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Les colons israéliens se déchaînent dans les villages de Cisjordanie, tuent deux personnes et en blessent des dizaines d’autres

Les colons israéliens se sont déchaînés pendant deux jours dans la région située au nord-est de Ramallah, lorsqu'un adolescent a été porté disparu vendredi. Ils ont brûlé des (…)

Les colons israéliens se sont déchaînés pendant deux jours dans la région située au nord-est de Ramallah, lorsqu'un adolescent a été porté disparu vendredi. Ils ont brûlé des dizaines de maisons et tué deux Palestiniens, tout en bloquant une dizaine de villages.

Tiré de France Palestine Solidarité. Photo : L'armée israélienne scelle l'entrée du village d'Al-Mughayir, nord-est de Ramallah, empêchant les Palestiniens d'entrer ou sortir, 14 avril 2024 © Quds News Network. Article publié à l'origine dans Mondoweiss.

Les colons israéliens ont tué deux Palestiniens depuis vendredi, lors d'une série d'attaques contre des villages palestiniens dans la région à l'est de Ramallah. Les deux martyrs ont été identifiés comme étant Jihad Abu Alia, 25 ans, du village d'al-Mughayyir, et Omar Hamed, 17 ans, du village de Beitin.

Ces attaques font suite à la disparition d'un jeune colon israélien de 14 ans, vendredi midi, près d'al-Mughayyir, au nord-est de Ramallah.

Les forces israéliennes ont lancé une campagne de recherche dans la région qui s'est poursuivie toute la nuit, bloquant les entrées des villages et tirant des fusées éclairantes tout en faisant voler des drones et des hélicoptères. L'adolescent disparu a été retrouvé mort samedi dans une zone vallonnée entre les villages de Douma et d'al-Mughayyir.

Les attaques des colons, qui ont commencé peu après l'annonce de la disparition de l'adolescent, ont principalement visé al-Mughayyir et se sont ensuite étendues aux villages de Beitin, Sinjel et Douma, le long de la ligne orientale du centre de la Cisjordanie, entre le nord-est de Ramallah et le sud-est de Naplouse.

"Les colons ont commencé à attaquer le village par centaines vers 11 heures du matin, complètement sortis de nulle part ", a déclaré à Mondoweiss Muslim Dawabsheh, résident et responsable des médias à la municipalité de Douma.

"J'ai estimé, à première vue, qu'au moins 600 colons étaient entrés par l'entrée du village, beaucoup portant des armes à feu, et ils ont commencé à tirer, tandis que certains attaquaient les maisons et tentaient d'y mettre le feu ", a décrit Dawabsheh.

"Un homme s'est précipité hors de sa maison pour tenter d'arrêter les colons, mais ceux-ci l'ont poignardé à l'épaule à plusieurs reprises, tandis que d'autres colons ont empêché les camions de pompiers d'entrer dans le village pendant trois heures", a expliqué M. Dawabsheh.

"Un autre groupe de résidents s'est précipité vers une maison où des femmes et des enfants étaient pris au piège et où des colons se trouvaient dans la cour pour briser les fenêtres, mais les colons ont ouvert le feu sur eux et les ont empêchés de s'approcher", a-t-il poursuivi.

"L'attaque a duré huit heures et les colons se sont retirés vers 19 heures. Pendant tout ce temps, l'armée d'occupation était postée sur la route principale et ne faisait que regarder", a-t-il noté.

"J'ai personnellement dénombré 21 maisons et au moins 30 voitures brûlées. Quatre personnes ont été blessées par balle et six par arme blanche, toutes des blessures moyennes", a-t-il ajouté.

En 2015, des colons israéliens ont envahi le village de Douma au cours d'une nuit d'incendie criminel, incendiant deux maisons et tuant Ali Dawabsheh, un enfant de 18 mois. Les parents d'Ali, Riham et Saad Dawabsheh, sont morts de leurs brûlures quelques semaines plus tard, laissant leur fils Ahmad, âgé de 5 ans, seul survivant de la famille.

À Mughayyir, les colons ont attaqué la ville à deux reprises, tuant un habitant du village. Bashir Abu Mousa, habitant de Mughayyir et témoin oculaire, a déclaré à Mondoweiss que "des colons sont arrivés vendredi midi par dizaines de la colonie de Shilo, en haut de la colline. Ils ont d'abord attaqué les fermiers dans la plaine à l'extérieur du village".

"Ils ont ensuite commencé à voler le bétail d'une baraque et lorsque la propriétaire, une femme, a tenté de défendre ses moutons, un colon lui a tiré une balle dans la jambe. Ils se sont ensuite dirigés vers le village", a déclaré M. Abu Mousa.

"Pendant six heures, les colons ont attaqué les gens dans leurs maisons. Un jeune homme, Jihad Abu Alia, qui tentait de défendre sa maison en jetant des pierres depuis son toit, a été tué par un colon", a-t-il ajouté.

"Samedi, les colons sont revenus et ont fait la même chose pendant trois heures, et ils ont même arrêté un camion de pompiers qui tentait d'atteindre des maisons en feu et les ont également incendiées", a-t-il détaillé. "Au total, les colons ont tué un jeune homme à Douma et blessé une cinquantaine de personnes, la plupart aux membres inférieurs, et ont brûlé huit maisons et cinq baraques à bestiaux", a-t-il ajouté.

Pendant ce temps, les colons israéliens ont bloqué plusieurs routes dans l'est de la région de Ramallah, isolant une dizaine de villages de la ville de Ramallah. Des colons auraient attaqué des voitures palestiniennes à coups de pierres, obligeant les transports publics à s'arrêter pendant la majeure partie de la journée de samedi.

Les attaques des colons israéliens contre les zones rurales palestiniennes se sont multipliées depuis le 7 octobre. Selon la campagne palestinienne Stop The Wall, quelque 25 communautés rurales palestiniennes ont été complètement dépeuplées par les colons israéliens.

Avec l'assassinat de Jihad Abu Alia et d'Omar Hamed, le nombre de Palestiniens tués par les forces israéliennes ou les colons en Cisjordanie occupée depuis le 7 octobre s'élève à 465.

Traduction : AFPS

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Etats-Unis. Elon Musk et Jeff Bezos veulent vider de sa substance la loi sur les relations de travail datant de 1935

16 avril 2024, par John Nichols — , ,
Elon Musk déteste les syndicats, avec une ardeur intense qui l'a rendu délirant. Fin novembre, lors d'un sommet du New York Times DealBook, où les aspirants-riches se (…)

Elon Musk déteste les syndicats, avec une ardeur intense qui l'a rendu délirant. Fin novembre, lors d'un sommet du New York Times DealBook, où les aspirants-riches se réunissent pour recevoir les conseils des vrais riches, le PDG de Tesla a expliqué : « Je ne suis pas d'accord avec le principe des syndicats… Je n'aime tout simplement pas ce qui crée une sorte de situation de système féodal de seigneurs et de paysans [impliquant des obligations mutuelles]. » Dans la même échange, Musk – un méga-milliardaire qui, en 2018, a menacé de supprimer les options d'achat d'actions des travailleurs de Tesla s'ils s'organisaient pour exercer leurs droits de négociation collective – a déclaré : « Je pense que les syndicats essaient naturellement de créer de la négativité au sein d'une entreprise. »

11 avril 2024 | tiré du site alencontre.org
https://alencontre.org/ameriques/americnord/usa/etats-unis-elon-musk-et-jeff-bezos-veulent-vider-de-sa-substance-la-loi-sur-les-relations-de-travail-datant-de-1935.html

Lorsque le deuxième homme le plus riche du monde se plaint que le fait de donner aux salariés la possibilité de s'exprimer sur leur lieu de travail engendre de la négativité et « une sorte de relations de type féodal », nous sommes vraiment de l'autre côté du miroir. (Voir le nouveau reportage de Bryce Covert sur le racisme, le sexisme et d'autres abus sur le lieu de travail qui sévissent dans les usines de Tesla, dans The Nation du 9 avril 2024).

Mais Musk est loin d'être le premier industriel milliardaire à péter les plombs à l'idée de devoir traiter les travailleurs et travailleuses avec le respect qu'exige la loi. Malheureusement, ce milliardaire ne se contente pas de fulminer. Il est désormais devant la justice pour contester la législation du New Deal qui a créé le National Labor Relations Board-NLRB (Conseil national des relations de travail), avec une action en justice opportunément engagée avant que le NLRB n'adresse à sa société SpaceX, fin mars, une plainte pour pratiques déloyales de travail. Si Musk parvient à ses fins, ce projet visant à vider de sa substance le National Labor Relations Act de 1935 pourrait déstabiliser un large éventail d'agences fédérales chargées de l'application des lois régissant un ensemble allant de la sécurité sur le lieu de travail aux conditions environnementales.

« C'est une menace sérieuse, très sérieuse », a déclaré Sara Nelson, présidente internationale de l'Association of Flight Attendants-CWA [syndicat représentant les agents de bord, membres des Communications Workers of America, affiliés à l'AFL-CIO] à The Nation. Ce qui la rend si sérieuse, c'est la stratégie juridique de Musk, qui s'appuie sur la même logique de pensée que celle qui anime les mémos de la Federalist Society [organisation de droite conservatrice qui préconise une interprétation rigoriste et originaliste de la Constitution] et les plans de campagne de Donald Trump et de Steve Bannon pour la « déconstruction de l'Etat administratif ». La stratégie de Musk a bénéficié du soutien juridique d'autres entreprises milliardaires briseuses de syndicats, dont Amazon de Jeff Bezos, Starbucks et Trader Joe's [chaîne de supermarchés].

Dans plusieurs affaires judiciaires, les avocats d'Elon Musk ont fait valoir que le NLRB – l'agence fédérale indépendante qui (pour citer l'agence elle-même) « protège les droits de la plupart des employés du secteur privé à s'associer, avec ou sans syndicat, pour améliorer leurs salaires et leurs conditions de travail » – n'a pas le pouvoir de contrôler ses manœuvres antisyndicales. La plus sérieuse de ces contestations, une plainte déposée au Texas au début de l'année par les avocats de SpaceX, affirme que les procédures d'application du NLRB violent le droit constitutionnel de l'entreprise à un procès avec jury [procédure judiciaire dans laquelle le jury prend une décision ou établit des conclusions de fait]. L'action en justice affirme également que les restrictions relatives à la révocation des membres du conseil d'administration et des juges administratifs du NLRB – qui les préservent de toute interférence politique en cas de changement d'administration – violent la disposition de la Constitution relative à la séparation des pouvoirs.

La constitutionnalité du National Labor Relations Act a déjà été contestée par le passé et les tribunaux ont généralement ignoré les arguments spécieux des employeurs antisyndicaux. Comme le rappelle l'ancien secrétaire au travail Robert Reich, dans la plus célèbre de ces décisions – l'arrêt rendu en 1937 par la Cour suprême des Etats-Unis dans l'affaire NLRB vs Jones & Laughlin Steel Corp. – le président de la Cour suprême, Charles Evans Hughes, candidat républicain à l'élection présidentielle contre Woodrow Wilson, a estimé que le Congrès avait le pouvoir constitutionnel d'approuver la loi et d'établir le NRLB pour en faire respecter les dispositions. Aujourd'hui, ajoute Robert Reich, « les barons du négoce des temps modernes, Jeff Bezos et Elon Musk, veulent que la Cour suprême revienne sur sa décision de 1937 et ramène l'Amérique à une époque où les travailleurs n'avaient pas encore le droit de se syndiquer ».

Musk et Bezos pourraient être considérés comme des morts en sursis qui reprennent des batailles perdues depuis longtemps contre Franklin D. Roosevelt (FDR) et le New Deal, si ce n'est que Charles Evans Hughes a été remplacé par un juge comme Samuel Alito, un zélateur antisyndical qui ne cache pas sa détermination à renverser les protections des travailleurs et de leurs syndicats. La Cour suprême moderne a déjà sapé les syndicats qui représentent les travailleurs du secteur public, notamment avec l'arrêt Janus vs American Federation of State, County, and Municipal Employees de 2018 [jurisprudence du droit du travail concernant le droit des syndicats à percevoir des cotisations auprès de non-membres afin de pouvoir conduire matériellement des négociations collectives]. Quelqu'un doute-t-il sérieusement que la majorité de la Cour suprême actuelle souhaite rendre plus difficile pour les travailleurs du secteur privé de s'organiser, de négocier et de s'engager politiquement ? Sara Nelson n'a pas de doute à ce sujet. Elle indique que Samuel Alito [nommé par George W. Bush en 2006] « construit le dossier pour cela depuis des années ». Depuis 2012, lorsqu'il a rédigé l'opinion majoritaire dans l'affaire Knox vs Service Employees International Union, Samue Alito a établi un modèle de plaidoyer qui suggère que lui – et probablement ses collègues conservateurs – sont à la recherche d'affaires susceptibles d'affaiblir un mouvement syndical qui se réaffirme.

Musk et Bezos sont animé d'une animosité anti-syndicale et disposent des ressources des milliardaires pour mener cette bataille juridique pendant des années, et potentiellement pour l'amener devant la Cour suprême. Ils pourraient se heurter à un tribunal de première instance ou à une division parmi les conservateurs de la Cour suprême. Mais le démocrate Mark Pocan, coprésident du Congressional Labor Caucus et l'un des rares membres de syndicats cotisants à la Chambre des représentants, déclare : « Il s'agit d'une menace énorme, car Musk et Bezos […] tentent de passer par les tribunaux plutôt que par le processus législatif. S'ils y parviennent, ils pourraient causer des dommages incroyables aux droits des travailleurs. »

Si la Cour suprême devait invalider la loi nationale sur les relations de travail, affirme Mark Pocan, un Congrès motivé pourrait promulguer de nouvelles protections pour les travailleurs et travailleuses et pour les syndicats, et le Sénat pourrait combler les sièges devenus vacants des juges par des juges favorables aux travailleurs. Mais pour cela, il faudrait que les démocrates favorables aux travailleurs contrôlent la Chambre des représentants, le Sénat et la présidence. « C'est une raison supplémentaire pour laquelle les élections de 2024 sont importantes », explique Mark Pocan. « Si nous n'avons pas de membres du Congrès prêts à rédiger des règles qui protègent les travailleurs et des membres du Sénat prêts à confirmer les juges qui respectent les droits des travailleurs, ces milliardaires pourraient arriver à leurs fins. » (Article publié dans The Nation le 9 avril 2024 ; traduction rédaction A l'Encontre)

John Nichols est correspondant pour The Nation. Son dernier ouvrage, coécrit avec le sénateur Bernie Sanders, est le best-seller du New York Times intitulé It's OK to Be Angry About Capitalism (C'est normal d'être en colère contre le capitalisme).

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Etats-Unis-Palestine. Le plus grand organisme médical des Etats-Unis restera-t-il silencieux après la destruction d’Al-Shifa ?

Le 25 mars, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté une résolution pour un cessez-le-feu immédiat à Gaza pour le mois de Ramadan. Maintenant que le président Joe (…)

Le 25 mars, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté une résolution pour un cessez-le-feu immédiat à Gaza pour le mois de Ramadan. Maintenant que le président Joe Biden aurait dit au Premier ministre Benyamin Netanyahou qu'il souhaitait un « cessez-le-feu immédiat », l'Association médicale américaine (AMA-American Medical Association) va-t-elle enfin soutenir un appel à un cessez-le-feu permanent et à la fourniture immédiate d'une aide humanitaire et médicale aux milliers de blessés, y compris aux travailleurs de la santé à Gaza ?

9 avril 2024 | tiré du site alencontre.org | Photo : L'hôpital Al-Shifa, 2 avril 2024.
https://alencontre.org/ameriques/americnord/usa/etats-unis-palestine-le-plus-grand-organisme-medical-des-etats-unis-restera-t-il-silencieux-apres-la-destruction-dal-shifa.html

L'AMA est l'organisme médical le plus important et le plus puissant des Etats-Unis. Elle est « engagée dans des domaines précis d'activité internationale », sous la direction du Bureau des relations internationales. Par exemple, l'AMA travaille avec d'autres pays pour comprendre comment ils structurent leurs systèmes de soins de santé et s'attaquent à des problèmes tels que la pénurie de médecins et les disparités en matière de santé. Cependant, depuis le 7 octobre, l'AMA est restée silencieuse face aux demandes des médecins qui réclament un cessez-le-feu permanent et une condamnation des attaques contre les structures de santé et de l'assassinat de centaines de travailleurs de la santé à Gaza.

Dans une déclaration de novembre prônant la neutralité médicale, l'AMA a ignoré un certain nombre de ses politiques existantes qui lui permettent de défendre les travailleurs et travailleuses de la santé. L'une de ces positions politiques condamne par exemple « le ciblage militaire des établissements et du personnel de santé et l'utilisation du non-respect des services médicaux comme arme de guerre, par quelque partie que ce soit, où et quand cela se produit ».

Selon la mise à jour de la situation d'urgence de l'Organisation mondiale de la santé du 2 avril, Israël a mené 435 attaques contre des structures sanitaires à Gaza, ciblant les hôpitaux et les travailleurs et travailleuses de la santé (médecins, infirmières et personnel paramédical) et laissant 28% des hôpitaux partiellement fonctionnels et seulement 30% des centres de soins primaires fonctionnels. En outre, 722 travailleurs de la santé ont été tués, 902 blessés lors d'attaques et 118 travailleurs de la santé ont été détenus ou arrêtés.

Israël continue de bloquer l'aide des Nations unies à Gaza et d'empêcher l'acheminement de fournitures essentielles, notamment de nourriture et de matériel médical. En l'absence d'installations de soins de santé pleinement opérationnelles, on estime à 8000 le nombre de patients qui doivent être évacués de Gaza pour des raisons médicales, dont 6000 patients souffrant de traumatismes. La classification intégrée des phases de la sécurité alimentaire (Integrated Food Security Phase Classification), une norme scientifique internationalement reconnue et une initiative multipartenaires qui détermine la gravité et l'ampleur de l'insécurité alimentaire aiguë et chronique et de la malnutrition dans un pays, a récemment mis en garde contre l'imminence d'une famine à Gaza, avec des conséquences immédiates et à long terme sur la santé [voir sur ce site l'article publié le 26 mars 2024]. L'Organisation mondiale de la santé a déjà signalé que 28 enfants étaient morts de malnutrition. Alex De Waal, directeur exécutif de la World Peace Foundation, a déclaré : « Nous sommes sur le point d'assister à Gaza à la famine la plus intense depuis la Seconde Guerre mondiale. »

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Après deux semaines d'opérations intensives sur Al-Shifa, le plus grand hôpital du nord de Gaza, Israël a laissé lundi l'établissement dans un état de ruine effroyable, avec des centaines de corps, y compris ceux du personnel médical, éparpillés dans l'hôpital. « Il n'est plus en mesure de fonctionner comme un hôpital, sous quelque forme que ce soit… Détruire Al Shifa, c'est arracher le cœur du système de santé », a déclaré Margaret Harris, la représentante de l'OMS.

« Si l'on veut supprimer le système de santé, on en supprime le cœur battant [l'hôpital Al Shifa] », a déclaré Tanya Haj-Hassan, pédiatre spécialisée dans les soins intensifs à Gaza. Le 1er avril, des frappes aériennes israéliennes ont tué sept travailleurs humanitaires de la World Central Kitchen, lors d'une attaque ciblée, en plein milieu de la famine provoquée par l'homme (voir sur ce site l'article d'Amira Hass).

Israël s'en prend au cœur battant de Gaza.

L'AMA a toujours soutenu la neutralité médicale ; cependant, en avril 2022, la déclaration de l'AMA était très différente en réponse aux attaques russes sur les travailleurs et travailleuses de la santé en Ukraine : « L'AMA est indignée par l'assaut brutal de l'armée russe en Ukraine, et nous nous joignons à l'Association médicale mondiale et à nos autres partenaires internationaux pour demander un cessez-le-feu immédiat et la fin de toutes les attaques contre les travailleurs et les installations de santé. » En outre, l'AMA a publié un document d'orientation politique sur l'aide humanitaire et médicale à l'Ukraine afin d'améliorer les résultats pour les personnes touchées par la guerre.

La fondation de l'AMA a fourni une aide de 100 000 dollars à l'Ukraine en 2022, « pour fournir des fournitures médicales indispensables, telles que des médicaments, des kits d'hygiène et des EPI de base, ainsi que du personnel de santé dans certaines des régions les plus durement touchées ».

Pourquoi l'AMA ne s'indigne-t-elle pas de la même manière des attaques menées depuis des décennies par Israël contre le système de santé de Gaza ou des restrictions systématiques imposées par Israël à l'entrée et à la distribution de l'aide humanitaire, de l'eau potable et de l'électricité ? L'AMA accorde-t-elle plus d'importance aux vies ukrainiennes qu'aux vies palestiniennes ? Pourquoi l'AMA utilise-t-elle une approche à deux vitesses pour « ne pas faire de tort » (Do No Harm) [1] ? L'hypocrisie de l'AMA dans son application de la « neutralité médicale » est honteuse et ne représente pas la communauté médicale qu'elle prétend représenter.

Healthcare Workers for Palestine, un groupe de professionnels de la santé solidaires du peuple palestinien et dénonçant la violence israélienne, manifeste depuis octobre dans tout le pays et à Chicago devant le bâtiment de l'AMA pour exiger que l'AMA se joigne à d'autres organisations sanitaires et humanitaires, dont Médecins sans frontières et l'Organisation mondiale de la santé, pour réclamer un cessez-le-feu permanent à Gaza et fournir une aide humanitaire immédiate. Ils ont appelé et transmis des données aux personnels de la santé pour qu'ils demandent un cessez-le-feu à l'AMA ; ils ont organisé des séances d'information sur le thème « Do No Harm : l'apartheid médical en Palestine » ; et ils ont rédigé des déclarations de solidarité. L'AMA a répondu par le silence, et le silence est synonyme de complicité.

Bien que la neutralité médicale soit cruciale pour les professions de santé, nous avons un impératif moral, en tant que professionnels de santé, de nous engager dans l'activisme politique face à une longue histoire de violation des droits de l'homme, de récits déshumanisants, de génocide et de crimes de guerre commis par Israël. Un récent article d'opinion publié dans le British Medical Journal (BMJ, 2 avril 2024) par des membres de Health Justice Initiative et du People's Health Movement a exhorté la communauté mondiale de la santé à demander un cessez-le-feu immédiat et une aide humanitaire sans restriction à Gaza. « Si nous restons silencieux, les inégalités que nous sommes censés combattre dans notre travail seront exacerbées – et cela ne fera que rendre la communauté mondiale de la santé complice de la souffrance de la population de Gaza », affirment Fatima Hassan et ses collègues.

J'exhorte l'AMA et les autres professions de santé, telles que l'American Nurses Association et l'American Psychological Association, à rompre leur silence complice et à appliquer leurs principes moraux et éthiques pour défendre l'humanité et lutter pour la sécurité, la dignité et les droits du peuple palestinien. J'invite tous les professionnels de la santé à faire de même. (Article publié sur le site Truthout le 9 avril 2024 ; traduction rédaction A l'Encontre)

Sarah Abboud est professeure adjointe à la University of Illinois Chicago College of Nursing.


[1] La formule « Do no harm » – ne pas faire de tort, ne pas nuire – renvoie de la part de l'aide humanitaire à un essai de monitorage de leurs activités ayant pour but d'éviter d'aggraver le climat d'instabilité et de violence. (Réd.)

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Un « wake-up call » ou un appel à la répression ?

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2024/04/8460986567_457ea2396d_b-1324602852.jpg15 avril 2024, par L'Étoile du Nord
En 2023, un rapport secret de la police atterrit sur le bureau de Justin Trudeau, donnant à son café du matin le goût amer de la réalité. Intitulé « Whole-of-Government (…)

En 2023, un rapport secret de la police atterrit sur le bureau de Justin Trudeau, donnant à son café du matin le goût amer de la réalité. Intitulé « Whole-of-Government Five-Year Trends for Canada », ce document, dévoilé en mars 2024 grâce à la loi sur l'accès à l'information, résonne comme un (…)

L’autoroute A20 et son pont

14 avril 2024, par Marc Simard
L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local Le groupe « Le pont de la 20, ça tient pas debout » a invité la population à se mobiliser à nouveau contre le projet (…)

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local Le groupe « Le pont de la 20, ça tient pas debout » a invité la population à se mobiliser à nouveau contre le projet de prolongement de l’autoroute 20 entre Notre-Dame-des-Neiges et Rimouski au Bas-Saint-Laurent le samedi 6 avril 2024. Le (…)

Penser politiquement les mutations du capitalisme à l’ère de l’intelligence artificielle

14 avril 2024, par Rédaction

La plupart des écrits qui abordent la question de l’intelligence artificielle à l’heure actuelle, qu’ils soient critiques ou apologétiques, ont la fâcheuse tendance à réifier le caractère inédit d’une nouvelle forme de capitalisme, tantôt qualifié d’informationnel, de numérique, de surveillance ou d’algorithmique, qui serait induite par l’exploitation massive des données numériques. En n’expliquant pas comment ces transformations s’inscrivent dans la continuité avec les dynamiques structurelles plus larges du capitalisme de l’après-guerre, que j’ai qualifiées ailleurs de « révolution culturelle du capital[1] », ces analyses participent bien souvent à leur insu à la dépolitisation de la technique et de l’économie, ce qui empêche de penser les conditions de la possibilité d’un dépassement de la logique de domination dépersonnalisée inscrite dans la configuration même de l’intelligence artificielle. Dans cet article, je soutiens que si la critique de l’économie politique s’avère essentielle pour comprendre les développements de l’intelligence artificielle, il est nécessaire de dépasser son cadre d’analyse strictement économiciste afin de saisir les transformations qualitatives opérées dans le mode de reproduction des sociétés capitalistes avancées qui sont générées par la logique cybernétique de régulation sociale au fondement de l’intelligence artificielle.

L’intelligence artificielle, une forme de technologie spécifiquement capitaliste

Afin de réfléchir politiquement à l’intelligence artificielle, il convient d’emblée d’adopter une posture critique à l’endroit de la technique en elle-même. L’idéologie libérale dominante postule que la technique est neutre, c’est-à-dire qu’elle ne serait pas modelée par les rapports sociaux et qu’elle participerait au progrès des sociétés de manière évolutive et linéaire suivant l’adage selon lequel « comme on ne peut pas arrêter le progrès, il faut s’y adapter, en faisant un usage éthique et responsable d’une intelligence artificielle inclusive et respectueuse de la diversité ». Ce prêt-à-penser qui agit comme un discours de légitimation des transformations contemporaines du capitalisme fait l’impasse sur la nature de la technique. Celle-ci n’est pas neutre, elle exprime plutôt des rapports sociohistoriques de domination, bref, c’est de l’idéologie matérialisée.

Suivant cette posture critique, il convient donc d’historiciser l’émergence de l’intelligence artificielle dans la continuité des premiers travaux du domaine de la cybernétique qui apparaissent dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale. Derrière l’apparente neutralité de cette nouvelle science du contrôle et de la communication, on retrouve le financement du complexe militaro-industriel américain qui cherchait à développer une conception technocratique et dépolitisée de régulation sociale face à la montée de l’attrait pour le socialisme dans les pays périphériques[2]. En plus de la révolution cybernétique, les développements contemporains de ce que certains nomment le capitalisme de surveillance ou de plateforme tirent également leur origine de la révolution managériale[3] qui est concomitante à l’avènement de la corporation, ou société anonyme par actions, comprise comme la forme institutionnelle prédominante du capitalisme avancé[4]. Cette mutation institutionnelle est fondamentale puisque la médiation des rapports sociaux au moyen du marché est remplacée par le contrôle communicationnel exercé par la corporation sur son environnement interne (les employé·es) et externe (les consommateurs·trices, les États, les autres firmes). En effet, le management se base sur le postulat cybernétique selon lequel l’organisation est un système de circulation et de contrôle de l’information qui permet sa reproduction élargie[5]. Les critiques du capitalisme de surveillance comme Zuboff[6] oublient généralement de situer historiquement cette « nouvelle » forme de capitalisme. En effet, l’émergence de la corporation au début du XXe siècle va modifier substantiellement la régulation de la pratique sociale en ce qu’il s’agira désormais de modifier les attitudes des individus afin d’arrimer la dynamique de surproduction du système industriel à celle de la surconsommation[7]. C’est en effet à cette époque que le marketing développera les techniques de surveillance des individus et de captation de l’attention qui sont à l’origine des outils de profilage des comportements des consommateurs utilisés par les géants du numérique (GAFAM). À côté de la publicité et du secteur financier, les premiers développements dans le domaine de l’intelligence artificielle tout comme l’ancêtre de l’Internet, ARPANET, s’expliquent par la nécessité d’absorber le surplus de valeur généré par la suraccumulation capitalistique des grandes corporations au moyen des dépenses publiques dans le domaine militaire afin de maintenir la croissance économique[8]. Le complexe militaro-industriel devrait en ce sens être rebaptisé « national-security, techno-financial, entertainment-surveillance complex[9] » (sécurité nationale, techno-financière, divertissement-surveillance) puisqu’il exprime la spécificité de l’impérialisme américain de l’après-guerre qui, en prenant appui sur la cybernétique, ne vise pas uniquement à exporter ses capitaux, mais également à étendre le modèle de la société machinique américaine à l’ensemble de la planète.

Intelligence artificielle et transformations institutionnelles du capitalisme avancé

Il faut donc éviter de tomber dans le piège dans lequel sont tombés plusieurs commentateurs depuis les mirages de la nouvelle économie à la fin des années 1990 selon lequel l’économie numérique serait propulsée par une nouvelle logique d’accumulation axée sur le savoir, les données numériques ou encore les algorithmes. En réalité, cette « nouvelle » logique d’accumulation remonte au début du XXe siècle avec l’avènement de la corporation. C’est l’économiste institutionnaliste Thorstein Veblen qui fut le premier à analyser les conséquences du passage d’un capitalisme libéral vers le capitalisme dit avancé[10]. Dans ce contexte, l’accumulation du capital ne s’effectue plus au moyen de la concurrence par les prix, mais plutôt au moyen de pratiques rentières de prédation de la valeur qui s’appuient sur l’exploitation d’actifs dits intangibles, c’est-à-dire par des droits de propriété intellectuelle, des brevets, des marques de commerce, des fusions et acquisitions, des alliances stratégiques avec d’autres entreprises, ou encore par des ententes formelles et informelles avec les gouvernements[11]. Au sein des sociétés capitalistes avancées, les principes de concurrence dans le cadre d’un marché autorégulé sont remplacés par la capacité de contrôle sur l’économie et l’ensemble de la société opérée par les grandes organisations corporatives. En clair, le marché est remplacé par la planification au sein des corporations dont le pouvoir repose sur leur capacité de capitaliser des flux de revenus futurs dans les marchés financiers.

