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Gaza - Les méandres de la stratégie chinoise

Quelques jours après les attaques du 7 Octobre 2023, une délégation de pays arabes se rendait à Pékin, tandis que l'envoyé spécial de celle-ci pour le Proche-Orient se lançait dans une grande tournée dans la région. Tous les regards se sont alors dirigés vers la Chine qui, depuis 1988, a reconnu l'État palestinien. Mais l'empire du Milieu veut-il vraiment intervenir ? Et en a-t-il les moyens ?
Tiré de orientxxi
26 février 2024
Par Martine Bulard
Riyad Al-Maliki (à gauche), ministre des affaires étrangères de l'Autorité palestinienne, serre la main de Ma Xinmin (à droite), directeur général du Département des traités et du droit du ministère des affaires étrangères chinois, lors d'une audience à la Cour internationale de Justice (CIJ) à La Haye, sur les conséquences juridiques de l'occupation israélienne des territoires palestiniens, le 22 février 2024.
Robin van Lonkhuijsen/ANP/AFP
Depuis qu'elle a parrainé la réconciliation spectaculaire entre l'Iran et l'Arabie Saoudite, en mars 2023, les commentateurs voient la Chine partout. Certains l'ont même imaginée prête à prendre la place des États-Unis ou, en tout cas, à endosser l'habit du faiseur de paix entre Palestiniens et Israéliens. Aujourd'hui, la déception semble à la mesure de cette attente inconsidérée. Quatre mois après le 7 octobre 2023, c'est plutôt morne plaine. Tel-Aviv bombarde, Pékin se tait. Et tout le monde se demande : mais que fait la Chine ?
« L'Occident confond l'agitation et l'action », me répond un ex-diplomate chinois à l'Unesco, qui rappelle que les dirigeants de son pays sonnent rarement les trompettes avant d'avoir atteint leur but. En l'occurrence, il faut obtenir « d'abord un cessez-le-feu durable » puis un accord sur « une feuille de route conduisant à la paix ». Vaste programme. Les bonnes relations de Pékin avec les pays arabes comme avec Israël sont censées faciliter la chose. Mais Tel-Aviv s'est déclaré « profondément déçu » des premières déclarations des dirigeants chinois.
Dès le 8 octobre 2023, un communiqué du ministère des affaires étrangères chinois pointe la gravité des évènements et appelle « les parties concernées à mettre immédiatement fin aux hostilités afin de protéger les civils et d'éviter une nouvelle détérioration de la situation » (1). Le lendemain, l'une des porte-parole, Mao Ning, se fait plus précise : « Nous nous opposons et condamnons les actes qui portent atteinte aux civils ». Sans ambiguïté, elle condamne donc les massacres mais elle ne mentionne pas le Hamas, à l'heure où le monde entier est prié de dénoncer « l'organisation terroriste ». Surtout, elle inscrit ces crimes dans le temps long de l'affrontement israélo-palestinien : « La récurrence du conflit montre, une fois de plus, que l'impasse prolongée du processus de paix ne peut pas perdurer » (2). Impardonnable.
Cette analyse rencontre pourtant celle de la plupart des pays de la région, en dehors de l'Inde et des pays asiatiques « occidentaux », tels la Corée du Sud ou le Japon qui se sont rangés derrière Israël — avec quelques nuances pour Tokyo qui a refusé de parler « d'organisation terroriste » à propos du Hamas, et n'a pas voulu « se joindre aux États-Unis, au Royaume Uni, à la France, à l'Allemagne et à l'Italie pour publier [le 9 octobre] une déclaration commune (…) promettant un soutien uni à Israël » (3). La Chine ne manque pas de souligner que, loin d'être isolée, elle se trouve en phase avec nombre des pays du Sud. En démontrent les votes au Conseil de sécurité et à l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations unies (ONU), où Washington et Tel-Aviv sont bien seuls.
Déjà Mao Zedong…
La position chinoise n'a rien d'opportuniste. Son soutien aux Palestiniens est historique, impulsé dès le début par Mao Zedong, bien qu'Israël ait été l'un des premiers États à reconnaître la République populaire de Chine, dès 1950 (contre 1964 pour la France, et 1972 pour les États-Unis). Selon les principes du non-alignement dont le pouvoir chinois est partie prenante, le Grand Timonier appuie ostensiblement tout mouvement de libération et de lutte contre la colonisation, ce qui inclut par exemple l'Égypte de Gamal Abdel Nasser. Une solidarité sans faille, certes, mais davantage politique que financière ou militaire. En 1988, Pékin reconnait l'État palestinien. Néanmoins, il n'est encore qu'un nain politique.
Depuis, son poids au Proche-Orient a singulièrement évolué, même si la Chine reste d'une très grande prudence. Mêlant habilement commerce et politique, elle instaure des relations avec les vingt-deux pays de la Ligue arabe au début des années 1990, et exige d'eux, en contrepartie, une rupture diplomatique avec Taïwan.
Dans un premier temps, elle rentre dans le maelstrom proche-oriental par la petite porte du commerce énergétique. Sa soif de pétrole et de gaz la pousse à développer des liens avec les pays du Golfe puis, plus lentement, avec l'Iran. Ces partenaires vont assurer près des deux tiers de son approvisionnement au début des années 2000. Toutefois, Pékin reste méfiant et s'attache à diversifier ses sources : ses achats énergétiques en provenance de la région ne dépassent pas actuellement 46 % du total. Dans le même temps, les entreprises chinoises s'enrichissent en vendant leurs marchandises, et les investissements commencent à décoller. Les échanges avec Israël, officiellement reconnu en 1992, connaissent eux aussi une croissance fulgurante.
La Chine est alors en pleine phase de normalisation. Dans ce monde qu'elle sait sous influence américaine — et donc intouchable —, elle préserve ce qu'elle estime être son devoir internationaliste : la défense des droits du peuple palestinien. En 1997, les dirigeants adoptent un plan de paix en quatre points qu'ils défendent à l'ONU et dans leurs rencontres bilatérales, sans toutefois en faire une priorité (4).
Une politique arabe tardive
Il faudra cependant attendre les années 2000 pour assister à un changement de stratégie diplomatique au Proche-Orient. Plusieurs éléments y poussent. La politique de tout-export et d'implantation mondiale suppose de sécuriser ses relations : rien n'est plus dangereux aux yeux de Pékin que l'instabilité. En 2002, la Chine se dote d'un envoyé spécial pour le Proche-Orient chargé de faire le tour des popotes, même s'il échappe au radar de la plupart des observateurs. Deux ans plus tard, elle crée le Forum de coopération Chine–États arabes qui comprend les vingt-deux pays de la Ligue arabe. Le Forum prend de l'importance avec le lancement des nouvelles routes de la soie qui se déclinent en plusieurs thèmes, et abordent diverses questions : économiques (avec 10 milliards de dollars d'investissements promis en 2023), politiques, géostratégiques et militaires.
Pékin est obsédé par deux menaces. Tout d'abord, les mouvements indépendantistes des Ouïghours musulmans au Xinjiang, notamment après les révoltes de 2009. La Chine compte sur la solidarité des pays arabes dans ce domaine. De plus, elle craint qu'en cas de conflit les États-Unis bloquent les goulots d'étranglement que représentent le détroit d'Ormuz, le canal de Suez et le détroit de Bab El-Mandeb. Cela explique les rapprochements avec l'Égypte, où le président Xi Jinping s'est rendu deux fois depuis son arrivée au pouvoir, ainsi que les investissements dans les infrastructures portuaires.
Israël, un partenaire sous influence
Le possible blocage américain n'est pas qu'un fantasme. En juillet 2000, sous pression des États-Unis, le gouvernement israélien annule un contrat portant sur quatre avions militaires Falcon. D'autres interdictions tomberont. Si entre 1990 et 2000, les ventes d'armes israéliennes à Pékin atteignent 323 milliards de dollars (298 milliards d'euros), elles passent à zéro en 2002, selon les données du Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI). Exit celui qui figurait alors au troisième rang parmi les acheteurs d'équipements militaires israéliens. L'Inde, le voisin honni, prend sa place. Pas étonnant que Pékin ne considère pas Tel-Aviv comme un partenaire stratégique très fiable.
Les affaires étant les affaires, les entreprises chinoises publiques et privées développeront quand même leurs investissements dans les domaines alimentaires, des télécommunications et de la recherche (Huawei), de la cybersécurité et des infrastructures (tramway, port). Mais là encore, la société chinoise qui gérait une partie du nouveau port de Haïfa se retrouve marginalisée, sur intervention de Washington qui y voit un danger pour la base servant d'escale à ses sous-marins située à quelques encablures plus loin. Une fois encore, c'est un groupe indien, Adani, qui rafle la mise. De quoi conforter les doutes chinois. Car même si les deux pays sont étroitement liés commercialement, la Chine occupe la troisième place dans les échanges israéliens, derrière les États-Unis et l'Union européenne. Elle maintient donc le dialogue en tablant sur l'avenir, sans illusion. À court terme, elle ne dispose pas du moindre levier pour pousser aux négociations. Certains lui reprochent de ne pas se préoccuper du sort d'une otage sino-israélienne du 7 octobre 2023, Noa Argamani. Ils oublient que les autorités chinoises ne reconnaissent pas la double nationalité, et considèrent cette femme comme israélienne, ainsi que l'a rappelé l'ambassadeur à Tel-Aviv, se déclarant sensible au sort « de tous » les otages.
Un ancrage solide avec un minimum de publicité
En maniant habilement les relations bilatérales avec chaque gouvernement, les interventions au sein des organisations multilatérales dédiées et les échanges commerciaux, la Chine a conforté sa présence au Proche-Orient. Elle est devenue le premier partenaire commercial de l'Arabie saoudite, des Émirats arabes unis et de l'Iran, à qui elle paie ses achats de pétrole en yuans et non plus en dollars. Cela en dit long à la fois sur la confiance des dirigeants arabes dans l'économie chinoise, et sur la méfiance des pétromonarchies à l'égard des États-Unis, capables à tout moment geler leurs avoirs, comme Washington l'a montré pour la Russie. Le succès est d'autant plus solide que, fidèles aux principes de non-ingérence, les dirigeants chinois veillent à ne jamais s'immiscer dans les querelles régionales (Iran contre Arabie Saoudite, Qatar et Émirats arabes unis, Houthis et Yémen-Arabie Saoudite).
Comme le résume parfaitement l'ex-premier ministre australien Kevin Rudd (5) :
Cette présence stratégique croissante a été rapide et remarquable. Une fois de plus, [sa] capacité à mettre en œuvre sa stratégie avec un minimum de publicité a été fondée sur son formidable levier économique dans chaque capitale, et sa capacité à minimiser le risque d'être prise dans le réseau complexe des tensions intrarégionales. En ne prenant pas parti, la Chine a établi, développé et maintenu des amitiés avec tous les belligérants de la région, équilibrant soigneusement ses relations avec l'Iran, les États arabes et Israël.
De fait, la Chine a multiplié contacts et discussions. Après avoir rencontré l'ambassadrice d'Israël à Pékin le 17 octobre 2023, son envoyé spécial pour le Proche-Orient Zhai Jun s'est lancé dans une valse de voyages, d'abord au Qatar où se négociait le sort d'une partie des otages du Hamas les 19 et 20 octobre, puis le jour suivant en Égypte afin de participer au Sommet du Caire pour la paix, le 24 octobre aux Émirats arabes unis, et ensuite en Jordanie et en Turquie.
Signe des temps : le 20 novembre 2023, une délégation composée de ministres des affaires étrangères de pays membres de la Ligue arabe (Arabie Saoudite, Égypte, Jordanie, Qatar, État palestinien) et de l'Organisation de la coopération islamique (Indonésie, Nigéria, Turquie), lancée dans une tournée internationale en faveur de la paix, a commencé son périple par Pékin et non par Washington ou Paris. Le lendemain, se tenait une réunion des BRICS+ (Brésil, Russie, Chine, Afrique du Sud auxquels se sont joints depuis le début de l'année, l'Éthiopie, l'Iran, les Émirats, l'Arabie saoudite) entièrement consacrée à cette guerre. Deux jours plus tard, se mettait en place un premier cessez-le-feu temporaire et un premier échange d'otages. Certains observateurs y ont alors vu une preuve de l'efficacité chinoise… C'était aller un peu vite en besogne.
Pas question de tomber dans le piège américain
Depuis rien n'a avancé. Et les dirigeants occidentaux – Américains en tête –reprochent à l'empire du Milieu de ne pas intervenir pour mettre fin aux attaques des Houthis qui ciblent les navires liés à Israël en mer Rouge. Ils l'accusent de ne pas faire pression sur l'Iran. Pékin assure de son côté avoir demandé que « cessent ces attaques » qui pénalisent ses exportations. C'est notamment le cas du géant du transport maritime Cosco qui a dû emprunter une route plus longue et donc plus coûteuse. Mais les moyens d'action de la Chine restent limités.
Il lui est surtout reproché de ne pas participer à la coalition dirigée par les États-Unis qui bombarde les positions houthis au Yémen, alors qu'en 2008, elle avait rejoint le front occidental pour lutter contre les pirates attaquant les porte-conteneurs. Mais « nous ne sommes pas les shérifs du monde, rappelle l'ancien ambassadeur, nous respectons le droit international ». En 2008, il y avait en effet un mandat de l'ONU, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Et pour cause, Washington ne pourrait obtenir de feu vert sans contraindre Israël à accepter un cessez-le-feu immédiat.
Plus fondamentalement, la Chine ne veut pas mettre le moindre orteil dans ce « bourbier », fabriqué et entretenu par les États-Unis selon elle. Ce que Wang Yi, le ministre des affaires étrangères, traduit ainsi à l'issue d'une rencontre avec ses homologues d'Arabie Saoudite, de Bahreïn, du Koweït, d'Oman, d'Iran et de Turquie, en janvier 2022 :
Le Moyen-Orient a une longue histoire, des cultures uniques et des ressources naturelles abondantes, mais la région souffre de troubles et de conflits depuis longtemps, en raison d'interventions étrangères (6).
Et d'enfoncer le clou : « Les projets de grand Moyen-Orient proposés par les États-Unis ont des conséquences désastreuses ».
Rappelant à la suite du président Xi Jinping qu'il « ne peut y avoir de sécurité dans la région sans une solution juste à la question de la Palestine », il ajoute : « Nous croyons que les peuples du Moyen-Orient sont les maitres du Moyen-Orient. Ils n'ont pas besoin d'un patriarcat ».
Selon Wang Yi,
certains politiciens et membres de l'élite américaine espèrent que [nous allons] répéter leurs erreurs et combler le « vide de pouvoir » qu'ils laissent. Mais la Chine ne tombera pas dans le piège. (…) Elle ne cherche pas à remplacer les États-Unis.
Que les États-Unis se débrouillent donc avec le chaos qu'ils ont créé ! Pour l'heure, la Chine compte les points de l'impuissance américaine et laisse le monde prendre conscience du double standard occidental dans la défense des droits humains. Reflétant l'opinion de nombre de dirigeants, le ministre jordanien des affaires étrangères Ayman Safadi a ainsi renvoyé dans les cordes le représentant du président Joe Biden en lui rétorquant : « Si un autre pays dans le monde faisait un fragment de ce qu'Israël a fait, il se verrait imposer des sanctions de tous les coins du monde » (7).
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Toujours aussi peu habile, l'ambassadeur de Chine en France, Lu Shaye, a publié sur X (ex-Twitter) la photo des bombardements à Gaza et celle des champs cultivés du Xinjiang, comme si les massacres des uns pouvaient justifier la répression des autres.
Certes Pékin ne peut pas asseoir son autorité internationale sur la seule faillite du camp occidental. Mais elle ne peut aujourd'hui que multiplier les initiatives diplomatiques de dialogue et de rencontre, quand d'autres comme Washington disposent d'un atout infaillible pour faire céder Tel-Aviv : arrêter les livraisons d'armes.
Terrorisme et lutte armée vue par Pékin
Le représentant chinois à la Cour internationale de justice (CIJ), Ma Xinmin, a été auditionné le 22 février 2024. Il a défendu le droit des Palestiniens à un État et a fait la différence entre « terrorisme » et « lutte armée » pour l'indépendance. Ci-dessous un extrait de son intervention :
Dans la poursuite du droit à l'autodétermination, le recours à la force par le peuple palestinien pour résister à l'oppression étrangère et pour achever l'établissement d'un État indépendant est un droit inaliénable, fondé en droit international. Après la seconde guerre mondiale, divers peuples y ont eu recours pour gagner leur indépendance. De nombreuses résolutions de l'Assemblée générale des Nations unies, telle la résolution 3070 de 1973, reconnaissent « la légitimité de la lutte du peuple pour la libération de la domination coloniale et l'occupation étrangère par tous les moyens disponibles, y compris la lutte armée ». Cela se reflète également dans les conventions internationales. Par exemple, la Convention arabe pour la répression du terrorisme de 1998 affirme « le droit des peuples à combattre l'occupation et l'agression étrangères par tous les moyens, y compris la lutte armée, afin de libérer leurs territoires et de garantir leur droit à l'autodétermination et à l'indépendance ». Ainsi la lutte armée est fondée sur le droit international et se distingue des actes de terrorisme. Cette distinction est reconnue par plusieurs conventions internationales. Par exemple, l'article 3 de la Convention de l'Organisation de l'unité africaine sur la prévention et la lutte contre le terrorisme de 1999 stipule que « la lutte menée par les peuples conformément aux principes du droit international pour leur libération ou leur autodétermination, y compris la lutte armée contre le colonialisme, l'occupation, l'agression et la domination par des forces étrangères ne doit pas être considérée comme des actes terroristes ». En revanche, l'usage de la force par toute entité ou individu au nom « du droit à l'autodétermination » en dehors du contexte de domination coloniale ou d'occupation étrangère n'est pas légitime. De plus, pendant la lutte armée légitime des peuples, toutes les parties sont tenues de respecter le droit international humanitaire et, en particulier, de s'abstenir de commettre des actes de terrorisme en violation du droit international humanitaire.
Martine Bulard - Ex-rédactrice en chef du Monde diplomatique, autrice notamment de Chine-Inde, La course du dragon et de l'éléphant, (Fayard, 2008), L'Occident malade de l'Occident (avec Jack Dion, Fayard, 2009).
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Finalement, l’extrême droite israélienne obtient la guerre dont elle a toujours voulu

