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Le Québec, société distincte des aîné.e.s édenté.e.s

Je suis un septuagénaire à faible revenu. Le 29 février dernier, j'ai reçu une lettre du gouvernement fédéral via laquelle j'ai pu m'inscrire au nouveau programme de soins dentaires mis en place par le gouvernement fédéral.
par Michel Verdon, citoyen
Émilie Laurin-Dansereau, conseillère budgétaire à l'ACEF du Nord de Montréal
J'étais ravi, car j'attends depuis longtemps de voir un dentiste. Étant à faible revenu, je n'ai pas les moyens de recevoir les soins dont j'ai besoin. Or, il y a un hic. Au Québec, ça risque d'être terriblement compliqué, voire impossible d'obtenir lesdits soins promis.
Pourquoi les Québécois.e.s pourraient ne pas avoir accès au programme de soins dentaires gratuits ?
Parce que le gouvernement Legault refuse catégoriquement de travailler conjointement avec Ottawa, prétextant que ce domaine est uniquement de « compétences provinciales ». D'où son exigence démesurée d'obtenir une compensation financière d'égale valeur, laquelle, plus souvent qu'autrement, sera utilisée pour autres choses, sinon disparaîtra du radar comme par magie. Et pendant que j'y suis, me vient à l'esprit les 940 millions $ octroyés au gouvernement Legault par Ottawal'an dernier, une somme faramineuse destinée à venir en aide aux étudiants ayant des prêts à rembourser, mais qui s'est envolée quelque part. Où exactement ? Qui sait ? C'est encore plus désolant quand on sait que plusieurs provinces canadiennes offrent des programmes de soins dentaires non seulement aux prestataires de l'aide sociale, mais aussi à des gens à faible revenu, et plus particulièrement aux aîné.e.s qui sont prestataires du Supplément de revenu garanti, et cela depuis belle lurette ! C'est le cas par exemple del'Ontario, de l'Alberta,
de la Colombie-Britannique et de l'Île-du-Prince-Édouard. Pourquoi ne pourrions-nous pas avoir la même chose au Québec ? Ne sommes-nous pas nous aussi des Canadiennes et Canadiens à part entière ?
Alors, vous savez, quand Messieurs Legault, Dubé, Girard & compagnie nous racontent qu'il existe au Québec un excellent programme de soins dentaires, c'est faux ! À l'exception des bénéficiaires de l'aide sociale et des enfants de 9 ans et moins, je le répète, il n'existe aucun programme de soins dentaires au Québec. Ce sont des mensonges, voire de la désinformation ! Bref, la CAQ n'en a rien à cirer d'un programme de soins dentaires pour les gens dans le besoin. Comme nous le faisait remarquer Réjean Parent : « C'est un gouvernement de gens d'affaires qui travaille pour les gens d'affaires sans trop se soucier des citoyens mal pris. »
Tout ça pour dire, finalement, que dans La Belle Province où les gens avec un revenu net de 20 000 ou 30 000 $ par année n'ont absolument aucune couverture dentaire, ce programme serait plus que bienvenu ! Du moins, en attendant un vrai programme de gratuité des soins dentaires pour tous et toutes. Les liens entre la santé buccodentaire et la santé en général sont démontrés depuis longtemps. Il est temps que les soins dentaires soient inclus dans le programme d'assurance maladie.
En bout de ligne, verrons-nous un jour, au Québec, la lumière au bout du tunnel avec ce merveilleux programme de soins dentaires du gouvernement fédéral ou est-ce le train du gouvernement de François Legault que nous apercevons au loin et qui fonce sur nous à toute vitesse, le train d'un Troisième Lien imaginaire électrifié par de belles batteries Northvolt .
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« Mutinerie. Comment notre monde bascule »

Pendant quatre mois, Peter Mertens, secrétaire général du PTB, s'est immergé dans ce monde qui vacille et y a analysé tout ce qui gronde, gémit et s'ébranle. Le résultat est « Mutinerie ».
17 novembre 2023 | tiré du site du Parti du travail de Belgique
Le monde est comme une mer houleuse. Les bruyantes vagues peuvent être annonciatrices de grands bouleversements. Pendant quatre mois, Peter Mertens, secrétaire général du PTB, s'est immergé dans ce monde qui vacille et y a analysé tout ce qui gronde, gémit et s'ébranle. Le résultat est « Mutinerie », un livre disponible en librairie à la fin de l'année.
Nous rencontrons Peter Mertens le lendemain du jour de la remise de Mutinerie à l'éditeur EPO qui se charge de la version originale en néerlandais. Avant sa sortie, l'auteur nous en donne un avant-goût. Le secrétaire général du PTB croit en la force de la littérature et a hâte d'en parler avec les gens.
Y a-t-il un moment précis où vous vous êtes dit : « Maintenant, je m'installe à mon bureau et j'écris ‘ Mutinerie' » ?
Peter Mertens. Un moment important a certainement été l'annonce, en mai de cette année, du fait que les économies émergentes – les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) – ont dépassé les pays riches du G7 en termes de poids économique. Nos médias n'en n'ont presque pas parlé. On se concentre toujours sur la situation économique des pays du Nord. Et soudain, cette annonce. J'ai voulu explorer les relations entre tout cela. Rapidement, l'idée d'écrire un nouveau livre s'est imposée.
Un livre qui se concentre sur le monde dans son ensemble…
Peter Mertens. Je pense qu'il est important de relier les résistances du Nord et du Sud. C'est facile pour nous de nous concentrer sur ce qui se passe dans le Nord, mais tout est lié avec le Sud. Ça a toujours été le cas, tout au long de l'histoire.
Je crois fermement que les gens veulent savoir comment le monde fonctionne. Il est important de connaître le fil rouge de l'histoire, de comprendre que notre monde avance comme un tout, et ce, depuis bien longtemps. Le commerce, les mers, les ports, tout cela nous relie. Ce qui se passe en Indonésie ou en Bolivie est important pour nous, et ce qui se passe en Belgique est important pour le Brésil.
« Mutinerie » sonne comme une fabuleuse aventure en mer. Pourquoi ce titre ?
Peter Mertens. Lorsque Poutine a envahi l'Ukraine, cette agression a été condamnée à juste titre, y compris par les pays du Sud. Ceux-ci ne connaissent que trop bien l'importance de la souveraineté. Mais ils n'ont pas souhaité soutenir les sanctions annoncées par Washington contre la Russie. Après tout, nombre d'entre eux sont eux-mêmes soumis à de telles sanctions.
Fiona Hill, ancienne membre du Conseil de sécurité des États-Unis, avait fustigé cette attitude en la qualifiant de « mutinerie ». Si le choix de ne pas suivre la voie des États-Unis est considéré comme une mutinerie, alors je pense qu'il s'agit d'une « bonne » mutinerie. Elle annonce la fin d'un monde unipolaire, avec les États-Unis comme leader incontestable.
Au début du livre, vous vous rendez au Royaume-Uni. Pourquoi ?
Peter Mertens. J'ai appris qu'une action sociale était en cours au Royaume-Uni depuis près d'un an. Nos médias n'en ont pas parlé non plus. Il y a plus d'actions sociales au Royaume-Uni aujourd'hui que dans les années 1970. La crise frappe très durement, là-bas. Dans le livre, je donne la parole à une infirmière du nom de Kath dans le livre. Elle travaille dans un hôpital à Londres et s'est mise en grève pour la première fois de sa vie. Cela fait déjà vingt mois d'affilée que les Britanniques voient leurs salaires réels baisser. Les gens qui ont été applaudis pendant la pandémie de coronavirus ne peuvent plus se rendre au travail la dernière semaine du mois, parce qu'ils n'ont pas les moyens de payer l'essence de leur voiture ou le ticket de bus. Les chauffeurs de bus de Londres se sont également mis en grève parce leurs salaires sont beaucoup trop bas et leurs horaires impossibles. Un conducteur sur sept a recours à une banque alimentaire.
Il y a beaucoup de résistance. Une toute nouvelle et jeune génération rejoint les syndicats. C'est également le cas en Allemagne et aux États-Unis.
Heureusement, car au Royaume-Uni, le droit de grève est violemment attaqué…
Peter Mertens. C'était déjà le cas à l'époque de Margaret Thatcher, Première ministre conservatrice arrivée au pouvoir en 1979. Avec le président des États-Unis de l'époque, Ronald Reagan, ils ont forcé l'avènement de l'ère néolibérale, avec le démantèlement de la protection sociale et du droit du travail, et en donnant la priorité au monde de la finance…
Thatcher a d'ailleurs fait preuve d'une remarquable honnêteté en déclarant : « Je veux briser le cœur et l'âme de la nation. » Le sentiment collectif en Grande-Bretagne la dérangeait. La working class (classe travailleuse) a toujours été très forte et très unie. C'est ce que Thatcher voulait briser. Et elle l'a fait en réprimant notamment la grève historique des mineurs et en introduisant des lois antisyndicales très sévères. Aujourd'hui, en réponse au Summer of Discontent (l'été du mécontentement), nom donné à l'actuelle vague de résistance, le gouvernement britannique adopte à nouveau des lois répressives contre les grèves. Le fait d'être en possession d'une pancarte que vous voulez accrocher à une clôture quelque part peut déjà vous coûter une interdiction de manifester.
Cela nous rappelle quelque chose…
Peter Mertens. Oui, en Belgique, le ministre Van Quickenborne (Open Vld) a déposé une proposition de loi visant à limiter le droit de manifester. On observe la même chose en Égypte et au Canada, entre autres. En outre, les syndicalistes ne sont pas les seuls à être visés par ces lois ; les militants pour le climat le sont également. Cela montre la peur que génère la conscience naissante et croissante d'une nouvelle génération de syndicalistes et de jeunes.
Vous écrivez : « La classe travailleuse est de retour. »
Peter Mertens. Les contradictions socio-économiques de notre société font que tout le monde n'est pas logé à la même enseigne. C'est un fait. En Angleterre, il faut attendre plus longtemps pour se faire opérer si l'on est issu de la classe travailleuse que si l'on réside dans le cœur financier de Londres. C'est pareil avec la justice. Il suffit, chez nous, de regarder l'affaire Sanda Dia (jeune étudiant de l'université de Louvain, décédé lors de son baptême en 2018 au sein du cercle élitiste Reuzegom, NDLR) et son traitement par rapport à celui des riches étudiants du cercle. La classe joue un rôle important. Pour la première fois, de nombreuses personnes en sont à nouveau conscientes. Mick Lynch, syndicaliste britannique, a déclaré à ce sujet : « La classe travailleuse est de retour et nous refusons de rester pauvres plus longtemps. »
Les contradictions sont vraiment dramatiques. Kath, l'infirmière, m'a raconté qu'elle ne faisait plus de thé que le matin. Le soir, elle n'allume plus sa bouilloire, parce que cela coûte trop cher. Au même moment, elle voit la BP (British Petroleum) encaisser des surprofits faramineux et le Premier ministre britannique s'offrir une grande piscine chauffée dans sa maison de campagne, qui consomme tellement d'énergie que le réseau électrique local ne suffit pas.
Chez nous, Christian Leysen (Open Vld) est entré à la Chambre vêtu d'une épaisse écharpe de laine. Il a voulu montrer aux gens ce qu'il fallait faire pour économiser de l'énergie, alors que les ménages font déjà d'énormes sacrifices pour joindre les deux bouts. Ils n'ont pas eu besoin d'un entrepreneur de l'Open Vld pour s'y mettre. La classe sociale joue donc un rôle important et la conscience de classe augmente. C'est une bonne chose.
La classe travailleuse ressent chaque jour à quel point le coût de la vie augmente. Quelles sont les principales causes de la hausse des prix ?
Peter Mertens. Après la pandémie de coronavirus, nous avons vu les prix augmenter une première fois. Il fallait remettre la machine économique en marche. Mais c'est parti dans tous les sens. Les voies de transport internationales étaient toutes embouteillées. C'est également à cette époque que le porte-conteneur Ever Given a bloqué le canal de Suez, ce qui a entraîné la mise à l'arrêt de nombreuses chaînes de production dans le monde. Cela montre très clairement à quel point le commerce mondial est intimement lié aux chaînes de production. Les importantes pénuries et les problèmes d'approvisionnement engendrés ont entraîné des hausses de prix.
Ensuite, ce sont les prix de l'énergie et des denrées alimentaires qui ont augmenté. On a rapidement remis la faute sur la guerre en Ukraine. Cette guerre joue certainement un rôle, mais elle n'en est pas la cause. Le marché du pétrole est dominé par cinq entreprises : ExxonMobil, TotalEnergies, Shell, BP et Chevron. En 2022, ces entreprises combinées ont réalisé 200 milliards de dollars de profits. Les marchés des céréales, eux, sont contrôlés par quatre géants : ADM, Bunge, Cargill et Louis Dreyfus. Ces monopoles imposent des prix de monopole. C'est comme ça qu'ils réalisent leurs surprofits gigantesques.
Beaucoup de spéculateurs sont également actifs dans les bourses des céréales.
Peter Mertens. C'est exact. À la bourse des céréales, vous pouvez spéculer sur d'éventuelles pénuries de céréales sans être vous-même négociant en céréales. Le fonds de pension japonais est l'un des principaux spéculateurs sur ce marché boursier. C'est de la folie. L'argent de nos pensions est privatisé et utilisé pour spéculer sur les céréales, ce qui, au final, nous fait payer plus cher le prix du pain, du riz ou du maïs.
Les fortes hausses de prix sont dues à des prix de monopole d'une part, et à la spéculation d'autre part. C'est ce qu'ont confirmé, entre autres, les Nations unies, Oxfam et l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Les conséquences sont dramatiques. En Allemagne, l'une des économies les plus riches d'Europe, un ménage sur dix n'a pas les moyens de se payer un repas sain tous les jours.
Que répondez-vous aux économistes qui affirment pourtant que ce sont les salaires qui font augmenter les prix ?
Peter Mertens. C'est une étrange déclaration. Les salaires réels sont en baisse depuis 20 ans, y compris chez nous. La loi sur les salaires a diminué les salaires réels de 2 %. Comment pourraient-ils faire augmenter les prix ? L'économiste Isabel Weber a comparé la période qui a suivi les deux guerres mondiales à celle qui a suivi la pandémie de coronavirus, quand l'économie avait besoin d'être relancée. Elle a constaté que les grandes entreprises ont augmenté leurs marges bénéficiaires au cours des deux périodes. Les gens ne se rendent pas compte que le chaos n'est pas fini. C'est pareil aujourd'hui. C'est pourquoi nous plaidons au Parlement pour une réglementation des prix.
Lorsque Weber a sorti ses conclusions, elle a été attaquée par la sacro-sainte économie dominante. Mais plusieurs instituts de recherche ont constaté qu'en 2022, deux tiers des augmentations de prix étaient dues à l'accroissement des marges bénéficiaires. Le FMI (Fonds monétaire international) l'a également confirmé.
Vous vous attaquez aux multinationales et aux spéculateurs. Les détracteurs diront : « Le PTB accuse toujours les multinationales et les riches. »
Peter Mertens. Le pouvoir des grandes entreprises transnationales sur nos vies ne peut être sous-estimé. Dans le livre, je vais à la rencontre d'un nutritionniste de la BBC, qui dit que non seulement toute la biodiversité, mais aussi la diversité alimentaire sont en train de disparaître. Nous disposions autrefois de quelque 500 000 sortes de graines différentes, ce qui nous a permis de développer un régime alimentaire très diversifié. Ce nombre a été considérablement réduit. Il ne reste qu'une seule sorte de soja, une seule sorte de riz...
Nous avons l'illusion d'avoir une grande diversité, mais il s'agit d'une diversité industrielle. C'est problématique, non seulement pour notre alimentation, mais aussi pour l'avenir. Parce qu'une grande partie de cette production alimentaire industrielle est beaucoup moins résistante au changement climatique. L'impact des quatre géants de l'alimentation sur le contenu de nos frigos est énorme. C'est néfaste pour le climat, pour la biodiversité, pour notre alimentation et pour nos portefeuilles.
Idem pour les compagnies pétrolières ?
Peter Mertens. Les profits réalisés par les géants du pétrole en 2022 sont sans précédent. Cela a poussé les assemblées d'actionnaires du début de l'année à jeter par dessus-bord les plans pour sauver le climat. Ils avaient pourtant promis de passer à une production sans énergie fossile. Ils avaient promis de ne plus forer pour trouver de nouvelles sources d'énergie fossile. Mais depuis que les actionnaires ont vu leurs dividendes exploser, ils ont retourné leur veste. Ils réinvestissent dans les combustibles fossiles et prévoient de dépenser 140 milliards dans l'extraction du pétrole. António Guterres, secrétaire général des Nations unies, a qualifié cette décision de « folie totale ».
Qu'il s'agisse d'alimentation ou de pétrole, il est urgent de discuter de la manière dont nous pouvons démocratiser ces secteurs et les remettre entre les mains de la société.
Nous voyons les inégalités s'aggraver dans le monde entier. Pourtant, des personnalités comme le philosophe belge Maarten Boudry affirment que le problème ne vient pas des super-riches. L'inégalité ne poserait pas problème.
Peter Mertens. Comme les grands actionnaires exigent que les dividendes continuent de couler à flots, on perd des sommes invraisemblables, qui ne sont pas investies, par exemple, dans les hôpitaux, l'enseignement ou le climat. Les banques perçoivent un intérêt de 3,25 % sur l'argent qu'elles déposent auprès de la Banque centrale européenne. Une fois de plus, elles réalisent des milliards de profits, alors qu'en parallèle, les travailleurs en perçoivent environ 1 % et voient par ailleurs leur argent s'évaporer. Les privilégiés, sous couvert de leurs diplômes universitaires, viennent dire qu'on ne devrait pas s'en prendre à l'accumulation de la richesse. Je ne vois pas pourquoi.
L'Union européenne estime que 45 milliards d'économies sont nécessaires en Europe. C'est insensé. Les syndicats prévoient déjà des actions, et ils ont bien raison. Parce que ce sont les familles qui vont souffrir de ces plans d'austérité, les services vont craquer. Déjà aujourd'hui, les crèches et les transports publics sont mal en point, sous prétexte de faire des économies. Et nous devrions à nouveau prendre sur nous car il ne faut pas accuser les riches ? Pourquoi devrions-nous nous conformer à cette idée ?
“De bollebozen met hun universitaire diploma's zeggen dat we niet mogen kijken naar de opgestapelde rijkdom. Ik zou niet weten waarom niet.” (Foto Solidair, Dieter Boone)
Revenons aux pays du Sud. Comment voyez-vous les mouvements qui ont lieu là-bas ?
Peter Mertens. Ce que nous observons aujourd'hui, c'est le renouveau du désir de véritable souveraineté. Lorsque les pays du Sud ont accédé à l'indépendance dans les années 1950-1960, ils n'étaient souverains que de nom. Sur le plan économique, ils sont restés liés et dépendants du Nord et de ses institutions financières. Cette nouvelle quête de souveraineté est plus forte en Amérique latine. Plusieurs pays, plus ou moins progressistes, se demandent pourquoi ils ne peuvent pas utiliser leurs ressources pour leur propre développement. Et je pense que c'est justifié.
Bien sûr, de nombreux pays du Sud ont des régimes que nous ne soutenons pas. En Inde, par exemple, le gouvernement autocratique de droite qui est au pouvoir est contre les droits des femmes, pour la privatisation du secteur agricole, qui est raciste... 250 millions de paysans et de travailleurs sont descendus dans la rue pour lutter pour le progrès social. Il s'agit probablement de la plus grande grève de l'histoire. Il y a donc aussi des mutineries internes dans ces pays : les paysans sans terre au Brésil, les métallurgistes en Afrique du Sud, le mouvement paysan et le mouvement des femmes en Inde... Nous soutenons pleinement ce pouvoir venu d'en bas et les mouvements populaires qui tentent d'imposer un programme progressiste.
Mais le Sud est également en ébullition au niveau des États, à la recherche d'une nouvelle forme de non-alignement, loin du monde unipolaire sous le joug de Washington, du FMI et de la Banque mondiale. Les pays des BRICS ont créé leur propre banque d'investissement. Désormais, les pays peuvent, lorsqu'ils souhaitent faire un nouvel emprunt, choisir de s'adresser non pas au FMI, mais à la banque des BRICS. Cela rend Washington très nerveux.
L'hégémonie américaine est-elle en train de se terminer ?
Peter Mertens. Nous en voyons les prémices, je pense. En juillet, l'Union européenne a organisé un sommet avec les pays d'Amérique latine et des Caraïbes. Un fonctionnaire de la Commission européenne y a déclaré : « Il semble que les pays d'Amérique latine et des Caraïbes veuillent être traités sur un pied d'égalité. » Curieuse déclaration. Bien sûr qu'ils le veulent. Nous devons évoluer vers un système économique où ces pays sont effectivement égaux et peuvent disposer de leurs ressources en toute souveraineté, sans ingérence de la part des institutions internationales.
Mais les États-Unis et l'Union européenne ne semblent pas encore l'avoir compris.
Peter Mertens. Ils ont manifestement manqué des points de basculement importants. Le premier a été la guerre en Irak en 2003. Une guerre illégale basée sur des mensonges. L'Irak était accusée de produire des armes de destruction massive, mais elles n'ont jamais été trouvées. Toutes les infrastructures ont été détruites et cela a déclenché une vague de violence fondamentaliste. Cela a eu un impact majeur dans le Sud. Ils ont appris que le droit international ne s'applique apparemment pas aux États-Unis.
Un deuxième moment clé a été la crise financière de 2008. Wall Street n'était pas seulement la banque des États-Unis, mais celle du monde entier. Et en un instant, tout le système financier s'est effondré. Partout dans le Sud, les gens ont compris que le dollar comme monnaie dominante n'était peut-être pas la solution la plus sûre. Les BRICS sont nés en réponse à cette crise.
En 2009, le sommet de Copenhague sur le climat a échoué. On avait promis 100 milliards de dollars aux pays du Sud pour leur donner la possibilité de se développer, mais rien n'a été fait.
Et puis il y a eu la pandémie de coronavirus, où nous avons vu que les vaccins n'ont pas été partagés. Tous ces points de basculement ont conduit les pays du Sud à chercher, depuis maintenant 20 ans, une alternative à Washington. L'hégémonie des États-Unis a à présent un rival. Le match bat son plein.
« Mutinerie » aborde de nombreux thèmes. Il y en a tellement qu'un lecteur voulant agir pourrait se demander par où commencer. Que faire ?
Peter Mertens. Je pense que les gens rechercheront toujours les choses simples. La plupart des gens veulent pouvoir nourrir sainement leurs enfants, payer leurs factures d'énergie, envoyer leurs enfants à l'école, avoir accès aux soins de santé, avoir un emploi décent, avoir un toit au-dessus de leur tête... Presque tous les mouvements, au Nord comme au Sud, tournent autour de ces questions. Le plus important est de soutenir ces mouvements, et d'être solidaires. Cela nous rendra plus forts. Si les jeunes, les militants pour le climat, le mouvement des femmes... si tous continuent à défendre leurs droits tout en se montrant solidaires avec les mouvements du Nord et du Sud, nous serons plus forts.
(Cet article a été publié dans le numéro d'automne du magazine Solidaire)
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Le Canada expulse le plus grand nombre d’immigrés depuis dix ans, malgré la promesse de laisser davantage de personnes rester au pays

Bien qu'il ait promis une voie d'accès au statut pour un plus grand nombre de migrants, le Canada a dépensé plus de 100 millions de dollars pour les expulser au cours des deux dernières années
27 mars 2024, Breach Media
Le gouvernement libéral expulse les migrants à un rythme sans précédent par rapport à la dernière décennie, bien qu'il se soit engagé à permettre à davantage de sans-papiers de rester au pays, selon les chiffres obtenus par The Breach.
Rien qu'en 2022 et 2023, le Canada a expulsé plus de 23 000 migrants sans papiers, pour un coût de plus de 111 millions de dollars. Il s'agit du plus haut niveau d'expulsions depuis 2012, lorsque le gouvernement conservateur de Stephen Harper avait expulsé près de 19 000 personnes en une seule année.
Cela va à l'encontre de l'engagement du gouvernement libéral pris en décembre 2021 de mettre en place un programme de régularisation qui permettrait à un plus grand nombre de sans-papiers de rester au pays.
Dans une lettre de mandat, le premier ministre Justin Trudeau a demandé au ministre fédéral de l'Immigration de s'appuyer sur les programmes existants, comme le programme Guardian Angels qui a offert aux demandeurs d'asile travaillant dans le secteur de la santé pendant la pandémie une voie d'accès à la résidence permanente, pour « explorer davantage les moyens de régulariser le statut des travailleurs sans papiers qui contribuent aux communautés canadiennes ».
L'ancien et l'actuel ministre de l'Immigration ont tous deux déclaré qu'ils avaient l'intention de respecter cet engagement. En décembre dernier, le ministre de l'Immigration, Marc Miller, a déclaré qu'il travaillait sur une proposition de programme de régularisation qu'il espérait présenter au Cabinet ce printemps.
« La promesse est maintenue », a-t-il déclaré à l'époque.
Les défenseurs des travailleurs migrants affirment que les politiques du gouvernement sont contradictoires. Ils exhortent Ottawa à mettre en pause les expulsions pendant qu'il élabore son programme de régularisation.
Le programme, disent-ils, devrait être à la fois vaste et complet, ce qui permettrait à des milliers de Canadiens qui vivent et travaillent ici de rester.
Des millions de dollars « gaspillés »

Parmi ceux qui doivent être expulsés figure Tarun Godara. Crédit : Tarun Godara
Godara est arrivé au Canada en tant qu'étudiant étranger en provenance de l'Inde. Après avoir terminé un programme menant à l'obtention d'un diplôme au Cambrian College de Sudbury, en Ontario, il a choisi de s'enraciner.
Il a occupé plusieurs emplois, payé des impôts, s'est fait beaucoup d'amis, a eu un chien et a appris à embrasser sa sexualité en tant qu'homme gay.
L'appel de Tarun Godara pour rester au Canada a été rejeté par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC). Et le mois dernier, on lui a dit qu'il serait expulsé du Canada après l'échec de ses tentatives de renouvellement de son permis de travail postdoctoral. L'IRCC avait rejeté sa demande, qui détaillait le danger et la persécution auxquels il serait soumis en Inde en tant qu'homme gai. De retour chez lui, a-t-il dit, il a été victime de chantage de la part d'une ancienne partenaire et violé, ce qui a eu des effets dévastateurs sur sa santé mentale.
Malgré cela, M. Godara a déclaré qu'IRCC avait déterminé qu'il ne risquait pas « d'être persécuté, torturé, de mettre sa vie en danger ou de subir des peines ou traitements cruels ou inhabituels s'il était renvoyé en Inde ».
« Je ne me suis jamais senti aussi déshumanisé », a-t-il déclaré. « Je ne suis littéralement qu'un numéro de demande. »
Syed Hussan, directeur général de l'Alliance des travailleurs migrants pour le changement, a déclaré qu'il n'était « pas logique » que le gouvernement Trudeau ait dépensé autant d'argent pour expulser des milliers de personnes alors qu'il travaillait sur un programme de régularisation.
Il a dit que c'est de l'argent gaspillé pour « séparer les gens de leurs familles, pour arracher les gens à leurs communautés et pour retirer les travailleurs du pays ».
Gauri Sreenivasan, codirectrice générale du Conseil canadien pour les réfugiés, a qualifié d'« incohérente » la position du gouvernement sur les expulsions.
D'une part, ils « cherchent à tenir leur engagement de régulariser le statut de centaines de milliers de personnes qui attendent depuis des années un statut permanent », a-t-elle déclaré. Mais d'un autre côté, « ils ne font rien pour s'attaquer à l'expulsion de ces mêmes personnes ».
Sreenivasan a également souligné que le système d'immigration canadien « crée des vulnérabilités » pour que les gens perdent leur statut d'immigration légal. Cela comprend les étudiants étrangers dont le visa d'étudiant a expiré, les travailleurs étrangers temporaires qui ont fui un employeur abusif ou abusif lié à un permis de travail fermé, et les victimes de la traite de personnes qui sont admissibles à un permis de séjour temporaire.

