de sa carrière, elle n'était ni de droite ni de gauche, mais elle s'est transformée en une fière libérale [centre gauche] lorsqu'elle s'est présentée aux élections primaires de 2019. Cette année, après l'abandon de Biden, elle s'est présentée à l'élection présidentielle avec l'intention de paraître plus conservatrice. Elle a donc fait volte-face sur son opposition libérale de 2019 à la fracturation pétrolière et sur son soutien au « Medicare for All » – mais sans admettre qu'elle avait réellement changé d'avis sur ces questions majeures. Comme on pouvait s'y attendre, de nombreux électeurs et électrices ont rejeté cette candidate peu sincère, représentant l'administration Biden en place, et ont opté pour l'impudent milliardaire, qui a prouvé qu'il était prêt à au moins bousculer les choses, pour le meilleur et pour le pire.
Tels sont les choix malheureux que les électeurs et électrices aspirant au changement ont été contraints de faire au sein du duopole bipartite qui enferme l'électorat des Etats-Unis dans un carcan.
Un électorat en colère, sans alternative viable à gauche, se tourne vers la droite
Au cours des dernières décennies, la gauche états-unienne a été bien trop faible pour avoir un impact sur les élections – une tendance qui n'a fait que s'aggraver au cours des dernières années. La montée en puissance des Socialistes démocrates d'Amérique (DSA-Democratic Socialists of America) a été inspirée par les succès électoraux du socialiste indépendant Bernie Sanders en 2016 et 2020 [il a été réélu dans l'Etat du Vermont en 2024]. Mais dans les deux cas, Sanders s'est plié aux exigences des fondés de pouvoir du Parti démocrate et a fini par soutenir les candidats qu'ils avaient choisis, d'abord Hillary Clinton, puis Joe Biden. Et, comme indiqué plus haut, Sanders a fait campagne avec enthousiasme pour Biden, puis pour Harris.
Il n'est pas surprenant que la croissance de DSA – bien qu'il s'agisse encore d'une très petite organisation n'ayant qu'une influence marginale sur la politique américaine – ait coïncidé avec la décimation de la plus grande partie de la gauche révolutionnaire, qui était déjà en déclin depuis un certain temps. L'objectif à courte vue d'obtenir une influence politique plus large pour la gauche via le Parti démocrate a sans aucun doute joué un rôle dans la poursuite de cette évolution, mais n'a pas empêché la détérioration générale de la gauche. Le soutien de Sanders et d'AOC à Biden et Harris l'illustre parfaitement.
En fait, la DSA a accéléré le déclin de l'influence de la gauche en mettant l'accent sur les élections au lieu de donner la priorité à la construction de mouvements sociaux de base qui peuvent influencer la politique en dehors de l'arène électorale. Ce n'est pas sans raison que le Parti démocrate est traditionnellement considéré par la gauche révolutionnaire américaine comme « le cimetière des mouvements sociaux ».
Ce point peut facilement être prouvé par la négative, en utilisant comme premier exemple la dépendance des organisations de défense du droit à l'avortement à l'égard des politiciens du Parti démocrate. Les mouvements sociaux pour le droit à l'avortement et la libération des femmes ont obtenu, par l'intermédiaire d'organisations de base, le droit à l'avortement lorsque la Cour suprême des Etats-Unis a rendu son arrêt Roe v. Wade en 1973 – alors que Richard Nixon, un anti-avortement, occupait la Maison-Blanche. Mais au cours des décennies qui ont suivi, les organisations pro-choix se sont appuyées sur les démocrates pour défendre le droit à l'avortement, et aucune grande manifestation pro-choix n'a été organisée depuis deux décennies. Pourtant, les démocrates, en tant que parti du compromis, ont permis que le droit à l'avortement soit érodé, puis finalement renversé en 2022. Aucun de ces politiciens n'a cherché à reconstruire un mouvement pro-choix dynamique pour changer le statu quo depuis lors, même s'il a provoqué une crise des droits reproductifs qui tue les femmes (New York Intelligencer, 4 novembre, article de Irvin Carmon),
La seule solution proposée par le New York Times – et l'establishment libéral – est d'attendre les prochains cycles électoraux pour voter : « Ceux qui ont soutenu Trump lors de cette élection devraient observer attentivement sa façon d'exercer son pouvoir afin de voir si elle correspond à leurs espoirs et à leurs attentes, et si ce n'est pas le cas, ils devraient faire connaître leur déception et voter lors des midterms de 2026 et en 2028 pour remettre le pays sur la bonne voie. »
Or, cela est loin d'être une solution. Les élections elles-mêmes ne déterminent généralement pas les rapports des forces au plan politique et social à un moment donné. Elles reflètent normalement ces rapports de forces – bien qu'elles puissent parfois le consolider ou l'affaiblir – et peuvent donc être influencées par des mouvements extérieurs à l'arène électorale.