Conçue comme une réponse à l'attaque du Hamas du 7 octobre (2023), le conflit à Gaza est de plus en plus devenu une guerre d'élimination de tout le peuple palestinien. C'était un but des fascistes locaux depuis longtemps.
James Bamford, The Nation, 26 février 2024
Traduction, Alexandra Cyr
« La prochaine balle ira directement dans ton ventre » hurle le colon de garde, en Anglais et en Hébreux ». Il vient juste de tirer avec une mitraillette Uzi à quelques fils au-dessus de nos têtes. C'était en 1990, à Kiryat Arba, une colonie illégale dans les territoires occupés. Nous tentions de filmer la maison de Robert Manning, un citoyen américain recherché aux États-Unis pour un meurtre brutal avec une bombe et suspecté d'autres tentatives de bombardement d'Arabes américains.nes.
À l'époque, je travaillais comme producteur d'investigation pour ABC News ; j'étais accompagné d'une équipe israélienne, un vidéographe et un technicien du son. Depuis des années, R. Manning se cachait et évitait les États-Unis avec l'aide active du gouvernement israélien qui l'avait même accepté dans l'armée. Quelques heures plus tôt, après avoir découvert son domicile, nous l'avions secrètement filmé alors qu'il se rendait à son auto, armé de ce qui semblait être une mitraillette Uzi et nous l'avons suivi jusqu'à une base militaire.
Cet incident qui remonte à 30 ans, a une grande pertinence aujourd'hui. En plus d'être réserviste dans l'armée israélienne il était aussi un soldat de premier rang dans la violente et raciste organisation Kach fondée par un rabbin orthodoxe américain, Meir Kahane. Même s'il a été assassiné en 1990 et que Kach a été banni par le gouvernement israélien en 1994, au fil du temps les rabbins fidèles à l'organisation appelés les Kahanistes ont sérieusement gagné en pouvoir et en force au point où ils jouent un rôle majeur dans le gouvernement israélien actuel. Ils sont même influents dans les prises de décisions qui concernent la guerre avec le Hamas. La solution prônée par le rabbin Kahane était finalement l'usage de la force pour éliminer tous les Palestiniens d'Israël proprement dit et des territoires occupés soit, exactement ce que donne à voir Gaza en ce moment au monde entier.
Selon le quotidien israélien Haaretz, « la vision kahaniste en est une où la violence et la revanche sont intrinsèquement liées à la religion juive et Israël ne mérite pas d'exister s'il n'expurge pas tous les non Juifs de son milieu. Avec cette approche d'identité ethnique d'Israël, qui est un appel clair à expulser tous les citoyens.nes arabes et les Palestiniens.nes qui résident dans les territoires occupés, ce rabbin a non seulement gagné une certaine réputation à dire ce que les autres n'osaient même pas penser mais aussi d'avoir la volonté d'agir préventivement contre les Arabes ».
En 1968, à Brooklyn, le rabbin Kahane fonde la Ligue de défense juive qui brandissait un drapeau affublé d'un poing levé contre l'étoile de David. Trois ans plus tard, il était reconnu coupable à New York de conspiration pour fabrication d'explosifs. Il a reçu une sentence suspendue de cinq ans. Il déménage en Israël cette année-là et a fait partie des fondateurs du parti politique Kach qui milite pour l'expulsion forcée de toute la population palestinienne, à laquelle il réfère avec le mot « chiens », à la fois d'Israël proprement dit et des territoires occupés. Ce parti a aussi été introduit aux États-Unis où il a été banni en 1994 au titre d'organisation étrangère terroriste. En 1984, l'appel au nettoyage ethnique violent prôné par le rabbin Kahane a reçu suffisamment de soutien populaire pour que le parti gagne un siège au parlement israélien.
Pendant ce temps, aux États-Unis, la Ligue de défense juive continuait à grandir et s'est vite transformée en une version juive du Ku Klux Klan. Elle a été à l'origine d'attaques à la bombe contre des Arabes américains.nes partout dans le pays mais, pas contre les noirs.es. Entre 1980 et 1985, le FBI a dénombré pas moins de 17 de ces attaques. Une des cibles premières fut Alex Odeh, un Palestinien né dans ce qui est maintenant la Cisjordanie occupée. À l'époque il était le directeur régional pour la Californie du sud du Comité contre la discrimination des Arabes américains, un groupe américain militant pour les droits des Palestiniens.
En octobre 1985, une bombe a été placée et a éclatée à l'entrée du siège social du Comité tuant M. Odeh au moment où il ouvrait la porte. Quelques heures plus tard, Irv Rubin, président national de la Ligue juive donnait son appréciation : « Je ne verserai pas une larme pour M. Odeh. Il a reçu ce qu'il méritait ». Le FBI s'est centré sur trois des membres éminents de la Ligue et associés de longue date au rabbin Kahane détenant en plus de lourd dossiers criminels soit, Robert Manning, Andy Green et Keith Fuchs. Dans une entrevue, un ancien agent du FBI m'a déclaré : « Le plus important était de savoir sur oui ou non le rabbin Kahane était derrière ces bombardements ». Plus tard, tous les suspects se sont enfui en Israël et malgré leur histoire violente et criminelle, ils ont pu avoir la garantie de la citoyenneté en bénéficiant de la loi sur le retour. Ils se sont installés dans des colonies dans les territoires occupés.
Malgré les enquêtes fouillées des agents déterminés du FBI les années ont passé sans aucune arrestation ou extradition. Pourtant, R. Manning et son épouse étaient aussi suspects numéro un dans un autre meurtre brutal, celui de Patricia Wikerson secrétaire d'une petite entreprise d'ordinateurs à Los Angeles. Elle a été tuée par un bombe arrivée par la poste. R. Manning avait été engagé par un autre membre de la Ligue de défense juive pour tuer le patron de Mme Wilkerson et ainsi régler un différend financier. Mme Wilkerson a été tuée par erreur par cette puissante explosion.
Dix ans plus tard, à cause du manque d'action, il était clair qu'Israël protégeait délibérément ces violents kahanistes. Un ancien membre de haut niveau du Département de la justice américain réclamant l'anonymat analysait : « Nous considérons leur réponse (celle d'Israël) fallacieuse. Nous leur disons qu'ils ont une obligation internationale, qu'ils violent une entente internationale en ne faisant rien quand on le leur demande … Ils ont eu des années pour légalement arrêter R. Manning et ils ne l'ont pas fait. Donc, tout ce qu'on peut dire c'est qu'ils n'ont absolument aucun intérêt à nous aider ».
En 1990 je suis allé en Israël pour tenter de retrouver R. Manning et l'interroger. Il semble que notre affaire ait provoqué des fortes réactions dans le pays et motivé le Département de la justice à faire plus de pression sur Israël qui a finalement extradé M. Manning. En 1994, il a été trouvé coupable pour le meurtre de Mme Wilkerson lors d'un procès à Los Angeles et a reçu une sentence de prison à vie avec une possibilité de libération conditionnelle après 30 ans.
En octobre dernier, malgré les protestations des familles Odeh et Wilkerson, R. Manning a pu bénéficier de la liberté conditionnelle après 30 ans de prison. Il devrait être libéré complètement de la prison fédérale à l'été 2024. Mais les deux autres suspects dans le meurtre de M. Odeh, dont Andy Green n'ont jamais été arrêtés et sont toujours libres.
Il a été un des associés le plus proche du rabbin Kahane, même son adjoint principal. En 1980, les deux personnages ont conspiré pour faire exploser le Dôme du rocher et ainsi tuer des centaines d'Arabes et de Palestiniens. Ce site religieux est vénéré par tous les Musulmans de par le monde, c'est le plus vieil ouvrage d'architecture islamique et il est situé aux côtés de la Mosquée Al-Aqsa le troisième lieu saint de l'Islam. Pour les Musulmans, le prophète Mohamed serait monté au ciel depuis cette mosquée. Mais, pour les Juifs, ce bout de terrain où se trouvent les deux sanctuaires est connu comme « le Mont du temple » et révéré comme le lieu où les premiers et seconds temples (juifs) étaient érigés. Le rabbin Kahane soutenait que lorsque la mosquée Al-Aqsa serait détruite avec ses dépendances, les Juifs pourraient construire le troisième temple par-dessus les gravats.
Les deux protagonistes ont été attrapés avant de commettre leur méfait et ont été condamnés à six mois de prison. Mais ce projet de destruction de la mosquée Al-Aqsa et de ce qui l'entoure est longtemps resté une obsession pour le rabbin A. Green et les fidèles du parti.
Plus tard, A. Green a changé de nom pour celui de Baruch Ben-Yoseph. Il est devenu président du mouvement d'extrême droite en faveur de l'établissement du Temple et a été rejoint par un autre Juif suprémaciste, obsédé par la destruction de la mosquée Al-Aqsa soit, Itamar Ben-Gvir. Même s'il a été condamné pour incitation à la haine et soutien à une organisation terroriste en 2007, en 2022 le Premier ministre Nétanyahou l'a nommé au puissant ministère de la sécurité nationale. Haaretz lui avait donné le titre de « successeur idéologique de l'ancien rabbin Meir Kahane ».
Ses propos ont d'ailleurs été présentés en preuve de génocide contre Israël par l'Afrique du sud, lors des audiences devant la Cour internationale de justice.
Dans le Monde, la sociologue Eva Illouz, professeure à l'Université hébraïque de Jérusalem écrit qu'il représente ce qu'on est bien obligé d'appeler le « fascisme juif ». Et elle ajoute qu'en tant qu'avocat, il a défendu des terroristes juifs et a applaudi à des opérations terroristes commises par des Juifs. Par exemple, celle de Baruch Goldstein qui avait tué 29 Palestiniens pendant leur prière à la mosquée d'Ibrahim. Il s'identifie tellement au terrorisme juif qu'il a même proposé d'abolir cette notion (pourtant reconnue par la police et le Shin Beth israéliens). Dans le Jerusalem Post, le rédacteur en chef, Yaakov Katz, le nomme « la version israélienne moderne de la suprématie blanche américaine et du fascisme européen ».
Le Times of Israël note que le parti de I. Ben-Gvir, Otzma Yehudit (Pouvoir juif), est vu comme le successeur du parti raciste Kach et de son fondateur Meir Kahane. Lors des dernières élections, le parti a fait alliance avec le parti Jewish Home-National Union de Bezalel Smotrich pour former ce que Ynetnews nomme « une dynastie de racisme et de provocation ». Peu après, B. Smotrich était nommé au puissant ministère des finances. En même temps, le petit-fils du rabbin Kahane, Meir Ettinger, est devenu le leader de Hilltop Youth, un groupe qui vit dans des postes avancés illégaux en Cisjordanie et qui attaque fréquemment brutalement des innocents.es palestiniens.nes. Récemment il a appelé à l'activation de cellules secrètes en disant : « Comme alternative à l'armée, il est possible d'activer des cellules de colons militaires armés pour perpétrer des massacres de Palestiniens.nes afin faire stopper leurs attaques ».
Le racisme et la suprématie juive s'étant répandus dans la société israélienne, la route était ouverte pour le retour du Kahanisme. En août dernier, Matan Vilnai, ancien adjoint à l'état-major de l'armée israélienne, mettait en garde : « N'importe qui peut constater que nous sommes en train de devenir un sinistre État kahaniste, raciste, religieux, radical, du Jourdain à la Méditerranée ». La semaine dernière, l'ancien Premier ministre Ehud Olmert présentait sa propre mise en garde dans Haaretz. Parlant des Kahanistes, qu'il désigne de : « Gangs de promoteurs de pogroms, (ils) ont pris le contrôle du gouvernement israélien et ont transformé son chef en serviteur. Les choses sont si désastreuses qu'on ne peut éviter de dire clairement et fortement : Nétanyahou, ça va finir dans encore plus de sang. Prenez note, vous aurez été averti ».
Selon l'académicien Idan Yaron, qui a passé plusieurs années à étudier le phénomène kahane, le leadership politique actuel en Israël n'a aucune tolérance pour qui que ce soit qui n'est pas Juif.ve : « Quiconque conteste l'approche nationale religieuse, quiconque n'est pas « un.e vrai.e Juif.ve » selon la définition du rabbin Kahane, doit être éliminé.e. Et ce n'est pas une métaphore. Le Premier ministre israélien est en train de légitimer le mouvement kahaniste et ses leaders qui sont absolument engagés envers ce rabbin et son programme. Ils ont tout fait pour perpétuer sa doctrine ».
Longtemps, B. Nétanyahou a démontré des idées similaires à celle de ce rabbin. En novembre 1989, alors qu'il était sous-ministre des affaires étrangères, il a fait un discours à l'Université Bar-Ilan. Selon le Jerusalem Post, il déplorait que : « le gouvernement n'est pas exploité politiquement des circonstances favorables pour procéder à des expulsions sur une large échelle. Politiquement les dommages auraient été minimes … Je pense qu'il y a encore des possibilités d'expulser beaucoup de monde ». Certains.nes de ses plus proches collaborateurs.trices l'ont accusé d'être un clone de Kahane. L'actuel membre du cabinet de guerre, Benny Gantz, ancien ministre de la défense, déclarait en 2019, que : « Kahane serait fier de Nétanyahou ».
Cette dangereuse renaissance du kahanisme est soutenue par les milliards de dollars des contribuables américains.es dont les politiciens du Congrès et de la Maison blanche qui espèrent ainsi, s'attirer les faveurs des lobbys des riches donnateurs.trices Juifs.ves et pro-israéliens.nes, dotent le gouvernement israélien. En mars 2022, durant sa visite en Israël l'ancien vice-président Mike Pence, a rencontré bien amicalement le disciple du rabbin Kahane, I. Ben-Gvir et le fondateur du parti Pouvoir juif, Baruch Marzel qui a servi d'homme de main au rabbin Kahane et a été son porte-parole durant une décennie. Mike Pence a déclaré à I. Ben Gvir que c'était un grand honneur que de le rencontrer et a ajouté : « Demeurez fort, nous allons être avec vous ».
Deux mois plus tard, le Président Biden autorisait le retrait de la liste des « organisations étrangères terroristes » la ramification (américaine) de Kach, Kahane Chai (vive Kahane). William Lafi Youmans, professeur associé à l'Université George Washington, prévient que : « Kach et Kahane s'étant divisés en divers groupes et partis politiques, ils continuent d'exposer, d'inspirer et d'agir violemment contre les civils.es palestiniens.nes. Au lieu de les retirer de cette liste, le Département d'État aurait dû procéder à une mise à jour et l'étendre (dans le temps) ».
En mai dernier, les violentes menaces d'expulsion des Palestiniens.nes des territoires occupés par Israël et de destruction de la mosquée Al-Aqsa ont atteint un sommet le jour israélien de Jérusalem, une fête qui marque la conquête de la ville par les troupes israéliennes en 1967. La foule marchait dans les quartiers palestiniens en scandant des slogans racistes dont : « Kahane avait raison » et « Mort aux Arabes ». I. Ben Gvir, disciple du rabbin Kahane et membre du cabinet Nétanyahou s'était joint aux manifestants.es ; pour la première fois un ministre prenait part à une telle manifestation. Le ministre des finances, Bazalel Smotrich y était aussi apparu.
Cinq mois plus tard, le 7 octobre, l'aile militaire du Hamas passait à l'attaque et tuais 1,200 Israéliens.nes, pour la majorité des femmes, des enfants et des personnes âgées. Le chef de l'aile politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh, déclarait : « L'opération inondation d'Al-Aqsa est lancée ».
La guerre dont les Kahanistes ont longtemps rêvée pour expulser ou éradiquer les Palestiniens.nes, s'emparer de leurs terres et détruire l'Esplanade des mosquées a commencé. En 1993, Andy Green alias Ben Yosef confiant disait : « Pensez à ce à quoi nous feront face quand nous bouterons les Arabes hors du Mont du temple. Nous allons devoir affronter le jihad de la totalité du monde musulman. Je suis prêt à le faire parce que je sais que c'est ce que Dieu veut ». Celui qui mène le jihad juif d'après Kahane, c'est l'ami de Ben Yosef, le ministre de la sécurité nationale, Ben-Gvir. En 2022, en réponse à un article critique dans Haaretz, il écrivait : « Vous avez clarifié que je suis dans le droit chemin et que le rabbin Kahane, que son sang soit vengé, me sourit ». Shaul Magid, un membre distingué des études juives au Collège Dartmouth et auteur d'un ouvrage portant sur le rabbin Kahane met en garde : « Ben-Gvir est de loin bien plus dangereux pour la société israélienne que Kahane ne l'a jamais été ».
L'ancien premier ministre Ehud Olmert approuve sans ambiguïté. Comme il le note dans Haaretz : « Le but ultime de cette gang (les Kahanistes) est de purger les territoires occupés de leur population palestinienne, de nettoyer l'esplanade des mosquées de ses fidèles (musulmans.nes) et d'annexer les territoires à l'État d'Israël. Le bain de sang est le moyen d'y arriver. Aussi bien le sang israélien dans le pays et dans les territoires qui sont contrôlés depuis 57 ans que le sang juif d'ailleurs dans le monde. Et aussi beaucoup de sang palestinien dans les territoires bien sûr, à Jérusalem s'il n'y a pas d'alternative et parmi les Arabes citoyens.nes d'Israël. Cet objectif ne sera pas atteint sans d'énormes bains de sang. Armageddon ».
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Au côté des Palestinien·es, la résistance continue

Un génocide est exposé en direct sur nos écrans. Les mutilations, les villes dévastées, les dizaines de milliers de morts dans des circonstances atroces, les attaques d'hôpitaux, les véhicules de Médecin sans frontières visés par des missiles et la suppression des subventions à l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) – tout cela caractérise la tentative de génocide en cours.
Tiré de Inprecor 718 - mars 2024
29 février 2024
Par Antoine Larrache
Manifestation à Strasbourg (France). © Photothèque Rouge
Une lutte sans pitié
Les grandes puissances impérialistes nous présentent leurs « faits alternatifs » – une méthode popularisée par Trump – selon lesquels Israël se défendrait contre une agression. Michel Warchawski utilise la métaphore selon laquelle Israël est la queue qui fait bouger le chien que sont les États-Unis, pour montrer qu'Israël possède une autonomie vis-à-vis des puissances occidentales mais est intimement lié à elles.
Celles-ci, par leur collaboration avec Israël, montrent la nature de leur domination sur le monde : elles mènent une lutte à mort contre les classes populaires, contre celles et ceux qui, par leur simple existence, nuisent à leurs intérêts économiques et politiques. Le financement, la fourniture d'armements, les investissements, le soutien politique – notamment l'islamophobie – des classes dominantes montrent l'unité entre la politique d'Israël et leurs politiques dans leur propre pays.
Il y a urgence à agir. Le gouvernement Netanyahou a fixé un ultimatum au 10 mars, début du ramadan, pour la libération des otages israélien·es, menaçant de renforcer l'attaque sur Rafah, avec la possibilité d'un approfondissement du génocide, la population étant repoussée vers l'Égypte et la mer.
Les mobilisations existent
Ces dernières semaines, 50 000 personnes ont manifesté à Londres, autant à Copenhague, 20 000 à Bruxelles, des dizaines de milliers aux États-Unis. Des collectifs militants existent – Palestine Solidarity Campaign en Grande-Bretagne, Stop Annekteringen af Palæstina au Danemark, Urgence Palestine notamment en France, etc. – et construisent la mobilisation à la base.
Des actions de boycott, dans le cadre de la campagne BDS, sont réalisées, avec efficacité, puisque McDonald's aurait vu sa croissance dans le monde limitée à 0,7 % au lieu des 5,5 % prévus, avec une baisse de fréquentation de 13 % durant 2023 aux États-Unis, attribuée notamment au boycott (1) . Les appels contre Carrefour ont permis de grands rassemblements. Puma ne renouvellera pas son partenariat avec la Fédération israélienne de football, sous la pression du boycott et des actions de saturation téléphoniques, des boîtes emails, etc.
Parfois, le désespoir gagne, comme c'est le cas lorsqu'un jeune homme s'immole par le feu aux États-Unis (2) . Mais des éléments positifs existent, avec des discussions de plus en plus régulières dans les organisations syndicales pour soutenir le peuple palestinien. En Israël même, des résistances existent, à l'image du travail réalisé par les sites +972 magazine et B'tselem et des manifestations organisées et dont nous nous faisons l'écho, même si elles sont limitées en termes numériques, pour mettre en valeur le fait que des juifs résistent au sionisme morbide, dans le monde entier.
Une rencontre internationale aura lieu les 16 et 17 mars à Barcelone pour coordonner la résistance. La construction de la mobilisation est une tâche essentielle pour la IVe Internationale et ses organisations. Comme l'avait déclaré nos camarades de la région arabe « à Gaza pourrait bien se jouer l'avenir du monde » (3) : comme l'Ukraine, la Palestine est un lieu où se mesure le désordre mondial. Les puissances impérialistes essaient de solidifier ou agrandir leur contrôle sur certaines régions, dans le cadre de la crise globale du capitalisme et du durcissement de la concurrence internationale.
Notre combat
Nous sommes dans un monde en guerre. Celle-ci s'inscrit dans la durée et tous les éléments du rapport de forces comptent pour trouver une issue.
La mobilisation en solidarité avec la Palestine, comme la résistance sur place et en Ukraine, s'inscrivent dans ce cadre. En agissant, les classes populaires s'homogénéisent. Les discussions politiques sont multiples, sur comment construire un mouvement, le front unique, et les solutions pour la Palestine.
Pour la IVe Internationale, elles commencent par le droit au retour de tou·tes les Palestinien·es sur le territoire historiquement reconnu de la Palestine, l'élimination de l'apartheid du fleuve à la mer, la lutte contre toutes les formes d'oppression, de racisme et d'exploitation dans toute la région, l'imposition de l'égalité des droits pour tous les peuples et, par conséquent, le démantèlement de l'État sioniste en tant qu'État « des Juifs ».
Nous souhaitons le développement d'un vaste mouvement révolutionnaire égalitaire de tous les peuples de Palestine dans leur lutte pour l'autodétermination. Ce qui nécessite le rejet du sionisme par le peuple juif d'Israël et sa participation à une révolution arabe porteuse d'une dynamique démocratique, laïque et socialiste.
Le 27 février 2024
1. « Le chiffre d'affaires de McDonald's en baisse après un boycott massif », Inès Bennacer, 7 février 2024, Forbes.
2. « Man Dies After Setting Himself on Fire Outside Israeli Embassy in Washington, Police Say », Aishvarya Kavi, 25 février 2024, New York Times.
3. Déclaration d'Al Mounadil-a (Maroc), de l'Organisation des Révolutionnaires socialistes (Égypte), de Mahmoud Rechidi (porte-parole du Parti socialiste des travailleurs, suspendu, Algérie) et du Groupe révolutionnaire communiste (Liban).
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Essayant de comprendre la dérive génocidaire de la société israélienne !

