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Israël se prépare à prendre d’assaut la flottille de la liberté

Des centaines de militants, d'hommes politiques et de journalistes attendent en Turquie d'escorter 5 500 tonnes d'aide humanitaire vers la bande de Gaza. À 700 km de là, la marine israélienne se prépare à prendre d'assaut la flottille.
Par Emilia G. Morales
24 avril 2024 - 10:53 a.m.
Traduit avec deepl.
Ne pas regarder les militaires dans les yeux, ne pas se séparer du groupe, ne pas résister. Tel est le mandat clair donné par l'organisation de la flottille de la liberté aux participants de l'expédition maritime qui vise à briser le blocus naval imposé par Israël à la bande de Gaza depuis 2007. L'objectif est d'apporter 5 500 tonnes d'aide humanitaire aux Gazaouis. "Si vous vous apprêtez à embarquer et qu'Israël attaque le navire, il existe des paramètres très clairs de non-violence", a expliqué l'organisation. "Ne pas les accepter peut vous exposer personnellement et affecter votre vie et celle de ceux qui vous entourent".
Une cinquantaine de participants écoutent avec courage les instructions des orateurs qui défilent devant eux et qui expliquent les stratégies possibles d'Israël pour boycotter la mission humanitaire. Il s'agit de la troisième formation à l'action non-violente organisée ces jours-ci à Istanbul (Turquie) pour les plus de 500 personnes qui attendent le départ du convoi maritime, composé d'un cargo et de deux bateaux de passagers. Le départ des navires était initialement prévu pour le dimanche 21 avril. Mais des problèmes administratifs et la pression internationale ont repoussé la date au mercredi 24 avril. Ce mardi, la Flottille de la Liberté a fixé une nouvelle date de départ au vendredi 26 avril. Un nouveau retard.
Comme l'a rapporté le Washington Post dimanche, Israël prépare ses forces de sécurité à agir si nécessaire. Tel Aviv a confié cette mission à Shayetet 13, une unité d'élite de sa marine. Le répertoire d'armes dont ils sont censés disposer est varié. Il est question de gaz lacrymogènes, de tasers et de grenades incapacitantes. Cette dernière émet une lumière puissante qui empêche de voir pendant quelques secondes, tout en émettant des sons aigus (plus de 170 décibels) qui gênent l'audition.
La formation mentionne également des drones de reconnaissance dotés d'une intelligence artificielle, capables d'enregistrer les visages des passagers et de les comparer à une base de données de membres et de collaborateurs du Hamas. Ils préviennent que certains de ces drones pourraient être qualifiés pour tirer s'ils trouvent une correspondance ou s'ils perçoivent une menace.
Les passagers sont donc vivement encouragés à ne pas tenir dans leurs mains un objet que le drone pourrait considérer comme une arme, tel qu'une matraque, un trépied ou un bâton de selfie. Une visite visuelle de la salle où se déroule la formation révèle qu'au moins deux personnes portent des bâtons. Beaucoup de ceux qui ont décidé d'embarquer ont plus de 50 ans.
L'utilisation de ces armes contre des civils est limitée par le droit international. "Israël se moque du droit international, sinon il ne bloquerait pas illégalement Gaza depuis 2007", a déclaré à Público Nerea Fernández, membre espagnole de l'IU. "Pourquoi avons-nous des lois internationales si Israël et les États-Unis les violent tout le temps ? Si l'UE se dit démocratique, elle doit les arrêter", ajoute-t-il. M. Fernández est arrivé à Istanbul la semaine dernière, prêt à embarquer avec d'autres fonctionnaires, Martina Velarde, députée de Podemos, Ada Colau, ancienne maire de Barcelone et aujourd'hui conseillère municipale, et Nicolás Sgiglia, conseiller municipal du parti violet à Malaga.
Aucun d'entre eux n'exclut d'être détenu par les forces militaires israéliennes. "Nous mettons nos fonctions publiques à la disposition des luttes sociales si cela peut contribuer à assurer une plus grande sécurité à la flottille. Nous parlons de l'une des armées les plus criminelles au monde et il est évident que le fait qu'il y ait un conseiller ou des députés ne garantit pas qu'il n'y aura pas de répression de l'initiative, mais cela lui donne une plus grande sécurité et une plus grande portée afin que la répression soit moindre ou qu'ils réfléchissent à deux fois avant d'agir", a déclaré Nicolás Sgiglia à Público.
Selon la Flottille de la Liberté, Israël pourrait garder les détenus au secret jusqu'à trois jours. L'organisation garantit des conseils juridiques par la suite, grâce aux accords de collaboration qu'elle a conclus avec des organisations juridiques spécialisées dans les droits de l'homme.
14 ans après le Mavi Marmara
Des médias israéliens comme le Jerusalem Post se sont également fait l'écho de l'intention de Tel Aviv d'empêcher l'arrivée de l'aide humanitaire sur les terres palestiniennes, et bien que cela soit perçu comme faisant partie de sa manœuvre marketing, les passagers savent qu'ils doivent se préparer psychologiquement à la rencontre avec ses militaires. Ce n'est pas pour rien qu'il s'agit de la huitième flottille à partir pour Gaza depuis 2010. Cette année-là, Israël a attaqué le navire de passagers Mavi Marmara, à bord duquel environ 750 personnes voyageaient avec 10 000 tonnes d'aide humanitaire collectée par des organisations européennes et turques. Dix militants ont été tués dans les eaux internationales lors du raid du 31 mai.
Israël a payé cher cette opération, critiquée dans le monde entier. Pour ces faits, plusieurs membres du gouvernement israélien ont été dénoncés devant la Cour pénale internationale, dont son président actuel, Benjamin Netanyahu. C'est ce qu'a confirmé à Público Jaume Asens, candidat de Sumar aux élections européennes du 9 juin. Ces procédures judiciaires sont toujours en cours.
"Depuis le Mavi Marmara, lorsqu'Israël a attaqué des navires, il l'a fait de manière moins violente", certifient-ils lors de la formation. L'organisation estime qu'ils seront particulièrement bienveillants à l'égard des Européens, alors que la situation pourrait être plus tendue pour les Palestiniens et les Turcs. "Nous devrons contenir notre colère, afin qu'ils ne se vengent pas sur nous et nos proches restés au pays", a déclaré à ce journal une Palestinienne présente dans la salle. Elle et quatre autres femmes disent être exilées en Jordanie. Elles partent du principe que tout geste de résistance physique à l'égard des militaires peut être considéré comme une provocation, et que la réponse à ce geste peut être imprévisible.
C'est pourquoi la flottille de la liberté s'est fermement engagée à mener des actions non violentes. Jamila Raqit, chercheuse sur cette pratique à l'Albert Einstein Institution, a expliqué à l'auditoire que cela n'équivaut pas à de la passivité. Bien au contraire. L'utilisation de la non-violence dans des actions politiques d'envergure dans des contextes d'oppression (où la force militaire est largement supérieure à celle des civils) les confronte à un dilemme important : si les civils perdent, ils perdent. De cette manière, "nous ne pouvons pas être vaincus", explique Raquit, "parce que nous aurons laissé nos armes à la maison".
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UN LOCAL POUR ARCHIVES RÉVOLUTIONNAIRES – Campagne de sociofinancement
Notre campagne de sociofinancement est maintenant lancée ! Celle-ci nous permettra d’ouvrir un local public à Montréal afin d’y accueillir la jeunesse engagée et de pérenniser l’activité d’Archives Révolutionnaires. Aidez-nous à atteindre notre objectif de 10 000 $ !



Vos contributions permettront de meubler le local, de rendre accessibles nos archives inédites et d’organiser six ateliers éducatifs en 2024-2025 destinés aux étudiant(e)s et travailleur(euse)s de 15 à 29 ans. Cet espace d’échange et d’apprentissage que nous mettons sur pied permettra aux jeunes – et moins jeunes – de découvrir l’héritage des luttes populaires et de développer leur esprit critique. Contribuez à former une nouvelle génération consciente de son histoire et prête à transformer le monde en soutenant notre projet. Aidez-nous à assurer notre avenir !
Cette campagne est d’autant plus importante que si nous n’atteignons pas différents objectifs (dons cumulés de 10 000 $, au moins 50 contributeurs, au moins une entreprise contributrice), l’organisme qui encadre notre campagne (La Ruche) rétrocédera les dons et nous n’obtiendrons rien ! Autrement dit, c’est quitte ou double pour nous.
Pour chaque contribution, vous aurez droit à une contrepartie, qu’il s’agisse d’autocollants, de livres, d’une affiche exclusive ou d’un sac en tissu en édition limitée. Il est aussi possible de simplement donner, sans rien attendre en retour.
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LA FIN DE NOTRE CAMPAGNE DE FINANCEMENT
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Aujourd’hui, 23 avril, nous échangeons avec Nimâ Machouf et Jean-Pierre Roy

Elle et il nous parlent de la délégation internationale, sa composition, ses représentants et surtout de leur représentantes. Les porte-paroles et organisatrices sont principalement des femmes. Jean-Pierre et Nimâ reviennent également sur la formation obligatoire reçue par tous les membres de la délégation, sur la solidarité exceptionnelle des turcs et des stambouliotes en particulier avec les palestinien·nes et les membres de la délégation, sur le fait qu'il est impossible d'avoir des nouvelles de Gaza, sur leurs craintes que les bateaux ne puissent pas apporter l'aide humanitaire sous la pression des Gouvernements israélien et occidentaux.
Aujourd'hui, 23 avril 2024, nous échangeons avec Nimâ Machouf, épidémiologiste et Jean-Pierre Roy, infirmier, tous les deux membres de la Flottille de la liberté pour Gaza
Version audio de l'entrevue du 23 avril 2024

