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Nouvelles propositions et amendements au cahier de propositions pour le conseil national de Québec solidaire de mai 2024

Nous publions ci-dessous la liste d'amendements et de nouvelles propositions adoptées par le Comité de suivi de Révolution écosocialiste à sa réunion du 29 avril 2024.
Bloc 1 : La déclaration de Saguenay
Première et deuxième propositions : Transition juste.
Ajout :
– Introduire des règles contraignantes visant la fin des émissions polluantes, suspendre la possibilité d'achat de droits de polluer et de brûler des énergies fossiles.
– Prioriser le développement rapide et massif du transport en commun collectif URBAIN, interrégional et interurbain sur l'ensemble du territoire, en priorisant les régions les moins bien desservies et viser la diminution du parc automobile privé (thermique ou électrique)
Argument : Il ne s'agit pas de « responsabiliser en priorité les grands pollueurs » mais de les empêcher de continuer de polluer, de gaspiller les ressources, de mousser la surconsommation et la destruction de la nature.
La transformation du parc automobile actuel par des voitures électriques qui est à la base de la filière batteries du gouvernement Legault, ne débouchera pas sur une mobilité durable, mais sur un nouvel extractivisme pollueur, et sur des dépenses insensées de ressources naturelles et énergétiques.
Nouvelle proposition (4e picot) :
Que QS mette sur pied un système de transport en commun, incluant le rail, assez efficace et abordable pour réduire, voire éliminer l'utilisation de l'auto solo et des camions partout au Québec. Le financement sera assuré en partie par l'abandon de projet de nouvelles routes ou d'agrandissement et nécessitera un entretien minimum.
Troisième proposition : Équité territoriale
Quatrième proposition : Décentralisation et services sociaux :
Ajout :
– Un gouvernement de Québec solidaire mettra fin à la privatisation, ouverte ou cachée, du système de santé et des services sociaux en maintenant et en approfondissant leur caractère public.
– Au système scolaire actuel à trois vitesses en le rendant totalement public, universel, égalitaire, accessible et gratuit depuis la garderie jusqu'à la fin de l'université.
Argument : La CSN lance une campagne actuellement « Vraiment public »… (se placer dans la vague que souhaite lancer le mouvement syndical dont la CSN). Il s'agit d'un amendement stratégique en lien avec la conjoncture syndicale et doit absolument faire partie du discours public de Québec solidaire. Conjonction entre le parti et les luttes en cours.
Cinquième Proposition : - Décentralisation du développement du logement
Sixième proposition : Conseils régionaux de développement et de transtion
Septième proposition : Ressources naturelles
Ajout d'un 3e picot :
– qu'il maintienne le monopole d'Hydro-Québec sur la production et la distribution de l'hydroélectricité et s'assure du contrôle public et démocratique des sources d'énergie renouvelables telles que l'éolien, le solaire, la géothermie, etc.
Huitième proposition : Industrie forestière
Nouvelle proposition
– Que QS assure le contrôle public de l'exploitation forestière selon un mode coopératif au bénéfice de l'environnement, des communautés locales, de la nation québécoise et des peuples autochtones
Neuvième proposition - Souveraineté alimentaire
biffer le premier picot :
conférer la responsabilité de l'agriculture à la première ministre ou au premier ministre
Nouvelle proposition :
– Qu'il rende la certification des produits bio plus abordable pour les petits producteurs et les petites productrices, et qu'il promeuve l'étiquetage de tous les produits chimiques que contiennent tous les aliments offerts à la consommation.
Dixième proposition : syndicalisme agricole
Remplacer la 10e proposition par ce qui suit :
Que Québec solidaire défende et favorise le concept de pluralité dans le syndicalisme agricole comme un moyen de promotion de la démocratie et de reconnaissance de la diversité des agricultures, ainsi que comme mesure d'amélioration de la défense des intérêts des membres par une approche non-monopolistique.
Onzième proposition : Filière batterie
Ajout d'un 2e picot :
– l'essentiel de a filière batteries doit viser non à pourvoir les grandes multinationales de l'auto, mais avoir pour mission de soutenir la production de matériel de transport public électrifié.
Ajout d'un 4e picot :
– ne soutiendra pas et ne financera pas des projets portés par des multinationales telles que celui de Northvolt, qui visent essentiellement à développer l'industrie de l'auto solo.
Douzième proposition : Habitation
Biffer le 1er picot : Convoquer un sommet national afin de lancer une nouvelle corvée-habitation sur l'ensemble du territoire québécois.
Remplacer le premier picot par la proposition suivante :
– va soutenir en priorité la construction de logements sociaux hors du marché privé afin d'augmenter le nombre d'habitations à bas prix et ainsi, misera sur le logement social et communautaire qui regroupent les habitations à loyer modique, les coopératives d'habitation et les organismes sans but lucratif d'habitation.
Treizième proposition : La nécessité d'avancer ensemble
Ajout après le premier élément :
– et réaffirme son engagement pour une société égalitaire réalisant la vision féministe de plusieurs générations de femmes québécoises.
Ajout d'un deuxième élément :
– Au delà d'un nécessaire interculturalisme, les combats contre la surexploitation de la population immigrée et contre l'inégalité de genre, la lutte contre les discriminations à l'emploi et dans le logement, ainsi que la lutte antiraciste seront essentielles pour créer de nouveaux liens sociaux et jeter les bases d'une véritable inclusion et de métissage de la société québécoise.
Ajout après le troisième élément :
– Notamment, nous nous engageons à promouvoir l'idée de l'inclusion de la Charte des Droits et Libertés dans la constitution d'un futur Québec indépendant durant les débats et les consultations de l'assemblée constituante.
Ajout d'un 4e élément qui reprendrait la phrase de l'avant dernier paragraphe de la page 13 :
Notre projet d'indépendance est un projet de transformation de la société pour que les Québécois et les Québécoises de toutes provenances vivent mieux. Il faut faire un pays pour tout le monde et pour changer le monde. Cela va se faire dans une démarche de souveraineté populaire, d'assemblée constituante, appelée à refonder le Québec et ses institutions, dans une perspective de défense de l'égalité sociale, de genre et par l'élargissement de la démocratie dans une perspective d'une véritable république sociale.
Bloc 2 : Programme et plateforme
P14.2 : modalités d'adoption d'une nouvelle version du programme
Nouvel alinéa
Que l'écriture du nouveau programme soit conçue comme un exercice de synthèse visant à mieux présenter les orientations fondamentales du parti et non comme un exercice de révision des orientations adoptées lors de congrès précédents. Le positionnement politique du parti sur les grands enjeux de société ne devrait pas être différent au bout de l'exercice.
Argument général pour ce bloc 2 : Refaire le programme en un an est une tâche impossible à moins de ne pas respecter le processus démocratique interne et « bulldozer » un tout nouveau programme.
QS n'est pas qu'un parti de gouvernement. C'est aussi un mouvement enraciné dans les luttes sociales et la réalisation de notre projet de société ne sera pas possible si toute l'initiative vient d'en haut, sans la participation active de la population.
Nous pensons qu'il est impossible de retravailler les statuts et adopter un nouveau programme en même temps. Pour le programme, nous préférons un processus de mise à jour/réactualisation qui s'appuie sur les fondements du programme actuel. Souvenons-nous que le programme actuel est le résultat de six ans de travail sur sept congrès, et qu'il est à la base du succès remporté par QS au fil des ans.
Ajout à l'alinéa a. Après « philosophie gouvernementale », ajouter
« et de transformation sociale ».
1. Pg 21, 14e proposition :
Amender le 1er paragraphe pour biffer modernisation [1] et remplacer par « d'actualisation ». Le paragraphe amendé se lirait comme ceci :
– Qu'en prévision de la campagne électorale de 2026, le parti s'engage dans un processus d'actualisation de son programme, qui sera suivi par l'adoption de la plateforme électorale.
2. Pg 21, 14e proposition
Amender le 2è paragraphe pour biffer les mots d'élaboration d'un nouveau programme et remplacer par « synthèse des acquis ». Le paragraphe amendé se lirait ainsi :
– Que la Commission politique et le Comité de coordination national soient responsables de coordonner le processus de synthèse des acquis, pour adoption lors d'un Congrès spécial en 2025. Que le processus soit guidé par les balises suivantes :
3. Pg 21, 14e proposition, 1ère partie, alinéa a :
Ajout des mots suivants après « la vision politique de Québec solidaire » pour lire ceci :
– notamment sa vision de la transformation sociale.
4. Pg 21, 14e proposition :
Biffer alinéa b :
Que le programme soit exempt d'engagements politiques trop spécifiques ;
Argument : C'est la plateforme qui doit être simplifiée et non le programme, parce que le programme doit être la base de tout argumentaire, spécifiquement celui de la plateforme. Le programme est une compréhension commune des événements et des tâches qui en découlent ; la plateforme est une priorité des revendications à même le programme, ou une conjoncture précise.
5. Pg 21, 14e proposition :
Ajout à l'alinéa c, les mots « les fondements du programme actuel ». L'alinéa c amendé ce lirait comme suit :
Que le programme respecte l'esprit de la « Déclaration de principes » adoptée à la fondation de Québec solidaire, les fondements du programme actuel, ainsi que l'entente de fusion entre Québec solidaire et Option nationale ;
6. Pg 21, 14e proposition, partie portant sur le calendrier au bas de la page :
Ajout d'un nouveau premier picot après « Que ces démarches se fassent dans le respect de l'échéancier suivant : » qui se lirait comme suit :
– Que pour lancer le processus menant à l'actualisation du programme et de la plateforme, le conseil national du printemps 2025 soit consacré en bonne partie à un exercice d'analyse de la conjoncture et de réflexion stratégique, en vue de baliser le travail d'élaboration des propositions.
7. Pg 21, 14e proposition :
Amendement de la partie portant sur le calendrier au bas de la page pour la faire concordance avec ce qui a été proposé plus haut. Le calendrier amendé se lirait comme suit :
• Janvier à avril 2025 : consultation entourant l'actualisation du programme de Québec solidaire ;
• Octobre 2025 : Congrès spécial d'adoption du programme mis à jour ;
• Novembre 2025 à février 2026 : consultation entourant la rédaction de la plateforme électorale de Québec solidaire ;
• Printemps 2026 : Congrès d'adoption de la plateforme électorale.
15e proposition : suites sur le programme
– Que les nombreuses idées contenues dans le programme actuel et qui ne seront pas intégrées au nouveau programme pour des raisons de forme plutôt que de contenu soient regroupées par thème dans une série de documents disponibles aux membres, avec une mention des instances qui les ont adoptées (ex : Xe congrès, date).
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[1] Modernisation : Dans le domaine des sciences sociales, la modernisation fait référence à la transition d'une société « pré-moderne » ou « traditionnelle » vers une société dite « moderne ». Elle est liée à l'industrialisation et à l'urbanisation. (Wikipedia). Actualisation : mise à jour (Larousse). Choisir Modernisation, c'est dire que le programme est désuet, ringard, pré-moderne ; c'est pourtant le fruit de près de dix ans de réflexion des membres qui, bénévolement, ont donné de longues heures à des moments plus ou moins convenables, pour se donner un projet de société. On peut l'actualiser, puisque la conjoncture a évolué depuis 2017, mais on ne doit pas prétendre à le moderniser. Merci.

Plaidoirie devant CJUE dans l’affaire des formulaires binaires de la SNCF

Le RGPD oblige-t-il les organismes à prévoir une case pour les personnes non binaires dans leurs formulaires ? C'est la question que devra trancher la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), la plaidoirie sur ce dossier étant fixée au lundi 29 avril 2024 à 14h.
Paris, 24/04/2024**
Cette audience fait suite à une procédure engagée par l'association Mousse, représentant 64 individus, contre la pratique de la SNCF consistant à obliger les passagers à choisir entre les civilités "Monsieur" ou "Madame" lors de l'achat de billets de train. Si l'affaire est gagnée par l'association, les organismes privés et publics des 27 Etats de l'Union européenne devront prévoir une case pour les personnes non binaires dans leurs formulaires. Une avancée significative pour les droits des personnes non binaires, mais également trans, queers et intersexes.**
Défi aux conventions de genre dans les pratiques administratives
Depuis janvier 2021, Mousse et Stop Homophobie fournissent des efforts continus ayant pour but de remettre en question les normes de genre rigides imposées par des pratiques administratives et commerciales dépassées. Cette plaidoirie fait suite à une décision défavorable de la CNIL et un recours devant le Conseil d'État, concernant le manque de pertinence de la collecte du genre dans les transactions courantes, telles que l'achat d'un billet de train.
Établir un précédent : la protection des données au service de la diversité des genres
La plainte s'appuie sur le Règlement général sur la protection des données (RGPD), invoquant les principes de minimisation et d'exactitude des données. Elle vise à établir un précédent significatif pour l'inclusion de toutes les identités de genre dans l'Union européenne, en demandant des formulaires sans mention de genre ou avec des options inclusives.
Des exemples tels que les modifications apportées par la [RATP en France](https://5fnij.r.sp1-brevo.net/mk/cl/f/sh/6rqJfgq8dINmNjZ4u4HI3Iri9J5/q8SV0f23Kf3I/non-binarite-la-ratp-rend-ses-formulaires-inclusifs/), qui permettent désormais la sélection de l'option "Non spécifié", montrent que des changements sont possibles et nécessaires pour respecter la diversité des identités de genre. L'audience à venir est une étape cruciale vers une reconnaissance plus large de cette diversité, tant dans les pratiques administratives que dans la reconnaissance civile à travers l'Europe.
Me Étienne Deshoulières, avocat des associations, souligne l'importance de cette démarche : « *Cette plaidoirie n'est pas seulement une lutte contre des formulaires désuets, mais une bataille pour la reconnaissance et le respect de chaque individu dans sa singularité. Elle défend le droit de chacun à ne pas être enfermé dans une binarité de genre qui ne correspond pas à son identité véritable. C'est une question de respect des droits fondamentaux à l'autodétermination et à la protection des données personnelles.* »
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Revenu viable 2024 | Combien faut-il pour vivre dignement à Saguenay, Gatineau, Trois-Rivières, Québec, Sherbrooke, Sept-Îles et Montréal ?

MONTRÉAL, le 29 avril 2024 - L'IRIS dévoile aujourd'hui la 10e édition du revenu viable qui nous apprend qu'il faut entre 30 738 $ et 43 609 $ par année à une personne seule pour vivre hors de la pauvreté au Québec.
Selon Eve-Lyne Couturier, chercheuse à l'IRIS et autrice de l'étude : « Le calcul du revenu viable indique ce que représente un niveau de vie digne, au-delà de la seule couverture des besoins de base. Cela signifie notamment de pouvoir faire des choix et d'être en mesure de faire face aux imprévus. »

Le revenu viable en 2024 selon le type de ménage et la localité
En 2024, le revenu viable calculé pour une personne seule se situe entre 30 738 $ et 43 609 $ et varie entre 72 788 $ et 86 585 $ pour une famille de quatre. Montréal est la ville qui a enregistré la plus forte hausse du revenu viable dans la dernière année, soit une augmentation de 19,3 %, suivie de près par Saguenay, Gatineau et Sherbrooke. Dans toutes les situations examinées, la variation du coût du panier entre 2023 et 2024 est plus élevée que le taux général d'inflation.
Jusqu'à 25 % plus cher pour les familles qui déménagent
Cette année, l'IRIS a inclus dans son calcul une prime au déménagement qui permet de mieux refléter les prix du marché pour un logement locatif dans un contexte de hausse fulgurante des loyers.
À Montréal, les sommes prévues pour se loger grimpent en moyenne de 25 % pour les familles avec enfants ayant déménagé dans la dernière année. D'importantes pénalités au déménagement sont également enregistrées dans les villes de Québec et de Gatineau.
20 $ à 30 $ de l'heure pour vivre dignement au Québec
Bien que le salaire minimum sera rehaussé de 0,50 $ à compter du 1er mai, une personne qui travaille à temps plein au salaire minimum ne disposera toujours pas des sommes nécessaires pour vivre une vie exempte de pauvreté.
« On a tendance à croire qu'il suffit de travailler pour sortir de la pauvreté, mais notre économie crée une catégorie de travailleuses et de travailleurs pauvres qui, même s'ils travaillent 50 heures par semaine, peinent à répondre à leurs besoins », déplore la chercheuse.
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Étude des crédits 2024-2025 du Ministère des Ressources naturelles et des Forêts | Retranscription et analyse

