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Flottille de la liberté vers Gaza : Signez la pétition

30 avril 2024, par Comité de soutien à la Flottille pour Gaza- Québec — , , ,
Aidez-nous à faire entendre au Canada le message des Québécois-es de la Flottille de la liberté vers Gaza ! La semaine dernière cinq citoyen-es canadien-nes, dont quatre du (…)

Aidez-nous à faire entendre au Canada le message des Québécois-es de la Flottille de la liberté vers Gaza ! La semaine dernière cinq citoyen-es canadien-nes, dont quatre du Québec, se sont rendu.es à Istanbul pour prendre part à la mission humanitaire Flottille pour la liberté pour Gaza.

Avant son départ, la délégation québécoise a demandé au gouvernement canadien d'assurer la protection de la mission humanitaire et de mettre en branle tous les recours diplomatiques à leur portée pour que la flottille puisse livrer les 5500 tonnes d'aide directement aux Palestinien-nes de Gaza.

Pour le moment, la ministre Joly n'a pris aucun engagement clair pour garantir la protection des participant-es et mettre toutes les pressions possibles sur Israël et ses alliés pour assurer le départ des navires en toute sécurité.

À la veille de leur départ, et en tant que représentant-es de la société civile, nous nous devons de continuer la mobilisation jusqu'à ce que toutes les demandes de la Flottille soient clairement entendues. La ministre doit cette fois-ci répondre à toutes celles et ceux qui sont dans les rues depuis 6 mois pour le droit des Palestiniennes et Palestiniens à la liberté et à l'égalité.

Nous faisons appel à vous pour signer et diffuser dans vos réseaux la lettre adressée à Madame Mélanie Joly ci-après : https://forms.gle/EqF6x3LYWAPMpbzv7

Vive la Palestine !

Solidairement,
Le comité de soutien à la Flottille pour Gaza- Québec

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Oui, la ministre des Transports et de la Mobilité durable est responsable des transports collectifs

30 avril 2024, par Collectif — , ,
Plusieurs organisations œuvrant en environnement et en mobilité durable jugent inacceptables et irresponsables les propos tenus hier par la ministre des Transports et de la (…)

Plusieurs organisations œuvrant en environnement et en mobilité durable jugent inacceptables et irresponsables les propos tenus hier par la ministre des Transports et de la Mobilité durable, Madame Geneviève Guilbault. Oui, le financement du transport collectif est une mission de l'État, même si les règles de financement favorisent les déplacements routiers depuis des décennies. Il est grand temps que l'ensemble des partenaires s'assoient et conviennent de solutions en prenant leurs responsabilités. Il y a urgence d'agir.

Dans les pays modernes où la mobilité durable est un succès, les gouvernements nationaux jouent un rôle majeur, aux côtés des administrations municipales et régionales. Chacun des paliers y contribue en raison des bénéfices considérables qu'apportent les transports collectifs à l'ensemble des collectivités et des usagers des réseaux routiers. Le gouvernement Legault semblait l'avoir bien compris à travers la Politique de mobilité durable (qui vise une augmentation de l'offre de services de 5% chaque année), le chantier sur le financement lancé en 2019 et la volonté de lancer des grands projets structurants. Cependant, depuis quelques mois, il semble avoir perdu sa boussole dans le dossier.

« L'objectif sur lequel devrait s'entendre l'ensemble des paliers de gouvernement est qu'une reprise de la croissance de l'offre est nécessaire, partout au Québec. Aucune entente qui maintiendrait les transports collectifs dans un état de stagnation ne serait acceptable à nos yeux, et c'est de leur responsabilité à tous et toutes de trouver les moyens financiers pour y parvenir, y compris bien sûr le gouvernement du Québec », déclarent les représentants de Trajectoire Québec, Équiterre, du Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec (RNCREQ), du CRE-Montréal, de la Fondation David Suzuki, d'Accès Transport viables, de MOBI-O, de l'Association québécoise des médecins pour l'environnement, de Vivre en Ville, de Piétons Québec et de Vélo Québec.

« Pensons à Québec, à Sherbrooke, à Trois-Rivières, à la Gaspésie, au Bas-St–Laurent, à Gatineau pour ne prendre que ceux-là : le transport collectif, c'est important partout ! Les membres du gouvernement doivent cesser de tenir des propos divisifs entre le Grand Montréal et le reste du Québec. Les décideurs ne gagnent rien à se renvoyer la balle. Il doivent mettre en place des solutions pour réussir le virage vers la mobilité durable », ajoutent les représentants de l'ensemble des organisations.

Liste des signataires de ce communiqué

Charles Bonhomme, responsable affaires publiques et communications, Fondation David Suzuki
Marie-Soleil Gagné, directrice générale, Accès transports viables
Anne-Catherine Pilon, analyste en mobilité durable, Équiterre
Emmanuel Rondia, directeur général, Conseil régional de l'environnement de Montréal
Sarah V. Doyon, directrice générale de Trajectoire Québec
Christian Savard, directeur général, Vivre en Ville
Jean-François Rheault, Président-directeur général, Vélo Québec
Patrick Robert-Meunier, directeur général de MOBI-O
Martin Vaillancourt, directeur général du Regroupement des conseils régionaux de l'environnement du Québec
Samuel Pagé-Plouffe, coordonnateur, Alliance TRANSIT
Florence Juncas-Adenot, professeure, UQAM
Patricia Clermont, l'Association québécoise des médecins pour l'environnement (AQME)
Sandrine Cabana-Degani, directrice générale, Piétons Québec

La gestion des fougères

30 avril 2024, par Jacques Benoit — , ,
La réaction de la ministre de la Mobilité durable, Geneviève Guilbault, à propos des déficits des sociétés de transports collectifs n'est pas sans laisser songeur. Jacques (…)

La réaction de la ministre de la Mobilité durable, Geneviève Guilbault, à propos des déficits des sociétés de transports collectifs n'est pas sans laisser songeur.

Jacques Benoit
Membre de GMob (GroupMobiblisation)

Alors que le superministre Fitzgibbon ne cesse de répéter que ses grands projets de batteries vont aider à décarboner le Québec, la ministre Guilbault, elle, vient ajouter que la mobilité durable sera celle du char individuel !

Face aux déficits des transports collectifs municipaux, elle répond que « chacun doit s'occuper de sa fougère », ce qui ne peut que nous rappeler comment son gouvernement s'est occupé des « fougères » du terrain de Northvolt, en évitant un BAPE à la multinationale suédoise, et qu'en agissant ainsi, Northvolt détruira des milieux naturels de « haute valeur écologique », selon les dires des experts mêmes du gouvernement. Suivant Les Versants, un journal local, « lors des visites sur le terrain, deux espèces floristiques à statut précaire ont été observées, du caryer ovale et du chêne bicolore. » Peut-être y a-t-il aussi quelques fougères…

Si la ministre croit que son gouvernement n'a pas assez d'argent pour financer le transport en commun, peut-être devrait-elle dire à son collègue Fitzgibbon de ne pas privatiser l'électricité au Québec. La hausse des coûts d'électricité et la perte de revenus que cela occasionnera à Hydro-Québec vont engendrer une baisse dans les redevances versées au gouvernement, ce qui ne pourra servir à décarboner les transports en les rendant encore plus collectifs.

Décidément, en plein réchauffement climatique qui ne cesse de s'aggraver, ce gouvernement s'acharne irresponsablement dans la même mauvaise direction, suivant en cela son dernier slogan électoral : « Continuons ! »

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Maîtres chez nous ! Vraiment ?

30 avril 2024, par Gérard Montpetit — , ,
Dans la chasse aux énergies renouvelables qui sont essentielles pour faire face aux changements climatiques, des promoteurs privés se lancent à l'assaut des profits qu'on peut (…)

Dans la chasse aux énergies renouvelables qui sont essentielles pour faire face aux changements climatiques, des promoteurs privés se lancent à l'assaut des profits qu'on peut tirer de la rente éolienne.

Des dizaines de compagnies privées font, en catimini et sans concertation, des offres alléchantes aux agriculteurs pour les meilleurs sites éoliens situés à proximité des lignes de transmission d'Hydro Québec.[1] C'est à savoir qui aurait la plus belle part du gâteau. Mais pourquoi laisser à des acteurs privés les profits générés par le vent qui pourraient être versés à la société d'état et servir au financement des municipalités et à l'ensemble de la société québécoise ?

Un avenir énergétique, ça devrait se développer de façon concertée et intelligente, pas dans ce joyeux bordel où chaque compagnie essaie de damer le pion à son compétiteur ! À Saint-Hugues, mon collègue me dit que la compagnie Innergex lui a offert près de 40 000,00$ afin d'obtenir l'autorisation d'implanter une éolienne sur sa ferme.[2] C'est intéressant pour le portefeuille, mais est-ce dans l'intérêt de la société en général ??? À la période de questions de l'assemblée de la MRC des Maskoutains du 10 avril, le maire de Saint-Pie-de-Bagot a admis publiquement avoir été personnellement approché et incité à signer un contrat semblable. L'ironie, c'est qu'au moment de la rencontre, le représentant de la compagnie ignorait que cet agriculteur était également le maire de la municipalité. Peut-on trouver un meilleur exemple d'un développement désordonné où les promoteurs privés se foutent éperdument aussi bien des autorités locales que de la population ?

Cette frénésie éolienne soulève certaines questions fondamentales. La première, c'est la protection de nos terres agricoles. Au Québec, nous avons seulement 2% de bonnes terres agricoles. Depuis 1978, la Commission de protection du territoire agricole (CPTAQ) tente d'éviter l'étalement urbain sur notre garde-manger. Si l'on parsemait nos champs d'éoliennes, de lignes de transmission et de routes d'accès, nos terres agricoles deviendraient trouées comme du fromage de Gruyère. Pour préserver notre capacité à nous nourrir tout au long du 21e siècle, pourquoi ne pas placer ces éoliennes sur les 98% restants de notre territoire impropres à l'agriculture intensive ?

Lorsque Hydro-Québec a lancé son appel d'offres en mars 2023, il semble que la notion des meilleurs endroits pour capter le vent n'a pas été le critère de base. Notre société d'État a plutôt opté pour des projets situés « à des endroits stratégiques de son réseau dans le sud du Québec, où les infrastructures de transport sont en mesure d'absorber la puissance supplémentaire. »[3] Par contre, près de la Baie James, il y a « un territoire qui recèle quelques-unes des zones les plus venteuses de tout le Québec ». Voilà quelques années, la communauté crie a songé à développer ce potentiel éolien car, selon eux, cette filière perturberait leur environnement beaucoup moins qu'un nouveau barrage sur des rivières comme la Rupert.[4] Et le tout serait à proximité des lignes de transmission d'Hydro-Québec.

Dans le même ordre d'idée, la suggestion de M. Louis-Gilles Francoeur de bâtir les parcs éoliens autour des réservoirs hydrauliques d'Hydro-Québec (tels Baskatong, Manicouagan, La Grande, etc) tombe sous le gros bon sens. Dans Le Devoir du 26 février 2024, il écrivait : « Lorsque notre première société d'État a construit ses grands réservoirs, elle a créé non pas une, mais deux sources d'énergie. Si le Québec exploite fort bien la puissance de la force hydraulique, notre première société d'État a jusqu'ici complètement ignoré le fait que les grandes surfaces d'eau de ses réservoirs sont d'exceptionnels puits d'énergie éolienne ». [5] Cette solution serait une optimisation des ressources hydrauliques ET éoliennes. N'oublions pas qu'Hydro-Québec est déjà propriétaire de ces réservoirs dans des régions peu habitées, que les lignes de transmission sont déjà en place pour transporter l'électricité vers les grands centres et que de telles éoliennes n'empièteraient pas sur nos maigres ressources en bonnes terres agricoles ![6]

L'attribution de ces contrats de production d'électricité ne se fait pas au profit des Québécois, ni des municipalités locales,[7] mais à celui d'intérêts privés ou étrangers. Pour tenter de justifier cette gifle au « Maîtres chez nous », la société Enerfin[8], propriétaire du parc Les Éoliennes de l'Érable, entame une poursuite-bâillon[9] d'un million de dollars contre deux citoyens de Saint-Ferdinand.[10] Quand on est « né pour un p'tit pain »….

Gérard Montpetit
le 22 avril 2024

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1] https://www.journaldemontreal.com/2024/04/06/projet-deoliennes-de-tes-canada-on-est-en-train-de-vendre-le-quebec-a-de-grandes-entreprises

2] https://www.rvhq.ca/replique-opinions/demande-dun-bape-sur-limplantation-doliennes-en-territoire-agricole

3] https://www.ledevoir.com/societe/789577/le-royaume-du-vent ?

4] https://www.ledevoir.com/politique/quebec/66544/les-cris-songent-a-developper-eux-memes-l-eolien ?

5] https://www.ledevoir.com/opinion/idees/807901/idees-developper-production-hybride-reservoirs-hydroquebecois ?

6] https://ici.radio-canada.ca/tele/la-semaine-verte/site/episodes/812062/episode-du-samedi-07-octobre-2023

7] https://www.ledevoir.com/opinion/idees/810989/mettons-terme-depossession-bien-eolien-commun ?

8] https://www.enerfinrenewables.com

9] https://www.985fm.ca/audio/620649/deux-citoyens-vises-par-une-reclamation-d-un-million-de-dollars

10] https://www.lanouvelle.net/infolettre/eoliennes-de-lerable-reclame-pres-dun-million-a-deux-citoyens/

Éoliennes de L’Érable réclame près d’un million $ à deux citoyens

30 avril 2024, par lanouvelle.net — , ,
Le promoteur d'un parc éolien réclame près d'un million $ à deux citoyens. Intimidation financière ou bâillon ? Un tribunal devra trancher ! Tiré de lanouvelle.net Après (…)

Le promoteur d'un parc éolien réclame près d'un million $ à deux citoyens. Intimidation financière ou bâillon ? Un tribunal devra trancher !

Tiré de lanouvelle.net

Après un jugement en 2020 rejetant leurs demandes en action collective contre le promoteur Éoliennes de L'Érable s.e.c. pour troubles de voisinage lors de la construction et l'exploitation du parc éolien dans la MRC de L'Érable, deux résidents de ce parc éolien (demandeurs) ont récemment eu la surprise de se voir réclamer par les avocats du promoteur, la somme de près d'un million $ en frais de justice.

En premier lieu, il s'agit d'une somme record qui est réclamée à de simples citoyens dans le cadre d'une action collective. Aussi, de façon surprenante, cette somme est principalement composée de frais d'expertises qui n'ont jamais été dénoncés au procès par la défenderesse, soit par choix, soit par négligence.

Les demandeurs, Jean Rivard et Yvon Bourque, estiment aussi que la démarche du promoteur est abusive. À titre d'illustration, non seulement le promoteur réclame les frais de deux experts dont les rapports n'ont pas été produits, qui n'ont pas témoigné et dont le statut d'experts n'a pas été reconnu, mais il se permet sans gêne d'exiger tous les frais et honoraires de la firme SNC (plus de 500 000 $) alors même que les suivis sonores et de plaintes de résidents étaient exigés à la défenderesse par le décret gouvernemental, ce qu'elle a d'ailleurs reconnu dans sa défense. Une situation inusitée vu l'ampleur des sommes en jeu.

Aux yeux des demandeurs et de Claude Charron du Comité des riverains du projet éolien de L'Érable, la tactique du promoteur est claire. Protéger le modèle d'affaire de l'industrie éolienne en décourageant les citoyens qui voudraient contester devant les tribunaux l'arrivée des futurs parcs éoliens qui sont appelés à être implantés par des firmes privées dans des territoires habités.

Les demandeurs ont répliqué le 17 avril dernier par le dépôt d'une procédure en rejet de l'état des frais de justice jumelée à une déclaration d'abus. La procédure sera entendue par un juge de la Cour supérieure au Palais de justice de Victoriaville au cours des prochains mois.

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La marche pour mettre fin à l’ère du plastique, menée par les peuples autochtones et les leaders des communautés touchées, montre comment le plastique empoisonne les gens tout au long de son cycle de vie

30 avril 2024, par Laura Bergamo — , ,
Les membres de Break Free From Plastic et leurs allié.e.s réclament pacifiquement une approche du traité sur le plastique fondée sur les droits de la personne, à l'approche de (…)

Les membres de Break Free From Plastic et leurs allié.e.s réclament pacifiquement une approche du traité sur le plastique fondée sur les droits de la personne, à l'approche de la 4e session de négociation

21 avril 2024 | tiré de Greenpeace Canada

Ottawa, Canada | Territoire traditionnel et non cédé du peuple algonquin Anishinaabeg — Aujourd'hui, des centaines de leaders de communautés touchées et d'expert.e.s du monde entier se sont rassemblé.e.s dans les rues d'Ottawa avant la quatrième session du Comité intergouvernemental de négociation (CIN-4) pour faire avancer un traité sur le plastique, marquant ainsi un moment décisif pour le traité mondial sur le plastique.

Des leaders autochtones, des groupes communautaires de première ligne, des militant.e.s pour le climat, des jeunes leaders, des professionnel.le.s de la santé, des ramasseur.euse.s de déchets, des défenseur.e.s de l'environnement, des scientifiques et des allié.e.s de la société civile venu.e.s de tous les continents se sont rassemblé.e.s et ont marché de la Colline du Parlement au Shaw Center pour délivrer un message unifié : la pollution engendrée par l'ensemble du cycle de vie du plastique menace la vie humaine et nos droits fondamentaux à la santé et à l'environnement, et contribue de manière significative à la crise climatique — en particulier pour les communautés racialisées, autochtones, de première ligne et défavorisées, notamment dans les pays du Sud.

En marchant ensemble pacifiquement dans les rues d'Ottawa avant les négociations, les membres du mouvement Break Free From Plastic et leurs allié.e.s veulent rappeler aux négociateur.rice.s leurs obligations de protéger les droits de la personne, la santé humaine, l'environnement et le climat. Le processus de négociation du traité vise à établir un instrument juridiquement contraignant pour débarrasser le monde de la pollution plastique sur l'ensemble du cycle de vie, y compris une réduction drastique de la production de polymères plastiques primaires. La mobilisation de masse à Ottawa est le moyen pour la population de faire savoir aux négociateur.rice.s que nous n'attendrons pas silencieusement en marge pendant que les entreprises pétrochimiques travaillent avec les gouvernements des pays producteurs de combustibles fossiles pour échanger les communautés contre des « zones de sacrifice » une fois de plus.

L'ensemble du cycle de vie du plastique se fait au détriment de la santé publique et des droits de la personne, la production de plastique jouant un rôle important dans l'aggravation de la crise climatique. Le mandat de négociation du traité convenu en mars 2022 lors de l'Assemblée des Nations unies pour l'environnement (ANUE) a constitué une avancée décisive. Il est maintenant temps pour les gouvernements de choisir le type d'impact que ces négociations auront sur notre avenir commun.

« Nous sommes ici pour exiger des délégué.e.s qu'ils.elles négocient un traité qui tienne les promesses de la résolution 5/14 de l'ANUE, c'est-à-dire des mesures qui portent sur l'ensemble du cycle de vie du plastique, en commençant par la production de plastique et donc, de polymères. Les délégué.e.s doivent agir comme si nos vies en dépendaient, car c'est le cas », a déclaré Daniela Duran Gonzalez, chargée de campagne juridique au Centre pour le droit international de l'environnement. « Nos objectifs climatiques, la protection de la santé humaine, la jouissance des droits de la personne et les droits des générations futures dépendent tous de la capacité du futur traité sur le plastique à contrôler et à réduire les polymères afin de mettre un terme à la crise de la pollution plastique. »

Les groupes de la société civile ont dressé une liste de demandes clés (en anglais) à l'intention des délégué.e.s de la conférence INC-4 en mettant l'accent sur une approche fondée sur les droits de la personne pour la négociation du traité sur le plastique, notamment en centrant les connaissances, les voix et les expériences des personnes vivant en première ligne de la crise, des peuples autochtones, des travailleur.euse.s, des jeunes et d'autres groupes détenteurs de droits.