Relativement marginaux au début du XXe siècle, les actifs intangibles représentent à l’heure actuelle 95 % de la valeur des cinq plus grandes corporations cotées en bourses, c’est-à-dire les GAFAM[12]. En ce sens, la spécificité du capitalisme contemporain ne repose pas tant sur l’émergence d’une nouvelle forme de « travail digital », immatériel ou cognitif, ou encore sur une nouvelle forme de marchandise prédictive produite par des algorithmes, mais plutôt sur la valorisation financière d’une nouvelle classe d’actifs intangibles que sont les données numériques. Le pouvoir de capitalisation des géants du numérique s’appuie sur l’appropriation de la valeur qui provient de l’économie productive, c’est-à-dire le travail abstrait en langage marxien, lequel est produit à l’extérieur des frontières légales de ces corporations. En termes marxiens, la valeur d’une marchandise correspond à la représentation du temps de reproduction de la force de travail[13]. Selon cette acception, il ne fait aucun sens de parler de valeur d’un produit de la connaissance, tel que l’information, les données numériques ou les algorithmes, puisque le temps de reproduction d’une connaissance tend vers zéro. Ainsi, la logique d’accumulation rentière du capitalisme numérique consiste à restreindre l’accès à la connaissance commune qui est produite socialement en vue d’en faire un actif intangible, ce qui signifie qu’elle consiste à s’approprier la valeur qui est produite à l’extérieur de l’entreprise[14].

La montée en puissance des plateformes numériques s’inscrit dans le contexte de la financiarisation de l’économie, où les normes de la valeur actionnariale ont imposé des rendements excessifs et court-termistes aux corporations; ces dernières ont été contraintes de sous-traiter une partie de leurs activités les plus risquées, notamment celles de recherche et développement. C’est dans ce contexte également qu’une série de politiques de dérèglementations complémentaires au sein des secteurs de la finance, des communications et de la recherche a permis de transformer la connaissance en actifs financiers pouvant être capitalisés dans la sphère financière. La loi Bay-Dohle aux États-Unis est considérée comme l’acte fondateur de cette « nouvelle économie du savoir » en ce qu’elle a permis de commercialiser sous forme de brevets la recherche financée publiquement, une pratique qui était interdite auparavant en vertu des principes de la science ouverte[15]. De manière concomitante, les politiques de dérèglementation des fonds de pension américains ont permis à ces derniers d’investir dans des firmes qui ne déclaraient aucun revenu, mais qui possédaient de nombreux actifs intangibles[16], ce qui a nourri la gigantesque bulle spéculative qui a éclaté lors du krach de la nouvelle économie en 2000. Dans le secteur des communications, les politiques de dérèglementation ont permis la convergence des médias avec les firmes technologiques, pavant la voie à la création de l’oligopole du numérique dominé par les GAFAM[17].

Si la propriété intellectuelle était au cœur de la première phase de déploiement de l’économie numérique (1990-2000), c’est plutôt la question des données numériques qui surgira comme nouvelle source de valorisation à la suite de la crise financière de 2008[18]. En effet, les grandes plateformes ont développé un modèle d’affaires consistant à transformer les données personnelles en un actif intangible qui est valorisé dans la sphère financière[19]. Cette dynamique économique rentière permet aux plateformes de s’approprier la valeur générée par l’économie productive, participant ainsi à la consolidation des monopoles de la connaissance transnationaux[20]. Comme la rente consiste essentiellement en une construction institutionnelle, la production d’un discours qui prend la forme d’une convention d’interprétation est nécessaire afin de fonder la confiance des investisseurs financiers. L’emballement médiatique entourant la révolution instaurée par l’intelligence artificielle générative rendue possible au moyen des algorithmes d’apprentissage automatique (machine learning) et d’apprentissage profond (deep learning)[21] doit être compris comme un discours produit par la communauté financière visant à nourrir l’espoir que les revenus futurs de ce secteur seront suffisamment élevés pour justifier l’investissement[22].

La puissance des GAFAM repose donc sur leur capacité à quantifier l’inquantifiable – les sentiments humains, l’amour, le jugement, la créativité, etc. – pour ainsi transformer l’ensemble de la vie sociale en flux de revenus futurs qu’ils sont en mesure de s’approprier. Les GAFAM usent de diverses stratégies extraéconomiques afin de transférer de la survaleur provenant d’autres secteurs de l’activité productive dans une dynamique rentière et à restreindre l’accès aux flux de revenus à d’autres capitalistes subordonnés. En effet, la production physique des biens n’est plus la principale source de profits pour ces entreprises; celles-ci ont recours à la sous-traitance vers des firmes subordonnées dont les travailleuses et les travailleurs sont surexploités. Elles misent plutôt sur le contrôle de l’accès à l’information et à la connaissance, que ce soit par les services infonuagiques, l’accès aux profils des utilisatrices et utilisateurs pour la vente de publicité ou encore l’accès à leurs logiciels de traitement automatisé des données numériques.

Les stratégies politiques de capitalisation des GAFAM sont nombreuses, allant de 1) l’accumulation sur les actifs immatériels (brevets, données transformées en actifs); 2) des stratégies politiques visant à influencer les lois en leur faveur (lobbying, évitement fiscal, etc.); 3) une logique de subordination des entreprises sous-traitantes; 4) et le contrôle d’un écosystème de la recherche et développement financé à même les fonds publics. En résumé, les géants du numérique ont mis en place une chaine globale d’appropriation de la valeur qui prend la forme d’un écosystème corporatif d’innovation qui leur permet de socialiser les risques et de privatiser les profits.

La dissolution de la société dans la régulation algorithmique du social

Comme je l’ai souligné précédemment, pour penser politiquement l’intelligence artificielle, il est nécessaire d’interroger l’idéologie qui est sous-jacente au développement des entreprises numériques afin de dépasser l’analyse strictement économique qui ne permet pas de saisir les transformations qualitatives qui se sont opérées dans le mode de régulation des sociétés capitalistes avancées dans leur ensemble. L’histoire des sciences et des technologies montre que derrière le développement des algorithmes autoapprenants qui permettent aux plateformes de collecter les données numériques, de les traiter et de les modéliser à des fins d’anticipation des comportements, on retrouve une conception de l’individu et de la société qui s’inspire des thèses de l’économiste néolibéral Friedrich Hayek. En effet, les algorithmes utilisés par les plateformes numériques s’appuient sur le modèle des réseaux de neurones développé par le psychologue Frank Rosenblat dans les années 1950 dont l’une des principales sources d’inspiration est la pensée d’Hayek[23]. L’apport fondamental d’Hayek à la pensée économique fut de redéfinir le marché à partir des postulats de la cybernétique. Il comparera le marché à un système de transmission de l’information semblable à un algorithme auquel les individus, eux-mêmes redéfinis comme des processeurs informationnels, doivent rétroagir[24]. Sur le plan politique, l’argumentaire d’Hayek visait explicitement à démontrer l’impossibilité théorique de la planification de type socialiste. Reconnaitre l’existence d’une entité nommée « société » qui transcenderait les individus conduirait selon lui à reconnaitre la possibilité du socialisme. Selon Hayek, toute tentative de saisir l’ensemble de la réalité sociale et économique en vue d’effectuer une quelconque forme de planification allait mener inévitablement au totalitarisme puisqu’il serait impossible de connaitre les savoirs tacites qui sont détenus par les acteurs individuels. On retrouve également l’influence hayékienne chez l’un des pionniers de l’intelligence artificielle dite symbolique, Herbert Simon, pour qui le principal objectif de l’intelligence artificielle est d’incorporer la rationalité idéalisée de l’entrepreneur capitaliste telle qu’on la retrouve dans les théories économiques néoclassiques[25]. En bon disciple du père du management, Frederick Winslow Taylor, pour qui il fallait fragmenter l’activité des travailleurs manuels afin de mieux les contrôler, Simon conceptualisera l’intelligence artificielle comme la décomposition du processus de prise de décision dans une organisation en vue de le rendre plus efficient dans le contexte où il est impossible d’avoir accès à l’ensemble des informations dans un environnement complexe. Dans sa théorisation de l’intelligence artificielle, Simon reprend donc la conception de la rationalité limitée des acteurs économiques qui avait été développée par Hayek dans le cadre de son débat sur le calcul socialiste où il voulait montrer la supériorité du marché face à la planification. Selon Simon, au contraire d’Hayek, une certaine forme de centralisation du pouvoir et de planification est nécessaire dans le cadre d’une économie dominée par les grandes organisations corporatives et il est possible d’effectuer celle-ci grâce à l’intelligence artificielle.

La nouvelle forme de contrôle social théorisée par les technocrates néolibéraux qui ont développé l’intelligence artificielle s’inscrit dans le passage du paradigme politique du gouvernement vers la conception technocratique de la gouvernance algorithmique. Le terme cybernétique provient du mot grec kubernêtes, qui signifie « pilote » ou « gouvernail »; il possède la même racine étymologique que celui de gouvernance. La gouvernance algorithmique correspond à une transformation sociétale fondamentale, que j’ai qualifiée de « révolution culturelle du capital », puisqu’elle repose sur le postulat néolibéral selon lequel « la société n’existe pas ». Si la société n’existe pas, les grandes organisations corporatives n’existeraient également pas, on ne pourrait donc pas les critiquer. Il n’existerait qu’un système composé d’un ensemble d’individus atomisés conçus comme des processeurs informationnels que l’on peut programmer. La gouvernance algorithmique décrit ainsi une nouvelle manière de gouverner propre aux sociétés capitalistes avancées qui consiste à mettre en place des mécanismes de pilotage et de décisions automatisés grâce à une mise en données du réel. La spécificité de la gouvernance algorithmique repose sur le postulat voulant qu’au moyen de l’accumulation, de l’analyse et du traitement d’une gigantesque quantité de données (les big data), il soit possible d’anticiper les évènements avant qu’ils surviennent. Grâce à l’accumulation et au traitement de ces données, il ne serait plus nécessaire de connaitre les causes des problèmes sociaux, comme le prétendait le paradigme politique du gouvernement; il s’agirait plutôt d’agir de manière préemptive sur le réel afin d’empêcher toute transformation structurelle de la société. La gouvernance algorithmique vient ainsi court-circuiter l’ensemble des médiations politiques qui avaient pour ambition d’instituer politiquement des finalités normatives communes en vue de l’émancipation collective. S’appuyant sur une logique d’hyperpersonnalisation, la gouvernance algorithmique a ainsi la prétention de produire une norme qui colle immédiatement à chacun des individus[26]. Il s’agit de la réalisation en acte du fantasme postmoderne d’un monde sans représentation commune de la réalité. C’est la possibilité de débattre de l’écart entre la norme et le fait, donc le fondement même du politique qui est anéanti dans le cadre d’une nouvelle dictature de l’état de fait qui vise à assurer le maintien du statu quo.

L’idéal d’autogestion qu’on retrouvait au cœur de l’idéologie californienne[27], laquelle a légitimé la montée en puissance des géants du numérique s’est ainsi mutée en egogestion, c’est-à-dire en gestion techno-bureaucratique d’individus particularisés qui, bien qu’émancipés des institutions sociales, se trouvent toujours plus dépendants de la capitalisation de leur existence[28]. En ce sens, en plus de constituer un lieu d’accumulation du capitalisme financiarisé, les plateformes numériques peuvent être considérées comme des dispositifs néolibéraux de subjectivation. Leur configuration réticulaire permet aux usagères et aux usagers de quantifier leurs activités et celles des autres, notamment en comparant leur popularité en fonction du nombre de contacts accumulés, participant ainsi à l’intégration de la rationalité cybernétique et néolibérale dans leur vie quotidienne. Les plateformes de type GAFAM ‒ en offrant des services personnalisés aux individus egogrégaires qui refusent d’adhérer à une quelconque forme de culture commune ‒ viennent court-circuiter le pouvoir des institutions politiques sous prétexte que la prise en charge des problèmes sociaux (en santé, environnement, culture, éducation, etc.) par les algorithmes est plus efficace que les services publics.

Penser un monde postcapitaliste et postnumérique

En résumé, la stratégie de prédation des plateformes numériques consiste en ce que David Harvey nomme une accumulation par dépossession[29]. En effet, les GAFAM investissent massivement à l’heure actuelle dans les domaines qui sont considérés comme relevant des services publics ou du bien commun, notamment, la culture, la santé et l’éducation[30]. L’introduction des technologies numériques et de l’intelligence artificielle dans ces secteurs vise à transformer l’ensemble de l’activité sociale en données qui deviendront des actifs sur lesquels les géants technologiques pourront ponctionner une rente. C’est pourquoi le combat pour la défense des services publics doit impérativement être lié à une opposition farouche face à la numérisation généralisée du monde.

Pour penser politiquement une sortie du capitalisme à l’ère numérique, il faut se défaire de la conception fallacieuse selon laquelle il suffirait de mettre en place des règles éthiques afin d’encadrer l’usage de l’intelligence artificielle afin que l’innovation technologique soit plus équitable, plus représentative de la diversité et plus inclusive. L’intelligence artificielle est une technologie spécifiquement capitaliste en ce qu’elle est le produit du « national-security, techno-financial, entertainment-surveillance complex ». L’intelligence artificielle correspond à l’aboutissement de la logique d’abstraction et de quantification de l’activité humaine qu’on retrouve au fondement de la domination dépersonnalisée du capitalisme. Comme la marchandise, la technique moderne agit comme un fétiche, c’est-à-dire qu’elle fait écran. L’intelligence artificielle masque les immenses flux d’énergie humaine et naturelle nécessaires à son fonctionnement, elle fait donc écran sur le fait que son « usage » est prédéterminé par des impératifs productivistes et destructeur de l’environnement[31]. Comme le signalait l’historien de l’économie Harold Innis, toute technologie possède un biais qui s’exprime en termes spatiotemporels permettant à la classe dominante de contrôler l’espace et le temps et ainsi de monopoliser la connaissance[32]. Selon Innis, au sein des technologies de communication à l’ère industrielle, on retrouve une conception abstraite et mécanique du temps qui conduit à une forme de présentisme qui a pour effet de nous rendre amnésiques face à la réalité du développement aveugle des sociétés capitalistes. Depuis trois siècles, cette dernière vise la mise en place de moyens toujours plus perfectionnés pour automatiser les procédures de production, de décision et de contrôle, et expulser la subjectivité humaine au profit de mécanismes pseudo-objectifs, et ce, afin d’assurer la « soumission durable » de l’humanité à la mégamachine capitaliste et à son monopole de la connaissance automatisée. En ce sens, il est illusoire de croire qu’une révolution pourrait être orchestrée à partir des plateformes numériques comme Facebook ou TikTok puisque leur configuration encourage des comportements tyranniques de la part d’individus narcissiques qui, équipés d’outils leur donnant un sentiment d’omnipotence abstraite, mais politiquement impotents, cherchent à prendre leur revanche sur ce qui subsiste encore de monde commun en exprimant leur colère et leur ressentiment en ligne. Cette pratique, bien qu’elle n’ait aucune incidence sur la logique du système, même qu’elle le nourrit, fait uniquement office de catharsis[33]. Bref, pour paraphraser Rosa Luxembourg, ou bien la société postcapitaliste sera postnumérique, ou bien on s’enfonce dans la barbarie technologique[34].

Par Maxime Ouellet, Professeur à l’École des médias de l’UQAM.


NOTES

  1. Maxime Ouellet, La révolution culturelle du capital. Le capitalisme cybernétique dans la société globale de l’information, Montréal, Écosociété, 2016.
  2. Steve Joshua Heims, The Cybernetics Group, Cambridge (MA), The MIT Press, 1991.
  3. James Burnham, The Managerial Revolution. What is Happening in the World, New York, John Day Co., 1941.
  4. John Bellamy Foster et Robert McChesney, « Surveillance capitalism : monopoly-finance capital, the military-industrial complex, and the digital age », Monthly Review, vol. 66, n° 3, 2014 ; Nick Srnicek, Capitalisme de plateforme. L’hégémonie de l’économie numérique, Montréal, Lux, 2018.
  5. Baptiste Rappin, Au fondement du management. Théologie de l’organisation. Volume 1, Nice, Les éditions Ovadia, 2014.
  6. Soshana Zuboff, The Age of Surveillance Capitalism. The Fight for a Human Future at the New Frontier of Power, New York, Public Affairs, 2019. En français: L’âge du capitalisme de surveillance, Paris, Zulma, 2020.
  7. Stuart Ewen, Conscience sous influence, Paris, Aubier Montaigne, 1983.
  8. Foster et McChesney, op. cit., 2014.
  9. Thimoty Erik Ström, « Capital and cybernetics », New Left Review, n° 135, mai-juin 2022, p. 23-41.
  10. Éric Pineault, « Quelle théorie critique des structures sociales du capitalisme avancé », Cahiers de recherche sociologique, n° 45, 2008, p. 113-132.
  11. Thorstein Veblen, The Theory of the Business Enterprise, New Brunswick, Transaction Books, 1904.
  12. Dick Bryan, Michael Rafferty et Ducan Wigan, « Intangible capital », dans Leonard Seabrooke et Duncan Wigan (dir.), Global Wealth Chains. Asset Strategies in the World Economy, Oxford University Press, 2022, p. 89-113.NDLR. GAFAM : acronyme désignant les géants du Web que sont Google, Apple, Facebook (Meta), Amazon et Microsoft.
  13. Sur cette question, voir Maxime Ouellet, « Le travail en mutation », Nouveaux Cahiers du socialisme, n° 7, 2012, p. 20-31.
  14. À ce sujet, voir Cecilia Rikap, Capitalism, Power and Innovation. Intellectual Monopoly Capitalism Uncovered, New York, Routledge, 2020.
  15. Philip Mirowski, Science-Mart. Privatising American Science, Cambridge (MA), Harvard University Press, 2011.
  16. Fabienne Orsi et Benjamin Coriat, « The new role and status of intellectual property rights in contemporary capitalism », Competition & Change, vol. 10, n° 2, 2006, p. 162-179.
  17. Nikos Smyrnaios, Les GAFAM contre l’internet. Une économie politique du numérique, Paris, Institut national de l’audiovisuel (INA), 2017.
  18. Sébastien Broca, « Communs et capitalisme numérique : histoire d’un antagonisme et de quelques affinités électives », Terminal, no 130, 2021.
  19. Kean Birch et D. T. Cochrane, « Big Tech : four emerging forms of digital rentiership », Science as Culture, vol. 31, n° 1, 2022, p. 44-58.
  20. Ugo Pagano, « The crisis of intellectual monopoly capitalism », Cambridge Journal of Economics, vol. 38, n° 6, 2014, p. 1409-1429.
  21. NDLR. Pour plus d’informations concernant ce vocabulaire, on pourra consulter l’article d’André Vincent dans ce numéro : « Intelligence artificielle 101 ».
  22. André Orléan, L’empire de la valeur. Refonder l’économie, Paris, Seuil, 2011.
  23. Pablo Jensen, Deep earnings. Le néolibéralisme au cœur des réseaux de neurones, Caen, C&F éditions, 2021.
  24. Philip Mirowski, Machine Dreams. Economics Becomes a Cyborg Science, Cambridge, Cambridge University Press, 2000.
  25. Bruce Berman, « Artificial intelligence and the ideology of capitalist reconstruction », AI & Society, n° 6, 1992, p. 103-114.
  26. Antoinette Rouvroy, « Mise en (n)ombres de la vie même : face à la gouvernementalité algorithmique, repenser le sujet comme puissance », Le Club de Mediapart, 27 août 2012.
  27. Richard Barbrook et Amdy Cameron « The californian ideology », Science as Culture, vol. 6, n° 1, 1996, p. 44-72.
  28. Jacques Guigou, La cité des ego, Paris, L’Harmattan, 2008.
  29. David Harvey, « Le nouvel impérialisme : accumulation par expropriation », Actuel Marx, vol. 35, n° 1, 2004, p. 71-90.
  30. José Van Dijck, Thomas Poell et Martijn de Waal, The Platform Society. Public Values in a Connected World, New York, Oxford University Press, 2018.
  31. Alf Hornborg, La magie planétaire. Technologies d’appropriation de la Rome antique à Wall Street, Paris, Éditions divergences, 2021.
  32. Harold Innis, The Bias of Communication, Toronto, University of Toronto Press, 2008.
  33. Éric Sadin, L’ère de l’individu tyran. La fin d’un monde commun, Paris, Grasset, 2020.
  34. À ce sujet, voir Jonathan Crary, Scorched Earth. Beyond the Digital Age to a Post-Capitalist World, New York, Verso, 2022.

 

Boeing commente le « suicide » d’un lanceur d’alertes

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L’affaire Ilaria Salis bouleverse l’Italie

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Ilaria Salis, une professeure dans une école primaire à Monza, en Italie, se rend en Hongrie avec un petit groupe de militant.es antifascistes. Ces personnes veulent se confronter à des néonazis qui célèbrent la Fête de l'honneur, commémorant le soi-disant héroïsme d'un bataillon nazi contre l'Armée rouge pendant la Seconde Guerre mondiale. Bien qu'illégale, cette fête est tolérée sans peine par le gouvernement d'extrême droite de Victor Orbán.

La suite des événements est confuse. Ilaria Salis est arrêtée dans un taxi et accusée d'avoir violenté deux néonazis. Rien ne permet de le confirmer, sinon des vidéos confuses avec des gens masqués. Ses deux « victimes » ont subi des blessures légères, elles ont été rapidement rétablies et n'ont pas porté plainte. Pourtant, la jeune enseignante subit un sort terrible. Elle passe plusieurs mois en prison sans pouvoir contacter sa famille ou un avocat. Son enfermement est particulièrement pénible : elle vit dans des conditions hygiéniques déplorables, avec des rats et des punaises de lit, dans le froid, mal nourrie.

Lorsqu'elle est enfin convoquée au tribunal, plusieurs mois plus tard, elle apparaît les pieds et les mains enchainées. Ces images, diffusées par les médias italiens, sont un choc. Jamais plus, en Europe, on traite les accusé.es de cette façon, à moins de personnes considérées comme extrêmement dangereuses, des cas rarissimes. Un vent d'indignation se répand en Italie : comment peut-on traiter ainsi une citoyenne, d'autant plus que l'accusation semble particulièrement floue ?

Le peu d'empressement du gouvernement italien

Des pressions très fortes se font sentir pour une intervention ferme du gouvernement italien. L'affaire relève de la diplomatie et il devient important d'aller au-devant d'une femme traitée indignement. Le père d'Ilaria Salis, invité à de nombreuses tribunes médiatiques, défend avec ardeur sa fille et obtient un soutien significatif.

Mais la situation se complique par le fait que Georgia Meloni, première ministre à la tête du parti d'extrême droite Fratelli d'Italia, est une alliée et une amie de Victor Orbán dont elle a loué les qualités à plusieurs occasions. Celle-ci se trouve prise entre deux feux : d'une part, il faut porter secours à une citoyenne en difficulté ; d'autre part, il lui est malaisé de réprimander une personne de sa famille politique. Son gouvernement choisit d'en faire le moins possible, soulevant la colère des personnes révoltées par l'ensemble de la situation.

Devant les pressions qu'il doit malgré tout subir, le gouvernement hongrois affirme qu'il faut laisser la justice suivre son cours. Un point de vue mal reçu en Italie. D'abord parce que cette justice est très dure, en particulier dans le cas de Salis. Aussi parce que la Hongrie a été pointée du doigt à plusieurs reprises par l'Union européenne justement pour son manque d'indépendance judiciaire. Selon plusieurs, dont l'auteur Roberto Saviano, l'affaire est bel et bien politique.

La solution à la crise paraissait envisageable : les avocats de Salis visaient une assignation à résidence, ce qui lui aurait permis d'être transférée en Italie. Mais pendant sa dernière présence au tribunal, fin mars, la justice hongroise en a plutôt rajouté : voilà encore la prisonnière enchainée et subissant une dure rebuffade. C'est en Hongrie qu'elle devra poursuivre sa peine, bien qu'elle continue à clamer son innocence.

L'extrême droite décomplexée

Les leçons à retenir de l'acharnement contre Ilaria Salis sont claires : les antifascistes ne sont pas les bienvenus en Hongrie et ils seront durement réprimandés s'il le faut. La Hongrie de Victor Orbán n'a pas de leçon à recevoir de personne, elle continuera à appliquer ses politiques d'extrême droite décomplexée ; et gare à celles et ceux qui se mettront sur son chemin.

Certains y voient aussi une stratégie pour la Hongrie de combattre l'isolement dont elle est victime dans l'Union européenne à cause de ses politiques antidémocratiques (comme le prétend aussi Saviano). En échange d'un meilleur traitement pour Salis, Orbán négocierait un appui de l'Italie pour obtenir des fonds européens qui lui sont coupés actuellement.

En attendant, le gouvernement hongrois résiste à toutes les pressions et Ilaria Salis croupit en prison, victime d'enjeux qui la dépassent largement. Son procès principal aura lieu le 24 mais ; elle risque onze ans de prison.

Les opposants à Salis — il y en a de très vocaux, dont des trolls particulièrement actifs — prétendent qu'elle n'est pas la seule à subir les prisons hongroises et qu'il est normal qu'elle paye pour les risques qu'elle a pris. Mais l'acharnement contre elle, en dépit de la très grande médiatisation de son cas, donne une fois de plus la mesure de ce qu'une extrême droite bien en selle peut mettre de l'avant : un mépris profond des droits, un acharnement cruel contre ses adversaires, un refus ferme du dialogue.

La version plus présentable de cette extrême droite européenne, celle du gouvernement de Georgia Meloni, montre cependant, par son peu d'empressement à intervenir, qu'elle cautionne indirectement les agissements des plus radicaux de ce mouvement.

Image : Pixabay

Conserver son leadership à tout prix

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Intelligence artificielle 101

11 avril 2024, par Rédaction

Qu’est-ce que l’intelligence artificielle ?

« L’intelligence artificielle (IA, ou AI pour Artificial Intelligence) consiste à mettre en œuvre un certain nombre de techniques visant à permettre aux machines d’imiter une forme d’intelligence réelle. L’IA se retrouve implémentée dans un nombre grandissant de domaines d’application[1]. »

L’intelligence artificielle est donc un ensemble de théories et de techniques visant à réaliser des machines capables de simuler l’intelligence humaine[2].

L’IA s’appuie notamment sur les théories des mathématiques et des sciences cognitives. Elle fait aussi appel à la neurobiologie computationnelle (particulièrement aux réseaux neuronaux) et à la logique (partie des mathématiques et de la philosophie). Elle utilise des méthodes de résolution de problèmes à forte complexité logique ou algorithmique en s’appuyant entre autres sur la théorie des décisions. Par extension, l’IA comprend, dans le langage courant, les dispositifs qui imitent ou remplacent l’humain dans certaines mises en œuvre de ses fonctions cognitives[3].

Évolution de l’IA

L’évolution de l’intelligence artificielle peut être résumée en sept étapes principales[4] :

  • Le temps des prophètes : dans les années 1950, les pionniers de l’IA font des prédictions audacieuses sur les capacités futures des machines, mais ils surestiment largement les progrès à venir.
  • Les années sombres : dans les années 1960 et 1970, l’IA connait un ralentissement et une perte de financement, notamment à cause des limites des méthodes symboliques et des critiques de James Lighthill.
  • Le retour en grâce : dans les années 1980, l’IA bénéficie d’un regain d’intérêt et de soutien, grâce aux succès des systèmes experts, des réseaux de neurones et de la robotique.
  • Le second hiver : dans les années 1990, l’IA subit à nouveau une désillusion et une concurrence accrue d’autres disciplines informatiques, comme les bases de données ou le Web.
  • L’ère du big data : dans les années 2000, l’IA profite de l’explosion des données disponibles et de l’amélioration des capacités de calcul, ce qui lui permet de développer des applications dans de nombreux domaines, comme la reconnaissance vocale, la traduction automatique ou la recherche d’information.
  • L’avènement de l’apprentissage profond : dans les années 2010, l’IA connait une révolution avec l’émergence de l’apprentissage profond, une technique qui utilise des couches successives de neurones artificiels pour apprendre à partir de données complexes et non structurées, comme les images, les sons ou les textes.
  • L’horizon de l’intelligence artificielle générale : dans les années 2020, l’IA se confronte au défi de l’intelligence artificielle générale (IAG), c’est-à-dire à la capacité d’une machine à accomplir n’importe quelle tâche intellectuelle qu’un humain peut faire, voire à dépasser l’intelligence humaine. Ce défi soulève des questions éthiques, sociales et philosophiques, ainsi que des incertitudes sur les impacts de l’IA sur l’humanité.

Définitions

John McCarthy, le principal pionnier de l’intelligence artificielle avec Marvin Lee Minsky, définit l’IA ainsi : « C’est la science et l’ingénierie de la fabrication de machines intelligentes, en particulier de programmes informatiques intelligents. Elle est liée à la tâche similaire qui consiste à utiliser des ordinateurs pour comprendre l’intelligence humaine, mais l’IA ne doit pas se limiter aux méthodes qui sont biologiquement observables[5] ».

L’IA est également définie par Marvin Lee Minsky, comme « la construction de programmes informatiques qui s’adonnent à des tâches qui sont, pour l’instant, accomplies de façon plus satisfaisante par des êtres humains car elles demandent des processus mentaux de haut niveau tels que : l’apprentissage perceptuel, l’organisation de la mémoire et le raisonnement critique ». On y trouve donc le caractère « artificiel » dû à l’usage des ordinateurs ou de processus électroniques élaborés et le caractère « intelligence » associé à son but d’imiter le comportement humain. Cette imitation peut se faire dans le raisonnement, par exemple dans les jeux ou la pratique des mathématiques, dans la compréhension des langues naturelles, dans la perception : visuelle (interprétation des images et des scènes), auditive (compréhension du langage parlé) ou par d’autres capteurs, dans la commande d’un robot dans un milieu inconnu ou hostile.

Les types d’IA

L’intelligence artificielle se décline en trois catégories principales[6] :

  • IA faible (ou IA étroite, restreinte) : ce type d’IA est conçu pour effectuer des tâches spécifiques sans posséder de conscience ou d’intelligence générale. Par exemple, l’IA faible peut être utilisée pour la reconnaissance vocale, la recherche sur Internet ou encore le jeu d’échecs. Cependant, sa capacité d’apprentissage et d’adaptation est limitée à sa programmation initiale. Elle ne peut pas comprendre ni s’adapter en dehors de son domaine de spécialisation défini.
  • IA forte (ou IA générale) : contrairement à l’IA faible, l’IA forte possède une intelligence et une conscience similaires à celles des humains. Elle est capable de résoudre des problèmes dans divers domaines sans être limitée à une seule tâche. En somme, elle reproduit l’intelligence humaine de manière beaucoup plus authentique.
  • IA superintelligente : ce type hypothétique d’IA surpasserait l’intelligence humaine, excédant les capacités humaines dans tous les domaines, de la créativité à la prise de décision. Cependant, à ce jour, ce niveau d’intelligence artificielle n’a pas encore été atteint. De nombreux experts considèrent que l’avènement de ce type d’IA est fortement improbable.

Techniquement, comment ça marche ?

En général, on peut dire que l’IA se compose de quatre éléments clés : la puissance de calcul, les mégadonnées, la prise de décision par les algorithmes et l’argent.

Aujourd’hui, les géants de l’informatique tels que Google, Microsoft, Apple, IBM et Facebook sont tous engagés dans la recherche et le développement de l’IA. Ils ont mis en place des réseaux de neurones artificiels, composés de serveurs capables de traiter des calculs complexes sur de gigantesques quantités de données à des vitesses en croissance exponentielle. Ces réseaux sont conçus pour imiter le fonctionnement du cerveau humain, et permettent à ces systèmes d’apprendre et de s’adapter avec le temps.