L'extermination méthodique du peuple palestinien a laquelle s'emploie avec succès depuis quatre mois l'armée israélienne, ne tombe pas du ciel et ne serait pas possible si la société israélienne ne l'approuvait pas activement et même avec enthousiasme.
Tiré de CADTM infolettre , le 2024-03-01
27 février par Yorgos Mitralias
https://www.cadtm.org/Essayant-de-comprendre-la-derive-genocidaire-de-la-societe-israelienne
Photo : Wafa (Q2915969) in contract with a local company (APAimages), CC, Wikimedia Commons, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Damage_in_Gaza_Strip_during_the_October_2023_-_29.jpg
Mais, cette actuelle ferveur exterminatrice de la société israélienne ne serait pas non plus possible si elle n'était pas le produit et l'aboutissement de la logique interne du projet constitutif de l'État hébreu, du projet sioniste ! Ce qui permettait au vieux militant anti-sioniste lucide et perspicace qu'est Michel Warschawski d'avertir déjà en 2014 qu'Israël est “un pays qui glisse vers le fascisme”. Et un an plus tard, de constater que “nous sommes passés d'une société coloniale à une société barbare. Une société potentiellement génocidaire qui devrait être bannie du concert des nations civilisées” !
Mais, Warschawski allait plus loin, et après avoir noté que “Israël est devenu l'Ouest sauvage, avec son shérif sanguinaire, Netanyahou”, il rappelait que “la seule façon d'avancer, pour les Israéliens qui rejettent la barbarie dans laquelle nous sombrons, est d'arrêter immédiatement le shérif et ses sbires. Des centaines de milliers de manifestants devraient occuper la rue”. Et désespéré, il s'écriait : “Mais où sont-ils ? Vivent-ils cachés à l'ombre de la barbarie – certes, leurs mains ne sont pas couvertes de sang, mais ils sont occupés à regarder ailleurs”. A quoi fait maintenant écho le si courageux et intègre écrivain, collaborateur du quotidien Haaretz et militant anti-occupation Gideon Levy quand il se lamente que « plusieurs de mes amis de gauche ont changé durant cette guerre, même eux. C‘est comme ça qu'on devient de plus en plus solitaire. C'est sans précédent »...
Ces lignes de Warschawski auraient pu être écrites aujourd'hui à la seule différence que la société israélienne « potentiellement génocidaire » de 2015 est désormais génocidaire au plein sens du terme. Alors, comment en est-on arrivé là ? Comment en est-on arrivé à ce que 72 % des Israéliens se déclarent opposés « à l'entrée de l'aide humanitaire dans la Bande de Gaza jusqu'à ce que les prisonniers Israéliens soient libérés » ? Et que des centaines d'autres Israéliens massés aux entrées de Gaza et brandissant des drapeaux israéliens, stoppent à plusieurs reprises les camions d'aide humanitaire à cette population palestinienne doublement et triplement réfugiée, décimée, affamée et agonisante ? En somme, comment en est-on arrivé à ce que la très grande majorité des citoyens Israéliens soutiennent et même applaudissent ce qu'est la définition même d'un génocide, l'extermination du peuple palestinien ?
Nous nous empressons d'affirmer que les Israéliens ne sont pas différents ni des Français, des Belges, des Anglais et des Américains, ni des Grecs, des Serbes,, des Turques, des Japonais, des Russes des Rwandais et de tant d'autres peuples dont l'histoire est parsemée des massacres ou même des génocides d'autres peuples. C'est d'ailleurs pourquoi les réponses données par un grand penseur (Juif) du siècle passé du nom d'Ernest Mandel, à la question « qu'est-ce qui a rendu possible l'holocauste du peuple juif », peuvent nous aider à comprendre l'actuelle dérive génocidaire des citoyens Israéliens [1].
Alors, selon Mandel, « ce qui a rendu possible l'holocauste — événement unique dans l'histoire jusqu'ici — c'est en premier lieu l'idéologie hyper‑raciste dans sa variante biologique (forme extrême du darwinisme social). Selon cette doctrine, il y aurait des « races sous‑humaines » (Untermenschen), dont l'extermination serait justifiée, voire indispensable. Pour les tenants de cette idéologie, les Juifs étaient la « vermine à exterminer », les Noirs sont des « singes », les « seuls bons Indiens sont les Indiens morts », etc. ». Voici donc pourquoi une éminence de l'actuel gouvernement Israelien comme le ministre de la défense Yoav Gallant, déclare que « les Palestiniens sont des « animaux humains ». Affirmation avec laquelle l'épouse du premier ministre Sara Netanyahou semble d'ailleurs ne pas d'être d'accord puisqu'elle écrit que comparer les Palestiniens aux animaux ...« constitue une insulte aux animaux » !
Déshumaniser l'ennemi, telle est donc selon Mandel, la précondition idéologique pour pouvoir traiter « des groupes humains déterminés de manière tellement inhumaine que le besoin d'une justification idéologique — l'idéologie de la déshumanisation — et d'une « neutralisation » de la mauvaise conscience et du sentiment de culpabilité individuelle naît presque nécessairement ». Et Mandel ajoute : » La déshumanisation systématique des Juifs aux yeux des nazis n'est pas un phénomène isolé dans l'histoire. Des phénomènes analogues ont eu lieu à l'égard des esclaves dans l'Antiquité, des sages‑femmes (« sorcières ») aux XIVe et XVIIe siècles, des Indiens d'Amérique, des Noirs soumis à la traite, etc. ».
En somme, aucune société humaine n'est pas « vaccinée » contre de telles dérives barbares et inhumaines. Ceci étant dit, qui mieux que les racistes et fascistes pur sang du gouvernement actuel d'Israël, que sont ses ministres Gvir et Smotrich, peuvent incarner cette dérive vers l'enfer génocidaire ? Leur fulgurante montée en puissance en l'espace d'une décennie, est non seulement représentative de la métamorphose subie par la société israélienne dans le même laps de temps (il y a quelques jours, le dernier bastion du vieux sionisme libéral et « de gauche » vient de tomber quand le président du mouvement des kibboutz Nir Meir a déclaré que « les kibboutz doivent rompre avec la gauche parce que c'est les colons qui ont raison » !). Elle fait aussi penser à d'autres « métamorphoses' et à d'autres « fulgurantes montées en puissance », par exemple, dans l'Allemagne de l'entre deux-guerres…
Nous voici donc arrivés au cœur du « mystère » israélien qui a fait que des politiciens marginaux et imprésentables comme Gvir et Smotrich, emprisonnés pour activités extrémistes et terroristes en 2005 et 2006, et présentés, encore il y a 10 mois par l'establishment israélien, comme « un danger pour l'État d'Israël » (Jerusalem Post), arrivent aujourd'hui non seulement à pouvoir dicter la politique de leur pays, mais aussi et surtout à exprimer et à matérialiser les vœux les plus profonds de la grande majorité de leurs compatriotes ! Encore selon Mandel « pour que de tels individus puissent rencontrer un écho parmi des millions de personnes, il faut une profonde crise sociale (nous dirions, en tant que marxistes : une profonde crise socio‑économique, une profonde crise du mode de production, et une profonde crise des structures du pouvoir). Pour que de tels individus puissent être candidats immédiats au pouvoir, voire prendre le pouvoir, il faut qu'il y ait une corrélation de forces sociales qui le permette : affaiblissement du mouvement ouvrier (et, dans une moindre mesure du libéralisme bourgeois) traditionnel ; renforcement des couches les plus agressives des classes possédantes ; désespoir des classes moyennes ; accroissement considérable du nombre des déclassés, etc. ».Et force est de constater que plusieurs sinon toutes ces préconditions mentionnées par Mandel, sont réunies dans l'Israël d'aujourd'hui…
Mais, Ernest Mandel ne s'arrête pas à ces constats. Voulant généraliser et approfondir les leçons de la barbarie nazie, il va plus loin et voit l'holocauste « comme l'expression jusqu'ici ultime des tendances destructrices présentes dans la société bourgeoise, tendances dont les racines plongent dans le colonialisme et l'impérialisme”, Et il ajoute incluant “la doctrine du racisme biologique... dans un cadre plus vaste, celui de la montée de doctrines anti-humanistes, anti-progressistes, anti-égalitaires, anti-émancipatrices, qui exaltent ouvertement la violence la plus extrême et la plus systématique à l'égard d'importants groupes humains (« l'ennemi ») et qui se répandent vers la fin du XIXe siècle ».
Alors, c'est tout à fait « normal » que le génocidaire Smotrich s'auto-définit comme « fasciste homophobe » tandis que son compère Ben Gvir, ainsi que d'autres responsables politiques et religieux Israéliens, brillent par leurs professions de foi racistes, misogynes, homophobes, anti-socialistes, climato-sceptiques et obscurantistes violents qui trahissent leur appartenance aux hautes sphères de cette Internationale Brune en pleine ascension, qui représenté actuellement une menace directe et mortelle contre l'humanité et ce qui reste de ses libertés démocratiques...
Nous terminons ce texte nécessairement court et bâclé, en nous revendiquant de ces mots d'Ernest Mandel : « cette interprétation de l'holocauste a aussi une fonction subjective. Elle est aussi utile et nécessaire du point de vue des intérêts du genre humain. Elle permet d'échapper aux risques intellectuels et moraux inhérents à la thèse opposée, selon laquelle l'holocauste échapperait à toute explication rationnelle, serait incompréhensible. Cette thèse obscurantiste constitue, dans une large mesure, un triomphe posthume de la doctrine nazie. Car si vraiment une parcelle de l'histoire est irrationnelle et totalement incompréhensible, c'est que l'humanité serait, elle aussi, irrationnelle et incompréhensible. Alors, l'empire du mal serait « en nous tous ». C'est une manière à peine indirecte, sinon hypocrite, de dire que la responsabilité n'est ni chez Hitler, ni chez les nazis, ni chez ceux qui leur ont permis de conquérir et d'exercer le pouvoir, mais qu'elle serait chez tout le monde, c'est‑à‑dire chez personne en particulier ».
Et Mandel de conclure avec ces phrases prémonitoires : « Notre interprétation de l'holocauste a aussi une fonction politique pratique. Elle permet d'échapper à l'impuissance pratique, et au sentiment d'impuissance devant les risques de répétition du phénomène. Nous disons à dessein que l'holocauste est jusqu'ici(c'est Mandel qui souligne) le sommet des crimes contre l'humanité. Mais il n'y a aucune garantie que ce sommet ne soit pas égalé, ou même dépassé, à l'avenir. Le nier a priori nous semble irrationnel et politiquement irresponsable. Comme le disait Bertolt Brecht : « Il est toujours fécond le ventre qui a accouché de ce monstre. »
Notes
[1] En français, ce texte de Mandel se trouve dans le livre de Gilbert Achcar « Le marxisme d'Ernest Mandel », ed. PUF-Actuel Marx Confrontation. Pour consulter le même texte traduit en anglais :https://internationalviewpoint.org/spip.php?article6381
Auteur.e
Yorgos Mitralias Journaliste, Giorgos Mitralias est l'un des fondateurs et animateurs du Comité grec contre la dette, membre du réseau international CADTM et de la Campagne Grecque pour l'Audit de la Dette. Membre de la Commission pour la vérité sur la dette grecque et initiateur de l'appel de soutien à cette Commission.
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Liban, le renseignement américain craint une invasion israélienne

Les autorités américaines, informés par leurs services de renseignement, redoutent qu'Israël n'envahisse le Liban à la fin du printemps ou au début de l'été, indiquent nos confrères d' »Ici Beyrouth », si les négociations diplomatiques ne parviennent pas à éloigner le Hezbollah de la frontière nord.
Tiré de MondAfrique.
Un papier du site Ici Beyrouth
À ces informations, rapportées jeudi par la chaîne américaine CNN, s'ajoutent les déclarations d'un haut fonctionnaire de l'administration Biden, qui, toujours selon la même chaîne, a déclaré : « Nous partons du principe qu'une opération militaire israélienne aura lieu dans les prochains mois. Pas nécessairement dans les prochaines semaines, mais peut-être plus tard dans le courant du printemps. »
« Une opération militaire israélienne au Liban est tout à fait possible. » Les journalistes de CNN
En tant que médiateurs clés pour une trêve à Gaza, les États-Unis entretiennent également des discussions parallèles avec Israël et le Liban. Une éventuelle entente créerait, selon CNN qui cite des responsables américains, « une zone tampon au Liban-Sud, retardant ainsi toute intervention armée, d'après des responsables américains ».
Le haut fonctionnaire américain susmentionné a exprimé, comme rapporté par la chaîne américaine, une perspective nuancée sur les motivations israéliennes : « Je pense qu'Israël brandit cette menace dans l'espoir d'un accord négocié. Certains responsables israéliens estiment qu'il s'agit plutôt d'un effort pour créer une menace utilisable, tandis que d'autres parlent d'une nécessité militaire imminente. »
À 27 kilomètres de Beyrouth
Parallèlement, Israël intensifie ses frappes aériennes au Liban, approchant à moins de 27 kilomètres de Beyrouth, marquant ainsi la plus grande proximité depuis les événements d'octobre dernier.
Lundi, une frappe a été lancée sur le bastion du Hezbollah à Baalbeck, dans le nord-est du pays. Selon une source proche des services de renseignement américains, également citée par CNN, « il est à craindre que cette campagne aérienne s'étende bien plus loin au nord, dans les zones peuplées du Liban et qu'elle s'étende également à une composante terrestre ». Il convient de rappeler, à cet égard, que le chef d'état-major, Herzi Halevi, a déclaré, mardi, depuis la frontière nord où il s'est rendu, que le Hezbollah « doit payer un lourd tribut » pour les actions qu'il a menées depuis le 7 octobre.
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Le militant anglais pro palestinien George Galloway élu député

Militant pro palestinien radical, George Galloway, l'un des « perturbateurs politiques » les plus célèbres et controversés d'Angleterre, comme le qualifie The Times, est devenu, vendredi 1er mars, le nouveau député de Rochdale, dans le nord du pays, où 30% de la population locale est de confession musulmane.
Tiré de MondAfrique.
Avec vingt points d'avance sur son premier concurrent, il a remporté une élection législative partielle à la suite d'une campagne houleuse marquée par la guerre entre Israël et le Hamas.
George Galloway fait partie de la gauche radicale d'outre-Manche. Sept fois député, il était une figure du Labour avant d'en être évincé pour avoir critiqué la politique au Moyen-Orient de Tony Blair lors de la guerre en Irak. C'est donc sous la bannière du parti des travailleurs de Grande-Bretagne (Workers Party of Britain) qu'il s'est présenté et qu'il a battu le parti travailliste et le parti conservateur.
Une victoire « plus qu'alarmante »
« Keir Starmer, c'est pour Gaza », a clamé Galloway après sa victoire, en faisant référence au dirigeant travailliste qui a initialement refusé d'appeler à un cessez-le-feu à Gaza. « Vous avez payé et vous paierez un prix élevé pour le rôle que vous avez joué en permettant, en encourageant et en couvrant la catastrophe qui se déroule actuellement dans la bande de Gaza. »
Le Premier ministre conservateur Rishi Sunak estime que le résultat de cette élection législative partielle est « plus qu'alarmant » au cours d'un discours devant Downing Street.
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Portugal. « Nous nous battons pour une majorité afin de mettre en œuvre des mesures concrètes. »

Mariana Mortágua – dirigeante du Bloco de Esquerda et principale candidate pour les élections législatives du 10 mars au Portugal – ne rejette pas l'idée d'entrer dans un éventuel gouvernement dirigé par Pedro Nuno Santos [tête de liste pour le Parti socialiste ; en 2015, le premier ministre Antonio Costa en avait fait son secrétaire d'Etat aux Affaires parlementaires chargé du lien avec la Coalition démocratique unitaire et le Bloco de Ezquerda]. Toutefois, Mariana Mortágua estime que l'important est de parvenir à un accord sur les orientations politiques. Dans une interview accordée au quotidien Público, elle fait de la récupération intégrale du temps de service (ancienneté) des enseignants en un an [l'évolution de la carrière avec ses conséquences sur les salaires a été gelée entre 2005 et 2007 et entre 2011 et 2017 en invoquant des raisons budgétaires] l'une de ses priorités. Elle ne montre aucune volonté politique de le faire en quatre ans, comme le propose le PS. En ce qui concerne les salaires, elle affirme que « la seule façon d'augmenter le salaire moyen » est de passer par le « droit du travail ». Si l'AD (Aliança Democrática, entre Parti social-démocrate-PSD, Parti du centre démocratique-CDS et Parti populaire monarchiste-PPM) remporte les élections, elle affirme que le Bloco de Esquerda (BE) « ne soutiendra aucun gouvernement de droite ».
23 février 2024 | tiré du site la Gauche écosocialiste
https://gauche-ecosocialiste.org/portugal-nous-nous-battons-pour-une-majorite-afin-de-mettre-en-oeuvre-des-mesures-concretes/
Lors du débat avec Pedro Nuno Santos, vous avez clairement indiqué qu'un accord écrit était nécessaire pour soutenir un gouvernement PS. Disposez-vous déjà de ce document écrit ? Quelles sont les conditions minimales ?
Mariana Mortágua : Nous disons que le Portugal a besoin de solutions pour surmonter les principaux problèmes laissés par le gouvernement à majorité absolue du PS [d'Antonio Costa issu des élections anticipées de janvier 2022 ; le PS obtient alors 120 députés sur un total de 230 et 42,5% des voix ; suite à un scandale de corruption, le président de la République Marcelo Rebelo de Sousa convoque des élections anticipées pour le 10 mars]. Ces problèmes vont du logement à l'éducation en passant par la santé. Nous regardons les principaux services publics, les salaires et leur dégradation, et nous nous rendons compte que quelque chose doit changer dans la politique au Portugal.
Le BE présente des solutions pour chacun de ces problèmes. C'est autour de ces solutions que nous voulons une concertation et un accord car nous savons qu'il n'y aura pas de majorité absolue et qu'il est de la responsabilité des partis de gauche de présenter une solution qui mobilise le soutien électoral car c'est pour cela que nous nous battons : une majorité pour mettre en œuvre des mesures concrètes.
C'est ce que j'aimerais que vous précisiez, quelles sont les questions fondamentales pour le BE ?
La question de la santé est essentielle. Il y a 1,6 million de personnes sans médecin de famille parce qu'il y a une difficulté extrême à retenir les professionnels de la santé car il y a un manque d'investissement dans le SNS (Serviço Nacional de Saúde-Service national de la santé).
Cela est un diagnostic.
C'est un diagnostic et une solution parce qu'il est important de disposer d'un régime spécifique accepté par les professionnels.
Le régime de pleine disponibilité [tel que défini dans le décret du 7 novembre 2023 d'organisation du Service national de la santé et de l'organisation des unités de santé familiales] ne répond-il pas à cette question ?
Non, cela a été imposé aux professionnels. Le gouvernement de la majorité absolue a fait la guerre aux professionnels. Et pas seulement dans la santé. C'était dans l'enseignement, les huissiers… Nous devons sortir de ces impasses que la majorité absolue a laissées derrière elle. Et ce ne sera certainement pas avec les mêmes politiques que la majorité absolue, comme nous l'a dit Pedro Nuno Santos.
En 2015 [deux accords ont été signés alors par Antonio Costa, l'un avec le Bloc de gauche, l'autre avec la Coalition démocratique], vous aviez un programme concret. J'insiste pour vous demander de clarifier à propos de quelques propositions concrètes.
Ce programme spécifique de 2015 était le fruit de négociations entre le BE et le PS. Il s'agit maintenant d'une campagne électorale, au cours de laquelle chaque parti doit clarifier ce qu'il défend et ce qu'il veut faire. Le BE a la responsabilité de répondre à la question de savoir jusqu'où il est prêt à aller et quels types de majorités et d'accords il souhaite obtenir.
Nous l'avons fait en disant que nous voulions un accord. Mais celui-ci doit être structuré autour de politiques concrètes. Et ces politiques concrètes sont les mesures que nous avons présentées. Pour le logement : baisse des taux d'intérêt sur les prêts hypothécaires, baisse des loyers, contrôle de l'hébergement temporaire (Airbnb)et du sur-tourisme. Pour la santé : un régime spécifique pour retenir les professionnels [avec une augmentation de la rémunération de 40% et l'engagement de 4000 médecins et infirmières pour résoudre le problème structurel du SNS]. Pour l'éducation : la formation pédagogique des enseignants, qui arrivent maintenant dans les écoles publiques, pour mettre fin à cette controverse avec les enseignants portant sur le rétablissement de l'ancienneté. Il y a aussi des propositions portant sur les transports publics, le climat, les salaires, les retraites…
Vous avez dit que le BE avait l'obligation de dire jusqu'où il voulait aller. Souhaite-t-il entrer au gouvernement ? Avec le portefeuille du logement ?
Parler de ministères sans parler de politiques concrètes est un subterfuge utilisé par ceux qui ne veulent pas parler de politique et de solutions. Ce qui nous intéresse et ce qui intéresse le pays, c'est de savoir quelles mesures pourront être mises en place avec une majorité après le 10 mars.
Vous préconisez de récupérer le temps de service (ancienneté) des enseignant·e·s dès la première année de gouvernement. Le PS veut le faire en quatre ans. Etes-vous prêt à accepter ce délai ?
La question des enseignant·e·s est la preuve de l'arrogance de la majorité absolue. Elle a entretenu une guerre avec les enseignant·e·s, affirmant qu'il était impossible de rétablir l'ancienneté. Le jour où la majorité absolue tombe, un ministre de l'Education dit que c'était possible après tout. Il est temps de mettre fin à ce drame inutile. Des milliers d'enseignants ont pris leur retraite depuis 2018, il est donc possible de rétablir l'ancienneté des enseignants et de le faire immédiatement. N'inventons pas des problèmes là où il n'y en a pas.
Manifestez-vous la disponibilité de le faire sur une plus longue période ?
Je ne vois pas de raisons budgétaires, je ne vois pas de raisons politiques pour que cela se fasse sur une période plus longue.
Le BE a présenté les coûts découlant des principales mesures proposées. La stratégie du BE consiste à prélever de l'argent sur les ressources inutilisées et sur l'excédent budgétaire. Comment résoudre ce problème à long terme ?
Ce n'est pas un problème. Un excédent budgétaire de plusieurs milliards d'euros vient d'être présenté, alors que le solde positif que nous avons en deuxième année est de 705 millions. Nous sommes loin d'avoir utilisé toute la marge de manœuvre qui existe. Et cette marge a deux bases : la première est l'excédent budgétaire, la seconde est la marge qui a été créée lorsque le gouvernement PS a systématiquement dépassé les objectifs de rentrées qui avaient été fixés dans le budget de l'Etat. Cette marge, en deux ans seulement – soit parce qu'il y a eu des recettes imprévues qui n'ont pas été dépensées, soit parce qu'il y a eu des dépenses budgétées qui n'ont pas été faites – s'élève à 8,5 milliards d'euros.
Mais les dépenses vont augmenter, l'excédent va s'épuiser. Comment pouvons-nous supporter l'augmentation croissante de ces dépenses ?
Il n'y a aucune raison pour qu'un déficit perdure ou s'aggrave, car les calculs effectués par le BE présentent à la fois l'évaluation des dépenses, mais aussi une évaluation et des propositions de recettes qui rééquilibrent et apportent un peu de justice fiscale. [Mariana Mortágua est une économiste reconnue, et Francisco Louça est un économiste réputé.]
Donnez des exemples :
Le régime des résidents non permanents, qui restera en place pendant les dix prochaines années, représente des recettes de 1,5 milliard d'euros par an. Un impôt sur les successions de plus d'un million d'euros assurera une entrée estimée à 100 millions d'euros par an. Un impôt sur les grandes fortunes supérieures à 1,6 million d'euros apportera 150 millions d'euros par an. Et nous comptons déjà sur le fait que l'AIMI [taxe de 0,7% de la valeur de la propriété pour ceux dont le patrimoine est compris entre 600 000 euros et un million d'euros] devrait être déduit de cet impôt sur les grandes fortunes pour qu'il n'y ait pas de double imposition. Il y a donc des mesures du côté des recettes qui apportent un élément d'équilibre. Mais il ne faut pas oublier que, premièrement, ne pas faire d'investissements aujourd'hui coûtera beaucoup plus cher à l'avenir. Deuxièmement, l'investissement public est une condition de la création de richesse. Et la création de richesse est ce qui permet d'avoir des comptes publics durables.
Le BE propose de porter le salaire minimum à 900 euros en 2024 avec une augmentation de 50 euros par an. En 2028, il serait toujours inférieur au salaire minimum en Espagne. Comment débloquer la politique salariale au Portugal ?
Notre proposition est de 50 euros au-dessus de l'inflation. L'augmentation du salaire minimum a été très importante et a permis une certaine récupération du pouvoir d'achat. Mais elle crée aussi des injustices parce qu'elle « cannibalise » les différents niveaux [tendance à l'affaissement comparatif des salaires juste supérieurs au salaire minimum, car ils ne sont pas augmentés au-delà de l'inflation]. Deux questions doivent être résolues : premièrement, il faut veiller à ce que les augmentations du salaire minimum ne soient pas absorbées par l'inflation. Les salaires moyens : c'est le sujet le plus difficile parce qu'il n'y a pas de recette magique. La seule façon d'augmenter le salaire moyen est d'avoir un droit du travail qui assure un pouvoir de négociation aux travailleurs et travailleuses, aux syndicats. La négociation collective est un instrument extrêmement important à cet égard.
Le PCP est en faveur de la fin du vide contractuel lors de l'expiration d'un contrat collectif [1], le PS a proposé que cela se fasse par le biais de la croissance économique. Le BE parviendra-t-il à combler le fossé ?
Il existe d'autres mesures pour augmenter le salaire moyen. La réduction du temps de travail, l'augmentation des jours de congé, la modification des règles applicables aux travailleurs postés, une loi sur l'échelle des salaires, la lutte contre la précarité, la fausse sous-traitance, la suppression du statut es faux indépendants [ne disposant d'aucun des droits d'un salarié : congés, indemnité chômage, maladie], etc. Toutes ces mesures contribueraient à augmenter les salaires. La deuxième question est celle du modèle économique. Nous avons besoin d'une économie capable de créer des emplois qualifiés dans la transition climatique, l'efficacité énergétique, les transports, la production solaire, afin d'obtenir des qualifications plus élevées et de meilleurs salaires.
L'une des priorités du BE est de reprendre le contrôle de la REN (Redes Energéticas Nacionais) et de la CTT (Correios de Portugal). Selon vous, quelle devrait être la part de l'Etat ? 51 % ?
Dans les deux cas, le calcul sur le pourcentage de présence que nous avons effectué doit permettre une position de contrôle, c'est-à-dire une position qui donne à l'Etat actionnaire la capacité de prendre des décisions au sein de ces entreprises. Il ne s'agit pas nécessairement d'une participation de 51%. La position doit être plus importante que celle de l'actionnaire principal pour pouvoir influencer ces décisions. Et nous avons fait une estimation en tenant compte de la valeur de marché de ces entreprises, en rappelant que ces entreprises, dans la plupart des cas, ont payé aux actionnaires privés qui les ont achetées la totalité du prix d'achat en 10 ans. Elles réalisent des bénéfices qui s'autofinancent.
Pedro Nuno a déclaré que la nationalisation n'était pas à l'horizon du PS. Le BE est-il prêt à baisser pavillon ?
Nous avons listé nos priorités : elles vont de la CTT à la REN, en passant par le blocage de la privatisation de la TAP Air Portugal, qui n'a aucun sens. Ce sont des priorités pour l'économie que nous voulons, qui doit disposer des secteurs technologiques et des secteurs de pointe, et nous savons que le contrôle de l'Etat est très important pour cela.
L'une des principales propositions du BE est de réduire les taux d'intérêt sur les prêts hypothécaires de la Caixa Geral Depósitos. Combien cela coûterait-il et comment cela fonctionnerait-il ?
Cela ne coûterait rien. C'est l'avantage de la proposition du BE par rapport aux autres. La plupart des partis n'avancent aucune proposition pour réduire les taux d'intérêt et les rares qui le font mobilisent l'argent de tous les contribuables pour maintenir les prix de l'immobilier, les loyers et les taux d'intérêt à un niveau très élevé. Cela signifie qu'il y a une subvention publique pour les profits des banques parce que l'Etat dépense de l'argent pour aider les gens à rembourser leurs hypothèques, qui ont augmenté parce que les taux d'intérêt sont insoutenables et donnent aux banques des profits gigantesques.
Quelle est la formule pour rendre compatibles les règles auxquelles la Caixa est tenue et la non-décapitalisation de la banque ?
La mesure que nous proposons n'interfère pas avec les règles européennes. Toute banque qui veut avoir une politique de taux d'intérêt plus attractive peut réduire les taux d'intérêt pour gagner des parts de marché. Caixa a un ratio de capital [fonds propres] deux fois supérieur au ratio réglementaire requis. Le ratio réglementaire est de 9% et Caixa en a plus de 20%. Ses bénéfices dépassent le milliard d'euros. C'est pourquoi nous avons étudié ce qui se passerait si nous réduisions l'écart d'un, de 1,5 ou de 2 points de pourcentage. Dans aucun cas, cela ne met en péril le ratio de capital ou la capacité à générer des résultats positifs.
La Caixa est une banque entièrement publique ; elle peut et doit avoir une politique de taux d'intérêt la plus basse du marché, car cela signifie que les autres banques doivent réduire leurs taux d'intérêt et aider les gens à rembourser leurs prêts avec des réductions substantielles. Cela se fait en consommant une partie des bénéfices de la banque – personne ne parle de mettre la banque dans une situation insoutenable – sans mobiliser l'aide de l'Etat.
Vous voulez interdire la vente de logements aux non-résidents. Comment cela pourrait-il être appliqué ?
Nous sommes confrontés à une crise aux dimensions astronomiques qui appauvrit les gens et les empêche d'accéder à un droit fondamental protégé par la Constitution. Nous savons que l'un des facteurs est la demande des non-résidents, non pas pour vivre, mais pour avoir une résidence secondaire, un actif pour l'investissement immobilier et financier, ce qui est souvent favorisé par des avantages fiscaux. C'est pourquoi nous voulons interdire la vente de maisons aux non-résidents. Ces lois sont en vigueur au Danemark parce que le pays a estimé qu'il devait se protéger contre la demande de maisons de la part de citoyens allemands qui ont envahi le Danemark pour acheter des maisons, et à Malte en raison d'une invasion de citoyens russes qui sont venus à Malte pour acheter des biens immobiliers. La proposition du BE est de défendre le droit au logement au Portugal en invoquant une loi qui existe dans d'autres pays de l'Union européenne.
Si nous avons un gouvernement de droite, présenterez-vous ou voterez-vous en faveur d'une motion de censure ?
Je n'envisage pas d'autre scénario qu'une majorité qui résoudrait les principaux problèmes du pays, car c'est la seule solution qui puisse répondre aux principales préoccupations des gens. La garantie de principe que je donne est que le BE ne favorise ni ne soutient aucun gouvernement de droite.
Mais quand vous dites qu'il y aura toujours une majorité de gauche, vous admettez la motion de censure…
Non, c'est une position de principe. Pour que personne n'ait de doutes, en principe, sur ce que ferait le BE. Mais le scénario sur lequel nous travaillons et la certitude que nous avons, c'est qu'il y aura une majorité au Portugal pour résoudre les problèmes laissés par l'ex-« majorité absolue ».
Comment vous définissez-vous en trois qualificatifs ?
Tranquillité, confiance et détermination.
Entretien publié par le quotidien Publico le 20 février 2024. Traduction rédaction A l'Encontre.
[1] Le système d'expiration contractuelle implique qu'à chaque échéance, les associations d'employeurs ont la possibilité, en refusant de négocier, de faire expirer les contrats collectifs de travail afin de saper les droits qu'ils consacrent. Elles ont depuis 2003 la possibilité d'exercer un chantage sur les travailleurs et leurs syndicats en leur présentant le faux choix entre l'échéance sans nouveau contrat ou l'accord de réduction des droits. La solution passe par la suppression de ce type d'échéance et la garantie qu'un contrat ne sera remplacé que par un autre contrat librement négocié. (Réd.)
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Crise agricole, démocratie et Sécurité sociale de l’Alimentation…