Ces demandes visent à garantir que le traité contienne des dispositions permettant de faire face à la crise tout au long du cycle de vie du plastique, en reconnaissant que le cycle de vie commence avec l'extraction des matières premières et couvre la production de plastique et et de leurs précurseurs. Le soutien aux systèmes de réutilisation non toxiques est la principale solution défendue par les groupes de la société civile, y compris ceux qui vivent à la périphérie de l'industrie et qui subissent les pires impacts de la crise, ainsi qu'une réglementation stricte sur le commerce des déchets plastiques afin de mettre fin au colonialisme des déchets.

« Les enfants et les jeunes comme moi sont ceux qui souffrent le plus de la pollution plastique, et nous sommes reconnu.e.s comme un groupe vulnérable », a déclaré Aeshnina ‘Nina' Azzahra, fondatrice de River Warrior Indonesia. « Nous voulons tous que notre environnement soit exempt de plastique, mais s'il vous plaît, ne mettez pas votre fardeau sur l'autre côté du monde. Ce n'est PAS juste. En tant qu'adultes qui viennent à Ottawa pour négocier le traité sur le plastique, vous devez protéger nos droits à vivre dans un environnement sain et sûr. »

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Contacts médias :

– Brett Nadrich (É-U & Canada) : brett@breakfreefromplastic.org | +1 929 269 4480
– Caro Gonzalez (Global) : caro@no-burn.org | +1 646 991 1013


CIN-4 : Greenpeace réagit au manque d'ambition du ministre Guilbeault lors des négociations sur le traité mondial sur le plastique à Ottawa

Laura Bergamo

OTTAWA – En réaction au ministre Steven Guilbeault qui a déclarédurant la quatrième séance du Comité intergouvernemental de négociation (CIN-4) qu' « un plafond sur la production de plastique pourrait être trop compliqué », Patrick Bonin, responsable de la campagne climat-énergie, a déclaré :

« Alors que nous avons besoin d'un leadership fort de la part du Canada, nous observons le ministre Guilbeault girouetter publiquement quant à la position du Canada en matière de réduction de la production de plastique. Remettre en question la validité d'un plafond sur la production de plastique est en décalage avec la Coalition de la haute ambition dont le Canada fait partie, avec ce que la population et les scientifiquesdemandent, ainsi qu'avec ses propres engagements à protéger la biodiversité et à limiter le réchauffement planétaire à 1,5C. En tant que pays hôte de cette session de négociations pour un traité mondial sur le plastique, le Canada doit soutenir des mesures ambitieuses, et non pas les saper comme il le fait actuellement. »

Notes aux éditeur·rices :

Hier, Greenpeace Canada a augmenté la pression sur les délégations de l'ONU, en livrant une « Usine mondiale de plastique » aux portes du Centre Shaw, où se déroulent les discussions sur un traité mondial sur les plastiques. Une activiste pacifique de Greenpeace a été arrêtée alors qu'elle dénonçait l'inaction des gouvernements mondiaux et la nécessité d'un Traité plastiques fort qui adresse le cycle de vie complet du plastique et permet de réduire la production de plastique.

(...)

La note d'information de Greenpeace Canada sur le CIN-4 est disponible ici.


À propos de Break Free From Plastic – #breakfreefromplastic est un mouvement mondial qui envisage un avenir sans pollution plastique. Depuis son lancement en 2016, plus de 2 000 organisations et 11 000 sympathisant.e.s individuel.le.s du monde entier ont rejoint le mouvement pour exiger des réductions massives des plastiques à usage unique et pousser pour des solutions durables à la crise de la pollution plastique. Les organisations et les individus membres du BFFP partagent les valeurs de la protection de l'environnement et de la justice sociale et travaillent ensemble dans le cadre d'une approche holistique afin d'apporter un changement systémique. Cela signifie qu'il faut s'attaquer à la pollution plastique tout au long de la chaîne de valeur du plastique – de l'extraction à l'élimination – en se concentrant sur la prévention plutôt que sur la guérison, et en fournissant des solutions efficaces. www.breakfreefromplastic.org

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Un 737 peut en cacher un autre

30 avril 2024, par Coalition Halte-Air Saint-Hubert — , ,
Longueuil, 26 avril 2024.- Aujourd'hui, la demande de sursis de CHRONO Aviation pour ses vols de nuit à l'aéroport Saint-Hubert vient d'être rejetée par la cour fédérale . (…)

Longueuil, 26 avril 2024.- Aujourd'hui, la demande de sursis de CHRONO Aviation pour ses vols de nuit à l'aéroport Saint-Hubert vient d'être rejetée par la cour fédérale . Cependant, cela pourrait n'être qu'une demi-victoire pour tous les riverain.e.s, qui se battent depuis des années pour faire reconnaître les préjudices subis et reconnus par le juge qui reproche à CHRONO de ne pas avoir cherché « diverses solutions de rechange, par exemple la modification des horaires de vol, l'utilisation d'appareils moins bruyants pour une partie du trajet… » Pour la Coalition Halte-Air St-Hubert, cela signifie que des vols juste avant 23h ou avec un autre appareil, par exemple, pourraient se poursuivre.

Même si la question économique a primé dans sa décision, le juge écrit : "l'intérêt du public à la réduction du bruit occasionné par les activités de l'aéroport favorise le rejet de la demande de sursis". Le juge reconnaît aussi que Saint-Hubert est "un aéroport enclavé dans un milieu urbain" et qu'il est « entouré de quartiers résidentiels ».

Ainsi donc, oui, les citoyen.ne.s existent !

Le juge fait même remarquer que « l'Association du transport aérien du Canada […] exprime sa surprise devant « l'utilisation de nuit d'un aéronef dont l'empreinte sonore très élevée est bien connue ». Pour la Coalition, cela montre bien que cet aéroport, sous la direction de l'équipe de Charles Vaillancourt qui avait signé un bail avec CHRONO Aviation, ne pouvait ignorer la gêne pour la population avoisinante des ultra-bruyants Boeing 737-200. C'est donc par manque de courage et laxisme que les gestionnaires et les responsables politiques ont permis pendant 5 ans cette pollution sonore. Il était plus que temps que cela s'arrête !

De plus, presque au même moment où cette décision est rendue, on apprend que CHRONO vient d'acquérir des 737-800 pour faire des vols de Saint-Hubert vers Iqaluit (YFB) qui a une piste asphaltée, ce qui laisserait au 737-200 la liaison entre Iqaluit et la piste en gravier de l'aérodrome de la mine Mary River, YMV. Ainsi donc, depuis des années, CHRONO Aviation avait la possibilité de se passer du 737-200 sur Saint-Hubert !

Pour la Coalition, cela signifie également que les vols nocturnes pourraient se poursuivre avec les « nouveaux » 737-800. Or, bien que légèrement moins bruyant (voir graphique à la fin), le 737-800 est un avion qui va bientôt fêter les 30 ans de son vol inaugural. On est loin des "aéronefs les plus écoresponsables et les plus silencieux sur le marché" comme le prétendent certains qui disent que l'aéroport de Saint-Hubert (YHU) va "révolutionner le modèle aéroportuaire". Pour la Coalition, les gestionnaires actuels de l'aéroport devraient méditer ce passage du jugement où il est écrit que « répéter une affirmation ne la rend pas vraie ; la faire répéter par d'autres, non plus. »

De même, « le peu de transparence de CHRONO » également souligné par le juge n'est pas sans rappeler à la Coalition le fait que DASHL/Porter n'ont jamais déposé publiquement leur projet de développement de l'aéroport avec les études pertinentes justifiant leurs prétentions, comme l'avaient réclamé deux rapports de consultations publiques en 2022.

Le développement en cours du terminal Porter Airlines, qui va accueillir à terme 4 millions de passagers, 11 000 par jour comparé à 11 000 par année actuellement, va entraîner plus de 100 vols par jour, 6 à 8 vols par heure qui viendront s'ajouter aux nombreux vols actuels : hélicoptères, écoles de pilotage, nouveaux vols de CHRONO Aviation, etc., ce qui ne sera pas sans nuisance sonore.

Et cela se fera toujours au détriment de la population riveraine de Saint-Hubert, "un aéroport enclavé dans un milieu urbain, entouré de quartiers résidentiels".

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Urgence de construire des maisons d’hébergement pour femmes victimes de violence conjugale

30 avril 2024, par Collectif — , ,
Bonjour, Je vous écris aujourd'hui au nom de mes collègues et moi-même, étudiant.es <http://xn--tudiant-9xa.es> en Techniques de travail social au Cégep du Vieux (…)

Bonjour,

Je vous écris aujourd'hui au nom de mes collègues et moi-même, étudiant.es <http://xn--tudiant-9xa.es> en Techniques de travail social au Cégep du Vieux Montréal. Dans le cadre de notre cours Projet d'action communautaire,
nous avons décidé de réaliser une lettre ouverte (en p.j.) concernant l'arrêt de construction des maisons d'hébergement pour femmes victimes de violence conjugale. Considérant la prise de position de la Ministre Duranceau, nous considérons nécessaire de prendre parole sur les impacts d'un tel blocage sur les femmes avec lesquelles nous allons travailler plus
tard.

Ceci est un appel à l'action, j'espère que vous l'entendrez.

Madame France-Élaine Duranceau
Ministère des Affaires municipales et de l'Habitation
Édifice Loto-Québec
500, rue Sherbrooke Ouest, 9e étage
Montréal, QC. H3A 3C6
ministre@habitation.gouv.qc.ca
Montréal, le 18 avril 2024

Objet : Urgence de construire des maisons d'hébergement pour femmes victimes de violence conjugale

Madame la Ministre de l'Habitation France-Élaine Duranceau,

“À 900 000$ la porte, le coût est excessif”. Ce sont les termes que vous, Madame la Ministre de l'HabitaFon, avez employéslors d'une mêlée de presse au courant du mois de mars 2024. En d'autres mots, à 900 000$ par nouvelle maison d'hébergement construite, vous dites que nous n'avons pas les moyens de sécuriser nos proches, nos
sœurs, nos mères et leurs enfants de contextes conjugaux violents. Selon vous, les contribuables n'ont pas la capacité de payer pour ces maisons pourtant essentielles à l'intégrité physique et psychologique de milliers de femmes. En tant que futur.es technicien.nes en travail social, que leur dirons-nous lorsque nous ne pourrons répondre à leur demande d'aide ? Quelles explications les intervenant.es doivent donner aujourd'hui, afin de justifier un refus de service ? À quel point la file d'attente pour un accès en maison d'hébergement doit s'allonger, ou pire, doit-on aXendre que
les féminicides s'additionnent pour que l'on agisse enfin ? Comment expliquer ce manque d'humanité ?

Les organismes communautaires offrant des services aux personnes victimes de violence conjugale sonnent l'alarme depuis longtemps, trop longtemps. Le Ministre de la Sécurité publique démontre que 15 000 demandes d'hébergement ont dû être refusées en 2020. À force de Frer, la sonneXe va céder. Les organismes tiennent à bout
de bras ce problème social, il est temps de les soutenir dans leur travail acharné.

Depuis plusieurs années, les intervenant.es nomment l'accompagnement psychosocial comme un élément clé à la reprise de pouvoir des victimes de violence conjugale. La porte d'entrée à des ressources sécurisantes est l'enjeu numéro 1 pour les réseaux de soutien qui débordent. Nous estimons que cela engendre une perte de confiance entre
les victimes, les institutions publiques et les organismes communautaires, en plus de négliger de manière systémique des contextes de violence graves. La population compte sur vous afin de les protéger. Fragiliser ce lien de confiance, c'est prendre le risque que des personnes s'isolent dans leur détresse. Après la vague de féminicides
connue en 2020, nous sommes conscients des tragédies que cela peut engendrer.

Nous écrivons d'ailleurs ces mots seulement une semaine après le 9e féminicide de l'année, ayant enlevé la vie à Josianne Fauchée, assassinée par son ex-conjoint.

Nous tenons à vous rappeler les engagements énoncés par votre gouvernement, en 2021, à construire davantage de maisons d'hébergement pour femmes. Les projets de construcFon sont actuellement à l'arrêt, sous prétexte que les coûts sont trop élevés. Ces coûts sont néanmoins nécessaires afin d'assurer des services adaptés : durabilité
des aménagements, espaces communs et d'intervenFons, etc. À cet effet, nous nous demandons sérieusement, Madame la Ministre de l'Habitation, à quel moment peut-on considérer qu'il coûte trop cher de mettre en place des ressources nécessaires pour éviter un nouveau féminicide ?

En attente d'actions concrètes de votre part, nous vous prions d'agréer, Madame la
Ministre de l'Habitation, l'expression de nos salutations distinguées.
Samuel Bonneau
Laurence Emond
Rosalie Levac
Zolikha Remagui Temam
Jasmine Renteria-Huerta
Delphine Vermette
Étudiant.es en techniques de travail social au Cégep du Vieux-Montréal

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Les employé-es de la SAQ en grève contre la précarité d’emploi

30 avril 2024, par Confédération des syndicats nationaux (CSN), SEMB-SAQ–CSN — , ,
Québec, LE 24 AVRIL 2024 – Après plus d'un an de négociation, toujours sans entente sur les aspects normatifs de leur convention, les 5000 employé-es de la SAQ en ont assez et (…)

Québec, LE 24 AVRIL 2024 – Après plus d'un an de négociation, toujours sans entente sur les aspects normatifs de leur convention, les 5000 employé-es de la SAQ en ont assez et veulent accélérer le rythme de négociation : ils exerceront une première journée de grève aujourd'hui. À moins d'avancées significatives à la table de négociation, le débrayage pourrait se poursuivre demain

SOURCES : CSN et SEMB-SAQ–CSN

La question de la précarité d'emploi est au cœur des discussions. Le syndicat déplore que la SAQ maintienne un bassin de milliers d'employé-es à temps partiel et sur appel plutôt que de consolider l'ensemble des heures travaillées dans des postes permanents donnant notamment accès à l'assurance collective.

« C'est près de 70 % des employé-es de la SAQ qui sont à temps partiel et sur appel, qui ne savent jamais quand, ni combien d'heures, ils pourront travailler à la prochaine séquence de paye », rappelle le délégué-e du SEMB-SAQ–CSN pour Capitale-Nationale Ouest, Patrice Bourgeois. « Attendre sept années avant d'avoir accès à des assurances, ça n'a aucun bon sens en 2024, encore moins quand tu travailles pour l'État québécois. »

Pour la présidente du Conseil Central de Québec Chaudière-Appalaches, la SAQ va à contre-courant des meilleures pratiques pour attirer et retenir la main-d'œuvre. « La direction de la SAQ se plaint du fort taux de roulement de ses employé-es, mais on dirait qu'elle fait tout pour les faire fuir. Les employé-es de la SAQ ont le droit d'avoir un horaire stable, prévisible et adéquat », d'affirmer Barbara Poirier.

« La SAQ procure de grands bénéfices financiers à la société québécoise, certes. Mais il y a des limites à les faire sur le dos des travailleuses et des travailleurs », déclare Stéphanie Gratton, présidente par intérim de la Fédération des employées et employés de services publics (FEESP–CSN).

Avenir des emplois

Dans le cadre de la présente négociation, le syndicat des employé-es de la SAQ désire améliorer l'accès du personnel à la formation et augmenter le nombre de conseillers en vin et de coordonnateurs en succursale afin de renforcer le service à la clientèle.

Le personnel souhaiterait également pouvoir préparer en magasin les commandes effectuées sur Internet. À cet effet, le syndicat reproche à la direction de s'entêter à concentrer dans son centre de distribution de Montréal la préparation des commandes pour l'ensemble du Québec ; centralisation responsable des délais de livraison de cinq jours et des résultats décevants des ventes effectuées en ligne.

Par ailleurs, la partie syndicale dénonce le souhait de la direction de chercher à faciliter la fermeture de succursales de la SAQ en région afin de les remplacer par des permis privés d'agence. En plus de constituer un recul des emplois, une telle mesure viendrait miner l'offre à la clientèle en région, estiment les employé-es.

Le Syndicat des employé(e)s de magasins et de bureaux de la SAQ (SEMB-SAQ–CSN) représente les 5000 employé-es de magasins et de bureaux de la SAQ, partout au Québec. Il est affilié à la Fédération des employées et employés de services publics (FEESP–CSN), qui compte plus de 425 syndicats affiliés représentant 65 000 membres œuvrant dans le domaine des services publics et parapublics. Forte de 330 000 membres, la Confédération des syndicats nationaux (CSN) est présente dans l'ensemble des régions du Québec et ailleurs au Canada.

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Une nouvelle PCD n’améliorera pas le réseau de la santé sans amélioration des conditions de travail des professionnelles en soins

30 avril 2024, par Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) — , , ,
La Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec–FIQ lance un premier message à la nouvelle présidente et cheffe de la direction (PCD) de Santé Québec : « Nous espérons (…)

La Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec–FIQ lance un premier message à la nouvelle présidente et cheffe de la direction (PCD) de Santé Québec : « Nous espérons que Mme Geneviève Biron, la nouvelle PCD de l'agence Santé Québec, comprend le poids immense qui repose sur ses épaules, car ce n'est pas une énième réforme de la structure du réseau qui va le rendre plus efficace : le ministre peut secouer les colonnes du temple autant qu'il le veut, si les professionnelles en soins quittent pour le privé à cause des horribles conditions de travail, ça ne donnera rien » affirme Julie Bouchard, présidente de la FIQ.

Un plaidoyer pour un véritable réseau public de santé

La croissance de la place du privé en santé est une préoccupation majeure, encore plus avec l'adoption de la Loi sur l'efficacité dans le RSSS. Nous souhaitons mettre en garde la nouvelle PCD des risques associés à cette ouverture. À titre d'exemple, les conséquences désastreuses de la réforme Barrette auraient dû suffire pour allumer les lumières rouges du tableau de bord de Christian Dubé. C'est une réforme Barrette 2.0, où l'on ne touche essentiellement qu'aux structures. C'est très inquiétant, puisque cela menace l'universalité du réseau et l'affaiblit encore plus.

Comme nouvelle gestionnaire, la PCD de cette méga-agence doit se montrer à l'écoute des travailleuses du réseau dès maintenant. Elle doit aussi poser des gestes concrets pour améliorer significativement les conditions de travail au sein du réseau public afin de contrer l'exode des professionnelles en soins dans le privé. À travers tous ces changements, la FIQ s'attend à ce que la nouvelle PCD :

S'assure de l'accessibilité des soins à tous les patient-e-s sur tout le territoire ;
Impose une directive à ses gestionnaires visant à limiter le TSO à des situations urgentes et exceptionnelles ;

Donne des directives à ses gestionnaires de fournir de la stabilité et des semaines de travail prévisibles aux professionnelles en soins ;

Favorise un meilleur accès à des mesures permettant une meilleure conciliation travail-famille à travers le réseau et donne les outils nécessaires aux gestionnaires pour la mettre en place ;

Respecte les différentes réalités des régions malgré l'uniformité que sous-entend un employeur unique, car la gestion de proximité est primordiale dans le réseau de la santé ;

Respecte l'expertise des professionnelles en soins.

