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Liban : le système de la kafala, un engrenage de violences pour les femmes migrantes

Les employées domestiques au Liban, comme dans bon nombre d'autres pays du Moyen-Orient, sont soumises au système de la kafala pour leur résidence et leur permis de travail. (…)

Les employées domestiques au Liban, comme dans bon nombre d'autres pays du Moyen-Orient, sont soumises au système de la kafala pour leur résidence et leur permis de travail. Cette forme de parrainage s'apparente fortement à de l'esclavage moderne institutionnalisé. Les femmes migrantes font ainsi face à de nombreuses violences et privations et, depuis la crise économique et le début de la guerre à Gaza, leurs conditions de vie ne cessent de se dégrader.

Tiré de
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11 avr. 2024
https://alter.quebec/liban-le-systeme-de-la-kafala-un-engrenage-de-violences-pour-les-femmes-migrantes/?utm_source=Cyberimpact&utm_medium=email&utm_campaign=JdA-PA-2024-04-11
Par Amélie David -3 avril 2024

Photo : Travailleuse migrante au Liban - le système Kafala @John Owens for VOA, domaine public, via Wikimedia Commons

Dans les rues d'Achrafiyeh, un quartier cossu de Beyrouth, capitale du Liban, elles sont nombreuses à arpenter les trottoirs tôt le matin pour promener les chiens de leurs employeurs. Elles portent un tablier, parfois bleu, parfois blanc. Un liseré propret, des sabots en plastique, une doudoune mal attachée pour affronter l'hiver humide libanais… Elles baissent la tête ou regardent ailleurs, comme si elles craignaient de croiser le regard des autres passants. Elles : les travailleuses domestiques migrantes soumises au régime de la kafala.

Miriam Prado se souvient parfaitement de cet uniforme, de ces « chaussures blanches » et des « chaussettes blanches » impeccables qu'elle devait porter chaque fois qu'elle dépassait le seuil de la maison d'un de ses anciens employeurs. La Philippine est au Liban depuis 31 ans. Depuis 31 ans, elle est une employée domestique, soumise au système de la kafala. Même si elle a pu se débarrasser de son uniforme, les règles de la kafala pèsent toujours sur ses épaules, tout comme le poids des abus qu'elles entrainent.

Main-d'œuvre à bas prix

Le système de la kafala désigne, à la base, une mesure spécifique au droit musulman qui permet de confier un enfant à une famille sans filiation et ainsi d'avoir un kafil, un parrain. Mais depuis les années 1970, il s'agit d'un système institutionnalisé et légal de main-d'œuvre à bas prix auxquels sont soumis les travailleurs.ses immigré.es au Liban tels que les professeurs.ses d'université, les employé.es dans divers domaines ou d'autres professions plus précaires, comme le personnel de nettoyage, en entreprise ou chez les particuliers.1

Selon les estimations, il y aurait 250 000 travailleurs domestiques au Liban. La plupart seraient des femmes, principalement venues d'Éthiopie, du Kenya, des Philippines et du Bangladesh. Une étude récente indique 2 que « les femmes représentent 76 % de l'ensemble de la main-d'œuvre immigrée, venue au Liban pour trouver du travail, et 99 % de l'emploi domestique. »2

Invisibilisées par un statut et une absence totale de protection de leurs droits, ces femmes sont souvent à la merci de leur employeur. Beaucoup de ces employées de maison vivent chez leurs employeurs.ses, parfois sans aucune intimité. Dans la plupart des cas, dès leur arrivée sur le sol libanais, leur passeport leur ait retiré et est « confié » à la famille qui les emploie. Les salaires fluctuent d'un foyer à un autre, et d'une nationalité à une autre, et oscillent entre 500 USD et 150 USD par mois.

Leurs communications et leurs déplacements sont contrôlés. « En outre, elles courent un grand risque de voir leurs droits de travailleuses déniés — absence de jours de repos, longues journées de travail, non-versement de salaires — et de subir harcèlement et violence sexuels et sexistes, sans que les auteurs soient inquiétés… », continuent les autrices de l'étude.

« J'avais tellement peur »

C'est ce qu'a vécu Miriam Prado. Au cours de ces trois décennies de labeur au Liban, elle a presque tout vécu. « Dans mon premier emploi, mes employeurs m'ont battue. Je suis allée me réfugier dans les toilettes, j'avais tellement peur… J'y suis restée pendant 8 heures avant que la situation ne se calme. Quand j'ai pu sortir, c'était la nuit, je me suis enfuie », décrit celle qui est aujourd'hui présidente de l'Alliance des employées migrantes, une organisation qui vient en aide aux employées domestiques.

Elle retrouve un emploi, mais au bout de deux ans, la famille la met dehors sans plus d'explications selon elle. Chez son troisième employeur, Miriam y reste trois ans. « Quand je suis rentrée de mes vacances aux Philippines, ils m'ont accusée de leur avoir volé un diamant d'une valeur de plusieurs milliers de dollars… J'ai dit que ce n'était pas moi et ils m'ont menacée de me jeter du 18e étage… », raconte cette mère de deux garçons qui vivent toujours aux Philippines. Les rapports d'ONG et les interviews avec des travailleurs sociaux confirment que ce genre d'abus sont courants pour les employées domestiques.

Nombreuses sont celles qui font aussi face à des abus sexuels, même s'il reste difficile pour elles d'en parler ouvertement. De nombreuses employées de maison décèdent chaque année au Liban dans des conditions obscures. En septembre dernier, unrapport du mouvement antiraciste indiquait, selon une information d'un média local, qu'une employée de maison à Tripoli (deuxième ville du Liban) avait été hospitalisée dans un état grave après avoir chuté du balcon de son employeur. « Lebanon24 a rapporté que l'employée fuyait la maison de son employeur, sans mention du traitement de ce dernier ni de son environnement de travail », note le rapport de l'ONG.

Des salaires confisqués « en raison » de la crise

Depuis le début de la crise en 2019, la chute continuelle des salaires, la dévaluation fulgurante de la monnaie locale et l'inflation à trois chiffres que connaît le Liban, la situation pour ces populations vulnérables ne s'est guère améliorée. Nour (le prénom a été changé), une Éthiopienne arrivée au Liban à l'aube de la crise, en a fait les frais. « Mon employeur m'a payée pendant deux ans et puis il a arrêté. Il disait que c'était en raison de la COVID-19, de la crise économique, de l'explosion », souffle-t-elle.

Depuis le déclenchement de la guerre entre le Hamas et Israël, qui a des répercussions importantes au sud du Liban, les choses n'évoluent pas dans le bon sens. En janvier dernier, le mouvement antiraciste s'inquiétait de l'abandon de ces migrantes employées domestiques qui vivent dans le sud du Liban par leurs employeurs, comme cela avait déjà pu être le cas lors de la guerre entre Israël et le Hezbollah en 2006.

Nour est aujourd'hui accompagnée par une ONG d'aide aux droits des femmes. Elle est hébergée en attendant de récupérer son salaire confisqué et de retrouver ses papiers. « Après ça, je veux rentrer dans mon pays et revoir ma famille. »

1.La venue des employées de maison est souvent organisée par des multitudes d'agences spécialisées. D'après l'organisation Human Rights Watch, ce système génère plus de 100 millions de dollars chaque année. En début d'année, plusieurs médias ont rapporté que les frais pour les règles et les lois qui régulent le recrutement des travailleurs migrants ont augmenté et ont été approuvés par le conseil des ministres en février dernier. Selon le rapport tiré des journaux, l'ARM indique que de nombreuses agences ont fermé leurs portes en raison de la crise économique. Les journaux indiquent aussi que les frais des visas pour les travailleurs migrants ont eux aussi augmenté. Les auteurs des articles rapportent notamment qu'entre 20 et 30 % des familles libanaises emploient travailleurs domestiques, la plupart probablement, vivant avec elles. [↩]

2.Mezher Z., Nassif G., Wilson C., Travailleuses domestiques immigrées au Liban : une perspective genrée, dans : Aurélie Leroy éd., Migrations en tout « genre ». Paris, Éditions Syllepse. [↩]

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Violences en politique : pensons la protection des lanceur·ses d’alerte

Militante féministe, Anais Leleux a été l'une des premières coordinatrices nationales de NousToutes. Elle s'est particulièrement engagée contre les violences sexistes et (…)

Militante féministe, Anais Leleux a été l'une des premières coordinatrices nationales de NousToutes. Elle s'est particulièrement engagée contre les violences sexistes et sexuelles en politique, soutenant les victimes et dénonçant les complicités à l'oeuvre dans tous les partis. Elle revient ici sur la nécessité de penser la protection des victimes d'hommes politiques.

Tiré de Entre les lignes et les mots

Dans la France de mes années NousToutes, les femmes crevaient, immolées par le feu devant leur fille de 8 ans. Elles étaient frappées à mort, le crâne explosé à coups de pied, avant d'être jetées aux ordures. Toutes les six minutes, une femme était victime de viol ou de tentative de viol. Et pendant que nous pointions les violences masculines, les failles du système, c'est nous que l'on accusait d'aller trop loin. Les politiques faisaient des grands discours, mais agissaient peu. Comment l'auraient-ils pu ? Alors que leurs propres partis grouillaient de mecs violents ?

Dans la France de mes années NousToutes, nous étions cinq et demi à monter au créneau contre Nicolas Hulot, ministre que l'on décrivait encore comme un homme charmant. Un don Juan, mais pas un prédateur, ça non. Il n'y avait pas encore eu Envoyé spécial mais il y avait déjà eu l'enquête d'Ebdo. Il suffisait de publier un tweet de soutien pour que les victimes vous contactent et vous parlent. Tout était déjà là, pour qui voulait ouvrir les yeux, lire entre les lignes, agir. Mais l'appareil avait pesé de tout son poids pour écraser celles qui avaient été harcelées, agressées, violées. L'appareil s'était organisé pour défendre, continuer à valoriser, maintenir au pouvoir un homme dont tout le monde savait qu'il était dangereux. Des femmes avaient été envoyées en première ligne, d'autres s'étaient spontanément dévouées.

Et tout ce petit monde avait perdu un temps considérable à protéger un homme qui allait nécessairement finir par tomber. Parce que les militantes, les journalistes – au premier rang desquelles Anne Jouan – ne lâcheraient rien. Mais surtout, parce que le sentiment d'impunité, le refus de se remettre en question étaient tels qu'il allait forcément recommencer.

Nicolas Hulot aurait pu admettre qu'il avait fait du mal, qu'il avait pris de force ce qu'on n'avait pas voulu lui donner, qu'il le regrettait, surtout quand on sait les conséquences que ses actes avaient eu sur ses victimes. Beaucoup de faits étaient prescrits, les victimes plus récentes ne souhaitaient pas parler. Certaines étaient prêtes à raconter une partie de l'histoire, mais pas tout. Tout dire c'était trop dur, c'était trop s'exposer. Tout ce qu'elles voulaient, c'est qu'il ne recommence jamais. Et cela, il le savait.

Oui, Nicolas Hulot aurait pu faire preuve de courage politique. Il aurait pu, en tant que figure publique, considérée comme progressiste, adresser la question de la domination masculine, dire qu'il n'en était pas exempt, qu'il allait faire mieux, qu'il allait réparer. Il aurait pu, ne serait-ce que dans le privé, reconnaître les faits, demander de l'aide.

Je crois que s'il ne l'a pas fait, c'est qu'il n'avait, au fond, aucune envie de s'arrêter.

Nicolas Hulot a préféré, malgré les tentatives de quelques proches de le raisonner, de le surveiller, d'écarter celles qui pourraient lui plaire, continuer à prédater. Et à intimider celles qui auraient pu parler. Je pense à cette jeune femme, qui avait fini par quitter son travail, où il trouvait encore moyen de l'atteindre. Un jour que son employeur lui avait dit « Au fait, j'ai croisé Nicolas, il te passe le bonjour », elle avait tout plaqué, tétanisée. Aux dernières nouvelles, elle vivait du RSA, dans un trou paumé. Gâchis monumental. Elle était brillante, sincèrement engagée. Mais c'est d'elle dont on disait qu'elle pourrait nuire à l'écologie.

C'était la France de mes années NousToutes. Et quatre ans après mon départ du Comité de pilotage, je suis au regret de constater que rien n'a changé.

Nicolas Hulot fait parti des neuf cas abordés dans le dernier rapport de l'Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique. Ses autrices, et notamment l'ancienne collaboratrice d'élu-es Fiona Texiere, pointent que les mis en cause adoptent toujours la même ligne de défense : ils nient ou minimisent les faits, évoquent un éventuel complot politique, qui ne sera jamais étayé, mettent en avant leur souffrance, usent du vocabulaire juridique à tort et à travers, se cachent derrière l'absence de plainte ou de condamnation, puis ils parlent de leur douleur. On aurait pu ajouter qu'ils assignent systématiquement à une forme de folie les femmes qui parlent.

Le travail de l'Observatoire est précieux et mérite une attention, un relai et un soutien particulier des militant-es, des mécènes, des politiques et des journalistes.
Dans ce rapport, l'Observatoire aborde en filigrane la question des menaces. Il le fait avec bien plus de distance que je ne peux le faire. Car si ses membres ont comme moi, accès aux coulisses de ces affaires, elles basent leur rapport sur ce qui est public, à savoir ce qui est paru dans la presse.

Pour que l'Observatoire puisse analyser les menaces avec plus de précision, il faudrait que cette question soit traitée par les journalistes. Quelle le soit suffisamment bien pour que celles qui les subissent osent en parler. Il faudrait que cette question soit posée, systématiquement. Qu'elle le soit aux victimes, qu'elle le soit aux témoins. L'homme mis en cause dispose-t-il de moyens de pression sur les femmes concernées ? A-t-il activé ces moyens de pression ? Y-a-t-il un risque qu'il les active ? Ou que certain-es de ses proches s'en chargent ? Si oui que fait le parti pour protéger les personnes qui pourraient faire l'objet de pressions ou de mesures de représailles ? Pire encore, le parti met-il en danger celles qui lancent l'alerte ?

Que risquent celles qui parlent ? Qu'ont peur de subir celles qui gardent le silence ? Pourraient-elles perdre leur travail, leurs enfants, leur conjoint-e, leurs ami-es, leur carrière politique, le toit qu'elles ont sur la tête ?

Ont-elles les moyens financiers de faire face ?

Les hommes mis en cause vont rarement jusqu'au bout. Il n'empêche qu'ils sont nombreux, ces mecs puissants, à assigner leurs accusatrices en justice. Qu'est-ce que 400 euros de l'heure – le prix moyen d'un avocat – quand on bénéficie d'un revenu de ministre ou de député, quand on est un héritier ou une ancienne star de la télé ? Pour leurs victimes, assurément moins dotées, ces violences judiciaires, qui sont aussi des violences psychologiques et des violences économiques, sont particulièrement compliquées à dépasser. En quelques mois, on atteint aisément les 20 000 euros de frais. On nous dira qu'il y a toujours l'aide juridictionnelle. On répondra que la plupart des avocat-es ne font pas dans le pro-bono et qu'il n'y a pas de raison qu'on laisse les hommes puissants continuer à matraquer la gueule des victimes à coups de ténor du barreau.

Je crois, pour penser la question depuis quelques temps déjà, qu'il serait opportun que les partis appliquent la loi du 21 mars 2022 à celles et ceux qui les saisissent de cas de VSS un statut de lanceur ou de lanceuse d'alerte et la protection qui en découle. Cela commence par la protection de l'identité mais comporte tout un tas d'autres mesures de sauvegarde, dont un soutien psychologique.

Ce n'est que dans ces conditions que les femmes victimes d'hommes politiques se sentiront en capacité de parler au parti, voire de saisir la justice. Pour être à même de le faire, elles doivent bénéficier, elles aussi, d'un système de protection. Tout appareil qui se dit féministe, a fortiori à gauche, doit penser cette question de la sécurité matérielle des victimes. Il doit penser le rapport de genre mais aussi le rapport de classe. Il doit l'anticiper, être force de proposition, penser les inégalités qui existent entre l'homme puissant et les femmes concernées.

On a vu, dans certains partis, des victimes se voir offrir un travail, une place sur une liste, un mandat, de l'argent à condition qu'elles se taisent. Peut-être serait-il temps de leur faire la proposition inverse : « on peut contribuer à vos frais d'avocat, vos frais de psy, on peut mobiliser le réseau pour vous aider à avoir un travail suffisamment bien payé pour vous sécuriser, vous donner les moyens de parler, si un jour vous avez envie de le faire. »

Et puis il y aura toujours celles qui se refuseront à porter plainte, pour des raisons personnelles ou politiques. Qu'elles ne puissent se résoudre à envoyer l'homme mis en cause en prison, qu'elles aient pu tenir à lui ou qu'elles croient fondamentalement davantage dans la justice restauratrice. Cette dernière a été abordée par la France insoumise à l'automne dernier. Je regrette qu'elle ne l'aie pas mieux été, par un parti qui s'est davantage soucié de protéger l'un des siens que de penser un véritable changement. Mais ce premier pas, dont j'espère qu'il inspirera d'autres partis, a au moins le mérite d'exister. La justice restauratrice implique de partir des besoins exprimées par la victime. De mon expérience, ils tiennent généralement à peu de choses : la reconnaissance – ne serait-ce que privée – de ce qui a été fait, la garantie que des choses sont mises en place et que les violences vont s'arrêter.

Quand un homme auteur de violences n'est pas capable de concéder cela, je crois qu'il n'y a plus rien à en attendre. La bonne nouvelle, c'est qu'une fois qu'on l'a compris, on peut avancer. Et qui sait, un jour, de la politique ré-espérer.

Anais Leleux

https://blogs.mediapart.fr/anaisleleux/blog/030424/violences-en-politique-pensons-la-protection-des-lanceur-ses-d-alerte

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La FIDH rejoint le mouvement global pour la reconnaissance de l’apartheid de genre comme crime de droit international

16 avril 2024, par Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) — ,
Le 23 mars 2024, le Bureau international de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) – son corps élu composé de défenseur·es des droits humains originaires (…)

Le 23 mars 2024, le Bureau international de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) – son corps élu composé de défenseur·es des droits humains originaires de tous les continents a adopté à la majorité une résolution alignant l'organisation au mouvement global appelant à la reconnaissance du crime d'apartheid de genre en droit international.

Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/04/10/la-fidh-rejoint-le-mouvement-global-pour-la-reconnaissance-de-lapartheid-de-genre-comme-crime-de-droit-international/
Le 23 mars 2024, le Bureau international de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) – son corps élu composé de défenseur·es des droits humains originaires de tous les continents a adopté à la majorité une résolution alignant l'organisation au mouvement global appelant à la reconnaissance du crime d'apartheid de genre en droit international.

Paris, 28 mars 2024. Reconnaissant le travail considérable initié et réalisé ces dernières années par des féministes, des universitaires et des expert⋅es du monde entier, la FIDH est convaincue qu'il est temps d'élargir la définition du crime d'« apartheid » pour y inclure des situations dans lesquelles l'oppression est dirigée contre un ou plusieurs groupes de genre spécifiques, comme c'est le cas en Afghanistan pour les femmes et les jeunes filles. La FIDH estime de façon plus générale que l'apartheid de genre est le crime le plus approprié pour caractériser les situations où il existe une discrimination institutionnalisée et systématisée sévère.

Avec ses organisations membres, la FIDH est depuis longtemps engagée dans la lutte contre l'impunité et l'accès à la justice pour les victimes de crimes internationaux devant les juridictions nationales, régionales et internationales. Malgré de nombreux obstacles, des progrès notables ont été réalisés grâce à l'évolution des lois et des pratiques et à l'interprétation progressive d'un corpus juridique international vieillissant, y compris en ce qui concerne les violences sexuelles et basées sur le genre. En adoptant cette résolution, la FIDH souligne la nécessité de veiller à ce que le droit international continue d'évoluer et de refléter de nouvelles réalités.

« L'oppression, la ségrégation et la discrimination généralisées auxquelles sont confrontées les femmes et les filles en Afghanistan depuis le retour illégal des Talibans au pouvoir en 2021 nous ont fait prendre conscience du fait que les lois internationales actuelles ne suffisent pas à décrire de manière adéquate des situations d'une telle gravité. La reconnaissance du crime d'apartheid de genre comblerait une lacune dans le droit international et contribuerait à une plus grande redevabilité des responsables », déclare la vice-présidente de la FIDH et directrice exécutive d'Open Asia – Armanshahr Guissou Jahangiri.

La FIDH soutient le fait que les situations de discrimination à l'encontre des membres d'un certain genre, en particulier les femmes, les filles et les personnes LGBTQI+, puissent faire l'objet de poursuites en vertu du droit international, notamment au titre du crime contre l'humanité de persécution basée sur le genre. Cependant, le crime de persécution basée sur le genre, ainsi que les autres crimes existants, ne sont pas suffisamment en adéquation avec les situations où un régime généralisé et institutionnalisé d'oppression et de discrimination est établi, avec l'intention de le maintenir.

« Pour que les victimes aient une chance d'obtenir justice, pour que les auteur⋅es soient tenu⋅es responsables, il est nécessaire de disposer d'un crime qui reflète véritablement la gravité et la singularité des situations qui présentent les caractéristiques de l'apartheid de genre. Notre décision, celle de nous aligner sur le mouvement visant à codifier l'apartheid de genre comme un nouveau crime en vertu du droit international, reconnaît les expériences vécues par les victimes et les survivant·es et la nécessité d'adapter le droit international », déclare Alice Mogwe, présidente de la FIDH.

Cette résolution de la FIDH arrive à un moment critique, alors que d'importantes discussions se tiennent actuellement sur le projet de Convention sur les crimes contre l'humanité, qui représente une opportunité clé et propice de codifier le crime d'apartheid de genre. La FIDH espère que davantage de parties prenantes soutiendront l'important mouvement en faveur de la reconnaissance de ce crime.

En attendant que le crime d'apartheid de genre soit inclus et défini dans le droit international, la FIDH reste déterminée à utiliser tous les outils juridiques actuellement disponibles pour rendre justice aux victimes du monde entier et soutient laproposition de définition suivante de l'apartheid de genre : « par crime d'apartheid on entend des actes inhumains analogues à ceux que vise le paragraphe 1 [de l'article 2 du projet de Convention sur les crimes contre l'humanité], commis dans le cadre d'un régime institutionnalisé d'oppression systématique et de domination d'un groupe racial sur tout autre groupe racial ou tous autres groupes raciaux, ou d'un groupe de genre sur tout autre groupe de genre ou tous autres groupes de genre, sur la base du genre, et dans l'intention de maintenir ce régime. »

https://www.fidh.org/fr/themes/droits-des-femmes/la-fidh-rejoint-le-mouvement-global-pour-la-reconnaissance-de-l

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Indonésie : le Comité des femmes obtient des espaces sécurisés

16 avril 2024, par Comité des femmes du conseil d'IndustriALL — , ,
La Ministre indonésienne de l'émancipation des femmes et de la protection de l'enfance, Gusti Ayu Bintang Darmawati, a inauguré l'espace sécurisé de PT Evoluzione Tyre (groupe (…)

La Ministre indonésienne de l'émancipation des femmes et de la protection de l'enfance, Gusti Ayu Bintang Darmawati, a inauguré l'espace sécurisé de PT Evoluzione Tyre (groupe Pirelli) dans l'ouest de Java, le 19 mars dernier.

TIré de Entre les lignes et les mots

L'entreprise est syndiquée par le CEMWU (Syndicat des travailleurs de la chimie, de l'énergie et des mines), affilié à IndustriALL. Les deux parties ont signé une politique de tolérance zéro en matière de violence et de harcèlement en 2021, dans le cadre d'un engagement à éliminer la violence et le harcèlement dans le monde du travail.

Au cours des trois dernières années, le Comité des femmes du conseil d'IndustriALL pour l'Indonésie a fait pression sans relâche sur le ministère pour qu'il mette en œuvre une politique d'espaces sécurisés au sein des zones industrielles et sur le lieu de travail.

Ira Laila, Présidente du Comité des femmes du conseil d'IndustriALL pour l'Indonésie, a remercié la direction de l'entreprise, le ministère et les autorités locales pour leur soutien ainsi que les dirigeants de la fédération pour la mise en place de ces espaces sécurisés.

Ces espaces offriront un environnement sûr aux travailleuses pour qu'elles puissent exprimer leurs problèmes liés à la violence et au harcèlement. Il propose également une formation sur la violence et le harcèlement au niveau de l'usine.

« Nous espérons que ces dispositions créeront un environnement sûr et paisible, de sorte que l'entreprise continue à se développer et que les travailleurs et travailleuses en profitent. Il ne s'agit que d'une première étape. Le Comité des femmes fera pression pour que d'autres espaces du même genre soient créés dans toute l'Indonésie »

a ajouté Ira Laila.

La Directrice pour l'égalité des genres et les travailleurs non manuels d'IndustriALL, Armelle Seby, a déclaré :

« Le travail du Comité des femmes d'IndustriALL en Indonésie est exemplaire. Après la négociation de la politique de tolérance zéro, qui a été adoptée dans plus de 82 usines, la création de ces espaces permettant aux femmes de dénoncer les cas de violence et de renforcer leurs capacités est un nouveau pas en avant dans la lutte contre la violence à l'égard des femmes et dans l'application de la Convention 190, même si elle n'a pas encore été ratifiée par l'Indonésie. Ces actions des syndicats vont changer la vie de milliers de travailleuses ».

https://www.industriall-union.org/fr/indonesie-le-comite-des-femmes-obtient-des-espaces-securises

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Non à la mise en péril du processus de décolonisation en Nouvelle-Calédonie

16 avril 2024, par Collectif — , ,
La politique du coup de force, irrespectueuse des droits légitimes du peuple Kanak, conduite par le gouvernement ne peut mener qu'à un immense gâchis, s'alarment dans cet appel (…)

La politique du coup de force, irrespectueuse des droits légitimes du peuple Kanak, conduite par le gouvernement ne peut mener qu'à un immense gâchis, s'alarment dans cet appel 56 personnalités.

Tiré de Entre les lignes et les mots

L'État a imposé que le 3e référendum d'autodétermination se tienne à la date prévue en décembre 2021. C'était aller contre la demande des indépendantistes de le reporter, compte tenu de l'impact du covid et de la période de deuil qui s'en est suivie. En dépit d'une abstention de 57%, dont une majorité de Kanaks, le gouvernement considère que l'électorat de l'archipel a alors définitivement opté pour une « Nouvelle-Calédonie dans la France ».

Aujourd'hui, il décide de reporter les élections provinciales de 2024 et de modifier la Constitution pour autoriser le « dégel » du corps électoral provincial. Il s'agit d'ouvrir la citoyenneté calédonienne, pas seulement aux natifs – les indépendantistes sont favorables à la pleine application du droit du sol –, mais au terme d'une durée de 10 ans à tous les résidents. Lesquels deviendront électeurs et éligibles pour les assemblées de Province qui déterminent les orientations politiques locales et la composition du Congrès du pays.

Cette imposition d'un « corps électoral glissant », sans un accord politique global négocié entre les différentes parties prenantes, constitue un passage en force de l'État. Celui-ci, une fois de plus, dicte son calendrier en fixant au processus engagé la date butoir du 1er juillet 2024.

C'est revenir sur un élément clé de l'accord de Nouméa, lequel a permis d'engager un processus de décolonisation et de garantir la paix civile au cours de ces trente dernières années.

Une telle politique renoue avec la logique qui a fait de la Nouvelle-Calédonie une colonie de peuplement.

Elle vise à mettre définitivement en minorité le peuple Kanak, en contradiction du droit international et des résolutions de l'ONU qui invitent les « puissances administrantes » à« veiller à ce que l'exercice du droit à l'autodétermination ne soit pas entravé par des modifications de la composition démographique dues à l'immigration ou au déplacement de populations dans les territoires qu'elles administrent ».

Le Congrès du FLNKS, qui s'est tenu le 23 mars 2024, s'est unanimement prononcé contre ce projet de réforme constitutionnelle. Il a également confirmé que, pour le FLNKS, seuls le dialogue et la recherche du consensus peuvent permettre d'envisager une solution d'avenir pour l'ensemble des Calédoniennes et Calédoniens.

Nous nous alarmons de cette politique du coup de force, irrespectueuse des droits légitimes du peuple kanak et qui met en péril la notion même de citoyenneté calédonienne au principe de la construction du destin commun.

Elle compromet la recherche d'un consensus entre les diverses communautés quant au devenir du pays et ne peut conduire qu'à un immense gâchis.

Il est impératif de préserver le processus de décolonisation qui a été poursuivi ces dernières décennies. Pour les droits du peuple kanak et des autres communautés. Pour l'avenir de la Kanaky/Nouvelle-Calédonie. Pour l'image de la France et celle de la République.

Premiers signataires :
Gilbert Achcar, chercheur et écrivain
Paul Alliès, universitaire
Bertrand Badie, politiste
Etienne Balibar, philosophe
John Barzman, historien
Christian Belhôte, magistrat
Jérôme Bonnard, syndicaliste Union syndicale Solidaires
Claude Calame, helléniste et anthropologue
Patrick Chamoiseau, écrivain
David Chapell, historien, Université de Hawaï
Mathias Chauchat, professeur de droit, université de Nouvelle Calédonie
Nara Cladera, syndicaliste Union syndicale Solidaires
Pierre Cours-Salies, sociologue
Thomas Coutrot, économiste
Pierre Dardot, philosophe
Christine Demmer, anthropologue
Bernard Dreano, responsable Cedetim
Josu Egireun, syndicaliste et anticapitaliste
Didier Epsztajn, blogueur Entre les lignes, entre les mots
Franck Gaudichaud, historien, Université Toulouse Jean Jaurès
Daniel Guerrier, militant anticolonialiste, ancien co-président de l'AISDPK
Christine Hamelin, anthropologue
Hortensia Ines, syndicaliste Union syndicale Solidaires
Mehdi Lallaoui, réalisateur
Christian Laval, sociologue
Isabelle Leblic, anthropologue
Michael Löwy, sociologue
Christian Mahieux, syndicaliste Union syndicale Solidaires, éditeur Syllepse
Philippe Marlière, politiste
Roger Martelli, historien
Jean-Pierre Martin, psychiatre
Gustave Massiah, économiste, altermondialiste
Laurent Mauduit, écrivain et journaliste
Isabelle Merle, historienne
Michel Naepels, anthropologue
Ugo Palheta, sociologue
Alice Picard, porte parole nationale d'ATTAC
Christian Pierrel, directeur de publication de La Forge
Philippe Pignarre, éditeur
Boris Plezzi, secrétaire confédéral CGT, en charge des questions internationales
Jacques Ponzio, psychanalyste
Michèle Riot-Sarcey, historienne
Henri Saint-Jean, docteur en psychologie sociale
Christine Salomon, anthropologue
François Sauterey, vise président du MRAP
Denis Sieffert, éditorialiste
Patrick Silberstein, éditeur Syllepse
Francis Sitel, responsable revue ContreTemps
Marc Tabani, anthropologue
Serge Tcherkezoff, anthropologue
Jean-Marie Theodat, universitaire
Benoît Trepied, anthropologue
Anne Tristan, journaliste
Jacques Vernaudon, linguiste, université de Polynésie française
Antoine Vigot, syndicaliste FSU
Sophie Zafari, militante syndicale

Contact : appelkanaky@orange.fr

https://www.politis.fr/articles/2024/04/non-a-la-mise-en-peril-du-processus-de-decolonisation-en-nouvelle-caledonie/

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Sénégal : la volonté de changement

16 avril 2024, par Paul Martial — , ,
La victoire de Faye, fruit de la mobilisation populaire, crée une nouvelle situation politique permettant à la gauche radicale de peser pour une véritable rupture. De la prison (…)

La victoire de Faye, fruit de la mobilisation populaire, crée une nouvelle situation politique permettant à la gauche radicale de peser pour une véritable rupture. De la prison au palais présidentiel, le parcours est plutôt singulier pour Bassirou Diomaye Faye qui vient de remporter les élections présidentielles dès le premier tour avec plus de 54 % des voix, fait unique dans l'histoire du Sénégal.