Même si pour l'instant cela reste essentiellement des expérimentations du côté des classes moyennes, il faut s'investir dans le fait de reprendre la main sur notre alimentation, chacun là où nous sommes : aller au marché, faire des groupements achats, etc et engager la bataille politique dans les arènes institutionnelles, sans aucune concession sur le projet politique.
24 février 2024 | tiré du site de Gauche écosocialiste
https://gauche-ecosocialiste.org/crise-agricole-democratie-et-securite-sociale-de-lalimentation/
Que peux-tu nous dire de la mobilisation actuelle ? D'où vient ce paradoxe de paysan·nes de moins en moins bien rémunéré·es et, en regard, une population pour qui il est de plus en plus cher de se nourrir ?
Un point d'attention important est de ne pas confondre les révoltes agricoles et les résistances paysannes comme étant un face-à-face entre rémunérations faibles et normes environnementales. Si les agriculteurs en sont là c'est bien par l'accélération libérale du libre-échange, mettant en concurrence ce qui ne peut pas l'être : tant dans les niveaux d'exigences de production respectueuses du vivant que dans les conditions sociales du travail.
Pour autant, même si toutes les normes environnementales étaient abolies, les exploitations agricoles déjà en « berne » ne seraient pas épargnées. Sans une régulation, les « petits producteurs », même qualifiés d'agro-industriels ou d'agroécologie par les écologistes, vont déposer le bilan. Il faut garantir et assurer sur la durée, des prix agricoles permettant aux agriculteurs et agricultrices une juste rémunération, pour également être certain d'engager la transformation écologique des systèmes alimentaires.
Qu'est-ce que la Sécurité sociale de l'Alimentation ?
La SSA est un projet politique porté par des collectifs, associations et organisations du mouvement social. Ce projet est basé sur le régime général de la sécurité sociale. Le financement reprend le modèle économique de la sécu, par de la cotisation sociale sur la plus-value du travail et par le conventionnement démocratique des acteurs et actrices des systèmes alimentaires. Ce conventionnement se met en place à des échelles locales dans des caisses de SSA. Le principe fondamental est un accès universel aux produits alimentaires conventionnés et donc d'instaurer un droit à l'alimentation durable (durable étant entendu à la fois continu et de qualité). Le conventionnement se fait en respectant les conditions d'une transformation des systèmes alimentaires au regard des changements climatiques. Pour soutenir cette transformation, il est prévu une allocation mensuelle de 150€ par personne, permettant ainsi d'avoir un impact sur l'offre alimentaire.
Alors que nous sommes en pleine crise agricole, en quoi revendiquer l'instauration d'une Sécurité sociale de l'Alimentation pourrait aider à trouver des solutions ?
L'objectif de ce projet de SSA est de permettre à tous ceux et toutes celles qui travaillent dans les systèmes alimentaires, de gagner leur vie correctement, que ce soit les agriculteurs ou agricultrices, les ouvriers et ouvrières agricoles, es salariéEs de l'agro-industrie, etc.
En quoi la Sécurité sociale de l'Alimentation pourrait contribuer à répondre aux besoins alimentaires de la population en quantité et en qualité ?
La France se sert de sa production agricole à l'exportation ; mais aujourd'hui il y a une stagnation de la production, une réduction massive du nombre d'agriculteurs et de la surface agricole utile, avec des pertes de parts de marché. En outre, il y a une forte, augmentation des importations et des échanges commerciaux intra Europe de plus en plus bas. C'est donc un modèle à bout de souffle dont la répercussion première est d'une part une baisse du revenu des agriculteurs pris dans ces filières et d'autre part une hausse conjuguée aux évènements internationaux et la spéculation qui s'en est suivie. La SSA rebat toutes ces cartes d'abord en soutenant la relocalisation de tout ce qui est possible, en redistribuant une partie de la valeur ajoutée par le biais de l'allocation mensuelle et une autre partie dans le soutien à l'investissement dans la transformation des systèmes alimentaires. Certes il faudra penser la coexistence des systèmes alimentaires car la relocalisation ne permettra pas de nourrir tout le monde tout le temps.
Comment cela pourrait aider à résoudre le problème de revenu des agriculteurs·trices ?
Par le fait de reconnaitre les conditions de production à leur juste valeur et de faire en sorte qu'ils et elles puissent vivre de leur travail ; d'ailleurs ceci est valable pour tous et toutes les travailleurs et travailleuses des systèmes alimentaires : les agriculteurs comme les boulangers, les salariés des abattoirs et les caissières. C'est tout l'enjeu démocratique de la démocratie alimentaire dont la signification est « reprenons la main sur nos systèmes alimentaires ». Cela passe par le fait que nous, tous et toutes, reconnections ce que nous mangeons avec les conditions de leurs productions.
De quelle façon la SSA remet-elle en cause la chaîne alimentaire actuelle ? Quand on parle de Sécurité sociale de l'Alimentation, on parle très souvent de démocratiser l'alimentation. Peux-tu préciser ? On voit que dans le problème du prix et des revenus des paysans, l'un des nœuds, voire des énormes nœuds du problème, est la distribution, notamment la grande distribution. Comment s'en affranchir ? Comment éviter le problème ? Ou comment y faire face ?
D'abord en rappelant le pouvoir énorme de la grande distribution et en comprenant que l'organisation du marché néolibéral, système économique capitaliste, transforme en marchandise tout : les produits agricoles certes mais aussi les services autour des produits agricoles ; le marketing, soutenu par une législation qui protège l'offre alimentaire telle qu'elle existe, à savoir essentiellement basée sur une production industrielle, est central dans tout ce business. Nous n'avons pas la main là-dessus et on s'imagine avoir la liberté de choix alors que nous sommes en permanence encadrés et donc soumis à cette offre. Tout le discours qui consiste à nous faire croire que nous pouvons changer la donne par nos actes d'achats individuels est un leurre : notre espace de contestation est micro et en plus il sert à l'agroalimentaire pour faire évoluer ses segments de marché et répondre aux soi-disant attentes de la population.
Une des pistes est de partir des besoins alimentaires réelles de la population par une reprise en main….. de la démocratie : s'éduquer ensemble de ce que sont ces systèmes alimentaires, choisir ensemble en connaissance de cause, prendre en compte nos besoins différents selon nos âges et nos appartenances à des groupes sociaux diversifiés. La SSA peut être le cadre pour porter ce projet de démocratie alimentaire.
Sous quelle forme le débat pour une Sécurité sociale de l'Alimentation traverse-t-il l'Europe ? À supposer que ce débat existe en dehors de la France…Est-il possible, dans une Europe néolibérale dont le dogme est la concurrence libre et non faussée, d'installer un outil comme la Sécurité sociale de l'Alimentation ?
Le débat existe en Belgique et en Suisse où par exemple le canton de Genève a voté récemment l'instauration d'un droit à l'alimentation dans sa constitution. On commence à entendre des frémissements en Allemagne et en Autriche. Il y a aussi de l'écoute en Espagne. La SSA étant basée sur le modèle du régime général de la sécu, ce projet s'appuie sur les formes de sécurité sociale existantes et donc ce n'est pas encore bien clair.
Le cadre européen actuel qui a comme règle de base le libre-échange et par conséquent des accords commerciaux planétaires ne permet pas évidemment le cadre d'une SSA dont l'objectif est de relocaliser les productions agricoles et d'assurer des moyens de vie à toute une population, notamment par de la redistribution.
Par quel bout commencer ?
Pour commencer, même si pour l'instant cela reste essentiellement des expérimentations du côté des classes moyennes, il faut s'investir dans le fait de reprendre la main sur notre alimentation, chacun là où nous sommes : aller au marché, faire des groupements achats, etc et engager la bataille politique dans les arènes institutionnelles, sans aucune concession sur le projet politique. En ce moment, la récup est de mise avec une confusion qui est celle de penser que la distribution de chèques alimentaires aux plus petits budgets ou de renforcer l'accès par l'aide alimentaire seraient des actions SSA. Bien évidemment que non puisque le principe fondamental de la SSA est un accès pour l'ensemble de la population et non des réponses spécifiques pour les pauvres. Et ce d'autant plus, que les réponses en direction des populations à petits budgets est de les diriger vers la surproduction essentiellement transformée. Alors que les besoins sont ceux de produits frais.
A PEPS, nous réfléchissons actuellement à ce que pourrait être la démocratie alimentaire à l'épreuve du communalisme. Nous soutenons un modèle confédéral de SSA, de façon à éviter d'une part une organisation verticale comme bien souvent dans les institutions aux mains des experts et d'autre part une segmentation des activités du système alimentaire comme c'est le cas aujourd'hui dans l'ensemble des collectivités publiques et de l'état. De plus, conscients aussi du postcolonialisme « ambiant » (tant dans certaines productions que dans certaines formes d'intervention dite d'éducation populaire sur ce que serait le « bon » régime alimentaire) et de l'idéologie patriarcale inhérente à l'agriculture, nous sommes attentifs aux pièges de la participation dite démocratique qui s'appuie sur les habituels réseaux déjà mobilisés sur ces questions et exclue de fait les familles à petits budgets et les femmes de manière générale. Or l'alimentation est une activité enfouie dans notre quotidien et bien souvent les tâches « alimentaires » sont le fait des femmes.
Propos recueillis par Boris Chenaud.
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La violence sexuelle n’est pas un crime de guerre caché en Ukraine

Travailler aux côtés d'enquêteurs/enquêtrices et de procureur··es sur des crimes sexuels et à caractère sexiste est une expérience horrible. Il s'agit d'écouter, de lire et d'entendre des récits de souffrances inimaginables dans des détails écœurants.
Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/02/28/la-violence-sexuelle-nest-pas-un-crime-de-guerre-cache-en-ukraine/
Pour soutenir le travail du bureau du procureur général de l'Ukraine, des équipes mobiles de justice (EMJ) composées d'expert·es ukrainien·nes et internationaux ont été déployées dans tout le pays pour enquêter sur les crimes de guerre et les actes de violence sexuelle. Grâce à ces équipes, nous avons appris que des centaines de femmes et d'hommes, de filles et de garçons, de personnes âgées et de personnes handicapées de toute l'Ukraine sont hantés par les crimes sexuels commis à leur encontre par les forces russes.
Aux points de contrôle militaires, dans les centres de détention officiels et non officiels, chez elles et chez eux, lorsqu'elles et ils vont chercher de la nourriture ou rendre visite à des proches, ni les civil·es ni les prisonnier·es de guerre n'ont été épargné·es par les formes brutales de violence sexuelle et sexiste contre lesquelles elles et ils devraient être protégé·es en vertu des Conventions de Genève.
Une mère de deux enfants a été violée par des soldats russes et abandonnée dans les bois près d'un village occupé. Son mari n'a pu retenir ses larmes en se remémorant cette nuit, se torturant de n'avoir pu la protéger malgré son handicap. Les auteurs ont été identifiés et sont désormais recherchés en Ukraine pour crimes de guerre.
Une femme âgée – la mère d'un soldat ukrainien – a été tirée du sous-sol où elle se cachait pour échapper à un assaut de bombes et de tirs d'obus et a été victime d'abus sexuels. Elle a fourni des preuves à notre équipe d'enquêteurs/enquêtrices, nous a offert un pot de confiture de fraises maison et nous a demandé si la Cour pénale internationale demanderait des comptes à ses agresseurs. L'enquête sur cet incident est en cours ; les auteurs n'ont pas encore été identifiés.
Les forces russes ont arrêté un homme d'âge moyen après avoir occupé un territoire dans le sud de l'Ukraine. Le personnel d'un centre de détention russe a fait passer des courants électriques dans ses organes génitaux à un si grand nombre de reprises qu'il ne peut plus avoir d'enfants. L'enquête sur les auteurs de ces actes est en cours.
Si l'étendue et l'ampleur réelles de ces actes de violence n'ont pas encore été révélées, la violence sexuelle n'est pas un secret inavoué, mais fait partie intégrante du comportement des forces russes, où qu'elles se trouvent. Les enquêtes sur ces crimes sont longues, couteuses en ressources et complexes.
Les obstacles aux enquêtes sur les crimes sexuels ne se limitent pas à la guerre en Russie : ils comprennent également les traumatismes subis par les survivant·es, la stigmatisation qui entoure le sujet et les défis posés par le conflit en cours. En pratique, il n'est pas facile de se concentrer sur la collecte de preuves lorsqu'un avion de chasse russe vole si bas que votre réaction primaire est de vous cacher dans les buissons. Les témoins peuvent parfois, pour des raisons évidentes, confondre la chronologie des événements lorsqu'ils voient un missile à travers leur fenêtre au cours d'un entretien.
Les obstacles à la justice résultent moins d'un manque d'attention ou de priorité de la part des autorités ukrainiennes que de l'ampleur démesurée du problème. L'obligation de rendre des comptes peut être retardée pour cette raison, mais elle n'est en aucun cas négligée ou ignorée par les procureur·es, la police et les organisations nationales et internationales qui soutiennent la justice pour les survivant·es de violences sexuelles.
Le travail sur les crimes sexuels et sexistes nécessite des efforts ciblés et concertés et, surtout, de la diligence et du soin pour s'assurer que les survivant·es sont traité·es avec dignité et respect dans le processus de justice. Pour reprendre les termes d'un procureur ukrainien, « chaque survivant·e mérite que nous fassions de notre mieux ».
Le bureau du procureur général a sollicité et accueilli favorablement le soutien technique et l'assistance d'organismes et d'expert·es internationaux spécialisé·es dans les violences sexuelles. Une division spécialisée dans les violences sexuelles est en place depuis plus d'un an, et il existe une stratégie claire pour traiter ces cas, ainsi qu'un groupe de travail qui coordonne les efforts entre de multiples acteurs et actrices afin de garantir une réponse globale aux survivant·es.
Cependant, l'impact quantitatif de ces efforts n'est pas et ne peut pas être immédiat : 270 cas ont été identifiés, dont 173 impliquant des survivantes et 97 impliquant des survivants. Trente-neuf auteurs ont été identifiés à ce jour, tandis que les procureurs ont soumis 24 actes d'accusation aux tribunaux nationaux à ce jour.
Bien que ces chiffres puissent sembler faibles à première vue, les progrès doivent être mesurés sous de nombreuses formes. Les progrès sont mesurés par l'enthousiasme des enquêteurs/enquêtrices et des procureur·es à apprendre les normes internationales et les meilleures pratiques en matière d'enquêtes sur les crimes sexuels. Ils se mesurent à l'aune des multiples sessions de mentorat, des journées de travail de 18 heures et de l'amélioration de la qualité des entretiens qui en découle.
Les progrès se mesurent également par le fait de prendre le temps d'expliquer aux survivant·es et aux témoins leurs droits et le processus de justice et, en fin de compte, de respecter leur décision de s'engager ou non dans le processus de responsabilisation. Il se mesure également à l'évaluation de leur bien-être psychologique et au choix d'attendre si la poursuite d'une affaire risque de nuire à leur santé mentale.
Deux ans après le début de la guerre, les acteurs/actrices de l'obligation de rendre des comptes n'ont découvert que la partie émergée de l'iceberg des violences sexuelles et sexistes. Chaque cas, chaque histoire de survivant·e est unique et, avec le temps, nous savons que nous entendrons malheureusement de nombreux autres cas horribles. Avec le retrait progressif de la Russie de certaines parties de l'Ukraine et le retour des civil·es et des prisonnier·es de guerre détenu·es par la Russie, nous ne savons que trop bien que des centaines de nouveaux cas de violence sexuelle seront enregistrés.
J'espère sincèrement que les acteurs/actrices internationaux et nationaux de la responsabilisation, les organisations de la société civile, les expert·es internationaux et la communauté internationale en général seront en mesure de soutenir un plus grand nombre de survivant·es qui dénoncent ces crimes terrifiants. Et j'espère que les progrès que nous observons au sein du système national de justice pénale garantiront que la justice n'est pas seulement une aspiration mais une réalité pour toutes celles et tous ceux qui ont enduré les horreurs indicibles des crimes de guerre.
Anna Mykytenko, 23 février 2024
Anna Mykytenko est conseillère juridique principale et responsable pour l'Ukraine de Global Rights Compliance (GRC), une fondation juridique internationale spécialisée dans le droit humanitaire et pénal international. GRC codirige le groupe consultatif sur les crimes d'atrocité, une initiative lancée par les États-Unis, le Royaume-Uni et l'UE pour fournir des conseils stratégiques et une assistance opérationnelle au bureau du procureur général de l'Ukraine dans le cadre des enquêtes et des poursuites relatives aux crimes d'atrocité en Ukraine.
https://kyivindependent.com/opinion-sexual-violence-is-not-a-hidden-war-crime-in-ukraine/
Traduit avec DeepL.com (version gratuite)
Note de l'éditeur : Les opinions exprimées dans la section d'opinion sont celles des auteurs et autrices et ne prétendent pas refléter les vues du Kyiv Independent.
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Déclaration du Mouvement socialiste russe sur les moyens de parvenir à la paix en Ukraine.

