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Les hauts et les bas de la session parlementaire

17 décembre 2024, par Marie-Eve Imonti — , ,
Le rythme de la session parlementaire est passé de très actif au ralenti, avec des semaines de travaux intensifs qui ont été plutôt… inactives. Retour sur cet automne qui a (…)

Le rythme de la session parlementaire est passé de très actif au ralenti, avec des semaines de travaux intensifs qui ont été plutôt… inactives. Retour sur cet automne qui a connu ses hauts et ses bas.

Tiré de Ma CSQ.

Petit retour en arrière : rappelons-nous que la rentrée parlementaire de l'automne a d'abord été marquée par les départs du ministre de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie, Pierre Fitzgibbon, et du député de la Coalition Avenir Québec (CAQ), Youri Chassin, qui siège désormais comme indépendant.

Puis, le gouvernement a fait de l'énergie sa priorité, avec le projet de loi no 69 (PL69) et le projet Northvolt, en plus de mettre de l'avant le dossier de l'immigration, surtout en dénonçant publiquement ses divergences avec le gouvernement fédéral de Justin Trudeau. Le cas de l'école Bedford, où des enseignantes et enseignants ont fait régner un climat malsain, a aussi réanimé le dossier de la laïcité.

Des projets de loi surveillés de près

Au cours de l'automne, la CSQ a participé à plusieurs commissions parlementaires. Elle a notamment défendu son point de vue sur l'avenir énergétique en lien avec le PL69. Pour la Centrale, il était clair que ce projet de loi devait être retiré puisqu'il ouvrait la porte à la privatisation d'Hydro-Québec. Après avoir défendu bec et ongles son texte de loi, et à la suite de la victoire de Donald Trump lors des élections américaines, la nouvelle ministre de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie, Christine Fréchette, a mis le pied sur le frein et a suspendu, pour le moment, l'étude détaillée du PL69.

La Centrale s'est également prononcée au sujet du projet de loi no 74 (PL74) sur l'encadrement relatif aux étudiants étrangers. L'approche préconisée, qui confère d'importants pouvoirs à des ministres, risque d'ouvrir la voie à de l'arbitraire et à des dérives partisanes, craint la CSQ. Dans son mémoire, la Centrale rappelle à quel point la contribution des étudiants étrangers est essentielle à notre société et comment leur présence en région est un facteur d'enrichissement pour les milieux culturels et communautaires.

Par l'entremise du Collectif pour un Québec sans pauvreté, la CSQ a également réagi sur la réforme du régime d'assistance sociale. Elle a notamment dénoncé le fait que la réforme ne prévoit aucune augmentation des prestations et ne permet pas aux personnes qui en bénéficient de vivre dans la dignité.

D'un point de vue plus positif, la Centrale a salué le plan pour améliorer l'accès à l'avortement. Elle évalue présentement la possibilité de rendre les moyens de contraception gratuits au Québec. Alors que des discussions ont toujours lieu avec Ottawa à ce sujet, Québec solidaire a mobilisé des milliers de personnes derrière cet enjeu en déposant une pétition.

Parlant de pétition, ce moyen de pression a fait jaser les parlementaires cet automne. Comme le rapportait le journal Le Soleil, même s'il a la possibilité d'étudier certaines pétitions en commission parlementaire, le gouvernement de la CAQ a choisi de n'étudier aucune des 612 pétitions déposées à l'Assemblée nationale.

La CSQ a également vu d'un bon œil l'adoption de la Loi visant à contrer le partage sans consentement d'images intimes et à améliorer la protection et le soutien en matière civile des personnes victimes de violence, présentée par le ministre de la Justice.

Consultations : des enjeux importants abordés

En plus des projets de loi, plusieurs consultations ont eu lieu au cours des derniers mois. Mentionnons d'abord la consultation transpartisane sur l'utilisation des écrans. La CSQ a affirmé, dans son mémoire, qu'il fallait retrouver un cadre plus équilibré puisqu'il s'agit d'une responsabilité collective entre l'école, la maison et la société. De plus, la Centrale a rappelé qu'une grande réflexion en éducation est incontournable, et les écrans doivent en faire partie.

La ministre de la Famille et ministre responsable de la lutte contre l'intimidation et la cyberintimidation, Suzanne Roy, a également mené une consultation en vue du prochain Plan d'action concerté pour prévenir et contrer l'intimidation et la cyberintimidation. La Centrale en a appelé à un plan d'action inclusif et adapté pour les personnes vulnérables, en contexte scolaire, pour les élèves et étudiants en milieu autochtone et dans les milieux de travail. Celui-ci devra évidemment être accompagné de ressources en nombre suffisant pour donner des résultats probants.

Parallèlement, le ministre du Travail, Jean Boulet, a lancé une consultation sur la transformation des milieux de travail par le numérique à laquelle la CSQ participera.

Finalement, la semaine dernière, la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, a annoncé qu'il n'y aurait finalement pas de fusions d'accréditations syndicales dans le cadre des fusions d'établissements et de l'implantation de Santé Québec. Sonia LeBel a également annoncé l'intention du gouvernement de présenter, l'année prochaine, un projet de loi visant à « moderniser » le régime de négociation collective du secteur public, aussi connu sous l'appellation de « la Loi 37 ». Plusieurs questions demeurent sans réponse, mais la Centrale fera les représentations nécessaires pour faire connaître son avis sur cette réforme.

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L’intervention du gouvernement bafoue les droits des travailleuses et travailleurs

17 décembre 2024, par Syndicat des travailleurs et des travailleuses des postes (STTP) — , ,
Comme vous le savez peut-être déjà, le ministre du Travail, Steve MacKinnon, a décidé d'exercer les pouvoirs que lui confère l'article 107 du Code canadien du travail pour (…)

Comme vous le savez peut-être déjà, le ministre du Travail, Steve MacKinnon, a décidé d'exercer les pouvoirs que lui confère l'article 107 du Code canadien du travail pour demander au Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) d'établir si le STTP et Postes Canada sont en mesure de négocier un projet de convention collective dans un très proche avenir. Si le CCRI juge que les parties ne peuvent pas y parvenir, il ordonnera le retour au travail des travailleuses et travailleurs des postes. Nous dénonçons avec la plus grande fermeté cette attaque contre le droit de grève et le droit à la négociation collective libre et équitable, des droits pourtant garantis par la Constitution.

Cette ordonnance du ministre s'inscrit dans une tendance profondément troublante. En effet, des gouvernements fédéraux successifs ont adopté des lois de retour au travail ou, dans le cas présent, exercé leurs pouvoirs arbitraires pour permettre aux employeurs de ne pas avoir à négocier de bonne foi. Quel employeur accepterait de négocier quoi que ce soit s'il sait que le gouvernement interviendra en sa faveur ? Une fois de plus, le gouvernement a choisi le capital au détriment des travailleuses et travailleurs en nous privant de la possibilité de négocier une bonne convention collective.

Ce que nous savons

La situation évolue rapidement, et nous n'avons pas encore reçu l'ordonnance. Ce que nous savons, c'est que les travailleuses et travailleurs des postes pourraient être contraints de reprendre le travail sans nouvelles conventions collectives négociées.

Lorsque nous aurons reçu l'ordonnance, nous la passerons en revue et examinerons toutes les options possibles pour aller de l'avant.

Nous avons appris qu'une audience du Conseil canadien des relations industrielles se tiendra prochainement, possiblement dès la fin de semaine.

Notre position

Nous sommes dans la rue depuis près d'un mois. Postes Canada est demeurée muette pendant cinq jours après avoir reçu notre dernière offre. Pourquoi le gouvernement a-t-il décidé d'agir maintenant ?

Nous allons continuer de nous battre avec acharnement pour obtenir de bonnes conventions collectives négociées à l'intention de nos 55 000 membres. Nous allons continuer de nous battre pour obtenir des salaires équitables, des conditions de travail sûres et le droit de prendre notre retraite dans la dignité. Depuis des années, nous faisons pression sur Postes Canada pour qu'elle diversifie sa gamme de services afin de générer davantage de revenus.

Nous devons rester forts face à cet abus de pouvoir. Restez à l'affût des renseignements additionnels que nous communiquerons dans les prochains jours.

C'est loin d'être terminé.

Solidarité,

Jan Simpson
Présidente nationale

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Souvenirs du Chili mais d’une actualité brûlante

17 décembre 2024, par Ovide Bastien — ,
Un prêtre délateur me montre le message que les évêques chiliens font parvenir à Noël 1973 aux évêques du monde entier à la suite du coup d'état du 11 septembre L'image (…)

Un prêtre délateur me montre le message que les évêques chiliens font parvenir à Noël 1973 aux évêques du monde entier à la suite du coup d'état du 11 septembre

L'image qu'on se fait dans le monde de la junte militaire est faux... celle-ci n'est ni putschiste ni fasciste... elle est professionnelle et représente la réserve morale de l'âme chilienne... elle a libéré le Chili d'un gouvernement qui occasionnait appauvrissement brutal et permettait l'ingérence étrangère et surtout la marxisation du peuple... l'Église, comme le bon Samaritain, vient au secours des blessés (Note de l'auteur : torturés, familles de disparus, détenus en camps de concentration, etc.) sans partir à la recherche du responsable de leurs blessures...

Ovide Bastien, auteur de Chili : coup divin, Éditions du Jour 1974

Cyril William Smith, prêtre des Missions Scarboro, 24 novembre 1938 - 1 mai 1989
Le 10 décembre dernier je comparais la politique économique néolibérale promue par le président argentin Javier Milei lors du forum de l'extrême droite le 4 décembre à celle mise en pratique par le dictateur chilien Augusto Pinochet, grand pionnier du néolibéralisme. Je soulignais aussi le rôle clé joué par le délateur Bob Thompson à la suite du coup d'état chilien du 11 septembre 1973. Cet employé de l'Agence canadienne de développement international (ACDI, devenu depuis 2013 Affaires mondiales Canada) était tellement indigné de voir le caractère carrément fasciste des télégrammes confidentiels que faisait parvenir à Ottawa l'ambassadeur canadien au Chili Andrew Ross à la suite du coup d'état qui renversait Salvador Allende, qu'il les rendait publics.

Les délateurs Edward Snowden, Chelsea Manning et Julian Assange ont payé un immense prix personnel pour avoir agi selon leur conscience et dénoncé les écœuranteries perpétrées par les États les plus puissants. Thompson a également payé de sa peau pour avoir dénoncé Ross. Non seulement fut il congédié de l'ACDI mais on le barra aussi de tout futur emploi au sein du gouvernement fédéral.

Aujourd'hui, je rends hommage à un autre grand militant de la justice sociale et des droits humains qui, comme Thompson, a eu le courage de dénoncer des personnes complices du coup d'état chilien. Le document qu'il me remettait il y a 50 ans demeure encore fort pertinent aujourd'hui, surtout dans le contexte de la montée internationale de l'extrême droite, une montée qui est souvent, comme nous le savons, étroitement liée à la religion.
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Le prêtre Bill Smith me donne le message de Noël strictement confidentiel que les évêques chiliens envoient à tous les évêques du monde entier en décembre 1973

C'est mi-août 1974 et je suis sur le point de remettre à Éditions du Jour mon manuscrit Chili : le coup divin dénonçant la complicité de l'Église catholique dans le coup d'état chilien du 11 septembre 1973. Quelqu'un cogne à ma porte.