Les systèmes d’IA sont formés à partir de grandes quantités de données. Ils utilisent des capacités informatiques pour analyser ces données et, sur cette base, prennent des décisions. C’est cette capacité de prise de décision qui distingue l’IA de nombreuses autres technologies comme les systèmes experts, par exemple.

Ainsi, tous les bots informatiques, les vidéos falsifiées et les images manipulées ne sont pas nécessairement le produit de l’IA. Ce qui compte, c’est si la technologie est capable de prendre des décisions. Un chatbot basé sur des règles, par exemple, renvoie des réponses prédéterminées en fonction de certaines conditions, comme l’utilisation d’un mot-clé. Il n’est pas nécessaire d’utiliser l’IA pour cela.

En revanche, un agent conversationnel utilise le traitement automatique du langage naturel (TLN), un sous-domaine de l’IA, pour extraire des informations du langage humain. Il évalue le contenu et le contexte, puis choisit une ligne de conduite, par exemple les mots à utiliser, la structure de la phrase et le ton à adopter en réponse. Contrairement à un simple chatbot basé sur des règles, un agent conversationnel doté d’IA ne renvoie pas toujours la même réponse à la même question.

Les outils basés sur l’IA comportent donc un certain degré d’incertitude ou de probabilité. Ils utilisent l’apprentissage automatique et la prise de décision algorithmique pour se rapprocher de plus en plus de la réalisation des tâches pour lesquelles ils ont été conçus. Cependant, ils le font d’une manière qui n’a pas été spécifiquement programmée. Les systèmes d’IA ont un certain degré d’autonomie, ce qui les rend beaucoup plus puissants. Cette autonomie est ce qui distingue véritablement l’IA et lui confère sa puissance.

Il existe toutefois une confusion dans le débat public entre intelligence artificielle, apprentissage automatique (machine learning) et apprentissage profond (deep learning). Pourtant, ces notions ne sont pas équivalentes, mais imbriquées. L’intelligence artificielle englobe l’apprentissage automatique, qui lui-même englobe l’apprentissage profond.

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Diagramme de Venn montrant comment s’imbriquent les notions d’intelligence artificielle, d’apprentissage automatique et d’apprentissage profond[7].

Apprentissage automatique

L’apprentissage automatique consiste à permettre au modèle d’IA d’apprendre à effectuer une tâche au lieu de spécifier exactement comment il doit l’accomplir. Le modèle contient des paramètres dont les valeurs sont ajustées tout au long de l’apprentissage. La méthode de la rétropropagation du gradient est capable de détecter, pour chaque paramètre, dans quelle mesure il a contribué à une bonne réponse ou à une erreur du modèle, et peut l’ajuster en conséquence. L’apprentissage automatique nécessite un moyen d’évaluer la qualité des réponses fournies par le modèle.

Réseaux de neurones

Les réseaux de neurones artificiels sont inspirés du fonctionnement du cerveau humain : les neurones sont en général connectés à d’autres neurones en entrée et en sortie. Les neurones d’entrée, lorsqu’ils sont activés, agissent comme s’ils participaient à un vote pondéré pour déterminer si un neurone intermédiaire doit être activé et ainsi transmettre un signal vers les neurones de sortie. En pratique, pour l’équivalent artificiel, les « neurones d’entrée » ne sont que des nombres et les poids de ce « vote pondéré » sont des paramètres ajustés lors de l’apprentissage.

À part la fonction d’activation, les réseaux de neurones artificiels n’effectuent en pratique que des additions et des multiplications matricielles, ce qui fait qu’ils peuvent être accélérés par l’utilisation de processeurs graphiques. En théorie, un réseau de neurones peut apprendre n’importe quelle fonction.

Apprentissage profond

L’apprentissage profond (deep learning en anglais) utilise de multiples couches de neurones entre les entrées et les sorties, d’où le terme « profond ». L’utilisation de processeurs graphiques pour accélérer les calculs et l’augmentation des données disponibles a contribué à la montée en popularité de l’apprentissage profond. Il est utilisé notamment en vision par ordinateur, en reconnaissance automatique de la parole et en traitement du langage naturel (ce qui inclut les grands modèles de langage).

Grands modèles de langages

Les grands modèles de langage sont des modèles de langage ayant un grand nombre de paramètres, typiquement des milliards. Ils reposent très souvent sur l’architecture « transformeur ».

Les transformeurs génératifs pré-entrainés (Generative Pretrained Transformers ou GPT en anglais) sont un type particulièrement populaire de grand modèle de langage. Leur « pré-entrainement » consiste à prédire, étant donné une partie d’un texte, le token suivant (un token étant une séquence de caractères, typiquement un mot, une partie d’un mot ou de la ponctuation). Cet entrainement à prédire ce qui va suivre, répété pour un grand nombre de textes, permet à ces modèles d’accumuler des connaissances sur le monde. Ils peuvent ensuite générer du texte semblable à celui ayant servi au pré-entrainement, en prédisant un à un les tokens suivants. En général, une autre phase d’entrainement est ensuite effectuée pour rendre le modèle plus véridique, utile et inoffensif. Cette phase d’entrainement (utilisant souvent une technique appelée RLHF) permet notamment de réduire un phénomène appelé « hallucination », où le modèle génère des informations d’apparence plausible mais fausses.

Avant d’être fourni au modèle, le texte est découpé en tokens. Ceux-ci sont convertis en vecteurs qui en encodent le sens ainsi que la position dans le texte. À l’intérieur de ces modèles se trouve une alternance de réseaux de neurones et de couches d’attention. Les couches d’attention combinent les concepts entre eux, permettant de tenir compte du contexte et de saisir des relations complexes.

Ces modèles sont souvent intégrés dans des agents conversationnels, où le texte généré est formaté pour répondre à l’utilisateur ou l’utilisatrice. Par exemple, l’agent conversationnel ChatGPT exploite les modèles GPT-3.5 et GPT-4. En 2023 font leur apparition des modèles grand public pouvant traiter simultanément différents types de données comme le texte, le son, les images et les vidéos, tel Google Gemini.

Domaines d’application[8]

L’intelligence artificielle trouve des applications variées dans différents domaines. Voici un aperçu de son utilisation en médecine, dans le domaine militaire, le renseignement policier et le droit. On aurait aussi pu donner des exemples dans les domaines de la logistique et du transport, de l’industrie, de la robotique, des arts, de la politique, etc.

  • Médecine
    • Diagnostic et détection précoce : l’IA peut analyser rapidement et précisément de grandes quantités de données médicales, facilitant ainsi le diagnostic précoce de maladies et d’affections. Elle peut détecter des modèles et des signes subtils qui échappent parfois à l’œil humain.
    • Structuration des données des patients : l’IA collecte, analyse et organise méthodiquement les données massives issues des patients et patientes, ce qui facilite leur traitement ultérieur par les professionnels de la santé.
    • Prise en charge thérapeutique : l’IA peut guider les médecins dans la prise en charge thérapeutique des patients en se basant sur des cas passés et en croisant diverses données.
  • Domaine militaire
    • Surveillance et reconnaissance : l’IA est utilisée pour surveiller et reconnaitre des cibles, des mouvements de troupes et des activités ennemies.
    • Prévention des attaques : elle peut aider à anticiper et à prévenir les attaques en analysant des données et des schémas.
    • Assistance au commandement : l’IA peut fournir des informations et des recommandations aux commandants militaires.
    • Gestion de l’approvisionnement et de la logistique : elle optimise la gestion des ressources et des approvisionnements.
    • Contrôle de drones et de robots : l’IA permet de piloter ces dispositifs de manière autonome.
  • Renseignement policier
    • Analyse de données criminelles : l’IA peut aider à analyser des données complexes pour détecter des schémas criminels, des tendances et des menaces potentielles.
    • Identification de suspects : elle peut faciliter l’identification de suspects à partir d’images de vidéosurveillance ou d’autres sources.
    • Prédiction de crimes : l’IA peut anticiper les zones à risque et les moments propices à la criminalité.
  • Droit
    • Recherche juridique : l’IA peut analyser des textes juridiques, des précédents et des décisions de justice pour aider les avocats et les juges dans leurs recherches.
    • Automatisation des tâches juridiques : elle peut automatiser des tâches telles que la rédaction de contrats, la gestion des documents et la facturation.
    • Prédiction des résultats de procès : l’IA peut évaluer les chances de succès d’un procès en fonction des éléments disponibles.

Le matériel de l’artificielle intelligence

Avec les algorithmes et les mégadonnées (big data), le matériel qui sous-tend l’intelligence artificielle est la troisième composante essentielle pour permettre des capacités et des performances exceptionnelles. Il joue un rôle central dans l’innovation moderne et façonne le paysage de l’IA.

Les principales composantes matérielles clés de l’IA sont : les unités de traitement graphique (GPU), les unités de traitement tensoriel (TPU), les unités de traitement neuronal (NPU), les processeurs centraux (CPU), la mémoire et le stockage, les réseaux (réseaux locaux, LAN, et les réseaux étendus, WAN, qui permettent la communication entre les systèmes d’IA), la connectivité (la 5G offre une connectivité rapide pour les appareils mobiles et l’Internet des objets) et le matériel spécialisé.

En somme, ces composantes matérielles travaillent ensemble pour traiter et analyser de grandes quantités de données, permettant aux systèmes d’IA d’apprendre, de s’adapter et de faire des prédictions. L’IA ne serait pas possible sans cette puissance matérielle sous-jacente.

L’exemple de Nvidia[9]

Parmi les fabricants de composantes matérielles destinées à l’IA, l’entreprise Nvidia, bien que moins connu du grand public que les géants du Web, compte parmi les principaux joueurs dans ce domaine. Elle est actuellement la deuxième entreprise en termes de capitalisation boursière de la planète dans le domaine de l’IA, devancée uniquement par Microsoft. Elle présente plusieurs avantages, dont une puissance de calcul exceptionnelle. Les unités de traitement graphique (GPU) de Nvidia sont devenues un pilier fondamental de l’IA, permettant des avancées significatives dans le domaine de l’apprentissage automatique et des réseaux de neurones.

L’argent, bien matériel de l’intelligence artificielle

Avec les algorithmes, les mégadonnées et le matériel informatique, l’argent constitue la quatrième composante de l’intelligence artificielle, essentielle à son développement et à son déploiement, capitalisme oblige.

Coûts financiers de l’IA

L’intelligence artificielle est un domaine qui engendre des coûts astronomiques[10] pour les développeurs. Une grande partie des pertes associées aux IA génératrices provient des coûts d’inférence. Pour maintenir des IA capables de fournir des réponses optimales en un temps très court, une puissance informatique considérable est requise dès les phases de test. Cela implique l’utilisation de supercalculateurs actifs en permanence. Des cartes graphiques hautement performantes, coûtant environ 30 000 dollars chacune,, sont essentielles pour ces calculs.

Les coûts augmentent aussi avec la popularité de l’outil IA. Plus une IA est connue, plus elle reçoit de requêtes, ce qui entraine des prix plus élevés pour la génération de réponses. La longueur de la requête impacte également les coûts. Des requêtes plus longues reviennent plus cher aux entreprises derrière ces IA génératrices.

Le modèle économique de l’IA est limité : Par exemple,  ChatGPT, dont l’application est gratuite pour les utilisateurs et utilisatrices, a engendré des pertes estimées à  540 millions de dollars  l’an passé. Pour compenser ces pertes,  OpenAI  propose des abonnements à  20 dollars par mois  pour accéder à des versions plus performantes de ChatGPT. Chaque requête (prompt) d’IA générative coûterait entre 0,01 $ et 0,36 $, selon les estimations. À titre d’exemple, un service qui coûte 10 $ par utilisateur et par mois, entrainerait une perte de 20­ $ par mois; certains utilisateurs coûteraient au fournisseur plus de 80 $[11].

Coûts environnementaux de l’IA

L’intelligence artificielle a un impact considérable en termes de consommation d’énergie et en ressources naturelles.

L’entrainement des modèles d’IA, notamment les réseaux neuronaux, nécessite une grande quantité de calculs effectués dans des centres de données qui consomment énormément d’électricité[12]. Par rapport à l’apprentissage chez les humains, les tâches d’entrainement sont inefficaces car les modèles d’IA doivent lire une grande quantité de données pour apprendre à les comprendre. Par exemple, le modèle linguistique BERT (Bidirectional Encoder Representations from Transformers) a utilisé 3,3 milliards de mots tirés de livres anglais et de pages Wikipédia pour comprendre la langue.

L’empreinte carbone de l’élaboration de l’IA constitue un risque majeur. Selon certaines estimations, l’entrainement d’un modèle d’IA génère autant d’émissions de carbone que cinq voitures pendant toute leur durée de vie, fabrication comprise. Les chercheurs et développeurs en IA doivent être conscients de ces coûts énergétiques croissants et chercher des moyens d’optimiser l’efficacité énergétique de leurs modèles. L’utilisation de l’IA générative peut également contribuer à la sobriété écologique en surveillant les schémas de consommation d’énergie des bâtiments et en identifiant des opportunités d’économies.

Vers un monopole des géants du Web

Les IA généralistes sont en difficulté en raison des coûts élevés. Actuellement, les IA généralistes, comme ChatGPT, sont capables de réaliser de nombreuses tâches. Une possibilité serait de développer des IA spécialisées pour des tâches spécifiques, fonctionnant localement, afin de réduire les coûts liés à l’utilisation du « cloud ».

À long terme, seules les grandes entreprises américaines telles que Google, Microsoft, Meta, Apple et Amazon pourraient gérer des IA généralistes car elles ont la capacité d’absorber les pertes financières associées à leur utilisation. Cependant, même ces géants ne pourraient pas se tourner vers une utilisation à 100 % d’IA. La recherche via l’intelligence artificielle coûte six fois plus cher qu’une recherche Google standard.

Les GAFAM explorent des solutions pour réduire ces coûts. Par exemple, des puces dédiées à l’intelligence artificielle sont en projet, ce qui pourrait réduire les dépenses tout en maintenant une certaine qualité de service. De même, des centres de calcul et de données alimentées en énergie renouvelable sont en construction, pas tant pour l’environnement que pour réduire les coûts.

Investissements en IA par pays et par entreprise

Le graphique ci-joint, basé sur les données du rapport 2023 AI Index Report[13] de l’Université de Stanford, montre les pays où les sommes les plus importantes ont été investies dans des entreprises d’IA entre 2013 et 2022. Les États-Unis arrivent largement en tête avec un montant de 248,9 milliards de dollars, suivis par la Chine (95,1 milliards de dollars) et le Royaume-Uni (18,2 milliards de dollars). À remarquer, le Canada au cinquième rang avec des investissements de 8,8 milliards de dollars sur cette période, bien que n’ayant aucune entreprise dans le top 20 des entreprises du domaine de l’IA. C’est que les investissements au Canada sont souvent le fait d’entreprises multinationales étrangères en partenariat avec des laboratoires et centres de recherche universitaires ou sans but lucratif, mais largement financés par des fonds publics.

En 2022, les investissements les plus importants dans l’IA ont été réalisés dans le domaine de la médecine et de la santé (6,1 milliards de dollars), selon le rapport.

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Parmi les 20 plus grandes entreprises mondiales dans le domaine de l’intelligence artificielle, classées par capitalisation boursière[14] , on compte 19 entreprises américaines ou chinoises et une seule d’un autre pays, Israël. Ces entreprises représentent un mélange de matériel, de logiciels et de services basés sur l’IA.

Capitalisation boursière (en milliards de dollars US)[15]
Rang Entreprise Pays $ (US)
1 Microsoft États-Unis 3 040,00 $
2 NVIDIA États-Unis 1 980,00 $
3 Alphabet (Google) États-Unis 1 712,00 $
4 Meta (Facebook) États-Unis 1 246,00 $
5 Tesla États-Unis 639,00 $
6 Alibaba Group Chine 181,00 $
7 IBM États-Unis 169,00 $
8 Palantir États-Unis 54,00 $
9 Baidu Chine 40,00 $
10 Tencent Chine 39,00 $
11 Meituan Chine 37,00 $
12 JD.com Chine 34,00 $
13 Pinduoduo Chine 30,00 $
14 Xiaomi Chine 25,00 $
15 NetEase Chine 24,00 $
16 Hikvision Chine 23,00 $
17 Mobileye Israël 20,00 $
18 Dynatrace États-Unis 14,00 $
19 UiPath États-Unis 13,00 $
20 Sogou Chine 4,00 $

À remarquer : Apple ne fait pas partie du tableau bien que plusieurs experts estiment qu’Apple investit présentement d’énormes ressources en IA. Il y aurait deux explications à ce constat. L’entreprise n’est pas considérée comme un fournisseur de services d’IA par les statisticiens et Apple a une réputation d’opacité légendaire quant à ses projets de développement.

Prévisions du chiffre d’affaires du marché de l’IA dans le monde de 2021 à 2030 en millions de dollars US

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Source: Statista Research Department, 13 février 2024.

L’encadrement de l’IA ?

Aucune loi, mesure ou réglementation n’encadre présentement le développement, le déploiement et l’utilisation de l’IA, et cela, à aucun niveau gouvernemental d’aucun pays et pas plus aux différents niveaux supranationaux. Tout est laissé aux bons soins des secteurs privé ou public de s’autoréguler. C’est réellement le Far West numérique. Quelques initiatives du secteur privé ou d’organisations de la société civile ont commencé à intenter des poursuites, à formuler des revendications et même à entreprendre des luttes pour limiter les effets néfastes des applications de l’IA dans certains domaines particuliers.

Divers projets de loi sont néanmoins à l’étude présentement un peu partout sur la planète, souvent le résultat de pressions de collectifs de chercheurs et d’experts dans divers domaines dont celui de l’IA ou d’organisations de la société civile. Tous ces projets ont en commun la même belle intention : favoriser le déploiement d’une IA responsable, verte, équitable, non discriminatoire et tutti quanti. Ils ont aussi en commun de faire des exceptions notables pour tout ce qui touche au secteur militaire, aux forces de l’ordre et aux services de renseignement.

Nous examinerons ici deux projets de loi, parmi les plus avancés en ce moment, soit ceux de l’Union européenne et de la Chine. Ils posent un minimum d’encadrement juridique au développement de l’IA, à son déploiement et à son utilisation. Au Canada et aux États-Unis, les projets de loi annoncés sont encore à l’état larvaire. Par exemple, le projet de loi de la Maison-Blanche a reçu l’appui des dirigeants des GAFAM (sauf Elon Musk). Cela dit tout sur la portée protectrice qu’aura cette loi sur les abus des géants de ce monde.

L’Union européenne

L’Union européenne (UE) a envisagé plusieurs projets de loi et règles pour encadrer l’intelligence artificielle. Ces projets visent à équilibrer la nécessité de prévenir les dangers liés à cette technologie et la volonté de ne pas prendre de retard.

Le 9 décembre 2023, le Parlement européen est parvenu à un accord provisoire avec le Conseil européen sur la loi sur l’IA. Le texte convenu devra être formellement adopté par le Parlement européen et son Conseil pour entrer en vigueur[16].

Voici un résumé des points clés[17] :

Le projet de loi sur l’IA de l’UE établit des obligations pour les fournisseurs et pour les utilisateurs en fonction du niveau de risque lié à l’IA. Les dispositions définissent quatre niveaux de risque :

  1. Risque inacceptable : les systèmes d’IA à risque inacceptable sont considérés comme une menace pour les personnes et seront interdits (par exemple, des technologies qui prétendent « prédire » des infractions »). Ces systèmes comprennent :
  1. Risque élevé : ces systèmes d’IA doivent se conformer à des exigences strictes. Par exemple, les systèmes d’identification biométrique et de catégorisation des personnes ou les systèmes utilisés pour la gestion et l’exploitation d’infrastructures critiques. Le projet de loi définit aussi des obligations spécifiques pour les utilisateurs d’IA et pour les fournisseurs.
  2. Risque limité : ces systèmes d’IA doivent être évalués. Par exemple, les systèmes utilisés dans les jeux vidéo ou les filtres anti-pourriel.
  3. Risque minimal : la plupart des systèmes d’IA actuellement utilisés dans l’UE relèvent de cette catégorie et ne nécessitent pas d’encadrement spécifique. Par exemple, les systèmes de recommandation.

Ces règles visent à garantir que les systèmes d’IA utilisés dans l’UE soient sûrs, transparents, traçables, non discriminatoires et respectueux de l’environnement.

La Chine

La Chine a récemment mis en place une nouvelle réglementation concernant les contenus générés par l’intelligence artificielle. Cette réglementation vise à maintenir la compétitivité du pays dans le domaine de l’IA tout en exerçant un contrôle strict. Voici les principales règles de cette réglementation[18].

Éthique

  • Les systèmes d’IA générative doivent adhérer aux valeurs fondamentales du socialisme.
  • Ils ne doivent pas menacer la sécurité nationale ni promouvoir le terrorisme, la violence ou la haine raciale.
  • Les fournisseurs de services doivent présenter les contenus générés par l’IA comme tels et prévenir toute discrimination basée sur le sexe, l’âge et le groupe ethnique lors de la conception des algorithmes.
  • Les logiciels d’IA ne doivent pas créer de contenu contenant des informations fausses et nuisibles.
  • Les données utilisées pour l’entrainement des logiciels d’IA doivent être obtenues légalement et ne pas porter atteinte aux droits de propriété intellectuelle d’autrui.

Sécurité

En somme, la Chine cherche à équilibrer l’innovation en IA avec des mesures de contrôle pour encourager le développement tout en évitant les abus.

Angela Zhang, professeure de droit à l’Université de Hong Kong, a indiqué à l’Agence France-Presse que « la législation chinoise est à mi-chemin entre celle de l’Union européenne (UE) et celle des États-Unis, l’UE ayant l’approche la plus stricte et les États-Unis la plus souple[19] ».

GLOSSAIRE

Agent conversationnel

Logiciel capable de communiquer de façon bidirectionnelle avec un utilisateur en langage naturel, par messagerie instantanée ou au moyen d’une interface vocale. Ces « agencements technologiques sont capables de produire des paroles ou bien des écrits pendant des interactions avec des humains et de simuler des compétences humaines, des rôles sociaux ou encore des formes de relations sociales artificielles aux utilisateurs ».

Algorithme d’apprentissage automatique

L’apprentissage machine « permet de construire un modèle mathématique à partir de données, en incluant un grand nombre de variables qui ne sont pas connues à l’avance. Les paramètres sont configurés au fur et à mesure lors d’une phase d’apprentissage, qui utilise des jeux de données d’entraînement pour trouver des liens et les classifie ». Cela peut être utilisé pour « développer des calculs dans le but de concevoir, de former et de déployer des modèles d’algorithmes, principalement dans une optique de classification et/ou de prédiction de l’usage et du comportement des utilisateurs ».

Analytique augmentée

« Processus de collecte, d’organisation et d’analyse de grands ensembles de données pour découvrir des renseignements utiles et prévoir les événements pertinents ».

Boîte noire

Dans le contexte de l’IA, les boîtes noires font référence au fait que le fonctionnement interne de nombreux systèmes d’IA est invisible pour l’utilisateur, qui ne peut pas examiner la conception ou le codage du système pour comprendre comment certaines décisions ont été prises.

Bot informatique (bot)

« Logiciel automatisé qui imite le comportement humain sur les médias sociaux en publiant des informations, en affichant son approbation (like) et en s’adressant à des personnes réelles ».

Chatbot, robot conversationnel

Agents conversationnels « conçus pour interagir avec les humains en langage naturel, robot conversationnel vocal ou écrit… qui sont capables de dialoguer avec un utilisateur par téléphone via l’appui sur des touches ou la reconnaissance vocale ».

Hypertrucage

L’IA et l’apprentissage automatique permettent de créer des contenus vidéo qui imitent des personnes spécifiques. Ces techniques comprennent « le changement de visage, la reconfiguration faciale visant à modifier l’expression faciale d’un personnage ou personnalité dans une vidéo en lui faisant virtuellement répliquer la mimique réalisée en studio par un acteur ou une tierce personne, la reconfiguration labiale consistant à modifier la bouche d’une personne pour faire croire qu’elle a dit quelque chose (qu’elle n’a jamais dite), l’apprentissage de la voix pour faire dire virtuellement à une personne n’importe quel message ».

Intelligence artificielle (OQLF)

Domaine d’étude ayant pour objet la reproduction artificielle des facultés cognitives de l’intelligence humaine dans le but de créer des systèmes ou des machines capables d’exécuter des fonctions relevant normalement de celle-ci.

L’intelligence artificielle touche à de nombreux domaines, comme les sciences cognitives et les mathématiques, et à diverses applications, notamment en reconnaissance des formes, en résolution de problèmes, en robotique, dans les jeux vidéo ainsi que dans les systèmes experts.

Intelligence artificielle faible (OQLF)

Système d’intelligence artificielle conçu pour imiter une portion spécifique du fonctionnement de l’intelligence humaine, lui permettant de reproduire certains comportements humains afin d’accomplir une ou des tâches particulières.

L’intelligence artificielle faible se distingue de l’intelligence artificielle forte, cette dernière imitant l’ensemble du fonctionnement de l’intelligence humaine.

Intelligence artificielle forte (OQLF)

Système d’intelligence artificielle conçu pour imiter le fonctionnement de l’intelligence humaine dans son ensemble, et ayant la capacité de se questionner, d’analyser et de comprendre ses raisonnements.

L’intelligence artificielle forte se distingue de l’intelligence artificielle faible, cette dernière n’imitant qu’une portion spécifique du fonctionnement de l’intelligence humaine.

Intelligence artificielle générale (IAG)

Technologies d’IA « capables de traiter de l’information par un processus s’apparentant à un comportement intelligent, et comportant généralement des fonctions de raisonnement, d’apprentissage, de perception, d’anticipation, de planification ou de contrôle ».

Intelligence artificielle générative

« Méthode qui permet à un système informatique d’apprendre à partir de données existantes et de générer de nouvelles données qui peuvent être utilisées pour des applications variées telles que la création d’images, de musique, de vidéos et de contenu textuel ».

Mégadonnées (big data en anglais) (OQLF)

Ensemble d’une très grande quantité de données, structurées ou non, se présentant sous différents formats et en provenance de sources multiples, qui sont collectées, stockées, traitées et analysées dans de courts délais, et qui sont impossibles à gérer avec des outils classiques de gestion de bases de données ou de gestion de l’information.

Lorsqu’il est question de mégadonnées, il y a souvent une référence au principe des « trois V » : volume (généralement massif), variété (sources et formats divers) et vitesse (rapidité de traitement). Certains spécialistes ajoutent également la véracité (données crédibles et réelles). Les mégadonnées proviennent notamment des publications dans les médias sociaux, des données publiques mises en ligne, des données transmises par les téléphones intelligents, des relevés de transactions électroniques, des signaux des systèmes de localisation GPS, etc. Elles peuvent être de nature autant personnelle que professionnelle ou institutionnelle.

Neurone artificiel (OQLF)

Unité de base d’un réseau de neurones artificiels dont le rôle est de convertir les signaux porteurs d’information qu’elle reçoit en un signal unique qu’elle transmet à d’autres unités du réseau ou qu’elle dirige vers la sortie.

À l’origine, les inventeurs du neurone artificiel se sont inspirés du neurone biologique en tentant de lui donner un modèle mathématique.

Réseau de neurones artificiels (OQLF)

Ensemble organisé de neurones artificiels interconnectés, créé dans le but de pouvoir effectuer des opérations complexes ou de résoudre des problèmes difficiles grâce à un mécanisme d’apprentissage lui permettant d’acquérir une forme d’intelligence.

À l’origine, les créateurs de réseaux de neurones artificiels se sont inspirés du fonctionnement du système nerveux, lequel est organisé en fonction des liaisons qui s’établissent entre des neurones biologiques.

Réseau de neurones profond (OQLF)

Réseau de neurones artificiels comportant de nombreuses couches cachées qui lui permettent, en multipliant les possibilités de traitement, d’augmenter ses capacités d’apprendre, d’améliorer son efficacité à effectuer certaines opérations complexes et d’accroître ses moyens de résoudre certains problèmes difficiles.

Robot (OQLF)

Machine programmable, généralement contrôlée par ordinateur, qui est conçue pour effectuer de manière autonome une ou plusieurs tâches dans des environnements spécifiques.

Les robots sont généralement des automates évolués qui possèdent l’équipement nécessaire pour s’adapter à leur environnement et interagir avec les objets qui les entourent. Ils effectuent souvent des tâches variées qui exigent des facultés propres à l’être humain à la fois sur les plans moteur et cérébral. Les progrès de l’intelligence artificielle vont accroître l’autonomie des robots en leur permettant de disposer de mécanismes perfectionnés d’apprentissage et de prise de décisions.

Système d’intelligence artificielle (OQLF)

Système conçu pour simuler le fonctionnement de l’intelligence humaine afin d’exécuter des fonctions relevant normalement de celle-ci.

Test de Turing (OQLF)

Test qui consiste à mettre en communication, à l’aveugle, un être humain et un ordinateur afin de vérifier s’ils sont capables d’atteindre les mêmes niveaux de performance. Si l’opérateur humain ne parvient pas à distinguer lequel de ses interlocuteurs est l’ordinateur, on considère que la machine a passé le test de Turing et est ainsi dotée d’intelligence artificielle. Le test de Turing a été imaginé par le mathématicien britannique Alan Turing.

Traitement automatique du langage humain (TALN). Traitement du langage naturel (TAL)

« Technique d’apprentissage automatique qui permet à l’ordinateur de comprendre le langage humain ». Les fonctions et applications relevant du TAL incluent la traduction automatique, les agents conversationnels, et le traitement de la parole.

Traitement automatique des langues (OQLF)

Technique d’apprentissage automatique qui permet à l’ordinateur de comprendre le langage humain. Les applications du traitement automatique des langues incluent, entre autres, la traduction automatique, la synthèse de la parole, la reconnaissance de la parole, la reconnaissance de l’écriture manuscrite et l’assistant virtuel.

