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Fin possible de la grève des magasins d’alcool en l’Ontario ?

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Si l'accord annoncé aujourd'hui est ratifié, les travailleurs de la LCBO pourraient mettre fin à leur première grève après 15 jours. Ce samedi 20 juillet, les travailleurs ont (…)

Si l'accord annoncé aujourd'hui est ratifié, les travailleurs de la LCBO pourraient mettre fin à leur première grève après 15 jours. Ce samedi 20 juillet, les travailleurs ont commencé à voter sur l'adoption d'un accord de principe proposé par la LCBO et le SEFPO. Après les accusations de (…)

Une autre agriculture est-elle possible ?

19 juillet 2024, par Marc Simard
L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local L’agriculture industrielle employée jusqu’aujourd’hui a rempli son rôle : celui de sortir l’occident de la faim en (…)

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local L’agriculture industrielle employée jusqu’aujourd’hui a rempli son rôle : celui de sortir l’occident de la faim en bâtissant une sécurité alimentaire. C’est grâce à cette situation sécuritaire qu’il devient possible d’envisager (…)

La plupart des travailleurs d’Amazon souffrent de troubles musculo-squelettiques

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2024/07/cti-1024x615.webp18 juillet 2024, par Comité de Montreal
Une coalition de travailleurs et de chercheurs a publié un rapport accablant sur les conditions de travail dans les entrepôts d'Amazon dans la région de Montréal. Ce rapport (…)

Une coalition de travailleurs et de chercheurs a publié un rapport accablant sur les conditions de travail dans les entrepôts d'Amazon dans la région de Montréal. Ce rapport est publié un an après que les travailleurs d'Amazon ont demandé à la Commission des normes, de l'équité, de la santé et (…)

Le conseil municipal de Greenstone refuse d’afficher le drapeau franco-ontarien

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Le conseil municipal de Greenstone a réaffirmé sa décision controversée de ne pas flotter en permanence le drapeau franco-ontarien dans cette municipalité du nord de l'Ontario. (…)

Le conseil municipal de Greenstone a réaffirmé sa décision controversée de ne pas flotter en permanence le drapeau franco-ontarien dans cette municipalité du nord de l'Ontario. Cette décision intervient après des mois de conflit entre le conseil et la communauté franco-ontarienne locale. Le (…)

Portes tournantes : une spirale sans fin

17 juillet 2024, par Ligue des droits et libertés

Retour à la table des matières Droits et libertés, printemps / été 2024

Portes tournantes : une spirale sans fin

Philippe Miquel, documentariste Lorsque j’étais avocat criminaliste, il y a quelques années, j’ai réalisé que les personnes vivant avec un trouble de santé mentale, une déficience intellectuelle ou même un trouble du spectre de l’autisme, sont surreprésentées devant les tribunaux criminels. Certaines sont même condamnées et incarcérées à répétition. On a même donné un nom à ce phénomène : le syndrome des portes tournantes. Il y a quelques années, devenu documentariste, j’ai suivi pendant quatre ans la trajectoire d’Éric (nom fictif), un homme dans la quarantaine qui vit ce phénomène ou ce syndrome depuis plus de 25 ans. Dès le début de ma recherche, j’ai retracé plus de 300 chefs d’accusation à son égard, dont 116 bris de probation, 50 introductions par effraction, 47 vols et possession de biens volés, 36 méfaits, 35 bris d’engagement et 4 entraves au travail d’un policer. Et je ne vous parle même pas des contraventions. Selon sa mère, Suzanne (nom fictif), depuis 1995, Éric n’aurait pas passé plus de six mois consécutifs en liberté. Les diagnostics émis au fil des années fluctuent : asocial, hyperactif, dépressif, personnalité schi- zoïde... À cela s’ajoute une addiction à la cocaïne et au crack. Enfant difficile, sa mère n’a jamais réussi à obtenir l’aide dont elle avait besoin pour répondre à leurs besoins. Vers l’âge de 10 ans, après une courte et difficile scolarisation, il a été placé en centre d’accueil. Dès le début de l’âge adulte, sa vie s’est partagée entre la rue et la prison. Sa trajectoire n’est pas un cas isolé.

Le début de la spirale

Pour tenter de comprendre ce phénomène, je suis aussi allé à la rencontre de policiers, de psychiatres, d’avocats, de juges, d’agents correctionnels, d’intervenants communautaires et de chercheurs, entre autres. Tous le confirment : il y a trop peu de soins accessibles pour les personnes qui vivent des difficultés comme Éric. Et plus une personne est en mauvaise posture, plus les contacts avec la police sont susceptibles d’être fréquents, plus il est probable qu’elle soit accusée devant un tribunal puis envoyée en prison, et moins elle sera soignée et stable. Et cette boucle de rétroaction ira en s’aggravant. En 2018, Justice Canada déposait un rapport dans lequel des acteurs du système judiciaire affirmaient qu’environ 70 % des personnes accusées devant les tribunaux de juridiction pénale souffraient de trou- bles mentaux ou de toxicomanie et de problèmes comme l’itinérance, la pauvreté ou un traumatisme antérieur et que c’est là l’un des plus importants problèmes auxquels est confronté le système. J’ai commencé à suivre Éric alors qu’il était détenu. La détention ne serait-elle pas un bon moment pour lui proposer un accompagnement psychologique, médical et social ? Viser son rétablissement par des services qui continueraient lors de son retour en collectivité ? Pour qu’il ne revienne pas en prison ? Il semble que non. Ce genre d’accompagnement et de services est quasi inexistant dans nos prisons provinciales. Et au moment de la sortie de prison, que se passe-t-il ? Dans le cas de Éric, aucun plan de sortie n’était prévu par le système correctionnel. Il sortait sans un sou en poche, sans source de revenu, sans réel encadrement, des médicaments pour trois jours et nulle part où dormir. Son psychiatre, avec qui j’étais en contact, tentait de préparer le terrain, mais n’avait guère qu’une hospitalisation temporaire à lui offrir, ce qui nécessitait une attente préalable à l’urgence psychiatrique. Éric n’a pas eu cette patience et on a perdu sa trace. Les policiers l’ont retrouvé 24 heures plus tard. Il avait commis un vol et était de retour dans les griffes du système.

Les interventions

Je me suis alors demandé si la solution ne se trouverait pas du côté policier. Les policiers pourraient-ils faire autre chose que procéder à l’arrestation des gens comme Éric ? Après tout, le pouvoir d’arrestation des policiers est discrétionnaire. Je me suis intéressé aux escouades policières spécialisées en santé mentale, de plus en plus nombreuses. J‘ai rencontré l’Équipe multidisciplinaire d’intervention psycho-sociale du Service de police de Sherbrooke, l’EMIP. Il s’agit d’une escouade policière formée d’un-e policier-ère et d’un-e travailleur-se social-e qui tentent de trouver des services pour les personnes en crise auprès desquelles ils interviennent.
[…] plus une personne est en mauvaise posture, plus les contacts avec la police sont susceptibles d’être fréquents, plus il est probable qu’elle soit accusée devant un tribunal puis envoyée en prison, et moins elle sera soignée et stable. Et cette boucle de rétroaction ira en s’aggravant.
Je termine mon enregistrement avec l’EMIP la tête pleine de questions. Par exemple, lorsqu’une personne en crise nécessite des soins, pourquoi c’est un policier au volant d’un véhicule de police, plutôt qu’un intervenant social au volant d’un véhicule du CLSC qui se déplace ? Ne serait-il pas mieux d’affecter ces ressources ailleurs ? Pour mieux financer nos orga- nismes d’aide, notre système social et notre système de santé, par exemple ? Car, malgré toute sa bonne volonté, l’équipe se bute, elle aussi, à l’indisponibilité des ressources d’aide. Ceux qui commettent des infractions criminelles sont donc arrêtés et font l’objet d’accusations. C’est une escouade policière après tout. Rien pour aider Éric là-dedans.