Aujourd'hui, aux Etats-Unis, les rapports de forces penchent résolument en faveur de la droite, entre autres en raison de la faiblesse de la gauche. « La nature a horreur du vide », dit le proverbe. Lorsque les démocrates font écho aux républicains en s'orientant vers la droite et que la gauche suit les démocrates pour gagner les élections, les électeurs et électrices n'entendent aucun point de vue alternatif de gauche. C'est donc la droite qui l'emporte.
C'est la situation à laquelle nous sommes confrontés aujourd'hui. Il est facile de faire des immigré·e·s les boucs émissaires des problèmes de la société alors qu'il n'y a pas d'explication de gauche à la baisse des salaires et à l'inflation élevée, qui renverrait aux politiques de division et de domination de la classe capitaliste.
La seule possibilité de modifier les rapports de forces réside dans une lutte – avec ses expressions organisées – ancrée au niveau de la base. Nous avons eu un aperçu de ce que cette lutte pourrait signifier l'année dernière, lorsque les Travailleurs unis de l'automobile (UAW) ont mené l'offensive face aux trois grands constructeurs automobiles et ont gagné. Nous en avons également eu un aperçu au printemps dernier, lorsque des manifestants pro-palestiniens ont formé des campements sur les campus universitaires à travers les Etats-Unis.
Mais une montée en puissance bien plus importante des mouvements sociaux et de la lutte de classe dans ses diverses expressions est une condition préalable nécessaire pour modifier les rapports de forces entre classe. D'ici là, les plus riches continueront à célébrer leur bonne fortune. Le statu quo prévaudra, peu importe pour qui nous avons voté ou non. Et Trump prendra ses fonctions en janvier, avec des conséquences que personne ne peut prédire aujourd'hui.
Article reçu le 8 novembre, traduction rédaction A l'Encontre.
Notes
1. Lors de sa première prise de parole le 22 juillet, suite au retrait de Joe Biden de la course à la présidentielle, Kamala Harris a salué le bilan de Biden : « En un mandat, il a déjà un meilleur bilan que la plupart des présidents qui ont effectué deux mandats. » (Réd. A l'Encontre)
2. Alana Semuels, dans The Atlantic du 1er avril 2016, rappelait que : « Si l'on en croit les chiffres, la réforme de l'aide sociale [par Clinton] a été un succès. En 1995, avant l'adoption de la loi de réforme, plus de 13 millions de personnes recevaient une aide financière du gouvernement. Aujourd'hui, elles ne sont plus que 3 millions. “Pour dire les choses simplement, la réforme de l'aide sociale a fonctionné parce que nous avons tous travaillé ensemble”, a écrit Bill Clinton, qui a promulgué la loi sur la réforme de l'aide sociale (Personal Responsibility and Work Opportunity Reconciliation Act) de 1996, dans un article d'opinion publié dans le New York Times en 2006. Bill Clinton avait fait campagne en promettant de “mettre fin à l'aide sociale telle que nous la connaissons” et il n'est que trop évident aujourd'hui qu'il y est parvenu. » (Réd. A l'Encontre)
3. Nous reviendrons sur les réseaux hyper conservateurs, acteurs d'une orientation contre-révolutionnaire, qui constituent aujourd'hui l'encadrement du trumpisme. Sylvie Laurent en donne de nombreux éléments. Voir le débat en accès libre sur Mediapart du 7 novembre. (Réd. A l'Encontre)
4. Business Insider du 28 octobre énumère les milliardaires qui soutiennent Trump : Elon Musk, Steve Schwarzman, Miriam Adelson, Diane Hendricks, Harold Hamm, Andrew Beal, Bernard Marcus, Tilman Fertitta, Bill Ackman, Douglas Leone, Jeffery Hildebrand, Kelcy Warren, Paul Singer, Jan Koum, Richard et Elizabeth Uihlein, Ike Perlmutter, Joe Ricketts, John Paulson, Steve Wynn, Woody Johnson, Warren Stephens, Cameron and Tyler Winklevoss, Linda McMahon, Timothy Mellon, Robert and Rebekah Mercer, Robert Bigelow, etc. (Réd. A l'Encontre)
5. Dans le document de Bernie Sanders publié sur X le 6 novembre, il ajoute : « D'abord, c'était la classe ouvrière blanche, et maintenant ce sont aussi les travailleurs latinos et noirs [qui se sont éloignés du Parti démocrate]. Alors que les dirigeants démocrates défendent le statu quo, le peuple américain est en colère et veut du changement. Et ils ont raison.