Références

Par André Vincent, Professeur en infographie retraité du Collège Ahuntsic, édimestre des Nouveaux Cahiers du socialisme


NOTES

  1. Chaire UNESCO pour la culture de la paix, Qu’est ce que l’intelligence artificielle ?.
  2. Dictionnaire Larousse Encyclopédie, Intelligence artificielle.
  3. Une partie de ce texte est tirée directement ou adaptée de l’article intitulé Intelligence artificielle de l’encyclopédie libre Wkipédia.
  4. Pour en savoir plus sur l’évolution de l’IA, on peut consulter les sources suivantes :
  5. Wikipédia, Intelligence artificielle.
  6. Actualité informatique, Quels sont les 3 types d’IA ?.
  7. Bouliech, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons.
  8. Wikipédia, Intelligence artificielle. Domaines d’application.
  9. Agence France Presse, « Au cœur de la course à l’IA, les puces de Nvidia suscitent la convoitise des start-up », La Croix, 29 septembre 2023.
  10. Thibault Mairesse, « L’intelligence artificielle : un gouffre financier », Études Tech, 18 octobre 2023.
  11. Tom Dotan et Deepa Seetharaman, « Big tech struggles to turn AI hype into profits », Wall Street Journal, 9 octobre 2023.
  12. Kate Saenko, « La recherche en IA est très énergivore, voici pourquoi », The conversation, 25 janvier 2021.
  13. Jack Clark et Ray Perrault, Artificial Intelligence Index Report 2023, Stanford University.
  14. Largest AI companies by market capitalization.
  15. Données regroupées de diverses sources consultées le 29 février 2024, dont : Largest AI companies by market capitalization ; Largest Chinese companies by market capitalization – CompaniesMarketCap.com; Top 10 Chinese AI Companies, AI Magazine.
  16. Parlement européen, Loi sur l’IA de l’UE : première règlementation de l’intelligence artificielle, 9 juin 2023, mise à jour le 19 décembre 2023.
  17. Ibid.
  18. Agence France-Presse, « L’intelligence artificielle encadrée par une nouvelle réglementation en Chine », Journal de Montréal, 18 août 2023.
  19. LEXPRESS.fr avec AFP, « Contenus générés par l’IA : cette nouvelle réglementation instaurée en Chine », L’Express, 19 août 2023.

Quel(s) avenir(s) pour la Palestine ? par Zahia El Masri

10 avril 2024, par Théa Lombard
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10 avril 2024, par Claude Vaillancourt
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La Vérificatrice générale dénonce les échecs du fédéral sur le logement autochtone

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Le gouvernement fédéral canadien ne remplit pas ses engagements en matière de logement à l'égard des populations autochtones, c'est ce que déclare la vérificatrice générale (…)

Le gouvernement fédéral canadien ne remplit pas ses engagements en matière de logement à l'égard des populations autochtones, c'est ce que déclare la vérificatrice générale Karen Hogan. Dans un récent rapport déposé à la Chambre des communes le 19 mars, Hogan a critiqué le gouvernement pour son (…)

Manifestation de solidarité avec la Palestine à Québec

9 avril 2024, par PTAG — , ,
Le 7 avril dernier, plusieurs centaines de personnes se sont réunies devant l'Assemblée nationale à Québec pour dénoncer les attaques génocidaires contre le peuple palestinien (…)

Le 7 avril dernier, plusieurs centaines de personnes se sont réunies devant l'Assemblée nationale à Québec pour dénoncer les attaques génocidaires contre le peuple palestinien de Gaza. Elles ont scandé des slogans dénonçant la complicité du gouvernement canadien et du gouvernement du Québec et ont demandé que ces gouvernements exigent un cessez-le-feu immédiat. Les manifestant-e-s se sont ensuite dirigé-e-s vers le consulat américain pour dénoncer sa complicité des États-Unis dans les massacres de l'armée israélienne.

Nous présentons ci-dessous, la prise de parole faite à l 'ouverture de la manifestation qui a rappellée les revendications de cette importante mobilisation et la diversité des appuis à cette dernière.

Nous publions également,à la suggestion de Serge Roy, l'intervention de Jesse Greener de Voix Juives indépendantes [1] lors du passage de la manifestation devant le consulat des États-Unis.


À la manifestation Tout le monde dans la rue pour la Palestine le 7 avril 2024 à Québec j'ai été impressionné par le discours de Jesse Greener de Voix Juives Indépendantes. Le discours a été prononcé devant le consulat des États-Unis sur la rue de la Terrasse-Dufferin dans le Vieux-Québec. Plus de 500 personnes ont participé à la manifestation partie de l'Assemblée nationale. Le discours a soulevé les appuis des manifestantes et manifestants. Je vous invite à lire la transcription de cette prise de parole convainquante.

Serge Roy, militant de Québec


Intervention de Jesse Greener de Voix Juives Indépendantes SOLIDARITÉ AVEC LE PEUPLE PALESTIEN

Je vous apporte des salutations de Voix Juives indépendantes, l'organisation la plus grande de personnes juives progressistes au Canada.

Aujourd'hui je dirai quelques mots sur le Sionisme, d'une perspective juive progressiste.
D'abord, c'est quoi le Sionisme ? Au fond, c'est une idéologie politique. Plus précisément, il s'agit d'un mouvement nationaliste apparu au 19eme siècle pour établir un pays pour des juifs en Palestine.
C'est bien connu qu'on n'a pas besoin d'être juif, pour être Sioniste. Par exemple, nous sommes devant le consulat américain. Les États-Unis sont dirigés par Joe Biden, le Sioniste le plus puissant sur la planète. Geonocide Joe, comme il est appelé, est bien connu pour avoir dit que, si Israël n'existait pas, les États-Unis devraient l'inventer.

L'histoire n'est pas trop différente ici au Canada. Notre système économique, notre industrie intellectuelle, etc. sont profondément connecté avec ceux d'Israël. Donc, même si les Canadien-ne-s critiquent le génocide israélien, son militarisme, son nationalisme, ses droits inégaux qui favorisent sa population juive blanche, le Canada reste un pays Sioniste.

On comprend tout cela. Mais il y a un autre point sur la question du Sionisme qui a besoin d'être dit. Beaucoup de juifs ne sont pas Sioniste. Par exemple, je ne suis pas moi-même sioniste.
Informellement, mon organisation Voix Juives Indépendantes a été aussi anti-Sioniste. Mais, je suis heureux de vous le dire, en janvier dernier, nous avons officiellement annoncé que Voix juives indépendantes est une organisation anti-sioniste.

Avec cela, nous nous joignons à d'autres organisations juives populaires comme Jewish Voices for Peace aux États-Unis. On peut dire clairement qu'on est en opposition à la suprématie religieuse et raciale de l'état israélien. Et qu'on s'oppose à l'occupation des terres palestiniennes et le traitement odieux de ces peuples. En effet, nous voyons clairement que le Sionisme constitue les racines qui poussent le fascisme militaire croissant en Israël actuellement.

Dernièrement, j'ai dit quelques mots sur des effets invisibles du Sionisme. Comme beaucoup d'entre vous le savez, la pâque juive s'approche. C'est un temp pour réfléchir sur les injustices dans le monde, passé et présent. Nous racontons des histoires des juifs anciens fuyant l'esclavage d'Égypte ; et les attaques qu'ils ont subies quand ils ont été les plus vulnérables. Pour notre famille et tant d'autres, c'est le moment de relier ces leçons aux luttes actuelles pour réaliser l'égalité et la libération auxquelles les gens sont encore confrontés.

De telles réflexions font partie intégrante de la tradition juive de la discussion et du débat. Elles contribuent également à maintenir notre culture dynamique et moderne.

Malgré tout cela, je viens d'apprendre que ma famille a été bannie de notre synagogue pour le Séder de pâque juive cette année à cause de notre participation dans les manifestations comme celle d'aujourd'hui. En effet, c'est dû à une influence Israélienne dans notre synagogue qui ne veut pas que les participants soient en notre présence. Ils sont inquiets des juives et des juifs qui voient que le génocide istraélien démontre clairement que l'histoire de pâque juive est directement liée aux luttes des Palestiniens d'aujourd'hui pour survivre.

Il semble peut-être que c'est une ironie que notre synagogue ait été colonisée par les influences de l'état israélien. Mais encore, une fois, sionisme n'a aucun rapport avec judaïsme, ou la culture juive. Et c'est pourquoi les juifs doivent aussi y résister.

Et pour résister au sionisme, nous devons regarder qui le soutient. Ce sont les pays de l'ouest comme les États-Unis, le Canada et l'Allemagne qui ont poussé le sionisme à ses limites.

Donc, à Joe Biden et Justin Trudeau, les Juifs progressistes disent cessez de nous utiliser, nous les Juifs et notre culture comme des boucliers humains pour vos objectifs politiques, militaristes et économiques. On dit d'arrêter d'armer Israël et commencez dès maintenant à le forcer à un cessez-le-feu !

Au nom de ma famille et de Voix juives indépendantes on vous remercie pour l'invitation à vous adresser la parole aujourd'hui.

*****

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[1] Voix juives indépendantes Canada (VJI) est une organisation issue de la base ancrée dans la tradition juive qui s'oppose à toute forme de racisme et qui promeut la justice et la paix pour tous en Israël-Palestine. VJI dispose de comités locaux actifs partout au Canada, dans les villes et sur les campus universitaires.

Les militants et militants de gauche du monde entier se rassemblent autour de Boris Kagarlitsky et appellent à la libération de tous les prisonniers politiques russes opposés à la guerre.

9 avril 2024, par Andrea Levy — , ,
Le célèbre sociologue et dissident russe a été emprisonné le 13 février pour une durée de cinq ans sur la base d'accusations de 'justification du terrorisme' forgées de toutes (…)

Le célèbre sociologue et dissident russe a été emprisonné le 13 février pour une durée de cinq ans sur la base d'accusations de 'justification du terrorisme' forgées de toutes pièces

25 mars 2024 | tiré de Canadian Dimension | Photo : Boris Kagarlitzki (deuxième à partir de la droite) comparaît lors d'une audience de son procès. Photo avec l'aimable autorisation de TASS.
https://canadiandimension.com/articles/view/leftists-worldwide-rally-around-boris-kagarlitsky-call-for-liberation-of-all-russian-anti-war-political-prisoners

Boris Kagarlitsky, intellectuel et dissident russe de renom, publiera un nouveau livre ce mois-ci chez Pluto Press. Intitulé The Long Retreat : Strategies to Reverse the Decline of the Left, il aborde des questions épineuses : pourquoi la gauche est elle aussi faible historiquement au niveau mondial et que faire. Au grand dam de ses nombreux amis et camarades du monde entier, Kagarlitsky ne fêtera pas le lancement du livre avec eux, car il est actuellement incarcéré dans une prison russe pour son opposition à l'invasion russe de l'Ukraine.

Il a d'abord été arrêté par le Service fédéral de sécurité (FSB) en juillet 2023 sous l'accusation ridicule de "justification du terrorisme" pour des remarques désinvoltes et humoristiques qu'il avait faites en ligne neuf mois plus tôt à propos de l'explosion d'une bombe par les forces ukrainiennes sur un pont en Crimée. « Malheureusement, le Léviathan n'a pas le sens de l'humour », a ironisé Kagarlitsky dans un article écrit pour Portside après sa libération quelque peu inattendue six mois plus tard, assortie d'une amende, d'une interdiction d'enseigner et de diverses restrictions à sa liberté d'expression. Les procureurs, pour leur part, ont rapidement démontré leur sinistre détermination à réprimer le fauteur de troubles. Arguant que la peine de Kagarlitsky était "injuste en raison de sa trop grande clémence", ils ont fait appel devant un tribunal militaire russe en février, affirmant faussement qu'il n'avait pas coopéré avec le tribunal ni payé l'amende initiale. Le 13 février 2024, ce tribunal fantoche l'a reconnu coupable et l'a condamné à cinq ans d'emprisonnement dans une colonie pénitentiaire.

À la suite de ce jugement bidon, la famille, les amis et les connaissances en Russie et dans le monde entier se sont rassemblés, comme ils l'avaient fait après sa précédente arrestation, et ont lancé une campagne de solidarité internationale appelant à la libération de Kagarlitsky et de tous les prisonniers politiques russes. L'un des principaux outils de cette campagne est une pétition qui a été traduite dans près de 20 langues, dont le russe et l'ukrainien. Les signataires constituent la « crème » de la gauche mondiale, incluant des personnalités aussi connues que l'ancien leader du Parti travailliste britannique Jeremy Corbyn, l'autrice Naomi Klein, le leader de La France Insoumise Jean-Luc Mélenchon, l'économiste Yanis Varoufakis et le philosophe Slavoj Žižek, ainsi que des dirigeantEs et des représentantEs éluEs de partis de gauche et progressistes, de même que des milliers d'intellectuels et de militantEs du Nord et du Sud, de l'Australie à l'Argentine, du Royaume-Uni à l'Afrique du Sud, et de l'Allemagne au Brésil, sans oublier de Moscou à Kiev. La pétition a recueilli plus de 13 500 signatures dans 45 pays depuis son lancement à la mi-mars.

Au Canada, des personnalités aussi connues que Judy Rebick, Greg Albo et Sam Gindin ont déjà apposé leur signature , tandis qu'au Québec, le leader parlementaire de Québec Solidaire Gabriel Nadeau Dubois a également signé la pétition, tout comme Jan Simpson, la présidente nationale du Syndicat des Travailleurs et Travailleuses des Postes, qui représente plus de 60 000 travailleurs et travailleuses.

L'objectif de la campagne de solidarité internationale avec Boris Kagarlitsky est de lancer un appel aux forces de gauche et démocratiques à travers le monde afin d'exiger l'arrêt de la campagne de Poutine visant à réduire au silence les voix qui en Russie, non seulement s'opposent à la guerre en Ukraine, mais rapportent également les graves problèmes qui s'accumulent en Russie à la suite de cette guerre. Comme le souligne la déclaration de la campagne, « sans l'attention de la communauté internationale, les prisonniers politiques russes opposés à la guerre seront laissés seuls face à un gouvernement qui les condamne non seulement à l'emprisonnement, mais aussi à la possibilité de la mort ». Les conditions de vie dans les centres de détention et les colonies pénitentiaires russes sont inférieures aux normes et représentent un danger pour la santé des prisonniers, comme Kagarlitsky en a déjà fait l'expérience lors de son précédent séjour à la prison de Syktyvkar, dans la République des Komis.

Une dissidence qui ne se dément pas

Bien entendu, ce n'est pas la première fois que Kagarlitsky est arrêté et emprisonné ; ce n'est même pas la première fois qu'il est arrêté alors qu'un nouveau livre se profile à l'horizon. Alors Rédacteur en chef du journal samizdat Levy Povorot (Left Turn) de 1978 à 1982, il a été arrêté sous la direction de Youri Andropov pour "activités antisoviétiques" quelques jours seulement après avoir achevé le manuscrit de son livre sur les intellectuels soviétiques, qui a été traduit en anglais et publié en 1988 sous le titre The Thinking Reed (Le roseau qui pense). L'ouvrage a été internationalement acclamé et a remporté le prix Deutscher Memorial, décerné chaque année pour des écrits exceptionnels à propos ou de tradition marxiste. L'année passée en prison en 1982 n'a pas réussi à étouffer ni son engagement en faveur de la justice et de la démocratie socialiste, ni son courage. Il a été arrêté une nouvelle fois en 1993 pour son opposition au coup d'État de Boris Eltsine et tabassé par les forces de sécurité de ce dernier.

Quelque trente ans plus tard, Kagarlitsky est redevenu une cible de l'État russe. En 2021, il a passé dix jours en détention administrative pour avoir incité la population à protester contre les élections frauduleuses à la Douma d'État, qui avaient conféré une large victoire au parti au pouvoir, Russie Unie, que Poutine a aidé à fonder et qui lui restait fidèle. Mais c'est la condamnation publique par Kagarlitsky de l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022 qui a réellement provoqué l'ire du régime. En tant que fondateur et rédacteur en chef de Rabkor ( Correspondant ouvrier), un site web et une chaîne YouTube de gauche, il avait pris publiquement, avec les autres membres de l'équipe de Rabkor, une position très ferme contre la guerre. Au nom de Rabkor, il avait signé une résolution adoptée par la « Table ronde des forces de gauche contre la guerre », qui dénonçait l'invasion comme l'expression des « ambitions malsaines en matière de politique étrangère d'un cercle restreint de personnes à la tête du pays, et comme un moyen de détourner l'attention des échecs du gouvernement russe en matière de politique intérieure ».

Kagarlitsky a d'abord été puni en étant qualifié d'« agent étranger », une tactique déployée aussi contre des dizaines de médias indépendants, de journalistes, d'artistes et d'organisations nationales et étrangères de toutes sortes jugées hostiles aux intérêts du Kremlin. Mais il a refusé d'être réduit au silence et des représailles plus sévères étaient à prévoir.

Boris Kagarlitsky lors de manifestations contre les élections à Moscou, en 2012. Avec l'aimable autorisation de Boris Kagarlitsky/Facebook.

Le politologue et sociologue russe Grigory Yudin est membre du comité de solidarité internationale de Boris Kagarlitsky. Il connaît, pour l'avoir subie , la brutalité que le régime réserve aux dissidents. Le 24 février 2022, il avait participé à une manifestation contre l'invasion de l'Ukraine et avait été battu par la police jusqu'à en perdre connaissance. Dans une interview récente, il faisait remarquer que « le prix de la protestation en Russie est de plus en plus élevé ».

Interrogé sur la campagne de solidarité avec Kagarlitsky, Yudin m'a dit que : « Boris est à la fois un penseur important et un militant courageux qui, par sa personne, révèle la cruauté du régime néolibéral peut-être le plus brutal de la planète à l'heure actuelle. Humilié, stigmatisé par l'État comme ‘extrémiste' et ‘agent étranger' (l'équivalent russe de ‘traître'), condamné à cinq ans de prison à l'âge de 65 ans et jeté dans une cellule surpeuplée, il demeure fidèle à ses principes et à ses convictions ».

« Se battre pour sa liberté est une opportunité importante pour la gauche mondiale dans cette terrible guerre qui fait rage en Europe et qui menace de s'intensifier », a poursuivi Yudin. « Si nous parvenons à libérer Boris, nous aurons des moyens de pression pour arrêter cette guerre et façonner l'ordre mondial d'après-guerre dans l'intérêt des peuples, et non des élites guerrières. Il s'agit clairement d'une situation d'unification de la gauche mondiale qui est sous le choc, à la fois fragmentée et désorientée par cette guerre impériale ».

Il faut noter que bien qu'il ait été un critique ferme et courageux de la guerre, Kagarlitsky n'est pas une figure incontestée de la gauche en ce qui a trait à l'évolution de ses opinions sur les relations entre la Russie et l'Ukraine. De nombreux Ukrainiens de gauche, par exemple, se méfient de Kagarlitsky en raison de son soutien antérieur à la présence russe à Donetsk, Luhansk et en Crimée, bien qu'ils se félicitent de son opposition à l'invasion massive en cours et reconnaissent l'importance d'un mouvement anti-guerre russe pour contrecarrer les ambitions de Poutine. Andrej Movchan en est un bon exemple. Dans son article pour Open Democracy, il appelle à la solidarité internationale avec Kagarlitsky malgré le soutien antérieur de ce dernier à l'annexion de la Crimée par la Russie en 2014 et aux mouvements séparatistes pro-russes au Donbass, ce que Movchan reconnaît comme procédant de l'opinion de Kagarlitsky selon laquelle il y avait des éléments progressistes ‘anti-impérialistes' à l'œuvre dans cette région. Movchan poursuit en reconnaissant que « Kagarlitsky a peut-être un jour soutenu des sections de la gauche patriotique russe qui aspirent à l'expansion territoriale. Mais aucun autre personnage de gauche aussi connu n'a fait plus pour inculquer à des milliers de Russes une vision compréhensible : le régime de Poutine est criminel, l'invasion de l'Ukraine est criminelle, rien ne la justifie et il faut s'y opposer ».

Kagarlitsky a également des détracteurs parmi ceux qui, à gauche, lui reprochent, entre autres, d'avoir sous-estimé le rôle des États-Unis et de l'OTAN dans la précipitation du conflit actuel.
Cependant, quelles que soient les divergences d'opinion avec Kagarlitsky qui peuvent persister dans certains milieux, l'ensemble de l'opinion de gauche s'accorde à dire qu'il est une victime de la campagne impitoyable de répression politique déclenchée par Vladimir Poutine pour calmer et étouffer l'opposition à la guerre – une campagne qui s'intensifie à mesure que l'appétit du public russe pour le conflit diminue.

Persécution croissante des militants et militantes pacifistes et critiques du Kremlin

Bien entendu, Kagarlitsky est loin d'être le seul à être emprisonné pour des délits de pensée et d'expression. Selon l'ONG russe de défense des droits de la personne OVD-Info, entre le 24 février 2022 et le 22 janvier 2024, 19 850 personnes ont été placées en détention pour avoir pris position contre la guerre. En 2023, OVD-Info a également signalé une augmentation du nombre de peines de prison infligées à des manifestants et des manifestantes anti-guerre, ainsi qu'une augmentation de la peine moyenne pour les cas d'opposition à la guerre, qui est passée de 36 mois en 2022 à 77 mois en 2023.

En tant que principal vecteur de critique de la guerre et, plus généralement, de ‘l'autocratie néolibérale' de Poutine (pour reprendre les termes de Kagarlitsky), la gauche en Russie est soumise à une répression sans précédent. De nombreuses organisations ont été fermées et des militants et militantes ont été emprisonnéEs pour divers motifs fallacieux.

Comme le souligne un éditorial sur le site du parti EuropeanLeft, il est "évident que les accusations criminelles contre Boris Kagarlitsky constituent une attaque contre l'ensemble du mouvement de gauche ». Mais comme le rappelle un pamphlet publié en russe et en français par un groupe d'émigrés politiques russes et les rédacteurs de la Tribune des Travailleurs en France, les grands médias se sont concentrés presque exclusivement sur Alexeï Navalny et divers critiques libéraux du régime de Poutine, ignorant essentiellement les nombreux intellectuels et activistes de gauche qui ont fait l'objet d'une répression sévère.

Ils soulignent que « Tout citoyen se revendiquant de positions politiques progressistes, les militants, les travailleurs, les syndicalistes sont persécutés par le régime de Poutine, de même qu'il persécute certains militants de l'opposition bourgeoise et des partisans d'un ‘ capitalisme à l'occidentale' » (ma traduction).

Outre Kagarlitsky, la brochure présente plusieurs autres prisonniers et prisonnières politiques, tels que le mathématicien anarchiste Azat Miftakhov, qui a été accusé de ‘hooliganisme' pour avoir brisé une fenêtre dans un bureau local du parti Russie Unie et condamné à une peine de six ans qu'il a purgée dans une colonie pénitentiaire. Miftakhov a ensuite été arrêté à nouveau et accusé de ‘justifier le terrorisme' pour des commentaires qu'il aurait faits à des codétenus. Le 28 mars 2024, il a été emprisonné pour une nouvelle période de quatre ans.

Une autre des nombreuses dissidentes persécutées est l'artiste et musicienne Aleksandra (Sasha) Skochilenko, qui a protesté contre l'invasion de l'Ukraine par la Russie sur les médias sociaux, par le biais de la musique ‘Jams for Peace', et en remplaçant les étiquettes de prix des supermarchés par des autocollants contenant des informations sur ce que l'armée russe faisait à Marioupol. Skochilenko a été arrêtée en avril 2022 et accusée, en vertu de l'article 207.3 du Code pénal, d'avoir sciemment diffusé de fausses informations sur l'utilisation des forces armées de la Fédération de Russie. Elle a été condamnée à sept ans d'emprisonnement dans une colonie pénitentiaire.

Il y a aussi Darya Polyudova, fondatrice du mouvement Résistance de gauche et critique du Kremlin, qui s'est ouvertement opposée à la guerre contre l'Ukraine et à l'annexion de la Crimée. Elle a d'abord gouté à la répression de l'État en raison de son soutien aux mouvements d'indépendance régionale en 2014, lorsqu'elle a été condamnée à deux ans dans une colonie pénitentiaire pour ‘incitation publique au séparatisme'. Elle a été de nouveau arrêtée en 2020, cette fois pour incitation au séparatisme et ‘justification publique du terrorisme par le biais d'Internet'. En mai 2021, elle a été condamnée à six ans de prison. Apparemment, cela n'a pas suffi aux autorités ; en 2021, le FSB l'a inculpée pour "avoir organisé une communauté extrémiste" et, un an plus tard, elle a été condamnée à neuf ans d'emprisonnement dans une colonie pénitentiaire.

Dans une interview accordée à Green Left, la fille de Kagarlitsky, Ksenia, a réitéré ce que son père avait écrit en avril 2023 (dans Canadian Dimension, en l'occurrence) : « Si nous voulons mettre fin à la persécution politique en Russie et dans d'autres pays du monde, nous devons nous battre pour tout le monde ».

La campagne de solidarité internationale pour Boris Kagarlitsky vise à construire un tel rapport de force, qu'il devienne impossible pour les personnages politiques qui dialoguent avec le gouvernement russe de l'ignorer, ce qui permettrait de faire pression pour la libération de Kagarlitsky (son appel devrait être entendu au début du mois de mai). La campagne vise également à attirer l'attention sur le sort des hommes et des femmes prisonniers politiques russes, dont la grande majorité est incarcérée sur la base d'accusations sans fondement.

Kagarlitsky lui-même a récemment été transféré du centre de détention provisoire de Moscou, où il partageait une cellule avec 15 autres hommes, au centre de détention n° 12 de Zelenograd. Sa première lettre, publiée par Rabkor et traduite par Renfrey Clarke, témoigne de son courage inébranlable et de son sens de l'ironie. Il y pose son regard de sociologue sur la vie carcérale. Un autre livre est peut-être en préparation. Espérons que la campagne de solidarité internationale Boris Kagarlitsky contribuera à ce qu'il le termine en tant qu'homme libre.

Toutes les personnes qui veulent soutenir Boris Kagarlitsky en signant la pétition peut la trouver sur freeboris.info et change.org.
Andrea Levy est rédactrice-coordonnatrice de la revue Canadian Dimension et membre du Comité de solidarité internationale pour Boris Kagarlitsky.
Traduction : Canadian Dimension - Presse-toi à gauche

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Russie. Vers une conscription militaire record avant une nouvelle offensive en Ukraine

9 avril 2024, par Sasha Yaropolskaya — , , , ,
Après la lune de miel des élections présidentielles, le régime de Poutine annonce une nouvelle phase de conscription militaire ce printemps, une des plus ambitieuses des dix (…)

Après la lune de miel des élections présidentielles, le régime de Poutine annonce une nouvelle phase de conscription militaire ce printemps, une des plus ambitieuses des dix dernières années.

2 avril 2024 | tiré de Révolution permanente
https://www.revolutionpermanente.fr/Russie-Vers-une-conscription-militaire-record-a-l-aune-d-une-nouvelle-offensive-en-Ukraine

Tous les ans, au printemps et en automne, est organisée une conscription pour le service militaire obligatoire en Russie. Traditionnellement, ce sont les les hommes de l'âge de 18 à 27 ans qui sont concernés. Cependant, début 2024, le plafond de l'âge de conscription a été relevé jusqu'à 30 ans, et l'objectif fixé pour ce printemps est un des plus élevés de la dernière décennie : 150 000 hommes. Il est facile de voir pourquoi. Dans les conditions de la guerre avec l'Ukraine, les enjeux de cette conscription sont plus importants car au cours de ces deux dernières années la Russie a subi de lourdes pertes et cherche constamment à renforcer ses effectifs sur le front et à l'arrière.

Le régime de Poutine a déjà mené une première vague massive de « mobilisation partielle » en 2022, soumettant les civils russes à un entraînement militaire rapide et superficiel et les envoyant directement au front, une approche qui a montré par la suite son inefficacité. Il a également cherché à mobiliser les prisonniers des colonies pénitentiaires avec la promesse de libération conditionnelle à ceux qui signaient un contrat avec le Ministère de la défense les obligeant à combattre jusqu'à la fin de « l'opération militaire spéciale ». Quant au service militaire obligatoire, le régime lance activement des poursuites pénales contre tous ceux qui tentent de l'esquiver. En 2022, 1.121 personnes ont été condamnés pour désertion au service militaire, avec des peines allant jusqu'à deux ans d'emprisonnement.

La conscription peut servir le front

Les jeunes hommes conscrits ne seront pas envoyés directement au front, assure l'État major russe. Mais en réalité, vers la fin de leur conscription, ces soldats pourront faire face à l'intimidation et aux diverses pressions de leurs supérieurs cherchant à leur faire signer des contrats avec le Ministère de la défense pour les envoyer au front. Même avant de signer de tels contrats, une partie des soldats conscrits sera affectée dans les régions frontalières de Belgorod et Kursk qui subissent des bombardements de l'armée ukrainienne et même des incursions terrestres de certaines unités. Dans ce sens, la conscription militaire présente des enjeux de vie et de mort pour les hommes concernés.

Selon les informations du média russe Verstka, qui s'appuie sur ses sources au sein de l'administration du président, le Kremlin prévoit également une nouvelle vague de mobilisation militaire cherchant à enrôler au front plus de 300 000 hommes. Il s'agira du recrutement des réservistes, des étudiants des universités militaires et des soldats conscrits que la hiérarchie va pressuriser jusqu'à la signature des contrats. Le régime espère rassembler un nombre suffisant d'hommes par ces canaux afin d'éviter une nouvelle chasse à l'homme massive sur le modèle de la mobilisation partielle de 2022, qui a provoqué à la fois des actes terroristes contre les bureaux de recrutement militaire mais aussi l'exode de dizaines de milliers de travailleurs qualifiés vers les pays d'Europe, du Caucase et d'Asie Centrale. Deux semaines après les élections présidentielles marquées par les manifestations et l'attentat sanglant du Crocus City Hall, le régime ne souhaite pas secouer la barque davantage, tant qu'il a le choix.

Guerre en Ukraine : quels sont les objectifs de Poutine en 2024 ?

A quoi se prépare au juste le régime de Poutine ? Après l'échec de la contre-offensive ukrainienne en 2023 et le début d'une nouvelle offensive russe en octobre 2023, la Russie a réussi à capturer environ 518 kilomètres carrés du territoire ukrainien, selon le Telegraph. L'armée russe a notamment pris la ville d'Avdiivka, poussant un millier de soldats ukrainiens à reculer de cette position. Après ces maigres succès, la Russie se préparerait, selon The Economist et les affirmations du président ukrainien Zelensky, à une grande offensive en mai-juin qui serait la plus ambitieuse depuis la tentative de blitzkrieg en février 2022. Si ces déclarations se confirment, on pourrait faire quelques hypothèses sur l'opportunité du moment actuel pour une nouvelle offensive russe.

Il y a d'abord la fatigue de la guerre du côté ukrainien où l'effet de « l'union sacrée » au nom de la défense de la patrie s'est épuisé après deux ans de privations de guerre et les nombreuses défaites au front. Les volontaires pleins d'enthousiasme patriotique sont rares de ces jours en Ukraine et des centaines de jeunes hommes cherchent plutôt activement à fuir la conscription militaire obligatoire. Le soutien financier et militaire apporté à l'Ukraine au début de la guerre a été considérable avec les États-Unis qui ont accompli au cours de ces deux dernières années le plus grand investissement extérieur depuis le Plan Marshall en 1948. Mais aujourd'hui, la Maison Blanche de Biden est plongée dans une véritable crise politique avec le parti Républicain bloquant activement tout projet législatif de nouvel envoi d'armes à l'Ukraine. Le probable retour au pouvoir de Donald Trump en novembre, qui prône une politique extérieure isolationniste, ne présage rien de bon pour l'Ukraine entièrement dépendante du soutien occidental pour ses besoins militaires. Face à cette faiblesse états-unienne, les États européens se sont engagés à un soutien plus actif à l'Ukraine : le Royaume-Uni, l'Allemagne et la France ont signé les garanties de sécurité avec le pays et l'Union Européenne a envoyé un paquet significatif d'aide militaire au début d'année. Mais ces efforts peuvent ne pas suffire pour remplacer le rôle qu'ont joué les États-Unis dans ce conflit. Et c'est de cette brèche-là que tente de se saisir Poutine.