Ce document présente un lien vers l'enregistrement et notre retranscription des échanges concernant l'Étude des crédits budgétaires 2024-2025 du Ministère des Ressources naturelles et des Forêts (MRNF) tenue le 25 avril 2024 à l'Assemblée nationale. Une brève analyse constituée des faits saillants et de nos commentaires est également inclue. Enfin, nous rappelons les 60 recommandations pour que le Québec ait meilleure mine que nous avons adressées à la ministre le 18 mai 2023 dans le cadre de sa consultation nationale sur l'encadrement minier.
Pour télécharger le document.
Élu-e-s présent-e-s en commission parlementaire
Coalition Avenir Québec
– Madame Maïté Blanchette Vézina, députée de Rimouski, ministre des Ressources naturelles et des forêts
– Audrey Bogemans, députée d'Iberville
Parti Libéral du Québec, Opposition officielle
– Monsieur Gregory Kelley, député de Jacques-Cartier, porte-parole en matière de Ressources naturelles
Québec Solidaire, Deuxième groupe d'opposition
– Madame Alejandra Zaga Mendez, députée de Verdun, porte-parole en matière d'environnement et de Ressources naturelles
Parti Québécois, Troisième groupe d'opposition
– Pascal Bérubé, député de Matane-Matapédia
Fonctionnaires présent-e-s en Commission parlementaire
– Anne Racine, sous-ministre
– Nathalie Camden, sous-ministre associée
– Patrick Beauchesne, président directeur-général, Société du Plan Nord
Faits saillants et analyse générale
Le boom minier se poursuit
– Plus de 350 000 claims miniers couvrent le Québec, une augmentation de 5% depuis 2023 et de 151% depuis 2019
– 60% des claims miniers sont pour les minéraux critiques et stratégiques (« MCS ») et 40% pour l'or
– Il y a présentement « 8 mines en activités qui touchent les MCS » pour 8 mines d'or actives
– La ministre affirme que 20 projets miniers de MCS sont sur la table pour un nombre équivalent de projets aurifères
– La ministre a reconnu la responsabilité du MRNF derrière le boom minier des MCS. «
C'est une volonté aussi de faire le développement de cette filière parce qu'elle est importante pour la transition énergétique. On a mis en place des mesures pour augmenter l'exploration pour s'assurer de mettre en valeur nos minéraux à travers le Plan québécois de valorisation des minéraux critiques et stratégiques. On a aussi annoncé la création d'un fonds minier pour l'exploration minière l'année dernière pour soutenir l'exploration. »
Le MRNF s'est engagé à fournir les données sur le nombre de claims (1) à l'intérieur des périmètres urbains, (2) sur les lacs et rivières et (3) à l'intérieur d'une zone tampon de 10 km autour des aires protégées actuelles.
Quelle place pour l'or ?
L'or ne fait pas partie de la liste des 26 minéraux critiques et stratégiques. L'opposition posé la question « Est-ce que la ministre pense qu'il faut augmenter la production de l'or au Québec ? »
Réponse de la ministre : « On a construit nos régions autour de nos richesses naturelles. Autant la forêt que les mines. Et l'or, c'est un minéral qui est important, notamment dans la région de l'Abitibi. Il y a différents projets miniers d'or, et on accompagne chacun des projets miniers pour s'assurer que bien sûr ils respectent notre cadre strict et qu'ils puissent entrer en opération. »
Autrement dit, le ministère encourage tous les projets miniers, qu'ils soient ou non « critiques et stratégiques » et sans égard à leur réelle utilité pour affronter la crise climatique
« On est dans une société de droit » : la ministre favorise les minières et abdique son pouvoir d'exercer son pouvoir de retirer des claims miniers pour la nature et les gens
La ministre a fermé la porte à utiliser son pouvoir discrétionnaire pour mettre fin aux claims miniers situés à l'intérieur du projet d'aire protégée du lac Nachicapau sacré pour les Naskapi et à l'intérieur du parc régional Kiamika.
La ministre des Ressources naturelles a renvoyé l'opposition vers son collègue ministre de l'Environnement. L'opposition a rétorqué que c'est le ministre de l'Environnement qui lui avait demandé de s'adresser à elle, en rappelant qu'elle a le pouvoir de retirer des claims miniers. Ce à quoi la ministre a répondu « Au Québec on a des droits qui sont octroyés, on est une société de droit. Lorsqu'il y a des droits qui sont donnés à une entreprise, retirer des droits ça a un impact sur l'État ». La ministre a ensuite parlé de son projet de loi qui vise à « avoir une meilleure harmonisation, une meilleure planification, une meilleure prévisibilité en termes d'usages ».
Ceci laisse entendre que l'État ne souhaite pas intervenir pour retirer des claims miniers déjà accordés aux compagnies minières, mais plutôt uniquement resserrer les conditions d'octroi des claims miniers.
La réponse de la ministre passe sous silence les droits de la nature et des populations locales qui sont affectées par la préséance des droits que le gouvernement accorde à l'industrie minière et son refus d'agir pour les protéger, même si elle en possède légalement le pouvoir
Consentement des Autochtones et des populations locales
La ministre a refusé de s'engager « à avoir une consultation et d'avoir le consentement [des peuples autochtones] avant toute activité [minière] » sur leurs territoires
La ministre a plutôt mis de l'avant les modifications réglementaires adoptées récemment concernant « les travaux d'exploration à impact » qui entreront en vigueur le 6 mai 2024. Pour la ministre, cette nouvelle procédure vise à « assurer une meilleure collaboration en amont entre l'entreprise et les communautés locales ».
Cependant, comme la Coalition Québec meilleure mine l'indique dans son Guide sur les nouvelles « autorisations pour les travaux d'exploration à impacts », il ne s'agit que d'un échange d'informations sur certains travaux d'exploration qui ne prévoit pas d'obtenir le consentement préalable libre et éclairé des autochtones, ni des municipalités et citoyen-ne-s visés. De surcroît, la ministre elle-même ne s'est pas réservé le pouvoir de refuser ces travaux miniers à impacts suivant une consultation auprès de la municipalité et des conseils de bande qui indiquerait que les populations locales ne consentiraient pas aux projets miniers.
Un projet de loi qui se fait attendre
La ministre a employé à douze (12) reprises l'expression « projet de loi » dans ses réponses aux questions de l'opposition. Une fois toutes les huit minutes en moyenne.
La référence au projet de loi était employée pour mettre de l'avant l'intention de la ministre de modifier la Loi sur les mines.
Concrètement, aucun détail n'a été fourni concernant le moment du dépôt du projet de loi. À ce stade, le scénario d'un dépôt suivi d'une adoption avant la fin de la présente session parlementaire est très improbable. Mais le projet de loi pourrait tout de même être déposé avant les vacances d'été et être repris à l'automne.
Peu d'informations ont été données concernant les mesures concrètes du projet de loi. La ministre a cependant dressé une liste « des éléments qu'il va aborder, notamment l'acceptabilité sociale, l'aménagement des usages, le processus d'octroi des claims miniers, […] limiter la spéculation sur les titres, la valorisation des MCS, mettre en valeur le recyclage, améliorer nos processus environnementaux, mais aussi l'efficience de l'octroi des permis ».
Plus tôt, la ministre a donné davantage d'informations concernant les objectifs de son projet de loi. « L'idée étant qu'on veut valoriser et intégrer nos minéraux dans des chaînes de valeur, on pense que c'est une opportunité pour le Québec d'un point de vue économique, d'un point de vue de sécurisation de chaînes d'approvisionnement, mais on veut le faire en harmonisation avec les milieux locaux. »
Porte fermée à la hausse des redevances minières
L'opposition officielle a demandé à la ministre si elle considérait augmenter les redevances minières.
La ministre a fermé la porte en ces termes : « On veut un environnement d'affaires qui permette le développement des projets miniers mais que le Québec ait sa juste part des redevances donc de la valeur des minéraux qui sont extraits en sol québécois. C'est l'équilibre qu'on trouve. Et la mécanique qu'on a en ce moment convient. »
Aucune question n'a été posée concernant une meilleure redistribution des redevances au sein des populations locales et des nations autochtones
Faillite de la mine de diamants Stornoway
Le troisième groupe d'opposition a posé la question « Quelle est l'interprétation de la ministre sur ce qui s'est passé [pour mener à la faillite de la mine de diamants Stornoway en territoire Eeyou Istchee, au Nord de Chibougamau] ? »
La ministre a répondu « oui, il y a la mine Renard de Stornoway qui a fermé prématurément. C'est le prix du diamant, la qualité du produit sur le marché en ce moment qui fait que ce n'est plus rentable. Les projets miniers sont des projets risqués, ce sont des choses qui peuvent arriver. »
Voyages à l'étranger et une consultation publique réalisée par une firme privée
L'opposition officielle a émis une série de questions sur les nombreux voyages à l'étranger du directeur des politiques minières du MRNF aux États-Unis et en Europe (Battery gigafactories USA 2023 à Washington D.C., Building Up a Battery ecosystem à Washington, Future mining and minerals à Stockholm). Un peu plus tôt, la ministre avait souligné avoir personnellement participé à une rencontre à Washington en 2024 pour « développer des chaînes d'approvisionnement [et] s'assurer de collaborer avec des pays alliés pour […] trouver des débouchés intéressants pour les mines en activité au Québec »
La ministre a répondu que ces « missions commerciales sont importantes […] pour développer un marché pour […] le lithium, le graphite, le nickel, le cobalt, le manganèse, les terres rares, d'autres MCS »
La ministre a également indiqué que le gouvernement « avec le think tank Safe, travaille à développer une filière et une chaîne d'approvisionnement en énergie pour la transition du gouvernement américain »
Pour mener sa consultation sur l'encadrement minier au printemps 2023, le MRNF a consenti un contrat de 155 000$ à la firme privée de consultants Segma Recherche.
Pour justifier le choix de donner un contrat à l'externe, la ministre a expliqué « on souhaitait avoir une ressource externe pour ne pas que les participants pensent que les résultats étaient joués d'avance. [Il y a eu] 2400 participants. Segma était la firme qui était engagée pour le sondage et les consultations régionales ».
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Ramener QS aux fondements de la politique

La démission d'Émilise de son poste de porte-parole féminin de QS pose la question de base : pourquoi s'engager en politique ?
Émilise a démontré avec son cœur et sa détermination que l'on peut avoir une place pour donner un sens à la politique qui ne soit pas essentiellement orienté vers le marketing politique électoral. Elle s'y est épuisée. QS perd une ressource féminine précieuse. J'ose espérer, sans trop d'illusion, que ce choc ébranle les stratèges qui président la stratégie actuelle et qui font que QS est maintenant talonné dans les sondages par... le parti conservateur !
À la suite des élections de 2014 où j'étais candidat dans Charlevoix, j'avais, lors du débriefing en présence d'Amir et de Françoise, émis l'opinion que la stratégie parlementaire de QS était prématurée à moins d'envisager la prise de pouvoir comme une perspective à long terme soit 25-30 ans. À la lumière de mes 35 ans d'expérience professionnelle dans le développement local et communautaire, j'avais rappelé combien le potentiel de mobilisation populaire au Québec est sous exploité et ne demande qu'à être soutenu. L'histoire de la conquête de l'Abitibi, de la lutte contre la fermeture des villages du Bas-Saint-Laurent ou la tradition des corvées en sont des illustrations, sans parler des luttes syndicales et municipales comme celle, exemplaire, de Murdochville, en 1957 et en 2004.
A cours de mes expériences, tant dans les milieux urbains que ruraux, j'ai mesuré le potentiel d'engagement citoyen partout au Québec. Je crois que cela repose sur l'enracinement d'une culture habituée à bâtir son quotidien et son avenir en comptant avant tout sur ses ressources locales. Ce fut soutenu à l'origine par l'église (on construisait son église avec ses propres moyens), puis par l'état avec, par exemple, le rôle des organisateurs communautaires des CLSC et le développement de projets de développement initiés et gérés localement. Ça s'appuie aussi sur l'existence, partout, de centres communautaires où on met en commun des ressources pour répondre à des besoins locaux. Il y a donc la tradition d'une pratique de l'engagement civique qui est une richesse sociale sous-exploitée et qui dépasse les clivages traditionnels des partis politiques.
Lors des 15 ans où j'ai accompagné, pour Rues Principales, des milieux locaux partout au Québec à identifier leurs priorités et à agir concrètement pour mettre en valeur leurs potentiels économiques, sociaux, culturels et artistiques, j'ai constaté que la confiance dans la capacité d'un milieu de se prendre en main existe partout, pour peu qu'on donne la parole à la population et qu'on l'accompagne avec des outils simples et adaptés, comme un plan d'action et de communication. Des gens d'affaires en conflit avec des élus se sont retrouvés à partager les mêmes visions et à mobiliser les citoyens pour mettre en valeur leur milieu de vie. Cela a donné, par exemple, le plan de développement de Murdochville qui l'a relancée en 2004, la naissance du Festival des musiques du Bout du monde de Gaspé, la transformation de la rue principale de Magog, la rénovation du centre-ville de Matane, le développement de micro-brasseries, etc.
Depuis sa naissance en 2006, QS a l'ambition de « changer la politique ». Les militants et les élus qui s'y impliquent sont convaincus du potentiel de changements que QS peut apporter à la société québécoise, la notion de solidarité étant une valeur généralement partagée.
Que les élections depuis 20 ans aient porté au pouvoir essentiellement des politiques de droite flattant le désir légitime des électeurs s'enrichir financièrement ne reflète qu'un visage de notre société, celui d'une société nord-américaine qui aime le confort. L'indifférence que l'on peut se reprocher, aux itinérants, aux immigrants, à la dégradation de l'environnement, etc. résulte d'un discours dominant attisé par les médias à sensation qui n'ont qu'un souci, faire de l'argent.
La religion de la réussite financière est le mirage le mieux partagé en occident. Comment pouvons-nous oublier d'où l'on vient ? Et peut-on innocemment persister à se mettre la tête dans le sable pour ne pas mettre en valeur tout notre potentiel à notre image, une société développée, solidaire, créative, ouverte sur le monde et généreuse de ses ressources ?
Après 18 ans de course aux voix parlementaires, QS doit revenir à la source de sa vocation. Il faut revenir à la base, là où le citoyen prend confiance dans sa capacité à agir sur sa vie collective, c'est-à-dire au niveau local. Apprendre à administrer sa communauté en mettant en valeur ses ressources est à la portée de chaque citoyen, et c'est ça, la politique. Bien plus que les joutes oratoires de l'Assemblée Nationale, trop souvent stériles.
Si Lulla Da Silva a été élu au Brésil en 2003, c'est à cause de l'enracinement du parti des travailleurs au niveau municipal. Cela a pris vingt ans. Sa rélélection en 2022 démontre que les bases y sont solides.
QS ne doit pas continuer à investir dans des stratégies électorales parlementaires similaires aux autres partis. Elle y perd son âme et ses ressources. Elle doit inviter les comités locaux à investir les municipalités, les comités de développement régionaux, les groupes communautaires et initier des luttes collectives où les citoyens se sentent solidaires parce qu'ils partagent la même vision des priorités à mettre en œuvre pour le bien commun.
Alors que partout en occident on se questionne sur les façons de redonner sa noblesse à la politique, c'est autour des « communs » que l'on peut bâtir des solidarités et changer sa pratique politique.
Comme Émilise, je crois sincèrement au potentiel de QS. Il est temps qu'il s'appuie sur ses bases et non sur une poignée de stratèges qui dictent la ligne de parti, cette vieille recette traditionnelle qui a démontré la fragilité de ses résultats jusqu'à aujourd'hui.
Jean-Yves Bernard
Cap Tourmente
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Au Canada, 9,5 milliards $ dans les paradis fiscaux

Le collectif Échec aux paradis fiscaux et ATTAC-Québec se sont rassemblés le 25 avril au parc Émilie-Gamelin à Montréal afin d'attirer l'attention sur l'inaction des gouvernements en matière de lutte contre le recours aux paradis fiscaux. En cette saison des impôts, les deux organisations exigent des gouvernements québécois et canadiens des engagements forts en vue de l'imposition plus juste des grands groupes multinationaux.
26 avril 2024
La lutte contre les paradis fiscaux est un enjeu clé de la défense des modèles sociaux québécois et canadiens. Alors que Québec et Ottawa ont dévoilé ce printemps leurs budgets les plus déficitaires des dernières années, les pouvoirs publics ont une fois de plus ignoré l'une des principales sources de ce manque à gagner : le transfert offshore des bénéfices des multinationales dans des juridictions à faible imposition.
Selon les dernières données disponibles, les Canadiennes et Canadiens perdent annuellement près de 9,5 G $ aux mains des paradis fiscaux, un chiffre largement attribuable aux activités offshore des multinationales. En laissant perdurer ce vol à grande échelle, les gouvernements imposent au contribuable moyen de compenser l'irresponsabilité fiscale des plus gros. Rappelons qu'au Canada, les grandes compagnies sont responsables de 70 % de l'écart fiscal en matière de déclaration de l'impôt sur le revenu des sociétés, alors qu'elles comptent pour 1 % des sociétés enregistrées.
L'augmentation du déficit public, couplée au contexte économique inflationniste, fait peser une menace sur les services publics. « Nous mettons en garde les gouvernements contre la répétition du scénario austéritaire qui a prévalu après la crise financière de 2008. Il est encore temps de renverser la vapeur et d'augmenter la contribution des multinationales au trésor public. La redistribution de la richesse, par l'entremise de programmes et de services publics forts, demeure un rempart de taille contre la dissolution de notre tissu social », indique le président d'ATTAC-Québec, Claude Vaillancourt.
Le collectif Échec aux paradis fiscaux et ATTAC-Québec réclament entre autres la mise en place d'un régime fiscal adapté au modèle économique des multinationales, la fin des conventions fiscales conclues avec les paradis fiscaux ainsi que la criminalisation des pratiques d'évitement fiscal agressif.
Ensemble, ces mesures doivent contribuer à rétablir l'équité fiscale au sein de la population canadienne. « Les solutions ne manquent pas. Les gouvernements disposent d'une panoplie d'outils pour contrer l'évitement fiscal des grandes compagnies. Les déficits publics monstres et les coupes budgétaires ne sont pas une fatalité », note Edgar Lopez-Asselin, coordonnateur du collectif Échec aux paradis fiscaux.
Citations
« L'action récente des pouvoirs publics en matière de lutte aux paradis fiscaux n'a fait qu'effleurer la surface du problème, les mesures adoptées par nos gouvernements ne font pas le poids face à l'emprise accrue des multinationales sur l'économie. »
– Claude Vaillancourt, président d'ATTAC-Québec.
« Nous avons aujourd'hui besoin d'un traitement de choc. Alors que les transactions intra-groupes multinationaux constituent plus de la moitié des échanges économiques mondiaux, les contributions de ces sociétés aux trésors publics ont baissé de près de moitié au cours des dernières années. »
– Edgar Lopez-Asselin, coordonnateur du collectif Échec aux paradis fiscaux.
« Nous mettons en garde les gouvernements contre la répétition du scénario austéritaire qui a prévalu après la crise financière de 2008. Il est encore temps de renverser la vapeur et d'augmenter la contribution des multinationales au trésor public. La redistribution de la richesse, par l'entremise de programmes et de services publics forts, demeure un rempart de taille contre la dissolution de notre tissu social. »
– Claude Vaillancourt, président d'ATTAC-Québec.
« Les solutions ne manquent pas. Les gouvernements disposent d'une panoplie d'outils pour contrer l'évitement fiscal des grandes compagnies. Les déficits publics monstres et les coupes budgétaires ne sont pas une fatalité. »
– Edgar Lopez-Asselin, coordonnateur du collectif Échec aux paradis fiscaux.
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Flottille de la liberté vers Gaza : Signez la pétition

Aidez-nous à faire entendre au Canada le message des Québécois-es de la Flottille de la liberté vers Gaza ! La semaine dernière cinq citoyen-es canadien-nes, dont quatre du Québec, se sont rendu.es à Istanbul pour prendre part à la mission humanitaire Flottille pour la liberté pour Gaza.
Avant son départ, la délégation québécoise a demandé au gouvernement canadien d'assurer la protection de la mission humanitaire et de mettre en branle tous les recours diplomatiques à leur portée pour que la flottille puisse livrer les 5500 tonnes d'aide directement aux Palestinien-nes de Gaza.
Pour le moment, la ministre Joly n'a pris aucun engagement clair pour garantir la protection des participant-es et mettre toutes les pressions possibles sur Israël et ses alliés pour assurer le départ des navires en toute sécurité.
À la veille de leur départ, et en tant que représentant-es de la société civile, nous nous devons de continuer la mobilisation jusqu'à ce que toutes les demandes de la Flottille soient clairement entendues. La ministre doit cette fois-ci répondre à toutes celles et ceux qui sont dans les rues depuis 6 mois pour le droit des Palestiniennes et Palestiniens à la liberté et à l'égalité.
Nous faisons appel à vous pour signer et diffuser dans vos réseaux la lettre adressée à Madame Mélanie Joly ci-après : https://forms.gle/EqF6x3LYWAPMpbzv7
Vive la Palestine !
Solidairement,
– Le comité de soutien à la Flottille pour Gaza- Québec
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Oui, la ministre des Transports et de la Mobilité durable est responsable des transports collectifs

Plusieurs organisations œuvrant en environnement et en mobilité durable jugent inacceptables et irresponsables les propos tenus hier par la ministre des Transports et de la Mobilité durable, Madame Geneviève Guilbault. Oui, le financement du transport collectif est une mission de l'État, même si les règles de financement favorisent les déplacements routiers depuis des décennies. Il est grand temps que l'ensemble des partenaires s'assoient et conviennent de solutions en prenant leurs responsabilités. Il y a urgence d'agir.
Dans les pays modernes où la mobilité durable est un succès, les gouvernements nationaux jouent un rôle majeur, aux côtés des administrations municipales et régionales. Chacun des paliers y contribue en raison des bénéfices considérables qu'apportent les transports collectifs à l'ensemble des collectivités et des usagers des réseaux routiers. Le gouvernement Legault semblait l'avoir bien compris à travers la Politique de mobilité durable (qui vise une augmentation de l'offre de services de 5% chaque année), le chantier sur le financement lancé en 2019 et la volonté de lancer des grands projets structurants. Cependant, depuis quelques mois, il semble avoir perdu sa boussole dans le dossier.
« L'objectif sur lequel devrait s'entendre l'ensemble des paliers de gouvernement est qu'une reprise de la croissance de l'offre est nécessaire, partout au Québec. Aucune entente qui maintiendrait les transports collectifs dans un état de stagnation ne serait acceptable à nos yeux, et c'est de leur responsabilité à tous et toutes de trouver les moyens financiers pour y parvenir, y compris bien sûr le gouvernement du Québec », déclarent les représentants de Trajectoire Québec, Équiterre, du Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec (RNCREQ), du CRE-Montréal, de la Fondation David Suzuki, d'Accès Transport viables, de MOBI-O, de l'Association québécoise des médecins pour l'environnement, de Vivre en Ville, de Piétons Québec et de Vélo Québec.
« Pensons à Québec, à Sherbrooke, à Trois-Rivières, à la Gaspésie, au Bas-St–Laurent, à Gatineau pour ne prendre que ceux-là : le transport collectif, c'est important partout ! Les membres du gouvernement doivent cesser de tenir des propos divisifs entre le Grand Montréal et le reste du Québec. Les décideurs ne gagnent rien à se renvoyer la balle. Il doivent mettre en place des solutions pour réussir le virage vers la mobilité durable », ajoutent les représentants de l'ensemble des organisations.
Liste des signataires de ce communiqué
Charles Bonhomme, responsable affaires publiques et communications, Fondation David Suzuki
Marie-Soleil Gagné, directrice générale, Accès transports viables
Anne-Catherine Pilon, analyste en mobilité durable, Équiterre
Emmanuel Rondia, directeur général, Conseil régional de l'environnement de Montréal
Sarah V. Doyon, directrice générale de Trajectoire Québec
Christian Savard, directeur général, Vivre en Ville
Jean-François Rheault, Président-directeur général, Vélo Québec
Patrick Robert-Meunier, directeur général de MOBI-O
Martin Vaillancourt, directeur général du Regroupement des conseils régionaux de l'environnement du Québec
Samuel Pagé-Plouffe, coordonnateur, Alliance TRANSIT
Florence Juncas-Adenot, professeure, UQAM
Patricia Clermont, l'Association québécoise des médecins pour l'environnement (AQME)
Sandrine Cabana-Degani, directrice générale, Piétons Québec

La gestion des fougères

La réaction de la ministre de la Mobilité durable, Geneviève Guilbault, à propos des déficits des sociétés de transports collectifs n'est pas sans laisser songeur.
Jacques Benoit
Membre de GMob (GroupMobiblisation)
Alors que le superministre Fitzgibbon ne cesse de répéter que ses grands projets de batteries vont aider à décarboner le Québec, la ministre Guilbault, elle, vient ajouter que la mobilité durable sera celle du char individuel !
Face aux déficits des transports collectifs municipaux, elle répond que « chacun doit s'occuper de sa fougère », ce qui ne peut que nous rappeler comment son gouvernement s'est occupé des « fougères » du terrain de Northvolt, en évitant un BAPE à la multinationale suédoise, et qu'en agissant ainsi, Northvolt détruira des milieux naturels de « haute valeur écologique », selon les dires des experts mêmes du gouvernement. Suivant Les Versants, un journal local, « lors des visites sur le terrain, deux espèces floristiques à statut précaire ont été observées, du caryer ovale et du chêne bicolore. » Peut-être y a-t-il aussi quelques fougères…
Si la ministre croit que son gouvernement n'a pas assez d'argent pour financer le transport en commun, peut-être devrait-elle dire à son collègue Fitzgibbon de ne pas privatiser l'électricité au Québec. La hausse des coûts d'électricité et la perte de revenus que cela occasionnera à Hydro-Québec vont engendrer une baisse dans les redevances versées au gouvernement, ce qui ne pourra servir à décarboner les transports en les rendant encore plus collectifs.
Décidément, en plein réchauffement climatique qui ne cesse de s'aggraver, ce gouvernement s'acharne irresponsablement dans la même mauvaise direction, suivant en cela son dernier slogan électoral : « Continuons ! »
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Maîtres chez nous ! Vraiment ?