Critique de la Déclaration de Saguenay : le Québec en commun

La déclaration de Saguenay marque une nouvelle étape dans le processus de redéfinition de Québec solidaire un parti aspirant à gouverner le Québec. Mais, il faut se demander quels sont les fondements de cette redéfinition et de l'urgence de réécrire notre programme qui a été fondement de notre parti.
« Malgré tout nous partageons les mêmes problèmes, les mêmes valeurs et le même désir d'un avenir meilleur… Ici, nous sommes capables de dialoguer, nous avons un Québec en commun ». (Préambule de la déclaration de Saguenay)
Pourtant, au Québec, il y a des différences que nous ne pouvons pas nier. Les multinationales des énergies fossiles ont des intérêts qui ne sont pas ceux de la majorité populaire. Les grandes multinationales minières ou forestières exploitent indûment nos ressources naturelles. Les grands banquiers et financiers profitent des taux d'intérêt élevés. Les grands promoteurs immobiliers ont le pouvoir de bâtir ce qui leur rapporte gros au mépris du besoin élémentaire de se loger. La société québécoise est de plus en plus inégalitaire et les richesses du Québec tentent à se concentrer dans les mains d'une minorité possédante. Cette minorité a également trouvé les moyens à ne pas payer sa juste part en termes d'impôt.
Pour faire à ces inégalités, pour assurer la justice sociale, il va falloir unir la majorité populaire contre une minorité prédatrice. On ne peut donc se contenter de phrases qui nient cette réalité : « Unir, pas diviser, c'est notre vision de l'avenir du Québec et c'est l'avenir de Québec solidaire ». Voulons-nous nous associer à des responsables politiques qui se sont mis au service de cette classe dominante ? Ce serait là prendre le chemin de dangereuses compromissions. Voulons-nous être le parti de gouvernement, d'une société inégalitaire dans lesquels les choix économiques les plus déterminants pour l'avenir de la planète, seront aux mains des grands propriétaires du capital financier, industriel ou immobilier ? Dénier les luttes d'intérêts contradictoires qui traversent la société québécoise, cela ne nous permettra pas d'identifier clairement les défis auxquels fait face la majorité populaire.
1. Transition écologique : changer sans culpabiliser
Les responsables de la crise climatique sont identifiés : les industriels et les politicien-ne-s à leur service. Ces industriels (majoritairement masculins et blancs) sont tenus par la logique capitaliste à d'abord rechercher des profits, à exploiter les ressources au maximum, à produire plus pour gagner plus. Ils ne sont pas partie de la solution. Au contraire, ils n'arrêtent pas de dresser des obstacles à la lutte aux changements climatiques et à la protection de la biodiversité.
« Les Québécoises et les Québécois veulent faire partie de la solution à la crise environnementale. Ils et elles sont prêts à faire des efforts et à changer leurs habitudes, mais ce sont les gouvernements qui ont la possibilité et la responsabilité de leur offrir des alternatives réalistes, particulièrement à l'extérieur des grands centres ».
… Les grands patrons du Québec sont des Québécois qui ont leurs solutions à la crise climatique, c'est la croissance verte, qu dénie la nécessité de la sobriété et la diminution de l'exploitation des ressources. Un gouvernement solidaire devra en être un de rupture avec le capital prédateur et être capable d'assurer l'autonomie politique et idéologique de la majorité populaire afin de pouvoir s'opposer aux solutions de la classe dominante qui nous conduit directement dans le mur de la crise écologique.
Les propositions avancées ne constituent pas en fait une véritable transition écologique. Elles ne permettent pas d'identifier les obstacles sur le chemin de la transition, les pouvoirs qu'il faudra renverser, les ruptures qu'il faudra opérer. Il ne s'agit pas de « responsabiliser en priorité les grands pollueurs », mais de les empêcher de continuer de polluer, de gaspiller les ressources, de mousser la surconsommation. C'est tout cela qui participe à la destruction de la nature.
Miser sur la création d'alternatives de mobilité durable c'est quoi au juste. Est-ce accepter de faire de la voiture électrique et de la multiplication des investissements qui s'articule à un nouvel extractivisme une solution ? La transformation du parc automobile actuel par de voitures électriques qui est à la base de la filière batteries du gouvernement Legault, ne débouchera pas sur une mobilité durable, mais sur un nouvel extractivisme pollueur, et sur des dépenses insensées des ressources naturelles et énergétiques. Northvolt s'inscrit totalement dans cette dynamique. En aucune façon, nous ne pouvons pas nous affirmer agnostiques à ce niveau.
S'il faut prioriser le développement massif et rapide du transport collectif, faut-il laisser ce projet aux mains de la bourgeoisie québécoise ou en faire un véritable service public… En cela aussi, on ne peut en rester à des formules qui ouvrent sur tout un champ de possibles dont plusieurs ne peuvent que nous enfoncer dans une impasse.
Il n'y aura pas une transition écologique, sans penser la transformation de l'économie centrée sur la production de marchandises à une économie centrée sur la production pour les besoins sociaux… C'est vrai pour la nourriture, pour les logements, pour les moyens de transports. Parler de diversification des économies locales, c'est dire quoi au juste. Qui en seront les acteurs et actrices ?
2. Décentralisation : renverser la dépossession tranquille et libérer le pouvoir des régions
Défendre le principe d'équité territoriale, c'est sans doute une intention louable. « Que les régions rurales et les quartiers défavorisés en zone urbaine doivent avoir accès au même niveau de services que le reste du Québec » est de première importance.
Mais cette préoccupation pour la décentralisation si importante soit-elle, n'est pas l'axe central pour renverser une dépossession pas si tranquille. L'axe central, c'est la lutte contre la privatisation qui touche les secteurs de l'énergie, de la santé, de l'éducation et même de la fonction publique.
Pierre Fitzgibbon défend la privatisation de la production de l'énergie, en cédant des droits liés à la production électrique sur le territoire du Québec à des compagnies privées. C'est là un axe central de notre dépossession d'un bien commun national au profit d'intérêts privés. Christian Dubé privatise la première ligne du système public de santé et souhaite la construction de cliniques et d'hôpitaux privés qui vont contribuer à affaiblir le système public de santé. Les multinationales pharmaceutiques continuent à faire de l'argent avec les médicaments. Benoit Charette, le mal-nommé ministre de l'Environnement et de la lutte aux changements climatiques, changent les règlements pour permettre à Northvolt d'éviter la tenue d'un BAPE sans parler des multiples entreprises polluantes qui se voient soustraient aux normes environnementales servant à protéger la santé publique. C'est à une véritable dépossession à notre droit à la santé et à la sécurité au profit d'intérêts privés qui est en jeu. Marie-Élaine Duranceau, ministre de l'Habitation, diminue les droits des locataires et refuse de contrôler les augmentations spectaculaires des loyers et de protéger les locataires contre les évictions abusives et des manœuvres des spéculateurs.
Limiter cette dépossession au seul enjeu de décentralisation, c'est passer à côté les fondements de cette dépossession, soit une privatisation rampante qui remet de pans entiers du bien commun de la majorité populaire dans toutes les régions du Québec dans les mains des intérêts privés.
3. Territoire : protéger et valoriser ce que nous partageons.
Ressources naturelles
« Alors que s'engage une nouvelle ruée vers les ressources stratégiques du Québec, il est essentiel que le peuple québécois et les Nations autochtones soient maîtres de leurs ressources et déterminent les règles qui guident leur exploitation et leur exploitation. »
D'où vient cette ruée ? Elle a sa source dans la course aux matériaux stratégiques et à la multiplication des claims qui en découle. Elle vient du projet d'électrification du parc automobile sous la haute main des multinationales de l'auto et des entreprises qui sont appelées à fournir les différentes composantes, de ces voitures, dont les batteries.
Quand le Québec a voulu être maître chez lui. En matière d'énergie, il a nationalisé l'électricité. La déclaration de Saguenay se contente de réclamer la détermination des règles qui guident cette exploitation et leur exploration, sans poser un véritable contrôle public des entreprises minières et forestières, contrôle qui ne peut passer que par l'appropriation de ces entreprises par leur expropriation sans compensation. Se contenter d'une meilleure répartition directe des redevances aux régions, et proposer le développement des coopératives sans poser la fin du pouvoir des multinationales sur nos richesses naturelles, c'est tout simplement se placer en position de faiblesse et empêcher que ces nouveaux modèles économiques publics, coopératifs et d'économie sociale puissent véritablement s'imposer.
Parler du rôle central de l'industrie forestière, sans questionner les formes de propriétés actuellement dominantes, les pratiques forestières marquées par des coupes à blanc, c'est prendre bien à la légère la défense de la durabilité de nos forêts. C'est faire croire que la défense des populations des régions puisse faire fi de la remise en question de la domination des grandes multinationales forestières, minières et énergétiques sur nos ressources naturelles.
Agriculture
Présenter l'agriculture au Québec comme le seul fait du travail des agriculteurs et agricultrices, sans définir le cadre économique dans lesquels, ils et elles doivent travailler, c'est refuser de parler, des semenciers, des fournisseurs d'engrais, de machineries agricoles et des financiers qui créent tout un système de contraintes sur le travail quotidien des agriculteurs et des agricultrices. De là à conclure que « le secteur agricole n'a pas besoin d'une réforme de structure », il n'y avait qu'un pas à faire et ce dernier a été franchi allègrement. Québec solidaire fait maintenant silence sur l'agro-écologie et écarte de ses considérations toutes les agricultures qui ne correspondent pas au modèle industriel agro-exportateur. C'est pourquoi, la déclaration de Saguenay non seulement ne dit pas un mot de la diversité des agricultures au Québec, et conséquemment, elle affirme « renoncer à réformer le syndicalisme agricole. » Si aujourd'hui, les agriculteurs et agricultrices descendent dans les rues, c'est que leur situation est plus que difficile, et qu'il va falloir non seulement les soutenir, mais repenser ses pratiques face aux conséquences dramatiques de la crise climatique.
Filière batterie
Présenter la filière batterie, sans éclairer les liens avec le développement de l'extractivisme, sans éclairer le fait qu'elle est liée dans le contexte actuel d'abord et avant à l'électrification de l'auto-individuelle, sans montrer que cette filière est dans les mains tant au niveau minier qu'industriel, d'entreprises multinationales ayant leur propre agenda, c'est refuser d'éclairer ce que devrait être la mission d'une telle filière en liaison avec la production de matériel de transport public. Proposer de confier à des entreprises québécoises le développement de cette filière c'est proposer le développement du capital qui aura lui aussi son propre agenda. L'entreprise privée visera à produire plus, élargir son marché et orienter sa production vers les débouchés les plus payants et les plus prometteurs et ne s'inscrira pas dans une logique de planification de matériel roulant répondant au besoin de sortie de l'industrie automobile.
Habitation
La crise de l'habitation a une dimension nationale. Le reconnaître est déjà un pas dans la bonne direction. Elle a aussi une réalité générationnelle. La dimension féministe est également importante et la déclaration de Saguenay revendique « de lancer un programme de construction rapide de maisons d'hébergement pour femmes victimes de violence conjugale ».
Si le texte rappelle que l'explosion du prix des maisons est la conséquence directe de la spéculation immobilière. Elle ne fournit le moindre éclairage sur les fondements de la crise du logement. Mais la déclaration de Saguenay affirme : « les organismes communautaires, les municipalités et les milieux d'affaires s'entendent : il y a urgence d'agir ». Il y a un point aveugle que la déclaration ne cherche pas à éclairer. Les spéculateurs ne sont-ils pas des membres du milieu des affaires. Les promoteurs immobiliers qui décident de construire des condos luxueux parce qu'ils espèrent en tirer plus de profit que d'investir dans les logements sociaux ne sont-ils pas des membres de ces milieux d'affaires ? Faut-il laisser aux entreprises privées et au marché le choix de construire des logements sociaux ? En fait, c'est un choix qui ne peut s'appuyer que sur la dénégation des intérêts contradictoires qui sont en jeu. Et un appel à la concertation sociale et à un nouveau sommet national à une nouvelle Corvée Habitation repose sur cette dénégation.
« Enfin, s'il est souhaitable d'augmenter le stock de logements disponibles dans plusieurs localités du Québec, les gouvernements et les administrations municipales doivent soutenir en priorité la construction de logements hors du marché privé afin d'augmenter le nombre d'habitations à bas prix, qui a eu tendance à diminuer au pays dans la dernière décennie, et de prévenir de futures hausses. Cela signifie de miser sur le logement social et communautaire, qui regroupe notamment les habitations à loyer modique, les coopératives d'habitation et les organismes sans but lucratif d'habitation. L'exemple de Vienne, en Autriche, montre que la création massive de logements sociaux est un outil puissant pour préserver l'accès au logement à travers le temps. Tant que celui-ci dépendra d'un marché organisé de manière à garantir des profits aux propriétaires d'habitations, la capacité des locataires à se loger convenablement sera toujours menacée, car soumise à l'impératif de rentabilité. » Julia Posca et Guillaume Hébert, Crise du logement : un marché locatif en manque d'encadrement, 29 juin 2023, in 2023, site de l'IRIS.
Nécessité d'avancer ensemble
La déclaration nous donne une vision mobilisatrice du Québec à construire. « L'État québécois doit renouer avec l'interculturalisme et promouvoir une citoyenneté québécoise rassembleuse, fondée sur notre langue officielle et commune et sur le dialogue avec toutes les cultures qui enrichissent le Québec. » Elle rejette explicitement le nationalisme conservateur.
La déclaration nous propose la voie de l'ouverture, du compromis, de la négociation, de la pacification et du consensus… Les propositions sont intéressantes :
« Québec solidaire adhère au modèle interculturaliste des bâtisseurs du Québec moderne » ;
Québec solidaire s'engage à défendre les droits et libertés des Québécois et des Québécois
Ainsi, u gouvernement de Québec solidaire va affirmer la primauté de la Charte québécoise des droits et libertés ».
Les propos de l'indépendance sont généreux plus que généraux : « Notre projet d'indépendance est un projet de transformation de la société pour que les Québécois et les Québécois de toutes provenances vivent mieux. Il faut faire un pays pour le monde et pour changer le monde. »
Les combats contre la surexploitation de la population immigrée et des communautés ethnoculturelles, contre l'inégalité de genre qui se combinent à cette surexploitation, la lutte contre la discrimination à l'emploi comme dans le logement et la lutte antiraciste par l'action de masse seront essentielle pour créer de nouveaux liens sociaux et jeter les bases d'une véritable inclusion et créolisation de la société québécoise. Les luttes sociales et politiques impliquant l'ensemble de la population seront seules à même de constituer le creuset nécessaire à la création d'une nouvelle identité collective et partagée. L'unité nouvelle ne pourra être construire qu'autour d'un projet émancipateur.
Les difficultés de contrer l'offensive néolibérale et la déconstruction de l'État social, l'affaissement de la légitimité de la politique d'une classe politique élitiste et néolibérale, les échecs de la stratégie souverainiste dominante incapable de contrer les stratégies de construction nationale de l'État canadien, tout cela s'est combiné pour créer une crise économique, sociale et nationale dans lequel se résume le blocage de la société québécoise. La crise identitaire actuelle est le reflet de ce blocage.
Tout point de vue essentialiste (la vraie nature des Québécois-e-s) laisse échapper la réalité dans le temps et dans l'espace de l'identité québécoise. Cette identité politique est mouvante et instable et est traversée par une série d'identités partielles (appartenance ethnique, appartenance de classe et idéologique ou religieuse) d'une part et par les réussites et les échecs de la lutte nationale qui module cette structure identitaire au gré des rapports de force d'autre part. C'est donc le système des rapports de force dans l'ensemble de l'État canadien et la capacité ou non de remettre en question cette domination de l'État fédéral sur le Québec qui déterminera la structuration de l'identité québécoise et sa force d'attraction et sa capacité de réaliser une nouvelle identité nationale et non d'abord une pédagogie volontariste de ralliement à un système de valeurs, même s'il ne faut pas lui dénier un rôle.
C'est pourquoi il est nécessaire de définir les grands axes d'une remobilisation contre cette société néolibérale pour un Québec écologiste, féministe et solidaire, si nous voulons construire un Québec indépendant, inclusif et égalitaire. Cela va passer par une stratégie de lutte pour l'indépendance qui va se faire dans une démarche de souveraineté populaire appelée à refonder le Québec, ses institutions, par la défense de l'égalité sociale, la lutte pour l'égalité concrète hommes/femmes et par l'élargissement de la démocratie dans la perspective de la fondation d'une véritable république sociale…
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Discours du représentant de la CSN devant l’Assemblée nationale lors de la manif pour le Jour de la Terre