Tiré d'Europe solidaire sans frontière.

Continuité politique

Le pays a connu deux grandes périodes politiques, celle des gouvernements du parti socialiste avec Senghor puis Abdou Diouf, puis celle des libéraux avec Abdoulaye Wade et Macky Sall. Au-delà des étiquettes politiques, les politiques menées ont été les mêmes. Un présidentialisme fort qui n'hésitait pas, lors de crises sociale ou politique, à user d'une répression violente contre les opposantEs engendrant des morts et des emprisonnements. Des attaques contre la presse. Une corruption qui a nourri un clientélisme sur lequel se sont fondés les pouvoirs successifs et qui servait aussi de justification pour écarter les adversaires politiques. Ce qui impliquait une justice aux ordres.

Le gouvernement de Macky Sall a pu faire illusion avec son plan Sénégal Émergent, se traduisant par le lancement de grands travaux comme le train régional express, la création d'un nouvel aéroport international ou l'édification d'une ville nouvelle à côté de la capitale Dakar. Mais cette orgie de béton a surtout profité aux plus nantis et n'a pas réduit la pauvreté qui touche plus de la moitié de la population, ni endigué le chômage endémique de la jeunesse.

Les limites d'un programme

C'est précisément cette jeunesse refusant un avenir sans perspectives, si ce n'est de se lancer dans une immigration aux dangers mortels, qui s'est mobilisée pour la victoire de Faye. Avec son mentor Ousmane Sonko la popularité de leur organisation le PASTEF (Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité) dissoute par Macky Sall, est d'avoir dénoncé la corruption des élites du pays.

Faye se qualifie lui-même de candidat anti­système et de rupture et promeut la ­souveraineté politique et économique du pays. Si le programme politique de Bassirou Diomaye Faye est particulièrement détaillé, il est aussi très technocratique et jamais n'apparaît la nécessité d'une participation citoyenne pour l'édification de ce nouvel ordre politique promis. Le fil conducteur reste de favoriser et développer les entreprises sénégalaises, vues comme sources du développement du pays. Bien que le futur président se soit exprimé pour une sortie du Sénégal du franc CFA, cette mesure, tout comme d'ailleurs la fermeture de la base militaire française, n'y figure pas.

La prise en compte des principales revendications des droits des femmes est absente et traduit une vision conservatrice de la société.

Les organisations de la gauche radicale qui ont soutenu la candidature de Faye peuvent s'appuyer sur cette mobilisation populaire pour peser en faveur d'une politique qui réponde aux aspirations et besoins des populations.

Rwanda : les créanciers du génocide

16 avril 2024, par Éric Toussaint — , ,
Trente ans après le début du génocide des Tutsis au Rwanda, les débats ressurgissent légitimement sur les responsabilité des différents acteurs dans cette tentative de (…)

Trente ans après le début du génocide des Tutsis au Rwanda, les débats ressurgissent légitimement sur les responsabilité des différents acteurs dans cette tentative de destruction d'un peuple. C'est en particulier le cas concernant la France, dont de nombreuses enquêtes ont démontré le rôle dans le soutien aux génocidaires, avant et après les quelques semaines où furent assassinées entre 800 000 et un million de personnes.

Tiré du site de la revue Contretemps.

Mais dans ces débats, le rôle des bailleurs de fonds internationaux n'est jamais mentionné. Dans cet article, Éric Toussaint, porte-parole et un des fondateurs du réseau international du Comité pour l'Abolition des Dettes illégitimes (CADTM), tente d'éclairer la nature de leurs responsabilités. Pour un autre éclairage sur le génocide des Tutsis au Rwanda, on pourra aussi lire sur notre site cet article de Jean Nanga.

***

Retour sur le génocide de 1994

A partir du 7 avril 1994, en l'espace de moins de trois mois, près d'un million de Rwandais – le chiffre exact reste à déterminer – sont exterminés parce qu'ils et elles sont Tutsis ou supposés tels. Il faut y ajouter plusieurs dizaines de milliers de Hutus. Ce sont des opposants politiques au régime en place ou des personnes qui refusent ou pourraient refuser de prêter leur concours au génocide. Avant celui-ci, la population était estimée à environ 7,5 millions.

La comparaison avec le génocide des juifs et des tziganes par le régime nazi est pleinement justifiée. Il y a bien certaines différences : le nombre absolu de victimes (6 millions de juifs ont été exterminés par les nazis), les moyens mis en œuvre (les nazis ont conçu et utilisé des moyens industriels pour appliquer la solution finale).

Mais il y a bien eu génocide c'est-à-dire la destruction planifiée d'une collectivité entière par le meurtre de masse ayant pour but d'en empêcher la reproduction biologique et sociale.

Les politiques mises en œuvre par les institutions financières multilatérales

Il est fondamental de s'interroger sur le rôle des bailleurs de fonds internationaux. Ma thèse, c'est que les politiques imposées par les institutions financières internationales, principaux bailleurs de fonds du régime dictatorial du général Juvénal Habyarimana, ont accéléré le processus conduisant au génocide. Généralement, l'incidence négative de ces politiques n'est pas prise en considération pour expliquer le dénouement dramatique de la crise rwandaise. Seuls quelques auteurs mettent en évidence la responsabilité des institutions de Bretton Woods (e. a. Chossudovsky, 1994 ; Chossudovsky et Galand, 2004). Celles-ci refusent toute critique à ce sujet.

Au début des années 1980, quand éclata la crise de la dette du Tiers Monde, le Rwanda (comme son voisin, le Burundi) était très peu endetté. Alors qu'ailleurs dans le monde, la Banque mondiale et le FMI abandonnaient leur politique active de prêts et prêchaient l'abstinence, ils adoptèrent une attitude différente avec le Rwanda : ces institutions se chargèrent de prêter largement au Rwanda. La dette extérieure du Rwanda a été multipliée par vingt entre 1976 et 1994. En 1976, elle s'élevait à 49 millions de dollars ; en 1994, elle représentait près d'un milliard de dollars. La dette a surtout augmenté à partir de 1982. Les principaux créanciers sont la Banque mondiale, le FMI et les institutions qui y sont liées (nous les appellerons les IFI, Institutions Financières Internationales). La Bm et le FMI ont joué le rôle le plus actif dans l'endettement. En 2001, les IFI détenaient 87 % de la dette extérieure rwandaise. En 2019, 25 ans après le génocide, les dettes du Rwanda à l'égard des IFI ont plus que triplé (voir tableau ci-dessous).

Tableau. Évolution de la dette extérieure publique du Rwanda par catégorie de créancier, en valeur absolue et en pourcentage[1]

Le régime dictatorial en place depuis 1973 garantissait de ne pas verser dans une politique de changements structurels progressistes. C'est pourquoi il était soutenu activement par des puissances occidentales : la Belgique, la France et la Suisse. En outre, il pouvait constituer un rempart par rapport à des États qui, dans la région, maintenaient encore des velléités d'indépendance et de changements progressistes (la Tanzanie du président progressiste Julius Nyerere, un des leaders africains du mouvement des non alignés, par exemple).

Durant la décennie 1980 jusqu'à 1994, le Rwanda reçut beaucoup de prêts et la dictature d'Habyarimana s'appropria une partie considérable de ceux-ci. Les prêts accordés devaient servir à insérer plus fortement l'économie rwandaise dans l'économie mondiale en développant ses capacités d'exportation de café, de thé et d'étain (ses trois principaux produits d'exportation) au détriment des cultures destinées à la satisfaction des besoins locaux. Le modèle fonctionna jusqu'au milieu des années 1980, moment où les cours de l'étain d'abord, du café ensuite, et enfin, du thé s'effondrèrent. Le Rwanda, pour qui le café constituait la principale source de devises fut touché de plein fouet par la rupture du cartel du café provoquée par les États-Unis au début des années 1990.

Utilisation des prêts internationaux pour préparer le génocide

Quelques semaines avant le déclenchement de l'offensive du Front Patriotique Rwandais (FPR) en octobre 1990, les autorités rwandaises signent avec le FMI et la Bm à Washington un accord pour mettre en œuvre un programme d'ajustement structurel (PAS).

Ce PAS est mis en application en novembre 1990 : le franc rwandais est dévalué de 67 %. En contrepartie, le FMI octroie des crédits en devises à décaissement rapide pour permettre au pays de maintenir le flux des importations. Les sommes ainsi prêtées permettent d'équilibrer la balance des paiements. Le prix des biens importés augmente de manière vertigineuse : le prix de l'essence grimpe de 79 %. Le produit de la vente sur le marché national des biens importés permettait à l'État de payer les soldes des militaires dont les effectifs montent en flèche. Le PAS prévoyait une diminution des dépenses publiques : il y a bien eu gel des salaires et licenciements dans la fonction publique mais avec transfert d'une partie des dépenses au profit de l'armée.

Alors que les prix des biens importés grimpent, le prix d'achat du café aux producteurs est gelé, c'est le FMI qui l'exige. Conséquence : la ruine pour des centaines de milliers de petits producteurs de café (Maton, 1994). Ceux-ci et les couches les plus appauvries des villes ont dès lors constitué un réservoir permanent de recrues pour les milices Interahamwe et pour l'armée.

Parmi les mesures imposées par la Banque Mondiale et le FMI au travers du PAS, il faut relever en outre : l'augmentation des impôts à la consommation et la baisse de l'impôt sur les sociétés, l'augmentation des impôts directs sur les familles populaires par la réduction des abattements fiscaux pour charge de famille nombreuse, la réduction des facilités de crédit aux paysans…

Pour justifier l'utilisation des prêts du couple BM/FMI, le Rwanda est autorisé par la BM à présenter d'anciennes factures couvrant l'achat de biens importés. Ce système a permis aux autorités rwandaises de financer l'achat massif des armes du génocide. Les dépenses militaires triplent entre 1990 et 1992 (NDUHUNGIREHE, 1995). La BM et le FMI ont envoyé plusieurs missions d'experts pendant cette période, ces derniers ont souligné certains aspects positifs de la politique d'austérité appliquée par Habyarimana mais ont néanmoins menacé de suspendre les paiements si les dépenses militaires continuaient à croître. Les autorités rwandaises ont alors mis au point des artifices pour dissimuler des dépenses militaires : les camions achetés pour l'armée ont été imputés au budget du ministère des Transports, une partie importante de l'essence utilisée par les véhicules des milices et de l'armée était imputée au ministère de la Santé… Finalement, la BM et le FMI ont fermé le robinet de l'aide financière début 1993 mais elles n'ont pas dénoncé l'existence des comptes bancaires que les autorités rwandaises détenaient à l'étranger auprès de grandes banques et sur lesquelles des sommes importantes restaient disponibles pour l'achat d'armes. On peut considérer qu'elles ont failli à leur devoir de contrôle sur l'utilisation des sommes prêtées. Elles auraient dû stopper leurs prêts dès début 1992 quand elles se sont rendues compte que l'argent était utilisé pour des achats d'armes. Elles auraient dû alerter l'ONU dès ce moment. En continuant à réaliser des prêts jusque début 1993, elles ont aidé un régime qui préparait un génocide. Les organisations de défense des droits de l'homme avaient dénoncé dès 1991 les massacres préparatoires au génocide. La Banque mondiale et le FMI ont systématiquement aidé le régime dictatorial car celui-ci était un allié des États-Unis, de la France et de la Belgique.

La montée des contradictions sociales

Pour que le projet génocidaire soit mis à exécution, il fallait non seulement un régime pour le concevoir et se doter des instruments pour sa réalisation. Il fallait également qu'une masse appauvrie, lumpenisée, soit prête à réaliser l'irréparable. Dans ce pays, 90 % de la population vit à la campagne, 20 % de la population paysanne dispose de moins d'un demi hectare par famille. Entre 1982 et 1994, on a assisté à un processus massif d'appauvrissement de la majorité de la population rurale avec, à l'autre pôle de la société, un enrichissement impressionnant. Selon le professeur Jef Maton, en 1982, les 10 % les plus riches de la population prélevaient 20 % du revenu rural ; en 1992, ils en accaparaient 41 % ; en 1993, 45 % et au début 1994, 51 % (Maton, 1994). L'impact social catastrophique des politiques dictées par le couple FMI/BM et de la chute des cours du café sur le marché mondial (chute à mettre en corrélation avec les politiques des institutions de Bretton Woods et des États-Unis qui ont réussi à faire sauter le cartel des producteurs de café à la même époque) joue un rôle clé dans la crise rwandaise. L'énorme mécontentement social a été canalisé par le régime Habyarimana vers la réalisation du génocide.

Les créanciers du génocide

Les principaux fournisseurs d'armes au Rwanda entre 1990 et 1994 sont la France, la Belgique, l'Afrique du Sud, l'Égypte et la République populaire de Chine. Cette dernière a fourni 500 000 machettes. L'Égypte – dont le vice-ministre des Affaires étrangères, chargé des relations avec l'Afrique, n'était autre que Boutros Boutros-Ghali – a offert au Rwanda un crédit sans intérêt pour lui permettre d'acheter des armes d'infanterie pour un montant de six millions de dollars en 1991. Une fois le génocide déclenché, alors que l'ONU avait décrété, le 11 mai 1994, un embargo sur les armes, la France et la firme britannique Mil-Tec ont fourni des armes à l'armée criminelle via l'aéroport de Goma au Zaïre (Toussaint, 1996). Une fois Kigali, capitale du Rwanda, prise par le FPR, plusieurs hauts responsables du génocide ont été reçus à l'Élysée. Les autorités rwandaises en exil ont installé à Goma avec l'aide de l'armée française le siège de la Banque Nationale du Rwanda. Celle-ci a effectué des paiements pour rembourser l'achat d'armes et en acheter de nouvelles jusque fin août 1994. Les banques privées Belgolaise, Générale de Banque, BNP, Dresdner Bank… ont accepté les ordres de paiement des génocidaires et ont remboursé les créanciers du génocide.

La situation après le génocide

Après la chute de la dictature en juillet 1994, la BM et le FMI ont exigé des nouvelles autorités rwandaises qu'elles limitent le nombre de fonctionnaires à 50 % des effectifs prévu au cadre précédant le génocide. Les nouvelles autorités ont accepté.

Les premières aides octroyées par les États-Unis et la Belgique fin 1994 ont servi à rembourser les arriérés de dette du régime Habyarimana à l'égard de la BM. Les aides octroyées par les pays du Nord arrivaient au compte-gouttes dans le pays qui était à reconstruire. Les autorités ont accueilli plus de 800 000 réfugiés depuis novembre 1996.

D'après le document de David Woodward réalisé pour Oxfam, en 1996, si la production agricole s'était un peu redressée, elle restait de 38 % inférieure aux habituelles premières récoltes et de 28 % inférieure aux secondes. Le secteur industriel s'avérait plus lent encore à récupérer : seules 54 des 88 entreprises de production existant avant avril 1994 avaient repris leur activité et la plupart produisaient bien en deçà de leur niveau antérieur : la valeur ajoutée de l'ensemble du secteur industriel ne représentait plus fin 1995 que 47 % de son niveau de 1990.

L'augmentation de 20 % des salaires du service public en janvier 1996 fut la première depuis 1981 mais on estimait officiellement que 80 % des travailleurs du secteur public se situaient sous le seuil de pauvreté. Il ne faut pas s'étonner que les Rwandais préfèrent travailler dans une ONG comme chauffeur ou cuisinier plutôt que s'investir dans la fonction publique. Ce chiffre n'est d'ailleurs pas particulier à la fonction publique puisque la BM estimait en 1996 que 85 à 95 % des Rwandais vivaient en dessous du niveau de pauvreté absolue.

Il faut noter un accroissement considérable du nombre de femmes chefs de ménage passant de 21,7 % avant le génocide à quelque 29,3 % avec des pointes de plus de 40 % dans certaines préfectures. Leur situation est particulièrement dramatique lorsqu'on sait à quel point les femmes sont discriminées au niveau des lois notamment liées à l'héritage, à l'accès au crédit et au régime foncier. Déjà avant le génocide, 35 % des femmes chefs de ménage avaient un revenu mensuel inférieur à 5 000 francs rwandais (environ quinze dollars) par personne, alors que ce taux était de 22 % pour les hommes chefs de famille.

Malgré un taux élevé d'adoption d'orphelins suite au génocide et au sida, le nombre d'enfants sans famille oscillait entre 95 000 et 150 000.

Au niveau de l'enseignement, les inscriptions dans le cycle primaire ne sont que de l'ordre de 65 % tandis que le taux de fréquentation des écoles secondaires ne dépasse pas les 8 % (Woodward, 1996). Selon la Banque mondiale, le nombre d'élèves terminant les études primaires a baissé entre 1990 et 2001, passant de 34 % à 28 % (World Bank, World Keys Indicators, 2003). Le taux de mortalité infantile se maintient à un niveau particulièrement élevé (183 pour 1000).

En 1994, la dette extérieure totale du Rwanda s'élevait à près d'un milliard de dollars. Cette dette avait été entièrement contractée par le régime Habyarimana. Dix ans plus tard, cette dette a augmenté d'environ 15 % et le Rwanda est toujours sous ajustement structurel.

La dette contractée avant 1994 rentre pleinement dans la définition de « dette odieuse », en conséquence le nouveau régime aurait dû en être totalement exonéré. Les créanciers multilatéraux et bilatéraux savaient parfaitement à qui ils avaient affaire quand ils prêtaient au régime d'Habyarimana. Après le changement de régime, ils n'avaient pas le droit de reporter leurs exigences sur le nouveau Rwanda. Et pourtant, ils l'ont fait sans vergogne. C'est absolument scandaleux.

Les autorités rwandaises qui ont pris le pouvoir en 1994 ont tenté de convaincre la Bm et le FMI de renoncer à leurs créances. Ces deux institutions ont refusé et ont menacé de fermer le robinet du crédit si Kigali s'entêtait. Elles ont demandé à Kigali de faire silence sur l'aide qu'elles ont apportée au régime d'Habyarimana en échange de nouveaux prêts et d'une promesse d'annulation future de dette dans le cadre de l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés (lancée en 1996). Il est déplorable que le gouvernement ait accepté ce marchandage. Les conséquences sont néfastes : poursuite de l'ajustement structurel dont les conséquences économiques et sociales sont désastreuses et maintien d'une dette extérieure insoutenable et odieuse. En faisant cela, les autorités de Kigali ont obtenu le statut de bon élève du FMI, de la BM et du Club de Paris. Pire en participant à l'occupation militaire d'une partie du territoire du pays voisin, la République Démocratique du Congo, à partir d'août 1998 et en participant au pillage de ses ressources naturelles, le régime rwandais s'est fait le complice des États-Unis et de la Grande-Bretagne dans la région (ces deux pays cherchent activement un affaiblissement de la RDC).

Les Rwandais devraient être libérés de la dette et de la tutelle des créanciers du génocide.

***

L'audit de la dette : un précédent avorté : les exemples du Rwanda et de la République démocratique du Congo – Entretien avec Éric Toussaint. Propos recueillis par Benjamin Lemoine

Quels ont été les premiers terrains d'expérimentation de la méthode CADTM pour combattre les dettes illégitimes ?

Il faut resituer cela dans la convergence entre le CADTM et différents mouvements actifs en France et ailleurs. Le CADTM, par exemple, s'est beaucoup investi dans la solidarité avec le mouvement néozapatiste qui est apparu publiquement le 1er janvier 1994 au Chiapas (Mexique) et s'est rendu à plusieurs reprises au Mexique. Le CADTM a également participé comme coorganisateur à la grande mobilisation d'octobre 1994 en Espagne contre la réunion de la Banque mondiale et du FMI pour fêter leur demi-siècle d'existence. Cette action faisait partie de la campagne mondiale « Fifty years, it's enough ». En ce qui concerne les contacts en France, j'ai mentionné la LCR, la campagne « Ca suffat comme ci » de 1989, le collectif « Les Autres Voix de la planète » créé en 1996 pour organiser le contre-G7, il faut y ajouter AITEC et le CEDETIM animés par Gus Massiah. Il y a aussi le mouvement Survie, animé à l'époque par François-Xavier Verschave, qui lutte contre la Françafrique et a bien perçu l'importance de la thématique de la dette. Survie avait un rapport étroit avec le CADTM, y compris parce que Survie, comme le CADTM, a été très actif pour dénoncer le génocide au Rwanda en 1994, ainsi que « l'opération Turquoise » organisée par Mitterrand. En 1995, une délégation du CADTM s'est rendue au Rwanda et un rassemblement international CADTM a été organisé à Bruxelles avec la question du génocide et les responsabilités des créanciers au cœur du programme. Et à partir de 1996, le CADTM s'est lancé dans l'audit de la dette rwandaise avec, à ce moment-là, le nouveau régime à Kigali dirigé par Paul Kagamé, qui est toujours au pouvoir. Kagamé voulait faire la clarté sur la dette et une équipe de deux personnes qui travaillaient étroitement avec le CADTM s'est mise en place. Michel Chossudovsky, un Canadien, professeur d'université à Ottawa, qui écrivait beaucoup dans le Monde diplomatique, et Pierre Galand, alors secrétaire d'Oxfam en Belgique, se sont rendus à Kigali et ont mené l'enquête en étroite relation avec le CADTM. Je dialoguais beaucoup avec eux et j'ai écrit un article qui s'appelait « Les créanciers du génocide » qui a eu un certain écho.

Cette initiative va inspirer la méthodologie CADTM sur l'audit de la dette ?

Effectivement, même si le dénouement a été frustrant. Peu de gens savent qu'une des missions de l'opération Turquoise consistait à mettre la main sur toute la documentation de Banque centrale du Rwanda à Kigali et de transférer tout cela dans un container à Goma en RDC, afin d'empêcher que les nouvelles autorités aient accès aux traces écrites révélant à quel point la France avait soutenu le régime génocidaire de Juvénal Habyarimana. Quand Laurent-Désiré Kabila a lancé son offensive contre Mobutu en 1996, à partir de l'est du Congo, Kagamé a pu mettre la main sur ce container, le rapatrier à Kigali et a ouvert les archives, sur lesquelles ont travaillé Michel Chossudovsky et Pierre Galand .

En somme, on retrouve la boîte noire…

Absolument, et on a vu l'implication des banques françaises dans le financement des achats d'armes du général Habyarimana. L'Egypte et la Chine étaient également impliqués en fournissant beaucoup de machettes, tandis que les Français fournissaient du matériel plus sophistiqué pour l'armée génocidaire rwandaise. Alors au départ, et c'est un point commun pour la suite de nos expériences, des mouvements internationalistes rentrent en contact avec un chef d'État, Paul Kagamé, qui veut faire la clarté et qui met à la disposition d'experts une documentation qui d'habitude est secrète. Kagamé, fort de cette ressource, a menacé les USA, la France, la Banque mondiale (BM) et le FMI de mettre sur la place publique le financement du génocide. Washington et Paris tout comme la Banque mondiale et le FMI ont dit en gros : « Ne sors pas ça ! En échange de ton silence, on te propose de réduire la dette rwandaise, en t'ouvrant une ligne de crédit maximale à la BM et au FMI. On réduit ce qu'on te réclame comme remboursement, on te le préfinance par de nouveaux prêts ». Et Kagamé est rentré dans le jeu. Ça a été une expérience tout à fait frustrante, non seulement pour l'énergie et l'éthique, mais aussi par rapport à ce que cela aurait pu constituer comme précédent. En effet, avant le régime d'Habyarimana, le niveau de dette du Rwanda était extrêmement faible, toute la dette réclamée au Rwanda était une dette contractée par un régime despotique, et donc tombait typiquement sous le coup de la doctrine de la dette odieuse, un peu comme la dette réclamée à la RDC.

En République démocratique du Congo, après le renversement du dictateur Mobutu en 1996-1997, Pierre Galand et moi travaillions en relation avec les nouvelles autorités de Kinshasa (c'est Pierre Galand qui entretenait les véritables contacts) et surtout avec les mouvements sociaux. Plusieurs membres et sympathisants congolais du CADTM qui avaient passé 20 ans en exil en Belgique étaient rentrés dans leur pays après la chute de Mobutu et occupaient des postes à Kinshasa . Nous avions aussi des contacts de longue date avec Jean-Baptiste Sondji, ex-militant maoïste congolais, qui était devenu ministre de la santé dans le gouvernement de Kabila.

Dans ces cas-là, quels sont les soutiens ou les alliances que vous recherchez ?

Personnellement je donnais l'absolue priorité aux relations avec les mouvements sociaux (syndicats, organisations paysannes, étudiantes…). Je n'avais pas une grande confiance dans le nouveau gouvernement de RDC sauf en partie en la personne de Jean Baptiste Sondji. Il s'agissait de remettre en cause le paiement de la dette réclamée à la RDC par des régimes et des institutions qui avaient soutenu Mobutu et lui avaient permis de rester au pouvoir pendant plus de 30 ans. Laurent Désiré Kabila avait mis en place un « Office des biens mal acquis » et il y avait un lien évident entre enrichissement lié à la corruption et endettement du pays. Là aussi, d'ailleurs, il y a eu une déconvenue parce que Kabila a négocié avec les banquiers suisses une transaction alors qu'il y avait une possibilité pour la RDC d'obtenir de la justice helvète qu'elle force les banquiers suisses complices des détournements opérés par Mobutu de restituer ce que celui-ci avait déposé dans leurs coffres. Scandaleusement, LD Kabila a accepté une transaction secrète avec les banquiers suisses et a abandonné la procédure juridique en cours.

Je me suis rendu à Kinshasa durant l'été 2000 pour travailler avec les mouvements sociaux et les ONG congolaises sur la question de la dette odieuse réclamée à la RDC. Mon livre La Bourse ou la Vie avait beaucoup de succès dans les milieux universitaires et dans la gauche congolaise. En Belgique, l'ex-métropole coloniale, le CADTM avait développé une forte campagne pour l'annulation de la dette odieuse de la RDC et pour le gel des avoirs du clan Mobutu en Belgique. Nous avions collaboré à la rédaction d'une brochure commune à l'ensemble des ONG et des organisations de solidarité Nord/Sud actives en Belgique afin de réclamer l'annulation des dettes congolaises. Dans la foulée de ces activités menées par le CADTM, des organisations de RDC ont adhéré au réseau international CADTM (à Kinshasa, au Bakongo, à Lubumbashi et à Mbuji-Mayi). La leçon à tirer des tentatives de dénonciation de la dette odieuse au Rwanda et en RDC est qu'il ne faut pas faire confiance aux gouvernements. Il faut donner la priorité absolue au travail avec les organisations citoyennes à la base, avec les mouvements sociaux et avec les individus décidés à agir jusqu'au bout pour que la clarté soit faite et que des décisions soient prises par les gouvernements.

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Bibliographie

CHOSSUDOVSKY, Michel et autres. 1995. « Rwanda, Somalie, ex Yougoslavie : conflits armés, génocide économique et responsabilités des institutions de Bretton Woods », 12 p., in Banque, FMI, OMC : ça suffit !, CADTM, Bruxelles, 1995, 182 p.

CHOSSUDOVSKY, Michel. The Global economic crisis, Department of Economic, University of Ottawa and Committee for the Cancellation of the Third World Debt (COCAD), Bruxelles, 1995, 18 p.

CHOSSUDOVSKY, Michel et GALAND Pierre, « Le Génocide de 1994, L'usage de la dette extérieure du Rwanda (1990-1994). La responsabilité des bailleurs de fonds », Ottawa et Bruxelles, 1996, http://globalresearch.ca/articles/CHO403F.html

MATON, Jef. 1994. Développement économique et social au Rwanda entre 1980 et 1993. Le dixième décile en face de l'apocalypse, Université de Gand, Faculté de Sciences économiques, 1994, 43 p.

NDUHUNGIREHE, Marie-Chantal. Les Programmes d'ajustement structurel. Spécificité et application au cas du Rwanda. Mémoire de licence, UCL, Faculté de Sciences économiques, 1995, 162 p.

TOUSSAINT, Eric. 1996. « Nouvelles révélations sur les ventes d'armes », 2 p., CADTM 19, Bruxelles, 1996.

TOUSSAINT, Eric. 1997. « Rwanda : Les créanciers du génocide », 5 p., in Politique, La Revue, Paris, avril 1997.

WOODWARD, David. 1996. The IMF, the World Bank and Economic Policy in Rwanda : Economic, Social and Political Implications, Oxfam, Oxford, 1996, 55 p.

Pour en savoir plus : Renaud Duterme, Rwanda : une histoire volée. Dette et génocide, Août 2013, Éditions Tribord

Article publié initialement sur https://www.cadtm.org/Rwanda-les-creanciers-du-genocide

Benjamin Lemoine est chercheur en sociologie au CNRS spécialisé sur la question de la dette publique et des liens entre les États et l'ordre financier. Une version abrégée de cet entretien est parue dans le numéro spécial « Capital et dettes publiques », de la revue Savoir / Agir n°35, mars 2016.

Note

[1] Banque mondiale, International Debt Statistics, Données consultées le 6 avril 2021. Disponibles à : https://databank.worldbank.org/source/international-debt-statistics#

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La montée en puissance des prophètes pentecôtistes africains

16 avril 2024, par Mateo Gomez — ,
Des foules en liesse, des audiences record et des millions en dons. En Afrique, depuis quelques années, les prophètes pentecôtistes charismatiques se multiplient et gagnent en (…)

Des foules en liesse, des audiences record et des millions en dons. En Afrique, depuis quelques années, les prophètes pentecôtistes charismatiques se multiplient et gagnent en pouvoir et influence, se projetant bien au-delà du religieux.

Tiré de MondAfrique.