Le Canada a dépensé plus de 111 millions de dollars pour expulser des personnes au cours des deux dernières années seulement.
Les expulsions en chiffres
Les chiffres fédéraux montrent que l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a expulsé environ 7 500 personnes en 2021, pour un coût de plus de 43 millions de dollars.
Dans les années qui ont suivi, ce nombre n'a cessé d'augmenter. Près de 8 300 personnes ont été expulsées en 2022 et environ 15 000 en 2023, pour un coût de 53 millions de dollars et de 58 millions de dollars par an, respectivement.
La principale raison invoquée pour justifier les expulsions était la non-conformité, un terme utilisé pour décrire les personnes vivant au Canada sans statut ou étudiant sans autorisation. Cela comprend les personnes qui ont dépassé la durée de leur séjour au Canada, ainsi que les demandeurs d'asile.
La criminalité, qui ne représentait que cinq pour cent de tous les cas, était la deuxième raison principale.
L'ASFC a indiqué que le coût moyen d'un « renvoi sans escorte » est d'environ 3 800 $ et qu'un « renvoi avec escorte » coûte, en moyenne, 12 500 $.
Les renvois avec escorte sont des expulsions dans le cadre desquelles des personnes sont escortées par des agents de l'ASFC pour des raisons médicales ou pour « réduire au minimum les risques pour la sécurité de la personne renvoyée, du public voyageur et du personnel de la compagnie de transport ».
L'ASFC a refusé une demande d'entrevue. Dans une déclaration écrite à The Breach, l'agence a déclaré que la décision de renvoyer quelqu'un du Canada « n'est pas prise à la légère »
.
« Le processus de renvoi joue un rôle essentiel dans le soutien du système d'immigration et de détermination du statut de réfugié du Canada et contribue aux priorités du gouvernement du Canada en matière de sécurité publique », peut-on lire dans le communiqué.
Interrogée sur l'augmentation des expulsions, l'ASFC a déclaré que le principal moteur de l'augmentation des expulsions en 2023 était le protocole additionnel à l'Entente sur les tiers pays sûrs, qui est entré en vigueur en mars dernier.
Ce protocole limite davantage la capacité des demandeurs d'asile d'obtenir le statut de réfugié au Canada.
Il stipule que si une personne n'a pas de membre de sa famille au Canada, n'est pas un mineur non accompagné ou n'est pas passible de la peine de mort dans son pays d'origine, le Canada peut l'expulser vers les États-Unis.

Le Canada expulse plus de migrants qu'il ne l'a fait depuis plus d'une décennie.
« Le temps presse »
On estime qu'un demi-million de sans-papiers vivent au Canada, mais le gouvernement n'est pas en mesure de déterminer le nombre exact parce que certaines de ces personnes peuvent craindre de se manifester, ce qui rend plus difficile leur suivi.
Dans une déclaration écrite à The Breach, l'IRCC a déclaré qu'il explorait des options pour régulariser le statut des travailleurs sans papiers.
« IRCC s'est engagé auprès d'experts universitaires et d'intervenants pour appuyer ce travail », peut-on lire dans le communiqué. « Au fur et à mesure que nous avançons dans notre travail, nous continuerons d'écouter les experts ainsi que les migrants sans papiers eux-mêmes. »
Le ministère de l'Immigration a déclaré qu'il tiendrait compte des leçons qu'il a tirées des récentes initiatives de régularisation, y compris son programme pilote de 2019 qui a permis à 500 travailleurs de la construction sans statut dans la région du Grand Toronto (RGT) d'obtenir la résidence permanente. Ce programme a été élargi en janvier 2023 pour doubler sa portée à 1 000 travailleurs de la construction dans la région du Grand Toronto.
Mais le temps presse, ont souligné Hussan et Sreenivasan.
Leurs organisations – l'Alliance des travailleurs migrants pour le changement et le Conseil canadien pour les réfugiés – demandent une pause immédiate dans les expulsions au Canada pendant qu'un programme de régularisation est en cours d'élaboration.
« Ils ont juste besoin de mettre fin aux expulsions et de mettre en œuvre un programme complet et inclusif », a déclaré Hussan.
Sreenivasan était d'accord. Elle a déclaré que ce programme devrait offrir des voies d'accès à la résidence permanente avec des critères simples, larges et clairs pour exclure le moins de personnes possible, permettre aux gens de comprendre facilement s'ils sont admissibles et réduire les délais de traitement des demandes.
De plus, elle a déclaré que le programme devrait être offert de façon continue plutôt que sur une base ponctuelle, réduire au minimum les exigences en matière de documents, assurer la coopération de l'ASFC pour s'assurer que les personnes qui demandent une régularisation ne seront pas visées par des procédures de renvoi et permettre à des groupes tiers d'aider les gens dans le processus de demande.
« Il y a eu des expériences réussies de régularisation en Europe. C'est parce que les formulaires et le processus étaient très simples », a déclaré Sreenivasan. « Il faut reconnaître que les personnes dont le statut est précaire font face à des obstacles lorsqu'il s'agit de remplir ces documents. »
David Moffette, professeur de criminologie à l'Université d'Ottawa dont les recherches portent sur l'intersection entre le droit criminel et le droit de l'immigration, a déclaré que la stratégie de régularisation du Canada devrait être large et ne pas s'appliquer uniquement à des industries spécifiques telles que la construction et les soins de santé, qui ne concernent qu'un petit segment de la population sans papiers du Canada.
Il soutient que la régularisation du statut des sans-papiers qui vivent et travaillent déjà au Canada leur permettrait de s'enraciner plus profondément ici et de continuer à contribuer à l'assiette fiscale, à l'économie et à la société du Canada.
« Vous avez deux solutions : vous dépensez beaucoup d'argent pour les expulser, ou vous dépensez moins d'argent pour leur permettre de continuer à faire les grandes choses qu'ils font de toute façon sans les permis », a-t-il déclaré.
L'attente de l'expulsion comme une « bombe à retardement »
Pour l'instant, l'avenir de personnes comme Godara est en jeu. Il rejette la décision d'IRCC selon laquelle il ne risque pas d'être en danger ou persécuté chez lui, en Inde. Bien que la Cour suprême de l'Inde ait dépénalisé les relations homosexuelles en 2018, Godara affirme que la société indienne est encore loin d'accepter l'homosexualité.
Dans une décision rendue l'année dernière, la Cour suprême n'a pas légalisé les mariages entre personnes de même sexe. Le gouvernement d'extrême droite de Narendra Modi, quant à lui, a déclaré que les mariages homosexuels n'étaient pas« comparables au concept d'unité familiale indienne d'un mari, d'une femme et d'enfants », stigmatisant davantage la communauté queer.
Godara a retenu les services d'un avocat et a demandé que son cas soit examiné par les tribunaux de la Cour fédérale. Ses amis et sa communauté ont mis en place une campagne GoFundMe pour collecter des fonds pour la coûteuse bataille juridique et ses dépenses en attendant que le processus se déroule.
Il dit qu'il est reconnaissant pour le soutien qu'il a reçu, mais son anxiété grandit de jour en jour.
« Chaque jour est comme une bombe à retardement », a-t-il déclaré.
Il espère que le gouvernement canadien reconnaîtra les contributions des sans-papiers et leur permettra de rester dans ce pays qu'ils ont appris à appeler leur chez-soi.
« Nous avons payé des milliers de dollars. Pourquoi nous avez-vous laissé venir ici pour nous jeter dehors comme si nous n'étions littéralement rien ?
Noushin Ziafati est une journaliste primée qui a couvert des sujets sur l'immigration, la santé, la discrimination et l'environnement. Elle a notamment été rédactrice et productrice numérique à CTV News et journaliste à La Presse canadienne en Ontario, au Chronicle Herald en Nouvelle-Écosse et au Telegraph-Journal au Nouveau-Brunswick.
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Au Canada, le gouvernement sous la menace d’un “mouvement national contre la taxe carbone”

Au Canada, la pression monte pour réclamer que le gouvernement de Justin Trudeau supprime la taxe carbone utilisée pour lutter contre les effets du changement climatique. Augmenté de 15 dollars par an depuis le 1er avril, ce prélèvement a fait monter les prix à la pompe, à la grande colère des consommateurs.
03 avril 2024 / tiré du site du Courrier interntional | Photo : .Une station-service à Edmonton, dans l'État canadien de l'Alberta, le 29 mars 2024. PHOTO ARTUR WIDAK/NURPHOTO/AFP
https://www.courrierinternational.com/article/economie-au-canada-le-gouvernement-sous-la-menace-d-un-mouvement-national-contre-la-taxe-carbone
À dix-huit mois des élections fédérales canadiennes, le Premier ministre conservateur de l'État de l'Ontario, Doug Ford, a sonné la charge mardi 2 avril, rapporte CBC News : “Cette taxe sur le carbone doit disparaître ou, dans un an et demi, le Premier ministre [Justin Trudeau] partira, […] je vous le garantis.”
Le même jour, dans l'ouest du pays, des opposants à cette taxe environnementale ont manifesté aux abords de l'autoroute transnationale pour une seconde journée consécutive en Saskatchewan, signale Radio-Canada. La radio publique canadienne précise que “ces manifestants font partie d'un mouvement national contre la taxe carbone” qui a débuté la veille.
Un sondage national rendu public le 25 mars illustre l'ampleur du phénomène : 40 % des Canadiens demandent l'abolition de la taxe, et 11 % veulent voir son montant baisser. Le Devoir rappelle que sept des dix Premiers ministres provinciaux “avaient demandé à M. Trudeau de renoncer à l'augmentation annuelle de 15 dollars la tonne du taux de la tarification du carbone”. Majoration entrée en vigueur le 1er avril.
Double impôt
Pas suffisant pour faire reculer le Premier ministre libéral,observe encore Radio-Canada dans un autre article. Ce dernier invite ses opposants à présenter une solution de substitution “viable” afin de réduire les émissions polluantes canadiennes.
Instaurée par Ottawa en 2018, la taxe sur le carbone est de facto un impôt sur la pollution, explique La Presse :
“Elle fait partie des politiques mises en place [par le Canada] pour atteindre sa cible de réduction des gaz à effet de serre (GES) en vertu de l'accord de Paris sur le climat [en 2015]. […] Elle augmentera de 15 dollars par année pour atteindre 170 dollars la tonne en 2030.”
Le Canada, poursuit le quotidien dans un autre article, possède deux programmes de tarification du carbone : un pour les entreprises, qui paient une taxe sur une part de leurs émissions réelles ; l'autre étant une taxe à la consommation appliquée aux achats de combustibles fossiles. Les particuliers qui paient cette taxe fédérale dans les huit provinces et les deux territoires où elle est appliquée reçoivent une remise, quatre fois par an, en compensation.
Cette politique tarifaire a fait légèrement augmenter les prix des aliments ou des vêtements, mais a entraîné une hausse des coûts plus importante dans d'autres secteurs, “puisque les entreprises qui doivent la payer augmentent le coût de leurs biens et services pour compenser”.
Une taxe condamnée ?
Le président de la Fédération ontarienne de l'agriculture, Drew Spoelstra, affirme à CBC News que la taxe empêche ses membres d'investir dans des technologies propres : “Nous devons utiliser du carburant et de l'énergie pour produire les aliments que nous consommons tous.”
Car le Parti conservateur, qui caracole en tête dans les sondages, milite pour abolir cette taxe, etle Globe and Mail estime que sa survie est menacée. Face à la fronde actuelle, le quotidien Le Soleil est plus lapidaire :
“La question n'est plus de savoir si cette taxe va pouvoir survivre aux attaques incessantes qu'elle subit, mais bien quand elle sera abolie.”
Martin Gauthier
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Canada. Réfugiés syriens et ukrainiens, un accueil à deux vitesses

L'activisme du gouvernement Trudeau pour proposer aux réfugiés ukrainiens le meilleur accueil possible depuis deux ans réveille de douloureux souvenirs migratoires chez la diaspora syrienne réfugiée au Canada. Des politiques d'immigration aux défis d'intégration, en passant par les perceptions sociales locales, l'arrivée des Syriens fuyant le régime de Bachar Al-Assad a été parsemée d'obstacles à surmonter.
3 avril 2024 | tiré d'Orient XXI | Photo : Montréal, 12 déembre 2015. Le personne de la Croix-Rouge canadienne accueillant des réfugiés syriens dans leur pays d'installation. Immigration, réfugiés et citoyenneté Canada.
https://orientxxi.info/magazine/canada-refugies-syriens-et-ukrainiens-un-accueil-a-deux-vitesses,7174
Le Canada, terre d'asile inconditionnelle ? Le 31 mars 2024, le programme de visas d'urgence mis en place dans le cadre de l'Autorisation de voyage d'urgence Canada-Ukraine (AVUCU) est arrivé à expiration. Déjà prolongé d'un an, ce programme permet aux réfugiés ukrainiens d'obtenir la résidence temporaire au Canada par l'accès à un permis de travail ouvert. Suite à l'annonce de ce « moyen spécial », le ministère de l'immigration a approuvé 960 091 demandes de visa, et 248 726 civils ukrainiens sont arrivés sur le territoire. D'après le bureau gouvernemental Immigration, réfugiés et citoyenneté Canada (IRCC), ils pourraient être près de 90 000 de plus à affluer sur le territoire.
Une semaine après l'invasion russe de l'Ukraine, le premier ministre Justin Trudeau annonçait l'abandon de contraintes administratives pour les Ukrainiens souhaitant fuir leur pays, telle que la réduction du délai d'obtention de visa, la dispense de frais pour certains types de titres de voyage d'urgence, etc. Les formalités administratives canadiennes se voient ainsi largement assouplies dans l'objectif de faciliter le processus d'immigration des réfugiés ukrainiens.
DES CONTRAINTES ADMINISTRATIVES ET POLITIQUES
La mise en place de mesures d'urgence dans un contexte de crise des réfugiés n'est pas rare dans l'histoire migratoire canadienne. La dernière vague importante de réfugiés accueillis sur le sol canadien remonte à 2015. Cette année-là, plus de 4 millions de Syriens quittent leur pays en conséquence de la guerre civile provoquée par Bachar Al-Assad, qui a fait 507 000 morts. La guerre éclate en 2011, mais il faut attendre septembre 2015 pour que l'ancien gouvernement fédéral, mené par le conservateur Stephen Harper, dévoile un plan d'accueil et de sélection des réfugiés syriens. Pressé par l'opinion publique et l'opposition, Ottawa s'engage à accueillir 20 000 Syriens sur le territoire en quatre ans, sous certaines conditions administratives, politiques et idéologiques.
Sous le feu des critiques, le gouvernement Harper collabore avec l'Agence des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), afin d'accueillir ce quota promis de Syriens alors réfugiés en Turquie, en Jordanie et au Liban. Toutefois, les délais de traitement et de prise en charge sont conséquents. Pour se voir délivrer un visa, les Syriens déplacés en Turquie doivent attendre en moyenne six mois. Ceux en Jordanie patientent deux ans et demi, et pour les civils réfugiés au Liban, les délais atteignent jusqu'à trois ans et demi. Au final, ils seront 39 636 à arriver au Canada entre novembre 2015 et décembre 2016, dont 35 % parrainés par le secteur privé et 55 % pris en charge par le gouvernement, d'après l'IRCC.
« EST-CE QUE LE SYSTÈME EST TOUT SIMPLEMENT RACISTE ? »
« Tous les jours, j'assiste à l'arrivée de nouveaux réfugiés ukrainiens, et tous les jours, je suis de nouveau confrontée aux injustices et au mépris auxquels ma famille et moi avons fait face pour arriver jusqu'ici », raconte tristement Haya Bitar, 23 ans. Originaires d'une famille athée de Damas, Haya, ses parents et sa sœur habitent à Abou Dhabi, aux Émirats arabes unis, lorsque la guerre civile éclate en Syrie. Les relations politiques se tendent entre les Émirats et la Syrie, et les Bitar assistent à l'expulsion de nombreuses familles syriennes de cet État fédéral du Golfe. Craignant d'être renvoyés à leur tour à Damas, ils cherchent à rejoindre les États-Unis où habite une partie de leurs proches. Sans succès. En 2016, l'ancien président américain Donald Trump signe le Muslim Ban, une série de décrets exécutifs visant à interdire l'entrée aux États-Unis aux ressortissants de certains pays à majorité musulmane, dont la Syrie. « Trump interdisait littéralement à ma famille d'entrer sur le territoire à cause de leur passeport syrien, et les frontières européennes étaient fermées. Il ne nous restait plus qu'une seule option : le Canada », poursuit Haya Bitar.
La famille s'engage alors dans un périple administratif qui ne prend fin qu'en 2019, lorsqu'un agent de l'immigration canadienne leur annonce qu'ils sont autorisés à entrer sur le territoire. « Ils avaient perdu notre dossier. Pour les agents de l'immigration, nous ne sommes que des piles de papiers administratifs qu'on laisse trainer sur un bureau, dénonce la jeune femme. Pourtant, il s'agit de nos vies, nous sommes des êtres humains. » Lorsque la famille syrienne arrive à Montréal, au Québec, elle est confrontée à la précarité. Les diplômes syriens des parents d'Haya n'ont pas de valeur au Québec, et leur statut de réfugiés les freine lourdement dans leur recherche d'emploi :
Nous étions en sécurité, mais le stress de ne pas trouver d'emploi rongeait mes parents de l'intérieur. Finalement, en quoi la vie de réfugiés au Québec était-elle si différente de celle que nous avions à Abou Dhabi ?
Les parents d'Haya jonglent entre différents jobs alimentaires et les cours de français, 35 heures par semaine nécessaires à leur adaptation et à la recherche d'emploi. L'étudiante de 23 ans suit également un programme de langue depuis son arrivée au Québec. C'est dans ce contexte qu'elle rencontre plusieurs réfugiés ukrainiens. « J'ai ressenti tellement de colère contre l'immigration canadienne lorsque j'ai appris que le processus d'immigration avait été facilité pour les Ukrainiens », révèle la jeune femme, avant de fustiger le « deux poids, deux mesures des politiques migratoires ».
Certains d'entre eux reçoivent un visa de tourisme en deux semaines, alors que ma famille a mis trois ans pour obtenir le simple statut de réfugié. Est-ce parce que nous, Syriens, sommes perçus comme un danger ? Est-ce que le système est tout simplement raciste ?
LAÏCITÉ ET NATIONALISME
Lorsque la famille Bitar procède à sa demande d'asile auprès de l'immigration canadienne, la crise migratoire syrienne se trouve au cœur des débats dans le pays. Après les attentats du 13 novembre 2015 à Paris, des courants d'opinion hostiles à l'accueil des Syriens sur le territoire canadien font leur apparition. Des liens entre l'islam, le terrorisme et l'accueil des Syriens sont établis par les conservateurs et les médias, et l'argument sécuritaire est généralement mis en avant dans les discours concernant l'accueil des réfugiés syriens. Pour Leila Benhadjoudja, spécialiste de la laïcité et chercheuse à l'Institut d'études féministes et de genre à l'université d'Ottawa,
les politiques d'immigration et d'accueil des personnes réfugiées sont structurées par des logiques raciales, mise à l'œuvre notamment dans des discours sécuritaires. Lorsqu'il s'agit de réfugiés racialisés, les affects de peur et de soupçon sont mobilisés et alimentent alors les logiques sécuritaires dans l'intérêt de « protéger » la nation.
Une « panique morale » affecte tout le pays et n'épargne pas le Québec, où les débats houleux sur la laïcité et le port du hijab sont relancés avec l'arrivée des Syriens, poursuit Leila Benhadjouda.
Le discours nationaliste sur la laïcité au Québec s'articule de manière à présenter la nation comme féministe, ayant aboli le patriarcat, l'homophobie et les violences sur les minorités genrées. On y oppose alors les personnes réfugiées et musulmanes qui viendraient saboter ce projet d'une nation moderne, progressiste et démocratique.
Ce type d'argument chauvin deviendrait ainsi un outil identitaire à visée politique, servant un « discours sécuritaire qui légitimerait le contrôle accru des frontières ». Pour la chercheuse,
les politiques d'immigration au Canada étaient ouvertement racistes, maintenant elles sont devenues néo-racistes. On ne parle plus de race, mais de culture, d'adaptation et d'intégration.
Si le Canada se conforme à une tradition multiculturelle, le modèle québécois adopte une approche davantage républicaine, dite « à la française ». Un mimétisme politique qui amène le premier ministre québécois François Legault à adopter en juin 2019 un projet de loi sur la laïcité de l'État, également connue sous le nom de loi 21. Validé par la Cour d'appel du Québec le 29 février 2024, ce texte controversé interdit le port de signes religieux aux employés de l'État provincial qui occupent des postes d'autorité coercitive, comme les policiers ou les juges, ainsi qu'aux enseignants du primaire et du secondaire dans le secteur public.
UNE ENTRAIDE COMMUNAUTAIRE
Solidarité. C'est le mot d'ordre de la mission que se sont donnée Adelle Tarzibachi et Josette Gauthier, co-fondatrices des Filles Fattoush. Cette entreprise de restauration créée en 2017 emploie uniquement des femmes réfugiées syriennes. « Lorsque le gouvernement a annoncé l'accueil de 25 000 réfugiés, nous nous sommes immédiatement demandé comment aider les femmes syriennes à s'intégrer et à trouver un emploi dès leur arrivée », relate Adelle Tarzibachi. Jusque-là bénévole auprès d'églises impliquées dans l'aide administrative et le parrainage privé des réfugiés syriens, la cheffe d'entreprise originaire d'Alep qui se sentait « impuissante face à la guerre » a trouvé avec cette initiative un moyen d'aider à sa façon. C'est d'ailleurs à l'église qu'elle rencontre Maria, sa cheffe cuisinière, arrivée sur le territoire canadien avec ses deux enfants de 7 et 9 ans, début 2017. « Nous avons vécu 6 ans sous les bombardements à Damas », raconte-t-elle. « Il fallait fuir pour que mes enfants soient en sécurité. Cependant, je n'ai pas pu immigrer plus tôt à cause des délais de traitement de notre dossier par l'immigration canadienne. » Dans sa fuite, Maria laisse son mari derrière elle.
Il ne voulait pas quitter ses parents, mais il compte nous rejoindre. Nous sommes en attente de procédures, depuis un an. On ne sait pas combien de temps cela peut prendre, j'espère qu'il finira par venir.
Même si la Syrienne décrit des difficultés d'adaptation lors de son arrivée sur le territoire canadien, elle se félicite d'avoir trouvé un équilibre, notamment du fait de son activité professionnelle. « C'est mon premier emploi et j'ai l'impression de travailler avec ma famille. Malgré les problèmes du quotidien, je trouve beaucoup de bonheur dans mon milieu de travail », poursuit-elle. Plus qu'un tremplin pour ces femmes réfugiées, le lancement de Filles Fattoush est un moyen pour Adelle Tarzibachi de « créer un pont » entre la Syrie et le Québec. « À l'époque, les médias véhiculaient une image négative de mon pays, ils ne parlaient que de guerre et de réfugiés », se souvient-elle. « Ce projet était une goutte de positivité dans un bassin de négativité. » Avant de conclure : « Il est important de montrer que ces réfugiés décrits comme un danger sont arrivés avec un riche bagage culturel à faire découvrir au Québec. »
FARAH MEKKI
Journaliste.
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La résolution du NPD sur la Palestine est un pas en avant mais elle ne suffit pas

Cette résolution peut permettre de changer le statut quo concernant Israël mais on s'en souviendra aussi comme d'une occasion manquée
Owen Schalk, Canadian Dimenson, 22 mars 2024
Traduction, Alexandra Cyr
Lundi le 18 mars 2024, Mme Heather McPherson, députée NPD et critique en matière d'affaires étrangères, a présenté à la Chambre des Communes, cette résolution sur la situation au Proche Orient. Elle était endossée par le chef du Parti, M. Jagmeet Singh. La proposition a été adoptée. Elle était non contraignante et appelait à ce que la politique canadienne envers la sécurisation de la paix au Proche Orient soit reconsidérée à la lumière des attaques israéliennes contre la Bande de Gaza.
La première version de cette résolution était beaucoup plus étoffée que celle mise aux voix. Mais quand même pas au niveau adéquat. Dans cette première version, on demandait à ce que le Canada se joigne aux 139 autres nations qui ont reconnu, sans équivoque, l'État de Palestine. Cela représente 72% des membres des Nations Unies. Elle demandait aussi que toutes les transactions de matériel militaire soient suspendues et que des sanctions soient prises contre les élus.es israélien.nes qui incitent au génocide.
Comme le souligne Yves Engler, le NPD aurait pu et dû inclure l'annulation du Traité de libre-échange entre les deux pays qui est en place depuis 1997 ou tout au moins restreindre les importations des produits issus de la Cisjordanie, de déclarer qu'il y aurait des enquêtes sur les Canadiens.nes qui se battent à Gaza pour savoir s'ils et elles ont commis de potentiels crimes de guerre, que les efforts de l'armée israélienne pour recruter des combattants.es au Canada sont illégaux selon la loi sur les engagements à l'étranger et réviser la définition d'antisémitisme donnée par l'Alliance pour la mémoire de l'holocauste qui est libellée pour minimiser toutes les critiques sérieuses contre Israël.
Mais, même ces additions n'auraient pas suffi à mettre fin à la participation complice du Canada à la violence israélienne contre les Palestiniens.nes.
Le retrait des articles de principes du texte d'origine a été décidé entre le NPD et les Libéraux après des discussions en aparté. Les parties se sont entendues pour que la critique du Hamas soit plus étoffée, de remplacer la référence à la reconnaissance de l'État palestinien à l'ONU par « la négociation d'une solution à deux États pour les Israéliens.nes et les Palestiniens.nes » et de remplacer également la suspension du commerce de matériel militaire entre les deux pays par la promesse de : « cesser les futures autorisations de transfert d'armes vers Israël ».
Fondamentalement, les Libéraux n'ont consenti à voter en faveur de la résolution qu'après qu'elle ait été épurée de ses articles les plus solides. La résolution a été adoptée par 204 voix pour et 117 contre.
Après avoir salué la version finale de la résolution comme « un petit pas vers la fin de la complicité du Canada dans la guerre génocidaire d'Israël à Gaza », Canandians for Justice and Peace in the Middle East, (CJPME) a exprimé sa déception que : « la majorité des termes de la résolution aient été dilués ou modifiés de telle manière que les fausses présentations israéliennes soient promues et que l'adhésion à l'horrible statut quo se maintienne ».
Loin de suspendre les exportations d'armes vers Israël, l'article tel qu'amandé, permet au Canada de continue à armer les forces de défense israéliennes (IDF en Anglais). Comme le rapporte The Maple, Ottawa, « ne retirera pas les permis existants d'exportation de matériel militaire vers Israël ». C'est un geste significatif considérant que selon le Ministère des affaires mondiales, il y a 315 de ces permis valides.
D'avoir retiré les permis existants de la résolution signifie que les composantes de munitions, les équipements et d'autres technologies dont les détecteurs vont encore être expédiés alors que la Cour internationale de justice a trouvé qu'il était plausible de penser qu'Israël commettait un génocide à Gaza. Le Canada lui-même doit se présenter devant ce tribunal pour complicité dans ce génocide.
Après le 7 octobre, le gouvernement Trudeau a autorisé de nouvelles exportations de matériel militaire vers Israël à hauteur de 30 millions de dollars. Comme le souligne le vice-président de CJPME, Michael Bueckert : « c'est tout comme si le Canada avait accru ses exportations d'armes au beau milieu d'une entreprise génocidaire ».
Affaires mondiales Canada assure que les équipements militaires envoyés à Israël sont non létaux. Il semble que le gouvernement fédéral fasse une distinction entre les « armes proprement dites » avec les pièces détachées qui tombent arbitrairement dans la catégorie « non létale » même si elles peuvent servir dans toute une série d'armements et de véhicules dont des avions militaires.
On a accusé les Libéraux de délibérément créer une confusion à propos de la nature des exportations d'armes vers Israël. Ils peuvent ainsi repousser les critiques faites à leur programme. La distinction entre « armes proprement dites » et armes « non létales » pour les pièces détachées en serait un exemple. La ministre des affaires étrangères, Mélanie Joly soutient aussi qu'il n'y a plus de transferts d'armes vers Israël malgré que le gouvernement honore encore les 315 permis actifs.
Est-ce qu'Ottawa va continuer à autoriser des exportations d'armes vers Israël pendant qu'on nous assure qu'il n'approuve que les pièces non létales ? Est-ce que des armes canadiennes aboutissent en Israël via des pays tiers ? L'assouplissement des termes de la résolution permet de penser que c'est possible.
Malgré son ton peu offensif, les politiciens.nes qui soutiennent Israël l'ont critiquée comme certaines aitres organisations. Dans leurs grands titres, les médias ont réagi avec enthousiasme disant que le Canada cessait de livrer des armes à Israël. Même l'élue démocrate à la Chambre des représentants des États-Unis, Mme Ilhan Omar, a salué l'adoption de cette résolution. Elle ne semble pas avoir été au courant que cela n'empêche pas d'honorer les contrats existants et que le transfert de technologie militaire « non létales » va se poursuivre.
Certains.es voient la résolution comme un petit pas important qui permettrait de modifier le statut quo envers Israël. Y. Engler note que contrairement à la position absolument favorable à Israël de l'ancien leader du NPD, Thomas Mulcair, celle de « Jagmeet Sing se montrant plus sévère envers Israël sur les réseaux sociaux, est un progrès ».
On a aussi vu la résolution comme une démonstration que les protestations publiques peuvent faire bouger les aiguilles sur d'autres politiques questionnables. Selon Y. Engler, « ce pas en avant c'est produit parce que des centaines de milliers de personnes ont envahi les rues, interpelé les politiciens.nes, écrit aux élus.es, occupé des bureaux, etc. ces derniers mois. Quelle leçon en tirer ? Que nous devons accroitre la pression contre l'establishment canadien qui donne à Israël les moyens d'opérer sa tuerie de masse à Gaza et d'y installer la famine ».
Les marchandages autour de la résolution dans les coulisses, nous indiquent que les exigences du public sont toujours à la merci de dangers de récupération ou de manipulation. CJPME note que : « des dizaines et des centaines de Canadiens.nes ont envoyé des requêtes de soutient à une certaine résolution à leurs députés.es, et voilà qu'elle n'existe plus. L'assouplissement des termes de cette résolution du NPD affaiblit la portée du vote des parlementaires. Il s'agissait d'une concession importante aux Libéraux pour permettre son adoption ».
Ce sont les événements à venir qui seront le véritable test de ce qu'elle peut signifier. Si le gouvernement adopte un embargo sur le soutient militaire à Israël, la résolution aura été un succès. Si au contraire, rien ne change, elle sera vue comme une occasion manquée de plus.
*****
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Justin Trudeau en mode prébudgétaire… et préélectoral