On est ici, devant l'Assemblée nationale du Québec, et ce n'est pas pour rien ! C'est ici que siègent les personnes élues qui sont « supposées » être à l'avant-plan pour mener la lutte aux changements climatiques ! Bullshit ! Le gouvernement de la CAQ est rendu le meilleur pour ralentir cette lutte et pour nous mettre des bâtons dans les roues. L'histoire les jugera assurément comme une gang de mononcles déconnectés, qui n'ont fait que mettre du sable dans l'engrenage et favorisé le statu quo.
Il faut pourtant des changements fondamentaux, structurels, et ça les prend maintenant !
Le statu quo nous met à mal, et pas à peu près, à chaque seconde qui passe sans action concrète et directe, c'est non seulement la planète, la faune et la flore qui en payent le prix, mais, aussi les communautés pis les travailleuses et travailleurs !
Pourtant les travailleuses et travailleurs représentent une force incontournable dans la société, ce sont elles et eux qui sont au centre de la transformation qui doit s'opérer dans la société. Mais là, en ce moment, on est en retard, et pas à peu près, parce que les élues manquent de vision, et qu'ils manquent de volonté politique à faire ce qu'il faut pour accompagner le monde dans une transition qui va respecter leurs compétences et leurs capacités.
Les travailleuses et les travailleurs sont sur le terrain, ils ont les deux mains dedans, ils savent comment ça marche et ils ont des idées pour changer les choses, et pour le mieux à part de ça ! On ne peut pas se priver de leur expertise, de leur savoir, il faut les consulter et les écouter, si on veut réussir !
Il y a des travailleuses et travailleurs qui vont devoir renouveler leurs compétences, s'ajuster, être formés, retourner étudier. Il faut les supporter, les accompagner et être à leurs côtés ! On ne peut pas, et surtout, on ne va pas laisser personne derrière. C'est ça la transition juste !
La science est unanime, il faut réduire nos GES de 55 % d'ici 2030 et être carboneutre en 2050 si nous voulons éviter l'hécatombe ! Par contre, le plan de la CAQ a prévu une réduction de seulement 37,5 % d'ici 2030, et ils ont le culot de nous mettre des demi-points de pourcentage câlisse ! En plus, la Sainte caquerie a prévue seulement 40 % des actions que ça prend pour se rendre au fameux 37,5 %. C'est de la fraude d'humanité ça ! C'est de dire au monde, les plus jeunes et leurs enfants, y se débrouilleront avec ce qui restera, des miettes câlisse ! Je vous laisse faire vos calculs, mais 40 % de 37,5 % ça fait… 15 %. Notre jeunesse, et les enfants qu'elle va avoir, ils ne valent rien que ça mononcle Legault, notre futur ne vaut pas plus que ça, Mononcle Charrette. C'est gênant !!!
Parlons-en du ministre de l'Environnement. Ou devrais-je dire, le ministre de l'Industrie polluante. Son manque de considération et d'actions dans le dossier de la qualité de l'air en basse ville, son absence de transparence dans le dossier de la filière batteries et du dossier Nortvolt nous force à croire que ce gars-là est pas là pour protéger l'environnement, les communautés pis le monde, non ! Il est plus là pour servir les intérêts des entreprises privées capitalistes polluantes !
Dans la région, la gestion du dossier du Tramway en est un autre bon exemple, le ministre de la pollution pis les députés caquistes de la région ont tout fait pour ralentir le processus et mettre de la marde dans le fan ! Résultat : le projet est tombé !
Il ne faut pas se leurrer, les entreprises et les multinationales font trop souvent de l'écoblanchiment, du greenwashing comme on dit, il y a des risques que les différents gouvernements essaient de nous en passer des petites vites ! Il va falloir être allumé et à l'affût ! Prenons le RTC, ici à Québec, qui au lieu de faire confiance à son monde qui est hyper compétent, pour l'entretien et la réparation des véhicules, se tourne vers le privé.
C'est dégueulasse et inacceptable ! L'expertise des travailleuses et travailleurs, nos camarades du garage du RTC, est énorme. En donnant l'ouvrage au privé, le boss s'attaque à l'autonomie de sa propose organisation et met de côté les travailleuses et travailleurs.
La coalition régionale de justice climatique et sociale a demandé à la Ville de Québec de rendre les transports gratuits pour le Jour de la Terre, et, bien qu'ils avaient accorder cette gratuité pour le Jour de la Terre en 2023, ils ont trouvé le moyen, cette année, de refuser. Le maire et le RTC ont plutôt choisi de mettre de l'avant un concours dans lequel le monde peut gagner : attention roulement de tambours :
5 lots de 20 billets pour prendre le bus.
5 lots de 20 billets pour le transport adapté
2 abonnements mensuels
Et ça, ça va encourager les citoyennes et citoyens à prendre plus le transport en commun et les transports actifs ! Et ça, ça va transformer la société ? On ne répond pas à la crise climatique en donnant quelques billets gratuits. Ça, c'est rire du monde ! Et vous savez quoi, on a fini de faire rire de nous autres calice.
Les travailleuses et travailleurs veulent être au centre des changements que commande l'urgence climatique. On veut une transition, on n'a pas le choix, mais on veut surtout une transition juste. On ne peut pas continuer dans une logique top down, dans une logique capitaliste, au plus fort la poche, c'est ça qui nous a mis dans le trouble et ce n'est pas comme ça qu'on va s'en sortir.
On va s'en sortir en s'impliquant dans nos organismes, nos organisations, nos lieux de travail, nos villes et nos quartiers ! C'est nous autres qui mène !
On va questionner, proposer, déranger et faire de l'agitation si c'est ça que ça prend ! Et on va le faire maintenant !
Citoyennes et citoyens,
Travailleuses et travailleurs,
Étudiantes et étudiants,
Chômeuses et chômeurs,
Militantes et militants,
Qui luttez sans relâche pour plus de justice climatique et sociale, on vous salue !
Solidarité !
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Haïti : l’eau coule dans le canal de la rivière Massacre
Pour un gazon bien vert
Quatre Québécois.es sur la flottille internationale en solidarité avec Gaza

Ne laissez pas tomber Relations

Lettre ouverte de membres du Regroupement des médias critiques de gauche (RMCG) en solidarité avec la revue Relations suite à la mise à pied de l'ensemble de l'équipe du Centre justice et foi en mars 2024.
Les travailleurs et travailleuses de revues membres et alliées du Regroupement des médias critiques de gauche veulent faire entendre leur très grande inquiétude pour la revue Relations, et exprimer leur solidarité envers ses travailleurs.euses, brutalement mis.es à pied la semaine du 18 mars 2024 sans explication valable.
Nous appelons le CA du Centre justice et foi à revenir sur sa décision car cette suspension met en péril la mission et la survie de Relations. En effet, l'interruption des activités d'une revue n'est pas un geste anodin. Une revue n'est pas un agrégateur de contenu ; c'est un réseau qui fonctionne en maintenant vivante la discussion entre auteur.ices, collaborateur.ices et lecteur.trices. Produire une revue demande un travail spécialisé, sensible et minutieux. Il n'y a pas de monde dans lequel une revue peut se passer de son équipe pendant 6 mois, laisser ses lecteur.trices dans la plus grande incertitude, et produire rapidement un numéro au retour comme les administrateur.trices du CJF le laissent entendre.
L'équipe de Relations est connue pour son grand professionnalisme, son engagement sincère et son exceptionnelle capacité d'analyse. Ce sont ces personnes, et les relations de confiance tissées avec les auteur.es et le public, qui font la revue. Nous pensons qu'une redéfinition de la vision et du mandat de Relations ne peut se faire sans elles. Nous nous désolons également de la manière cavalière avec laquelle ces travailleurs et travailleuses dévouées du Centre justice et foi ont été traité.es, ce qui révèle de la part du CA, pourtant porteur d'une mission de justice sociale, un étonnant manque d'éthique et de respect.
Dans un contexte difficile pour les médias et la liberté d'expression, chaque journal, chaque revue qui se tait laisse un immense vide et pave la voie à un appauvrissement de la pensée et à la propagation de la haine. Les médias indépendants sont sans doute fragiles, mais ils jouent un rôle incontournable dans notre société : ces lieux de rencontre et de critique insufflent à la vie sociale, politique et culturelle contemporaine, et à la pensée en général, un dynamisme et une capacité d'écoute dont nous avons grand besoin.
Relations se démarque notamment par sa longévité (80 ans d'implication et d'actions sociale, elle fut à la fois témoin et contributrice des grands changements à l'oeuvre dans la modernité québécoise) et par sa perspective de catholicisme social (qui alimente la diversité des points de vue progressistes). Elle est aussi une précieuse contributrice du Regroupement des médias critiques de gauche. Elle est d'une grande importance dans la vie des idées au Québec depuis des décennies. Nous espérons qu'elle le restera encore longtemps.
Une lettre collective signée par les médias membres du Regroupement des médias critiques de gauche (RMCG) ci-contre :
À bâbord !, Archives Révolutionnaires, Caminando (CDHAL), Droits et libertés (LDL), Journal des Alternatives - une Plateforme altermondialiste, L'Esprit libre, L'Étoile du Nord, Liberté, L'Internationaliste (CIRFA), Nouveaux Cahiers du socialisme, Possibles, Presse-toi à gauche !
Pour en savoir plus à propos du regroupement : https://gauche.media/
Pour suivre les activités du groupe de solidarité avec l'équipe du Centre Justice et Foi sur les réseaux sociaux : https://www.facebook.com/profile.php?id=61558083772637
Pour signer la déclaration d'appui ou offrir un don à l'équipe du Centre justrice et foi : https://soutenonslesemployesducjf.org/

Pour faire face à la nouvelle conjoncture politique, Québec solidaire doit changer de stratégie