« J'ai appris que tu étais sur le point de publier, et j'ai pensé qu'il serait important que tu prennes conscience de ceci, » me dit Bill Smith en me remettant un document. « Svp ne dis à personne qui te l'a donné, car c'est une affaire qui est censée être strictement confidentielle. »

Le document que me remet ce prêtre, que je rencontrais pour la première fois quelques mois plus tôt à Santiago, est une longue analyse sur la situation au Chili qu'envoyait, à Noël 1973, la Conférence épiscopale chilienne à tous les évêques du monde entier.
Bill, comme tout le monde appelle ce curé, œuvre alors à l'Office des missions d'Amérique latine de la Conférence des évêques catholiques du Canada. Il est responsable de tous leurs projets dans les Caraïbes et en Amérique latine.

Au début de 1989, Bill accepte une nouvelle responsabilité, celle d'agent de liaison entre la CSN et le mouvement syndical au Brésil et au Chili. Le jour avant le départ de Bill, Yves Laneville, ex-oblat qui fut prêtre ouvrier au Chili durant le gouvernement Allende et grand ami de Michel Chartrand, m'invite à partager un repas avec Bill dans un restaurant montréalais afin de lui dire au revoir.

Je n'oublierai jamais avec quelle passion mordante Bill, durant notre conversation, dénonce l'inégalité scandaleuse de revenus et de richesse dans le monde, comment on traite les immigrants, et l'indifférence générale qui existe face aux masses de marginalisés qu'on exploite comme main d'œuvre bon marché.

« J'espère qu'en vieillissant, je ne deviendrai jamais indifférent et passif devant tout cela. J'espère mourir une personne révoltée, » nous dit-il, avec grande émotion, durant notre souper.

Le vœu de Bill fut exaucé.

Le lendemain, à peine quelques heures après son arrivée à son nouveau poste à Sao Paulo, Brésil, il décède subitement d'une crise cardiaque.

Extraits du message de Noël 1973 des évêques chiliens à tous les autres évêques du monde
Le Comité permanent de l'Épiscopat a jugé qu'il était nécessaire de poser ce geste, étant donné que la presse internationale — y compris un très grand nombre d'organes catholiques — a tellement déformé les évènements du Chili, menant ainsi le public lecteur à une interprétation des évènements absolument fausse, qu'il fallait en quelque sorte offrir des éléments de jugement pondérés.
Tel est l'objectif de ces pages, affirme dans sa présentation le Secrétaire général de la Conférence épiscopale du Chili, l'évêque Carlos Oviedo Cavada.

Cardinal Raúl Silva Henriquez sort de l'église avec Augusto Pinochet, le 18 septembre 1973, après avoir offert à la junte militaire, lors d'une cérémonie télédiffusée, toute la « désintéressée collaboration de l'Église catholique »
Les Forces armées et les Carabiniers du Chili ne sont en aucune façon ni « putschistes », ni « fascistes », (...) leur constante tradition en est une de professionnalisme (...) ils sont au-delà des contingences politiques du pays. Le geste qu'ils ont posé le 11 septembre fut comme la réponse à une exigence nationale et, en tant qu'institutions armées, une conséquence de l'obligation qu'ils ont de garantir l'ordre au Chili.
Qu'est-ce qui prit fin au Chili le 11 septembre 1973 ? Pour plusieurs, pour les adhérents anonymes de l'Unité populaire, ce fut la fin de grands espoirs fondés sur un lien affectif avec les forces de la gauche, forces dans lesquelles, historiquement, de vastes secteurs du peuple placèrent leurs aspirations. Nous disons un lien affectif, car les réformes, les conquêtes en faveur du peuple ne s'étaient certainement pas réalisées. Les « 40 mesures » du programme électoral de l'Unité populaire, dans lesquelles étaient exprimés ces objectifs les plus immédiats en faveur des classes populaires, n'ont pas dépassé le stade de simple programme. Il n'y en a sûrement pas cinq qui sont devenues des réalisations concrètes. Plus tard, l'opposition rappelait régulièrement ces mesures pour ridiculiser le gouvernement de l'Unité populaire.
Pour la grande majorité des Chiliens, le 11 septembre 1973 représenta la fin d'un cauchemar, d'un état de décomposition du pays, de l'installation de la démagogie, de l'ingérence de politiciens étrangers (qu'on se rappelle la lettre de Fidel Castro, au président Allende, le 22 juillet 1973), de la violence sous toutes ses formes, de l'appauvrissement brutal de la nation et par-dessus tout, de la marxisation dans laquelle le Chili se trouvait entraîné. Tout cela se terminait par un acte des Forces armées et des Carabiniers du Chili lesquels représentent une véritable réserve morale de l'âme nationale. Pour cette majorité, le 11 septembre fut une véritable libération.
La connaissance du « Plan Z » a été le premier facteur de la prolongation de l'état de guerre interne dans le pays. Des secteurs de la gauche et de la presse internationale, adeptes du marxisme, ont tenté de nier l'existence de ce plan, qui était un auto-coup d'État de l'Unité populaire. Mais une documentation abondante a été trouvée et publiée. (…)
Certes, l'Église aimerait faire beaucoup plus en faveur de tous ceux qui souffrent, en imitant le bon samaritain qui s'occupa uniquement d'aimer le blessé sur la route et qui ne partit pas à la recherche de ceux qui l'avaient maltraité. Mais ces actions de l'Église en faveur des anciens militants de l'Unité populaire se sont méritées des critiques et des réserves dans la communauté catholique elle-même. La haine, la violence, le sectarisme qui s'étaient déclenchés durant l'Unité populaire furent si profonds – ‘l'âme du Chili est blessée', affirma un jour le cardinal — que ceux qui sous l'Unité populaire furent renvoyés de leurs emplois ou persécutés, ou qui eurent à souffrir sous ce régime, n'arrivent pas à comprendre que l'Église s'engage dans ces œuvres de miséricorde envers les anciens militants de l'Unité populaire. Cela a occasionné beaucoup d'incompréhensions parmi les catholiques eux-mêmes.
Dans le cas des Universités catholiques, le gouvernement a adopté une attitude distincte, en respectant leur dépendance du Saint Siège et de la Conférence épiscopale du Chili. Pour illustrer la compréhension à laquelle il est possible d'arriver, le cardinal nomma comme recteur de l'Université catholique du Chili, le recteur délégué par le gouvernement. (...)
Au cours des années précédentes, surtout pendant l'Unité Populaire, les jeunes ont joué un rôle de premier plan dans un contexte fondamentalement politique. Aujourd'hui, alors que les activités politiques sont en pause, ces jeunes sont confrontés à un vide d'action et de motivation. C'est une grande opportunité pour l'Église de former les jeunes, de les préparer pour l'avenir. Cette urgence est un défi pressant pour l'Église, c'est comme l'heure de Dieu pour ces jeunes.

Commentaires au sujet de l'analyse des évêques chiliens

Il est frappant de noter que les évêques chiliens non seulement ne qualifient pas de putschistes et fascistes les militaires et policiers chiliens qui ont brutalement renversé le gouvernement de Salvador Allende, mais qu'ils vont même jusqu'à affirmer qu'ils ne représentent rien de moins que « la réserve morale de l'âme chilienne ».

Des militaires qui, comme on le sait, finiront par torturer au moins 27 000 individus et en tuer au moins 3 000, et qui avaient déjà pratiqué beaucoup de torture, exécuté sommairement, mis sur pied des camps de concentration, fait disparaître toute presse libre, et exercé une répression tellement impitoyable que de de milliers de Chiliens et Chiliennes cherchaient par tous les moyens possibles de fuir à l'étranger...
Les évêques estiment que le bilan positif du gouvernement de l'Unité populaire est fort mince, qu'il se résume au lien affectif profond que de vastes secteurs de la population ont avec lui. « Les réformes et les conquêtes en faveur du peuple », disent-ils, « ne se sont pas réalisés ».

Quant au bilan négatif de l'Unité populaire, il est énorme, et se résume en un mot « cauchemar », poursuivent les évêques : « état de décomposition du pays, installation de la démagogie, ingérence de politiciens étrangers (qu'on se rappelle la lettre de Fidel Castro, au président Allende, le 22 juillet 1973), violence sous toutes ses formes, appauvrissement brutal de la nation, et, par-dessus tout, marxisation du pays ».
Il est intéressant de noter que les évêques, tout en soulignant avec justesse l'intervention politique étrangère du dirigeant d'un petit pays - celui de Fidel Castro - ne mentionnent pas une seule fois dans leur document de 59 pages l'intervention politique étrangère pourtant la plus spectaculaire - celle des États-Unis. Une telle omission est d'autant plus étonnante que, grâce à la fuite en 1972 des documents secrets de l'International Telephone and Telegraph (ITT) par le journaliste d'enquête Jack Anderson, cette intervention américaine était connue à travers le monde entier.

Ces documents, qui ont longtemps circulé au Chili, montrent que la CIA collaborait avec l'ITT et certains militaires chiliens pour renverser Salvador Allende, et cela aussi tôt qu'au moment de sa victoire électorale en 1970. Cependant, ils montrent aussi que la CIA, consciente que la grande popularité post-électorale de l'Unité populaire pourrait empêcher la réussite du coup d'État, avait suggéré aux militaires chiliens de reporter ce coup. Mieux vaut, soulignait la CIA, bien préparer le terrain afin de garantir la réussite du coup.

Tout d'abord, suggérait la CIA, il faut s'acharner à dénigrer le plus possible l'image d'Allende, tant au Chili qu'à l'étranger. Comment ? En produisant des reportages le noircissant, d'une part dans les médias chiliens, et, d'autre part, dans les médias à l'étranger. Nous allons vous aider dans cette campagne médiatique, dit la CIA, à travers nos contacts dans les médias internationaux, et de plus, nous allons verser de l'argent au grand journal conservateur du Chili, El Mercurio, ainsi qu'à d'autres médias d'opposition, pour les aider à dénigrer Allende.

Ensuite, poursuit la CIA, nous devons mettre le plus de bâtons possibles dans les roues de l'économie chilienne. La déstabiliser carrément. Comment ? Nous, Etats-Unis, avons beaucoup de pouvoir auprès des institutions financières internationales. Nous allons utiliser ce pouvoir pour imposer un blocus financier du Chili dans toutes ces institutions.
Enfin, conclut la CIA selon ce que révèlent les documents secrets de l'ITT, il faut faire un dernier pas pour assurer le succès d'un coup d'état. L'image d'Allende étant fortement noirci, et l'économie étant déstabilisée par le blocus financier, il faut maintenant s'acharner à créer un climat de chaos, de désordre et d'insécurité. Comment ? Par des actions de sabotage, telles que le dynamitage de ponts, de pylônes électriques. Ou encore, mettre le feu à des stations d'essence, etc.