« Ce sont des défis de taille auxquels la nouvelle cheffe de l'agence Santé Québec devra faire face et la FIQ compte bien se tenir aux premières loges du déploiement de la réforme Dubé afin d'en dénoncer les aberrations », ajoute madame Bouchard. Rappelons que personne ne voulait de cette réforme qui nous éloigne des vraies priorités du réseau soit l'attraction du personnel, l'accessibilité et l'universalité des soins. Ce projet de loi a été adopté, sous le bâillon, in extremis en décembre dernier. Cette transformation sans précédent du réseau de la santé aura des conséquences majeures et la FIQ s'attend à ce que la nouvelle PCD respecte les conditions de travail de ses 80 000 membres. Elle devra aussi faire en sorte que le réseau de la santé public devienne un employeur de choix afin d'attirer et de retenir les professionnelles en soins du RSSS.

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Circuit électrique et Hitachi : deux nouveaux pas franchis dans la privatisation d’Hydro-Québec

30 avril 2024, par Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP-FTQ) — , ,
« Après la confirmation de l'abandon de la filière éolienne au privé et du projet de loi du ministre Fitzgibbon qui ferait éclater le monopole d'Hydro-Québec dans la (…)

« Après la confirmation de l'abandon de la filière éolienne au privé et du projet de loi du ministre Fitzgibbon qui ferait éclater le monopole d'Hydro-Québec dans la distribution d'électricité, personne n'est surpris par ces deux mauvaises nouvelles. Il est clair que, mois après mois, le gouvernement Legault passe lentement mais sûrement le rouleau compresseur sur un pan emblématique de la Révolution tranquille. C'est essentiellement pour offrir des cadeaux monumentaux à des multinationales, envers et contre les intérêts du Québec », de marteler Patrick Gloutney, président du SCFP-Québec.

« Dans le cas du Circuit électrique, on voit qu'après avoir subventionné la mise en place du réseau de bornes de recharge, le gouvernement veut le brader au privé : dépenses publiques, profits privés. Il faut s'attendre à des hausses de tarifs exorbitantes ainsi qu'à l'abandon de secteurs et régions moins peuplées du Québec. En ce qui concerne Hitachi, on va financer le privé pour qu'il vide encore un peu plus Hydro-Québec de son expertise et de sa capacité à contrôler ses coûts », d'ajouter Patrick Gloutney.

Au cours des derniers mois, les syndicats d'Hydro-Québec affiliés au SCFP ont sonné l'alarme en lançant une campagne publique sur les impacts de la privatisation d'Hydro-Québec.

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Les syndicats du Canada réclament Un travail en toute sécurité !

30 avril 2024, par Congrès du travail du Canada (CTC) — , ,
Alors que les travailleurs et travailleuses de partout au pays se préparent à souligner le Jour de deuil national le 28 avril, les syndicats du Canada demandent aux employeurs (…)

Alors que les travailleurs et travailleuses de partout au pays se préparent à souligner le Jour de deuil national le 28 avril, les syndicats du Canada demandent aux employeurs et aux gouvernements de donner la priorité à la sécurité au travail. Le thème de cette année pour « Un travail en toute sécurité ! » est un appel à l'action pour les employeurs et les gouvernements afin qu'ils assurent véritablement la sécurité du travail et des lieux de travail pour tous les travailleurs et travailleuses.

« Il y a encore trop de travailleurs qui meurent, se blessent ou deviennent malades en raison de leur travail et, chaque année, ces nombres ne diminuent pas. C'est inacceptable parce que tous les décès et toutes les blessures peuvent être évités. Les employeurs et nos gouvernements ne prennent pas de mesures suffisantes pour assurer la sécurité des travailleurs et travailleuses au travail. Les travailleurs et leurs proches ne peuvent pas se permettre d'attendre », explique Bea Bruske, présidente du CTC. « Quand vous connaissez la situation, vous devez l'améliorer. La Loi Westray est entrée en vigueur il y a vingt ans. Il est grand temps pour le Canada d'améliorer la sécurité de tous. »

Cette année marque le 20e anniversaire de la Loi Westray. À la suite de la tragédie de la mine Westray, les syndicats du Canada – dirigés par le Syndicat des Métallos – ont fait pression pour obtenir des changements afin que les employeurs puissent être condamnés pour négligence criminelle. En 2004, les articles Westray du Code criminel du Canada sont entrés en vigueur, permettant de tenir les entreprises criminellement responsables de la mort ou des blessures d'un employé au travail.

Toutefois, depuis son adoption, très peu d'accusations criminelles ont été portées en raison d'une application inadéquate et insuffisante de la loi. Les employeurs ont été condamnés à des amendes, que les grandes entreprises peuvent facilement payer. Les dirigeants politiques continuent de se plier aux intérêts du milieu des affaires en affaiblissant la législation sur la santé et la sécurité, tant au niveau provincial que fédéral.

Dans l'ensemble du Canada, en 2022 – l'année la plus récente pour laquelle des statistiques sont disponibles – il y a eu 993 décès en milieu de travail et 348 747 demandes d'indemnisation pour perte de temps acceptées par les commissions d'indemnisation des accidents du travail.

« Nous savons que ces chiffres ne représentent que la pointe de l'iceberg. De nombreuses blessures, de maladies et même de décès dus au travail ne sont pas inclus dans ces chiffres. Mais saviez-vous que vous êtes cinquante pour cent plus susceptible d'être tué en raison d'un incident sur le lieu de travail que par homicide ? Et lorsqu'une personne meurt par homicide, quelqu'un est tenu criminellement responsable. Alors pourquoi tant de travailleurs meurent-ils encore au travail alors que des employeurs potentiellement négligents poursuivent leurs activités comme si de rien n'était ? Une petite tape sur les doigts ne dissuadera pas les patrons négligents qui placent les profits avant les gens. La vie et la santé d'une personne valent plus qu'une amende insignifiante, qui n'est pas une conséquence acceptable », ajoute madame Bruske.

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Loi 21 : la FAE en appelle à la Cour suprême du Canada

30 avril 2024, par Fédération autonome de l'enseignement (FAE) — , ,
À la suite de l'arrêt de la Cour d'appel rendu en février 2024, concernant la contestation de la Loi sur la laïcité de l'État (Loi 21), la FAE a décidé d'en appeler de ce (…)

À la suite de l'arrêt de la Cour d'appel rendu en février 2024, concernant la contestation de la Loi sur la laïcité de l'État (Loi 21), la FAE a décidé d'en appeler de ce jugement. Ainsi, elle a déposé une requête pour permission d'en appeler à la Cour suprême du Canada.

La FAE a non seulement la responsabilité de défendre les droits de ses membres, à plus forte raison leurs droits fondamentaux, elle a le devoir de le faire. Il faut se méfier de la distortion qui est actuellement faite des chartes, canadienne et québécoise, et de la facilité avec laquelle les parlements suspendent nos droits fondamentaux en utilisant excessivement les clauses dérogatoires.

C'est quoi, les clauses dérogatoires ?

Les clauses dérogatoires (ou nonobstant) sont incluses dans l'une et l'autres des chartes des droits et libertés (art. 33 de la Charte canadienne et art.52 de la Charte québécoise) et permettent aux parlements, sous certaines conditions, de supplanter, de contourner ou de suspendre temporairement certains droits de l'une ou l'autre des chartes.

La FAE n'est pas contre l'utilisation des clauses dérogatoires. Elle souhaite néanmoins que leur utilisation soit balisée. Cette utilisation devrait être faite avec parcimonie et de manière exceptionnelle. Un parlement qui y recourt devrait pouvoir démontrer que son objectif est clair et urgent. Là est l'un des principaux écueils de la Loi 21.

Une situation qui dépasse le Québec... et la laïcité

Si, au départ, la FAE a entamé cette démarche pour, notamment, défendre le droit au travail de nos membres, la banalisation de l'utilisation de la clause dérogatoire par plusieurs parlements provinciaux nous donnent malheureusement raison d'être inquiets.

En effet, dans les dernières années au Canada, on a vu plusieurs cas de clauses dérogatoires utilisées sans avoir l'obligation de démontrer un objectif réel et urgent. Par exemple, le parlement ontarien a suspendu la liberté d'association en 2022, alors qu'en Saskatchewan, le parlement a invoqué la disposition de dérogation pour empêcher les enfants de moins de 16 ans de changer de prénom ou de pronom à l'école, sans le consentement de leurs parents.

Qui plus est, juste au sud de nos frontières, des états américains sont venus restreindre, voire dans certains cas interdire, le droit à l'avortement. Des personnes enseignantes risquent maintenant des mesures disciplinaires si elles affichent leur appartenance à la communauté LGBTQ2+, notamment en Floride, alors qu'on est aussi venu interdire, non seulement en Floride, mais aussi dans certains états, de parler des réalités LGBTQ2+ à l'école. Il est évident que le Québec ou le Canada ne sont pas à l'abri de tels reculs des droits fondamentaux. Il est primordial de demeurer vigilants.

Que propose la FAE ?

La FAE n'a aucunement l'intention de se substituer à la Cour suprême du Canada pour établir les balises encadrant le recours aux clauses dérogatoires. Toutefois, par l'entremise de ses procureurs, elle soumet que, pour que le recours aux clauses dérogatoires soit valide, le parlement doit démontrer que l'objectif recherché en est un qui soit réel et urgent, et qu'une ou un citoyen en fasse la demande.

Comme actrice d'évolution et de transformation sociale, la FAE peut jouer un rôle fondamental afin de faire évoluer le droit. C'est l'ensemble des citoyennes et citoyens qui seraient mieux protégés si la Cour suprême se rangeait à nos arguments.

Pourquoi la FAE se rend-t-elle à la Cour suprême du Canada dans ce dossier ?

La FAE savait depuis le début de ce processus que ce dossier pouvait se rendre en Cour suprême du Canada, puisque cette Cour est la seule, ultimement, à pouvoir modifier les règles de droit qu'elle a elle-même établies pour l'utilisation des clauses dérogatoires.

Combien de temps durera cette démarche ?

La FAE avait jusqu'au 29 avril 2024 pour déposer une requête de permission d'en appeler à la Cour suprême du Canada. Cette dernière peut prendre jusqu'à environ deux mois pour décider d'entendre la FAE.

Le cas échéant, les parties auront deux mois pour déposer leur mémoire respectif.

Par quels processus démocratiques la FAE a-t-elle décidé d'aller de l'avant dans ce dossier ? Les membres ont-ils été consultés ?

Puisque les droits des membres sont remis en question par la Loi 21, la FAE avait l'obligation de les défendre. De plus, le Congrès de 2013 s'est prononcé en faveur de la défense des droits acquis de ses membres, comme des autres travailleuses et travailleurs des secteurs public et parapublic, de porter des vêtements ou des accessoires ayant une connotation religieuse ou culturelle, à moins que ceux-ci ne contreviennent aux règles de base du professionnalisme et de sécurité qui régissent déjà l'exercice des différents métiers et professions concernés.

Enfin, à chacune des étapes, la FAE a fait état de ses démarches lors d'instances, notamment de son Conseil fédératif, qui décide des affaires de la Fédération.

La FAE est-elle contre les clauses dérogatoires ?

Non. Toutefois, les clauses dérogatoires devraient être utilisées avec parcimonie et exceptionnellement. Un parlement qui y recourt devrait pouvoir démontrer que son objectif est clair et urgent.

Que sont les clauses dérogatoires ?

Les clauses dérogatoires (ou nonobstant) sont incluses dans l'une et l'autre des chartes des droits et libertés (art. 33 de la Charte canadienne et art. 52 de la Charte québécoise) et permettent aux parlements, sous certaines conditions, de supplanter, de contourner ou de suspendre temporairement certains droits de l'une ou l'autre des chartes.

Quels critères/balises propose la FAE ?

La FAE n'a aucunement l'intention de se substituer à la Cour suprême du Canada pour établir des balises. Toutefois, par l'entremise de ses procureurs, la FAE soumet que, pour que le recours aux clauses dérogatoires soit valide, le parlement doit démontrer que l'objectif en est un qui soit réel et urgent.

Pourquoi la FAE ne se concentre-t-elle pas sur la signature de la nouvelle convention collective ?

La FAE a toujours géré plusieurs dossiers stratégiques en même temps. L'équipe de négociation de la FAE travaille à temps plein sur la rédaction des textes de la prochaine Entente nationale. La poursuite du dossier portant sur la Loi 21 n'interfère, ne nuit ou ne ralentit d'aucune façon la négociation nationale.

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L’amour de/dans la révolution. Lire Alexandra Kollontaï

30 avril 2024, par Mara Montanaro — ,
Mara Montanaro discute le dernier livre d'Olga Bronnikova et Matthieu Renault, qui vient de paraître aux éditions La Fabrique : Kollontaï. Défaire la famille. Refaire l'amour. (…)

Mara Montanaro discute le dernier livre d'Olga Bronnikova et Matthieu Renault, qui vient de paraître aux éditions La Fabrique : Kollontaï. Défaire la famille. Refaire l'amour.

Tiré de la revue Contretemps
26 avril 2024

Par Mara Montanaro

Constellations féministes marxistes révolutionnaires

Nous avons besoin de produire nos généalogies, nos constellations féministes marxistes révolutionnaires : l'objectif étant celui de transformer radicalement le présent et d'inventer un futur, ce qui revient à avoir ou à réécrire un passé dans lequel nous pouvons inscrire, nous reconnaître.

La rencontre entre le féminisme et le marxisme, loin d'être un « mariage malheureux » pour citer le célèbre article de Heidi Hartmann de 1979, est la seule critique valable de la dévastation néolibérale. Or, s'il est plus que jamais urgent d'interroger et réfléchir sur les rapports entre oppression et exploitation, et notamment sur la manière dont le système capitaliste a intégré et profondément modifié les structures patriarcales, encore si la question centrale pour les féminismes marxistes est l'invisibilisation de ce différentiel d'exploitation qui comprend toutes ces activités non reconnues ou méconnues, très mal rémunérées, stratégiquement considérées comme improductives caractérisant la grande fabrique de la reproduction sociale, (la clé du cours et du dis-cours capitaliste, condition de possibilité de toute production), seule Alexandra Kollontaï, « la plus authentique représentante du féminisme bolchevique » (p. 275) a placé l'amour, les fibres de l'amour en révolution au centre de ses préoccupations.

Défaire la famille, refaire l'amour. Tel est le sous-titre de cette magnifique biographie de la pensée d'Alexandra Kollontaï, signée Olga Bronnikova et Matthieu Renault et publiée en mars aux éditions La Fabrique. Les auteur.e.s, avec une écriture claire et raffinée qui allie une analyse des textes théorico-politiques à une étude précise du contexte historique, ont fait le choix de suivre l'itinéraire révolutionnaire de Kollontaï de la révolution de 1905 à 1923, date à laquelle elle quitte la Russie pour entamer sa carrière diplomatique.

Il s'agit de la première biographie intellectuelle de Kollontaï (1872-1952) en langue française. Une biographie passionnante qui nous invoque et nous convoque, nous éclairant sur sa vie, ses lectures, ses voyages (choisis et forcés) tout en étant rigoureuse, historiquement et philosophiquement, dans l'analyse de sa pensée et le choix des textes de l'autrice.

L'ouvrage s'ouvre avec un prologue, « A propos d'un verre d'eau », puis 7 chapitres : 1. (Pré)histoire de la famille bourgeoise, 2. Féminisme ou marxisme, marxisme et féminisme, 3. L'amour en crise, 4. Révolution dans la reproduction, 5. La voix des femmes ? 6. Érotiques communistes, 7. Bioproductivisme, conclu par un épilogue : « Communaliser la nature humaine ».

Cet ouvrage a le grand mérite non seulement de contribuer à la construction d'une constellation féministe marxiste révolutionnaire, de restituer la trajectoire révolutionnaire d'Alexandra Kollontai dans « les années rugissantes de la révolution bolchevique », mais également de souligner son « inactualité intempestive » (p. 21).

Reprendre le fil de la révolution, mais avec les yeux et les attentes de Kollontai, c'est redonner à sa figure la centralité qui lui a été refusée par ses camarades du parti bolchevique et par l'historiographie ultérieure.

Bolchevique, elle a été commissaire du peuple à l'Assistance publique dans le premier gouvernement soviétique. Encore, elle a été la première femme du gouvernement révolutionnaire présidé par Lénine. Militante révolutionnaire, dirigeante de l'Opposition ouvrière au début des années vingt, Alexandra Kollontaï a théorisé l'auto-émancipation des femmes tout comme l'auto-émancipation de la classe ouvrière toute entière. Comme l'écrivent les auteur-es :

« Il ne peut y avoir d'émancipation, à présent, de la classe ouvrière toute entière, qu'à condition que cette dernière participe étroitement, dirige même la construction des formes économiques, politiques et sociales qui rendront possible cette émancipation, laquelle ne mérite donc ce nom qu'à condition d'être une auto-émancipation » (p. 192).

Marxiste, elle était convaincue que seule la révolution socialiste pouvait créer les conditions nécessaires à la libération des femmes, mais et – cet élément a été toujours l'apport le plus radical et le plus difficile à être saisi – elle soulignait que l'indépendance économique, bien qu'indispensable, n'était pas suffisante pour assurer aux femmes leur totale émancipation qui devait nécessairement passer par une révolution aussi sexuelle et la désagrégation de la famille bourgeoise dans sa structure et superstructure, ce que les auteur-e-s, avec une formule très puissante, définissent comme un communisme des sexes.

Autrement dit, Kollontaï était consciente du fait que l'on ne peut pas considérer les rapports des sexes comme une sous-section du programme révolutionnaire, c'est-à-dire que « la lutte pour l'égalité hommes-femmes sur le plan économique et sociale et la réinvention des formes de l'amour et de la sexualité sont indissociables » (p. 20).

Révolutionner la vie quotidienne

Daniel Bensaïd, avec sa radicalité joyeusement mélancolique, l'avait parfaitement résumé dans cette phrase : « l'oppression existait avant le capitalisme. Elle ne disparaîtra pas instantanément avec lui, sans une lutte spécifique relevant d'un autre registre temporel. D'où l'autonomie nécessaire du mouvement d'émancipation des femmes » (p. 145, « Le sexe des classes », in D. Bensaid, La discordance des temps, Paris, Les éditions de la Passion, 1995).

Or, qu'y a-t-il de plus révolutionnaire pour l'auto-émancipation des femmes qu'une transformation radicale de la vie quotidienne ? Ce qui revient à souligner « la nécessité d'une connexion et d'une conjonction étroites entre révolution dans la production (les grandes choses) et révolution dans la reproduction (les petites choses), comme deux processus enchevêtrés, appelés à se renforcer mutuellement, dialectiquement … où à échouer de concert » (p.152-154).

Or, pour révolutionner la vie quotidienne il faut se confronter aux piliers (ou faire trembler ?) que sont la sexualité et la famille, car le personnel est toujours politique. Avant de poursuivre, j'aimerais aussi souligner que le grand mérite des auteur-e-s consiste dans le fait de nous restituer, non seulement, toute la complexité d'une vie féministe révolutionnaire, mais aussi de nous faire découvrir des « perspectives révolutionnaires que l'histoire a effacé, qui se sont érodées ou ont été étouffées ou refoulées avant d'avoir pu se concrétiser, et qui, certaines, mériteraient d'être réactualisées, réactivées, intempestivement » (p. 21)

J'ai donc fait le choix de me concentrer sur quelques-unes des perspectives révolutionnaires qui, à mon sens, nous permettent de saisir l'actualité de Kollontaï pour notre présent et nos luttes : ses réflexions sur les communautés agraires, sa conception de l'amour-camaraderie, une fois démantelé le carcan de la propriété (privée), la socialisation de la reproduction.