Le cahier des propositions devant être débattues au prochain conseil national de Québec solidaire vient d'être publié par la direction du parti. Divisé en deux parties, une première intitulée « la déclaration de Saguenay « qui fait le bilan de la tournée des régions et un 2è bloc qui propose un échéancier pour la réécriture du programme de QS, ce document est d'une faiblesse politique abyssale.
La faiblesse première de ce Cahier de proposition est l'absence de toute analyse de l'évolution de la conjoncture politique québécoise et donc de réflexion critique sur la stratégie du parti. En fait, le postulat de base de ce document est que rien n'a changé au Québec depuis le lendemain des élections du 3 octobre 2022 et que la stratégie adoptée en novembre 2021, faite de recentrage politique du parti, de personnalisation autour du leader parlementaire Gabriel Nadeau-Dubois et de prétention à incarner l'alternative à François Legault, est toujours valide.
Reconfiguration politique majeure depuis un an
Or, la conjoncture québécoise et en voie de subir une transformation politique majeure alors que :
- Le parti gouvernemental, la Coalition avenir Québec, s'effondre dans les sondages et perd 44% de ses appuis. Le dernier Sondage Léger place ce parti au 2é rang avec seulement 22% [1]. Les observateurs parlent même de crise au sein de la majorité alors que des piliers du caucus démissionnent ou songent à le faire [2]. La « troisième voie » incarnée par François Legault, chef et fondateur de la CAQ, est en voie de s'effriter, peut-être, durablement.
- Le Parti québécois, presque moribond après les dernières élections alors qu'il avait enregistré les pires résultats de son histoire (14.5% et 3 députés), connait une remontée fulgurante atteignant 34% dans le dernier Léger, décrochant ainsi la première place avec une bonne longueur d'avance sur la CAQ. Son chef, Paul St-Pierre Plamondon, en profite pour annoncer qu'il fera de la souveraineté du Québec le thème principal de la prochaine campagne électorale.
- Incapable de profiter de la chute de la CAQ, Québec solidaire plafonne à 18%. Cantonné dans une bande étroite allant de 14 à 18% depuis sa percée historique de 2018, QS est loin de pouvoir prétendre, de façon crédible, à constituer l'alternative à la CAQ.
- Le Parti libéral du Québec au plus bas dans les sondages avec 14%, et sans chef depuis le lendemain des dernières élections, s'en donnera un le 14 juin 2025 ce qui devrait améliorer ses performances juste à temps pour le prochain scrutin général. Ce nouveau chef se fera un plaisir de s'ériger en rempart contre l'indépendance prônée par le PQ, reprenant le thème qui a fait la fortune politique de ce parti pendant plus d'un demi-siècle.
- La contestation des politiques économiques et sociales de la CAQ atteint un sommet avec le retour des larges mobilisations syndicales comme celle du dernier Front commun dans le secteur public qui a mobilisé près de 420,000 travailleuses et travailleurs, non seulement pour de meilleurs salaires mais aussi contre les politiques de privatisation dans les services publics. Nous voyons également la reprise des mouvements écologiques contre les politiques industrielles soi-disant vertes, mais en réalité écocidaires et anti- démocratiques, du gouvernement. De plus, le réseau communautaire mène une contestation vigoureuse des politiques bancales de la CAQ au niveau du logement.
La stratégie actuelle de QS est caduque
La stratégie actuelle de QS fut formulée dans une conjoncture totalement différente alors que la CAQ était très largement dominante, François Legault au sommet de sa popularité et les mouvements sociaux en pleine retraite à la suite des confinements pandémiques. Bien que trop timide politiquement et aboutissant ultimement à une stagnation électorale, elle reposait néanmoins sur une analyse de la conjoncture du moment bien qu'elle en tirait des conclusions erronées. Cette stratégie de recentrage est aujourd'hui caduque.
Pour répondre à la nouvelle conjoncture, QS doit changer de stratégie sous peine de frapper un mur aux élections de 2026. En s'obstinant à tenter d'occuper le centre du spectre politique, Québec solidaire émousse sa singularité et réduit son attractivité auprès de ceux et celles qui désirent un réel changement social. QS doit impérativement se redéfinir comme un parti de contestation sociale et de rupture avec le système capitaliste en proie à une polycrise de plus en plus grave [3]. C'est ce que le parti a déjà fait avec succès en 2018.
Souvenons-nous que lors de cette campagne, QS s'attaquait directement aux élites économiques et politiques qu'il tenait responsable de la montée des inégalités sociale et de la crise écologique. À cette occasion le parti a présenté un programme de transition verte, ambitieux et transformateur, qui fut au cœur de son succès [4]. Cette campagne de 2018, inspiré par le « populisme de gauche », a permis à QS de doubler ses appuis, passant de 7% en 2014 à 16% en 2018, et de grossir sa députation en passant de 3 à 10 sièges dont quatre en dehors de Montréal [5].
Comme quoi, il est faux d'affirmer que la radicalité de son programme nuit à QS. Au contraire, en assumant son identité de parti de gauche et de transformation sociale QS est sorti de la marginalité politique et a gagné des appuis majeurs parmi la jeunesse et les électeurs/ices des grandes villes.
À contrario, la dernière campagne électorale qui présentait un QS modéré mettant en sourdine la critique des élites et cachant les mesures radicales de son programme de transition écologique, s'est avérée un échec au vu des attentes (remporter l'opposition officielle) et des sommes engagées (plus de deux millions de dollars, soit un record dans l'histoire du parti).
Approfondir cette stratégie de recentrage, comme cherche à le faire la direction du parti avec le présent Conseil national, ne peut mener qu'à une déroute cinglante en 2026. QS risque de se faire prendre en souricière entre un PLQ ultra-fédéraliste l'attaquant sur sa droite et un PQ modérément social- démocrate l'attaquant sur une base nationaliste identitaire. L'un est l'autre chercheront à reprendre les circonscriptions ravies par Québec solidaire au fil des ans, soit cinq au PLQ et sept au PQ. Ce n'est pas avec une stratégie encore plus réformiste que le parti pourra se défendre sur ses deux fronts. QS n'aura d'autre choix que d'affirmer sa singularité de parti de rupture sociale et écologique et de lier intimement l'indépendance du Québec à son projet social. S'abstenir de le faire serait d'enfoncer QS dans un état de vulnérabilité politique extrême aux élections de 2026.
Un programme de rupture avec le système
Il ne s'agit pas de reproduire la stratégie électorale de 2018 mais plutôt d'en tirer les leçons pour aller de l'avant vers une vision transformatrice adaptée à l'évolution des mobilisations populaires et aux grands défis de notre époque.
Quels pourraient être les axes principaux d'une telle approche ?
- La fausse transition écologique promue par la CAQ décrédibilise les propositions du capitalisme vert auprès de larges couches de la population et ouvre la voie à une proposition de transition écologique antisystémique et démocratique qui va non seulement au-delà de l'ordre néolibéral mais aussi vers le dépassement du système capitaliste à la source de la crise environnementale. C'est l'occasion rêvée de commencer à populariser des notions d'écosocialisme démocratique et autogestionnaire auprès d'un vaste auditoire populaire et ouvrier.
- L'effondrement de la CAQ et de sa « troisième voie » prépare le retour de l 'axe fédéraliste/souverainiste qui a structuré l'espace politique québécois de 1970 à 2018. En opposition aux deux vieux partis (PQ et PLQ) qui se sont échangé le pouvoir pendant un demi-siècle, QS a développé une vision politique liant la question nationale et le projet de transformation sociale qui a fait sa renommée auprès de l'électorat progressiste. Cette vision doit être au centre de la stratégie du parti afin de marquer sa différence du fédéralisme à-plat-ventriste du PLQ ou de l'identitarisme étroit et xénophobe du PQ et de la CAQ. Plus que jamais, le projet d'une assemblée constituante est la clé de notre vison inclusive, féministe, rassembleuse et progressiste.
- Fort de son énorme majorité parlementaire, la CAQ a lancé au cours de son second mandat la campagne de privatisation la plus agressive jamais vue au Québec. Quel que soit le parti qui remportera les élections de 2026, il maintiendra ces politiques ou cherchera à les étendre car elles correspondent aux intérêts du patronat et de la classe dominante. La bataille pour la défense des services publics ainsi que l'extension du système énergétique public, le tout dans une optique écologique, décentralisée et démocratique, doit avoir une place de choix dans la stratégie du parti car elle sera au centre des luttes sociales des prochaines années.
- Le ralentissement économique et l'inflation qui frappent si durement les classes populaires ne disparaitront pas au courant des prochaines années. Les énormes profits qu'engrangent les grandes compagnies ou les richesses insondables qu'accaparent les multimilliardaires resteront le signe le plus visible de l'injustice du capitalisme contemporain. Un régime fiscal anti- grandes entreprises et anti-grande fortune via la taxation des profits excessifs des pétrolières, des grandes chaines alimentaires, des GAFAM, sans oublier les grandes fortunes, doit être au centre des propositions de QS car elles permettent aussi d'indiquer comment financer nos propositions de programmes sociaux et réduire les inégalités.
Combattre le parlementarisme
Une condition cruciale pour l'accomplissement d'un tel programme et la relance de Québec solidaire en tant que parti des urnes et de la rue. Au courant des dernières années, le poids de l'aile parlementaire, combiné à l'effet nocif de l'arrêt des activités pendant les premiers mois de la pandémie, ont fait que le parti a été réduit, dans les faits, à une caisse enregistreuse des décisions prises par le caucus. De plus en plus, les campagnes sont annoncées par l'aile parlementaire sans discussions préalables dans le parti, les lieux de débats stratégiques sont asséchés avec conséquence que les militants et militantes délaissent les associations locales et régionales. Un indice particulièrement inquiétant et la démission, ou l'abandon pur et simple du militantisme, par beaucoup de femmes. Ragaillardie un moment par la course et la subséquente élection de la porte-parole féminine, l'enthousiasme initial s'estompe à mesure que la mécanique infernale de la pression médiatique sur « sur la bulle parlementaire », des jeux de coulisses et de pouvoir au sein du caucus, de la persistance des comportements patriarcaux, le tout si magistralement disséqués et exposés par Catherine Dorion dans son livre les « Têtes brulées », finit par tout emporter sur son passage [6].
Pour repartir la structure militante, il faudra raviver les lieux de débats démocratiques, tenir des instances nationales (conseils nationaux et congrès) où sont débattues les analyses de la conjoncture ainsi que la stratégie du parti et transformer les associations locales et régionales en véritables lieux de convergence des résistances populaires, les lieux où peuvent s'articuler les synthèses et les revendications communes des mouvements sociaux.
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[1] Le sondage Léger du 23 mars 2024 accorde 34% au PQ, 22% à la CAQ, 18% à QS, 14% au PLQ et 10% au PCQ. Pour plus de détails voir : https://leger360.com/wp-content/uploads/2024/03/Politique-Mars-2024-v2.pdf
[2] Voir « La tourmente autour de François Legault », dans L'actualité du 4 avril 2024.
[3] Le concept de polycrise exprime l'imbrication de plusieurs crises simultanées : économique, environnementale et géopolitique. Voir « Polycrisis Again », Michael Roberts Blog, 8 octobre 2023. https://thenextrecession.wordpress.com/2023/10/08/polycrisis-again/
[4] Voir « Maintenant ou jamais. Plan de transition économique. 300 000 emplois verts pour le Québec ». Publié par Québec solidaire, le 14 septembre 2018.
[5] Voir mon article bilan de la campagne de 2018, « Québec solidaire : comprendre la percée électorale de 2018, dans Presse-toi à gauche, le 30 octobre 2018. https://www.pressegauche.org/Quebec-solidaire-Comprendre-la- percee-electorale-de-2018
[6] Les têtes brulées, par Catherine Dorion, Lux Éditeur, Montréal 2023

Le féminisme et l’électoralisme chez Qs : le premier disparaît, le deuxième prend la place

Que nous fait oublier le cours électoraliste de Qs et comment se porte le féminisme dans QS : deux thèmes qui se complètes pour mieux comprendre le parcours actuel de QS. L'électoralisme nous fait oublier la nécessité de créer une opposition réellement politique qui porte les revendications des mouvements sociaux au lieu de vivre avec la nécessité de créer une image crédible et de séduire la population. Quant au féminisme, le débat sur le chef montre un retour aux vieilles pratiques patriarcales du leader.
Intervention de Ginette Lewis en réponse à la question : Où s'en va Québec solidaire sur la question du féminisme ?
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En Iran, les frappes contre Israël permettent au régime des mollahs de renforcer sa logique sécuritaire