Le premier ministre Justin Trudeau souhaitait obtenir l'adhésion de la population en faisant une série d'annonces prébudgétaires susceptibles d'améliorer la qualité de vie des ménages canadiens ; il a surtout récolté des reproches face à ces multiples ingérences dans des compétences provinciales. C'est sans compter le nombre de gens qui, face à de telles dépenses, s'insurgent de l'ampleur du déficit à venir.
5 avril 2024 | tiré de la lettre de l'IRIS
Il ne manque pas de domaines où Ottawa pourrait intervenir dans l'intérêt des Canadiennes et des Canadiens sans pour autant se mettre à dos les provinces – qui ont ceci dit effectivement négligé depuis trop longtemps leur filet social. Par exemple, le gouvernement fédéral pourrait redoubler d'efforts afin de s'assurer que toutes les communautés autochtones du pays aient enfin accès à de l'eau potable.
Il pourrait aussi investir dans une transition réellement juste et coordonner une sortie des hydrocarbures pour éviter que les catastrophes naturelles ne s'intensifient en raison des changements climatiques et ne nuisent davantage à l'économie. À cet égard, il pourrait également aider les municipalités à développer davantage leur réseau de transport en commun afin de donner aux citoyen·ne·s l'option de se déplacer autrement qu'en voiture.
Et dans un tout autre ordre d'idées, pourquoi ne pas soutenir davantage Postes Canada afin de s'assurer qu'un service postal de qualité et à bas prix demeure accessible dans toutes les communautés plutôt que de laisser cette entreprise publique être affaiblie par des compétiteurs privés aux pratiques douteuses.
Contrairement à la campagne de peur qui a commencé au sujet du déficit de l'administration fédérale, la situation financière du gouvernement canadien demeure enviable comparativement à la moyenne des pays du G7 et son service de la dette se trouve à un niveau historiquement faible, lorsque comparé à ses revenus. Bref, Ottawa a les moyens de faire mieux tout en respectant les prérogatives des provinces.
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Aujourd’hui marque six mois de génocide – Voix juives indépendantes

Pendant six mois, le monde a observé les Palestiniens assassinés, blessés et déplacés en masse par l'occupation israélienne. Le Canada a aidé et encouragé cette atrocité. Les contrats d'armement entre le Canada et Israël ont circulé librement dans les deux sens : exportation de puissance militaire vers Israël, importation d'armes israéliennes « testées au combat » sur des enfants palestiniens.
Depuis le 7 avril 2024, le Canada a mis en place un gel des nouveaux permis d'armement, mais depuis le 7 octobre, « la valeur totale des nouveaux permis autorisés en deux mois a dépassé le record annuel sur 30 ans de 26 millions de dollars d'exportations militaires canadiennes vers Israël en 2021« .
C'est la complicité sous sa forme la plus vile.
Trois mois après le début de ce génocide, une fillette de six ans est morte coincée dans l'épave de la voiture familiale alors que les chars israéliens se rapprochaient d'elle.
Quatre mois après le début de ce génocide, les habitants de Gaza en étaient réduits à « manger de l'herbe et à boire de l'eau polluée », alors que des milliers et des milliers d'enfants se trouvaient à des stades dangereux de famine.
Cinq mois après le début de ce génocide, les corps des Palestiniens déplacés ont été brutalement écrasés par les chars israéliens. Les patients des hôpitaux ont été sommairement exécutés. Des parents ont perdu leurs enfants. Des enfants ont perdu leurs parents.
Et pourtant, le Canada continue de commercer dans le sang avec l'État israélien.
Nous ne pouvons pas permettre que cela continue. En plus de reconnaître ce génocide et de s'efforcer d'y mettre fin, le Canada doit immédiatement s'assurer qu'il n'est plus responsable d'aucune partie de ce génocide.
Cela ne veut pas dire que nous devons revenir au monde tel qu'il était auparavant. La Palestine-Israël d'avant octobre 2023 était déjà profondément injuste.
Nous devons aller plus loin : nous devons mettre fin à l'apartheid israélien.
Il doit y avoir un nouveau statu quo, dans lequel le peuple juif et notre foi ne sont pas rendus complices du meurtre et de la torture de dizaines de milliers de personnes.
Pessah approche, et avec lui le rappel de nos souffrances passées. En tant que Juifs, nous avons le devoir d'empêcher les autres de souffrir comme nous avons souffert, sous des régimes écrasants de destruction et de mort.
En vertu de ce devoir, nous demandons au Premier ministre Justin Trudeau, à la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly et au gouvernement canadien d'appliquer les mesures provisoires définies par la Cour internationale de justice (CIJ), notamment en veillant à ce que l'armée israélienne ne viole pas les droits des Palestiniens en vertu de la convention sur le génocide. Nous demandons au gouvernement canadien d'imposer un embargo total sur les armes à destination d'Israël.
Si l'on ne met pas fin au commerce des armes avec Israël, il est indéniable que la majorité des habitants de Gaza risquent de mourir dans d'atroces souffrances.
Il est de la responsabilité de tous, y compris des Canadiens, d'empêcher que d'autres habitants de Gaza ne meurent. En tant que Juifs, nous avons crié « n'oubliez jamais ». C'est pourquoi, liés par notre devoir envers nos ancêtres et nos familles, nous devons mettre en œuvre la logique morale du « plus jamais ça ».
Le 7 avril 2024
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De conjoint.e.s de fait avec enfant au régime d’union parentale

Une réforme du droit de la famille était attendue depuis des décennies, la dernière réforme ayant eu lieu en 1980, notamment concernant les conjoints et conjointes de fait. Le gouvernement caquiste a déposé un projet de loi le 27 mars dernier, le Projet de loi n° 56, loi portant sur la réforme du droit de la famille et instituant le régime d'union parentale.
Tiré de : Infolettre FFQ 4 avril 2024
Ce projet de loi est le troisième volet de la réforme globale en droit de la famille, suivant le Projet de loi 2 en matière de filiation, de droit des personnes et d'état civil (sanctionné en juin 2022 mais dont la mise en vigueur est prévue en juin 2024) ainsi que le Projet de loi 12 en matière de filiation, des enfants nés suite à une agression sexuelle et de gestation pour autrui (sanctionné en juin 2023).
Voici un bref aperçu de ce troisième volet de réforme :
– Création de la notion et du régime d'union parentale pour les conjoint.e.s de fait ayant des enfants ;
– Mise en place d'un patrimoine d'union parentale (résidence principale, meubles, voitures) dès la naissance ou l'adoption d'un enfant et règles prévoyant leur répartition à la séparation ;
REER, fonds de pension, résidences secondaires (incluant les meubles) et pension alimentaire pour ex-conjoint ou ex-conjointe exclu.e.s de ce régime ;
– Mise en place d'une prestation compensatoire pour un conjoint ou une conjointe s'étant appauvri.e après avoir contribué à l'enrichissement du patrimoine de l'autre conjoint ou conjointe ;
– Possibilité de faire fixer la pension alimentaire pour enfant sans l'intervention du tribunal à l'aide du service de calcul offert par le Service administratif de rajustement des pensions alimentaires pour enfants ;
– Pour l'héritage, les conjoints et conjointes peuvent hériter de l'autre conjointE décédée s'iels vivaient ensemble depuis plus d'un an au moment du décès ;
– Obligation pour le tribunal d'accorder des dommages-intérêts en situation de violence judiciaire ;
– Assouplissement des règles de procédure afin qu'une entente entre conjoints et conjointes sur les conséquences de leur séparation ait force de jugement ;
– Favoriser la prise en charge des dossiers par un.e seul.e et même juge ;
– Possibilité pour les conjoints et conjointes actuel.le.s ayant des enfants de se retirer par acte notarié de l'application de ce régime, partiellement ou totalement ;
– Application de la loi aux parents dont les enfants sont né.e.s ou adopté.e.s après le 29 juin 2025, à moins que ces derniers et dernières se marient, s'unissent civilement ou signent un contrat notarié pour que le régime de l'union parentale ne s'applique pas dans leur cas.
– Pour lire le Projet de loi n° 56, Loi portant sur la réforme du droit de la famille et instituant le régime d'union parentale intégralement, c'est parici !
Vous avez envie d'en apprendre davantage ? Vous avez envie de faire entendre votre point de vue et participer aux débats et actions à venir ?
Nous vous invitons à la Rencontre d'appropriation et d'action collective sur le PL56 organisé par le Groupe des treizes le 5 avril prochain de 13h à 14h30 viaTeams. Seront des nôtres :Hélène Belleau, Carmen Lavallée et Audrey Bernard.
Si vous ne pouvez pas être des nôtres, écrivez à representations@ffq.qc.ca pour obtenir l'enregistrement. Également, nous vous invitons à nous faire parvenir par courriel vos expériences, vos opinions et expertises concernant ce dossier afin que nous puissions les collectiviser et approfondir nos commentaires concernant ce projet de loi !
Vous avez envie de savoir ce que la FFQ a adopté comme positions dans le passé à ce sujet ? C'est par ici ! Nous avions d'ailleurs, en 2016, fait un appel pour un débat public sur la réforme du droit familial. La FFQ avait d'ailleurs déposé un mémoire dans le cadre des consultations publiques sur la réforme du droit de la famille en 2019 !
Vous avez envie de savoir ce qui se dit et s'écrit au sujet du PL56 ? Voici quelques ressources pour aiguiller vos réflexions :
– Une « union parentale » désavantageuse pour les femmes, déplorent des organismes, 2 avril 2024, Le Devoir
– 24.60 : Réforme pour mieux protéger les enfants en cas de séparation, 27 mars, entrevue à Radio-Canada
– Québec veut créer l'union parentale pour les conjoints de fait avec enfants, 27 mars, La Presse
– Solidarité et égalité au cœur du droit de la famille, juin 2019, Mémoire du CIAFT et Réseau des tables régionales des groupes de femmes du Québec
– Nouveau régime d'union parentale : le volet de la réforme tant attendu !, 27 mars 2024, Communiqué de presse du FAFMRQ
– Réflexions sur la réforme du droit de la famille, 18 août 2023, Barreau du Québec
– Réflexions sur la réforme du droit de la famille, juin 2019, Chambre des notaires du Québec
– Le droit familial : un enjeu d'égalité !, mai 2018, FAFMRQ
Au plaisir de s'approprier cette réforme, ensemble !
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Nouveau régime d’union parentale : le volet de la réforme tant attendu !

Montréal, le 27 mars 2024 – La Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec (FAFMRQ) accueille avec enthousiasme le dépôt du projet de loi 56 du ministre de la Justice, Simon Jolin-Barette, concernant le volet parentalité et conjugalité de la réforme du droit de la famille.
Celui-ci s'étant particulièrement fait attendre, déjà en 2013, dans le cadre de la cause Lola C. Éric, la Cour suprême du Canada avait invité le législateur québécois à corriger la situation, jugeant son régime discriminatoire notamment en n'accordant pas de droit alimentaire aux conjoints de fait. Le code civil ne prévoit aucun droit, ni aucune obligation pour ces conjoints. Ainsi, « le dépôt de ce nouveau projet de loi nous apparaît aujourd'hui comme une bonne nouvelle pour l'encadrement juridique des conjoints de fait avec enfant et nous espérons que cette réforme viendra finalement annuler les effets discriminatoires sur les enfants nés hors mariage » souligne Mariepier Dufour, directrice générale de la FAFMRQ.
La Fédération salue la proposition du présent gouvernement d'étendre les règles de protection et d'attribution de la résidence familiale prévues pour les conjoints mariés ou unis civilement applicables aux conjoints qui sont en union parentale.
Rappelons qu'actuellement plus de 60% des enfants de la province naissent de parents non-mariés. Après plus de dix ans de débat et de questionnements sur la question, il était grand temps d'agir pour l'encadrement juridique des conjoints de fait. C'est pourquoi l'annonce d'un nouveau régime d'union parentale présente des avancées notables pour le droit familial québécois, qui sur cette question n'a pas été modernisé depuis 1980. La FAFMRQ enjoint sa voix à celle du ministre Jolin-Barette soutenant que cette protection pour les enfants nés hors mariage, visant à leur offrir un filet de sécurité, fait consensus socialement.
La position défendue par la FAFMRQ est celle d'étendre les protections actuelles du mariage, incluant le partage du patrimoine, la protection de la résidence familiale et la pension alimentaire pour ex-conjoint, aux conjoints de fait avec enfants. Bien que l'annonce d'un régime d'union parentale soit réjouissante, la Fédération prendra le temps d'analyser et de questionner les différences entre ces deux régimes, notamment en ce qui a trait à ce qui est inclus dans le patrimoine d'union parental, et les trous qui pourraient potentiellement être créés dans le filet de sécurité offert aux enfants. De plus, une question demeure quant aux familles recomposées sachant que nombre de divorces tardent à être officialisés.
Qu'arrivera-t-il alors aux enfants qui naissent dans une union dans laquelle l'un des parents est encore marié ?
La FAFMRQ est emballée de prendre connaissance de ce nouveau projet de loi et est déterminée à collaborer avec le ministre et la commission des institutions afin qu'un encadrement juridique des conjoints de fait avec enfant offre une plus grande protection et équité en cas de séparation. La réforme du droit de la famille se doit d'assurer tant la protection des membres les plus vulnérables de la famille que de s'assurer que le droit familial mette fin aux inégalités entre les femmes et les hommes au lieu de contribuer à les maintenir ou même à les augmenter.
Pour la FAFMRQ, étant impliquée et militant depuis plus d'une décennie pour de meilleures protections juridiques, nous accueillons ce projet de loi comme une victoire. Le projet de loi 56 ouvre la voie pour un droit plus juste et équitable pour tous les enfants. Il importe que des valeurs de solidarité et de soutien mutuel guide ce travail de réforme !
La Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec existe depuis 1974. Sa mission est de défendre les droits et les intérêts des familles monoparentales et recomposées du Québec et de fournir un soutien à ses associations membres par des services de formation et d'information. La FAFMRQ regroupe une quarantaine d'associations membres à travers le Québec.
Source : La Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec
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Près de 2000 individus, plus de 150 organismes et les trois partis d’opposition appuient la demande de l’Afeas pour une Journée nationale du travail invisible

À l'occasion de la 24e Journée du travail invisible, l'Association féministe d'éducation et d'action sociale (Afeas) et le Comité inter-associations pour la valorisation du travail invisible* (CIAVTI) demandent au gouvernement de tout mettre en œuvre pour faire officiellement du premier mardi du mois d'avril la Journée nationale du travail invisible (JNTI). Près de 2000 personnes et plus de 150 organismes ont signé le Manifeste pour la valorisation du travail invisible remis à la ministre responsable de la Condition féminine le 27 mars dernier.
« Ce travail, majoritairement réalisé par des femmes, a une grande valeur, souligne Lise Courteau, présidente de l'Afeas. Il déleste le gouvernement d'un fardeau économique (à travers le travail des personnes proches aidantes notamment) et permet à d'autres – souvent des hommes – d'effectuer davantage d'heures de travail salarié (notamment grâce aux soins des enfants par les mères). Il est important de valoriser les personnes qui accomplissent le travail invisible en rendant leur travail “visible” ».
Les trois partis d'opposition joignent aujourd'hui leur voix à celles de l'Afeas, du CIAVTI et de leurs nombreux·ses allié·e·s pour demander la reconnaissance officielle de la JNTI d'ici sa prochaine édition en 2025. Il s'agit par ailleurs d'une action prévue à l'Article 3.2.5 de la Stratégie gouvernementale pour l'égalité entre les femmes et les hommes 2022-2027.
Citations
« Le travail invisible a une valeur inestimable pour la société tout entière. En majeur partie accompli par des femmes, il est temps de lui apporter une reconnaissance et une visibilité afin qu'il soit de moins en moins invisible. C'est pourquoi, au Parti libéral du Québec, nous sommes fiers d'ajouter notre voix à la demande de création d'une Journée nationale du travail invisible. Nous le devons aux milliers de personnes qui travaillent dans l'ombre. »
Brigitte B. Garceau, responsable de la Condition féminine pour le Parti libéral du Québec
« Le travail invisible n'a d'immatériel que le nom. Il ne tient qu'au gouvernement de réaliser sa Stratégie pour l'égalité ; ce faisant, il fera un pas important pour rendre visible et valoriser ce travail essentiel à la bonne marche du monde et réalisé majoritairement par les femmes. »
Ruba Ghazal, responsable de Condition féminine pour Québec solidaire
« Le travail invisible qu'effectuent les femmes de manière disproportionnée est essentiel au fonctionnement de notre société. Tous gagneraient à ce que le travail invisible reçoive une meilleure reconnaissance et que ce travail soit valorisé, c'est pourquoi la Journée du travail invisible, doit officiellement être mise en œuvre. »
Méganne Perry Melançon, porte-parole du Parti québécois
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Révolution contraceptive : liberté de choix, égalité d’accès

Montréal, 2 avril 2024 — La Fédération du Québec pour le planning des naissances (FQPN) - soutenue par divers organismes et regroupements à travers la province - lance la campagne Révolution contraceptive :
Liberté de choix, égalité d'accès.
Cette campagne demande au gouvernement du Québec d'agir immédiatement dans l'intérêt de toute la population québécoise pour garantir l'accès universel gratuit à tous les moyens de contraception dans la province.
Le Québec est mûr pour une nouvelle révolution contraceptive et est en mesure de se repositionner comme leader au Canada, mais également dans le monde pour l'accès à la contraception et la justice reproductive. Nous
revendiquons :
* La gratuité de tous les moyens de contraception disponibles au Québec pour toutes les situations de couverture médicale
* L'amélioration de la formation ainsi que de l'information transmise aux professionnel.le.s de la santé sur les moyens de contraception offerts afin de dispenser des services de conseil soutenant le libre-choix
* L'augmentation du financement des organismes qui sensibilisent et fournissent de l'information et de l'accompagnement notamment aux personnes marginalisées ou qui sont davantage susceptibles de discrimination et de
préjugés de la part de professionnel.le.s de la santé sur les questions de contraception (personnes racisées, en situation de handicap, 2SLGBTQIA+, etc.)
Le 1er avril 2024 marque le premier anniversaire de l'annonce des mesures de gratuité des moyens de contraception en Colombie-Britannique. Jusque-là, le Québec se situait parmi les provinces les mieux pourvues en
termes d'accès à la contraception.
L'accès à la contraception gratuite est une condition primordiale dans l'atteinte de l'égalité entre les genres et dans la diminution des inégalités sociales et économiques. Bien qu'au Québec certains moyens de contraception soient remboursés par les assurances privées ou par la RAMQ, ces coûts annuels peuvent être énormes pour les personnes à
faible revenus et ne couvrent généralement que 70% à 80% des frais1. Cette situation est inacceptable puisqu'il a été démontré dans de nombreuses études que le coût des moyens de contraception constitue la
principale barrière pour les personnes qui souhaitent avoir recours à un moyen de contraception23. "Toute personne nécessitant une contraception devrait pouvoir choisir sa méthode librement, sans devoir tenir compte du
coût à l'achat ou périodique. Cette décision nécessite une session.
Fédération du Québec pour le planning des naissance (FQPN)
asgignac@fqpn.qc.ca
* Société canadienne de pédiatrie, « L'accès universel à la
contraception sans frais pour les jeunes du Canada », 2019,
https://cps.ca/fr/documents/position/acces-universel-a-la-contraception-sans-frais-pour-les-jeunes-du-canada.
* Jennifer Hulme et al., « Barriers and Facilitators to Family Planning
Access in Canada », Healthcare Policy 10, no 3 (février 2015) : 48‑63.
* Amanda Black et al., « Canadian Contraception Consensus - Chapter 1 :
Contraception in Canada », Journal of Obstetrics and Gynaecology Canada
37, no 10 (1 octobre 2015) : S5‑12,
https://doi.org/10.1016/S1701-2163(16)39370-7.
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Le militantisme LGBTQ+ en mutation au Québec

De la légalisation du mariage homosexuel à la prohibition de la discrimination basée sur l'identité de genre, le Québec aura connu, à travers les décennies, des avancées sociales, politiques et légales majeures pour les personnes LGBTQ+. C'est bien souvent des militants – LGBTQ+ ou pas – qui auront porté à bout de bras ces causes, risquant parfois leur carrière, leur réputation et leur vie afin que les personnes LGBTQ+ puissent être reconnues, acceptées et protégées. Toutefois, le militantisme d'aujourd'hui s'apparente-t-il au militantisme d'antan ? Qu'est-ce qui distingue le militantisme LGBTQ+ en 2024 ?
PHOTO : Line Chamberland / Celeste Trianon / Alexe Frédéric Migneault
tiré de Fugues Infolettre , le 2024-04-05
Par Philippe Granger, 29 mars 2024
Alexe Frédéric Migneault ne s'est jamais vraiment considéré comme une personne militante. Cette personne non binaire vivant à Montréal s'est toutefois retrouvée sous le feu des projecteurs à la fin de 2023 pour son militantisme. Depuis de nombreux mois, voire des années, Alexe Frédéric Migneault souhaite que ses documents de la Régie de l'assurance maladie du Québec porte la lettre « X », et non « F » ou « M », ce qu'iel peut légalement exiger depuis maintenant plus d'un an. Après avoir multiplié les démarches infructueuses auprès de la bureaucratie gouvernementale, Alexe Frédéric a décidé d'effectuer des grèves de la faim.
Sa dernière grève de la faim, datant de la fin du mois de novembre 2023, a duré douze jours, et a été largement médiatisée. Cherchant principalement à faire avancer son propre cas, Alexe Frédéric se considère davantage comme « un opportuniste désespéré » plus qu'un militant.
« Je n'avais pas du tout l'habitude de m'impliquer activement dans des causes militantes. L'objectif initial de mes actions était purement égoïste : c'était pour faire débloquer mon dossier à moi, et puis ça s'est élargi au fur et à mesure que je gagnais en visibilité et en soutien. »
Parce qu'aujourd'hui, l'atteinte de l'égalité sur papier est de moins en moins ce qui est visé – de très nombreuses avancées ayant déjà été faites à cet égard -, mais davantage l'application de ces mesures adoptées. Les partis politiques et les instances juridico-politiques reconnaissent désormais tous l'existence et les droits des personnes LGBTQ+, ce qui n'était pas nécessairement le cas auparavant.
« À l'époque, il n'y avait aucun interlocuteur nulle part. Il n'y avait aucun relais politique. Il fallait se batailler juste pour avoir des interlocuteurs, des interlocutrices, alors que maintenant, il y a un ou une ministre qui est responsable, il y a un bureau de lutte contre l'homophobie et la transphobie, il y a l'opposition… », souligne ainsi Line Chamberland, professeure au département de sexologie de l'Université du Québec à Montréal (UQAM) et titulaire de la Chaire de recherche sur la diversité sexuelle et la pluralité des genres de 2011 à 2020.
L'action militante aura permis une reconnaissance des LGBTQ+ aux yeux des politiciens, mais il ne faut quand même pas oublier l'apport (relativement récente) des alliés et alliées, rappelle Line Chamberland : « Une autre grosse différence c'est qu'il y a des alliés. Dans les années 80, il n'y avait pas d'alliés. Ça s'est [développé] petit à petit, [notamment avec] les syndicats, avec la Fédération des femmes du Québec… Ces alliances-là sont encore là, même si des fois j'ai l'impression qu'elles sont moins entretenues. »
Les trans et non-binaires à l'avant-plan
Le militantisme LGBTQ+ actuel porte désormais une attention particulière aux personnes trans et non-binaires, des personnes bien longtemps marginalisées non seulement au sein des instances politiques, mais aussi au sein-même des organisations LGBTQ+.
Si les réalités trans et non-binaires restent encore mystérieuses pour plusieurs, Line Chamberland constate une évolution assez fulgurante de la sensibilisation à ces réalités.
« Les droits des trans et non-binaires ont progressé plus rapidement. [Il reste que] les identités trans et non-binaires ne sont pas toujours bien connues dans la population, même auprès des groupes alliés. »
La mise à l'avant-plan récente des personnes trans et non-binaires mène à un certain ressac. Line Chamberland constate ainsi encore de l'hostilité envers ces personnes. Un phénomène que Céleste Trianon corrobore. Céleste Trianon est une militante trans. Fondatrice et directrice générale du collectif Juritrans, Céleste effectue de l'aide juridique afin de soutenir les personnes trans et non binaires. Selon elle, les hostilités actuelles peuvent parfois miner le militantisme LGBTQ+. « Ce n'est pas une année facile présentement pour faire du militantisme. […] C'est un temps effrayant pour militer, mais c'est un temps plus nécessaire que jamais », clame-t-elle.
« Je vois beaucoup de parallèles entre aujourd'hui et la crise du SIDA, quand les personnes séropositives étaient vues sous-humains, inférieurs. C'est ça qu'il faut combattre [présentement pour les trans]. »
Si Alexe Frédéric ne va pas jusqu'à comparer la situation à celle de la crise du SIDA, iel considère que des similitudes peuvent être constatées entre la discrimination envers les minorités sexuelles et la discrimination envers les personnes trans et non binaires. « Le combat pour la reconnaissance des identités de genre non-traditionnelles, c'est clairement une continuité des batailles pour les orientations sexuelles atypiques. C'est exactement les mêmes arguments qui sont utilisés contre nous les personnes trans et non-binaires que ce qui étaient utilisés contre les personnes homosexuelles. »
Réseaux sociaux : amis ou ennemis ?
Parler des réseaux sociaux comme facteur de changement majeur du militantisme est inévitable. L'arrivée de ces outils de communication ont notamment permis à des militants d'obtenir une plus grande visibilité, mais laissent aussi place à des propos haineux contre les personnes LGBTQ+. Ainsi, c'est afin de préserver sa santé mentale qu'Alexe Frédéric évite les réseaux sociaux « comme la peste ». Cette situation adhère en quelque sorte à son approche militante, Alexe Frédéric considérant qu'il est « plus facile de garder en tête l'humanité d'un sujet quand c'est une personne dans sa totalité que quand c'est 1000 likes. »
« Les réseaux sociaux jouent un rôle un peu trop important », juge pour sa part Céleste Trianon. « C'est beaucoup plus facile de rejoindre des milliers de personnes à la fois, de faire passer des messages rapidement et efficacement, mais, en même temps, […] les réseaux sociaux demeurent des boucliers de la désinformation qui sont le principal ennemi de la cause trans et des causes LGBT dans le monde en ce moment. »
Des propos que semble soutenir Line Chamberland : « Peut-être que les débats sont plus polarisés aujourd'hui. Les réseaux sociaux, c'est sûr que ça change la manière que se font les débats et la polarisation actuelle ne facilite pas les débats. »
Dans tous les cas, Céleste se fait plutôt optimiste quant à l'avenir des LGBTQ+, et appelle aux militants de ne pas lâcher le morceau. « Nos communautés ne peuvent pas disparaître. C'est quelque chose que l'Histoire a constaté à de nombreuses reprises. […] Les choses vont éventuellement s'améliorer, c'est sûr, mais ça va nécessiter que nos communautés continuent à revendiquer notre humanité, tant et aussi longtemps que ce sera nécessaire. »
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Faire reculer la privatisation sur tous les fronts !