»Aujourd'hui, alors que les très riches se portent à merveille, 60% des Américains vivent au jour le jour et l'inégalité des revenus et des richesses n'a jamais été aussi grande. Aussi incroyable que cela puisse paraître, les salaires hebdomadaires réels, tenant compte de l'inflation, du travailleur/travailleuse moyen sont aujourd'hui inférieurs à ce qu'ils étaient il y a 50 ans.
»Aujourd'hui, malgré l'explosion de la technologie et de la productivité des salarié·e·s, de nombreux jeunes auront un niveau de vie inférieur à celui de leurs parents. Et nombre d'entre eux craignent que l'intelligence artificielle et la robotique n'aggravent encore la situation.
»Aujourd'hui, bien que nous dépensions beaucoup plus par habitant que d'autres pays, nous restons la seule nation riche à ne pas garantir les soins de santé à tous en tant que droit de l'homme et nous payons, de loin, les prix les plus élevés au monde pour les médicaments délivrés sur ordonnance. Nous sommes les seuls, parmi les grands pays, à ne même pas pouvoir garantir des congés familiaux et médicaux rémunérés. » (Réd. A l'Encontre)
6. Rashida Tlaib et Ilhan Omar, les deux premières femmes musulmanes à siéger au Congrès des Etats-Unis, ont été réélues à la Chambre des représentants. Rashida Tlaib, qui est également la première femme d'origine palestinienne à siéger au Congrès, a été réélue mardi pour un quatrième mandat en tant que représentante du Michigan, avec le soutien de l'importante communauté arabo-américaine de Dearborn. Ilhan Omar, ancienne réfugiée et Américaine d'origine somalienne, a retrouvé son siège pour un troisième mandat dans le Minnesota, où elle représente le 5e district, fortement démocrate, qui comprend Minneapolis et un certain nombre de banlieues. Principale critique du soutien militaire apporté par les États-Unis à Israël dans sa guerre contre Gaza, Rashida Tlaib s'est présentée sans opposition aux élections primaires démocrates et a battu le républicain James Hooper. (Réd. A l'Encontre)
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Un mouvement de masse peut vaincre la cupidité des PDG de la santé

Nous avons parlé à Bernie Sanders du présumé PDG de l'assurance maladie, Luigi Mangione, de la crise des soins de santé à but lucratif en Amérique, des raisons pour lesquelles seul un mouvement de masse peut gagner Medicare for All, et de la façon de lutter contre la part croissante des votes de la classe ouvrière pour la droite.
L'assassinat du PDG de UnitedHealthcare, Brian Thompson, à Manhattan la semaine dernière, a attiré plus d'attention médiatique sur le système de santé américain que ce que nous avions vu lors de l'ensemble de l'élection présidentielle de 2024. Nombreux sont ceux qui profitent de l'occasion pour débattre de la pertinence de la réponse du public, qui a tendance ne pas être sympathique à la victime. Une question peut-être plus pressante est la suivante : si les Américains sont de cet avis à propos de l'assurance maladie privée, alors pourquoi les politiciens ont-ils laissé tomber la question ?
Il est clair, à la suite du meurtre, qui aurait été perpétré par Luigi Mangione, âgé de vingt-six ans, que les gens de tout le spectre politique sont indignés par la cupidité des compagnies d'assurance et l'incapacité du système à fournir des soins adéquats aux Américains. Mais en l'absence d'un mouvement de masse autour de l'assurance-maladie pour tous, dirigé par un leadership politique fort, il est difficile d'imaginer comment la rage et le désespoir des gens peuvent être canalisés vers un changement durable.