Loin d'être uni derrière un sentiment nationaliste soutenant l'opération du régime contre Israël, l'Iran est confronté à une accélération de la répression à l'égard de sa population. Une situation qui ne fait que creuser les fractures entre les défenseurs du pouvoir et ceux qui aspirent au changement.
Tiré d'Europe solidaire sans frontière.
C'est un panneau gigantesque, installé au centre de Téhéran, surplombant l'une des artères les plus importantes de la ville. Outil de communication du régime, le panneau sur la place Vali-Asr affiche, depuis ce 15 avril, une nouvelle fresque géante mettant en évidence une dizaine de missiles prêts à être tirés sur Israël.
Ailleurs dans la capitale iranienne, d'autres panneaux célèbrent l'opération du 13 avril menée contre Israël, avertissant que « la prochaine gifle sera plus violente », tandis que Kayhan, l'un des quotidiens parmi les plus radicaux du pays, titrait au début de la semaine en une que « L'Iran a ouvert les portes de l'enfer sur Israël ».
Depuis le week-end dernier, toute la machine de propagande du régime iranien est mise en action à la fois pour démontrer sa puissance de frappe militaire et le soutien que cette opération obtiendrait de la part de la population.
De l'ancien président modéré Khatami, déclarant que « la réponse de l'Iran au crime d'Israël a été réfléchie, courageuse, logique et légale » au journal Javan qui insiste sur le soutien populaire à l'opération, ce serait tout un pays qui serait ainsi uni contre l'ennemi historique de la république islamique.
L'intention est claire : il s'agit, pour le pouvoir en place, de souligner sa force et sa légitimité.
La peur est ressentie par une large partie de la population
La réalité semble cependant bien différente que ce que la machine de communication bien huilée du régime veut montrer.
Si des images de liesse de dizaines d'Iraniens, promues sur les réseaux sociaux le soir des frappes sur Israël, ont frappé les esprits et ont été relayées allègrement dans les médias occidentaux, d'autres, finalement plus marquantes, ont mis en évidence la peur ressentie par une large partie de la population, à l'image des files de voitures devant les stations d'essence de Téhéran, dans la nuit du 13 au 14 avril.
La population iranienne reste, en effet, soumise à des conditions de vie rendant son quotidien difficile, pénible, épuisant. L'inflation ne parvient guère, depuis de nombreux mois, à descendre sous les 40 %. Les craintes d'un conflit désormais ouvert avec Israël font encore plus rejaillir l'angoisse d'un effondrement social et économique dont une large partie de la population, qui vit désormais sous le seuil de pauvreté, en serait la première victime.
Dans les jours qui ont suivi l'opération militaire, d'autres voix ont aussi essayé de se faire entendre afin de dénoncer l'opération menée par le pouvoir en place. Les craintes d'une partie de la population se portent en effet sur l'opportunité que représente pour le régime cette nouvelle tension internationale : celle d'appuyer encore plus fort sur la logique de répression à l'intérieur du pays.
Sur les réseaux sociaux de divers groupes informels engagés dans la lutte pour les droits humains et politiques, les textes de mises en garde se succèdent, à l'image d'un court texte du sociologue Aghil Daghagheleh : « L'ombre de la guerre crée la peur et la terreur et augmente le risque et la crainte d'affronter l'appareil oppressif. »
Pour Daghagheleh, « ce qui ressort de la situation, c'est que le gouvernement veut alimenter sa machine de répression issue du conflit militaire avec Israël et que ses premières victimes ont été (et encore une fois) des femmes, des journalistes et des militants politiques ».
Sur des médias iraniens en exil, ce sont 350 militants, intellectuels et membres de la société civile iranienne qui ont signé le 16 avril une tribune collective (lire ci-contre) affichant leur refus de la guerre : « L'environnement belliciste actuel, en plus de masquer l'absence de responsabilité du système politique face aux crises majeures, favorise la répression croissante des mouvements de protestation en Iran. »
Remise en route de la machine répressive
Confirmant ces craintes, divers événements survenus depuis l'opération iranienne contre Israël ont révélé une remise en route de la machine répressive. Une nouvelle vague de répression et d'intimidation est à l'œuvre depuis plusieurs jours.
Dans diverses villes du pays, les tristement célèbres Gasht-e Ershad ou « patrouilles de moralité », considérées comme responsables de la mort de Mahsa Amini, sont de retour dans les rues. De nombreuses vidéos montrant les arrestations brutales de femmes pour le simple motif d'un voile « mal porté », parsèment les canaux Telegram des mouvements de contestations et de protestations.
La prix Nobel de la paix Narges Mohammadi, toujours emprisonnée à Evin, a réagi ce mercredi par une lettre publiée sur son compte Instagram : « La république islamique a transformé les rues en champs de bataille contre les femmes pour apaiser par la terreur et la peur, la douleur de son illégitimité et de son effondrement et pour tenter de guérir la faiblesse et le ridicule de ses prétentions sur la scène internationale par une domination brutale et odieuse à l'intérieur. »
Dans d'autres espaces, l'intensification de l'appareil sécuritaire se fait également sentir. Ce retour de la répression à l'égard des femmes n'est cependant pas le seul outil de répression réactivé.
Diverses informations de groupes de droits humains rapportent que, « ces derniers jours, suite à l'abus par le gouvernement de la situation incendiaire qui règne dans la région, un certain nombre de condamnés non politiques ont été exécutés, en silence, dans diverses prisons du pays ».
Loin d'être uni derrière un sentiment nationaliste soutenant l'opération du régime contre Israël, l'Iran est confronté à une accélération des contraintes sécuritaires et de répression à l'égard de sa population.
L'objectif est double : profiter du moment pour renforcer la logique sécuritaire et déployer les forces de police afin d'éviter tout nouveau possible débordement contre le régime.
Cette situation ne fait pourtant que creuser encore plus les fractures et durcir les confrontations entre défenseurs du régime et population épuisée par une vie sans avenir.
Comme le rapportait le 16 avril le syndicat des retraités (non reconnu par le régime), « un sentiment d'exclusion, d'exclusion et d'humiliation a été créé dans la société, et le gouvernement ne s'en inquiète apparemment pas, car il s'est toujours appuyé sur le pouvoir de la répression […]. Cependant, le gouvernement n'a jamais été capable de fermer complètement la société pluraliste et il ne sera pas en mesure de la contrôler à l'avenir, ce qui en soi a amené le peuple à lutter, sous diverses formes, contre l'intensité de l'oppression et de la domination des politiques du gouvernement »
Jonathan Piron, historien, spécialiste de l'Iran.
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1er mai Journée internationale des travailleuses et des travailleurs

En ce 1 mai 2024, Journée internationale des travailleuses et des travailleurs, pensons à celles et ceux-et travailleuses d'Ukraine aux prises avec la guerre et des mesures privatives de droits, à celles et ceux de Palestine qui tentent de survivre à un génocide, à celles et ceux qui vivent sécheresse et famine en Afrique, à celles et ceux qui vivent sous dictature et guerre civile au Soudan, en Argentine et à celles et ceux qui partout dans le monde luttent pour leurs droits et leur liberté.
« En ce 1er mai, Journée internationale des travailleuses et travailleurs, c'est sous le thème « Uni.e.s pour nos conditions de travail et de vie » que la population est invitée à prendre la rue pour dénoncer les impacts de l'explosion du coût de la vie et de la détérioration de nos conditions de travail, de notre filet social, de nos services publics. »
À Québec, voici donc les raisons qui vont motiver les gens à manifester. Nous n'en sommes plus à la défense des acquis, mais bien aux luttes contre la très forte régression sociale actuelle ; l'heure est aux luttes offensives contre les reculs imposés au quotidien aux travailleuses et travailleurs, reculs causés par les crises et l'inflation, mécanismes habituels du fonctionnement du capitalisme .
Tenant compte du contexte politique actuel
Malgré une lutte exemplaire des employées du secteur public et certains gains obtenus, les questions de la perte du pouvoir d'achat face à l'inflation et de l'organisation du travail n'ont pas été résolues. Au contraire, le gouvernement Legault avec sa réforme Dubé centralise et resserre le contrôle sur les services en santé tout en élargissant et en favorisant le secteur privé . Quant à la lutte à l'inflation, au lieu de payer et ainsi de s'assurer une meilleure rétention du personnel, le gouvernement caquiste préfère subventionner des entreprises comme Northvolt.
Dans ce contexte d'inflation, le gouvernement Legault refuse de voir la crise du logement et préfère défendre les positions du capitalisme immobilier. Il opte pour acheter les services des hockeyeurs des King's au lieu de donner les fonds nécessaires aux groupes communautaires et aux organismes en sécurité alimentaire. La lutte à la pauvreté passe par la charité et elle devient même une affaire individuelle au lieu d'être un enjeu social.
Ce gouvernement se distingue aussi par le peu d'intérêt "qu'il porte à" la crise climatique . Il y a les subventions aux entreprises. Il choisit de subventionner des entreprises pour le développement de batteries au lieu de privilégier le soutien au transport collectif gratuit, seule solution à une baisse réelle de la pollution. Il y a le délestage vers le secteur privé de l'énergie éolienne au lieu d'en faire un axe de développement d'Hydro Québec. C'est la volonté de construire des barrages sur des terres qui ne nous appartiennent pas. C'est aussi en détruisant des milieux humides ou des espèces en voie d'extinction qu'il néglige l'importance de la biodiversité.
Autre caractéristiques des politiques caquistes, l'invisibilisation de la moitié de l'humanité en refusant de reconnaître le travail des femmes dans le prendre soin entre autre en santé malgré les mots d'anges gardiens (expression par ailleurs pas féminisée) en ne les rémunérant pas à leur juste valeur. Prétextant le coût des « portes » dans la construction des maisons d'hébergement pour femmes victimes de violence, il refuse de prendre les mesures concrètes nécessaires pour sauver les femmes de féminicides suite à une rupture. Et enfin en ne subventionnant pas tout le secteur communautaire à la hauteur des demandes qui lui sont adressées, il ne reconnaît pas le travail de prévention et de soutien social que ces groupes font dans ce secteur majoritairement occupé par des femmes.
Finalement, suggérer que les migrant.e.s sont à la source de la très grave crise du logement et des difficultés à fournir à la population des services publics de qualité, c'est une attitude qui induit au racisme et ne va contribuer d'aucune manière à construire un Québec inclusif et indépendant.
Luttons pour nos droits
Ce gouvernement donne son soutien indéfectible. aux mesures capitalistes et patriarcales au mépris des citoyens et citoyennes qui n'ont pas voté pour toutes ces politiques d'enrichissement d'une minorité, qui n'ont pas voté pour la destruction de l'environnement ni pour une augmentation du mépris et des violences envers femmes .
Il nous reste donc de bonnes raisons de continuer la lutte en 2024 en solidarité avec les travailleuses et les travailleurs du monde entier mais aussi pour défendre nos revendications et construire un projet de société qui nous rassemble et qui remet en question toutes les mesures antisociales, cis-patriarcales et d'injustice sociale. Le partage de la richesse doit faire partie de ce projet de société.
Participons nombreuses et nombreux aux manifestations du 1er mai et aux autres activités organisées pour souligner cette journée. Exigeons que les changements que nous revendiquons depuis longtemps soient enfin mis en œuvre.
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Hydrogène « vert » de TES Canada, la Grande imposture

TES Canada (liée à Power Corporation) veut implanter en Mauricie un énorme projet de 4G$ de production d'hydrogène, accompagnée d'un parc de 800 MW (140 éoliennes) et de 200 MW de panneaux solaires. S'ajoute un bloc de 150 MW d'électricité d'Hydro-Québec que Fitzgibbon leur a réservé alors qu'il nous casse les oreilles avec son lave-vaisselle et la pénurie appréhendée d'électricité. L'hydrogène produit serait ensuite majoritairement transformé en gaz réformé et ensuite vendu à Énergir.
Ce projet est présenté comme un projet de décarbonation pour la transition énergétique alors que c'est tout le contraire. C'est plutôt une vaste opération de relations publiques qui relève de la Grande imposture et qui cache des dessous aux odeurs de privatisation.
De l'hydrogène « vert », un gaspillage énergétique et économique
Selon les experts Whitmore et Martin, les pertes associées aux conversions de l'électricité en hydrogène, ensuite en gaz réformé et finalement en chaleur industrielle sont énormes, de l'ordre de 70%. Il serait beaucoup plus efficace d'utiliser l'électricité directement pour la production de chaleur industrielle. De son côté, le professeur Bruno Detuncq a évalué que le gaz réformé de TES Canada pourrait chauffer 40 000 maisons comparativement à 666 000 maisons, soit 16 fois plus, si la même quantité d'électricité était utilisée directement avec une thermopompe. Le projet de TES Canada représente un gaspillage immoral de notre précieuse énergie.
Toujours selon les estimés des experts Whitmore et Martin, le coût du gaz réformé serait jusqu'à 12 fois plus cher que le gaz standard. La rentabilité n'est clairement pas au rendez-vous. Ce serait un vrai gaspillage économique que de remplacé du gaz standard par du gaz réformé. Les vraies solutions de décarbonation se trouvent du côté de l'électrification directe et de la géothermie en éliminant le gaz.
Privatisation d'Hydro-Québec par la porte d'en arrière
Ce qui est en train de se passer, ce n'est pas la privatisation des actifs actuels d'Hydro-Québec mais bien la privatisation des nouvelles capacités de production électrique avec les parcs éoliens privés comme celui TES Canada qui serait le plus gros du Québec.
S'ajoute à cela l'autoconsommation, qui, avant TES Canada, était une exception pour Alcan et une papetière datant de la nationalisation de l'électricité. Un privilège consenti à l'époque en retour d'un pacte social qui n'a d'ailleurs pas été respecté.
Comme si ce n'était pas assez, il y a également la volonté, non avouée, de TES Canada de vendre de l'électricité à ses voisins. Actuellement ce n'est pas permis par la loi mais qu'à cela ne tienne, leur bon ami Fitzgibbon va déposer un projet de loi dans les prochains jours qui lèvera l'interdit pour le plus grand bonheur de TES Canada.
Le pouvoir citoyen est très fort sur le terrain en Mauricie. Nous nous devons de les appuyer dans leur volonté de préserver leur territoire et le modèle québécois de monopole d'électricité qui a fait le succès énergétique, économique, environnemental et social du Québec.
Martine Ouellet
Cheffe de Climat Québec
Ancienne ministre des Ressources naturelles
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Départ d’Istanbul d’une flottille de bateaux humanitaires pour Gaza... avec 4 Québécois à leurs bords !