Une fois le terrain bien préparé, une fois que le peuple aura gouté assez longtemps à dégradation économique, pénurie, appauvrissement, violences et insécurités de toutes sortes, les militaires chiliens pourront intervenir pour renverser l'Unité populaire. Et ils seront alors accueillis comme des sauveurs et des héros libérateurs par de vastes secteurs de la population. Ils seront perçus comme ceux qui rétablissent ordre et sécurité, ceux qui mettent fin au cauchemar !

Pour comprendre la méticulosité scientifique et à long terme de la planification américaine contre l'Unité Populaire sous Salvador Allende, rien de mieux que de visionner l'impressionnant documentaire de 139 minutes,La Spírale, produit par Armand Mattelart en 1976.

La stratégie préconisée par la CIA dans les documents secrets de l'ITT, notamment accorder de l'aide financière américaine aux médias chiliens afin de noircir Allende et l'Unité populaire, n'est pas restée lettre morte. Pour s'en convaincre, il suffit de lire le rapport COVERT ACTION IN CHILE 1963-1973 produit par la Commission sénatoriale américaine. Ce rapport affirme que le « Groupe des 40 » a donné 700 000 dollars américains au journal El Mercurio le 9 septembre 1971 et 965 000 dollars le 11 avril 1972. De plus, explique ce rapport, le Groupe des 40, qui travaillait sous l'autorité de Henry Kissinger, ne se limitait pas à accorder des sous aux médias chiliens. Il produisait parfois lui-même du contenu dans ceux-ci. Il exerçait, affirme le rapport, une influence substantielle sur le contenu même du Mercurio, « allant jusqu'à y placer des éditoriaux inspirés par la CIA, et ceci, à certains moments, presque quotidiennement ».

Ce que les évêques chiliens semblent ignorer encore trois mois après le coup d'état, Salvador Allende en était parfaitement conscient, et ce, depuis fort longtemps. Lors du discours historique qu'il prononçait une fois déclenchée l'intervention militaire le 11 septembre, un discours que j'écoutais en direct à la radio depuis mon appartement à Santiago et qui serait son dernier discours avant de trouver la mort, Allende affirmait :
« Le capital étranger, l'impérialisme, unis à la droite, ont créé le climat nécessaire pour que les forces armées rompent avec leur tradition ».

Dans leur document, les évêques chiliens, pour aider leurs confrères évêques à travers le monde à comprendre que la junte militaire chilienne n'a rien à voir avec le putschisme et le fascisme, se réfèrent à ce qu'ils appellent le « Plan Z ». Selon ce plan, que le journaliste Julio Arroyo Kuhn rendait public le 18 septembre 1973 dans le quotidien El Mercurio, le gouvernement Allende aurait planifié l'assassinat, le 19 septembre 1973 et jour de fête nationale des forces armées, de différents chefs des forces armées qui s'opposaient à l'Unité populaire. Allende, selon le plan Z, aurait invités des chefs militaires à déjeuner avec lui au Palais présidentiel La Moneda, où ils seraient abattus par des serveurs. Vingt-quatre heures seulement après l'assassinat, Allende annoncerait la création de la « République démocratique populaire du Chili ».

Ce fameux « Plan Z » était, de toute évidence, une création, avec l'aide de la CIA, de la junte militaire en vue de justifier auprès de la population le coup d'état qu'elle venait de faire une semaine plus tôt, et toute la répression barbare qui l'accompagnait. Une création qui ressemble, comme deux gouttes d'eau, à cette autre invention de l'administration Bush en 2003 - Saddam Hussein possède une immense quantité d'armes de destruction massive et représente une grande menace pour le monde entier – qui servait de prétexte pour justifier l'invasion de l'Iraq.

D'une part, la Commission sénatoriale américaine, à laquelle nous venons de référer plus haut, affirme que les Etats-Unis non seulement accordaient des sous au quotidien El Mercurio, mais influençaient souvent, ou produisaient directement, le contenu de certains de ses articles. D'autre part, grâce à la déclassification des dossiers de la CIA, on sait, parce que cette dernière le reconnaît tel quel, que le Plan Z n'était rien d'autre qu'une guerre psychologique menée par les forces armées chiliennes pour justifier le coup et la persécution de l'Unité populaire.

Le Plan Z n'a pas seulement servi de prétexte pour justifier le coup d'état. Comme de nombreux militaires et policiers chiliens ont cru cette invention, des prisonniers ont été battus et torturés dans des centaines de casernes et de postes de police, dans le but de leur arracher des aveux au sujet du plan diabolique Z.

L'hypocrisie, ou plutôt la complicité profonde de l'Église catholique chilienne dans le coup d'état est criante. L'Église, affirment les évêques chiliens dans leur document de Noël 1973, imite le bon samaritain qui aime les gens qui souffrent et vient à leur aide, sans cependant « partir à la recherche » de ceux qui occasionnent leurs souffrances. Comment, et pourquoi, partir à la recherche de ceux qui, selon l'Église, représentent la réserve morale du peuple, ceux qui le libère du chaos socialiste ? Contentons-nous d'aider, en bon samaritain, les gens que les libérateurs torturent, les familles des papas assassines ou portés disparus, les gens qu'on enferme comme du bétail dans des camps de concentration !

Pour éliminer tout ce qui est progressiste, la junte brûlait dans la rue des tonnes de livre à tendance socialiste. Elle prenait aussi le contrôle de ce qui s'enseigne, notamment en nommant un militaire à la direction de toutes les universités. Dans le cas des universités catholiques, affirment les évêques dans leur document, la junte est cependant gracieuse et respecte l'autorité et l'indépendance de l'Église. Pour la remercier, et « illustrer la compréhension à laquelle il est possible d'arriver », poursuivent les évêques, le cardinal Henriquez décide de nommer à la direction de l'Université catholique du Chili, pourtant une institution pontificale, le militaire « délégué » par la junte. Autre hypocrisie consommée : l'Église nomme à la direction de l'université le militaire qu'a choisi la junte pour ce poste !
Un dernier point on ne peut plus troublant. Les militaires ont banni tous les partis progressistes, fermé le parlement, mis en pause l'activité des partis politiques de droite, écrasé toute pensée progressiste, voire même toute possibilité de penser. Or les évêques chiliens, au lieu de dénoncer une telle situation, perçoivent cela comme une bonne affaire pour les jeunes. Cela représente ce qu'ils appellent « une grande opportunité pour l'Église », ou « l'heure de Dieu pour les jeunes » ! Comme « les activités politiques sont en pause » et que les jeunes, qui représentaient sous l'Unité populaire le fer de lance de l'action politique, « sont confrontés à un vide d'action et de motivation », profitons-en pour « former les jeunes, les préparer pour l'avenir », affirment les évêques ! Leurs cerveaux étant, grâce à une répression barbare et massive, vides de pensées socialistes nocives, à nous de les remplir du bien, à restaurer chez eux l'identité judéo-chrétienne, cette « âme du Chili ». C'est cette dernière, que les militaires, qui se disent de bons catholiques et représentent « la réserve morale du peuple », ont restauré par leur intervention du 11septembre !

*************
Lettre à ma famille le 15 décembre 1973

Je vivais à Santiago, dans un pays où de vastes secteurs de la population étaient soumis à répression brutale, peur, angoisse, et méfiance, alors que d'autres secteurs, provenant d'une partie de la classe moyenne mais surtout de l'élite économique, célébraient leur victoire.

Comme tant d'autres personnes, ma conjointe Wynanne et moi avions déchiqueté en mille morceaux nos livres et revues progressistes, plaçant tout cela dans des sacs de poubelles, et transportant avec grande discrétion ces sacs dans la rue, de peur que des voisins pro-junte comprennent ce que nous faisions et nous dénoncent.

Certaines des lettres que nous recevions étaient déjà ouvertes, donc nous nous sentions espionnés.

Le gros de notre énergie était consacré à deux choses : faire connaître au monde extérieur les atrocités que nous témoignions dans ce Chili de censure totale ; et aider le plus possible Chiliens et Chiliennes traqués par les militaires à se réfugier dans une ambassade afin d'échapper à emprisonnement, torture, et, possiblement, assassinat.
La lettre que, rempli d'émotion, de révolte et d'ironie, j'écrivais à ma famille le 15 décembre 1973 était donc codée. Il fallait dire des choses, mais le faire en sachant que celles-ci seraient peut-être lues par des militaires.

Les « fraises » représentent les personnes traquées que nous aidions à se réfugier dans une ambassade.

Le « Père Noël qui se promène en traineau » représente la junte militaire, qui est consciente que plusieurs personnes sur leurs listes noires arrivent à échapper à la répression en entrant dans une ambassade et qui prennent des mesures pour mettre fin à cela.

La « pétition contre la pollution » représente une pétition, initiée par nos contacts au Québec, demandant au gouvernement canadien d'ouvrir ses portes aux réfugiés chiliens et de dénoncer le caractère brutal et répressif de la dictature chilienne. En affirmant que la pollution est si grave ici qu'elle cause des décès, je me réfère, bien sûr, aux tueries perpétrées par la junte. En affirmant que « la pollution affecte de plus en plus de pays en Amérique latine ces dernières années », je laisse entendre que les dictatures se multiplient en Amérique latine.

Lorsque je me réfère aux mensonges que répand la presse internationale, je reprends le discours de la droite, un discours qu'on entend dans les secteurs nantis de Santiago, et qu'on voit régulièrement dans la presse censurée du Chili. Selon ce discours, le sang, la torture, les exécutions sommaires, les camps de concentration, etc. ne seraient que de la propagande répandue par les communistes à travers le monde afin de noircir l'image de la junte militaire.

Comme ma famille me connaît, elle sait fort bien que j'ironise, et que je pense exactement le contraire.

Je doute que les évêques chiliens, s'ils avaient pu lire ma lettre, penseraient que j'ironisais. Car l'objectif du document qu'ils faisaient parvenir à leurs confrères évêques dans le monde était précisément de corriger la fausse image négative qu'on se fait de la junte à l'étranger, parfois même dans des milieux catholiques.

« Des milliers de travailleurs font librement don d'une partie de leur salaire, » j'écris dans ma lettre à ma famille. Ici encore une fois, je prends une position fort différente de celle des évêques. Dans leur document, il y a une partie, que je n'ai pas reproduite ci-haut, où les évêques, pour illustrer l'enthousiasme de la population par rapport au coup d'état, affirme que de nombreuses personnes accourent pour donner argent, bagues d'or, etc. à la junte militaire afin de l'aider à rebâtir le pays. En précisément dans ma lettre que le don « que font librement » les travailleurs « est simplement déduit de leur chèque », je souligne l'aspect obligatoire et non libre de ce don supposément libre ! Ce qu'affirment les évêques est vrai, mais ce qu'ils omettent de dire est également vrai. Cette dernière omission, comme le fait de ne pas mentionner dans leur document le bannissement de la plus grosse centrale syndicale du Chili, la CUT, illustrent le parti pris de l'Église pour la junte militaire.