 Au tribunal

Je me suis donc résolu à suivre Éric au tribunal, détenu pour une énième fois. Ce n’est pas d’hier que les tribunaux composent avec des personnes au juge- ment affecté par un trouble de santé mentale. Ironiquement, il est intéressant de noter que, philosophiquement, la pierre d’assise de la responsabilité crimi- nelle repose sur la prémisse que chaque personne dispose d’un libre arbitre qui lui donne la capacité de distinguer le bien du mal. Le corollaire c’est que, si une personne choisit de commettre une infraction, elle accepte d’en subir les conséquences : être accusée et condamnée. Ce qui devrait avoir un effet dissuasif. Cependant, la recherche l’a confirmé à maintes reprises, la simple peur du retour en prison ne suffit pas à éviter la récidive. Surtout pour une personne dont le jugement est affecté par un trouble de santé mentale. Encore plus si elle vit aussi avec une dépendance aux drogues. En cours de route, je me suis aussi attardé à une autre réalité grandissante au Québec : le Programme d’accompagnement Justice et Santé mentale (PAJ-SM), un tribunal spécialisé de la Cour du Québec. Les au- diences sont menées par des procureurs de la Couronne et présidées par des juges affectés spécifiquement au programme. Un agent de liaison, attaché au système de santé, rencontre chacun des candidats potentiels et évalue ses besoins. Un plan d’action est développé avec lui et il est dirigé, si possible, vers des services supposés l’aider à ne pas récidiver. Le tribunal suit le cheminement du candidat par le truchement de l’agent de liaison, présent à chacune des audiences.
La série documentaire sonore Portes tournantes, est disponible en ligne : https://linktr.ee/portestournantes
Les résultats peuvent être encourageants pour quelques personnes. Mais les moyens mis à la disposition du PAJ-SM sont tellement modestes par rapport aux besoins, qu’il constitue en fait une goutte d’eau dans l’océan. Ces initiatives ne remettent pas non plus en question la judiciarisation ni l’incarcération. Elles ne règlent surtout pas le problème de l’inaccessibilité des soins, qui devient souvent la limite de la capacité d’inter- vention du tribunal lui-même. En fin de compte, si un candidat atteint les objectifs fixés, on retire les accusations, sinon, on le retourne au tribunal régulier pour que le dossier suive son cours. Ce programme n’est pas accessible à ceux qui, comme Éric, sont détenus pendant les procédures. Les personnes comme lui restent au tribunal régulier pour y être condamnées. Et le cycle recommence.

De profondes racines

Ma quête ne m’a pas permis de trouver de réelles solutions aux portes tournantes. Oui, il y a bien quelques initiatives, pétries de bonnes intentions, mais les résultats ne sont pas à la hauteur du problème. Pas du tout. Le phénomène des portes tournantes est un problème systémique qui prend racine dans l’exclusion sociale des plus vulnérables de notre société. Pour y remédier, il faudrait une volonté politique forte qui mènerait à de profonds changements. Et à la construction d’un monde plus juste. Pour tous et toutes. Malheureusement, ce n’est pas encore le cas. La loi et l’ordre, le fantasme d’un système judiciaire plus dur avec les criminels, le mythe de la prison réparatrice et la soif d’une police mieux financée, permettent encore et toujours de récolter davantage de votes. Pendant ce temps-là des vies gâchées, comme celle de Éric, coincé dans les portes tournantes, nous offrent le spectacle désolant d’une injustice patente.

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Un futur casino au centre-ville de Rimouski

17 juillet 2024, par Marc Simard
L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local La Ville de Rimouski persiste à vouloir accueillir un casino dans l’Hôtel Rimouski – Centre de congrès. La Direction (…)

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local La Ville de Rimouski persiste à vouloir accueillir un casino dans l’Hôtel Rimouski – Centre de congrès. La Direction de la santé publique n’a pourtant jamais validé un tel projet en raison des risques de dépendance qu’il est fortement (…)

Être en prison dans une prison

17 juillet 2024, par Ligue des droits et libertés

Retour à la table des matières Droits et libertés, printemps / été 2024

Être en prison dans une prison

Lynda Khelil, responsable de la mobilisation, Ligue des droits et libertés Me Nadia Golmier, avocate carcéraliste et membre du comité Enjeux carcéraux et droits des personnes en détention de la Ligue des droits et libertés L’isolement cellulaire est une pratique déshumanisante et dégradante qui consiste à priver une personne incarcérée de contacts sociaux pendant une période significative. Il est bien connu que cette pratique radicale entraîne des conséquences néfastes sur la santé des personnes. Bien qu’elle soit sans cesse dénoncée et qu’en 2019, des tribunaux ont déclaré que la pratique bafoue les droits des personnes incarcérées, l’isolement continue d’être utilisé largement dans les prisons provinciales du Québec. [caption id="attachment_20085" align="alignright" width="432"] Caged Songs. Artiste : Lisa[/caption] Les effets de l’isolement ont été démontrés par de nombreux experts. La privation de contacts humains, de liens sociaux et d’activités infligée aux personnes incarcérées soumises à l’isolement affecte leurs habiletés sociales et provoque un spectre de conséquences sur leur santé mentale et physique : accentuation des troubles d’ordre psychologique déjà présents, perte de la maîtrise des réalités temporelles, spatiales et sociales, anxiété, paranoïa, dépression, psychoses, attaques de panique, explosions de violence, automutilations, tentatives de suicide, troubles cognitifs, troubles obsessifs compulsifs et stress post-traumatique. L’isolement des personnes incarcérées est interdit par les normes de droit international énoncées dans l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (aussi appelées Règles Nelson Mandela). La pratique y est définie comme le fait d’isoler une personne incarcérée 22 heures ou plus par jour, sans contact humain réel et significatif. L’isolement est dit prolongé lorsqu’il dure plus de 15 jours consécutifs ; il s’agit alors de torture. S’il est indéniable que les normes internationales ont grandement contribué à une prise de conscience du public sur les conséquences de l’isolement, il apparaît aussi que le seuil établi de 22 heures à 24 heures sur 24 limite notre compréhension de cette problématique. En effet, qu’en est-il des situations où les personnes incarcérées sont confinées pendant 21 heures 45, 21 heures 30, 20 heures, 18 heures pendant des jours et des jours ? Qui plus est, l’adhésion à ce seuil mine notre capacité collective à faire éclater le paradigme de l’isolement qu’imposent les autorités carcérales. Nous y reviendrons.

Atteinte aux droits et libertés

En 2019 et 2020, après une longue lutte judiciaire contre Service correctionnel Canada (SCC), les Cours d’appel de la Colombie-Britannique et de l’Ontario ont déclaré que l’isolement cellulaire de 22 heures et plus par jour sans contact humain significatif est une pratique qui bafoue les droits des personnes incarcérées protégés par la Charte canadienne des droits et libertés1. Plus précisément, les tribunaux ont statué que cette pratique porte atteinte au droit à la vie, à la liberté et à la sécurité (art. 7) et constitue un traitement cruel et inusité (art. 12). Rappelons qu’une peine d’incarcération entraîne une privation de liberté de circuler en société, mais que les personnes incarcérées demeurent titulaires de tous leurs droits pendant toute la durée de leur détention. Cela inclut le droit à la liberté résiduelle, une notion juridique signifiant que les personnes incarcérées ont le droit de circuler au sein de l’établissement de détention et de ne pas être mis en isolement, une pratique qui équivaut à être placé en prison dans une prison.
Les unités d’intervention structurée au fédéral
En réaction aux décisions des tribunaux, Service correctionnel Canada (SCC) a annoncé en 2019 la mise en place d’un nouveau modèle censé remplacer l’isolement cellulaire : les unités d’intervention structurée (UIS). Elles consistent à garantir aux personnes qui y sont isolées deux heures de contacts humains dit significatifs. Depuis son implantation, plusieurs voix affirment que l’isolement se poursuit, mais sous un autre nom, et que plusieurs règles qui régissent les UIS ne sont pas suivies. Dans son rapport annuel 2021-2022, le Comité consultatif sur la mise en œuvre des unités d’intervention structurée constate par ailleurs que les personnes autochtones et les personnes ayant des problèmes de santé mentale sont surreprésentées dans les UIS – tout comme elles l’étaient auparavant en isolement cellulaire2.