Le sénateur Bernie Sanders s'est entretenu avec Chandler Dandridge, collaborateur de Jacobin, sur la réaction au meurtre de Thompson, sur la cruauté du système de santé à but lucratif, sur les arguments en faveur de l'assurance-maladie pour tous, sur la manière de promouvoir l'unité parmi les électeurs de la classe ouvrière et sur la nécessité pour les dirigeants du Parti démocrate de dire de quel côté ils se trouvent.
11 décembre 2024 | tiré de Jacobin | Photo : Le sénateur Bernie Sanders s'exprime lors d'une conférence de presse à Washington, DC, le 19 novembre 2024. (Nathan Posner / Anadolu via Getty Images)
https://jacobin.com/2024/12/sanders-movement-health-care-mangione?mc_cid=129a0eb0dd&mc_eid=8dfe7fa4b4À
Chandler Dandridge : Nous approchons du quinzième anniversaire de l'Affordable Care Act (ACA) et les États-Unis sont toujours en proie à une grave crise des soins de santé. En fait, au cours des dix dernières années, les bénéfices des compagnies d'assurance n'ont fait qu'augmenter, les primes ne cessent d'augmenter et les réclamations de base continuent d'être refusées. Pourquoi la loi du président Obama n'a-t-elle pas réussi à réparer notre système de santé ?
Bernie Sanders : Parce que la fonction principale de l'ACA est d'augmenter la couverture des soins de santé en subventionnant l'industrie de l'assurance. Sa fonction n'a jamais été de s'attaquer aux causes profondes des problèmes et de se demander pourquoi nous dépensons environ deux fois plus par habitant en soins de santé que les habitants d'autres pays. Il n'a pas abordé le problème du fait que le fonctionnement du système de soins de santé actuel ne fournit pas de soins de qualité de manière rentable.
La fonction est très claire, et cela n'a pas changé : c'est de faire faire le plus d'argent possible aux compagnies d'assurance et aux compagnies pharmaceutiques. Donc, si vous avez un système conçu pour faire faire des dizaines de milliards de bénéfices par an aux compagnies d'assurance et aux sociétés pharmaceutiques, par définition, il ne répondra pas aux besoins du peuple américain.
Chandler Dandridge : Malgré la crise actuelle, les soins de santé étaient largement absents des élections générales de 2024 – une différence frappante par rapport à la campagne présidentielle de 2016 et à celle de 2020. Vous avez voyagé à travers le pays ces derniers mois : les gens ordinaires ont-ils perdu tout intérêt et se sont-ils résignés au statu quo ?
Bernie Sanders : [criant] NON ! Est-ce assez clair ? Écoutez, quand nous parlons de la crise des soins de santé, à mon avis, et je pense que c'est le point de vue d'une majorité d'Américains, le système actuel est cassé, il est dysfonctionnel, il est cruel et il est extrêmement inefficace – et beaucoup trop coûteux.
C'est ce que les gens comprennent de la situation. Quand je fais des discours publics la plupart du temps, je dis : « Écoutez, je veux que vous me disiez ce que vous pensez. Combien d'entre vous pensent que le système de santé américain actuel fonctionne bien ? S'il vous plaît, levez la main. Très peu de mains se lèvent. « Combien d'entre vous pensent qu'il est cassé ? » Presque toutes les mains dans la pièce se lèvent. C'est ce que le peuple américain comprend pour des raisons évidentes.
Quatre-vingt-cinq millions de personnes n'étaient pas assurées. Nous payons les prix le plus élevés au monde pour les médicaments sur ordonnance. Nos résultats sont pires que ceux de la plupart des autres systèmes de soins de santé. Notre espérance de vie est plus faible. Environ soixante mille personnes meurent chaque année parce qu'elles n'arrivent pas chez le médecin à temps. Il n'est pas nécessaire d'être un génie pour comprendre qu'il s'agit d'un système extrêmement dysfonctionnel. Nous dépensons deux fois plus par habitant pour les soins de santé et nous en obtenons moins en valeur que d'autres pays.