Je signale, au passage, que les auteur-e-s montrent aussi parfaitement les points aveugles ou problématiques de sa pensée, notamment sur les questions de la maternité et de la prostitution tout en tenant compte de l'historicité de ces analyses. Or, dans ces Conférences sur la libération des femmes de 1921 (trad. B. Spielman, Paris, La Brèche, 2022), Kollontai se plonge dans la situation des femmes dans le communisme primitif ainsi que dans les communautés agraires primitives et affirme « la terre et les femmes étaient les sources premières et essentielles de toute richesse ; elles créaient et perpétuaient la vie et quiconque blessait une femme blessait aussi la terre ».

En lisant cette phrase du 1921 on ne peut manquer de penser à l'idée-force du corps-territoire, concept collectif avancé par les féminismes communautaires latino-américaines. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si des féministes marxistes comme Federici, Mies et Dalla Costa ont déplacé leurs réflexions sur le rapport entre reproduction et terre. Les femmes restent les principaux agents/sujets de la reproduction humaine dans toutes les régions du monde. Le corps est une puissance dont l'histoire de sa connexion avec la terre, avec la nature, a été mutilée.

Le corps-territoire est à la fois une idée-force, une catégorie d'analyse, un lieu d'énonciation, une méthode/perspective de lutte qui permet de vivre et d'expérimenter un rapport différent au corps, un corps entendu comme puissance, terrain de résistance à toute forme d'oppression et d'exploitation. Il s'agit d'appréhender le corps avec ses mémoires, ses conditions, ses situations, ses états, ses temporalités, ses/son territoire, sa communauté puisque lorsque les lieux, les territoires sont v(i)olés, les corps le sont aussi. Kollontaï en était consciente déjà en 1921.

Cela étant précisé, comme l'affirment Bronnikova et Renault, la mobilisation par Kollontai du mythe gynocratique[1] en termes révolutionnaires dans les conférences à l'Université Sverdlov ne peut pas être comprise sans prendre en compte toute une série de réflexions sur l'inévitable dissolution/désagrégration de la famille bourgeoise qui puisent leurs racines dans les analyses de Marx et Engels.

Dans son premier ouvrage consacré au problème féminin, Les bases sociales de la question féminine (1909) en s'appuyant sur l'argumentation d'Engels, Kollontai analyse la crise de la famille dans toutes les classes de la société. Plus tard, en 1921, dans un article publié dans Kommunistka, portant le titre « Thèses sur la morale communiste dans le domaine des relations conjugales », elle s'attache à montrer alors l'historicité du lien entre la propriété privée et la famille sous le mode de production capitaliste.

Cela signifie, en concluent les auteur-e-s, « non seulement que l'abolition de la propriété privée signera la mort de la famille bourgeoise, mais aussi, et dialectiquement, que les attaques portées contre les structures familiales et la morale conjugale et sexuelle qui leur est consubstantielle sont partie intégrantes de la lutte du prolétariat. Le combat doit être mené sur les deux plans simultanément » (p. 69). Or ce passage me semble fondamental pour comprendre ce qui reste le propos le plus radical et le plus difficile à saisir de Kollontai : l'amour-camaraderie ou avec les mots des auteur.e.s son communisme érotique.

L'amour libre et ses conditions

Si la révolution est le démantèlement total du système capitaliste avec son carcan de la propriété privée, l'amour aussi est à réinventer. Et réinventer l'amour depuis une perspective marxiste signifie le soustraire à l'illusion d'une perspective bourgeoise qui prônait l'amour libre sans tenir compte des conditions matérielles de vie.

Comme reconstruisent parfaitement les auteur-e-s pour Kollontai – et il me semble aussi un élément fondamental pour une constellation féministe marxiste : le sien était un féminisme véritablement prolétarien, que l'on pourrait traduire par l'impossibilité de penser un « Nous, les femmes » homogène, fictionnel et structuré sur un fantasme universel bourgeois, eurocentrique ; donc la nécessité d'un « Nous, les femmes » qui part de nos singularités et de nos conditions matérielles, et pose la classe au centre d'autres oppressions.

Ainsi, l'amour libre ne peut devenir, selon Kollontai, « une réalité pour les femmes des classes populaires, que dans le cadre d'une réforme radicale dans le domaine des rapports sociaux, une transformation radicale des rapports de production » (p. 95). L'amour-camaraderie telle qu'elle l'envisage depuis une perspective prolétarienne signifie non seulement sortir d'une logique capitaliste et bourgeoise d'amour-propriété mais aussi considérer la révolution sexuelle, une nouvelle morale sexuelle comme une des dimensions constitutives et non secondaires de la révolution sociale. Avec les mots des auteure-s :

« l'amour-camaraderie est, pour Kollontai, moins une fin qu'un moyen, en phase de transition vers le communisme, d'assurer ce qu'on peut désigner comme une accumulation primitive des affects communistes » (p. 221).

Je veux m'arrêter sur le potentiel de cette formulation, « accumulation primitive des affects communistes », car elle tient ensemble toute la beauté révolutionnaire de l'amour-camaraderie : sortir de l'amour-propriété tout comme dans le leurre toujours bourgeois d'un amour libre (qui évacue toute la complexité du réel : pour qui, dans, et à quelles conditions un amour libre est-il possible ?).

« Un homme quand bien même s'évertue-t-il à combattre la propriété privée, il demeure puissamment attaché à ce qu'il considère être son droit de propriété originel et naturel : la propriété de la femme » (p. 211). L'amour-camaraderie devient alors une arme pour la révolution. Il est aussi et surtout un amour-devoir vers la collectivité, ce qui signifie, une manière d'être en relation dans la multitude des expériences hétérogènes possibles.

Saisir cela suppose de comprendre que « la conception kollontienne de l'amour-camaraderie n'avait pas seulement pour fonction de tracer la voie à une sexualité émancipée et à des rapports plus égalitaires entre les sexes, elle dépeignait aussi, et inséparablement, une image de la communauté future » (p. 262).

Ainsi, sous ce sillage et dans cette perspective, il faudrait lire l'actualité et l'importance de ses réflexions sur la nécessité de la socialisation des tâches reproductives. Si, comme Silvia Federici et toutes les autres féministes marxistes de Lotta femminista (Maria Rosa Dalla Costa et Leopoldina Fortunati entre autres) l'ont amplement démontré, « ils disent que c'est de l'amour, nous disons que c'est du travail non payé », les coupes dans l'État-providence, le désinvestissement dans les services, le chômage, la pauvreté, obligent de plus en plus de femmes à retourner à la maison, en se déchargeant sur elles des coûts de la reproduction sociale.

Au lieu d'édulcorer la précarité, conduisant à reproduire la subalternité et l'assujettissement, ce qui nous importe est de remettre l'accent sur une lutte générale et collective par le bas, une lutte portée vers les questions de reproduction, du contrôle de ses conditions matérielles et de son organisation. Si la reproduction est de fait le terrain stratégique de lutte contre la violence à la fois patriarcale et capitaliste, relire Kollontai aujourd'hui est aussi urgent que nécessaire pour comprendre comment la lutte collective internationale sur la reproduction implique aussi, simultanément, une lutte pour réinventer l'amour selon une perspective marxiste révolutionnaire.

Note

[1] Par mythe gynocratique nous entendons notamment la signification révolutionnaire accordée à l'hypothèse du matriarcat originel par Engels dans L'Origine de la famille, de la propriété privée et de l'État. Or, comme le montrent les auteur-es, les sources de Kollontaï sur les matriarcat primitif (Lewis H. Morgan, Ancient Society ; J.J. Bachofen, Le droit maternel) puisent sans doute dans le texte d'Engels.

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« Le Déserteur » de Dani Rosenberg

Réalisé avant le massacre perpétré en Israël par le Hamas le 7 octobre 2023 et la sale guerre toujours en cours en particulier dans l'enclave palestinienne à Gaza, « riposte (…)

Réalisé avant le massacre perpétré en Israël par le Hamas le 7 octobre 2023 et la sale guerre toujours en cours en particulier dans l'enclave palestinienne à Gaza, « riposte militaire » interminable aux conséquences terrifiantes pour les populations civiles ( des deux côtés, palestiniennes au premier chef ), « Le Déserteur » du jeune cinéaste israélien Dani Rosenberg est percuté de plein fouet par l'ampleur de la tragédie qui se déroule sous nos yeux.

Tiré de Le café pédagogique.

Par Samra Bonvoisin

Voir la bande-annonce

Au départ, le réalisateur s'inspire de sa propre expérience : jeune soldat, il a osé une échappée de quelques heures avant de retourner au front. Aussi imagine-t-il la course folle d'un soldat de 18 ans, son héros saisi d'une impulsion irréversible, tournant le dos au champ de bataille – un village palestinien en ruines – pour rejoindre à toutes jambes, par tous les moyens de locomotion à sa disposition, Tel-Aviv. Sa ville, là où vivent son amoureuse et sa famille. La cavalcade sans frein, burlesque et drôle, la fuite éperdue et angoissée d'un jeune héros solitaire opposant sa fureur de vivre au chaos du monde et à la logique de guerre sans fin donnent au film audacieux et sensible de Dani Rosenberg une dimension politique inestimable.

*Un jeune soldat plus rêveur que déserteur*

Pris dans le mouvement incessant et l'énergie débridée d'un corps qui va plus vite que son esprit, Shlomi ( Ido Tako, visage impassible, corps de gymnaste virtuose ) risque à tout moment d'être rattrapé par la gravité de son acte de « désertion ». Il a beau se démener comme un beau diable, pédaler sur son vélo à en perdre haleine d'un « refuge » momentané à un autre, le contexte social et politique ( une ville en état d'alertes répétées, des habitants tendus entre patriotisme exacerbé et jouissance du présent, des militaires en patrouilles visibles… ), la situation violente et tragique lui saute à la figure.

Comment notre héros, bien plus rêveur que déserteur, pourrait-il concilier ses aspirations romanesques avec les impératifs guerriers de son pays ?

*De la nuit du combat aux lumières dangereuses de la ville*

Immersion immédiate dans le noir complet zébré d'éclairs, traversé par le bruit des armes. Shlomi et son petit groupe couchés dans un abri attendent la fin du repli pour reprendre le combat. La pause finie, notre jeune homme laisse le chef et son bataillon s'avancer tandis qu'il prend la direction opposée. Avec d'infinies précautions, son arme pointée devant lui, il s'éloigne à pas de loup avec une lenteur calculée d'un village palestinien ravagé et croise quelques enfants fuyant à sa vue. Puis il presse le pas jusqu'à prendre le rythme inouï de grandes enjambées accompagnées à un train d'enfer par des travellings latéraux dévoilant les paysages désolés qu'il traverse à en perdre le souffle, échappée modulée par la musique originale ( composition : Yoval Semo ) aux accents free jazz.

En atteignant Tel-Aviv, métropole affairée et trépidante, il paraît en épouser le quotidien agité et se fondre dans les dédales urbains.

Il n'en est rien, sa folle fuite ne peut s'arrêter. D'un endroit à l'autre, les problèmes existentiels se posent et, à demi-résolus, d'autres surgissent : comment se débarrasser de la tenue militaire et revêtir des habits civils ? Comment échapper aux patrouilles et aux différentes autorités militaires, services secrets compris, qui s'interrogent sur sa disparition ? Comment prendre le temps d'esquisser quelques pas de danse avec une grand-mère songeuse et trouver là un grand lit pour y dormir du sommeil profond d'un enfant épuisé de fatigue ? Comme convaincre l'amoureuse retrouvée de renoncer à son projet de départ pour l'Étranger ? Et la retrouver dans un lieu sûr pour la prendre dans ses bras sans être interrompu en plein élan ?

Comment s'y prendre pour trouver de l'argent alors que de naïfs touristes juifs français lui confient leurs affaires ( et leurs cartes de crédit ) pour un bain de mer d'où lui-même sort en maillot après un plongeon sous-marin ? Bref moment de jouissance et de répit avant un nouvel épisode qui se transforme en course-poursuite contre le voleur retrouvé en slip et détalant comme un dératé dans les rues de la cité.

*Solitude du coureur de fond : la mort aux trousses, le goût de la liberté*

En vérité, Shlomi voudrait bien prendre le temps de vivre, de dévorer à pleines dents le premier repas de plats savoureux étalés devant lui dans un bar avant qu'un nouveau danger ne le fasse quitter les lieux à bride abattue. Il faut dire que sa fuite inconsidérée s'est transformée en « affaire d'État ». Ses parents interrogés par les différents services ne savent rien, redoutent une mort annoncée. Sa mère, très contrariée, promet de ne rien dire lorsque son fils inquiet se confie puis repart sans demander son reste. En bref, lorsque la médiatisation est telle que l'hypothèse d'un kidnapping par des terroristes ( très vraisemblable, cela s'est déjà produit ) est reprise à la télévision et entraîne des représailles militaires…, l'aventure rocambolesque bascule encore et prend une tournure tragique aux prolongements insoupçonnés.

Mu par une logique de l'inachèvement, notre jeune homme fiévreux, en personnage très « premier degré », placide face aux situations les plus abracadabrantesques, à la façon de Buster Keaton ou de Jacques Tati ( tous deux chers au cinéaste ), se retrouve dans une impasse terrible.

Devenu l'acteur involontaire d'un événement national, il est filmé dans sa détresse et sa solitude assoiffées de liberté comme « un enfant qui chante dans le noir pour chasser sa peur », selon les mots du réalisateur. Même si l'arrière-plan, celui d'un film noir, laisse poindre « la réalité refoulée de l'occupation et du fanatisme religieux qui ne cesse de gagner du terrain en Israël et en Palestine », Dani Rosenberg ne lâche pas son héros aventureux et intrépide, incarnation d'une nouvelle génération que figure à sa façon le protagoniste du « Déserteur » dans « la volonté à tout prix de fuir notre existence sanglante ».

Samra Bonvoisin, Le Café pédagogique, 2024-03-24

*« Le Déserteur », film de Dani Rosenberg – sortie le 24 avril 2024 (en France)*

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*Sélections : Prix de la critique, prix de la meilleure musique, festival de Montpellier, Compétition officielle, festival de Locarno 2023.*

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Parfois la nuit, je veille

30 avril 2024, par Manon Ann Blanchard — , ,
Parfois la nuit, je veille Je me poste à ma fenêtre et je guette Pour surveiller l'effritement du monde. Je tremble de rage, je tremble de peur, Je vois la violence, (…)

Parfois la nuit, je veille
Je me poste à ma fenêtre et je guette
Pour surveiller l'effritement du monde.
Je tremble de rage, je tremble de peur,
Je vois la violence,
Celle des écocides,
Celle de l'exclusion,
Celle du viol,
Celle de l'oppression,
Celle de génocides,
Perpétrés dans la complicité de nos regards détournés
Celle du travail, de la normalisation,
De la course aux dollars
Celle du racisme
Celle du fascisme qui gronde derrière la porte.
Close.
Pour combien de temps ?
Pour combien de gens ?
Je tremble, oui de peur,
Oui de rage.
Mais je ne fuis pas,
Je ne reconnais pas
Que le monde est leur monde.
Je ne le leur concèderai jamais.
À chaque minute de chaque jour,
Je le revendique,
Je le fais mien
Et je lutte
Pour que CE monde soit NOTRE monde.
Manon Ann Blanchard

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Et la faim dans le monde ?

30 avril 2024, par Bruno Marquis — ,
Les journaux nous apprenaient récemment que la faim s'était intensifiée dans le monde en 2023 et que près de 282 millions de personnes dans de nombreux pays étaient ainsi (…)

Les journaux nous apprenaient récemment que la faim s'était intensifiée dans le monde en 2023 et que près de 282 millions de personnes dans de nombreux pays étaient ainsi confrontées « à une insécurité alimentaire aiguë » ou, pour l'exprimer de façon moins prosaïque, qu'elles étaient en train de mourir de faim…

C'était 22 millions de plus qu'en 2022 et la cinquième année consécutive où l'on assistait à une telle augmentation. Quelque 600 000 d'entre elles se trouvaient d'ailleurs à Gaza, victimes du génocide en cours - un chiffre qui a depuis grimpé à plus de 1,1 million de personnes.

À moins de s'être retrouvés dans une telle situation, ce qui risque peu de nous arriver ici, nous pouvons difficilement mesurer le niveau de souffrance physique et de détresse psychologique que cela implique. Ces situations ne nous en affectent pas moins, en témoignent les très nombreuses manifestations partout dans le monde pour que cesse la famine et la tuerie de masse perpétrée par l'État d'Israël en territoire palestinien.

Nous ne sommes plus dupes, depuis le temps, des appels lancés par des ténors des organismes internationaux en vue de créer une certaine volonté politique pour mettre un terme à ces famines. Ce ne sont là que des vœux pieux, visant tout au plus à noyer le poisson dans l'eau.

Ces appels, nous le savons, témoignent d'un parti pris idéologique où l'on refuse de reconnaître l'intérêt manifeste des pays riches et des riches industriels dans le maintien et l'augmentation de leurs pouvoirs économique, technologique et politique. Cet intérêt ne les amène pas à éliminer la pauvreté ou plus généralement à protéger la vie sur la planète.

Elles les amène au contraire à perpétuer sans retenus l'exploitation des populations pauvres en entretenant les luttes, les conflits et les guerres qui servent leurs intérêts, engendrant sans état d'âme la misère des populations, des tueries, des déplacements de populations ou, dans le cas qui nous concerne, des famines – entraînant aussi, il faut le dire, les changements climatiques aussi en partie responsables de ces famines.

Oxfam, qui lutte contre la pauvreté, partage ces vues : « Il est impardonnable, écrit l'organisme, que plus de 281 millions de personnes souffrent de faim aiguë alors que les plus riches du monde continuent de réaliser des profits extraordinaires, y compris les sociétés aérospatiales et de défense qui contribuent à alimenter les conflits, principale cause de la faim ».

La question qui se pose est toujours la même, vue de notre point de vue, soit de celui des sans-voix : Que pouvons nous faire pour mettre un terme à ces famines et autres fléaux ? Et poser la question, c'est y répondre : nous ne pouvons pratiquement rien faire, nos propos, nos demandes et nos cris étant sans conséquence réelle, aussi nombreux que nous soyons à les exprimer.

Et c'est là que se pose l'importante question de la démocratie, ce vocable dont on nous rabat sans cesse les oreilles. Parce que ce terme, voyez-vous, n'a cessé d'être perçu comme quelque chose de dangereux et néfaste pour l'intérêt des élites que jusqu'à ce qu'il puisse être utilisé comme synonyme de suffrage auprès de populations rendues blasées par leur perpétuelle exclusion du domaine public.

Le suffrage n'est pas la démocratie ! Et seule la démocratie directe, la vraie démocratie en fait, nous permettra un jour, collectivement, de mettre un terme aux famines et aux guerres perpétrées dans la vaste majorité des cas dans le seul intérêt des riches et des possédants. Pour changer les choses, il faut que nos voix soient entendues ! Elles ne le seront jamais dans le contexte de sociétés capitalistes qui empêchent cette démocratie et qui nous laisse sans voix et impuissants à changer les choses.

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AfroQueer - 25 voix engagées | Livre à paraître le 7 mai |

30 avril 2024, par Éditions Écosociété, Fabrice Nguena — , ,
25 portraits bouleversants et inspirants pour sortir les personnes queer et Afrodescendantes de l'invisibilité. L'essai *AfroQueer - 25 voix engagées*, du militant pour les (…)

25 portraits bouleversants et inspirants pour sortir les personnes queer et Afrodescendantes de l'invisibilité.