Le pentecôtisme connaît une montée météorique en Afrique chrétienne, avec des milliers de nouveaux membres chaque année. Au Zimbabwe, par exemple, le Ministère Prophétique de Guérison et de Délivrance affirme que le nombre de ses membres est passé de 45 000 à plus d'un million en seulement cinq ans. Il s'agit d'un chiffre gigantesque dans un pays de 16 millions d'habitants.

Ces figures charismatiques dirigent des méga-églises où ils accueillent notamment des jeunes marginalisés, promettant et professant la guérison par la foi, la santé et la richesse. Et souvent, cet engouement des masses pour ces nouveaux leaders spirituels se traduit par quelque chose approchant un culte de personnalité.

Une étude menée en 2022 dans 34 pays africains par Afrobarometer confirme cette tendance : 69 % des personnes interrogées faisaient confiance aux chefs religieux ; 51% faisaient confiance à leur président. De nombreux adeptes pensent même que ce serait un déclassement pour un prophète de se présenter à la Présidence de la République.

Abus sexuels, emprise, corruption

Les prophètes ne se privent pas de cet amour des masses pour abuser de leur statut : structures ecclésiastiques autoritaires, abus sexuels, corruption, intimidation… Ils font même jouer la peur de représailles spirituelles : si on ne se soumet pas aux nouveaux élus de Dieu, la damnation, la faim ou la maladie frapperont. Après tout, martèlent-ils, leur parole est définitive, et la remettre en question serait un acte du diable, qui tente désespérément de nuire aux intermédiaires entre le Seigneur et l'humanité.

Mais leur succès n'est pas uniquement dû au facteur religieux. Une partie du succès s'explique aussi par toute l'œuvre sociale et caritative que ces méga-églises mènent, tels des repas gratuits ou des soins, offrant une alternative alléchante aux services étatiques des fois trop chers ou alors défaillants dans ces domaines. Toute l'opération est financée par les dons (non taxés) des adeptes dont la gestion est complètement opaque et privée. Ces prophètes se permettent par la suite des modes de vie fastueux qu'ils justifient comme la preuve ultime de leur évangile : ils ont la foi, donc ils attirent la prospérité et les bonnes grâces de Dieu.

Une économie parallèle

Et au delà du social, ces pères spirituels, qui se nomment eux-mêmes “papa” et appellent leurs adeptes leurs “enfants”, usent de leur richesse pour se faciliter la vie sur le plan juridique, en se payant les meilleurs avocats, et en échangeant de l'argent contre le silence lorsqu'une accusation d'abus fait surface. Et sur le plan politique, les élus (séculaires) font de leur mieux pour forger des liens forts et médiatisés avec ces prophètes. Qui sait, peut-être que cette masse de croyants pourra un jour se transformer en masse de votants. Les pentecôtistes charismatiques se positionnent donc comme conseillers voire guides spirituels des politiques, et en échange ceux-ci les protègent de la justice. C'est gagnant-gagnant.

Sous l'emprise de cette influence de plus en plus séculaire des prophètes, une économie parallèle se développe dans les rues, où les dons caritatifs des croyants permettent le financement de nombreux services et projets que ces mêmes croyants usent quotidiennement : nourriture, vêtements, argent et emplois au sein de l'Église – souvent sous la forme de dons de l'Église aux membres considérés comme pauvres.

Une machine bien huilée, que personne ne semble avoir intérêt à entraver.

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Mali : La junte suspend les partis et les associations politiques

16 avril 2024, par Human Rights Watch — , ,
Le gouvernement militaire de transition du Mali devrait immédiatement revenir sur sa décision de suspendre les partis et les associations politiques, a déclaré Human Rights (…)

Le gouvernement militaire de transition du Mali devrait immédiatement revenir sur sa décision de suspendre les partis et les associations politiques, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Une telle suspension serait en violation à la fois de la loi malienne et du droit aux libertés d'expression, d'association et de réunion telles que définies par le droit international en matière des droits humains.

Tiré du site de Human Right Watch.

Le 10 avril, le Conseil des ministres du Mali a adopté un décret suspendant les activités des partis politiques et des associations politiques « jusqu'à nouvel ordre » dans tout le pays. Le 11 avril, l'organe de régulation des communications maliennes, la Haute autorité de la communication (HAC), a invité tous les médias à « arrêter toute diffusion et publication [d'informations sur les] activités » des partis politiques et des associations. Cette décision semblait être en réponse à l'appel du 31 mars de plus de 80 partis et associations politiques pour un retour à l'ordre constitutionnel, par l'organisation de l'élection présidentielle dans les meilleurs délais. La junte militaire, qui s'est emparée du pouvoir par un coup d'État en mai 2021, avait annoncé en septembre 2023 que cette élection, initialement prévue pour le 26 mars 2024, serait reportée à une date indéterminée pour des raisons techniques.

« Les autorités maliennes semblent avoir suspendu tous les partis et associations politiques parce qu'ils n'aimaient pas leur appel à tenir des élections démocratiques », a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur le Sahel à Human Rights Watch.

  • « La junte malienne, comme tout autre gouvernement, devrait respecter les droits humains et immédiatement lever cette suspension. »

Après des mois de reprise des hostilités entre les groupes séparatistes armés et les troupes gouvernementales maliennes dans le nord du pays, le colonel Assimi Goïta, président de transition du Mali, a annoncé, le 31 décembre 2023, l'ouverture d'un « dialogue direct inter-malien pour la paix et la réconciliation », visant à éliminer « les racines des conflits communautaires et intercommunautaires », en établissant comme priorité « l'appropriation nationale du processus de paix ». Dans un communiqué de presse diffusé le 10 avril, le colonel Abdoulaye Maïga, ministre de l'Administration territoriale, a affirmé que la suspension des partis et des associations politiques était justifiée pour assurer que le dialogue inter-malien « [se tiendrait] dans un climat de sérénité, pas dans la cacophonie ».

« La déclaration du ministre contient des contradictions », a déclaré un membre du parti politique Solidarité africaine pour la démocratie et l'indépendance (SADI). « Les autorités invitent les citoyens à un dialogue national mais, en même temps, elles les privent de leur habillage politique […] Qui [les autorités] veulent-elles voir participer à ce dialogue ? Les gens devraient pouvoir participer à la fois en tant que citoyens et en tant que dirigeants politiques ou membres de partis politiques ».

En janvier, les autorités ont engagé des poursuites contre le parti SADI, menaçant de le dissoudre, après l'affichage sur les réseaux sociaux d'un message de son dirigeant, Oumar Mariko. Mariko avançait que les forces armées maliennes avaient commis des crimes de guerre contre des membres du Cadre stratégique permanent, une coalition de groupes politiques et armés du nord du Mali.

Depuis le coup d'État militaire, la junte malienne a durci sa répression de la dissidence pacifique, de l'opposition politique, de la société civile et des médias, rétrécissant de plus en plus l'espace civique dans le pays, a déclaré Human Rights Watch.

Le 13 mars, le ministre de l'Administration territoriale a dissous l'Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM), accusant ses membres de « violences et affrontements dans le milieu scolaire et universitaire ». L'AEEM était la quatrième organisation dissoute en moins de quatre mois. Le 6 mars, les autorités ont dissous la Coordination des mouvements, associations et sympathisants de l'imam Mahmoud Dicko (CMAS), qui avait appelé à la tenue de l'élection présidentielle dans le cadre d'un processus de retour à un régime démocratique civil, l'accusant de « déstabilisation et de menace pour la sécurité publique ».

Le 28 février, les autorités ont dissous l'organisation politique Kaoural Renouveau, l'accusant d'avoir tenu des « propos diffamatoires et subversifs » à l'encontre de la junte militaire. Et le 20 décembre, elles ont dissous l'Observatoire pour les élections et la bonne gouvernance, une organisation de la société civile qui surveillait le déroulement équitable des élections, reprochant à son président des « déclarations de nature à troubler l'ordre public ».

La junte a également pris pour cible des dissidents et des lanceurs d'alerte. Le 4 mars, les autorités ont fait disparaître de force le colonel de gendarmerie Alpha Yaya Sangaré, qui avait récemment publié un livre sur les abus commis par les forces armées maliennes. On ne sait toujours pas où il se trouve OU sa location reste inconnue à ce jour.

  • Un activiste malien des droits humains a déclaré que « les autorités veulent garder le monopole du pouvoir politique en refusant à leurs opposants le droit d'exprimer leurs opinions et d'exercer des activités politiques ».

La constitution du Mali, ainsi que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que le Mali a ratifié en 1974, protège les droits aux libertés d'association, d'expression et de réunion pacifique. L'article 25 du Pacte assure le droit des citoyens de participer aux affaires publiques. Le Comité des droits de l'homme des Nations Unies, le corps d'experts indépendants qui surveille le respect du pacte par les États signataires, a confirmé le droit de tous de « se joindre à des organisations et des associations s'intéressant aux affaires politiques et publiques. »

« La décision de la junte de suspendre les partis politiques s'inscrit dans le contexte de sa répression incessante d'une opposition et d'une dissidence pacifique », a affirmé Ilaria Allegrozzi. « Les autorités devraient immédiatement lever cette suspension, autoriser les partis et les associations politiques à opérer librement et s'engager à respecter les libertés et les droits fondamentaux ».

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De l’état du monde et du déni des gens qui nous gouvernent

16 avril 2024, par Pierre Mouterde — ,
Quelle étrange période que celle que nous vivons ! Et sans doute faut-il désormais apprendre à aiguiser son regard pour tenter d'aller au-delà des apparences premières. 14 (…)

Quelle étrange période que celle que nous vivons ! Et sans doute faut-il désormais apprendre à aiguiser son regard pour tenter d'aller au-delà des apparences premières.

14 avril 2024

Car c'est justement cela le propre des élites économiques, politiques et médiatiques de notre temps : être dans le déni et s'enfermer dans une bulle cognitive à ce point étroite qu'elles ne voient plus ce qui pourtant crève les yeux, finissant –égarées, lassées et cyniques— par faire comme si de rien n'était, ou presque. À préférer au mieux naviguer entre 2 eaux, utilisant le gros de leurs pouvoirs pour donner l'illusion que malgré tout elles nous entraînent dans la bonne direction.

C'est que nous sommes confrontés à des conditions historiques radicalement nouvelles qui ont toutes de quoi nous déconcerter profondément. Au-delà même de la multiplicité et des effets combinés des crises économiques, sociales, politiques, culturelles, sanitaires, écologiques et géopolitiques qui nous ont assaillis ces dernières années –songez à la Covid ou aux guerres en Ukraine et à Gaza—, nous nous trouvons soudainement placés devant une série de défis qui, de par leur caractère mondialisé, ont pris une dimension littéralement anthropologique.

Ils nous obligent en effet, non seulement à nous arrêter aux problèmes les plus urgents du quotidien, mais aussi et surtout à les replacer et tenter de les régler depuis le temps long de l'histoire, et par conséquent à nous interroger tout autant sur le sens même de l'aventure humaine que sur les vertus de la vaste trajectoire du progrès que depuis l'époque moderne nous prétendons –nous gens d'Occident— incarner.

À quoi sert-il de continuer à parier sur l'augmentation infini et sans discrimination du PIB du monde si, comme nous l'indiquent les experts et scientifiques du GIEC, nous sommes à cause de cela en train de frapper un mur, en termes de changements climatiques, mais aussi de raréfaction des ressources, de disparition des espèces animales, de destruction d'un environnement vital pour la vie, la vie avec un grand V ? Et que vaut un accroissement de la puissance technologique humaine (pensez à certaines applications de l'IA non régulées), si au sein du désordre géopolitique d'aujourd'hui, elle se transforme en puissance destructrice ou barbare aux effets incalculables ? Et plus encore, est-ce vraiment la panacée de défendre coûte que coûte un libre-marché capitaliste dans lequel, au-delà même d'inégalités grandissantes, ne cessent de perdurer la faim pour les uns, et pour les autres le manque généralisé stimulé par une société de consommation jamais au rendez-vous des promesses qu'elle ne cesse de faire miroiter ?

C'est bien là l'étrange : face à ces questions de fond ressurgissant depuis les pressantes exigences du présent, nos élites paraissent tétanisées, plus préoccupées de faire illusion ou de se maintenir hypocritement au pouvoir que d'aider les sociétés auxquelles elles appartiennent à se dresser à leur hauteur. Et dans la société civile d'en bas c'est à une véritable course de vitesse à laquelle on assiste ; une course de vitesse entre l'exaspération ou le ressentiment des uns mobilisés désormais largement par les forces d'extrême droite, et les volontés démocratiques de changement des autres, mais portées par une gauche sur la défensive, fragmentée et à la recherche d'un second souffle.

Cette dernière saura-t-elle se ressaisir et retrouver le rôle qu'elle a su jouer par le passé, celui d'être le sel de la terre en rappelant les dimensions historiques et structurelles qui sont en jeu comme le rôle émancipateur que les peuples et mouvements sociaux peuvent y jouer ? Au milieu des clameurs guerrières qui sourdent de toutes parts, au-delà du jeu sordide des États enfermés dans la seule logique des rapports de force à courte vue, n'est-ce pas aussi à cela qu'il faut désormais oser travailler ? De toute urgence, comme une fenêtre ouverte sur d'autres possibles !

Pierre Mouterde
Sociologue, essayiste
Québec, le 14 avril 2024

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Déclaration des patriotes du 16 mars

16 avril 2024, par Solidarité Québec-Haïti — , ,
Nous, patriotes haïtiens de plusieurs villes, sommes réunis le 16 mars 2024. Wap jwen vèsyon kreyol sou lòt paj la. Nous, patriotes haïtiens de plusieurs villes, sommes (…)

Nous, patriotes haïtiens de plusieurs villes, sommes réunis le 16 mars 2024. Wap jwen vèsyon kreyol sou lòt paj la.

Nous, patriotes haïtiens de plusieurs villes, sommes réunis le 16 mars 2024, et déclarons :

1. Le droit souverain du peuple haïtien sur son territoire est absolu et sacré. Les étrangers qui violent ce droit sont des ennemis de la nation. Les Haïtiens qui aident l'ennemi à violer la souveraineté haïtienne sont des traîtres qui seront punis comme le commandent nos ancêtres et les lois de notre pays.

a. Le Core Group est persona non grata. Kenyans, Sénégalais, CARICOM, Espagnols… autres mercenaires, mieux vaut rester sur votre territoire !

b. Michel Martelly, Gilbert Bigio, Reynold Deeb, Izo (Johnson André), Dimitri Herard, Jimmy Cherizier (Babekyou), Vitelhomme Innocent, André Apaid, Guy Philippe ... tous les criminels qui ont brisé les murs des prisons et versé le sang d'innocents doivent être arrêtés ou puni de mort (bwa kale !)

c. Le seul gouvernement de transition que nous reconnaîtrons est celui qui émane de dirigeants haïtiens qui n'ont pas le sang du peuple sur les mains.

d. #HaitiAuxHaitiens #HaitiensPourHaiti #ArettezBigio #ArretezMartelly

2. Pour défendre la vie des Haïtiens honnêtes, nous lutterons contre toute force du mal, pour le désarmement effectif des criminels (étrangers et Haïtiens) et la reconstitution des forces de légitime défense de notre nation.

a. Décréter une mobilisation continue en faveur de la reconstitution des forces de l'ordre (Police et Armée) chargées de garantir la sécurité de toutes et tous en notre patrie, selon nos besoins et sans discrimination, aucune.

b. Abolir toutes les milices privées qui protègent et servent actuellement les oligarques criminels, les forces impérialistes blanches et leurs complices.

c. Nous cherchons à ce que le droit international soit dûment appliqué pour forcer les États-Unis et la République dominicaine à surseoir l'envahissement d'Haïti avec des armes meurtrières alors que ces pays abritent sur leur territoire des criminels majeurs qui ont du sang haïtien sur les mains (par exemple Bigio, Martelly…).

d. #AbasLesCriminels #ZeroToleranceTraitres #ZeroToleranceVioleurs #ZeroToleranceAssassins

3. Mobilisation incessante pour dénoncer et contrer toutes les forces malveillantes qui ont gangstérisé Haïti avec les milices du PHTK.

a. Nous exigeons restitution et réparations de la part des gouvernements de pays membres du Core Group, des Nations Unies et de l'OEA pour les multiples crimes qu'ils ont commis contre le peuple haïtien au cours de l'histoire ainsi qu'à l'époque actuelle.

b. Nous ouvrons nos bras pour recevoir et offrir notre solidarité à tous les peuples en lutte comme ceux de Cuba, le Mali, le Niger, le Boukina Faso, la Palestine, le Venezuela... qui font face aux actions malveillantes du même klan de colonisateurs, voleurs de terres qui forme le Core Group.

c. #DeboutAvecHaiti #JugezClinton #JusticeDignitéRéparationPourHaiti ?

Deklarasyon patriòt 16 mas lan

Yon ekip patriyòt Ayisyen k ap viv nan plizyè vil te reyini 16 Mas 2024
Nou deklare :

1. Dwa granmoun pèp Ayisyen an sou peyi li sakre. Etranje ki vyole dwa sa a se lènmi nasyon an. Ayisyen ki ede lènmi vyole granmounite Ayiti se trèt k ap resevwa pinisyon jan zansèt yo ak manman lwa peyi nou ekzije sa.
a. Core Group persona non grata. Mèsenè Kenya, Senegal, CARICOM, Panyòl ret nan patiray nou !
b. Michel Martelly, Gilbert Bigio, Reynold Deeb, Izo (Johnson André), Dimitri Herard, Jimmy Cherizier (Babekyou), Vitelhomme Innocent, André Apaid, Guy Philippe … tout kriminèl ki pete pòt prizon epi ki fè san pèp inosan koule : anba kòd osnon bwa kale !
c. Sèl gouvènman tranzisyon n ap rekonèt se youn ki soti nan tèt kole Ayisyen ki pa gen san pèp la sou men yo.
d. #AyitiPouAyisyen #AyisyenPouAyiti #AreteBigio #AreteMartelly #AbaBlanMalveyan

2. Pou nou defann lavi Ayisyen onèt, nou dekrete koukouwouj dèyè tout malonèt jouk nou va rive dezame tout kriminèl (etranje tankou Ayisyen) epi remanbre fòs defans lejitim nasyon nou an.
a. Nou dekrete mobilizasyon manch long pou remanbre fòs legal (Polis ak Lame) ki la pou asire sekirite tout moun sou zile a, kòmsadwa, san paspouki.
b. Aba tout milis prive k ap pwoteje e sèvi oligak kriminèl ak blan malveyan enperyalis yo.
c. Nou ekzije aplikasyon dwa entènasyonal prese prese pou fòse Etazini ak Dominikani sispann anvayi Ayiti ak zam fannfwa pandan leta peyi sa yo ap kouve gwo kriminèl chèf milis kidnapè lakay yo, tankou Bigio, Martelly…
d. #ToutMounSeMoun #LaviToutMounSakre #ToutKriminèlSeKriminèl #ZewoToleransPouTrèt #ZewoToleransPouKadejakè #ZewoToleransPouAsasen

3. Mobilizasyon san pran souf nan tout peyi blan malveyan yo ki gangsterize Ayiti ak milis PHTK yo.
a. Nou ekzije Restitisyon ak reparasyon nan men gouvènman peyi Kò Gwoup yo, Nasyonzini, OEA pou tout krim yo fè kont pèp Ayisyen an nan listwa tankou nan epòk kounye a.
b. Nou louvri bra pou nou resevwa epi ofri solidarite bay tout pèp tankou Kiba, Mali, Nijè, Boukina Faso, Palestin, Venezyela… k ap lite kont menm lagrandyab vòlò tè kolonizatè ki anndan Core Group yo.
c. #LeveKanpePouAyiti #JijeClinton #JistisDiyiteReparasyonPouAyiti<

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La lutte anti-coloniale pour l’autodétermination du peuple haïtien atteint l’ONU

La lutte anti-(néo)coloniale à Haïti s'insère à plein titre dans les contingences géopolitiques actuelles. Pour faire face aux défis existentiels que lui incombent, le peuple (…)

La lutte anti-(néo)coloniale à Haïti s'insère à plein titre dans les contingences géopolitiques actuelles. Pour faire face aux défis existentiels que lui incombent, le peuple haïtien mène une lutte de longue-haleine pour l'émancipation et l'autodétermination, qui nécessite d'un mouvement de solidarité internationaliste solide et mobilisé.

Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/04/15/declaration-de-solidarite-avec-le-peuple-haitien-communique-collectif/

En effet, les forces impérialistes dominantes continuent d'imposer leur mainmise sur la île caribéenne afin d'en tirer des clairs avantages stratégiques ; il s'agit d'éviter qu'Haïti puisse entreprendre la voie de la véritable indépendance, pour une souveraineté nationale et populaire.

La situation actuelle dans le pays est caractérisée par une violence inouïe et par des violations généralisés et systématiques des droits humains, et notamment des populations les plus vulnérables (personnes issues des classes populaires et des communautés rurales). La moitié du pays se trouve désormais aux mains de gangs criminelles, instrumentalisées par l'oligarchie nationale – assujettie aux intérêts impérialistes – afin de confiner et limiter la contestation sociale. Face à cela, le mouvement social haïtien (organisations paysannes, organisations politiques progressistes, syndicats, organisations féministes…) s'organise collectivement et revendique des espaces d'autonomie où bâtir ses propres voies de développement auto-centré. Ce sont précisément ces modèles alternatifs au système raciste et néocolonial dominant qui dérangent. Ainsi, le mouvement social est dans le viseur impérialiste et néocoloniale ; d'où l'instrumentalisation des gangs criminelles.

Dans le contexte haïtien, l'ONU a joué un rôle historiquement néfaste. Les interventions sous couvert de cette organisation se poursuivent depuis trois décennies. Ces « missions de paix », qui ont pour but déclaré d' aider le pays à retrouver la stabilité politique et à lutter contre la corruption, n'ont en réalité que contribué à empirer la situation. Début octobre 2023, le Conseil de sécurité de l'ONU profile une nouvelle intervention militaire étrangère pour combattre les gangs qui secouent le pays.

Les mouvements sociaux haïtiens mettent en garde face à cette nouvelle tentative d'ingérence étrangère sous couvert de l'ONU, ou il vaudrait mieux dire, sous couvert du « Core-group de l'ONU sur Haïti ». Ce dernier est un groupe inter-gouvernemental auto-nommé de pays (entre autres, les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne, le Canada) qui de facto contrôle et administre la vie politique haïtienne depuis 2004 (année du coup d'état parainné par les Etats-Unis et la France contre le Président Aristide). Un groupe qui ne représente ni l'ONU ni la soi-disant « communauté internationale » mais plutôt les intérêts stratégiques du système impérialiste dominant à traction états-unienne.

Les principales organisations paysannes haïtiennes membres de La Via – Tet Kole Ty Peyizan Ayitien, Mouvement paysan papaye (MPP) et le Mouvement paysan national du congrès papaye (MPNKP), toutes membres de La Via Campesina – sont mobilisées à tous les niveaux pour s'opposer au plan d'intervention militaire, soutenues par les organisations de la solidarité internationaliste.

La Via Campesina a lancé, fin 2023, une campagne de solidarité avec la lutte du peuple haïtien. Dans ce cadre, des efforts de plaidoyer se sont également déployés au niveau du système international des droits humains, appuyés par le CETIM qui a accompagné les organisations paysannes haïtiennes au niveau des instances onusiennes. La lutte sociale à Haïti passe aussi par la création d'un rapport de force au niveau international, et l'ONU représente en ce sens un terrain de lutte de prédilection.

Dans le cadre de la 55ème session du Conseil des droits de l'homme de l'ONU, le CETIM et les organisation paysannes haïtiennes ont déposé un rapport sur la situation des droits humains dans le pays pour faire lumière sur la situation de crise profonde dans laquelle verse le pays. Dans ce rapport, il a été question d'abotder les origines coloniales de la crise actuelle, l'historique des ingèrences étrangères, tout en émettant une série de revendications et demandes concrètes adressées au Conseil des droits de l'homme.

A_HRC_NGO_Haiti-FR : TÉLÉCHARGER

Ensuite, Micherline Islanda Aduel, en représentation des organisations paysannes haïtiennes, du CETIM et FIAN International, est intervenue en réunion plénière du Conseil des droits de l'homme lors d'un débat sur la situation à Haïti. Dans son intervention, elle a insisté sur le fait qu'il soit nécessaire de « laisser les institutions démocratiques légitimes, les mouvements sociaux ainsi que les organisations politiques prendre les mesures nécessaires pour remettre le pays sur le chemin de la paix et de la démocratie ».

https://player.vimeo.com/video/933779400?h=046219dc7f

Les principales revendications présentés à l'ONU s'articulent ainsi autour du rejet de l'intervention militaire impérialiste, le respect de l'indépendance et l'intégrité territoriale d'Haïti, ainsi que sur la nécessité d'assurer la participation des mouvements sociaux au futur processus de transition démocratique. Il a été également question de focaliser l'attention sur la situation dans les zones rurales qui est particulièrement affectée par la situation ; ainsi, le relance de de la production agricole, tout en protégeant les droits des populations paysannes et rurales, à la lumière des dispositions de la Déclaration de l'ONU sur les droits des paysans et autres personnes travaillant dans les zones rurales, est une priorité fondamentale. La Déclaration peut en ce sens servir de boussole, de levier politique et juridique au service des intérêts des classes populaires, en vue de la reconstruction du pays sur des bases de justice sociale et climatique.

VIVE HAÏTI SOUVERAIN !
VIVE LA LUTTE DU PEUPLE POUR UNE SOLUTION HAÏTIENNE POUR HAÏTI !
VIVE LA SOLIDARITÉ ENTRE TOUTES LES ORGANISATIONS PROGRESSISTES LUTTANT POUR LA JUSTICE SOCIALE !

Pour savoir plus :
Micherline est également intervenue lors d'une conférence publique à Genève, intitulée « Luttes anticoloniales dans le Sud Global : Une perspective paysanne », aux côtés de représentant-e-s paysan-ne-s du Niger, Colombie et Palestine. Cet événement visait à aborder les perspectives paysannes quant aux articulations entre luttes anticoloniales et luttes pour la souveraineté alimentaire.
Voir le webinaire sur la situation à Haïti, organisé par La Via Campesina :
https://vimeo.com/924141686?fbclid=IwAR0xmQW8UEmzPz_1RAnUoTTJQeeFw1Nm4j_5cGzNV33hDwdpDc_8XgQwdcY

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Argentine. Sous pression de la rue, la CGT appelle à une journée de grève générale le 9 mai

16 avril 2024, par Révolution permanente — , ,
Alors que depuis trois mois, les directions syndicales négocient avec le patronat et refusent de s'opposer de manière coordonnée au plan de Milei, elles ont fini par appeler, (…)

Alors que depuis trois mois, les directions syndicales négocient avec le patronat et refusent de s'opposer de manière coordonnée au plan de Milei, elles ont fini par appeler, sous pression de la rue, à une nouvelle journée de grève générale, le 9 mai prochain.

12 avril 2024 | tiré de Révolution permanente | Crédits photo : La Izquierda Diario

En 24 heures, la situation a changé. Alors que ce mercredi, les dirigeants de la CGT n'annonçaient aucune date de mobilisation tout en continuant de mener leurs négociations avec le patronat sur une réforme du travail, ils ont annoncé dans la nuit du jeudi une date de grève générale, prévue le 9 mai prochain. Le contexte de crise économique grave et les attaques directes du gouvernement envers les travailleurs et les classes populaires intensifient les mobilisations par en bas. Les directions syndicales sont donc prises entre le mécontentement de la base et la dureté des attaques du gouvernement et des entreprises, et ont fini par appeler à cette date lointaine du 9 mai.

La passivité de la CGT mise à mal

Les conducteurs de bus ont organisé une grande grève qui a secoué la région métropolitaine de Buenos Aires, réclamant des augmentations de salaire. Dans plusieurs villes, les métallurgistes ont organisé une grande marche. PepsiCo Mar del Plata a été paralysé en raison de licenciements. Les travailleurs licenciés de GPS-Aerolíneas Argentinas et les fonctionnaires sont descendus dans les rues ce vendredi pour protester contre les licenciements, mais aussi contre le nouveau projet de loi Omnibus. Les mouvements sociaux ont récemment manifesté massivement et ont fait face à une répression brutale au centre de Buenos Aires. Les enseignants, les personnels non enseignants et les étudiants de différentes universités nationales prévoient également de se mobiliser massivement le 23 avril.

La colère s'accumule depuis la base face à une situation économique étouffante. L'inflation a frappé durement ces derniers mois tous les Argentins. Les salaires ont chuté comme jamais auparavant. Les retraités sont ceux qui paient le plus lourd tribut à l'ajustement fiscal : depuis 2015, le niveau de leur pension a diminué de 60%, et Milei cherche à le faire baisser à nouveau de 20% en dessous du minimum pour les personnes, majoritairement des femmes, qui n'ont pas suffisamment cotisé. De nouvelles hausses de tarifs sont à venir et pendant ce temps, les banques, les grandes entreprises agricoles, les compagnies minières, les sociétés privatisées d'énergie s'enrichissent.

C'est dans ce contexte que la bureaucratie de la CGT a annoncé de nouvelles mesures, sans changer l'essentiel de son plan, qui consiste à négocier avec le patronat une réforme sur le travail, qui prévoit de supprimer l'indemnisation et de la remplacer par un système dans lequel le travailleur lui-même cotise mensuellement à un fond qui lui serait versé en cas de licenciement. Le texte prévoit aussi une réduction des amendes pour les employeurs en cas de non-déclaration régulière de leurs travailleurs. C'est donc un texte de loi pro-patronal qui augmenterait la précarisation des conditions de travail et rendrait les licenciements moins coûteux pour les entreprises.

Par l'annonce de cette date, les directions cherchent à apaiser la colère et à avancer dans leurs négociations, syndicat par syndicat. Pour cela, ils divisent les luttes et donc l'immense force sociale de la classe ouvrière, plutôt que de l'unir. La CGT refuse de faire face au méga DNU en n'appelant pas non plus à la grève et à la manifestation les jours où la nouvelle Loi Omnibus sera discutée au Congrès national. Bien que le chapitre du travail soit bloqué par la justice, le décret comporte de nombreuses autres attaques. Il détruit les conquêtes populaires et dérégule les marchés pour qu'ils exploitent les travailleurs et travailleuses.

À travers cette date lointaine et en maintenant le dialogue social avec le patronat, les syndicats refusent de s'opposer de manière coordonnée au plan de Milei et aux grands puissants qui le soutiennent. La CGT et la CGT-A sont en train de construire un plan de bataille et une stratégie selon leurs intérêts, en s'efforçant de contenir la mobilisation par la gauche au sein du péronisme, dans une perspective électorale, pour les élections législatives de mi-mandat de 2025 et la campagne de leur candidat Grabois. Leur objectif et de contenir la colère à travers des jours de grève étalés dans le temps.