À bas la boucherie de la guerre !

La guerre de mouvement que livrait l'armée russe en février 2022 sur l'ensemble du front ukrainien a révélé d'énormes limites militaires et logistiques de l'armée russe. S'appuyant sur les informations incomplètes voire fausses venant de ses officiers, sergents et généraux, l'État-major de Poutine a perdu des dizaines de milliers de soldats professionnels dans des offensives peu réfléchies. Depuis que la Russie est passée à la défensive, le front est alimenté par les recrues civiles et issues du système pénitentiaire russe mais aussi par un flux de volontaires qui signent des contrats avec le Ministère de la défense en espérant améliorer leurs conditions économiques, l'armée étant le seul secteur de l'économie qui paie des salaires élevés aux hommes sans études supérieures.

Forcés ou volontaires, tous ces hommes sont envoyés à une mort quasi certaine dans la guerre des tranchées où leur courage ou combativité individuelles ne comptent pas pour grand-chose face aux drones low-cost ukrainiens qui les tuent tous les jours par centaines. Ces hommes servent de chair à canon à leur commandement, qui est prêt à sacrifier leurs vies massivement pour conquérir des positions sans importance stratégique comme Bakhmout ou Avdiivka. Loin de la propagande nationaliste chauvine du régime de Poutine promettant la gloire aux soldats, ce sont ces morts absurdes et privées de sens qui montrent vraiment ce qu'est la guerre au 21ème siècle.

C'est pourquoi la conscription militaire obligatoire en Russie est une véritable tragédie, tout comme elle l'est du côté ukrainien. L'État fait le tour de ses territoires, ciblant en particulier les Républiques nationales et les régions rurales, il sévit sur sa jeunesse, la sacrifiant sur l'autel de cette guerre sanglante et profondément réactionnaire. Ceux qui ne vont pas mourir dans la boue des tranchées resteront mutilés, physiquement ou psychologiquement, à vie, avec une génération entière qui sera marquée, comme après les guerres d'Afghanistan et de Tchétchénie, par le trouble du stress post-traumatique. Deux ans après le début de la guerre, il est évident que la seule véritable manière de mettre fin à ce massacre ne sera pas un cessez-le-feu temporaire décidé par le haut, mais une révolte des classes populaires russes et ukrainiennes contre leurs dirigeants et contre les puissances impérialistes qui rendent possible cette boucherie.

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Russie. « Le voyage continue » : une lettre de prison de Boris Kagarlitsky

9 avril 2024, par Boris Kagarlitsky — , ,
Boris Kagarlitsky, sociologue russe de renom, a été incarcéré le 13 février 2024 pour une durée de cinq ans sur la base d'accusations forgées de toutes pièces de « (…)

Boris Kagarlitsky, sociologue russe de renom, a été incarcéré le 13 février 2024 pour une durée de cinq ans sur la base d'accusations forgées de toutes pièces de « justification du terrorisme ». En réalité, son seul crime a été de s'élever contre la guerre menée par la Russie en Ukraine.

Son dernier appel devant être entendu début mai, la campagne de solidarité internationale Boris Kagarlitsky a lancé une pétition internationale demandant sa libération ainsi que celle de tous les autres prisonniers politiques. [La rédaction d'Alencontre s'associe à cette campagne.]

Vous trouverez ci-dessous la première lettre publique que Boris Kagarlitsky a envoyée depuis le centre de détention n° 12 de Zelenograd, où il est actuellement détenu. Ecrite à sa fille Ksenia, elle a été traduite par Renfrey Clarke à partir de la version russe originale publiée par Rabkor [dont Kagarlitsky était rédacteur en chef]. Renfrey Clarke a également traduit le dernier livre de Boris Kagarlitsky, The Long Retreat : Strategies to Reverse the Decline of the Left, disponible en pré-commande chez Pluto Press.

2 avril 2024 | tiré du site alencontre.org
https://alencontre.org/europe/russie/russie-le-voyage-continue-une-lettre-de-prison-de-boris-kagarlitsky.html

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Après mon retour à Moscou depuis Syktyvkar [république des Komis, à 1300 km au nord-est de Moscou], un journaliste de ma connaissance m'a incité à écrire quelque chose sur mes expériences en prison. L'idée m'a séduit et je me suis immédiatement mis au travail. Mais après avoir écrit une quinzaine de pages, je me suis rendu compte que je n'avais pas assez de matière pour un livre entier. Le problème a été rapidement résolu, car le Léviathan a veillé à ce que j'aie de nouvelles occasions d'approfondir mes connaissances sur la vie en prison. A la suite d'une requête du bureau du procureur, une cour d'appel a décidé de réexaminer la peine prononcée à Syktyvkar [le 26 juillet 2023 pour « appels publics au terrorisme »] et m'a de nouveau envoyé [le 13 février 2024] derrière les barreaux [après avoir été libéré le 13 décembre].

Ma dernière expérience de la prison s'est révélée différente à bien des égards de la précédente. En l'espace d'un peu plus d'un mois, je suis passé par trois prisons et cinq cellules, avant de m'installer dans ma « cellule longue durée » [à Zelenograd, dans l'oblast de Moscou], où j'écris ces lignes. Le résultat est que j'ai fait la connaissance de nouvelles personnes et que j'ai eu accès à un matériel extrêmement riche. Beaucoup de nouvelles pensées me sont venues à l'esprit et je les écris petit à petit (ces pensées n'ont pas toujours un rapport avec la vie carcérale, mais elles sont évidemment influencées par l'expérience que j'ai vécue ici). Les occasions de réfléchir à la philosophie et à la psychologie ne manquent pas, mais les découvertes les plus riches sont liées aux transferts d'un endroit à l'autre que j'ai été obligé de subir.

Bien que les règles de la vie carcérale soient fondamentalement les mêmes partout, la pratique réelle peut être très différente, non seulement d'une prison à l'autre, mais même d'une cellule à l'autre. Dans chaque lieu, des communautés distinctes naissent, évoluent, se désagrègent et se reforment au gré des circonstances. Il y a des grandes et des petites prisons, des riches et des pauvres, dans les provinces et dans la capitale. Les gardiens peuvent être aimables et même compréhensifs, mais ils peuvent aussi être méchants. Les détenus sont de différents profils humains, appartenant à différents groupes culturels et classes sociales. Il y a toujours des sujets de conversation, même si ces conversations ne sont pas toujours agréables. Lorsque les détenus sont transférés d'une prison à l'autre, ils échangent des informations sur ce qui se passait dans leur dernier lieu de détention et sur ce à quoi ils peuvent s'attendre dans le nouvel établissement. Ce qui intéresse le plus les gens, c'est bien sûr la nourriture. Manger décemment est l'un des principaux plaisirs que l'on peut espérer de la vie en prison, et la qualité de la nourriture carcérale fait donc l'objet de discussions particulièrement animées.

Lorsque je suis arrivé à Zelenograd, j'ai été placé, pour une raison quelconque, dans une cellule de quarantaine, bien que les deux semaines que j'avais passées à Kapotnya [sud-est de la municipalité de Moscou] équivalaient déjà à une quarantaine. Le problème de cette quarantaine était que les gens de l'extérieur ne pouvaient pas me contacter normalement. Je ne recevais pas de colis et mes trois nouveaux compagnons de cellule étaient exactement dans la même situation. C'est là que j'ai entendu parler de la maison d'arrêt de Medvedkovo [Moscou], où, paraît-il, les prisonniers sont très bien nourris. Oh, les louanges que j'ai entendues sur les cuisiniers de cette prison pendant ma période de quarantaine à Zelenograd ! Le porridge dans cet endroit ! La quantité de viande dans la soupe ! La taille des portions distribuées au dîner ! A en juger par les commentaires de mes compagnons de cellule, cet établissement méritait une étoile Michelin.

Lorsque vous atterrissez dans une cellule dotée d'un réfrigérateur et d'un téléviseur, vous commencez à dépendre moins de la cuisine de la prison et plus des colis alimentaires et de vos compagnons de cellule. Tout n'est pas partagé, ni avec tout le monde, mais la gestion en commun des ressources est tout à fait naturelle et raisonnable. Dans la cellule où j'ai été placé à Kapotnya, j'ai été frappé par le fait que des procédures démocratiques avaient été mises en place, certaines questions étant décidées par vote, d'autres par consensus. La nourriture, en revanche, ne relevait pas de la propriété commune. Les détenus s'étaient répartis en plusieurs groupes (nous étions en tout entre 13 et 15, avec des arrivées et des départs constants), et à l'intérieur de ces groupes, les ressources étaient partagées. J'ai fini par y voir une sorte d'anarcho-socialisme, même s'il y avait aussi des individualistes. Par exemple, il y avait un ancien responsable universitaire qui avait été emprisonné pour corruption. Le réfrigérateur était rempli par ses réserves de nourriture, qu'il ne partageait avec personne. Une fois, il est vrai, il s'est approché de moi et m'a offert un morceau de gâteau. J'ai été étonné et j'ai accepté le cadeau avec gratitude. Malheureusement, la raison de sa générosité est apparue immédiatement : le gâteau avait dépassé sa date de péremption.

Ici, à Zelenograd, la cellule est plus petite et il ne vient à l'idée de personne d'établir des procédures formelles, et encore moins de procéder à des votes. Néanmoins, des communautés informelles prennent inévitablement forme et fonctionnent selon leurs propres règles. Le degré de solidarité et d'entraide qui y règne est sensiblement plus élevé qu'à l'extérieur.

Bien sûr, j'ai eu de la chance. J'ai été placé dans une cellule avec des gens corrects, pour autant que cela soit possible dans de telles conditions. Mais ce n'est peut-être pas si surprenant. La plupart des détenus, après tout, ne sont pas des malfaiteurs endurcis, mais des gens ordinaires qui sont entrés en conflit avec la loi, qui ont cédé à une tentation ou qui ont perdu le contrôle de leur situation. Lorsque j'ai été placé dans ma cellule à Kapotnya, l'un des détenus, qui était là depuis plus longtemps que les autres, m'a immédiatement dit : « Vous seriez ici pour un meurtre, n'est-ce pas ? » J'ai été choqué. « Est-ce que j'ai vraiment l'air d'un meurtrier ? » La réponse fut encore plus inattendue que la question : « Les gens qui sont ici pour meurtre non prémédité sont tous très décents, intelligents et gentils. » En revanche, la réputation des prisonniers politiques n'est pas toujours très bonne. « Certains d'entre eux ont une trop haute opinion d'eux-mêmes et, dans l'ensemble, ils sont enclins à l'hystérie. » J'espère avoir pu améliorer quelque peu la réputation des prisonniers politiques aux yeux de mes compagnons de cellule.

La prison de Zelenograd, où l'on a fini par me placer, est petite et dispose de ressources limitées. Cela se voit dans la quantité et la qualité de la nourriture, et dans le fait que l'établissement est en sous-effectif chronique. Les gardiens se plaignent constamment de tout cela, s'attirant la sympathie et la compréhension des prisonniers. En général, cependant, la qualité de la nourriture de la prison cesse de vous déranger une fois que vous êtes placé dans une cellule équipée d'un réfrigérateur. Notre cellule est particulièrement chanceuse : l'un des détenus est diplômé d'un institut de cuisine et est pâtissier de métier. Il a réussi à obtenir une cocotte-minue pour la cellule, et chaque soir, l'endroit est rempli d'arômes délicieux.

Malheureusement, si un réfrigérateur peut devenir source d'émotions positives, il en va tout autrement d'un téléviseur. Curieusement, ces deux appareils existent dans une sorte d'unité organique : soit vous avez les deux, soit vous n'avez rien. Chaque jour, la télévision vous abreuve de propagande qui se transforme en une sorte de bruit de fond auquel il est difficile d'échapper en changeant de chaîne – le message est partout le même. Au bout d'un certain temps, cependant, on développe une immunité. La télévision a également une fonction positive : elle permet de connaître l'heure.

En discutant avec mes compagnons de cellule pendant quelques semaines, et dans certains cas seulement quelques heures, j'ai peu à peu constitué une sorte d'encyclopédie des types humains et des histoires de vie, sur la base de laquelle je pourrais peut-être, un jour, écrire un bon livre. Toutes ces expériences et connaissances devront cependant encore être résumées et retravaillées. J'espère pouvoir le faire à l'extérieur ! Pour l'instant, je me contente d'accumuler des connaissances. Le voyage continue. – Zelenograd, 25 mars 2024 (Texte en anglais publié par LINKS International Journal of Socialist Renewal ; traduction rédaction A l'Encontre)


Russie. « Soutenir les prisonniers politiques de gauche est un acte de solidarité pratique »

8 avril 2024 | Alencontre
Par Boris Kagarlitsky

Depuis une prison russe, le sociologue Boris Kagarlitsky a écrit la lettre ouverte qui suit afin de soutenir une large campagne de solidarité avec les prisonniers politiques russes de gauche.

Boris Kagarlitsky a lui-même été emprisonné pour cinq ans le 13 février 2024 sur la base d'accusations – forgées de toutes pièces – de « justification du terrorisme ». En réalité, son seul crime a été de s'élever contre la guerre menée par la Russie en Ukraine.

Une pétition mondiale appelant à sa libération et à celle de tous les autres prisonniers politiques opposés à la guerre peut être signée ici.

La lettre a été traduite par Renfrey Clarke à partir de la version russe originale. Renfrey Clarke a également traduit le dernier livre de Boris Kagarlitsky, The Long Retreat : Strategies to Reverse the Decline of the Left, à paraître chez Pluto Press.

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Dans son rapport à la Douma d'Etat [de la Fédération de Russie], le Premier ministre russe, Mikhaïl Michoustine, a cité une multitude de chiffres témoignant de la croissance de l'économie et de l'amélioration du bien-être de la population. Malheureusement, il existe dans notre pays un autre indice qui ne cesse de croître. Il s'agit du nombre de prisonniers politiques.

Un nombre important des personnes qui sont derrière les barreaux pour leurs convictions politiques appartiennent à des organisations de gauche. Des socialistes, des communistes et des anarchistes, ainsi que des démocrates de gauche qui ne sont membres d'aucun parti ou organisation, sont constamment victimes de la machine répressive. Chaque dossier a bien sûr ses particularités, mais la situation générale est claire. Le mouvement de gauche s'exprime en faveur des droits sociaux et démocratiques, contre le militarisme et l'autoritarisme, et il en paie le prix.

Heureusement, le soutien aux prisonniers politiques dans notre pays devient également un phénomène important. Des milliers de personnes écrivent à ceux qui ont été arrêtés, préparent des colis et envoient de la nourriture ainsi que des vêtements chauds. Il est incontestablement nécessaire de soutenir tous ceux qui, sans recourir à la violence, défendent leurs opinions et subissent de ce fait des persécutions. Nous devons connaître et nous souvenir de tous leurs noms.

Néanmoins, les gens de gauche peuvent et doivent faire plus pour ceux et celles qui partagent des opinions analogues. Le plus important est qu'en combinant nos efforts pour aider les prisonniers politiques, nous contribuons à renforcer le mouvement et à établir une coordination entre les individus et les groupes. Il est beaucoup plus fructueux de travailler ensemble pour aider ceux qui, partageant les mêmes convictions, souffrent pour leurs idées que de poursuivre d'interminables discussions pour savoir qui avait raison dans les discussions politiques soviétiques des années 1920, pour savoir comment considérer Staline et Trotsky, et pour savoir qui doit être considéré comme un marxiste irréprochable et qui comme un réformiste, un opportuniste ou, à l'inverse, un sectaire.

L'unité politique et la maturité politique s'acquièrent au cours de l'activité politique. Dans les conditions actuelles, où l'action politique et l'auto-organisation dans notre pays sont devenues extrêmement difficiles, aider nos « compagnons de pensée » emprisonnés n'est pas seulement un acte humanitaire, mais aussi un geste politique important, un acte de solidarité pratique.

Maintenant que cette initiative [de soutien aux prisonniers politiques de gauche] se concrétise enfin, nous devons tous la soutenir. Nous pouvons et devons nous unir à son sujet. Après ce premier pas, d'autres suivront. Pour que l'avenir devienne réalité, nous devons y travailler dès maintenant.

J'espère vivement que ceux et celles qui partagent mes messages sur les réseaux sociaux et mes lecteurs soutiendront l'initiative unitaire en faveur des prisonniers politiques et de tous les militant·e·s de gauche qui ont souffert de la répression politique. C'est ainsi que nous pouvons gagner ! – Boris Kagarlitsky, 4 avril 2024 (Lettre publiée sur le site Links le 7 avril 2024 ; traduction rédaction A l'Encontre)

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Grande manifestation régionale pour le Jour de la Terre

9 avril 2024, par Coalition régionale justice climatique et sociale —
URGENCE CLIMATIQUE ! URGENCE SOCIALE ! Parc du Musée du Québec Dimanche 21 avril 2024 à 13:00 Il y a quelques jours, on apprenait que le réchauffement de la planète (…)

URGENCE CLIMATIQUE ! URGENCE SOCIALE !
Parc du Musée du Québec
Dimanche 21 avril 2024 à 13:00

Il y a quelques jours, on apprenait que le réchauffement de la planète avait franchi le cap dramatique de 1,5°C avec près de 6 ans d'avance sur les prévisions les plus pessimistes. L'urgence d'agir n'a jamais été aussi grande car c'est maintenant la limite des 2°C qui pourrait être franchie d'ici la fin de la décennie. Événements météorologiques extrêmes, augmentation du coût de la vie, problèmes de santé, destruction des milieux naturels, érosion des berges, etc. Si les conséquences sont connues et de plus en plus visibles, les actions de nos dirigeantEs tardent à se concrétiser.

La mobilisation de la population est essentielle pour forcer nos gouvernements à agir ici, mais également au niveau international pour accélérer la transition. C'est pourquoi les milieux étudiants, syndicaux, communautaires, féministes et environnementaux de la région de Québec ont choisi d'unir leurs forces pour la justice climatique et sociale et d'organiser une grande manifestation régionale à Québec le 21 avril prochain, pour le Jour de la Terre, autour des trois revendications suivantes :

1- l'accélération de la lutte et de l'adaptation aux crises climatiques et de la biodiversité, notamment par la sortie urgente des énergies fossiles ;

2- un réinvestissement massif dans les services publics et les programmes sociaux, notamment en taxant davantage la richesse ;

3- une transition juste et inclusive pour les communautés et les travailleuses et travailleurs.
Toute la population est invitée à descendre dans la rue le dimanche 21 avril afin d'exiger une transition juste, sociale et écologique.

Faire face aux défis environnementaux et rebâtir ensemble une plus grande justice sociale fondée sur des services publics et des programmes sociaux de qualité, c'est désormais une question de survie !

*il y a aura une traduction LSQ*

🌎 21 avril 2024 - Montréal :
https://www.facebook.com/events/934588828244577
🌎 21 avril 2024 - Capitale nationale :
https://www.facebook.com/events/1449343342665697
🌎 22 avril 2024 - Sherbrooke :
https://www.facebook.com/events/431264126061443

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La crise agricole a rejoint le Québec… fin prêt à l’accueillir et l’envenimer

9 avril 2024, par Marc Bonhomme — ,
Comme en Inde et Europe, c'est le clash agro-industrie versus climat La crise agricole a rejoint le Québec — si le Premier ministre le dit ! — après avoir soulevé les (…)

Comme en Inde et Europe, c'est le clash agro-industrie versus climat La crise agricole a rejoint le Québec — si le Premier ministre le dit ! — après avoir soulevé les agriculteurs de l'Inde et de l'Union européenne. Le vent européen a frappé l'Est du Québec avant de toucher la plaine montréalaise. C'est le signal qu'il faut des changements structuraux au-delà « des indemnisations historiques en assurance récolte » de cette année. Les fermes familiales québécoises, malgré le phénomène marginale des micro-fermes maraîchères vendant directement aux consommatrices, fusionnent historiquement comme ailleurs. Même devenant agroindustrielles, elles restent cependant plus modestes que celles canadiennes ou étatsuniennes. Avant même le dernier été catastrophique de pluies trop abondantes ou de sécheresse, de hausse du prix des engrais due à la guerre contre l'Ukraine et, last but not least, de la hausse des taux d'intérêt, elles étaient au bord du gouffre.

7 avril 2024

Au Québec la politique de soutien du lait pour le marché intérieur, principale production québécoise, est fort différente de celle du porc vendu mondialement. La volatilité des prix mondiaux favorise les « intégrateurs » porcins qui réduisent les fermiers à la sous-traitance par manque de capitaux sans toutefois leur enlever le risque de marché. Quant aux quotas, « l'une des plus lourdes hypothèques qui pèsent sur l'agriculture québécoise » (Rapport Pronovost, 2008), ils lestent de 60% la valeur marchande de la ferme laitière moyenne, ce qui handicape tant les investissements productifs que la relève. En résulte un « endettement sans précédent des agriculteurs », relativement plus important de 50% qu'en Ontario et plus du triple qu'aux ÉU et qui « a doublé au cours des dix dernières années » d'ajouter le rapport Pronovost, ce qui provoque « la baisse des revenus agricoles ». Cette baisse a obligé les ménages agricoles, particulièrement la conjointe, à travailler à l'extérieur de la ferme pour les deux tiers de leurs revenus afin de se maintenir à flot.

Le rapport Pronovost n'ayant pas été appliqué sauf à la marge, l'agriculture québécoise est devenue fragile aux bouleversements mondiaux, dussent-ils être climatiques, géopolitiques et économiques, qui ont convergé sur le monde postpandémie. Éclatait le printemps passé sur la scène publique la crise du porc qui n'a pu être colmatée que sur le dos du prolétariat sous-payé et en partie racisé du monopsone Olymel, des petits éleveurs porcins et du contribuable… mais pas suffisamment selon le président de l'UPA. Pour la production maraîchère mal assurée, grande ou petite, c'est la crise totale à faire pleurer. Si on en juge par leur participation aux actuelles mobilisations, les producteurs de lait, du moins la relève, bénéficiant de la protection des quotas acquis à prix d'or, tirent aussi le diable par la queue.

Plus ça change… plus est sacrifiée l'agriculture à la filière batterie

De constater le président de l'UPA au congrès de décembre dernier : « Nos coûts sont plus élevés, on s'endette plus, pour moins de profit. C'est ça la réalité ». Plus ça change….

Depuis 2015, la dette des agriculteurs québécois a plus que doublé, connaissant une hausse de 115 %, pour atteindre 29,4 milliards de dollars. Sur la même période, leurs revenus ont baissé de 38 %, d'après des données de la Financière agricole citées par Martin Caron [président de l'UPA]. […] Près d'une famille agricole sur deux dépendrait aussi d'un revenu extérieur, une proportion en hausse depuis quelques années. […] À ces pressions économiques se sont ajoutés les événements environnementaux extrêmes de l'été. Gel tardif au printemps, feux de forêt, sécheresse ou pluies abondantes ont affecté les récoltes, selon les régions.

Des mesures d'urgence sont en cours nous dit-on soit « le travail de réforme du programme d'assurance récolte […], la demande au gouvernement fédéral que soit déclenché le programme Agri-relance [qui vise spécifiquement à aider les producteurs agricoles touchés par une catastrophe naturelle, NDLR] et le grand chantier que Québec a entrepris pour alléger le fardeau administratif des agriculteurs et qui devrait apporter des résultats d'ici l'automne. » C'est indispensable mais l'agriculture a surtout besoin d'être sortie du « business as usual » de l'agro-industrie carnée vers l'agroécologie végétarienne en commençant par la préservation des terres agricoles de la menace tant du capital financier, que réclame Québec solidaire, que de l'industrie éolienne :

Au Québec, la superficie des terres en culture est de 0,24 hectare par habitant. C'est le taux le plus bas au sein de l'OCDE [l'Organisation de coopération et de développement économiques, qui regroupe 38 pays développés]. Aux États-Unis, ce taux est de 1,52 hectare par habitant. La zone agricole est constamment grugée et grignotée par des développements de toutes sortes. En plus des superficies exclues de la zone agricole, des milliers d'hectares ont été sacrifiés pour des « utilisations non agricoles » (UNA) en zone verte. Depuis 25 ans, la perte réelle représente 57 000 hectares [570 km2 , soit plus que l'île de Montréal]. Les UNA sont une approche sournoise. Les terres visées par leur implantation demeurent comptabilisées en zone verte. Or, elles perdent leur vocation agricole et, plus souvent qu'autrement, de manière irrémédiable.

L'implantation de parcs éoliens en zone agricole est un exemple type d'UNA. Imaginez 3000 à 5000 éoliennes sur le territoire agricole du Québec, soit le nombre nécessaire pour répondre à la demande d'Hydro-Québec. […] Avec près de 3000 éoliennes de cinq mégawatts installées pour atteindre les objectifs de demande […], c'est près de 100 milliards $ qui seront versés aux promoteurs éoliens au cours de cette période [30 ans]. Tout dépendamment de leurs marges bénéficiaires, ce sont des centaines de millions de dollars de profits que nous nous apprêtons à leur accorder chaque année.

Soulignons qu'il s'agit ici d'assurer en toute sécurité, donc dans une perspective de souveraineté alimentaire, au peuple québécois la nourriture quotidienne soit la base de son existence. À cet égard, le président de l'UPA « estime que les gouvernements fédéraux et provinciaux doivent accroître la part de leur budget consacré à l'agriculture. D'après des données de l'UPA, cette proportion était de 1,47 % au fédéral en 2013, elle est passée à 0,42 %. Au provincial, la proportion du budget réservée à l'agriculture et à l'agroalimentaire est passée de 1,47 % il y a 10 ans à 0,98 % aujourd'hui. » De répondre Québec solidaire aux maniaques de la lutte contre la dette publique pourtant nettement sous contrôle malgré les apparences et sachant que billionnaires, multimillionnaires et grandes entreprises sont loin de payer leur juste part :

Quand c'est le temps de donner des milliards pour des multinationales étrangères pour faire des batteries, il ne manque jamais d'argent. Mais quand vient le temps de soutenir les hommes et les femmes qui nourrissent le Québec, le gouvernement de François Legault leur réserve moins de 1% du budget. (Discours de Gabriel NadeauDubois lors de la manifestation de St-Jean-sur-Richelieu)

La révolution agrobiologique passe par le rejet du joug financier du libre-échange

Il faudrait cependant pousser plus loin la coche de la critique comme le fait l'organisme de gauche paysanne mondiale Via Campesina en réaction aux manifestations agricoles européennes :

À cette situation s'ajoutent de nouvelles ambitions en matière de transition écologique et de lutte contre le dérèglement climatique. L'Union européenne a souhaité mettre en place le Green deal, un pacte vert en vue de réduire l'utilisation des émissions de carbone, de pesticides, promouvoir des systèmes alimentaires durables, augmenter les surfaces en bio, etc. Le Copa-Cogeca [fédération européenne des grandes entreprises agro-industrielles] s'y est tout de suite opposé alors que ECVC [Coordination européenne de Via Campesina] de son côté a salué les objectifs en déplorant le manque d'outils de mise en œuvre. La montée en gamme engendre forcément une augmentation des couts de production, et elle ne peut pas se faire dans le cadre du libre-échange. On a ainsi un pôle qui défend le business contre la transition, et un autre qui défend la sortie du libéralisme pour pouvoir mettre en place des politiques écologiques. À l'heure actuelle on a clairement perdu une bataille, même si un débat intéressant a émergé au niveau européen.

Face au discours anti-paperasse des protestataires, on a parfois l'impression d'un mot-code anti-écologie bien qu'iels ont cent fois raison de réclamer un soutien majoré pour s'y conformer. Et il va falloir soulever la pression du libre-échange qui y est pour beaucoup dans la crise du porc et l'est en sous-main pour ce qui est de la production maraîchère et même céréalière. L'épuisement des sols, la pollution aquatique et les émanations de GES de l'agro-industrie s'acheminent à la vitesse grand V vers un clash, tout en y contribuant, eu égard aux crises du climat et de la biodiversité. On est encore loin du compte d'une solution structurelle de la crise.

Sans une remise en cause de l'endettement des fermes familiales et de leur concentration/transformation en fermes capitalistes, de la monopolisation des industries en amont et en aval de la production agricole, en particulier de l'hyperconcentration de la distribution soit trois distributeurs dont deux hors Québec contrôlant de 90 à 95% du marché, on sera coincé entre le Charybde du libreéchange et le Sylla du protectionnisme. Historiquement, le recours au coopératives dans un environnement capitaliste a été un échec. Desjardins, Coop fédérée/Olymel et Agropur participent comme les autres banques et autres fournisseurs à l'étouffement de la ferme familiale, sans compter leur antisyndicalisme notoire. On a du pain sur la planche.

Marc Bonhomme, 7 avril 2024
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca

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La lutte aux changements climatiques au-delà de la taxe carbone canadienne

9 avril 2024, par Richard Fidler — ,
Nous devons avoir un autre type de gouvernement attaché au soutien aux victimes des changements climatiques, pas à ceux et celles qui les alimentent Richard Fidler, (…)

Nous devons avoir un autre type de gouvernement attaché au soutien aux victimes des changements climatiques, pas à ceux et celles qui les alimentent

Richard Fidler, Canadian Dimension 25 mars 2024
Traduction, Alexandra Cyr

Les changements climatiques sont la partie très visible, la plus menaçante expression, d'une crise écologique planétaire. Ils sont au cœur et le résultat d'un système économique basé sur les énergies fossiles et qui poursuit sans fin la croissance basée sur l'exploitation des ressources naturelles renouvelables ou non, en dépassant les capacités de la nature.

Notre approche doit être à l'avenant face aux défis structurels que présente cette crise à l'organisation sociale, si nous voulons mettre un frein et inverser la catastrophe écologique. Elle nous heurte de front mais elle est alimentée par notre propre dépendance aux énergies fossiles.

Globalement, nous nous battons encore pour faire reconnaitre cette dépendance. La récente conférence COP28, la 28ième depuis celle de Kyoto en 1990, a réussi pour la première fois à trouver un consensus sur l'obligation dans laquelle nous sommes d'entreprendre une transition de sortie des énergies fossiles si nous voulons atteindre l'objectif mondial de « zéro émission » de GES en 2050.

Est-ce que nous y sommes ? Le Centre de politiques alternatives canadien a publié dernièrement les résultats d'une étude récente qui nous informent que la moitié du pétrole utilisée par les humains.es l'a été durant les 27 dernières années. La moitié du gaz l'a été durant les 21 dernières années et la moitié du charbon durant les 37 dernières années. Résultat : la moitié des 1,77 mille milliards de tonnes de dioxyde de carbone émises l'ont été durant les 30 dernières années. 14% l'ont été depuis l'accord de Paris en 2015.

À ce jour les énergies renouvelables, éoliennes, solaires et thermales n'ont fait aucune différence sur l'usage des énergies fossiles per capita. Elles n'ont servi qu'à augmenter notre consommation. En 2022, les énergies fossiles représentaient 82,9% de la consommation totale mondiale.