Il y a deux ans aujourd'hui que Vladimir Poutine a lancé une invasion massive de l'Ukraine. Cette décision des dirigeants russes n'était pas une réponse à une menace militaire posée par l'Ukraine ou l'OTAN – il s'agissait d'une tentative d'annexion pure et simple d'un pays voisin qui, selon Poutine, ne devrait tout simplement pas exister.
24 février 2024 | tiré du site de la Gauche anticapitaliste | Photo : Manifestation contre la guerre d'agression russe contre l'Ukraine, 26 février 2022. (Markus Spiske, Pexels)
https://www.gaucheanticapitaliste.org/arreter-la-guerre-doit-signifier-en-finir-avec-la-dictature-de-poutine/
Le plan initial de Poutine en Ukraine semble effectivement avoir été une « opération spéciale » de changement de régime : les troupes occuperaient rapidement les principales villes du pays, la Garde nationale russe réprimerait les manifestations « nationalistes » pendant que la majorité de la population accueillerait avec des fleurs ses « frères » russes attendus en libérateurs. Mais au lieu de fleurs et de fanfares, l'armée russe s'est heurtée à la résistance obstinée des Ukrainiens et, au lieu de « gangs », elle a trouvé une armée entraînée et déterminée. L'« opération spéciale » s'est transformée en une véritable guerre.
La première victime de l'agression russe est l'Ukraine et son peuple. Plus de 10 000 civils ont été tué·e·s et plus de 18 500 blessé·e·s. 6,3 millions de personnes ont cherché refuge à l'étranger et 3,7 millions ont été déplacées à l'intérieur du pays. Au cours de la guerre, des centaines de milliers d'infrastructures médicales, résidentielles, éducatives et sportives ont été détruites, en même temps les écosystèmes ont été victimes d'un véritable écocide. Les dommages causés à l'économie ukrainienne, estimés à plus de 300 milliards de dollars, affecteront le bien-être de ses citoyen·ne·s pendant des années, et rendront la vie extrêmement pénible pour les plus pauvres d'entre elles/eux.
DE L'OPÉRATION SPÉCIALE À LA GUERRE D'USURE
La société russe subit elle aussi une transformation douloureuse. Léon Trotski a écrit un jour que « ce n'est pas la conscience qui gouverne la guerre, mais la guerre qui gouverne la conscience ». La guerre a sa propre logique et modifie les plans humains. Au lieu de l'« opération spéciale », promise par Poutine, la Russie s'est engagée dans une guerre longue, sanglante et épuisante ; une guerre d'usure pour épuiser les ressources de l'Ukraine et forcer l'Occident à suspendre son aide. Ce scénario exige de la Russie d'énormes sacrifices auxquels ni sa population ni son économie n'étaient préparées.
Entraîné dans cette guerre d'usure, l'État de Poutine a changé de l'intérieur : il est condamné à forcer la société à accepter de tels sacrifices, notamment un nombre vertigineux de pertes en vies humaines. Cela passe par la répression politique et l'instauration d'un climat de peur. Selon OVD Info, 1 980 personnes ont été arrêtées pour s'être opposées à la guerre depuis le début de celle-ci, et 825 d'entre elles font l'objet de poursuites pénales ; au moins un demi-million de personnes ont quitté le pays pour des raisons morales et politiques ou pour échapper à l'appel sous les drapeaux. Par ailleurs, la guerre n'est pas devenue le point de ralliement espéré, une « Seconde Guerre mondiale 2.0 » pour la plupart des Russes : les partisans idéologiques de l'agression de Poutine restent minoritaires, même s'ils sont les seuls à pouvoir exprimer leur point de vue.
LES CAUSES ET LA NATURE DE LA GUERRE
L'objectif de la guerre actuelle n'est manifestement pas de protéger la population russophone de l'Ukraine, qui est celle qui a le plus souffert aux mains des occupants, ni de contrer l'expansion occidentale, puisque le Kremlin partage une longue histoire d'enrichissement mutuel avec l'Occident. Le véritable motif de l'invasion du Kremlin est son désir d'asseoir davantage sa domination politique, économique et militaire sur la société russe et les sociétés des autres pays post-soviétiques, à laquelle Moscou prétend avoir « historiquement droit ».
MOUVEMENTS POPULAIRES DÉMOCRATIQUES DE LA DERNIÈRE DÉCENNIE
Dans le cadre de leur vision conspirationniste du monde, Poutine et son entourage considèrent que le Maïdan (2014) en Ukraine, les soulèvements au Belarus (2020) et au Kazakhstan (2021), et les vagues de protestations de masse en Russie même depuis 2012 font partie d'une « guerre hybride » menée contre la Russie par l'Occident. La « lutte contre l'hégémonie occidentale » telle que la conçoit Poutine n'a rien à voir avec la résistance aux politiques d'exploitation des élites américaines et européennes sur la scène mondiale. Au contraire, le Kremlin accepte et salue les politiques occidentales qui ne sont assorties d'aucune condition éthique.
Les seules « valeurs occidentales étrangères » contre lesquelles la Russie se bat sont les droits humains, la liberté d'expression, l'égalité des sexes, le développement durable, etc. En ce sens, le poutinisme est l'avant-garde d'une internationale d'extrême droite qui menace la démocratie et les mouvements progressistes dans le monde entier. Cette internationale d'extrême droite s'articule notamment autour de Trump et ses partisans aux États-Unis, l'AfD en Allemagne, le régime d'Erdogan en Turquie, Orbán en Hongrie, et d'autres partis qui s'apprêtent à monter au pouvoir lors des prochaines élections.
L'objectif principal de cette guerre est de protéger le régime de Poutine et ses États vassaux autocratiques, comme la dictature de Loukachenko en Biélorussie, de la menace d'une révolution. Cet objectif coïncide parfaitement avec les rêves de l'élite de reconstruire l'Empire russe, ce qui passe par l'asservissement de l'Ukraine, mais l'expansion russe ne s'arrêtera pas là. Il s'inscrit également dans l'espoir d'un « monde multipolaire », dans lequel les dictateurs et les oligarques jouissent d'une liberté totale pour piller leurs sujets, réprimer les dissidents et diviser le monde au mépris du droit international. C'est pourquoi, aujourd'hui, « arrêter la guerre » doit signifier « en finir avec la dictature de Poutine ». Exiger la paix, c'est exiger l'abolition des hiérarchies sociales qui sont au cœur du régime russe actuel : l'autoritarisme politique, les vastes inégalités de richesse, les normes conservatrices et patriarcales, et un modèle colonial et impérial de relations interethniques.
LUTTER POUR LA PAIX OU FORCER LES NÉGOCIATIONS ?
2023 a été une année de guerre de tranchées pour l'Ukraine. Malgré de lourdes pertes, ni l'armée ukrainienne ni l'armée russe n'ont réussi à faire des progrès significatifs sur le champ de bataille. Cette situation a accru la lassitude face à la guerre, y compris chez les alliés de l'Ukraine. Dans ce contexte, les idées de pourparlers de paix et d'opposition aux transferts d'armes vers la zone de conflit – exprimées à la fois par l'extrême droite et certaines forces de gauche – sont devenues de plus en plus populaires. Bien entendu, toutes les guerres favorisent le militarisme et le nationalisme, la réduction de la protection sociale, la violation des libertés civiles et bien d'autres choses encore dans tous les pays parties au conflit. C'est vrai pour la Russie, l'Ukraine et l'Occident.
Il est également évident que toutes les guerres se terminent par des négociations, et il serait inutile de s'opposer à cette demande en principe. Mais espérer des négociations à ce stade de la guerre est naïf, tout comme la conviction que le désarmement unilatéral de la victime de l'agression apportera la paix. Les promoteurs de ces propositions ne tiennent pas compte de l'évolution du régime de Poutine au cours des dernières années. La légitimité de Poutine est aujourd'hui celle d'un chef de guerre ; il ne peut donc pas se maintenir au pouvoir sans faire la guerre. Il compte désormais sur le fait que l'Occident mettra fin à son soutien à l'Ukraine après les élections américaines et conclura un accord – aux conditions du Kremlin, bien entendu. Mais un tel accord (partition de l'Ukraine ? changement de régime à Kiev ? reconnaissance des « nouveaux territoires » russes ?) ne changera rien à l'attitude essentielle du poutinisme vis-à-vis de la guerre, qui est désormais son seul mode d'existence.
Le régime de Poutine ne peut plus sortir de l'état de guerre, car le seul moyen de maintenir son système est d'aggraver la situation internationale et d'intensifier la répression politique à l'intérieur de la Russie. C'est pourquoi toute négociation avec Poutine aujourd'hui n'apporterait, au mieux, qu'un bref répit, et non une véritable paix. Une victoire de la Russie serait la preuve de la faiblesse occidentale et de sa volonté de redessiner ses sphères d'influence, surtout dans l'espace post-soviétique. La Moldavie et les États baltes pourraient être les prochaines victimes de l'agression. Une défaite du régime, en revanche, équivaudrait à son effondrement.
Seul le peuple ukrainien a le droit de décider quand et dans quelles conditions faire la paix. Tant que les Ukrainiens feront preuve d'une volonté de résistance et que le régime de Poutine ne changera rien à ses objectifs expansionnistes, toute contrainte exercée sur l'Ukraine pour l'amener à négocier reviendrait à faire un pas vers un « accord » entre impérialistes par-dessus la tête de l'Ukraine et aux dépens de son indépendance. Cet « accord de paix » impérialiste signifierait un retour à la pratique de partition du reste du monde par les « grandes puissances », c'est-à-dire aux conditions qui ont donné naissance à la Première et à la Seconde Guerre mondiale. Le principal obstacle à la paix n'est certainement pas le « manque de volonté de compromis » de Zelensky, ni le « fauconisme » de Biden ou de Scholz : c'est le manque de volonté de Poutine de même discuter de la désoccupation des territoires ukrainiens saisis après le 24 février 2022. Et c'est l'agresseur, et non la victime, qui doit être contraint de négocier.
Nous, Mouvement socialiste russe, pensons que dans de telles circonstances, la gauche internationale devrait exiger :
– Une paix juste pour le peuple ukrainien, y compris le retrait des troupes russes du territoire internationalement reconnu de l'Ukraine ;
– l'annulation de la dette publique de l'Ukraine ;
– une pression accrue des sanctions sur l'élite et la classe dirigeante de Poutine ;
– une pression accrue sur les différentes entreprises qui continuent à faire des affaires avec la Russie ;
– une aide humanitaire accrue aux réfugié·e·s ukrainien·ne·s et aux exilé·e·s politiques russes, y compris celleux qui fuient la conscription ;
– une reconstruction équitable de l'Ukraine après la guerre, menée par les Ukrainien·ne·s elleux-mêmes selon les principes de la justice sociale, et non par des sociétés d'investissement et des fonds spéculatifs appliquant les principes de l'austérité ;
– un soutien direct aux organisations bénévoles et syndicales de gauche en Ukraine ;
– des plates-formes permettant aux Ukrainien·ne·s et aux Russes opposé·e·s à la guerre de s'exprimer ;
– la libération des prisonnier·ère·s politiques russes et la fin de la répression de l'opposition politique en Russie.
Le monde d'aujourd'hui bascule vers la droite et les politiciens choisissent de plus en plus de recourir à la discrimination et aux guerres d'agression pour résoudre leurs problèmes, qu'il s'agisse de la campagne militaire génocidaire de Netanyahou à Gaza, soutenue par l'Occident, des attaques de l'Azerbaïdjan contre le Haut-Karabakh (dont la communauté internationale est complice) ou de la rhétorique et des politiques anti-immigré·e·s adoptées par les partis dominants en Allemagne, en Finlande, aux Pays-Bas, en France et aux États-Unis. Dans ce contexte mondial, la gauche doit combattre la montée des tendances impérialistes, militaristes et nationalistes, non pas par des efforts utopiques de construction de la paix, mais en empêchant de nouvelles flambées d'agression et en empêchant les forces fascistes sympathisantes de Poutine (Trump, l'AfD, etc.) d'accéder au pouvoir.
Stop à la guerre !
Pour la fin au poutinisme !
Liberté pour l'Ukraine !
Liberté pour les opprimés en Russie !
24 février 2024
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Pourquoi le NPA a raison face à LFI sur la question de l’intégration européenne de l’Ukraine ?

Ce tweet s'adresse à celles et ceux qui s'intéressent sincèrement aux possibilités d'amélioration des conditions de vie, de sécurité et de lutte pour les classes populaires en Ukraine. Révolutionnaires de posture s'abstenir.
24 février 2024 | tiré d'Europe solidaire sans frontières
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article69926
Il faut commencer par rappeler que l'Ukraine subit déjà tous les désavantages du marché commun avec l'UE depuis la signature de l'Accord d'association en 2014 sur la base de conditions discriminatoires s'inscrivant dans les rapports de domination néo-impérialistes
L'Ukraine a levé de manière unilatérale la quasi-totalité des barrières à l'importation des produits EU, tandis que l'EU a fixé des quotas sur l'importation de la plupart des produits Ukraine (les agriculteurs EU manifestent actuellement contre l'abrogation provisoire de ces quotas)
La transformation néolibérale de l'Ukraine est déjà bien entamée sous la pression de la dette extérieure, notamment vis-à-vis du FMI, et en accord avec le programme politique et social des élites post-Maidan, indépendamment de l'entrée ou non de l'Ukraine dans l'UE.
Dans ces conditions, l'entrée de l'Ukraine dans le l'UE en tant que volet politique d'une intégration économique déjà en cours (mais à titre de partenaire inférieur) aurait des effets bénéfiques relatives sur le niveau de vie et les capacités d'organisation de la classe ouvrière Ukraine.
Dire que l'entrée dans l'UE détruirait le droit du travail en Ukraine ; est faux. C'est l'inverse. Le code de travail Ukraine est en théorie plus protecteur que celui des pays EU. Mais bcp de travailleurs sont maintenus dans l'informalité, et les dispositions légales ne s'appliquent pas
Le gouv Ukraine a récemment introduit des lois contraires aux règlementations EU en matière du droit de travail. Ainsi la loi N°5371 exempte les patrons du respect du code de travail dans les entreprises de <250 employés. Les conditions de travail seraient négociées au cas par cas.
La Confédération européenne des syndicats, à laquelle sont affiliées les deux plus grosses fédérations syndicales ukrainiennes, utilisé l'argument de l'intégration européenne pour faire pression sur le gouvernement ukrainien.
Les normes EU en matière des droits sociaux, du travail, de l'environnement, aussi basses soient-elles dans l'absolu, sont supérieures à ce à quoi l'on peut s'attendre des ultralibéraux ukrainiens partis en roue libre. Les salaires en Ukraine seraient aussi tirés vers le haut.
Enfin, cette question prend un sens véritablement vital depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Quelle que soit l'évolution de la guerre, l'Ukraine a besoin d'un soutien militaire et de garanties de sécurité EU, pour sa défense immédiate et pour prévenir de nouvelles agressions.
En ce qui concerne LFI qui a visiblement prévu de fonder sa campagne européenne sur des slogans chauvinistes et protectionnistes de la menace par le poulet ukrainien « de nos droits sociaux, notre industrie et notre agriculture »…
Avec ce genre d'arguments favorables avant tout aux secteurs particuliers du patronat français (qui par ailleurs est toujours prompt à défendre les politiques favorisant les marchandises françaises sur le marché mondial), merci d'arrêter de se revendiquer de la gauche !
La question de l'entrée ou non de l'Ukraine dans l'UE ne saurait être le cheval de bataille des anti-capitalistes et anti-impérialistes. Ce choix est l'aveu de notre faiblesse, il se pose parce que nous n'avons pas la force de réaliser dans l'immédiat une alternative propre.
Et cet aveu n'a rien d'honteux quand il s'accompagne d'une analyse du réel historique et de l'action qui exprime concrètement la solidarité internationaliste. Ce qui est honteux, c'est céder soit à la mégalomanie dogmatique hors sol, soit à la tentation réactionnaire.
Daria Saburova
P.-S.
Daria Saburova
https://twitter.com/Daria__Saburova/status/1761090952490295483
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L’Occident a-t-il intentionnellement incité Poutine à la guerre ?