Une combativité à l'extrême-gauche pour un 9 mai réussi

L'attitude de la gauche et du syndicalisme combatif est opposée à cette passivité. Depuis décembre, l'extrême-gauche, dont le PTS (organisation sœur de Révolution Permanente en Argentine) ont été les premiers à descendre dans la rue pour affronter le protocole répressif de Patricia Bullrich au côté de milliers de manifestants. Des assemblées de quartier ont commencé à se former, et des casserolades ont eu lieu dans de nombreuses villes. En janvier, l'extrême-gauche et les syndicats combatifs ont participé pleinement à la première grève générale que la CGT a été contrainte de convoquer, tout en dénonçant le fait qu'ils ont empêché son élargissement massif à tous les secteurs, notamment en permettant aux transports de fonctionner presque normalement toute la journée. Les 8 et 24 mars, des centaines de milliers de personnes des secteurs les plus combatifs ont également convergé dans les rues. Le 23 avril a lieu la grande marche nationale universitaire en direction du Congrès national, au sein de laquelle les revendications seront contre les licenciements massifs qui ont lieu partout en Argentine, et pour empêcher l'approbation de la nouvelle loi Omnibus.

Le 9 mai, aucun espoir ne doit être placé dans la direction des syndicats. Ce jour-là, les travailleurs et travailleuses doivent paralyser le pays en faisant une grande démonstration de force. Il s'agit de « frapper ensemble, marcher séparément ». L'unité pour la lutte, tout en maintenant l'indépendance des secteurs démocratiques et combatifs. Car il ne s'agit pas seulement de se battre syndicat par syndicat ou secteur par secteur, ni de prendre des mesures nationales isolées de temps en temps. Il s'agit de se battre pour la continuité d'un plan de lutte et de le faire dans le cadre de la construction de la grève générale. Car c'est la seule façon de vaincre le plan de Milei dans son entièreté.

Comme l'écrivent nos camarades du PTS, « Il est nécessaire dès aujourd'hui de s'organiser depuis la base dans des assemblées dans chaque lieu de travail, d'étude et dans chaque quartier, comme le font les assemblées populaires. Se coordonner dans des instances démocratiques pour avoir également plus de force pour soutenir chaque combat et pour lutter contre la bureaucratie. Dans cette voie, nous voulons ouvrir la voie à la lutte pour une autre issue. Une issue qui commence par affirmer qu'il y a de l'argent pour les salaires, l'éducation, la santé, la science, les retraites, mais que les grands entrepreneurs et le capital financier le prennent. Cela implique de rompre avec le FMI, de ne pas payer la dette et de nationaliser la banque, et face aux hausses de tarifs, de promouvoir la nationalisation et l'expropriation sous contrôle ouvrier de tout le système énergétique, sur la voie d'un programme global pour que la crise soit supportée par les capitalistes, et d'imposer un gouvernement des travailleurs et des pauvres qui remette en question la domination des propriétaires du pays en commençant par la réorganisation de la société en fonction des besoins des grandes majorités et non du profit capitaliste. Cela implique également qu'au fil de chaque lutte, nous cherchions à construire une force politique socialiste des travailleurs, sans tomber dans les pièges du péronisme qui vient d'échouer et de s'ajuster pendant ses gouvernements, laissant un taux de pauvreté de 41,7 %, et qui aujourd'hui mise sur le fait de laisser passer le plan de Milei pour ensuite « revenir » et administrer les ruines appauvries du pays ».

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Mexique : des élections historiques

16 avril 2024, par Mario Gil Guzman — , ,
La population mexicaine votera le 2 juin prochain pour la présidence du pays lors d'un scrutin historique puisque, pour la première fois, il en sortira une présidente. En (…)

La population mexicaine votera le 2 juin prochain pour la présidence du pays lors d'un scrutin historique puisque, pour la première fois, il en sortira une présidente. En effet, les deux principales candidates sont deux femmes. Il y a Claudia Sheinbaum, ex-mairesse de Mexico, successeure du président actuel, Andrés Manuel Lopez Obrador (AMLO), et candidate du Mouvement pour la rénovation du Mexique (MORENA). Et Xochitl Galvez, ingénieure, candidate du Parti de l'action nationale de l'ancien président Vincente Fox, auquel se sont ralliés le Parti de la révolution institutionnelle (PRI) et le Parti de la révolution démocratique (PRD).

5 avril 2024 | tiré du Journal des Alternatives | Photo Credit : Dimitri dF Creative Commons via Flickr
https://alter.quebec/mexique-des-elections-historiques/?utm_source=Cyberimpact&utm_medium=email&utm_campaign=JdA-PA-2024-04-11

Dans un premier temps, Andrés Manuel Lopez Obrador (AMLO) a été élu en 2018 avec 53 % des voix, démontrant ainsi un fort soutien populaire, un résultat rarement obtenu. Sa popularité lui a également permis de faire élire 202 député.es de MORENA et 60 sénateur. trices au parlement. Actuellement, 22 des 33 États sont gouvernés par MORENA.

Au cours de son mandat, AMLO a poursuivi ce qu'il appelle une « Quatrième transformation » (4T) du pays. Les trois autres sont des périodes historiques clés : le mouvement pour l'Indépendance (1810 à 1821), la Réforme aboutissant à la séparation de l'Église et de l'État (1858 à 1861) ; la Révolution qui a promulgué la constitution actuelle du Mexique (1910 et 1917).

Slogan de campagne électorale, la 4T était remplie de promesses de transformations profondes dans la vie de la population, avec des investissements sociaux et la promotion d'une économie forte et productive. Il s'est toutefois occupé essentiellement d'améliorer la vie quotidienne des gens tout en veillant à l'équilibre politique à partir de principes.

Le bilan d'AMLO centré sur la vie quotidienne

Après six ans au pouvoir, AMLO détient entre 58 % et 65 % d'approbation selon les sondages. Face à toutes les adversités, il a réalisé des alliances tactiques avec un certain pragmatisme, sans renier ses convictions, malgré les critiques et les déceptions qu'il a pu générer dans ses allié.es.

Il a augmenté le salaire minimum de 22 %, en proposant que l'augmentation ne soit pas inférieure au taux d'inflation. Il a mené une réforme des lois du travail qui a permis une plus grande liberté syndicale.

Il a réaffirmé le droit à une retraite et a augmenté la prestation chaque année. Il a amélioré les protections en santé et en soins médicaux pour l'ensemble des Mexicain.nes. Il a octroyé des bourses aux étudiant.es issu.es de familles pauvres.

Il a fait une lutte pour adopter l'élection au suffrage direct des autorités judiciaires. Il a mené une politique de lutte contre la corruption, éliminé des privilèges fiscaux et supprimé des dépenses publiques onéreuses.

Il a reconnu les peuples indigènes comme sujets de droit public. Il a interdit l'extraction d'hydrocarbures par fracturation sur le territoire national.(gaz de shiste).

Il a exercé une politique étrangère souveraine, tournée vers le Sud : en faveur de Pedro Castillo au Pérou, le soutien d'Evo Morales en Bolivie, sa relation avec Cuba, la défense de la non-ingérence au Venezuela, l'appui à Petro en Colombie. Il a maintenu des relations inévitables avec son voisin du Nord.

Le gouvernement des 4 T a connu une augmentation significative du nombre de femmes dans sa composition. Le gouvernement d'AMLO présente une parité absolue, avec dix femmes et dix hommes, contre trois femmes et dix-huit hommes dans le gouvernement précédent. Par ailleurs, Morena est la formation politique qui compte le plus de femmes députées à la Chambre (avec 21 % d'entre elles).

Il a mené une politique de communication directe, définissant un « agenda » quotidien (par le biais des « Mañaneras », des points de presse matinaux). Il a également dû confronter les pouvoirs en place : les médias, les multinationales présentes dans les secteurs stratégiques, la vieille classe politique néolibérale, la monarchie espagnole, le département d'État américain (d'abord avec Trump puis avec Biden, avec des politiques différentes en matière d'immigration et de lutte contre le trafic de drogue), qui ont tentait d'imposer des politiques internes au Mexique, auxquelles AMLO a résisté sans générer de conflits !

Le sort du scrutin en juin prochain

Les sondages sur les résultats des élections de juin prochain donnent la présidence à Claudia Sheinbaum de MORENA, avec une avance de 25 % de plus que Xochitl Galvez du Front large pour le Mexique, regroupant les oppositions du centre droit (PRD) et de la droite (PAN et PRI).

La candidate de MORENA a été élue par des sondages du parti et de quatre autres entreprises de sondage qui ont réalisé 12 000 enquêtes pour déterminer la personne candidate qui poursuivra le legs d'AMLO et le mouvement de gauche. La désignation des candidatures des autres formations politiques se fait selon les intérêts des instances dirigeantes qui décident qui va les représenter.

L'opposition se présente sous une coalition Frente Amplio por Mexico (Front large pour le Mexique), composée du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), du Parti révolutionnaire démocratique (PRD) et du Parti d'action nationale (PAN). Cette alliance réunit tous les vieux partis et a choisi de contourner son propre processus de sélection pour finalement désigner la sénatrice du PAN Xóchitl Gálvez comme sa candidate, par le biais d'un accord entre les partis. Au cours de ce processus, les partis ont forcé le retrait des autres candidatures, malgré de fortes oppositions à être évincés par la direction de leur parti.

Claudia Sheinbaum, diplômée en physique de l'UNAM, a déclaré à plusieurs reprises qu'elle défendrait la continuité des 4 T, mais avec son propre cachet : féministe et scientifique écologique. Elle soutient qu'elle voudra garantir les droits pour construire une société de bien-être et une politique de soins.

Bertha Xóchitl Gálvez Ruiz est ingénieure informatique aussi de l'UNAM et est une femme d'affaires. D'origine modeste, elle a fondé High Tech Services, une entreprise qui conçoit des bâtiments intelligents. Elle a aussi créé la Fondation Porvenir, qui soutient les enfants souffrant de malnutrition dans les régions indigènes du Mexique. Gálvez a voté avec le PAN (de Droit) dans toutes les occasions importantes sans se distinguer par sa propre empreinte ou son opinion dans aucune délibération notable.

Les enjeux des élections concernent la protection des avancées sociales qu'AMLO a mise en place, notamment dans la lutte contre la pauvreté, alors que plus de cinq millions de personnes en sont sorties au cours des sixdernières années. Cet enjeu constitue un défi pour la nouvelle présidente qui sera élue en juin. Claudia Sheinbaum veut aussi y inclure l'environnement, l'économie féministe axée sur les soins et la justice sociale. Il s'agit d'un moment déterminant pour la consolidation de la gauche qui indiquera aux autres pays des Amériques que l'espoir à gauche est bien vivant et en évolution.

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Justice climatique : la CEDH condamne la Suisse dans une décision historique*

16 avril 2024, par Vadim Kamenka, Irène Sulmont, Théo Bourrieau — ,
La Cour européenne des droits de l'Homme a rendu *mardi 9 avril* une série de décisions très attendue portant sur la responsabilité des États en matière d'action contre le (…)

La Cour européenne des droits de l'Homme a rendu *mardi 9 avril* une série de décisions très attendue portant sur la responsabilité des États en matière d'action contre le changement climatique. Si la Suisse a été condamnée, une première, les requêtes concernant la France et le Portugal ont été rejetées.

Tiré de L'Humanité, France. Mis à jour le mercredi 10 avril 2024 à 07h06

Par Théo Bourrieau <https://www.humanite.fr/auteurs/the...> ,
Irène Sulmont <https://www.humanite.fr/auteurs/ire...> et
Vadim Kamenka <https://www.humanite.fr/auteurs/vad...> ,

www.humanite.fr/environnement/cedh/justice-climatique-la-cedh-condamne-la-suisse-dans-une-decision-historique <http://www.humanite.fr/environnemen...>

À Strasbourg, ce mardi, la Cour européenne des droits de l'homme ( CEDH ) a fait condamner, pour la première fois, la Suisse. La requête portée par les Aînées pour la protection du climat ( 2 500 Suissesses âgées de 73 ans en moyenne ) dénonçait des « manquements des autorités suisses pour atténuer les effets du changement climatique » (1), qui ont des conséquences négatives sur les conditions de vie et la santé.

C'est la Grande Chambre, formation la plus solennelle de la CEDH, composée de 17 juges qui a conclu, le 9 avril, « à la violation du droit au respect de la vie privée et familiale de la convention et à celle du droit à l'accès à un tribunal » et que « la Confédération suisse avait manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de la convention en matière de changement climatique » ; la Cour citant, par exemple, les émissions de gaz à effet de serre (GES) dont la Suisse n'a ni imposé des limites nationales applicables ni atteint « ses objectifs de réduction des émissions de GES ».

*Un jugement qui fait référence*

L'arrêt de la CEDH est définitif et contraignant. Car il oblige la Suisse à redoubler d'efforts pour lutter contre le changement climatique. Pour l'avocate spécialisée dans le droit de l'environnement Corinne Lepage, jointe par l'Humanité : « C'est une décision historique car, pour la première fois, une juridiction internationale reconnaît la carence d'un État et la violation de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme. Et la jurisprudence qu'a créée la Cour s'applique à la France comme aux autres États. »

Si Raphaël Mahaim, l'un des avocats de l'association des Aînées, s'est félicité que la Cour ait enfin « posé une liste d'exigences pour qu'un État se conforme à ses obligations climatiques », la formation d'extrême droite UDC ( Union démocratique du centre ) a appelé « la Suisse à se retirer du Conseil de l'Europe ». Dans un communiqué, le premier parti helvétique a condamné un arrêt « inacceptable » et scandaleux.

Le jugement peut surtout servir de référence dans d'autres dossiers portant sur le changement climatique et s'appliquer dans les 46 États membres du Conseil de l'Europe et signataires de la convention européenne des droits de l'homme. « Ce n'est que le début en matière de contentieux climatique : partout dans le monde, de plus en plus de gens traînent leurs gouvernements devant les tribunaux pour les tenir responsables de leurs actions. En aucun cas, nous ne devons reculer, nous devons nous battre encore plus parce que ce n'est que le début », a réagi la jeune militante écologiste suédoise Greta Thunberg (2), venue à Strasbourg assister à l'audience.

*L'inaction climatique, une attaque aux droits humains*

Si la Suisse a été condamnée, la présidente de la CEDH, l'Irlandaise Siofra O'Leary, a rejeté deux autres requêtes sur la même thématique concernant la France et le Portugal. L'ancien maire écologiste de Grande-Synthe (Nord), Damien Carême (3), accompagné par l'ancienne ministre de l'Environnement, Corinne Lepage, avait saisi la Cour européenne pour faire condamner l'État français d'inaction sur le risque de submersion de son ancienne commune (4).

En 2019, le député européen avait déjà saisi le Conseil d'État qui avait donné raison, en juillet 2021 (5), à la commune, mais avait rejeté sa demande individuelle. « En France, cela faisait des années ( depuis 2018 ) que j'avais commencé ce contentieux avec le maire Damien Carême. Je regrette que cette action n'est pas aboutie faute d'être recevable. Mais la CEDH consacre que le fait de ne pas agir en matière climatique est désormais une attaque aux droits humains », a réagi Corinne Lepage.

La troisième affaire n'a pas abouti. Portée par un collectif de six Portugais âgés de 12 à 24 ans (6), mobilisés après les terribles incendies qui ont ravagé leur pays en 2018 (7), la plainte visait non seulement Lisbonne, mais également tous les États membres de l'Union européenne et États membres du Conseil de l'Europe comme la Suisse, la Turquie, le Royaume-Uni et la Russie.

*Les ONG alertent sur l'enjeu des européennes*

Alors que les acquis du pacte vert sont déjà en proie à des reculs, les élections européennes du 6 au 9 juin prochains s'annoncent cruciales. En cette fin de mandature, le Réseau Action Climat < https://reseauactionclimat.org/ > et ses associations membres dressent un bilan. Arnaud Schwartz, vice-président de France Nature Environnement, note « une approche systémique avec une tentative de prendre en compte ce que dit la science ».

Bien que le Parlement soit le moteur des ambitions environnementales dans le trilogue européen, plusieurs législations ont été considérablement affaiblies, voire rejetées par cette institution, comme le règlement sur les pesticides en novembre 2023.

Le Réseau Action Climat, en s'appuyant sur une analyse paneuropéenne des votes des députés, a fait émerger plus clairement les positions des différents partis politiques. Selon le réseau d'associations, les eurodéputés moteurs en matière environnementale, dans un ordre décroissant, ont été ceux des Écologistes, du Parti socialiste et Place publique, ainsi que la France insoumise.

(1) www.humanite.fr/environnement/environnement/inaction-climatique-de-plus-en-plus-de-citoyens-se-tournent-vers-la-justice-selon-lonu-804359 <http://www.humanite.fr/environnemen...>

(2) www.humanite.fr/monde/greta-thunberg/pour-greta-thunberg-la-planete-est-en-train-detre-tuee-800374 <http://www.humanite.fr/monde/greta-...>

(3) www.humanite.fr/societe/grande-synthe/grande-synthe-la-petite-jungle-de-nouveau-evacuee <http://www.humanite.fr/societe/gran...>

(4) www.humanite.fr/environnement/christophe-bechu/climat-des-zones-bientot-inhabitables-a-cause-de-lerosion-cotiere-500-communes-identifiees <http://www.humanite.fr/environnemen...>

(5) www.humanite.fr/societe/climat/historique-le-conseil-detat-somme-le-gouvernement-de-prouver-quil-agit-contre-le-rechauffement-climatique-696473 <http://www.humanite.fr/societe/clim...>

(6) www.humanite.fr/environnement/climat/inaction-climatique-la-cour-europeenne-des-droits-de-lhomme-se-penche-sur-la-plainte-de-6-jeunes-contre-32-etats <http://www.humanite.fr/environnemen...>

(7) www.humanite.fr/societe/canicule/canicule-le-portugal-en-proie-aux-flammes-comme-la-grece-et-le-canada-805568 <http://www.humanite.fr/societe/cani...>

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Le syndicat s’implante chez Tesla Allemagne

16 avril 2024, par Lars Henriksson — , ,
IG Metall en Allemagne continue de syndiquer à l'usine européenne de Tesla à Grünheide, près de Berlin. Tiré de Inprecor 719 - avril 2024 8 avril 2024 Par Lars (…)

IG Metall en Allemagne continue de syndiquer à l'usine européenne de Tesla à Grünheide, près de Berlin.

Tiré de Inprecor 719 - avril 2024
8 avril 2024

Par Lars Henriksson

Des élections ont récemment été organisées pour le comité d'entreprise, le Betriebsrat, dont sont dotées toutes les entreprises de plus de cinq salariés en Allemagne, qu'il y ait ou non des accords syndicaux. Tous les employés peuvent se présenter aux élections et, en principe, chacun a le droit de voter, y compris les travailleurs temporaires qui ont travaillé pendant plus de trois mois. Lors des élections, IG Metall a contesté le conseil sortant, qui avait été élu alors que l'usine n'avait pas encore démarré et qui était donc dominé par les représentants de l'entreprise. La liste d'IG Metall s'est présentée aux élections avec des revendications telles que la création d'emplois, l'embauche de travailleurs temporaires, une meilleure protection de la santé, des pauses plus longues pour les travailleurs des chaînes de montage et des congés plus longs, autant d'éléments qui devraient être garantis par une convention collective.

Le résultat a été mitigé pour IG Metall. Sur les quelque 80 % de votants, 39 % ont choisi IG Metall. La liste du syndicat est donc la plus importante, mais avec 16 sièges sur 39, elle reste minoritaire au sein du comité d'entreprise, où 23 sièges ont été attribués à des listes plus ou moins antisyndicales.

Selon le journal régional Märkische Oderzeitung (MOZ), la direction, à différents niveaux, s'est activement engagée dans l'élection du côté antisyndical, notamment en portant et en distribuant des badges de campagne portant le texte "Giga Yes - Union No" (Giga oui - syndicat non). L'usine Tesla en Allemagne est, selon les propres termes de l'entreprise, une "usine Giga", et la plus grande liste antisyndicale, dominée par des techniciens, des chefs d'équipe et d'anciens membres du comité d'entreprise, s'est appelée Giga United. Selon MOZ, la direction a fait circuler des rumeurs sur ce qui se passerait si IG Metall prenait pied, allant même jusqu'à arrêter la production pour organiser des réunions expliquant qu'il n'était pas opportun de donner de l'influence à ce syndicat. Elon Musk lui-même s'est rendu à l'usine pour mettre en garde les employés contre les "forces extérieures" et a soutenu les groupes antisyndicaux.

Le fait qu'IG Metall n'ait pas pu vaincre les forces antisyndicales est une déception, mais le syndicat reste le groupe le plus important au sein du comité d'entreprise et ses représentants pourront travailler plus ouvertement.

Publié par le 3 avril 2024 par Internationalen.se

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Le Premier ministre G. Attal vient de se précipiter au Canada

16 avril 2024, par Patrick Le Hyaric — , ,
Le Premier ministre G. Attal vient de se précipiter au Canada, pour rassurer J Trudeau sur l'engagement du gouvernement Français dans l'application du traité de libre-échange (…)

Le Premier ministre G. Attal vient de se précipiter au Canada, pour rassurer J Trudeau sur l'engagement du gouvernement Français dans l'application du traité de libre-échange avec ce pays.

Tiré de la Lettre de Patrick Le Hyaric
https://r.lettre.patrick-le-hyaric.fr/mk/mr/sh/SMJz09SDriOHW0XUB9hMISjBGCA5/-nomp5MgYDxP

Bonjour à chacune et chacun,

Peu importe pour le premier ministre que le parlement de son pays, devant lequel il est responsable n'a pas donné son aval à ce texte, puisque l'une des chambres, le Sénat l'a rejeté. Peu importe aussi que 10 États de l'Union européenne ne l'ont toujours pas voté. La démocratie pour le Premier ministre n'est qu'un vulgaire tapis sur lequel il s'essuie les pieds. Il a parlé d'un « accord gagnant-gagnant » mais il n'a pas dit « gagnant » pour qui. Le monde des affaires c'est sûr. Pour l'emploi, les salaires, la préservation de la planète c'est perdant-perdant. Pas un ouvrier Canadien, pas un ouvrier Européen n'a vu l'aspect « gagnant » du bon M. Attal.

Et les défenseurs de ces traités ne parlent jamais d'une question fondamentale : le pouvoir donné aux multinationales d'attaquer les États non pas en justice mais devant des tribunaux arbitraux privés quand la législation est jugée par elle comme une entrave à l'augmentation des profits au niveau ou elles le souhaitent. Bref, c'est le pouvoir des multinationales et de la haute finance contre les droits nationaux et contre les législateurs nationaux. M. Attal les devance et les rassure contre le vote des représentants du peuple Français.

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Européennes : une gauche radicale, unitaire et démocratique pour une véritable alternative

16 avril 2024, par Personnalités engagées à gauche — , ,
« Les élections européennes doivent être l'occasion de renforcer une gauche radicale ancrée dans les luttes sociales, féministes, antiracistes et écologiques, les quartiers (…)

« Les élections européennes doivent être l'occasion de renforcer une gauche radicale ancrée dans les luttes sociales, féministes, antiracistes et écologiques, les quartiers populaires, capable de stopper l'ascension de l'extrême droite ». Pour un ensemble de personnalités politiques et intellectuelles, les luttes ne doivent pas seulement être une réaction défensive, mais aussi construire « une nouvelle force politique, plus forte et plus populaire que ce que représentent aujourd'hui les organisations et les luttes ».

9 avril 2024 | tiré d'Europe solidaire sans frontières
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article70425

Les élections européennes auront lieu dans un contexte nouveau à l'échelle continentale, marqué par la guerre en Ukraine et ses multiples conséquences et la perspective de plusieurs élargissements dans la partie orientale de l'Europe. Ces élections doivent être l'occasion d'affirmer et renforcer, en France et en Europe, une gauche radicale ancrée dans les luttes sociales, féministes, antiracistes et écologiques, les quartiers populaires, capable de stopper l'ascension de l'extrême-droite et de promouvoir auprès du plus grand nombre la perspective d'une alternative globale au système capitaliste, écocide, patriarcal, raciste, impérialiste et validiste.

Les mouvements sociaux montrent la voie

Aujourd'hui, dans les manifestations et les comités de soutien au peuple palestinien contre la guerre génocidaire menée par l'État d'Israël, des dizaines de milliers de personnes, dont un grand nombre de jeunes des quartiers populaires, se mobilisent pour une solidarité concrète et politique, se politisent en dénonçant les responsabilités et complicités du gouvernement français.

De même, les mobilisations en soutien à la résistance du peuple ukrainien contre la guerre impérialiste menée par l'État russe, la solidarité avec les peuples du Sahel qui dénoncent la Françafrique et l'ingérence militaire de l'État français, mais aussi avec les peuples des confettis de l'empire confrontés à la domination coloniale française, en Kanaky ou aux Antilles, notamment reconstruisent un internationalisme concret, en soutien aux résistances populaires contre tous les impérialismes. La grève féministe du 8 mars a été à nouveau cette année l'occasion de construire un féminisme radical, inclusif et décolonial, qui s'attaque frontalement au patriarcat et promeut toutes les émancipations, inscrit dans un mouvement féministe et LGBTQI+ qui constitue aujourd'hui la plus grande et dynamique des internationales de lutte.

De même, la mobilisation contre la loi Darmanin – révélatrice du racisme structurel de l'Etat français – conduite par un mouvement unitaire porté par les premier·es concerné·es et notamment les sans-papiers et les migrant·es, a permis l'affirmation d'un antiracisme politique qui promeut toutes les égalités et constitue aujourd'hui le premier rempart contre la menace fasciste. Le mouvement des agriculteur·ices a permis de remettre sur le devant de la scène la nécessité d'une rupture avec la Politique Agricole Commune et les traités de libre-échange et la confrontation d'idées entre ses composantes capitalistes, réactionnaires, parfois proches de l'extrême-droite (FNSA, Coordination Rurale…) et nos camarades paysan·ne·s anticapitalistes et écologistes de la Confédération Paysanne. Un an après les grandes mobilisations du printemps 2023 face à la contre-réforme néolibérale des retraites et contre les mégabassines à Sainte-Soline, nous n'avons pas oublié non plus les rencontres, expériences, solidarités permises par ces luttes, à la fois radicales et unitaires, qui nous donnent à toutes et à tous un cap politique.

Toutes ces luttes auxquelles nous participons en France, ces mouvements sociaux et ces mobilisations citoyennes, ne sont pas seulement une réaction défensive face à la crise globale du système qui nourrit la montée de l'extrême droite, elles sont aussi là où, de manière offensive, s'inventent de nouvelles pratiques militantes et se dessine une alternative politique.

A l'échelle européenne, ces luttes et ces solidarités ne sont pas isolées : dans d'autres pays ont lieu des mobilisations sociales, féministes, écologistes et antiracistes et de solidarité avec l'Ukraine et la Palestine.

La gauche politique n'est pas à la hauteur

Mais le dynamisme, la radicalité et la diversité de tous ces mouvements ne se retrouve pas sur le plan électoral. À l'approche des élections européennes, la gauche politique est à nouveau divisée et les enjeux ne sont pas clarifiés. Au sein des forces de l'ex-NUPES, certaines essaient de se détacher de la dynamique combative portée par cette alliance en 2022, de déplacer le curseur politique à droite pour préserver la vieille gauche institutionnelle. Les autres ne veulent pas assumer l'objectif pourtant incontournable de construction d'une alternative écologiste, féministe et sociale, radicale et unitaire, sans concession avec le système, et restent fermés à une alliance avec les forces anticapitalistes.

Quant aux exigences démocratiques, féministes, égalitaristes, portées notamment par les plus jeunes militant·es, elles continuent pour l'instant d'être négligées, parfois méprisées, creusant encore l'écart avec la culture politique d'auto-organisation des mouvements sociaux récents et des aspirations des militant·es. Pour que les choses changent, il ne faut compter que sur les capacités à s'organiser pour peser dans les rapports de force, bousculer les hiérarchies et les habitudes, imposer un agenda radical, unitaire et populaire dans le champ politique.

Que pouvons-nous faire ? Porter des propositions politiques claires…

La campagne des élections européennes doit être un moment de clarification politique à gauche, pour en finir avec les erreurs et renoncements qui ont affaibli notre camp social ces dernières années.

Notre gauche s'oppose à tous les impérialismes et les colonialismes, sans ambiguïté ni double-standard. Le soutien aux résistances de tous les peuples, à leur droit à disposer d'eux-mêmes et à une paix juste et durable (et donc décoloniale) n'est donc pas un pacifisme abstrait : nous soutenons le droit à l'auto-détermination partout en Europe et dans le monde, en Palestine, en Ukraine, au Sahel et ailleurs ainsi que l'aide aux peuples en résistance en même temps qu'une opposition aux Etats terroristes (qui bombardent les populations civiles) et militaristes.

Cela impose une dénonciation de l'accord entre l'UE et Israël, une dénonciation sans complaisance à l'égard de l'État français qui soutient politiquement et par la vente d'armes la guerre génocidaire d'Israël et qui est le troisième plus grand exportateur d'armes au monde, notamment à l'Arabie Saoudite (qu'il soutient aussi militairement dans sa guerre contre le Yémen). Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes est également inséparable de la défense des droits des migrant·es et de l'accueil digne et inconditionnel de tou·tes les migrant·es et les réfugié·es, sans distinction, contre les politiques de l'Europe forteresse, pour la liberté de circulation et d'installation de toutes et tous.

Notre gauche veut être antiraciste et antifasciste en acte, et pas seulement en parole. Pour combattre l'extrême-droite, il n'est efficace ni de proclamer des valeurs abstraites ni de faire comme si le vote néofasciste n'était qu'une simple expression de colère. Il faut prendre le problème à bras le corps et, sur le terrain comme dans les institutions, montrer que les solidarités, le respect des diversités et de toutes les égalités, peuvent et doivent s'imposer face aux haines et aux replis identitaires. Il faut aussi que les habitant·e·s des quartiers populaires, les migrant·e·s, et tou·te·s les premier·e·s concerné·e·s par le racisme, la stigmatisation et l'exploitation, aient des droits égaux dans les domaines de la vie (travail, logement, culture, circulation et installation…), et toute leur place dans les institutions politiques, depuis les conseils municipaux jusqu'au Parlement européen.