L'essai *AfroQueer - 25 voix engagées*, du militant pour les droits humains et les droits des personnes LGBTQI+ Fabrice Nguena, va paraître *en librairie le 7 mai.*

*En bref : *D'un joueur de rugby professionnel à une entrepreneure, en passant par un danseur, une scientifique, des écrivain⋅es et des militant⋅es, l'auteur Fabrice Nguena est allé à la rencontre de 25 personnes AfroQueer engagées dans leur milieu. Sa motivation ? Rendre audible la voix de personnes Noires et LGBTQI+, déconstruire les préjugés
dont elles font l'objet et offrir aux jeunes AfroQueer des modèles qui leur ressemblent enfin. Il en résulte une série de 25 portraits uniques – comme chacune des trajectoires de vie qu'ils racontent – et bouleversants
d'humanité.

*À propos du livre*

Du Québec à l'Afrique subsaharienne, en passant par les Antilles, la France et la Belgique, Fabrice Nguena est allé à la rencontre de 25 personnes AfroQueer engagées dans leur milieu, afin de déconstruire les préjugés dont
elles font encore l'objet. Sa motivation ? Rendre audible la voix de personnes Noires et LGBTQI+ qui subissent encore des discriminations et des agressions, allant parfois même jusqu'au meurtre, du fait de leur identité
sexuelle et de leur minorité de genre, en particulier au sein même des communautés Noires (l'homophobie ayant été importée en Afrique avec la colonisation). Il est temps que les jeunes AfroQueer puissent enfin se
reconnaître dans des modèles qui leur ressemblent. Ce livre fait donc œuvre utile en cherchant à combler un manque important de visibilité, d'autant plus qu'il n'existe pas d'organisme communautaire voué aux personnes
AfroQueer au Québec (l'organisme Arc-en-ciel d'Afrique a fermé ses portes en 2018, alors que la Fondation Massimadi, toujours en activité, se concentre sur la diffusion d'oeuvres artistiques issues des communautés
AfroQueer).

Les exemples sont diversifiés et positifs : Jérémy Clamy-Edroux (joueur professionnel de rugby), Solange Musanganya (militante AfroQueer), Louis-Georges Tin (homme politique et écrivain), Emma Onekekou (communicatrice et écrivaine), Barbara Côte d'Ivoire (militante des droits de la personne et véritable icône africaine) ou encore le magistral James
Baldwin (écrivain et militant des droits civiques)... Magnifiquement illustrés par Dimani Mathieu Cassendo, ces 25 portraits issus des entretiens menés par l'auteur sont à la fois uniques, comme chacune des
trajectoires de vie qu'ils racontent, et bouleversants d'humanité. S'ils relatent parfois des parcours marqués par la peur, le rejet, l'humiliation et la violence, ils témoignent aussi du courage, de la résilience, de la solidarité et de l'amour des personnes AfroQueer qui ont accepté d'y prêter leur voix. *« Il est impératif que nous fassions ce que les générations
précédentes n'ont pas pu faire, certainement parce qu'elles étaient trop occupées à essayer de survivre ; nous devons écrire nous-mêmes nos vécus, nos luttes et nos victoires, sans attendre que d'autres le fassent à notre
place », écrit Fabrice Nguena*.

Dédié à la mémoire de toutes les personnes assassinées dans le monde à cause de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre, ce livre est une cartographie de ce devenir.

« *AfroQueer* parle de l'amour queer, de la possibilité d'exister en tant que personnes Afrodescendantes et queer dans le monde [...] Les récits présentés dans ces différents portraits représentent un lieu de pouvoir, de
possibilités et de devenir pour d'autres générations. » – Frieda Ekotto et Marthe Djilo Kamga, extrait de la préface

*À propos de l'auteur*

Né en Suisse de parents Camerounais, Fabrice Nguena vit depuis 2007 au Canada, où il milite pour les droits humains et les droits des personnes LGBTQI+, en particulier dans la communauté AfroQueer. Il est actuellement
gouverneur à la Fondation Émergence. *AfroQueer* est son premier livre.

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L’héritage des luttes environnementales au Québec

30 avril 2024, par Denise Proulx, Johanne Béliveau, Lucie Sauvé — , ,
Un souffle écocitoyen Sous la direction de : Lucie Sauvé <https://www.puq.ca/auteurs/lucie-sa...> , Johanne Béliveau <https://www.puq.ca/auteurs/johanne-...> ,

Un souffle écocitoyen

Sous la direction de : Lucie Sauvé

<https://www.puq.ca/auteurs/lucie-sa...> ,

Johanne Béliveau

<https://www.puq.ca/auteurs/johanne-...> ,

Denise Proulx<https://www.puq.ca/auteurs/denise-p...>

Si le Québec a pu échapper jusqu'ici à diverses tentatives d'agressions envers son territoire, c'est grâce à des groupes mobilisés, qui demeurent en alerte. Les récits de lutte présentés dans cet ouvrage témoignent de l'engagement de citoyennes et citoyens qui se sont invités dans l'arène politique, exigeant l'exercice, sans entrave, d'une démocratie active. Le but de ces luttes : préserver la santé et l'intégrité de notre monde vivant.

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À paraître le 8 mai : Parler sexe

30 avril 2024, par Éditions Écosociété, Maude Painchaud Major — , ,
*La collection pour ados d'Écosociété s'agrandit avec un livre original et important. Parler sexe de Maude Painchaud Major sera en librairie dès le 8 mai. 🌈* *À propos du (…)

*La collection pour ados d'Écosociété s'agrandit avec un livre original et important. Parler sexe de Maude Painchaud Major sera en librairie dès le 8 mai. 🌈*

*À propos du livre :*

Construire sa sexualité sans se soucier des normes, avoir et donner du plaisir sans tabous, développer une intimité sexuelle loin des obligations de performance... Cet essai est une invitation à définir, ensemble, une
éthique sexuelle pour parler sexe, simplement et en toute liberté.

*À propos de l'autrice :*

Diplômée en sexologie, Maude Painchaud Major propose des ateliers et des conférences dans les écoles, centrés sur une éducation à la sexualité saine, positive et inclusive. Elle anime aussi une chaîne Tiktok qui compte
près de 22 000 abonné-e-s où elle répond aux questions des ados sur la sexualité.

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L’intelligence artificielle, ou le mirage du progrès social propulsé par la technologie

30 avril 2024, par Jonathan Durand Folco, Jonathan Martineau — , ,
Jonathan Martineau, professeur adjoint au Liberal Arts College de l'Université Concordia et Jonathan Folco, professeur agrégé à l'Université Saint-Paul Tiré du Fractures, (…)

Jonathan Martineau, professeur adjoint au Liberal Arts College de l'Université Concordia et Jonathan Folco, professeur agrégé à l'Université Saint-Paul

Tiré du Fractures, Bulletin des membres de l'IRIS, no.3, vol. 9, printemps 2024

L'ouvrage (Le capital algorithmique, Écosociété, 2023) est le résultat d'un projet de recherche multidisciplinaire sur les développements des nouvelles technologies et du capitalisme mené dans les dernières décennies. Le livre permet d'abord de mieux comprendre les changements technologiques et sociaux qui ont bouleversé nos manières de vivre, de travail¬ler, d'être et d'interagir dans les dernières années. Il propose ensuite des pistes pour réorienter collectivement le cours de ces développements historiques vers un monde plus juste, plus démocratique et plus écologique.

Notre hypothèse de départ est que nous ne pouvons com¬prendre les vagues actuelles de transformations technolo-giques sans aborder également les changements récents du système capitaliste, tout comme nous ne pouvons comprendre le fonctionnement actuel du capitalisme sans tenir compte des nouvelles technologies algorithmiques et de l'intelligence arti¬ficielle (IA). Notre objectif initial est donc double : d'une part, développer un cadre théorique critique, une vision d'ensemble, pour étudier l'IA non pas comme une simple technologie, mais comme un phénomène sociohistorique complexe, et, d'autre part, mettre à jour la théorie critique du capitalisme à la lumière du développement accéléré des algorithmes et de l'IA.

L'une de nos thèses centrales est que le système capitaliste a subi une transformation historique majeure au cours des 15 à 20 dernières années, menant le capitalisme algorithmique à un nouveau stade, après s'être appuyé sur le capitalisme néo¬libéral pour finalement le dépasser. Ce changement historique se produit dans une conjoncture marquée par l'émergence des « données massives » et le déploiement rapide de l'IA, engen¬drée par les progrès de l'apprentissage automatique et de l'ap¬prentissage profond, la mise en place d'un nouveau modèle commercial d'extraction et de valorisation des données, et l'essoufflement du modèle néolibéral, notamment lors de la crise mondiale de 2007-2008. Le concept de « capital algorith¬mique » guide ainsi notre enquête sur la transformation rapide du monde à laquelle nous avons assisté ces dernières années. Comme Nancy Fraser, nous concevons le système capitaliste non seulement comme un système de production économique, mais comme un « ordre social institutionnalisé », qui comprend la sphère politique, la reproduction sociale et le rapport à la nature. Dès lors, le capital algorithmique est un phénomène multidimensionnel : une logique d'accumulation économique, une organisation des relations sociales, une forme de pouvoir social et un rapport à la nature caractérisé par une industrie extractive. Ce cadre nous permet d'étendre notre analyse du nouvel ordre social institutionnalisé à différents secteurs et sphères d'activités, comme le travail ménager et le travail du care (qui consiste à répondre aux besoins de soins, d 'éducation, de soutien ou d'assistance), l'environnement, l'État, la politique et les relations internationales, les formes d'expérience, de subjectivité et d'interactions sociales, l'éthique et les pratiques de résistance.

Le livre est divisé en 20 chapitres, organisés sous forme de thèses. Les deux premiers chapitres détaillent le projet de recherche, la méthodologie et le cadre théorique. Les chapitres 3 à 6 explorent la transformation du travail et de nos emplois du temps dans le capitalisme algorithmique. Nous y soutenons que les algorithmes accélèrent le temps et dégradent les loi¬sirs, et que, loin de conduire à la « fin du travail », l'automation exerce plutôt de la pression sur le travail et tend à le précariser. Le capital algorithmique fonctionne selon un mode d'exploi¬tation et d'extraction qui reconfigure les activités productives mondiales ainsi que les marchés du travail, notamment par l'extraction et la valorisation des données et la montée du « travail digital ». Nous proposons donc un concept de « tra¬vail algorithmique », qui comprend quatre types d'activités productives reproduisant le capital algorithmique : le travail digital, le travail industriel/logistique, le travail extractif et le travail domestique. Nous consacrons une thèse distincte à la reproduction sociale et au travail domestique, dans laquelle nous analysons les conséquences de la colonisation accrue des espaces-temps de la reproduction sociale par les objets connec¬tés, les technologies algorithmiques et les assistants d'IA.

Les chapitres 7 et 8 traitent quant à eux de la transition du capitalisme néolibéral au capitalisme algorithmique en expo-sant la nouvelle logique d'accumulation du capital. Nous y exa¬minons les modifications actuelles de l'accumulation du capital liées à l'émergence des modes d'exploitation et d'extraction et nous proposons une théorie de l'accumulation algorithmique du capital. En conceptualisant le capitalisme algorithmique en tant que nouvelle étape du développement capitaliste, nous dressons un bilan des ruptures et des continuités entre le régime d'accumulation capitaliste néolibéral et le régime d'accumulation algorithmique. Nous soupesons également certains concepts proposés par d'autres auteurs et autrices qui entrevoient dans les changements actuels la montée d'un « capitalisme cognitif », ou encore, plus récemment, comme un passage vers un « techno-féodalisme », ou un « néo-féoda¬lisme ». Nous déconstruisons ces interprétations pour faire voir ce qu'elles nous aident à comprendre, mais préférons les lire comme des métaphores en soulignant leurs importantes limites. Loin d'un « retour vers le futur » néo-féodal, nous avons atteint une nouvelle étape du développement capitaliste.

Les chapitres 9 à 12sont consacrés à la politique, au pouvoir, à l'État et aux relations internationales. Ils établissent que le capital algorithmique renforce les systèmes d'oppression exis¬tants, tels que le racisme et le patriarcat, notamment en les automatisant, et qu'il crée des formes inédites de domination, de concentration du pouvoir et de « gouvernementalité ». Sont explorées la diffusion rapide des technologies algorithmiques dans l'appareil d'État et les tensions géopolitiques qui se manifestent non seulement : dans les relations internationales, notamment entre les États-Unis et la Chine, mais également dans la reconfiguration d'une nouvelle division internationale du travail et d'une nouvelle forme de colonialisme des données, qui, elles, reproduisent les inégalités entre le Nord et le Sud.

Les chapitres 13 à 17 analysent ensuite les articulations idéo¬logiques, culturelles et environnementales de ce nouvel ordre institutionnalisé du capitalisme. Notre thèse sur l'idéologie, la culture et la « siliconisation » du monde explore la culture du solutionnisme technologique promue par les principaux acteurs de Silicon Valley et scrute les nouvelles idéologies issues d'un étrange partenariat entre des philosophes de l'Université d'Oxford et les milliardaires de la technologie, telles que le long-termisme, l'altruisme efficace et les théories des « risques existentiels ». Nous soutenons également que, contrairement aux discours techno-optimistes les plus en vogue, les algo¬rithmes ne nous sauveront pas d'un désastre écologique, puisqu'ils accélèrent plutôt la crise écologique. Notre analyse documente les empreintes écologiques et énergétiques du capital algorithmique en tant qu'industrie extractive et pré¬sente les limites des applications d'IA quant à la gestion environnementale.

Les chapitres 18 à 20 explorent enfin les voies de réforme, de dépassement et de sortie du capitalisme algorithmique. Sur le plan éthique, nous développons une théorie philosophique de la vertu, qui favorise la résistance individuelle et collective, ainsi que le dépassement du capitalisme algorithmique. Nous examinons différents scénarios de descente énergétique, de démocratisation du développement technologique, puis de sobriété numérique individuelle et collective. Nous actuali¬sons également le débat sur la planification économique à la lumière des potentialités et des limites de la planification par les algorithmes. En dernier lieu, nous posons les jalons d'une transition esquissant : une piste vers un monde postcapitaliste, « technosobre », écologique, juste et démocratique.

FRACTURES 11
Numéro 03. Volume 09

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Adam Shatz : « Frantz Fanon portait le projet d’un universalisme radical »

30 avril 2024, par Adam Shatz, Rosa Moussaoui — , ,
Le journaliste new-yorkais consacre au psychiatre, révolutionnaire martiniquais, héros de l'indépendance algérienne, une vibrante biographie, publiée en France à La Découverte. (…)

Le journaliste new-yorkais consacre au psychiatre, révolutionnaire martiniquais, héros de l'indépendance algérienne, une vibrante biographie, publiée en France à La Découverte. Une fresque qui embrasse, avec la vie d'un homme, tout un siècle de décolonisation et de bouleversements intellectuels et politiques.

Tiré de L'Humanité
www.humanite.fr/en-debat/afrique/adam-shatz-frantz-fanon-portait-le-projet-dun-universalisme-radical <http://www.humanite.fr/en-debat/afr...>

Par Rosa Moussaoui <https://www.humanite.fr/auteurs/ros...> , L'Humanité Magazine, France. Mis à jour le 22 avril 2024 à 18h35

Adam Shatz est le rédacteur en chef pour les États-Unis de la London Review of Books. Il collabore régulièrement à la New York Review of Books, au New Yorker et au New York Times Magazine. Il est aussi professeur invité au Bard College et à l'Université de New York. La biographie qu'il consacre à Frantz Fanon, « Une vie en révolutions » (La Découverte, 2024), se lit comme le roman d'une vie, d'un engagement, comme la traversée d'un siècle qui a vu se libérer, avec le soulèvement des peuples colonisés, la moitié de l'humanité.

*L'Humanité.* La biographie intellectuelle que vous consacrez à Fanon tient de la fresque, elle s'inscrit dans l'histoire longue des luttes dont la mémoire a forgé le révolutionnaire ; elle embrasse une vaste géographie transatlantique. Que disent de Fanon ces coordonnées spatiales et temporelles ?

*Adam Shatz.* J'y insiste sur l'aspect pluriel de son trajet. Le titre en anglais est The Rebel's Clinic ; The Revolutionary Lives of Frantz Fanon et en français, Frantz Fanon, une vie en révolutions. Parce qu'il a pris part à de multiples révolutions, intellectuelles, politiques, philosophiques, telles que la négritude, l'existentialisme, la phénoménologie, l'anticolonialisme, la lutte pour l'indépendance de l'Algérie, le combat en Afrique.

Je voulais souligner cet aspect multiple de sa vie, de sa recherche de soi-même, son projet de s'ancrer dans des appartenances tout en s'engageant dans les révolutions des autres (1). Cette multiplicité revêt un aspect géographique, parce que Fanon était un nomade et sa pensée en porte la marque. J'y vois un contraste avec son mentor, Aimé Césaire, le poète martiniquais qui est devenu un homme d'État (2), et qui a présidé à la départementalisation de la Martinique.

L'histoire de Césaire est une histoire d'aller et de retour (3) : il vient en France pour poursuivre ses études, il fonde ce mouvement de la négritude avec Léopold Sédar Senghor et Léon Gontran Damas (4), et il écrit son fameux poème, Cahier d'un retour au pays natal, pendant un séjour en Croatie. Et puis il rentre. Et il ne quitte jamais la Martinique. C'est l'homme qui fait retour vers son propre pays, qui se dédie à l'avenir de son pays. Contrairement à Fanon, l'homme qui quitte son pays pour ne jamais revenir.

*Vous revenez longuement sur les rapports contradictoires de Fanon avec la négritude, sur sa lecture de la revue Tropiques, sur l'admiration qu'il vouait à Léon Gontran Damas. Comment ce mouvement a-t-il contribué à le forger intellectuellement, politiquement ?*

On a tendance à ne retenir de Fanon que sa critique de la négritude. Mais il devait beaucoup à ce mouvement et il est presque impossible de comprendre sa pensée sans comprendre la négritude, un mouvement qui l'a formé. On peut même dire que la négritude l'a sauvé.

C'est un mouvement qu'il découvre en France, au moment où il poursuit à Lyon des études de médecine – pendant la guerre, il avait fait le choix de rejoindre la France libre, or la revue Tropiques a été fondée à peu près au moment où il quittait le pays, il ne se trouvait pas en Martinique lorsque cette révolution intellectuelle a pris corps. Mais c'est dans les pages de Tropiques qu'il découvre les écrivains engagés dans ce mouvement : René Depestre (5), Jacques Roumain (6), René Ménil (7), et bien sûr Damas et Césaire.

Il est alors en France et c'est en France qu'il se rend compte qu'il est noir. Il a grandi à Fort-de-France, dans une famille de la petite bourgeoisie, élevé par des parents socialistes qui cultivaient une certaine révérence pour la République française, pour ses principes d'égalité, de liberté, de fraternité.« Je suis français » : voilà les premiers mots que Fanon a appris à écrire à l'école, où ses professeurs lui enseignaient que les Gaulois étaient ses ancêtres.

Il avait déjà rencontré des tirailleurs sénégalais (8), que son père avait invités un soir à dîner : ils avaient suscité en lui un sentiment de peur mêlée de fascination. Un jour, dans un train, en France – il ne situe pas exactement le lieu de cette scène – un petit garçon l'a regardé avec la même peur, la même fascination en s'exclamant : « Maman, un nègre ! » Cette réaction a provoqué en lui un choc. Jusque-là, il ne s'était jamais pensé comme Noir. Être ainsi regardé comme un objet l'a terrifié, paralysé.