Pourtant leur production et leur utilisation sont en train de détruire la planète. Nous devons donc trouver et développer les renouvelables pour remplacer les fossiles. Et peut-être encore plus important, trouver des moyens d'éliminer l'inefficacité et l'aspect socialement indésirable de cette consommation. Nos sociétés doivent devenir moins dépendantes des forces du marché qui mènent à la production et la consommation des énergies fossiles dans notre système capitaliste. En plus de générer de plus en plus d'inégalités sociales et de détérioration des services publics.

Où en est le Canada ?

Il est le 4ième plus grand producteur de pétrole au monde. Plus de la moitié de sa production est exportée. 90,8% concerne les énergies primaires : 54% de pétrole, 31% de gaz naturel, 6% de charbon. Les énergies hydrauliques, nucléaires et renouvelables constituent le reste.

La dernière publication du Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques, le Plan de réduction des émissions, affiche un engagement de réduction des GES de 40 à 45% sous le niveau de 2005 en 2030 et l'élimination complète en 2050.

Le plan annonce un plafond d'émissions à venir, une stratégie de construction verte et la création de réseaux électriques alimentés par des énergies renouvelables. Il prévoit aussi la promotion des véhicules électriques, surtout les voitures, des investissements majeurs dans les technologies de captation du carbone et son entreposage ou encore des captations directement dans l'air et la fin de l'extraction du pétrole et du gaz. Jusqu'ici, pratiquement, ce dernier engagement est introuvable (dans les faits).

Et nous voilà avec de nouveaux oléoducs et des installations construites pour exporter le GNL (gaz naturel liquéfié) et les autres produits des énergies fossiles qui seront extraits pendant plusieurs années à venir. Les statistiques ne tiennent pas compte des émissions émises et consommées en dehors du Canada. L'achat du projet d'oléoduc Trans Mountain par le gouvernement canadien a coûté jusqu'à maintenant, environ 35 milliards de dollars. Les installations de Prince Rupert pour traiter le GNL, dans lesquelles investit la controversée compagnie Northern Gateway, et dans l'oléoduc attenant, a coûté 40 milliards. Quatre autres installations semblables sont envisagées.

La mise en œuvre du plan fédéral est laissée aux provinces et aux entreprises privées, les résultats sont donc douteux. En Ontario, le Premier ministre D. Ford a mis fin à un grand nombre de projets d'énergies renouvelables, augmentant ainsi la dépendance de la province au gaz naturel. La Première ministre albertaine, D. Smith a considérablement réduit les projets d'énergies renouvelables. En Colombie Britannique, le gouvernement NPD poursuit l'expansion (de la production) de GNL et supervise une augmentation de la production des gaz de schiste. À Terre-Neuve et Labrador, les revenus du pétrole et du gaz comptent pour environ 25% du produit intérieur brut de la province et elle prévoit doubler sa production de pétrole.

L'élément central du plan fédéral réside dans le prix du carbone déjà en place avec les programmes de la Colombie Britannique et du Québec. Le plan souligne que « mettre un prix sur la pollution est largement reconnu comme la formule pertinente et efficientes pour réduire les GES ». Les producteurs et les consommateurs.trices sujets.tes à des augmentations périodiques du prix du carbone pourraient changer leurs habitudes pour celles plus favorables au climat.

Mais, il faut être clairs. La régulation des émissions est une alternative à la planification et la quantification des réductions dans l'extraction et le développement des énergies fossiles. Comme beaucoup de critiques l'on souligné, l'imposition d'un prix au carbone ne régule pas les émissions. Il s'agit d'une mesure basée sur un calcul arbitraire qui ne prend pas en compte, en général, les « externalités » l'accumulation des émissions, les trous dans les vérifications et, dans le cas des crédits attachés au marché du carbone, les impacts disproportionnés des changements climatiques dans les pays du sud. Pour les milieux d'affaire, il ne s'agit que d'un coût pour faire des affaires. Et le programme sera toujours à la bonne hauteur pour assurer au monde des affaires du Canada qu'il ne sera pas désavantagé face à leurs compétiteurs.trices. On évitera ainsi des soubresauts économiques qui nécessiteraient plus d'intervention sur les marchés.

Toutefois, les consommateurs.trices, ceux et celles qui utilisent les énergies fossiles pour le chauffage ou le transport, portent la responsabilité morale et financière du prix du carbone. Le gouvernement fédéral a tenté de faire baisser la grogne avec des rabais pour 80% de ces personnes. Et plus récemment, l'opposition populaire l'a obligé à exempter de ce frais, les habitants.tes des Maritimes qui se chauffent au fuel. Mais le gouvernement insiste encore pour dire que l'imposition du prix au carbone va permettre de réduire les émissions de GES d'un tiers d'ici 2030.

Clairement, l'objectif général du Plan canadien est de faire durer le plus longtemps possible les énergies fossiles comme source principale d'énergie en utilisant les « compensations » qu'offre le marché et le commerce du carbone pour arriver à « zéro-net » émissions. Sans surprises, beaucoup de Canadiens.nes sont réticents.es envers ces politiques anti sociales et anti écologiques qu'ils et elles sont obligés.es de payer en partie.

Quelle est l'alternative ?

Dans son dernier ouvrage, A Good War : Mobilizing Canada for the Climate Emergency, Seth Klein défend de manière convaincante l'idée qu'il nous faut changer d'approche. Il compare le peu que le Canada fait face à la crise climatique avec la mobilisation massive du pays lors de la seconde guerre mondiale. Les esprits étaient en état d'urgence, on a imposé des mesures, on a reconfiguré la production industrielle en faisant construire des tanks et de jeeps au lieu des autos, et par-dessus tout, on ne s'est pas fié aux forces des marchés. Il y a eu une vraie planification, la nationalisation d'environ 50 compagnies de la couronne et on a dépensé tout ce qu'il fallait pour gagner.

M. Klein soutient que c'est ce qu'il nous faut en ce moment. D'abord un inventaire national car c'est sur une telle base qu'on pourra coordonner la production de masse des équipements nécessaires pour réussir à atteindre les nouvelles cibles de réduction des GES. Il faudra construire toutes les nouvelles usines nécessaires pour produire les panneaux solaires, les éoliennes, les thermo pompes et les autobus électriques en masse. La technologie existe déjà. Une programmation précise devra être adoptée pour la réduction de l'extraction des énergies fossiles au Canada. Elle devra s'accompagner d'un plan solide et juste de transition pour les travailleurs du secteur et les communautés qui dépendent de cette industrie.

En même temps que l'interdiction de nouvelles infrastructures liées aux énergies fossiles, nous devrons élaborer un plan de développement majeur d'installations publiques pour une production verte qui devra impliquer tous les niveaux de gouvernement. Des milliards de dollars devront être investit dans les énergies renouvelables. Il faudra mettre aux nouvelles normes, les trains à grande vitesse, la poursuite de l'électrification du réseau ferroviaire du pays, celle des transports publics et le développement des bornes de recharge, de la capture du méthane dans les fermes et sur les sites d'enfouissement.

Mais, malgré le meilleur des scénarios, S. Klein nous prévient qu'il restera un certain niveau de réchauffement climatique. Donc nous sommes obligés.es dès maintenant d'investir des sommes importantes dans l'adaptation à cette situation, dans la résilience des infrastructures et se préoccupant particulièrement des communautés vulnérables qui ont besoin d'être mieux protégées des désastres climatiques comme les feux de forêts, les chaleurs extrêmes, les inondations etc. Nous devons aussi investir des sommes importantes dans l'aménagement des forêts pour diminuer les risques de feux dans les zones rurales et près des communautés des Premières nations. Cela devrait apporter des milliers d'emplois durables dans les zones qui dépendent des ressources naturelles. Nous devons avoir un grand plan pour réparer et rehausser les systèmes naturels de séquestration (du carbone) canadien. Il faut aider la nature à capter le carbone dans l'atmosphère. Cela veut dire un programme majeur de reforestation et bien sûr, la préservation des forêts existantes.

Et M. Klein ajoute un point important. Comme les militants.es pour un Nouveau plan vert l'ont souligné : « nous avons besoin de plus que des investissements directs dans les infrastructures climatiques ; nous devons aussi consentir des investissements extrêmement importants dans les infrastructures sociales et dans une économie compatissante. Cela veut dire des investissements de tous les niveaux de gouvernement dans l'habitation publique sans émissions de GES, leur engagement solide à construire des centaines de milliers de nouveaux logements non soumis aux marchés. Donc, que le fédéral et les provinces financent des services universels publics, accessibles et de qualité, de garde des enfants, de soins aux personnes âgées et aux handicapés.es. Ce sont des services déjà presque sans émissions et qui représenteraient un renforcement important à l'accès aux logements abordables ».

Finalement, nous devons adopter une série de lois et de règlements qui vont établir un calendrier pour s'assurer de l'application de certains éléments : « Des cibles claires … intégrées dans les lois et bien publicisées vont donner un signal plus important aux marchés que n'importe quel prix donné au carbone. Les industries et les consommateurs.trices sauront qu'il leur faut modifier leurs plans en conséquence. Si elles sont renforcées, ces cibles vont forcer les manufactures, les constructeurs.trices, les installateurs.trices et les compagnies extractives à planifier leurs investissements en fonction de ce calendrier ».

J'ajouterais quelques remarques au tableau de S. Klein. En plus de ses perspectives nationales, il faut prendre en considérations les dimensions internationales. Il faut être solidaires avec les luttes pour la justice climatique des peuples du sud. Ils sont les premières victimes du réchauffement de la planète. Ils s'opposent aussi aux relations commerciales inégales, a la sur-exploration de leur travail, au pillage de leurs ressources naturelles par les capitaux internationaux et demandent le retrait de leurs dettes illégitimes. Cela implique de collaborer avec des pays comme la Chine pour développer un marché mondial des ressources et des technologies alternatives.

Les Premières nations sont les principales cibles qu'on tente de forcer ou d'intégrer dans des « partenariats » avec des entreprises et les gouvernements dans l'exploitation capitaliste de leurs territoires et ressources. La solidarité avec leurs luttes pour l'auto détermination et l'autonomie est essentielle.

La transition en elle-même va apporter un surcroît d'émissions (de GES). Il faudra l'éliminer si on ne veut pas que le « budget carbone » n'explose. Il faut donc combattre l'impératif de croissance capitaliste.

Est-ce que cela signifie aller vers la décroissance ? Certaines productions et certains services ne devraient pas décroître mais être supprimés aussi tôt que possible. Par exemple : les mines et les installations liées au charbon, au pétrole, à la production de munitions, la publicité industrielle, les plastiques, les pesticides, etc. Mais d'autres, au contraire, devraient progresser : les énergies renouvelables, l'agriculture biologique, les services essentiels comme l'éducation, les soins de santé et la culture.

Globalement, cette contreproposition vise un « changement de système » d'approche aux changements climatiques. La stratégie, les programmes, sont orientés vers la satisfaction des besoins sociaux et communautaires, en dehors de la recherche du profit. Et, si je puis me permettre, cela est considérablement différent de l'analogie que fait S. Klein avec la mobilisation durant la seconde guerre mondiale. À cette époque, c'est la classe dirigeante qui s'est unie dans un effort national. Ce sont les intérêts de classe qui ont mené à cette une unité.

Aujourd'hui, cette unanimité inter classes n'existe pas. Nous sommes plutôt devant ce que certains.es critiques appellent : « un régime d'obstruction » élaboré à partir d'une matrice de contrôle corporatif et financier de nos processus politiques et économiques, des diffuseurs de nouvelles et d'autres médias culturels. Leurs centres de pouvoir se trouvent dans une combinaison d'intérêts pétroliers basés à Calgary et bancaires et financiers à Toronto. Nous avons un problème structurel. Pour le vaincre nous devons développer des alliances, des coalitions de travailleurs.euses, de fermiers.ères, de communautés amérindiennes, de minorités radicales, d'étudiants.es, de jeunes, de pauvres, contre l'oligarchie gazière et pétrolière. Il faut aussi coupler la lutte aux GES à l'opposition à l'austérité capitaliste.

Un défi majeur : restructurer les transports

L'étude des émissions de GES par secteurs au Canada montre que plus de la moitié est produite par l'extraction des ressources fossiles et 25% à 28% par les transports. Quelle pourrait-être une stratégie alternative pour ce secteur qui compte autant comme service que le logement et les soins de santé dans la vie quotidienne des populations ?

S. Klein met en tête de liste, « d'étendre les transports publics avec un plan pour non seulement pour les rendre plus accessibles mais aussi singulièrement plus abordables. Ce qui veut dire minimalement, la gratuité pour les populations à faible revenu mais qui puisse évoluer vers des services payés par la puissance publique, donc gratuit au même titre que les soins de santé ».

C'est ce que nous avec Free Transit Ottawa : rendre le système de transport public accessible à tous et toutes, sans frais tout comme les écoles publiques, les pistes cyclables et les trottoirs. Ces transports publics radicalement améliorés non seulement combattraient la pauvreté et l'exclusion sociale mais serait en plus une des mesures les plus importantes dans la lutte aux changements climatiques.

Et les autos et les camions ? L'extension des chemins de fer réduirait sensiblement le camionnage sur les grandes routes et en ville les camions devraient être électrifiés. La voiture individuelle a déterminé le schéma de nos villes et de notre culture depuis des centaines d'années. Elle a contribué au développement de l'étalement urbain, à empiéter sur les terres agricoles et humides. Elle induit des dépenses supplémentaires et des pertes de temps à ceux et celles qui l'utilisent pour leurs déplacements quotidiens. Non seulement faut-il mettre fin à la construction, la vente et la publicité pour ces véhicules qui fonctionnent aux énergies fossiles mais il faut les remplacer par des transports publics plus étendus, électrifiés pour le transport inter cité par rail également.

Les travailleurs.euses de l'usine GM à Oshawa ont défendu cette option quand, en 2019, la compagnie a mis fin à ses opérations sur ce cite où elle produisait depuis plus de 100 ans. Le comité d'action politique du local 222 du syndicat Unifor a mené une campagne appelée Green Jobs Oshawa. Il appelait le gouvernement fédéral à prendre l'usine en mains, d'en faire une propriété publique et de la convertir pour la fabrication de véhicules électriques en mettant la priorité sur les équipements gouvernementaux comme les camions de Postes Canada. D'ailleurs, le syndicat de Postes Canada avait déjà fait la proposition de passer à l'électrification (de sa flotte) et de créer de nouvelles fonctions de services bancaires et de services à domiciles, localement.

Le gouvernement fédéral et certaines provinces ont choisi de ne pas remplacer les autos mais simplement de les électrifier. Ils ont plutôt investi environ 50 milliard de dollars dans la construction de 3 usines géantes, 2 en Ontario et une au Québec, pour la fabrication des batteries pour les véhicules électriques. Ces usines sont des propriétés privées. Les critiques soulèvent la question de la pertinence de ce dernier investissement à une compagnie étrangère qui aurait pu construire son installation et produire sans cette subvention. On peut aussi se demander ce qu'il en serait si ces sommes étaient investies dans l'extension de transports publics électriques. Et qu'en est-il des coûts environnementaux pour l'extraction des métaux nécessaires à la fabrication des batteries ? Est-ce logique de vouloir réduire les émissions de GES en développant massivement les mines parmi les plus gourmandes en énergie et très polluantes ?

Finalement il faut garder à l'esprit qu'une campagne pour des transports publics améliorés et gratuits va se frapper à une sérieuse opposition de la part des développeurs qui détiennent de grandes proportions de terres aux abord des villes, de l'industrie pétrolière et automobile et d'autres secteurs d'affaire qui favorisent la faible taxation et de la part des politiciens.nes qui les représentent.

Pour mettre en place des transports publics accessibles et gratuits il faudra développer un puissant mouvement qui puisse combattre efficacement cette opposition. Il devra s'appuyer sur ceux et celles qui dépendent des transports publics, sur le environnementalistes militants.es mais il devra aussi inclure une large frange de travailleurs.euses et de professionnels.les dont les employés.es actuels des sociétés de transport comme OC Transpo. Pour y arriver, nous devrons mettre des énergies dans l'éducation autant que dans les luttes pour des réformes immédiates de baisse du coût de ces transports et pour en accroitre l'accessibilité. Il faudra nous joindre aux luttes existantes et en initier de nouvelles.

En dernier ressort, nous devrons avoir une autre sorte de gouvernement qui aura la volonté politique de coordonner et consolider la transition, un gouvernement qui appuiera l'aide aux victimes des changements climatiques pas ceux et celles qui participent à leur production.

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« Lavender », l’intelligence artificielle qui dirige les bombardements israéliens à Gaza

9 avril 2024, par Yuval Abraham — , ,
L'armée israélienne a désigné des dizaines de milliers d'habitants de Gaza comme des suspects, cibles d'assassinat, en utilisant un système de ciblage par intelligence (…)

L'armée israélienne a désigné des dizaines de milliers d'habitants de Gaza comme des suspects, cibles d'assassinat, en utilisant un système de ciblage par intelligence artificielle (IA), avec peu de contrôle humain et une politique permissive en matière de pertes « collatérales », révèlent le magazine +972 et le site d'informations Local Call.

Tiré de France Palestine Solidarité. Article initialement paru dans +972 Magazine. Photo : Octobre 2023, vue aérienne de bâtiments écroulés et de la destruction dans la bande de Gaza © UNRWA Photo/Ashraf Amra

En 2021, un livre intitulé L'équipe humain-machine, comment créer une synergie entre humain et intelligence artificielle qui va révolutionner le monde a été publié en anglais sous le pseudonyme de « Brigadier General Y.S. ». Dans cet ouvrage, l'auteur – un homme dont nous pouvons confirmer qu'il est l'actuel commandant de l'unité d'élite du renseignement israélien 8200 – plaide en faveur de la conception d'une machine spéciale capable de traiter rapidement des quantités massives de données afin de générer des milliers de « cibles » potentielles pour des frappes militaires dans le feu de l'action. Une telle technologie, écrit-il, résoudrait ce qu'il décrit comme un « goulot d'étranglement humain à la fois pour la localisation des nouvelles cibles et la prise de décision pour approuver les cibles ».

Il s'avère qu'une telle machine existe réellement. Une nouvelle enquête menée par +972 Magazine et Local Call révèle que l'armée israélienne a mis au point un programme basé sur l'intelligence artificielle (IA), connu sous le nom de « Lavender », dévoilé ici pour la première fois.

Selon six officiers du renseignement israélien, qui ont tous servi dans l'armée pendant la guerre actuelle contre la bande de Gaza et ont été directement impliqués dans l'utilisation de l'intelligence artificielle pour générer des cibles à assassiner, Lavender a joué un rôle central dans le bombardement sans précédent des Palestiniens, en particulier pendant les premières phases de la guerre. En fait, selon ces sources, son influence sur les opérations militaires était telle qu'elles traitaient les résultats de la machine d'IA « comme s'il s'agissait de décisions humaines ».

Officiellement, le système Lavender est conçu pour marquer tous les agents présumés des ailes militaires du Hamas et du Jihad islamique palestinien, y compris les moins gradés, comme des cibles potentielles pour les bombardements. Ces sources ont déclaré à +972 et à Local Call que, pendant les premières semaines de la guerre, l'armée s'est presque entièrement appuyée sur Lavender, qui a marqué jusqu'à 37 000 Palestiniens comme militants présumés – avec leurs maisons – en vue d'éventuelles frappes aériennes.

Au début de la guerre, l'armée a largement autorisé les officiers à adopter les listes d'objectifs de Lavender, sans exiger de vérification approfondie des raisons pour lesquelles la machine avait fait ces choix, ni d'examen des données brutes de renseignement sur lesquelles elles étaient basées. Une source a déclaré que le personnel humain ne faisait souvent qu'entériner les décisions de la machine, ajoutant que, normalement, il ne consacrait personnellement qu'environ « 20 secondes » à chaque cible avant d'autoriser un bombardement – juste pour s'assurer que la cible marquée par Lavender est bien un homme. Et ce, tout en sachant que le système commet ce que l'on considère comme des « erreurs » dans environ 10 % des cas, et qu'il est connu pour marquer occasionnellement des individus qui n'ont qu'un lien ténu avec des groupes militants, voire aucun lien du tout.

En outre, l'armée israélienne a systématiquement attaqué les personnes ciblées alors qu'elles se trouvaient chez elles – généralement la nuit, en présence de toute leur famille – plutôt qu'au cours d'une activité militaire. Selon les sources, cela s'explique par le fait que, du point de vue du renseignement, il est plus facile de localiser les individus dans leurs maisons privées. Lavender a marqué jusqu'à 37 000 Palestiniens comme militants présumés – avec leurs maisons – en vue d'éventuelles frappes aériennes.

D'autres systèmes automatisés, dont celui appelé « Where's Daddy ? » (Où est papa ?), également révélé ici pour la première fois, ont été utilisés spécifiquement pour suivre les individus ciblés et commettre des attentats à la bombe lorsqu'ils étaient entrés dans les résidences de leur famille.

Le résultat, comme en témoignent ces sources, est que des milliers de Palestiniens – pour la plupart des femmes et des enfants ou des personnes qui n'étaient pas impliquées dans les combats – ont été éliminés par les frappes aériennes israéliennes, en particulier au cours des premières semaines de la guerre, en raison des décisions du programme d'intelligence artificielle.

« Nous ne voulions pas tuer les agents [du Hamas] uniquement lorsqu'ils se trouvaient dans un bâtiment militaire ou participaient à une activité militaire », a déclaré A., un officier de renseignement, à +972 et à Local Call. « Au contraire, l'armée israélienne les a bombardés dans leurs maisons sans hésitation, comme première option. Il est beaucoup plus facile de bombarder la maison d'une famille. Le système est conçu pour les rechercher dans ces situations. »

La machine Lavender rejoint un autre système d'IA, « The Gospel », au sujet duquel des informations ont été révélées lors d'une précédente enquête menée par +972 et Local Call en novembre 2023, ainsi que dans les propres publications de l'armée israélienne. La différence fondamentale entre les deux systèmes réside dans la définition de la cible : alors que The Gospel marque les bâtiments et les structures à partir desquels, selon l'armée, les militants opèrent, Lavender marque les personnes – et les inscrit sur une liste de personnes à abattre.

En outre, selon les sources, lorsqu'il s'agissait de cibler de jeunes militants présumés marqués par Lavender, l'armée préférait n'utiliser que des missiles non guidés, communément appelés bombes « stupides » (par opposition aux bombes de précision « intelligentes »), qui peuvent détruire des bâtiments entiers sur leurs occupants et causer d'importantes pertes humaines. « Vous ne voulez pas gaspiller des bombes coûteuses sur des personnes sans importance - cela coûte très cher au pays et il y a une pénurie [de ces bombes] », a déclaré C., l'un des officiers de renseignement. Une autre source a déclaré qu'ils avaient personnellement autorisé le bombardement de « centaines » de domiciles privés d'agents subalternes présumés marqués par Lavender, nombre de ces attaques tuant des civils et des familles entières en tant que « dommages collatéraux ».

Selon deux des sources, l'armée a également décidé, au cours des premières semaines de la guerre, que pour chaque agent subalterne du Hamas marqué par Lavender, il était permis de tuer jusqu'à 15 ou 20 civils ; par le passé, l'armée n'autorisait aucun « dommage collatéral » lors de l'assassinat de militants de bas rang. Les sources ont ajouté que, dans le cas où la cible était un haut responsable du Hamas ayant le rang de commandant de bataillon ou de brigade, l'armée a autorisé à plusieurs reprises le meurtre de plus de 100 civils lors de l'assassinat d'un seul commandant.

L'enquête qui suit est organisée selon les six étapes chronologiques de la production hautement automatisée de cibles par l'armée israélienne au cours des premières semaines de la guerre de Gaza.

Tout d'abord, nous expliquons le fonctionnement de la machine Lavender elle-même, qui a marqué des dizaines de milliers de Palestiniens à l'aide de l'IA.

Ensuite, nous révélons le système « Where's Daddy ? » (Où est papa ?), qui a suivi ces cibles et signalé à l'armée qu'elles entraient dans leurs maisons familiales.

Troisièmement, nous décrivons comment des bombes « stupides » ont été choisies pour frapper ces maisons.

Quatrièmement, nous expliquons comment l'armée a assoupli le nombre de civils pouvant être tués lors du bombardement d'une cible.

Cinquièmement, nous expliquons comment un logiciel automatisé a calculé de manière inexacte le nombre de non-combattants dans chaque foyer.

Sixièmement, nous montrons qu'à plusieurs reprises, lorsqu'une maison a été frappée, généralement la nuit, la cible individuelle n'était parfois pas du tout à l'intérieur, parce que les officiers militaires n'ont pas vérifié l'information en temps réel.

Étape 1 : Générer des cibles

« Une fois que l'on passe à l'automatisme, la génération des cibles devient folle »

Dans l'armée israélienne, l'expression « cible humaine » désignait autrefois un haut responsable militaire qui, selon les règles du département du droit international de l'armée, pouvait être tué à son domicile privé, même s'il y avait des civils à proximité.

Des sources du renseignement ont déclaré à +972 et à Local Call qu'au cours des précédentes guerres conduites par Israël, étant donné qu'il s'agissait d'une manière « particulièrement brutale » de tuer quelqu'un – souvent en tuant toute une famille aux côtés de la cible – ces cibles humaines étaient marquées très soigneusement : seuls les commandants militaires de haut rang étaient bombardés à leur domicile, afin de maintenir le principe de proportionnalité en vertu du droit international.

Mais après le 7 octobre, lorsque les militants du Hamas ont lancé un assaut meurtrier contre les communautés du sud d'Israël, tuant environ 1 200 personnes et en enlevant 240, l'armée a adopté une approche radicalement différente, selon les sources. Dans le cadre de l'opération « Épées de fer », l'armée a décidé de désigner tous les agents de la branche militaire du Hamas comme des cibles humaines, quel que soit leur rang ou leur importance militaire. Cela a tout changé.

Cette nouvelle politique a également posé un problème technique aux services de renseignement israéliens. Au cours des guerres précédentes, pour autoriser l'assassinat d'une seule cible humaine, un officier devait passer par un processus d'« incrimination » long et complexe : vérifier par recoupement les preuves que la personne était bien un membre haut placé de l'aile militaire du Hamas, découvrir où elle vivait, ses coordonnées, et enfin savoir quand elle était chez elle en temps réel. Lorsque la liste des cibles ne comptait que quelques dizaines d'agents de haut rang, les services de renseignement pouvaient s'occuper individuellement du travail d'incrimination et de localisation.

Mais une fois que la liste a été élargie pour y inclure des dizaines de milliers d'agents de rang inférieur, l'armée israélienne a compris qu'elle devait s'appuyer sur des logiciels automatisés et sur l'intelligence artificielle. Le résultat, selon les sources, est que le rôle du personnel humain dans l'incrimination des Palestiniens en tant qu'agents militaires a été mis de côté et que l'intelligence artificielle a fait le gros du travail à sa place.

Selon quatre des sources qui ont parlé à +972 et à Local Call, Lavender – qui a été développé pour créer des cibles humaines dans la guerre actuelle – a marqué quelque 37 000 Palestiniens comme étant des « militants du Hamas » présumés, des jeunes pour la plupart d'entre eux, en vue de leur assassinat (le porte-parole de l'armée israélienne a nié l'existence d'une telle liste dans une déclaration à +972 et à Local Call).

« Nous ne savions pas qui étaient les agents subalternes, parce qu'Israël ne les suivait pas régulièrement [avant la guerre] », a expliqué l'officier supérieur B. à +972 et à Local Call, expliquant ainsi la raison pour laquelle cette machine à cibler a été mise au point pour la guerre en cours. « Ils voulaient nous permettre d'attaquer automatiquement [les agents subalternes]. C'est le Saint Graal. Une fois que l'on passe à l'automatisation, la génération des cibles devient folle ».

Les sources ont déclaré que l'autorisation d'adopter automatiquement les listes d'objectifs de Lavender, qui n'avaient été utilisées auparavant que comme outil auxiliaire, a été accordée environ deux semaines après le début de la guerre, après que le personnel des services de renseignement a vérifié « manuellement » l'exactitude d'un échantillon aléatoire de plusieurs centaines de cibles sélectionnées par le système d'intelligence artificielle.

Lorsque cet échantillon a révélé que les résultats de Lavender avaient atteint une précision de 90 % dans l'identification de l'affiliation d'un individu au Hamas, l'armée a autorisé l'utilisation généralisée du système. À partir de ce moment-là, ces sources ont déclaré que si Lavender décidait qu'un individu était un militant du Hamas, il leur était essentiellement demandé de traiter cela comme un ordre, sans qu'il soit nécessaire de vérifier de manière indépendante pourquoi la machine avait fait ce choix ou d'examiner les données brutes de renseignement sur lesquelles elle est basée.

« À 5 heures du matin, [l'armée de l'air] arrivait et bombardait toutes les maisons que nous avions marquées », raconte B.. « Nous avons éliminé des milliers de personnes. Nous ne les avons pas examinées une par une – nous avons tout mis dans des systèmes automatisés, et dès que l'une [des personnes marquées] était chez elle, elle devenait immédiatement une cible. Nous la bombardions, elle et sa maison ».

Les résultats meurtriers de ce relâchement des restrictions au début de la guerre ont été stupéfiants. Selon les données du ministère palestinien de la Santé à Gaza, sur lesquelles l'armée israélienne s'appuie presque exclusivement depuis le début de la guerre, Israël a tué quelque 15 000 Palestiniens – soit près de la moitié du nombre de morts à ce jour – au cours des six premières semaines de la guerre, jusqu'à ce qu'un cessez-le-feu d'une semaine soit conclu le 24 novembre.

« Plus il y a d'informations et de variété, mieux c'est »

Le logiciel Lavender analyse les informations recueillies sur la plupart des 2,3 millions d'habitants de la bande de Gaza grâce à un système de surveillance de masse, puis évalue et classe la probabilité que chaque personne soit active dans l'aile militaire du Hamas ou du Jihad islamique. Selon certaines sources, la machine attribue à presque chaque habitant de Gaza une note de 1 à 100, exprimant la probabilité qu'il s'agisse d'un militant.

Lavender apprend à identifier les caractéristiques des agents connus du Hamas et du Jihad islamique, dont les informations ont été transmises à la machine en tant que données d'entraînement, puis à repérer ces mêmes caractéristiques – également appelées « traits » – au sein de la population générale, ont expliqué les sources. Une personne présentant plusieurs caractéristiques incriminantes différentes obtient une note élevée et devient ainsi automatiquement une cible potentielle pour un assassinat.

Dans L'équipe humain-machine, le livre cité au début de cet article, l'actuel commandant de l'unité 8 200 plaide en faveur d'un tel système sans citer Lavender nommément. (Le commandant lui-même n'est pas nommé, mais cinq sources au sein de l'unité 8 200 ont confirmé que le commandant était l'auteur de ce livre, comme l'a également rapporté Haaretz ).

Décrivant le personnel humain comme un « goulot d'étranglement » qui limite la capacité de l'armée au cours d'une opération militaire, le commandant se lamente : « Nous [les humains] ne pouvons pas traiter autant d'informations. Peu importe le nombre de personnes chargées de produire des objectifs pendant la guerre, il est toujours impossible de produire suffisamment d'objectifs par jour ».