Notre gauche critique la logique capitaliste des traités européens et de libre-échange qui détruisent les droits sociaux et organisent la concurrence entre les peuples. Elle lui oppose à l'échelle de l'UE le refus du dumping social et fiscal, les revendications sociales du monde du travail : la hausse des salaires, l'extension de la protection sociale et des services publics, la réduction massive du temps de travail contre le chômage et la précarisation, la défense intransigeante des retraites et le retour en France de la retraite à 60 ans. Elle promeut l'autogestion dans l'entreprise, la démocratie économique et la planification démocratique de la bifurcation écologique. Pour cela, parmi les moyens nécessaires, nous mettons en avant notamment la socialisation des grandes entreprises de l'énergie, de production d'armement et des banques, la création de nouveaux droits politiques des travailleurs·ses pour défendre leur santé et celle des usager·es, mettre fin à l'extractivisme et au productivisme, décider des fins et des moyens de leurs activités, la hausse massive des impôts des grandes entreprises et des grandes fortunes, la fin des exonérations de cotisations sociales pour les entreprises - qui appauvrissent les caisses de solidarité (retraite, maladie, chômage...) - ainsi que l'annulation des dettes illégitimes.

Notre gauche milite résolument pour l'égalité réelle entre femmes et hommes au travail et dans la société, pour un droit à la contraception et à l'IVG garanti partout en Europe, contre les discriminations contre les femmes et les LGBT+.

Notre gauche agit pour la reconversion écologique et autogestionnaire de l'économie européenne : accès à une alimentation saine et accessible à tous·tes, gratuité et développement des transports publics, création de logements sobres et abordables pour le plus grand nombre, lutte résolue contre les pollutions et les pesticides, protection des biens communs tels que l'eau.

Pour convaincre largement, il faut être cohérent : il faut critiquer radicalement les dégâts humains, sociaux et écologiques de la politique de la PAC, du règlement Dublin II et la violence de Frontex (l'agence de répression des migrant-e-s aux frontières de l'UE), des règles budgétaires néolibérales de la zone euro, du caractère anti-démocratique des traités européens, etc… Mais cela ne peut pas se faire au nom de la défense des intérêts du capitalisme français comme du capitalisme de tout autre Etat-membre de l'UE : dans chaque pays, les capitalistes et les partis politiques à leur service ont intérêt à la casse sociale, au protectionnisme économique et au productivisme.

Dans le cadre de ces élections européennes, face aux demandes d'adhésion de l'Ukraine et de la Moldavie – pour se protéger de la Russie –, qui s'ajoutent à celles des Balkans de l'Ouest, nous exprimons un internationalisme par en bas qui prône des choix démocratiques au sein de chaque peuple concerné tout en exprimant nos critiques de l'UE.

Et quels que soient ces choix, nous construisons des liens transnationaux avec les forces progressistes - politiques, syndicales, antiracistes, féministes, LGBTQ+, écologistes - de chaque pays pour mener ensemble des luttes pour la protection et l'extension des droits égalitaires et des services publics qui doivent être la base d'une construction européenne autre que celle de l'Union européenne néolibérale. Par conséquent, en aucun cas nous ne défendons une « forteresse Europe » contre la demande d'adhésion de l'Ukraine dévastée par une guerre impérialiste ; pas plus qu'il ne fallait défendre une « Europe des riches » contre l'adhésion de pays appauvris par les destructions néolibérales à l'œuvre depuis des décennies dans la périphérie de l'UE. Il faut au contraire, avec les forces progressistes ukrainiennes, saisir l'opportunité de la demande d'adhésion de ce pays pour défendre des droits sociaux égalitaires et des rapports solidaires entre peuples en Europe et avec les peuples du reste du monde.

Enfin, notre gauche promeut la démocratie dans tous les domaines de la vie sociale, soutient des alternatives concrètes et systémiques au capitalisme que défendent les institutions européennes. Ce sont les solidarités internationales des luttes qui dessinent la voie d'une autre Europe : celle des convergences entre mouvements écologistes contre les projets climaticides, entre mouvements féministes post #MeToo et qui s'organisent autour de la grève féministe du 8 mars, entre syndicats de classe qui luttent contre les mêmes contre-réformes néolibérales. C'est une autre Europe, par exemple, que portent les ouvriers ex-GKN en Italie qui, à la suite de leur licenciement, ont occupé leur usine et portent un projet de reconversion écologique impliquant notamment de construire des vélos-cargos pour des coopératives de livreurs dans d'autres pays européens. Ce qui doit être porté au Parlement européen, c'est l'Europe des luttes et des alternatives, pas des bureaucrates et des lobbys, celle de la militante écologiste Greta Thunberg et pas des défenseurs des politiques néolibérales comme l'actuelle présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.

…et construire une alternative écologiste et sociale, radicale et unitaire

Les catastrophes sociales et environnementales causées par les politiques néo-libérales menées en Europe et la menace de cataclysmes que représente l'extrême-droite en France et en Europe nous imposent d'être à la fois radicaux et unitaires. Nous devons viser à toutes les échelles et toutes les occasions l'alliance des diverses forces de la gauche antilibérale pour faire front face aux fascistes et répondre aux enjeux sociaux et écologiques, pour rendre crédible une voie politique alternative à celle que portent les actuelles institutions européennes. Nous devons construire une nouvelle force politique, plus forte et plus populaire que ce que représentent aujourd'hui nos organisations et nos luttes, capable de constituer au sein d'une telle alliance un pôle alternatif, révolutionnaire et radicalement démocratique. C'est ce qui guidera nos choix et nos actions dans la prochaine période, pendant les élections européennes et au-delà. Nous ne pouvons pas faire autrement, il faut construire l'alternative !

Signataires :

Alexis Cukier (Rejoignons-nous et On construit l'alternative),

Béa Whitaker (Rejoignons-nous et On construit l'alternative),

Bruno Dellasudda (militant d'Ensemble ! et On construit l'alternative),

Catherine Samary (économiste, militante altermondialiste et NPA),

Christiane Vollaire (philosophe),

Christine Poupin (porte-parole du NPA),

Daria Saburova (Réseau Européen de Solidarité avec l'Ukraine),

Fabien Marcot (Rejoignons-nous et On construit l'alternative),

Florence Ciaravola (militante d'Ensemble ! et On construit l'alternative),

Florence Henry (CGT Educ'Action),

Michael Lowy (sociologue et militant écosocialiste),

Malika Kara-Laouar (Rejoignons-nous et On construit l'alternative),

Mariano Bona (militant de la gratuité des transports, militant d'Ensemble ! et On construit l'alternative),

Michelle Garcia (militante féministe, antiraciste et internationaliste, Rejoignons-nous),

Mornia Labssi (militante CGT et antiraciste),

Noufissa Mikou (militante de la solidarité avec la Palestine et militante d'Ensemble !),

Olivier Besancenot (NPA, ancien candidat aux élections présidentielles),

Olivier Le Cour Grandmaison (universitaire),

Paul Guillibert (philosophe et militant écologiste),

Omar Slaouti (militant des quartiers populaires),

Pauline Salingue (porte-parole du NPA),

Philippe Poutou (NPA, ancien candidat aux élections présidentielles),

Stefanie Prezioso (historienne et ancienne députée à l'Assemblée fédérale suisse),

Thomas Coutrot (économiste),

Tony Fraquelli (CGT cheminots)

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Bruno Le Maire, ce héros qui protège les impôts des ultra-riches

16 avril 2024, par Bernard Marx — ,
Taxer les riches pour sauver le modèle social français ? L'idée serait bonne si elle n'allait pas à l'encontre de tous les intérêts que le ministre de l'Économie entend (…)

Taxer les riches pour sauver le modèle social français ? L'idée serait bonne si elle n'allait pas à l'encontre de tous les intérêts que le ministre de l'Économie entend représenter.

10 avril 2024 | tiré de regards.fr
https://regards.fr/bruno-le-maire-ce-heros-qui-protege-les-impots-des-ultra-riches/

Dans une tribune publiée le 3 avril dans Les Échos, Bruno Le Maire est vent debout contre tout débat sur une hausse des impôts. Le ministre de l'Économie a une obsession : que la crise des finances publiques débouche bien sur une casse de la protection sociale à la française.

Et « BLM » s'inquiète : chaque jour, des politiques, des économistes, des spécialistes avancent l'idée qu'il faudrait en passer par des impôts… Ils ont l'incroyable culot, non seulement de ne pas être tous des extrémistes de gauche, mais en plus de mettre sur la table des propositions qui admettent que les ultra-riches et le capital dominant n'en payent pas assez.

Selon ce sondage commandé par Les Échos début avril, les Français doutent à 61% que le durcissement de l'assurance chômage soit efficace pour réduire le déficit public. Ils sont très massivement opposés à une désindexation des retraites et à une hausse générale des impôts. Mais ils sont tout aussi massivement favorables à une taxation des super-profits et à une augmentation des impôts ciblée sur les plus riches.

Bref, TINA – il n'y a pas d'alternative– prend tous les jours des plombs dans l'aile. Rien ne serait pire pour le ministre, son Président et les forces sociales qu'ils représentent, qu'un autre possible que leur politique devienne crédible.

Cela vaut donc la peine de décortiquer l'argumentaire « lemairien », une compilation des contes à dormir debout.

Le contexte : « Sans surprise, le débat sur la hausse des impôts a repris de plus belle en France »

Mais pourquoi diable ce débat a-t-il « repris de plus belle » ? Parce que, selon Bruno Le Maire, « à chaque difficulté de finances publiques », les politiques n'ont que cela en tête contrairement aux Français qui n'en voudraient pas.

« Difficulté de finances publiques » ? L'écrivain/homme politique a le sens de l'euphémisme !

  • Le déficit des finances publiques pour 2023 a été de 5,5% du PIB et non de 4,9% comme prévu par le gouvernement. Ce n'est pas la conséquence d'un dépassement soudain des dépenses mais de recettes fiscales moindres que prévues. La TVA a été pénalisée par la faiblesse de la consommation et l'impôt sur les bénéfices est moins rentré que prévu, notamment dans le secteur bancaire alors que les profits ont continué d'y augmenter. À quoi s'ajoute le poids de la dette (110% du PIB) et la politique monétaire de la BCE qui ont fait monter les taux d'intérêt sur les emprunts publics. Moins qu'il n'y parait cependant, puisque l'inflation diminue la dette.
  • Il y a un besoin annuel d'au moins 3% du PIB d'investissements publics supplémentaires pendant dix ans. Pour le climat, la bifurcation écologique, les infrastructures (numérique, transports, etc.), la santé, l'éducation, la formation, la justice et la culture. Et aussi, du moins cela mérite discussion, pour la défense. Des investissements pris au sens large du terme, c'est-à-dire non seulement des infrastructures et des équipements, mais aussi des emplois et des salaires. Des « investissements » que les entreprises et les capitaux privés ne feront pas parce qu'ils ne sont pas rentables.

Pourquoi dans ces conditions refuser d'augmenter les impôts ?

Argument 1 : parce que les riches payent déjà leur juste part. La preuve des mots du ministre : « 10% des contribuables paient les trois quarts de l'impôt sur le revenu […] Le taux marginal des prélèvements atteint 60% – record absolu en Europe ».

Dans la vraie vie, sous Emmanuel Macron :

  • l'impôt sur le revenu – seule imposition progressive en fonction du revenu – occupe une place trop faible dans les impôts payés par les ménages : environ 95 milliards d'euros contre 160 pour la CSG et la CRDS, et plus de 200 pour la TVA, les taxes sur le tabac et sur les carburants. La CSG est proportionnelle au revenu et la TVA n'est payée que sur le revenu dépensé en biens de consommation. Comme plus on est riche plus on épargne, le poids de la TVA est d'autant plus faible.
  • le taux marginal des prélèvements a été de facto abaissé depuis 2018 et l'instauration par Emmanuel Macron du Prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30% sur les revenus financiers des ménages. Et comme on le sait, plus on est riche et plus la part des revenus financiers est élevée. 1% des foyers fiscaux (400 000 foyers sur 40 millions en 2021) concentrent 96% des montants totaux déclarés à l'impôt sur le revenu. 62% de dividendes sont déclarés par 0,1% des foyers fiscaux (soit 40 000 foyers) et 33% par 0,01% des foyers fiscaux (4000 foyers), selon un rapport du très officiel France Stratégie ;
  • loin d'être progressive en fonction du revenu, le taux d'imposition diminue tout en haut de l'échelle. Comme le rappelle Christian Chavagneux dans Alternatives économiques, citant une étude du très officiel Institut des Politiques Publiques, « le taux d'imposition des revenus (y compris l'impôt sur les sociétés, supposé taxer les dividendes correspondant au capital détenu) passe progressivement de 46% pour les 0,1% les plus riches à 26% pour le top 0,0002%, autrement dit les 75 foyers du sommet de la distribution, pour qui la richesse se compte en milliards ». Si on fait abstraction de l'impôt sur les sociétés considéré ici comme un impôt sur le revenu (en rose sur le graphique ci-dessous), le taux d'imposition à l'entrée des 10% des plus hauts revenus est de 30% environ. Il augmente jusqu'à 36%. Mais diminue pour les 0,5% les plus riches (non compris les impôts sur la consommation) jusqu'à ne plus représenter que 2% du revenu des milliardaires en France.

(graphique page 6)

Argument 2. Parce que nous avons déjà agi. « La contribution exceptionnelle sur les hauts revenus de 2011 est toujours en place treize ans plus tard » ; « Avec la majorité, nous avons mis en place la taxe sur les géants du numérique » ; « Nous avons mis en place l'impôt minimum mondial, qui va permettre de taxer à 15 % au moins les grandes multinationales », dixit Bruno Le Maire.

Dans la vraie vie, sous Emmanuel Macron :

  • la contribution exceptionnelle sur les très hauts revenus est payée par 0,1 à 0,2% des ménages les plus riches (revenu fiscal supérieur à 250 000 euros pour un célibataire et 500 000 euros pour un couple). Le taux est de 3%. Le montant moyen est de 30 000 euros. Cela ne corrige pas du tout la dégressivité de l'impôt dont bénéficient en réalité les ménages les plus riches (voir ci-dessus).
  • La taxe « GAFA » instituée en 2019 a été un petit pas en avant : elle devrait rapporter 800 millions en 2024. Elle ne cible que la publicité numérique et ne règle pas la sous-déclaration des activités en France et l'évasion fiscale massive des GAFA.
  • L'impôt minimum mondial doit plus aux batailles des sociétés civiles qu'à l'acharnement du gouvernement français. On leur doit d'autres progrès comme un recul de l'évasion fiscale dans les paradis fiscaux, grâce à l'échange automatique d'informations bancaires. Mais on est encore très loin du compte. Et la taxe mondiale de 15% minimum sur les bénéfices des multinationales a été considérablement affaiblie, comme l'analyse l'Observatoire européen de la fiscalité. Les trous dans la raquette ne cessent de grossir. Le rendement prévu initialement est déjà divisé par deux. Les pays en développement n'en bénéficieront pratiquement pas. S'ajoute le risque d'une nouvelle course à l'alignement du taux d'imposition vers le bas. Y compris en France où Bruno Le Maire a déjà fait passer le taux normal de 33 à 25%.

Argument 3. Parce qu'on va continuer. On cite toujours Bruno Le Maire : « Nous sommes déterminés à mettre en place un impôt minimum sur le revenu, pour contrer l'optimisation fiscale des plus riches » ; « Nous sommes disposés à durcir la contribution sur la rente des énergéticiens, dont le rendement a été trop faible en 2023 » ; « Avec le Premier ministre, nous voulons lutter contre toutes les rentes ».

Attention, manœuvre extrêmement dangereuse, réservée aux professionnels… dès la phrase suivante, le ministre avertit : « En revanche, nous n'augmenterons pas les impôts en France ».

C'est clair : l'impôt minimum sur le revenu contre l'optimisation fiscale des plus riches, la fiscalité pour lutter contre les rentes, c'est de la frime. Et le « durcissement » de la contribution des énergéticiens aura sans doute à peu près le même rendement qu'avant : 300 millions au lieu de 4,3 milliards espérés en 2023.

S'agissant de l'impôt minimum sur les plus riches, c'est d'autant plus du vent que la bataille en cours menée en Europe, et jusqu'au niveau du G20 par le Président du Brésil, vise à créer non pas un impôt minimum sur leur revenu mais un impôt minimum de 2% sur leur fortune. Selon Gabriel Zucman, l'un des initiateurs de cette lutte, les recettes fiscales supplémentaires pourraient atteindre 1 point de PIB (soit près de 30 milliards pour la France).

Pour Bruno Le Maire, la question ne sera même pas posée.

Bernard Marx

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« Si nous ne nous engagions pas dans les forces armées, la gauche ukrainienne cesserait d’exister », déclare Taras Bilous.

16 avril 2024, par Lukáš Dobes, Polyna Davydenko — , ,
13 avril 2024 | tiré d'Europe solidaire sans frontières https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article70483 Nous nous rencontrons à l'extérieur de la base militaire. Les (…)

13 avril 2024 | tiré d'Europe solidaire sans frontières
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article70483

Nous nous rencontrons à l'extérieur de la base militaire. Les discussions politiques entre soldats posent-elles problème ?

Le commandement ne censure pas les opinions des soldats du rang. Cependant, je sais par expérience que lorsque leurs subordonnés parlent aux médias, en particulier de sujets politiques, cela peut rendre les officiers subalternes nerveux. Il m'est arrivé qu'un commandant craigne de se faire taper sur les doigts en raison de l'interview que j'avais accordée, même si, en réalité, cette menace n'existait pas.

Quoi qu'il en soit, j'essaie d'éviter les discussions inutiles. Je ne clame pas haut et fort mes opinions politiques ou le fait que je suis historien, par souci de préserver mes forces. Sinon, quelqu'un voudra immédiatement que je prenne position sur la Russie kiévienne ou il y aura que je pose des questions provocatrices. Mais si je vois qu'il est possible d'envisager une collaboration militante avec cette personne, alors je commence à lui parler.

Est-il difficile de travailler avec des personnes qui ont des opinions différentes ?

Les divergences d'opinion ne me dérangent pas dans ce cadre. Les gens sont vraiment différents ici. En fait, il est rare que l'on discute de questions politiques générales. Mais sur les questions qui affectent directement nos vies et notre activité militaire, telles que l'appréciation du haut commandement, nous trouvons assez facilement un terrain d'entente.

Un problème beaucoup plus important dans l'armée, c'est le facteur humain. Certains officiers donnent des ordres stupides qui entraînent des morts inutiles. Tout soldat ayant servi au moins six mois peut vous raconter plus d'une histoire de ce genre.

Quant aux soldats du rang, ils se sont tous montrés solides et déterminés au cours des premiers mois après l'invasion, mais aujourd'hui, deux ans plus tard, la lassitude s'est installée. En Occident, beaucoup pensent qu'avec la fatigue, notre volonté de combattre va progressivement s'émousser. Cependant, ce n'est pas parce que nous sommes fatigués qu'il n'est pas important pour nous de continuer à résister.

Mais comme je l'ai dit, les gens changent de comportement quand ils participent à une guerre. Certains, malgré les agissements des officiers, comprennent qu'il faut continuer à se battre et à persévérer. tandis que d'autres... Une fois, j'ai été envoyé en mission avec un soldat d'une autre compagnie et nous avons passé quatre jours dans une tranchée qui s'effondrait. J'ai commencé à la réparer, et le soldat m'a dit : « Arrête de faire le con. Que le commandant vienne et répare la tranchée lui-même ».

Malgré la volonté largement partagée de continuer à résister à l'agression russe, tout le monde s'interroge : « Pourquoi devrais-je être celui qui se sacrifie ? » Si les dirigeants ont fait une erreur de prévision, pourquoi les simples soldats devraient-ils le payer de leur vie ? Et cela vaut aussi pour les civils, dont la volonté de rejoindre les rangs de l'armée diminue. Même certains de mes amis qui avaient voulu s'engager en 2022 et qui n'ont pas été incorporés tentent aujourd'hui d'échapper à la mobilisation. La raison n'est pas tant la peur que certaines pratiques absurdes qui sont courantes dans l'armée : tout le monde les connaît. Ils auraient pu les changer depuis longtemps, mais à quelques exceptions près dans quelques unités particulières, ils ne l'ont pas fait.

En 2022, vous avez décidé de rejoindre l'armée bien que vous n'ayez pas connu le combat depuis 2014. Ces deux phases de la guerre sont-elles différentes pour vous ?

En 2014, c'était une guerre pour le territoire. Certaines personnes voulaient vraiment intégrer la Russie, même s'il s'agissait d'une minorité. Un nombre assez important de personnes ayant des opinions pro-russes voulaient rester en Ukraine, mais elles souhaitaient une fédéralisation [plus d'autonomie pour Donetsk et Luhansk]. Bien entendu, on pourrait débattre longuement du pourcentage de la population du Donbass qui défendait tel ou tel point de vue, et ce que les gens pensaient a évolué au fil du temps.

À la veille de l'intervention des troupes russes en 2022, une enquête menée dans le Donbass a montré que pour la plupart des gens, le bien-être était plus important que la question de savoir dans quel État ils vivraient - l'Ukraine ou la Russie. Cela vaut pour les personnes vivant de part et d'autre de la ligne de front. Bien entendu, le fossé entre les deux parties du Donbass s'est creusé au fil des ans. Ces personnes se sont habituées à avoir une double identité, pour ainsi dire. Lorsqu'ils vont à Lviv, ils sont considérés comme pro-Moscou, et lorsqu'ils sont à Moscou, les gens les considèrent comme pro-Ukrainiens.

En 2014, c'est un Russe, Igor Girkin, qui a déclenché la guerre (en tant que commandant militaire de la République populaire de Donetsk, note de l'auteur) et, plus tard dans l'année, les troupes russes ont envahi le pays. Mais il ne fait aucun doute qu'une partie de la population locale a décidé, pour diverses raisons, de se joindre à la lutte contre l'armée ukrainienne.

À cette époque, la guerre a eu un effet complètement différent sur moi. Elle a anéanti tout nationalisme en moi. Mais en 2022, nous avons été confrontés à une invasion ouverte, y compris dans des régions comme Kjiv, où personne n'a souhaité la bienvenue à l'armée russe. Une invasion du sud, des régions de Kherson et de Zaporojié, où la plupart des gens veulent retourner en Ukraine. En ce sens, il s'agit d'un autre type de guerre, et tout est beaucoup plus simple.

Ressentez-vous directement les effets de cette « double identité » parmi vos camarades de combat ?

Partout il y a des divergences d'opinion, même au sein de l'escouade. Par exemple, mon commandant de compagnie actuel a semble-t-il soutenu les anti-Maïdan au printemps 2014. J'ai des relations tendues avec lui, donc je me base plutôt sur ses arguments lors de ses conversations avec d'autres officiers. Selon lui, les habitants de l'est de l'Ukraine ont désapprouvé Maïdan et ont donc réclamé la fédéralisation, mais le gouvernement n'était pas disposé à accepter des négociations. Cependant, depuis que le groupe de Girkin (des séparatistes soutenus par des soldats russes, note de l'auteur) s'est emparé de la ville de Slovyansk en 2014, il estime qu'il s'agit d'une opération des services de renseignement russes. Il n'aime pas non plus ceux qui militent pour que nous passions tous à la langue ukrainienne. La plupart des membres de mon unité sont originaires des régions orientales et, si j'en crois ce que j'ai entendu, ils n'aiment pas les nationalistes des deux bords. Certaines de mes connaissances ont également servi dans des unités composées d'anciens « Berkutsiens » (membres de l'ancienne police anti-émeute) qui ont défendu le régime de Ianoukovitch lors du Maïdan et qui n'ont pas changé d'avis à ce sujet. En même temps, ils défendent l'Ukraine contre l'agression russe.

Quelle est ta fonction dans l'armée ?

Au cours des deux premières années de l'invasion à grande échelle, j'ai servi principalement en tant que transmetteur. En pratique, il s'agissait d'un travail assez varié - parfois derrière un ordinateur, parfois en train d'installer des radios et de poser des câbles de communication. Le plus souvent, en tant que transmetteurs, nous restions dans une tranchée à plusieurs kilomètres de la ligne « zéro » [de contact]. Nous assurons un circuit de communication de secours pour les gars qui se trouvent au point zéro. Si, par exemple, le réseau général de communication tombe en panne ou que le signal ne parvient pas jusqu'à eux, nous sommes là pour leur fournir une solution de secours.

Récemment, mon activité a changé, je sers dans un bataillon de reconnaissance, mais je préfère ne pas dire clairement ce que je fais.

Dans les milieux de la gauche tchèque, la solidarité avec les civils et les réfugiés est forte, mais il y a encore peu de compréhension à l'égard de la résistance armée, un malentendu sur l'engagement volontaire des Ukrainiens dans l'armée, et aussi des demandes pour arrêter la fourniture d'armes [occidentales]. Qu'en penses-tu ?

Lorsque que l'on subit l'invasion de plein fouet, cela vous change. Comme l'a dit l'un de nos rédacteurs, il est beaucoup plus facile d'établir des priorités dans des moments aussi critiques. Il y a beaucoup de choses qui sont importantes pour vous dans la vie de tous les jours. Mais lorsque votre propre vie est en jeu, cela devient la chose principale et tout le reste passe au second plan. Cela rend les idées un peu plus claires.

Dans les premiers jours de l'invasion, j'ai compris que l'avenir de la gauche en Ukraine dépendrait de la question de savoir si nous participerions activement à la guerre ou non. Nous sommes tous essentiellement jugés sur nos actions dans des moments aussi critiques. Nous, la gauche, ne sommes déjà pas très influents dans ce pays et si nous n'étions pas allés nous battre à ce moment-là, tout se serait effondré. La gauche aurait cessé d'exister sous une forme organisée en Ukraine. Pour diverses raisons, j'étais et je suis toujours l'un des représentants les plus visibles du courant de gauche qui est aujourd'hui dans les forces armées, et j'ai donc une responsabilité, non seulement envers moi-même, mais aussi envers les autres. C'était aussi plus facile pour moi, je ne suis pas marié, et je n'ai même pas d'enfants.

Pour tout dire, je n'étais pas certain de faire un bon soldat. Et c'est l'une des raisons pour lesquelles je ne m'y suis pas préparé. J'ai toujours pensé que je serais plus utile dans d'autres domaines, en écrivant des articles par exemple. Honnêtement, je ne suis toujours pas un très bon soldat (rires). Mais j'apprends petit à petit et on verra bien. J'ai encore au moins une année entière devant moi.

Depuis le début de l'invason russe à grande échelle, tu as écrit deux articles qu ont eu un certain écho : « Lettre à la gauche occidentale depuis Kjiv assiégé » et « Je suis un socialiste ukrainien, voici les raisons pour lesquelles je résiste à l'invasion russe », qui ont été traduits en plusieurs langues. Est-il possible de continuer à écrire en temps de guerre ?

Depuis le début de l'invasion, je n'ai pu écrire avec concentration qu'au cours des premiers mois, lorsque j'en avais la force. Il y avait plus de temps. Mon adrénaline était complètement hors de contrôle pendant ces premiers mois. Je n'ai jamais eu autant de facilité à écrire de ma vie. D'habitude, je me torture pour formuler chaque phrase, mais à cette époque, je m'asseyais et j'écrivais un article en une demi-journée. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Je n'en ai ni l'énergie ni la conviction nécessaires. Je suis plus critique maintenant, et je tourne les choses dans ma tête.

Dans un entretien, tu as dit que l'on ne savait pas exactement ce qu'il adviendrait de la population pro-russe des régions de Donetsk et de Louhansk ainsi que de la Crimée une fois que ces territoires seraient libérés. Quelles seront les relations avec cette composante de la société ? Que se passera-t-il ?

Nous avons déjà des zones libérées, c'est-à-dire que nous avons une pratique que nous pouvons analyser. Par exemple, un de mes amis, journaliste et ancien activiste de gauche qui a fui la Crimée en 2014 pour l'Ukraine, s'occupe maintenant des affaires de collaboration à Lyman. Les gens y sont souvent jugés injustement. Il y a, bien sûr, des cas où des personnes ont participé activement à la répression, et elles doivent assurément être condamnées. Mais il y a aussi des cas où l'Ukraine rend des jugements manifestement injustes, par exemple dans le cas d'un électricien des services techniques qui a assuré le maintien des installations pour les gens ordinaires à Lyman pendant l'occupation.

Il existe une vaste zone grise où les choses ne sont pas si claires. L'expression « État de droit » ne s'applique pas tout à fait à l'Ukraine, étant donné les nombreux problèmes que connaît le système judiciaire dans ce pays. Malgré tout, le niveau de répression et de respect des droits de l'homme dans les territoires occupés par la Russie est incomparable avec celui du reste de l'Ukraine.

Le discours dominant ukrainien à propos des régions orientales est également quelque peu schizophrène pour ce qui touche aux populations locales. D'une part, les gens les considèrent comme « nôtres », d'autre part, ils les considèrent tous comme des « séparatistes ». Il n'y a pas de discours cohérent sur ce qui s'est passé en 2014. De plus, si vous allez au-delà d'un certain discours convenu, lorsque vous dépeignez ce qui s'est passé, vous êtes considéré comme un séparatiste. À cet égard, je n'aime vraiment pas la façon dont les choses se passent en Ukraine.

Tu as écrit sur le fait que le gouvernement Zelensky mettait en œuvre des politiques néolibérales dans le cadre de la guerre. En même temps, tu considères que Zelensky était le candidat le plus centriste, ou du moins le candidat le plus éloigné de la droite radicale. Nous aimerions savoir comment cela a évolué au cours des deux dernières années. Comment l'électorat perçoit-il cela ? Y a-t-il des changements à ce niveau ?

Oui, il y a des changements. À l'époque, je voulais dire que, parmi les hommes politiques qui avaient une chance de devenir président de l'Ukraine, Zelensky était le plus modéré en termes de nationalisme. Il n'y a pas eu de changement à ce niveau jusqu'à présent. Toutefois, le sentiment général s'est orienté vers un nationalisme plus prononcé. Et Zelensky a également évolué dans cette direction. On peut aussi trouver des hommes politiques plus ouverts à la population russophone, mais ils n'ont aucune chance de remporter l'élection présidentielle. Il me semble également que dans la gauche occidentale, on en comprend pas toujours qu'une position plus ouverte sur les questions linguistiques n'est pas synonyme d'un programme globalement progressiste. De mon point de vue, il s'agit souvent d'une tactique des populistes pour récupérer les anciens électeurs des partis pro-russes.

Zelensky a passé la première année et demie de son mandat à essayer de parvenir à la paix dans le Donbass, et les larbins de Porochenko le lui reprochent encore. Dans les premiers mois de l'invasion, il s'adressait encore au peuple russe dans ses discours. Comme de nombreux Ukrainiens, il espérait que les habitants de la Fédération de Russie finiraient par se soulever. À un moment donné, il a modifié sa position et a appuyé la demande de ne pas délivrer de visas aux Russes et de leur interdire l'accès à l'Europe.