Au cours de l'année passée, les États-Unis et les pays de l'OTAN n'ont entrepris aucun effort pour convaincre le président ukrainien Volodomyr Zelenskiy d'entamer des négociations avec Poutine, cela malgré : la mort de plus d'un demi-million d'Ukrainien.ne.s ; la destruction d'une grande partie de l'économie, des finances, des infrastructures physiques, du capital humain et de la société civile de l'Ukraine ; et l'incapacité de l'Occident à maintenir un soutien financier et militaire, même si l'Ukraine perdait déjà la guerre alors que ce soutien était à son apogée.
(Nous tenons à souligner que la rédaction de Presse-toi à gauche ! ne partage nullement le point de vue exprimé dans cet article. - NDLR-PTAG)
le 27 février 2024
gordonhahn.com/2024/02/27/did-the-west-intentionally-incite-putin-to-war/
La stratégie de guerre de l'Occident semble désormais consister à prolonger une « longue guerre » dans l'espoir soit que la guerre commencera à affecter la Russie et la position de Poutine sur place, soit que la santé de Poutine se détériorera et que son système se déstabilisera.
Tout cela et bien d'autres choses éveillent les soupçons selon lesquels l'Occident a intentionnellement, peut-être même « inconsciemment » – les actions de petites victoires politiques remportées afin de « confronter Poutine » par des éléments concurrents en son sein, en particulier au sein de Washington – ont entraîné la Russie dans la Guerre OTAN-Russie en Ukraine.
Mis à part la cause de fond et le principal moteur de cette décision – l'expansion de l'OTAN – et les déclencheurs plus immédiats de la décision de Poutine entre la mi-février et la fin février 2022, quels efforts l'Occident a-t-il entrepris, peut-être intentionnellement, pour provoquer cette décision ?
Si nous regardons le cours des événements dans l'ordre chronologique inverse, il me semble encore plus évident que l'Occident a recherché cette guerre et y a effectivement entraîné intentionnellement la Russie avec une stratégie consistant à utiliser la guerre pour affaiblir la stabilité économique et politique de la Russie.
L'objectif stratégique est le renforcement de l'hégémonie américaine et la maximisation de la puissance, en atteignant deux sous-objectifs de longue date et interdépendants : (1) l'expansion de l'OTAN et (2) le retrait du pouvoir du président russe Vladimir Poutine. Faisons de l'ingénierie inverse sur le cours des événements.
En revenant au début de l'« opération militaire spéciale » (OMS) russe, la pratique diplomatique normale aurait dû inciter l'Occident à considérer, puis à poursuivre, la possibilité que Poutine s'engageait dans une diplomatie coercitive au cours des derniers mois précédant et des premiers mois après le lancement de l'opération militaire spéciale en Ukraine. (Voir https://gordonhahn.com/2022/01/31/putins-coercive-diplomacy/ ; https://gordonhahn.com/2022/02/24/coercive-diplomacy-phase-2-war-and-iron-curtain-descended/ ; et https://gordonhahn.com/2022/10/04/the-complex-and-unclear-origins-of-the-russo-nato-ukrainian-war/).
Le deuxième jour de l'OMS, une délégation russe est arrivée à Gomel, en Biélorussie pour accueillir une délégation ukrainienne pour entamer des négociations. Mais cette dernière n'est pas venue. Une fois que les Ukrainien.ne.s se sont engagés dans le processus en mars 2022 – qui s'est ensuite transféré à Istanbul, en Turquie, sous l'égide du président turc Recep Tayyip Erdogan - l'Occident s'est d'abord montré froid envers les négociations, les ignorant.
Alors qu'elles étaient sur le point de réussir fin mars, les pays de l'OTAN ont commencé à injecter des armes en Ukraine et le président américain Joe Biden s'est rendu en Pologne, appelant à enlever Poutine du pouvoir (www.nbcnews.com/news/world/biden-putin-remain-power- anxiété-europe-ukraine-guerre-rcna2178). L'Occident a ensuite directement bloqué les négociations sur un projet de traité russo-ukrainien, basé sur un accord préliminaire et paraphé par les deux parties début avril 2022. (https://threadreaderapp.com/thread/1746596120971673766.html ; voir aussi https://x.com/i_katchanovski/status/1750362694949966291?s=51&t=n5DkcqsvQXNd3DfCRCwexQ).
Après avoir rejeté les propositions de traité de Moscou en décembre 2021 (voir ci-dessous) et pendant la période précédant la guerre en janvier 2022, les dirigeant.e.s politiques occidentaux et occidentales et diverses agences de renseignement ont mis en garde à plusieurs reprises contre une invasion russe, sans proposer de solution diplomatique. Il y a eu un battement de tambour presque quotidien d'avertissements concernant l'imminence de l'invasion de Poutine, mais l'Occident n'a entrepris aucune démarche diplomatique auprès de Moscou et n'a pas non plus encouragé Kiev à le faire.
C'est comme si l'Occident espérait inciter Kiev à prendre des mesures pour déclencher l'invasion de Poutine. En effet, Zelenskiy s'est moqué à plusieurs reprises de la perspective d'une invasion russe, mais il a en même temps déclaré que Kiev se préparait à se retirer du Mémorandum de Budapest, un accord qui garantissait l'abandon par l'Ukraine des armes nucléaires soviétiques basées sur son territoire et l'engagement de Kiev à ne pas développer l'arme nucléaire. C'est à peu près à cette époque, de la mi-février à la fin février, que Poutine a décidé de donner l'ordre de lancer le OMS (https://gordonhahn.com/2022/04/28/putins-war-decision-and-its-consequences/ ).
En décembre 2021, la Russie a proposé à l'Occident des négociations sur l'échec du processus de Minsk pour l'Ukraine, ainsi que sur un projet de traité-cadre pour une nouvelle architecture de sécurité européenne. Le 21 décembre Poutine a déclaré, lors d'une réunion élargie du conseil d'administration de son ministère de la Défense, qu'il était « extrêmement alarmant que des éléments du système mondial de défense américain soient déployés près de la Russie… Si cette infrastructure continue d'avancer et si les systèmes militaires américains et de l'OTAN sont déployés en Ukraine, leur temps de vol vers Moscou ne sera que de 7 à 10 minutes, voire cinq minutes pour les systèmes hypersoniques » (https://jmss.org/article/view/76584/56335).
Les propositions russes en matière de sécurité comprenaient un engagement de la Russie et des États-Unis à ne pas déployer de missiles basés au sol, qui étaient interdits par le désormais disparu Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI) « en dehors de leurs territoires nationaux, ainsi que dans les zones de leur territoire national à partir desquels ces armes peuvent attaquer des cibles situées sur le territoire national de l'autre partie ».
L'Occident n'a accordé que peu d'attention, voire aucune attention, aux propositions de Poutine, puis les a rejetées d'emblée. Cela s'est produit dans le contexte d'alertes à la guerre lancées dans les capitales occidentales par les gouvernements et les médias six mois plus tôt en avril, lorsque la Russie a commencé à renforcer ses forces le long de sa frontière avec l'Ukraine.
Face à cette préoccupation, pourquoi ne pas prendre plus au sérieux les propositions de Poutine, ou du moins faire semblant de le faire ? La réaction logique à la frayeur du mois d'avril serait de renforcer la diplomatie.
Au lieu de cela, les propositions de Poutine ont été pratiquement ignorées ; elles ont été acceptées pour examen et rapidement rejetées. Et cela a été fait précisément parce que les propositions de Moscou exigeaient la fin de l'expansion de l'OTAN.
Fin 2022, Oleksiy Arestovich, alors conseiller présidentiel ukrainien et porte-parole officieux, a affirmé qu'en décembre 2021, Kiev s'était furtivement déplacée vers la zone de conflit, en « positionnant en avant » quelque 40 à 60,000 soldats (https://t.me/UkraineHumanRightsAbuses/8504).
Est-ce que cela provenait de conseils occidentaux, et les services de renseignement russes ont-ils détecté ces déploiements ? Cela était-il lié à la déclaration provocatrice de Zelenskiy aux services de renseignement ukrainiens un mois avant le début du OMS de Poutine : « Nous avons appris à dissuader et à contrer les agressions extérieures de manière assez efficace. Je suis convaincu que le moment est venu de passer à des actions offensives pour défendre nos intérêts nationaux » ? (www.president.gov.ua/en/news/zovnishnya-rozvidka-vidigraye-vazhlivu-rol-u-protidiyi-zagro-72517)
À la veille de la guerre, l'Occident, en particulier Washington, lançait des avertissements répétés selon lesquels Poutine prévoyait d'envahir l'Ukraine. Mais ces avertissements étaient tellement hystériques et s'accompagnaient d'un silence assourdissant dans la diplomatie américaine, suggérant que l'objectif était de provoquer Zelensky dans un faux pas que la Russie pourrait utiliser pour justifier une invasion (https://gordonhahn.com/2022/02/20/western-intel-as-incendiary-device-does-washington-want-russia-to-invade-donbass-ukraine).
En effet, Zelensky a rapidement coopéré, tombant peut-être dans le piège, en annonçant que Kiev allait abandonner le mémorandum de Budapest qui est à la base du statut non nucléaire de l'Ukraine. Ajoutez ensuite à ce mélange combustible l'augmentation exponentielle des tirs à travers la ligne de contact entrepris par les forces ukrainiennes et la menace de Zelensky de poursuivre une capacité nucléaire.
De plus, nous savons désormais que de 2015 à 2022, Kiev et ses partenaires occidentaux ont fait semblant seulement de participer sincèrement au processus de négociation de Minsk destiné à résoudre le moteur interne de la guerre : le séparatisme des régions séparatistes du Donbass de la République populaire de Louhansk (LNR) et de la République populaire de Donetsk (DNR), protégées par Moscou après que Kiev leur ait déclaré de facto la guerre en avril 2014, sans même tentative de négocier.
En outre, une série de dirigeant.e.s occidentaux, occidentales et ukrainien.ne.s, dont l'ancien président ukrainien Petro Porochenko et l'ancienne chancelière allemande Angela Merkel, ont depuis reconnu que l'ensemble du processus de Minsk 1 et 2 n'était qu'une tactique dilatoire visant à gagner du temps pour renforcer l'armée ukrainienne en vue de des opérations militaires visant à ramener la Crimée et à soumettre à nouveau les républiques séparatistes au giron ukrainien.
Par exemple, le négociateur ukrainien en chef du processus, Porochenko, a lui-même reconnu dans une interview accordée en juin au service en langue ukrainienne de Radio Free Europe et à la Deutsche Welle allemande que les accords de Minsk visaient à « retarder la guerre » et à « créer des forces armées puissantes » : « Notre objectif était d'abord de mettre un terme à la menace, ou au moins de retarder la guerre – de s'assurer huit ans pour restaurer la croissance économique et créer des forces armées puissantes » (www.bignewsnetwork.com/news/272589263/minsk-deal-was-used-pour-acheter-du-temps-ukraines-poroshenko).
Cette tromperie est un indicateur particulièrement solide du fait que l'objectif de l'Occident était la guerre avec la Russie plutôt que la paix entre la Russie et l'Ukraine.
Tout au long de la période 2014-2022, les États-Unis et l'OTAN n'ont rien fait pour faire avancer le processus de Minsk, qui était la seule véritable voie de sortie de la route menant à une guerre entre l'OTAN/Ukraine et la Russie. L'élection présidentielle de Volodomyr Zelenskiy en 2019, malgré ses promesses électorales de poursuivre la paix, a conduit à une intensification de l'intégration OTAN-Ukraine.
En septembre 2020, Zelenskiy a approuvé la nouvelle stratégie de sécurité nationale de l'Ukraine, qui prévoit la poursuite du développement du partenariat distinctif avec l'OTAN en vue de l'objectif d'adhésion à l'OTAN. Ainsi, les États-Unis et l'OTAN ont commencé à intégrer de manière opérationnelle (interopérabilité) l'armée ukrainienne dans l'OTAN, tout en lui fournissant des niveaux massifs d'armes et un entraînement sans précédent pour un non-membre de l'OTAN. L'OTAN considère « l'interopérabilité » comme « le cœur de l'alliance » (www.nato.int/cps/en/natohq/news_193539.htm?selectedLocale=en). En juin 2020, l'Ukraine a rejoint le programme de Partenariat d'opportunités améliorées de l'OTAN pour lui offrir « un accès amélioré aux programmes et exercices d'interopérabilité, ainsi qu'un partage accru d'informations, y compris les enseignements tirés ».
L'Ukraine a rejoint les cinq pays bénéficiant de ce statut, dont quatre sont proches de la Russie : l'un des « Cinq Yeux », l'Australie, ainsi que la Géorgie, la Suède, la Finlande et – en soutien aux opérations américaines de soutien à Israël et au Moyen-Orient – Jordanie www.nato.int/cps/en/natohq/news_176327.htm#:~:text=On%20Friday%20%2812%20June%202020%29%2C%20the%20North%20Atlantic,made%20significant%20contributions%20to%20NATO-led%20operations%20and%20missions
En 2019, un amendement à la Constitution ukrainienne est entré en vigueur, stipulant l'adhésion à l'OTAN comme objectif stratégique de sa politique étrangère et de sa sécurité, renversant la politique de neutralité du gouvernement de Ianoukovitch avant le Maïdan. Cela faisait suite à une législation ukrainienne de juin 2017 rétablissant l'adhésion à l'OTAN comme objectif de politique étrangère et de sécurité de l'Ukraine.
Lors du sommet de l'OTAN à Varsovie en 2016, l'OTAN a inclus dans le programme d'assistance globale (CAP) de l'alliance « le soutien à la capacité de l'Ukraine à assurer sa propre sécurité et à mettre en œuvre des réformes de grande envergure fondées sur les normes de l'OTAN, les principes euro-atlantiques et les meilleures pratiques ».
Dans le cadre du CAP, l'OTAN « a aidé l'Ukraine à transformer son secteur de sécurité et de défense pendant de nombreuses années, en fournissant des conseils de niveau stratégique par l'intermédiaire de la représentation de l'OTAN en Ukraine et un soutien pratique par le biais d'une série de programmes et d'initiatives de renforcement des capacités. Grâce à ces programmes et à des conseils adaptés, l'OTAN a considérablement renforcé la capacité et la résilience du secteur ukrainien de la sécurité et de la défense, ainsi que sa capacité à contrer les menaces hybrides. L'OTAN et ses Alliés ont également apporté un soutien considérable au développement des capacités, notamment par la formation, l'éducation et la fourniture d'équipements. »
Parallèlement au CAP, plusieurs fonds fiduciaires ont été créés en 2014 « pour soutenir le développement des capacités et le renforcement durable des capacités dans des domaines clés », en se concentrant sur la réorganisation et la modernisation des capacités de commandement, de contrôle, de communication et informatiques, ou C4, de l'Ukraine ; réadaptation médicale pour les militaires et les anciens combattants ; et développement des professions des civils dans les secteurs de la défense et de la sécurité (www.nato.int/cps/en/natolive/topics_37750.htm)).
C'était la première fois dans l'histoire de l'OTAN qu'un tel programme était étendu et un tel niveau d'intégration avec un pays déjà en guerre. Et encore une fois, l'OTAN et son principal État membre, les États-Unis, n'ont rien fait pour faire avancer le processus de Minsk afin, comme le reconnaissent maintenant plusieurs dirigeants d'États membres de l'OTAN, de gagner du temps pour armer l'Ukraine pour une guerre visant à reprendre la Crimée et les régions séparatistes par la force.
Au-delà de la formation, du développement et du renforcement des capacités dans des domaines « souples », tels que les communications et la logistique, du matériel non létal a été fourni avant la guerre actuelle par les États-Unis et d'autres pays de l'OTAN à des niveaux non négligeables. Comme l'a fait remarquer un responsable américain à propos des seuls approvisionnements américains, avant que l'Autorité présidentielle de retrait de fonds – le pouvoir de puiser dans les stocks du ministère de la Défense pour les fournir directement à l'Ukraine – n'entraîne l'envoi annuel de 100 millions de dollars d'équipement militaire à l'Ukraine (www.nationaldefensemagazine.org/articles/2023/2/24/tectonic-change-marks-one-year-anniversary-of-war-in-ukraine).
CONCLUSION
La question se pose donc de savoir dans quelle mesure les États-Unis et l'OTAN ont tenté d'entraîner, de provoquer, d'inciter la Russie à la guerre en Ukraine ou, au moins, de préparer Kiev à la guerre de manière si robuste qu'elle a rendu la guerre inévitable – stade avancé de la prophétie proverbiale auto-réalisatrice sur les menaces perçues (dans ce cas, sans expansion de l'OTAN mal perçue).
Bien avant le putsch de Maïdan, les États-Unis et l'OTAN étaient sur le point de lancer une guerre en Ukraine en élargissant l'OTAN, comme certains l'avaient prévenu à l'époque. La poursuite de l'expansion de l'OTAN, notamment en Ukraine, déclencherait une guerre entre l'OTAN et la Russie.
Tout au long de l'histoire de l'après-guerre froide, et en particulier au cours de la période 2004-2014, les États-Unis et l'OTAN ont accru leur soutien à l'armée ukrainienne et l'ont intégrée aux opérations de l'OTAN au Kosovo et en Afghanistan. Un « point culminant » de ce processus a été le sommet de l'OTAN de 2008, qui a promis que l'Ukraine et la Géorgie deviendraient membres de l'OTAN à l'avenir.
De 2010 à 2014, comme le note le site Internet de l'OTAN, « l'Ukraine a mené une politique de non-alignement, à laquelle elle a mis fin en réponse à l'agression de la Russie » (www.nato.int/cps/en/natolive/topics_37750.htm). La déclaration de l'OTAN laisse naturellement de côté la révolte de Maïdan qui a renversé le gouvernement menant la politique de neutralité qui a précédé « l'agression de la Russie » et qui a été alimentée par l'argent et les réseaux occidentaux en Ukraine.
Dans les analyses occidentales, les actions occidentales n'ont aucun effet sur les calculs russes concernant leur propre sécurité. Pendant ce temps, les États-Unis et l'OTAN n'ont pris aucune mesure pour s'opposer à l'influence croissante de l'ultranationalisme, du néofascisme et du sentiment anti-russe en Ukraine, à commencer par la Révolution orange de 2004.
Au cours de cette période, l'Occident a inlassablement cultivé des réseaux pro-OTAN en Ukraine afin d'amasser des sentiments pro-OTAN et pro-UE et de promouvoir un changement de régime, ou une « révolution de couleur », en Ukraine lors de la « révolution » de Maïdan en 2013-2014. Mais moi-mêmes et d'autres l'ont déjà souligné de manière exhaustive [voir Gordon M. Hahn, Ukraine Over the Edge : Russia, the West and the 'New Cold War' (Jefferson, N.C. : McFarland Books, 2018) ; https://gordonhahn.com/2022/02/24/coercive-diplomacy-phase-2-war-and-iron-curtain-descended/ ; https://gordonhahn.com/2016/01/21/report-the-russian-american-reset-nato-expansion-and-the-making-of-the-ukrainian-crisis ; https://gordonhahn.com/2016/03/09/the-real-snipers-massacre-ukraine-february-2014-updaterevised-working-paper/ et https://www.academia.edu/37784742/Shooting_of_Maidan_Protesters_from_Maidan_Controlled_Locations_Video_Appendix_C_2018_?email_work_card=title%5D ].
Et une dernière remarque. Tout cela a conduit l'OTAN et les États-Unis à s'engager dans une guerre contre la Russie, ce qui nous menace d'une guerre mondiale et d'une conflagration nucléaire.
Vous doutez que l'OTAN soit un combattant ? Voici comment un responsable de l'OTAN décrit l'implication de l'OTAN dans l'organisation de communications approfondies et le ciblage (!) pour l'Ukraine jusqu'au niveau des unités de front : « (L)a manière dont le ciblage a été réalisé en Ukraine et dont les données ont été fournies jusqu'à presque l'unité tactique la plus basse pour qu'ils puissent déclencher des tirs conjoints est extraordinaire. Je pense que le rythme a été atteint pour donner à ces capacités la possibilité de faire une sorte d'essai sur le terrain, où l'appétit pour le risque est très élevé. Je pense que de nombreux alliés regardent avec envie la rapidité avec laquelle cela peut être réalisé par rapport aux processus plus traditionnels » (www.nationaldefensemagazine.org/articles/2023/7/18/ukraine-war-is-exposing-nato-interoperability-gaps).
Je ne vous retiendrai plus
L'auteur :
Gordon M. Hahn, Ph.D., est analyste expert chez Corr Analytics, www.canalyt.com. Sites Web : Politique russe et eurasienne, gordonhahn.com et gordonhahn.academia.edu. Il est l'auteur de plusieurs livres sur la Russie, l'Ukraine et l'Occident, dont Ukraine Over the Edge : Russia, the West and the « New Cold War, McFarland Books, 2018.
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De l’antisémitisme et de sa manipulation