Lorsque j'affirme que « plusieurs milliers de familles sont sans emploi à Santiago », je n'utilise aucun code. C'est exactement la situation qui se vit, et celle-ci est dramatique. En ajoutant que ce problème va bientôt disparaître, car « elles ne perçoivent plus aucun revenu », j'ironise de façon on ne peut plus mordante, en laissant entendre que les familles vont tout simplement mourir de faim.

Tous ces codes étant expliqués, voici ce que j'écrivais à ma famille de Windsor, Ontario le 15 décembre 1973. Le moins qu'on puisse dire, ma lettre présente une image fort différente du Chili que celle peinte par le document que les évêques chiliens, exactement au même moment, faisaient parvenir à leurs confrères évêques du monde entier.
Chère maman, cher papa et chère famille,

Wynanne et moi sommes tous les deux un peu épuisés par notre constante cueillette de fraises. Même s'il fait très froid au Canada, il fait très chaud ici. Croyez-le ou non, le Père Noël est habillé pour l'hiver et se promène sur un traîneau par une température d'environ 90 degrés Fahrenheit ! Et il aime aussi les fraises, alors il n'aime pas l'idée qu'on les lui enlève.

La mère de Wynanne nous envoie des nouvelles au moins deux fois par semaine. Merci beaucoup d'avoir signé la pétition contre la pollution de l'air. C'est certainement un des pires maux dans le monde présentement, et il semble que cette pollution affecte de plus en plus de pays en Amérique latine ces dernières années. Hier encore, quelqu'un m'a dit que la pollution de l'air était si grave ici qu'elle causait des décès.

Si vous avez suivi la presse internationale ces dernières semaines, vous avez pu constater que les journalistes continuent de répandre toutes sortes de mensonges sur le Chili. Ils affirment que plus de 15 000 personnes ont été exécutées au Chili depuis le 11 septembre. Ils affirment que les tueries se poursuivent. Un article a même affirmé qu'il y avait et qu'il y a encore des cas quotidiens de torture.

Quand on voit à quel point les gens semblent prendre plaisir à publier toutes ces rumeurs sensationnelles, on se demande où va ce monde... Ici, tout est calme. Bien sûr, nous sommes toujours en situation de guerre, - une situation qui devrait durer plusieurs mois - et nous avons un couvre-feu toutes les nuits de 23h à 5h30. Un coup de feu occasionnel ici et là, mais c'est tout. Les gens travaillent. Beaucoup font don de leurs bagues en or à la junte militaire en signe de reconnaissance. Les rues sont très propres. Il n'y a plus de grèves folles. Des milliers de travailleurs font librement don d'une partie de leur salaire... ce dernier don est simplement déduit de leur chèque ! La grande majorité de ces travailleurs gagnent aujourd'hui en un mois ce qu'un travailleur moyen au Canada gagne en une demi-journée environ - mais c'est normal ici : le Chili est un pays sous-développé.
Les journaux, les stations de radio et de télévision ne tarissent pas d'éloges sur la junte militaire. Avant le coup d'État, il était incroyable de voir les ordures que l'on pouvait trouver dans les médias ! Aujourd'hui, les nouvelles sont courtes, joyeuses et objectives. On a envie de revivre ! Les médias nous informent que la Russie persécute toujours ses intellectuels. Quand on pense que sans l'armée chilienne et les Etats-Unis, le Chili serait peut-être encore en train de se diriger vers le socialisme !

Il y a encore plusieurs milliers de familles sans emploi à Santiago. Mais ce problème devrait être réglé sous peu : elles ne perçoivent plus aucun revenu...

Demain, Wynanne et moi allons escalader une belle montagne, située en plein cœur de Santiago. Cela devrait nous faire oublier les fraises ! Alors que vous célébrez Noël le 25...
Try to remember.... (Ma lettre fut rédigée en anglais, car les conjoints et conjointes de mes frères et sœurs sont anglophones, et ne me comprendraient pas si j'écrivais en français)

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Mandela, « le Rouge » effacé ?

17 décembre 2024, par Basile Giraud — , ,
La mémoire collective a ses ciseaux affûtés, et dans le cas de Nelson Mandela, le marxisme a été discrètement jeté dans la corbeille. La figure reconnue du « père » de la (…)

La mémoire collective a ses ciseaux affûtés, et dans le cas de Nelson Mandela, le marxisme a été discrètement jeté dans la corbeille. La figure reconnue du « père » de la nation arc-en-ciel, chuchotant la réconciliation et prônant la paix, cache une histoire plus radicale, profondément ancrée dans les luttes anticolonialistes et la pensée révolutionnaire.

7 décembre 2024 | Billet de blog | Photo : Le président sud-africain Nelson Mandela danse lors du congrès annuel du Parti communiste sud-africain, le 7 avril 1995. © Juda Ngwenya
https://blogs.mediapart.fr/basilegiraud/blog/071224/mandela-le-rouge-efface

L'ANC : La lutte oubliée

Le Congrès national africain (ANC), auquel Mandela adhère en 1943, n'a pas toujours été ce temple de la démocratie libérale qu'on imagine aujourd'hui. Dans les années 1950 et 1960, il s'agit d'un mouvement influencé par des idéologies marxistes et des alliances stratégiques avec des partis communistes.

La Charte de la liberté (1955), document fondateur du mouvement, prône une redistribution des terres et la nationalisation des mines, un discours ouvertement socialiste.

Mandela lui-même reconnaît avoir été séduit par les idées marxistes. Dans son autobiographie, Un long chemin vers la liberté, il confesse : "Le communisme promettait un paradis terrestre pour les pauvres et les opprimés." À ses débuts dans l'ANC, Mandela fréquentait les cercles communistes sud-africains, où Blancs et Noirs débattaient d'égal à égal.

Une révolution en soi dans un pays ravagé par l'apartheid.

C'est avec la création de l'aile militaire de l'ANC, Umkhonto we Sizwe (La Lance de la Nation), en 1961, que Mandela passe de la théorie à l'action, inspirée par les tactiques révolutionnaires communistes.

Mais une telle guerre exigeait des alliés puissants. C'est dans le bloc communiste que Mandela trouva un soutien crucial. L'Union soviétique joue alors un rôle clé en fournissant une aide militaire et logistique à l'ANC. Dès 1962, les premiers combattants de MK sont envoyés à Moscou pour suivre une formation militaire et idéologique.

Joe Modise, futur commandant de MK, a décrit ces entraînements comme une initiation à la tactique militaire et à la guerre révolutionnaire, mais aussi à une vision marxiste de la société. Selon des archives soviétiques, le Kremlin a consacré près de 100 millions de dollars entre 1963 et 1988 à soutenir l'ANC et son allié idéologique, le Parti communiste sud-africain (SACP).

La Chine, de son côté, offre également une assistance militaire dès les années 1960. Bien que les tensions sino-soviétiques aient limité une coopération tripartite, Pékin forma des cadres de l'ANC et fournit des armes légères aux premiers combattants de Mandela. Cuba, en revanche, incarne l'engagement le plus visible du bloc communiste en Afrique. Sous Fidel Castro, La Havane devient un point d'appui stratégique pour les mouvements anti-impérialistes africains, y compris l'ANC.

Lors de la célèbre bataille de Cuito Cuanavale en Angola (1987-1988), des troupes cubaines affrontent directement l'armée sud-africaine, affaiblissant ainsi la domination régionale de Pretoria. Mandela, libéré deux ans plus tard, qualifiera cette bataille de "tournant décisif dans la lutte contre l'apartheid".

Nelson Mandela rend visite à Fidel Castro. La Havane, 1991

Mandela et le Parti communiste sud-africain

Pendant des années, Mandela a nié son appartenance officielle au Parti communiste sud-africain (SACP). Pourtant, en 2012, des documents historiques révélèrent que Mandela siégeait bel et bien au comité central du SACP dans les années 1960.

Ces révélations sont venues contredire la version officielle soigneusement polie : Mandela, le libéral dévoué à la démocratie, était également un révolutionnaire qui voyait dans le communisme un outil pour l'émancipation des opprimés.

Mais il n'y avait pas de contradiction dans cette appartenance, explique Ronnie Kasrils, ancien ministre et membre du SACP : "Mandela voyait dans le marxisme une méthode pour analyser les structures d'oppression économique et sociale."

Le discours de Mandela lors de son procès de Rivonia en 1964 témoigne d'ailleurs d'une analyse marxiste de la société sud-africaine : "L'apartheid et le capitalisme sont les deux faces d'une même pièce.". Un constat qui, dans une autre vie, aurait pu lui valoir une statue à Moscou plutôt qu'à Washington.

Une mémoire aseptisée

Pourquoi, alors, cette facette de Mandela a-t-elle été effacée de l'hagiographie du "nouvel ordre mondiale" ? La réponse réside dans les besoins narratifs des puissances occidentales.

À sa libération en 1990, Nelson Mandela devient une icône mondiale, une figure consensuelle nécessaire pour incarner la transition pacifique. Les États-Unis et le Royaume-Uni, qui l'avaient classé comme terroriste jusque dans les années 1980, participent à la réhabilitation d'un Mandela "acceptable".

Dans ce cadre, ses liens avec le communisme deviennent gênants. Le "Mandela rouge" disparaît sous une avalanche de photos où il serre les mains des présidents américains et britanniques.

La réconciliation, mantra de la Rainbow Nation, était un récit plus commercialisable qu'une révolution prolétarienne.

Aujourd'hui, les discussions sur Mandela omettent souvent ses critiques du capitalisme. La Commission Vérité et Réconciliation, certes essentielle, a échoué à redistribuer les richesses économiques aux Noirs sud-africains, laissant un pays où les inégalités restent criantes. Mandela lui-même le regrettait : "Nous avons vaincu l'apartheid politique, mais pas l'apartheid économique."

Si Mandela est désormais une icône mondiale, c'est au prix d'une simplification de son message.

L'Humanité, 1987. © L'Humanité

Loin de la figure lisse qui orne les manuels scolaires, il était un stratège pragmatique, capable de s'allier aux communistes tout en tendant la main à ses ennemis.

Alors que des statues, avenues, places se dressent en son hommage dans les villes du “monde libre”, il reste à savoir si l'histoire rendra justice à l'homme complexe et révolutionnaire qu'il fut.

Car, pour citer Mandela lui-même : "Être libre, ce n'est pas seulement briser ses chaînes, mais vivre d'une manière qui respecte et renforce la liberté des autres." Une maxime qui, sans le marxisme, perd peut-être de sa profondeur.

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« Guérilla des Farc » de Pierre Carles : l’avenir a une histoire

17 décembre 2024, par Michaël Mélinard — , ,
Dix ans durant, le cinéaste s'est rendu régulièrement en Colombie. Il offre un contre-récit de l'histoire de la rébellion et interroge l'avenir du mouvement qui a abandonné la (…)

Dix ans durant, le cinéaste s'est rendu régulièrement en Colombie. Il offre un contre-récit de l'histoire de la rébellion et interroge l'avenir du mouvement qui a abandonné la lutte armée.