À l'automne 2022, Poutine a décrèté lamobilisation et Zelensky s'est à nouveau adressé aux Russes en russe. À ce moment-là, l'opinion publique ukrainienne avait suffisamment évolué pour qu'il soit permettre de franchir la ligne autorisée. À ces moments-là, il est évident que les orientations politiques de Zelensky sont toujours plus ouvertes que celles du courant politique dominant en Ukraine. Alors, oui, nous avons de la chance que les choses se soient passées de cette manière.

Mais en même temps, cela n'enlève rien au fait que Zelensky se comporte comme un trou du cul sur de nombreux sujets. Dernièrement, par exemple, dans la manière dont il a abordé la question de la Palestine. Et aussi sa façon de répondre aux critiques, de se mesurer à ses rivaux politiques et de concentrer le contrôle des médias. Lui et ses proches collaborateurs sont des gens du spectacle et ils adoptent une approche très professionnelle et technique pour appréhender l'humeur du public. Par exemple, dans les premiers jours de l'invasion russe, ils ont regroupé les informations télévisées de toutes les chaînes en un unique téléthon. À l'époque, c'était adapté à la situation ; personne ne pouvait assurer seul une telle couverture de l'actualité. Mais aujourd'hui, on peut dire que cela aurait dû être abandonné depuis longtemps, car cela limite la liberté d'expression. Mais Zelensky ne le supprime pas. Il est entouré d'abrutis et d'idiots. Nous pourrions dresser une longue liste de leurs politiques totalement inadaptées.

Qu'en est-il de la participation de la gauche au Maïdan ? Vous ne faisiez pas partie de la gauche à ce moment-là. Pouvez-vous décrire le contexte de l'époque ?

J'ai une relation contradictoire avec cette période. J'étais au Maïdan, mais je n'aime pas le pathos qui y est associé. J'étais un activiste avant le Maïdan. Quelques mois plus tôt, nous avons essayé d'organiser une manifestation sur l'éducation. Nous avons distribué des tracts sur le campus, mais les gens étaient très passifs. Mais dès que le Maïdan a commencé, les mêmes personnes qui, quelques mois auparavant, disaient qu'il ne servait à rien de manifester, ou des choses tout aussi cyniques, se sont soudain passionnées pour la cause et ont tenu des discours tellement révolutionnaires que je me suis contenté de les regarder (rires). Je n'avais pas réalisé à l'époque que les gens changent soudainement lors des grandes mobilsations.

Maidan, c'est l'histoire d'une résistance à l'État, à l'appareil répressif, mais aussi celle de la solidarité. Mais lorsque la protestation est entrée dans une phase violente, la participation à cette violence a changé les gens, ce qui m'a mis mal à l'aise. Je suis originaire de Luhansk, et dès le premier jour, j'ai bien observé ce qui s'y passait. C'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai vécu Maïdan différemment de celles et ceux qui étaient en cours avec moi et de mes amis de Kjiv. Dès le début, j'ai eu peur que les choses tournent mal dans le Donbass. Malheureusement, c'est ce qui s'est produit.

Je suis devenu un militant de gauche au milieu de tout cela, en 2014, alors que la gauche occidentale ne se présentait pas sous son meilleur jour. En fait, la gauche ukrainienne était en décomposition à cause des mêmes problèmes que nous mettons aujourd'hui sur le compte de l'Occident.

La réaction de la gauche occidentale est globalement meilleure aujourd'hui qu'en 2014, notamment parce que l'identité de l'agresseur est désormais claire. Malgré cela, dans les premiers jours de l'invasion, j'ai estimé qu'il était nécessaire d'apporter une aide depuis ici pour expliquer le pourquoi et le comment, afin que nous puissions immédiatement mettre un terme aux réactions inappropriées. Je pensais, à ma manière assez excessive, que les Occidentaux allaient se réveiller. Aujourd'hui, je vois à quel point j'ai été naïf et combien j'ai sous-estimé l'ampleur du problème. En même temps, j'avais déjà eu l'expérience de 2014, suffisamment pour ne pas être trop surpris par la réaction de la gauche occidentale. Mais nous avons aussi des membres plus jeunes qui ont rejoint le mouvement de gauche au cours des quelques années qui ont précédé l'invasion, et pour certains d'entre eux, cela a été un choc.

Dans l'un de tes articles, tu as abordé la question du droit à l'autodétermination et tu as critiqué les arguments selon lesquels l'invasion de l'Ukraine n'est qu'un simple conflit par procuration. Selon toi, une partie de la gauche radicale adopte même une position plus « impérialiste » sur cette question que, par exemple, les responsables américains. Comment cela se manifeste-t-il et d'où vient-il selon toi ?

Une partie de la gauche occidentale a épousé les préjugés contre l'Ukraine, les représentations acritiques de la Russie, etc. En dehors de l'arrêt des livraisons d'armes, qu'est-ce que tous ces militant.e.s de la gauche anti-guerre veulent en réalité ? Ils veulent que les États-Unis et la Russie parviennent à un accord sans tenir compte de l'avis de ceux qui vivent ici. De telles réponses n'ont rien à voir avec les valeurs de la gauche. Une telle approche présuppose une acceptation implicite du modèle néo-réaliste en matière de relations internationales.

Sur ces questions, la gauche n'a pas trouvé d'approche commune qui puisse faire l'objet d'un consensus. Le seul consensus est probablement sur le droit à l'autodétermination des peuples, mais dans le cas de l'Ukraine, une partie de la gauche a brusquement oublié ce principe. Dans les situations critiques, des personnes par ailleurs raisonnables se mettent soudain à écrire toutes sortes de conneries.

Dans ce cas particulier, les États-Unis disent en substance que l'Ukraine peut décider quand et dans quelles conditions elle mettra fin à sa résistance. Toutefois, pour de nombreux autres conflits armés dans le monde, les États-Unis adoptent une position très différente en ce a trait au soutien au droit à l'autodétermination. Du moins dans les pays du Sud global.

Il me semble que cette position est quelque peu moralisatrice ?

Oui, et ce malgré le fait qu'il y ait eu beaucoup de critiques féministes au cours des dernières décennies qui condamnent à juste titre le fait de discréditer les femmes en tant qu'êtres émotionnels et non-objectifs. Avec la guerre, on projette cette « émotivité » sur nous, les Ukrainiens, même s'il n'y a rien de mal à cela. Pourtant, il n'y a rien de mauvais là-dedans. Le contraire de l'émotivité n'est pas la rationalité, mais l'indifférence. Et lorsqu'il s'agit de prendre des décisions difficiles, c'est cmme si la gauche oublie tout cela.

Le principal problème est, cela me me semble évident, la confusion entre anti-impérialisme et anti-américanisme. Tous les conflits sont perçus en termes d'opposition aux États-Unis.

Une autre chose qui me surprend toujours est la confusion entre la Fédération de Russie et l'Union soviétique. Bien que l'on puisse discuter de l'Union soviétique et de l'évaluation qu'il convient d'en faire, la Russie de Poutine n'est en aucun cas l'Union soviétique. Aujourd'hui, c'est un État complètement réactionnaire. On ne peut s'empêcher de remarquer combien d'auteurs de gauche glissent dans leurs textes des réflexions et des arguments qui montrent qu'ils continuent à voir la Russie comme l'Union soviétique. Et ce, même s'ils reconnaissent rationnellement que le régime de Poutine est réactionnaire, conservateur, néolibéral, etc. Et puis, boum, soudain ils lâchent quelque chose comme quoi le soutien des États-Unis à l'Ukraine est une sorte de revanche contre la Russie en raison de la révolution bolchévique. Quelle connerie ! (rires).

Quel conseil donnerais-tu à la gauche occidentale ?

Une partie significative de la gauche a adopté une position absolument incorrecte. Ceux qui consacrent leur temps à défendre l'Ukraine font, somme toute, ce qui est juste. La gauche est en crise partout. C'est tout simpement que dans certains cas, elle est complètement foutue, comme ici, et que dans d'autres cas, elle va mieux, comme à l'Ouest. Si je devais donner un conseil de portée générale, je recommanderais de ne moins se préoccuper de savoir quelle position abstraite est correcte, et de se concentrer davantage sur des actions pratiques pour nous aider à sortir du trou dans lequel nous nous trouvons.

Même au sein de notre propre organisation, jusqu'en 2022, nous avons adopté des positions différentes sur la guerre dans le Donbass. Il était parfois difficile de concilier ces sensibilités. Pour ne pas aggraver la situation, nous nous sommes souvent censurés. L'un de mes arguments est qu'il ne faut pas se disputer sur des points sur lesquels on ne peut pas avoir d'influence. Les gens de gauche sont souvent perçus comme condescendants, ils se considèrent comme les seuls à être raisonnables et à avoir l'esprit critique. Pourtant, de l'intérieur, il est facile de constater qu'il s'agit en grande partie de formules toutes faites. Par exemple, la façon dont certains militants de gauche présentent leur position et leur stratégie dans les débats. Au lieu de se livrer à une analyse des situations concrètes, ils se contentent souvent de reproduire des schémas établis dans un contexte et à une époque totalement différents et qui ne correspondent pas du tout à la situation. Nous devons nous éloigner de ces stéréotypes. Le marxisme n'est pas un dogme, mais pour diverses raisons, trop de marxistes réduisent en pratique le marxisme à une simple répétition de dogmes établis. « Pas de guerre en dehors de la guerre des classes », etc.

Un exemple révélateur s'est produit au printemps dernier lors de la venue de la délégation allemande de député.e.s de Die Linke au Bundestag. Jusque là, leur position sur la fourniture d'armes était totalement négative. Au moment de leur départ, le président du groupe a déclaré qu'ils avaient reconsidéré certaines de leurs positions après ce qu'ils avaient appris à Kjiv. Par exemple, le fait que les Ukrainiens ont de toute évidence besoin d'une défense antimissile. La même défense antimissile qu'ils avaient refusé de fournir jusqu'alors les avait en fait protégés à Kjiv ! Ainsi, plus d'un an après l'invasion, ils ont réalisé à quel point elle était nécessaire. Il leur a fallu beaucoup de temps pour en arriver là, et il leur reste encore beaucoup de choses à comprendre (rires). Mais c'est au moins le minimum.

Y a-t-il quelque chose que tu voudrais dire à la gauche tchèque, par exemple en ce qui concerne le pacifisme radical auquel tu as fait allusion ?

La gauche tchèque a connu l'expérience historique de la répression du Printemps de Prague, je ne comprends donc pas pourquoi elle ne parvient pas à mieux comprendre notre positionnement. Peut-être est-ce dû à une dépendance excessive à l'égard des théories de la gauche occidentale. Pour être franc, il en allait exactement de même dans notre pays et, à certains égards, c'est encore le cas aujourd'hui. Après 1989, la situation de la gauche en Ukraine était très déprimante et nous nous sommes d'autant plus tournés vers les auteurs occidentaux. À la revue Spilne (Commons), nous faisons également des traductions. Mais à partir d'un certain stade, on comprend et on sent que nous avons besoin d'une sorte de décolonisation de nous-mêmes. Le 24 février 2022, jour de l'invasion russe, est aussi devenu le moment d'une émancipation intellectuelle pour nous. Il est nécessaire d'être plus critique à l'égard de ce qu'écrivent les auteurs occidentaux, dont nous avons beaucoup appris et ce que nous reconnaissons ouvertement, mais nous nous trouvons dans un contexte quelque peu différent. Nous ne devons pas avoir peur de regarder les choses dans une perspective locale. Et cela inclut le développement d'une analyse locale des idées des auteurs occidentaux de gauche.

Ici, dans les milieux de gauche, nous avons aussi, et cela nous a fait du tort, souvent simplement reproduit les points de vue de la gauche occidentale. Les deux fléaux de la politique de gauche contemporaine sont la reconstruction historique et l'adaptation aux conceptions en vogue

. Au lieu de se livrer à une analyse des situations concrètes, ils se contentent souvent de reproduire des schémas établis dans un contexte et à une époque totalement différents et qui ne correspondent pas du tout à la situation. Nous devons nous éloigner de ces stéréotypes. Le marxisme n'est pas un dogme, mais pour diverses raisons, trop de marxistes réduisent en pratique le marxisme à une simple répétition de dogmes établis. « Pas de guerre en dehors de la guerre des classes », etc.

Un exemple révélateur s'est produit au printemps dernier lors de la venue de la délégation allemande de député.e.s de Die Linke au Bundestag. Jusque là, leur position sur la fourniture d'armes était totalement négative. Au moment de leur départ, le président du groupe a déclaré qu'ils avaient reconsidéré certaines de leurs positions après ce qu'ils avaient appris à Kjiv. Par exemple, le fait que les Ukrainiens ont de toute évidence besoin d'une défense antimissile. La même défense antimissile qu'ils avaient refusé de fournir jusqu'alors les avait en fait protégés à Kjiv ! Ainsi, plus d'un an après l'invasion, ils ont réalisé à quel point elle était nécessaire. Il leur a fallu beaucoup de temps pour en arriver là, et il leur reste encore beaucoup de choses à comprendre (rires). Mais c'est au moins le minimum.

Y a-t-il quelque chose que tu voudrais dire à la gauche tchèque, par exemple en ce qui concerne le pacifisme radical auquel tu as fait allusion ?

La gauche tchèque a connu l'expérience historique de la répression du Printemps de Prague, je ne comprends donc pas pourquoi elle ne parvient pas à mieux comprendre notre positionnement. Peut-être est-ce dû à une dépendance excessive à l'égard des théories de la gauche occidentale. Pour être franc, il en allait exactement de même dans notre pays et, à certains égards, c'est encore le cas aujourd'hui. Après 1989, la situation de la gauche en Ukraine était très déprimante et nous nous sommes d'autant plus tournés vers les auteurs occidentaux. À la revue Spilne (Commons), nous faisons également des traductions. Mais à partir d'un certain stade, on comprend et on sent que nous avons besoin d'une sorte de décolonisation de nous-mêmes. Le 24 février 2022, jour de l'invasion russe, est aussi devenu pour nous le moment d'une émancipation intellectuelle. Il est nécessaire d'être plus critique à l'égard de ce qu'écrivent les auteurs occidentaux, dont nous avons beaucoup appris, ce que nous reconnaissons ouvertement, mais nous nous trouvons dans un contexte quelque peu différent. Nous ne devons pas avoir peur de regarder les choses dans une perspective locale. Et cela inclut le développement d'une analyse enracinée localement des idées des auteurs occidentaux de gauche.

Ici, dans les milieux de gauche, nous avons aussi, et cela nous a fait du tort, souvent simplement reproduit les points de vue de la gauche occidentale. Les deux fléaux de la politique de la gauche contemporaine sont la reconstruction historique et l'adoption des conceptions à la mode. Les gens lisent des auteurs qui ont cent ans d'âge et se proclament marxistes ou féministes au vu de ces textes classiques... Le monde a beaucoup changé et les gens lisent les classiques trop littéralement, même quand ils ne sont plus réellement en phase avec les conditions actuelles. Deuxièmement, la gauche ne peut pas s'empêcher de faire siennes les guerres culturelles ou les sous-cultures occidentales à la mode. En 2016, deux militants de gauche qui participaient à une manifestation en Ukraine ont décidé de scander le slogan « De l'argent pour l'éducation, pas pour la guerre ». Seulement, ils l'ont importé d'un contexte complètement différent, de l'Italie, qui a été impliquée dans une agression impérialiste. En ce qui nous concerne, l'Ukraine est d'abord et avant tout victime de l'agression d'un autre État. En bref : ce fut un désastre. Les conséquences pour la gauche locale ont été tout simplement terribles. Nous étions déjà dans une situation difficile après 2014, et cette seule action, ce seul slogan, n'a fait qu'empirer les choses. Alors oui, nous avons fait beaucoup d'erreurs. Il faut reconnaître que certains d'entre nous ont tiré de mauvaises conclusions. Nous aussi avons beaucoup à apprendre. Mais en même temps, notre amère expérience ukrainienne nous a appris un certain nombre de choses.

P.-S.
Source : https://a2larm.cz/2024/04/kdybychom-nesli-bojovat-levice-by-v-ukrajine-prestala-existovat-rika-taras-bilous/

Traduit pour ESSF par Pierre Vandevoorde avec l'aide de DeepLpro, à partir de la traduction du tchèque en anglais d' Adam Novak

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Lettre d’information syndicale du RESU - Politique du RESU en matière de médias publics

16 avril 2024, par Réseau européen de solidarité avec l'Ukraine — , ,
Bienvenue dans le numéro de mars 2024 de la lettre d'information syndicale du Réseau européen de solidarité avec l'Ukraine (RESU). Dans ce numéro, nous posons des questions (…)

Bienvenue dans le numéro de mars 2024 de la lettre d'information syndicale du Réseau
européen de solidarité avec l'Ukraine (RESU). Dans ce numéro, nous posons des
questions essentielles : Le mouvement syndical en Europe en fait-il assez pour soutenir l'Ukraine, ses travailleurs et leurs syndicats à un moment où la situation sur le front militaire est bloquée ? Que peuvent-ils faire de plus ?

Mars 2024 NUMÉRO 8 - | Photo : Londres, 24 février. Le cortège de l'Union des services publics et commerciaux avec l'Ukraine

Dans ce numéro

Nous présentons également les luttes en cours des travailleuses, des étudiants et des
retraités ukrainiens, ainsi que des communautés qui se mobilisent pour faire pression sur leurs gouvernements locaux afin qu'ils augmentent leur soutien aux forces armées.

Contenu

Dossier : Que doivent faire nos syndicats pour aider l'Ukraine ? 2-11

Lutte des travailleurs en Ukraine 12-15

Les luttes communautaires en Ukraine 16-18

Lutte des étudiants en Ukraine 19-20

Lutte des femmes en Ukraine 21-22

Autres nouvelles et analyses sur l'Ukraine 23-25

Solidarité avec les travailleurs et les syndicats d'Ukraine 26-27

Lutte des travailleurs en Biélorussie 28-32

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Eléments pour un bilan du groupe ensuféministe

16 avril 2024, par Catherine Samary — , ,
Nous avons mis en avant et lancé des campagnes sur des questions de genre liées à la guerre en Ukraine et ses conséquences spécifiques pour les femmes (pressions pour fuir le (…)

Nous avons mis en avant et lancé des campagnes sur des questions de genre liées à la guerre en Ukraine et ses conséquences spécifiques pour les femmes (pressions pour fuir le pays et devenir réfugiées avec leurs enfants) et des sujets qui restent souvent dans l'ombre dans le monde dominé par les hommes de la guerre et de la politique internationale.

1. Réalisations

Nous avons offert une réponse rapide et opportune au Manifeste féministe campiste avec le Manifeste " Droit de résister ", élaboré par une collectivité importante et largement représentative de groupes et d'individus féministes ukrainiens que nous avons soutenus (signatures et diffusion internationale) (juillet 2022).

Nous avons mis en avant et lancé des campagnes sur des questions de genre liées à la guerre en Ukraine et ses conséquences spécifiques pour les femmes (pressions pour fuir le pays et devenir réfugiées avec leurs enfants) et des sujets qui restent souvent dans l'ombre dans le monde dominé par les hommes de la guerre et de la politique internationale (cf. analyse produite dans " Le droit de résister " des féministes ukrainiennes : la question des viols de guerre et autres formes de violence sexuée, y compris l'augmentation de la violence domestique), les questions plus larges des droits reproductifs et sexuels, les droits du travail des femmes, en particulier dans le secteur de la santé (campagne Be like Nina), la question des femmes soldats (inégalité avec leurs homologues masculins, discriminations, violences sexuelles, manque d'équipement).

Campagnes :

• Pétitions sur l'avortement et les droits reproductifs (juin, septembre 2022) - préparées lors de réunions zoom avec Zofia, féministe polonaise et figure dirigeante du Razem.

• Campagne Be like Nina (lancée en septembre 2023 avec l'objectif d'en faire une campagne générale de l'ENSU et d'autres forces (syndicales).

• Campagne Veteranka (lancée en février 2024).

Nous avons donné la parole aux collectivités féministes ukrainiennes et autres collectivités féministes internationales par le biais d'articles sur notre site web, traduits en plusieurs langues, de vidéos sélectionnées, et par le biais de réunions publiques de zoom :

• Panel féministe international " La guerre de Poutine : nouveaux défis et réponse féministe transnationale, 26.1.2023 (avec des intervenants d'Ukraine, de Russie, de Pologne et d'Iran).

• Campagne "Be like Nina" - Rencontre avec Oksana Slobodiana, 31 juillet 2023

• Zoom meeting présentant les activités de Feminist Workshop, 9 mars 2024

Nous avons collecté des fonds pour financer les groupes féministes ukrainiens, en particulier lorsqu'ils ont été touchés par des coupures d'électricité massives pendant le rude hiver 2022-2023.

En mai 2023, nous avons pris en charge la traduction de certains messages du canal Telegram du groupe russe Anti-War Feminist Resistance. Nous publions des numéros mensuels à travers notre réseau sur les activités anti-guerre en Russie, les actes de soutien aux organisations ukrainiennes, la répression et les femmes prisonnières politiques en Russie.

Récemment, le groupe de travail féministe de l'ENSU a été renforcé par la participation d'Alla, membre active de l'atelier féministe en Ukraine, et de Patrick Letrehondat, qui suit en permanence les activités féministes ukrainiennes.

1. Défis

Au cours des derniers mois, le nombre de membres actifs du groupe de travail féministe a considérablement diminué. Nous avons perdu (lors des réunions régulières - pas pour les projets ad hoc et les zooms) la plupart de nos membres ou contacts internationaux - les participantes les plus régulières venant de France, de Belgique, de Grèce et des Etats-Unis. Nos réunions sont également devenues moins régulières. En revanche, certaines activités de l'ENSU sur des sujets féministes ont été reprises par des réseaux ENSU nationaux plus larges (Espagne, France, Belgique et Royaume-Uni), qui ont pu gérer plus efficacement certaines des campagnes que nous avons proposées (en particulier la collecte de fonds) (par exemple "Be like Nina" et Veteranka). Enfin, l'organisation d'une rencontre féministe a été couronnée de succès en France grâce à un réseau d'associations (syndicats, Attac...) liées aux activités du RESU.

La diminution du nombre de nos membres actifs peut être liée à la "double charge" des camarades femmes ayant des enfants en bas âge ou au fait que nos membres sont souvent impliquées dans de nombreuses autres tâches militantes - dans les syndicats par exemple, ou dans des mobilisations en faveur de l'importance de la cause palestinienne.

1. Autres tâches possibles

Depuis le début de la guerre, nous avons soulevé (sans pouvoir le faire) la question de la solidarité avec les réfugiés ukrainiens à l'étranger (principalement des femmes et des enfants). La fin des mesures provisoires plus favorables (par exemple en ce qui concerne le logement et l'emploi pour ces réfugiées) représente une véritable tâche pour notre réseau. Nous devons analyser l'évolution de la situation des femmes ukrainiennes réfugiées dans différents pays, y compris la Pologne, en particulier en ce qui concerne les droits reproductifs.

Mais nous manquons de forces. L'un de nos projets devrait être d'organiser à nouveau une large réunion internationale de féministes pour examiner les situations auxquelles sont confrontées les femmes ukrainiennes et pour assurer le suivi de nos campagnes en cours ou pour voir si nous devons en lancer de nouvelles.

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Attaque israélienne contre le World Central Kitchen : Biden durcit le ton, le soutien américain à la guerre d’Israël continue, les protestations aussi

16 avril 2024, par Dan La Botz — , ,
Lorsque Israël a tué sept travailleurs de la[World Central Kitchen (WCK)->]le 1er avril, il a franchi une ligne rouge invisible qui a immédiatement suscité l'indignation de (…)

Lorsque Israël a tué sept travailleurs de la[World Central Kitchen (WCK)->]le 1er avril, il a franchi une ligne rouge invisible qui a immédiatement suscité l'indignation de l'Europe, de l'Australie et de l'Amérique. Avant cette attaque, Israël avait tué plus de 200 travailleurs humanitaires palestiniens et 33 000 Palestiniens essentiellement musulmans, pour la plupart des femmes et des enfants, mais cette fois il n'a pas tué les bonnes personnes en causant la mort de Blancs originaires de pays majoritairement chrétiens – l'Australie, la Pologne, le Royaume-Uni, et un citoyen américain et canadien, Jacob Flickinger, 33 ans. Le WCK, réputé pour ses actions caritatives, est dirigé par le chef José Andrés, citoyen américain né en Espagne.

Tiré de Inprecor 719 - avril 2024
8 avril 2024

Par Dan La Botz

Netanyahu, qui ne s'est pas excusé pour le meurtre de 200 travailleurs humanitaires palestiniens, de 140 journalistes ou de 13 800 enfants, a immédiatement reconnu son erreur et a déclaré : « Malheureusement, au cours de la journée écoulée, il y a eu un cas tragique où nos forces ont frappé involontairement des personnes innocentes dans la bande de Gaza. Cela arrive en temps de guerre ».

L'attaque contre WKC a été un cadeau pour Biden qui a été attaqué par les progressistes pour ne pas avoir freiné Israël. Il a pris son téléphone, appelé Netanyahou et lui a dit qu'il devait protéger les travailleurs humanitaires, garantir plus d'aide aux Palestiniens et demander un cessez-le-feu immédiat en échange d'otages, suggérant qu'il pourrait conditionner l'aide militaire américaine à Israël. M. Biden a déclaré : « Nous sommes passés aujourd'hui d'une accolade à une poignée de main, puis à une tape sur les doigts ».

La guerre d'Israël contre les Palestiniens est menée avec des milliards de dollars d'aide militaire américaine, y compris de la part de l'administration Biden. Légalement, l'aide militaire américaine ne peut aller à des pays qui ne protègent pas les civils et n'assurent pas l'aide humanitaire. Jusqu'à présent, le président avait exercé une légère pression verbale sur Netanyahou pour qu'il modifie la stratégie d'Israël vis-à-vis des Palestinien·nes. L'attaque israélienne contre le WCK a donné à Joe Biden l'occasion de se montrer plus ferme. Néanmoins, la colère contre Israël et les États-Unis continue de croître.

Andrés, le directeur de WCK, a immédiatement accusé Israël d'avoir délibérément attaqué les travailleurs humanitaires de son organisation. À la suite de l'enquête menée par les Forces de défense israéliennes et des mesures disciplinaires prises à l'encontre des officiers, WCK a déclaré que « les Forces de défense israéliennes ont déployé une force meurtrière sans tenir compte de leurs propres protocoles, de leur chaîne de commandement et de leurs règles d'engagement ». Et WCK a exigé une enquête indépendante. Une enquête convaincante d'Al Jazeera a révélé que l'armée israélienne avait attaqué « méthodiquement et délibérément » les travailleurs du WCK. Fin mars, Volker Türk, le plus haut responsable des droits de l'homme des Nations unies, a déclaré qu'il était « plausible » qu'Israël utilise la famine comme arme de guerre à Gaza. Pour beaucoup d'entre nous, cela semble non seulement plausible, mais évident. L'attaque contre le WCK a conduit ce dernier et d'autres organisations d'aide à suspendre leur travail, ce qui a aggravé la famine et la faim à Gaza.

L'attaque contre le WCK a intensifié la dissidence de certains sénateurs et représentants du parti démocrate qui s'opposent au soutien continu, et jusqu'à présent sans critique, de Biden à la guerre d'Israël. Et bien sûr, cela a encouragé les protestations continues des militant·es appelant à un cessez-le-feu qui ont eu lieu lors d'événements du parti, interrompant parfois Biden lui-même. Jewish Voice for Peace, un groupe antisioniste, a déclaré sur X que l'attaque d'Israël contre WCK était intentionnelle, écrivant : « Écoutez d'abord les Palestiniens – et immédiatement – chaque fois qu'ils subissent le génocide et la colonisation israéliens. L'assassinat par l'armée israélienne de toute personne à Gaza est conscient et calculé ».

L'attaque israélienne contre WCK a enflammé l'opposition à Biden au sein de la gauche, qui, lors des primaires, a voté « non engagé » plutôt que de voter pour le président. La « tape sur la main » de Biden ne les impressionnera pas – à moins qu'il n'arrête réellement l'aide militaire à Israël. Et cela semble encore peu probable. Le soutien de Biden à Israël pourrait lui coûter l'élection. Peut-être.

7 avril 2024, publié par International Viewpoint.

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No Tech for Apartheid : grogne chez Google autour d’un contrat d’IA avec Israël

À l'ombre de la guerre à Gaza, un groupe de protestation a été créé au sein du géant de la tech, et compte désormais une quarantaine d'employés, raconte “Time”. Leur objectif : (…)

À l'ombre de la guerre à Gaza, un groupe de protestation a été créé au sein du géant de la tech, et compte désormais une quarantaine d'employés, raconte “Time”. Leur objectif : pousser Google à abandonner un projet du nom de Nimbus permettant à l'État hébreu de bénéficier de services d'intelligence artificielle.

Tiré de Courrier international.

Dans un article paru le 8 avril sur Google et Israël, dans le contexte actuel de la guerre à Gaza, le magazine américain Time s'attarde sur la montée de la grogne au sein du géant technologique concernant un de ses projets, baptisé “Nimbus”, un contrat de 1,2 milliard de dollars signé en 2021 avec l'État hébreu.

Ce projet, décrié par des employés de l'entreprise comme un outil supplémentaire de la politique “génocidaire” et d'“apartheid” d'Israël, consiste à fournir des services d'intelligence artificielle (IA) et de “cloud computing” (stockage et gestion de données sur des serveurs externes) au gouvernement ainsi qu'à l'armée israélienne.

Ces dernières semaines, un jeune ingénieur a ainsi été remercié pour avoir protesté publiquement contre le projet lors d'une conférence faisant la promotion de l'industrie technologique israélienne, tandis que deux autres ont rendu leur tablier, également sur fond de contestation du projet, rapporte le Time.

Conférence perturbée

“Le 4 mars, dans le centre de Manhattan, le directeur général de Google pour Israël, Barak Regev, parlait lors d'une conférence […] lorsqu'un membre du public s'est levé en signe de protestation. ‘Je suis ingénieur logiciel chez Google Cloud et je refuse de contribuer à une technologie qui alimente le génocide, l'apartheid ou la surveillance', a lancé le manifestant, vêtu d'un tee-shirt orange orné du logo blanc de Google. ‘Pas de technologie pour l'apartheid'”, a-t-il ensuite scandé.

Cet ingénieur de 23 ans, nommé Eddie Hatfield, “a été hué par le public et rapidement expulsé de la salle”, avant d'être démis de ses fonctions trois jours plus tard.

Mais sa réaction est loin d'être un cas isolé, explique le magazine américain, qui s'est entretenu avec dix employés de Google, cinq actuels et cinq anciens. “Hatfield fait partie d'un mouvement croissant au sein de Google qui appelle l'entreprise à abandonner le projet Nimbus. Le groupe de protestation, appelé ‘No Tech for Apartheid', compte désormais une quarantaine d'employés […], qui affirment que des centaines d'autres travailleurs sympathisent avec leurs objectifs”, écrit l'auteur de l'article, Billy Perrigo.