Cela m'attriste que non seulement les républicains n'aient rien à dire à ce sujet, mais que les démocrates ne puissent pas aller beaucoup plus loin que d'essayer de protéger la loi sur les soins abordables.
Mais la vraie crise n'est pas un débat sur les soins de santé. C'est un débat politique. C'est un débat sur le financement des campagnes électorales. La raison pour laquelle nous n'avons pas rejoint pratiquement tous les autres grands pays du monde pour garantir les soins de santé à tous en tant que droit de l'homme est le pouvoir politique et le pouvoir financier de l'industrie de l'assurance et des sociétés pharmaceutiques. Ils dépensent des sommes énormes pour s'assurer que nous ne remettons pas en question les prémisses de base du système actuel et que nous continuons à maintenir un système de soins de santé géré par des compagnies d'assurance et des sociétés pharmaceutiques. Il faudra une révolution politique dans ce pays pour que le Congrès dise : « Vous savez quoi, nous sommes ici pour représenter les gens ordinaires, pour fournir des soins de qualité aux gens ordinaires en tant que droit de l'homme », sans se soucier des profits des compagnies d'assurance et des sociétés pharmaceutiques.
C'est donc principalement une question politique. C'est ce que nous devons aborder. Pour répondre à votre question, je crois que les gens sont plus que conscients de la crise des soins de santé. Je pense que c'est dans leur esprit. Et cela m'attriste que non seulement les Républicains n'aient rien à dire à ce sujet – ou, je suppose, que Trump « travaille toujours sur un plan » – mais que les Démocrates ne puissent pas aller beaucoup plus loin que d'essayer de protéger la loi sur les soins abordables.
Chandler Dandridge : Après la victoire de Donald Trump en novembre, il était impossible d'ignorer son soutien croissant parmi les personnes de couleur de la classe ouvrière, s'appuyant sur une tendance des électeurs blancs de la classe ouvrière à abandonner le Parti démocrate lors des élections précédentes. Ce processus aurait-il pu être arrêté si les démocrates avaient adopté plus tôt l'assurance-maladie pour tous et d'autres programmes sociaux universels ?
Bernie Sanders : Au début de cette campagne, j'ai commandé un sondage. Nous avons posé des questions au peuple américain sur certains des problèmes les plus importants auxquels l'Amérique est confrontée, y compris les soins de santé, y compris l'assurance-maladie pour tous. Et vous ne serez pas surpris d'apprendre qu'en fait, une forte majorité du peuple américain comprend que les soins de santé sont un droit de l'homme. Il y avait un très fort soutien pour Medicare for All.
Et bien que vous ayez un soutien pour Medicare for All, vous pourriez allumer la télévision et la regarder vingt-quatre heures sur vingt-quatre, tous les jours de l'année, et vous n'entendrez aucune discussion sur Medicare for All. Seule une poignée d'entre nous — les médecins pour un programme national de santé, moi-même et quelques autres — en parlons. Imaginez ce qui se passerait si tout un parti politique s'attaquait à l'industrie de l'assurance et aux compagnies pharmaceutiques et exigeait des changements.
Mais même sans ce mégaphone, avec un mégaphone limité, le peuple américain comprend que le système actuel est cassé. Nous devons aller dans une direction très différente. Et vous parlez de pourquoi la classe ouvrière a abandonné le Parti démocrate ? C'est l'une des réponses. Si vous vous promenez en disant : « La seule chose que je peux dire à propos des soins de santé, c'est que je m'opposerai aux coupes dans la loi sur les soins abordables » – mec ! Cela ne résout pas la crise que nous traversons dans le Vermont, où les coûts d'assurance augmentent de 10 à 15 % par an. Les petites entreprises ne peuvent pas le payer.
L'autre jour, j'ai parlé à des syndicalistes des plus grands syndicats du Vermont. Ils me disent qu'à chaque fois qu'ils s'assoient pour négocier, ils ne peuvent pas obtenir d'augmentation de salaire parce que les coûts des soins de santé ont tellement augmenté, y compris les employés du secteur public et du secteur privé. Donc non, je ne suis pas d'accord avec quiconque pense que les soins de santé ne sont pas dans l'esprit du peuple américain. Je ne suis pas d'accord avec les gens qui ne pensent pas politiquement que c'est une question gagnante. S'attaquer aux compagnies d'assurance et aux compagnies pharmaceutiques est exactement ce que veulent les Américains de la classe ouvrière, que vous soyez démocrate, républicain ou indépendant.