*Il confie en racontant cette scène avoir senti son corps se « disloquer »…*

Exactement. Son corps est alors disloqué, fragmenté, il ne peut pas le recomposer. Dans « L'expérience vécue du Noir », le cinquième chapitre de Peau noire, masques blancs, ce familier de Merleau-Ponty décrit avec les termes de la phénoménologie cette expérience du corps, ce sentiment d'être étranger à soi. Et il se rend compte qu'il lui manque l'anonymat – l'anonymat du corps dont parle Merleau-Ponty – qui est le privilège des personnes non racisées.

C'est là qu'il commence à lire les poètes de la négritude. Il lit d'abord le Sénégalais Léopold Sédar Senghor : c'est de lui qu'il apprend qu'il a un passé, un passé noir glorieux, qu'il y aurait une essence noire éternelle, mystique. Fanon a même baigné un temps dans ce qu'il appellera, en moquerie, l'irrationalité, croyant jouir de pouvoirs poétiques uniques en raison de sa négritude. (...)

(1)www.humanite.fr/monde/frantz-fanon/frantz-fanon-conscience-et-voix-des-damnes-de-la-terre <http://www.humanite.fr/monde/frantz...>

(2)www.humanite.fr/culture-et-savoir/litterature/aime-cesaire-la-bouche-des-sans-bouche <http://www.humanite.fr/culture-et-s...>

(3)www.humanite.fr/culture-et-savoir/-/cesaire-la-negritude-entre-politique-et-poetique <http://www.humanite.fr/culture-et-s...>

(4)www.humanite.fr/culture-et-savoir/-/leon-gontran-damas-le-poete-qui-crachait-le-feu <http://www.humanite.fr/culture-et-s...>

(5)www.humanite.fr/culture-et-savoir/series-dete/rene-depestre-un-chien-errant-de-la-vie <http://www.humanite.fr/culture-et-s...>

(6)www.humanite.fr/culture-et-savoir/-/lincandescence-de-roumain <http://www.humanite.fr/culture-et-s...>

(7)https://maitron.fr/spip.php?article151387 <https://maitron.fr/spip.php?article...>

(8)www.humanite.fr/societe/tirailleurs-senegalais/tirailleurs-senegalais-la-patrie-bien-peu-reconnaissante <http://www.humanite.fr/societe/tira...>

Le psychiatre et militant et révolutionnaire Frantz Fanon (1925 – 1961). Photo © DR

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L’imposture multiculturaliste

30 avril 2024, par Jean-François Delisle — , ,
Il vaut la peine de pousser un peu plus que je ne l'ai fait lors du dernier numéro l'analyse de la notion de multiculturalisme. Je vais m'en tenir par souci de clarté et (…)

Il vaut la peine de pousser un peu plus que je ne l'ai fait lors du dernier numéro l'analyse de la notion de multiculturalisme. Je vais m'en tenir par souci de clarté et d'aisance aux définitions communes et acceptées de ce terme. J'examinerai ensuite la notion d'interculturalisme, qui est très différente de celle de multiculturalisme. Ces deux notions sont incompatibles et surtout, celle de multiculturalisme s'avère un leurre. L'intercultruralisme correspond ,lui, à une certaine réalité sociale et culturelle tant au Québec qu'au Canada anglais, quoi qu'en pensent les partisans et partisanes du multiculturalisme. Commençons donc par le multiculturalisme.

Il ne promeut que la diversité culturelle, ce qui se traduit par la volonté de faire cohabiter des groupes d'origine "raciale" et ethnique divers. Il rassemble sur le plan idéologique un ensemble assez cohérent d'idées et d'idéaux centrés sur la valorisation de la diversité culturelle canadienne présumée. Par contre, ses tenants refusent de considérer les dangers d'une fragmentation sociale, la possibilité (sinon même la probabilité) de tensions communautaires et le défi de l'intégration des populations immigrées liés au multiculturalisme. De leur point de vue, le Canada tend à être une mosaïque culturelle. Si le Canada est une société multiculturelle comme le soutiennent les trudeauistes, à quelle société majoritaire se joindraient alors les immigrants et immigrantes ?

Le trudeauisme découle dans une large mesure de cette idéologie multiculturelle. Il constitue une doctrine fondée sur le renforcement marqué du gouvernement central (au nom de "l'unité nationale"), le multiculturalisme et sur un point de vue très individualiste des droits de la personne par opposition aux droits collectifs. Il voit le Canada comme une seule et même nation.

Pierre Elliott Trudeau s'est appuyé pour l'essentiel sur cette idéologie dans le renouvellement du régime fédéral de 1982. Non seulement ce régime sacralise la Charte des droits et libertés, mais il renforce jusqu'à un certain point le pouvoir des juges au détriment de celui des élus soi disant pour garantir la protection des droits individuels ; ce faisant, il mine la légitimité des droits collectifs, surtout celle du nationalisme québécois auquel Trudeau était viscéralement opposé. Comme si auparavant, les droits et libertés n'étaient pas déjà protégés par les lois tant provinciales que fédérales. Venant d'un homme qui avait fait emprisonner arbitrairement 500 personnes lors de la crise d'octobre 1970, c'est ironique...

Examinons maintenant la notion d'interculturalisme. Ses tenants et tenantes ne refusent pas la nationalisme qui leur semble aller de soi. Ils visent plutôt l'intégration des nouveaux venus à la société majoritaire. Ils veulent établir entre communautés dites ethniques et culturelles d'une part, et population majoritaire des relations d'échanges culturels réciproques. Les interculturalistes visent donc à concilier culture majoritaire et diversité culturelle.

Le gouvernement du Québec appuie l'Interculturalisme tout comme en pratique, les gouvernements provinciaux canadiens-anglais. Les communautés minoritaires n'ont guère le choix : que ce soit au Québec, en Ontario, en Saskatchewan ou ailleurs, si elles veulent s'intégrer à la société majoritaire, leurs membres doivent se mettre à l'anglais ou au français pour s'adapter à la longue aux moeurs dominantes dans les régions où elles ont choisi de s'établir.

Toutefois au Québec, surtout dans une partie de la région montréalaise, le même vieux problème se pose avec une acuité nouvelle : le recul du français. Certains immigrants flairent la bonne affaire et tentent de s'intégrer à la minorité anglophone ; la maîtrise de l'anglais leur ouvre aussi bien des portes ailleurs au Canada et aux États-Unis.

Cette réalité contredit de front les thèses multiculturalistes et valide plutôt la position interculturaliste. On ne conçoit pas de société formée uniquement d'individus ou encore de communautés provenant des quatre coins du monde sans une nation d'accueil avec sa langue, son histoire et ses traditions. Les immigrants et immigrantes y prennent forcément racine. Ils ont besoin pour ce faire d'un terreau culturel, si je puis m'exprimer ainsi.

La persistance du nationalisme québécois sous sa forme autonomiste ou souverainiste contredit les thèses du courant d'idées multiculturaliste. Une simple observation pour quiconque a déjà fait le tour du Canada permet de constater la réalité des deux nations. Évidemment, une majorité de Canadiens anglais aime à se reconnaître dans certains éléments du trudeauisme : le Canada, un beau grand pays multiculturel et accueillant mais cette attitude relève de l'aveuglement volontaire.

Si une majorité de Québécois et de Québécoises a voté non au référendum de mai 1980, ce n'est pas par adhésion aux thèses trudeauistes mais par crainte de la longue et cahoteuse période transition qui aurait suivi un oui majoritaire à l'option souverainiste.

Aucun gouvernement du Québec n'a signé l'entente constitutionnelle concoctée par le gouvernement Trudeau en 1981-1982 et signée dans son dos ("la nuit des longs couteaux") au cours de la soirée du 4 novembre 1981. Le gouvernement de Justin Trudeau aurait donc du se garder une petite gêne quand il a parlé du Canada comme d'un "État post-national" en décembre 2015 dans une entrevue accordée au New York Times Magazine...

Jean-François Delisle

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Démanteler l’État haïtien

30 avril 2024, par Jemima Pierre, Oya Jay — , ,
La professeure Jemima Pierre analyse minutieusement la participation du Canada au cours des 20 années de débâcles, d'occupation militaire et d'élections manquées Oya Jay, (…)

La professeure Jemima Pierre analyse minutieusement la participation du Canada au cours des 20 années de débâcles, d'occupation militaire et d'élections manquées

Oya Jay, The Breach, 5 avril 2024
Traduction, Alexandra Cyr

Oja Jay : Soyez les bienvenus.es à The Breach Show où nous présentons des analyses pointues sur les politiques et les mouvements sociaux au Canada. Je suis votre présentateur et mon invitée aujourd'hui, est la Docteure Jemima Pierre. Elle est haïtienne d'origine, professeure à l'Institut pour la justice sociale de l'Université de Colombie Britannique à Vancouver et chercheuse associée à l'Université de Johannesburg.

Aujourd'hui, nous traiterons de la situation en Haïti. Depuis deux décennies, le Canada a été un joueur majeur dans la succession des occupations militaires de ce pays. Malgré tout le discours sur la promotion de la démocratie, ce fut plutôt une participation à l'installation d'une série de régimes anti démocratiques qui a culminé jusqu'à la situation actuelle.

Les plus récentes élections présidentielles ont eu lieu en 2016. Selon les rapports, elles ont été largement entachées de fraudes. En 2021, le Président élu, M. Jovenel Moïse a été assassiné. Et plus récemment, son successeur non élu, M. Ariel Henry, a été empêché de revenir au pays après son voyage outre-mer, par des leaders de gangs appelant à sa démission, poussant ainsi la crise a un autre niveau.

Tout cela se produit pendant que les États-Unis ont fermement en mains le pouvoir haïtien. Comme le soulignent des observateurs.trices bien informés.es ce n'est que la continuation de la manière par laquelle Haïti a été traité depuis 200 ans, après sa révolution qui l'a sorti du système d'esclavage et mis les empires européens hors-jeu.

On ne peut rendre justice à l'histoire d'Haïti en quelque minutes. Mais, heureusement, beaucoup de travaux ont été produits ces dernières années. Ceci dit, Professeure Pierre, que pensez-vous qui soit le plus important d'entendre pour que les Canadiens.nes comprennent l'effondrement du gouvernement (haïtien) dont nous sommes témoins en ce moment ?

Jemima Pierre : Ce qu'il faut d'abord comprendre absolument, c'est que cette situation est le résultat de l'importante ingérence étrangère en Haïti avec les différences de vision que cela implique. La plus récente a eu lieu il y a 20 ans quand les États-Unis, la France et le Canada ont planifié un coup d'État pour renverser un Président élu démocratiquement. Ils se sont servi du Conseil de sécurité des Nations Unies pour camoufler leur action et ont de fait renversé le Président. Ce coup contre un gouvernement élu démocratiquement, a aussi démoli toute la structure gouvernementale, du Premier ministre jusqu'au plus bas échelon. Cela a donc aussi permis la destruction du parti politique qui avait amené ce Président au pouvoir pour installer depuis 2004, de dites agences gouvernementales illégitimes, des personnes et des partis qui nous ont menés.es là où nous sommes en ce moment : sans autorité élue ce qui est inhabituel dans n'importe lequel État.

Pour comprendre de qui se passe en Haïti, il faut comprendre le processus qui a démantelé l'État haïtien le 29 février 2004. Sans cela, on ne peut poser de diagnostic clair sur le problème ou arriver à une solution quelconque sur la situation.

O.J. : Qui y a-t-il selon vous, derrière les décennies d'intervention et de suppression du fonctionnement démocratique de base en Haïti ? Pourquoi les États-Unis et leurs alliés ne font que recommencer cela ?

J. P. : C'est l'histoire d'Haïti. Elle est la deuxième nation indépendante de l'hémisphère ouest mais aussi la première complètement indépendante de cet hémisphère.

Haïti était une très riche colonie française avec une importante population africaine qui a pour ainsi dire, détruit le système des plantations, d'esclavage et de suprématie blanche. C'est une des armées les plus puissantes de l'époque, l'armée de Napoléon, qui a perdu 50,000 soldats aux mains de ces esclaves africains.es.

C'est après 13 ans d'une guerre brutale que le pays a déclaré son indépendance de la France, mais aussi de l'Espagne et de la Grande Bretagne qui tentaient d'entrer sur le territoire et de s'emparer de ce qui restait de cette colonie dans la foulée de la défaite des Français. Je pense que l'Occident n'a jamais pardonné à Haïti sa victoire.

Même après sa Révolution la France a tenté de revenir pour s'emparer du territoire en menaçant d'interventions continuelles à l'intérieur. Des canonnières sont apparues sur le rivage en menaçant d'invasion encore une fois. Il faut comprendre que ces Africains devaient faire face à une guerre du type « terre brûlée ».

En 1825, le gouvernement haïtien a accepté de rembourser la France, c'est-à-dire de payer les propriétaires d'esclaves pour la perte de leurs esclaves. Il lui a fallu payer cette indemnité de 150 millions de francs or, ce qui équivaut à presque 30 milliards de la monnaie actuelle, jusqu'en 1947.

C'est sous la menace constante d'invasion que cette « dette » a été payée jusqu'au dernier francs. Cette histoire est très importante.

À cause de sa position (géographique) Haïti est très stratégique dans la région. L'île est dans le passage Windward. Les États-Unis ont toujours voulu s'en servir pour poursuivre leurs ambitions impérialistes.

On sous-estime le rôle d'Haïti non seulement pour ses ressources minérales mais aussi pour ses ressources humaines. Par exemple, les produits Gildan sont assemblés en Haïti. Il en coûte moins cher d'envoyer les éléments à assembler en Haïti où ils le sont effectivement. Des compagnies canadiennes ont cette pratique comme les États-Unis plutôt que de faire faire ce travail en Asie.

Ils sont d'ailleurs en train de se retirer d'Asie où le coût de la main d'œuvre a augmenté. Ils veulent garder captive la force de travail de 12 millions de personnes, une des plus importantes des Caraïbes utilisable comme « cheap labor ».

Il y a de nombreuses raisons géographiques, culturelles et raciales qui entrent en cause dans le besoin de contrôler ce pays. Mais la population haïtienne a toujours eu des façons particulières de protester. Voilà le problème. Je pense que c'est cette résistance qui dure depuis 200 ans qui s'exprime encore une fois maintenant. Elle ne s'est pas laissée dominer. Et je crois aussi que c'est une des raisons qui déclenche ces constantes attaques, besoin d'envahir, de ré-envahir, d'occuper, et ainsi de suite.

O.J. : En s'arrêtant sur l'histoire, on comprend qu'il y a 200 ans de résistance au colonialisme et à l'esclavage mais aussi 200 ans de ressentiment impérial.

Il est intéressant que vous mentionniez Gildan. Je me souviens qu'au moment du coup d'état de 2004, nous avons enregistré le cours de son action ce jour-là. Le lendemain il avait augmenté spectaculairement. Ce n'était qu'une vision directe de la perception des investisseurs par rapport à ce coup et sur qui en profitait.

En 2004, le Canada a déployé des soldats.es, des officiers.ères de police, des experts.es gouvernementaux, a soutenu des ONG pour soutenir le régime sorti du coup, dirigé par Gérard Latortue qui, comme vous l'avez dit, a remplacé Jean-Bertrand Aristide qui a été viré sans cérémonie vers la République centre africaine par les Marines américains. Cette fois, les États-Unis ont demandé au Canada de prendre la tête d'une nouvelle mission ce qu'il a refusé. En lieu et place il a envoyé des troupes en Jamaïque pour entraîner des soldats du Belize et des Bahamas qui partaient pour Port-au-Prince.

Que pensez-vous a mené à cette décision ? Qu'est-ce qui, selon vous, a poussé le Canada à refuser ?

J.P. : Il y a beaucoup dans ça, beaucoup de parallèles avec ce qui est arrivé en 2004. Les Marines ont envahi la maison du Président Aristide, l'ont mis dans un camion, amené à l'aéroport et expédié en Afrique. Ils l'ont renvoyé en Afrique.

Il y avait déjà des centaines de soldats français, canadiens et américains sur le sol haïtien. L'ambassadeur américain, James Foley s'est présenté au domicile du Juge en chef de la cour suprême du pays et pour ainsi dire l'informe qu'il va assurer l'intérim de la Présidence.

C'est déjà une contravention à la Constitution haïtienne qui stipule que le juge en chef de ce tribunal ne peut assurer la Présidence que suite à un vote du parlement. Mais le représentant officiel du Département d'État américain pouvait simplement dire : « Vous êtes maintenant Président » n'est-ce pas ? Pourtant il y avait toujours un Premier ministre en poste qu'on n'a même pas consulté. Il a été remplacé par Gérard Latortue, On m'a raconté qu'il vivait à Boca Raton en Floride depuis 15 ans. Il a été mis en place alors que la Constitution haïtienne stipule que : « vous ne pouvez occuper un poste (gouvernemental) si vous n'avez pas vécu au pays au cours des cinq dernières années ».

Ils ont jeté aux poubelles tous les mécanismes légaux que l'État haïtien avait installés. Le démantèlement de l'État a commencé à ce moment-là. Puis le groupe dit « Amis d'Haïti » a été créé. Ce sont ceux qui ont dirigé Haïti en se servant des Nations Unies : les États-Unis, la France et le Canada.

Remarquez que la France a toujours été impliquée ici malgré qu'elle soit loin en Europe. Elle est toujours dans les affaires haïtiennes. En ce moment elle négocie pour créer le nouveau gouvernement. C'est une affaire sérieuse à laquelle il faut penser.

Et je veux parler un peu de cette invasion. Parce que les gens ne se rendent pas compte, surtout quand les Nations Unies font les nouvelles, qu'il y a eu un coup d'État qui a été organisé avant 2004.

C'était une initiative d'Ottawa. Je suis sûre que vos auditeurs.trices le savent. Il y a eu une rencontre secrète un an auparavant, en 2003 sous les hospices du gouvernement libéral. Dennis Paradis était là. Ils se sont rencontrés pour discuter d'un changement de régime en Haïti. Michel Vastel de l'Actualité a publié des articles à cet effet. On peut donc aller voir Ottawa Initiative pour voir le plan élaboré en vue du renversement du Président, un an avant le fait.

Nous avons publié il y a quelques temps, le texte que Dominique de Villepin, alors Ministre des affaires étrangères de la France, a écrit en faveur d'un changement de régime (en Haïti) à transmettre au Conseil de sécurité des Nations Unies. C'était le 25 février et le coup est arrivé le 29 février. C'est la preuve que ces gens étaient actifs.

Mais je veux souligner cette situation particulière : vous avez deux membres du Conseil de sécurité qui mènent un coup d'État et se retournent pour utiliser ce Conseil et en appeler à l'invasion militaire du pays selon l'article sept alors qu'ils viennent de déloger son Président. Dans le vocabulaire des gangsters, ce sont des gangsters.

Cette action des gouvernements français, canadiens et américains est du gangstérisme en bande organisée qui mérite poursuite. (…)

Certains.es universitaires appellent cela « le multilatéralisme comme terreur ». Les Nations Unies ont été utilisées pour consacrer un coup d'État et pour apporter la violence. C'est le Brésil qui a assumé l'occupation des Nations Unies pour ce qui est de son aile militaire. Il faut se rappeler de cela quand nous réfléchissons sur le rôle de la gauche latino-américaine dans ses rapports avec Haïti.