Tiré de l'Humanité
https://www.humanite.fr/culture-et-savoir/cinema/guerilla-des-farc-de-pierre-carles-lavenir-a-une-histoire
Publié le 11 décembre 2024
Michaël Mélinard

On a connu Pierre Carles pourfendeur des médias dominants, poil à gratter d'un système, aux méthodes parfois contestées. Avec « Guérilla des Farc, l'avenir a une histoire », il s'essaie à un journal documentaire, intime et engagé. Intime d'abord, car il s'adresse en voix off à son beau-père, Duni Kuzmanich, un cinéaste colombien disparu en 2008. Ce dernier a été le premier à réaliser un film sur la guérilla sans la dénigrer. Engagé aussi, car il recueille la parole de membres de Farc entre 2012 et 2022 tout en rendant hommage à deux cinéastes militants français, Bruno Muel et Jean-Pierre Sergent, venus tourner dans les années 1960 un documentaire surces guérilleros et guérilleras communistes.

Envisager une poursuite pacifique de la lutte

Sa forme hybride alterne des entretiens avec les Farc, dont celui avec la Française Natalie Mistral, et des extraits de « Canaguaro », l'œuvre de Kuzmanich relatant l'assassinat en 1948 de Jorge Eliecer Gaitan, un homme politique de gauche favori à l'élection présidentielle de l'année suivante, ainsi que la rébellion qui a suivi. S'y ajoutent également des images des négociations pour un processus de paix. Car en 2015 et 2016 se profile un accord avec le gouvernement colombien, entérinant le désarmement et le retour à la vie civile des rebelles.

C'est à la fois la possibilité de regarder vers l'avenir et d'envisager une poursuite pacifique de la lutte pour davantage de justice sociale. C'est aussi l'occasion de dresser un bilan sur leur combat. Là, le cinéaste redevient le critique des médias dominants en transposant sa grille d'analyse à la Colombie. La question de la représentation des Farc et de l'accusation de narcoterrorisme reprise en boucle pendant des décennies par les médias a en partie noyé leur message et terni la légitimité de leur lutte. Pierre Carles tente de remettre les pendules à l'heure. À la sienne en tout cas. En proposant un contre-discours qui fait des Farc des combattants contre l'oligarchie et la prédation des richesses.

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« Vingt Dieux » de Louise Courvoisier

17 décembre 2024, par Samra Bonvoisin — , ,
Divine surprise du dernier Festival de Cannes, « Vingt Dieux », au titre malicieux, suscite d'entrée de jeu l'étonnement et l'admiration. Pour son premier long métrage, (…)

Divine surprise du dernier Festival de Cannes, « Vingt Dieux », au titre malicieux, suscite d'entrée de jeu l'étonnement et l'admiration. Pour son premier long métrage, Sélection ‘Une Certain Regard' et Prix de la Jeunesse, Cannes 2024 entre autres récompenses, Louise Courvoisier nous offre un épatant ‘western agricole', tourné en Scope et aux couleurs, lumineuses et estivales, du Jura, sa terre natale.

Par Samra Bonvoisin, Le Café pédagogique, Paris, 11 décembre 2024

Pour visionner la bande-annonce.

Avec son coscénariste Théo Abadie ( et camarade de promotion de la Cinéfabrique de Lyon comme d'autres collaborateurs du film ) la jeune femme, déjà lauréate de la Cinéfondation cannoise en 2018 après son court-métrage, imagine le roman d'apprentissage, à la fois rugueux, fougueux et burlesque, de Totone, 18 ans, glandeur et fanfaron, vivant à la ferme paternelle avec sa petite sœur.

Un drôle de zigue, partageant son temps, avec deux potes branquignoles, entre bals alcoolisés, nuits d'ivresse et réveils ahuris aux côtés d'une fille séduite et mal étreinte.

Jusqu'à la mort de son père dans un accident de voiture. Une fois l'exploitation agricole et les vaches vendues, comment assurer l'avenir de sa petite sœur et gagner sa vie, alors qu'il croit n'avoir rien appris et se sent si démuni ?

Vingt Dieux, pour reprendre le juron favori de sa bande de pieds nickelés, loin de nous plonger dans le désespoir, Louise Courvoisier nous embarque alors dans l'aventure initiatique, mouvementée, bondissante et libertaire, d'un garçon du Jura saisi par une énergie désordonnée et tenace. Une histoire singulière, ancrée dans un territoire rural, rarement célébré ainsi à l'écran, où savoir-faire, savoir-être et désir d'aimer se conjuguent, au rythme changeant de compositions chorales entraînantes. Impossible de résister à l'épopée jurassienne et au charme déroutant de Totone (Clément Favereau, formidable).

*Un cowboy inattendu au pays des vaches laitières et du comté*

Nous voici plongés au cœur d'une fête de village dans le sillage d'un garçon aux cheveux roux, filmé de dos (peau blanche, épaules robustes, cou costaud) ; la caméra le suit à vive allure car le sujet fend la foule pour s'arrêter devant un petit groupe. Pressé par ses supporters improvisés et leurs cris répétés.Debout sur unetable, il se montre tout nu, sans paraître gêné, levant les bras en l'air en signe de triomphe, esquissant même quelques pas cadencés suscités par des incitations bruyantes (‘La danse du Limousin !, ‘La danse du limousin' !). Voici Tony (surnommé Totone), visiblement habitué à faire le malin pour amuser la galerie, ses potes en débrouille et embrouilles Jean-Yves (Mathieu Bernard, très bien) et Francis (Dimitri Baudry, aussi crédible) en particulier.

A la maison, il en mène moins large et semble se la couler douce, tandis que le père conduit l'exploitation agricole et que la petite sœur (Luna Garret, délicieusement vraie) va à l'école. À Totone et ses potes, les bals où l'on boit de la bière jusqu'à plus soif et emballe des filles pour une nuit sans trop savoir quoi faire en tant que mecs en cas de panne du sexe. Une expérience embarrassante pour Totone et minimisée par la partenaire d'un soir prête à excuser ce machisme inconséquent !

La mort du père fait cependant basculer l'existence de notre garçon insouciant. Il lui faut maintenant, et vite, assurer sa subsistance, protéger sa petite sœur et trouver un toit.

Ouvrier agricole, louant sa force de travail auprès des fermiers du coin, il se distingue par sa gaucherie, ses retards et son manque de pratique.

Qu'à cela ne tienne. Pourquoi ne pas se spécialiser dans la fabrication du comté et gagner ainsi, en deux tours de main, les 30.000 € destinés au vainqueur du concours agricole dans ce domaine ?

*Artisanat et transmission, sexe et amour : des chemins rocambolesques*

Pas si simple de remporter un concours dont on ignore les règles et les exigences préalables. Mais Totone s'accroche, se renseigne auprès des autorités, approche surtout une des grandes spécialistes en la matière, laquelle accepte de lui transmettre ingrédients nécessaires, pratiques particulières (notamment pour la fabrication ‘au chaudron'). Et nous saisissons, émus, l'importance de cette formation par une ‘ancienne' auprès d'un jeune renouant ainsi avec une tradition paternelle (que la relation père-fils figurée au début du récit ne laisse pas imaginer).Ce serait faire injure aux spectateurs que de révéler le dénouement de cette ambitieuse entreprise.

En tout cas, Totone n'ayant pas de domaine agricole ni de lait nécessaire à la fabrication du comté à sa disposition, met à contribution ses deux potes pour en ‘trouver' du bon sans débourser un euro…

Fort opportunément (le hasard est parfois grand artiste), il rencontre Marie-Lise (Maïwen Barthelemy, époustouflante interprète), une femmefranche, directe et solide, dirigeant seule une exploitation laitière d'envergure. Ou, entre venue au monde d'un petit veau et naissance de l'amour, comment une jeune femme qui sait ce qu'elle veut et un garçon qui ne le sait pas encore réunissent leurs efforts et leurs désirs pour aider à l'accomplissement des deux événements en même temps, la nuit, dans une étable au milieu du foin.

A ce titre, balayant les clichés et autres niaiseries sur la vie à la campagne, la cinéaste confère aux femmes un rôle majeur dans le parcours initiatique d'un garçon devenu curieux de tout, englué dans l'ignorance par paresse et habitude. A la fromagère âgée, la transmission de savoir-faire artisanaux, à la dirigeante d'exploitation laitière, la transmission des caresses et des gestes de tendresseaptes à susciter le plaisir féminin avec (ou sans) pénétration du sexe masculin. Autant dire que notre Totone n'en finit pas d'être surpris.

*Invention d'un western rural d'un nouveau genre, libre et galvanisant*

Au-delà des trahisons, coups fourrés et autres bastons entre bandes (les branquignoles associés à Totone ont pour ennemis jurés les propres frères de Marie-Lise), des rebondissements qui alimentent joyeusement l'épopée jurassienne, la fiction frappe par le traitement des paysages, leurs couleurs chaudes sous la lumière d'été, en plans larges le plus souvent, en magnifie la beauté particulière. Et, comme si nous retrouvions l'univers singulier des premiers films tels que « L'Enfance nue » ou « Passe ton bac d'abord » de Maurice Pialat (dans l'après-coup des auteurs de la Nouvelle Vague), l'irruption de corps différents, des grains de voix et des accents autres, un phrasé tranché et un langage parfois cru et direct nous touchent profondément. Un surgissement d'une vérité des êtres, de leurs origines géographiques et sociales, loin du formatage citadin commun à de nombreux personnages du cinéma, français d'aujourd'hui, notamment.

Libre dans le choix de son sujet comme dans l'élaboration d'un casting minutieux (des acteurs non-professionnels, tous cultivateurs, tous confondants de justesse), Louise Courvoisier a constitué un collectif de techniciens, amis connus à l'école de cinéma ou membres de sa famille, ses parents Linda et Charlie Courvoisier au premier chef. Anciens musiciens, convertis à l'exploitation céréalière dans le Jura, ce sont eux qui ont conçu les compositions musicales emballantes accompagnées de chants qu'on croirait sorties des chevauchées de cow-boys traversant Monument Valley à la poursuite des Indiens dans les westerns hollywoodiens. Des morceaux de musique version rodéos drôlement en phase avec les virées en mobylette des Pieds Nickelés jurassiens ou les concours de tonneaux entre voitures cabossées lancées à toute berzingue.

Quelles que soient les influences et les figures tutélaires (Jean-François Stévenin et la poésie vagabonde et nomade des héros décalés de « Passe montagne », tournage jurassien dans un registre différent, par exemple), la jeune réalisatrice prend la liberté d'emprunter des chemins de traverse sans s'interdire aucune voie. Avec des exigences manifestes : respecter les êtres et les paysages qu'elle filme en pulvérisant stéréotypes et images convenues.

Le western jurassien et ses longs plans-séquences à la mesure des grands espaces cadrés comme des territoires à conquérir entrent en résonance avec le parcours tragi-comiquedu héros de « Vingt Dieux ».Aussi Louise Courvoisier n'oublie pas de jouer sur la dimension burlesque, de capter les corps en déséquilibre, leurs chutes soudaines.