L'article de Pierre Mouterde présente la mission de la Flottile de la liberté pour Gaza. Nous entreprenons, à partir du 22 avril, une série d'entretiens avec Jean-Pierre Roy Valdebenito, infirmier de Québec, membre de la délégation québécoise de la Flottille de la liberté de Gaza. Ces entretiens seront menés par Martin Gallié, membre du comité de rédaction de Presse-toi à gauche !
Pour des informations complémentaires
Pour le Québec
Le groupe international
Entretien du 22 avril 2024 avec Jean-Pierre Roy Valdebenito, infirmier de Québec, membre de la délégation québécoise de la Flottille de la liberté de Gaza.
C'était le 26 janvier 2024 : suite à une plainte de l'Afrique du sud, la Cour internationale de justice, la plus haute juridiction de l'ONU, demandait que soit appliquée la convention pour la prévention du crime de génocide dans la bande de Gaza.
Il existait donc un risque de génocide à Gaza, appréhendé par une des institutions internationales les plus sérieuses qui soient.
Pourtant depuis cette date, aucun geste de prévention digne de ce nom n'a été posé par l'État d'Israël. Tout au contraire ! Gaza s'est transformé en un champ de ruines et continue à être bombardé quotidiennement. Le nombre de morts —près de 33 000, la grande majorité étant des femmes et des enfants— ne cessent de croître au jour le jour, et les quelques deux millions de personnes déplacées et massées dans des camps de fortune à Rafah, se trouvent toujours visées par le projet annoncé par le premier ministre Netanyahou d'une attaque terrestre de l'armée d'Israël. Quant aux rares organisations humanitaires oeuvrant encore sur le terrain, elles ne cessent de rappeler les conditions absolument inhumaines infligées au peuple palestinien de Gaza, tout comme les risques de famines et d'épidémies grandissants, alors que systématiquement est entravée, retardée, interdite même par l'armée israélienne, l'entrée d'une aide humanitaire pourtant si ... vitale.
Pendant ce temps là, les grandes puissances occidentales —celles-là mêmes qui, dans les forums internationaux, se font un honneur de défendre le droit à l'auto-détermination des peuples (comme en Ukraine)— jouent de duplicité et tergiversent, fermant hypocritement les yeux sur le drame qui se joue pourtant sous leur yeux. Apparemment tout occupées à empêcher qu'un conflit plus grave dégénère entre Israël et l'Iran.
C'est dans ce contexte passablement délétère que l'initiative internationale et citoyenne d'organiser depuis Istanbul une flottille de bateaux humanitaires à destination de Gaza afin d'y apporter de l'aide, prend un sens particulier. Cette flottille de la liberté pour Gaza est composée de 3 bateaux chargés de près 5 500 tonnes de matériel humanitaire (médicaments, matériel médical, anesthésiants, vivres, etc.). Et c'est plus de 280 volontaires et activistes provenant de 34 pays, dont quatre Québécois (Nima Machouf (épidémiologiste), Jean-Pierre Roy Valdebenito (infirmier), Gligor Delev (urgentologue) et Rifah Audeh (documentariste)) qui ont décidé de monter à bord.
Avec les moyens dont ils disposent, ils tentent de faire face à ce sentiment d'impuissance que tant d'entre nous ont pu vivre ces derniers mois. Ils tentent aussi de répondre au besoin de justice et d'humanité que, par-delà la peur ou l'effroi, on ne peut que ressentir en prenant conscience des drames humains qui ne cessent de se multiplier au sein de la population civile de Gaza. Et surtout ils essayent de rappeler à nos gouvernements —du Québec comme du Canada— les devoirs politiques et éthiques qui leur reviennent : ceux de faire respecter les accords internationaux et règles du droit qui permettent aux individus et aux peuples d'échapper aux malheurs de la guerre et de l'arbitraire absolu ; tout comme d'assurer la sécurité de citoyens et citoyennes qui, en participant à une telle flottille, nous rappellent ce qu'il en est de notre humanité commune.
Après tout le Canada n'a-t-il pas participé tout récemment à une coalition internationale pour protéger la sécurité de bateaux marchands en mer Rouge ? On ne peut que souhaiter qu'il fasse de même pour cette flottille de la liberté, et qu'un vaste mouvement de solidarité se lève au Québec dans le sillage de cette courageuse mission humanitaire.
Pierre Mouterde
Sociologue et essayiste
le 22 avril 2024

Départ d’Istanbul d’une flottille de bateaux humanitaires pour Gaza... avec 4 Québécois à leurs bords !

L'article de Pierre Mouterde présente la mission de la Flottile de la liberté pour Gaza. Nous entreprenons, à partir du 22 avril, une série d'entretiens avec Jean-Pierre Roy Valdebenito, infirmier de Québec, membre de la délégation québécoise de la Flottille de la liberté de Gaza. Ces entretiens seront menés par Martin Gallié, membre du comité de rédaction de Presse-toi à gauche !
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Pour le Québec
Le groupe international
Entretien du 22 avril 2024 avec Jean-Pierre Roy Valdebenito, infirmier de Québec, membre de la délégation québécoise de la Flottille de la liberté de Gaza.
C'était le 26 janvier 2024 : suite à une plainte de l'Afrique du sud, la Cour internationale de justice, la plus haute juridiction de l'ONU, demandait que soit appliquée la convention pour la prévention du crime de génocide dans la bande de Gaza.
Il existait donc un risque de génocide à Gaza, appréhendé par une des institutions internationales les plus sérieuses qui soient.
Pourtant depuis cette date, aucun geste de prévention digne de ce nom n'a été posé par l'État d'Israël. Tout au contraire ! Gaza s'est transformé en un champ de ruines et continue à être bombardé quotidiennement. Le nombre de morts —près de 33 000, la grande majorité étant des femmes et des enfants— ne cessent de croître au jour le jour, et les quelques deux millions de personnes déplacées et massées dans des camps de fortune à Rafah, se trouvent toujours visées par le projet annoncé par le premier ministre Netanyahou d'une attaque terrestre de l'armée d'Israël. Quant aux rares organisations humanitaires oeuvrant encore sur le terrain, elles ne cessent de rappeler les conditions absolument inhumaines infligées au peuple palestinien de Gaza, tout comme les risques de famines et d'épidémies grandissants, alors que systématiquement est entravée, retardée, interdite même par l'armée israélienne, l'entrée d'une aide humanitaire pourtant si ... vitale.
Pendant ce temps là, les grandes puissances occidentales —celles-là mêmes qui, dans les forums internationaux, se font un honneur de défendre le droit à l'auto-détermination des peuples (comme en Ukraine)— jouent de duplicité et tergiversent, fermant hypocritement les yeux sur le drame qui se joue pourtant sous leur yeux. Apparemment tout occupées à empêcher qu'un conflit plus grave dégénère entre Israël et l'Iran.
C'est dans ce contexte passablement délétère que l'initiative internationale et citoyenne d'organiser depuis Istanbul une flottille de bateaux humanitaires à destination de Gaza afin d'y apporter de l'aide, prend un sens particulier. Cette flottille de la liberté pour Gaza est composée de 3 bateaux chargés de près 5 500 tonnes de matériel humanitaire (médicaments, matériel médical, anesthésiants, vivres, etc.). Et c'est plus de 280 volontaires et activistes provenant de 34 pays, dont quatre Québécois (Nima Machouf (épidémiologiste), Jean-Pierre Roy Valdebenito (infirmier), Gligor Delev (urgentologue) et Rifah Audeh (documentariste)) qui ont décidé de monter à bord.
Avec les moyens dont ils disposent, ils tentent de faire face à ce sentiment d'impuissance que tant d'entre nous ont pu vivre ces derniers mois. Ils tentent aussi de répondre au besoin de justice et d'humanité que, par-delà la peur ou l'effroi, on ne peut que ressentir en prenant conscience des drames humains qui ne cessent de se multiplier au sein de la population civile de Gaza. Et surtout ils essayent de rappeler à nos gouvernements —du Québec comme du Canada— les devoirs politiques et éthiques qui leur reviennent : ceux de faire respecter les accords internationaux et règles du droit qui permettent aux individus et aux peuples d'échapper aux malheurs de la guerre et de l'arbitraire absolu ; tout comme d'assurer la sécurité de citoyens et citoyennes qui, en participant à une telle flottille, nous rappellent ce qu'il en est de notre humanité commune.
Après tout le Canada n'a-t-il pas participé tout récemment à une coalition internationale pour protéger la sécurité de bateaux marchands en mer Rouge ? On ne peut que souhaiter qu'il fasse de même pour cette flottille de la liberté, et qu'un vaste mouvement de solidarité se lève au Québec dans le sillage de cette courageuse mission humanitaire.
Pierre Mouterde
Sociologue et essayiste
le 22 avril 2024