“Tuer des civils”

Même s'il n'existe “aucune preuve que la technologie de Google ou d'Amazon ait été utilisée pour tuer des civils” dans la guerre actuelle à Gaza, les employés de Google craignent que les outils mis à la disposition d'Israël dans le cadre du projet Nimbus ne soient utilisés “à des fins de surveillance, de ciblage militaire ou d'autres formes” de répression ou de liquidation.

Des craintes qui semblent d'autant plus légitimes, selon le journaliste, que des enquêtes récentes dans la presse israélienne ont révélé le recours de plus en plus courant par l'armée israélienne à des systèmes de ciblage générés par l'IA, sans surveillance ou avec un contrôle humain réduit.

Courrier international

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Envoi d’armes à Israël : Des pays européens menacés de poursuites pour complicité de génocide

Deuxième plus grand fournisseur d'armes d'Israël (après les Etats-Unis), l'Allemagne fait face à deux plaintes devant ses tribunaux et une troisième devant la Cour (…)

Deuxième plus grand fournisseur d'armes d'Israël (après les Etats-Unis), l'Allemagne fait face à deux plaintes devant ses tribunaux et une troisième devant la Cour internationale de justice (CIJ), la plus haute juridiction de l'Onu, devant laquelle elle a comparu mardi dernier pour « complicité » et « facilitation » de génocide à Ghaza. Au début du mois de novembre dernier, ses ventes ont atteint 300 millions d'euros, soit dix fois plus que l'année précédente.

Tiré d'El Watan.

Fervent défenseur et fidèle allié de l'Etat hébreu, Berlin est de plus en plus critiqué par des Ong de droits de l'homme pour son soutien militaire à l'entité sioniste, notamment après l'assassinat des sept humanitaires, dont deux Britanniques, un Australien et un Polonais, par un raid israélien. Vendredi dernier, une plainte a été déposée contre le gouvernement allemand par cinq Palestiniens de Ghaza, le sommant de stopper le transfert d'armes vers Israël, notamment un chargement de 3000 armes antichars. Déposée au nom de l'ECCHR (Centre européen du droit constitutionnel et les droits de l'homme), une ONG berlinoise, la plainte cible les dirigeants allemands pour « avoir exporté des armes de guerre vers Israël afin de participer et l'aider à la commission de génocides à Ghaza ».

Une action soutenue par le Centre palestinien pour les droits de l'homme (PCHR) et le Centre Al Mezan pour les droits de l'homme à Ghaza, ainsi que par l'organisation palestinienne de défense des droits de l'homme Al Haq à Ramallah, en Cisjordanie. « Avec ce procès, nous demandons au tribunal de suspendre les licences d'exportation délivrées par le gouvernement allemand pour les expéditions d'armes vers Israël, dans le cadre de mesures provisoires. Le procès concerne notamment les licences pour les armes antichars. Le nombre considérable de civils tués et le taux de mortalité quotidien à Ghaza ont suscité de vives inquiétudes dans le monde entier quant aux violations du droit international humanitaire et aux éventuels crimes internationaux commis par les forces armées israéliennes.

Il existe des indications de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité commis contre la population palestinienne à Ghaza, ainsi que d'allégations de génocide. En continuant d'exporter des armes de guerre, la République fédérale d'Allemagne viole ses obligations en vertu du droit international, telles qu'elles sont énoncées dans la Convention sur le génocide, le Traité international sur le commerce des armes et les Conventions de Genève, que l'Allemagne a ratifiées », a écrit Wolfgang Kaleck, secrétaire général du centre berlinois, avant de conclure : « Le droit international et les droits de l'homme sont fondamentaux. Une condition préalable fondamentale à une politique étrangère allemande fondée sur des règles et axée sur les droits de l'homme est le respect du droit dans ses propres prises de décision. L'Allemagne ne peut pas rester fidèle à ses valeurs, si elle exporte des armes vers une guerre où de graves violations du droit humanitaire international sont manifestes. »

Plainte de plus de 300 juristes du Royaume-Uni

L'action, dont la réponse doit avoir lieu dans les deux semaines qui suivent son enregistrement, a été engagée 48 heures après les plaidoiries des représentants du gouvernement allemand devant la CIJ, devant laquelle le Nicaragua l'a traduit pour « complicité » et « facilitation » de génocide à Ghaza. Durant plus de deux heures, son collectif de défense a rejeté toutes les accusations portées contre Berlin, tout en consacrant une grande partie de son exposé à la défense d'Israël et à « son droit de légitime défense ».

Le Royaume-Uni fait lui aussi l'objet de lourdes pressions au sein de son gouvernement, mais aussi de l'opposition pour stopper les opérations de livraison d'armes à Israël. Fournisseur d'armes et allié indéfectible de l'Etat hébreu, le Royaume-Uni fait l'objet d'une pression accrue depuis l'assassinat de ses trois ressortissants, des humanitaires de l'ONG WCK (World Central Kitchen) par un raid israélien à Ghaza. De nombreuses voix se sont élevées contre le transfert d'armes et le réexamen de leur exportation vers Tel-Aviv.

Le 4 avril, 600 juristes du Royaume, entre magistrats, avocats et universitaires, ont signé une déclaration mettant en garde le Premier ministre Rishi Sunak contre la poursuite des exportations d'armes vers Israël, sous peine de se rendre coupable de génocide. Leur emboîtant le pas, le Syndicat des services publics et commerciaux, qui représente les fonctionnaires, a demandé une réunion urgente avec le ministère du Commerce, « pour discuter du risque juridique auquel sont confrontés les fonctionnaires en raison de leur lien avec les exportations d'armes vers Israël ».

Le Syndicat a affirmé qu'il envisageait une action en justice contre le gouvernement avant d'expliquer : « Compte tenu des implications pour nos membres, nous pensons qu'il existe de nombreuses raisons de suspendre immédiatement tous ces travaux. Nous vous demandons donc de nous rencontrer en urgence pour discuter de cette question et cesser immédiatement les travaux. Il est entendu que les membres ont demandé à leurs employeurs de cesser de leur confier des tâches liées aux autorisations d'exportation. »

Quelques semaines auparavant, une plainte pour « crimes de guerre » à Ghaza a été déposée par l'Ong ICJP (Centre international de la justice pour les Palestiniens) au niveau de la police de Londres, visant notamment quatre responsables du gouvernement britannique. Rassemblant avocats, universitaires et responsables politiques, cette ONG, qui soutient les droits des Palestiniens, a déclaré avoir remis un dossier de preuves à l'unité chargée d'enquêter sur les crimes de guerre au sein de Scotland Yard, notamment « en lien avec des responsables politiques britanniques de premier plan ».

« Notre plainte apporte suffisamment de preuves à la police pour initier une enquête et arrêter les individus nommés dans la plainte », avait déclaré Tayab Ali, largement médiatisée. Mais l'organisme a décidé de ne pas rendre publics à ce stade les noms des personnes visées. Il s'agit de « responsables israéliens de haut rang, de militaires, de neuf ressortissants britanniques servant au sein de l'armée israélienne, ainsi que quatre ministres du gouvernement britannique accusés d'être complices de ces crimes », a néanmoins précisé M. Ali. Il a en outre indiqué que « l'enquête de l'ICJP continue », notamment sur « le crime de génocide et la potentielle complicité du gouvernement britannique ».

Des plaintes à Paris pour stopper les ventes d'armes

Samedi dernier, le tribunal administratif de Paris a rejeté un recours déposé par Amnesty International pour obtenir en urgence la suspension des livraisons françaises d'armes destinées à Tel-Aviv. Selon la presse française, le juge des référés « s'est déclaré incompétent et a donc débouté les requérants ». Le juge a estimé, à en croire l'AFP, que « ce dossier n'était pas détachable de la conduite des relations internationales de la France ». A travers son action en justice, la section française d'Amnesty, aux côtés de la Ligue des droits de l'homme, a tenté de contraindre le gouvernement à suspendre les licences d'exportation de certains matériels de guerre vers Israël, jusqu'à ce que l'Etat hébreu « se conforme au droit humanitaire et international ». La procédure portait sur les licences d'exportation de matériels militaires de catégories ML5 (qui permet à l'artillerie de déterminer des cibles) et ML15 (servant à l'imagerie et aux radars). En clair, des armes offensives et non pas défensives comme l'a indiqué le ministre des Armées, Vincent Droullé. La France, a-t-il insisté, ne livre pas d'armes à Israël, mais des « composants intégrés dans un système d'armes à vocation purement défensive ».

Les ML5 et les ML15 sont utilisés par Israël, dans ses opérations génocidaires contre la population civile de Ghaza. Samedi dernier, lors de l'audience, l'avocat d'Amnesty International, Lionel Crusoé, avait mis l'accent sur la « situation humanitaire catastrophique » à Ghaza et la récente prise de position du Conseil des droits de l'homme de l'ONU, qui a exigé l'arrêt de toute vente d'armes à Israël. Le tribunal doit encore se prononcer cette semaine sur deux recours similaires, déposés par d'autres associations dont Action sécurité éthique républicaines, l'ACAT-France (Action des chrétiens pour l'abolition de la torture), Stop Fuelling War et Sherpa, ciblant, l'exportation de matériels de guerre de catégorie ML3 (munitions et éléments de munitions). Le troisième recours en attente a été engagé par les associations Attac et France Palestine Solidarité pour arrêter toutes les licences d'exportation de matériels de guerre vers Israël. Il est important de rappeler que le 5 avril, 115 parlementaires français avaient adressé une lettre à leur président, Emmanuel Macron, pour alerter sur ce qu'ils ont qualifié de « barre symbolique » des « 33 000 morts et 13 750 enfants tués » à Ghaza, et de lui demander l'arrêt immédiat des ventes d'armes à Israël.

« Nous considérons que la France est en contradiction avec les traités internationaux qu'elle a signés en continuant de fournir du matériel militaire à Israël. Toutes ces mises en garde contre la complicité de génocide à Ghaza, ont été renforcées par une résolution du Conseil des Nations unies pour les droits de l'homme à Genève, qui interdit toute exportation d'armes vers Israël, en raison d'un grand risque de génocide à Ghaza. »

De nombreux pays ont suspendu leurs exportations de matériel militaire vers l'Etat hébreu, dont l'Espagne, l'Italie, la Norvège, les Pays-Bas, la Belgique, l'Irlande, le Canada, pour ne citer que ceux-là, en raison de la grave situation humanitaire induite par la guerre à Ghaza.

En attendant la décision de la CIJ, relative aux demandes d'injonction du Nicaragua contre l'Allemagne, pour « complicité de génocide », en raison de ses livraisons d'armes à Israël et sa décision de suspension de l'aide financière à l'Unrwa, l'agence onusienne qui aide les Palestiniens à survivre, les Ghazaouis continuent à mourir sous les bombes et les balles sionistes.

Durant les dernières 24 heures, alors que le monde avait détourné le regard vers la riposte iranienne contre Tel-Aviv, l'armée sioniste a tué 43 Palestiniens et blessé 62 autres, dans la nuit du samedi et la journée d'hier, portant le nombre de victimes au 191e jour depuis l'attaque du 7 octobre à 33 729 morts, majoritairement des enfants et des femmes, et 76 371 blessés.

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« L’Iran s’est trouvé mis au pied du mur par l’attaque contre son consulat »

16 avril 2024, par Gilbert Achcar — ,
Le chercheur franco-libanais Gilbert Achcar, professeur à l'École des études orientales et africaines de l'université de Londres, revient sur l'attaque israélienne du 1er avril (…)

Le chercheur franco-libanais Gilbert Achcar, professeur à l'École des études orientales et africaines de l'université de Londres, revient sur l'attaque israélienne du 1er avril contre le consulat à Damas et analyse la réponse de la République islamique. Il examine également les effets de ce regain de tension sur les négociations en cours pour mettre fin à la guerre à Gaza.Entretien réalisé par Pierre Barbancey pour L'Humanité.

Tiré de Inprecor 719 - avril 2024
14 avril 2024

Par Gilbert Achcar

Le système anti-missile en action après que l'Iran a lancé des drones et des missiles vers Israël, vu d'Ashkelon, Israël le 14 avril 2024. REUTERS - Amir Cohen

Que cherchait Israël en frappant le consulat d'Iran à Damas ?

L'attaque israélienne continuait la longue série de frappes contre des objectifs iraniens en Syrie, inaugurée depuis une dizaine d'années lorsque l'Iran a commencé à s'implanter dans ce pays à la faveur de la guerre civile postérieure au soulèvement populaire de 2011. Toutefois, les autorités israéliennes ne pouvaient ignorer que la destruction du consulat, adjacent à l'ambassade d'Iran, constituait une escalade majeure, au-delà même de l'identité des victimes, dont un haut-gradé du corps des « gardiens de la révolution », le bras armé idéologique du régime iranien, et sept autres officiers.

Il me semble donc qu'il s'agissait d'une provocation délibérée visant à susciter une riposte iranienne et enclencher un engrenage pouvant mener à une action de grande envergure contre l'Iran. Il y a pour cela deux raisons principales, dont l'une est « triviale » et l'autre stratégique. La raison triviale est que la fuite en avant militaire est dans l'intérêt de Benyamin Netanyahou, dont on sait que l'état de guerre conditionne son maintien au pouvoir. Elle est aussi dans l'intérêt de l'ensemble du gouvernement israélien, confronté à une antipathie croissante dans les opinons publiques occidentales. Or, une confrontation avec l'Iran à l'image très négative est de nature à restaurer la solidarité occidentale avec Israël. Cela s'applique aussi à l'administration Biden, qui a pâti ces derniers temps de la dégradation de l'image de son allié israélien.

Quant à la raison stratégique, elle est évidente : depuis que Donald Trump a répudié en 2018 l'accord sur le nucléaire conclu en 2015 avec l'Iran, ce dernier a considérablement accéléré son activité d'enrichissement d'uranium au point qu'il est aujourd'hui estimé qu'il ne faudrait que quelques jours à Téhéran pour produire au moins trois bombes nucléaires. Si l'on y ajoute la capacité de l'Iran en matière de frappe à distance, dont on a vu la démonstration samedi dernier, on comprend aisément la hantise d'Israël de perdre son monopole régional de l'armement nucléaire, et partant sa capacité dissuasive. Certes, Israël possède un nombre considérable de têtes nucléaires, mais son territoire est beaucoup plus exigu que celui de l'Iran. Il est donc à craindre que l'attaque contre le consulat ait été conçue comme première salve d'une escalade militaire devant conduire à une attaque israélienne contre le potentiel nucléaire iranien.

Que peut-on lire dans la réplique iranienne ?

On peut y lire un grand embarras. Téhéran s'est trouvé mis au pied du mur par l'attaque contre son consulat. Sa « crédibilité » dissuasive a été considérablement érodée au fil des ans par des promesses répétées de vengeance jamais tenues, du moins à un niveau significatif, comme après l'assassinat en Irak, ordonné par Trump en janvier 2020, du chef de la force Al-Qods des « gardiens de la révolution », Qassem Soleimani. Il y a eu aussi l'absence d'intervention directe dans la guerre menée par Israël à Gaza, contrairement aux exhortations du Hamas. L'Iran s'est contenté de faire intervenir ses alliés libanais et yéménites, de façon autolimitée dans le cas du Hezbollah libanais.

Téhéran se devait donc d'agir cette fois-ci afin de ne pas perdre complètement la face. En même temps, les dirigeants iraniens sont conscients du but de la provocation israélienne et craignent une attaque sur leur sol avant d'avoir réalisé un équilibre de la terreur en se dotant de l'arme nucléaire. C'est pourquoi ils ont opté pour une attaque massive en apparence, dont ils savaient qu'elle n'aurait pas grand impact. Attaquer l'État du monde le mieux doté en défense aérienne, aidé de surcroît par de puissants alliés, dont les États-Unis au premier chef, avec des drones et des missiles de croisière à 1500 kilomètres de distance, pour un parcours de plusieurs heures, c'est s'attendre à ce que très peu arrive à destination. Seuls quelques missiles balistiques ont pu passer à travers les mailles du filet de protection israélien.

Les sources iraniennes se sont empressées de déclarer l'affaire close en ce qui les concerne. C'est bien naïf. S'ils avaient attaqué une représentation diplomatique israélienne aux Emirats arabes unis ou au Bahreïn, par exemple, personne n'aurait pu sérieusement le leur reprocher. Mais en lançant des centaines d'engins sur le territoire même d'Israël, ils ont donné en plein dans le panneau, légitimant ainsi une attaque israélienne directe sur leur propre territoire. Il n'est pas très difficile de comprendre qu'ils ont à la fois fait la preuve du danger qu'ils représentent pour Israël, renforçant ainsi l'argument israélien pour une destruction préventive de leur potentiel, et démontré leur faiblesse stratégique face à un adversaire bien mieux doté qu'eux. C'est à mon sens une erreur qui pourrait s'avérer aussi monumentale que celle qu'a commise le Hamas en lançant l'opération du 7 octobre 2023.

Quelles sont les conséquences sur la guerre menée à Gaza et les négociations ?

Les négociations étaient déjà dans l'impasse avant tout cela. Là, les perspectives d'un accord deviennent fort minces, d'autant que la pression occidentale sur Israël va très probablement diminuer en intensité et que l'incertitude plane au sujet des otages. Israël a déjà détruit la plus grande partie de Gaza, la transformant en champ de tir et d'intervention ponctuelle pour ses forces armées. Il reste Rafah, qu'Israël se prépare à envahir après en avoir déplacé la population civile. Cela nécessite un effort bien moindre que l'offensive menée jusqu'en janvier dernier. Par ailleurs, la confrontation avec l'Iran ne nécessite pas un surcroît de mobilisation terrestre, sauf au nord pour parer à une éventuelle offensive du Hezbollah. Quant au potentiel israélien de frappe à distance, il reste entier puisque l'administration Biden veille à le maintenir à niveau par des livraisons continues d'armement, outre sa contribution directe à l'effort de guerre israélien.

Entretien réalisé par Pierre Barbancey

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L’Iran et les houthistes, une alliance sans alignement

En riposte au bombardement de son consulat à Damas, l'Iran a lancé une attaque limitée contre Israël dans la nuit du 13 au 14 avril. Les houthistes yéménites y ont participé et (…)

En riposte au bombardement de son consulat à Damas, l'Iran a lancé une attaque limitée contre Israël dans la nuit du 13 au 14 avril. Les houthistes yéménites y ont participé et continuent à viser les navires de commerce « ennemis » en mer Rouge. Conscient de sa propre capacité de nuisance et de son inscription dans des enjeux locaux, le mouvement armé Ansar Allah n'est toutefois pas totalement aligné avec les intérêts de la République islamique.

Tiré d'Orient XXI. Cet article a initialement été publié par le Sana'a Center for Strategic Studies sous le titre « Iran's View of Houthi Attacks in the Red Sea : Protecting Gains and Limiting Costs », le 9 avril 2024. Traduit de l'anglais par Laurent Bonnefoy.

La guerre à Gaza a donné aux houthistes, dont le nom en arabe est Ansar Allah, l'occasion de consolider leur pouvoir au Yémen et d'étendre leur influence régionale. Pour atteindre leurs objectifs, ils ont lancé des dizaines d'attaques contre la navigation en mer Rouge. Sur le plan intérieur, cela leur a permis de mobiliser un fort sentiment propalestinien au sein de la population. Au niveau régional, le mouvement a pu s'affirmer comme une puissance émergente. Il a démontré sa capacité et sa volonté d'entraver la navigation dans l'un des principaux goulots d'étranglement du commerce mondial.

Pour comprendre les intérêts et les perceptions de l'Iran concernant la crise en mer Rouge, il est utile d'examiner son approche du Yémen avant l'opération du Hamas le 7 octobre. Pour les dirigeants de la République islamique, la montée en puissance des houthistes constitue une évolution indéniablement positive. Ces derniers sont certes confrontés à des obstacles au niveau national du fait de la situation économique difficile et du mécontentement croissant dans les régions sous leur autorité. Cependant, ils sont sortis de la guerre civile et de l'intervention menée par l'Arabie saoudite depuis neuf ans comme autorité gouvernante de facto dans le nord-ouest du pays, sans concurrent politique ni militaire. Le gouvernement internationalement reconnu reste d'ailleurs, quant à lui, faible et divisé.

Légitimer le pouvoir

Le montant exact du soutien financier de l'Iran au mouvement yéménite n'est pas connu, mais il ne dépasse probablement pas quelques centaines de millions de dollars par an depuis 2015. En fournissant aux houthistes des armes légères, des munitions et des pièces détachées pour des armes plus sophistiquées, tels des missiles et des drones, en plus de la formation et des renseignements nécessaires pour les utiliser, l'investissement limité de l'Iran lui a procuré des gains tout à fait significatifs (1). C'est en partie grâce à ce soutien que les houthistes sont devenus la puissance dominante au Yémen et un acteur clé de « l'axe de la résistance » — le réseau régional de groupes armés non étatiques guidé par Téhéran.

Le fait que les houthistes aient engagé une escalade militaire en mer Rouge permet à l'Iran de maximiser le rendement de son investissement au Yémen et ne modifie donc pas son calcul global. De son point de vue, la prochaine étape reste la légitimation du pouvoir des houthistes. C'est pourquoi Téhéran soutient un processus politique entre ces derniers et l'Arabie saoudite, dont la République islamique souhaite encourager le retrait. Si ce processus a été mis de côté pour l'instant, il ne fait aucun doute que Riyad souhaite toujours se sortir de sa guerre coûteuse au Yémen. Le résultat en sera inévitablement la consolidation du pouvoir des houthistes et non un processus de réconciliation nationale qui impliquerait une dilution du pouvoir du mouvement contrôlant actuellement Sanaa. Or, au vu de leurs récentes interventions, les houthistes seront en mesure d'obtenir encore plus de concessions de la part de Riyad lorsque les pourparlers finiront par reprendre.

Institutionalisation de« l'axe de résistance »

L'émergence des houthistes en tant qu'acteur régional puissant profite également à l'Iran au-delà des frontières du Yémen, en renforçant ses capacités de dissuasion et son aptitude à imposer des coûts à ses rivaux américains, israéliens et saoudiens. Elle indique qu'en plus du détroit d'Ormuz, l'Iran et ses partenaires peuvent perturber la navigation dans un autre point névralgique, le détroit de Bab Al-Mandeb, qui relie le golfe d'Aden à la mer Rouge, et par lequel transite environ 12 % du commerce maritime mondial.

La démonstration par les houthistes de leurs capacités régionales et l'intensification de leurs liens avec d'autres partenaires iraniens, en particulier le Hamas et le Hezbollah, confirment la tendance à l'institutionnalisation de « l'axe de la résistance ». Enfin, la capacité du mouvement yéménite à se positionner en tant que champion de la cause palestinienne renforce le récit porté par ces acteurs issus de différents coins du Proche-Orient. Les houthistes tirent ainsi parti d'une position véritablement populaire au Yémen et dans l'ensemble du monde arabe, au moment où leurs rivaux, forcément alignés sur les États-Unis, se montrent moins engagés dans la défense des droits des Palestiniens.

Un pari qui demeure audacieux

Malgré ces avancées, les récents événements survenus en mer Rouge présentent des risques pour l'Iran. Le principe dominant de la politique étrangère de la République islamique est d'éviter une confrontation directe avec les États-Unis, compte tenu de la grande asymétrie de puissance entre les deux pays. Le soutien apporté aux groupes armés non étatiques dans toute la région lui permet de repousser l'insécurité au-delà de ses propres frontières. Car ses dirigeants comprennent qu'en cas d'escalade majeure, les États-Unis ont en fin de compte la capacité de causer beaucoup plus de dégâts. C'est en partie la raison pour laquelle l'Iran a encouragé le Hezbollah à ne pas intensifier son conflit avec Israël, une retenue compatible avec les intérêts intérieurs actuels du parti libanais.

C'est dans ce contexte que la démesure des actions houthistes présente des risques pour l'Iran. Ceux-ci estiment à juste titre qu'aucun acteur au Yémen ne peut les défier. Non seulement ils peuvent résister à des frappes aériennes limitées de la part des États-Unis et du Royaume-Uni, mais ils peuvent aussi tirer profit de ces attaques sur le plan politique. En ce sens, leur tolérance au risque est plus élevée que celle de l'Iran, qui cherche davantage à éviter l'escalade. L'Iran est également conscient que le Hamas subit des dommages militaires importants et a perdu la capacité de gouverner la bande de Gaza. Ce sont-là deux leviers importants dans le jeu régional de Téhéran qui souhaite ainsi éviter que les houthistes ne subissent davantage de dommages au-delà des bombardements américano-britanniques.

Un calibrage minitieux

L'équilibre idéal pour la République islamique est une zone grise dans laquelle les houthistes, comme d'autres groupes armés pro-iraniens, provoquent l'Arabie saoudite, Israël et les États-Unis, et contribuent à les enliser dans des conflits aussi coûteux que possible. Pendant ce temps, « l'axe de la résistance » marque des points sur le plan rhétorique, renforçant sa popularité. Une telle mécanique permet à l'Iran de faire pression directement et indirectement sur ses rivaux et de leur imposer des coûts, tout en évitant une escalade qui lui serait coûteuse. C'est probablement la raison pour laquelle, comme l'ont suggéré de récents articles (2), l'Iran s'est efforcé de maîtriser certaines des milices qu'il soutient en Irak. Celles-ci avaient poussé le bouchon trop loin, augmentant le risque d'une nouvelle escalade.

Cet exercice de calibrage minutieux ravive l'ancien débat sur le niveau d'influence opérationnelle et stratégique que l'Iran exerce à l'égard des houthistes. Certains analystes considèrent ces derniers comme des mandataires et affirment que Téhéran, sans nécessairement les contrôler directement, exerce une influence majeure. Les récents événements plaident néanmoins en faveur d'un point de vue plus nuancé. Farouchement nationalistes tout en bénéficiant d'une aide iranienne importante, les houthistes sont devenus un acteur puissant de plus en plus indépendant. Il serait donc davantage judicieux de les qualifier de partenaires. Malgré quelques divergences, leurs intérêts sont pour la plupart alignés et ils collaborent étroitement dans une même quête.

L'objectif principal de la politique étrangère iranienne reste de limiter la marge de manœuvre des États-Unis en augmentant les coûts réels ou potentiels de leurs actions, de même qu'en les forçant à faire de mauvais choix et à adopter des politiques préjudiciables. C'est dans cette situation que l'Iran a contribué à pousser les États-Unis dans la mer Rouge. Washington se retrouve désormais empêtré dans la guerre au Yémen en bombardant les houthistes, avec des chances de succès limitées. Sachant qu'Israël est embourbé dans une guerre coûteuse à Gaza, et que les houthistes ont émergé comme une puissance régionale réalisant d'importants gains en termes de propagande, l'objectif de la République islamique est désormais de protéger les acquis de ses alliés tout en minimisant les pertes : effectives pour ce qui concerne le cas du Hamas, potentielles dans le cas des houthistes. L'équilibre demeure donc précaire.

Notes

1- Thomas Juneau, « How war in Yemen transformed the Iran-Houthi partnership », Studies in Conflict and Terrorism, vol. 47, n°3, 2023.

2- Susannah George, Dan Lamothe, Suzan Haidamous et Mustafa Salim, « Iran wary of wider war, urges its proxies to avoid provoking U.S. », The Washington Post, 18 février 2024.

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Nations unies - « Anatomie d’un génocide ». Le rapport de Francesca Albanese sur la situation à Gaza

16 avril 2024, par Francesca Albenese — , ,
Le 25 mars 2024, la rapporteuse spéciale de l'ONU présentait au Conseil des droits de l'homme un rapport mettant en évidence la dimension génocidaire de l'offensive israélienne (…)

Le 25 mars 2024, la rapporteuse spéciale de l'ONU présentait au Conseil des droits de l'homme un rapport mettant en évidence la dimension génocidaire de l'offensive israélienne sur Gaza. Dressant un tableau précis de la situation, elle appelle les États à mettre en œuvre un embargo sur les armes, à adopter des sanctions contre Israël afin d'imposer un cessez-le-feu et à déployer une présence internationale protectrice dans le territoire palestinien occupé.

Tiré de orientxxi
8 avril 2024

Par Francesca Albenese

26 mars 2024. Francesca Albanese, rapporteuse spéciale des Nations unies sur la situation des droits dans les territoires palestiniens, s'exprime lors d'une conférence de presse durant une session du Conseil des droits de l'homme de l'ONU, à Genève.
Fabrice COFFRINI/AFP

Dans son rapport de mars 2024 présenté devant le Conseil des droits de l'homme de l'Organisation des Nations unies (ONU), Francesca Albanese présente les actes et les intentions pouvant caractériser un génocide en cours à Gaza. La question d'un génocide réalisé par des moyens militaires est encore une fois posée, ainsi que celle de l'assistance militaire à Israël. En droit international, cette question n'est pas nouvelle dès lors qu'au Rwanda, la contribution de l'armée au génocide des Tutsi a déjà été attestée. Dans l'ex Yougoslavie, le massacre de Srebrenica, considéré comme acte de génocide, s'inscrivait également dans un contexte de conflit armé. S'agissant d'Israël, le blocus de Gaza exigeant l'emploi de la force militaire de l'État avait été présenté dès 2009 comme participant potentiellement d'un crime contre l'humanité (1). Et la Convention internationale sur la prévention et la répression du crime de génocide de 1948 énonce bien, dans son article I :

Les parties contractantes confirment que le génocide, qu'il soit commis en temps de paix ou en temps de guerre, est un crime du droit des gens, qu'elles s'engagent à prévenir et à punir.

Un contexte menaçant

Suite à la publication de ce rapport, un certain nombre d'États occidentaux ont relayé les accusations portées par Israël contre la personne de la rapporteuse spéciale. Le ministre des affaires étrangères et le ministre de l'intérieur israéliens estimaient en février 2024 que l'ONU devrait désavouer publiquement ses « propos antisémites » et la renvoyer définitivement (2). Et le Quai d'Orsay a cru bon d'affirmer pendant le point de presse du 26 mars 2024 que

Madame Albanese n'engage pas le système des Nations unies. Nous avons eu l'occasion par le passé de nous inquiéter de certaines de ses prises de positions publiques problématiques et de sa contestation du caractère antisémite des attaques terroristes du 7 octobre dernier.

Dans ce contexte menaçant, la rapporteuse spéciale n'est pourtant pas isolée parmi les experts indépendants du Conseil des droits de l'homme de l'ONU, chargés de « mandats thématiques » ou de « mandats par pays ». Ils ont publié collectivement plusieurs déclarations relatives au risque de génocide depuis le début de l'offensive israélienne contemporaine. Très récemment, c'est le rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation, Michael Fakhri, qui a alerté sur la volonté délibérée d'infliger une famine à Gaza (3).