Dans la chasse aux énergies renouvelables qui sont essentielles pour faire face aux changements climatiques, des promoteurs privés se lancent à l'assaut des profits qu'on peut tirer de la rente éolienne.
Des dizaines de compagnies privées font, en catimini et sans concertation, des offres alléchantes aux agriculteurs pour les meilleurs sites éoliens situés à proximité des lignes de transmission d'Hydro Québec.[1] C'est à savoir qui aurait la plus belle part du gâteau. Mais pourquoi laisser à des acteurs privés les profits générés par le vent qui pourraient être versés à la société d'état et servir au financement des municipalités et à l'ensemble de la société québécoise ?
Un avenir énergétique, ça devrait se développer de façon concertée et intelligente, pas dans ce joyeux bordel où chaque compagnie essaie de damer le pion à son compétiteur ! À Saint-Hugues, mon collègue me dit que la compagnie Innergex lui a offert près de 40 000,00$ afin d'obtenir l'autorisation d'implanter une éolienne sur sa ferme.[2] C'est intéressant pour le portefeuille, mais est-ce dans l'intérêt de la société en général ??? À la période de questions de l'assemblée de la MRC des Maskoutains du 10 avril, le maire de Saint-Pie-de-Bagot a admis publiquement avoir été personnellement approché et incité à signer un contrat semblable. L'ironie, c'est qu'au moment de la rencontre, le représentant de la compagnie ignorait que cet agriculteur était également le maire de la municipalité. Peut-on trouver un meilleur exemple d'un développement désordonné où les promoteurs privés se foutent éperdument aussi bien des autorités locales que de la population ?
Cette frénésie éolienne soulève certaines questions fondamentales. La première, c'est la protection de nos terres agricoles. Au Québec, nous avons seulement 2% de bonnes terres agricoles. Depuis 1978, la Commission de protection du territoire agricole (CPTAQ) tente d'éviter l'étalement urbain sur notre garde-manger. Si l'on parsemait nos champs d'éoliennes, de lignes de transmission et de routes d'accès, nos terres agricoles deviendraient trouées comme du fromage de Gruyère. Pour préserver notre capacité à nous nourrir tout au long du 21e siècle, pourquoi ne pas placer ces éoliennes sur les 98% restants de notre territoire impropres à l'agriculture intensive ?
Lorsque Hydro-Québec a lancé son appel d'offres en mars 2023, il semble que la notion des meilleurs endroits pour capter le vent n'a pas été le critère de base. Notre société d'État a plutôt opté pour des projets situés « à des endroits stratégiques de son réseau dans le sud du Québec, où les infrastructures de transport sont en mesure d'absorber la puissance supplémentaire. »[3] Par contre, près de la Baie James, il y a « un territoire qui recèle quelques-unes des zones les plus venteuses de tout le Québec ». Voilà quelques années, la communauté crie a songé à développer ce potentiel éolien car, selon eux, cette filière perturberait leur environnement beaucoup moins qu'un nouveau barrage sur des rivières comme la Rupert.[4] Et le tout serait à proximité des lignes de transmission d'Hydro-Québec.
Dans le même ordre d'idée, la suggestion de M. Louis-Gilles Francoeur de bâtir les parcs éoliens autour des réservoirs hydrauliques d'Hydro-Québec (tels Baskatong, Manicouagan, La Grande, etc) tombe sous le gros bon sens. Dans Le Devoir du 26 février 2024, il écrivait : « Lorsque notre première société d'État a construit ses grands réservoirs, elle a créé non pas une, mais deux sources d'énergie. Si le Québec exploite fort bien la puissance de la force hydraulique, notre première société d'État a jusqu'ici complètement ignoré le fait que les grandes surfaces d'eau de ses réservoirs sont d'exceptionnels puits d'énergie éolienne ». [5] Cette solution serait une optimisation des ressources hydrauliques ET éoliennes. N'oublions pas qu'Hydro-Québec est déjà propriétaire de ces réservoirs dans des régions peu habitées, que les lignes de transmission sont déjà en place pour transporter l'électricité vers les grands centres et que de telles éoliennes n'empièteraient pas sur nos maigres ressources en bonnes terres agricoles ![6]
L'attribution de ces contrats de production d'électricité ne se fait pas au profit des Québécois, ni des municipalités locales,[7] mais à celui d'intérêts privés ou étrangers. Pour tenter de justifier cette gifle au « Maîtres chez nous », la société Enerfin[8], propriétaire du parc Les Éoliennes de l'Érable, entame une poursuite-bâillon[9] d'un million de dollars contre deux citoyens de Saint-Ferdinand.[10] Quand on est « né pour un p'tit pain »….
Gérard Montpetit
le 22 avril 2024
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3] https://www.ledevoir.com/societe/789577/le-royaume-du-vent ?
4] https://www.ledevoir.com/politique/quebec/66544/les-cris-songent-a-developper-eux-memes-l-eolien ?
7] https://www.ledevoir.com/opinion/idees/810989/mettons-terme-depossession-bien-eolien-commun ?
8] https://www.enerfinrenewables.com
9] https://www.985fm.ca/audio/620649/deux-citoyens-vises-par-une-reclamation-d-un-million-de-dollars
10] https://www.lanouvelle.net/infolettre/eoliennes-de-lerable-reclame-pres-dun-million-a-deux-citoyens/

Éoliennes de L’Érable réclame près d’un million $ à deux citoyens

Le promoteur d'un parc éolien réclame près d'un million $ à deux citoyens. Intimidation financière ou bâillon ? Un tribunal devra trancher !
Tiré de lanouvelle.net
Après un jugement en 2020 rejetant leurs demandes en action collective contre le promoteur Éoliennes de L'Érable s.e.c. pour troubles de voisinage lors de la construction et l'exploitation du parc éolien dans la MRC de L'Érable, deux résidents de ce parc éolien (demandeurs) ont récemment eu la surprise de se voir réclamer par les avocats du promoteur, la somme de près d'un million $ en frais de justice.
En premier lieu, il s'agit d'une somme record qui est réclamée à de simples citoyens dans le cadre d'une action collective. Aussi, de façon surprenante, cette somme est principalement composée de frais d'expertises qui n'ont jamais été dénoncés au procès par la défenderesse, soit par choix, soit par négligence.
Les demandeurs, Jean Rivard et Yvon Bourque, estiment aussi que la démarche du promoteur est abusive. À titre d'illustration, non seulement le promoteur réclame les frais de deux experts dont les rapports n'ont pas été produits, qui n'ont pas témoigné et dont le statut d'experts n'a pas été reconnu, mais il se permet sans gêne d'exiger tous les frais et honoraires de la firme SNC (plus de 500 000 $) alors même que les suivis sonores et de plaintes de résidents étaient exigés à la défenderesse par le décret gouvernemental, ce qu'elle a d'ailleurs reconnu dans sa défense. Une situation inusitée vu l'ampleur des sommes en jeu.
Aux yeux des demandeurs et de Claude Charron du Comité des riverains du projet éolien de L'Érable, la tactique du promoteur est claire. Protéger le modèle d'affaire de l'industrie éolienne en décourageant les citoyens qui voudraient contester devant les tribunaux l'arrivée des futurs parcs éoliens qui sont appelés à être implantés par des firmes privées dans des territoires habités.
Les demandeurs ont répliqué le 17 avril dernier par le dépôt d'une procédure en rejet de l'état des frais de justice jumelée à une déclaration d'abus. La procédure sera entendue par un juge de la Cour supérieure au Palais de justice de Victoriaville au cours des prochains mois.
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La marche pour mettre fin à l’ère du plastique, menée par les peuples autochtones et les leaders des communautés touchées, montre comment le plastique empoisonne les gens tout au long de son cycle de vie

Les membres de Break Free From Plastic et leurs allié.e.s réclament pacifiquement une approche du traité sur le plastique fondée sur les droits de la personne, à l'approche de la 4e session de négociation
21 avril 2024 | tiré de Greenpeace Canada
Ottawa, Canada | Territoire traditionnel et non cédé du peuple algonquin Anishinaabeg — Aujourd'hui, des centaines de leaders de communautés touchées et d'expert.e.s du monde entier se sont rassemblé.e.s dans les rues d'Ottawa avant la quatrième session du Comité intergouvernemental de négociation (CIN-4) pour faire avancer un traité sur le plastique, marquant ainsi un moment décisif pour le traité mondial sur le plastique.
Des leaders autochtones, des groupes communautaires de première ligne, des militant.e.s pour le climat, des jeunes leaders, des professionnel.le.s de la santé, des ramasseur.euse.s de déchets, des défenseur.e.s de l'environnement, des scientifiques et des allié.e.s de la société civile venu.e.s de tous les continents se sont rassemblé.e.s et ont marché de la Colline du Parlement au Shaw Center pour délivrer un message unifié : la pollution engendrée par l'ensemble du cycle de vie du plastique menace la vie humaine et nos droits fondamentaux à la santé et à l'environnement, et contribue de manière significative à la crise climatique — en particulier pour les communautés racialisées, autochtones, de première ligne et défavorisées, notamment dans les pays du Sud.
En marchant ensemble pacifiquement dans les rues d'Ottawa avant les négociations, les membres du mouvement Break Free From Plastic et leurs allié.e.s veulent rappeler aux négociateur.rice.s leurs obligations de protéger les droits de la personne, la santé humaine, l'environnement et le climat. Le processus de négociation du traité vise à établir un instrument juridiquement contraignant pour débarrasser le monde de la pollution plastique sur l'ensemble du cycle de vie, y compris une réduction drastique de la production de polymères plastiques primaires. La mobilisation de masse à Ottawa est le moyen pour la population de faire savoir aux négociateur.rice.s que nous n'attendrons pas silencieusement en marge pendant que les entreprises pétrochimiques travaillent avec les gouvernements des pays producteurs de combustibles fossiles pour échanger les communautés contre des « zones de sacrifice » une fois de plus.
L'ensemble du cycle de vie du plastique se fait au détriment de la santé publique et des droits de la personne, la production de plastique jouant un rôle important dans l'aggravation de la crise climatique. Le mandat de négociation du traité convenu en mars 2022 lors de l'Assemblée des Nations unies pour l'environnement (ANUE) a constitué une avancée décisive. Il est maintenant temps pour les gouvernements de choisir le type d'impact que ces négociations auront sur notre avenir commun.
« Nous sommes ici pour exiger des délégué.e.s qu'ils.elles négocient un traité qui tienne les promesses de la résolution 5/14 de l'ANUE, c'est-à-dire des mesures qui portent sur l'ensemble du cycle de vie du plastique, en commençant par la production de plastique et donc, de polymères. Les délégué.e.s doivent agir comme si nos vies en dépendaient, car c'est le cas », a déclaré Daniela Duran Gonzalez, chargée de campagne juridique au Centre pour le droit international de l'environnement. « Nos objectifs climatiques, la protection de la santé humaine, la jouissance des droits de la personne et les droits des générations futures dépendent tous de la capacité du futur traité sur le plastique à contrôler et à réduire les polymères afin de mettre un terme à la crise de la pollution plastique. »
Les groupes de la société civile ont dressé une liste de demandes clés (en anglais) à l'intention des délégué.e.s de la conférence INC-4 en mettant l'accent sur une approche fondée sur les droits de la personne pour la négociation du traité sur le plastique, notamment en centrant les connaissances, les voix et les expériences des personnes vivant en première ligne de la crise, des peuples autochtones, des travailleur.euse.s, des jeunes et d'autres groupes détenteurs de droits.
Ces demandes visent à garantir que le traité contienne des dispositions permettant de faire face à la crise tout au long du cycle de vie du plastique, en reconnaissant que le cycle de vie commence avec l'extraction des matières premières et couvre la production de plastique et et de leurs précurseurs. Le soutien aux systèmes de réutilisation non toxiques est la principale solution défendue par les groupes de la société civile, y compris ceux qui vivent à la périphérie de l'industrie et qui subissent les pires impacts de la crise, ainsi qu'une réglementation stricte sur le commerce des déchets plastiques afin de mettre fin au colonialisme des déchets.
« Les enfants et les jeunes comme moi sont ceux qui souffrent le plus de la pollution plastique, et nous sommes reconnu.e.s comme un groupe vulnérable », a déclaré Aeshnina ‘Nina' Azzahra, fondatrice de River Warrior Indonesia. « Nous voulons tous que notre environnement soit exempt de plastique, mais s'il vous plaît, ne mettez pas votre fardeau sur l'autre côté du monde. Ce n'est PAS juste. En tant qu'adultes qui viennent à Ottawa pour négocier le traité sur le plastique, vous devez protéger nos droits à vivre dans un environnement sain et sûr. »
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Contacts médias :
– Brett Nadrich (É-U & Canada) : brett@breakfreefromplastic.org | +1 929 269 4480
– Caro Gonzalez (Global) : caro@no-burn.org | +1 646 991 1013
CIN-4 : Greenpeace réagit au manque d'ambition du ministre Guilbeault lors des négociations sur le traité mondial sur le plastique à Ottawa
Laura Bergamo
OTTAWA – En réaction au ministre Steven Guilbeault qui a déclarédurant la quatrième séance du Comité intergouvernemental de négociation (CIN-4) qu' « un plafond sur la production de plastique pourrait être trop compliqué », Patrick Bonin, responsable de la campagne climat-énergie, a déclaré :
« Alors que nous avons besoin d'un leadership fort de la part du Canada, nous observons le ministre Guilbeault girouetter publiquement quant à la position du Canada en matière de réduction de la production de plastique. Remettre en question la validité d'un plafond sur la production de plastique est en décalage avec la Coalition de la haute ambition dont le Canada fait partie, avec ce que la population et les scientifiquesdemandent, ainsi qu'avec ses propres engagements à protéger la biodiversité et à limiter le réchauffement planétaire à 1,5C. En tant que pays hôte de cette session de négociations pour un traité mondial sur le plastique, le Canada doit soutenir des mesures ambitieuses, et non pas les saper comme il le fait actuellement. »
Notes aux éditeur·rices :
Hier, Greenpeace Canada a augmenté la pression sur les délégations de l'ONU, en livrant une « Usine mondiale de plastique » aux portes du Centre Shaw, où se déroulent les discussions sur un traité mondial sur les plastiques. Une activiste pacifique de Greenpeace a été arrêtée alors qu'elle dénonçait l'inaction des gouvernements mondiaux et la nécessité d'un Traité plastiques fort qui adresse le cycle de vie complet du plastique et permet de réduire la production de plastique.
(...)
La note d'information de Greenpeace Canada sur le CIN-4 est disponible ici.
À propos de Break Free From Plastic – #breakfreefromplastic est un mouvement mondial qui envisage un avenir sans pollution plastique. Depuis son lancement en 2016, plus de 2 000 organisations et 11 000 sympathisant.e.s individuel.le.s du monde entier ont rejoint le mouvement pour exiger des réductions massives des plastiques à usage unique et pousser pour des solutions durables à la crise de la pollution plastique. Les organisations et les individus membres du BFFP partagent les valeurs de la protection de l'environnement et de la justice sociale et travaillent ensemble dans le cadre d'une approche holistique afin d'apporter un changement systémique. Cela signifie qu'il faut s'attaquer à la pollution plastique tout au long de la chaîne de valeur du plastique – de l'extraction à l'élimination – en se concentrant sur la prévention plutôt que sur la guérison, et en fournissant des solutions efficaces. www.breakfreefromplastic.org
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Un 737 peut en cacher un autre

Longueuil, 26 avril 2024.- Aujourd'hui, la demande de sursis de CHRONO Aviation pour ses vols de nuit à l'aéroport Saint-Hubert vient d'être rejetée par la cour fédérale . Cependant, cela pourrait n'être qu'une demi-victoire pour tous les riverain.e.s, qui se battent depuis des années pour faire reconnaître les préjudices subis et reconnus par le juge qui reproche à CHRONO de ne pas avoir cherché « diverses solutions de rechange, par exemple la modification des horaires de vol, l'utilisation d'appareils moins bruyants pour une partie du trajet… » Pour la Coalition Halte-Air St-Hubert, cela signifie que des vols juste avant 23h ou avec un autre appareil, par exemple, pourraient se poursuivre.
Même si la question économique a primé dans sa décision, le juge écrit : "l'intérêt du public à la réduction du bruit occasionné par les activités de l'aéroport favorise le rejet de la demande de sursis". Le juge reconnaît aussi que Saint-Hubert est "un aéroport enclavé dans un milieu urbain" et qu'il est « entouré de quartiers résidentiels ».
Ainsi donc, oui, les citoyen.ne.s existent !
Le juge fait même remarquer que « l'Association du transport aérien du Canada […] exprime sa surprise devant « l'utilisation de nuit d'un aéronef dont l'empreinte sonore très élevée est bien connue ». Pour la Coalition, cela montre bien que cet aéroport, sous la direction de l'équipe de Charles Vaillancourt qui avait signé un bail avec CHRONO Aviation, ne pouvait ignorer la gêne pour la population avoisinante des ultra-bruyants Boeing 737-200. C'est donc par manque de courage et laxisme que les gestionnaires et les responsables politiques ont permis pendant 5 ans cette pollution sonore. Il était plus que temps que cela s'arrête !
De plus, presque au même moment où cette décision est rendue, on apprend que CHRONO vient d'acquérir des 737-800 pour faire des vols de Saint-Hubert vers Iqaluit (YFB) qui a une piste asphaltée, ce qui laisserait au 737-200 la liaison entre Iqaluit et la piste en gravier de l'aérodrome de la mine Mary River, YMV. Ainsi donc, depuis des années, CHRONO Aviation avait la possibilité de se passer du 737-200 sur Saint-Hubert !
Pour la Coalition, cela signifie également que les vols nocturnes pourraient se poursuivre avec les « nouveaux » 737-800. Or, bien que légèrement moins bruyant (voir graphique à la fin), le 737-800 est un avion qui va bientôt fêter les 30 ans de son vol inaugural. On est loin des "aéronefs les plus écoresponsables et les plus silencieux sur le marché" comme le prétendent certains qui disent que l'aéroport de Saint-Hubert (YHU) va "révolutionner le modèle aéroportuaire". Pour la Coalition, les gestionnaires actuels de l'aéroport devraient méditer ce passage du jugement où il est écrit que « répéter une affirmation ne la rend pas vraie ; la faire répéter par d'autres, non plus. »
De même, « le peu de transparence de CHRONO » également souligné par le juge n'est pas sans rappeler à la Coalition le fait que DASHL/Porter n'ont jamais déposé publiquement leur projet de développement de l'aéroport avec les études pertinentes justifiant leurs prétentions, comme l'avaient réclamé deux rapports de consultations publiques en 2022.
Le développement en cours du terminal Porter Airlines, qui va accueillir à terme 4 millions de passagers, 11 000 par jour comparé à 11 000 par année actuellement, va entraîner plus de 100 vols par jour, 6 à 8 vols par heure qui viendront s'ajouter aux nombreux vols actuels : hélicoptères, écoles de pilotage, nouveaux vols de CHRONO Aviation, etc., ce qui ne sera pas sans nuisance sonore.
Et cela se fera toujours au détriment de la population riveraine de Saint-Hubert, "un aéroport enclavé dans un milieu urbain, entouré de quartiers résidentiels".
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Urgence de construire des maisons d’hébergement pour femmes victimes de violence conjugale