La prochaine attaque israélienne contre l’Iran

Il ne fait aucun doute qu'Israël répondra au lancement par l'Iran de trois cent vingt drones, missiles de croisière et missiles balistiques sur son territoire par une attaque majeure contre l'Iran, et ce pour plusieurs raisons. (Traduit de l'arabe.)
Tiré du blogue de l'auteur.
La première est que l'État sioniste a délibérément intensifié son attaque contre la « République islamique », en bombardant le consulat iranien adjacent à l'ambassade iranienne à Damas. Le monde entier a vu dans cette attaque, à juste titre, une dangereuse escalade de la guerre de basse intensité qu'Israël mène depuis quelques années contre l'Iran, surtout depuis que ce dernier a commencé à étendre son propre réseau militaire sur le territoire de la Syrie dans le contexte de la guerre qui y a éclaté il y a plus de dix ans. Israël se rend sans doute compte qu'il ne peut pas poursuivre ses attaques contre des cibles iraniennes, et encore moins les intensifier, sans que Téhéran ne soit contraint de réagir.
Le fait est que le leader de « l'axe de la résistance », comme l'Iran aime se décrire, a été très embarrassé ces dernières années par son incapacité à traduire ses menaces répétées en actions à la hauteur de ses paroles. Le coup le plus dangereux qu'il a subi avant l'attaque de son consulat a été l'assassinat par les forces américaines du commandant de la force Qods du Corps des Gardiens de la Révolution islamique, Qassem Soleimani, au tout début de l'année 2020 près de l'aéroport de Bagdad. La réponse iranienne fut terne : elle consista à lancer douze missiles sur les forces américaines depuis la base aérienne d'Ain al-Asad dans le gouvernorat irakien d'Anbar, après avoir averti de l'attaque de sorte qu'aucun soldat américain ne fut blessé (hormis les victimes de commotions cérébrales). Donald Trump a ainsi pu se passer de riposte, car il était évident que l'assassinat de Soleimani était plus grave que la réaction iranienne, ce qui était clairement le résultat attendu par Téhéran.
Tout indique que l'intention de l'Iran lors de sa récente attaque contre l'État sioniste était similaire : se sauver la face en ripostant, mais en limitant l'efficacité de la réponse afin qu'elle ne conduise pas à une contre-attaque. Ainsi, l'Iran a lancé 170 drones et 30 missiles de croisière depuis son territoire, soit sur une distance de 1 500 kilomètres, sachant qu'il faudrait quelques heures à ces engins pour franchir cette distance, de sorte qu'Israël pouvait se préparer à leur arrivée en en abattant un grand nombre avant même qu'ils n'entrent dans son espace aérien, d'autant qu'il bénéficie de l'aide d'alliés, États-Unis en tête. Téhéran affirme même avoir informé Washington du moment de l'attaque, ce que Washington nie, ses sources affirmant qu'ils ont eu connaissance du moment de l'attaque à l'avance grâce aux renseignements (il n'est pas clair s'il s'agit des renseignements américains ou israéliens).
Quoi qu'il en soit, le résultat est qu'aucun des engins cités n'a explosé sur le territoire de l'État sioniste. Pire encore, sur les 120 missiles balistiques lancés par Téhéran, seuls quatre ont touché Israël ! Ainsi, l'État sioniste a pu se targuer d'avoir abattu « 99 % » de ce que l'Iran avait lancé contre lui. S'il est vrai que l'intention de l'Iran était d'atténuer dans une certaine mesure l'effet de son attaque, l'ampleur de l'échec a certainement dépassé ce que Téhéran attendait, de sorte que l'effet dissuasif de l'attaque a finalement été très limité, voire contre-productif en encourageant Israël à aller de l'avant et intensifier la confrontation. En frappant le territoire de l'État sioniste, l'Iran est ainsi tombé dans un piège tendu par celui-ci en lui permettant de lancer une contre-attaque ouverte sur le sol iranien. Si Téhéran s'était contenté d'une réponse proportionnée à l'attaque de son consulat, en attaquant par exemple une ambassade israélienne à Bahreïn ou aux Émirats arabes unis, sa réponse aurait paru légitime et n'aurait pas donné à Israël un droit à l'escalade aux yeux du monde.
Ce n'est un secret pour personne qu'Israël prépare depuis des années une frappe sur le territoire iranien, visant à détruire les installations nucléaires de son ennemi juré. Cette frappe est devenue très urgente aux yeux d'Israël, car Téhéran a considérablement intensifié son enrichissement d'uranium depuis que Trump a répudié en 2018 l'accord nucléaire conclu avec l'Iran par son prédécesseur Barack Obama en 2015. On estime aujourd'hui que Téhéran possède désormais suffisamment d'uranium enrichi avec l'Iran, ainsi que les capacités technologiques, pour fabriquer pas moins de trois bombes nucléaires en quelques jours. Cela place Israël dans un état d'alerte élevé, car la perte de son monopole régional de l'armement nucléaire constituerait un grave revers stratégique. Pire encore, cela attiserait ses craintes d'anéantissement en tant que pays de petite surface, confronté à des ennemis qui souhaitent sa destruction, et dont l'idéologie repose sur une exploitation intensive de la mémoire du génocide nazi des Juifs d'Europe. Cela renforce l'hypothèse selon laquelle l'attaque contre le consulat était une provocation délibérée dans le cadre d'une escalade visant à créer une opportunité pour l'État sioniste de frapper à l'intérieur du territoire iranien, en particulier contre le potentiel nucléaire iranien.
Seule la position américaine pose problème, car Israël ne peut pas risquer une confrontation totale avec son ennemi iranien sans la garantie de protection fournie par son parrain américain. Israël a la capacité de frapper l'Iran en profondeur, en utilisant ses avions « furtifs » F-35, qui échappent à la détection radar. Il possède près de 40 de ces avions, qui peuvent parcourir à pleine charge plus de 2 200 kilomètres, et une distance plus longue après avoir largué leur charge à mi-chemin. Cependant, ils auraient probablement besoin d'un ravitaillement en vol au retour d'une frappe en Iran. Cela nécessite l'aide des États-Unis, ou l'autorisation d'utiliser l'espace aérien d'un des alliés arabes de l'État sioniste situés géographiquement entre lui et l'Iran, puisque le processus de ravitaillement ne peut échapper à la surveillance.
La couverture américaine reste nécessaire pour Israël dans tous les cas, et elle pourrait sembler indisponible vu que Washington a mis en garde à plusieurs reprises contre une escalade israélienne qui pourrait déclencher une guerre dans l'ensemble du Moyen-Orient. La crainte des États-Unis n'est certainement pas motivée par un souci de paix, mais est plutôt la crainte de voir une fermeture du détroit d'Ormuz et une forte hausse des prix du pétrole conduire à une nouvelle crise de l'économie mondiale. Pour cette même raison, Washington n'est pas disposé à intensifier les sanctions contre l'Iran au point d'imposer une interdiction totale de ses exportations de pétrole. Mais d'un autre côté, Washington partage l'inquiétude d'Israël quant à la possibilité que l'Iran acquière des armes nucléaires, et les administrations successives à la Maison Blanche ont répété que cette question constituait, à leurs yeux, une ligne rouge qui nécessiterait leur intervention.
Il est donc possible de douter de la sincérité des appels à la retenue de Joe Biden, sachant qu'il est allé plus loin que son prédécesseur Trump en soutenant l'État sioniste jusqu'à participer pleinement à la guerre génocidaire que ce dernier a menée et mène encore contre Gaza. Biden a appelé à la patience et à la désescalade tout en confirmant en revanche que les États-Unis, même s'ils ne participeront pas à une frappe israélienne sur le territoire iranien, resteront déterminés à protéger leur allié régional, ce qui est exactement ce dont ce dernier a besoin afin de lancer son attaque. Israël est conscient que l'administration américaine ne peut pas prendre le risque de participer à une attaque dont l'issue est incertaine et dont l'échec pourrait se répercuter sur elle et entraîner la défaite de Joe Biden aux élections présidentielles à l'automne prochain. La conclusion de tout ce qui précède est que la logique stratégique incite Téhéran à accélérer son acquisition de l'arme nucléaire et à le faire savoir une fois que ce sera fait, car c'est le moyen de dissuasion le plus efficace que l'Iran puisse acquérir.
Gilbert Achcar
• Traduction de ma tribune hebdomadaire dans le quotidien de langue arabe, Al-Quds al-Arabi, basé à Londres. Cet article est paru le 16 avril en ligne et dans le numéro imprimé du 17 avril. Vous pouvez librement le reproduire en indiquant la source avec le lien correspondant.
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20e anniversaire de la loi anti-foulard de 2004 : le bilan honteux d’une manipulation de la laïcité