La CSN poursuit sa campagne en 2024 pour un réseau Vraiment public. L'objectif principal des prochains mois sera de faire reculer la privatisation du réseau de la santé et des services sociaux (RSSS). Le printemps sera consacré à la recherche-action afin de recueillir des informations et des récits sur les différentes formes de privatisation qui ont cours et des conséquences qu'elles entraînent sur nos membres et la population. Il faut aussi mettre en lumière les liens unissant les milieux d'affaires et les élu-es avec l'accélération de la privatisation du RSSS.
Le 15 mars 2024, lors du conseil confédéral, l'instance démocratique de la CSN entre les congrès, les délégué-es ont adopté une résolution plaçant la lutte contre la privatisation au sommet des priorités de la CSN. Pour les travailleuses et les travailleurs de tous les secteurs, la défense de l'accès universel à des services publics de qualité est une nécessité.
Par ailleurs, l'amélioration de la situation exige qu'on remette en cause le rôle de plus en plus prépondérant des entreprises privées. Par exemple, en 2024, force est de constater que la première ligne, la porte d'entrée du réseau, est presque entièrement contrôlée par des entreprises privées. Est-ce à des entrepreneurs de décider où et quand doivent être offerts des services sociaux ou de santé ? Est-ce souhaitable que la possibilité d'accumuler des actes facturables oriente l'offre de services ? Est-ce équitable que la rémunération des médecins constitue 20 % du budget total en santé et services sociaux ?
Le mantra des chambres de commerce voulant que le secteur privé fasse toujours mieux que le secteur public est tout simplement faux. L'offre de la première ligne en est un exemple patent. En effet, la création des Groupes de médecine de famille (GMF), des entités privées, a lamentablement échoué dans sa mission à améliorer l'accès à un médecin de famille et à désengorger les urgences. Le statu quo n'est plus possible. Le vrai changement aujourd'hui, c'est de reprendre en main collectivement, dans le secteur public, les services de première ligne.
La CSN entend militer en ce sens au cours des prochains mois. Les tenantes et les tenants de la privatisation trouveront sur leur chemin une CSN résolue à exiger un changement de cap. Il ne suffit plus de stopper la privatisation, il faut la faire reculer. Il faut déprivatiser le système en faveur d'un réseau Vraiment public.
Le privé en santé – Pas une erreur de parcours
Le conseil confédéral de mars recevait la chercheuse Anne Plourde de l'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques(IRIS), pour nous amener à réfléchir aux raisons qui poussent les gouvernements à refaire toujours les mêmes erreurs, d'une réforme à l'autre. Pour Anne Plourde, ce n'est pas par incompétence. « En fait, nous dit-elle, bien que les citoyennes et les citoyens constatent l'échec de nos élu-es à améliorer les choses, il y a, dans notre société, certains milieux pour qui ces réformes sont, au contraire, un véritable succès ! »
En réalité, il faut remonter à la création du réseau public au début des années 70 pour trouver la dernière grande victoire des travailleuses et des travailleurs : la mise en place de l'assurance maladie. À l'époque, les milieux d'affaires ont farouchement résisté. La raison de leur opposition était simple : l'existence d'un système public qui fonctionne bien est incompatible avec la génération de profits. De plus, le système québécois se voulait au départ des plus démocratique et décentralisé. Chaque hôpital, chaque CLSC et chaque CHSLD comptait un conseil d'administration indépendant formé par des citoyennes et des citoyens. Rappelons que l'approche était résolument avant-gardiste : le système public québécois a dès le départ intégré la dimension de la médecine communautaire, en plus des CLSC, qui se voulaient la porte d'entrée idéale pour la population.

Pour Anne Plourde, le capitalisme a de tout temps été bien mauvais pour la santé. Par exemple, lorsque la recherche de profits conditionne l'offre de service en santé, plus la population est malade, meilleures sont les perspectives de profits pour le privé. À l'inverse, la prévention et l'absence de maladie entraînent une contraction pour le marché privé. Pour offrir des services à moindre coût, les entreprises privées doivent soit rogner sur les conditions de travail des employé-es, soit rogner sur la qualité des services. Et que dire du fait qu'en pleine période de pénurie de personnel, un médecin, qui n'est plus rémunéré par la RAMQ, limite l'accès universel et gratuit à ses soins pour les prodiguer plutôt à une clientèle aisée qui a statistiquement moins de problèmes de santé ?
Opposés dès le jour un
Suivant cette grande victoire des travailleuses et des travailleurs au début des années 70, l'opposition à la création d'un régime entièrement public n'a jamais baissé les bras. C'est ainsi qu'on a assisté à des vagues successives de privatisation. De leur côté, la plupart des médecins ont toujours résisté à intégrer le système public, s'inscrivant davantage comme des travailleurs autonomes et des entrepreneurs indépendants, alliés naturels, en quelque sorte, des élites économiques. De cette manière, les cliniques privées se sont multipliées et l'on voit aujourd'hui apparaître des chaînes de cliniques où les médecins-entrepreneurs sont propriétaires aux côtés d'autres entreprises à but lucratif. Loin d'être source d'efficacité, au contraire, le capitalisme en santé et en services sociaux est la principale cause du manque d'accès au réseau pour la population.
C'est pourquoi il faut absolument sortir la logique marchande de notre réseau public, au nom de la santé globale de la population et de l'intérêt public. Le défi est de taille, car le gouvernement de la CAQ poursuit la voie empruntée par tous ses prédécesseurs depuis 30 ans, à toute vapeur.
À lire
Les deux derniers ouvrages d'Anne Plourde, Santé inc. – Mythes et faillites du privé en santé et Le capitalisme, c'est mauvais pour la santé, sont disponibles chez PôleDoc, Service de documentation de la CSN.
https://csn.inlibro.net/
Santé-Québec, OÙ en sommes-nous ?
Suivant l'adoption sous bâillon du projet de loi 15, en décembre 2023, la nouvelle agence de gestion Santé Québec se met graduellement en place. Malgré l'adoption de la loi, la CSN demeure résolue à revendiquer un changement d'approche de la part du gouvernement. Nous sommes loin de baisser les bras pour contrer cette réforme néfaste ! Toutefois, nous avons l'obligation de nous préparer en vue de la création d'un employeur unique pour l'ensemble du réseau public de la santé et des services sociaux. Notons que la date exacte d'un éventuel vote d'allégeance syndicale n'est toujours pas connue. Nous vous tiendrons informés dès que nous en saurons davantage.
À terme, tous les salarié-es du réseau public devront voter afin de choisir l'organisation syndicale qui les représentera à l'avenir. En bref, l'ensemble des accréditations syndicales existantes, qu'il s'agisse des CISSS et des CIUSSS ou des établissements n'ayant pas été fusionnés lors des réformes précédentes, seront fusionnées pour former six grandes unités nationales. Ces six unités sont issues d'un certain redécoupage des quatre catégories de personnel du réseau, existant depuis la réforme Couillard de 2005. La CSN représente actuellement des membres dans chacune des six nouvelles catégories.
Personnel en soins infirmiers
Les salarié-es dont la pratique est régie par la Loi sur les infirmières et les infirmiers, les salarié-es membres de l'Ordre des infirmières et infirmiers auxiliaires ainsi que les salarié-es qui ont pour fonction d'assurer la qualité des soins infirmiers.
Ex. : Infirmière auxiliaire, conseillère en soins infirmiers, infirmière.
Personnel de soutien opérationnel et de métiers
Les salarié-es des services auxiliaires de type manuel ainsi que les métiers spécialisés ou non spécialisés pouvant requérir un certificat de qualification. Ex. : Salubrité, cuisine, ouvrière ou ouvrier.
Personnel d'assistance aux soins cliniques
Les salarié-es dont l'emploi est caractérisé par l'exécution de tâches semi-spécialisées pour apporter un soutien fonctionnel à des professionnel-les ou à des techniciennes et techniciens de la santé et des services sociaux. Ex. : Préposé-es aux bénéficiaires, agentes et agents d'intervention.
Personnel de soutien de nature administrative
Les salarié-es dont l'emploi est caractérisé par l'exécution de travaux administratifs,
professionnels, techniques. Ex. : Acheteuse, agente administrative, magasinière.
Techniciennes, techniciens et professionnel-les de la santé et des services sociaux
Les salarié-es dont l'emploi est caractérisé par la dispensation de services de santé et de services sociaux aux usagères et aux usagers par des techniciennes et techniciens et des professionnel-les pour des travaux de nature professionnelle ou technique exécutés dans le cadre des services de santé et des services sociaux. Ex. : Éducatrice et éducateur, psychothérapeute, psychologue.
Techniciennes, techniciens et professionnel-les de soutien spécialisé et en soins cardiorespiratoires
Les salarié-es dont l'emploi est caractérisé par un soutien aux soins dans les secteurs spécialisés et dans le domaine des soins cardiorespiratoires par des techniciennes et techniciens et des professionnel-les. Ex. : Technologiste médical, inhalothérapeute.
La liste complète des titres d'emploi par catégorie se retrouvera en annexe de la loi qui n'est pas encore disponible sur le Web. La création de l'employeur unique annonce une centralisation inédite des relations de travail. À la CSN, nous entendons continuer d'offrir des services de proximité aux travailleuses et aux travailleurs, à leur donner une voix démocratique forte et à les soutenir dans leurs luttes au quotidien.


Cinéma : « Amal - Un esprit libre » de Jawad Rhalib ou le combat acharné d’une professeure de lettres pour une pédagogie sans tabou

Réalisateur belgo-marocain, Jawad Rhalib, revendique une démarche artistique engagée, soucieuse de valoriser le respect d'autrui, la liberté d'expression et la primauté de la culture et de l'éducation sur les préjugés et l'obscurantisme. Son expérience du journalisme puis ses va-et-vient entre le documentaire social (« El Ejida, la loi du profit », « Les Damnés de la mer », « Au temps où les arabes dansaient ») et les fictions caustiques de cinéma (« 7, rue de la Folie », « Insoumise », « Boomerang ») manifestent souci de réalisme et critique sans concession des dysfonctionnements politiques, économiques et de la montée des intolérances religieuses qui fracturent nos sociétés.
Tiré de http://www.cafepedagogique.net/2024...>" class="spip_out" rel="external">Café pédagogique
Le Café pédagogique, Paris, 2 avril 2024
Bande-annonce ( 1 min 29 ) : https://www.youtube.com/watch?v=__kEA5A6Fb0
*Une fiction dérangeante, fruit d'une longue maturation*
A partir d'un long travail de recueil de témoignages et de recherches de terrain, il peaufine sur plusieurs années ( scénario coécrit avec David Lambert et Chloé Léonil ) le portrait fervent d'Amal ( Lubna Azabal, interprète saisissante ), jeune professeure de lettres dans un lycée de Bruxelles, prônant des méthodes pédagogiques audacieuses, fondées sur la liberté de s'exprimer et de penser chez les élèves. Le fondement d'un enseignement aux prises avec les préjugés et l'hostilité de certains jeunes et de leurs familles. Au point de mettre au jour la domination de l'obscurantisme religieux. C'est le début d'un engrenage, digne d'un thriller, conduisant la combattante solitaire ( ou presque ), – mollement soutenue par sa hiérarchie frileuse et des collègues vulnérables – , à affronter des périls grandissants : du harcèlement d'une élève homosexuelle par ses congénères criant à l'indécence, de l'usage malsain des réseaux sociaux, des menaces de mort et autres manifestations de haine à l'encontre d'une professeure habitée par l'amour des arts et de la littérature, persuadée du pouvoir émancipateur de la transmission.
*L'emprise de l'extrémisme religieux, la force d'un esprit libre*
Amal, courageuse et solitaire (même si subsiste la tendresse inquiète de son compagnon), doit faire face au malaise d'une classe aux divisions exacerbées, au point que la violence et les affrontements physiques n'en sont pas toujours exclus ; le filmage – étayé par des ajustements du script au fil du tournage – révèle les contradictions en chacun des adolescents qui se cherchent, des préjugés liés au sexe et au genre, des interdits religieux contraignants aux doutes quant à leur bienfondé, de la souffrance de la harcelée ( moquée aussi pour ses tatouages et son habillement différent ) à la rancœur accumulée par d'autres victimes de discriminations.
Amal doit aussi tenir compte d'une spécificité de l'École publique en Belgique. Même si une réforme (les cours devenant optionnels) devrait entrer en vigueur à la rentrée scolaire 2024, pour l'heure les cours de religions sont obligatoires et intégrés au cursus et dans chaque école les élèves choisissent la religion qu'ils souhaitent approfondir. Aucun membre du corps enseignant n'a le droit de voir ce qu'il se passe. La jeune professeure sans peur s'oppose ouvertement au professeur de religion très influent, Nabil ( Fabrizio Rongione ), et imam converti, également influent dans l'environnement social de l'établissement.
Pourtant la flamme d'Amal ne s'éteint pas. Même si une partie des élèves s'offusque de l'étude et de la lecture en classe d'une œuvre du poète arabe Abu Nawas, auteur du VIIIe siècle, célébrant la liberté sexuelle au grand dam de parents brandissant une liste de « livres interdits d'enseignement » selon une interprétation extrémiste de leur religion, elle ouvre encore le champ des possibles au-delà des programmes de littérature en Français également étudiés, au nom de la beauté d'une culture d'origine, apte à ouvrir les esprits prisonniers d'un dogmatisme mortifère.
Avec « Amal-Un esprit libre », film "choc" sur les écrans français le 17 avril prochain, le cinéaste frappe un grand coup, convaincu de la capacité du cinéma à susciter le débat, réveiller les consciences, « contribuer à changer les choses ».
L'héroïne mise en scène par Jawad Rhalib adresse avec enthousiasme cette injonction à ses élèves au début de leur aventure collective : « Lisez, posez-vous des questions, développez votre esprit critique et vous serez libres ».
Au terme d'un combat à haut risque et à l'issue incertaine, Amal continue à relever le défi de l'éducation avec panache.
Parution dans le cadre d'un partenariat. Par Café pédagogique, 2 avril 2024
https://www.ufo-distribution.com/movie/amal/
Drame | *Durée* : 1h51
De : Jawad Rhalib
*Avec * : Lubna Azabal, Fabrizio Rongione, Catherine Salée, Kenza Benbouchta, Ethelle Gonzalez-Lardued, Johan Heldenberg, Babetida Sadjo, Mehdy Khachachi
*Production * : Scope Pictures, Serendipity Films
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Concert-hommage aux femmes dans l’histoire et dans la création musicale

Le samedi 23 mars 2024, la Société de recherche et de diffusion de la musique haïtienne (SRDMH), en collaboration avec le Centre international de documentation et d'information haïtienne, caribéenne et afro-canadienne (CIDIHCA), a organisé un concert qui marqua une fois de plus la scène musicale montréalaise. Malgré le froid, le public était au rendez-vous à la Salle de concert du Conservatoire où l'événement a eu lieu. Loin d'être une simple activité récréative, le concert s'inscrivait dans le cadre de la Semaine d'action contre le racisme et pour l'égalité des chances (SACR).
Rappelant que cette 25e édition de la SACR se tient en territoire autochtone non cédé, les présentatrices ont souligné la principale thématique du concert : le rôle des femmes dans l'histoire et dans la création musicale. À cet effet, le programme regroupait d'illustres compositeurs et compositrices d'Haïti, d'Argentine et de France. Le récital débutait avec la pétillante pièce Nostalgia de la renommée chanteuse haïtienne Martha Jean-Claude (1) adaptée pour flûte et piano par Victor Mirabal. Édith Bouyer et Julien Leblanc ont interprété la pièce avec une virtuosité qui captiva l'auditoire dès les premières notes (2).
L'émerveillement du public s'accrut lorsque les interprètes ont entamé l'exécution des Deux pièces pour flûte et piano de Carmen Brouard : « Chant du jour » et « Divertissement ». Composées pour le célèbre flûtiste Despestre Salnave en 1968, ces pièces figurent parmi les plus exigeantes de Carmen Brouard du point de vue de l'harmonie, de la mélodie subliminale et de la cohésion. Cette première partie du concert prit fin avec l'Histoire du tango, célèbre pièce musicale, composée en 1985 par l'Argentin Astor Piazzola. Œuvre en quatre mouvements, Histoire du tango a permis de saisir les principaux moments de l'évolution du tango des Afro-Argentins du début 20e siècle à aujourd'hui.
La deuxième partie du concert a débuté avec Musique pour Les Aïeules de Jean Brierre. Conçue originellement pour flûte, alto et violoncelle en 1951 par le compositeur haïtien Werner Jaegerhuber, Musique pour Les Aïeules est jouée dans une réduction pour flûte et piano par Julien Lebanc. Sa structure énonce six thèmes, correspondant chacun à l'histoire d'une héroïne de l'indépendance d'Haïti. Dans le contexte de la semaine contre le racisme, Musique pour Les Aïeules de Jean Brierre a non seulement bercé l'âme du public, mais elle l'a également amené à méditer sur les amnésies de l'histoire. En outre, Édith Bouyer a interprété deux autres pièces de Werner Jaegerhuber pour flûte seule : Prélude et Fugue écrites dans le style de Bach, dédiées au flûtiste Despestre Salnave.
Julien Leblanc a enchainé avec trois morceaux tirés de la pièce Femmes de légende de la compositrice française post-romantique Mélanie Bonis (1858-1937) qui s'est battue elle-même pour se faire une place dans l'univers musical trop masculin de son époque (3). L'œuvre évoque la figure de grandes héroïnes mythologiques et leur sort tragique aux mains des hommes : un enjeu social encore d'actualité.
La deuxième partie s'acheva avec la Sonate Vaudou Jazz du compositeur haïtien Julio Racine (4). Conçue pour piano et flûte, cette pièce, d'une grande originalité, propose trois styles en un : la forme et l'orchestration sont du registre classique ; les harmonies sont de l'ordre du jazz ; les motifs rythmiques notamment dans la partie piano renvoient à la musique folklorique traditionnelle haïtienne. Ce syncrétisme a résonné au cœur d'un auditoire composé majoritairement de membres de la diaspora haïtienne : enfants et adultes se sont laissé bercer par les jeux rythmiques à l'instar du « Bateau ivre » de Rimbaud.
En rappel les duettistes reprirent Nostalgia de Martha Jean-Claude sous des applaudissements intenses. Ils saluèrent le public en recevant, dans une ambiance solennelle, des fleurs présentées par des membres de la SRDMH. Pour couronner cette soirée magistrale, on procéda à la vente signature de l'album du célèbre opéra La Flambeau du compositeur David Bontemps.
Notes
1- Pour plus de détails, voir les liens suivants : https://watch.eventive.org/mardidoc/play/61d091944cd62c00e30f551c
https://www.haitiinter.com/martha-jean-claude-la-nostalgie-haitienne/
2- Édith Bouyer est licenciée en musicologie de l'Université de Haute-Bretagne et a étudié la flûte traversière au Conservatoire de Rennes (France), École des Arts de la scène, dans la classe de Gladys Bouchet. Elle est aussi diplômée du Programme d'enseignement de la musique de l'UQAM où elle fut assistante de recherche en musicologie sous la direction de Claude Dauphin. Par ailleurs, le pianiste canadien Julien LeBlanc est reconnu pour sa grande sensibilité musicale et ses dons de communicateur. Basé à Montréal, il est très actif sur la scène musicale canadienne comme soliste, chambriste et accompagnateur. Pour plus de détails sur Julien Leblanc et Édith Bouyer, voir les liens suivants : https://www.julienleblanc.com/bio-fr
https://ca.linkedin.com/in/%C3%A9dith-bouyer-9a1388175
3- Pour mesurer l'impact de l'éducation religieuse et sexiste sur la vie et la carrière de Mélanie Bonis, voir les liens suivants : https://guides.loc.gov/feminism-french-women-history/famous/mel-bonis
https://www.rtbf.be/article/mel-bonis-le-destin-clair-obscur-d-une-compositrice-hypersensible-et-mystique-11163909
4- Décédé en 2020, Julio Racine était flûtiste, chef d'orchestre et compositeur. Il a étudié Conservatoire National d'Haïti et à l'école de Musique de l'université de Louisville. Après ses études, il retourne en Haïti où il est devenu professeur de flûte et chef de l'Orchestre Philharmonique Sainte-Trinité. Pour plus de détails, voir les liens suivants : https://crossingbordersmusic.org/explore-the-music/haiti/julio-racine/
https://julioracine.com/
https://www.srdmh.com/concerts
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Maryse Condé, la sorcière bien aimée

Paris. Mardi, 2 avril 2024. A peine rentré d'un long périple en Provence avec Elisabeth, un pèlerinage en dix étapes, sur les traces, entre autres, de Jean Lacouture à Roussillon, j'apprends la disparition, à l'âge de quatre-vingt-dix ans, de Maryse Condé, de son nom de naissance Maryse Liliane Appoline Boucolon.
Par Mustapha Saha
Une amie fidèle. La maison de Maryse Condé à Gordes se trouve à quelques kilomètres de Roussillon. Impossible de la voir. Elle est hospitalisée à Apt. Elle est partie dans son sommeil. Rien de plus terrible qu'une nécrologie. Les célébrations médiatiques ne durent qu'une journée. Les écrivains, les poètes, les philosophes, les artistes vivent perpétuellement. Ils s'invitent à tout moment, opportunément, par leurs écrits, leurs œuvres. « Les morts ne meurent que s'ils meurent dans nos cœurs. Ils sont là, partout autour de nous, avides d'attention, assoiffés d'affection. Quelques mots suffisent à les rameuter. Ils pressent leurs corps invisibles contre le nôtre, impatients de se rendre utiles ».
A Gordes, Maryse Condé tombe sous le charme du Village des bories, hameau anciennement dit Les Cabanes, sur les pentes des Monts de Vaucluse. Elle commente cette singularité architecturale avec science et poésie. Une borie, de l'occitan bòria, signifie aujourd'hui une cabane de pierre sèche. Le mot désigne, à l'origine, une ferme, un domaine agricole. Les architectes sont des bergers, des paysans, des maçons, des gens du pays. La voute en encorbellement, sans coffrage, est la phase la plus délicate de l'assemblage. Les pierres son disposées horizontalement, légèrement penchées pour éviter les infiltrations d'eau. Chaque rangée est en surplomb par rapport à la rangée intérieure. Les pierres croisées sont solidaires les unes des autres. Le faitage de grosses dalles assure la stabilité de la voute. Au dix-huitième siècle, pendant la reconversion des terres sauvages, des forêts, des garrigues en champs cultivables, les bories sont des habitations saisonnières, liées aux travaux agricoles, pourvues de dépendances, bergerie, cuve à vin, fouloir, chevrière, four, grange, grenier, magnanerie, soue. Les fouilles ont exhumé des céramiques, des pièces de monnaies anciennes, des silex taillés, utilisés par les paysans comme couteaux, pierres à briquet, pierres à fusil. Les céréales alternent avec des oliviers, des amandiers, des mûriers. Une polyculture typiquement méditerranéenne comprenant également la vigne, le miel, la truffe, l'élevage du ver à soie. C'est Pierre Viala, poète, écrivain, qui redécouvre et sauvegarde les bories dans les années soixante. Aux commencements, avant le verbe, était la pierre.
J'extrais de ma bibliothèque deux livres de Maryse Condé, lus et relus, Ségou, en deux tomes, Les Murailles de terre et La Terre en miettes, la saga d'une famille aristocratique du Mali. Se décrivent le dépérissement des cultures animistes et polythéistes, du culte des ancêtres, des initiations magiques. L'âme africaine en déperdition. Implantation durable de la religion musulmane. Pénétration dévastatrice du colonialisme français. Esclavagisme. Ségou, capitale historique. Mes visites remontent à la mémoire. La mosquée sénégalaise de Ba Sounou Sacko. Le tombeau massif de Biton Mamary Coulibaly, fondateur de la dynastie bambara au dix-septième siècle. Inscription sur la stèle en français. Le monarque transforme un groupe de jeunes chasseurs en armée conquérante des deux rives du Niger, de Tombouctou à Djenné, de Djenné à Bamako. La légende raconte que Mamary Coulibaly, surprenant la fille de Faro, génie du fleuve, en train de voler des aubergines dans son champ, lui laisse la vie sauve. Pour le gratifier, Faro lui instille une goutte de son lait dans chaque oreille. Il peut ainsi entendre les complots qui se trament contre lui. Mamary Coulibaly a régné quarante-quatre ans.
L'ouvrage de Maryse Condé narre l'épopée de Dousika Traoré, de ses quatre fils, Thiékoro, Siga, Naba, Malobalide, de leurs descendants. Le patriarcat est cérémonial. Les femmes occupent une place centrale. S'évoque le retour d'esclaves d'Amérique latine, des Caraïbes, des Antilles sur leur terre ancestrale. Se rappellent les relations endémiques, organiques, avec la terre marocaine. A travers la destinée de la famille Traoré, c'est toute l'histoire du Sahel qui se décline, dans ses splendeurs et ses décadences, ses fatalismes et ses dissidences. La tribalité pratique naturellement la démocratie directe, l'interactivité, la transversalité, la consensualité, la palabre. « La parole est un fruit. Son écorce est le bavardage. Sa chair est l'éloquence. Son noyau est le bon sens ». S'insèrent dans la trame romanesque, des pertinences historiques, sociologiques, philosophiques. Au-delà des tribulations existentielles, demeurent l'énigme de la mort, le secret de la vie. Les pensées africaines ont résolu la question de la mort par un pacte avec les esprits, autorisés à revenir sur terre selon des rituels convenus. Les sorciers, les griots, les psychopompes sont maîtres du jeu. Le mystère n'est pas la mort. Le mystère, c'est la vie. « Qu'est-ce que la vie ? Est-ce une femme folle qui hurle et déchire ses haillons en les jetant au vent ? Est-ce un aveugle qui, dans la nuit de ses jours, culbute à chaque précipice et se rattrape aux ronces ? Dites-moi ce que c'est, la vie ? ». Toute l'histoire de l'humanité ramène à l'Afrique. Malheur aux exclus de ce retour. « Les esclaves croient qu'une fois morts, leur esprit se détache de leur corps et retourne à la source africaine. L'esprit s'élance de la cascade d'Acomat, traverse les mers et les océans jusqu'à ce que l'odeur d‘huile de palme et de poisson séché de la terre africaine le saisisse à la gorge. Mais moi, je ne reviendrai jamais à Ségou. Je ne franchirai jamais ses murailles de terre, rouges, friables, éternelles. Je n'arpenterai jamais le vestibule aux sept portes. Je n'entendrai jamais dire mon nom ». Les jeunes générations d'antillais, transplantés dans la métropole, ignorent leurs origines africaines. Ils se disent français et rien d'autre.
Maryse Condé rêve toute sa vie de l'indépendance de son île natale. Elle se réclame continuellement d'Aimé Césaire et de Frantz Fanon, du poète et de l'analyste de l'oppression, de l'aliénation, de la dépossession. Aimé Césaire mis en exergue par Frantz Fanon dans Peau noire, masques blancs. « Je parle de millions d'êtres infectés de peur, de complexe d'infériorité, de tremblement, d'agenouillement, de désespoir, de larbinisme » (Discours sur le colonialisme). Toute l'œuvre de Maryse Condé peut se résumer ainsi : « L'être humain n'est pas seulement possibilité de reprise, de négation. S'il est vrai que la conscience est activité de transcendance, nous devons savoir aussi que cette conscience est hantée par le problème de la compréhension. L'être vivant est un vibrant acquiescement aux harmonies cosmiques. Arraché, dispersé, confondu, condamné à voir se dissoudre, les unes après les autres, les vérités par lui élaborées » (Frantz Fanon).
Maryse Condé est une sorcière de la littérature, comme l'afro-américaine Toni Morrison. La sorcellerie s'entend ici au sens de médecine. Moi, Tituba sorcière noire de Salem, plonge en Amérique du Nord au dix-septième siècle. Tituba est une ancienne guérisseuse devenue esclave, accusée dans l'affaire des sorcières de Salem. La traduction anglaise est préfacée par Angela Davis, qui retient l'éloge de la révolte. En 1692, vingt-cinq personnes sont exécutées pour sorcelleries sur témoignages de fillettes prétendument possédées. Quelques années plus tard, l'erreur judiciaire est officiellement reconnue. L'épisode historique met en lumière un phénomène de panique collective toujours actuel, la quête obsessionnelle de sécurité, les dévastations de la rumeur, la perversité délationniste, la paranoïa persécutrice, la mentalité inquisitoire. Le fascisme prospère sur ce terreau-là . La magie est une arme de résistance. « Qu'est-ce qu'une sorcière ? La faculté de communiquer avec les invisibles, de garder un lien constant avec les disparus, de soigner, de guérir n'est-elle pas une grâce supérieure ? La sorcière ne doit-elle pas être révérée au lieu d'être crainte ? ». Tituba est en connexion permanente avec sa mère génétique et sa mère adoptive. Elle se nourrit des énergies insufflées par les présences invisibles. « Man Yaya m'a appris à écouter le vent, à mesurer ses forces au-dessus des cases qu'il s'apprête à broyer. Elle m'a appris la mer et la montagne. Tout vit. Tout est doué d'une âme, d'un souffle ».
Se réactivent les spiritualités animistes, chamaniques, magnétiques, initiatiques. Maryse Condé s'immerge dans les interrogations essentielles. Elle traite par la dérision le féminisme occidental, l'héroïsation du féminin. L'histoire peut se lire comme un conte fantastique, mais aussi comme une parodie. Un amant de Tituba l'appelle « ma sorcière bien-aimé ». La fille adoptive choisie depuis l'au-delà se nomme Samantha, comme le personnage de la série télévisée. Se critique le féminisme manichéiste français et sa revue Sorcières. La sorcellerie est incompatible avec le militantisme et le spectacle médiatique. « Un livre, on ne sait pas comment il va tourner. Au départ, on a une idée précise. Mais, au fur et mesure, l'histoire se charge d'une série de hantises. Quand on arrive à la fin de la rédaction, on est étonné par le résultat. Des obsessions, des hantises, des idées fixes, c'est ça la littérature finalement. Les questionnements reviennent sans cesse parce que l'écrivain ne trouve pas de réponse ». L'écriture tente de se défaire du pesant bagage, elle le reprend encore plus lourd.
Mustapha Saha
Sociologue
* Toutes les citations renvoient à Maryse Condé sauf mentions contraires.
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L’urgence d’un monde nouveau : Programme de la Gauche anticapitaliste pour les élections européennes de 2024