Bonjour,
Je vous écris aujourd'hui au nom de mes collègues et moi-même, étudiant.es <http://xn--tudiant-9xa.es> en Techniques de travail social au Cégep du Vieux Montréal. Dans le cadre de notre cours Projet d'action communautaire,
nous avons décidé de réaliser une lettre ouverte (en p.j.) concernant l'arrêt de construction des maisons d'hébergement pour femmes victimes de violence conjugale. Considérant la prise de position de la Ministre Duranceau, nous considérons nécessaire de prendre parole sur les impacts d'un tel blocage sur les femmes avec lesquelles nous allons travailler plus
tard.
Ceci est un appel à l'action, j'espère que vous l'entendrez.
Madame France-Élaine Duranceau
Ministère des Affaires municipales et de l'Habitation
Édifice Loto-Québec
500, rue Sherbrooke Ouest, 9e étage
Montréal, QC. H3A 3C6
ministre@habitation.gouv.qc.ca
Montréal, le 18 avril 2024
Objet : Urgence de construire des maisons d'hébergement pour femmes victimes de violence conjugale
Madame la Ministre de l'Habitation France-Élaine Duranceau,
“À 900 000$ la porte, le coût est excessif”. Ce sont les termes que vous, Madame la Ministre de l'HabitaFon, avez employéslors d'une mêlée de presse au courant du mois de mars 2024. En d'autres mots, à 900 000$ par nouvelle maison d'hébergement construite, vous dites que nous n'avons pas les moyens de sécuriser nos proches, nos
sœurs, nos mères et leurs enfants de contextes conjugaux violents. Selon vous, les contribuables n'ont pas la capacité de payer pour ces maisons pourtant essentielles à l'intégrité physique et psychologique de milliers de femmes. En tant que futur.es technicien.nes en travail social, que leur dirons-nous lorsque nous ne pourrons répondre à leur demande d'aide ? Quelles explications les intervenant.es doivent donner aujourd'hui, afin de justifier un refus de service ? À quel point la file d'attente pour un accès en maison d'hébergement doit s'allonger, ou pire, doit-on aXendre que
les féminicides s'additionnent pour que l'on agisse enfin ? Comment expliquer ce manque d'humanité ?
Les organismes communautaires offrant des services aux personnes victimes de violence conjugale sonnent l'alarme depuis longtemps, trop longtemps. Le Ministre de la Sécurité publique démontre que 15 000 demandes d'hébergement ont dû être refusées en 2020. À force de Frer, la sonneXe va céder. Les organismes tiennent à bout
de bras ce problème social, il est temps de les soutenir dans leur travail acharné.
Depuis plusieurs années, les intervenant.es nomment l'accompagnement psychosocial comme un élément clé à la reprise de pouvoir des victimes de violence conjugale. La porte d'entrée à des ressources sécurisantes est l'enjeu numéro 1 pour les réseaux de soutien qui débordent. Nous estimons que cela engendre une perte de confiance entre
les victimes, les institutions publiques et les organismes communautaires, en plus de négliger de manière systémique des contextes de violence graves. La population compte sur vous afin de les protéger. Fragiliser ce lien de confiance, c'est prendre le risque que des personnes s'isolent dans leur détresse. Après la vague de féminicides
connue en 2020, nous sommes conscients des tragédies que cela peut engendrer.
Nous écrivons d'ailleurs ces mots seulement une semaine après le 9e féminicide de l'année, ayant enlevé la vie à Josianne Fauchée, assassinée par son ex-conjoint.
Nous tenons à vous rappeler les engagements énoncés par votre gouvernement, en 2021, à construire davantage de maisons d'hébergement pour femmes. Les projets de construcFon sont actuellement à l'arrêt, sous prétexte que les coûts sont trop élevés. Ces coûts sont néanmoins nécessaires afin d'assurer des services adaptés : durabilité
des aménagements, espaces communs et d'intervenFons, etc. À cet effet, nous nous demandons sérieusement, Madame la Ministre de l'Habitation, à quel moment peut-on considérer qu'il coûte trop cher de mettre en place des ressources nécessaires pour éviter un nouveau féminicide ?
En attente d'actions concrètes de votre part, nous vous prions d'agréer, Madame la
Ministre de l'Habitation, l'expression de nos salutations distinguées.
Samuel Bonneau
Laurence Emond
Rosalie Levac
Zolikha Remagui Temam
Jasmine Renteria-Huerta
Delphine Vermette
Étudiant.es en techniques de travail social au Cégep du Vieux-Montréal
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Les employé-es de la SAQ en grève contre la précarité d’emploi

Québec, LE 24 AVRIL 2024 – Après plus d'un an de négociation, toujours sans entente sur les aspects normatifs de leur convention, les 5000 employé-es de la SAQ en ont assez et veulent accélérer le rythme de négociation : ils exerceront une première journée de grève aujourd'hui. À moins d'avancées significatives à la table de négociation, le débrayage pourrait se poursuivre demain
SOURCES : CSN et SEMB-SAQ–CSN
La question de la précarité d'emploi est au cœur des discussions. Le syndicat déplore que la SAQ maintienne un bassin de milliers d'employé-es à temps partiel et sur appel plutôt que de consolider l'ensemble des heures travaillées dans des postes permanents donnant notamment accès à l'assurance collective.
« C'est près de 70 % des employé-es de la SAQ qui sont à temps partiel et sur appel, qui ne savent jamais quand, ni combien d'heures, ils pourront travailler à la prochaine séquence de paye », rappelle le délégué-e du SEMB-SAQ–CSN pour Capitale-Nationale Ouest, Patrice Bourgeois. « Attendre sept années avant d'avoir accès à des assurances, ça n'a aucun bon sens en 2024, encore moins quand tu travailles pour l'État québécois. »
Pour la présidente du Conseil Central de Québec Chaudière-Appalaches, la SAQ va à contre-courant des meilleures pratiques pour attirer et retenir la main-d'œuvre. « La direction de la SAQ se plaint du fort taux de roulement de ses employé-es, mais on dirait qu'elle fait tout pour les faire fuir. Les employé-es de la SAQ ont le droit d'avoir un horaire stable, prévisible et adéquat », d'affirmer Barbara Poirier.
« La SAQ procure de grands bénéfices financiers à la société québécoise, certes. Mais il y a des limites à les faire sur le dos des travailleuses et des travailleurs », déclare Stéphanie Gratton, présidente par intérim de la Fédération des employées et employés de services publics (FEESP–CSN).
Avenir des emplois
Dans le cadre de la présente négociation, le syndicat des employé-es de la SAQ désire améliorer l'accès du personnel à la formation et augmenter le nombre de conseillers en vin et de coordonnateurs en succursale afin de renforcer le service à la clientèle.
Le personnel souhaiterait également pouvoir préparer en magasin les commandes effectuées sur Internet. À cet effet, le syndicat reproche à la direction de s'entêter à concentrer dans son centre de distribution de Montréal la préparation des commandes pour l'ensemble du Québec ; centralisation responsable des délais de livraison de cinq jours et des résultats décevants des ventes effectuées en ligne.
Par ailleurs, la partie syndicale dénonce le souhait de la direction de chercher à faciliter la fermeture de succursales de la SAQ en région afin de les remplacer par des permis privés d'agence. En plus de constituer un recul des emplois, une telle mesure viendrait miner l'offre à la clientèle en région, estiment les employé-es.
Le Syndicat des employé(e)s de magasins et de bureaux de la SAQ (SEMB-SAQ–CSN) représente les 5000 employé-es de magasins et de bureaux de la SAQ, partout au Québec. Il est affilié à la Fédération des employées et employés de services publics (FEESP–CSN), qui compte plus de 425 syndicats affiliés représentant 65 000 membres œuvrant dans le domaine des services publics et parapublics. Forte de 330 000 membres, la Confédération des syndicats nationaux (CSN) est présente dans l'ensemble des régions du Québec et ailleurs au Canada.
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Une nouvelle PCD n’améliorera pas le réseau de la santé sans amélioration des conditions de travail des professionnelles en soins

La Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec–FIQ lance un premier message à la nouvelle présidente et cheffe de la direction (PCD) de Santé Québec : « Nous espérons que Mme Geneviève Biron, la nouvelle PCD de l'agence Santé Québec, comprend le poids immense qui repose sur ses épaules, car ce n'est pas une énième réforme de la structure du réseau qui va le rendre plus efficace : le ministre peut secouer les colonnes du temple autant qu'il le veut, si les professionnelles en soins quittent pour le privé à cause des horribles conditions de travail, ça ne donnera rien » affirme Julie Bouchard, présidente de la FIQ.
Un plaidoyer pour un véritable réseau public de santé
La croissance de la place du privé en santé est une préoccupation majeure, encore plus avec l'adoption de la Loi sur l'efficacité dans le RSSS. Nous souhaitons mettre en garde la nouvelle PCD des risques associés à cette ouverture. À titre d'exemple, les conséquences désastreuses de la réforme Barrette auraient dû suffire pour allumer les lumières rouges du tableau de bord de Christian Dubé. C'est une réforme Barrette 2.0, où l'on ne touche essentiellement qu'aux structures. C'est très inquiétant, puisque cela menace l'universalité du réseau et l'affaiblit encore plus.
Comme nouvelle gestionnaire, la PCD de cette méga-agence doit se montrer à l'écoute des travailleuses du réseau dès maintenant. Elle doit aussi poser des gestes concrets pour améliorer significativement les conditions de travail au sein du réseau public afin de contrer l'exode des professionnelles en soins dans le privé. À travers tous ces changements, la FIQ s'attend à ce que la nouvelle PCD :
– S'assure de l'accessibilité des soins à tous les patient-e-s sur tout le territoire ;
Impose une directive à ses gestionnaires visant à limiter le TSO à des situations urgentes et exceptionnelles ;
– Donne des directives à ses gestionnaires de fournir de la stabilité et des semaines de travail prévisibles aux professionnelles en soins ;
– Favorise un meilleur accès à des mesures permettant une meilleure conciliation travail-famille à travers le réseau et donne les outils nécessaires aux gestionnaires pour la mettre en place ;
– Respecte les différentes réalités des régions malgré l'uniformité que sous-entend un employeur unique, car la gestion de proximité est primordiale dans le réseau de la santé ;
– Respecte l'expertise des professionnelles en soins.
« Ce sont des défis de taille auxquels la nouvelle cheffe de l'agence Santé Québec devra faire face et la FIQ compte bien se tenir aux premières loges du déploiement de la réforme Dubé afin d'en dénoncer les aberrations », ajoute madame Bouchard. Rappelons que personne ne voulait de cette réforme qui nous éloigne des vraies priorités du réseau soit l'attraction du personnel, l'accessibilité et l'universalité des soins. Ce projet de loi a été adopté, sous le bâillon, in extremis en décembre dernier. Cette transformation sans précédent du réseau de la santé aura des conséquences majeures et la FIQ s'attend à ce que la nouvelle PCD respecte les conditions de travail de ses 80 000 membres. Elle devra aussi faire en sorte que le réseau de la santé public devienne un employeur de choix afin d'attirer et de retenir les professionnelles en soins du RSSS.
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Circuit électrique et Hitachi : deux nouveaux pas franchis dans la privatisation d’Hydro-Québec

« Après la confirmation de l'abandon de la filière éolienne au privé et du projet de loi du ministre Fitzgibbon qui ferait éclater le monopole d'Hydro-Québec dans la distribution d'électricité, personne n'est surpris par ces deux mauvaises nouvelles. Il est clair que, mois après mois, le gouvernement Legault passe lentement mais sûrement le rouleau compresseur sur un pan emblématique de la Révolution tranquille. C'est essentiellement pour offrir des cadeaux monumentaux à des multinationales, envers et contre les intérêts du Québec », de marteler Patrick Gloutney, président du SCFP-Québec.
« Dans le cas du Circuit électrique, on voit qu'après avoir subventionné la mise en place du réseau de bornes de recharge, le gouvernement veut le brader au privé : dépenses publiques, profits privés. Il faut s'attendre à des hausses de tarifs exorbitantes ainsi qu'à l'abandon de secteurs et régions moins peuplées du Québec. En ce qui concerne Hitachi, on va financer le privé pour qu'il vide encore un peu plus Hydro-Québec de son expertise et de sa capacité à contrôler ses coûts », d'ajouter Patrick Gloutney.
Au cours des derniers mois, les syndicats d'Hydro-Québec affiliés au SCFP ont sonné l'alarme en lançant une campagne publique sur les impacts de la privatisation d'Hydro-Québec.
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Les syndicats du Canada réclament Un travail en toute sécurité !

Alors que les travailleurs et travailleuses de partout au pays se préparent à souligner le Jour de deuil national le 28 avril, les syndicats du Canada demandent aux employeurs et aux gouvernements de donner la priorité à la sécurité au travail. Le thème de cette année pour « Un travail en toute sécurité ! » est un appel à l'action pour les employeurs et les gouvernements afin qu'ils assurent véritablement la sécurité du travail et des lieux de travail pour tous les travailleurs et travailleuses.
« Il y a encore trop de travailleurs qui meurent, se blessent ou deviennent malades en raison de leur travail et, chaque année, ces nombres ne diminuent pas. C'est inacceptable parce que tous les décès et toutes les blessures peuvent être évités. Les employeurs et nos gouvernements ne prennent pas de mesures suffisantes pour assurer la sécurité des travailleurs et travailleuses au travail. Les travailleurs et leurs proches ne peuvent pas se permettre d'attendre », explique Bea Bruske, présidente du CTC. « Quand vous connaissez la situation, vous devez l'améliorer. La Loi Westray est entrée en vigueur il y a vingt ans. Il est grand temps pour le Canada d'améliorer la sécurité de tous. »
Cette année marque le 20e anniversaire de la Loi Westray. À la suite de la tragédie de la mine Westray, les syndicats du Canada – dirigés par le Syndicat des Métallos – ont fait pression pour obtenir des changements afin que les employeurs puissent être condamnés pour négligence criminelle. En 2004, les articles Westray du Code criminel du Canada sont entrés en vigueur, permettant de tenir les entreprises criminellement responsables de la mort ou des blessures d'un employé au travail.
Toutefois, depuis son adoption, très peu d'accusations criminelles ont été portées en raison d'une application inadéquate et insuffisante de la loi. Les employeurs ont été condamnés à des amendes, que les grandes entreprises peuvent facilement payer. Les dirigeants politiques continuent de se plier aux intérêts du milieu des affaires en affaiblissant la législation sur la santé et la sécurité, tant au niveau provincial que fédéral.
Dans l'ensemble du Canada, en 2022 – l'année la plus récente pour laquelle des statistiques sont disponibles – il y a eu 993 décès en milieu de travail et 348 747 demandes d'indemnisation pour perte de temps acceptées par les commissions d'indemnisation des accidents du travail.
« Nous savons que ces chiffres ne représentent que la pointe de l'iceberg. De nombreuses blessures, de maladies et même de décès dus au travail ne sont pas inclus dans ces chiffres. Mais saviez-vous que vous êtes cinquante pour cent plus susceptible d'être tué en raison d'un incident sur le lieu de travail que par homicide ? Et lorsqu'une personne meurt par homicide, quelqu'un est tenu criminellement responsable. Alors pourquoi tant de travailleurs meurent-ils encore au travail alors que des employeurs potentiellement négligents poursuivent leurs activités comme si de rien n'était ? Une petite tape sur les doigts ne dissuadera pas les patrons négligents qui placent les profits avant les gens. La vie et la santé d'une personne valent plus qu'une amende insignifiante, qui n'est pas une conséquence acceptable », ajoute madame Bruske.
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Loi 21 : la FAE en appelle à la Cour suprême du Canada

À la suite de l'arrêt de la Cour d'appel rendu en février 2024, concernant la contestation de la Loi sur la laïcité de l'État (Loi 21), la FAE a décidé d'en appeler de ce jugement. Ainsi, elle a déposé une requête pour permission d'en appeler à la Cour suprême du Canada.
La FAE a non seulement la responsabilité de défendre les droits de ses membres, à plus forte raison leurs droits fondamentaux, elle a le devoir de le faire. Il faut se méfier de la distortion qui est actuellement faite des chartes, canadienne et québécoise, et de la facilité avec laquelle les parlements suspendent nos droits fondamentaux en utilisant excessivement les clauses dérogatoires.
C'est quoi, les clauses dérogatoires ?
Les clauses dérogatoires (ou nonobstant) sont incluses dans l'une et l'autres des chartes des droits et libertés (art. 33 de la Charte canadienne et art.52 de la Charte québécoise) et permettent aux parlements, sous certaines conditions, de supplanter, de contourner ou de suspendre temporairement certains droits de l'une ou l'autre des chartes.
La FAE n'est pas contre l'utilisation des clauses dérogatoires. Elle souhaite néanmoins que leur utilisation soit balisée. Cette utilisation devrait être faite avec parcimonie et de manière exceptionnelle. Un parlement qui y recourt devrait pouvoir démontrer que son objectif est clair et urgent. Là est l'un des principaux écueils de la Loi 21.
Une situation qui dépasse le Québec... et la laïcité
Si, au départ, la FAE a entamé cette démarche pour, notamment, défendre le droit au travail de nos membres, la banalisation de l'utilisation de la clause dérogatoire par plusieurs parlements provinciaux nous donnent malheureusement raison d'être inquiets.
En effet, dans les dernières années au Canada, on a vu plusieurs cas de clauses dérogatoires utilisées sans avoir l'obligation de démontrer un objectif réel et urgent. Par exemple, le parlement ontarien a suspendu la liberté d'association en 2022, alors qu'en Saskatchewan, le parlement a invoqué la disposition de dérogation pour empêcher les enfants de moins de 16 ans de changer de prénom ou de pronom à l'école, sans le consentement de leurs parents.
Qui plus est, juste au sud de nos frontières, des états américains sont venus restreindre, voire dans certains cas interdire, le droit à l'avortement. Des personnes enseignantes risquent maintenant des mesures disciplinaires si elles affichent leur appartenance à la communauté LGBTQ2+, notamment en Floride, alors qu'on est aussi venu interdire, non seulement en Floride, mais aussi dans certains états, de parler des réalités LGBTQ2+ à l'école. Il est évident que le Québec ou le Canada ne sont pas à l'abri de tels reculs des droits fondamentaux. Il est primordial de demeurer vigilants.
Que propose la FAE ?
La FAE n'a aucunement l'intention de se substituer à la Cour suprême du Canada pour établir les balises encadrant le recours aux clauses dérogatoires. Toutefois, par l'entremise de ses procureurs, elle soumet que, pour que le recours aux clauses dérogatoires soit valide, le parlement doit démontrer que l'objectif recherché en est un qui soit réel et urgent, et qu'une ou un citoyen en fasse la demande.
Comme actrice d'évolution et de transformation sociale, la FAE peut jouer un rôle fondamental afin de faire évoluer le droit. C'est l'ensemble des citoyennes et citoyens qui seraient mieux protégés si la Cour suprême se rangeait à nos arguments.
Pourquoi la FAE se rend-t-elle à la Cour suprême du Canada dans ce dossier ?
La FAE savait depuis le début de ce processus que ce dossier pouvait se rendre en Cour suprême du Canada, puisque cette Cour est la seule, ultimement, à pouvoir modifier les règles de droit qu'elle a elle-même établies pour l'utilisation des clauses dérogatoires.
Combien de temps durera cette démarche ?
La FAE avait jusqu'au 29 avril 2024 pour déposer une requête de permission d'en appeler à la Cour suprême du Canada. Cette dernière peut prendre jusqu'à environ deux mois pour décider d'entendre la FAE.
Le cas échéant, les parties auront deux mois pour déposer leur mémoire respectif.
Par quels processus démocratiques la FAE a-t-elle décidé d'aller de l'avant dans ce dossier ? Les membres ont-ils été consultés ?
Puisque les droits des membres sont remis en question par la Loi 21, la FAE avait l'obligation de les défendre. De plus, le Congrès de 2013 s'est prononcé en faveur de la défense des droits acquis de ses membres, comme des autres travailleuses et travailleurs des secteurs public et parapublic, de porter des vêtements ou des accessoires ayant une connotation religieuse ou culturelle, à moins que ceux-ci ne contreviennent aux règles de base du professionnalisme et de sécurité qui régissent déjà l'exercice des différents métiers et professions concernés.
Enfin, à chacune des étapes, la FAE a fait état de ses démarches lors d'instances, notamment de son Conseil fédératif, qui décide des affaires de la Fédération.
La FAE est-elle contre les clauses dérogatoires ?
Non. Toutefois, les clauses dérogatoires devraient être utilisées avec parcimonie et exceptionnellement. Un parlement qui y recourt devrait pouvoir démontrer que son objectif est clair et urgent.
Que sont les clauses dérogatoires ?
Les clauses dérogatoires (ou nonobstant) sont incluses dans l'une et l'autre des chartes des droits et libertés (art. 33 de la Charte canadienne et art. 52 de la Charte québécoise) et permettent aux parlements, sous certaines conditions, de supplanter, de contourner ou de suspendre temporairement certains droits de l'une ou l'autre des chartes.
Quels critères/balises propose la FAE ?
La FAE n'a aucunement l'intention de se substituer à la Cour suprême du Canada pour établir des balises. Toutefois, par l'entremise de ses procureurs, la FAE soumet que, pour que le recours aux clauses dérogatoires soit valide, le parlement doit démontrer que l'objectif en est un qui soit réel et urgent.
Pourquoi la FAE ne se concentre-t-elle pas sur la signature de la nouvelle convention collective ?
La FAE a toujours géré plusieurs dossiers stratégiques en même temps. L'équipe de négociation de la FAE travaille à temps plein sur la rédaction des textes de la prochaine Entente nationale. La poursuite du dossier portant sur la Loi 21 n'interfère, ne nuit ou ne ralentit d'aucune façon la négociation nationale.
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L’amour de/dans la révolution. Lire Alexandra Kollontaï