Cette occupation a commencé en 2004. Je me rappelle que lors d'un voyage au pays, je pouvais voir les tanks traverser les petites villes. Haïti n'était pas un pays en guerre mais il était sous occupation des Nations Unies qui sont responsables de milliers de morts, d'homicides, de viols, d'exploitation sexuelle, et d'avoir introduit le choléra dans le pays qui a fait 30,000 morts et en a rendu malades plus d'un million.

Cette occupation a été lancée sur Haïti après le coup d'État et le démantèlement de l'État haïtien, n'est-ce pas ?

Je ne pense pas que la nouvelle politique des États-Unis visait à ce qu'ils prennent la tête d'une autre intervention (sur le terrain). Ils étaient conscients que, en ces temps des téléphones intelligents les Haïtiens.nes pouvaient prendre des photos très vite et les diffuser sur les réseaux sociaux. Voir des soldats blancs pointant leurs fusils sur eux, les noirs, (n'était pas de bonne guerre mondialement).

Je pense aussi que les États-Unis ont évalué qu'il serait plus habile de faire faire le sale boulot par tout un groupe de différents acteurs. C'est ce qui me fait dire qu'Haïti leur a servi de laboratoire. En fait c'est ainsi que les Nations Unies ont organisé l'occupation. C'était plus économique aussi. Donc, les Nations Unies ont payé pour une occupation que les États-Unis, la France et le Canada voulaient. Et les troupes de tant de différents pays sont venu occuper le pays.

Pendant ce temps, en 2020, les États-Unis ont installé Joseph Jouthe au poste de Premier ministre. Les protestations ont commencé mais elles ont été étiquetées « gangs », n'est-ce pas. Je n'aime pas ce terme de gangs parce que je pense que ce qui arrive en Haïti, … ce sont des groupes paramilitaires, ils sont armés mais les gouvernements installés par les Américains ont toujours employé ce terme de gang comme un moyen de dire que les protestations sont illégitimes, que ce ne sont que des gangs. Il faut faire cette distinction.

Je pense qu'à ce moment-là, les États-Unis voulaient que quelqu'un d'autre prennent la direction (de cette occupation). Le Canada a refusé. Il y a eu un article dans le New York Times pour dire que le Canada manquait de ressources pour assumer cette tâche mais aussi, qu'il n'en voyait pas l'intérêt parce qu'il ne voulait pas rester bloqué en Haïti.

Car, en effet, si vous allez en Haïti vous allez vous y trouver bloqué. Vous allez devoir tirer sur des gens, sur tous ces jeunes gens de moins de 24 ans qui composent la majorité de la population haïtienne.

Imaginez l'effet des images montrant des soldats canadiens et américains tirant sur des jeunes noirs de 14,15,16 ans, les enfants d'Haïti. Je ne pense pas que le Canada ait voulu cela mais il devait soutenir l'occupation américaine parce qu'il a besoin d'Haïti. Il a donc aidé les Américains à faire pression sur la CARICOM, les pays de la Caraïbe, pour qu'ils prennent la direction (de l'occupation).

Ils ont approché le Brésil pour le faire. Il a refusé. Il ne voulait pas se retrouver mêlé à cela car quand il y avait participé de 2004 à 2017, la gauche était contre. Cela a obligé les États-Unis à se tourner vers le Kenya, le pays le plus néocolonial qui soit, qu'on payerait 200 millions de dollars pour venir faire le sale travail d'occupation et d'invasion.

O.J. : C'est intéressant de voir le contraste dans la position canadienne entre 2004 et maintenant. À l'époque les hauts fonctionnaires déclaraient que le pays devait faire une faveur aux Américains parce que le Canada n'avait pas soutenu la guerre en Irak. C'était donc un moyen de rentrer dans les bonnes grâces américaines.

J.P. : Même chose pour la France. Les deux pays se sont servi d'Haïti pour compenser pour leur manque d'appui aux Américains lors de cette guerre.

O.J. : Comme vous le dites, aujourd'hui c'est la vision d'une armée canadienne blanche qui dirigerait … En 2004, selon certains rapports, la police nationale haïtienne aurait perpétré bon nombre de massacres, qui n'auraient pas été le fait des forces militaires d'occupation. C'est très difficile de connaître la vérité à cet effet. Quoi qu'il en soit, ce ne serait pas beau à voir.

Vous avez mentionné que le Kenya est dirigé par un gouvernement de type néo colonial. Pouvez-vous nous donner votre idée de ce que sont la Jamaïque, les Bahamas et Belize qui vont envoyer des troupes (en Haïti) ? Que sont les relations entre ces pays et Haïti ? Quel genre de gouvernement ont-ils ?

J.P. : Ce sont des relations très controversées. Je dois être prudente parce que je ne veux pas parler que des peuples. Mais, ces gouvernements ont toujours été … il existe un anti Haïti dans les Caraïbes comme en Amérique latine qui est difficile à décrire et à comprendre. Plusieurs pensent que je ne parle que des populations de ces pays, ce n'est pas le cas.

Je pense que cela s'explique par la façon dont les médias présentent Haïti depuis 200 ans. Parlant de la révolution, des grands titres à la une évoquaient le « cannibalisme ». Durant la révolte des esclaves il a été publié des titres comme : « Les Haïtiens violent les femmes blanches de l'ile ». Même en 1921, durant l'invasion (américaine), le New York Times titrait : « Des Haïtiens mangent un marine américain ». Je crois que vous pouvez trouver cela dans leurs archives encore aujourd'hui.

Donc, on a évoqué le cannibalisme et le Vodou. Il y a des noirs américains plutôt étranges qui pratiquent le Vodou … même WikiLeaks présente le Pape au Vatican mangeant J.B. Aristide parce qu'il serait un prêtre Vodou. Ce genre de chose est présent (dans les discours et les esprits). Même Wikileaks ! Parlant de stéréotypes....

Je ne crois pas que beaucoup dans les élites des Caraïbes croient ces préjugés. Cependant, Haïti a toujours été vu sous cet angle sauvage même si c'est le seul pays de la région qui a réussi une révolution et s'est débarrassé de l'esclavage. Les autres pays, comme ceux où la langue est le Français, sont toujours des colonies françaises. Ils ne sont pas du tout indépendants. La Cour suprême de la Jamaïque, son tribunal le plus élevé est en Angleterre, au Conseil privé. Il y a toujours des gouvernements coloniaux selon moi.

Ils ont toujours détesté HaÏti. Par exemple, le CARICOM, le rassemblement des communautés caraïbes qui fête ses 50 ans, n'a jamais voulu qu'Haïti en fasse partie. C'est plutôt ironique qu'aujourd'hui ce soit cette organisation qui doive supposément apporter une solution (au problème Haïtien). C'est ridicule.

Je veux ajouter deux choses. Premièrement, le traitement qui est réservé à Haïti et aux Haïtiens.nes dans les Caraïbes est horrible. En particulier, les Bahamas, qui ont des lois sur l'immigration qui font que les migrants.es haïtiens.nes sont traités.es de manière pire que ce qui se passe en ce moment à la frontière mexico-américaine. Depuis des décennies, on les traite comme des sous-humains. La déshumanisation des migrants.es Haïtiens.nes est partout là-bas, incroyable.

Haïti est membre de la CARICOM mais même si dans tous les autres pays membres les déplacements sont pratiquement libres, Haïti est le seul pays dont les ressortissants.es doivent avoir un visa pour accéder aux pays membres de cette organisation. C'est une réalité. Le manque de respect total et les mauvais traitements sont là depuis toujours. Ce n'est que depuis 2002 qu'Haïti en est membre. C'est grâce à la pression du Premier ministre jamaïcain, PJ Patterson qui en était le leader au début des années 2000 (que ça s'est produit).

Il a été le premier à dire : « Haïti doit faire partie de l'organisation ». Ils sont rébarbatifs à cause de l'importance de notre population. Après son entrée à la CARICOM, elle représentait 50% de la population totale de l'organisation. Et il y a aussi la langue : ce sont des attardés.es qui parlent une langue qu'aucun.e autre ne parle. À la CARICOM, l'Anglais domine. Ils se plaignaient aussi de petites choses comme l'argent qu'il va falloir dépenser pour la traduction. De petites choses comme celle-là.

La relation entre les autres pays des Caraïbes et Haïti est terrible. Je ne pense pas que aucun.e Haïtien.ne ne croit que quoi que fasse la CARICOM ce sera en leur faveur. Je ne crois pas du tout que ce soit gratuit non plus. C'est une autre raison qui convainc les gens qu'il s'agit de l'œuvre des États-Unis.

Il faut être conscient.e de cela parce que, après les refus des États-Unis, du Canada, de la France et même du Mexique de prendre la tête de cette opération, la CARICOM a aussi refusé après avoir été sollicitée. Le Premier ministre de St-Vincent a déclaré qu'il était complètement contre cet engagement de son organisation. Que s'est-il passé ensuite ? La ministre des affaires étrangères canadienne a participé à une réunion (de la CARICOM) l'an dernier. Ensuite Kamala Harris….

Tout ce beau monde était là pour la fête du 50ième anniversaire de l'organisation. Qu'arrive-t-il immédiatement après la fête ? Les pays de la CARICOM répondent positivement à l'appui de l'invasion d'Haïti.

Encore maintenant, alors qu'Ariel Henry ne peut rentrer au pays, il s'avère que c'est Antony Blinken, le Secrétaire d'État américain qui dirige dans les faits, la CARICOM. Avant même les réunions, ils ont décidé qu'ils allaient produire une solution au problème Haïtien.

Les Brésiliens, les Français, les Canadiens, les Américains et les Mexicains ont eu des réunions avec la CARICOM. Leur première rencontre s'est tenue en secret, a duré trois heures avec les Haïtiens.nes sélectionnés.es, qui selon eux allaient participer à la solution (du problème) haïtien.

Ces participants haïtiens n'ont été admis qu'à condition qu'ils soient d'accord avec l'invasion militaire. Quelle qu'ait pu être leur participation aux discussions, cette mise en scène américaine, sous couvert de la CARICOM, ces Haïtiens sélectionnés devaient être d'accord à l'avance avec leur contenu. Donc, quoi qu'il arrive, ce sera illégitime pour la majorité de la population haïtienne.

O.J. : J'ai été très surpris d'entendre ce que vous avez dit à propos des visas. Ce n'est pas en trente minutes de conversation qu'on peut creuser l'histoire, prendre conscience de la situation actuelle en Haïti et comprendre comment ce peuple a été obligé de payer pour sa révolution d'il y a 200 ans et comment sa résistance continue.

C'est remarquable de pouvoir distinguer les agissements non seulement des États-Unis et du Canada, mais aussi de tous ces autres pays membres de la CARICOM.

Je voudrais revenir au Canada. En plus d'envoyer des troupes en Jamaïque pour l'entrainement (de celles qui iront en Haïti), il a contribué cent millions de dollars d'aide à la police haïtienne. C'est une jolie somme.

Selon vous qu'est-ce que cette argent permettra d'acheter ?

J.P. : À acheter des équipements canadiens et américains. Cet argent retourne toujours d'où il vient. C'est la réalité, c'est ainsi que les Américains fonctionnent. Quand vous dites que vous allez donner des équipements militaires à l'Ukraine, cela veut dire que vous offrez plus de contrats au complexe militaro-industriel américain.

Je sais par exemple, que le gouvernement canadien a expédié des véhicules blindés à la police haïtienne soit disant contre paiement. Pour moi, quand nous pensons à cette aide, ce qui est fascinant c'est que le Canada ait dépensé trois millions pour que les troupes kényanes apprennent le Français. (…)

Vous vous imaginez : cette force s'en vient, ils ne connaissent pas la langue (du pays). Premièrement, la plupart du peuple haïtien ne parle pas Français mais Créole. Et il faut payer pour ça.

Je veux aussi souligner que quelle que soit la solution que ces pays occidentaux apportent à Haïti c'est toujours une solution violente. Il s'agit toujours de la force, de prisons. Par exemple, après le tremblement de terre la première chose que les États-Unis ont construit, ce sont deux prisons. Le plus d'infrastructures données par ce pays à Haïti, ce sont trois prisons. Ils ne construisent pas d'écoles, d'hôpitaux ; ils ne font que se concentrer sur cette logique carcérale, sur la violence et l'emprisonnement. C'est ce à quoi ils pensent quand ils pensent à nous.

O.J. : Un aspect intéressant dans les reportages à propos de ce qui se passe en Haïti que je lis toujours avec un peu de suspicion, même ceux des collègues qui sont sur le terrain et voient les choses de première main, l'intérêt est toujours porté sur les populations des quartiers riches ou très riches pas sur la majorité de la population qui vit dans des camps de déplacés.es ou dans les quartiers populaires.

Quand vous lisez les reportages à propos d'Haïti avez-vous aussi ce sentiment ? Pensez-vous que nous devrions faire des recherches, remplacer certaines fonctions pour être capables d'interpréter, de donner du sens à ces reportages venant d'Haïti ?

J.P. : Deux éléments ici. Premièrement, les reportages concernant Haïti sont horribles. Ils sont racistes. Il y en a encore qui disent qu'il y a du cannibalisme dans ce pays. C'est comme si rien n'avait changé depuis 1800. Les reportages sont racistes.

Ensuite, je suis heureuse que vous ayez parlé de Port-au-Prince et de Pétionville. Dans les grands médias occidentaux, quand il est question d'Haïti, on a toujours l'impression que tout le pays est en feu, qu'une guerre civile est en cours. Impossible de se déplacer.

Donc il serait impossible d'expliquer pourquoi l'aéroport commercial du nord de l'île est encore ouvert, que les vols entrants et sortants se font sans problème. Comme si le pays est en feu, mais Jetbleu et Spirit Airlines volent tous les jours.

Ces gens, (les journalistes), prennent Port-au-Prince comme une représentation du pays entier. J'ai vu des images du tremblement de terre de 2010 qui faisaient un lien avec ce qui se passe aujourd'hui comme si tout s'effondrait comme à ce moment-là.

Je veux insister pour dire que ce qui se passe dans le pays, la plus importante partie de la violence se passe à Port-au-Prince et dans ses quartiers populaires. C'est comme cela depuis longtemps. Ça a empiré parce que, maintenant, les groupes armés vont probablement se rapprocher de Pétionville, le quartier riche sur les collines. C'est là que vivent les riches ce qui fait que les hélicoptères, peuvent atterrir, prendre leur clientèle et les déménager à Cap Haïtien pour qu'elle quitte le pays.

Mais si vous examinez la carte de Port-au-Prince, vous voyez les quartiers dit populaires. Ils sont très concentrés, très pauvres. C'est là que les forces des Nations Unies avaient l'habitude d'aller et de tirer, vider leurs chargeurs sur la population de ces parties de la ville. C'est là que se trouve la résistance. Cette population a souffert sous la coupe de groupes armés payés par les politiciens.nes depuis des années. Les citoyens.nes ont été tués.es, de jeunes gens, mais ça n'a pas fait les nouvelles n'est-ce pas ? Ce n'est que maintenant alors que ces groupes armés se sont rassemblés, et qu'il semble qu'ils aient un peu plus d'argent, qu'on peut entendre : « Oh ! Mon dieu, le pays est assiégé ». Je ne dis pas que ça ne soit pas le cas, mais quand les reportages vous montrent des pneus qui brûlent, (on doit dire que) c'est une mesure de protection dans ces quartiers. On y érige des barricades, installe des sacs de sable pour empêcher d'y entrer. On ne l'explique jamais. Vous continuez à penser que tout le pays est en feu, on n'explique pas. Ce sont les représentations d'une partie de l'élite haïtienne qui dit qu'elle est assiégée.

J'insiste : pourquoi n'avez-vous pas parlé de ces jeunes gens des quartiers populaires qui ont été abattus à coup de fusil sur ordre des politiciens.nes et de l'oligarchie il y a deux ans, trois ans, ou quand Jovenel Moïse et Michel Martelly ont envoyé des groupes armés dans ces quartiers pour les abattre ?

BBC, CNN, Voice of America ont livré la même histoire. Nous connaissons le néocolonialisme, la façon de fonctionner de ces médias globaux dans les pays d'Afrique et en Amérique latine ; ils se copient les uns les autres et répandent la même histoire. C'est la manufacture du consentement. Partout où je me suis trouvée en dehors des États-Unis j'ai été confrontée à la même réaction : « Oh ! Mon dieu, votre pays ; je suis désolé.e ; tout votre pays est en guerre civile, il est en feu ».

Pour moi, ces médias sont aussi responsables de la violence qui sévit en Haïti que la population haïtienne (…). Aussi, les gens qu'on interview au pays, sont ceux et celles qui sont coïncés.es à Port-au-Prince. Durant une émission de télévision à laquelle je participais, j'ai entendu : « Vous savez, je suis coïncé dans ma maison. Je n'ai pas pu sortir depuis quelques jours. Je descends la rue avec mon chauffeur et je vois les cadavres ici et là ». Je me dis : « Vous avez un chauffeur ? Alors c'est très intéressant ».

En effet, une partie de cela est très intéressante. Mais il y a aussi les troupes étrangères (dans le pays). Même après le tremblement de terre les gens qui ont le mieux fait avec tout l'argent qui a été distribué au nom du pays, ce sont les élites économiques.

Ceux et celles qui obtiennent actuellement des contrats de sous-traitance, profitent de l'invasion étrangère. Leurs hôtels affichent complets. La location de voitures aux agences d'aide fonctionne à plein. Leur soutien à l'invasion est acquis parce que ce n'est pas cette partie de la population qui va se faire tuer. Elle vit dans des installations fortifiées sur les hauteurs.

O.J. : Parlons de la diaspora. Vous en êtes membre si je comprends bien. Sa présence à Montréal et dans d'autres villes canadiennes est certainement importante. Pouvez-vous parler de la réponse de cette population au Canada qui entretient des rapports avec Haïti ? Comment se présentent les réactions ? Et voyez-vous l'émergence d'un consensus à un moment donné ? Ou, y-a-t-il une position progressiste commune ?

J.P. : Je dois dire que je suis arrivée au Canada il n'y a que neuf mois, venant des États-Unis. Cette précision est importante. Alors, je ne connais pas bien l'étendue des positions au Canada mais, je peux dire que, généralement, il y en a une. Les plus vieux et vieilles qui ont soutenu le Parti Lavalas de J.B. Aristide sont encore fachés.es par le coup d'État de 2004. C'est une voix progressiste.

J'ai pu observer au fil du temps, une situation fascinante : à Miami par exemple, une classe moyenne supérieure plutôt bureaucratique a accédé au gouvernement. Il existe des groupes légaux d'Haïtiens.nes américains.es comme une association d'avocat.es, des élus.es qui prennent les mêmes positions que le Département d'État. Par exemple, ils et elles sentent le besoin de faire du lobbying ici et là en soutien à l'invasion. Mais, à Ottawa il y a un solide groupe progressiste. Il y a beaucoup d'organisations progressistes qui, encore maintenant, persistent à dénoncer le rôle du Canada dans l'occupation continue. Car, Haïti est occupé. Il l'a été depuis 20 ans par des étrangers.

Donc il y a trois groupes dont deux sont progressistes. Mais les bureaucratiques sont ceux et celles que les gouvernements écoutent à cause de leur maîtrise du langage technocratique. Par exemple les solutions doivent être envisagées dans les bureaux de Washington ou d'Ottawa ; c'est là qu'il faut comprendre ce qui se passe au pays plutôt qu'avec les organisations sur le terrain.