Nous publions ci-dessous le programme de la Gauche anticapitaliste pour les élections européennes de juin 2024.
Tiré de Gauche anticapitaliste
3 avril 2024
Par Gauche anticapitaliste
Cliquez ici pour le consulter et le télécharger au format PDF
Sommaire
– Introduction : l'Urgence d'un monde nouveau
– Écologie : en finir avec la destruction du vivant
– Internationalisme : vers une Europe solidaire des peuples
– Démocratie : pour des institutions sous contrôle de la population
– Féminisme, antiracisme, lutte LGBT+ : en finir avec les oppressions
– Finances publiques : prendre l'argent là où il est
– Services publics et biens communs : investir l'argent là où il est nécessaire
– Travail et emploi : le pouvoir aux travailleur·ses
INTRODUCTION. L'URGENCE D'UN MONDE NOUVEAU
Inutile de nous voiler la face : nous vivons dans un monde ravagé. Les sols, l'eau et l'air se font chaque jour un peu plus toxiques. Les violences racistes, sexistes et LGBTIphobes fracturent l'humanité. L'extrême droite gagne du terrain et tue, parfois en masse, comme en Ukraine ou en Palestine. Et pour l'immense majorité de la population mondiale, la souffrance au travail reste la norme, pour produire des richesses immenses qui finissent concentrées dans quelques mains.
Tous ces maux ont une même origine, qu'il faut savoir nommer sans trembler : le capitalisme. Devenu, en quelques siècles seulement, ultra-dominant à l'échelle de la planète, ce système mortifère a réuni les 99% de l'humanité au sein d'une communauté de destin : exploité·es par les mêmes ultra-riches, opprimé·es par les mêmes puissances impérialistes, menacé·es par un même cataclysme écologique, nous n'avons pas d'autre choix que de lutter main dans la main.
Et nous avons appris à le faire : l'immense mouvement de solidarité avec le peuple palestinien, qui a mis des millions de personnes dans la rue sur tous les continents, en est la preuve. Mais ce n'est là qu'une esquisse de ce qui sera nécessaire, pour arracher le pouvoir aux classes dominantes, et construire une société radicalement différente.
Section belge de la Quatrième internationale, vaste réseau de collectifs et partis révolutionnaires à travers le monde, la Gauche anticapitaliste n'est que l'une des nombreuses organisations qui travaillent à cet objectif. Années après années, nous avons appuyé tous les mouvements d'émancipation qui ont agité la Belgique : grèves féministes, actions écologistes, mobilisations contre les violences policières, grève des Delhaize… et bien entendu le mouvement de soutien à la Palestine. Et de chacune de ces luttes, nous avons tiré une expérience nouvelle, que nous mettrons au service des luttes futures.
Notre candidature aux élections européennes s'inscrit dans cette démarche : nous voulons porter la voix de ces combats là où l'on refuse de l'entendre. C'est ce que cherche à faire ce programme.
Il ne s'agit pas, à proprement parler, d'un programme électoral, que nous prétendrions appliquer tel quel. Aucun parti, d'ailleurs, ne peut affirmer cela sans mentir : les institutions belges et européennes étant ce qu'elles sont, toutes les promesses, quelles qu'elles soient, ne sont qu'une vitrine, qui sera in fine marchandée dans le grand jeu des coalitions. Mais au-delà de cela, même dans le scénario improbable où nous deviendrions majoritaires à tous les niveaux de pouvoir, reprendre le contrôle, partager les richesses et stopper le ravage écologique nécessitera un bras de fer impitoyable avec le pouvoir économique ; et dans ce bras de fer, l'État n'est pas de notre côté. Seuls les mouvements de masses, organisés en toute indépendance du capital et de ses institutions, peuvent relever ce défi : il n'y a aucune recette magique pour contourner cette nécessité, encore moins une recette électorale.
Ce programme a donc à la fois beaucoup moins et beaucoup plus de prétention que cela : c'est le programme pour lequel nous vous proposons de lutter, pendant la période électorale et après. C'est l'esquisse, le premier pas vers la société que nous proposons de construire.
Le cœur de sa logique, c'est la prise du pouvoir : si la classe dirigeante dirige, c'est parce qu'elle domine les institutions « politiques », mais aussi et surtout parce qu'elle est propriétaire de ce qui détermine vraiment nos vies – les entreprises, et les grands moyens de production. C'est la raison pour laquelle nous proposons la socialisation, c'est-à-dire la réquisition sous contrôle direct des travailleur·ses et des usager·es, de plusieurs secteurs clefs de l'économie : l'énergie, les banques et assurances, la grande distribution, l'industrie alimentaire, le logement, la santé, l'éducation, les transports. Une telle réquisition rend possible la redistribution des profits, la planification des transitions nécessaires (vers une production d'énergie décarbonée, vers une alimentation sans pesticides…), mais surtout la réorganisation du secteur autour des besoins réels, qui peuvent enfin être garantis, tandis que les productions inutiles et nuisibles mais rentables peuvent être abandonnées.
Cette économie des besoins est donc aussi une économie du prendre-soin, centrée sur ce qui est réellement nécessaire et dont il n'est plus acceptable que quiconque soit privé : un toit, une alimentation de qualité, un bon service de santé, un enseignement émancipateur, un accès à la culture, un air respirable… et du temps pour en profiter. Car une économie centrée sur les besoins réels, où l'on cesse de produire pour produire, c'est aussi une société où l'on travaille moins, et on l'on peut enfin libérer du temps pour notre vie familiale, sociale, politique, artistique, intellectuelle, sportive, ludique, érotique, spirituelle…
L'autre face de la médaille, la seconde clef de voûte de ce programme, c'est que ce pouvoir doit être arraché à ceux qui l'ont aujourd'hui. Ce qui suppose une lutte sans relâche, et une solidarité sans faille, contre toutes les structures de domination. Beaucoup de nos revendications vont donc dans ce sens : désarmer, au sens propre comme au sens figuré, l'État, la police, les puissances impérialistes, les institutions internationales du capital, le néocolonialisme, le patriarcat.
Reste la méthode. Pour satisfaire ces revendications, il faut des luttes, mais les luttes sont toujours plus que cela : elles sont aussi la parenthèse dans laquelle germent de nouvelles façons de s'organiser, de vivre ensemble, de penser la société future. D'où notre approche du mouvement social : combatif jusqu'au bout, mais aussi pluriel, respectueux des sensibilités diverses, et radicalement démocratique.
Le monde est beau. Il vaut la peine qu'on se batte pour lui. Mais cela ne se fera pas par des raccourcis, par des tours de passe-passe électoraux ou par quelques actions astucieuses menées par des activistes talentueux·ses. Il faudra s'organiser et se battre tou·tes ensemble, et mieux vaut commencer dès maintenant. Rejoignez-nous !
1. ÉCOLOGIE : EN FINIR AVEC LA DESTRUCTION DU VIVANT
. Travailler moins, produire moins, partager plus : 30h/semaine, 6 semaines de congé payé, retraite à 60 ans, sans perte de salaire et avec embauche compensatoire
. Arrêter tous les nouveaux projets polluants, inutiles et nuisibles : nouvelles infrastructures fossiles, nouveaux aéroports, nouvelles autoroutes, nouvelles prisons et centres fermés
. Réquisitionner toutes les entreprises ultra-polluantes, sans indemnité ni rachat
. Planifier la décroissance ou la suppression des industries inutiles et nocives : publicité, armes, luxe… L'emploi sera garanti par la réduction drastique du temps de travail, et par des plans de conversion collectifs dans des activités socialement et écologiquement utiles, dirigés par les travailleur·ses, sans perte de revenu.
. Socialisation de la grande distribution
. Abolition de la pêche et de l'élevage industriels
. Interdiction planifiée de la production, l'utilisation, l'importation et l'exportation des substances de synthèse nocives pour la santé ou l'environnement (PFAS, PFOS, glyphosate, à long terme tous les pesticides de synthèse et les perturbateurs endocriniens, etc.). Les propriétaires des entreprises productrices devront payer la facture de la dépollution.
. Moratoire sur toutes les nouvelles substances de synthèse, tant qu'il n'y a pas une transparence et un contrôle de celles-ci par les pouvoirs publics, les habitant·es, les scientifiques et les travailleur·ses
. Plan massif d'investissement dans un grand service public européen du transport de personnes et de marchandises par train et des transports en commun locaux, gratuit, de qualité et de proximité ; suppression des trajets en avion de moins de 1000 km, des jets privés et de la logistique “just in time”
. Plan public de dé-bétonisation, de végétalisation des espaces urbains, de restauration des écosystèmes et de protection de la biodiversité
. Socialisation du secteur de l'énergie, ainsi que des banques et assurances, sans indemnité ni rachat sauf pour les petit·es porteur·ses, pour une sortie planifiée des énergies fossiles et nucléaire, sous contrôle direct des travailleur·ses et des usager·es
. Création de coopératives locales pour promouvoir la production décentralisée d'énergie renouvelable dans les quartiers
. Construction d'un service public de rénovation et d'isolation de toutes les habitations, sous contrôle démocratique direct
. Remplacer la Politique Agricole Commune (PAC), qui soutient l'agrobusiness, par un plan massif d'aide à l'agro-écologie paysanne locale, libérée des pressions du marché ; mettre en place une sécurité sociale de l'alimentation, pour permettre à tout·es l'accès aux produits issus de cette agriculture paysanne
2. INTERNATIONALISME : VERS UNE EUROPE SOLIDAIRE DES PEUPLES
. Rompre avec le FMI, la Banque mondiale, l'OMC et toutes les institutions du capital international
. Désobéissance immédiate au pacte budgétaire européen et aux dispositions néolibérales des traités européens actuels, et rétablissement du contrôle démocratique de la politique monétaire de la Belgique, afin de financer les nécessaires investissements publics notamment dans la transition écologique, la santé, l'éducation et le logement
. L'OTAN hors de la Belgique, la Belgique hors de l'OTAN : mettre fin au stockage des armes nucléaires à Kleine Brogel et fermer le siège de l'OTAN, s'engager dans un désarmement mondial en entamant une baisse immédiate des dépenses et budgets militaires
. Désarmer et isoler Israël, stopper les relations commerciales et diplomatiques avec le régime colonial et d'apartheid, imposer un cessez-le-feu immédiat et la fin du blocus de Gaza, la fin de l'occupation en Cisjordanie et à Jérusalem-est, le droit au retour des Palestinien·nes, la libération des prisonnier·es palestinien·nes, et des droits égaux pour tou·tes les habitant·es de la Palestine historique
. Annuler la dette de l'Ukraine, prendre des sanctions effectives et ciblées contre le régime impérialiste de Poutine, et sa politique coloniale d'épuration ethnique et de répression brutale du peuple ukrainien, imposer le retrait des troupes russes et la réparation des crimes commis
. Interdiction de la production et du commerce d'armes à des fins d'occupation, de répression et de domination impérialiste
. Traduction devant les tribunaux internationaux de tous les criminels de guerre
. Annulation de la dette de tous les pays sous domination impérialiste
. Abrogation des traités néocoloniaux (« accords de partenariat économique » ou « de libre-échange ») qui organisent le pillage perpétuel des pays dominés. Refus des nouveaux accords de libre-échange, notamment avec le Mercosur.
. Régularisation de toutes les personnes sans-papiers, garantie effective du droit d'asile et du droit à l'accueil
. Ouverture des frontières, liberté de circulation et d'installation pour tou·tes, abrogation de Dublin III, révision de la Convention de Genève pour qu'elle puisse enfin s'appliquer aux femmes et aux personnes LGTBTQI+, abolition de Frontex et des systèmes de chasse aux migrant.es, abolition des « hot spots », démantèlement des centres fermés et fin des expulsions
. Réparation des crimes coloniaux de la Belgique et des autres ex-puissances coloniales : restitution des biens spoliés, indemnisation financière, décolonisation des livres scolaires, des statues, des musées et du folklore
. Refus des mécanismes de compensation (carbone et biodiversité) et abolition des brevets sur la recherche pour les technologies d'utilité publique (énergie, médical, etc.) pour permettre aux peuples du Sud d'accéder librement aux technologies dont ils ont besoin
. Démantèlement des arsenaux nucléaires, bactériologiques et chimiques
. Pour un internationalisme par en bas : soutien aux luttes populaires, démocratiques et d'émancipation à travers le monde, quels que soient les dirigeants des États. Cela passe par la construction de coordinations internationales, pour mener des campagnes communes telles que la campagne de boycott, désinvestissement et sanctions menée aujourd'hui contre le régime d'apartheid israélien.
3. DÉMOCRATIE : POUR DES INSTITUTIONS SOUS CONTRÔLE DE LA POPULATION
. Mandats des élu·es révocables à tout moment à tous les niveaux de pouvoir, interdiction du cumul des mandats rémunérés, et limitation du nombre de mandats consécutifs à deux
. Empêcher l'enrichissement des parlementaires et des responsables exécutifs : salaire aligné sur celui des travailleur·ses qualifié·es, soit 3800€ brut
. Droit de vote et d'éligibilité à tous les niveaux de pouvoir pour toutes les personnes de plus de 16 ans habitant depuis un an en Belgique, quelle que soit leur nationalité.
. Droit de grève intégral : abolition des lois de service minimum, fin du délit d'« entrave méchante à la circulation », interdiction du recours à l'usage d'huissiers dans le cadre des mouvements sociaux et fin des lois répressives (loi Van Quickenborne et ses avatars)
. Fin de toutes les poursuites contre les militant·es, syndicalistes, activistes et lanceur·ses d'alerte attaqué·es pour des actions défendant les droits des personnes ou de l'environnement
. Non à la justice de classe : fin immédiate de la transaction pénale pour les riches, gratuité de toutes les procédures judiciaires, mise en œuvre d'une justice transformatrice et réparatrice, en vue de l'abolition du système carcéral
. Fermeture immédiate des annexes psychiatriques de prison et transfert de tous les interné·es vers des structures de soin appropriées
. Fin de la diplomatie secrète
. Interdiction de la concentration privée des médias et réorientation des aides à la presse vers un service mutualisé de production, administration et distribution
. Pour une politique qui favorise l'auto-organisation populaire, le contrôle et la participation des classes populaires : droit de veto des collectifs d'habitant·es sur les projets d'aménagement du territoire, des travailleur·ses et des syndicats sur les décisions d'investissement des entreprises…
. Pour une Europe écosocialiste et radicalement démocratique : convoquer une assemblée constituante pour redéfinir le projet et les institutions européennes
4. FÉMINISME, ANTIRACISME, LUTTE LGBTI+ : EN FINIR AVEC TOUTES LES OPPRESSIONS
. Accès 100% sûr, libre et gratuit à l'avortement dans la loi et dans les faits, par le refinancement des centres de planning familial, leur développement sur tout le territoire, l'accès au matériel nécessaire, la formation des médecins et la libéralisation des conditions d'accès : sortie du code pénal, suppression du délai de réflexion et accès jusqu'à 24 semaines de grossesse
. Accès gratuit à tous les types de contraception, indépendamment de l'âge et du genre
. Mettre en commun les tâches domestiques, notamment par l'extension et le renforcement des services publics de proximité (enseignement, santé, petite enfance, nettoyage…) ; crèches gratuites pour tous les enfants avec embauche du personnel nécessaire ; faire des titres-services un véritable service public avec des conditions de travail, du matériel et des horaires adaptés aux besoins des travailleur·ses et des usager·es
. Plan d'action élaboré démocratiquement, appuyé sur un financement massif, contre les violences faites aux femmes et aux personnes LGBTI+ ; lutte contre les violences fondée sur la prévention et la prise en charge plutôt que sur la répression
. Remboursement du processus de transition de genre par la Sécurité sociale
. Interdiction des mutilations sur les enfants intersexes
. Réduction collective du temps de travail pour permettre une répartition égalitaire du travail domestique, des temps de loisir et de la participation à la vie sociale et politique
. Revalorisation salariale et aménagement de carrière dans les travaux féminisés pénibles : nettoyage, santé, grande distribution, aide à la personne…
. Individualisation des droits sociaux et suppression du statut de cohabitant·e sans perte de revenu
. Suppression de toutes les restrictions aux crédits-temps et pauses carrières, avec assimilation complète pour les autres droits
. Plan d'action élaboré démocratiquement, appuyé sur un financement massif, contre le racisme et les violences faites aux racisé·es ; utilisation d'une définition claire du racisme, qui en englobe toutes les formes (antisémitisme, islamophobie, négrophobie, romaphobie, migrantophobie, …)
. Ratifier toutes les conventions internationales allant dans le sens d'une lutte contre le racisme, et que la Belgique n'a pas encore signées : Convention des Nations Unies de 1990, protocole n°12 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme… Examiner et intégrer les recommandations issues de la Commission du Dialogue interculturel (2004) et des Assises de l'interculturalité (2010).
. Réintroduire le droit du sol (de résidence) et permettre l'acquisition de la nationalité par une simple procédure administrative gratuite à partir de 3 ans de séjour effectif
. Abrogation des lois sur la déchéance de nationalité et des lois « antiterroristes »
. Fin des discriminations aux études, à l'emploi, au logement et aux loisirs. Tenir compte de critères de nationalité et d'ascendance, à travers de statistiques anonymes, mesurant le taux de discriminations, ainsi que la mise en place des arrêtés royaux permettant des tests de situation proactifs, prouvant également ces discriminations, assortis de sanctions.
. Liberté pour les femmes de s'habiller comme elles le souhaitent, sans discriminations à l'emploi, aux études ou au logement. Interdiction des règlements et des pratiques d'exclusion envers les filles et les femmes portant le foulard.
. Désarmement et définancement de la police, dans la perspective de son abolition future, en faveur d'une protection et sécurité organisées par la collectivité. Les fonds récupérés seront réorientés vers les besoins sociaux, notamment dans les quartiers populaires.
. Formation de comités de contrôle démocratique de la police, indépendants, élus et révocables
. Front uni des travailleur·ses, des gauches et des mouvements sociaux contre l'extrême-droite, dans tous les pays et sur tous les continents : maintien strict du cordon sanitaire, interdiction de tous les événements publics faisant la promotion des idées de l'extrême-droite
5. FINANCES PUBLIQUES : PRENDRE L'ARGENT LÀ OÙ IL EST
. Impôt substantiel, progressif et exceptionnel sur la fortune des 10% les plus riches, (de 1,5% du patrimoine à l'entrée de la tranche, à 18% pour le 1% le plus riche, avec une exonération des premiers 700 000 euros sur le logement principal), ce qui permettrait de rapporter 20% du PIB en une fois. Création d'un cadastre des patrimoines.
. Globaliser les revenus et rétablir une vraie progressivité de l'impôt des personnes physiques : soumettre les revenus du capital et de l'immobilier au même impôt progressif que les salaires, accorder une exonération fiscale plus élevée aux revenus les plus bas, ajouter des tranches d'imposition et augmenter les taux d'imposition des hauts revenus ; s'attaquer à tout ce qui permet l'optimisation fiscale (avantages en nature, chèques-repas, voitures de société, stock-options, etc..)
. Diminuer la dégressivité des taxes à la consommation : réduction des taux de TVA sur les produits de base, augmentation des taux de TVA sur les produits de luxe
. Socialisation des banques et assurances, sans indemnité ni rachat (seuls les petits actionnaires seront indemnisés), création d'un service public de l'épargne, du crédit et de l'investissement, doublement structuré, avec d'une part un réseau de petites implantations proches des citoyens, et d'autre part, des organismes spécialisés en charge des activités de gestion de fonds et de financement d'investissements
. Suppression du secret bancaire, du secret des affaires et des dispositions fiscales et financières qui font de la Belgique un paradis fiscal pour les grosses fortunes et sociétés
. Contrôle public et démocratique des flux de capitaux pour éviter les fuites de capitaux et lutter contre le blanchiment de l'argent. Instauration d'une taxe sur les transactions financières, ou Taxe « Robin des bois » qui permettrait de lever des fonds substantiels (à l'échelle mondiale, un taux d'à peine 0,05% suffirait à dégager 500 milliards d'euros) et de freiner les spéculations plus dangereuses.
. Hausse du taux d'imposition des bénéfices des sociétés à 50% et suppression des niches fiscales et possibilités de montages fiscaux
. Retour à un taux de cotisations patronales structurel de 33% et annulation de toutes les dispositions permettant des réductions, qui coûtent près de 18 milliards d'euros par an à la Sécurité sociale.
. Mettre en place une caisse de solidarité permettant aux petites entreprises, au cas par cas, de maintenir leurs emplois ; moratoire sur les dettes de crise des petit·es indépendant·es
. Imposer les firmes multinationales comme une seule entité, pour empêcher les montages fiscaux
. Non-paiement de la dette publique : moratoire puis audit citoyen de toutes les dettes publiques en Europe, pour annuler définitivement les dettes illégitimes, et suspendre les dettes non-viables
. De vrais moyens pour lutter contre la fraude (30 milliards d'euros par an) et l'évasion fiscales (plus de 380 milliards d'euros se trouvent dans les paradis fiscaux) : embauches massives dans l'inspection sociale et fiscale
6. SERVICES PUBLICS ET BIEN COMMUNS : INVESTIR L'ARGENT LÀ OÙ IL EST NÉCESSAIRE
. Création d'une sécurité sociale de l'alimentation, garantissant l'accès à une alimentation saine, accessible, respectueuse de l'environnement et des paysan·nes
. Droit inconditionnel au logement, par la création d'une sécurité sociale du logement : baisse immédiate et encadrement des loyers, fin des expulsions, réquisition des bâtiments et immeubles vides, rénovation du parc social vétuste, et construction complémentaire de logements sociaux en fonction des besoins
. Contrôle démocratique des prix sur les biens et services de première nécessité, extension de la gratuité pour la consommation de base en eau et en énergie
. Sécurité sociale inconditionnelle à l'échelle de l'Europe, pour en finir avec la chasse aux chômeur·ses et aux malades et renforcer les solidarités à l'échelle européenne : annulation de toutes les mesures de dégressivité, de sanctions et d'exclusion des allocations sociales
. Pension à 60 ans et pré-retraite à 55 ans pour tou·tes en Europe. Relever toutes les allocations (pensions, chômages ou autre) à 75 % du plus haut salaire (plafonné à 50% au-dessus du salaire médian) et pour les allocations sociales minimales, les relever à 10 % au-dessus du seuil de pauvreté
. Arrêt de la libéralisation et retour au 100% public des télécommunications, de la Poste, des transports publics, de l'énergie, de l'eau, de la gestion des déchets
. Refinancement massif et socialisation des soins, de l'enseignement, avec une prise en main par les travailleur·ses et les usager·es (patient·es, familles, élèves). Gratuité et démarchandisation des soins (incluant les médicaments) et de l'enseignement supérieur.
. Transformation du secteur de la santé, recentré autour de la première ligne : réseau de médecins de famille, de maisons médicales, de plannings familiaux et de centres de santé mentale, ainsi que les maisons de repos et les soins à domicile
. Instaurer au moins une maison médicale (avec tarification au forfait) dans chaque quartier ou village
. Socialisation du secteur pharmaceutique : propriété publique et contrôle démocratique par la communauté scientifique, les soignant·es, les travailleur·ses de la production, et les usager·es des médicaments
. Faire des grandes entreprises du numérique (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft, Uber etc.) un bien public mondial sous contrôle démocratique des citoyen·nes et travailleur·ses
7. TRAVAIL ET EMPLOI : LE POUVOIR AUX TRAVAILLEUR·SES
. Réduction du temps de travail : 30h/semaine en quatre jours, 6 semaines de congé payé, retraite à 60 ans, sans perte de salaire et avec embauche compensatoire
. Mettre un terme au chantage du chômage : faire de l'État l' « employeur de dernier ressort », offrant à toute personne le désirant un emploi public, rémunéré au salaire médian, dans les secteurs démocratiquement définis comme utiles
. Interdiction des licenciements dans les entreprises et groupes qui font des bénéfices, y compris les bénéfices dissimulés par l'ingénierie financière
. Réquisition des machines et locaux des entreprises qui ferment afin de décider démocratiquement de leur utilisation et de maintenir l'emploi
. Salaire minimum européen à 75% de chaque revenu médian national, soit 2625€ bruts par mois pour la Belgique
. La suppression des “lois de sauvegarde de la compétitivité” de 1996 et 2017 qui empêchent de négocier et d'obtenir collectivement des augmentations salariales brutes suffisantes ; retour à l'indexation intégrale mensuelle (avec suppression de l'indice santé-lissé)
. Fin du travail détaché : les travailleur·ses qui vont dans un autre pays ont droit au même salaire et conditions de travail que les résident·es.
. Suppression de tous les contrats précaires : travail étudiant, stages non rémunérés, flexi-jobs, interim, travail uberisé… Le CDI doit redevenir la norme.
. Mise en place d'un salaire étudiant fixé à 75% du revenu médian, soit 2625€ bruts, permettant aux étudiant·es de se consacrer à leurs études sans y ajouter un travail
. Relocalisation de la production planifiée démocratiquement par des investissements publics, la réquisition des entreprises qui délocalisent, la reconversion et la formation des travailleur·ses et des critères sociaux et écologiques pour les produits importés et exportés
. Abolir les avantages en nature tels que les voitures de fonction, avantages liés au résultat, chèques, etc., et les remplacer par des vraies hausses de salaire brut (y compris donc une contribution à la sécurité sociale)
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Alexandra Kollontaï, une femme libre

SOURCE : https://www.fabula.org/actualites/questions-societe/
Personnage clé de la révolution de 1917, figure pionnière du féminisme socialiste, première femme ambassadrice au monde : la trajectoire d'Alexandra Kollontaï a de quoi fasciner.
Promptement refoulée par la contre-révolution sexuelle qui s'est abattue sur l'Union soviétique dès les années 1920, brièvement redécouverte au lendemain de Mai 68 avant de retomber dans l'oubli, l'œuvre de Kollontaï fait l'objet depuis quelques années d'un puissant regain d'intérêt dans le sillage du renouveau féministe.
Sous le titre/Kollontaï. Défaire la famille, refaire l'amour/(La Fabrique), Olga Bronnikova et Matthieu Renault donnent une biographie intellectuelle qui montre combien, pour Kollontaï, l'émancipation des femmes a pour condition fondamentale l'abolition de la famille et des rapports de propriété (physiques et psychiques) sur lesquels elle se fonde <https://www.fabula.org/actualites/1...>
.
Ce programme se décline en une réinvention radicale de l'amour et des sexualités et avec la communalisation des tâches reproductives, à commencer par la maternité. Dans l'un et l'autre cas c'est la/camaraderie/, comme affect communiste par excellence, qui doit prévaloir. Fabula vous invite àlire un extrait de l'ouvrage…
<https://lafabrique.fr/wp-content/up...>
Les éditions Fayard redonnent à lire de leur côtél'/Autobiographie d'une femme sexuellement émancipée/d'Alexandra Kollontaï, présentée par Hélène Carrère d'Encausse <https://www.fabula.org/actualites/1...> ;
Fabula vous propose de feuilleter également ce livre…
<https://www.liseuse-hachette.fr/?ea...>
Rappelons latraduction en 2022 aux éditions Les Prouesses de/L'Amour libre/, recueil de nouvelles conçues comme sont autant de portraits de ces "femmes nouvelles", que l'écrivaine révolutionnaire et féministe appelait de ses vœux
<https://www.fabula.org/actualites/1...>
.
*Une suggestion de lectures de André Cloutier, Montréal, le 1er avril 2024. *
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Jardiner dans les ruines - Quels potagers dans un monde toxique ? | Livre à paraître le 17 avril

Médicaments, plastiques, hydrocarbures, pesticides : comment jardiner dans les ruines toxiques du monde industriel ? À la fois guide pratique et essai sur les pollutions, ce livre invite à défendre le vivant... en commençant
par son jardin.
L'essai *Jardiner dans les ruines - Quels potagers dans un monde toxique ?*, de la jardinière et essayiste française Bertille Darragon, va paraître *en librairie le 17 avril prochain*.
*En bref : *Quelles pollutions se retrouvent dans nos jardins ? Quelles pratiques de jardinage adopter dans les ruines délétères du monde industriel ? Quels aménagements, quelles plantations privilégier pour tenir
compte de la dégradation des écosystèmes et en limiter l'aggravation ? S'il existe une abondance de guides de jardinage, voici un des très rares ouvrages à porter sur les dangers des polluants.
*À propos du livre*
Lorsqu'il est question des changements climatiques, l'enjeu de la pollution semble parfois évoqué à la va-vite, au singulier, sans plus d'information. Or il importe de s'y attarder. Poussière due à l'usure des pneus en ville,
microplastiques dans le cycle de l'eau, pesticides dans les champs : nous vivons littéralement dans une soupe de contaminants. Nos jardins, qui nous offrent bien souvent une sorte de refuge, ne sont malheureusement pas des
oasis coupées du monde. Que ce soit par les airs, les eaux ou le sol, ils subissent les assauts toxiques de nos modes de vie industriels, qui ont introduit dans l'environnement plus de 350 000 « entités nouvelles » issues
de la chimie, du « génie » génétique ou de l'extraction.
Utilisant le jardin comme baromètre de la toxicité du monde industriel et ancrage pour renouer avec le vivant et la communauté, *Jardiner dans les ruines* est à la fois un essai sur les principaux contaminants de nos
potagers et un manuel pour composer avec cet héritage toxique. Il expose les enjeux écologiques posés par chaque grande famille de contaminants (ozone, dépôts acides, métaux lourds, HAP, pesticides, OGM, plastiques,
nanomatériaux, médicaments, radionucléides) et nous indique comment limiter les dégâts sur nos plantes légumières.
Quelles pratiques de jardinage adopter dans les ruines délétères du monde industriel ? Quels aménagements, quelles plantations privilégier pour tenir compte de la dégradation des écosystèmes et en limiter l'aggravation ?
Comment considérer l'ensemble des êtres vivants qui élisent domicile dans nos jardins ? Telle une voisine de parcelle puisant dans son expérience de terrain, Bertille Darragon fournit une mine d'informations qui nous invite
ultimement à l'action collective et politique. Plus qu'un simple traité de jardinage, *Jardiner dans les ruines* offre un remède à la résignation que peut provoquer l'angoisse de l'effondrement écologique et fait écho au
travail de la philosophe Isabelle Stengers, pour qui il importe de chercher des lieux où la vie, obstinée, repousse.
S'il existe une abondance de guides de jardinage, voici un des très rares ouvrages à porter sur les dangers des polluants. Un livre appelé à devenir une référence pour composer avec les assauts du monde industriel.
*À propos de l'autrice*
Bertille Darragon pratique le jardinage et le maraîchage en moyenne montagne (Trièves, en Isère). Animatrice en botanique, elle est impliquée dans son quotidien et sa communauté contre les politiques et les pratiques
qui accélèrent la catastrophe climatique. *Jardiner dans les ruines* est son premier essai.
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Un jeu d’évasion (fiscale)