Formes d’isolement au Québec

En dépit des décisions des tribunaux canadiens, des Règles Nelson Mandela et des conséquences avérées sur la santé mentale et physique des personnes incarcérées, l’isolement cellulaire demeure une pratique courante dans les prisons provinciales au Québec. Cette pratique revêt différentes appellations selon les motifs (disciplinaires, préventifs et administratifs) invoqués par les autorités carcérales. Un survol des différentes formes d’isolement permet de constater l’ampleur de cette pratique et son caractère arbitraire.

Isolement disciplinaire

Le premier type, l’isolement disciplinaire, est régi par l’Instruction sur la discipline et responsabilité de la personne incarcérée. Ce type d’isolement peut découler d’une mesure temporaire, imposée en réaction à ce qui est considéré comme un manquement disciplinaire (maximum de 24 heures, en théorie), ou encore constituer une sanction disciplinaire imposée par le comité de discipline de la prison (maximum 5 ou 7 jours). Les services correctionnels utilisent deux expressions pour désigner cette forme d’isolement : réclusion (quand l’isolement a lieu dans un secteur différent du secteur de vie habituel de la personne) et confinement (lorsqu’il a lieu dans sa propre cellule). Il est à noter que dans les pénitenciers fédéraux, l’isolement ne peut plus être imposé comme sanction disciplinaire depuis 2019.
Rappelons qu’une peine d’incarcération entraîne une privation de liberté de circuler en société, mais que les personnes incarcérées demeurent titulaires de tous leurs droits pendant toute la durée de leur détention.
Le régime disciplinaire dans les prisons du Québec ne respecte pas la Charte canadienne qui énonce à l’article 7 que toute privation de liberté (incluant les atteintes à la liberté résiduelle des personnes incarcérées) ne peut être imposée qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale. Or, le régime disciplinaire au Québec ne prévoit pas de procédures permettant d’assurer l’impartialité des décideurs, ne garantit pas le droit à l’avocat-e, procède par renversement du fardeau de preuve, c’est-à-dire qu’il est demandé à la personne détenue de s’expliquer, et procède selon la norme de la prépondérance de preuve au lieu de celle du hors de tout doute raisonnable qui devrait s’appliquer lorsqu’un décideur prend une décision pouvant porter atteinte au droit à la liberté résiduelle. Une action collective contre l’isolement disciplinaire de 22 heures et plus par jour a été intentée au Québec contre les services correctionnels.

Isolement préventif

L’isolement préventif, quant à lui, est appliqué dans deux types de situations : pour dissimulation d’objets prohibés et pour la prévention du suicide. Dans le premier cas, la personne incarcérée est placée en cellule d’isolement préventif (cellule sèche) lorsque l’établissement considère qu’« il existe des motifs raisonnables de croire qu’elle dissimule des objets prohibés dans ses cavités corporelles3 ». Selon l’instruction encadrant cette pratique qui implique aussi des fouilles à nu déshumanisantes, l’isolement peut durer au plus 72 heures et peut être prolongé une seule fois pour une période maximale de 24 heures (en théorie). Dans le second cas, l’Instruction provinciale sur la prévention du suicide prévoit la possibilité de mettre en isolement une personne incarcérée suicidaire. Il doit s’agir d’une « mesure de dernier recours, à utiliser uniquement en cas de crise intense ou de risque suicidaire imminent, limité à la durée de l’épisode, et dans le but de [...] protéger [la personne] contre elle-même ». Dans la pratique, l’Instruction n’est pas respectée,  des  personnes  incarcérées suicidaires étant isolées de manière prolongée. Et plus fondamentalement, il y a lieu de se demander : comment se fait-il que les autorités carcérales répondent à une situation de risque suicidaire par une mesure qui cause des dommages à la santé mentale ?

Isolement administratif

Finalement, la troisième forme, l’isolement administratif, est une expression qui désigne le confinement en cellule en raison d’un manque de personnel ou pour des raisons de sécurité. Les autorités carcérales utilisent aussi l’expression régime réduit. Cela peut survenir sans préavis, pour une période indéterminée, 22 heures ou plus par jour, parfois pendant plusieurs semaines. La durée du confinement en cellule peut aussi être de 18, 20 ou 21 heures 30, ce qui est tout autant problématique. Sur la base de recommandations de la Santé publique, la pratique a été très utilisée pendant la pandémie de la COVID-19, alors que les personnes incarcérées étaient maintenues dans leur cellule pendant des semaines, sans vêtements de rechange, sans douche, sans contact avec l’extérieur et sans activité. Dans son rapport annuel 2022-2023, le Protecteur du citoyen déplore que le recours au confinement cellulaire pendant 22 heures et plus par jour se poursuive dans les prisons du Québec, en violation des Règles Nelson Mandela. Le Protecteur y évoque le cas d’un homme confiné en cellule 22 heures par jour pendant deux mois en raison d’un classement non conforme qui lui avait été attribué. L’isolement administratif est devenu ni plus ni moins qu’une méthode de gestion dans les prisons du Québec. Pour pallier la pénurie d’agents correctionnels, plusieurs établissements ont des plans de contingence qui prévoient des réductions draconiennes du temps hors cellule. Dans une décision de la Cour supérieure rendue en 2021, pendant la pandémie, le juge Daniel Royer déclare que « cette façon de gérer la pénurie en érigeant en système la privation de liberté résiduelle des détenus est illégale [et] déraisonnable ». Il ajoute qu’« une société de droit ne saurait tolérer que la gestion du manque de personnel d’un établissement de détention se fasse sur le dos de la liberté résiduelle des détenus4 ». Une deuxième action collective a été intentée au Québec concernant l’isolement administratif de 22 heures et plus par jour. L’isolement administratif crée une rupture avec le régime de vie régulier d’une prison. En dehors de la période où les portes des cellules sont verrouillées pour la nuit (de 22 h 30 à 8 h par exemple5), les personnes incarcérées doivent pouvoir circuler au sein de la prison, avoir accès à des programmes, à des activités intérieures, à la cour extérieure, à des visites et des appels téléphoniques de leurs proches et de leur avocat-e.

Refuser le paradigme de l’isolement

Depuis 2016, le Protecteur du citoyen demande au MSP d’encadrer le recours à l’isolement administratif. Dans son rapport annuel 2022-2023, le Protecteur indique que le MSP poursuit son travail sur une instruction liée au classement et dont plusieurs sections porteront sur l’isolement cellulaire ainsi que le temps hors cellule. Le travail ayant débuté en 2017, on ne peut que constater le laxisme des autorités vis-à-vis des violations systémiques des droits des personnes incarcérées. Le Protecteur demande également au MSP d’encadrer l’isolement administratif par voie règlementaire, ce à quoi le MSP ne s’est pas engagé formellement. S’il est vrai que l’adoption de règles strictes visant à encadrer et minimiser le recours à l’isolement est préférable à l’absence de règles, il demeure que cette approche est défaitiste. Elle s’inscrit toujours dans le paradigme de l’isolement imposé par les autorités carcérales, comme s’il était impensable que des pratiques pleinement respectueuses des droits des personnes incarcérées puissent être envisagées et appliquées. Or, il nous faut faire bifurquer le débat social à l’extérieur de ce paradigme. C’est pourquoi la Ligue des droits et libertés appelle à refuser l’isolement et à demeurer critiques face aux approches qui prônent l’encadrement de cette pratique. Quelles que soient la forme d’isolement ou les raisons invoquées pour y avoir recours, il apparaît évident que cette mesure draconienne entraîne des conséquences graves sur la santé mentale et physique des personnes incarcérées et dès lors, elle devrait être proscrite. Une autre approche, pleinement respectueuse des droits des personnes incarcérées, s’impose.
  1. Reddock Canada (Attorney General), 2019 ONSC 5053 ; Brazeau v. Canada (Attorney General), 2020 ONCA 184.
  2. En ligne : https://www.securitepublique.gc.ca/cnt/rsrcs/pblctns/2022-siu-iap-nnlrpt/index-aspx#s10
  3. MSP, Instruction Isolement préventif des personnes incarcérées pour dissimulation d’objets prohibés.
  4. Lanthier c. PGQ (ministère de la Sécurité publique), QCCS, no dossier 500-36-009944-219, 16 juillet 2021.
  5. C’est le cas par exemple du « régime de vie A en semaine » prévu dans le document Régime de vie de l’Établissement Rivière-des-Prairies.