Elle figure aussi en se rapprochant des visages les élans du cœur et les flux de tendresse, signes d'une mutation profonde chez un êtreen devenir, longtemps dans l'ignorance qu'il était de lui-même.

Devant un spectacle de carambolages automobiles, Totone, de la main, fait signe à sa petite sœur de rejoindre le coin où paradent les vainqueurs. A l'écran, elle accède pour la première fois peut-être, au gros plan et en devenant plus active, grandit en un plan.

Le garçon, pour sa part, suit un temps des yeux l'envol de cette dernière. « Ving Dieux » nous offre encore une promesse et son héros, songeur, nous regarde.

Samra Bonvoisin, Le Café pédagogique, 11 décembre 2024

« Vingt Dieux », film de Louise Courvoisier. Sortie le 11 décembre 2024 ( en France )

Prix de la Jeunesse, sélection « Un Certain Regard », Cannes ; Valois de Diamant & Valois des étudiants, Festival international du film francophone, Angoulême ; Prix Jean Vigo 2024.

*Entrevue* avec la réalisatrice sur TV5 : https://www.youtube.com/watch?v=-lp2P_Eo_S8

*Une suggestion de André Cloutier, Montréal, 11 décembre 2024

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Le prix Nobel de littérature décerné à la Sud-Coréenne Han Kang

17 décembre 2024, par Axel Nodinot — , ,
Le jury de Stockholm a récompensé l'écrivaine Han Kang capable d'entremêler la candeur de ses héroïnes et la cruauté brute de l'histoire. Par Axel Nodinot, L'Humanité, (…)

Le jury de Stockholm a récompensé l'écrivaine Han Kang capable d'entremêler la candeur de ses héroïnes et la cruauté brute de l'histoire.

Par Axel Nodinot, L'Humanité, France, le mercredi 11 décembre 2024

Suggestion de lecture d'André Cloutier

La lauréate du prix Nobel de littérature était mélancolique. Elle revenait sur son parcours devant une assemblée qui acclamait la première <https:/www.humanite.fr/culture-et-...>'>Sud-Coréenne à être ainsi célébrée, la 18e femme seulement en 117 éditions. Pas dépaysée par le froid suédois, la Séoulite a cependant échappé à la neige.

Omniprésents dans ses ouvrages, les flocons recouvrent tout. Le bruit, pour laisser place à la contemplation ou à l'angoisse ; les souvenirs, enfouis au plus profond des personnages ; les cadavres, ceux des dictatures militaires sud-coréennes.

« Inévitablement, le travail de lecture et d'écriture de littérature s'oppose à tout ce qui détruit la vie », a-t-elle déclaré en recevant son prix, ce mercredi 11 décembre à Stockholm. Au fil de son œuvre, Han Kang a pourtant réussi à déterrer, délicatement et avec poésie, des atrocités qu'aucune formule ne saurait égayer. S'entremêlent alors la candeur de ses héroïnes et la cruauté brute de l'histoire : sous la neige, les ruines brûlées, la terre gelée, et les ossements révèlent autant d'histoires dramatiques.

« Pendant ma vingtaine, j'écrivais ces lignes sur la première page de chaque nouveau journal intime : Le présent peut-il aider le passé ? Les vivants peuvent-ils sauver les morts ? », se rappelait-elle à Stockholm. L'écrivaine continue de chercher ses réponses, en se plaçant de front, face à la société et l'histoire sud-coréennes, toutes deux très dures.

Comme dans « La Végétarienne », Booker Prize en 2016, « Celui qui revient », où elle évoque les étudiants assassinés de Gwangju, sa ville natale, et « Impossibles Adieux », qui se déroule sur l'île de Jeju, où 30 000 personnes accusées d'être communistes furent massacrées par l'armée et le commandement américain.

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Cherche sourire désespérément

17 décembre 2024, par Omar Haddadou — , ,
( Coup de sifflet…) – Sourd (e) comme un pot ! - Qui ? moi ? - Oui, vous ! - Mes excuses, M. l'Agent. - Vous connaissez le verbe verbaliser ? - Bien sûr que (…)

( Coup de sifflet…)

Sourd (e) comme un pot !
- Qui ? moi ?
- Oui, vous !
- Mes excuses, M. l'Agent.
- Vous connaissez le verbe verbaliser ?
- Bien sûr que j'connais. Il a comme épouse l'Absolution.

- Non, M. le Gouailleur ! Il a divorcé.
- Ah, bon ?
- Sa moitié s'appelle Fermeté.
- Il doit en baver, le mec ?
- Puisque vous avez le sens de la mise en boite, je vais vous faire un joli cadeau.

C'est vrai ? - Une amende de fin d'année.
- Ca..mé..ra.. ca..chée ?
- Elle a gagné un procès et s'est émancipée.
- Comme quoi… Tout l'monde réclame un air de Liberté.
- Contravention de 3ème classe, ça vous parle ?

- J'en ai entendu parler.
- Eh bien, vous allez vous y familiariser.
- Il parait que ça fait très mal pour ceux qui vérifient deux fois leurs tickets de caisse ?

- Tout va être dématérialiser. Ils (elles) ne verront que dalle.

- C'est bien de noyer le Peuple par petites touches et des majorations « intersticées ».
- 68 euros ! C'est le montant de l'infraction, bien affichée.
- Quelle infraction ? Je viens d'arriver du bled pour une visite familiale. L'huile d'olive (Zit Azemmour) et couscous roulé à la main, peuvent en témoigner.

- Visite ou pas visite…
( La négociation est vouée à l'échec )
- J'peux savoir pour quel motif une telle « prune » ?

On vous a flashé en train de rigoler, Monsieur !
- Et alors ?
- Alors, N.D.P (Nouvelles Dispositions Particulières) :
Article 1 : – Rire en Hexagone est passible d'une amende ! Article 2 : - S'esclaffer, d'un emprisonnement !

- Je rêve ou quoi ?
- Il ne fait pas encore nuit. Vous êtes en France Monsieur. La Législation évolue !

Elle doit s'emm… derrière son bureau ?
- Qu'est-ce que vous dites ?
- J'ai dit, ça sent un peu la me'… à cause de la décharge sauvage juste devant nous.
- On ne rigole plus ! Regardez autour de vous toutes ces tronches tirées comme la membrane d'un Bendir* dont vous connaissez si bien l'usage ! Vous enfreignez la morosité ambiante parisienne.
- Attendez…
- Je n'attends rien. Vous troublez l'ordre du renfrognement et de la maussaderie faciale des Français (es).
- Monsieur l'Agent ! il y aurait les J.O des Gueules massacrantes, la France s'offrirait l'or, les doigts dans le nez.
- Vous connaissez zonzon ?
- Chez nous on l'appelle Bouhadma*. Je vous assure qu'on y rigole. Pour vous dire que nous sommes un peuple qui se boyaute de sa propre déveine, même derrière les barreaux. Et ça, ça vous turlupine !
- Donnez-moi votre pièce d'identité !
- Monsieur l'Agent, je suis Méditerranéen. Rire fait partie de mon ADN. Si l'affliction vous sied à merveille, de grâce ! ne m'ôtez pas mon deuxième Soleil !

- Vous êtes têtu (e) comme une bourrique, vous ! On vous a aligné (e), parce qu'il est formellement interdit de se fendre la pêche. Point barre !
( Le visiteur se tient la tête à deux mains et balbutie)

- Surréaliste.
- Ici c'est l'Autorité ! Pas le mouvement Dada* !

« Adada sur mon poney, quand il trotte, il fait oplé, opla, au galop, au galop… ! Aaah, vous venez de pouffer de rire M. l'Agent ! Contravention de 4ème classe,135 euros ! Ça vous parle ? »

(L'Agent n'en peut plus et s'avoue vaincu)

Reprenez votre Pièce d'Identité et éclipsez-vous ! Vous êtes irrécupérable !

- Avec tout le respect que je vous dois, M. l'Agent, moi je dis le début, et vous la fin : « One two, tree, viva… ? »

Partez, j'vous dis !
( Le jeune Nationaliste s'éloigne et lui crie ) :

L'Algérieeee !

Texte et dessin : Omar HADDADOU 2024

Bendir* : Instrument de percussion. Bouhadmama* : La taule, prison (Substantif dérivé du verbe arabe « yahdem », il enfonce, engouffre ) Mouvement Dada* : Courant intellectuel, littéraire et artistique du XXe siècle.

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Journée mondiale de lutte contre le Sida

Lors de la Journée mondiale de lutte contre le Sida, célébrée le 1er décembre 2024 à l'hôtel Montana, les revendications des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) ont occupé une (…)

Lors de la Journée mondiale de lutte contre le Sida, célébrée le 1er décembre 2024 à l'hôtel Montana, les revendications des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) ont occupé une place centrale. Le Comité national de plaidoyer des populations clés en Haïti (CNPPCH) incluant d'autres concernés ont mis l'accent sur des appels urgents, brandissant des pancartes aux messages percutants tels que « Nou bezwen sekirite », « Batay kont VIH/Sida pap kanpe », « Fok wout yo debloke », et « Nou bezwen èd pou PVVIH ki viktim vyolans ».

Edouard Dieufait, président de la FEDHAP+ (fédération Haïtienne des associations de PVVIH), a rappelé que le VIH ne se réduit pas à une problématique de santé publique, mais est avant tout une question de droits humains. Il a insisté sur la nécessité de politiques publiques inclusives, rappelant aux décideurs politiques l'urgence d'adopter des mesures favorisant l'inclusion sociale et la pleine participation des PVVIH à la vie de la société. Il a remis un document de plaidoyer au MSPP, demandant au gouvernement de prendre en compte ces revendications dans ses priorités.

Pour sa part, Jhonny Lafleur, président du CNPPCH (Comité national de plaidoyer des populations clés en Haïti), a affirmé que les PVVIH, au-delà de leur statut sérologique, sont des citoyens à part entière, avec les mêmes droits et dignité que tous. Il a lancé un appel à l'unité et à l'engagement de tous les secteurs de la société, soulignant que la lutte contre le VIH est une cause commune qui nécessite la mobilisation de tous pour garantir un avenir sans discrimination ni stigmatisation.

Ces revendications ont exprimé la nécessité impérieuse de garantir la sécurité des PVVIH, de poursuivre la lutte contre le VIH, et de répondre aux besoins d'assistance pour les victimes de violences. Les manifestants ont exigé une action immédiate pour lever les obstacles qui entravent l'accès à des soins de santé, à un emploi et à des conditions de vie dignes.

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Ce que nous apprend l’échec de Google à Toronto. Compte-rendu de lecture

17 décembre 2024, par Dominique G Boullier — , ,
En 2016 Google voulait inventer sa Google City à Toronto. Moins de quatre ans plus tard, l'affaire était réglée, Sidewalk sa filiale d'innovations urbaines, abandonnait Toronto (…)

En 2016 Google voulait inventer sa Google City à Toronto. Moins de quatre ans plus tard, l'affaire était réglée, Sidewalk sa filiale d'innovations urbaines, abandonnait Toronto à son sort et disparaissait même deux ans plus tard comme compagnie. Compte-rendu de lecture de Josh O'Kane, Sideways : the city Google couldn't buy. Penguin, Random House of Canada, 2024.