Laurent Lévy revient sur les conditions dans lesquelles a été adoptée la loi du 15 mars 2004, prétendant interdire les signes religieux « ostensibles » à l'école mais tournée en réalité contre les musulmans, en particulier ici les jeunes femmes musulmanes. Il en fait le bilan 20 ans après, montrant qu'il s'agissait là de la première étape d'une entreprise de manipulation de la laïcité, visant à en faire un instrument de l'offensive islamophobe.
Il est intéressant de lire l'article ci-dessous, à la lumière de la déclaration de Gabri3l Attal lors de son intervention à l'Assemblée nationale du Québec.« Je sais que la laïcité est la condition pour bien vivre ensemble. Et je sais que les Québécoises et les Québécois, que leurs représentants, sont attachés à la laïcité. ». Cette déclaration a reçu une ovation des députés de tous es partis. Lorsque l'on sait l'importance de l'islamophobie en France, il y a de quoi développer notre sens critique. (NDLR - PTAG)
18 avril 2024 | tiré de contretemps.eu
https://www.contretemps.eu/anniversaire-loi-15-mars-2004-manipulation-laicite/
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Les parlementaires débordaient d'enthousiasme lorsqu'ils ont adopté à une très large majorité (494 voix pour, 36 contre et 31 abstentions) la loi anti-foulard promulguée le 15 mars 2004. Ils auraient sans doute été incrédules si on leur avait dit que le vingtième anniversaire de cette loi, qu'ils voyaient comme une œuvre magistrale et un marqueur de l'affirmation républicaine comparable dans son importance à la grande loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l'État, ne donnerait lieu à aucune célébration officielle.
La raison de cette absence de célébration est pourtant sans doute assez simple : il aurait fallu faire le bilan de cette loi, au regard de ses objectifs affichés ; et ce bilan n'est guère reluisant. Ouvrant la discussion au Parlement, le premier ministre de l'époque n'hésitait pas à évoquer « ce texte qui symbolise notre confiance dans la République et notre volonté nationale de vivre ensemble ». Il était question d'apaiser les relations scolaires et de donner une solution au prétendu problème du « foulard à l'école ». La seule chose que l'on puisse dire à cet égard est qu'en effet, par l'application de la loi, les « foulards islamiques » ont pratiquement disparu de l'espace scolaire. Il s'agissait également de mettre un coup d'arrêt aux progrès de la visibilité de l'islam dans la société française, et en particulier de faire reculer le port du foulard en France : il est difficile de prétendre que ce soit sur ce point une réussite.
On ne reviendra pas ici sur l'ensemble des arguments qui ont pu être avancés en son temps à l'appui de cette loi, qu'il s'agisse de la mobilisation instrumentalisée du féminisme, de l'idée que la France devait se protéger du danger mortel que lui ferait courir un islamisme conquérant, ou de la nécessité de lutter contre le « communautarisme » et de protéger le « vivre ensemble » en obligeant certaines lycéennes à vivre séparément, de la nécessaire protection de l'École de tout prosélytisme et de l'affirmation de son statut de lieu « d'ouverture à l'universel » . Aucun ne résistait l'examen[1] à l'époque, ils sont encore plus fragiles avec le recul.
Il est toutefois nécessaire de revenir sur un point de cette argumentation, à la fois pour son intérêt propre et pour la manière dont il a illustré un mécanisme fondamental de la grande manipulation idéologique qui s'est alors jouée : la mobilisation du thème de la laïcité, par laquelle ont été recouverts l'ensemble des enjeux de cette loi ; thème qui a maquillé, occulté et rendu invisible pour beaucoup son caractère fondamentalement raciste. Si d'autres thèmes de l'offensive alors lancée ont pu se développer par la suite – ainsi la prétendue lutte contre le « communautarisme » qui a redessiné en un sens réactionnaire le thème de « la République » jusqu'à l'adoption de la loi « séparatisme » de Gérald Darmanin – c'est sur celui de la laïcité que s'est accomplie la principale défaite des idées progressistes.
On a pu parler à ce propos de révolution conservatrice dans la laïcité[2]. La conception séculaire de la laïcité en France, selon laquelle l'État et les Églises devaient être indépendantes et la République ne reconnaître aucun culte, était en effet subvertie pour y inclure l'idée que la laïcité imposait des obligations de neutralité aux bénéficiaires du service public et non seulement à ses agents, à rebours à la fois des lois instituant l'école publique laïque et obligatoire dans les années 1880, et de la loi de 1905 elle-même.
Ce principe de laïcité, initialement vivement contesté par les courants cléricaux et par la droite, était au fil du temps devenu une norme largement partagée, même si ce fut non sans résistances et soubresauts. Pour la gauche, il s'agissait d'un principe presque identitaire, au-dessus de toute contestation : un acquis définitif et pour certains central de sa culture. Devenue indiscutable, la laïcité n'était plus discutée, et donc plus pensée. Aucune élaboration notable ne lui était consacrée. Elle était en somme totémisée. Les évidences, par définition, sont des choses sur lesquelles on n'argumente pas ; mais elles peuvent servir d'outils à l'argumentation, même une fois enfouis leurs fondements jusqu'à en être oubliés dans les méandres de la mémoire collective.
C'est ainsi par une démarche idéologique somme toute efficace que la laïcité a été brandie lorsqu'il s'est agi de trouver une solution au « problème » du foulard à l'école, à travers son interdiction. On aurait pu d'abord expliquer en quoi il s'agissait d'un « problème » ? Objectivement en effet, d'un strict point de vue pédagogique, le seul problème posé par le fait que des lycéennes se présentaient en cours avec la tête recouverte d'un foulard était le refus de certains enseignants de les voir porter cette tenue. Identifier comme tel ce problème aurait à l'évidence conduit à des solutions différentes.
Mais le fait qu'il s'agisse d'un « problème » n'étant pas questionné, invoquer même à tort une atteinte au principe de laïcité était une arme redoutable. Si le port du foulard par des lycéennes était une atteinte à la laïcité, l'admettre devenait impensable et son bannissement semblait relever de l'évidence : il n'était plus besoin d'interroger son refus de la part d'une fraction du corps enseignant et de la société, ce refus allait de soi. Les voix dénonçant une réaction raciste devenaient vite inaudibles : comment une simple conséquence d'un principe largement admis pourrait-elle être raciste ? Comment prétendre que la laïcité elle-même pouvait être considérée comme telle ? Si un historien et sociologue pourtant reconnu de la laïcité comme Jean Baubérot, qu'on avait même fait entrer dans la Commission Stasi[3], contestait qu'elle ait pour conséquence logique cette interdiction du foulard à l'école, lui-même ne pouvait être entendu[4] : il fut le seul de ses membres à refuser de voter le rapport de cette commission. Ainsi se mettait en place ce qu'il a qualifié de « nouvelle laïcité ».
Notons que si la loi avait été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée comme relative « à l'application du principe de laïcité dans les écoles, collèges et lycées publics », ce qui dans un pays où l'école publique était laïque depuis environ 120 ans peut sembler étrange, l'intitulé de la loi elle-même visait seulement le port de « signes religieux » dans l'enceinte des établissements ; et la discussion parlementaire n'en évoquait aucun autre que le fameux foulard. C'est en fin de discussion que le mot « laïcité » y a été ajouté sur un amendement proposé par un député socialiste. Le rapporteur (UMP) de la loi, Pascal Clément, notant alors que sans « référence à la laïcité, on fait une loi uniquement répressive, sans aucune noblesse républicaine », comme si le titre de la loi pouvait modifier le caractère de ses dispositions.
Au cours des débats un autre député avait insisté, en vain, pour que l'interdiction soit mise en rapport avec un trouble à l'ordre public, seul de nature disait-il à justifier la répression. Que le principe de laïcité ne soit qu'un prétexte à l'interdiction du foulard à l'école était tangible dans les débats parlementaires, et aucune intervention n'a même esquissé un simple rappel du contenu de ce principe. De fait, le Conseil d'État avait, à plusieurs reprises déjà, affirmé que le port par des élèves du « foulard islamique » ne s'y opposait pas. Au demeurant, la laïcité étant déjà un principe légal et constitutionnel, c'est bien parce qu'elle ne permettait pas en elle-même la prohibition du foulard qu'une loi devait être votée pour la permettre.
Les conséquences directes de cette loi sont suffisamment lourdes pour que l'on comprenne que son anniversaire n'ait pas donné lieu à célébrations : au-delà du chiffre officiel de 45 exclusions d'élèves, on peut estimer à 400 environ le total des déscolarisations qui s'en sont immédiatement suivies. Des jeunes filles préféraient en effet éviter l'ordalie des conseils de discipline et abandonner elles-mêmes. La loi prévoyait bien une « phase de discussion » avant toute exclusion, mais c'était par hypothèse une discussion à sens unique, dont l'issue était de par la loi écrite à l'avance. Aucune marge de négociation n'existait. Celles qui ont affronté cette épreuve en ont rapporté des témoignages poignants[5] ; et celles qui se sont soumises ont vécu douloureusement cette humiliation, au point souvent d'abandonner elles aussi leur scolarité.
Interrogé en 2003 sur son opposition à l'exclusion des lycéennes musulmanes voilées, le regretté Mouloud Aounit, alors secrétaire général du MRAP, avait déclaré : « Je ne veux pas être le fourrier des écoles confessionnelles. » De fait, une autre conséquence de la loi aura été le développement de tout un réseau de telles écoles privées musulmanes hors-contrat, à la scolarité coûteuse et de qualité inégale. La prétendue « lutte contre le communautarisme » aura ainsi eu ce résultat qui n'est qu'en apparence paradoxal et qui souligne la logique d'exclusion – la logique proprement séparatiste – de cette loi.
On pourrait en outre évoquer les effets de la lecture faite de cette loi au sein même de l'institution scolaire : lecture généralement hâtive ou faussée, souvent partielle, parfois improbable, mais parfois simplement littérale, ce qui la faisait aller bien au-delà de ce qu'était l'intention réelle du législateur, comme c'est souvent le cas des lois mal pensées et mal écrites. On a par exemple cherché à l'appliquer aux étudiantes ou aux mères d'élèves dans le cadre des activités périscolaires, bien que la loi ne vise expressément que les élèves du primaire et du secondaire : cela a été le cas pour les accompagnatrices de sorties scolaires.
On a aussi, au-delà du foulard, et sans même parler des quelques garçons sikhs exclus pour port de turban, progressivement visé les tenues amples, les robes longues, les bandanas en une véritable police du vêtement. Le dernier avatar de cette pratique devenue courante est la croisade lancée par Gabriel Attal, alors ministre de l'Éducation nationale, contre les « abayas », exotisant d'un mot jusqu'alors inconnu du grand public les robes longues et larges que portaient certaines jeunes filles qui, en dehors du lycée, portaient par ailleurs le foulard[6].
Mais au-delà de ces conséquences plus ou moins directes de la loi elle-même, c'est l'ensemble du débat public – on devrait dire du non-débat prenant la forme d'une doxa imposée – ayant accompagné son adoption qui a eu sur la société des effets telluriques. Par glissements successifs, l'assertion absolument fausse suivant laquelle le port par des lycéennes musulmanes d'un foulard heurtait le principe de laïcité en est venue à signifier, avec la même force d'évidence fantasmatique, une autre affirmation. Et cette affirmation, perversion suprême, a été assénée sous la forme d'une question que personne n'aurait songé à se poser, mais dont l'insistance exigeait qu'on lui apporte une réponse – et une réponse négative : « L'islam est-il compatible avec la République ? » Puisqu'il était devenu légalement évident que le foulard à l'école était contraire à la laïcité, pouvait-il y être conforme en d'autres lieux ? Bien sûr que non ! Des voix se sont levées pour demander son interdiction dans tout l'espace public. Comme cela n'allait pas de soi, le gouvernement a pu transiger en interdisant le « voile intégral », effet vestimentaire tout à fait marginal, que sa simple interdiction faisait passer pour un danger menaçant la République elle-même. Comme pour le foulard à l'école, on légiférait pour donner une « solution » à un « problème » imaginaire. De même que montrer ses cheveux était une condition de l'enseignement scolaire, montrer son visage devenait une condition de la fréquentation des rues. Et à chacune de ces campagnes, on multiplie les amalgames sur des mots angoissants. On crée un continuum islam-islamisme-fondamentalisme-salafisme-djihadisme : chaque abaya peut cacher une kalachnikov. Chaque foulard est une bombe en puissance, comme dans un dessin célèbre, le turban de Mahomet. C'est open-bar pour l'islamophobie.
À l'abri de l'évidence ainsi construite, le racisme islamophobe qui se trouvait au principe de la loi du 15 mars 2004 pouvait se déployer librement. Le mot « laïcité » se chargeait de l'ensemble des connotations du contexte dans lequel il avait été mobilisé et transformé, jusqu'à signifier bien souvent « principe selon lequel l'islam ne peut être toléré que s'il est invisible ». Cette signification, parfois prise en charge comme forme contemporaine du vieil anticléricalisme, lié à une méconnaissance profonde des spécificités de l'islam – entre autres le fait que, justement, il ne connaît pas de clergé[7] – devenait ainsi soit le paravent, soit l'excuse d'un renouvellement des formes dominantes du racisme. On assistait à la naissance d'un racisme respectable[8]. Cette laïcité dévoyée était ainsi pain béni pour le Front National, devenant malgré les quolibets des un-e-s et la stupéfaction des autres un des grands chantres de « la laïcité », qui était l'un des éléments de sa « dédiabolisation ».
C'est depuis l'adoption de la loi que la France a connu diverses manifestations djihadistes, une série d'attentats, le départ de centaines de jeunes gens pour combattre en Syrie avec l'EI, un certain nombre de meurtres ou autres agressions directement liées à ce qui s'est joué alors : ce sont à bien des égards autant de révélateurs, mais aussi d'accélérateurs des effets pervers d'une loi par laquelle on a expliqué le plus clairement du monde à toute une population qu'elle n'est pas ici chez elle, qu'elle trouble par sa simple existence la tranquillité républicaine.
Le dernier épisode en date des effets délétères de la loi anti-foulard s'est déroulé à Paris, au lycée Ravel : une étudiante en BTS, musulmane voilée qui enlève son foulard lorsqu'elle entre dans l'établissement pour aller y suivre ses cours, commet la maladresse de le sortir de son sac pour le remettre juste avant de franchir la grille du lycée. Le proviseur, connu pour sa volonté d'appliquer cette loi au pied de la lettre et avec la plus grande rigueur – comme le lui demande sa hiérarchie – se précipite sur elle pour l'en empêcher. Une bousculade s'ensuit dont témoignent des élèves qui jugent ce chef d'établissement islamophobe. La jeune fille va se plaindre au commissariat d'avoir reçu un coup à cette occasion, mais l'affaire est vite classée sans suite. Mais le fait ayant été rendu public, des menaces sont adressées au proviseur par des auteurs anonymes – et même si l'on ignore tout de leur sérieux, des précédents dramatiques obligent à prendre toutes les mesures pour le protéger, et il préfère anticiper sa retraite prochaine en démissionnant. Si l'on a raison de condamner ces menaces et de manifester sur ce point de la solidarité à ce chef d'établissement, il est clair que l'incident que leurs auteurs ont pris comme prétexte est un simple effet de la loi du 15 mars 2004 – et de son imbécillité. Ce n'est pas la laïcité que ce chef d'établissement a entendu faire respecter : c'est une loi qui n'a rien à voir avec ce principe constitutionnel, mais a eu pour effet d'en défigurer le sens.
Il est regrettable qu'aucune force politique significative ne demande l'abrogation de cette loi néfaste[9] – et que la plupart la considèrent même comme un acquis, intégré dans l'ordre républicain, et fixant une norme raisonnable. Il s'agirait pourtant là d'un combat tout à fait nécessaire de nature à rebattre les cartes, en imposant le débat qui n'a pas eu lieu il y a vingt ans. En somme, ce serait une manière utile de lutter contre l'exclusion et le séparatisme républicain ; d'affirmer, après ces années de confusion et de stigmatisation que oui, les populations concernées sont bien ici chez elles.
Notes
[1] Pour une étude d'ensemble, voir l'ouvrage remarquablement informé de l'historienne féministe étatsunienne Joan Scott, La politique du voile, Amsterdam, 2017, traduction Joëlle Marelli. Le livre est initialement paru en 2007, The Politics of the Veil, Princeton University Press. Voir également à propos des débats à gauche sur cette question, Laurent Lévy, « La gauche », les Noirs et les Arabes, La Fabrique, 2010.
[2] Voir Pierre Tévanian, « Une révolution conservatrice dans la laïcité », lmsi.
[3] Commission de réflexion « sur l'application du principe de laïcité dans la République » mise en place en juillet 2003 par Jacques Chirac et présidée par Bernard Stasi, alors Médiateur de la République ; son rapport sera rendu en décembre de la même année, et sera à l'origine de la loi du 15 mars 2004.
[4] Voir entre autres Jean Baubérot, L'intégrisme républicain contre la laïcité, éditions de l'Aube, 2006, La laïcité falsifiée, Paris, La Découverte, coll. « Cahiers libres », 2012, rééd. poche avec une postface, 2014. Voir également, du même auteur : « La nouvelle laïcité atrophie les libertés individuelles », Saphir News, 3 février 2012.
[5] Voir en particulier Ismahane Chouder, Malika Latrèche et Pierre Tévanian, Les filles voilées parlent, La Fabrique, 2008.
[6] Voir Laurent Lévy, Sur une nouvelle offensive islamophobe : l'affaire de l'« abaya », Contretemps, 4 septembre 2023., et Fanny Gallot, Interdiction des abayas à l'école : Une fois de plus les musulmanes stigmatisées, 14 septembre 2023, Ecole Emancipée, https://ecoleemancipee.org/interdiction-des-abayas-a-lecole/,
[7] En tous cas dans l'islam sunnite. L'islam chiite n'existe en France que de façon marginale.
[8] Voir Saïd Bouamama, L'affaire du foulard islamique : la production d'un racisme respectable, éditions Le Geai Bleu, 2004, préface de Pierre Tévanian.
[9] A noter que le NPA et Révolution Permanente ont inscrit cette abrogation à leur programme.
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