Comme je l'ai déjà dit, nous avons fait des sondages, et Medicare for All, les soins de santé en tant que droit de l'homme, la réduction de moitié du coût des médicaments sur ordonnance, l'élargissement des prestations de sécurité sociale en levant le plafond du revenu imposable, l'expansion immédiate de Medicare pour couvrir les soins dentaires, auditifs et visuels – toutes ces questions sont extrêmement populaires. Mais dans tous les cas, vous vous attaquez à de puissants intérêts particuliers, et malheureusement, à l'heure actuelle, étant donné le rôle de l'argent dans la politique, il y a beaucoup trop peu de politiciens qui sont prêts à se lever et à dire ce qui est évident.
Les gens comprennent que le système est cassé. Il y a eu deux campagnes : la campagne démocrate qui a dit : « Hé, le statu quo fonctionne bien, nous allons régler un peu le problème sur les bords. » Et Trump qui arrive en disant : « Le système est complètement cassé et je vais le réparer. » Eh bien, malheureusement, il va aggraver encore un système défaillant. Mais il a gagné du soutien parce que les gens savent que le système est cassé. Il est brisé. Le système de financement des campagnes électorales est cassé, le système de soins de santé est cassé, le système de logement est cassé, le système éducatif est cassé. Il est brisé. Et nous avons besoin d'un mouvement pour créer une société qui fonctionne pour nous tous, et nous pouvons le faire. Ce n'est pas facile, mais c'est de cela qu'il s'agit.
Chandler Dandridge : Il semble que nous soyons dans un processus de désalignement des classes, où la classe ouvrière ne vote plus en bloc dans ses intérêts économiques, mais se disperse plutôt à travers le spectre politique – y compris, dans de nombreux cas, en se laissant distancer par des milliardaires réactionnaires. Voyez-vous Medicare for All comme une campagne qui peut inverser ce processus ?
Bernie Sanders : Oui, c'est possible. Pas pour tous. Mais je vais vous dire, dans le Vermont, je l'ai vu. Les gens disent : « Je ne suis pas d'accord avec vous sur la question de l'avortement » ou « Je ne suis pas d'accord avec vous sur les droits des homosexuels, mais vous avez raison sur les questions économiques ». C'est pourquoi nous nous entendons bien avec les gens de la classe ouvrière. Donc, je pense que si vous voulez sauver la démocratie américaine, si vous voulez protéger la classe ouvrière de ce pays, où les salaires, dans de nombreux cas, n'ont pas augmenté depuis des décennies, l'essentiel est que vous devez indiquer clairement de quel côté vous êtes. Êtes-vous du côté de la classe ouvrière ou du côté du 1 pour cent ? Une fois que vous avez pris cette décision, les problèmes se mettent en place.
Les soins de santé sont un droit humain. Nous allons nous attaquer aux compagnies d'assurance. Nous allons avoir un système fiscal équitable. Nous allons exiger un impôt sur la fortune et un impôt sur les personnes les plus riches de ce pays. Nous allons avoir des réformes du financement des campagnes électorales pour que les milliardaires n'achètent pas les élections. Toutes ces choses se mettent naturellement en place, et elles ont du sens pour les gens, mais vous avez besoin d'un leadership prêt à le dire.
Il y a eu un sondage que je viens de voir l'autre jour dans le New York Times qui disait quelque chose comme : « Pensez-vous que le Congrès est plus intéressé à profiter à l'élite et à eux-mêmes qu'aux gens ordinaires ? » Et très fortement, les gens ont dit oui. Nous avons donc besoin d'un leadership qui dit : « Non, nous sommes de votre côté. » Et pour être de votre côté, vous devez vous attaquer à de puissants intérêts particuliers, y compris les compagnies d'assurance et les sociétés pharmaceutiques. Vous faites cela et non seulement vous faites de bonnes politiques, mais vous gagnez des élections.