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Queen Omega : une soirée enflammée aux Nuits d’Afrique

16 juillet 2024, par Luna Choquette Loranger
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QUI POSSÈDE LA LUNE

16 juillet 2024, par Klara Alkalla
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Une réflexion sur l’humanité et notre rapport au territoire Bien que les États-Unis y aient planté leur drapeau pour la première fois en 1969, la Lune ne leur appartient pas. Le Traité de l’espace extra-atmosphérique signé par les membres de l’Organisation des Nations unies (ONU) en 1979 accorde (…)

Les travailleurs de Cargill achèvent leur grève de 41 jours

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Le 6 juillet, les travailleurs de l'usine de transformation de viande Dunlop de Cargill à Guelph, en Ontario, ont mis fin à leur grève de 41 jours après avoir accepté un nouveau contrat. L'accord de principe a été ratifié par la section locale 175 des Travailleurs unis de l'alimentation et du (…)

LA FUREUR COMME BOUSSOLE POUR PASSER À TRAVERS

15 juillet 2024, par Marc Simard
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Compte-rendu du roman : C’est ton carnage, Simone Il y a tant à dire sur ce premier roman de la toute fraîche autrice, Chloë Rolland. Ses personnages extrêmes, ouverts aux autres, à la bienveillance, ou encore fermés comme des huîtres, centrés sur une idée fixe pas trop belle, mais spectaculaire (…)

Des organismes demandent un engagement clair pour du logement hors marché

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Dans le futur quartier Namur-Hippodrome à Montréal, la ville dit vouloir créer jusqu'à 20 000 nouveaux logements d'ici 2050 donnant, jusqu'à preuve du contraire, carte blanche aux promoteurs pour la construction de condos de luxe. Des organismes ont profité d'une consultation publique au mois de (…)

Une nouvelle manière de concevoir des festivals

11 juillet 2024, par Marc Simard
L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local Le festival Archipel de Kamouraska a démontré la possibilité de concevoir des festivals qui respects les lieux et (…)

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local Le festival Archipel de Kamouraska a démontré la possibilité de concevoir des festivals qui respects les lieux et l’environnement. En effet, les évènements artistiques se construisaient autour d’une même volonté, celles de créer des liens (…)

L’usine Ineos de Sarnia annonce sa fermeture à la suite d’une fuite toxique de benzène

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2024/07/Sarnia_Chemical_Valley-e1720639502122-1024x510.jpg11 juillet 2024, par Southern Ontario Committee
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Quelques semaines après la fermeture temporaire de l'usine Ineos Styrolution de Sarnia, en Ontario, en raison d'une fuite de benzène, l'entreprise a annoncé qu'elle mettrait définitivement fin à ses activités d'ici juin 2026. Un nombre important de personnes perdront leur emploi, car (…)

Tandis que Ford donne des fonds publics aux entreprises, des travailleurs veulent protéger leur emploi

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Depuis minuit le 5 juillet, plus de 9 000 travailleurs de la LCBO représentés par le Syndicat des employés de la fonction publique de l'Ontario (SEFPO) sont en grève, dans (…)

Depuis minuit le 5 juillet, plus de 9 000 travailleurs de la LCBO représentés par le Syndicat des employés de la fonction publique de l'Ontario (SEFPO) sont en grève, dans l'ensemble de la province. Les travailleurs ont voté à 97% en faveur d'un arrêt de travail pour réclamer une augmentation de (…)

Rien ne change pour les femmes incarcérées

9 juillet 2024, par Ligue des droits et libertés

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Rien ne change pour les femmes incarcérées

Joane Martel, professeure titulaire retraitée, École de travail social et de criminologie, Université Laval Des écrits scientifiques et des enquêtes gouvernementales de toutes sortes traitant de l’emprisonnement des femmes ont documenté, depuis le milieu du XIXᵉ siècle, la situation désastreuse et les besoins spécifiques des femmes emprisonnées au Canada. Or, malgré des appels répétés à une réforme émancipatrice, l’emprisonnement des femmes demeure stable et tenace. Cette durabilité s’inscrit dans l’émergence et la pérennisation d’une dépendance. [caption id="attachment_20057" align="alignright" width="330"] Femmes incarcérées : Inertie institutionnelle dans l’emprisonnement au Canada et au Québec Québec, Presses de l’Université Laval, 2023.[/caption]

L’acharnement carcéral du fédéral

Avant la fin du XVIIIᵉ siècle, les prisons hébergeaient les vagabond-e-s, les débitrices et débiteurs et autres malheureuses et malheureux en attente de leur punition officielle : leur châtiment corporel ou leur exécution. Plus tard, leur vocation devient, en soi, punitive. Dans le cadre de cette transformation, plusieurs versions de la prison moderne émergent, mais la plupart sombrent sous les émeutes, les évasions, les incendies et le désordre. Dans la première moitié du XIXᵉ siècle, le nouveau modèle de la prison de la ville d’Auburn dans l’État de New York fondera une toute nouvelle école de pensée sur l’emprisonnement. La nouvelle conception carcérale d’Auburn repose notamment sur le travail collectif (de type industriel) le jour, l’isolement la nuit venue et l’instruction religieuse. Se diffusant rapidement entre 1822 et 1860, le modèle carcéral auburnien devient le nouvel archétype aux États-Unis (Rubin, 2019). Il marque un moment décisif dans l’histoire des réformes pénales et son essor façonnera les innovations correctionnelles pendant des décennies. La plupart des prisons construites par la suite ont principalement été des variations du même modèle. L’ancrage graduel du système auburnien limita l’habileté des décisionnaires correctionnels à penser en dehors de la boîte.
Les femmes y endurent des conditions déshumanisantes telles que l’absence de rideaux de douche, la vermine et le manque d’accès aux produits d’hygiène et aux effets personnels [des conditions] condamnées par les universitaires, les groupes de défense et les médias comme étant des violations des droits humains.
La Prison des femmes (1934) située à Kingston en Ontario est le seul pénitencier fédéral destiné aux femmes jusqu’en 1995. Il a été érigé sur la base des connaissances du modèle auburnien qu’avait acquises la direction du pénitencier de Kingston destiné aux hommes (ouverture en 1835) ainsi qu’à partir des expertises ouvrières développées par les prisonniers ayant eux-mêmes participé partiellement à sa construction. On assiste ici à un effet d’entraînement, où les autorités correctionnelles font quelque chose parce que d’autres autorités correctionnelles, ailleurs, le font également. Dès l’avènement de la prison moderne au XIXᵉ siècle, maintes enquêtes publiques et gouvernementales soulignent, au Canada et ailleurs, les délits mineurs, l’absence de dangerosité et la faible récidive d’une grande majorité de femmes incarcérées. On y dénonce aussi les conditions de vie insalubres des espaces où elles sont détenues. Néanmoins, ce n’est qu’en 1990 qu’une deuxième période de remous institutionnels se produit, des remous similaires à ceux qui engendrent la prison de type auburnien dans la première moitié du XIXᵉ siècle. En 1990, ce nouveau tournant invite les services correctionnels à imaginer l’emprisonnement des femmes à l’extérieur du sillon déjà tracé par le modèle auburnien. Le rapport fédéral La création de choix proposa, pour les femmes, la construction d’établissements décentralisés, à sécurité minimale et de style cottage (maisonnettes). Leur gestion devait être fondée sur des principes féministes, holistiques et discordants du modèle auburnien. La création de choix inaugure une toute nouvelle trajectoire correctionnelle, un éloignement des sentiers battus. Pourtant, des incohérences apparaissent entre la vision proposée dans La création de choix et sa mise en œuvre. Parmi ces incohérences, on note la construction d’unités à sécurité maximale au sein d’établissements originalement prévus comme étant à sécurité minimale, et la négligence des stratégies communautaires, pourtant l’un des cinq principes porteurs de la vision de La création de choix. Ainsi, bien que La création de choix ait constitué un éloignement du sentier qui dominait depuis le XIXᵉ siècle, sa mise en œuvre atrophiée a maintenu l’emprisonnement des femmes dans l’attraction gravitationnelle du sentier auburnien alors hégémonique.