Selon lui, la solution à ce problème réside dans l'intelligence artificielle. Le livre propose un petit guide pour construire une « machine à cibles », similaire à Lavender, basée sur l'intelligence artificielle et des algorithmes d'apprentissage automatique. Ce guide contient plusieurs exemples de « centaines et de milliers » de caractéristiques susceptibles d'augmenter la cote d'un individu, comme le fait de faire partie d'un groupe Whatsapp avec un militant connu, de changer de téléphone portable tous les quelques mois et de changer fréquemment d'adresse.

« Plus il y a d'informations et plus elles sont variées, mieux c'est », écrit le commandant. « Informations visuelles, informations cellulaires, connexions aux médias sociaux, informations sur le champ de bataille, contacts téléphoniques, photos. Si, dans un premier temps, ce sont les humains qui sélectionnent ces caractéristiques, poursuit le commandant, au fil du temps, la machine en viendra à les identifier d'elle-même. » Selon lui, cela peut permettre aux armées de créer « des dizaines de milliers de cibles », la décision de les attaquer ou non restant du ressort de l'homme.

Ce livre n'est pas la seule source où un haut commandant israélien a fait allusion à l'existence de machines à cibles humaines comme Lavender. +972 et Local Call ont obtenu des images d'une conférence privée donnée par le commandant du centre secret de science des données et d'IA de l'unité 8200, le « colonel Yoav », lors de la semaine de l'IA à l'université de Tel-Aviv en 2023, dont les médias israéliens ont parlé à l'époque.

Dans cette conférence, le commandant parle d'une nouvelle machine cible sophistiquée utilisée par l'armée israélienne, qui détecte les « personnes dangereuses » en se basant sur leur ressemblance avec les listes existantes de militants connus sur lesquelles elle a été entraînée. « Grâce à ce système, nous avons réussi à identifier les commandants des escadrons de missiles du Hamas », a déclaré le colonel Yoav lors de la conférence, en faisant référence à l'opération militaire israélienne de mai 2021 à Gaza, au cours de laquelle la machine a été utilisée pour la première fois.

Les diapositives de la présentation, également obtenues par +972 et Local Call, contiennent des illustrations du fonctionnement de la machine : elle est alimentée en données sur les agents du Hamas existants, elle apprend à remarquer leurs caractéristiques, puis elle évalue d'autres Palestiniens en fonction de leur degré de ressemblance avec les militants.

« Nous classons les résultats et déterminons le seuil [à partir duquel il convient d'attaquer une cible] », a déclaré le colonel Yoav lors de la conférence, soulignant qu'« en fin de compte, ce sont des personnes en chair et en os qui prennent les décisions. » « Dans le domaine de la défense, d'un point de vue éthique, nous insistons beaucoup sur ce point. Ces outils sont destinés à aider [les officiers de renseignement] à franchir leurs barrières. »

Dans la pratique, cependant, les sources qui ont utilisé Lavender au cours des derniers mois affirment que l'action humaine et la précision ont été remplacées par la création de cibles de masse et la létalité.

« Il n'y avait pas de politique “zéro erreur” »

B., un officier supérieur qui a utilisé Lavender, a expliqué à +972 et à Local Call que dans la guerre actuelle, les officiers n'étaient pas tenus d'examiner de manière indépendante les évaluations du système d'IA, afin de gagner du temps et de permettre la production en masse de cibles humaines sans entraves.

« Tout était statistique, tout était ordonné – c'était très sec », a déclaré B.. Il a noté que ce manque de supervision a été autorisé malgré des contrôles internes montrant que les calculs de Lavender n'étaient considérés comme exacts que dans 90 % des cas ; en d'autres termes, on savait à l'avance que 10 % des cibles humaines destinées à être assassinées n'étaient pas du tout des membres de l'aile militaire du Hamas.

Par exemple, des sources ont expliqué que la machine Lavender signalait parfois par erreur des individus dont les modes de communication étaient similaires à ceux d'agents connus du Hamas ou du Jihad islamique, notamment des policiers et des membres de la défense civile, des parents de militants, des habitants dont le nom et le surnom étaient identiques à ceux d'un agent, et des habitants de Gaza qui utilisaient un appareil ayant appartenu à un agent du Hamas.

« À quel point une personne doit-elle être proche du Hamas pour être [considérée par une machine d'IA comme] affiliée à l'organisation ? », s'est demandé une source critiquant l'inexactitude de Lavender. « Il s'agit d'une limite vague. Une personne qui ne reçoit pas de salaire du Hamas, mais qui l'aide pour toutes sortes de choses, est-elle un agent du Hamas ? Une personne qui a fait partie du Hamas dans le passé, mais qui n'y est plus aujourd'hui, est-elle un agent du Hamas ? Chacune de ces caractéristiques – des caractéristiques qu'une machine signalerait comme suspectes – est inexacte ».

Des problèmes similaires se posent en ce qui concerne la capacité des machines de ciblage à évaluer le téléphone utilisé par une personne désignée pour être assassinée. « En temps de guerre, les Palestiniens changent de téléphone en permanence », explique cette source. « Les gens perdent le contact avec leur famille, donnent leur téléphone à un ami ou à une épouse, ou le perdent. Il est impossible de se fier à 100 % au mécanisme automatique qui détermine quel numéro de téléphone appartient à qui ».

Selon les sources, l'armée savait que la supervision humaine minimale en place ne permettrait pas de découvrir ces failles. Il n'y avait pas de politique « zéro erreur ». « Les erreurs étaient traitées statistiquement », a déclaré une source qui a utilisé Lavender. « En raison de la portée et de l'ampleur du projet, le protocole était le suivant : même si l'on n'est pas sûr que la machine est bonne, on sait que statistiquement, elle est bonne. C'est pourquoi on l'utilise. »

« Elle a fait ses preuves », a déclaré B., la source principale. « Il y a quelque chose dans l'approche statistique qui vous fait respecter une certaine norme et un certain standard. Il y a eu un nombre illogique de [bombardements] dans cette opération. De mémoire, c'est sans précédent. Et je fais bien plus confiance à un mécanisme statistique qu'à un soldat qui a perdu un ami il y a deux jours. Tout le monde, y compris moi, a perdu des proches le 7 octobre. La machine l'a fait froidement. Et cela a facilité les choses. »

Une autre source du renseignement, qui a défendu le recours aux listes de suspects palestiniens établies par Lavender, a fait valoir qu'il valait la peine d'investir le temps d'un officier de renseignement uniquement pour vérifier les informations si la cible était un commandant de haut rang du Hamas. « Mais lorsqu'il s'agit d'un militant subalterne, il n'est pas souhaitable d'investir du temps et de la main-d'œuvre dans cette tâche », a-t-elle déclaré. « En temps de guerre, on n'a pas le temps d'incriminer chaque cible. On est donc prêt à prendre la marge d'erreur de l'utilisation de l'intelligence artificielle, à risquer des dommages collatéraux et la mort de civils, et à risquer d'attaquer par erreur, et à s'en accommoder ».

B. explique que la raison de cette automatisation est la volonté constante de créer davantage de cibles à assassiner. « Le jour où il n'y avait pas de cibles [dont l'évaluation des caractéristiques était suffisante pour autoriser une frappe], nous attaquions à un seuil plus bas. On nous mettait constamment la pression : "Apportez-nous plus de cibles". Ils nous ont vraiment crié dessus. Nous avons fini [par tuer] nos cibles très rapidement ».

Il a expliqué qu'en abaissant le seuil d'évaluation de Lavender, le système marquait plus de personnes comme cibles pour les frappes. « À son apogée, le système a réussi à générer 37 000 personnes comme cibles humaines potentielles », a déclaré B. « Mais les chiffres changeaient tout le temps, parce que cela dépendait de l'endroit où l'on plaçait la barre de ce qu'était un agent du Hamas. À certains moments, la définition d'un agent du Hamas était plus large, puis la machine a commencé à nous fournir toutes sortes d'agents de la défense civile et de la police, sur lesquels il serait dommage de gaspiller des bombes. Ils aident le gouvernement du Hamas, mais ne mettent pas vraiment les soldats en danger ».

Une source qui a travaillé avec l'équipe militaire d'analyse des données qui a entrainé Lavender a déclaré que les données collectées auprès des employés du ministère de la sécurité intérieure dirigé par le Hamas, qu'il ne considère pas comme des militants, ont également été introduites dans la machine. « J'ai été gêné par le fait que lors de la formation de Lavender, le terme "agent du Hamas" a été utilisé de manière vague et que des personnes travaillant pour la défense civile ont été incluses dans l'ensemble de données de formation », a-t-il déclaré.

La source a ajouté que même si l'on pense que ces personnes méritent d'être tuées, le fait d'entraîner le système sur la base de leurs profils de communication rendait Lavender plus susceptible de sélectionner des civils par erreur lorsque ses algorithmes étaient appliqués à l'ensemble de la population. « Comme il s'agit d'un système automatique qui n'est pas géré manuellement par des humains, la signification de cette décision est dramatique : cela signifie que vous incluez de nombreuses personnes ayant un profil de communication civil en tant que cibles potentielles. »

« Nous avons seulement vérifié que la cible était un homme »

L'armée israélienne rejette catégoriquement ces affirmations. Dans une déclaration à +972 et Local Call, son porte-parole a nié l'usage de l'intelligence artificielle pour incriminer des cibles, affirmant qu'il s'agit simplement « d'outils auxiliaires qui aident les officiers dans le processus d'incrimination ». Le communiqué poursuit : « Dans tous les cas, un examen indépendant par un analyste [du renseignement] est nécessaire, qui vérifie que les cibles identifiées sont des cibles légitimes pour l'attaque, conformément aux conditions énoncées dans les directives de Tsahal et le droit international. »

Toutefois, des sources ont indiqué que le seul protocole de supervision humaine mis en place avant de bombarder les maisons de militants « juniors » présumés marqués par Lavender consistait à effectuer une seule vérification : s'assurer que la cible sélectionnée par l'IA était un homme plutôt qu'une femme. L'armée partait du principe que s'il s'agissait d'une femme, la machine avait probablement commis une erreur, car il n'y a pas de femmes dans les rangs des ailes militaires du Hamas et du Jihad islamique.

« Un être humain devait [vérifier la cible] pendant quelques secondes seulement », a déclaré B., expliquant que ce protocole a été adopté après avoir constaté que le système Lavender « avait raison » la plupart du temps. « Au début, nous faisions des vérifications pour nous assurer que la machine ne s'embrouillait pas. Mais à un moment donné, nous nous sommes fiés au système automatique et nous nous sommes contentés de vérifier que [la cible] était un homme – c'était suffisant. Il ne faut pas beaucoup de temps pour savoir si quelqu'un a une voix d'homme ou de femme ».

Pour effectuer la vérification homme/femme, B. affirme que dans la guerre actuelle, il « consacrerait 20 secondes à chaque cible à ce stade, [pour en faire] des dizaines par jour. Je n'avais aucune valeur ajoutée en tant qu'humain, si ce n'est d'être un tampon d'approbation. Cela permettait de gagner beaucoup de temps. Si [l'agent] apparaissait dans le mécanisme automatisé et que je vérifiais qu'il s'agissait d'un homme, j'avais l'autorisation de le bombarder, sous réserve d'un examen des dommages collatéraux ».

Dans la pratique, les sources ont déclaré que cela signifiait que pour les hommes civils marqués par erreur par Lavender, il n'y avait pas de mécanisme de supervision en place pour détecter l'erreur. Selon B., une erreur courante se produit « si la cible [du Hamas] donne [son téléphone] à son fils, à son frère aîné ou à un homme au hasard. Cette personne sera bombardée dans sa maison avec sa famille. Cela s'est souvent produit. C'est la plupart des erreurs causées par Lavender », a déclaré B.

Étape 2 : Relier les cibles aux domiciles familiaux

L'étape suivante de la procédure d'assassinat de l'armée israélienne consiste à déterminer où attaquer les cibles générées par Lavender.

Dans une déclaration à +972 et à Local Call, le porte-parole de l'armée israélienne a affirmé, en réponse à cet article, que « le Hamas place ses agents et ses moyens militaires au cœur de la population civile, utilise systématiquement la population civile comme bouclier humain et mène des combats à l'intérieur de structures civiles, y compris des sites sensibles tels que des hôpitaux, des mosquées, des écoles et des installations de l'ONU. Les Forces de défense israélienne sont liées par le droit international et agissent conformément à celui-ci, en dirigeant leurs attaques uniquement contre des cibles militaires et des agents militaires ».

Les six sources avec lesquelles nous nous sommes entretenus ont fait écho à ces propos dans une certaine mesure, affirmant que le vaste réseau de tunnels du Hamas passe délibérément sous les hôpitaux et les écoles, que les militants du Hamas utilisent des ambulances pour se déplacer et qu'un nombre incalculable de moyens militaires ont été placés à proximité de bâtiments civils.

Les sources affirment que de nombreuses frappes israéliennes tuent des civils en raison de ces tactiques du Hamas – une caractérisation qui, selon les groupes de défense des droits de l'homme, élude la responsabilité d'Israël dans l'apparition de ces victimes.

Toutefois, contrairement aux déclarations officielles de l'armée israélienne, les sources ont expliqué que l'une des principales raisons du nombre sans précédent de victimes des bombardements israéliens actuels est le fait que l'armée a systématiquement attaqué les cibles dans leurs maisons privées, avec leurs familles – en partie parce qu'il était plus facile, du point de vue du renseignement, de marquer les maisons familiales à l'aide de systèmes automatisés.

En effet, plusieurs sources ont souligné que, contrairement aux nombreux cas d'agents du Hamas engagés dans des activités militaires depuis des zones civiles, dans le cas des frappes d'assassinat systématiques, l'armée a régulièrement fait le choix actif de bombarder des militants présumés lorsqu'ils se trouvaient à l'intérieur de maisons civiles où aucune activité militaire n'avait lieu. Ce choix, ont-ils déclaré, est le reflet de la manière dont le système israélien de surveillance de masse à Gaza est conçu.

Les sources ont déclaré à +972 et à Local Call que, puisque chaque habitant de Gaza avait une maison privée à laquelle il pouvait être associé, les systèmes de surveillance de l'armée pouvaient facilement et automatiquement « relier » les individus aux maisons familiales. Afin d'identifier en temps réel le moment où les agents entrent dans leurs maisons, divers logiciels automatiques supplémentaires ont été développés.

Ces programmes suivent des milliers d'individus simultanément, identifient le moment où ils sont chez eux et envoient une alerte automatique à l'officier chargé du ciblage, qui marque alors la maison pour le bombardement. L'un de ces logiciels, révélé ici pour la première fois, s'appelle « Where's Daddy ? » (Où est papa ?).

« Vous entrez des centaines [de cibles] dans le système et vous attendez de voir qui vous pouvez tuer », a déclaré une source connaissant le système. « C'est ce qu'on appelle la chasse au large : vous copiez-collez les listes produites par le système de ciblage. »

La preuve de cette politique est également évidente dans les données : au cours du premier mois de la guerre, plus de la moitié des victimes – 6 120 personnes – appartenaient à 1 340 familles, dont beaucoup ont été complètement anéanties à l'intérieur de leur maison, selon les chiffres de l'ONU. La proportion de familles entières bombardées dans leurs maisons dans la guerre actuelle est beaucoup plus élevée que lors de l'opération israélienne de 2014 à Gaza, ce qui confirme l'importance de cette politique.

Une autre source a déclaré qu'à chaque fois que le rythme des assassinats diminuait, d'autres cibles étaient ajoutées à des systèmes tels que « Where's Daddy ? » pour localiser les individus qui entraient chez eux et pouvaient donc être bombardés. Elle a ajouté que la décision de placer des personnes dans les systèmes de repérage pouvait être prise par des officiers de rang relativement bas dans la hiérarchie militaire.

« Un jour, de mon propre chef, j'ai ajouté quelque 1 200 nouvelles cibles au système [de repérage], parce que le nombre d'attaques [que nous menions] diminuait », a déclaré cette source. « Cela me paraissait logique. Rétrospectivement, cela semble être une décision sérieuse que j'ai prise. Et de telles décisions n'ont pas été prises à des niveaux élevés ».

Les sources ont indiqué qu'au cours des deux premières semaines de la guerre, « plusieurs milliers » de cibles ont été initialement entrées dans des programmes de localisation tels que « Where's Daddy ? ». Il s'agissait notamment de tous les membres de l'unité d'élite des forces spéciales du Hamas, la Nukhba, de tous les agents antichars du Hamas et de toute personne ayant pénétré en Israël le 7 octobre. Mais très vite, la liste des personnes à abattre s'est considérablement allongée.

« À la fin, il s'agissait de tout le monde [marqué par Lavender] », a expliqué une source. « Des dizaines de milliers. Cela s'est produit quelques semaines plus tard, lorsque les brigades [israéliennes] sont entrées dans Gaza et qu'il y avait déjà moins de personnes non impliquées [c'est-à-dire de civils] dans les zones du nord ». Selon cette source, même certains mineurs ont été désignés par Lavender comme des cibles à bombarder. « Normalement, les agents ont plus de 17 ans, mais ce n'était pas une condition. »

Lavender et des systèmes comme « Where's Daddy ? » ont donc été combinés avec un effet mortel, tuant des familles entières, selon certaines sources. En ajoutant un nom figurant sur les listes générées par Lavender au système de localisation des maisons « Where's Daddy ? », a expliqué A., la personne marquée était placée sous surveillance permanente et pouvait être attaquée dès qu'elle mettait le pied chez elle, ce qui faisait s'effondrer la maison sur toutes les personnes qui s'y trouvaient.

« Disons que vous calculez [qu'il y a un] [agent du Hamas] et 10 [civils dans la maison], a déclaré A.. En général, ces dix personnes sont des femmes et des enfants. De manière absurde, il s'avère que la plupart des personnes que vous avez tuées étaient des femmes et des enfants ».

Étape 3 : Le choix de l'arme

« Nous menions généralement nos attaques à l'aide de "bombes stupides" »Une fois que Lavender a désigné une cible à assassiner, que le personnel de l'armée a vérifié qu'il s'agit bien d'un homme et qu'un logiciel de suivi a localisé la cible à son domicile, l'étape suivante consiste à choisir la munition avec laquelle on va la bombarder.

En décembre 2023, CNN a rapporté que, selon les estimations des services de renseignement américains, environ 45 % des munitions utilisées par l'armée de l'air israélienne à Gaza étaient des bombes dites « stupides », connues pour causer davantage de dommages collatéraux que les bombes guidées.

En réponse à l'article de CNN, un porte-parole de l'armée cité dans l'article a déclaré : « En tant qu'armée attachée au droit international et à un code de conduite moral, nous consacrons de vastes ressources à minimiser les dommages causés aux civils que le Hamas a contraints à jouer le rôle de boucliers humains. Notre guerre est contre le Hamas, pas contre la population de Gaza ».

Trois sources des services de renseignement ont cependant déclaré à +972 et à Local Call que les agents subalternes marqués par Lavender n'ont été assassinés qu'avec des bombes stupides, afin d'économiser des armements plus coûteux. L'une des sources a expliqué que l'armée ne frappait pas une cible subalterne si elle vivait dans un immeuble de grande hauteur, parce qu'elle ne voulait pas dépenser une « bombe au sol » plus précise et plus chère (avec des effets collatéraux plus limités) pour la tuer. En revanche, si une cible de rang inférieur vivait dans un immeuble de quelques étages seulement, l'armée était autorisée à la tuer, ainsi que tous les habitants de l'immeuble, à l'aide d'une bombe muette.

« C'était comme ça pour toutes les cibles juniors », témoigne C., qui a utilisé divers programmes automatisés dans la guerre actuelle. « La seule question était de savoir s'il était possible d'attaquer le bâtiment en limitant les dommages collatéraux. En effet, nous menions généralement les attaques avec des bombes stupides, ce qui signifiait détruire littéralement toute la maison et ses occupants. Mais même si une attaque est évitée, on s'en fiche, on passe immédiatement à la cible suivante. Grâce au système, les cibles ne s'arrêtent jamais. Il y en a encore 36 000 qui attendent ».

Étape 4 : Autoriser les pertes civiles

« Nous avons attaqué presque sans tenir compte des dommages collatéraux »

Une source a déclaré que lors de l'attaque d'agents subalternes, y compris ceux marqués par des systèmes d'intelligence artificielle comme Lavender, le nombre de civils qu'ils étaient autorisés à tuer à côté de chaque cible était fixé, pendant les premières semaines de la guerre, à 20 au maximum.

Selon une autre source, ce nombre aurait été fixé à 15. Ces « degrés de dommages collatéraux », comme les militaires les appellent, ont été appliqués de manière générale à tous les militants juniors présumés, selon les sources, indépendamment de leur rang, de leur importance militaire et de leur âge, et sans examen spécifique au cas par cas pour évaluer l'avantage militaire de les assassiner par rapport aux dommages attendus pour les civils.

Selon A., qui était officier dans une salle d'opération cible pendant la guerre actuelle, le département du droit international de l'armée n'a jamais auparavant donné une telle « approbation générale » pour un degré de dommages collatéraux aussi élevé. « Ce n'est pas seulement que vous pouvez tuer toute personne qui est un soldat du Hamas, ce qui est clairement autorisé et légitime en termes de droit international », a déclaré A.. « Mais ils vous disent directement : Vous êtes autorisés à les tuer en même temps que de nombreux civils. »

« Chaque personne ayant porté un uniforme du Hamas au cours de l'année ou des deux dernières années pouvait être bombardée avec 20 [civils tués] comme dommages collatéraux, même sans autorisation spéciale », a poursuivi A.. « Dans la pratique, le principe de proportionnalité n'existait pas. »

Selon A., cette politique a été appliquée pendant la majeure partie de la période où il a servi. Ce n'est que plus tard que l'armée a abaissé le niveau des dommages collatéraux. « Dans ce calcul, il peut s'agir de 20 enfants pour un agent subalterne… Ce n'était vraiment pas le cas dans le passé », explique A.. Interrogé sur la logique sécuritaire qui sous-tend cette politique, A. a répondu : « La létalité ».

Le degré de dommages collatéraux prédéterminé et fixe a contribué à accélérer la création massive de cibles à l'aide de la machine Lavender, selon les sources, car cela permettait de gagner du temps. B. a affirmé que le nombre de civils qu'ils étaient autorisés à tuer par militant junior présumé marqué par l'IA au cours de la première semaine de la guerre était de quinze, mais que ce nombre « augmentait et diminuait » au fil du temps.

« Au début, nous avons attaqué presque sans tenir compte des dommages collatéraux », a déclaré B. à propos de la première semaine qui a suivi le 7 octobre. « En pratique, on ne comptait pas vraiment les gens [dans chaque maison bombardée], parce qu'on ne pouvait pas vraiment savoir s'ils étaient chez eux ou non. Au bout d'une semaine, les restrictions sur les dommages collatéraux ont commencé. Le nombre est passé [de 15] à cinq, ce qui a rendu nos attaques très difficiles, car si toute la famille était à la maison, nous ne pouvions pas la bombarder. Puis ils ont à nouveau augmenté ce nombre. »

« Nous savions que nous allions tuer plus de 100 civils »

Des sources ont déclaré à +972 et à Local Call que maintenant, en partie à cause de la pression américaine, l'armée israélienne ne génère plus en masse des cibles humaines subalternes à bombarder dans les maisons civiles. Le fait que la plupart des maisons de la bande de Gaza aient déjà été détruites ou endommagées, et que la quasi-totalité de la population ait été déplacée, a également empêché l'armée de s'appuyer sur des bases de données de renseignements et des programmes automatisés de localisation des maisons.

E. a affirmé que les bombardements massifs des militants juniors n'ont eu lieu que pendant la première ou les deux premières semaines de la guerre, et qu'ils ont ensuite été interrompus principalement pour ne pas gaspiller les bombes. « Il existe une économie des munitions », a déclaré E.. « Ils ont toujours eu peur qu'il y ait [une guerre] dans l'arène nord [avec le Hezbollah au Liban]. Ils ne s'attaquent plus du tout à ce genre de personnes [de rang inférieur] ».

Cependant, les frappes aériennes contre les commandants de haut rang du Hamas se poursuivent, et des sources ont déclaré que pour ces attaques, l'armée autorise le meurtre de « centaines » de civils par cible – une politique officielle pour laquelle il n'y a pas de précédent historique en Israël, ni même dans les récentes opérations militaires américaines.

« Lors du bombardement du commandant du bataillon Shuja'iya, nous savions que nous allions tuer plus de 100 civils », a rappelé B. à propos d'un bombardement du 2 décembre qui, selon le porte-parole de l'armée israélienne, visait à assassiner Wisam Farhat. « Pour moi, psychologiquement, c'était inhabituel. Plus de 100 civils, c'est une ligne rouge à ne pas franchir. »

Amjad Al-Sheikh, un jeune Palestinien de Gaza, a déclaré que de nombreux membres de sa famille avaient été tués lors de ce bombardement. Habitant de Shuja'iya, à l'est de la ville de Gaza, il se trouvait ce jour-là dans un supermarché local lorsqu'il a entendu cinq explosions qui ont brisé les vitres.

« J'ai couru vers la maison de ma famille, mais il n'y avait plus d'immeubles », a déclaré M. Al-Sheikh à +972 et à Local Call. « La rue était remplie de cris et de fumée. Des pâtés de maisons entiers se sont transformés en montagnes de décombres et en fosses profondes. Les gens ont commencé à chercher dans le ciment, avec leurs mains, et j'ai fait de même, à la recherche de traces de la maison de ma famille. »

La femme et la petite fille d'Al-Sheikh ont survécu – protégées des décombres par une armoire qui leur est tombée dessus – mais il a retrouvé 11 autres membres de sa famille, dont ses sœurs, ses frères et leurs jeunes enfants, morts sous les décombres. Selon l'organisation de défense des droits de l'homme B'Tselem, les bombardements de ce jour-là ont détruit des dizaines de bâtiments, tués des dizaines de personnes et en ont enseveli des centaines sous les ruines de leurs maisons.

« Des familles entières ont été tuées »

Des sources des services de renseignement ont déclaré à +972 et à Local Call qu'ils avaient participé à des frappes encore plus meurtrières. Afin d'assassiner Ayman Nofal, le commandant de la brigade centrale de Gaza du Hamas, une source a déclaré que l'armée avait autorisé le meurtre d'environ 300 civils, détruisant plusieurs bâtiments lors de frappes aériennes sur le camp de réfugiés d'Al-Bureij le 17 octobre, sur la base d'un repérage imprécis de Nofal. Des images satellite et des vidéos de la scène montrent la destruction de plusieurs grands immeubles d'habitation à plusieurs étages.

« Entre 16 et 18 maisons ont été détruites lors de l'attaque », a déclaré Amro Al-Khatib, un résident du camp, à +972 et à Local Call. « Nous ne pouvions pas distinguer un appartement d'un autre – ils ont tous été mélangés dans les décombres, et nous avons trouvé des parties de corps humains partout ».

Al-Khatib se souvient qu'une cinquantaine de cadavres ont été retirés des décombres et qu'environ 200 personnes ont été blessées, dont beaucoup grièvement. Mais ce n'était que le premier jour. Les résidents du camp ont passé cinq jours à sortir les morts et les blessés.

Nael Al-Bahisi, ambulancier, a été l'un des premiers à arriver sur les lieux. Il a dénombré entre 50 et 70 victimes ce premier jour. « À un moment donné, nous avons compris que la cible de la frappe était le commandant du Hamas Ayman Nofal », a-t-il déclaré à +972 et à Local Call. « Ils l'ont tué, ainsi que de nombreuses personnes qui ne savaient pas qu'il était là. Des familles entières avec des enfants ont été tuées. »

Une autre source du renseignement a déclaré à +972 et à Local Call que l'armée avait détruit une tour à Rafah à la mi-décembre, tuant « des dizaines de civils », afin d'essayer de tuer Mohammed Shabaneh, le commandant de la brigade du Hamas à Rafah (on ne sait pas s'il a été tué ou non lors de l'attaque). Selon cette source, les hauts commandants se cachent souvent dans des tunnels qui passent sous des bâtiments civils, et le choix de les assassiner par une frappe aérienne tue donc nécessairement des civils.

« La plupart des blessés étaient des enfants », a déclaré Wael Al-Sir, 55 ans, qui a assisté à la frappe de grande envergure que certains habitants de Gaza considèrent comme une tentative d'assassinat. Il a déclaré à +972 et à Local Call que le bombardement du 20 décembre a détruit un « bloc résidentiel entier » et tué au moins 10 enfants.

« Il y avait une politique totalement permissive concernant les victimes des opérations [de bombardement] – tellement permissive qu'à mon avis, il y avait un élément de vengeance », a affirmé D., une source des services de renseignement. « L'élément central était l'assassinat de hauts responsables [du Hamas et du Jihad islamique] pour lesquels ils étaient prêts à tuer des centaines de civils. Nous avions un calcul : combien pour un commandant de brigade, combien pour un commandant de bataillon, etc. »

« Il y avait des règles, mais elles étaient très indulgentes », a déclaré E., une autre source du renseignement. « Nous avons tué des gens avec des dommages collatéraux à deux chiffres, voire à trois chiffres. Ce sont des choses qui ne s'étaient jamais produites auparavant ».

Un taux aussi élevé de « dommages collatéraux » est exceptionnel non seulement par rapport à ce que l'armée israélienne jugeait auparavant acceptable, mais aussi par rapport aux guerres menées par les États-Unis en Irak, en Syrie et en Afghanistan.

Le général Peter Gersten, commandant adjoint des opérations et du renseignement dans l'opération de lutte contre l'Etat islamique en Irak et en Syrie, a déclaré à un magazine de défense américain en 2021 qu'une attaque avec des dommages collatéraux de 15 civils s'écartait de la procédure ; pour la mener à bien, il avait dû obtenir une autorisation spéciale du chef du Commandement central des États-Unis, le général Lloyd Austin, qui est aujourd'hui secrétaire à la Défense.

« Dans le cas d'Oussama Ben Laden, la NCV (Non-Combatant Casualty Value) était de 30, mais dans le cas d'un commandant de rang inférieur, la NCV était généralement de zéro », a expliqué M. Gersten. « Nous sommes restés à zéro pendant très longtemps. »

« On nous disait : "Faites tout ce que vous pouvez, bombardez" »

Toutes les sources interrogées dans le cadre de cette enquête ont déclaré que les massacres perpétrés par le Hamas le 7 octobre et l'enlèvement d'otages avaient fortement influencé la politique de l'armée en matière de tirs et de degrés de dommages collatéraux.

« Au début, l'atmosphère était pénible et vindicative », a déclaré B., qui a été enrôlé dans l'armée immédiatement après le 7 octobre et a servi dans une salle d'opération. « Les règles étaient très souples. Ils ont détruit quatre bâtiments alors qu'ils savaient que la cible se trouvait dans l'un d'entre eux. C'était de la folie. »

« Il y avait une dissonance : d'une part, les gens ici étaient frustrés que nous n'attaquions pas assez », poursuit B.. « D'autre part, à la fin de la journée, on constate qu'un millier d'habitants de Gaza sont morts, la plupart d'entre eux étant des civils. »

« L'hystérie régnait dans les rangs des professionnels », affirme D., qui a également été incorporé immédiatement après le 7 octobre. « Ils ne savaient pas du tout comment réagir. La seule chose qu'ils savaient faire était de commencer à bombarder comme des fous pour essayer de démanteler les capacités du Hamas. »

D. a souligné qu'on ne leur avait pas dit explicitement que l'objectif de l'armée était la « vengeance », mais a exprimé que « dès que chaque cible liée au Hamas devient légitime, et que presque tous les dommages collatéraux sont approuvés, il est clair que des milliers de personnes vont être tuées. Même si officiellement chaque cible est liée au Hamas, lorsque la politique est si permissive, elle perd tout son sens ».