Chandler Dandridge : La semaine dernière, Luigi Mangione, 26 ans, aurait assassiné le PDG de UnitedHealthcare, Brian Thompson, sur un trottoir de Manhattan. On a beaucoup parlé de la réaction du public au meurtre de Thompson, qui, du moins en ligne, avait une tendance allant de la jubilation pure et simple à un « l'industrie l'avait prévu ». Certains disent que cet événement est un tournant dans la prise de conscience du public sur l'inégalité des soins de santé et l'industrie de l'assurance avide de profits, et un signe avant-coureur d'une résistance publique revigorée. D'autres craignent que l'adoption de la violence par des groupes d'autodéfense ne soit qu'un symptôme morbide d'un mouvement de masse en déclin – un signe de désespoir politique. Qu'en penses-tu ?
Bernie Sanders : Permettez-moi de dire ceci : il va sans dire que tuer quelqu'un – ce type se trouve être père de deux enfants. On ne tue pas les gens. C'est odieux. Je le condamne de tout cœur. C'était un acte terrible. Mais ce qu'il a montré en ligne, c'est que beaucoup, beaucoup de gens sont furieux contre les compagnies d'assurance maladie qui font d'énormes profits en les privant, eux et leurs familles, des soins de santé dont ils ont désespérément besoin. Ces histoires se déroulent tout le temps : « Ma mère suivait un traitement contre le cancer et je n'arrivais pas à me faire soigner pour elle. La compagnie d'assurance l'a rejeté. Un bureaucrate l'a rejeté. Elle est morte ». Ou, « Mon enfant souffre parce que nous ne pouvons pas obtenir les médicaments dont nous avons besoin, ils ont rejeté la demande du médecin. »
Ce que vous voyez, l'effusion de colère contre les compagnies d'assurance, est le reflet de ce que les gens pensent du système de santé actuel. Il est brisé. C'est cruel. Je vous l'ai dit : soixante mille personnes meurent chaque année parce qu'elles ne consultent pas un médecin quand elles le devraient. Soixante mille personnes !
Et voici une autre statistique que je vais lancer, dont on ne parle jamais : ce n'est pas seulement que notre espérance de vie est inférieure à celle de pratiquement tous les autres pays riches, c'est que si vous êtes de la classe ouvrière, vous allez vivre cinq à dix ans de moins que les gens riches. Donc, si vous êtes une personne de la classe ouvrière dans ce pays, le stress que vous vivez, la contrainte économique que vous vivez, le manque de soins de santé que vous recevez – cela fera que votre vie sera de cinq à dix ans plus courte que celles des gens riches. Tout cela est inacceptable. C'est un scandale, et le fait que nous ne parlions même pas de ce genre de choses est encore plus un scandale.
Vous avez donc un système qui est cassé. C'est cruel. Les gens le savent, et malheureusement, nous n'avons pas eu le leadership politique nécessaire pour affronter la cupidité des compagnies d'assurance et des sociétés pharmaceutiques et dire : « Vous savez quoi, nous devons nous joindre au reste du monde et aller dans une direction très différente. »
Le meurtre est absolument odieux. Nous n'allons pas réformer le système de santé en tuant des gens. La façon dont nous allons apporter le genre de changements fondamentaux dont nous avons besoin dans les soins de santé est, en fait, le fait d'un mouvement politique qui comprend que le gouvernement doit nous représenter tous, et pas seulement le 1 %. Et tout en haut de cette liste se trouve la compréhension que les soins de santé sont un droit humain. Ce qui est fou, c'est qu'il ne s'agit même pas de dépenser plus d'argent. À l'heure actuelle, ce que les études montrent clairement, c'est qu'il y a tellement de gaspillage, de coûts administratifs et de bureaucratie dans le système actuel qu'on pourrait, en fait, fournir des soins de qualité à chaque homme, femme et enfant de ce pays sans dépenser plus que les 4,4 billions de dollars que nous dépensons actuellement — une somme astronomique.
Nous devons investir cet argent dans la prévention des maladies, dans l'embauche de plus de médecins et d'infirmières, dans une plus grande attention aux soins primaires, dans une réduction radicale des coûts administratifs. Le coût d'administration de Medicare est d'environ 2 % et pour les compagnies d'assurance privées, de 12 à 14 %. Et nous dépensons des millions et des millions de dollars par an pour les salaires de ces PDG dans le secteur privé. Ce n'est pas ainsi que nous devrions dépenser l'argent consacré aux soins de santé. Pendant ce temps, nous n'avons pas assez de médecins, d'infirmières et de dentistes.