Mara Montanaro discute le dernier livre d'Olga Bronnikova et Matthieu Renault, qui vient de paraître aux éditions La Fabrique : Kollontaï. Défaire la famille. Refaire l'amour.
Tiré de la revue Contretemps
26 avril 2024
Par Mara Montanaro
Constellations féministes marxistes révolutionnaires
Nous avons besoin de produire nos généalogies, nos constellations féministes marxistes révolutionnaires : l'objectif étant celui de transformer radicalement le présent et d'inventer un futur, ce qui revient à avoir ou à réécrire un passé dans lequel nous pouvons inscrire, nous reconnaître.
La rencontre entre le féminisme et le marxisme, loin d'être un « mariage malheureux » pour citer le célèbre article de Heidi Hartmann de 1979, est la seule critique valable de la dévastation néolibérale. Or, s'il est plus que jamais urgent d'interroger et réfléchir sur les rapports entre oppression et exploitation, et notamment sur la manière dont le système capitaliste a intégré et profondément modifié les structures patriarcales, encore si la question centrale pour les féminismes marxistes est l'invisibilisation de ce différentiel d'exploitation qui comprend toutes ces activités non reconnues ou méconnues, très mal rémunérées, stratégiquement considérées comme improductives caractérisant la grande fabrique de la reproduction sociale, (la clé du cours et du dis-cours capitaliste, condition de possibilité de toute production), seule Alexandra Kollontaï, « la plus authentique représentante du féminisme bolchevique » (p. 275) a placé l'amour, les fibres de l'amour en révolution au centre de ses préoccupations.
Défaire la famille, refaire l'amour. Tel est le sous-titre de cette magnifique biographie de la pensée d'Alexandra Kollontaï, signée Olga Bronnikova et Matthieu Renault et publiée en mars aux éditions La Fabrique. Les auteur.e.s, avec une écriture claire et raffinée qui allie une analyse des textes théorico-politiques à une étude précise du contexte historique, ont fait le choix de suivre l'itinéraire révolutionnaire de Kollontaï de la révolution de 1905 à 1923, date à laquelle elle quitte la Russie pour entamer sa carrière diplomatique.
Il s'agit de la première biographie intellectuelle de Kollontaï (1872-1952) en langue française. Une biographie passionnante qui nous invoque et nous convoque, nous éclairant sur sa vie, ses lectures, ses voyages (choisis et forcés) tout en étant rigoureuse, historiquement et philosophiquement, dans l'analyse de sa pensée et le choix des textes de l'autrice.
L'ouvrage s'ouvre avec un prologue, « A propos d'un verre d'eau », puis 7 chapitres : 1. (Pré)histoire de la famille bourgeoise, 2. Féminisme ou marxisme, marxisme et féminisme, 3. L'amour en crise, 4. Révolution dans la reproduction, 5. La voix des femmes ? 6. Érotiques communistes, 7. Bioproductivisme, conclu par un épilogue : « Communaliser la nature humaine ».
Cet ouvrage a le grand mérite non seulement de contribuer à la construction d'une constellation féministe marxiste révolutionnaire, de restituer la trajectoire révolutionnaire d'Alexandra Kollontai dans « les années rugissantes de la révolution bolchevique », mais également de souligner son « inactualité intempestive » (p. 21).
Reprendre le fil de la révolution, mais avec les yeux et les attentes de Kollontai, c'est redonner à sa figure la centralité qui lui a été refusée par ses camarades du parti bolchevique et par l'historiographie ultérieure.
Bolchevique, elle a été commissaire du peuple à l'Assistance publique dans le premier gouvernement soviétique. Encore, elle a été la première femme du gouvernement révolutionnaire présidé par Lénine. Militante révolutionnaire, dirigeante de l'Opposition ouvrière au début des années vingt, Alexandra Kollontaï a théorisé l'auto-émancipation des femmes tout comme l'auto-émancipation de la classe ouvrière toute entière. Comme l'écrivent les auteur-es :
« Il ne peut y avoir d'émancipation, à présent, de la classe ouvrière toute entière, qu'à condition que cette dernière participe étroitement, dirige même la construction des formes économiques, politiques et sociales qui rendront possible cette émancipation, laquelle ne mérite donc ce nom qu'à condition d'être une auto-émancipation » (p. 192).
Marxiste, elle était convaincue que seule la révolution socialiste pouvait créer les conditions nécessaires à la libération des femmes, mais et – cet élément a été toujours l'apport le plus radical et le plus difficile à être saisi – elle soulignait que l'indépendance économique, bien qu'indispensable, n'était pas suffisante pour assurer aux femmes leur totale émancipation qui devait nécessairement passer par une révolution aussi sexuelle et la désagrégation de la famille bourgeoise dans sa structure et superstructure, ce que les auteur-e-s, avec une formule très puissante, définissent comme un communisme des sexes.
Autrement dit, Kollontaï était consciente du fait que l'on ne peut pas considérer les rapports des sexes comme une sous-section du programme révolutionnaire, c'est-à-dire que « la lutte pour l'égalité hommes-femmes sur le plan économique et sociale et la réinvention des formes de l'amour et de la sexualité sont indissociables » (p. 20).
Révolutionner la vie quotidienne
Daniel Bensaïd, avec sa radicalité joyeusement mélancolique, l'avait parfaitement résumé dans cette phrase : « l'oppression existait avant le capitalisme. Elle ne disparaîtra pas instantanément avec lui, sans une lutte spécifique relevant d'un autre registre temporel. D'où l'autonomie nécessaire du mouvement d'émancipation des femmes » (p. 145, « Le sexe des classes », in D. Bensaid, La discordance des temps, Paris, Les éditions de la Passion, 1995).
Or, qu'y a-t-il de plus révolutionnaire pour l'auto-émancipation des femmes qu'une transformation radicale de la vie quotidienne ? Ce qui revient à souligner « la nécessité d'une connexion et d'une conjonction étroites entre révolution dans la production (les grandes choses) et révolution dans la reproduction (les petites choses), comme deux processus enchevêtrés, appelés à se renforcer mutuellement, dialectiquement … où à échouer de concert » (p.152-154).
Or, pour révolutionner la vie quotidienne il faut se confronter aux piliers (ou faire trembler ?) que sont la sexualité et la famille, car le personnel est toujours politique. Avant de poursuivre, j'aimerais aussi souligner que le grand mérite des auteur-e-s consiste dans le fait de nous restituer, non seulement, toute la complexité d'une vie féministe révolutionnaire, mais aussi de nous faire découvrir des « perspectives révolutionnaires que l'histoire a effacé, qui se sont érodées ou ont été étouffées ou refoulées avant d'avoir pu se concrétiser, et qui, certaines, mériteraient d'être réactualisées, réactivées, intempestivement » (p. 21)
J'ai donc fait le choix de me concentrer sur quelques-unes des perspectives révolutionnaires qui, à mon sens, nous permettent de saisir l'actualité de Kollontaï pour notre présent et nos luttes : ses réflexions sur les communautés agraires, sa conception de l'amour-camaraderie, une fois démantelé le carcan de la propriété (privée), la socialisation de la reproduction.
Je signale, au passage, que les auteur-e-s montrent aussi parfaitement les points aveugles ou problématiques de sa pensée, notamment sur les questions de la maternité et de la prostitution tout en tenant compte de l'historicité de ces analyses. Or, dans ces Conférences sur la libération des femmes de 1921 (trad. B. Spielman, Paris, La Brèche, 2022), Kollontai se plonge dans la situation des femmes dans le communisme primitif ainsi que dans les communautés agraires primitives et affirme « la terre et les femmes étaient les sources premières et essentielles de toute richesse ; elles créaient et perpétuaient la vie et quiconque blessait une femme blessait aussi la terre ».
En lisant cette phrase du 1921 on ne peut manquer de penser à l'idée-force du corps-territoire, concept collectif avancé par les féminismes communautaires latino-américaines. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si des féministes marxistes comme Federici, Mies et Dalla Costa ont déplacé leurs réflexions sur le rapport entre reproduction et terre. Les femmes restent les principaux agents/sujets de la reproduction humaine dans toutes les régions du monde. Le corps est une puissance dont l'histoire de sa connexion avec la terre, avec la nature, a été mutilée.
Le corps-territoire est à la fois une idée-force, une catégorie d'analyse, un lieu d'énonciation, une méthode/perspective de lutte qui permet de vivre et d'expérimenter un rapport différent au corps, un corps entendu comme puissance, terrain de résistance à toute forme d'oppression et d'exploitation. Il s'agit d'appréhender le corps avec ses mémoires, ses conditions, ses situations, ses états, ses temporalités, ses/son territoire, sa communauté puisque lorsque les lieux, les territoires sont v(i)olés, les corps le sont aussi. Kollontaï en était consciente déjà en 1921.
Cela étant précisé, comme l'affirment Bronnikova et Renault, la mobilisation par Kollontai du mythe gynocratique[1] en termes révolutionnaires dans les conférences à l'Université Sverdlov ne peut pas être comprise sans prendre en compte toute une série de réflexions sur l'inévitable dissolution/désagrégration de la famille bourgeoise qui puisent leurs racines dans les analyses de Marx et Engels.
Dans son premier ouvrage consacré au problème féminin, Les bases sociales de la question féminine (1909) en s'appuyant sur l'argumentation d'Engels, Kollontai analyse la crise de la famille dans toutes les classes de la société. Plus tard, en 1921, dans un article publié dans Kommunistka, portant le titre « Thèses sur la morale communiste dans le domaine des relations conjugales », elle s'attache à montrer alors l'historicité du lien entre la propriété privée et la famille sous le mode de production capitaliste.
Cela signifie, en concluent les auteur-e-s, « non seulement que l'abolition de la propriété privée signera la mort de la famille bourgeoise, mais aussi, et dialectiquement, que les attaques portées contre les structures familiales et la morale conjugale et sexuelle qui leur est consubstantielle sont partie intégrantes de la lutte du prolétariat. Le combat doit être mené sur les deux plans simultanément » (p. 69). Or ce passage me semble fondamental pour comprendre ce qui reste le propos le plus radical et le plus difficile à saisir de Kollontai : l'amour-camaraderie ou avec les mots des auteur.e.s son communisme érotique.
L'amour libre et ses conditions
Si la révolution est le démantèlement total du système capitaliste avec son carcan de la propriété privée, l'amour aussi est à réinventer. Et réinventer l'amour depuis une perspective marxiste signifie le soustraire à l'illusion d'une perspective bourgeoise qui prônait l'amour libre sans tenir compte des conditions matérielles de vie.
Comme reconstruisent parfaitement les auteur-e-s pour Kollontai – et il me semble aussi un élément fondamental pour une constellation féministe marxiste : le sien était un féminisme véritablement prolétarien, que l'on pourrait traduire par l'impossibilité de penser un « Nous, les femmes » homogène, fictionnel et structuré sur un fantasme universel bourgeois, eurocentrique ; donc la nécessité d'un « Nous, les femmes » qui part de nos singularités et de nos conditions matérielles, et pose la classe au centre d'autres oppressions.
Ainsi, l'amour libre ne peut devenir, selon Kollontai, « une réalité pour les femmes des classes populaires, que dans le cadre d'une réforme radicale dans le domaine des rapports sociaux, une transformation radicale des rapports de production » (p. 95). L'amour-camaraderie telle qu'elle l'envisage depuis une perspective prolétarienne signifie non seulement sortir d'une logique capitaliste et bourgeoise d'amour-propriété mais aussi considérer la révolution sexuelle, une nouvelle morale sexuelle comme une des dimensions constitutives et non secondaires de la révolution sociale. Avec les mots des auteure-s :
« l'amour-camaraderie est, pour Kollontai, moins une fin qu'un moyen, en phase de transition vers le communisme, d'assurer ce qu'on peut désigner comme une accumulation primitive des affects communistes » (p. 221).
Je veux m'arrêter sur le potentiel de cette formulation, « accumulation primitive des affects communistes », car elle tient ensemble toute la beauté révolutionnaire de l'amour-camaraderie : sortir de l'amour-propriété tout comme dans le leurre toujours bourgeois d'un amour libre (qui évacue toute la complexité du réel : pour qui, dans, et à quelles conditions un amour libre est-il possible ?).
« Un homme quand bien même s'évertue-t-il à combattre la propriété privée, il demeure puissamment attaché à ce qu'il considère être son droit de propriété originel et naturel : la propriété de la femme » (p. 211). L'amour-camaraderie devient alors une arme pour la révolution. Il est aussi et surtout un amour-devoir vers la collectivité, ce qui signifie, une manière d'être en relation dans la multitude des expériences hétérogènes possibles.
Saisir cela suppose de comprendre que « la conception kollontienne de l'amour-camaraderie n'avait pas seulement pour fonction de tracer la voie à une sexualité émancipée et à des rapports plus égalitaires entre les sexes, elle dépeignait aussi, et inséparablement, une image de la communauté future » (p. 262).
Ainsi, sous ce sillage et dans cette perspective, il faudrait lire l'actualité et l'importance de ses réflexions sur la nécessité de la socialisation des tâches reproductives. Si, comme Silvia Federici et toutes les autres féministes marxistes de Lotta femminista (Maria Rosa Dalla Costa et Leopoldina Fortunati entre autres) l'ont amplement démontré, « ils disent que c'est de l'amour, nous disons que c'est du travail non payé », les coupes dans l'État-providence, le désinvestissement dans les services, le chômage, la pauvreté, obligent de plus en plus de femmes à retourner à la maison, en se déchargeant sur elles des coûts de la reproduction sociale.
Au lieu d'édulcorer la précarité, conduisant à reproduire la subalternité et l'assujettissement, ce qui nous importe est de remettre l'accent sur une lutte générale et collective par le bas, une lutte portée vers les questions de reproduction, du contrôle de ses conditions matérielles et de son organisation. Si la reproduction est de fait le terrain stratégique de lutte contre la violence à la fois patriarcale et capitaliste, relire Kollontai aujourd'hui est aussi urgent que nécessaire pour comprendre comment la lutte collective internationale sur la reproduction implique aussi, simultanément, une lutte pour réinventer l'amour selon une perspective marxiste révolutionnaire.
Note
[1] Par mythe gynocratique nous entendons notamment la signification révolutionnaire accordée à l'hypothèse du matriarcat originel par Engels dans L'Origine de la famille, de la propriété privée et de l'État. Or, comme le montrent les auteur-es, les sources de Kollontaï sur les matriarcat primitif (Lewis H. Morgan, Ancient Society ; J.J. Bachofen, Le droit maternel) puisent sans doute dans le texte d'Engels.
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« Le Déserteur » de Dani Rosenberg

Réalisé avant le massacre perpétré en Israël par le Hamas le 7 octobre 2023 et la sale guerre toujours en cours en particulier dans l'enclave palestinienne à Gaza, « riposte militaire » interminable aux conséquences terrifiantes pour les populations civiles ( des deux côtés, palestiniennes au premier chef ), « Le Déserteur » du jeune cinéaste israélien Dani Rosenberg est percuté de plein fouet par l'ampleur de la tragédie qui se déroule sous nos yeux.
Tiré de Le café pédagogique.
Par Samra Bonvoisin
Voir la bande-annonce
Au départ, le réalisateur s'inspire de sa propre expérience : jeune soldat, il a osé une échappée de quelques heures avant de retourner au front. Aussi imagine-t-il la course folle d'un soldat de 18 ans, son héros saisi d'une impulsion irréversible, tournant le dos au champ de bataille – un village palestinien en ruines – pour rejoindre à toutes jambes, par tous les moyens de locomotion à sa disposition, Tel-Aviv. Sa ville, là où vivent son amoureuse et sa famille. La cavalcade sans frein, burlesque et drôle, la fuite éperdue et angoissée d'un jeune héros solitaire opposant sa fureur de vivre au chaos du monde et à la logique de guerre sans fin donnent au film audacieux et sensible de Dani Rosenberg une dimension politique inestimable.
*Un jeune soldat plus rêveur que déserteur*
Pris dans le mouvement incessant et l'énergie débridée d'un corps qui va plus vite que son esprit, Shlomi ( Ido Tako, visage impassible, corps de gymnaste virtuose ) risque à tout moment d'être rattrapé par la gravité de son acte de « désertion ». Il a beau se démener comme un beau diable, pédaler sur son vélo à en perdre haleine d'un « refuge » momentané à un autre, le contexte social et politique ( une ville en état d'alertes répétées, des habitants tendus entre patriotisme exacerbé et jouissance du présent, des militaires en patrouilles visibles… ), la situation violente et tragique lui saute à la figure.
Comment notre héros, bien plus rêveur que déserteur, pourrait-il concilier ses aspirations romanesques avec les impératifs guerriers de son pays ?
*De la nuit du combat aux lumières dangereuses de la ville*
Immersion immédiate dans le noir complet zébré d'éclairs, traversé par le bruit des armes. Shlomi et son petit groupe couchés dans un abri attendent la fin du repli pour reprendre le combat. La pause finie, notre jeune homme laisse le chef et son bataillon s'avancer tandis qu'il prend la direction opposée. Avec d'infinies précautions, son arme pointée devant lui, il s'éloigne à pas de loup avec une lenteur calculée d'un village palestinien ravagé et croise quelques enfants fuyant à sa vue. Puis il presse le pas jusqu'à prendre le rythme inouï de grandes enjambées accompagnées à un train d'enfer par des travellings latéraux dévoilant les paysages désolés qu'il traverse à en perdre le souffle, échappée modulée par la musique originale ( composition : Yoval Semo ) aux accents free jazz.
En atteignant Tel-Aviv, métropole affairée et trépidante, il paraît en épouser le quotidien agité et se fondre dans les dédales urbains.
Il n'en est rien, sa folle fuite ne peut s'arrêter. D'un endroit à l'autre, les problèmes existentiels se posent et, à demi-résolus, d'autres surgissent : comment se débarrasser de la tenue militaire et revêtir des habits civils ? Comment échapper aux patrouilles et aux différentes autorités militaires, services secrets compris, qui s'interrogent sur sa disparition ? Comment prendre le temps d'esquisser quelques pas de danse avec une grand-mère songeuse et trouver là un grand lit pour y dormir du sommeil profond d'un enfant épuisé de fatigue ? Comme convaincre l'amoureuse retrouvée de renoncer à son projet de départ pour l'Étranger ? Et la retrouver dans un lieu sûr pour la prendre dans ses bras sans être interrompu en plein élan ?
Comment s'y prendre pour trouver de l'argent alors que de naïfs touristes juifs français lui confient leurs affaires ( et leurs cartes de crédit ) pour un bain de mer d'où lui-même sort en maillot après un plongeon sous-marin ? Bref moment de jouissance et de répit avant un nouvel épisode qui se transforme en course-poursuite contre le voleur retrouvé en slip et détalant comme un dératé dans les rues de la cité.
*Solitude du coureur de fond : la mort aux trousses, le goût de la liberté*
En vérité, Shlomi voudrait bien prendre le temps de vivre, de dévorer à pleines dents le premier repas de plats savoureux étalés devant lui dans un bar avant qu'un nouveau danger ne le fasse quitter les lieux à bride abattue. Il faut dire que sa fuite inconsidérée s'est transformée en « affaire d'État ». Ses parents interrogés par les différents services ne savent rien, redoutent une mort annoncée. Sa mère, très contrariée, promet de ne rien dire lorsque son fils inquiet se confie puis repart sans demander son reste. En bref, lorsque la médiatisation est telle que l'hypothèse d'un kidnapping par des terroristes ( très vraisemblable, cela s'est déjà produit ) est reprise à la télévision et entraîne des représailles militaires…, l'aventure rocambolesque bascule encore et prend une tournure tragique aux prolongements insoupçonnés.
Mu par une logique de l'inachèvement, notre jeune homme fiévreux, en personnage très « premier degré », placide face aux situations les plus abracadabrantesques, à la façon de Buster Keaton ou de Jacques Tati ( tous deux chers au cinéaste ), se retrouve dans une impasse terrible.
Devenu l'acteur involontaire d'un événement national, il est filmé dans sa détresse et sa solitude assoiffées de liberté comme « un enfant qui chante dans le noir pour chasser sa peur », selon les mots du réalisateur. Même si l'arrière-plan, celui d'un film noir, laisse poindre « la réalité refoulée de l'occupation et du fanatisme religieux qui ne cesse de gagner du terrain en Israël et en Palestine », Dani Rosenberg ne lâche pas son héros aventureux et intrépide, incarnation d'une nouvelle génération que figure à sa façon le protagoniste du « Déserteur » dans « la volonté à tout prix de fuir notre existence sanglante ».
Samra Bonvoisin, Le Café pédagogique, 2024-03-24
*« Le Déserteur », film de Dani Rosenberg – sortie le 24 avril 2024 (en France)*
**
*Sélections : Prix de la critique, prix de la meilleure musique, festival de Montpellier, Compétition officielle, festival de Locarno 2023.*
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Parfois la nuit, je veille

Parfois la nuit, je veille
Je me poste à ma fenêtre et je guette
Pour surveiller l'effritement du monde.
Je tremble de rage, je tremble de peur,
Je vois la violence,
Celle des écocides,
Celle de l'exclusion,
Celle du viol,
Celle de l'oppression,
Celle de génocides,
Perpétrés dans la complicité de nos regards détournés
Celle du travail, de la normalisation,
De la course aux dollars
Celle du racisme
Celle du fascisme qui gronde derrière la porte.
Close.
Pour combien de temps ?
Pour combien de gens ?
Je tremble, oui de peur,
Oui de rage.
Mais je ne fuis pas,
Je ne reconnais pas
Que le monde est leur monde.
Je ne le leur concèderai jamais.
À chaque minute de chaque jour,
Je le revendique,
Je le fais mien
Et je lutte
Pour que CE monde soit NOTRE monde.
Manon Ann Blanchard
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Et la faim dans le monde ?