L’acharnement carcéral du Québec

Les autorités correctionnelles québécoises ont développé une dépendance au sentier auburnien similaire à celle des autorités fédérales. En 2015, dans une décision unilatérale et inattendue, le ministère de la Sécurité publique du Québec annonce la fermeture de l’établissement Tanguay, sa plus grande prison provinciale destinée aux femmes, en raison de sa décrépitude. Dès 2016, les prisonnières sont déplacées vers l’établissement Leclerc, un ancien pénitencier pour hommes à sécurité moyenne, que les autorités correctionnelles fédérales avaient fermé en raison de son délabrement. Les femmes y endurent des conditions déshumanisantes telles que l’absence de rideaux de douche, la vermine et le manque d’accès aux produits d’hygiène et aux effets personnels. Ces conditions d’incarcération seront condamnées par les universitaires, les groupes de défense et les médias comme étant des violations des droits humains. Depuis 2016, comptes-rendus et rapports abondent sur les mauvaises conditions subies par les prisonnières à la prison Leclerc. Une vingtaine d’années auront suffi pour que le traitement réservé aux femmes à la prison Leclerc se loge à l’extérieur de l’attraction gravitationnelle de l’innovation fédérale qu’était La création de choix (1990). Les autorités correctionnelles québécoises ne furent alors pas animées par son paradigme ni par l’enthousiasme intellectuel et politique qui en découla. Or, le transfert vers la prison Leclerc constituait un aménagement temporaire duquel un projet plus permanent devait naître. Il avait donc le potentiel de bouleverser le modèle d’emprisonnement hégémonique dans lequel les services correctionnels étaient verrouillés et de bifurquer vers un imaginaire sortant des sentiers battus. Le ministère de la Sécurité publique aurait pu 1) emprunter au passé et construire une prison inspirée du type auburnien ou des principes de La création de choix ; 2) dupliquer le présent en reproduisant, dans une future installation, les conditions carcérales actuelles à la prison Leclerc ; 3) imaginer une avenue réformiste projetant des appartements satellites ou des services professionnels bien pourvus en matière de surveillance en collectivité ; ou 4) envisager son propre désengagement au profit d’organismes communautaires offrant, en amont de l’incarcération, des services en relation d’aide tels des centres de traitement ou des centres de jour multidisciplinaires.
Les autorités correctionnelles maintiennent donc leur dépendance envers la prison, qu’elle soit de style auburnien ou cottage.
Au Québec, en 2020-2021, un peu plus de 50 % des femmes ont reçu, cumulativement, une peine de moins d’un mois de prison, et près de 80 % une peine de moins de six mois pour des délits tels que le défaut de se conformer à une ordonnance de probation, l’omission de respecter un engagement et la possession de stupéfiants dans le but d’en faire le trafic. Un tel état de situation aurait pu susciter une remise en question de l’incarcération même de ces femmes. Or, les autorités correctionnelles québécoises encouragent plutôt la construction d’une nouvelle infrastructure carcérale, bien qu’inspirée du style cottage, sans périmètre de sécurité et centrée sur les femmes, telle que promue dans La création de choix. Estimée à 400 millions de dollars, la nouvelle prison ne doit ouvrir ses portes qu’en 2030, laissant, dans l’intervalle, les femmes sans mesures d’atténuation de leurs conditions d’incarcération à l’établissement Leclerc. La nouvelle prison provinciale serait axée sur la responsabilisation et l’insertion sociale, comme le suggérait déjà La création de choix en 1990. Toutefois, elle comprendrait un périmètre de sécurité et des technologies numériques contribuant au maintien des liens familiaux, mais facilitant, du même souffle, la surveillance. Les autorités correctionnelles maintiennent donc leur dépendance envers la prison, qu’elle soit de style auburnien ou cottage. L’emprisonnement demeure une valeur confortable et largement partagée. La croyance tenace dans la capacité de la prison à produire des résultats, en dépit des déceptions récentes et passées, semble solidement ancrée dans la légitimation de ce mythe durable et gêne la promotion de politiques de décarcération ou même l’abolition de l’emprisonnement des femmes.
Référence Ashley T. Rubin, The birth of the penal organization : Why prisons were born to fail, in Rosann Greenspan, Hadar Aviram and Jonathan Simon (eds.), The Legal Process and the Promise of Justice : Studies Inspired by the Work of Malcom Feeley. Cambridge, Cambridge University Press, 2019.

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Une campagne de sociofinancement pour Moisson Rimouski-Neigette

8 juillet 2024, par Marc Simard
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L’auteur fait partie de l’Initiative du journalisme local Moisson Rimouski-Neigette élargit ses offres de cours de cuisine par son projet d’ouvrir un un volet unique destiné aux jeunes de 15-29 ans. Leur finalité est la lutte contre l’insécurité alimentaire sur le territoire de la MRC (…)

Votes de grève à venir dans l’hôtellerie au Québec

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Alors que la saison estivale commence, les 3500 travailleurs de 30 hôtels du Québec affiliés à la CSN sont dans un bras de fer avec leurs patrons pour obtenir des conditions de travail décentes. Au début du mois de juin, les moyens de pression ont commencés dans la 11e négociation coordonnée de (…)

Le repli, un documentaire alarmant sur la crise identitaire et la restriction des libertés en France

7 juillet 2024, par Klara Alkalla
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Klara Alkalla, collaboratrice Au cœur de l’actualité, l’extrême droite aux portes du pouvoir en France : le Rassemblement national obtient 33 % des votes ! Nombreux.ses se questionnent : comment en est-on arrivé là ? Alors que la vague d’extrême droite surfe sur l’Europe depuis plusieurs années, (…)

Tunisie — comment l’extractivisme alimente le chômage !