Tuer des gens n'est pas la façon dont nous allons réformer notre système de soins de santé. C'est odieux et immoral. La façon dont nous allons réformer notre système de soins de santé est de rassembler les gens et de comprendre que c'est le droit de chaque Américain de pouvoir entrer dans le cabinet d'un médecin quand il en a besoin et de ne pas avoir à sortir son portefeuille. Ce n'est pas une idée radicale ! Ce système existe à cinquante milles de chez moi, au Canada, et il existe sous une forme ou une autre partout dans le monde.
Je me souviens d'avoir parlé à des Européens : « Savez-vous ce qu'est une franchise ? » Ils ne savent même pas de quoi vous parlez. Le système est tellement compliqué et inhumain. Ma réponse à cette question est donc oui, nous avons besoin d'un mouvement politique. Les soins de santé font partie intégrante de tout mouvement politique progressiste.
Chandler Dandridge : Un refrain courant est : « L'idée de Bernie Sanders de Medicare for All est une une utopie. Bien sûr, ce serait charmant, mais c'est de la pure fantaisie », l'idée étant que c'est ambitieux mais structurellement irréalisable, politiquement irréalisable, et ainsi de suite. Que répondez-vous à de telles critiques ?
Bernie Sanders Si c'est une utopie, pourquoi existe-t-il à cinquante milles de chez moi ?Aujourd'hui, le système de santé canadien n'est pas parfait, c'est certain. Mais si vous vous retrouvez avec une transplantation cardiaque dans un hôpital de Toronto, qui offre des soins de santé de haute qualité, savez-vous combien vous payez lorsque vous quittez l'hôpital ? Sais-tu ? Zéro. Cela dépend si vous garez votre voiture sur le parking. Ils vous font payer pour cela. Mais c'est tout. Vous allez chez le médecin de votre choix et vous ne sortez pas votre portefeuille.
Maintenant, si c'est une utopie et une utopie, un rêve, pourquoi existe-t-il dans tous les autres pays foutus à part les États-Unis ? C'est le numéro un. Ce n'est donc pas une utopie, un rêve ?. Nous sommes l'exception à la règle.
Deuxièment : en termes de « Ça ne marche pas ! » Elon Musk vient de publier quelque chose l'autre jour dans lequel il souligne les coûts administratifs du système de santé américain par rapport à d'autres pays. Dans certains cas, c'est trois fois plus. Nous gaspillons des centaines et des centaines de milliards de dollars.
Allez à votre hôpital local, d'accord ? Et votre hôpital n'a probablement pas assez de médecins ou d'infirmières. Mais vous savez ce qu'ils ont obtenu ? Descendez au sous-sol au service de facturation, et vous verrez des dizaines et des dizaines de personnes au téléphone, disant aux gens qu'ils doivent 58 000 $ et qu'ils doivent payer la facture. C'est ce que le Canada a éliminé. C'est ce que le Royaume-Uni et d'autres pays ont éliminé.
Nous devons donc travailler sur un système de soins de santé à but non lucratif, universel, couvrant tout le monde, rentable, et non pas des bureaucrates de l'assurance qui prennent des décisions, mais des médecins qui prennent des décisions. Il existe partout dans le monde – ce n'est pas une idée radicale. De nombreuses études montrent que nous gaspillons d'énormes sommes d'argent en bureaucratie, en facturation et en coûts de rémunération pour les PDG plutôt que de fournir les soins de santé dont nous avons besoin.
Cela nous ramène à ce que j'ai dit il y a un instant : vous allumez la télévision, qui parle de Medicare for All ? Moi de temps en temps, quelques autres personnes. Pourtant, malgré cela, vous avez reçu beaucoup de soutien pour cela. Imaginez si vous aviez un parti politique qui disait cela.
Contributeurs : Bernie Sanders est un sénateur américain du Vermont.
Chandler Dandridge est un psychothérapeute et éducateur américain. Ses intérêts cliniques tournent autour de la toxicomanie, de l'anxiété et de l'exploration de moyens créatifs d'améliorer la santé mentale publique.
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