Les journaux nous apprenaient récemment que la faim s'était intensifiée dans le monde en 2023 et que près de 282 millions de personnes dans de nombreux pays étaient ainsi confrontées « à une insécurité alimentaire aiguë » ou, pour l'exprimer de façon moins prosaïque, qu'elles étaient en train de mourir de faim…
C'était 22 millions de plus qu'en 2022 et la cinquième année consécutive où l'on assistait à une telle augmentation. Quelque 600 000 d'entre elles se trouvaient d'ailleurs à Gaza, victimes du génocide en cours - un chiffre qui a depuis grimpé à plus de 1,1 million de personnes.
À moins de s'être retrouvés dans une telle situation, ce qui risque peu de nous arriver ici, nous pouvons difficilement mesurer le niveau de souffrance physique et de détresse psychologique que cela implique. Ces situations ne nous en affectent pas moins, en témoignent les très nombreuses manifestations partout dans le monde pour que cesse la famine et la tuerie de masse perpétrée par l'État d'Israël en territoire palestinien.
Nous ne sommes plus dupes, depuis le temps, des appels lancés par des ténors des organismes internationaux en vue de créer une certaine volonté politique pour mettre un terme à ces famines. Ce ne sont là que des vœux pieux, visant tout au plus à noyer le poisson dans l'eau.
Ces appels, nous le savons, témoignent d'un parti pris idéologique où l'on refuse de reconnaître l'intérêt manifeste des pays riches et des riches industriels dans le maintien et l'augmentation de leurs pouvoirs économique, technologique et politique. Cet intérêt ne les amène pas à éliminer la pauvreté ou plus généralement à protéger la vie sur la planète.
Elles les amène au contraire à perpétuer sans retenus l'exploitation des populations pauvres en entretenant les luttes, les conflits et les guerres qui servent leurs intérêts, engendrant sans état d'âme la misère des populations, des tueries, des déplacements de populations ou, dans le cas qui nous concerne, des famines – entraînant aussi, il faut le dire, les changements climatiques aussi en partie responsables de ces famines.
Oxfam, qui lutte contre la pauvreté, partage ces vues : « Il est impardonnable, écrit l'organisme, que plus de 281 millions de personnes souffrent de faim aiguë alors que les plus riches du monde continuent de réaliser des profits extraordinaires, y compris les sociétés aérospatiales et de défense qui contribuent à alimenter les conflits, principale cause de la faim ».
La question qui se pose est toujours la même, vue de notre point de vue, soit de celui des sans-voix : Que pouvons nous faire pour mettre un terme à ces famines et autres fléaux ? Et poser la question, c'est y répondre : nous ne pouvons pratiquement rien faire, nos propos, nos demandes et nos cris étant sans conséquence réelle, aussi nombreux que nous soyons à les exprimer.
Et c'est là que se pose l'importante question de la démocratie, ce vocable dont on nous rabat sans cesse les oreilles. Parce que ce terme, voyez-vous, n'a cessé d'être perçu comme quelque chose de dangereux et néfaste pour l'intérêt des élites que jusqu'à ce qu'il puisse être utilisé comme synonyme de suffrage auprès de populations rendues blasées par leur perpétuelle exclusion du domaine public.
Le suffrage n'est pas la démocratie ! Et seule la démocratie directe, la vraie démocratie en fait, nous permettra un jour, collectivement, de mettre un terme aux famines et aux guerres perpétrées dans la vaste majorité des cas dans le seul intérêt des riches et des possédants. Pour changer les choses, il faut que nos voix soient entendues ! Elles ne le seront jamais dans le contexte de sociétés capitalistes qui empêchent cette démocratie et qui nous laisse sans voix et impuissants à changer les choses.
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AfroQueer - 25 voix engagées | Livre à paraître le 7 mai |

25 portraits bouleversants et inspirants pour sortir les personnes queer et Afrodescendantes de l'invisibilité.
L'essai *AfroQueer - 25 voix engagées*, du militant pour les droits humains et les droits des personnes LGBTQI+ Fabrice Nguena, va paraître *en librairie le 7 mai.*
*En bref : *D'un joueur de rugby professionnel à une entrepreneure, en passant par un danseur, une scientifique, des écrivain⋅es et des militant⋅es, l'auteur Fabrice Nguena est allé à la rencontre de 25 personnes AfroQueer engagées dans leur milieu. Sa motivation ? Rendre audible la voix de personnes Noires et LGBTQI+, déconstruire les préjugés
dont elles font l'objet et offrir aux jeunes AfroQueer des modèles qui leur ressemblent enfin. Il en résulte une série de 25 portraits uniques – comme chacune des trajectoires de vie qu'ils racontent – et bouleversants
d'humanité.
*À propos du livre*
Du Québec à l'Afrique subsaharienne, en passant par les Antilles, la France et la Belgique, Fabrice Nguena est allé à la rencontre de 25 personnes AfroQueer engagées dans leur milieu, afin de déconstruire les préjugés dont
elles font encore l'objet. Sa motivation ? Rendre audible la voix de personnes Noires et LGBTQI+ qui subissent encore des discriminations et des agressions, allant parfois même jusqu'au meurtre, du fait de leur identité
sexuelle et de leur minorité de genre, en particulier au sein même des communautés Noires (l'homophobie ayant été importée en Afrique avec la colonisation). Il est temps que les jeunes AfroQueer puissent enfin se
reconnaître dans des modèles qui leur ressemblent. Ce livre fait donc œuvre utile en cherchant à combler un manque important de visibilité, d'autant plus qu'il n'existe pas d'organisme communautaire voué aux personnes
AfroQueer au Québec (l'organisme Arc-en-ciel d'Afrique a fermé ses portes en 2018, alors que la Fondation Massimadi, toujours en activité, se concentre sur la diffusion d'oeuvres artistiques issues des communautés
AfroQueer).
Les exemples sont diversifiés et positifs : Jérémy Clamy-Edroux (joueur professionnel de rugby), Solange Musanganya (militante AfroQueer), Louis-Georges Tin (homme politique et écrivain), Emma Onekekou (communicatrice et écrivaine), Barbara Côte d'Ivoire (militante des droits de la personne et véritable icône africaine) ou encore le magistral James
Baldwin (écrivain et militant des droits civiques)... Magnifiquement illustrés par Dimani Mathieu Cassendo, ces 25 portraits issus des entretiens menés par l'auteur sont à la fois uniques, comme chacune des
trajectoires de vie qu'ils racontent, et bouleversants d'humanité. S'ils relatent parfois des parcours marqués par la peur, le rejet, l'humiliation et la violence, ils témoignent aussi du courage, de la résilience, de la solidarité et de l'amour des personnes AfroQueer qui ont accepté d'y prêter leur voix. *« Il est impératif que nous fassions ce que les générations
précédentes n'ont pas pu faire, certainement parce qu'elles étaient trop occupées à essayer de survivre ; nous devons écrire nous-mêmes nos vécus, nos luttes et nos victoires, sans attendre que d'autres le fassent à notre
place », écrit Fabrice Nguena*.
Dédié à la mémoire de toutes les personnes assassinées dans le monde à cause de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre, ce livre est une cartographie de ce devenir.
« *AfroQueer* parle de l'amour queer, de la possibilité d'exister en tant que personnes Afrodescendantes et queer dans le monde [...] Les récits présentés dans ces différents portraits représentent un lieu de pouvoir, de
possibilités et de devenir pour d'autres générations. » – Frieda Ekotto et Marthe Djilo Kamga, extrait de la préface
*À propos de l'auteur*
Né en Suisse de parents Camerounais, Fabrice Nguena vit depuis 2007 au Canada, où il milite pour les droits humains et les droits des personnes LGBTQI+, en particulier dans la communauté AfroQueer. Il est actuellement
gouverneur à la Fondation Émergence. *AfroQueer* est son premier livre.
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L’héritage des luttes environnementales au Québec

Un souffle écocitoyen
Sous la direction de : Lucie Sauvé
<https://www.puq.ca/auteurs/lucie-sa...> ,
Johanne Béliveau
<https://www.puq.ca/auteurs/johanne-...> ,
Denise Proulx<https://www.puq.ca/auteurs/denise-p...>
Si le Québec a pu échapper jusqu'ici à diverses tentatives d'agressions envers son territoire, c'est grâce à des groupes mobilisés, qui demeurent en alerte. Les récits de lutte présentés dans cet ouvrage témoignent de l'engagement de citoyennes et citoyens qui se sont invités dans l'arène politique, exigeant l'exercice, sans entrave, d'une démocratie active. Le but de ces luttes : préserver la santé et l'intégrité de notre monde vivant.
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À paraître le 8 mai : Parler sexe

*La collection pour ados d'Écosociété s'agrandit avec un livre original et important. Parler sexe de Maude Painchaud Major sera en librairie dès le 8 mai. 🌈*
*À propos du livre :*
Construire sa sexualité sans se soucier des normes, avoir et donner du plaisir sans tabous, développer une intimité sexuelle loin des obligations de performance... Cet essai est une invitation à définir, ensemble, une
éthique sexuelle pour parler sexe, simplement et en toute liberté.
*À propos de l'autrice :*
Diplômée en sexologie, Maude Painchaud Major propose des ateliers et des conférences dans les écoles, centrés sur une éducation à la sexualité saine, positive et inclusive. Elle anime aussi une chaîne Tiktok qui compte
près de 22 000 abonné-e-s où elle répond aux questions des ados sur la sexualité.
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L’intelligence artificielle, ou le mirage du progrès social propulsé par la technologie

Jonathan Martineau, professeur adjoint au Liberal Arts College de l'Université Concordia et Jonathan Folco, professeur agrégé à l'Université Saint-Paul
Tiré du Fractures, Bulletin des membres de l'IRIS, no.3, vol. 9, printemps 2024
L'ouvrage (Le capital algorithmique, Écosociété, 2023) est le résultat d'un projet de recherche multidisciplinaire sur les développements des nouvelles technologies et du capitalisme mené dans les dernières décennies. Le livre permet d'abord de mieux comprendre les changements technologiques et sociaux qui ont bouleversé nos manières de vivre, de travail¬ler, d'être et d'interagir dans les dernières années. Il propose ensuite des pistes pour réorienter collectivement le cours de ces développements historiques vers un monde plus juste, plus démocratique et plus écologique.
Notre hypothèse de départ est que nous ne pouvons com¬prendre les vagues actuelles de transformations technolo-giques sans aborder également les changements récents du système capitaliste, tout comme nous ne pouvons comprendre le fonctionnement actuel du capitalisme sans tenir compte des nouvelles technologies algorithmiques et de l'intelligence arti¬ficielle (IA). Notre objectif initial est donc double : d'une part, développer un cadre théorique critique, une vision d'ensemble, pour étudier l'IA non pas comme une simple technologie, mais comme un phénomène sociohistorique complexe, et, d'autre part, mettre à jour la théorie critique du capitalisme à la lumière du développement accéléré des algorithmes et de l'IA.
L'une de nos thèses centrales est que le système capitaliste a subi une transformation historique majeure au cours des 15 à 20 dernières années, menant le capitalisme algorithmique à un nouveau stade, après s'être appuyé sur le capitalisme néo¬libéral pour finalement le dépasser. Ce changement historique se produit dans une conjoncture marquée par l'émergence des « données massives » et le déploiement rapide de l'IA, engen¬drée par les progrès de l'apprentissage automatique et de l'ap¬prentissage profond, la mise en place d'un nouveau modèle commercial d'extraction et de valorisation des données, et l'essoufflement du modèle néolibéral, notamment lors de la crise mondiale de 2007-2008. Le concept de « capital algorith¬mique » guide ainsi notre enquête sur la transformation rapide du monde à laquelle nous avons assisté ces dernières années. Comme Nancy Fraser, nous concevons le système capitaliste non seulement comme un système de production économique, mais comme un « ordre social institutionnalisé », qui comprend la sphère politique, la reproduction sociale et le rapport à la nature. Dès lors, le capital algorithmique est un phénomène multidimensionnel : une logique d'accumulation économique, une organisation des relations sociales, une forme de pouvoir social et un rapport à la nature caractérisé par une industrie extractive. Ce cadre nous permet d'étendre notre analyse du nouvel ordre social institutionnalisé à différents secteurs et sphères d'activités, comme le travail ménager et le travail du care (qui consiste à répondre aux besoins de soins, d 'éducation, de soutien ou d'assistance), l'environnement, l'État, la politique et les relations internationales, les formes d'expérience, de subjectivité et d'interactions sociales, l'éthique et les pratiques de résistance.
Le livre est divisé en 20 chapitres, organisés sous forme de thèses. Les deux premiers chapitres détaillent le projet de recherche, la méthodologie et le cadre théorique. Les chapitres 3 à 6 explorent la transformation du travail et de nos emplois du temps dans le capitalisme algorithmique. Nous y soutenons que les algorithmes accélèrent le temps et dégradent les loi¬sirs, et que, loin de conduire à la « fin du travail », l'automation exerce plutôt de la pression sur le travail et tend à le précariser. Le capital algorithmique fonctionne selon un mode d'exploi¬tation et d'extraction qui reconfigure les activités productives mondiales ainsi que les marchés du travail, notamment par l'extraction et la valorisation des données et la montée du « travail digital ». Nous proposons donc un concept de « tra¬vail algorithmique », qui comprend quatre types d'activités productives reproduisant le capital algorithmique : le travail digital, le travail industriel/logistique, le travail extractif et le travail domestique. Nous consacrons une thèse distincte à la reproduction sociale et au travail domestique, dans laquelle nous analysons les conséquences de la colonisation accrue des espaces-temps de la reproduction sociale par les objets connec¬tés, les technologies algorithmiques et les assistants d'IA.
Les chapitres 7 et 8 traitent quant à eux de la transition du capitalisme néolibéral au capitalisme algorithmique en expo-sant la nouvelle logique d'accumulation du capital. Nous y exa¬minons les modifications actuelles de l'accumulation du capital liées à l'émergence des modes d'exploitation et d'extraction et nous proposons une théorie de l'accumulation algorithmique du capital. En conceptualisant le capitalisme algorithmique en tant que nouvelle étape du développement capitaliste, nous dressons un bilan des ruptures et des continuités entre le régime d'accumulation capitaliste néolibéral et le régime d'accumulation algorithmique. Nous soupesons également certains concepts proposés par d'autres auteurs et autrices qui entrevoient dans les changements actuels la montée d'un « capitalisme cognitif », ou encore, plus récemment, comme un passage vers un « techno-féodalisme », ou un « néo-féoda¬lisme ». Nous déconstruisons ces interprétations pour faire voir ce qu'elles nous aident à comprendre, mais préférons les lire comme des métaphores en soulignant leurs importantes limites. Loin d'un « retour vers le futur » néo-féodal, nous avons atteint une nouvelle étape du développement capitaliste.
Les chapitres 9 à 12sont consacrés à la politique, au pouvoir, à l'État et aux relations internationales. Ils établissent que le capital algorithmique renforce les systèmes d'oppression exis¬tants, tels que le racisme et le patriarcat, notamment en les automatisant, et qu'il crée des formes inédites de domination, de concentration du pouvoir et de « gouvernementalité ». Sont explorées la diffusion rapide des technologies algorithmiques dans l'appareil d'État et les tensions géopolitiques qui se manifestent non seulement : dans les relations internationales, notamment entre les États-Unis et la Chine, mais également dans la reconfiguration d'une nouvelle division internationale du travail et d'une nouvelle forme de colonialisme des données, qui, elles, reproduisent les inégalités entre le Nord et le Sud.
Les chapitres 13 à 17 analysent ensuite les articulations idéo¬logiques, culturelles et environnementales de ce nouvel ordre institutionnalisé du capitalisme. Notre thèse sur l'idéologie, la culture et la « siliconisation » du monde explore la culture du solutionnisme technologique promue par les principaux acteurs de Silicon Valley et scrute les nouvelles idéologies issues d'un étrange partenariat entre des philosophes de l'Université d'Oxford et les milliardaires de la technologie, telles que le long-termisme, l'altruisme efficace et les théories des « risques existentiels ». Nous soutenons également que, contrairement aux discours techno-optimistes les plus en vogue, les algo¬rithmes ne nous sauveront pas d'un désastre écologique, puisqu'ils accélèrent plutôt la crise écologique. Notre analyse documente les empreintes écologiques et énergétiques du capital algorithmique en tant qu'industrie extractive et pré¬sente les limites des applications d'IA quant à la gestion environnementale.
Les chapitres 18 à 20 explorent enfin les voies de réforme, de dépassement et de sortie du capitalisme algorithmique. Sur le plan éthique, nous développons une théorie philosophique de la vertu, qui favorise la résistance individuelle et collective, ainsi que le dépassement du capitalisme algorithmique. Nous examinons différents scénarios de descente énergétique, de démocratisation du développement technologique, puis de sobriété numérique individuelle et collective. Nous actuali¬sons également le débat sur la planification économique à la lumière des potentialités et des limites de la planification par les algorithmes. En dernier lieu, nous posons les jalons d'une transition esquissant : une piste vers un monde postcapitaliste, « technosobre », écologique, juste et démocratique.
FRACTURES 11
Numéro 03. Volume 09
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Adam Shatz : « Frantz Fanon portait le projet d’un universalisme radical »