7 juillet 2024, par Rédaction-coordination JdA-PA
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Safiya Abdi, stagiaire à Alternatives en Tunisie ­Les jeunes tunisien·nes sont confronté·es à un chômage généralisé ! Beaucoup sont incapables de trouver un emploi après avoir terminé leurs études universitaires. Alors que l’économie du pays profite largement des activités extractivistes, le (…)

Une première victoire pour les locataires face à la CAQ

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La CAQ s'est vantée, en juin, d'avoir adopté un moratoire de 3 ans sur les évictions pour supporter la population face à la crise du logement. Selon Marie-Frédérique Saint-Onge, coordonnatrice du Comité d'action des citoyennes et citoyens de Verdun (CACV)​​​​​​​, ce serait plutôt les (…)

Le maire d’arrondissement blâme les citoyens pour les coupures de service

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Lors de la séance du conseil de l'arrondissement Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, dans l'est de Montréal, le 2 juillet dernier, un organisme communautaire a remis une pétition (…)

Lors de la séance du conseil de l'arrondissement Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, dans l'est de Montréal, le 2 juillet dernier, un organisme communautaire a remis une pétition dénonçant les coupures dans les services de cueillette des ordures. En réponse aux plaintes concernant le débordement des (…)

Lettre collective à la CDPQ

4 juillet 2024, par Coalition Québec Urgence Palestine, Diane Lamoureux, Raymond Legault — , ,
À : Monsieur Jean St-Gelais, président du conseil d'administration, CDPQ Monsieur Charles Émond, président et chef de la direction, CDPQ Messieurs et mesdames, Jean-François (…)

À : Monsieur Jean St-Gelais, président du conseil d'administration, CDPQ
Monsieur Charles Émond, président et chef de la direction, CDPQ
Messieurs et mesdames, Jean-François Blais, Ivana Bonnet-Zivcevic, Florence Brun-Jolicoeur, Alain Côté, René Dufresne, Olga Farman, Nelson Gentiletti, Lynn Jeanniot, Wendy Murdock, Audrey Murray, Ghislain Parent et Marc Tremblay, membres du Conseil d'administration, CDPQ

Cc : Monsieur Éric Girard, ministre des Finances
Monsieur Pierre Fitzgibbon, ministre de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie
Madame Martine Biron, ministre des Relations internationales et de la Francophonie
Monsieur François Legault, premier ministre du Québec

Bonjour,

Nous vous écrivons au nom de la Coalition du Québec URGENCE Palestine, qui regroupe 46 organisations de la société civile québécoise, pour vous signifier notre profond désaccord concernant certains investissements de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), qui la place objectivement dans une position de complicité avec les violations du droit international et des droits humains du peuple palestinien par Israël, voire dans une position de complicité avec le génocide que commet présentement Israël contre la population palestinienne de Gaza.

Le caractère très préoccupant de ces investissements a déjà été soulevé publiquement à plusieurs reprises. Récemment, le campement populaire Al Soumoud, qui a été érigé au Square Victoria, a ramené cette question dans l'actualité.

Vous trouverez, ci-joint, une lettre produite par notre coalition, en appui aux revendications du campement, qui demande que la CDPQ retire immédiatement ses 14 milliards $ d'investissement dans les 87 entreprises identifiées comme complices du génocide, de l'occupation et de la colonisation israéliennes et des violations des droits du peuple palestinien. En quelques jours seulement, dans une période de longs weekends et de début de vacances, cette lettre a été signée par près d'une soixantaine de groupes d'un peu partout au Québec, une indication claire d'une réelle préoccupation de la société civile québécoise concernant ces investissements de la CDPQ.

Nous avons trouvé inadéquate la brève réponse publique qu'a faite la Caisse aux demandes publicisées par le campement.

Nous sollicitons donc une rencontre avec la direction de la CDPQ, pour pouvoir discuter plus à fond des investissements spécifiques que nous mettons en cause et qui engagent la responsabilité légale de la Caisse.

Au vu de l'assaut génocidaire d'Israël contre Gaza, qui se poursuit quotidiennement, nous espérons une réponse dans les plus brefs délais.

Sincèrement,

Diane Lamoureux et Raymond Legault, porte-parole de la Coalition du Québec URGENCE Palestine.

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La CDPQ doit cesser d'être complice des crimes d'Israël contre le peuple palestinien

Samedi, le 22 juin dernier, dans la foulée des nombreux campements étudiants qui ont vu le jour sur des campus universitaires au Québec et ailleurs, des militant.e.s regroupés dans le collectif Désinvestir pour la Palestine, ont érigé un nouveau campement au Square Victoria à Montréal. Situé à proximité des bureaux de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), le campement Al-Soumoud dénonce plus particulièrement des investissements de la Caisse totalisant 14,2 milliards dans 87 entreprises dont certaines activités économiques les rendent légalement complices de violations de droits et de crimes commis par Israël contre le peuple palestinien.

Les investissements en cause

Une étude duMouvement pour une Paix Juste (MPJ), basée sur le rapport de fin d'année de la CDPQ au 31 décembre 2023, identifie les investissements en cause.

D'une part, la CDPQ a investi 1,5 milliard de dollars dans sept entreprises figurant dans la base de données des Nations Unies sur les entreprises impliquées dans certaines activités en lien avec les colonies israéliennes dans le territoire palestinien occupé (TPO).

D'autre part, la CDPQ a investi plus de 12 milliards de dollars dans 72 autres entreprises identifiées par leprojet Investigate de l'American Friends Service Committee comme étant impliquées dans des violations spécifiques des droits humains dans le cadre de l'occupation israélienne.

Finalement, la CDPQ gère aussi des investissements totalisant 731 millions de dollars dans huit autres entreprises participant à l'armement de l'armée israélienne selon l'organisme World Beyond War.

La complicité de la CDPQ dans les crimes d'Israël

Les colonies israéliennes dans le TPO ont été déclarées contraires au droit internationalpar la Cour internationale de justice (CIJ) en 2004. La résolution 2334 (2016) du Conseil de sécurité des Nations unies a réaffirmé que la création par Israël de ces colonies constitue une violation flagrante du droit international. En 2024, le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme a estimé qu'il s'agit d'un crime de guerre susceptible d'engager la responsabilité pénale individuelle des personnes impliquées.

Au cours de la dernière année, Charles Emond, PDG de la Caisse, a été interpellé à plusieurs reprises au sujet de ces investissements, notamment par M. Haroun Bouazzi, député de Québec Solidaire, en Commission des finances publiques de l'Assemblée nationale du Québec le 2 mai 2023 et le 24 avril 2024.

Le 22 novembre 2023 et, à nouveau, le21 mai 2024, Me Paul Fauteux, avocat montréalais spécialisé en droit international, publiait dans Le Devoir deux lettres, co-signées par six experts de classe mondiale de ce domaine. Ces experts ont clairement affirmé « qu'investir dans des compagnies qui opèrent dans les colonies israéliennes rend la Caisse complice de violation du droit international et de crimes de guerre ».

D'autre part, les investissements de la CDPQ dans des entreprises impliquées dans l'armement de l'armée israélienne pourraient aussi la rendre complice des innombrables crimes commis par Israël, dans son assaut généralisé contre Gaza, qui dure depuis bientôt neuf mois.

Dans la présentation de son rapport au Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, les 18 et 19 juin dernier, laCommission internationale indépendantechargée d'enquêter là-dessus concluait « que les autorités israéliennes sont responsables de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité et de violations du droit international humanitaire et des droits de l'homme, notamment d'extermination, de meurtre ou d'homicide volontaire, d'utilisation de la famine comme méthode de guerre, de transfert forcé, de persécution sexiste visant les hommes et les garçons palestiniens, de violences sexuelles et sexistes assimilables à de la torture et de traitements cruels ou inhumains ».

D'autre part, alors que la CIJ n'a pas encore statué sur le fond de la plainte de l'Afrique du Sud contre Israël, rappelons que Francesca Albanese, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l'homme dans le TPO, a conclu dans son dernier rapport, intitulé Anatomie d'un génocide, « qu'il existe des motifs raisonnables de croire que le seuil indiquant qu'Israël a commis un génocide est atteint. »

Nous exigeons la fin de cette complicité

La CDPQ est un mandataire de l'État et a pour mission de gérer l'épargne collective des Québécois.es. Il est inadmissible que la Caisse dévoie cette responsabilité en investissant dans des entreprises complices de crimes de guerre et de génocide israéliens et qu'elle continue de prétendre, dans les horribles circonstances actuelles, qu'elle adhère aux plus hauts standards éthiques en matière d'investissement. Cette honteuse complicité doit cesser.
C'est pourquoi nous, organisations soussignées, faisons aujourd'hui nôtres les revendications du campement Al-Soumoud en exigeant que la CDPQ :
• Retire immédiatement ses 14 milliards $ d'investissement dans les 87 entreprises identifiées comme complices du génocide, de l'occupation et de la colonisation israéliennes et des violations des droits du peuple palestinien ;
• Mette en place un processus transparent de contrôle pour garantir qu'aucune entreprise dans laquelle elle investira à l'avenir n'est associée à des violations des droits humains et du droit international.