Créé en 1993 par la Commission des droits de l'homme (devenue Conseil des droits de l'homme), le mandat du rapporteur spécial sur les territoires palestiniens occupés (qui fait partie des « mandats par pays ») vise à y examiner la situation des droits humains et à formuler des recommandations à l'intention de l'ONU. Plusieurs intellectuels de grande envergure, tels les professeurs sud-africain John Dugard (2001-2008), américain Richard Falk (2008-2014) ou canadien Michael Lynk (2016-2022) se sont succédés dans ces fonctions. Ils ont progressivement avancé une réflexion sur l'apartheid et invité les États à saisir la Cour internationale de justice (CIJ) d'une demande d'avis sur la situation. Cette demande s'est concrétisée et a donné lieu aux audiences de la fin février 2024 devant la Cour. L'indépendance des experts du Conseil des droits de l'homme et la force de leurs rapports ont souvent suscité des oppositions. En décembre 2008, elles avaient culminé avec l'arrestation puis l'expulsion par Israël de Richard Falk (4).

La mise en cause par Israël des rapporteurs spéciaux sur les territoires palestiniens occupés accompagne désormais un discours israélien visant à discréditer l'ensemble de l'ONU, son Secrétaire général, voire même ses juges. On sait que l'UNRWA, l'agence de l'ONU dédiée aux réfugiés palestiniens, a aussi été spécifiquement ciblée, ce qui a conduit à fragiliser son fonctionnement et affaiblir encore la population de Gaza. Dans son rapport, Francesca Albanese appelle d'ailleurs les États à continuer d'assurer le financement de l'agence (§ 97, g).

L'UNRWA est en outre implicitement confortée par la dernière ordonnance de la CIJ, largement centrée sur la question de la famine. Privilégiant la voie terrestre d'acheminement de l'aide humanitaire, la Cour ordonne à Israël de

prendre toutes les mesures nécessaires et effectives pour veiller sans délai, en étroite collaboration avec l'Organisation des Nations unies, à ce que soit assurée, sans restriction et à grande échelle, la fourniture par toutes les parties intéressées des services de base et de l'aide humanitaire requis de toute urgence […] en particulier en accroissant la capacité et le nombre des points de passage terrestres et en maintenant ceux-ci ouverts aussi longtemps que nécessaire (5).

Dans la requête qu'il a récemment introduite devant la CIJ s'agissant de Gaza, le Nicaragua reproche à l'Allemagne, au titre de la complicité de génocide, la fourniture de matériels militaires à Israël, mais également la suspension de son financement de l'UNRWA. Les audiences se tiendront, dans cette autre affaire, en ce mois d'avril 2024.

« Des preuves exceptionnellement présentes »

L'offensive actuelle sur Gaza est considérée par Francesca Albanese comme pouvant caractériser trois des actes de génocide listés par la Convention de 1948 (article II, a), b), et c)) : le meurtre de membres du groupe, l'atteinte grave à leur intégrité physique ou mentale et la soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle.

Les éléments de fait sont précisément et utilement rappelés, avec notamment les chiffres considérables de plus de 30 000 morts, 12 000 disparus (sous les décombres) et 71 000 blessés graves (§§ 21-45). L'offensive israélienne s'illustre aussi par la souffrance infligée aux enfants, qui peut être interprétée comme un moyen de détruire le groupe ciblé (§ 33). Quant à l'intention de détruire le groupe, propre au crime de génocide, elle peut être directement prouvée au regard des déclarations de hauts responsables israéliens, parfaitement comprises sur le terrain (§§ 50-53). Ainsi, « des preuves directes de l'intention génocidaire sont exceptionnellement présentes ». Ceci est un élément essentiel à la qualification de génocide, qui dispense de recourir à des preuves circonstancielles. En effet, en l'absence de preuves directes, la jurisprudence internationale refuse généralement de qualifier un génocide lorsque les faits de violence peuvent être « raisonnablement expliqués » autrement que par une intention de détruire le groupe.

C'est dans ce contexte que le rapport de Francesca Albanese examine le « jargon » humanitaire (§ 60) employé par Israël afin de justifier ses opérations. On se trouve en présence d'un discours israélien flou, où la justification des attaques par les catégories du droit des conflits armés est désormais susceptible de brouiller l'identification de l'« intention de détruire » qui a été officiellement énoncée dans les premiers mois de l'offensive. Se référant explicitement à l'instance introduite devant la CIJ par l'Afrique du Sud, Francesca Albanese note : « Pour sa défense, Israël a affirmé que sa conduite est conforme au droit international humanitaire ». Mais en réalité, « Israël a invoqué ce droit comme un "camouflage humanitaire" afin de légitimer la violence génocidaire qu'il déploie à Gaza » (§ 7). C'est l'intérêt du travail de Francesca Albanese que de l'exposer et d'œuvrer à la déconstruction des prétentions légales d'Israël au titre du droit de la guerre.

Le « camouflage humanitaire »

La dernière partie du rapport est donc intitulée de manière significative « Camouflage humanitaire : déformer le droit de la guerre pour masquer l'intention génocidaire ». La rapporteuse y estime que

sur le terrain, cette déformation du droit de la guerre […] a changé un groupe national entier et son espace habité en une cible militaire pouvant être détruite, révélant une conduite des hostilités « éliminationniste ». Ceci a eu des effets dévastateurs, coûtant la vie à des milliers de civils palestiniens, détruisant la vie à Gaza et causant des dommages irréparables. S'illustre une ligne de conduite claire dont on ne peut déduire qu'une intention génocidaire (6).

Plusieurs notions du droit relatif à la conduite des hostilités tels qu'instrumentalisées par Israël sont précisément analysées : l'accusation d'utilisation de boucliers humains ou d'utilisation militaire d'installations médicales par l'adversaire (A et E), l'extension de la notion d'objectif militaire (B), l'exploitation de la notion de « dommages collatéraux » (C), les ordres d'évacuations et les désignations de zones sûres (D). L'exemple des évacuations paraît, avec le siège et le ciblage systématique des hôpitaux, assez spécifique de l'offensive en cours. S'agissant des ordres d'évacuation, on assiste à la transformation d'une exigence du droit de la guerre (les précautions avant l'attaque) en instrument de persécution et d'affaiblissement de la population. Ceci a d'ailleurs été rapidement compris par les organes de l'ONU, puisque la résolution de l'Assemblée générale du 26 octobre 2023 demandait l'annulation du premier ordre d'évacuation du nord de Gaza. Le thème de la perfidie (la conduite perfide étant une violation grave du droit de la guerre) apparaît ainsi dans les développements du rapport de Francesca Albanese, dès lors que les zones désignées comme sûres à l'intention des civils déplacés et les couloirs humanitaires permettant leurs déplacements ont fait l'objet de bombardement et d'attaques (§§ 79 et 81).

Le rapport vient donc utilement contrer une approche qui se manifeste déjà dans le travail du procureur de la Cour pénale internationale (CPI). Cette approche consiste à représenter l'offensive comme une opération militaire où l'armée israélienne s'efforcerait de respecter les exigences du droit de la guerre dans une situation complexe — mais finalement classique — de conflit urbain. Or, s'il était question de respecter ce droit relatif à la conduite des hostilités, la règle de précaution dans l'attaque devrait s'appliquer au regard de la configuration de l'espace dans lequel est conduite l'offensive, c'est-à-dire une zone restreinte, close, très densément peuplée, où les objectifs militaires sont essentiellement souterrains en raison même du blocus imposé depuis 2007. Selon cette règle :

ceux qui décident une attaque doivent […] s'abstenir de lancer une attaque dont on peut attendre qu'elle cause incidemment des pertes en vies humaines dans la population civile, des blessures aux personnes civiles, des dommages aux biens de caractère civil, ou une combinaison de ces pertes et dommages, qui seraient excessifs par rapport à l'avantage militaire concret et direct attendu (7).

Ajoutons qu'au regard des objectifs énoncés par les dirigeants israéliens, il serait aussi possible de convoquer la règle qui criminalise le simple fait de déclarer un refus de quartier (8).

Il convient en outre de ne pas oublier que le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes dont relève le peuple palestinien impose à l'État colonial ou occupant de favoriser l'émancipation, ce qui questionne le principe même de l'offensive israélienne. À cet égard, le rapport de Francesca Albanese s'inspire de travaux historiques récents pour rapprocher la situation des territoires occupés d'un colonialisme de peuplement (§ 12). La qualification du génocide doit certainement être appréhendée dans ce contexte, souligne Francesca Albanese, c'est-à-dire en situant l'offensive contemporaine dans une histoire de déplacement et d'effacement du peuple palestinien (rapport, §§ 10-14).

Notes

1. Voir le rapport de la Mission d'établissement des faits de l'ONU sur le conflit à Gaza, 25 septembre 2009, doc ONU A/HRC/12/48, §§ 1332-1335

2. The Times of Israël, 12 février 2024. S'agissant du dernier rapport, le porte-parole du département d'État des États-Unis, Matthew Miller, prétendait relever le 27 mars 2024 « l'historique de commentaires antisémites qu'elle a faits », Middle East Eye, 28 mars 2024

3. « UN food rights expert blasts rights council for turning blind eye as Israel ‘intentionally starves' Gaza », Michelle Langrand, Geneva Solution, 9 mars 2024.

4. Voir le rapport du 25 septembre 2009, doc. ONU A/64/328

5. CIJ, Ordonnance du 28 mars 2024, 2) a).

6. § 57

7. Protocole additionnel I aux Conventions de Genève, article 57 § 2 a) iii)

8. Statut de la CPI, articles 8 § 2 b) xxii et e) x)). Les éléments de ce crime, tels que précisés par l'Assemblée des États parties à la CPI, sont les suivants : « 1. L'auteur a déclaré qu'il n'y aurait pas de survivants ou ordonné qu'il n'y en ait pas 2. Cette déclaration ou cet ordre a été émis pour menacer un adversaire ou pour conduire les hostilités sur la base qu'il n'y aurait pas de survivants. 3. L'auteur était dans une position de commandement ou de contrôle effectif des forces qui lui étaient subordonnées auxquelles la déclaration ou l'ordre s'adressait […] ».

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Gaza : « Anatomie d’un génocide » 7 avril 2024

16 avril 2024, par Artistes pour la paix — , ,
La semaine dernière, la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les territoires palestiniens occupés, Francesca Albanese, a publié un rapport intitulé « Anatomie d'un (…)

La semaine dernière, la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les territoires palestiniens occupés, Francesca Albanese, a publié un rapport intitulé « Anatomie d'un génocide », car il existe des « motifs raisonnables de croire » que le seuil de perpétration d'un crime de génocide a été atteint.

Par les Artistes pour la Paix – P.J.
http://www.artistespourlapaix.org/gaza-anatomie-dun-genocide-7-avril-2024/

Wikipédia décrit ainsi madame Albanese : née en 1977, elle est nommée le 1er mai 2022 rapporteur spécial des Nations unies sur les territoires palestiniens, pour un mandat de trois ans. Dans son premier rapport, elle recommande que les États membres de l'ONU élaborent « un plan pour mettre fin à l'occupation coloniale israélienne et au régime d'apartheid ». Elle critique l'inaction sur cette question, décrivant les États-Unis comme « subjugués par le lobby juif » et l'Europe par un « sentiment de culpabilité à l'égard de l'Holocauste », arguant que tous deux « condamnent les opprimés » dans le conflit. Pendant la guerre Hamas-Tsahal, Francesca Albanese appelle à un cessez-le-feu immédiat, avertissant que « les Palestiniens courent le grave danger d'un nettoyage ethnique de masse, que la communauté internationale doit « prévenir et protéger les populations des crimes d'atrocité », et que « la responsabilité des crimes internationaux commis par les forces d'occupation israéliennes et le Hamas doit également être immédiatement recherchée ».

Titulaire d'une licence en droit avec mention de l'Université de Pise et d'un master en droits de l'homme de l'université SOAS de Londres, elle termine son doctorat en droit international des réfugiés à la faculté de droit de l'université d'Amsterdam. Chercheuse affiliée à l'Institut pour l'étude des migrations internationales de l'université de Georgetown, conseillère principale sur les migrations et les déplacements forcés auprès de l'organisation à but non lucratif Arab Renaissance for Democracy and Development (ARDD) et chercheuse à l'Institut international d'études sociales de l'université Érasme de Rotterdam, elle rédige en 2020, avec Lex Takkenberg, l'ouvrage Palestinian Refugees in International Law. Francesca Albanese a travaillé pendant une décennie en tant qu'experte en droits de l'homme pour l'Organisation des Nations unies (ONU).

Journaliste, musicien, chef d'orchestre et écrivain juif, Jonathan Ofir a guidé notre lecture du rapport que les médias occidentaux camouflent, comme tout ce qui provient de l'ONU, ce que nous dénonçons sans relâche. Il est à noter que la rapporteuse condamne les crimes commis par le Hamas le 7 octobre en Israël, mais ils ont été commis en dehors de la zone géographique couverte par son mandat, comme le sont aussi la Cisjordanie et Jérusalem Est.

« Après cinq mois d'opérations militaires, Israël a détruit Gaza. Plus de 30 000 Palestiniens ont été tués, dont plus de 13 000 enfants. Plus de 12 000 personnes sont présumées mortes et 71 000 blessées, dont beaucoup ont subi des mutilations qui ont changé leur vie. Soixante-dix pour cent des zones résidentielles ont été détruites. Quatre-vingts pour cent de l'ensemble de la population a été déplacée de force. Des milliers de familles ont perdu des êtres chers ou ont été anéanties. Nombre d'entre eux n'ont pas pu enterrer et faire le deuil de leurs proches, contraints de laisser leurs corps en décomposition dans les maisons, dans la rue ou sous les décombres. Des milliers de personnes ont été arrêtées et systématiquement soumises à des traitements inhumains et dégradants. Le traumatisme collectif incalculable sera vécu pour les générations à venir. »

Albanese décrit les trois aspects essentiels du crime de génocide commis par Israël : le meurtre de membres d'un groupe spécifique de personnes, l'atteinte à leur intégrité physique ou mentale et la destruction volontaire de leurs conditions de vie. Le rapport comporte également une section consacrée à l'intention, qui recense une partie des innombrables déclarations génocidaires des dirigeants israéliens. Constituant presque la moitié du rapport (points 55-92, sur 97 points), se trouve une section consacrée au « camouflage humanitaire : déformer les lois de la guerre pour dissimuler l'intention génocidaire ». Cette section est subdivisée en cinq thèmes centraux :

1-Les boucliers humains et la logique du génocide.
2-Transformer l'ensemble de la bande de Gaza en « objectif militaire ».
3-Les tueries aveugles qualifiées de « dommages collatéraux ».
4-Les évacuations et les zones de sécurité.
5-La protection médicale.

Albanese démontre comment les trois principes centraux du droit international humanitaire – distinction, proportionnalité et précaution – ont été détournés par Israël dans le but de fournir un voile juridique à des actes illégaux et arbitraires. « Les attaques indiscriminées, qui ne distinguent pas les cibles militaires des personnes et des objets protégés, ne peuvent jamais être proportionnées et sont toujours illégales. Depuis le 7 octobre, les Palestiniens ont été « décivilisés » en utilisant des concepts du droit humanitaire international tels que les boucliers humains, les dommages collatéraux, les zones de sécurité, les évacuations et la protection médicale d'une manière si arbitraire et permissive qu'elle a vidé ces concepts de leur contenu normatif, subverti leur objectif de protection et érodé finalement la distinction entre les civils et les combattants dans les actions israéliennes à Gaza. (...) Les hauts responsables politiques et militaires d'Israël ont présenté systématiquement les civils comme des agents du Hamas, des « complices » ou des boucliers humains qui protègent le Hamas. Le droit international ne permet pas d'affirmer de manière générale qu'une force adverse utilise l'ensemble de la population comme boucliers humains en bloc. Cette accusation est donc un simple prétexte pour justifier le meurtre de civils sous le couvert d'une prétendue légalité, des meurtres perpétrés à une telle échelle que l'intention génocidaire ne peut faire de doute. »

Nettoyage ethnique des civils, déclarés « dommages collatéraux ».

Le droit international stipule que les attaques doivent être « strictement limitées » à des cibles qui « doivent offrir un avantage militaire certain ». Mais, note Albanese, « Israël a détourné cette règle pour ‘militariser' les objets civils et ce qui les entoure, justifiant ainsi leur destruction aveugle ». Ainsi, « la population civile de Gaza et les infrastructures sont considérées comme des obstacles situés au milieu, devant ou au-dessus des cibles [...et] Israël considère tout objet qui aurait été ou pourrait être utilisé militairement comme une cible légitime, de sorte que des quartiers entiers peuvent être rasés ou démolis sous une apparence de légalité ».

Israël cherche à dissimuler le ciblage à grande échelle des civils en les qualifiant de « dommages collatéraux ». « L'ordre d'évacuation massive du 13 octobre – lorsque 1,1 million de Palestiniens ont reçu l'ordre d'évacuer le nord de Gaza en 24 heures vers des ‘zones de sécurité' désignées par Israël dans le sud - [...], au lieu d'accroître la sécurité des civils, l'ampleur même des évacuations au milieu d'une campagne de bombardements intense et le système de zones de sécurité communiqué de manière désordonnée, ainsi que les coupures de communication prolongées, ont accru les niveaux de panique, les déplacements forcés et les tueries de masse. Lorsque les habitants du nord ont été évacués vers le sud, Israël a illégalement classé les habitants du nord de la bande de Gaza qui étaient restés (y compris les malades et les blessés) comme « boucliers humains » et « complices du terrorisme », transformant ainsi des centaines de milliers de civils en cibles militaires.

Et les zones de sécurité n'étaient pas sûres non plus : « L'effacement des protections civiles dans la zone évacuée a été combiné à un ciblage aveugle des personnes évacuées et des habitants des zones désignées comme sûres… Sur les quelque 500 bombes de 2 000 livres larguées par Israël au cours des six premières semaines d'hostilités, 42 % ont été déployées dans les zones désignées comme sûres dans les régions méridionales ». « En d'autres termes », résume Albanese, les « zones de sécurité » ont été « délibérément transformées en zones de massacres ».

Il s'agit d'un outil de nettoyage ethnique : « Le schéma des meurtres de civils qui ont été évacués vers le sud, associé aux déclarations de certains Israéliens de haut rang affirmant leur intention de déplacer de force les Palestiniens hors de Gaza et de les remplacer par des colons israéliens, permet de déduire raisonnablement que les ordres d'évacuation et les zones de sécurité ont été utilisés comme des outils génocidaires pour parvenir à un nettoyage ethnique.
»
« Les médias ont contesté les allégations d'Israël selon lesquelles le Hamas utilisait les hôpitaux comme boucliers, affirmant qu'il n'y avait aucune preuve que les pièces reliées à l'hôpital avaient été utilisées par le Hamas ; les bâtiments de l'hôpital (contrairement aux images 3D de l'armée israélienne) n'étaient pas reliés au réseau de tunnels. Que les accusations d'Israël concernant la protection de l'hôpital d'Al-Shifa soient vraies ou non – ce qui reste à prouver -, les civils dans les hôpitaux auraient dû être protégés et ne pas être soumis à un siège et à une attaque militaire ».

L'Organisation mondiale de la santé avait signalé à la mi-novembre qu'une « catastrophe de santé publique » se développait à Gaza, 26 des 35 hôpitaux n'étant plus opérationnels en raison des bombardements et du siège d'Israël. Deuxièmement, Israël savait que son opération militaire faisait un nombre important de blessés. Les traumatismes physiques constituent la principale cause de surmortalité à Gaza. Il était prévisible que la suspension forcée des services du plus grand hôpital de Gaza porterait gravement atteinte aux chances de survie des blessés, des malades chroniques et des nouveau-nés en couveuse. Par conséquent, en prenant pour cible l'hôpital Al-Shifa, Israël a sciemment condamné des milliers de malades et de personnes déplacées à des souffrances et à une mort qui auraient pu être évitées ».

Conclusions et recommandations du rapport

1- Constats : « La nature et l'ampleur écrasantes de l'assaut israélien sur Gaza et les
conditions de vie destructrices qu'il a infligées révèlent une intention de détruire physiquement les Palestiniens en tant que groupe. Israël a cherché à dissimuler sa conduite génocidaire des hostilités, en utilisant le droit humanitaire international pour couvrir ses crimes. En détournant les règles coutumières du droit international humanitaire, notamment la distinction, la proportionnalité et les précautions, Israël a de facto traité tout un groupe comme ‘terroriste' ou ‘soutenant le terrorisme', transformant ainsi tout et tout le monde en cible ou en dommage collatéral, donc éliminable ou destructible »
.
2- Historique : « Le génocide perpétré par Israël contre les Palestiniens de Gaza est une
escalade d'un processus d'effacement colonial d'un peuple autochtone qui remonte à loin. Depuis plus de sept décennies, Israël étouffe le peuple palestinien en tant que groupe – démographiquement, culturellement, économiquement et politiquement – en le déplaçant, en l'expropriant et en contrôlant ses terres et ses ressources. La Nakba en cours doit être arrêtée et réparée une fois pour toutes. C'est un impératif que l'on doit aux victimes de cette tragédie qui aurait pu être évitée, ainsi qu'aux générations futures de ce pays
».
3- Les deux derniers points (96-97) du rapport portent sur ce que la communauté
internationale peut et même doit faire, pour éviter ce génocide. « La rapporteuse exhorte les États membres à faire respecter l'interdiction du génocide conformément à leurs obligations auxquelles ils ne peuvent se soustraire. Israël et les États qui se sont rendus complices de ce que l'on peut raisonnablement considérer comme un génocide doivent rendre des comptes et indemniser le peuple palestinien à la hauteur de la destruction, de la mort et du préjudice infligés ».
Les moyens à disposition : les Artistes pour la Paix en ont appliqué les principaux en alertant la ministre des Affaires étrangères du Canada, Mélanie Joly :
Mettre en œuvre immédiatement un embargo sur les armes à destination d'Israël, ainsi que d'autres mesures économiques et politiques nécessaires pour garantir un cessez-le-feu immédiat et durable, y compris des sanctions.
Soutenir la plainte de l'Afrique du Sud auprès de la CIJ qui accuse Israël de génocide.
Garantir une « enquête approfondie, indépendante et transparente » sur les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité, y compris des missions d'enquête internationales, en saisissant la Cour pénale internationale et en appliquant la compétence universelle.
Qu'Israël et les autres États complices du génocide s'engagent à ne pas récidiver et à payer l'intégralité du coût de la reconstruction de Gaza.
S'attaquer aux causes profondes par l'intermédiaire des Nations unies, notamment en reconstituant le Comité spécial des Nations Unies contre l'apartheid.
À court terme, déployer « une présence internationale protectrice pour limiter la violence régulièrement utilisée contre les Palestiniens dans le territoire palestinien occupé ».
Garantir l'UNRWA, l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens qui a fait l'objet d'une campagne de propagande israélienne visant à empêcher son financement.

Enfin, Albanese appelle le Haut-Commissariat aux droits de l'homme à « intensifier ses efforts pour mettre fin aux atrocités actuelles à Gaza, notamment en promouvant et en appliquant avec précision le droit international, en particulier la Convention sur le génocide, dans le contexte de l'ensemble du territoire palestinien occupé ».

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Nouveau rapport : L’assassinat de Palestiniens affamés et le ciblage de camions d’aide constituent une politique israélienne délibérée visant à renforcer la famine dans la bande de Gaza

16 avril 2024, par Euro-Med Human Rights Monitor — , , , ,
Territoire palestinien - Un nouveau rapport de l'Observatoire Euro-Med des droits de l'homme intitulé "Tuer les Palestiniens affamés et cibler les convois humanitaires : Une (…)

Territoire palestinien - Un nouveau rapport de l'Observatoire Euro-Med des droits de l'homme intitulé "Tuer les Palestiniens affamés et cibler les convois humanitaires : Une politique israélienne délibérée pour renforcer la famine dans la bande de Gaza" révèle que 563 Palestiniens ont été tués et 1 523 autres blessés parce qu'Israël a pris pour cible des personnes qui attendaient de l'aide, des centres de distribution et des travailleurs chargés d'organiser, de protéger et de distribuer l'aide.

Tiré de France Palestine Solidarité. Photo : La famine est imminente à Gaza © UNRWA.

Selon le rapport, entre le 11 janvier et le 23 mars 2024, 256 personnes ont été tuées dans la zone du rond-point du Koweït, dans le sud-est de la ville de Gaza, 230 personnes dans la rue Al-Rashid, dans le sud-ouest de la ville, et 21 personnes en raison du ciblage des centres de distribution d'aide. La documentation montre également que 41 officiers de police et membres du Comité de protection du peuple, chargés de superviser la distribution de l'aide, ont été tués, ainsi que 12 travailleurs de la distribution de l'aide, dont deux de l'UNRWA.

Le rapport conclut que les politiques d'Israël et les punitions collectives qu'il impose à la bande de Gaza visent directement et explicitement à affamer l'ensemble de la population palestinienne de la bande. La politique israélienne de privation délibérée de nourriture n'est pas seulement une tentative de nettoyage ethnique de l'enclave et une arme de guerre apparente - un crime de guerre en soi - mais elle vise à exposer les civils palestiniens au risque d'une mort réelle. Ces actions sont une composante essentielle du génocide qu'Israël commet contre la population de la bande de Gaza depuis le 7 octobre 2023.

L'utilisation de la famine comme arme a été une décision politique officielle dès le premier jour de la guerre, comme l'a déclaré le ministre israélien de la défense, et a été mise en œuvre par étapes intégrées, notamment en renforçant le siège et en fermant les points de passage frontaliers, en empêchant l'entrée des marchandises commerciales, en détruisant tous les éléments de la production locale et les sources de nourriture, en augmentant la dépendance de la population de la bande de Gaza à l'égard de l'aide humanitaire et en faisant de celle-ci sa principale source de nourriture.

Israël a été un obstacle majeur à l'entrée de l'aide humanitaire dans la bande de Gaza, ciblant l'aide dans les installations de stockage et de distribution ainsi que dans les camions. Il a également pris pour cible les personnes qui attendent l'aide et celles qui sont chargées de la distribuer. Toutes ces actions ont été menées de manière régulière et sévère.

Elles ont empêché les Palestiniens de la bande de Gaza de recevoir de l'aide, ne serait-ce que dans la mesure nécessaire pour apaiser leur faim ou réduire le risque qu'ils en meurent.

En outre, le fait qu'Israël prenne pour cible le personnel chargé de superviser et de sécuriser la distribution de l'aide, ainsi que son refus de coopérer avec les organisations internationales, ont conduit à un état persistant de chaos et de conflit interne. Ces actions, associées aux tentatives d'Israël de dissoudre l'UNRWA, la principale organisation internationale responsable de l'introduction et de la distribution de l'aide humanitaire dans la bande de Gaza, ont exacerbé la situation, aggravant encore la famine dans la bande.

Le rapport indique que si Israël a autorisé une partie de l'aide à entrer dans la bande de Gaza, il a imposé des restrictions sur la quantité d'aide, le type d'aide et les lieux d'entrée, et a pris pour cible les civils affamés qui attendent l'aide humanitaire et ceux qui travaillent à la distribuer, à la sécuriser et à la protéger.

Selon le rapport, Israël a également recours à la famine, aux restrictions de l'aide et à l'assassinat de personnes affamées dans le cadre de ses déplacements forcés de Palestiniens dans la bande de Gaza, en particulier dans le nord de la bande de Gaza. En conséquence, la famine s'est répandue dans le nord de la bande de Gaza, où presque toutes les réserves de nourriture ont été épuisées sur les marchés, ce qui a entraîné une augmentation du nombre de décès dus à la famine, à la malnutrition, à la déshydratation et aux maladies connexes, en particulier chez les enfants et les nourrissons.

Au milieu d'attaques, de raids et de bombardements aériens, terrestres et maritimes intenses - au cours desquels l'armée israélienne a utilisé des milliers de tonnes d'explosifs - l'armée israélienne a méthodiquement commencé à cibler tous les aspects de la vie dans la bande de Gaza et n'a pas cessé de le faire. Elle a notamment bombardé des moulins, des boulangeries, des épiceries, des magasins et des marchés, détruit des cultures et des terres agricoles, tué du bétail et pris pour cible des bateaux et du matériel de pêche, des réservoirs d'eau et leurs extensions. En d'autres termes, les 2,3 millions d'habitants de la bande de Gaza, dont la moitié sont des enfants, sont totalement privés d'accès aux ressources alimentaires et à l'eau potable, ce qui les prive de leur capacité, déjà limitée, à produire de la nourriture localement. Cette décision intervient dans un contexte de fermeture complète des points de passage, qui ont été fermés pendant des semaines avant d'être partiellement rouverts dans des conditions israéliennes difficiles le 21 octobre, à la suite d'une pression internationale.

Le rapport comprend sept parties : La première traite du nombre de victimes des convois d'aide humanitaire, tandis que la deuxième passe en revue les crimes les plus marquants impliquant le ciblage de civils affamés en attente d'aide humanitaire. La troisième examine le ciblage israélien des centres de distribution d'aide humanitaire, tandis que la quatrième fait la lumière sur les crimes liés au ciblage des convois d'aide humanitaire. Le cinquième traite du ciblage des travailleurs distribuant l'aide humanitaire, le sixième met en lumière le ciblage des personnes chargées de sécuriser et de protéger l'aide humanitaire, et le septième traite des tentatives d'Israël de se soustraire à sa responsabilité dans les massacres. Le rapport présente également une série de conclusions et de recommandations.

Le rapport d'Euro-Med Monitor conclut en soulignant l'importance de faciliter l'entrée de l'aide humanitaire nécessaire dans la bande de Gaza sans délai afin d'empêcher la famine de s'y propager. Il souligne qu'Israël, en tant que puissance occupante, a la responsabilité première de fournir de la nourriture, des fournitures médicales et d'autres produits de première nécessité aux habitants de la bande de Gaza, conformément au droit international.

Le rapport exhorte également la communauté internationale à remplir ses obligations juridiques et morales envers les habitants de la bande de Gaza, en veillant à ce que le droit international et les arrêts de la Cour internationale de justice soient respectés et appliqués, et à mettre un terme au génocide que la Cour a déclaré probable à Gaza en janvier et qui dure depuis près de six mois. Il appelle à une pression internationale immédiate sur Israël pour qu'il arrête sa campagne de famine contre la population de la bande de Gaza, à la levée complète du siège de la bande de Gaza et à la mise en place de mécanismes appropriés pour garantir l'arrivée sûre, efficace et rapide de l'aide humanitaire.

Le rapport demande également l'ouverture d'une enquête indépendante sur l'assassinat de personnes affamées, en particulier sur les massacres horribles dont Israël a tenté de se soustraire à la responsabilité.

Traduction : AFPS

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