J'ai participé samedi - en visuel- à un colloque organisé à l'Université libre de Bruxelles sur « L'antisémitisme instrumentalisé ». Voici l'intervention que j'y ai présentée.
Tiré du blogue de l'auteur.
Pour réfléchir sur l'indispensable combat contre l'antisémitisme et les manipulations dont il est l'objet, il faut d'abord en dresser l'état des lieux, en l'inscrivant dans le contexte de l'évolution du racisme en général.
D'autant que, contrairement à une idée répandue, l'air du temps n'est pas, en France, à la montée de ce dernier. C'est en tout cas ce qu'indique l'Indice de tolérance[1] de Vincent Tiberj : sa tendance est à la hausse – de 46 en 1991 à 64 en 2022. Et cette progression concerne aussi bien la droite (qui passe de 30 en 1999 à 48 en 2022), le centre (qui monte de 38 à 59) et la gauche (qui grimpe de 59 à 72). Ces chiffres et les suivants sont extraits du dernier rapport annuel de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH[2]).
Antisémitisme, état des lieux
S'agissant de l'antisémitisme, trois « thermomètres » nous permettent d'en évaluer au plus près l'évolution en France :
D'abord celui du racisme idéologique, devenu marginal, comme l'attestent les réponses à trois questions dans les enquêtes d'opinion :
– La notion de race : seuls 5 % des sondés estiment qu'« il y a des races supérieures à d'autres ». En revanche, 36 % affirment que « les races n'existent pas » et 57 % que « toutes les races se valent » ;
– L'autodéfinition sur l'échelle du racisme : seuls 3 % des sondés s'estiment « plutôt racistes », 15 % « un peu racistes ». En revanche, 62 % ne se jugent « pas racistes du tout » (et 19 % « pas très racistes » ;
– La perception de l'intégration des différentes minorités : seuls 13 % considèrent les Noirs comme un groupe « à part » ; 24 % les Juifs (et 24 % aussi les Maghrébins 30 % les Asiatiques, 32 % les musulmans et 67 % les Roms .
Jean-Marie Burguburu, le président de la CNCDH, écrit toutefois dans son avant-propos que « les idées racistes favorisant l'exclusion peuvent revenir rapidement dans le débat public quand elles sont endossées et légitimées par des responsables politiques et médiatiques. » Or, poursuit-il, « dans un contexte de crise politique, sociale, économique et identitaire, un certain nombre de personnalités politiques ont activement participé de la politisation du rejet de l'Autre[3], figure mouvante aux visages multiples ».
Le second thermomètre, c'est celui des violences racistes, qui explosent au début du siècle : leur nombre passe de 202 actes recensés en 1999 à 903 en 2000. Sans doute ce phénomène est-il lié à la Seconde Intifada. Si les Français juifs n'ont évidemment aucune responsabilité dans le bain de sang provoqué par la répression israélienne, le soutien inconditionnel qu'apporte à cette dernière le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) au nom des Français juifs alimente l'amalgame entre ces derniers et les Israéliens. Les violences « antisémites » progressent ensuite irrégulièrement, avec un pic en 2021 (2 128 actes). Mais elles s'accroissent nettement moins, alors que les « autres faits racistes » connaissaient une forte hausse.
Cette diminution des faits antisémites depuis le pic de 2004 n'empêche pas un fort sentiment d'insécurité chez nombre de juifs, du fait de leur caractère meurtrier. Pour la première fois depuis 1945, 11 juifs ont été assassinés en tant que tels. La complexité des autres motivations des tueurs – meurtres crapuleux, voire acte de folie – n'empêche pas qu'ils soient d'abord perçus comme antisémites. Sur le long terme également, les faits antimusulmans connaissent une baisse depuis le pic de 2015.
Comme presque toutes les guerres du Proche-Orient, l'offensive d'Israël contre les Gazaouis, après l'horreur du 7 octobre, a provoqué en France une poussée d'antisémitisme. Selon le Service de protection de la communauté juive (SPCJ[1]), on a recensé en 2023 1 676 « actes antisémites » – dont 60% d'atteintes aux personnes et 40 % de propos ou gestes menaçants– soit quatre fois plus qu'en 2022 (436). Sur le total de 2023, 74,2% ont été commis après le 7 octobre[2]. Et ce bilan du dernier trimestre égale le total des « actes antisémites » des trois dernières années cumulées. « Le 7 octobre a servi de catalyseur à la haine, en activant un antisémitisme latent, et en désinhibant le passage à l'acte », estime Yonathan Arfi, le président du CRIF, selon qui la vision des civils israéliens massacrés a joué un rôle déclencheur dans ce phénomène .Étonnamment, Arfi ne mentionne pas l'effet des photographies ou des films terribles de la bande de Gaza en ruines, avec son cortège de cadavres de femmes et d'enfants ensanglantés, de bébés opérés à même le sol des hôpitaux et sans anesthésie, de foules se battant pour un peu de pain… : nul besoin d'être psychiatre pour imaginer l'incitation à la haine que représentent de telles images !
Le rapport évoque enfin un « chiffre noir » : « L'état de sous-déclaration massive des actes racistes auprès des autorités judiciaires accentue la méconnaissance de ce phénomène ». Et la CNCDH de préciser : « Au total, 1,2 million de personnes de 14 ans ou plus auraient été victimes d'au moins une atteinte à caractère raciste », soit 2,2 %.
Le troisième thermomètre, franchement négatif, est celui des préjugés. L'affaire Halimi nous le rappelle brutalement : les préjugés peuvent tuer… Leur cible privilégiée, c'est l'immigration. « Près d'un Français sur deux estime désormais qu'“aujourd'hui en France, on ne se sent plus chez soi comme avant”(48 %) », soit + 5 % en un an. Et 53 % des sondés considèrent qu'« il y a trop d'immigrés en France »[4].
Autre glissement inquiétant : « 60 % des Français pensent que “de nombreux immigrés viennent en France uniquement pour profiter de la protection sociale”, un chiffre en nette hausse (+ 8 points). » Et, pour 42 % (+ 7 points[5]), « l'immigration est la principale cause de l'insécurité ». Toutefois, seule une minorité croit que « les enfants d'immigrés nés en France ne sont pas vraiment Français » (22 %, + 2 %).
Pour 94 % , il est « grave » de « refuser l'embauche d'une personne noire qualifiée », pour 92 % celle d'une personne « d'origine maghrébine », 80 % d'être « contre le mariage d'un de ses enfants avec une personne noire ». Si 40 % pensent que les réactions racistes peuvent parfois être « justifiées par certains comportements », 56 % estiment que « rien ne peut les justifier ».
Même contradiction sur l'islam. Seuls 32 % en ont une opinion « positive » contre 30 % « négative ». Mais ils sont 42 % à considérer que « l'islam est une menace pour l'identité de la France » (+ 4 % en un an). Et de citer des pratiques considérées comme prétendument incompatibles avec notre société : le« port du voile intégral » (75 %), le « port du voile » (49 %) et du « foulard » (42 %), l'« interdiction de montrer l'image du prophète Mahomet » (51 %), etc. Ils sont toutefois 82 % à affirmer qu'« il faut permettre aux musulmans de France d'exercer leur religion dans de bonnes conditions ».
Idem pour les juifs : 18 % pensent qu'ils « ont trop de pouvoir », 38 % qu'ils « ont un rapport particulier à l'argent » et 36 % que, pour eux, « Israël compte plus que la France ». Et le rapport de préciser : « Les sympathisants d'extrême droite restent les plus enclins à se montrer d'accord avec ces préjugés antisémites traditionnels (…) Au contraire, les sympathisants des partis de gauche et du centre y sont relativement imperméables ».
Le degré d'antisémitisme, d'islamophobie et d'ethnocentrisme varie avec l'âge et le genre (les soixante-huitards et les femmes sont plus tolérants), mais surtout en fonction des options politiques. « L'intolérance s'élève à mesure qu'on se rapproche du pôle droit de l'échiquier politique, où prédomine une vision hiérarchique et autoritaire de la société, explique le rapport. Chez les personnes se situant à l'extrême droite, la proportion de scores élevés […] atteint des niveaux records »
Rest qu'un très large consensus se dessine : « Loin d'être complaisante à l'égard des agressions subies par les Juifs, l'opinion est majoritairement en faveur d'une lutte vigoureuse contre l'antisémitisme (73 % tout à fait ou plutôt d'accord fin 2022), et cette demande est d'autant plus forte que la personne se situe plus à gauche, la proportion des “tout à fait d'accord” passant de 29 % à l'extrême droite à 65 % à l'extrême gauche. »
Quatre impératifs
Reste à savoir comment mener cette lutte. L'analyse de l'évolution du racisme, y compris de l'antisémitisme, nous y aide grandement. Elle souligne en particulier, à mon avis, 4 impératifs :
– la nécessité de former le front antiraciste le plus large possible ;
– il importe donc – deuxième impératif – de ne pas opposer les différentes victimes les unes aux autres ;
– pour la même raison, il est essentiel de ne pas les hiérarchiser, sous peine d'alimenter les différents racismes ;
– travailler à la convergence des victimes et de leur mémoire implique enfin – quatrième impératif – de ne pas banaliser le racisme et l'antisémitisme en usant et abusant de ces étiquettes pour (dis)qualifier la critique légitime des États et de leur politique.
Vitupérer la politique de Vladimir Poutine, est-ce être antirusse ? Dénoncer le sort des Ouïghours, est-ce être antichinois ? Attaquer la politique africaine d'Emmanuel Macron, est-ce être antifrançais ? Alors s'en prendre au gouvernement israélien, ce n'est donc pas être antisémite. Sauf, bien sûr, si l'on a recours, pour ce faire, à des arguments antisémites ou/et négationnistes, comme Soral ou Dieudonné.
Un mot à ce propos. En France, la loi antiraciste de 1881, celle de 1972 et le Code pénal constituent un arsenal efficace… à condition qu'il soit utilisé. Or, pendant des années, un Dieudonné ou un Soral ont pu jouer presque impunément avec l'antisémitisme et le négationnisme. Je veux le dire clairement : compte-tenu des accusations dont ils font l'objet, les militants qui professent des idées antisionistes doivent être les plus vigilants, tout dérapage coûtant très cher à la cause que nous défendons.
Les 3 échecs d'une manipulation
Indiscutablement, depuis une vingtaine d'années, les inconditionnels d'Israël, en France comme dans plusieurs autres pays occidentaux, se sont mieux organisés et dotés de moyens nouveaux – comme ELNET[6] – pour développer leur propagande et leur chantage. Ne pas le mesurer serait dangereux.
Mais il serait au moins aussi périlleux de surestimer l'efficacité de ce lobby – un terme autrefois utilisé par la seule extrême droite mais que certains sionistes revendiquent désormais. S'ils s'agitent, c'est que leur cause devient littéralement indéfendable quand l'État qui se réclame des millions de victimes de la Shoah pactise avec les héritiers de leurs bourreaux à travers le monde, et, pire, en porte certains à sa tête – juif ou blanc, un suprémaciste est un raciste.
J'en veux pour preuve les trois échecs successifs des propagandistes d'Israël depuis le début de ce siècle :
Lors de la Seconde Intifada, ils ont tenté de faire taire les partisans du droit international en multipliant les procès contre eux[7]. Sauf qu'ils n'en ont remporté aucun. Daniel Mermet, Edgar Morin, Danièle Sallenave, Sami Naïr, Pascal Boniface, Michèle Manceaux et Charles Enderlin en sont ressortis blanchis.
Deuxième bataille perdue : la criminalisation du boycott, lancée en février 2010 par une circulaire de la ministre de la Justice Michèle Alliot-Marie, sur la base d'un mensonge[8]. La Cour européenne des droits de l'Homme (CECDH) finira par retoquer la condamnation des activistes de Mulhouse. L'arrêt, dit Baldassari, du 11 juin 2020, dénonce l'« attentat juridique » que constitue en France la répression pénale des appels au boycott des produits israéliens. Prime l'article 10 de la Convention qui protège la liberté d'expression, dont le boycott fait partie[9]. Le 17 octobre 2023, la Cour de cassation a reconnu l'arrêt Baldassari et renoncé à poursuivre les militants du boycott.
Troisième tentative avortée : la criminalisation de l'antisionisme. Deux mois après son élection, Emmanuel Macron déclare à la commémoration de la rafle du Vél d'Hiv, le 16 juillet 2017 : « Nous ne cèderons rien à l'antisionisme car il est LA forme réinventée de l'antisémitisme. » Et le CRIF exige que cette affirmation débouche sur une loi condamnant ledit antisionisme.
Commence alors, entre promoteurs et adversaires de ce projet de loi, une bataille acharnée qui durera plus de deux ans. Pour ma part, je publie Antisionisme = antisémitisme ? Réponse à Emmanuel Macron, que je présente lors d'une centaine de conférences-débats. J'y dénonce dans le projet élyséen à la fois une forme d'analphabétisme historique et une entreprise liberticide. Analphabétisme, car l'antisionisme fut d'abord un mouvement juif, majoritaire jusqu'à la Seconde Guerre mondiale et qui, depuis, prône, non pas la destruction de l'État d'Israël, mais sa transformation en un État de tous ses citoyens[10]. Liberticide, car le droit français comme européen exclut tout délit d'opinion.
C'est si vrai que le président de la République renoncera finalement à ce projet le 20 février 2019, lors du dîner annuel du CRIF. Ce dernier obtiendra, en guise de « lot de consolation », une résolution (mal) votée par l'Assemblée nationale se contentant de reprendre la définition de l'antisémitisme de l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste (IHRA) – à l'exclusion des « exemples » l'accompagnant, avait précisé à la tribune son parrain, le député Sylvain Maillard. Son texte s'en tient donc à deux phrases : « L'antisémitisme est une certaine perception des juifs, qui peut se manifester par une haine à leur égard. Les manifestations rhétoriques et physiques de l'antisémitisme visent des individus juifs ou non et/ou leurs biens, des institutions communautaires et des lieux de culte[11]. »
Comme on le voit, cette résolution – qui n'a de toute façon pas valeur de loi – ne mentionne ni le sionisme ni l'antisionisme. Ce qui n'empêche pas des dirigeants du CRIF de faire « comme si ». Car ils n'hésitent pas à nier ou ignorer leurs défaites pour poursuivre leur objectif : intimider quiconque use de son droit de critiquer la politique, intérieure ou extérieure, d'Israël.
Notes
[1] https://www.spcj.org/antis%C3%A9mitisme/chiffres-antis%C3%A9mitisme-france-2023-b
[2] Le Monde, 24 janvier 2024.
[1] Défini comme mesure synthétique de l'acceptation des minorités reprenant les questions les plus souvent posées sur une période de trente ans et variant de 0 (intolérance absolue) à 100 (tolérance absolue).
[2] www.cncdh.fr/sites/default/files/2023-06/CNCDH%20Rapport%20racisme%202022%20web%20accessible.pdf
[3] Un long chapitre du rapport est consacré à la manipulation de « la haine de l'Autre » : pp. 255 à 281.
[4] 55 % soutiennent néanmoins le droit de vote des étrangers non européens résidant en France aux élections municipales : Plus généralement, 57 % estiment que « les étrangers devraient avoir les mêmes droits que les Français ».
[5] Sur Twitter, des comptes d'extrême droite, à l'instar de F. Desouche, se consacrent exclusivement aux faits divers… dans lesquels un étranger ou un immigré est impliqué.
[6] Qui se définit comme « une organisation à but non lucratif dédiée au renforcement des relations entre l'Europe et Israël sur la base de valeurs démocratiques partagées et d'intérêts stratégiques ».
[7] Cf. Dominique Vidal, « Au nom du combat contre l'antisémitisme et Les pompiers pyromanes de l'antisémitisme », Le Monde diplomatique, respectivement décembre 2002 et mai 2004.
[8] Lors d'un dîner du CRIF à Bordeaux, le 19 février 2010, la ministre avait fait état d'un « boycott des produits casher » dont elle fut ensuite incapable de citer un seul exemple.
[9] CEDH, Baldassi et autres c. France, requêtes n° 15271/16 et 6 autres, 11 juin 2020.
[10] Les faits sont têtus : l'immense majorité des Juifs quittant l'Europe se rend aux États-Unis – environ 3,5 millions de 1881 à 1939 ([10]). En revanche, au début de la Seconde Guerre mondiale, la Palestine mandataire ne compte que 460 000 Juifs, soit 2,9 % de la population juive mondiale.
[11] Le Monde, 3 décembre 2019.
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Netanyahou enseigne la négotiation d’otages
Portrait du système alimentaire de La Mitis

L’écoféminisme, nécessaire à l’écosocialisme

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Les Philippins commémorent le renversement de la dictature Marcos

Des tiers-lieux engagés à créer un avenir différent ?
Retour à la table des matières Droits et libertés, automne 2023 / hiver 2024
Des tiers-lieux engagés à créer un avenir différent?
Pascale Félizat, bibliothécaire et observatrice des mouvements écocitoyens À la question « Avec le temps limité que nous avons désormais, où mettez-vous le plus d’espoir de changement, dans le milieu de l’éducation formelle ou informelle ? », deux jeunes québécois répondaient récemment que transformer à partir de l’éducation informelle leur semblait plus facile. Une autre étudiante précisait : « L’école peut apprendre les principes de base pour comprendre le monde mais elle n’apprendra pas à s’activer pour changer le monde ». Ces échanges se sont déroulés durant la table ronde Enjeux éducatifs de la mouvance jeunesse et étudiante pour la justice socio-écologique organisée par le Centr’ERE de l’UQAM en octobre 2023. Aujourd’hui, il n’est plus vraiment nécessaire d’expliquer pourquoi un changement sociétal profond est nécessaire. Tout le monde le sait et le vit. Trouverons-nous le chemin de cette métamorphose sociétale, qui exige, selon le philosophe Aurélien Barrau, « que nous redessinions l’ossature du réel1 »? À la lumière de ce que nous avons observé au cœur de Montréal, une voie semble possible. Elle associe trois groupes d’acteurs : tiers-lieux, groupes citoyens engagés et concepteurs et conceptrices d’activités permettant la reconnexion au milieu de vie et au pouvoir d’agir.Une éducation en évolution
De plus en plus documentés par la recherche, les apprentissages via la mobilisation citoyenne sont nombreux : exercice de la démocratie, politique, enjeux socio-écologiques, impact de l’extractivisme, existence de différentes sortes de rapports au monde, autres revendications (autochtones, décoloniale, antiraciste, féministe, pour la diversité de genre, etc.). S’y ajoutent des apprentissages d’ordre plus instrumental : communication, prise de parole, rédaction, évaluation, mobilisation, travail en équipe, gestion des tensions internes, innovation… Avec l’engagement citoyen, on fait aussi et surtout l’expérience d’une sorte de foi, celle qui pousse à continuer à affronter ces crises d’une gravité sans précédent. C’est l’espoir dont parle Vaclav Havel : la certitude que quelque chose fait sens quelle que soit l’issue finale. À cette même table ronde organisée par le Centr’ERE, une militante indiquait qu’elle aimerait que ces trois aspects particuliers de l’éducation retrouvent toute leur place : la responsabilité partagée de l’éducation « Pourquoi avons-nous arrêté de vouloir aussi éduquer l’enfant de la voisine ? » ; le savoir expérientiel : toutes les activités d’apprentissage basées sur l’observation, l’expérimentation dans son propre territoire, avec tous ses sens, dans l’émerveillement et la curiosité ; la capacité à continuer à se questionner sans cesse pour mieux construire le monde de demain y compris en se demandant « Qu’ai-je fait moimême pour contribuer à ce dont je me plains ou que je veux changer ? ». Ces trois modalités éducatives sont présentes au sein des collectifs citoyens et des tiers-lieux qui fleurissent ces dernières années dans les quartiers centraux de Montréal. On y renoue avec une certaine curiosité pour son milieu de vie, établissant de nouvelles relations avec celui-ci. On y exerce aussi un pouvoir d’agir, limité mais réel, tout en s’adaptant en continu aux nombreux imprévus qui ne manquent pas de se présenter. Vivre et apprécier sa codépendance, en même temps que l’exercice de son pouvoir d’agir tout en acceptant la prise de risques : il s’agit donc d’expérimenter un mode de relation au monde bien différent de celui privilégié par nos sociétés modernes centrées sur l’individualisme, le prêt à consommer et la recherche d’une sécurité maximale. Ces tendances observées au cœur de Montréal vont dans le sens de bien de nos textes fondateurs en éducation y compris l’article 13 du Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels ratifié par le Canada et le Québec : « [l’] éducation doit mettre toute personne en mesure de jouer un rôle utile dans une société libre2 ».Avec l’engagement citoyen, on fait aussi et surtout l’expérience d’une sorte de foi, celle qui pousse à continuer à affronter ces crises d’une gravité sans précédent.
Des collectifs à connaître
Ces collectifs sont militants (Mères au front, Collectif Antigone…) ou non (Mémoires de Petite-Patrie). Ils sont parfois engagés dans la défense d’un commun menacé (Mobilisation 6600 Parc Nature MHM, À nous la Malting…). Ils sont parfois rassemblés sous la bannière d’une intention rassembleuse (Prenons la Ville) ou d’un manifeste (Gardiens et gardiennes du vivant). Ils sont centrés autour d’un quartier ou d’un territoire donné (Petite Famiglia, Petite Plaza ! À nous le Plateau, Angus s’amuse, Effervescence citoyenne…) ou d’une activité particulière (Super Boat people, Les fruits défendus, Cyclistes solidaires…).Le terme tiers-lieu, traduit de l’anglais The Third Place, a été introduit en 1989 par le sociologue Ray Oldenburg dans son ouvrage The Great Good Place. Il fait référence aux environnements sociaux qui ne sont ni la maison ni le travail ou l’école. Un tiers-lieu ne se décrète pas mais se constate par la coexistence de plusieurs critères dont le caractère vivant, la capacité à générer de nouveaux liens d’amitié, l’absence de barrières à l’accès des lieux, le caractère fédérateur ou niveleur des conditions et croyances politiques, religieuses ou autres. L’adoption de ce lieu par une communauté distincte qui y imprime sa marque et invite les nouveaux venus à y participer librement est indispensable. Les tiers-lieux se déclinent en plusieurs formes et peuvent être aussi des lieux d’innovation et de faire-ensemble sous leurs formes laboratoires de création (makerspace, medialab, laboratoire de fabrication numérique, living lab, ruche d’art…). |
Les tiers-lieux
Les tiers-lieux pourraient-ils leur servir de caisse de résonnance ? À Montréal, on observe en effet parallèlement un renouveau de ces tiers-lieux : lieux d’un nouveau genre comme Brique par Brique, L’Espace des possibles Petite Patrie, Lespacemaker ; lieux d’éducation alternative ouverts sur la communauté (Fabrique familiale la Cabane) ; lieux d’éducation populaire (Ateliers d’éducation populaire du Plateau ; lieux communautaires (Chez Émilie, La Place) et autres centres sociaux (L’Achoppe)… Tous ces lieux présents au cœur de Montréal se positionnent de plus en plus clairement comme transformationnels. Depuis une quinzaine d’années, les bibliothèques aussi se réclament mondialement du concept de tierslieux et soulignent leur rôle en éducation relative à l’environnement. Véritable « infrastructure liquide qui hybride social, culturel et économique », l‘ensemble de ces lieux quadrillent le territoire dans une belle diversité décrite par la littérature4. Ils ont des armes spécifiques pour conforter les transformations socio-environnementales en cours: ressources partagées (documents mais aussi outils, grainothèques, accès à des experts), programmation régulière d’activités et de services (ateliers de réparation par exemple), formations à la maîtrise des technologies mais aussi « pédagogie du lieu ». Ce dernier volet est particulièrement fécond5 6. Fait intéressant, ces tiers-lieux hébergent régulièrement des artistes (comme la Ruche d’Art Yéléma présente depuis plusieurs années à la bibliothèque Marc Favreau) qui invitent leurs membres à sortir de la pensée rationnelle et à explorer de nouvelles pratiques. Aujourd’hui, toutefois, ces tiers-lieux et les prestataires d’activités éducatives non formelles du cœur de Montréal ne semblent pas se percevoir encore comme un même écosystème d’éducation non formelle. En réponse à ce constat, une poignée de citoyennes visent maintenant à leur proposer des micro-projets pour leur donner des occasions de travailler ensemble autour d’enjeux socio-environnementaux propres à leur territoire : faciliter l’accès de tous les Montréalaises au plein air en ajoutant, conjointement, des informations utiles à une carte de prêt d’accès Sépaq proposée par la BAnQ ; augmenter le pouvoir d’agir citoyen sur la question du logement en abritant des séances d’un jeu cocréé localement par les citoyens eux-mêmes ; contribuer à un répertoire conjoint des modalités de soutien aux projets citoyens pour l’activité Soupe locale, un exercice de démocratie participative qui vise à propulser des initiatives locales. Ces micro-projets sont autant de tentatives de tester, par l’expérimentation, la capacité collective des tiers-lieux à soutenir réelle ment et de façon plus constante et organisée les forces régénératrices portées par ces collectifs écocitoyens. À suivre!- Conférence d’Aurélien Barrau, Rencontres internationales de Genève, Catastrophe écologique : état du monde et perspectives, 26 septembre 2023. En ligne : https://www.youtube.com/watch?v=a5RQYI89plY
- Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 3 janvier 1976. En ligne : https://www.ohchr.org/fr/instruments-mechanisms/instruments/international-covenant-economic-social-and-cultural-rights
- Les membres de Promenade arboricole collective explorent des moyens de se relier autrement aux arbres Ce collectif a été mis en place à l’initiative de la fondatrice de l’OBNL Cœur d’Épinette.
- Voir Pascal Desfarges, Processus des tiers-lieux des infrastructures civiques de résilience, 2020. En ligne : https://www.banquedesterritoires.fr/sites/default/files/2020-09/ARTICLE-TIERS-LIEU-DEFINITIF.pdf
- Le bibliothécaire David Lankes, dans son ouvrage Expect More, demanding better libraries for today’s complex world, incite les citoyens à réclamer davantage à leurs bibliothèques. En ligne : https://davidlankes.org/new-librarianship/expect-more-demanding-better-libraries-for-todays-complex-world/
- À sa suite, les bibliothèques parlent de leur lieu d’accueil comme un possible « symbole des aspirations de la communauté » mais bien d’autres aspects seraient à examiner pour davantage d’impact Voir par exemple : Pascale Félizat, Convialité/Convivialisme, 2022.En ligne : https://praxis.encommun.io/n/F4ZV1PMTKXLBPgOKtIh435qcWUc/
L’article Des tiers-lieux engagés à créer un avenir différent? est apparu en premier sur Ligue des droits et libertés.
« Si je dois mourir » – Raconter Refaat Alareer et la Palestine
Mettre en péril la sécurité des femmes trans
Salvador : l’angle mort d’une politique sécuritaire antidémocratique

Pour l’annulation de la suspension du financement à l’UNRWA

En solidarité avec le peuple palestinien, À bâbord ! partage la lettre rédigée par le Centre international de solidarité ouvrière (CISO) et signée par 13 présidences d'organisations du mouvement syndical québécois appelant le gouvernement du Canada à revenir sur son intention de suspendre son financement à l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA).
Monsieur le Premier Ministre Justin Trudeau,
Au nom du Centre international de solidarité ouvrière et de ses membres, plus de soixante-cinq syndicats représentant plus de 1,6 millions de personnes travailleuses et travailleurs au Québec, nous tenons à vous faire part de nos grandes inquiétudes quant à l'annonce récente du gouvernement du Canada de suspendre le financement à l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). L'Office étant le premier organisme humanitaire pour les réfugiés de Gaza et d'ailleurs dans cette région, nous vous demandons, afin d'assurer la sécurité de millions de Palestiniennes et de Palestiniens, de renverser votre décision.
L'UNRWA est un organisme d'aide irremplaçable dont dépendent des millions de personnes depuis plus de sept décennies. En tant que l'un des plus grands pays donateurs, il serait particulièrement cruel pour le Canada de couper les vivres à cette organisation essentielle, surtout en pleine crise humanitaire causée par le bombardement incessant des forces israéliennes à Gaza. Bien que votre gouvernement ait annoncé le financement d'autres organismes humanitaires dans l'intérim, il ne s'agit là que d'une demi-mesure qui n'atténuera en rien les effets dévastateurs de la suspension du financement du travail qu'accomplit l'UNRWA. L'UNRWA demeure la seule organisation étant en mesure de couvrir les besoins sociaux et humanitaires à grande échelle sur l'ensemble de ce territoire.
Quant au motif même de la suspension, soit les allégations selon lesquelles des membres du personnel auraient été impliqués dans les attaques du 7 octobre, il est important de souligner que l'UNRWA a enquêté avec célérité. De plus, comme on parle ici d'une douzaine de personnes sur un effectif de 30 000, la réaction du Canada nous semble démesurée, d'autant plus qu'elle a été prise en toute hâte, sans aucune preuve des allégations d'Israël et avant que l'enquête en cours n'ait abouti.
Qui plus est, des organismes humanitaires ont émis une mise en garde contre la suspension du financement à l'Office. Selon elles, une telle mesure ne ferait qu'aggraver la situation à Gaza, compte tenu de son travail indispensable dans la région. En effet, dans une déclaration signée par une vingtaine d'ONG internationales, ces dernières se disent « choquées par la décision imprudente de couper une bouée de sauvetage à une population entière par certains des mêmes pays qui avaient demandé à ce que l'acheminement de l'aide à Gaza soit renforcé et que les humanitaires soient protégés dans l'exercice de leur travail ». Soulignons que plus de cent-cinquante (150) travailleuses et travailleurs humanitaires de l'UNRWA ont péri dans les attaques des forces israéliennes.
Nous voulons également attirer votre attention sur les conséquences plus vastes de votre décision, dans le contexte où Israël est sous examen devant la Cour internationale de justice de l'ONU, qui a conclu à des risques plausibles de génocide, en vertu d'une convention que le Canada a lui-même ratifiée et qu'il a la responsabilité de faire respecter en droit international. L'organisme Médecins sans frontières a ainsi déclaré que « les conséquences sur place de ces coupes budgétaires vont à l'encontre des mesures provisoires émises le vendredi 26 janvier par la Cour internationale de justice. Celles-ci comprennent notamment des mesures immédiates pour garantir l'acheminement d'une assistance humanitaire suffisante dans la bande de Gaza ».
Faute de fonds, l'Office devra fort probablement cesser toutes ses activités d'ici la fin du mois. C'est pourquoi nous vous exhortons à travailler de concert avec les autres grands pays donateurs, afin de remédier à la situation dans les plus brefs délais. Encore une fois, nous demandons au gouvernement du Canada d'infirmer la décision de suspendre le financement à l'UNRWA jusqu'à ce que l'ONU ait terminé son enquête, afin que la population palestinienne puisse continuer à recevoir l'aide dont elle a cruellement besoin, afin d'éviter la famine et les épidémies, de soigner les blessés et les malades, de survivre.
En espérant que vous donnerez rapidement suite à notre demande, nous vous prions de recevoir, Monsieur le Premier Ministre, nos plus sincères salutations.
Luc Allaire, président du Centre international de solidarité ouvrière (CISO)
Magali Picard, présidente, Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)
Caroline Senneville, présidente, Confédération des syndicats nationaux (CSN)
Françoise Ramel, vice-présidente responsable du secteur sociopolitique et solidarité, Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ)
Youri Blanchet, président, Fédération de l'enseignement collégial (FEC-CSQ)
Frédéric Brisson, vice-président régional Québec, Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP)
Daniel Cloutier, directeur québécois, Unifor
Dominique Daigneault, présidente, Conseil central Montréal métropolitain – CSN
Christian Guillemette, 1er vice-président, SCCCUQAR, FNEEQ-CSN
Alfonso Ibarra Ramirez, président, Conseil central des syndicats nationaux de l'Outaouais (CCSNO-CSN)
Vincent Leclair, secrétaire général, Conseil régional FTQ Montréal métropolitain (CRFTQMM)
Dominic Lemieux, directeur québécois, Syndicat des Métallos
Caroline Quesnel, présidente, Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ-CSN)
Photo : UNRWA Summer Game July 2010 (Gisha Access, Wikimedia Commons, BY-SA)
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Cessez-le feu ou capitulation -