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Montréal en crise : le cauchemar de l’accès au logement

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L’activisme digital — un moteur des mouvements sociaux en Malaisie

3 juillet 2024, par Rédaction-coordination JdA-PA
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Tunisie : la population migrante subsaharienne n’est pas la bienvenue

3 juillet 2024, par Rédaction-coordination JdA-PA
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La CDPQ doit cesser d’être complice des crimes d’Israël contre le peuple palestinien

3 juillet 2024, par Collectif
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Le syndicat rejette « l’offre insuffisante » de Bombardier

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2024/07/Untitled1.png3 juillet 2024, par Southern Ontario Committee
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1350 travailleurs de l'aviation poursuivent leur grève après avoir rejeté ce que leur syndicat qualifie d'« offre finale » de Bombardier. Unifor affirme que l'offre est insuffisante pour ses membres. « En conséquence, la grève aux installations de Bombardier se poursuivra », a déclaré l'équipe (…)

Un autre soi-même

3 juillet 2024, par Ligue des droits et libertés

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Un autre soi-même

Catherine Guindon, enseignante, Cégep de Saint-Laurent
L’essai Nous, les autres1 de la journaliste et chroniqueuse québécoise Toula Drimonis, publié dans sa version originale anglaise2 en 2022 et récemment traduit en français, s’inscrit dans le contexte d’une montée de la rhétorique anti-immigration circulant au Québec et au Canada, comme un peu partout à travers le monde. L’autrice est née de parents d’origine grecque qui, dans les années 1960, se sont installés à Montréal. Ils ont trimé dur – le père était dans la restauration, la mère dans une manufacture de vêtements – pour assurer un avenir plus confortable à leurs enfants. C’est en partant de sa propre expérience comme immigrante de seconde génération que Toula Drimonis élargit son point de vue à l’accueil et à l’intégration des nouvelles-arrivantes et nouveaux-arrivants au Québec et au Canada. On pourrait formuler la thèse générale de l’ouvrage ainsi : le discours anti-immigrant marginalise les groupes minoritaires, ce qui nuit au sentiment d’appartenance de ces derniers à la société et à la cohésion sociale en général. Il importe de reconnaître qu’il n’existe pas une seule façon de s’identifier comme Québécois-e ou Canadien-ne. L’identité des immigrant-e-s est complexe, évolutive, multifacette. Aussi, on ne peut leur demander d’« abdique[r] une partie de qui ils sont de manière à être acceptés par l’ensemble3 ». Le livre Nous, les autres adopte une perspective multiculturaliste assumée : il est légitime que les allophones, tout comme les anglophones du Québec, conservent leurs « repères identitaires pluriels tout en faisant partie intégrante de l’ensemble4 ». Il importe de permettre aux immigrant-e-s de conserver leur langue et culture. Elles et ils ne doivent pas être vus comme des personnes qui « diluent l’identité francophone5 » et qui menacent la langue française et la culture québécoise. Dans son ouvrage, la journaliste ratisse large. Elle aborde la question de l’accueil et de l’intégration des immigrant-e-s au Canada depuis le 18e siècle, l’importance de s’efforcer de bien prononcer leur nom, leur droit de critiquer les politiques de leur société d’accueil, la pression qui est mise sur le dos de la nouvelle-arrivante ou du nouvel-arrivant pour devenir l’immigrant-e modèle, etc. Il serait périlleux de tenter de résumer de façon exhaustive les très nombreux sujets abordés au fil de son essai. Mais la critique exprimée sur certaines mesures aménagées par la Coalition avenir Québec (CAQ) a particulièrement retenu notre attention. En effet, l’autrice dénonce avec vigueur les politiques de la CAQ s’inscrivant dans le courant du nationalisme identitaire, c’est-à-dire basées sur les origines « ethniques ». Cet ethnonationalisme est, aux yeux de la journaliste, « tribal, replié et centré sur lui-même6 ». La Loi sur la laïcité de l’État (Loi 21) interdisant le port de signes religieux par des personnes de la fonction publique en position d’autorité en est un exemple. Elle est jugée par l’autrice comme trop restrictive et intolérante, participant au processus d’altérisation. En effet, requérant l’application de la clause dérogatoire à la Charte canadienne des droits et libertés7, la Loi 21 ne fait que marginaliser et précariser l’Autre. Toula Drimonis dit défendre la liberté de choix pour les gens, et plus encore pour les femmes, particulièrement touchées par cette loi. Un second exemple de mesure de la CAQ abordée est celui de la récente Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français (Loi 14) jugée trop restrictive8, plaçant injustement les droits linguistiques au-dessus des droits humains. L’essayiste souhaite que l’on veille à une juste intégration des immigrant-e-s, en respectant la durée – parfois longue – que peut prendre ce processus. Les nouvelles-arrivantes et nouveaux-arrivants ne sont pas une menace pour le Québec. Effectivement, ces personnes sont de plus en plus nombreuses à savoir communiquer en français, et elles permettent de maintenir le poids démographique du Québec en compensant la chute des taux de natalité et la hausse de la mortalité chez les personnes aînées. Ainsi, elles participent à la prospérité économique et à la vitalité culturelle et linguistique au Québec. Le multilinguisme qui se manifeste notamment à Montréal ne met donc pas en péril la survie du français, soutient l’autrice. Il est indéniable qu’il s’agit d’un livre nuancé et l’angle plus personnel adopté par l’autrice permet à la lectrice ou au lecteur de se mettre à la place de l’Autre. Il s’agit donc d’un essai plus que pertinent à l’heure où le discours de stigmatisation des immigrant-e-s est en recrudescence tout autour du globe.
1. Traduction de Mélissa Verreault, Montréal, Éditions Somme toute, 2024. 2. Ouvrage original : We, the Others : Allophones, Immigrants and Belonging in Canada, Montréal, Linda Leith Publishing, 2022. 3. Drimonis, T. Nous, les autres, p. 231. 4. Ibid., p. 11. 5. Ibid., p. 233. 6. Ibid., p. 176. 7. On pourrait aussi ajouter aux propos de l’autrice qu’en outre, la Loi 21 nécessite la suspension des articles 1 à 38 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. 8. Cette loi, adoptée en 2022 et connue auparavant sous le nom de projet de loi no 96, affirme notamment que l’accès aux services publics dans une langue autre que le français est limité aux six premiers mois suivant l’installation de la nouvelle-arrivante ou du nouvel-arrivant au Québec.

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L’organisation Mères au front de Rouyn-Noranda et des citoyen-ne-s luttent pour exiger le droit à vivre dans un environnement sain et sécuritaire.

Fonderie Horne : une allégorie de l’opacité

3 juillet 2024, par Ligue des droits et libertés
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L’organisation Mères au front de Rouyn-Noranda et des citoyen-ne-s luttent pour exiger le droit à vivre dans un environnement sain et sécuritaire.