A. a également utilisé le mot « vengeance » pour décrire l'atmosphère qui régnait au sein de l'armée après le 7 octobre. « Personne n'a pensé à ce qu'il faudrait faire après, une fois la guerre terminée, ni à la façon dont il serait possible de vivre à Gaza et à ce qu'ils en feraient », a déclaré A.. « On nous a dit : maintenant, il faut foutre en l'air le Hamas, quel qu'en soit le prix. Tout ce que vous pouvez, vous le bombardez ».

B., la source principale du renseignement, a déclaré qu'avec le recul, il pense que cette politique « disproportionnée » consistant à tuer des Palestiniens à Gaza met également en danger les Israéliens, et que c'est l'une des raisons pour lesquelles il a décidé de se prêter à l'exercice de l'interview.

« À court terme, nous sommes plus en sécurité, car nous avons blessé le Hamas. Mais je pense que nous sommes moins en sécurité à long terme. Je vois comment toutes les familles endeuillées à Gaza – c'est-à-dire presque tout le monde – motiveront les gens à rejoindre le Hamas dans dix ans. Et il sera beaucoup plus facile pour [le Hamas] de les recruter ».

Dans une déclaration à +972 et à Local Call, l'armée israélienne a démenti une grande partie de ce que les sources nous ont dit, affirmant que « chaque cible est examinée individuellement, tandis qu'une évaluation individuelle est faite de l'avantage militaire et des dommages collatéraux attendus de l'attaque… Les Forces de défense israéliennes ne mènent pas d'attaques lorsque les dommages collatéraux attendus de l'attaque sont excessifs par rapport à l'avantage militaire ».

Étape 5 : Calcul des dommages collatéraux

« Le modèle n'était pas lié à la réalité »

Selon les sources du renseignement, le calcul par l'armée israélienne du nombre de civils susceptibles d'être tués dans chaque maison située à côté d'une cible – une procédure examinée dans une enquête précédente de +972 et Local Call – a été effectué à l'aide d'outils automatiques et imprécis.

Lors des guerres précédentes, les services de renseignement passaient beaucoup de temps à vérifier le nombre de personnes présentes dans une maison destinée à être bombardée, le nombre de civils susceptibles d'être tués étant répertorié dans un « fichier cible ». Après le 7 octobre, cependant, cette vérification minutieuse a été largement abandonnée au profit de l'automatisation.

En octobre, le New York Times a fait état d'un système exploité à partir d'une base spéciale dans le sud d'Israël, qui recueille des informations à partir de téléphones portables dans la bande de Gaza et fournit à l'armée une estimation en temps réel du nombre de Palestiniens qui ont fui le nord de la bande de Gaza vers le sud.

Le général de brigade Udi Ben Muha a déclaré au New York Times : « Ce n'est pas un système parfait à 100 %, mais il vous donne les informations dont vous avez besoin pour prendre une décision ». Le système fonctionne par couleurs : le rouge indique les zones où il y a beaucoup de monde, tandis que le vert et le jaune indiquent les zones qui ont été relativement débarrassées de leurs habitants.

Les sources qui ont parlé à +972 et à Local Call ont décrit un système similaire de calcul des dommages collatéraux, utilisé pour décider de bombarder ou non un bâtiment à Gaza. Elles ont indiqué que le logiciel calculait le nombre de civils résidant dans chaque maison avant la guerre – en évaluant la taille du bâtiment et en examinant sa liste de résidents – puis réduisait ces chiffres en fonction de la proportion de résidents censés avoir évacué le quartier.

Par exemple, si l'armée estime que la moitié des habitants d'un quartier sont partis, le programme comptabilise une maison qui compte habituellement 10 habitants comme une maison contenant cinq personnes. Pour gagner du temps, l'armée n'a pas surveillé les maisons pour vérifier combien de personnes y vivaient réellement, comme elle l'avait fait lors d'opérations précédentes, afin de savoir si l'estimation du programme était effectivement exacte.

« Ce modèle n'était pas lié à la réalité », a déclaré l'une des sources. « Il n'y avait aucun lien entre les personnes qui vivaient dans la maison aujourd'hui, pendant la guerre, et celles qui étaient répertoriées comme vivant dans la maison avant la guerre. Il nous est arrivé de bombarder une maison sans savoir qu'il y avait plusieurs familles à l'intérieur, qui se cachaient ensemble. »

Selon cette source, bien que l'armée sache que de telles erreurs peuvent se produire, ce modèle imprécis a tout de même été adopté, parce qu'il était plus rapide. Ainsi, selon cette source, « le calcul des dommages collatéraux était complètement automatique et statistique » – produisant même des chiffres qui n'étaient pas des nombres entiers.

Étape 6 : Bombarder la maison d'une famille

« Vous avez tué une famille sans raison »

Les sources qui ont parlé à +972 et à Local Call ont expliqué qu'il y avait parfois un décalage important entre le moment où les systèmes de repérage comme Where's Daddy ? alertaient un officier qu'une cible était entrée dans sa maison, et le bombardement lui-même – ce qui a conduit à la mort de familles entières, même sans atteindre la cible de l'armée. « Il m'est arrivé plusieurs fois d'attaquer une maison, mais la personne n'était même pas chez elle », a déclaré une source. « Le résultat est que vous avez tué une famille sans raison. »

Trois sources du renseignement ont déclaré à +972 et à Local Call qu'elles avaient été témoins d'un incident au cours duquel l'armée israélienne avait bombardé la maison privée d'une famille, et qu'il s'était avéré par la suite que la cible visée par l'assassinat n'était même pas à l'intérieur de la maison, étant donné qu'aucune vérification supplémentaire n'avait été effectuée en temps réel.

« Parfois, [la cible] était chez elle plus tôt, puis le soir, elle est allée dormir ailleurs, par exemple dans un sous-sol, et vous ne le saviez pas », a déclaré l'une des sources. Il y a des moments où l'on vérifie deux fois l'emplacement, et d'autres où l'on se dit simplement : « D'accord, il était dans la maison au cours des dernières heures, alors vous pouvez simplement bombarder ».

Une autre source a décrit un incident similaire qui l'a affecté et l'a incité à accepter d'être interrogé dans le cadre de cette enquête. « Nous avons compris que la cible était chez elle à 20 heures. Finalement, l'armée de l'air a bombardé la maison à 3 heures du matin. Il y avait deux autres familles avec des enfants dans le bâtiment que nous avons bombardé ».

Lors des précédentes guerres à Gaza, après l'assassinat de cibles humaines, les services de renseignement israéliens appliquaient des procédures d'évaluation des dommages causés par les bombes (BDA) – une vérification de routine après la frappe pour voir si le commandant en chef avait été tué et combien de civils avaient été tués en même temps que lui.

Comme l'a révélé une précédente enquête sur le +972 et Local call, ces procédures impliquaient l'écoute des appels téléphoniques des parents ayant perdu un être cher. Dans la guerre actuelle, cependant, au moins en ce qui concerne les militants subalternes marqués à l'aide de l'IA, les sources affirment que cette procédure a été supprimée afin de gagner du temps.

Les sources ont déclaré qu'elles ne savaient pas combien de civils avaient été effectivement tués dans chaque frappe, et pour les militants présumés de bas rang du Hamas et du Jihad islamique marqués par l'IA, elles ne savaient même pas si la cible elle-même avait été tuée.

« Vous ne savez pas exactement combien vous avez tué, ni qui vous avez tué », a déclaré une source des services de renseignement à Local Call dans le cadre d'une précédente enquête publiée en janvier. « Ce n'est que lorsqu'il s'agit de hauts responsables du Hamas que vous suivez la procédure du BDA. Dans les autres cas, vous ne vous en souciez pas. Vous recevez un rapport de l'armée de l'air indiquant si le bâtiment a explosé, et c'est tout. Vous n'avez aucune idée de l'ampleur des dommages collatéraux ; vous passez immédiatement à la cible suivante. L'accent était mis sur la création d'autant de cibles que possible, aussi rapidement que possible ».

Mais alors que l'armée israélienne peut tourner la page de chaque frappe sans s'attarder sur le nombre de victimes, Amjad Al-Sheikh, le résident de Shuja'iya qui a perdu 11 membres de sa famille dans le bombardement du 2 décembre, a déclaré que lui et ses voisins sont toujours à la recherche de cadavres.

« Jusqu'à présent, il y a des corps sous les décombres », a-t-il déclaré. « Quatorze bâtiments résidentiels ont été bombardés avec leurs habitants à l'intérieur. Certains de mes proches et de mes voisins sont toujours ensevelis. »

Traduction : AFPS

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Santé inc. Mythes et faillites du privé en santé

9 avril 2024, par GMob-GroupMobilisation — , ,
Le privé en santé, est-ce que ça fonctionne ? Au-delà des considérations morales et idéologiques, Anne Plourde, chercheuse à l'Institut de recherche et d'informations (…)

Le privé en santé, est-ce que ça fonctionne ? Au-delà des considérations morales et idéologiques, Anne Plourde, chercheuse à l'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques (IRIS), a voulu confronter cinq mythes sur le privé en santé à la réalité des faits. À la lumière des expériences menées au Québec et ailleurs dans le monde, son constat est implacable : le privé multiplie les échecs depuis un siècle, il ne coûte pas moins cher, n'est pas plus efficace, ne réduit pas les listes d'attente et n'améliore pas la qualité des soins. Autrement dit, le privé fait moins avec plus, ce qui est l'exact contraire de l'effet recherché. Mais ce n'est pas une fatalité. À rebours des discours officiels, il est temps de procéder à une déprivatisation complète des services de santé pour résoudre l'état de crise quasi permanent qui affecte notre système public.

4 avril 2024 | tiré de la lettre de GMOB

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Québec solidaire demande à la CAQ de stopper l’ouverture de nouvelles cliniques spécialisées privées

9 avril 2024, par Québec solidaire — , ,
Pour mettre fin à l'expansion du privé qui fait mal à notre réseau public de santé, le porte-parole de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, et le responsable en matière de (…)

Pour mettre fin à l'expansion du privé qui fait mal à notre réseau public de santé, le porte-parole de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, et le responsable en matière de santé, Vincent Marissal, demandent au ministre Christian Dubé de stopper dès maintenant l'émission de nouveaux permis de centres meìdicaux speìcialiseìs (CMS).

27 mars 2024 | Québec solidaire

« L'entêtement idéologique de la CAQ envers le privé pour régler les problèmes du réseau de la santé ne fonctionne pas. Les Québécois se font avoir, ils paient de l'impôt et s'attendent à recevoir des services de santé, mais beaucoup n'ont pas le choix de se tourner vers le privé ou ils paient très cher pour avoir des soins. Ce système à deux vitesses ne fonctionne pas, ni pour les patients, ni pour les fonds publics. Il faut dès maintenant stopper l'ouverture de nouveaux centres médicaux spécialisés (CMS) qui ont explosé sous la CAQ et privent le public de ressources », a déclaré Gabriel Nadeau-Dubois en point de presse mercredi matin à Montréal.

En 2021, la CAQ elle-même annonçait vouloir freiner l'essor des CMS, qui grugent les ressources du public et coûtent cher à l'État, mais le gouvernement Legault a finalement décidé de les autoriser, soi-disant pour baisser les listes d'attente en chirurgie. Le constat d'échec est frappant : les listes ne bougent pratiquement pas.

« Les cliniques médicales spécialisées qui pratiquent des chirurgies d'un jour se construisent souvent à proximité des hôpitaux, dont elles grugent les ressources et le personnel. Résultat des courses : on enrichit le privé et on s'appauvrit collectivement. Il faut arrêter de s'entêter avec un modèle qui coûte cher, à l'État comme aux patients et qui, en plus, ne réduit pas les listes d'attente en chirurgie longues de milliers de personnes », a ajouté M. Marissal.

Faits saillants

Depuis l'arrivée au pouvoir de la CAQ, le ministère de la Santé et des Services sociaux a délivré plus de 36 nouveaux permis pour des centres médicaux spécialisés.

Le nombre de médecins spécialistes ayant exercé au sein d'un CMS dans le cadre du régime public est passé de 226 en 2018 à 917 en 2023.

Selon une analyse de l'IRIS, certaines opérations chirurgicales au privé peuvent coûter jusqu'au triple du coût d'une même opération effectuée au public.

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Électricité bradée et privatisation :

9 avril 2024, par Germain Dallaire — , ,
Depuis principalement le début du deuxième mandat caquiste, c'est un euphémisme de dire que les repaires habituels de la population québécoise sont bousculés. Au début des (…)

Depuis principalement le début du deuxième mandat caquiste, c'est un euphémisme de dire que les repaires habituels de la population québécoise sont bousculés. Au début des années 2020, on était dans le surplus énergétique confortable et Hydro-Québec offrait cette image rassurante de navire amiral de notre économie. En l'espace de quelques mois, on est passé à un climat de panique où il faudrait plus que doubler la production d'électricité. Hydro est pratiquement devenu un bazou passé de mode et prêt pour la casse. Malgré l'hiver exceptionnellement doux qu'on vient de connaître, certains ont même évoqué le spectre du bris de service. Même l'énergie nucléaire reprend du galon.

Évidemment, on connaît la raison de ce virage. Prétextant la transition énergétique, le gouvernement a ouvert toute grande la porte aux entreprises voulant profiter de nos bas tarifs d'électricité. À 5,3 sous le kilowattheure pour la grande industrie, nos tarifs sont parmi les plus bas au monde mais ce n'était pas suffisant puisque jusqu'au 31 décembre dernier, les entreprises avaient la possibilité de demander un rabais de 20% sur ce tarif, rabais applicable jusqu'en 2032. Fin octobre, lorsque le gouvernement a annoncé la date limite du 31 décembre, déjà 82 des 165 clients industriels s'étaient prévalus du rabais. Suite à son annonce, on sait que les entreprises se sont garrochées. On ne connaît pas encore le nombre et la liste est confidentielle, top secret commercial... On sait cependant les chiffres des entreprises toutes catégories qui ont demandé des capacités supplémentaires d'électricité s'élève à 150. Même le très prodigue Fitzgibbon annonce qu'il ne pourra répondre favorablement à toutes les demandes faute d'énergie disponible. Du même souffle… il invite les entreprises à l'auto-production d'électricité. Et les cadres d'Hydro-Québec dirigés par Monsieur privatisation Michael Sabia de reprendre le message. Peut-être que l'augmentation de 21% des primes en 2023 encourage… Ainsi, nos p'tits copains de la CAQ, non seulement vont s'enrichir avec l'électricité à vil prix mais en plus on va attaquer sérieusement le monopole d'Hydro. Le monde des affaires est aux anges. N'en jetez plus, la cour est pleine. Quel pactole que cette transition énergétique !

Et voilà maintenant que sur le vaste territoire québécois, les éoliennes s'apprêtent à contester aux épinettes leur statut dominant. C'est la frénésie actuellement. En 2023, le Québec comptait 1500 éoliennes. D'ici 2035, Hydro-Québec compte tripler la production actuelle (4000 mégawatts). Selon le plan Sabia, les éoliennes supplémentaires occuperont l'équivalent de 15 fois la superficie de l'île de Montréal.

Comme des enfants qui ont trouvé un truc nouveau, les caquistes justifient tous ces chambardements en parlant de transition énergétique. Leurs critères concernant l'octroi de la réduction de 20% aux entreprises sont simples : augmentation de la production, amélioration de la productivité ou ajout d'une nouvelle production. À ce compte, le Québec fait de la transition énergétique depuis le début du XXième siècle lors de la construction de ses premiers barrages . C'est si peu de la transition énergétique que même l'expression écoblanchiment paraît déplacée. Il faut tout simplement parler d'électricité bradée et d'accélération du processus de privatisation d'Hydro-Québec, tout ça au profit des p'tits copains. Duplessis est passé à l'histoire avec son fer à 1 cent la tonne, Legault risque de le faire pour son électricité à 4 sous le kilowattheure.

L'hypocrisie des caquistes saute aux yeux quand on prend en considération ses agissements en matière d'environnement. Au début de mars, le ministre de l'environnement n'a surpris personne en révélant que c'est par crainte de voir Northvolt s'installer ailleurs que le gouvernement caquiste a bafoué toutes les règles environnementales régissant le Québec . Pour les installations d'éoliennes, les caquistes ont aussi assoupli les règles. Ces actions sont d'ailleurs tout ce qu'il y a de plus cohérent avec l'ensemble de leur œuvre. On n'a qu'à penser à la fonderie Horne, aux émanations de cuivre dans le port de Québec, au traitement des caribous ou encore à leur inaction totale dans le transport en commun, les faits démontrent à l'envie que la transition énergétique sert de faible prétexte à la dollarisation et la privatisation de l'électricité. Le ministère de l'environnement en est réduit à être l'essuie-pied du super-ministre Fitzgibbon.

Pourtant, des solutions existent qui n'ont pas besoin de bouleverser les acquis fondamentaux de la société québécoise. Un, dans une période de rareté de main d'œuvre, il est illogique de favoriser un développement industriel tout azimut. Pour pallier cette rareté, on a ouvert toutes grandes les portes aux travailleurs étrangers ce qui a pour effet d'accentuer la crise du français, celle du logement et de mettre sous pression l'ensemble de nos services publics qui sont déjà plutôt mal en point. On note au passage que cette main d'œuvre bien vulnérable comble d'aise le p'tits copains. Deux, ce qui était acceptable en période de surplus d'électricité devient aberrant en période de pénurie. Le Québec a signé deux contrats de vente d'électricité avec le Maine et la Ville de New York. À eux seuls, ces contrats représentent 10% de la production d'électricité actuelle d'Hydro-Québec. En période de surplus, ces contrats étaient avantageux. En période de pénurie, le coût de construction des installations nécessaires pour honorer ces contrats les rend déficitaires. En plus de l'électricité, c'est de l'argent que nous allons exporter, de l'argent tiré de la poche des consommateurs québécois d'électricité. La résiliation de ces deux contrats s'impose. Trois, avant de tapisser le territoire du Québec de parcs éoliens, il faudrait exploiter le potentiel offert par le territoire des grands barrages. En plus d'offrir une connexion facile au réseau, ces territoires ont l'avantage d'être éloignés des populations minimisant d'autant la pollution visuelle et sonore des parcs éoliens.

Terminons maintenant avec la cerise sur le sundae. Voilà que notre pyromane en chef Fitzgibbon joue les pompiers en pointant un doigt accusateur vers les consommateurs ordinaires d'électricité en disant qu'ils gaspillent notre précieuse ressource. C'est le comble, celui-là même qui favorise la vente de feu de nos kilowattheures et la privatisation d'Hydro-Québec se permet de nous faire la leçon. Comme dirait l'autre « Plus c'est gros, plus il y a de chances que ça passe ». Qu'on ne s'y trompe pas. Comme à son habitude, notre cher super-ministre maquille de mots vertueux une immense couleuvre. Ainsi, en divisant les Québécois entre bons et mauvais consommateurs, on tasse ces derniers dans le coin ouvrant la porte à des augmentations de prix que tout le monde va souhaiter. La désignation d'un délinquant, c'est la première étape vers la remise en question d'un programme universel. Il s'agit d'un procédé classique. De plus, pendant que la populace se chicane entre elle, notre stratège en chef continue bien tranquillement à jouer au Père Noël avec notre acquis collectif.

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Comment réduire les inégalités de richesse au Québec ?

9 avril 2024, par Gabriel Danis — , ,
Une délégation de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) a participé au Forum Patrimoine et santé, le 3 avril dernier, à Montréal. Organisé par l'Observatoire québécois des (…)

Une délégation de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) a participé au Forum Patrimoine et santé, le 3 avril dernier, à Montréal. Organisé par l'Observatoire québécois des inégalités, ce colloque a permis d'explorer les enjeux sociaux importants qui se cachent derrière les inégalités de patrimoine et de richesse au Québec.

Gabriel Danis est conseiller CSQ.

4 avril 2024 | tiré du site de la CSQ
https://www.lacsq.org/actualite/comment-reduire-les-inegalites-de-richesse-au-quebec/

Avec la crise du logement et les difficultés croissantes d'accès à la propriété, les effets concrets des inégalités de patrimoine et de richesse se font de plus en plus sentir. Alors que les inégalités de revenu peuvent être réduites par la fiscalité, les services publics et les luttes syndicales pour de meilleures conditions de travail, les inégalités de patrimoine explosent et passent pourtant sous le radar des politiques publiques et fiscales.

L'état des inégalités au Québec

Au Québec, en 2019, les 10 % des familles les plus riches accaparent, en moyenne, un revenu 9 fois plus élevé que celui des familles faisant partie des 40 % des plus pauvres. Or, ces mêmes familles les plus nanties possèdent, en moyenne, un patrimoine 76 fois plus élevé que celui des 40 % des familles les plus pauvres ! Qui plus est, les 20 % des familles les plus nanties possèdent 68 % de la richesse accumulée alors que les 40 % des familles les plus pauvres ne possèdent que 3 % du patrimoine.

Ces inégalités criantes ne sont pas neutres et touchent principalement les femmes, les locataires et les populations marginalisées.

Quels effets ?

Les effets des inégalités de richesse sont connus et bien réels. Par exemple, ce sont notamment d'importants déterminants des inégalités sociales de santé, de réussite scolaire et d'égalité des chances. Ainsi, les inégalités de richesse et de patrimoine contribuent à compromettre une mobilité sociale qui est de plus en plus en panne au Québec et au Canada.

Quels leviers d'action ?

On oublie souvent que les inégalités croissantes de richesse ne vont pas nécessairement de soi et sont le fruit de décisions collectives. Dit autrement, il s'agit d'une question foncièrement politique et morale. Si nous souhaitons ne pas reproduire les niveaux d'inégalités que l'on retrouve aux États-Unis, le laissez-faire ne peut perdurer.

Heureusement, des solutions existent ! Qu'on pense à l'amélioration des régimes de retraite publics, à la pleine imposition des gains en capitaux, à l'imposition d'une partie des gains en capital sur la vente de la résidence permanente, d'un impôt partiel sur les héritages de plus d'un million, etc. L'accroissement des inégalités n'est pas inévitable, il relève davantage d'un manque de volonté politique à agir sur ces causes.

Pourtant, selon un récent sondage, dont les résultats ont été présentés pendant l'évènement, la population québécoise est majoritairement favorable à plusieurs mesures visant à réduire les inégalités de richesse.


L'endettement comme générateur d'inégalités au Québec

3 avril 2024 | par Geoffroy Boucher et Sandy Torres
https://observatoiredesinegalites.com/endettement-inegalites-quebec/

Cette note d'analyse est la troisième d'une série explorant les liens entre les inégalités de patrimoine et de santé. Si l'étude du patrimoine dans sa globalité est éclairante à bien des égards, un examen plus approfondi de la dimension de l'endettement met en lumière certaines disparités, notamment en matière d'accès au crédit et de capacité d'emprunt. En quoi l'endettement influence les inégalités au Québec et plus particulièrement les inégalités sociales de santé ?

Faits saillants

  • La dette des familles moins nanties est majoritairement composée (74 %) de dettes à la consommation. Pour les familles les mieux nanties, c'est l'inverse : la dette est principalement (78 à 86 %) de nature hypothécaire.
  • Le prêt hypothécaire est le principal facteur d'accumulation de richesse pour un grand nombre de familles au Québec. De 1999 à 2019, la dette hypothécaire a augmenté de 154 milliards de dollars, alors que la valeur des actifs immobiliers a augmenté de 503 milliards de dollars.
  • L'accès au crédit est toutefois inégal. 1 personne sur 5 ayant déjà fait une demande de crédit s'est déjà fait refuser celle-ci. Cette proportion est plus élevée chez les hommes (23,2 %), les personnes autochtones (38,5 %), les personnes racisées (28,4 %) et les personnes à plus faible revenu (25,6 %).
  • Les personnes n'ayant pas accès au crédit dans les institutions financières se tournent parfois vers des prêts alternatifs à des taux d'intérêt très élevés. Au Québec, 3,7 % des personnes ont eu recours à des prêts alternatifs au cours des 24 derniers mois, tels que des prêteurs non bancaires en ligne, des prêteurs sur gages ou sur salaires. Cette proportion est plus élevée chez les femmes (4,3 %), les personnes racisées (7 %) et les personnes autochtones (9 %).
  • Parmi les personnes ayant des dettes, 28 % éprouvent des difficultés de remboursement . Ces difficultés sont davantage observées chez les personnes qui ont eu recours au crédit pour pallier une situation difficile, telle qu'une perte d'emploi ou une maladie (70 %) ou une combinaison de difficultés économiques (62 %).
  • Au Québec, les personnes ayant recours à l'endettement pour effectuer des dépenses courantes affichent un moins bon état de santé générale que celles n'y ayant pas recours. En effet, près du quart des ménages ayant un tel usage compensatoire du crédit perçoit sa santé comme mauvaise ou passable. Cette proportion est de 11 % chez les ménages qui n'ont pas recours à l'endettement pour effectuer des dépenses courantes.
  • On observe une relation positive entre le niveau de stress autoévalué et la difficulté à rembourser ses dettes. Au Québec, le niveau de stress engendré par les dettes atteint une moyenne de 2,9 (sur une échelle de 1 à 10) chez les personnes ne présentant aucune difficulté à rembourser leurs dettes. Chez les personnes pour lesquelles le remboursement des dettes s'avère très difficile, le niveau de stress moyen grimpe à 9,8.

Pour lire l'étude : L'endettement comme générateur d'inégalités au Québec, cliquez sur l'icône :

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Développons ensemble une vision concertée de la forêt

9 avril 2024, par Collectif — , ,
Dans le cadre de la démarche de réflexion sur l'avenir de la forêt lancée par le gouvernement depuis février dernier, plus d'une vingtaine de partenaires du milieu forestier (…)

Dans le cadre de la démarche de réflexion sur l'avenir de la forêt lancée par le gouvernement depuis février dernier, plus d'une vingtaine de partenaires du milieu forestier unissent leurs voix dans un consensus historique pour demander des changements majeurs quant à la manière dont la forêt est aménagée et gérée.

Tous ensemble, nous convenons que la Loi sur l'aménagement durable du territoire forestier adoptée en 2010 doit être revue en profondeur pour amener des changements ambitieux au régime forestier actuel dans le respect des acquis, mais qui favoriseront une foresterie innovante et rassembleuse. Ce consensus rallie aussi bien l'industrie forestière, sylvicole, acéricole et faunique, les coopératives forestières, les représentants de la forêt privée et des utilisateurs de la forêt à des fins récréatives, les syndicats de travailleurs, des groupes environnementaux et de conservation de la nature ainsi que des élus municipaux.

Pour les partenaires, le manque de prévisibilité actuel rend difficiles un aménagement et une utilisation cohérents du territoire et limite les initiatives innovantes.

La gouvernance de la forêt, lourde et complexe, se retrouve déconnectée de ce qui se passe dans les régions, sur le terrain, et de ceux qui y vivent et en vivent. La collaboration et la concertation doivent être remises de l'avant, car elles se perdent à travers une myriade de tables.

Ces enjeux exigent une réponse coordonnée et ambitieuse pour assurer l'adaptation de notre forêt aux menaces des changements climatiques qui s'accélèrent.

Un aménagiste indépendant par territoire

Ainsi, nous proposons de réviser le cadre de gouvernance pour établir les responsabilités aux bons niveaux territoriaux afin d'être plus près des enjeux, en mettant en place un aménagiste indépendant par territoire, intégré et imputable. Nous proposons également d'intégrer les différents usages et les différentes valeurs de la forêt à même la planification de l'aménagement forestier.

Enfin, nous proposons aussi de continuer de miser sur la forêt naturelle et son dynamisme pour s'adapter, favorisant ainsi la résilience des écosystèmes et le maintien des services socioécologiques attendus. Ces mesures, parmi d'autres, sont essentielles pour maintenir la vitalité économique des entreprises du territoire, maximiser les retombées pour la société québécoise, soutenir les travailleurs et leurs communautés ainsi que protéger la biodiversité et la santé des forêts du Québec.

Qui plus est, les partenaires attestent que l'aménagement du territoire forestier devra reconnaître les droits des Premières Nations en leur accordant la place qui leur revient.

La forêt privée ne doit pas être oubliée lors de cette remise en question. Ainsi, les partenaires sont d'avis que le ministère des Ressources naturelles et des Forêts doit être plus actif en amont des processus gouvernementaux de manière à s'assurer que les règlements et lois soient modernisés et plus respectueux du droit de produire des propriétaires forestiers. Une amélioration de l'environnement d'affaires des propriétaires forestiers est également souhaitée.

Nous faisons donc appel aux acteurs gouvernementaux ainsi qu'à la société civile pour soutenir ces propositions, qui constituent une occasion unique de réaliser une transition juste vers une gestion durable et inclusive de nos forêts. Celles-ci, ainsi que les activités qu'elles soutiennent, sont trop importantes pour les régions du Québec, comme pour l'ensemble de la société, pour les laisser plus longtemps confinées à un régime qui ne permet pas de répondre aux défis actuels et à venir, aussi bien sur le plan économique qu'environnemental.

Ensemble, nous pouvons mettre sur pied un aménagement digne d'une forêt d'avenir et faire de ce projet de société une fierté nationale. Il est temps de passer à l'action !

Consultez la brochure : Propositions des partenaires pour l'avenir de la forêt québecoise

Yanick Baillargeon, président, Alliance Forêt boréale

Rénald Bernier, président, Groupements forestiers Québec

Louis Bégin, président, Fédération de l'industrie manufacturière FIM‐CSN

Gaétan Boudreault, président, Fédération des producteurs forestiers du Québec

Daniel Cloutier, directeur québécois, Unifor

Claire Ducharme, vice‐présidente, Conservation de la nature Canada

Dominic Dugré, président‐directeur général, Fédération des pourvoiries du Québec

Normand Fiset, président, Fédération québécoise pour le saumon atlantique

Louis‐Serge Gagnon, président, SFI‐Québec

Stéphane Gagnon, président, Fédération québécoise des coopératives forestières

Nancy Gélinas, doyenne, faculté de foresterie, de géographie et de géomatique, Université Laval

Luc Goulet, président, Producteurs et productrices acéricoles du Québec

Jacques Laliberté, président, Association des grands propriétaires forestiers du Québec

Charles‐Philippe Mimeault‐Laflamme, président, Association des entrepreneurs en travaux sylvicoles du Québec

Guillaume Ouellet, président, ZECs Québec

Jean‐François Samray, président‐directeur général, Conseil de l'industrie forestière du Québec

Alice‐Anne Simard, directrice générale, Nature Québec

Luc Vachon, président, Centrale des syndicats démocratiques (CSD)

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