L'Alerte, premier roman de Brigitte Alepin, risque d'intéresser beaucoup de gens à la question de l'évasion et de l'évitement fiscal. La prémisse de cette histoire ? En 2035, un gouvernement nationaliste a réalisé l'indépendance du Québec en établissant un régime de paradis fiscal au passage.
Tiré de Ma CSQ cette semaine.
Qui dit paradis fiscal dit nécessairement manque à gagner pour l'État et, inévitablement, dit compressions budgétaires. Dans cette fiction, l'austérité se répercute en des choix moralement douteux qui ébranleront notre personnage principal, architecte de l'ombre du plan d'indépendance, qui deviendra lanceuse d'alerte.
À travers ce récit original qui n'étourdira pas trop le lectorat attentif à l'actualité, l'autrice nous emmène dans les dédales des stratagèmes obscurs d'évasion fiscale des riches et puissants.
En entrevue avec Ma CSQ cette semaine, Brigitte Alepin confiera que, « contrairement à mes autres ouvrages où la rigueur était de mise, L'Alerte m'a permis d'enfin raconter toutes sortes de situations dont j'avais connaissance, mais qui ne trouvaient pas de place dans une analyse plus scientifique ».
Sortir de la bulle de filtre
« Les convaincus sont déjà au courant de cette réalité, je n'ai pas besoin de leur en faire la démonstration. Par contre, si je peux intéresser des gens à la question de l'évasion fiscale et les sensibiliser à l'enjeu à travers la fiction, ce sera mission accomplie », explique l'autrice.
Se défaisant des codes propres à l'essai, celle que l'on connait plus comme comptable souhaite montrer de façon plus claire les ramifications et les impacts bien réels de l'injustice fiscale.
Le défi de la fiction
« J'ai déjà beaucoup écrit, mais la fiction, c'est une autre paire de manches !, explique Brigitte Alepin. J'ai énormément de faits, mais il faut construire une histoire autour, il faut que ça contribue à la trame narrative sans alourdir le récit. »
« Ce que j'ai appris de cette expérience, c'est comment structurer ma pensée pour bien parler de sujets complexes à une grande variété de gens pour les pousser à l'action. »
Une indignation qui tarde
Interrogée à savoir si elle avait encore l'espoir d'une société où règnerait une plus grande justice fiscale, l'autrice de Ces riches qui ne paient pas d'impôts répond par l'affirmative.
« Entre le moment où j'ai commencé à parler d'injustice fiscale et aujourd'hui, le progrès est incroyable ! On a quand même une législation autour du secret bancaire, et l'idée d'un impôt minimum mondial fait du chemin. Ça aurait été impensable il y a quelques années ! »
Il reste tout de même plusieurs chantiers à mener à terme : l'impôt des milliardaires, les écarts de richesse, l'enrichissement des grandes fortunes par rapport au reste de la population et les « fausses charités ».
« Je ne comprends pas pourquoi les gens ne sont pas plus fâchés, se désole Brigitte Alepin. Au Canada, les avoirs des fondations représentent quand même 150 milliards de dollars. Là-dedans, il y a beaucoup de fondations privées non charitables qui ne remettent pas d'argent dans la société », explique-t-elle.
L'État dans l'État
Ces fondations sont devenues le nouveau cheval de bataille de Brigitte Alepin. « C'est incroyable comment ces fondations sont devenues un outil d'épargne pour les plus nantis. Et avec les congés d'impôts que cela permet, les travailleuses et les travailleurs financent ce système à même leurs impôts. »
« Ces fondations ont un pouvoir d'influence énorme sur les politiques publiques, explique la fiscaliste. Elles sont devenues un État dans l'État. »
Pour une véritable justice fiscale
Contrer les écarts de richesse, lutter contre les paradis fiscaux, surveiller les fondations, ce sont là de gros chantiers, mais nous devons nous y attaquer, nous dit Brigitte Alepin.
« Les travailleuses et les travailleurs ont beaucoup plus de pouvoir qu'ils ne le pensent. Quand on informe les gens et qu'on demande du changement collectivement, par la mobilisation ou à travers les syndicats, c'est possible de faire de grandes choses. »
Pour ne pas que le scénario de L'Alerte ne devienne réalité, il ne nous reste qu'à demeurer éveillés et mobilisés !
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Israël/Palestine, les répliques en France : un e-book gratuit

Six mois après les attaques meurtrières du 7 octobre, le Club propose ce livre numérique avec une sélection de billets marquants publiés dans notre agora. Témoignages, analyses, tribunes, ce florilège propose des textes singuliers pour « que d'une façon ou d'une autre soit entendue la voix de l'autre ».
Tiré du blogue de l'autrice.
Depuis le 7 octobre 2023, un non-débat domine la scène médiatique française. De l'autocensure flotte dans l'air, quand ce ne sont pas des menaces bien plus réelles et violentes. Très vite, chacun·e a été renvoyé·e dans son « camp », sa « communauté », sa religion, sa couleur de peau... La peur, l'incompréhension, la colère, la haine aussi, sans aucun doute, sont les émotions qui nous ont cloué·es sur place (cloué le bec aussi !), et souvent nous ont fait préférer le familier, quand ce n'est pas l'entre-soi. Alors que les massacres s'enchaînent à Gaza depuis les attaques meurtrières du Hamas en Israël, ici, en France, c'est l'autre qui disparaît peu à peu.
Le Club, l'espace de contributions extérieures de Mediapart, n'a pas échappé à cette glaciation mentale. Alors que les grandes crises provoquent en général une envie de témoigner, d'exprimer son désarroi, de comprendre, après le 7 octobre, les contributions se sont faites rares. Puis timidement, telle une pluie fine, elles ont commencé à arriver, quelque peu essoufflées et graves, mais toujours singulières et éclairantes. Et une fois mises à la une, elles ont lancé le signal à d'autres, et les textes, écrits par une personne seule ou en collectif, sont arrivés en nombre.
Rien de ce qui est humain ne nous est étranger
Avec l'équipe du Club, Livia Garrigue, Guillaume Chaudet Foglia et, plus tard, Sarah Bosquet, nous avons alors pris plusieurs décisions pour filtrer et chercher des contributions :
a) Tout d'abord, nous assurer de donner une place à toutes et à tous, le plus possible, quelle que soit l'identité affirmée ou seulement induite par les noms. Et puis, multiplier les lieux d'ancrage, les âges et les couleurs politiques. Une attention particulière a été donnée aux voix palestiniennes, si peu entendues dans les médias français ;
b) « … Rien de ce qui est humain ne m'est étranger », disait Térence, l'ancien esclave carthaginois devenu poète à Rome. Notre filtre avait aussi un maître mot : l'humanisme. Des témoignages, des analyses, des tribunes… tout pouvait bénéficier de visibilité, si cela permettait de comprendre – un peu ! – ce qui nous arrivait. Tout ? oui, sauf la haine, le mensonge et la propagande.
Le florilège que nous proposons dans cet e-book n'est qu'une partie de ce qui a été publié dans le Club et mis en avant à la une de Mediapart. Outre la qualité de l'écriture et des propos tenus, c'est la marque du souci de l'autre qui a présidé à notre sélection. Ces textes sont adressés. Ils tentent de se faire entendre par l'autre rivage. Et parfois y parviennent ! Car même si certains débats ont créé remous et crispations dans notre agora – comment y échapper ? –, nous n'avons jamais perdu l'espoir de les faire exister. Que d'une façon ou d'une autre soit entendue la voix de l'autre.
Plusieurs thèmes, plusieurs tons...
Dans ce recueil comprenant 21 textes déjà publiés dans le Club, entre le 14 octobre 2023 et le 18 mars 2024, une grande variété de thèmes sont abordés. Certains textes ont suscité des débats bien au-delà du Club, à l'instar de la « déclaration » de Judith Butler, la philosophe et professeure à l'université Berkeley, après son intervention à Pantin.
« Anti-israélien ? », par l'historien Thomas Vescovi, « antisémitisme ? », par le collectif juif décolonial Tsedek, invisibilisation des voix palestiniennes par l'écrivain Karim Kattan, interpellations féministes, biais médiatiques, plusieurs textes traitent frontalement des sujets polémiques qui ont scandé l'actualité depuis six mois.
Ces textes essentiels ne sont pas pour autant la seule tonalité de ce livre numérique. Tout aussi remarquable, ce florilège comporte trois témoignages en direct de Gaza : celui d'un père de famille, du metteur en scène Hossam al-Madhoun, et d'Ahmed Q, un étudiant francophone. Ils décrivent avec des mots aussi puissants que déchirants la monstruosité de cette guerre qui s'abat sur eux.
Tout aussi sensibles, deux contributions écrites à la première personne s'interrogent sur leur judéité. Naruna Kaplan de Macedo s'interroge sur ce qu'elle va transmettre à ses fils, Valentine Fell se demande ce que son grand-père, « un rescapé de la Shoah » aurait dit de Gaza.
Enfin, nous avons aussi sélectionné deux analyses géopolitiques, une de Hassina Mechaï, l'autre de Ziad Majed, qui permettent de mettre en lumière les impensés de cette guerre : le rôle du « monde occidental ». Et un texte sur les pièges annoncés d'une « fausse paix », par Muzna Shihabi, ancienne conseillère de l'OLP.
Last, but not least, deux textes proposent de faire un pas de côté (Jewish Currents aux EU et une tribune sur le maccarthysme à l'université de Jérusalem). Et deux autres pointent spécifiquement les répliques politiques en France, entre « retour du bâton » antiféministe et régression de la liberté d'expression.
Car la guerre là-bas, on le sait bien, ne nous laissera pas indemnes « ici ».
... Et quelques coulisses :
Pour certains textes, nous vous proposons des coulisses qui racontent comment ils sont arrivés dans le Club, car si la plupart de nos abonné·es publient sans connaître aucune personne de l'équipe de Mediapart, il arrive que les contributions transitent par l'un·e ou l'autre d'entre nous. Après une interview, une enquête, un reportage…
Le Club est l'espace de nos abonné·es, il est aussi fait de nos liens avec elles et eux.
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Soyez réalistes, demandez un loyer au mètre carré !
Louis Horvath est poète, artiste fractal, informaticien, socialiste et anar de salon.
Je me suis scandalisé à plus d'une reprise à propos des loyers, accompagné de ma tendre moitié ou de mes amis proches. Mais vient un temps où il n'est plus possible de garder tout ça en privé. Il faut oser quelque chose, quitte à se faire rabrouer par ceux et celles qui profitent de la situation ou ne peuvent pas s'imaginer un monde meilleur. Je m'apprête donc à confronter avec vous ceux et celles pour qui, à les entendre, louer des appartements est un geste « désintéressé et noble » ou un des mécanismes intouchables de notre économie.
Pour l'historique, j'ai vécu en appartement une partie de mon enfance. Mes parents étant de moyens très modestes, j'ai vu plus d'un bloc appartement où la pauvreté était au menu, quand il y en avait un. Pendant longtemps, cette pauvreté m'a semblé tout à fait normale, mais ce ne l'était pas. Être pauvre, c'est une taxe en soi. J'ai aussi rencontré de nombreuses personnes prêtes à embarquer dans la valse de la propriété privée. Elles ont vite trébuché dans le filet du marché locatif à cause du prix démesuré des maisons ; le problème ne date pas d'hier, c'est clair ! J'en ai d'ailleurs conclu que la contrainte du prix des loyers et des maisons est artificielle et mercantile. Se loger est une obligation et une occasion en or de forcer la population à très littéralement payer sa vie. Il y a de quoi laisser songeur. Sommes-nous la seule espèce dans l'univers qui doive payer pour crécher quelque part ?
Cette vie en appartement m'a permis de prendre conscience de la nature résignée du peuple québécois. Colonisé puis endoctriné, ce peuple, mon peuple, accepte volontiers l'injustice du fameux « petit pain ». C'est donc sans surprise qu'il reste passif devant l'augmentation des loyers et du sermon gouvernemental ; le ministre, dernière autorité avant Dieu, est une preuve vivante qu'il est impossible de changer quoi que ce soit au système ! Si môssieur le ministre ne peine pas à payer SON loyer, la crise n'existe pas ! Quelques braves anars tentent bien de se soustraire au onzième commandement, « tu payeras ton loyer ! » mais finissent par fléchir et capituler. Quoiqu'il en soit, la crise du loyer est bien réelle et s'aggrave vite. En 2024 la majorité des Québécois.es paye le proprio en premier et planifie le reste de sa vie par la suite ! Vive le Moyen-Âge ! La bonne nouvelle c'est que nous atteignons lentement le nombre critique de personnes qui se battent contre les moulins déments du commerce locatif. Si hier Don Quichotte passait pour un cinglé, aujourd'hui il n'est plus le seul à se tenir debout ! Pourquoi a-t-il fallu que de nombreux Québécois et Québécoises vivent sous la tente ou dans leur automobile pour qu'on s'en rende compte ? Tant de loyers abusifs … comme si nous n'avions pas assez de raisons de s'indigner !
Je vous donne ma bénédiction. Remettez en question les raisons de payer pour vivre quelque part. Comment un besoin essentiel nous est-il vendu comme un commerce légitime ? Comment se fait-il qu'une population entière n'arrive plus à se faire un bas de laine malgré le fait qu'elle travaille à temps plein ? Dans le cercle des possédants et du pouvoir, le droit au profit des propriétaires prend le pas sur le droit d'une personne de ne pas dormir à la belle étoile. Avec des familles payant souvent plus du tiers de leurs revenus pour leur loyer, il ne faut pas se surprendre si les gens sont aux prises avec des dettes considérables. Avoir une maison, devenu un rêve de bourgeois, a laissé sa place à la vie en appartement. Or, il arrive aux appartements la même chose qu'aux maisons : ils deviennent inabordables et même en s'exilant loin de la ville on s'arrache les cheveux ! Les histoires d'horreur abondent. Ensemble, remettons tout en question : si ces loyers nous siphonnent le compte en banque, expliquez-moi pourquoi nous continuons comme ça ?
Cette crise du logement, frôlant la débâcle sanitaire, appelle une intervention de l'État. Après tout, on ne vit pas en société pour enrichir le commerce ! Quelle idée ! Or, autant à Québec qu'à Ottawa, on choisit soit d'ignorer cette crise ou de la décorer de belles paroles, qui n'auront aucun lendemain, tout en bouchant les trous de promesses électorales. Ces élus qui patinent sur place font bien l'affaire des proprios, avouons-le ! Personne ne les inquiète ! Dans les faits, nous vivons une sorte de rénoviction sociale dans laquelle les personnes sont expulsées de leur « logis social » au bénéfice de celles et ceux qui en tirent profit. C'est la grande dépossession locative. Et le tout s'opère comme si cette situation était à la fois inévitable et tout-à-fait socialement acceptable ! Quand je regarde les gens qui se résignent et paient, je me demande s'il n'existe pas une ligne invisible qui limite notre capacité de rêver à un monde meilleur. Notre petit pain est dur et sec comme le cœur des corporations immobilières.
Maintenant, remettons en question les notions de discrimination sur le loyer. Le refus de louer à cause de la couleur de la peau, de l'orientation sexuelle, des croyances religieuses et de la présence d'enfants sont certes des discrimination à dénoncer mais n'y a-t-il pas de discrimination plus grande que d'exclure un.e locataire à cause de ses moyens financiers ? L'idée même de repousser une personne ou une famille dans la rue car elle est pauvre n'est-elle pas répugnante ? Le fait que de nombreux appartement jadis accessibles sont maintenant considérés comme étant « de luxe » ou « privilège » ne rappelle-t-il pas les moments forts de la discrimination raciale où on intimait aux Noirs de s'asseoir à l'arrière de l'autobus ? Toute personne a le droit de vivre quelque part, dignement et sans se faire étrangler financièrement, par la main invisible du marché !
En bref, nous avons besoin d'un grand coup de barre mais ceux et celles qui sont aux commandes sont, d'un côté, peu préoccupés par la problématique locative et de l'autre, conseillés par une ministre qui est à la fois élue et lobbyiste. Payant de louer des condos !
Alors me voici donc devant les grands moulins du commerce locatif et vous voilà avec moi en train de tout remettre en question. Comment diable allons-nous nous défaire de ce petit pain ?
Que ces mesures soient temporaires ou permanentes, une révision de ce commerce locatif est devenue nécessaire puisque, de toute évidence, laissé à lui-même, le marché se fout de sa responsabilité sociale. Louer un appartement devrait être une contribution sociale, pas une combine financière. C'est donc dire qu'au-delà du tribunal administratif du logement, le gouvernement a besoin de redresser les fondements de cette industrie avant que des sans-logis par centaines de milliers se ramassent à camper sur le terrain de l'Assemblée nationale ! Ils campent déjà en grand nombre et un peu partout, alors qu'il ne manque pas d'endroits où vivre, hormis le fait que peu ont les moyens d'y emménager.
Soyons également conscients que nous n'en sommes plus à proposer des méthodes incitatives par la bande ; la construction de loyers modiques ne va nulle part et l'assistance au loyer devient, essentiellement, une subvention aux propriétaires lorsque ceux-ci augmentent le loyer du même montant. Les banquiers ne sont pas en reste et demandent aux propriétaires d'augmenter leurs ponctions mensuelles pour « rentabiliser leur investissement ». Tout cela indique que rien ne changera si nous ne formulons pas une demande majeure qui décoiffe.
Voici donc quelques idées révolutionnaires parce que, sincèrement, on en a assez de mes mauvaises nouvelles.
Pour commencer, nous avons besoin d'un point de repère, identique pour toutes les personnes vivant à loyer. Le marché locatif donne des allures de casino et de gratteux avec sa chasse au loyer « chanceux » et ses prix influencés par n'importe quelle arnaque de marketing. La proximité d'un hôpital ou d'une école ; d'une bouche de métro ; d'un arrêt d'autobus et même d'un centre d'achats peut en faire exploser le prix. C'est de la spéculation sous un autre nom. La seule manière d'en venir à bout est de fixer le prix du loyer au mètre carré. Une telle mesure protège le consommateur des propriétaires convaincus qu'ils et elles offrent des appartements dignes d'un premier ministre et met KO la pratique de faire éclater le loyer quand le locataire quitte le logement. Cela règle, du même coup, toute la bisbille autour d'un registre des loyers : seule la taille de l'appartement importe. Mètre carré fois tarif. Fin.
Bien qu'il revienne au gouvernement de fixer le prix au mètre carré, cette détermination doit se faire non pas derrière portes closes, mais à l'aide d'un comité de locataires, de propriétaires et de personnes expertes, de manière à prendre des décisions justes et éclairées. Ce prix serait fixé au salaire minimum et ajusté à intervalles réguliers. À la hausse, si le salaire minimum augmente et à la baisse quand nécessaire. Cet ajustement aurait été vachement utile pendant la pandémie ! Pour garder tout ça bien droit, il faudrait, bien sûr, élire les membres de ce comité.
Le passage au prix selon le mètre carré serait aussi appuyé par une série de « modificateurs » qui tiendraient compte des conditions individuelles de chaque famille ou personne. Les gens vivant avec un handicap, avec une famille, les gens vivant dans l'extrême pauvreté et d'autres circonstances atténuantes, paieraient moins que les locataires ou les familles plus fortunées. Cela va de soi. Ces modificateurs seraient cumulatifs et toute discrimination à cet égard serait vue de la même manière que la discrimination sur l'orientation sexuelle, la pratique religieuse, la condition financière, etc. On peut même dire qu'un loyer fixé par l'État est une bonne manière de parer contre la discrimination et les propriétaires véreux.
Bien sûr, lors de cette transition, le gouvernement serait appelé à assister les propriétaires, de manière limitée ; les sommes consenties seraient par ailleurs pleinement taxables. La somme de cette assistance peut sembler colossale mais considérez qu'en ce moment cette somme est entièrement supportée par les locataires ! C'est tout, sauf de la justice sociale.
De plus, puisque les propriétaires sont des gens d'affaires, leur tâche est de garder leur entreprise en vie. S'ils et elles ne peuvent plus fixer le loyer comme bon leur semble, rien ne les empêche d'offrir des services aux locataires, notamment des services d'entretien et de peinture ou des services fiscaux de toutes sortes, même un service d'entretien de véhicule ! Avouons-le, les propriétaires semblent avoir pris la collecte des loyers comme un acquis. N'est-il pas temps de les inviter à user de leur esprit d'entrepreneurship ?
L'objectif de ce paiement du loyer au mètre carré est aussi de sortir de nombreuses familles de la pauvreté et de permettre aux locataires d'économiser un peu, considérant que nombre d'entre eux n'ont pas eu de bonnes réserves depuis des lunes. Un grand nombre est également à quelques chèques de paye d'une faillite. Cette crise contribue à créer chez nous une société financièrement instable. Un non sens, puisque le Québec est fondamentalement riche.
Le paiement des loyers au mètre carré est une entreprise colossale, comme le fut jadis le système de santé canadien, parrainé par un certain Claude Castonguay. Cette réforme aurait un impact monstre sur ce domaine d'activité et un tel virage s'accompagnerait de pressions politiques et fiscales d'autres pays et provinces, sans oublier le lobby des banques et des propriétaires. Un gouvernement prêt à prendre ce virage échangerait toutefois ces pressions pour une popularité sans pareil au niveau de l'électorat. Tout parti politique rêve de gagner par raz-de-marée. Une réforme de fond en comble du marché locatif serait l'occasion rêvée de se faire un énorme capital politique qui durerait des générations. Franklin Delano Roosevelt a bien sorti les États-Unis du crash de 1929 en proposant le New Deal. Nous avons VRAIMENT besoin d'un New Deal du logement. Qui est prêt à donner son nom à une telle réforme ?
Pour conclure, cette « réforme au mètre carré » n'a pas à être permanente. Elle peut et devrait être présentée comme une mesure d'urgence face à une détresse humaine importante, même si certains ministres sont plus myopes encore que monsieur Magoo. Bien qu'une économie en santé soit un passage obligé, elle doit être assortie de personnes qui ont, elles aussi, les réserves nécessaires pour vivre heureuses. Un petit pain au fond d'un océan de dettes, ce n'est pas un projet de société. Même en 1968 on savait que pour être réaliste, il fallait demander l'impossible. L'impossible se calcule au mètre carré et donne aux Québécoises et Québécois un peu d'indépendance face aux propriétaires. Vive le locataire libre !
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Vivement le bioplastique !
Bruno Marquis
Il est facile de se sentir démunis devant l'ampleur des changements à apporter pour réduire notre empreinte sur l'environnement et lutter contre les changements climatiques. Il importe à mon avis d'en cibler certaines causes et de s'y attaquer à fond, collectivement, de nombreuses façons.
Les plastiques à base de pétrole que nous utilisons à profusion dans la composition d'une multitude de biens de toutes sortes sont certainement une de ces très importante cause de pollution. Ils sont toxiques, persistants dans l'environnement et néfastes autant pour la santé humaine que pour la faune en général. Nous les retrouvons partout dans l'environnement, sur terre, dans les océans et jusque dans notre organisme. Leur production est aussi une grande génératrice de gaz à effet de serre.
Le recyclage de ces plastiques à base de pétrole, auxquels on a parfois ajouté des additifs toxiques, ne fonctionne quant à lui carrément pas – et cela malgré notre acharnement. Environ 9 % des plastiques à base de pétrole sont recyclés, dont seulement un faible pourcentage entre dans la composition de nouveaux plastiques - qui sont en fait composés en grande partie de plastique neufs à base de pétrole… On n'en sort pas !
Le bioplastique, qui existe sous diverses formes, est lui facilement biodégradable. On peut le produire à partir de déchets organiques, d'algues, de résidus de l'agriculture ou de la pêche, etc. Son utilisation en lieu et place du plastique à base de pétrole contribuerait énormément à assainir notre environnement et faciliterait du coup le recyclage des autres matériaux, comme le papier, le verre, le fer et l'aluminium.
L'Italie, qui est passée à l'utilisation de sacs exclusivement en bioplastique et qui veut élargir la transition vers les autres produits en plastique doit nous servir de modèle dans cette nécessaire transition vers le bioplastique.
La tâche ne sera pas facile, mais nous devons tous ensemble pousser en ce sens, en parler dans les médias sociaux, dans les journaux, convaincre ces derniers d'en parler aussi, de prendre position pour le bioplastique, et amener des députés et des partis progressistes à le faire aussi. Il est urgent de régler ce grave problème environnemental !
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L’héroisme des combattants du Hamas
Le Hamas, au pouvoir dans la bande de Gaza depuis 2007 est considéré officiellement par les États-Unis et l'Union européenne comme une "entité terroriste" en raison de son refus de reconnaître formellement l'État hébreu et de l'option qu'il privilégie : la résistance armée, comme c'était le cas autrefois, du temps de Yasser Arafat et de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP).
On confond sous le terme de "terroristes" des groupes qui n'ont souvent rien à voir entre eux. Cela va de groupes plus ou moins marginaux opposés au régime politique en place et qui mènent des "opérations coup de poing" d'envergure limitée à d'authentiques organisations populaires qui disposent au sein d'une nation donnée de réseaux étendus d'appuis. Il en résulte des initiatives militaires et clandestines contre la puissance dominante qui ne peuvent pas toujours être "propres", c'est-à-dire sans faire aucune victime civile. C'est triste, mais inévitable dans les circonstances.
Par exemple, les partisans de l'État d'Israël soulignent la barbarie de l'attaque menée par le Hamas le 7 octobre 2023 en sol israélien et les 1200 victimes qu'elle a provoquées. Le "terrorisme" s'en prendrait donc avec sadisme aux civils avant tout. L'offensive du Hamas du 7 octobre est en effet critiquable et il ne peut être question d'approuver le massacre-surprise de civils commis à cette occasion.
Pourtant, la foudroyante riposte d'Israël par mesure de représailles a tué plus de 30,000 Gazaouis et Gazaouies, en grande majorité des civils, comme on sait. Les partisans de l'État hébreu invoquent toujours en pareilles circonstances son "droit à l'autodéfense" même s'ils déplorent (souvent du bout des lèvres) le grand nombre de victimes palestiniennes. Ils passent toujours sous silence cependant le droit à la résistance des Palestiniens et Palestiniennes.
Rappelons qu'à trois reprises, les États-Unis ont opposé leur véto au Conseil de sécurité de l'Onu à une résolution exigeant un cessez-le-feu immédiat et permanent à Gaza, permettant ainsi la poursuite de l'offensive israélienne et la multiplication des pertes gazaouies.
Ce qui frappe dans toute l'histoire de la résistance armée palestinienne autant à l'époque de l'OLP que de celle du Hamas actuellement, c'est le courage des maquisards palestiniens. Leurs actions ne se sont pas limitées à des raids-éclairs contre des cibles israéliennes limitées, mais ont compris des affrontements étendus contre des offensives israéliennes de grande envergure, comme l'invasion du Liban-Sud en 1982. Ils ont affronté des forces israéliennes supérieures en nombre et équipées de matériel militaire dernier cri, notamment d'une aviation puissante qui a infligé des pertes immenses chez les Palestiniens et Palestiniennes au fil des ans.
Ce fait se vérifie amplement dans la présente guerre Israël-Hamas. Le gouvernement Netanyahou se sert sans vergogne de son aviation pour effectuer des coupes sombres dans les rangs du Hamas et démoraliser la population gazaouie.
Comme on l'a fait fréquemment remarquer, il existe une disproportion choquante entre le nombre de victimes civiles israéliennes le 7 octobre dernier et celui, beaucoup plus élevé des Gazaouis depuis.
Non seulement l'aviation permet-elle au gouvernement israélien de maîtriser l'espace aérien de Gaza, mais elle contribue beaucoup à limiter les pertes militaires au sol parmi l'infanterie. Les pertes des combattants des deux camps sont révélatrices à cet égard : on ne possède pas de chiffres officiels sur celles du Hamas, mais on peut les évaluer aisément à plusieurs milliers de guérilleros, alors que dans le camp israélien les rangs de l'infanterie ne se sont "éclaircis" que de 251 soldats (au moment où ces lignes sont rédigées). L'utilisation sans vergogne par la direction israélienne de l'aviation vise à limiter les pertes parmi l'infanterie et en bout de ligne, à éviter une pression trop forte de son opinion publique sur le gouvernement.
Plusieurs maquisards gazaouis se sont sacrifiés pour défendre la cause de leur peuple. La stratégie de l'état-major du Hamas adoptée pour surprendre et déjouer l'ennemi grâce à tout un ingénieux réseau de tunnels creusés de longue date ne change rien à la bravoure des combattants gazaouis.
Beaucoup de parents israéliens sont inquiets pour leurs grands garçons et grandes filles en uniforme, ils ne veulent surtout pas le voir revenir à l'état de cadavres ou encore de grands blessés, ce qui les traumatiserait. Le cabinet Netanyahou (infiltré par l'extrême-droite) mise donc largement sur son aviation pour écraser les Gazaouis à moindres frais humains. Cette stratégie n'a toutefois donné qu'un succès très relatif jusqu'à maintenant sur le plan stratégique, vu l'habileté tactique que déploie l'état-major du Hamas. La résistance tient le coup.
Une vie israélienne n'a pas de prix, voici une donnée de base pour comprendre les demi-mesures et les simples exhortations des classes politiques américaine et canadienne à l'endroit du gouvernement de Tel-Aviv....
Jean-François Delisle
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Les femmes à la conquête des cimes