Le journaliste new-yorkais consacre au psychiatre, révolutionnaire martiniquais, héros de l'indépendance algérienne, une vibrante biographie, publiée en France à La Découverte. Une fresque qui embrasse, avec la vie d'un homme, tout un siècle de décolonisation et de bouleversements intellectuels et politiques.
Tiré de L'Humanité
www.humanite.fr/en-debat/afrique/adam-shatz-frantz-fanon-portait-le-projet-dun-universalisme-radical <http://www.humanite.fr/en-debat/afr...>
Par Rosa Moussaoui <https://www.humanite.fr/auteurs/ros...> , L'Humanité Magazine, France. Mis à jour le 22 avril 2024 à 18h35
Adam Shatz est le rédacteur en chef pour les États-Unis de la London Review of Books. Il collabore régulièrement à la New York Review of Books, au New Yorker et au New York Times Magazine. Il est aussi professeur invité au Bard College et à l'Université de New York. La biographie qu'il consacre à Frantz Fanon, « Une vie en révolutions » (La Découverte, 2024), se lit comme le roman d'une vie, d'un engagement, comme la traversée d'un siècle qui a vu se libérer, avec le soulèvement des peuples colonisés, la moitié de l'humanité.
*L'Humanité.* La biographie intellectuelle que vous consacrez à Fanon tient de la fresque, elle s'inscrit dans l'histoire longue des luttes dont la mémoire a forgé le révolutionnaire ; elle embrasse une vaste géographie transatlantique. Que disent de Fanon ces coordonnées spatiales et temporelles ?
*Adam Shatz.* J'y insiste sur l'aspect pluriel de son trajet. Le titre en anglais est The Rebel's Clinic ; The Revolutionary Lives of Frantz Fanon et en français, Frantz Fanon, une vie en révolutions. Parce qu'il a pris part à de multiples révolutions, intellectuelles, politiques, philosophiques, telles que la négritude, l'existentialisme, la phénoménologie, l'anticolonialisme, la lutte pour l'indépendance de l'Algérie, le combat en Afrique.
Je voulais souligner cet aspect multiple de sa vie, de sa recherche de soi-même, son projet de s'ancrer dans des appartenances tout en s'engageant dans les révolutions des autres (1). Cette multiplicité revêt un aspect géographique, parce que Fanon était un nomade et sa pensée en porte la marque. J'y vois un contraste avec son mentor, Aimé Césaire, le poète martiniquais qui est devenu un homme d'État (2), et qui a présidé à la départementalisation de la Martinique.
L'histoire de Césaire est une histoire d'aller et de retour (3) : il vient en France pour poursuivre ses études, il fonde ce mouvement de la négritude avec Léopold Sédar Senghor et Léon Gontran Damas (4), et il écrit son fameux poème, Cahier d'un retour au pays natal, pendant un séjour en Croatie. Et puis il rentre. Et il ne quitte jamais la Martinique. C'est l'homme qui fait retour vers son propre pays, qui se dédie à l'avenir de son pays. Contrairement à Fanon, l'homme qui quitte son pays pour ne jamais revenir.
*Vous revenez longuement sur les rapports contradictoires de Fanon avec la négritude, sur sa lecture de la revue Tropiques, sur l'admiration qu'il vouait à Léon Gontran Damas. Comment ce mouvement a-t-il contribué à le forger intellectuellement, politiquement ?*
On a tendance à ne retenir de Fanon que sa critique de la négritude. Mais il devait beaucoup à ce mouvement et il est presque impossible de comprendre sa pensée sans comprendre la négritude, un mouvement qui l'a formé. On peut même dire que la négritude l'a sauvé.
C'est un mouvement qu'il découvre en France, au moment où il poursuit à Lyon des études de médecine – pendant la guerre, il avait fait le choix de rejoindre la France libre, or la revue Tropiques a été fondée à peu près au moment où il quittait le pays, il ne se trouvait pas en Martinique lorsque cette révolution intellectuelle a pris corps. Mais c'est dans les pages de Tropiques qu'il découvre les écrivains engagés dans ce mouvement : René Depestre (5), Jacques Roumain (6), René Ménil (7), et bien sûr Damas et Césaire.
Il est alors en France et c'est en France qu'il se rend compte qu'il est noir. Il a grandi à Fort-de-France, dans une famille de la petite bourgeoisie, élevé par des parents socialistes qui cultivaient une certaine révérence pour la République française, pour ses principes d'égalité, de liberté, de fraternité.« Je suis français » : voilà les premiers mots que Fanon a appris à écrire à l'école, où ses professeurs lui enseignaient que les Gaulois étaient ses ancêtres.
Il avait déjà rencontré des tirailleurs sénégalais (8), que son père avait invités un soir à dîner : ils avaient suscité en lui un sentiment de peur mêlée de fascination. Un jour, dans un train, en France – il ne situe pas exactement le lieu de cette scène – un petit garçon l'a regardé avec la même peur, la même fascination en s'exclamant : « Maman, un nègre ! » Cette réaction a provoqué en lui un choc. Jusque-là, il ne s'était jamais pensé comme Noir. Être ainsi regardé comme un objet l'a terrifié, paralysé.
*Il confie en racontant cette scène avoir senti son corps se « disloquer »…*
Exactement. Son corps est alors disloqué, fragmenté, il ne peut pas le recomposer. Dans « L'expérience vécue du Noir », le cinquième chapitre de Peau noire, masques blancs, ce familier de Merleau-Ponty décrit avec les termes de la phénoménologie cette expérience du corps, ce sentiment d'être étranger à soi. Et il se rend compte qu'il lui manque l'anonymat – l'anonymat du corps dont parle Merleau-Ponty – qui est le privilège des personnes non racisées.
C'est là qu'il commence à lire les poètes de la négritude. Il lit d'abord le Sénégalais Léopold Sédar Senghor : c'est de lui qu'il apprend qu'il a un passé, un passé noir glorieux, qu'il y aurait une essence noire éternelle, mystique. Fanon a même baigné un temps dans ce qu'il appellera, en moquerie, l'irrationalité, croyant jouir de pouvoirs poétiques uniques en raison de sa négritude. (...)
(1)www.humanite.fr/monde/frantz-fanon/frantz-fanon-conscience-et-voix-des-damnes-de-la-terre <http://www.humanite.fr/monde/frantz...>
(2)www.humanite.fr/culture-et-savoir/litterature/aime-cesaire-la-bouche-des-sans-bouche <http://www.humanite.fr/culture-et-s...>
(3)www.humanite.fr/culture-et-savoir/-/cesaire-la-negritude-entre-politique-et-poetique <http://www.humanite.fr/culture-et-s...>
(4)www.humanite.fr/culture-et-savoir/-/leon-gontran-damas-le-poete-qui-crachait-le-feu <http://www.humanite.fr/culture-et-s...>
(5)www.humanite.fr/culture-et-savoir/series-dete/rene-depestre-un-chien-errant-de-la-vie <http://www.humanite.fr/culture-et-s...>
(6)www.humanite.fr/culture-et-savoir/-/lincandescence-de-roumain <http://www.humanite.fr/culture-et-s...>
(7)https://maitron.fr/spip.php?article151387 <https://maitron.fr/spip.php?article...>
(8)www.humanite.fr/societe/tirailleurs-senegalais/tirailleurs-senegalais-la-patrie-bien-peu-reconnaissante <http://www.humanite.fr/societe/tira...>
Le psychiatre et militant et révolutionnaire Frantz Fanon (1925 – 1961). Photo © DR
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L’imposture multiculturaliste
Il vaut la peine de pousser un peu plus que je ne l'ai fait lors du dernier numéro l'analyse de la notion de multiculturalisme. Je vais m'en tenir par souci de clarté et d'aisance aux définitions communes et acceptées de ce terme. J'examinerai ensuite la notion d'interculturalisme, qui est très différente de celle de multiculturalisme. Ces deux notions sont incompatibles et surtout, celle de multiculturalisme s'avère un leurre. L'intercultruralisme correspond ,lui, à une certaine réalité sociale et culturelle tant au Québec qu'au Canada anglais, quoi qu'en pensent les partisans et partisanes du multiculturalisme. Commençons donc par le multiculturalisme.
Il ne promeut que la diversité culturelle, ce qui se traduit par la volonté de faire cohabiter des groupes d'origine "raciale" et ethnique divers. Il rassemble sur le plan idéologique un ensemble assez cohérent d'idées et d'idéaux centrés sur la valorisation de la diversité culturelle canadienne présumée. Par contre, ses tenants refusent de considérer les dangers d'une fragmentation sociale, la possibilité (sinon même la probabilité) de tensions communautaires et le défi de l'intégration des populations immigrées liés au multiculturalisme. De leur point de vue, le Canada tend à être une mosaïque culturelle. Si le Canada est une société multiculturelle comme le soutiennent les trudeauistes, à quelle société majoritaire se joindraient alors les immigrants et immigrantes ?
Le trudeauisme découle dans une large mesure de cette idéologie multiculturelle. Il constitue une doctrine fondée sur le renforcement marqué du gouvernement central (au nom de "l'unité nationale"), le multiculturalisme et sur un point de vue très individualiste des droits de la personne par opposition aux droits collectifs. Il voit le Canada comme une seule et même nation.
Pierre Elliott Trudeau s'est appuyé pour l'essentiel sur cette idéologie dans le renouvellement du régime fédéral de 1982. Non seulement ce régime sacralise la Charte des droits et libertés, mais il renforce jusqu'à un certain point le pouvoir des juges au détriment de celui des élus soi disant pour garantir la protection des droits individuels ; ce faisant, il mine la légitimité des droits collectifs, surtout celle du nationalisme québécois auquel Trudeau était viscéralement opposé. Comme si auparavant, les droits et libertés n'étaient pas déjà protégés par les lois tant provinciales que fédérales. Venant d'un homme qui avait fait emprisonner arbitrairement 500 personnes lors de la crise d'octobre 1970, c'est ironique...
Examinons maintenant la notion d'interculturalisme. Ses tenants et tenantes ne refusent pas la nationalisme qui leur semble aller de soi. Ils visent plutôt l'intégration des nouveaux venus à la société majoritaire. Ils veulent établir entre communautés dites ethniques et culturelles d'une part, et population majoritaire des relations d'échanges culturels réciproques. Les interculturalistes visent donc à concilier culture majoritaire et diversité culturelle.
Le gouvernement du Québec appuie l'Interculturalisme tout comme en pratique, les gouvernements provinciaux canadiens-anglais. Les communautés minoritaires n'ont guère le choix : que ce soit au Québec, en Ontario, en Saskatchewan ou ailleurs, si elles veulent s'intégrer à la société majoritaire, leurs membres doivent se mettre à l'anglais ou au français pour s'adapter à la longue aux moeurs dominantes dans les régions où elles ont choisi de s'établir.
Toutefois au Québec, surtout dans une partie de la région montréalaise, le même vieux problème se pose avec une acuité nouvelle : le recul du français. Certains immigrants flairent la bonne affaire et tentent de s'intégrer à la minorité anglophone ; la maîtrise de l'anglais leur ouvre aussi bien des portes ailleurs au Canada et aux États-Unis.
Cette réalité contredit de front les thèses multiculturalistes et valide plutôt la position interculturaliste. On ne conçoit pas de société formée uniquement d'individus ou encore de communautés provenant des quatre coins du monde sans une nation d'accueil avec sa langue, son histoire et ses traditions. Les immigrants et immigrantes y prennent forcément racine. Ils ont besoin pour ce faire d'un terreau culturel, si je puis m'exprimer ainsi.
La persistance du nationalisme québécois sous sa forme autonomiste ou souverainiste contredit les thèses du courant d'idées multiculturaliste. Une simple observation pour quiconque a déjà fait le tour du Canada permet de constater la réalité des deux nations. Évidemment, une majorité de Canadiens anglais aime à se reconnaître dans certains éléments du trudeauisme : le Canada, un beau grand pays multiculturel et accueillant mais cette attitude relève de l'aveuglement volontaire.
Si une majorité de Québécois et de Québécoises a voté non au référendum de mai 1980, ce n'est pas par adhésion aux thèses trudeauistes mais par crainte de la longue et cahoteuse période transition qui aurait suivi un oui majoritaire à l'option souverainiste.
Aucun gouvernement du Québec n'a signé l'entente constitutionnelle concoctée par le gouvernement Trudeau en 1981-1982 et signée dans son dos ("la nuit des longs couteaux") au cours de la soirée du 4 novembre 1981. Le gouvernement de Justin Trudeau aurait donc du se garder une petite gêne quand il a parlé du Canada comme d'un "État post-national" en décembre 2015 dans une entrevue accordée au New York Times Magazine...
Jean-François Delisle
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Démanteler l’État haïtien