Le journal de « centre-gauche et indépendantiste » québécois Le Devoir vient de publier une lettre ouverte signée par cinq pacifistes, qui appellent à un « cessez-le-feu et à des négociations immédiates » en Ukraine.
La lettre en elle-même ne mériterait pas qu'on s'y attarde si les auteur.es ne disaient pas signer « pour » le Collectif échec à la guerre.
De fait, le Collectif regroupe des partis politiques de gauche (Québec solidaire, Parti communiste), de très nombreux syndicats (de la CSN, de la FTQ, d'infirmières, d'enseignant.es etc.), des groupes communautaires et de défense des droits (FRAPRU, Ligue des droits et libertés, AQOCI, MEPACQ etc.) et des organisations religieuses. En bref, c'est donc une bonne partie de ce que le Québec compte de militant.es qui se déclarent de gauche, syndicalistes, socialistes, féministes, anticapitalistes, anti-impérialistes, postcoloniaux, altermondialistes et même internationalistes qui se voit associée, au moins indirectement, au contenu de cet appel pacifiste.
– Cessez-le-feu ou capitulation ?
La lettre en question est une médiocre caricature de la propagande véhiculée par Vladimir Poutine : la guerre a été provoquée par les États-Unis, l'Occident, l'OTAN, qui « mènent une véritable guerre par procuration en Ukraine ». La Russie quant à elle a tout fait pour négocier et éviter le conflit mais il a bien fallu qu'elle défende ses intérêts « de grande puissance ». Et finalement, comme « la guerre en Ukraine ne s'est pas déroulée selon les plans de l'Occident », que les sanctions économiques ont échouées, que la « situation évolue à l'avantage de la Russie », qu'il faut éviter un engrenage et une guerre nucléaire, il est dans l'intérêt des ukrainien.nes et de l'humanité d'imposer le plus rapidement possible un « cessez-le-feu ». Évidemment le texte ne nous ni comment ni quelles en seraient les implications mais il faut que cela soit fait et « mutuellement acceptable ». Et voilà, il fallait juste y penser et l'écrire.
Au-delà d'un narratif digne de la novlangue de Georges Orwell, où ceux que l'on pensait être les agressés deviennent les agresseurs, les victimes, les coupables, les victoires, des défaites, les impérialistes, les colonisés etc., l'intention première qui transpire de la lettre est de mettre un terme au soutien militaire canadien à l'Ukraine, aussi ridicule soit-il. Il est de fait certain que si l'Ukraine ne reçoit plus aucun soutien, elle n'aura alors plus d'autre choix que de négocier le cessez-le-feu. Et le plus tôt on arrêtera de la soutenir, le plus tôt le cessez-le-feu souhaité par les auteur.es de la lettre, sera imposé. Mais il n'est pas dit qu'il sera "mutuellement acceptable".
Et de fait, le seul problème à l'exécution de ce plan magistral est que les Ukrainien.nes – et heureusement beaucoup d'autres personnes – considèrent aujourd'hui qu'il ne s'agit plus alors d'un cessez-le-feu mais d'une capitulation en rase campagne. Et, rien à faire, même avec les incantations des pacifistes québécois.es, les ukrainien.nes refusent de capituler.
- Faut-il écouter les ukrainien.nes ou les ignorer et défendre le pacifisme d'Échec à la guerre ?
Mais les auteur.es de la lettre se moquent éperdument de ce que peuvent penser et vouloir les ukrainien.nes. Il est en effet sidérant de voir avec quelle facilité, toute honte bue, cinq pacifistes (qui se revendiquent certainement postcolonialistes), bien à l'abri des bombes, peuvent prétendre s'exprimer pour et dans l'intérêt des ukrainien.nes, sans même prendre la peine d'en citer un.e seul.e.
Comme si les ukrainien.nes ne pouvaient pas parler, comme si leurs revendications étaient inconnues, comme si leur avis était de toute façon sans intérêt au regard des préoccupations planétaires des cinq pacifistes québécois.es. Les ukrainien.nes sont de facto infantilisé.es, traité.es comme des enfants qui ont réagi de façon impulsive, qu'il faut calmer et à qui il faut expliquer, et au besoin imposer, ce qui est bon pour eux et elles.
C'est vrai qu'ils et elles n'écoutent pas beaucoup, pas même les doctes conseils de nos cinq pacifistes ou des capitalistes occidentaux et Russes. Au lieu de fuir en taxi et de se laisser calmement coloniser, comme le prévoyaient Vladimir Poutine mais également tous les membres de l'OTAN, ils et elles ont choisi de résister et continuent de résister malgré tout, semblant oublier qu'ils et elles ont en face d'eux une puissance nucléaire.
Bref, si pour les auteur.es de la lettre l'opinion des ukrainien.nes ne compte pas, les ukrainien.nes en revanche feraient bien de les écouter. Il s'agit là d'une conception et d'une pratique de "solidarité internationale" déjà bien documentées.
- Mais pourquoi la gauche ukrainienne refuse-t-elle de capituler ?
Mais imaginons que, contrairement aux cinq missionnaires pacifistes, les membres associatifs du Collectif estiment important d'écouter et de prendre en compte ce que les Ukrainien.nes revendiquent, comme n'importe quel internationaliste digne de ce nom. Ils et elles peuvent alors facilement se renseigner en français grâce au précieux travail réalisé par un regroupement de plusieurs maisons d'édition de gauche (y compris québécoises) et au travail du Réseau européen de solidarité avec l'Ukraine (ENSU/RESU).
Les partis politiques de gauche, les syndicats et les groupes communautaires québécois peuvent alors constater dans ces milliers de documents que par bien des aspects, la société ukrainienne n'est pas très différente de la société québécoise ; et que, comme elle, c'est une société profondément divisée. Il y a des fascistes, des racistes, des capitalistes profiteurs de la guerre, des multimillionnaires crapuleux et planqués, des politiques corrompus, des religieux homophobes, des antisémites, des islamophobes etc. Et, comme au Québec, faute d'une gauche véritablement internationaliste, c'est cette tendance qui a le vent en poupe.
Mais il y a également de nombreux militant.es de gauche, anticapitalistes, des féministes et des anarchistes qui, en toute conscience, ont choisi de défendre le droit à l'indépendance, non seulement les armes à la main mais également sous le commandement d'un gouvernement bourgeois et patriarcal, seule solution militairement viable selon eux pour ne pas être colonisé.es et disparaitre ; qu'il y a des syndicalistes qui militent contre la scandaleuse réforme du Code du travail tout en apportant un soutien continu aux soldat.es dans les tranchées ; des militants internationalistes qui malgré l'état d'urgence, prennent le temps d'envoyer des messages de solidarité aux palestiniens, aux grévistes français ou britanniques ; des anticapitalistes qui militent contre les réformes néo-libérales de Zelenski, du FMI et de la Banque mondiale, pour la nationalisation de l'industrie de l'armement, l'expropriation des oligarques ; des militant.es qui au risque de leur vie documentent la réalité dans les territoires occupés, les vols d'enfants, le pillage de Mariupol et de sa région, comme la russification à marche forcée etc.
Toujours dans ces précieux documents, les membres du Collectif pourront également constater que les ukrainien.nes se battent également pour la paix, un cessez-le-feu et le désarmement. La différence toutefois est qu'ils et elles n'acceptent pas les conditions proposées par nos cinq pacifistes ou Vladimir Poutine. Ils et elles ne cessent de le répéter : si la Russie se retire, il n'y a plus de guerre. En revanche, si l'Ukraine cède, il n'y a plus d'Ukraine.
- Qui désarmera et qui sera désarmé ?
De fait, quand on fait face à l'armée d'un dirigeant qui répète à qui veut l'entendre que vous n'existez pas et qui a déjà montré on ne peut plus clairement aux Tchétchènes, aux Syrien.nes ou aux Georgiens les conditions d'une paix durable et du désarmement selon lui, on retient surement mieux certaines leçons de l'histoire : « toute la question est de savoir qui désarmera et qui sera désarmé ».
Par conséquent, aujourd'hui, ce que les membres du Collectif ne trouveront pas dans ces multiples documents de syndicalistes, de socialistes de féministes, d'anticapitalistes, d'internationalistes ukrainien.nes ce sont des appels à mettre un terme au soutien militaire à l'armée ukrainienne, à s'opposer à l'entrée de l'Ukraine dans l'OTAN ou dans l'Union européenne. Ces militant.es de la gauche ukrainienne le répètent : ce n'est pas de gaité de coeur qu'ils et elles font ces choix politiques ; c'est une question de priorités, de survie.
- Et si la gauche Russe souhaitait également la défaite militaire de Poutine ?
Nos cinq pacifistes pourraient par ailleurs, toujours dans une perspective de solidarité internationale, se tourner vers les militant.es internationalistes russes. Il est vrai qu'il est beaucoup plus difficile d'entrer en contact avec elles et eux mais, grâce au travail des militant.es du RESU, on dispose notamment des déclarations du Mouvement socialiste russe. Et voici un extrait d'un récent communiqué en espérant que les membres du Collectif Échec à la guerre soient incités à le lire dans son intégralité :
« Le régime de Poutine ne peut plus sortir de l'état de guerre, car le seul moyen de maintenir son système est d'aggraver la situation internationale et d'intensifier la répression politique à l'intérieur de la Russie.
C'est pourquoi toute négociation avec Poutine n'apporterait, au mieux, qu'un bref répit, et non une véritable paix.
Une victoire de la Russie serait la preuve de la faiblesse de l'Occident et de sa volonté de redessiner ses sphères d'influence, surtout dans l'espace post-soviétique. La Moldavie et les États baltes pourraient être les prochaines victimes de l'agression. Une défaite du régime, en revanche, équivaudrait à son effondrement.
Seul le peuple ukrainien a le droit de décider quand et dans quelles conditions faire la paix. Tant que les Ukrainiens feront preuve d'une volonté de résistance et que le régime de Poutine ne changera rien à ses objectifs expansionnistes, toute contrainte exercée sur l'Ukraine pour l'amener à négocier est un pas vers un "accord" impérialiste aux dépens de l'indépendance de l'Ukraine.
Cet "accord de paix" impérialiste signifierait un retour à la pratique de partition du reste du monde par les "grandes puissances", c'est-à-dire aux conditions qui ont donné naissance à la Première et à la Seconde Guerre mondiale.
Le principal obstacle à la paix n'est certainement pas le "manque de volonté de compromis" de Volodymyr Zelensky, ni le "caractère faucon" de Joe Biden ou d'Olaf Scholz : c'est le manque de volonté de Poutine de discuter même de la désoccupation des territoires ukrainiens saisis après le 24 février 2022. Et c'est l'agresseur, et non la victime, qui doit être contraint de négocier » (Traduction Deepl.).
Il est évident que cette prise de position, tout comme celle de la gauche ukrainienne reprise ici, ne reflètent qu'une partie et probablement qu'une toute petite partie des opinions des gauches Russe ou Ukrainienne. Mais ce sont ces positions que nous relayons, que nous avons choisi d'appuyer, en citant nos sources. Que les cinq pacifistes québécois.es fassent de même et nous disent au nom de qui ils et elles parlent et revendiquent un « cessez-le-feu immédiat » en Ukraine.
En attendant leurs sources, nous partageons l'avis du Mouvement socialiste Russe selon lequel, dans le contexte actuel, ce qui compte au final c'est le choix du peuple ukrainien et que "c'est l'agresseur, et non la victime, qui doit être contraint de négocier". Tout l'inverse de ce qu'ont choisi de défendre les cinq pacifistes québécois.es "pour" un important collectif de travailleurs et de travailleuses Québécois.es.
Nous espérons alors que les membres associatifs du Collectif Échec à la Guerre feront savoir qu'ils condamnent fermement cette méprisable prise de position qui va à l'encontre du droit à l'auto-détermination et de tous les principes de base de la solidarité internationale ouvrière et féministe, de l'internationalisme.
Camille Popinot
Illustration : Anna Ivanenko, Si cela vient à nous, cela viendra à vous.
https://centrededesign.com/ukraine-lart-de-se-defendre/

Mayotte : l’impasse coloniale

À Mayotte, les mesures répressives restent inefficientes et nourrissent les violences. La suppression du droit du sol ne dérogera pas à ce constat. La solution serait un investissement social à l'échelle de l'archipel.
Mayotte est restée française parce que quelques dizaines de planteurs ont convaincu les « grands notables » en utilisant les différends existant dans l'archipel des Comores. Une propagande intensive parmi la population accompagnée d'une répression contre les indépendantistes a fait le reste.
Le tout-répressif
Cela a permis à la France de maintenir sa position stratégique sur le canal du Mozambique. Mais ce succès apparent revient comme un boomerang en s'accompagnant de crises successives démontrant la précarité de cette architecture.
Pour les MahoraisEs, la départementalisation de leur île revêtait un double objectif : signer l'impossibilité d'un retour vers les Comores et garantir l'accès privilégié aux ressources au détriment des étrangerEs. L'immigration est vue comme la cause des problèmes, au demeurant réels, que sont l'insécurité et la misère sociale. Quoiqu'en disent les MahoraisEs, la délinquance n'est pas l'apanage des étrangerEs. En revanche ce qui est nouveau, c'est l'apparition de bandes de jeunes qui se livrent à des actes de violence parfois gratuits. Ce phénomène est nourri par l'arsenal juridique spécifique de Mayotte tel que l'absence de commission du titre de séjour ou de recours contre les obligations de quitter le territoire français (OQTF). Aussi les ComorienNEs expulséEs précipitamment laissent derrière eux leurs enfants. Comme les aides sociales pour mineurEs isoléEs ont été aussi supprimées, ces derniers n'ont d'autres choix que de se regrouper et tenter de survivre par tous les moyens. Ainsi existent des villages entiers composés de jeunes livréEs à eux-mêmes sans aucune perspective.
Le paradoxe
Les ComorienNEs viennent à Mayotte parce que le territoire est six fois plus riche que le leur et non pour un hypothétique accès à la nationalité française de leur progéniture. Possibilité d'autant plus aléatoire que la loi de 2018 impose que les parents soient sur place et en situation régulière depuis plus de trois mois. Une loi qui d'ailleurs n'a eu aucun effet sur les flux migratoires.
Les MahoraisEs se sont mis dans une impasse coloniale. En militant pour que l'île devienne un département français, ils ont eux-mêmes accepté d'abandonner, au moins formellement, un mode de vie ancestral. Dans le même temps, l'objectif de vivre selon les standards de la métropole s'est avéré largement hors de portée. Mayotte est le département français, et de loin, le plus pauvre. En exigeant plus d'investissements sociaux de la part de la métropole, les Mahorais augmentent aussi paradoxalement l'attraction de leur île pour les ComorienNEs. La succession de mesures répressives prises par l'État français n'arrive pas à juguler cette immigration.
Prendre en compte l'archipel
À terme, le risque est de voir se développer un conflit que l'on ne peut certainement pas qualifier d'ethnique puisque MahoraisEs et ComorienNEs sont un seul peuple. Pourtant, sur l'île se répand une violence verbale : les étrangerEs sont comparés à des cafards et deviennent les responsables de tous les malheurs qui surviennent. Salime Mdere, vice-président du Conseil départemental, déclare à propos des jeunes ComorienNEs « à un moment donné, il faut peut-être en tuer ».
La solution n'est certainement pas, comme le propose Darmanin, la suppression du droit du sol. Elle ne fera qu'alimenter la machine à créer des sans-papierEs et légitimer la haine. Trouver une solution viable et juste n'est pas chose aisée. Une piste serait, non de concentrer toute la richesse (bien relative par rapport à la métropole) sur Mayotte mais de la répartir sur l'archipel de telle sorte que l'ensemble des ComorienNEs puissent accéder à des structures hospitalières convenables et à une offre d'éducation pour l'ensemble des jeunes. Permettre un développement économique de Mayotte qui puisse bénéficier aux trois autres îles : atténuerait le conflit fratricide d'un peuple en proie au tourment d'une erreur historique.
Paul Martial
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Garderies subventionnées : « priorité aux citoyens québécois », dit Legault

La CAQ applique la « préférence nationale » du parti de Marine Le Pen Le titre ci-haut de l'article de Radio-Canada aurait bien pu être « La CAQ fait sienne la politique de « préférence nationale » du Rassemblement national de Marine Le Pen.
Le Premier ministre du Québec qualifie de « gros bon sens » sa « politique de faire appel du jugement ordonnant au gouvernement de permettre aux demandeurs d'asile d'accéder aux centres de la petite enfance (CPE) et aux garderies subventionnées. » Avec le temps, on se rend compte que la CAQ ne fait pas bon ménage avec les tribunaux qui défendent soit le droit des peuples autochtones pour prendre en mains leurs services pour l'enfance en difficulté, soit celui de la minorité musulmane pour préserver leur droit de porter le voile pour enseigner, soit de défendre le droit des femmes réfugiées d'avoir accès aux CPE.
Pour en rajouter une couche, la CAQ instrumentalise le nationalisme identitaire contre les juges des tribunaux supérieurs dont la nomination relève d'Ottawa. Et pourquoi pas, tant qu'à y être, blâmer les personnes réfugiées pour le recul du français en oubliant la croissance exponentielle de travailleuses et travailleurs temporaires au bénéfice des entreprises qui en redemandent tellement leurs déplorables conditions de travail leur sont bénéfiques. Il ne viendrait pas à l'idée de la CAQ que rendre permanente cette immigration corvéable à merci serait aux yeux de celle-ci un gage d'accueil et par là d'incitatif, en plus de programmes généreux aux frais des employeurs, à apprendre le français pour s'intégrer à la société hôte.
Ajoutons que la perspective d'une société écoféministe de « prendre soin » des gens et de la terre-mère — rien à voir avec la CAQ ! — ferait muer le français, langue commune, en un phare sur la colline aux dépens de l'anglais, lingua franca du dominant impérialisme néolibéral. La saga de la convention collective du secteur public, un échec pour la CAQ même si ce n'est pas un succès syndical entre autres à cause de l'appui populaire aux syndicats, lui a fait comprendre que pour l'instant elle ne rallierait pas le peuple québécois dans une croisade antisyndicale. Lui reste, pour reconquérir le soutien de la majorité francophone perdu en faveur du PQ, de s'inspirer de la préférence nationale lepéniste. En plus de damer le pion au Parti (très) conservateur du Québec, ce stratagème lui apporte le soutien enthousiaste du très réactionnaire Parti conservateur canadien, en forte avance dans les sondages partout au Canada sauf au Québec où il progresse mais reste devancé par le Bloc québécois, maintenant renié par la CAQ qui rejette son inhérent penchant péquiste.
Ne le suit pas pour l'instant dans ce tournant à odeur raciste et xénophobe le PQ qui se garde une petite gêne. Le vent identitaire soufflant fort finira-t-il par l'emporter ? Même pendant un instant Québec solidaire a semblé céder aux sirènes nationalistes en voulant appuyer le renouvellement de la clause dérogatoire aux dépens des femmes porteuses de voile avant de se ressaisir sous la pression de ses membres et de son électorat. La direction du parti s'est peut-être souvenue que la loi et les programmes de la démocratie réellement existante s'appliquent à égalité à toutes les personnes résidentes, toutes citoyennes de jure ou en devenir. Les seules exceptions concernent les femmes et les minorités opprimées devant jouir de plus de protection et de plus de soutien. Inutile de dire que la minorité privilégiée anglophone avec ses universités mieux financés n'en fait pas partie ce qui ne signifie pas qu'il faille s'en prendre à la gent étudiante hors Québec comme solution.
Bien sûr, cette tergiversation Solidaire contenait un noyau rationnel en ce sens que la nation opprimée n'apprécie pas de se faire imposer un comportement vertueux par la justice de la nation dominante. On le sait bien, celle-ci se sert de la défense des nations et minorités opprimées pour mieux les diviser. Vaudrait mieux pour Québec solidaire rompre avec ce nationalisme étroit porté au repliement identitaire pour plutôt stratégiquement prôner un indépendantisme, à gauche toute, de justice climatique et de justice sociale ralliant le soutien de toutes les nations et minorités du Canada et de la majorité de son peuple travailleur.
Marc Bonhomme, 24 février 2024
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca
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