Longtemps restées sous domination masculine, les femmes alpinistes vont peu à peu s'émanciper. A la fin du XIXe siècle, elles participent à des cordées, certes commandées par des hommes, mais qui leur procurent l'expérience nécessaire pour organiser puis mener des expéditions en toute indépendance dès les années 1920-1930.
tiré de BNF Gallica blog
https://gallica.bnf.fr/blog/07032024/les-femmes-la-conquete-des-cimes?mode=desktop
HISTOIRE DU SPORT EN 52 ÉPISODES0 7 MARS 2024YVELINE BARATTA
photo Montagnes / Marcel Rouff. Gallimard (Paris), 1931
Si les débuts de l'alpinisme sportif reviennent aux gentlemen anglais, les premières cordées exclusivement féminines voient le jour dans les années 1930.
Les difficultés rencontrées Préjugés
La femme se cantonnera dans des escalades faciles et agréables, suivant sa force.
Autour des années 1860, l'activité physique est considérée inappropriée pour les femmes. Les pratiques sportives doivent être non compétitives, bonnes pour la santé et respecter le modèle de féminité.
Le Club alpin français (CAF) conseille aux femmes alpinistes un accompagnement masculin, une pratique modérée et sécurisée sur des sentiers aménagés.
Les avis divergent cependant :
[…] c'est surtout dans les coups durs […] que la femme se révèle, très supérieure.
Quelques écrits insistent sur la féminité de certaines alpinistes :
Pour le monde en général qui dit alpinisme, dit : femme grande, forte, le teint brûlé, sans charme […] Détrompez-vous...
Certains exploits comme ceux de Miriam O'Brien Underhill et d'Alice Damesme, qui atteignent le Grépon puis le Cervin, provoquent d'aigres remarques :
Le Grépon a disparu. Maintenant qu'il a été fait par deux femmes seules...
(Etienne Bruhl dans National Geographic, août 1934)
Les grimpeuses continuent néanmoins à parcourir les arêtes de la Meije, gravissent le mont Blanc, le Mönch, l'aiguille Verte…
Tenue vestimentaire
Si les vêtements des hommes doivent être résistants au froid, confortables, la qualité première des tenues féminines vantées est la décence. Marie Paillon préconise pourtant la chemise en flanelle et la jupe courte qui doit se relever.
Henriette d'Angeville est vêtue d'un curieux et disgracieux costume : pantalon de zouave, longue redingote, bas chauds...
Le rôle ambigu des clubs alpins
A leur création, les clubs d'alpinisme sont masculins, tels les clubs britannique et suisse. Le Club alpin français, créé en 1874, s'ouvre « sans distinction d'âge, de sexe ». Peu représentées dans ce club, les femmes au fil du XXe siècle gagnent en assurance, technicité et autonomie. En 1907, le Ladies' Alpine Club voit le jour à Londres, fondé par Elizabeth Hawkins-Whitshed. Le Club suisse des femmes alpinistes nait en 1918.
Des exploits peu relayés
Les publications sur les femmes alpinistes sont longtemps restées rares, voire inexistantes et les récits sont parfois très orientés : Marie Paradis, première femme à atteindre le Mont-Blanc, est décrite, traînée au sommet.
Gabrielle Vallot, qui conquit le mont Blanc avec son mari en 1887, relatera ses ascensions, rompant ainsi un long silence.
S'affranchir
Les femmes accompagnent avant tout leur mari jusqu'au Belvédère afin de suivre aux jumelles l'ascension périlleuse. Gabrielle Vallot se demande même s'il est vrai, comme le prétendent de nombreux alpinistes, que les femmes ne doivent pas entreprendre de grandes courses.
Marie Paillon, alpiniste engagée pour l'émancipation des femmes à travers le sport, milite en faveur de l'organisation de caravanes scolaires pour filles comme celles qui existent pour les jeunes gens. Ces caravanes féminines validées en 1883 participeront à l'émancipation des femmes et constitueront un appel d'air pour les jeunes filles.
L'himalayiste Christine de Colombel pense que les femmes ont sans doute mieux à faire qu'à toujours se situer par rapport aux hommes : exprimer leur spécificité, — ce qui exige de nouvelles analyses et pratiques.
Progressivement, la pratique des femmes s'intensifie et les ascensions gagnent en visibilité.
Quelques femmes de légende
La première ascension féminine enregistrée dans le monde remonte à 1786. Le mont Buet (3096 m) est vaincu par trois membres féminins de la famille Parminter, accompagnés par deux hommes.
Marie Paradis est la première femme à atteindre le mont Blanc, le 14 juillet 1808. Travaillant comme servante dans une auberge de Chamonix. Elle raconte son aventure :
tu es une bonne fille qui a besoin de gagner de l'argent ; viens avec nous, nous te mènerons à la cîme […] Et puis j'y fus et voilà.
Elle atteint le sommet avec trois guides dont Jacques Balmat. Le déroulement de l'ascension reste un mystère.
Il faut l'empêcher de faire une pareille folie.
Ces propos s'adressent à Henriette d'Angeville, qui gravit ce même sommet le 4 septembre 1838.
Toute la vallée est en émoi : depuis l'ascension de M. de Saussure, aucun événement n'a produit autant d'effet que celui dont nous venons d'être témoins. Une femme a eu le courage de monter sur le Mont-Blanc...
Son exploit marque les débuts de l'alpinisme féminin. De nombreuses successeures sont issues de la Grande-Bretagne victorienne.
Isabella Charlet-Straton, militante britannique pour le droit des femmes, hérite de ses parents à 20 ans. Ses ascensions sont remarquables, comme le mont Blanc l'hiver. Elle découvre Chamonix vers 1860 avec son amie Emmeline Lewis Lloyd. Ce seront les premières à gravir le mont Viso.
L'alpiniste Lucy Walker atteint le Cervin en 1871. Elle réalisera de nombreuses expéditions à plus de 4000 mètres.
Elizabeth Hawkins-Whitshed, ou Lizzie Le Blond, irlandaise, sera présidente du Ladies‘ Alpine Club dès 1907. Très active, elle s'installe dans les Alpes et multiplie les ascensions.
En 1883, elle participe à la première hivernale de l'aiguille du Midi. Chose rarissime, Elizabeth, cinéaste et photographe, publie ses expériences : Les hautes Alpes en hiver ou l'alpinisme à la recherche de la santé. Son teint halé et ses tenues scandalisent. Dès 1900, on doit à E. Leblond et E. McDonnell les premières cordées féminines.
Américaine, riche, intrépide, Margaret Claudie Brevoort est à l'origine de plusieurs premières : l'ascension de la Grande Ruine, dans les Ecrins, celle du « Doigt de Dieu » de la Meije, la traversée du Cervin. Elle conquiert le Weisshorn (4506 m), la Dent Blanche (4357 m).
Mary Petherick, épouse d'Alfred Frederick Mummery, précurseur de l'alpinisme sportif, s'initie à la pratique. En 1887, tous deux arrivent au sommet du Teufelsgrat, expédition considérée comme l'un des exploits les plus épiques de l'histoire de l'alpinisme. Dans son livre Mes escalades dans les Alpes et le Caucase, Mary relate l'expédition, entre chutes de pierres et perte de piolet.
Emily Bristow, peintre et alpiniste, conduit en 1893 au Petit Dru une corde composée d'hommes. En 1895, l'ascension du Grépon sans guide couronne sa carrière.
Marie Paillon s'initie à la montagne grâce à sa mère.
Elle ne dort pas, elle ne mange pas et elle marche comme le diable !
En 1888, elle rencontre l'Anglaise Kathleen Richardson, avec qui elle effectue des premières féminines sans tutelle familiale telles les ascensions de la Méridionale d'Arves, de la Meije Orientale. Elles formeront l'une des premières cordées exclusivement féminines de l'histoire de l'alpinisme. Au cours de ses conférences, Marie communique sur la nécessité du sport pour l'émancipation des femmes.
Dès 1913, au sein du Groupe des Rochassiers, Alice Damesme réalise ses courses d'abord en autonomie - sans guide - puis en tête de cordée. Après l'ascension en 1919 du Trident du Tacul (3639m), Jacques de Lépiney décrira Alice Damesme comme une « rochassière remarquablement adroite, intrépide et endurante ». Elle participe à la création du Groupe de Haute Montagne en 1919.
Claude Kogan gravit en tête de cordée presque tous les sommets prestigieux des Alpes.
Citant Giono :
On t'a dit qu'il fallait réussir dans la vie, moi, je te dis qu'il faut vivre.
Elle conquiert le Quitaraju :
En 1959, elle dirige une expédition exclusivement féminine à la conquête d'un 8000, le Cho Oyo. Certains ironisent. Lucien Devies, président de la Fédération française de la montagne, déclare :
J'ai toujours dit que le Cho Oyu était à vaches, le jour où un groupe de femmes y sera monté, cela prouvera que j'avais raison.
L'aventure se terminera le 2 octobre 1959 par le décès de Claude Kogan et de Claudine Van der Straten, ensevelies par une avalanche.
En 1968, le Rendez-vous Haute Montagne est créé regroupant les meilleures alpinistes du monde. Les cordées féminines gagnent en visibilité et trouvent progressivement des soutiens financiers.
Aujourd'hui
Martine Rolland sera la première guide de haute montagne en Europe. Les femmes ne représentent que 2,5% des effectifs dans cette profession.
En 2020, Catherine Destivelle, notamment reconnue pour sa trilogie hivernale en solitaire, reçoit le 12e Piolet d'or. C'est inédit.
Marion Poitevin, première femme au sein du Groupe militaire de haute montagne (GMHM), raconte dans une autobiographie les difficultés auxquelles elle a été confrontée au cours de son parcours professionnel.
Alors, prêt.e.s pour l'aventure des sommets ?
Une suggestion de lecture de André Cloutier, Montréal, 6 avril 2024*
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Le Congo au cœur de l’entourloupe au crédit-carbone

Accaparement de terres, introduction d'espèces potentiellement invasives, émissions de carbone mal évaluées : le nouveau business des plantations industrielles d'arbres pour des crédits-carbone, porté notamment par des multinationales françaises, se développe dans le bassin du Congo avec son cortège de problèmes et de menaces.
Tiré d'Afrique XXI. Cet article est le 3e d'une série de 3. Vous pouvez retrouver les précédents sur la page de l'autrice. Cette enquête a été réalisée en partenariat avec le Rainforest Investigations Network du Pulitzer Center.
Un nouveau business, porté notamment par des multinationales françaises, est en train de voir le jour dans le bassin du Congo, et en particulier au Congo-Brazzaville : de gigantesques plantations forestières sont créées pour générer des crédits-carbone valorisables sur le marché volontaire du carbone ou destinés à compenser des émissions de CO2. Le pétrolier TotalEnergies et le bureau d'études Forêt Ressources Management (FRM) sont engagés dans cette voie : ces deux groupes tricolores ont lancé en 2021 le projet « Batéké Carbon Sink » (BaCaSi), qui prévoit de planter des acacias sur 40 000 hectares pour, prétendent-ils, séquestrer sur vingt ans plus de 10 millions de tonnes de CO2.
Cette opération s'inscrit dans un mouvement mondial : les projets de plantations d'arbres destinées au marché du carbone sont en train d'augmenter rapidement en nombre et en taille, constatait fin 2023 le Mouvement mondial pour les forêts tropicales (World Rainforest Movement – WRM), une organisation basée en Uruguay qui défend les forêts tropicales et les communautés locales. Et près de 90 % d'entre eux se situent dans des pays du Sud global.
En Afrique centrale, le Congo-Brazzaville semble faire figure de pays-pilote. Son gouvernement voudrait que 1 milliard d'hectares soient recouverts de plantations forestières industrielles afin de produire des crédits-carbone, ainsi que du bois d'œuvre et de chauffe. Pour y parvenir, il accueille à bras ouverts les investisseurs étrangers et leur fournit des terres. L'un des derniers exemples en date : Brazzaville a attribué en novembre 2023 plus de 20 000 hectares à la société chinoise Xian He pour y faire pousser des eucalyptus et des pins. Au même moment, le groupe italien Renco, qui s'est vu octroyer 40 000 hectares pour une période de trente ans, organisait une cérémonie pour le lancement d'une plantation d'acacias en présence notamment de la ministre de l'Économie forestière, Rosalie Matondo.
Des dizaines de milliers d'hectares impactés
Avec TotalEnergies et FRM, les contacts ont été vraisemblablement facilités par leur présence ancienne dans le pays : la première y exploite du pétrole et y exerce une influence considérable depuis plus de cinquante ans, la seconde travaille dans le secteur forestier depuis une trentaine d'années.
Le groupe FRM est sans doute celui qui est actuellement le plus actif : outre la plantation qu'il développe avec TotalEnergies, il a lancé plusieurs autres initiatives, dont certaines sont menées avec le groupe financier franco-allemand Oddo-BHF et une autre avec la Société nationale des pétroles du Congo (SNPC). « La France dispose d'un opérateur expérimenté dans les projets d'afforestation en zone tropicale : FRM […] qui est l'opérateur de plusieurs des projets carbone au Congo », fait valoir le site Internet de la direction générale du Trésor français. La multinationale est aussi en train de créer « un puits de carbone » en République démocratique du Congo (RDC).
La plupart des projets en cours visent à planter des espèces à croissance rapide et sont situés dans les savanes des plateaux Batéké, qui couvrent plusieurs millions d'hectares répartis entre le Congo, le Gabon, la République démocratique du Congo et l'Angola. Mais ils inquiètent des organisations de la société civile. « Aidez à stopper l'avancée des plantations industrielles d'arbres dans les pays du Sud, en particulier dans les pays africains ! », lançait en 2020 WRM, qui étudie depuis plusieurs décennies leurs conséquences en Amérique du Sud, en Afrique et en Asie. Les problèmes potentiels sont nombreux et de plusieurs ordres.
« Jamais une bonne nouvelle »
Lorsqu'un nouveau projet de plantation voit le jour, « ce n'est jamais une bonne nouvelle pour les populations », estime Brice Mackosso, secrétaire permanent de la Commission diocésaine Justice et Paix de Pointe-Noire (CDJP), un service de l'Église catholique chargé de promouvoir les droits humains. Car les terres concédées pour ces cultures d'arbres ne sont jamais « vides » : elles sont habitées et utilisées par des populations autochtones et locales. C'est le cas pour BaCaSi : le projet est déployé sur des zones de savane exploitées pour des cultures vivrières, et son terrain englobe des forêts où des communautés pratiquent chasse et cueillette. BaCaSi est ainsi venu bouleverser l'existence de centaines de personnes.
Bien souvent, les populations locales sont mal ou pas informées et encore moins consultées pour ce type d'opération. C'est ce qui s'est passé pour le projet financé par TotalEnergies et mis en œuvre par FRM. Interrogé par courrier électronique par Afrique XXI, le pétrolier certifie que des « analyses préliminaires » et des « consultations » ont été menées quand et comme il le fallait, et que la loi congolaise, ainsi que les standards internationaux et les procédures prévues pour de telles opérations, dont celle du Consentement libre informé préalable (Clip), ont été respectés. Cependant, aucune consultation n'a été menée sur le terrain avant le début des activités, comme le prévoient pourtant les « Principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme », d'après une enquête de la CDJP, du Secours catholique-Caritas France (SCCF) et du CCFD-Terre solidaire.
« Réaliser une étude d'impact environnemental et social est obligatoire avant le démarrage de tout projet, selon un décret du 20 novembre 2009. Or cette étude n'est pas disponible à ma connaissance, précise Brice Mackosso. Selon la déclaration des Nations unies, le Clip doit être mené avant le démarrage de tout projet dans une zone habitée par des autochtones. Celui de BaCaSi a été réalisé entre juin et septembre 2023. » Soit trois ans après le début des opérations. « Certaines personnes […] affirment avoir eu connaissance du projet et de l'interdiction de cultiver les parcelles alors qu'elles travaillaient leurs champs », ont rapporté les trois organisations catholiques. Les habitants de la zone ont donc appris après coup que le bail signé par le gouvernement et Forest Neutral Congo (FNC), filiale de FRM, garantissait « l'éviction » de « tous prétendus propriétaires terriens, détenteurs de droits traditionnels et coutumiers qui revendiqueraient des terres ».
« Les populations veulent des actes et non des discours »
Pour ceux qui perdent ainsi leurs droits d'usage ou même leurs titres fonciers, les indemnisations sont souvent faibles ou inexistantes, contrairement aux mesures et promesses formulées par les investisseurs. « Un plan de restauration des moyens de subsistance organise le retour des personnes économiquement affectées sur le domaine du projet BaCaSi et leur compensation pour les impacts subis », indique par exemple TotalEnergies. La multinationale évoque aussi des accords passés fin 2023 avec des représentants de communautés locales, stipulant que « les terres mises à disposition représenteront une surface équivalente à celle occupée avant la date de démarrage du projet, multipliée par sept pour permettre un système de rotation tenant compte des jachères ». Elle affirme que les personnes économiquement affectées « bénéficieront d'un accès sécurisé et gratuit aux terres ».
Mais les populations et les organisations de la société civile n'ont encore rien vu de concret : « Le projet a démarré en 2021. Toutes les mesures [dont parle TotalEnergies] ne sont toujours pas mises en œuvre. Les populations veulent des actes et non des discours. Depuis 2022, elles n'ont plus cultivé et TotalEnergies passe son temps à construire des procédures complexes et longues », déplore Brice Mackosso.

Les paysans qui cultivaient des parcelles, parfois sur plusieurs centaines d'hectares, dans l'espace occupé désormais par BaCaSi, se sont vu proposer seulement un hectare chacun en guise de compensation, souligne le rapport cité plus haut. « Cette alternative n'étant pas proportionnée aux dommages causés par la perte de leurs terres agricoles ou aux revenus antérieurement générés, les agriculteurs et agricultrices interrogés se sont sentis lésés ».
Le sort des habitants des plateaux Batéké ressemble à celui de beaucoup d'autres. Le site d'informations Carbon Brief a examiné 61 projets de compensation carbone mis en œuvre entre 2018 et 2023 dans le monde. Il conclut que 72 % d'entre eux ont porté préjudice à des communautés autochtones ou locales.
Partout, un « impact négatif »
Quant aux promesses d'embauche faites par leurs promoteurs, elles s'avèrent la plupart du temps décevantes. Les plantations industrielles d'arbres à croissance rapide ne nécessitent que peu d'emplois (un à trois salariés pour 100 hectares plantés), d'après une étude du WWF. En outre, ils sont souvent dangereux, temporaires et mal payés. « Partout où les plantations d'arbres se développent, elles ont un impact négatif sur les économies locales et appauvrissent davantage les habitants. Les plantations industrielles ne créent pas d'emplois et n'approvisionnent pas les marchés locaux comme le font les cultures vivrières », affirme WRM.
L'autre problème posé par ces projets est environnemental. Les terres choisies par les industriels sont généralement des écosystèmes fertiles, riches en biodiversité et en eau, mais aussi fragiles. Comment vont-elles réagir ? Quelles seront les conséquences pour les sols, les sources d'eau, alors que les plantations nécessitent l'utilisation de pesticides et d'engrais chimiques et que certaines, comme celles composées de pins et d'eucalyptus, augmentent considérablement les risques d'incendie ?
Ces questions sont d'autant plus cruciales que les projets mis en œuvre visent à introduire des espèces qui sont bien souvent non autochtones, comme l'Acacia mangium, sur lequel misent TotalEnergie, FRM et Renco. Cet arbre, qui présente l'avantage d'avoir une croissance rapide et de s'adapter facilement, est originaire d'Australie. Il va enrichir « les sols en apportant la matière organique de ses feuilles et en fixant l'azote atmosphérique grâce à des symbiotes vivant dans ses racines », assure FRM. « Le projet vise à favoriser la régénération d'essences naturelles une fois l'atmosphère forestière rétablie (ombrage, fertilité des sols…) », ajoute TotalEnergies.
Sauf que les Acacias mangium ou les Acacias auriculiformis ainsi que la plupart des eucalyptus sont allélopathiques : « Leurs feuilles ont tendance à libérer des produits chimiques qui sont fondamentalement toxiques pour de nombreuses autres plantes », rappelle le chercheur indépendant Simon Counsell, ancien directeur exécutif de la Rainforest Foundation UK qui conseille actuellement l'ONG Survival International. « Le sol pourrait devenir plus “fertile” dans le sens où il pourrait contenir plus de carbone et d'azote, par exemple, mais il ne sera probablement pas très utile pour cultiver autre chose que l'acacia à l'avenir. » Au Brésil et à Mayotte, « la compétition spatiale provoquée par l'arrivée d'Acacia mangium et son effet allélopathique empêchent la germination de semences d'espèces indigènes », note le Groupe Espèces invasives de La Réunion (GEIR).
La convention sur la biodiversité biologique violée
Des chercheurs disent par ailleurs n'avoir trouvé dans la littérature scientifique consacrée à ce sujet « aucune preuve » permettant d'étayer « l'affirmation selon laquelle la plantation d'acacias australiens contribue à restaurer les niveaux de biodiversité ou la valeur de conservation des écosystèmes dégradés » (1).
L'acacia australien pourrait bien devenir invasif. Il est connu pour cela. Il l'est déjà, selon le GEIR, aux Comores, à Madagascar, au Bangladesh, aux Antilles, en République dominicaine, au Brésil, en Asie du Sud-Est, dans les îles du Pacifique et au nord de l'Australie. Or ce caractère invasif peut avoir de graves répercussions sur la biodiversité. Selon la Convention sur la diversité biologique (CDB), un traité international juridiquement contraignant, « les espèces exotiques qui deviennent envahissantes sont considérées comme les principaux facteurs directs de perte de biodiversité à travers le monde ». Conscientes de ce danger, les autorités françaises ont décidé en 2019 d'interdire son introduction sur l'île de La Réunion, « y compris en transit sous surveillance douanière ».
Elles voulaient aussi sans doute être en conformité avec la Convention sur la diversité biologique, que la France a ratifiée en 1994, et qui stipule que « chaque partie contractante doit, dans la mesure du possible et selon qu'il convient, empêcher d'introduire, contrôler ou éradiquer les espèces exotiques qui menacent des écosystèmes, des habitats ou des espèces ». Puisque la même Convention a été ratifiée par tous les pays du bassin du Congo, cela signifie que les projets de plantations d'acacias exotiques qui y sont menés constituent « une violation flagrante » de ce texte, souligne Simon Counsell.
Un « non-sens total »
Les acacias que plantent TotalEnergies et FRM sont « présents dans le pays et dans la région des plateaux Batéké depuis les années 1970. Les observations et constatations depuis lors n'indiquent pas de caractère invasif […] à notre connaissance », fait savoir la compagnie pétrolière. Pourtant, il y a déjà au moins un cas où l'introduction d'espèces d'acacia d'origine australienne commence à poser des problèmes en Afrique centrale. En étudiant une plantation établie depuis une trentaine d'années dans la région de Kinshasa, l'écologue états-unienne Amarina Wuenschel a constaté que des arbres s'étaient établis hors du périmètre initial. Elle a aussi observé « un déclin de la productivité des sols », explique-t-elle dans un rapport publié en 2019. Ces deux phénomènes « sont à prendre très au sérieux », note-t-elle. Elle recommande de gérer ce type de plantations arboricoles avec vigilance et précaution et surtout de prévoir leur élimination progressive.
Dans ces conditions, quand TotalEnergies dit qu'il va développer des puits naturels de carbone « tout en contribuant à la préservation de leur biodiversité », c'est un « non-sens total », insiste Simon Counsell. Au contraire, « cela va détruire la biodiversité locale », cette dernière étant en plus « pas bien étudiée ou comprise ». La zone des plateaux Batéké, qui abrite des savanes, des forêts et des espèces endémiques, est en effet « l'une des dernières frontières de l'écologie » : sa flore et sa physionomie ont fait jusqu'ici l'objet de très peu de recherches, d'après une étude scientifique publiée en 2018 (2).
Quant au mécanisme des compensations carbone sur lequel reposent ces plantations, il est lui aussi controversé. Le dispositif est le suivant : une entreprise finance une plantation d'arbres (TotalEnergies va ainsi dépenser environ 200 millions d'euros pour BaCaSi), qui va séquestrer du carbone pendant quelques années pour ensuite être en partie coupée et transformée en bois de chauffe ou en contreplaqué, par exemple. En échange, elle obtiendra des crédits-carbone qui lui permettront de déclarer une réduction de ses émissions « nettes », tout en continuant à produire ses propres émissions.
L'escroquerie des crédits-carbone
Alors que le marché carbone a stagné pendant longtemps, le nombre de crédits-carbone vendus à des entreprises qui cherchent à compenser leurs émissions a explosé entre 2018 et 2023, d'après Carbon Brief. Mais de plus en plus d'études et d'enquêtes montrent que les projets de compensation carbone ne sont ni fiables ni efficaces – certains parlent même de « crédits fantômes ». Ainsi, environ 43 % des 61 projets examinés par Carbon Brief surestiment leur capacité à réduire les émissions.
De plus, les entreprises impliquées ne comptabilisent pas correctement toutes les émissions qu'elles génèrent elles-mêmes à travers les plantations qu'elles financent. C'est ce que constate Simon Counsell : ces projets « reposent sur le principe selon lequel ils entraînent une augmentation nette du carbone stocké dans leur zone d'implantation, bien qu'ils prévoient une récolte régulière d'arbres sur de courtes périodes de rotation. Cependant, ils ne semblent pas prendre en compte les émissions causées par l'utilisation ou l'élimination éventuelle du produit de ces cultures, comme le bois utilisé pour la fabrication de panneaux de contreplaqué ou pour le chauffage. Dans ces deux cas, le CO2 stocké dans le produit en question sera finalement (et peut-être rapidement) relâché dans l'atmosphère ».
Autre point pour le moins problématique : la capacité de stockage annoncée. « L'un des principaux critères de la compensation carbone est que le stockage du carbone doit être plus ou moins permanent. Or aucun stockage de carbone dans les arbres ne peut garantir cela. Comme l'indiquent les documents du projet BaCaSi eux-mêmes, le plateau de Batéké est un écosystème dépendant des incendies, et il brûle souvent. Qu'est-ce qui empêchera les incendies de détruire les plantations et de libérer leur carbone dans l'atmosphère ? » demande Simon Counsell.
Fausse solution
« Aussi vaste soit-elle, aucune plantation d'arbres ou toute autre “solution fondée sur la nature” ne sera jamais en mesure d'absorber le carbone continuellement transféré depuis le sous-sol vers l'atmosphère », fait remarquer WRM. Avec d'autres ONG, ce mouvement a signé une déclaration en décembre 2023 affirmant que les crédits-carbone et les compensations carbone sont une fausse solution au dérèglement climatique, et empêchent de s'attaquer aux racines du problème, à savoir l'extraction des énergies fossiles, en pleine expansion.
Tout en dépensant deux centaines de millions d'euros dans BaCaSi, TotalEnergies continue ainsi de produire toujours plus d'émissions de CO2, à travers notamment la construction d'un oléoduc géant en Ouganda et en Tanzanie. C'est ce qui a fait dire à Devlin Kuyek, de l'ONG Grain, que la compensation carbone sous toutes ses formes « est une escroquerie à laquelle nous devons mettre un terme immédiatement ». « L'action de compensation telle que prévue » par TotalEnergies avec BaCaSi « ne la détourne pas de ses actions de réduction des émissions de CO2 liées à ses activités », répond la multinationale.
L'Alliance pour le changement et la transformation (Pact), une coalition de peuples autochtones, d'institutions de recherche et d'organisations de la société civile, a de son côté demandé en septembre 2023 un « moratoire sur le commerce du carbone ». Elle soutient que l'urgence est de reconnaître la « nature multifonctionnelle et l'importance socioculturelle des forêts », ainsi que les droits fonciers des peuples autochtones et des communautés locales, les plus à même de gérer ces écosystèmes et leur carbone. Ne pas le faire, ce serait « persister dans un passé paternaliste, d'exclusion et colonial ».
Notes
1- Lydie-Stella Koutika, David Richardson, « Acacia mangium Willd : benefits and threats associated with its increasing use around the world », Forest Ecosystems 6, 2 (2019).
2- Paula Nieto-Quintano, Edward T. A. Mitchard, Roland Odende, Marcelle A. Batsa Mouwembe, Tim Rayden, Casey M. Ryan, « The mesic savannas of the Bateke Plateau : carbon stocks and floristic compositio »n, Bio Tropica, octobre 2018
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La Conférence de Porto Alegre et le défi d’affronter l’extrême droite