Tiré du blogue de l'auteur.

Une météorite avait traversé le ciel des smart cities. Au début, en 2016, Google voulait inventer Google City à Toronto. Moins de quatre ans plus tard, l'affaire était réglée, Sidewalk sa filiale d'innovations urbaines, abandonnait Toronto à son sort et disparaissait même deux ans plus tard comme compagnie.

Pourtant, tout le monde avait fantasmé sur la nouvelle disruption dont Google était à nouveau capable. Et aujourd'hui, Josh O'Kane nous en raconte l'histoire par le menu, celui du journaliste local qu'il est, particulièrement impliqué et tenace dans la recherche des informations lorsque la transparence s'évanouit dans les brumes du lac Ontario.

A vrai dire, nous ne saurons pas grand-chose des détails techniques des prodigieuses innovations annoncées dans le fameux Yellow Book de Sidewalks Labs et dans la réponse à l'appel d'offres, ce n'est pas le centre d'intérêt de O'Kane.

C'est dommage, mais étant donné que la « Google City » n'a pas été mise en œuvre du tout, on peut comprendre que les questions techniques réduites aux dessins et aux promesses donnent peu de prises aux analyses. On trouvera un plus grand intérêt pour ces « solutions » techniques chez Tierney (2019), dans une lignée critique assez classique inspirée de Foucault, Lefebvre ou encore Bratton (The Stack) mais finalement assez sommaire. De même, dans ce livre Sideways, manque une discussion détaillée du modèle économique de Google fondé sur la donnée et sa monétisation, même si la question des données est traitée tout au long du récit et que les questions budgétaires deviendront de plus en plus critiques dans le projet.

On l'aura compris, ce travail de journaliste n'est pas aligné avec les standards des travaux académiques : on y perd mais on y gagne aussi la finesse des descriptions de situations, des personnages et un sens détaillé des enjeux politiques. Et c'est là sans doute ce qui manque souvent : une véritable étude de cas centrée sur le terrain, ses acteurs et leurs logiques, analogue à ce qu'on peut trouver chez Laugaa, Pinson et Smith (2024) dans le cas de Bristol, qui est un contre-exemple remarquable des smart cities centralisées.

Car l'enjeu politique est précisément ce qui reste délibérément négligé par les prophètes de la smart city et tous les libertariens qui accompagnent toutes les innovations urbaines (de AirBnB à Uber). Toute l'histoire qui nous est racontée est en fait ce choc des cultures entre datascientists disrupteurs de la plus grande plateforme numérique au monde et urbanistes d'une agence de développement locale dépendant de plusieurs strates politiques, la ville, la province et l'Etat fédéral.

À la fin de l'ouvrage, l'auteur cite Siri Agrell, un assistant du maire de Toronto, John Tory : « Les gens pensent (à la suite de cet échec) que le gouvernement n'est pas prêt à traiter avec la technologie. Alors que je pense que c'est exactement l'inverse : le secteur de la tech n'a aucune idée de la façon d'affronter les vrais défis des villes ».

Mais adoptons succinctement la démarche chronologique de l'auteur. Deux histoires et enjeux d'acteurs éloignés vont se rencontrer.

Le choc des cultures : aménageur versus disrupteur

L'agence d'aménagement Waterfront Toronto doit urbaniser le secteur du port de Toronto nommé Quayside, une zone plus directement urbaine de 5 hectares situé le long du lac et proche d'une autre très grande zone à aménager dans le futur : Port Lands et l'ile de Villiers.

La ville de Toronto est très attractive notamment pour les entreprises du numérique et sa population croit rapidement (3M d'habitants en 2016), le prix du m2 se rapproche de ceux de New York City et de San Francisco. Mais à part l'équipement de toute la zone en haut débit, rien n'est vraiment prévu, une vision manque lorsqu'un nouveau CEO, Will Fleissig, est nommé début 2016.

Avec ses adjoints, ils prennent contact directement avec Sidewalk dont ils ont entendu parler, le 27 juin 2016. Ils sont en effet à la recherche d'idées mais aussi de soutiens financiers et commencent à travailler à un appel d'offres (RFP, Request for Proposals) qui sera publié finalement le17 Mars 2017, après des mois de contacts et de réunions avec plusieurs candidats, dont Sidewalk Labs.

Sidewalk Labs de son côté est une spin-off de Google, qui rassemble toutes les idées urbaines que les ingénieurs de Google avaient lancées au sein du projet Javelin (dont des voitures volantes, des villes flottantes, un dôme, des véhicules autonomes). Ce projet initie le mouvement de réorganisation de Google en plusieurs sociétés sous l'ombrelle de Alphabet, créé en 2015, qui permet de propulser des projets indépendamment du métier de base de Google qu'est le moteur de recherche et la publicité.

Larry Page, l'un des deux fondateurs de Google avec Serguei Brin, est très investi dans ces projets qu'ils laissent explorer et prospérer dans un esprit très utopique et sans souci de rentabilité immédiate. Sidewalk Labs va être prise en main par Daniel Doctoroff, personnage central de l'histoire, en raison de sa personnalité (forte et parfois abusivement colérique admet-on) et de sa trajectoire : en tant qu'investisseurs immobilier, il a été au cœur de la candidature de NYC pour les Jeux Olympiques de 2012, il fut l'adjoint au maire Bloomberg avant de travailler dans son entreprise en 2007 (il connait donc très bien les enjeux financiers et les données).

Sa philosophie, résume l'auteur, consiste à maximiser la ville pour les actionnaires, ce qu'il fera par excellence en recyclant le projet perdant d'un stade pour les Jeux en projet immobilier d'envergure connu comme les Hudson Heights à NYC. En tant que directeur de Sidewalk Labs, il lance des groupes de travail avec tous les experts de la ville et du numérique (dont Richard Florida). Sidewalk lance son logiciel de gestion de parkings « Flow » et met en compétition les villes qui veulent le tester (Colombus, Ohio, gagne).

L'entreprise crée aussi à New York City « LinkNYC », des kiosques wifi répartis dans la ville. Tous ces services sont guidés par un principe : récupérer un maximum de données et les revendre, dans la logique du « digital surplus » de Soshan Zuboff, et comme le font toutes les plateformes du secteur.

Cette vision est publiée en Février 2016 sous la forme d'un Yellow Book de 437 pages, où la ville devient en fait une plateforme numérique qui comble le fossé ville/tech. Le dôme est le principe technique suprême qui encapsule toute la ville, un peu à la mode d'EPCOT de Disney avant qu'il ne soit réduit à un parc à thème en 1982. Le dôme est physique et régule tout le climat, ce qu'on retrouve dans quantité d'œuvres de science-fiction et chez Richard Buckminster Fuller.

Mais chez Sidewalk Labs, il devient aussi réglementaire et politique : toutes les règles extérieures sont suspendues et seule l'autorité propriétaire du dôme et du système d'information a le pouvoir de décider les règles qui lui conviennent notamment en matière de données personnelles. Page voulait une ville à partir de zéro et notamment une ville modulaire, toute en éléments recombinables, Doctoroff avait l'expérience des procédures et de la profitabilité.

Leurs visions se combinent dans un Yellow Book qui redéfinit toute la ville comme « fief » dit O'Kane, totalement confié au secteur privé, habillé de soucis de « privacy by Design » avec l'aval de Anne Cavoukian, experte du domaine. Les caméras et les capteurs sont partout pour tracer les comportements qui seront qualifiés alors de « urban data » pour montrer que ce ne sont pas des données personnelles mais seulement des traces publiquement accessibles dans l'espace urbain, ce qui justifie leur exploitation intensive qui permettra les calculs de l'IA pour optimiser les services.

Cette catégorie juridique de « urban data » posera de sérieux problèmes plus tard. Pour le reste, les innovations qui n'en sont pas abondent, comme les vide-ordures ( !!), les écoles maternelles ( !!), la plantation d'arbres comme système technique, etc.. Cette naïveté des promoteurs de smart cities qui pensent réinventer la roue est très fréquente, il suffit de refuser la terminologie branchée qu'ils adoptent pour se rendre compte de la supercherie.

Négociations biaisées et ambitions territoriales cachées

Revenons aux côtés de Waterfront Toronto. L'appel d'offres que l'agence publie le 17 mars 2017 s'avérera trop imprécis sur plusieurs points qui vont entrainer des malentendus, si l'on est clément, ou des opportunités de manœuvre si l'on est plus cynique, pour les répondants. Des pans entiers de questions clés ne sont pas traités en matière de données principalement : la collecte des données dans les limites légales existantes, le partage des données récoltées avec les services urbains ou sous forme de trust en open data, la propriété intellectuelle et les revenus des brevets qui seront déposés à partir de l'expérience.

L'extension de la zone à urbaniser est évoquée mais sans aucune garantie puisque de toutes façons Waterfront n'a pas de mandat pour le faire. Mais l'appel d'offres accueille volontiers les idées sur cette zone étendue. Evidemment, les répondants mais surtout Sidewalk vont utiliser cette possibilité pour montrer que leurs solutions techniques (comme un train monorail suspendu) n'ont de sens que sur une zone qui dépasse de loin Quayside et plus tard qu'elles sont impératives pour la rentabilité de leur projet.

Trois répondants se présentent. La réponse de Sidewalk est en fait totalement inspirée de son Yellow Book avec cependant des adaptations puisque le dôme étant irréalisable, ils proposent des auvents rétractables, les immeubles seront à ossature bois (pour des raisons d'innovation responsable écologiquement), toutes choses qui demanderaient par exemple une modification du code de la construction au niveau de la province de l'Ontario. Ou encore des pavés amovibles chauffants qui permettent d'accéder en permanence aux réseaux, ce qui est totalement infaisable avec le climat de Toronto, et qui donne une impression de posture hors-sol comme c'est souvent le cas avec ces firmes du numérique qui n'ont aucune expérience réelle de la gestion urbaine.

Pour l'anecdote, Sidewalk s'aperçut même que dans toutes ses maquettes de ville conçues en laboratoire, jamais les églises n'apparaissaient, dans des pays où pourtant elles prolifèrent et alors qu'elles sont des lieux de vie sociale incontournables, certes équipées de plus en plus de techniques numériques de diffusion médiatique.

Cependant, Sidewalk est sélectionnée en Septembre 2017…. pour continuer les discussions avant de signer un accord définitif ! Le gouvernement fédéral soutient le projet en Octobre, mais l'auteur, journaliste, parviendra à montrer qu'en fait Justin Trudeau a eu une conversation téléphonique (cachée) au moins avec Eric Schmidt, le CEO de Google avant la décision et que toute l'annonce a été précipitée en fonction des agendas des uns et des autres pour réaliser une cérémonie très médiatique.

On peut penser que ce genre de détails n'aide guère à la compréhension du processus mais en fait, de telles opacités contribuent à miner les prétentions à la transparence et cela montre à quel point l'enjeu de réputation est essentiel dans la compétition financière désormais entre les Etats et les villes autour de ces labels technologiques.