La professeure Jemima Pierre analyse minutieusement la participation du Canada au cours des 20 années de débâcles, d'occupation militaire et d'élections manquées
Oya Jay, The Breach, 5 avril 2024
Traduction, Alexandra Cyr
Oja Jay : Soyez les bienvenus.es à The Breach Show où nous présentons des analyses pointues sur les politiques et les mouvements sociaux au Canada. Je suis votre présentateur et mon invitée aujourd'hui, est la Docteure Jemima Pierre. Elle est haïtienne d'origine, professeure à l'Institut pour la justice sociale de l'Université de Colombie Britannique à Vancouver et chercheuse associée à l'Université de Johannesburg.
Aujourd'hui, nous traiterons de la situation en Haïti. Depuis deux décennies, le Canada a été un joueur majeur dans la succession des occupations militaires de ce pays. Malgré tout le discours sur la promotion de la démocratie, ce fut plutôt une participation à l'installation d'une série de régimes anti démocratiques qui a culminé jusqu'à la situation actuelle.
Les plus récentes élections présidentielles ont eu lieu en 2016. Selon les rapports, elles ont été largement entachées de fraudes. En 2021, le Président élu, M. Jovenel Moïse a été assassiné. Et plus récemment, son successeur non élu, M. Ariel Henry, a été empêché de revenir au pays après son voyage outre-mer, par des leaders de gangs appelant à sa démission, poussant ainsi la crise a un autre niveau.
Tout cela se produit pendant que les États-Unis ont fermement en mains le pouvoir haïtien. Comme le soulignent des observateurs.trices bien informés.es ce n'est que la continuation de la manière par laquelle Haïti a été traité depuis 200 ans, après sa révolution qui l'a sorti du système d'esclavage et mis les empires européens hors-jeu.
On ne peut rendre justice à l'histoire d'Haïti en quelque minutes. Mais, heureusement, beaucoup de travaux ont été produits ces dernières années. Ceci dit, Professeure Pierre, que pensez-vous qui soit le plus important d'entendre pour que les Canadiens.nes comprennent l'effondrement du gouvernement (haïtien) dont nous sommes témoins en ce moment ?
Jemima Pierre : Ce qu'il faut d'abord comprendre absolument, c'est que cette situation est le résultat de l'importante ingérence étrangère en Haïti avec les différences de vision que cela implique. La plus récente a eu lieu il y a 20 ans quand les États-Unis, la France et le Canada ont planifié un coup d'État pour renverser un Président élu démocratiquement. Ils se sont servi du Conseil de sécurité des Nations Unies pour camoufler leur action et ont de fait renversé le Président. Ce coup contre un gouvernement élu démocratiquement, a aussi démoli toute la structure gouvernementale, du Premier ministre jusqu'au plus bas échelon. Cela a donc aussi permis la destruction du parti politique qui avait amené ce Président au pouvoir pour installer depuis 2004, de dites agences gouvernementales illégitimes, des personnes et des partis qui nous ont menés.es là où nous sommes en ce moment : sans autorité élue ce qui est inhabituel dans n'importe lequel État.
Pour comprendre de qui se passe en Haïti, il faut comprendre le processus qui a démantelé l'État haïtien le 29 février 2004. Sans cela, on ne peut poser de diagnostic clair sur le problème ou arriver à une solution quelconque sur la situation.
O.J. : Qui y a-t-il selon vous, derrière les décennies d'intervention et de suppression du fonctionnement démocratique de base en Haïti ? Pourquoi les États-Unis et leurs alliés ne font que recommencer cela ?
J. P. : C'est l'histoire d'Haïti. Elle est la deuxième nation indépendante de l'hémisphère ouest mais aussi la première complètement indépendante de cet hémisphère.
Haïti était une très riche colonie française avec une importante population africaine qui a pour ainsi dire, détruit le système des plantations, d'esclavage et de suprématie blanche. C'est une des armées les plus puissantes de l'époque, l'armée de Napoléon, qui a perdu 50,000 soldats aux mains de ces esclaves africains.es.
C'est après 13 ans d'une guerre brutale que le pays a déclaré son indépendance de la France, mais aussi de l'Espagne et de la Grande Bretagne qui tentaient d'entrer sur le territoire et de s'emparer de ce qui restait de cette colonie dans la foulée de la défaite des Français. Je pense que l'Occident n'a jamais pardonné à Haïti sa victoire.
Même après sa Révolution la France a tenté de revenir pour s'emparer du territoire en menaçant d'interventions continuelles à l'intérieur. Des canonnières sont apparues sur le rivage en menaçant d'invasion encore une fois. Il faut comprendre que ces Africains devaient faire face à une guerre du type « terre brûlée ».
En 1825, le gouvernement haïtien a accepté de rembourser la France, c'est-à-dire de payer les propriétaires d'esclaves pour la perte de leurs esclaves. Il lui a fallu payer cette indemnité de 150 millions de francs or, ce qui équivaut à presque 30 milliards de la monnaie actuelle, jusqu'en 1947.
C'est sous la menace constante d'invasion que cette « dette » a été payée jusqu'au dernier francs. Cette histoire est très importante.
À cause de sa position (géographique) Haïti est très stratégique dans la région. L'île est dans le passage Windward. Les États-Unis ont toujours voulu s'en servir pour poursuivre leurs ambitions impérialistes.
On sous-estime le rôle d'Haïti non seulement pour ses ressources minérales mais aussi pour ses ressources humaines. Par exemple, les produits Gildan sont assemblés en Haïti. Il en coûte moins cher d'envoyer les éléments à assembler en Haïti où ils le sont effectivement. Des compagnies canadiennes ont cette pratique comme les États-Unis plutôt que de faire faire ce travail en Asie.
Ils sont d'ailleurs en train de se retirer d'Asie où le coût de la main d'œuvre a augmenté. Ils veulent garder captive la force de travail de 12 millions de personnes, une des plus importantes des Caraïbes utilisable comme « cheap labor ».
Il y a de nombreuses raisons géographiques, culturelles et raciales qui entrent en cause dans le besoin de contrôler ce pays. Mais la population haïtienne a toujours eu des façons particulières de protester. Voilà le problème. Je pense que c'est cette résistance qui dure depuis 200 ans qui s'exprime encore une fois maintenant. Elle ne s'est pas laissée dominer. Et je crois aussi que c'est une des raisons qui déclenche ces constantes attaques, besoin d'envahir, de ré-envahir, d'occuper, et ainsi de suite.
O.J. : En s'arrêtant sur l'histoire, on comprend qu'il y a 200 ans de résistance au colonialisme et à l'esclavage mais aussi 200 ans de ressentiment impérial.
Il est intéressant que vous mentionniez Gildan. Je me souviens qu'au moment du coup d'état de 2004, nous avons enregistré le cours de son action ce jour-là. Le lendemain il avait augmenté spectaculairement. Ce n'était qu'une vision directe de la perception des investisseurs par rapport à ce coup et sur qui en profitait.
En 2004, le Canada a déployé des soldats.es, des officiers.ères de police, des experts.es gouvernementaux, a soutenu des ONG pour soutenir le régime sorti du coup, dirigé par Gérard Latortue qui, comme vous l'avez dit, a remplacé Jean-Bertrand Aristide qui a été viré sans cérémonie vers la République centre africaine par les Marines américains. Cette fois, les États-Unis ont demandé au Canada de prendre la tête d'une nouvelle mission ce qu'il a refusé. En lieu et place il a envoyé des troupes en Jamaïque pour entraîner des soldats du Belize et des Bahamas qui partaient pour Port-au-Prince.
Que pensez-vous a mené à cette décision ? Qu'est-ce qui, selon vous, a poussé le Canada à refuser ?
J.P. : Il y a beaucoup dans ça, beaucoup de parallèles avec ce qui est arrivé en 2004. Les Marines ont envahi la maison du Président Aristide, l'ont mis dans un camion, amené à l'aéroport et expédié en Afrique. Ils l'ont renvoyé en Afrique.
Il y avait déjà des centaines de soldats français, canadiens et américains sur le sol haïtien. L'ambassadeur américain, James Foley s'est présenté au domicile du Juge en chef de la cour suprême du pays et pour ainsi dire l'informe qu'il va assurer l'intérim de la Présidence.
C'est déjà une contravention à la Constitution haïtienne qui stipule que le juge en chef de ce tribunal ne peut assurer la Présidence que suite à un vote du parlement. Mais le représentant officiel du Département d'État américain pouvait simplement dire : « Vous êtes maintenant Président » n'est-ce pas ? Pourtant il y avait toujours un Premier ministre en poste qu'on n'a même pas consulté. Il a été remplacé par Gérard Latortue, On m'a raconté qu'il vivait à Boca Raton en Floride depuis 15 ans. Il a été mis en place alors que la Constitution haïtienne stipule que : « vous ne pouvez occuper un poste (gouvernemental) si vous n'avez pas vécu au pays au cours des cinq dernières années ».
Ils ont jeté aux poubelles tous les mécanismes légaux que l'État haïtien avait installés. Le démantèlement de l'État a commencé à ce moment-là. Puis le groupe dit « Amis d'Haïti » a été créé. Ce sont ceux qui ont dirigé Haïti en se servant des Nations Unies : les États-Unis, la France et le Canada.
Remarquez que la France a toujours été impliquée ici malgré qu'elle soit loin en Europe. Elle est toujours dans les affaires haïtiennes. En ce moment elle négocie pour créer le nouveau gouvernement. C'est une affaire sérieuse à laquelle il faut penser.
Et je veux parler un peu de cette invasion. Parce que les gens ne se rendent pas compte, surtout quand les Nations Unies font les nouvelles, qu'il y a eu un coup d'État qui a été organisé avant 2004.
C'était une initiative d'Ottawa. Je suis sûre que vos auditeurs.trices le savent. Il y a eu une rencontre secrète un an auparavant, en 2003 sous les hospices du gouvernement libéral. Dennis Paradis était là. Ils se sont rencontrés pour discuter d'un changement de régime en Haïti. Michel Vastel de l'Actualité a publié des articles à cet effet. On peut donc aller voir Ottawa Initiative pour voir le plan élaboré en vue du renversement du Président, un an avant le fait.
Nous avons publié il y a quelques temps, le texte que Dominique de Villepin, alors Ministre des affaires étrangères de la France, a écrit en faveur d'un changement de régime (en Haïti) à transmettre au Conseil de sécurité des Nations Unies. C'était le 25 février et le coup est arrivé le 29 février. C'est la preuve que ces gens étaient actifs.
Mais je veux souligner cette situation particulière : vous avez deux membres du Conseil de sécurité qui mènent un coup d'État et se retournent pour utiliser ce Conseil et en appeler à l'invasion militaire du pays selon l'article sept alors qu'ils viennent de déloger son Président. Dans le vocabulaire des gangsters, ce sont des gangsters.
Cette action des gouvernements français, canadiens et américains est du gangstérisme en bande organisée qui mérite poursuite. (…)
Certains.es universitaires appellent cela « le multilatéralisme comme terreur ». Les Nations Unies ont été utilisées pour consacrer un coup d'État et pour apporter la violence. C'est le Brésil qui a assumé l'occupation des Nations Unies pour ce qui est de son aile militaire. Il faut se rappeler de cela quand nous réfléchissons sur le rôle de la gauche latino-américaine dans ses rapports avec Haïti.
Cette occupation a commencé en 2004. Je me rappelle que lors d'un voyage au pays, je pouvais voir les tanks traverser les petites villes. Haïti n'était pas un pays en guerre mais il était sous occupation des Nations Unies qui sont responsables de milliers de morts, d'homicides, de viols, d'exploitation sexuelle, et d'avoir introduit le choléra dans le pays qui a fait 30,000 morts et en a rendu malades plus d'un million.
Cette occupation a été lancée sur Haïti après le coup d'État et le démantèlement de l'État haïtien, n'est-ce pas ?
Je ne pense pas que la nouvelle politique des États-Unis visait à ce qu'ils prennent la tête d'une autre intervention (sur le terrain). Ils étaient conscients que, en ces temps des téléphones intelligents les Haïtiens.nes pouvaient prendre des photos très vite et les diffuser sur les réseaux sociaux. Voir des soldats blancs pointant leurs fusils sur eux, les noirs, (n'était pas de bonne guerre mondialement).
Je pense aussi que les États-Unis ont évalué qu'il serait plus habile de faire faire le sale boulot par tout un groupe de différents acteurs. C'est ce qui me fait dire qu'Haïti leur a servi de laboratoire. En fait c'est ainsi que les Nations Unies ont organisé l'occupation. C'était plus économique aussi. Donc, les Nations Unies ont payé pour une occupation que les États-Unis, la France et le Canada voulaient. Et les troupes de tant de différents pays sont venu occuper le pays.
Pendant ce temps, en 2020, les États-Unis ont installé Joseph Jouthe au poste de Premier ministre. Les protestations ont commencé mais elles ont été étiquetées « gangs », n'est-ce pas. Je n'aime pas ce terme de gangs parce que je pense que ce qui arrive en Haïti, … ce sont des groupes paramilitaires, ils sont armés mais les gouvernements installés par les Américains ont toujours employé ce terme de gang comme un moyen de dire que les protestations sont illégitimes, que ce ne sont que des gangs. Il faut faire cette distinction.
Je pense qu'à ce moment-là, les États-Unis voulaient que quelqu'un d'autre prennent la direction (de cette occupation). Le Canada a refusé. Il y a eu un article dans le New York Times pour dire que le Canada manquait de ressources pour assumer cette tâche mais aussi, qu'il n'en voyait pas l'intérêt parce qu'il ne voulait pas rester bloqué en Haïti.
Car, en effet, si vous allez en Haïti vous allez vous y trouver bloqué. Vous allez devoir tirer sur des gens, sur tous ces jeunes gens de moins de 24 ans qui composent la majorité de la population haïtienne.
Imaginez l'effet des images montrant des soldats canadiens et américains tirant sur des jeunes noirs de 14,15,16 ans, les enfants d'Haïti. Je ne pense pas que le Canada ait voulu cela mais il devait soutenir l'occupation américaine parce qu'il a besoin d'Haïti. Il a donc aidé les Américains à faire pression sur la CARICOM, les pays de la Caraïbe, pour qu'ils prennent la direction (de l'occupation).
Ils ont approché le Brésil pour le faire. Il a refusé. Il ne voulait pas se retrouver mêlé à cela car quand il y avait participé de 2004 à 2017, la gauche était contre. Cela a obligé les États-Unis à se tourner vers le Kenya, le pays le plus néocolonial qui soit, qu'on payerait 200 millions de dollars pour venir faire le sale travail d'occupation et d'invasion.
O.J. : C'est intéressant de voir le contraste dans la position canadienne entre 2004 et maintenant. À l'époque les hauts fonctionnaires déclaraient que le pays devait faire une faveur aux Américains parce que le Canada n'avait pas soutenu la guerre en Irak. C'était donc un moyen de rentrer dans les bonnes grâces américaines.
J.P. : Même chose pour la France. Les deux pays se sont servi d'Haïti pour compenser pour leur manque d'appui aux Américains lors de cette guerre.
O.J. : Comme vous le dites, aujourd'hui c'est la vision d'une armée canadienne blanche qui dirigerait … En 2004, selon certains rapports, la police nationale haïtienne aurait perpétré bon nombre de massacres, qui n'auraient pas été le fait des forces militaires d'occupation. C'est très difficile de connaître la vérité à cet effet. Quoi qu'il en soit, ce ne serait pas beau à voir.
Vous avez mentionné que le Kenya est dirigé par un gouvernement de type néo colonial. Pouvez-vous nous donner votre idée de ce que sont la Jamaïque, les Bahamas et Belize qui vont envoyer des troupes (en Haïti) ? Que sont les relations entre ces pays et Haïti ? Quel genre de gouvernement ont-ils ?
J.P. : Ce sont des relations très controversées. Je dois être prudente parce que je ne veux pas parler que des peuples. Mais, ces gouvernements ont toujours été … il existe un anti Haïti dans les Caraïbes comme en Amérique latine qui est difficile à décrire et à comprendre. Plusieurs pensent que je ne parle que des populations de ces pays, ce n'est pas le cas.
Je pense que cela s'explique par la façon dont les médias présentent Haïti depuis 200 ans. Parlant de la révolution, des grands titres à la une évoquaient le « cannibalisme ». Durant la révolte des esclaves il a été publié des titres comme : « Les Haïtiens violent les femmes blanches de l'ile ». Même en 1921, durant l'invasion (américaine), le New York Times titrait : « Des Haïtiens mangent un marine américain ». Je crois que vous pouvez trouver cela dans leurs archives encore aujourd'hui.
Donc, on a évoqué le cannibalisme et le Vodou. Il y a des noirs américains plutôt étranges qui pratiquent le Vodou … même WikiLeaks présente le Pape au Vatican mangeant J.B. Aristide parce qu'il serait un prêtre Vodou. Ce genre de chose est présent (dans les discours et les esprits). Même Wikileaks ! Parlant de stéréotypes....
Je ne crois pas que beaucoup dans les élites des Caraïbes croient ces préjugés. Cependant, Haïti a toujours été vu sous cet angle sauvage même si c'est le seul pays de la région qui a réussi une révolution et s'est débarrassé de l'esclavage. Les autres pays, comme ceux où la langue est le Français, sont toujours des colonies françaises. Ils ne sont pas du tout indépendants. La Cour suprême de la Jamaïque, son tribunal le plus élevé est en Angleterre, au Conseil privé. Il y a toujours des gouvernements coloniaux selon moi.
Ils ont toujours détesté HaÏti. Par exemple, le CARICOM, le rassemblement des communautés caraïbes qui fête ses 50 ans, n'a jamais voulu qu'Haïti en fasse partie. C'est plutôt ironique qu'aujourd'hui ce soit cette organisation qui doive supposément apporter une solution (au problème Haïtien). C'est ridicule.
Je veux ajouter deux choses. Premièrement, le traitement qui est réservé à Haïti et aux Haïtiens.nes dans les Caraïbes est horrible. En particulier, les Bahamas, qui ont des lois sur l'immigration qui font que les migrants.es haïtiens.nes sont traités.es de manière pire que ce qui se passe en ce moment à la frontière mexico-américaine. Depuis des décennies, on les traite comme des sous-humains. La déshumanisation des migrants.es Haïtiens.nes est partout là-bas, incroyable.
Haïti est membre de la CARICOM mais même si dans tous les autres pays membres les déplacements sont pratiquement libres, Haïti est le seul pays dont les ressortissants.es doivent avoir un visa pour accéder aux pays membres de cette organisation. C'est une réalité. Le manque de respect total et les mauvais traitements sont là depuis toujours. Ce n'est que depuis 2002 qu'Haïti en est membre. C'est grâce à la pression du Premier ministre jamaïcain, PJ Patterson qui en était le leader au début des années 2000 (que ça s'est produit).
Il a été le premier à dire : « Haïti doit faire partie de l'organisation ». Ils sont rébarbatifs à cause de l'importance de notre population. Après son entrée à la CARICOM, elle représentait 50% de la population totale de l'organisation. Et il y a aussi la langue : ce sont des attardés.es qui parlent une langue qu'aucun.e autre ne parle. À la CARICOM, l'Anglais domine. Ils se plaignaient aussi de petites choses comme l'argent qu'il va falloir dépenser pour la traduction. De petites choses comme celle-là.
La relation entre les autres pays des Caraïbes et Haïti est terrible. Je ne pense pas que aucun.e Haïtien.ne ne croit que quoi que fasse la CARICOM ce sera en leur faveur. Je ne crois pas du tout que ce soit gratuit non plus. C'est une autre raison qui convainc les gens qu'il s'agit de l'œuvre des États-Unis.
Il faut être conscient.e de cela parce que, après les refus des États-Unis, du Canada, de la France et même du Mexique de prendre la tête de cette opération, la CARICOM a aussi refusé après avoir été sollicitée. Le Premier ministre de St-Vincent a déclaré qu'il était complètement contre cet engagement de son organisation. Que s'est-il passé ensuite ? La ministre des affaires étrangères canadienne a participé à une réunion (de la CARICOM) l'an dernier. Ensuite Kamala Harris….
Tout ce beau monde était là pour la fête du 50ième anniversaire de l'organisation. Qu'arrive-t-il immédiatement après la fête ? Les pays de la CARICOM répondent positivement à l'appui de l'invasion d'Haïti.
Encore maintenant, alors qu'Ariel Henry ne peut rentrer au pays, il s'avère que c'est Antony Blinken, le Secrétaire d'État américain qui dirige dans les faits, la CARICOM. Avant même les réunions, ils ont décidé qu'ils allaient produire une solution au problème Haïtien.
Les Brésiliens, les Français, les Canadiens, les Américains et les Mexicains ont eu des réunions avec la CARICOM. Leur première rencontre s'est tenue en secret, a duré trois heures avec les Haïtiens.nes sélectionnés.es, qui selon eux allaient participer à la solution (du problème) haïtien.
Ces participants haïtiens n'ont été admis qu'à condition qu'ils soient d'accord avec l'invasion militaire. Quelle qu'ait pu être leur participation aux discussions, cette mise en scène américaine, sous couvert de la CARICOM, ces Haïtiens sélectionnés devaient être d'accord à l'avance avec leur contenu. Donc, quoi qu'il arrive, ce sera illégitime pour la majorité de la population haïtienne.
O.J. : J'ai été très surpris d'entendre ce que vous avez dit à propos des visas. Ce n'est pas en trente minutes de conversation qu'on peut creuser l'histoire, prendre conscience de la situation actuelle en Haïti et comprendre comment ce peuple a été obligé de payer pour sa révolution d'il y a 200 ans et comment sa résistance continue.
C'est remarquable de pouvoir distinguer les agissements non seulement des États-Unis et du Canada, mais aussi de tous ces autres pays membres de la CARICOM.
Je voudrais revenir au Canada. En plus d'envoyer des troupes en Jamaïque pour l'entrainement (de celles qui iront en Haïti), il a contribué cent millions de dollars d'aide à la police haïtienne. C'est une jolie somme.
Selon vous qu'est-ce que cette argent permettra d'acheter ?
J.P. : À acheter des équipements canadiens et américains. Cet argent retourne toujours d'où il vient. C'est la réalité, c'est ainsi que les Américains fonctionnent. Quand vous dites que vous allez donner des équipements militaires à l'Ukraine, cela veut dire que vous offrez plus de contrats au complexe militaro-industriel américain.
Je sais par exemple, que le gouvernement canadien a expédié des véhicules blindés à la police haïtienne soit disant contre paiement. Pour moi, quand nous pensons à cette aide, ce qui est fascinant c'est que le Canada ait dépensé trois millions pour que les troupes kényanes apprennent le Français. (…)
Vous vous imaginez : cette force s'en vient, ils ne connaissent pas la langue (du pays). Premièrement, la plupart du peuple haïtien ne parle pas Français mais Créole. Et il faut payer pour ça.
Je veux aussi souligner que quelle que soit la solution que ces pays occidentaux apportent à Haïti c'est toujours une solution violente. Il s'agit toujours de la force, de prisons. Par exemple, après le tremblement de terre la première chose que les États-Unis ont construit, ce sont deux prisons. Le plus d'infrastructures données par ce pays à Haïti, ce sont trois prisons. Ils ne construisent pas d'écoles, d'hôpitaux ; ils ne font que se concentrer sur cette logique carcérale, sur la violence et l'emprisonnement. C'est ce à quoi ils pensent quand ils pensent à nous.
O.J. : Un aspect intéressant dans les reportages à propos de ce qui se passe en Haïti que je lis toujours avec un peu de suspicion, même ceux des collègues qui sont sur le terrain et voient les choses de première main, l'intérêt est toujours porté sur les populations des quartiers riches ou très riches pas sur la majorité de la population qui vit dans des camps de déplacés.es ou dans les quartiers populaires.
Quand vous lisez les reportages à propos d'Haïti avez-vous aussi ce sentiment ? Pensez-vous que nous devrions faire des recherches, remplacer certaines fonctions pour être capables d'interpréter, de donner du sens à ces reportages venant d'Haïti ?
J.P. : Deux éléments ici. Premièrement, les reportages concernant Haïti sont horribles. Ils sont racistes. Il y en a encore qui disent qu'il y a du cannibalisme dans ce pays. C'est comme si rien n'avait changé depuis 1800. Les reportages sont racistes.
Ensuite, je suis heureuse que vous ayez parlé de Port-au-Prince et de Pétionville. Dans les grands médias occidentaux, quand il est question d'Haïti, on a toujours l'impression que tout le pays est en feu, qu'une guerre civile est en cours. Impossible de se déplacer.
Donc il serait impossible d'expliquer pourquoi l'aéroport commercial du nord de l'île est encore ouvert, que les vols entrants et sortants se font sans problème. Comme si le pays est en feu, mais Jetbleu et Spirit Airlines volent tous les jours.
Ces gens, (les journalistes), prennent Port-au-Prince comme une représentation du pays entier. J'ai vu des images du tremblement de terre de 2010 qui faisaient un lien avec ce qui se passe aujourd'hui comme si tout s'effondrait comme à ce moment-là.
Je veux insister pour dire que ce qui se passe dans le pays, la plus importante partie de la violence se passe à Port-au-Prince et dans ses quartiers populaires. C'est comme cela depuis longtemps. Ça a empiré parce que, maintenant, les groupes armés vont probablement se rapprocher de Pétionville, le quartier riche sur les collines. C'est là que vivent les riches ce qui fait que les hélicoptères, peuvent atterrir, prendre leur clientèle et les déménager à Cap Haïtien pour qu'elle quitte le pays.
Mais si vous examinez la carte de Port-au-Prince, vous voyez les quartiers dit populaires. Ils sont très concentrés, très pauvres. C'est là que les forces des Nations Unies avaient l'habitude d'aller et de tirer, vider leurs chargeurs sur la population de ces parties de la ville. C'est là que se trouve la résistance. Cette population a souffert sous la coupe de groupes armés payés par les politiciens.nes depuis des années. Les citoyens.nes ont été tués.es, de jeunes gens, mais ça n'a pas fait les nouvelles n'est-ce pas ? Ce n'est que maintenant alors que ces groupes armés se sont rassemblés, et qu'il semble qu'ils aient un peu plus d'argent, qu'on peut entendre : « Oh ! Mon dieu, le pays est assiégé ». Je ne dis pas que ça ne soit pas le cas, mais quand les reportages vous montrent des pneus qui brûlent, (on doit dire que) c'est une mesure de protection dans ces quartiers. On y érige des barricades, installe des sacs de sable pour empêcher d'y entrer. On ne l'explique jamais. Vous continuez à penser que tout le pays est en feu, on n'explique pas. Ce sont les représentations d'une partie de l'élite haïtienne qui dit qu'elle est assiégée.
J'insiste : pourquoi n'avez-vous pas parlé de ces jeunes gens des quartiers populaires qui ont été abattus à coup de fusil sur ordre des politiciens.nes et de l'oligarchie il y a deux ans, trois ans, ou quand Jovenel Moïse et Michel Martelly ont envoyé des groupes armés dans ces quartiers pour les abattre ?
BBC, CNN, Voice of America ont livré la même histoire. Nous connaissons le néocolonialisme, la façon de fonctionner de ces médias globaux dans les pays d'Afrique et en Amérique latine ; ils se copient les uns les autres et répandent la même histoire. C'est la manufacture du consentement. Partout où je me suis trouvée en dehors des États-Unis j'ai été confrontée à la même réaction : « Oh ! Mon dieu, votre pays ; je suis désolé.e ; tout votre pays est en guerre civile, il est en feu ».
Pour moi, ces médias sont aussi responsables de la violence qui sévit en Haïti que la population haïtienne (…). Aussi, les gens qu'on interview au pays, sont ceux et celles qui sont coïncés.es à Port-au-Prince. Durant une émission de télévision à laquelle je participais, j'ai entendu : « Vous savez, je suis coïncé dans ma maison. Je n'ai pas pu sortir depuis quelques jours. Je descends la rue avec mon chauffeur et je vois les cadavres ici et là ». Je me dis : « Vous avez un chauffeur ? Alors c'est très intéressant ».
En effet, une partie de cela est très intéressante. Mais il y a aussi les troupes étrangères (dans le pays). Même après le tremblement de terre les gens qui ont le mieux fait avec tout l'argent qui a été distribué au nom du pays, ce sont les élites économiques.
Ceux et celles qui obtiennent actuellement des contrats de sous-traitance, profitent de l'invasion étrangère. Leurs hôtels affichent complets. La location de voitures aux agences d'aide fonctionne à plein. Leur soutien à l'invasion est acquis parce que ce n'est pas cette partie de la population qui va se faire tuer. Elle vit dans des installations fortifiées sur les hauteurs.
O.J. : Parlons de la diaspora. Vous en êtes membre si je comprends bien. Sa présence à Montréal et dans d'autres villes canadiennes est certainement importante. Pouvez-vous parler de la réponse de cette population au Canada qui entretient des rapports avec Haïti ? Comment se présentent les réactions ? Et voyez-vous l'émergence d'un consensus à un moment donné ? Ou, y-a-t-il une position progressiste commune ?
J.P. : Je dois dire que je suis arrivée au Canada il n'y a que neuf mois, venant des États-Unis. Cette précision est importante. Alors, je ne connais pas bien l'étendue des positions au Canada mais, je peux dire que, généralement, il y en a une. Les plus vieux et vieilles qui ont soutenu le Parti Lavalas de J.B. Aristide sont encore fachés.es par le coup d'État de 2004. C'est une voix progressiste.
J'ai pu observer au fil du temps, une situation fascinante : à Miami par exemple, une classe moyenne supérieure plutôt bureaucratique a accédé au gouvernement. Il existe des groupes légaux d'Haïtiens.nes américains.es comme une association d'avocat.es, des élus.es qui prennent les mêmes positions que le Département d'État. Par exemple, ils et elles sentent le besoin de faire du lobbying ici et là en soutien à l'invasion. Mais, à Ottawa il y a un solide groupe progressiste. Il y a beaucoup d'organisations progressistes qui, encore maintenant, persistent à dénoncer le rôle du Canada dans l'occupation continue. Car, Haïti est occupé. Il l'a été depuis 20 ans par des étrangers.
Donc il y a trois groupes dont deux sont progressistes. Mais les bureaucratiques sont ceux et celles que les gouvernements écoutent à cause de leur maîtrise du langage technocratique. Par exemple les solutions doivent être envisagées dans les bureaux de Washington ou d'Ottawa ; c'est là qu'il faut comprendre ce qui se passe au pays plutôt qu'avec les organisations sur le terrain.
L'autre aspect est avec la jeune génération, la croyance dans la diabolisation d'Aristide et de son Parti, Lavalas depuis 2004, et le rôle des médias. Il y a eu un article intitulé : « How to Turn a Priest into a Cannibal ». Les États-Unis y présentaient Aristide comme l'incarnation du diable. Ils le liaient à Hitler et autres personnages semblables et ils diabolisaient le mouvement populaire en laissant entendre qu'il était derrière toute la violence et ainsi de suite. Je pense que beaucoup de cette jeunesse qui a grandi avec cette représentation d'Aristide y croient.
En tous cas ils en croient une partie et c'est la raison pour laquelle elle ne voit pas correctement par exemple, la figure de Guy Philippe, ce paramilitaire qui a assouvi sa vengeance en faisant des dégâts notables durant le gouvernement Aristide. Les États-Unis l'ont qualifié de « combattant pour la liberté » durant le coup d'État de 2004. Il faisait partie des groupes fondés et entraînés aux États-Unis et au Canada. En ce moment il a un soutien populaire mais les gens ne se rendent pas compte qu'il a été financé par la CIA entraîné par les forces spéciales américaines en Équateur et en République dominicaine.
Il y a donc une différence entre les générations. Mais je pense qu'il y a un groupe clé de gens qui la comprend avec son passé, qui comprend ce qui est arrivé durant les 20 dernières années spécialement. Elle sait, pour le moins, qu'il ne faut avoir aucune confiance dans les États-Unis.
L'impérialisme américain n'est pas gratuit. Celui du Canada non plus. Je ne pense pas que les Canadiens.nes voient leur pays comme une puissance impérialiste, mais plutôt comme obéissant aux États-Unis. Mais il faut se rendre à la réalité : le Canada joue son propre rôle impérialiste. Il faut se rappeler que ce sont des compagnies canadiennes qui détiennent la majorité des sites miniers en Afrique n'est-ce pas ? Il y a de l'or en Haïti et des compagnies canadiennes travaillent à son extraction. Et peu de gens savent que le Canada a une base militaire dans les Caraïbes, en Jamaïque. Il s'en est servi pour de l'espionnage dans la région après les indépendances, pour s'opposer aux soit disant nations communistes et pour freiner les communistes toujours actifs après les années 1960-70. Donc il faut être très clair, ces deux pays ne se dépensent pas en faveur d'Haïti, ils ne sont pas là parce que ce qui s'y passe les intéresse.
O.J. : C'est intéressant ce que vous dites à propos de Guy Philippe parce je me rends compte que la majorité des Haïtiens.nes vivants.es en ce moment, avaient au plus six ou sept ans quand le coup de 2004 est arrivé. La conscience politique est largement façonnée dans ce contexte, avec cette perspective d'occupation militaire sans fin. (…)
(…) Quelle est selon vous, la chose la plus importante dont les Canadiens.nes doivent s'emparer en réponse à cette crise dans laquelle nous sommes si profondément impliqués.es ?
J.P. : Dites à votre gouvernement de se retirer d'Haïti, de le laisser tranquille. Je sais que ça semble idiot parce qu'on vous répète qu'il faut faire quelque chose, que la situation est si terrible.
Je veux vous rappeler que ce peuple a défait l'armée de Napoléon. Il a combattu et est devenu indépendant par ses propres forces. Il a encore ces capacités.
Je pense qu'il faut faire un pas de recul, respecter suffisamment la souveraineté et l'humanité haïtienne pour permettre au peuple de faire ce qu'il y a à faire sans la perpétuelle médiation américaine, française et canadienne dans ses affaires.
La chose la plus importante que les Canadiens.nes peuvent faire, surtout la gauche, c'est de se rallier au peuple haïtien contre les interventions et la constante médiation de son gouvernement. Il faut arrêter le gouvernement canadien de participer à cette occupation, à la militarisation du pays, d'envoyer des troupes etc. etc. Mais aussi de ne plus autoriser d'ONGs à s'y installer ; en ce moment, trop de gens développent leur carrière avec Haïti comme atout.
Le plus important de tout, c'est de laisser Haïti tranquille. Je le dis avec toute la considération que j'ai envers mes frères et sœurs canadiens.nes mais j'insiste, dites à votre gouvernement de nous laisser tranquilles.
O.J. : Jemima Pierre, merci beaucoup de nous avoir accordé tout ce temps.
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