La Conférence internationale antifasciste se tiendra du 17 au 19 mai dans le cadre d'une initiative unitaire associant le PSOL, le PT, le MST de la capitale de l'Etat du Rio Grande do Sul et plusieurs autres organisations et mouvements sociaux.
Tiré de CADTM, le Comité pour l'annulation des dettes illégitimes
2 avril 2024
Par Israel Dutra, Roberto Robaina
La convocation de la 1re Conférence internationale antifasciste contre l'extrême droite fait suite à une initiative internationale PSOL et du PT de Porto Alegre. Plusieurs organisations internationales ont déjà adhéré á l'initiative et le Mouvement des sans-terre (MST) a pris place dans l'organisation de l'événement. Nous suivons avec enthousiasme les confirmations qui nous parviennent et l'avancée des préparatifs.
La conférence qui aura lieu du 17 au 19 mai, sera organisées autour de panels thématiques, d'activités autonomes et une grande marche d'ouverture.
Les raisons de s'opposer à l'extrême droite ne manquent pas au Brésil et dans le monde. En cette semaine qui marque le 60e anniversaire du coup d'État contre-révolutionnaire [Brésil, 1964] qui a donné naissance à la dictature, la polarisation avec le bolsonarisme reste un point central de la situation : qu'il s'agisse de l'affaire Marielle Franco, dont les mandataires de l'assassinat en 2018 viennent d'être arrêtés, de la lutte des auteurs de la tentative de putsch de décembre/Janvier pour l'amnistie et contre l'arrestation de Bolsonaro ou de la nécessaire réponse venue de la rue et du mouvement de masse.
Sur la scène internationale, Netanyahou est en première ligne pour promouvoir la barbarie à Gaza et l'extrême droite cherche à se renforcer dans différents pays. Nous devons arrêter la main de l'extrême droite et discuter des différentes tactiques pour l'affronter à la fois sur le terrain institutionnel et (surtout) sur le terrain de la mobilisation populaire. L'action des masses, dans la rue, est le principal levier pour mettre le fascisme sur la défensive dans différentes régions.
Visitez le siteantifas.org et participez à la 1re Conférence Internationale Antifasciste : du 17 au 19 mai 2024, à Porto Alegre
L'extrême droite, c'est la dictature, le génocide et la torture
En cette date qui nous renvoie au début de la dictature militaire, qui a duré 21 ans, la société débat des crimes commis par les militaires, avec des assassinats, des arrestations et des tortures. Les militaires cherchent à nier ce qui s'est passé, en s'appuyant sur l'absence de Justice transitionnelle, afin de préparer de nouvelles tentatives pour mettre fin à la démocratie libérale dans le pays. Le complot du 8 janvier et le rôle joué par les milices en tant que bandes paramilitaires démontrent à l'évidence la capacité d'action de ce secteur.
Dans l'Argentine voisine, Milei a publié une vidéo institutionnelle niant la disparition de 30 000 Argentins, pourtant reconnue par les tribunaux et l'État argentin après des années de lutte des mères et des grands-mères de la Plaza de Mayo, ainsi que de diverses organisations de défense des droits de l'homme.
Il n'y a pas de coïncidence dans l'articulation et la rhétorique des deux secteurs de l'ultra-droite dans nos pays : ils défendent le même projet : la dictature, le génocide et la torture. Que ce soit dans les années de la dictature brésilienne, sous le Chili de Pinochet ou dans l'Argentine de la « junte militaire ». Ou ce à quoi nous assistons en direct, la dévastation et le génocide de plus de 32 000 personnes - principalement des femmes et des enfants - dans la bande de Gaza.
L'esprit de Porto Alegre
L'extrême droite s'organise dans le cadre d'événements et de réunions internationales. La récente réunion du CPAC aux États-Unis, qui a rassemblé des figures telles que Milei et le président salvadorien Bukele, a montré que ce secteur prépare une nouvelle offensive internationale, et que la principale menace est une victoire de Trump aux prochaines élections. En juillet, une réunion de la CPAC est prévue au Brésil, confirmant le rôle du pays comme centre de cette articulation réactionnaire.
Et pourtant, clairement, il n'y a pas d'articulation internationale, même embryonnaire, des forces qui s'opposent à cette escalade de l'extrême droite. L'appel de Porto Alegre est un premier pas, encore initial, pour rassembler les forces qui veulent amorcer une articulation. Et pour développer les conditions permettant d'envisager des réunions plus importantes et plus larges à l'avenir.
Au début du siècle, Porto Alegre a été un point de rencontre pour les mouvements anti-globalisation ou, comme on les appelait à l'époque, les « altermondialistes ». Les Forums sociaux mondiaux ont été un succès, combinant différentes expériences après le reflux général des années 1990. Ils ont rassemblé les processus de lutte les plus radicalisés - qui ont eu lieu lors des manifestations de Seattle et de Gênes, par exemple - et les expériences latino-américaines, comme l'événement organisé par le mandat de Luciana Genro avec Hugo Chávez ou la manifestation de soutien à l'Argentinazo, qui s'est terminée par l'installation d'une plaque à la mémoire des personnes tuées lors de la rébellion populaire de décembre 2001.
Les limites de la stratégie et la cooptation par les gouvernements ont fait que les Forums n'ont pas maintenu leur caractère du début. Aujourd'hui, il existe des articulations et des forums régionaux, mais ils n'ont pas la force, cependant, qui s'était exprimée au début du 21e siècle. Notre défi aujourd'hui est de revenir à « l'esprit de Porto Alegre » pour faire face au fascisme qui surgit.
Combattre l'extrême droite
Notre politique consiste à affronter l'extrême droite, en premier lieu dans la rue. Pour cela, il faut lier les questions concrètes comme la lutte anti-milice, qui pourrait faire un bond en avant après l'arrestation des auteurs de l'assassinat de Marielle Franco, et la lutte contre l'amnistie des putschistes d'hier et d'aujourd'hui.
En termes d'agitation, il s'agit de consolider et d'élargir l'appel lancé par le PT (Parti des Travailleurs du Brésil), le PSOL (Parti Socialisme et Liberté au Brésil) et maintenant le MST (Mouvement des sans terres) à Porto Alegre, pour faire de la 1re Conférence antifasciste un espace d'articulation pour affronter dans l'unité, l'extrême droite.
Sur le plan de la propagande, signalons la nouvelle édition de la revue Movimento, qui consacre un dossier spécial au 60e anniversaire du coup d'État militaire, avec une série d'interviews et d'articles qui reflètent la nécessité de lutter, aujourd'hui encore, pour la justice et les réparations contre les criminels du régime de 64.
Notre tâche principale est d'unir nos forces dans cette lutte unitaire autour de la Conférence - qui doit être la plus large possible - comme un pas en avant dans la lutte antifasciste, la plus importante de notre génération.
Source Revista Movimento.
Auteur.e
Israel Dutra
Israel Dutra é sociólogo, Secretário de Movimentos Sociais do PSOL, membro da Direção Nacional do partido e do Movimento Esquerda Socialista (MES/PSOL)
Auteur.e
Roberto Robaina
é dirigente do PSOL e do Movimento Esquerda Socialista (MES), editor da Revista Movimento e vereador de Porto Alegre
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Haïti : La vie au temps du Bwa Kale – un an de résistance populaire

Il y a un an, le 24 avril 2023 à Port-au-Prince dans le quartier Canapé-Vert, la population se présente devant le poste de police local et demande qu'on leur remette les 14 membres de gang arrêtés pour possession d'armes. Ils seront lynchés, tués puis brûlés. C'est ainsi qu'a pris forme le mouvement Bwa Kale de vindicte populaire. Notre partenaire du Magazine Haïti constate le retour de ce mouvement avec les derniers événements. Nous présentons ici les informations qu'il a publié à cet effet, notamment dans le dernier numéro de Dèyè Mòn Enfo du 1er avril. Nous vous invitons à soutenir la publication en vous abonnant. (NDLR)
3 avril 2024 | tiré du Journal des Alternatives | Photo : À Canapé-Vert, des barricades d'autodéfense bloquent partiellement la rue. La nuit, les rues sont entièrement fermées. - Etienne Côté-Paluck/Dèyè Mòn Enfo
https://alter.quebec/la-vie-au-temps-du-bwa-kale-un-an-de-resistance-populaire/
La recrudescence des attaques armées à Port-Prince depuis le 29 février a ravivé le mouvement Bwa Kale au sein de plusieurs quartiers encore libres. Dans des zones telles Canapé-Vert, Turgeau, Nazon, et d'autres encore, des collectifs de voisins ont formé des brigades pour empêcher un potentiel assaut de groupes criminels armés. Souvent menées avec l'assentiment tacite de policiers, ces actions représentent une forme de justice populaire impitoyable.
Une vindicte populaire
À Delmas 95, plusieurs agresseurs présumés ont ainsi été exécutés il y a dix jours, ces « bandits » étant habituellement tués et parfois même brûlés sur le champ. Cette réaction radicale reflète l'effacement presque total de l'institution judiciaire du pays, au point où certains policiers se muent parfois en exécuteurs de leurs détenus (…).

À la suite de l'abandon du pénitencier national début mars, ces bandes se sont concentrées sur le pillage des commerces du centre-ville, l'attaque d'institutions étatiques ou de commissariats toujours actifs, ainsi que sur la destruction de certaines écoles et universités. La situation déjà fragile a atteint un point critique avec l'occupation complète du centre-ville, dès les premiers jours de mars, par ces groupes armés, à l'exception notable du bâtiment de la Banque de la République d'Haïti (BRH, banque centrale), protégé par des forces paramilitaires fortement armées.
Mirebalais reste un haut lieu de la mobilisation des groupes d'autodéfense, encouragée d'ailleurs par la mairie à la suite des récentes incursions de groupes armés en provenance de Port-au-Prince. Porte d'entrée du département du Plateau central, la ville est située sur la route qui mène à la frontière dominicaine. C'est sur cette route, à Belladère, où, samedi dernier, un homme accusé de s'être évadé de la prison de la capitale, a été lynché par une foule en colère, confirme notre partenaire Centre à la UNE.

Le centre-ville de Port-au-Prince : en rouge, certains lieux tombés sous le contrôle de bandes armées dans le dernier mois ; en vert, les lieux toujours sous le contrôle des autorités. Les ‘X' noirs sont des zones déjà sous contrôle de groupes armés depuis plusieurs mois. Source : Dèyè Mòn Enfo
Au cours de la dernière semaine, déjà accablé par les pillages, le centre-ville de Port-au-Prince, n'a pas été le seul à souffrir de la violence. Les quartiers de l'arrondissement de Clercine, à l'est de l'aéroport, ont aussi été le théâtre d'échanges de tirs intenses pendant plusieurs jours. Cette période d'insécurité s'est finalement apaisée suite à une intervention musclée de la police, qui s'est conclue hier.
Que signifie bwa kale ? (extrait du numéro 4 du 1er mai 2023)
En raison de la nouvelle crise sécuritaire et économique, les gens disent se sentir comme un bwa kale, une branche sans écorce. La majorité des routes du pays sont bloquées. L'économie est à sec. Les gens n'ont parfois que la peau sur les os et presque plus aucune possession dans de nombreux cas. Devant les problèmes liés aux violences armées, ils n'ont ainsi presque plus rien à perdre. La majeure partie de Port-au-Prince est sous contrôle de groupes criminels armés.
Plus globalement, elle exprime le ras-le-bol devant une situation sécuritaire et économique qui empire d'année en année. (…) Dans un autre sens, bwa kale exprime aussi un appel à l'action. (…) C'est un appel à prendre les choses en main et à l'autodéfense par tous les moyens. Prêts à tout perdre, certains résidents ont pris les armes, souvent avec l'aval ou en coopération avec la police, pour créer des milices de quartier. Si plusieurs ont des fusils, la machette et la force du nombre semblent être les armes les plus redoutables.
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Etats-Unis. Quand l’UAW organise la syndicalisation de Volkswagen et Mercedes dans le Sud

Les travailleurs et travailleuses de Mercedes-Benz à Vance, en Alabama, voteront sur leur adhésion à l'United Auto Workers (UAW). Vendredi 5 avril, l'UAW a déposé une demande de consultation pour représenter l'ensemble des 5200 employés payés à l'heure) de l'usine, après que le syndicat a déclaré qu'une supermajorité des travailleurs et travailleuses de l'usine géante de la société ont signé des bulletins d'adhésion au syndicat, en trois mois [voir sur ce site l'article du 9 février 2024 sur l'effort d'implantation de l'UAW dans les firmes automobiles situées au Sud].
Tiré d'À l'encontre.
Jeremy Kimbrell, opérateur de machines de contrôle à l'usine, a déclaré dans le cadre de l'annonce faite par l'UAW : « Chez Mercedes, Hyundai et des centaines d'autres entreprises, les travailleurs et travailleuses de l'Alabama ont rapporté des milliards de dollars aux dirigeants et aux actionnaires, mais nous n'avons pas obtenu notre juste part. Nous allons changer les choses avec ce vote. Nous allons mettre fin à la politique de dumping régnant dans l'Alabama. »
Le dépôt de la demande d'adhésion au syndicat intervient alors que 4300 travailleurs de l'usine Volkswagen de Chattanooga (Tennessee), d'une superficie de 35 hectares, se préparent à voter pour rejoindre l'UAW entre le 17 et le 19 avril lors d'une élection organisée par le National Labor Relations Board (NLRB-Conseil national des relations du travail).
Les résultats chez Volkswagen et Mercedes constitueront un test clé pour l'UAW, qui tente de traduire l'élan de sa grève historique chez les trois grands constructeurs automobiles [Stellantis, Ford, General Motors] par de nouveaux recrutements. L'UAW fait le pari que si les travailleurs des entreprises du Sud se syndiquent, le reste des citadelles non syndiquées de main-d'œuvre bon marché pour l'assemblage automobile disparaîtront également à travers les Etats-Unis.
Plus de 10 000 travailleurs de 13 constructeurs automobiles sans présence syndicale, répartis sur deux douzaines de sites à travers le pays, ont signé leur bulletin d'adhésion syndicale depuis novembre dernier, date à laquelle l'UAW a annoncé son objectif ambitieux de syndiquer 150 000 travailleurs et travailleuses dans les principales usines non syndiquées d'automobiles et de batteries.
Les travailleurs d'une usine Toyota dans le Missouri sont en passe d'obtenir 50% d'appui, ce qui laisse présager une troisième votation dans les mois à venir.
L'UAW a engagé 40 millions de dollars jusqu'en 2026 pour soutenir la syndicalisation dans les usines d'automobiles et de batteries non syndiquées. Sous une présidence précédente [celle de Ron Gettelfinger], le l'UAW s'était engagé à engager 60 millions de dollars sur quatre ans pour une campagne de syndicalisation, mais la somme n'a jamais été effectivement dépensée.
Les efforts de syndicalisation déployés chez Mercedes et Volkswagen au cours de la dernière décennie ont échoué de justesse ou se sont évanouis avant d'aboutir à un vote, à l'exception d'un groupe de travailleurs qualifiés de Chattanooga qui a obtenu une présence syndicale sectorielle chez VW. Mais depuis, les griefs se sont multipliés et les travailleurs en ont assez.
L'un des rares points d'appui pour les travailleurs syndiqués de l'automobile dans le Sud se trouve chez Daimler Truck North America, qui est lié au groupe Mercedes. Mercedes est le principal actionnaire de Daimler Truck. La société a été détachée du groupe Mercedes-Benz, anciennement Daimler AG, en 2021.
Sept mille travailleurs de Daimler Truck ont voté à 96% en mars 2024 pour autoriser une grève si nécessaire après l'expiration de leurs contrats, le 26 avril, sur six sites en Caroline du Nord, en Géorgie et au Tennessee. Le président de l'UAW, Shawn Fain, s'est réuni avec les travailleurs, ce mardi 2 avril, en Caroline du Nord.
« Depuis des siècles, l'économie du Sud relève d'un régime truqué, un système conçu pour enrichir quelques privilégiés aux dépens du plus grand nombre », a déclaré Shawn Fain. « C'est un système dans lequel les riches et les puissants ont accaparé les richesses et monopolisé le pouvoir… Alors, vous les patrons et les dirigeants politiques : allez-y, versez vos larmes de crocodile et hurlez votre rage contre l'inévitable. Mais sachez ceci : les travailleurs et travailleuses du Sud se soulèvent, et nous ne nous relâcherons pas tant que justice n'aura pas été rendue. »
Construit en 1997 dans une forêt de pins proche de Tuscaloosa [ville de l'Alabama], le complexe de l'usine Mercedes, recouvert de panneaux métalliques étincelants, comprend un atelier de carrosserie et un atelier de peinture qui alimentent deux usines d'assemblage. L'entreprise a récemment ajouté une usine de batteries électriques à proximité, où les contremaîtres de l'entreprise se sont livrés à certains des pires actes de démantèlement de syndicats, selon les salarié·e·s de l'usine.
Les deux usines états-uniennes non syndiquées de Mercedes, celle de l'Alabama et celle de Caroline du Sud, sont les seules usines non syndiquées de l'entreprise dans le monde entier.
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Les ouvriers de l'usine Mercedes-Benz d'Alabama fabriquent des SUV de luxe GLE très rentables et la Maybach GLS à 170 000 dollars. Ces produits de luxe ont attiré les travailleurs parce que Mercedes était considérée comme un employeur de référence en raison de ses prestations sociales et de ses salaires élevés.
Mais aujourd'hui, les travailleurs se sentent trahis. « En 17 ans, nous avons obtenu une augmentation [horaire] d'environ 4,50 dollars », a déclaré Jacob Ryan, un carrossier qui a commencé comme intérimaire. « Nous fabriquons des véhicules de luxe. L'entreprise réalise des bénéfices records année après année, tout en nous ponctionnant de plus en plus d'argent. » Mercedes a engrangé 156 milliards de dollars de bénéfices au cours de la dernière décennie, souligne le syndicat.
Selon les travailleurs et travailleuses, Mercedes a commencé à supprimer des prestations sociales à mesure que la main-d'œuvre se diversifiait. Mercedes a réduit les indemnités pour les bleus de travail de la marque, par exemple, et a augmenté les primes de l'assurance maladie.
Les conditions de travail dans les usines se sont détériorées. Moesha Chandler a commencé à travailler dans l'usine de batteries, à quelque 4 km de là, à Woodstock. « La durée de travail était très longue et nous travaillions six jours par semaine, mais je n'avais pas à me plaindre car il ne s'agissait pas d'un travail manuel pénible », explique-t-elle. Mais plus tard, elle est passée à la chaîne de montage, où le travail est plus éreintant et plus dur. Des travailleurs ont uriné sur eux-mêmes de peur de quitter la ligne, a déclaré Moesha Chandler, parce que les contremaîtres les réprimandaient et les forçaient à rester jusqu'à ce qu'ils atteignent l'objectif de production de l'équipe.
« C'est une chose de travailler de longues heures », a déclaré Sammie Ellis, un autre ouvrier de la chaîne de montage. « C'en est une autre d'imposer des pénalités pour aller aux toilettes. Ils nous privent de nos droits humains. »
Mercredi 3 avril, l'UAW a porté plainte contre Mercedes-Benz Group AG, société mère de la filiale américaine (Mercedes-Benz U.S. International, ou MBUSI) qui gère l'usine d'Alabama. L'UAW accuse Mercedes d'avoir violé la loi allemande sur les obligations de diligence des entreprises dans les chaînes d'approvisionnement [Gesetz über die unternehmerischen Sorgfaltspflichten in Lieferketten, entrée en vigueur le 1er janvier 2023] et les droits de l'homme des travailleurs en sept occasions distinctes. Si l'entreprise est reconnue coupable, Mercedes pourrait se voir infliger des milliards de dollars de pénalités et se voir interdire l'accès aux marchés publics.
Les travailleurs et travailleuses ont déclaré que la stratégie consistait à ligoter l'entreprise sur le plan juridique aux Etats-Unis et en Allemagne avant la réalisation de la votation fin avril. La semaine dernière, les travailleurs ont déposé plusieurs plaintes pour pratiques déloyales de travail auprès du National Labor Relations Board, demandant une décision contre MBUSI pour mettre fin aux représailles illégales de l'entreprise.
Sur la ligne de finition, les travailleurs manipulent 430 véhicules au cours de leurs dix heures de travail. « A chaque minute d'arrêt de la ligne, nous risquons de perdre des voitures », a déclaré Sammie Ellis. « Lorsque vous montez une voiture et qu'elle est prête à être envoyée dans une autre zone, il y a une zone tampon. Cette zone tampon peut contenir dix voitures. Dans les deux ou trois minutes qui suivent le moment où une personne va aux toilettes, nous devons faire la course pour rattraper le retard, car nous risquerions de ne pas atteindre le nombre de voitures que nous devons terminer dans les dix heures. »
En outre, l'entreprise est régulièrement en sous-effectif, ce qui empêche les travailleurs de prendre des vacances.
Entre-temps, les salaires ont stagné. Ryan a fait le calcul : « Le salaire le plus élevé était de 27,77 dollars horaire en 2007. Cela représenterait 41 dollars aujourd'hui [étant donné l'inflation]. Au moment de la campagne de syndicalisation, nous étions à 32 dollars de l'heure. Nous étions en retard sur l'inflation ! »
Les travailleurs sont particulièrement mécontents du système de « tiered pay » [système de salaire qui différencie le salaire horaire de ceux qui viennent d'être engagés, qui détermine une durée avant un rééchelonnement de ce salaire, qui peut intégrer aussi des critères de performance de production], qui a été instauré en 2020. « Le fait que des collègues qui travaillent là depuis deux ans de plus que moi, et qui font exactement le même travail que moi, gagnent cinq dollars et demi de plus par heure pour faire exactement le même travail à un niveau de qualifications relativement identique, me choquait », a déclaré David Johnston, un travailleur de l'usine de batteries.
Mercedes n'a jamais réembauché les travailleurs qui avaient été licenciés en 2008 [lors de la crise dite financière] et a enfermé les intérimaires dans un système à deux vitesses [two-tier system]. L'entreprise a proposé des indemnités à certains travailleurs, mais beaucoup ont eu l'impression d'avoir été forcés de partir. « Certains ont été récemment réembauchés dans le cadre du two-tier system, ce qui a abouti à ce qu'ils touchent un salaire moins élevé que celui qu'ils touchaient lorsqu'ils ont quitté l'entreprise, près de 15 ans auparavant, en 2008 », a déclaré Jeremy Kimbrell, qui travaille dans l'entreprise depuis plus de 20 ans.
Mais même les nouveaux embauchés connaissent la manière dont l'entreprise traitait les travailleurs. « J'ai appris que Mercedes avait traîné les pieds lorsque l'entreprise a changé d'agence de recrutement », a déclaré David Johnston. « Les intérimaires ont été embauchés après janvier 2020, de sorte qu'ils n'ont plus bénéficié du même taux de rémunération, alors que ces personnes travaillaient depuis trois jusqu'à six ans dans l'attente d'être embauchées par l'entreprise. Ils ont été relégués dans un “tiered system” qui ne tenait pas compte des droits liés à l'ancienneté. »
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En février, un mois après que les travailleurs et travailleuses eurent signé des bulletins d'adhésion au syndicat avec 30% de leurs collègues, Mercedes a annoncé qu'elle augmenterait le salaire le plus élevé de 2 dollars et qu'elle supprimerait le système salarial (« wage tiers »). Selon Jeremy Kimbrell, la rémunération de l'échelon supérieur passerait ainsi de 32 à 34 dollars de l'heure, tandis que celle de l'échelon inférieur s'élèverait à 34 dollars seulement au bout de quatre ans.
Les travailleurs ont interprété cette mesure comme une tentative d'enrayer la dynamique syndicale. Cela n'a pas fonctionné. Outre la carotte, Mercedes a essayé le bâton. Selon un communiqué de presse de l'UAW, le travailleur actif syndicalement Al Ezell a été licencié parce qu'il avait son téléphone sur la chaîne de montage au cas où son médecin l'appellerait pour renouveler une ordonnance destinée à traiter un cancer du poumon de stade 4. Les problèmes de la chaîne d'approvisionnement médical avaient empêché Al Ezell de renouveler son ordonnance.
Al Ezell a déclaré : « La direction m'a convoqué dans son bureau pour me punir d'avoir laissé mon téléphone sur le sol. Ma responsable m'a regardé en face et m'a dit qu'elle se fichait que j'aie un cancer ou que j'aie une autorisation, qu'elle allait appliquer la politique de tolérance zéro de l'entreprise. Nous n'avons jamais eu de politique de tolérance zéro concernant la présence d'un téléphone sur le sol. La direction essaie simplement de nous faire peur, mais nous ne reculerons pas. » L'UAW a porté plainte au niveau fédéral pour cette affaire et d'autres pratiques déloyales.
En février, le Department of Labor a obtenu 438 625 dollars d'arriérés de salaires, de primes non payées et de dommages et intérêts pour deux travailleurs de Mercedes-Benz, qui accusaient l'entreprise d'avoir violé leurs droits à des congés protégés en vertu de la loi sur les congés familiaux et médicaux (Family and Medical Leave Act-FMLA).
Lakeisha Carter, une autre travailleuse favorable au syndicat, affirme qu'elle s'est également vu refuser une demande de congé pour raisons familiales et médicales, et qu'elle attribue ce refus à son travail syndical. « Je suis une partisane déclarée du syndicat et Mercedes m'a illégalement sanctionnée pour des absences médicales qui étaient clairement couvertes par mes demandes de FMLA », a-t-elle déclaré dans un communiqué de presse du syndicat. « Il s'agit tout simplement de représailles de la part de Mercedes, mais je ne me laisserai pas intimider. »
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Les travailleurs ont des raisons d'être déterminés. Ils ne s'attaquent pas seulement à l'entreprise, mais aussi à des hommes politiques de l'Alabama et à des représentants de l'industrie automobile.
Le PDG [depuis 2019] de Mercedes-Benz U.S. International, Michael Göbel, a déclaré aux travailleurs que la création d'un syndicat signifierait des grèves, des cotisations coûteuses et des obstacles à la résolution des conflits, rapporte Josh Eidelson pour Bloomberg, après avoir écouté un enregistrement audio qu'un travailleur lui a fourni. « Je ne crois pas que l'UAW puisse nous aider à nous améliorer », a déclaré Michael Göbel.
A l'instar de Walmart et de Tyson en Arkansas, Mercedes et Volkswagen exercent une formidable influence sur les Etats où ils sont implantés. Volkswagen exploite un parc à côté de son usine de Chattanooga. Mercedes sponsorise la principale salle de concert de Tuscaloosa et a participé aux efforts de reconstruction après les tornades dévastatrices de 2011. L'un des griefs des travailleurs et travailleuses de la région est que le « rôle civique » de l'entreprise a diminué au fil du temps, y compris les journées familiales parrainées par l'entreprise et les concerts à l'amphithéâtre de Tuscaloosa.
La gouverneure de l'Alabama [depuis avril 2017], Kay Ivey [Parti républicain depuis 2002, avant, démocrate !], a écrit une tribune dans laquelle elle s'engage à s'opposer aux campagnes syndicales dans l'Etat, non seulement chez Mercedes, mais aussi chez Hyundai. Kay Ivey est allée plus loin en déclarant que la campagne syndicale de l'UAW signifiait que le « modèle de réussite économique de l'Alabama était attaqué ».
Shawn Fain a réagi à ce commentaire mardi 2 avril. « Elle a tout à fait raison ! Il est attaqué parce que les travailleurs en ont assez de se faire avoir », a déclaré le président de l'UAW.
La secrétaire au Commerce de l'Alabama, Ellen McNair, a repris le même discours, déclarant que la campagne de syndicalisation « met en danger le principal moteur économique de notre Etat ».
Les travailleurs et travailleuses ont balayé ces commentaires antisyndicaux et veulent que les politiciens ne se mêlent pas de leur décision syndicale. Faisant référence à la gouverneure Ivey, Moesha Chandler a déclaré : « Elle n'est pas là pour marcher dans et avec nos souliers. » (Article publié le 5 avril 2024 dans The American Prospect ; traduction rédaction A l'Encontre)
Luis Feliz Leon est un syndicaliste, un journaliste et un spécialiste indépendant de l'histoire des mouvements sociaux
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