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Fonderie Horne : une allégorie de l’opacité

Laurence Guénette, coordonnatrice de la Ligue des droits et libertés Alors que le droit à un environnement sain se développe avec de plus en plus de netteté en droit international, que la Charte des droits et libertés de la personne du Québec le reconnait depuis 2006 et que l’adoption du projet de loi S-5 en juin 2023 en a consacré la reconnaissance dans la loi fédérale, que voit-on sur le terrain ? Des cas comme celui de la Fonderie Horne à Rouyn-Noranda, désespérément emblématique de l’opacité des industries, dont se font complices les gouvernements. La présente chronique attrape au bond la balle lancée par Mireille Elchacar lors de son allocution le 10 décembre dernier, à l’occasion de l’évènement de la LDL soulignant le 75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Mme Elchacar est présidente de Mères au front, un organisme regroupant des mères, des grands-mères et leurs allié-e-s qui exigent une meilleure justice climatique pour nos enfants. Elle nous rappelait en décembre 2023 que la fonderie, propriété de Glencore, et en activité depuis 1927, rejette des composants toxiques dangereux dans l’air, les sols et les eaux de la région depuis plusieurs décennies. En accord avec l’autorisation octroyée par le Ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs, les quantités émises sont considérablement plus élevées que les taux permis selon les normes en vigueur dans le reste de la province. Prenons l’exemple frappant de l’arsenic. Pendant longtemps, la fonderie pouvait rejeter jusqu’à 200 nanogrammes par mètre cube (ng m³) en vertu de l’exemption octroyée par le gouvernement, alors que la norme québécoise est de 3 ng m³. À partir de 2021, cette exemption a été réduite à 100 ng m³, ce qui reste 33 fois plus élevé que la norme provinciale. « L’arsenic est un poison, il n’y a pas de seuil où il est inoffensif », souligne Mme Elchacar. L’exemption pour la fonderie  sera  graduellement  abaissée  à 15 nanogrammes d’ici 2027, ce qui demeurera cinq fois plus élevé que la norme québécoise, et c’est sans tenir compte des 23 autres contaminants libérés par la fonderie, dont on ne connait pas les effets combinés. Les liens entre certains composants toxiques rejetés par la fonderie et les risques de problèmes pulmonaires, neurologiques et de cancers sont avérés1. Les habitant-e-s de Rouyn-Noranda décèdent en moyenne six ans plus tôt que les autres habitant-e-s du Québec, nous rappelle Mme Elchacar.

Une lutte citoyenne — victorieuse — pour le droit à l’information

Les craintes pour la santé des habitant-e-s de Rouyn-Noranda — et les dénonciations des impacts de la fonderie — existent depuis belle lurette ; on n’a qu’à penser au documentaire Noranda réalisé en 1984 par Daniel Corvec et Robert Monderie avec une narration de Richard Desjardins. Cependant, au fil des décennies, les citoyen-ne-s n’ont pas eu accès à toutes les données disponibles. L’opacité était entretenue tant du côté du gouvernement que de l’entreprise, pour qui les intérêts économiques semblaient prédominer sur la santé des habitant-e-s. [caption id="attachment_20037" align="aligncenter" width="448"]L’organisation Mères au front de Rouyn-Noranda et des citoyen-ne-s luttent pour exiger le droit à vivre dans un environnement sain et sécuritaire. Crédit photo : Maude Desbois[/caption] En 2019, alors que Glencore et le gouvernement du Québec renégociaient les taux des rejets de contaminants permis pour la Fonderie Horne, une annexe a été discrètement retirée d’un rapport de la santé publique, ce qui n’a pas manqué de faire scandale par la suite. Mme Elchacar souligne avec ironie que cette annexe « aurait été drôlement pertinente pour prendre les bonnes décisions puisqu’elle concerne les taux de cancer liés à l’arsenic ». Il s’agit là d’un enjeu de droit à l’information, qui se transforme souvent en obstacle très concret dans les luttes sociales et environnementales. Le droit à l’information est un droit humain consacré à l’article 19 du Pacte international sur les droits civils et politiques (PIDCP) comme une composante essentielle de la liberté d’expression. Il est aussi reconnu à l’article 44 de la Charte québécoise. Le cadre juridique en vigueur permet d’accéder à des informations, mais propose aussi divers motifs de refus dont peuvent se prévaloir les tiers industriels ou commerciaux et les organismes publics comme les ministères. Ainsi, accéder à certaines informations pourtant d’intérêt public se transforme parfois en véritable lutte. En 2020, Marc Nantel, porte-parole du Réseau Vigilance mines Abitibi-Témiscamingue (REVIMAT), a formulé une demande d’accès à l’information pour obtenir les données sur les différentes émissions atmosphériques provenant de la Fonderie Horne pour l’année précédente. La Fonderie Horne s’est opposée à la divulgation de ces données. Plus de deux ans plus tard, la Commission d’accès à l’information (CAI), saisie du dossier, a tranché que Glencore devait fournir les informations demandées. La multinationale s’est acharnée à refuser, portant en appel du jugement de la CAI, mais la Cour du Québec a confirmé en décembre 2023 que les citoyen-ne-s étaient en droit d’avoir accès à ces données. Tant la CAI que la Cour du Québec ont rejeté les arguments de Glencore qui invoquait que la divulgation de ces données lui ferait perdre un avantage concurrentiel, et ont plutôt confirmé le droit du public d’accéder aux informations demandées. La Cour du Québec a également souligné que l’accès aux informations ne suffit pas pour respecter le droit à l’information, il faut également qu’elles soient accessibles en temps utile pour que les citoyen-ne-s puissent en tenir compte avant que les décisions susceptibles de les impacter soient prises. On peut lire dans la décision de décembre 2023 : « Il parait évident dans la mécanique envisagée par le législateur que les demandes d’accès devraient être traitées et tranchées avec diligence et qu’inversement, il soit compris que des informations ou des renseignements qui ne sont transmis qu’au terme d’interminables procédures, perdront soit leur pertinence, soit leur utilité. Autrement dit, dans ces domaines, bien souvent, le seul écoulement du temps équivaut à un déni d’accès2 ».

Ce que nous dit le droit à un environnement sain

En vigueur depuis 2001, la Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (Convention d’Aarhus) établit les éléments de procédure essentiels à l’exercice de notre droit à un environnement sain. Ces éléments démocratiques sont : l’accès à l’information, la participation du public aux processus décisionnels et l’accès à la justice et à des recours utiles. Selon la Convention d’Aarhus, le public a droit d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques, et cet accès doit être large et facilité autant que possible. Les autorités publiques doivent collecter et diffuser toutes les informations requises en temps utile. La transparence doit être la règle, et le refus de transmettre des informations doit demeurer une exception. Bien entendu, la participation du public aux processus décisionnels ne peut s’exercer pleinement sans un Il est aussi urgent de permettre une réelle participation du public aux processus décisionnels. Mme Elchacar nous rappelle que les autorités ont fait fi des consultations lorsqu’elles ont décidé de déplacer plus de 80 habitations pour créer une zone tampon autour de la fonderie. Elle ajoute que la communauté Anichinabé avoisinante, dont les territoires sont également impactés par les activités de la fonderie, n’est pas non plus consultée. Sachant que tous les droits sont interdépendants, le cas de Rouyn-Noranda met en relief les liens entre le droit à l’information, la possibilité pour le public de prendre part aux processus décisionnels et la réalisation du droit à un environnement sain. Et bien entendu, il expose les liens étroits entre le droit à un environnement sain et la possibilité d’exercer son droit à la santé, c’est-à-dire d’atteindre le meilleur état de santé physique, mental et social possible. Le droit à un environnement sain et l’ensemble des droits humains imposent aussi de remettre les gouvernements face à leurs obligations plutôt qu’à rejeter sur les individus le fardeau d’agir seuls sur leur situation. Mme Elchacar est sans équivoque :

« Le droit à un environnement sain ne doit pas être de la responsabilité individuelle. Ce n’est pas en demandant aux mères de Rouyn d’empêcher leurs enfants d’aller jouer dans la neige, ou en demandant à des mères de famille de recycler et de faire du compost qu’on va changer la situation. On doit avoir des mesures fortes qui soient prises par les gouvernements et les entreprises, et le gouvernement doit passer toutes ses décisions au crible de l’environnement ».

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