Cela contribuera d'ailleurs à alimenter les soupçons des activistes qui sont évidemment des parties prenantes importantes de tout projet urbain, d'autant plus lorsque Google apparait derrière toute l'opération avec sa puissance et ses méthodes. Un blog de Bianca Wylie « Torontoist » sera très actif ainsi que l'Open Data Institute de Toronto et le Civic Tech de Toronto. Les consultations sont déjà agitées mais leur alarmisme n'est pas partagé par l'agence Waterfront qui considère qu'ils n'ont rien signé et qu'il faut leur donner le temps de tout ajuster.

Quand les temps médiatiques changent à propos des données : Cambridge Analytica, Zuboff, …

Mais l'année 2018 va changer la donne. Une fois encore des facteurs extérieurs majeurs changent les perceptions : le scandale Cambridge Analytica éclate en Mars 2018, le RGPD est mis en œuvre en Europe, les données sur NHS britannique sont collectées par Google, ce qui entraine une attention citoyenne et médiatique considérable sous forme de suspicion généralisée sur la question de la collecte et du traitement des données.

A tel point que le terme « smart cities » va se déprécier très vite, et que plus personne ne veut l'utiliser à Toronto, Waterfront parlant plutôt de « intelligent communities », on appréciera la nuance. Un effort de compréhension interculturelle sera même nécessaire tant la brutalité orientée business de Sidewalk sous influence de Doctoroff, l'ancien de Bloomberg, et leur culture du secret se heurtent à la tradition de relations civilisées de Waterfront : des conférences sur la culture canadienne et sa résistance à l'hégémonie US seront ainsi organisées à l'été 2018 pour le personnel de Sidewalk.

On peut dire que les critiques qui pointent la posture coloniale de ces grandes firmes apparaissent pertinentes au regard de ces efforts considérables pour ajuster les comportements.

L'accord est signé le 31 Juillet 2018 alors que les questions sur les données deviennent de plus en plus discutées dans le public. Sidewalk pense ainsi prendre les devants en créant un « civic data trust » indépendant, récupérant les données anonymisées et permettant à d'autres acteurs citoyens, administratifs ou privés d'exploiter les données récoltées.

Mais la définition des « urban data », comme indiqué déjà, continue à poser des problèmes. Toute utilisation des données doit en fait entrer dans le cadre légal existant au Canada qu'on appelle PIPEDA, agrégeant deux textes, Personal Data Protection et Electronic Document Act, qui datent tous les deux de 20 ans. Ces textes de loi relèvent du ministère de l'innovation alors que l'agence Waterfront relève, elle, en dernier ressort, du département fédéral des infrastructures.

Les pouvoirs publics canadiens à leurs échelles différentes tentent en fait d'éviter de devoir réécrire les lois car la procédure serait très longue, et préfèrent trouver une solution contractuelle ad hoc, ce qui évidemment ouvre la porte à toutes les critiques. Le commissaire à la privacy de l'Ontario prône ainsi ce qu'il appelle la « data minimization ».

A partir de 2019, année de la sortie du livre de Soshana Zuboff (The Age of Surveillance Capitalism), qui eut un écho puissant, les campagnes des activistes se sont multipliées, sous le hashtag #Block-Sidewalk notamment puis avec une plainte du CCLA en Avril 2019, tout cela pendant l'attente du plan masse qui n'était toujours pas fourni, et donc dans une situation d'information très imparfaite. Notons aussi que d'autres acteurs s'invitèrent dans la discussion, comme quoi la liste des parties prenantes n'est jamais vraiment closes dans ces projets : les syndicats du bâtiment notamment intervinrent pour soutenir le projet de Sidewalk alors que les Missisangas, nation indigène, exigèrent de participer à tout le processus car leurs idées et leurs intérêts n'avaient pas été pris en compte.

La prétention à créer un fief hors de tout contrôle, malgré les compromis

En juillet 2019, sort le plan masse (MIDP : Master Innovation Development Plan), document de 1524 pages intitulé « Toronto Tomorrow ». Il apparait qu'il est tout aussi énorme et ambitieux qu'au début sans avoir pris en compte la plupart des remarques faites par les diverses parties prenantes tout au long du processus. Sidewalk se pose comme le nouveau régulateur de toute cette zone, ignorant toutes les règles qu'il faudrait revoir à des échelles beaucoup plus larges, pour l'autoriser à construire des immeubles élevés à ossature bois, pour le système de transport léger sur rail ou encore pour piloter directement des feux de circulation adaptatifs.

Blayne Haggart, professeur associé en Science Politique à Brock University (Ontario) crée un blog pour étudier un à un les articles de l'énorme MIDP : un travail qui peut encore servir de référence pour conduire un examen critique de tout dossier de smart city ou de développement urbain.

Waterfront publie une réponse de 100 pages en Septembre signalant toutes les failles du plan masse et demande une réécriture pour le 31 Octobre 2019. Les deux points clés demeurent la gestion des données et des brevets et l'extension impossible vers Port Land puisqu'il faudrait de toutes façons un nouvel appel d'offres, ce que Sidewalk savait très bien en publiant son plan.

Et chose plutôt inattendue, Sidewalk répond en acceptant à peu près toutes les demandes de l'agence : la firme accepte de concourir pour les extensions éventuelles, elle abandonne sa référence à ce concept juridique fake que sont les « urban data », elle respectera les lois de chaque entité, elle partagera les revenus des brevets, etc. Il semble donc que tout rentre dans l'ordre et que Sidewalk ait appris l'art du compromis alors que toute la culture de ces disrupteurs leur imposent de tout faire pour éliminer le droit existant et faire plier les partenaires/ bureaucrates qui bloquent les innovations.

Waterfront accepte donc les 160 propositions de révision de Sidewalk à l'exception de seize d'entre elles, telles que le chauffage prélevant la chaleur des eaux usées à 4km du site ou encore les « ultrasmall efficient units » d'habitation qui sont en fait certes optimisées du point de vue énergétique mais inhabitables d'un point de vue…. humain !!

Le coup de grâce du Covid

Certes, Brin et Page ont quitté la direction de Alphabet en Décembre 2019, ce qui constitue un tournant historique pour la firme, autorisant moins de projections futuristes hasardeuses comme les aimait Brin, mais cela ne saurait remettre en cause le projet. Et pourtant, tout va s'écrouler en quelques mois, car fin Février 2020, Toronto, comme tout le reste de l'Amérique du Nord, est touché par la pandémie du Covid-19.

La conséquence qui affecte alors le plus directement le projet tient à l'effondrement du marché de l'immobilier de bureau. En effet, les confinements sous diverses modalités encouragent le télétravail et la fuite des zones denses. Waterfront devient plus exigeant sur le paiement par Alphabet du montant annoncé pour l'achat du lot et cela sans abattement. Sidewalk est sous pression de la part d'Alphabet pour revenir dans les règles d'un équilibre budgétaire et donc réduire ses coûts. Or, pour le faire sur un espace aussi restreint, il lui faudrait éliminer plusieurs des innovations qui faisaient pourtant l'intérêt de l'opération.

Sidewalk en tire la conclusion très rapidement que ce projet n'est plus intéressant, non viable économiquement et annonce qu'il stoppe sa participation le 6 mai 2020. Quatre ans de tractations diverses et de controverses sont ainsi annulés en trois mois à l'occasion du Covid, sans pouvoir établir si c'est une cause réelle ou une opportunité saisie pour mettre fin à un projet mal parti.

Les suites sont aussi radicales : Sidewalk Labs quitte Toronto puis quitte même le marché en tant qu'entreprise spécifique même si certaines innovations sont réintégrées dans Google même, reflétant ainsi une nouvelle stratégie d'Alphabet, indépendamment du Covid. Sidewalk dans ses derniers mois s'est d'ailleurs redéfini comme un incubateur de start-ups, de brevets et d'idées (dont les immeubles à ossature bois et le système de gestion de parking) et non plus comme l'aménageur urbain qu'il a tenté d'être à Toronto.

C'est avant tout son incapacité intrinsèque à forger des alliances hors du domaine de la tech qui apparait ainsi, et donc une forme d'inculture politique et urbanistique qui exige du temps long, du débat contradictoire et des partenariats et non des diktats à effet immédiat avec contrôle total.

De leur côté, Waterfront a dû relancer un appel d'offres pour un aménageur et non plus pour un « innovateur-sponsor » comme était perçu Sidewalk Labs. Mais la loi canadienne sur la vie privée a été changée dans les 6 mois qui ont suivi la fin de l'expérience de QuaySide : elle est proche du RGPD et étend ses obligations au secteur privé.

Cependant, il fallut deux ans pour sa mise en œuvre effective, car le temps administratif et politique ne relève pas des coups de force ou des passages à l'acte mais de l'acte d'institution durable et responsable, après examen contradictoire et minutieux. Bref, la culture libertarienne a échoué à abattre ou contourner l'Etat de droit mais cela n'empêche pas des promoteurs de tenter de le faire comme Jeff Bezos avec le nouveau siège d'Amazon (HQ2) à Cristal City (Virginie) près de Washington DC, en abandonnant cependant dès 2019 la localisation à NYC envisagée en raison de la controverse suscitée (effet de gentrification, avantages fiscaux exigés notamment). Elon Musk fait de même au Texas en achetant un village (Boca Chica) près de son site de lancement de Space X près de Brownsville et la gentrification de la ville apparait très vite.

Smart cities sans intelligence collective : un comble !

L'histoire racontée par Josh O'Kane explore encore d'autres biographies d'acteurs, car c'est son angle préféré. Cependant, pour l'analyse des dimensions politiques et des négociations internes entre les parties prenantes, son récit est remarquablement riche car il remet au premier plan ce que les belles histoires des technophiles et des libertariens veulent passer sous silence.

Ces innovations urbaines ne sont pas « techniques », elles sont encastrées dans des rapports sociaux, dans des environnements précis, dans des cadres juridiques, dans des cultures et des visions politiques qui entrent en conflit, elles sont « urbaines » au sens plein du terme. Le déni de ces dimensions ou leur instrumentalisation supposée par les techniques du numérique, du calcul et des modélisations conduit ces projets dans le mur et on ne peut pas s'en plaindre.

On peut cependant regretter que dans ces projets aux financements énormes de « smart cities », l'ingrédient le plus difficile à trouver soit « l'intelligence collective ».

Notes

Laugaa, M., Pinson, G. et Smith, A. (2024) . Les strates de la smart city L'institutionnalisation disjointe des politiques urbaines du numérique à Bristol. Réseaux, N° 243(1), 103-142.

Tierney, T. F. ‘Toronto's Smart City : Everyday Life or Google Life ?' Architecture_MPS, 2019, 15(1) : 1, pp. 1–21.

Un billet d'Irénée Régnault qui date de 2019 et qui soulevait déjà tous les problèmes du projet QuaySide : https://maisouvaleweb.fr/toronto-quayside-cite-etat-numerique-etre-democratique/

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