L'autre aspect est avec la jeune génération, la croyance dans la diabolisation d'Aristide et de son Parti, Lavalas depuis 2004, et le rôle des médias. Il y a eu un article intitulé : « How to Turn a Priest into a Cannibal ». Les États-Unis y présentaient Aristide comme l'incarnation du diable. Ils le liaient à Hitler et autres personnages semblables et ils diabolisaient le mouvement populaire en laissant entendre qu'il était derrière toute la violence et ainsi de suite. Je pense que beaucoup de cette jeunesse qui a grandi avec cette représentation d'Aristide y croient.

En tous cas ils en croient une partie et c'est la raison pour laquelle elle ne voit pas correctement par exemple, la figure de Guy Philippe, ce paramilitaire qui a assouvi sa vengeance en faisant des dégâts notables durant le gouvernement Aristide. Les États-Unis l'ont qualifié de « combattant pour la liberté » durant le coup d'État de 2004. Il faisait partie des groupes fondés et entraînés aux États-Unis et au Canada. En ce moment il a un soutien populaire mais les gens ne se rendent pas compte qu'il a été financé par la CIA entraîné par les forces spéciales américaines en Équateur et en République dominicaine.

Il y a donc une différence entre les générations. Mais je pense qu'il y a un groupe clé de gens qui la comprend avec son passé, qui comprend ce qui est arrivé durant les 20 dernières années spécialement. Elle sait, pour le moins, qu'il ne faut avoir aucune confiance dans les États-Unis.

L'impérialisme américain n'est pas gratuit. Celui du Canada non plus. Je ne pense pas que les Canadiens.nes voient leur pays comme une puissance impérialiste, mais plutôt comme obéissant aux États-Unis. Mais il faut se rendre à la réalité : le Canada joue son propre rôle impérialiste. Il faut se rappeler que ce sont des compagnies canadiennes qui détiennent la majorité des sites miniers en Afrique n'est-ce pas ? Il y a de l'or en Haïti et des compagnies canadiennes travaillent à son extraction. Et peu de gens savent que le Canada a une base militaire dans les Caraïbes, en Jamaïque. Il s'en est servi pour de l'espionnage dans la région après les indépendances, pour s'opposer aux soit disant nations communistes et pour freiner les communistes toujours actifs après les années 1960-70. Donc il faut être très clair, ces deux pays ne se dépensent pas en faveur d'Haïti, ils ne sont pas là parce que ce qui s'y passe les intéresse.

O.J. : C'est intéressant ce que vous dites à propos de Guy Philippe parce je me rends compte que la majorité des Haïtiens.nes vivants.es en ce moment, avaient au plus six ou sept ans quand le coup de 2004 est arrivé. La conscience politique est largement façonnée dans ce contexte, avec cette perspective d'occupation militaire sans fin. (…)

(…) Quelle est selon vous, la chose la plus importante dont les Canadiens.nes doivent s'emparer en réponse à cette crise dans laquelle nous sommes si profondément impliqués.es ?

J.P. : Dites à votre gouvernement de se retirer d'Haïti, de le laisser tranquille. Je sais que ça semble idiot parce qu'on vous répète qu'il faut faire quelque chose, que la situation est si terrible.

Je veux vous rappeler que ce peuple a défait l'armée de Napoléon. Il a combattu et est devenu indépendant par ses propres forces. Il a encore ces capacités.

Je pense qu'il faut faire un pas de recul, respecter suffisamment la souveraineté et l'humanité haïtienne pour permettre au peuple de faire ce qu'il y a à faire sans la perpétuelle médiation américaine, française et canadienne dans ses affaires.

La chose la plus importante que les Canadiens.nes peuvent faire, surtout la gauche, c'est de se rallier au peuple haïtien contre les interventions et la constante médiation de son gouvernement. Il faut arrêter le gouvernement canadien de participer à cette occupation, à la militarisation du pays, d'envoyer des troupes etc. etc. Mais aussi de ne plus autoriser d'ONGs à s'y installer ; en ce moment, trop de gens développent leur carrière avec Haïti comme atout.

Le plus important de tout, c'est de laisser Haïti tranquille. Je le dis avec toute la considération que j'ai envers mes frères et sœurs canadiens.nes mais j'insiste, dites à votre gouvernement de nous laisser tranquilles.

O.J. : Jemima Pierre, merci beaucoup de nous avoir accordé tout ce temps.

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Rima Hassan : « Je veux garder espoir »

30 avril 2024, par Denis Sieffert — , ,
La juriste franco-palestinienne, qui figure en septième position sur la liste La France insoumise aux européennes, est depuis quelques semaines omniprésente sur la scène (…)

La juriste franco-palestinienne, qui figure en septième position sur la liste La France insoumise aux européennes, est depuis quelques semaines omniprésente sur la scène médiatique. Souvent à son corps défendant. Dans un entretien accordé à Politis, elle se livre à un plaidoyer pour le droit et la démocratie.

23 avril 2024 | tiré de politis.fr - Article paru dans l'hebdo No 1807
https://www.politis.fr/articles/2024/04/rima-hassan-le-gouvernement-israelien-ne-veut-pas-la-paix/

Rima Hassan est l'un des nouveaux visages de La France insoumise. Née le 28 avril 1992 dans le camp de réfugiés palestiniens de Neirab, en Syrie, elle arrive en France à l'âge de 10 ans et obtient la nationalité française le 6 octobre 2010. Titulaire d'un master en droit international, militante de la cause palestinienne,candidate LFI aux élections européennes de juin prochain, elle aspire à porter la voix du droit international au Parlement européen.

Les Français vous découvrent depuis que vous êtes sur la liste LFI des européennes. C'est-à-dire depuis peu. Quelle est votre histoire ? Quelle est l'histoire de votre famille ?

Je suis née dans le camp palestinien de Neirab, près d'Alep, en Syrie. Mon grand-père maternel, d'origine palestinienne, avait été contraint à l'exil pendant la Nakba, à la création d'Israël en 1948. Ma grand-mère maternelle était issue d'une famille de notables syriens, les Hananou. Le mariage avec un réfugié palestinien n'avait pas été bien accueilli dans la famille syrienne. Il avait fait cette promesse : « Je la prends princesse, et elle vivra comme une princesse. » En réalité, leur vie s'est déroulée dans un camp de réfugiés. Je suis arrivée à l'âge de 10 ans en France, où j'ai fait ma scolarité, puis j'ai poursuivi des études de droit au Liban et à Paris. En 2019, j'ai créé l'Observatoire des camps de réfugiés, qui documente les camps à travers le monde.

Depuis que vous êtes dans la lumière, vous prenez des coups sur la scène médiatique. On vous dit à tout bout de champ « controversée », sans trop que l'on sache ce que cela veut dire. Et voilà que vous êtes convoquée par l'antiterrorisme pour « apologie du terrorisme ». Savez-vous à quelle déclaration cette accusation fait référence ? Et comment vivez-vous cette situation ?

Je la vis de façon sereine. Ce qu'on me reproche, ce sont des posts sur les réseaux sociaux entre novembre et décembre dernier. Mais il n'y a aucune saisine du procureur. Et je suis convoquée sur la seule base de plaintes de lobbyistes pro-israéliens connus pour être très proches de Netanyahou.

En tant que juriste, quelle est la mission que vous vous assignez ?

J'ai fait des études de droit par passion. J'ai travaillé sur la qualification de crimes d'apartheid, qui reposent sur la dichotomie juifs/non-juifs aux fins de nettoyage ethnique. L'apartheid est une doctrine fondamentalement raciste, qui va jusqu'à l'animalisation des Palestiniens, traités de cafards ou de sauterelles. L'apartheid est la conséquence directe du colonialisme. La vérité, c'est qu'Israël est malade de son colonialisme.

Comment vous définissez-vous par rapport à la question coloniale et au sionisme ?

Je n'aime pas me définir comme antisioniste parce qu'on ne sait pas de quel sionisme on parle. Le sionisme a deux dimensions. L'une structurelle, nationale, à laquelle je ne m'oppose pas. La deuxième est coloniale. Et Israël doit rompre avec sa dimension coloniale qui aboutit à déshumaniser les Palestiniens. Le projet colonial fait disparaître tous les Palestiniens en tant que sujets politiques. Les événements actuels s'inscrivent dans une projection politique de la Nakba de 1948, dont l'objectif était de faire disparaître les Palestiniens. Tant qu'Israël ne guérira pas de son colonialisme, il n'y aura pas d'issue, les Palestiniens seront dépossédés ou massacrés, et les Israéliens ne seront pas en sécurité.

On a l'impression que vous êtes beaucoup plus modérée que l'image que donnent de vous certains médias. Avez-vous pondéré votre discours récemment ?

Non, j'ai toujours le même discours. J'essaie d'être toujours souriante et optimiste. Je n'ai pas le choix. Souriante, mais sévère et en colère. Je suis née en colère. Je me regarde dans l'histoire de ma famille enterrée dans un camp. Mais je veux garder espoir. J'ai fait des études de droit pour structurer ma pensée et ma colère. La colère, pour moi, n'est pas l'aigreur. Elle peut être saine. Et je m'efforce de tenir compte du vécu européen par rapport à la Shoah. Je ne confonds pas Israël avec les juifs. Et je ne confonds pas les Israéliens avec le gouvernement israélien.

On vous a accusée de ne pas être claire à propos du Hamas. Comment qualifiez-vous ce mouvement ?

Je suis fatiguée de commenter la paresse intellectuelle de prétendus experts. Le Hamas est un mouvement religieux structuré autour d'une branche politique, et qui a développé une branche armée dont le mode opératoire est le terrorisme. M'accuser de soutenir le Hamas, c'est mal me connaître. Je suis née dans une famille communiste. Par ailleurs, posons-nous la question : qui a soutenu le Hamas ? On a très bien documenté le soutien du gouvernement israélien au Hamas. Bezalel Smotrich [ministre des Finances, et leader extrémiste des colons, N.D.L.R.] et même Benyamin Netanyahou ont expliqué pourquoi il fallait le soutenir et le faire financer pour briser les organisations ouvertes à la négociation. Le journal israélien Haaretz l'a révélé. Il y a donc beaucoup d'ironie à accuser tel ou tel de soutenir le Hamas.

La situation aujourd'hui est désespérante avec le massacre de Gaza et les raids des colons en Cisjordanie. Puisque vous parlez d'espoir, interrogeons-nous sur l'avenir. Et il n'y a pas d'avenir sans un nouveau leadership palestinien. Comment abordez-vous la question de la représentation palestinienne ? Ou, pour poser la question différemment, croyez-vous que le Hamas représente les Palestiniens ?

Ce n'est pas à moi de dire aux Palestiniens de quels représentants ils doivent se doter. Je suis évidemment pour des élections qui renouvellent l'Autorité palestinienne. Mais pour répondre directement à votre question, je ne crois pas qu'un mouvement religieux puisse représenter les Palestiniens. Il faut qu'ils soient représentés dans leur diversité, laïque, au sens premier du terme. L'ironie de l'histoire, c'est que les dirigeants palestiniens progressistes, comme Marwan Barghouti, sont en prison, alors que le Hamas négocie au Caire et signe des accords. La vérité, c'est qu'Israël ne veut pas d'interlocuteurs progressistes. Le gouvernement israélien ne veut pas la paix.

On vous a beaucoup reproché de parler d'un État binational. C'est d'ailleurs la fameuse carte abolissant les limites entre Israël et les Territoires palestiniens qui a, dit-on, provoqué l'interdiction des conférences qui devaient se tenir à Lille. Qu'est-ce que l'État binational, pour vous ?

Encore une fois, ce n'est pas à moi non plus de définir la forme que doit prendre l'État palestinien. Je ne pose pas le problème en ces termes. Il faut bien comprendre que j'appartiens à une nouvelle génération. Nous avons un prisme qui est celui de l'égalité des droits. Je crois en la démocratie. La forme de l'État vient après. Les Palestiniens demandent à être comme nous. Ils veulent s'inscrire dans le monde, comme n'importe quel autre peuple. C'est une lutte universelle. D'ailleurs, je dois préciser qu'une fois qu'ils auront leur État, quelle qu'en soit la forme, ils seront face à des sujets palestino-palestiniens. Mon problème est celui du droit et de la démocratie en général.

Je n'ai pas envie d'être essentialisée à partir de la seule question palestinienne. La question de la démocratie se pose aux Israéliens, au-delà même de la question palestinienne. Je regarde cet État se définir, et définir son sionisme. Des mobilisations massives ont lieu contre Netanyahou, mais dans le même temps des sondages montrent que 80 % de la population est pour une offensive contre Rafah. Israël est dans la contradiction et en face d'un dilemme. Entre être un État juif et être un État démocratique, il lui faudra choisir. S'il est exclusivement juif, il ne peut pas être démocratique.

La loi de juillet 2018 a officiellement retiré la référence à la démocratie. La question est donc de plus en plus actuelle, à mesure que la colonisation envahit la Cisjordanie et Jérusalem-Est, et que la solution à deux États devient de plus en plus impraticable. C'est la question de l'égalité des droits entre juifs et Palestiniens, musulmans ou chrétiens, qui se pose. C'est la colonisation qui, d'une certaine façon, replace l'État binational dans l'actualité.

Depuis le retrait de cette grande dame qu'est Leïla Shahid, la voix palestinienne est devenue inaudible dans l'espace public. Certains médias parlent à la place des Palestiniens en les assimilant grossièrement au Hamas. Ce qui correspond à la stratégie israélienne. Quelle place comptez-vous occuper dans ce paysage ?

Je suis française depuis l'âge de 18 ans. C'est la France qui m'a donné ma citoyenneté. Je ne veux pas prétendre parler pour les Palestiniens. Mais faire entendre une voix dans l'espace public, c'est précisément ce que je fais en me présentant aux européennes.

Justement, vous avez choisi d'être sur la liste de La France insoumise. Ne craignez-vous pas d'être marquée par cet engagement, voire instrumentalisée ?

Les Écologistes m'avaient proposé de venir sur leur liste, mais en position non éligible. Avec LFI, je peux espérer défendre directement mes dossiers sur la scène européenne. Et il ne s'agit pas seulement de la question palestinienne. Ma souffrance, c'est l'exil et la dépossession, qui est la même pour tous les peuples qui connaissent cette situation. D'autres sont menacés de génocide. J'ai par exemple soutenu les travaux de Raphaël Glucksmann sur le génocide des Ouïgours. Fort heureusement, on ne lui a jamais dit que ce n'était pas un enjeu européen.

« J'aime les conférences, la pédagogie. Je ne suis donc pas dans le même registre que de nombreux hommes et femmes politiques. »

Or la question palestinienne est mille fois plus européenne que celle des Ouïgours. L'Europe est donc le cadre pertinent pour mener ces combats. Ce sont les États européens qui signent un accord d'association avec Israël. Certains d'entre eux arment Israël. Ils sont impliqués dans les territoires palestiniens, devenant complices de la colonisation. Si je vais au Parlement européen, c'est pour dire le droit, les droits humains. Dans le même esprit, je travaille aussi sur le sort des sans-abri. Sur tous ces sujets, je mobilise surtout mes compétences juridiques.

Votre proximité avec LFI ne risque-t-elle pas de vous gêner ?

Dans le meeting improvisé de Lille, on a tout de même noté une différence de ton entre vous et Jean-Luc Mélenchon. Vous veniez de dire que votre résilience, c'est le sourire, et on a entendu Mélenchon comparer le président d'université de Lille à Adolf Eichmann, et le socialiste Jérôme Guedj, bien qu'il ne fût pas nommé, à un délateur collabo. Cela faisait un fort contraste…

Moi, je ne changerai pas mon discours. Je ne suis pas à l'aise aux tribunes des meetings improvisés. J'aime poser mes mots. J'aime les conférences, la pédagogie. Je ne suis donc pas dans le même registre que de nombreux hommes et femmes politiques.

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Les BRICS et leur Nouvelle banque de développement offrent-ils des alternatives à la Banque mondiale, au FMI et aux politiques promues par les puissances impérialistes traditionnelles ?

30 avril 2024, par Éric Toussaint — , ,
Au cours des dernières années, le rejet légitime des politiques promues par les puissances impérialistes traditionnelles (Amérique du Nord, Europe occidentale et Japon) suivi (…)

Au cours des dernières années, le rejet légitime des politiques promues par les puissances impérialistes traditionnelles (Amérique du Nord, Europe occidentale et Japon) suivi des annonces faites par les BRICS (le Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du sud) ont suscité un grand intérêt et l'attente de grands changements, notamment la création d'une monnaie commune pour remettre en cause le dollar comme monnaie dominante. Qu'en est-il réellement ? Quel est le bilan de la Nouvelle Banque de développement et du Fonds monétaire des BRICS ?

Tiré du site du CADTM.

Sommaire

En quelques chiffres, quel est le poids des BRICS ?

Depuis des années, on parle de la possibilité du lancement d'une nouvelle monnaie par les BRICS, (…)

En quelques mots, qu'est-ce que la Nouvelle banque de développement ? Quelle est la part de (…)

Que dit Paulo Nogueira à propos de la Nouvelle Banque de Développement ?

Quelles sont autres les éléments de déception exprimés par Paulo Nogueira à propos de la Nouvelle (…)

Quelle conclusion tirer du fait que la NDB emprunte sur les marchés financiers et en dollars (…)

Quels sont les types de projets financés par la Nouvelle Banque de Développement (…)

Où en est le Fonds monétaire des BRICS connu par le sigle en anglais CRA ?

Pourquoi ce projet de Fonds monétaire commun n'a-t-il pas avancé ?

Quels sont les éléments de la déclaration finale du sommet des BRICS de 2023 qui montrent qu'ils (…)

En quelques chiffres, quel est le poids des BRICS ?

Les 5 pays membres fondateurs des BRICS [1] créés en 2011 sont le Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du sud, ils représentent 27% du PIB mondial, 20% des exportations mondiales, 20% de la production mondiale de pétrole, 41% de la population mondiale. Il faut ajouter que lors du sommet d'août 2023, un élargissement des BRICS a été annoncé et le sigle de l'ensemble élargi devient BRICS+. Six pays supplémentaires devaient adhérer : l'Égypte, l'Arabie Saoudite, les Émirats arabes unis, l'Éthiopie, l'Iran et l'Argentine. Finalement, suite à l'élection de Javier Milei en novembre 2023, l'Argentine s'est retirée. Si on ajoute les 5 nouveaux membres pour calculer le poids des BRICS+, le grand changement par rapport à la situation précédente concerne la production de pétrole. Les BRICS+ représentent 42% de la production pétrolière mondiale de pétrole. Quelques données supplémentaires : les BRICS+ représentent 29% du PIB mondial, 25% des exportations mondiales et 45% de la population de la planète.

Depuis des années, on parle de la possibilité du lancement d'une nouvelle monnaie par les BRICS, qu'en est-il ?

Même si certains espèrent que cela sera à l'ordre du jour du prochain sommet des BRICS, qui se tiendra en 2024 à Kazan (capitale de la république du Tatarstan qui fait partie de la Fédération de Russie) sous la présidence de la Russie dirigée par Vladimir Poutine, la création d'une monnaie commune des BRICS n'a pas été mentionnée dans la déclaration finale adoptée lors du sommet des BRICS qui s'est tenu en août 2023 en Afrique du Sud [2]. Il est vrai que dans son discours de clôture de ce sommet, le président brésilien a annoncé que les BRICS avait :
« approuvé la création d'un groupe de travail chargé d'étudier l'adoption d'une monnaie de référence pour les BRICS. Cela augmentera nos options de paiement et réduira nos vulnérabilités. » [3]

L'économiste brésilien Paulo Nogueira Batista, qui a représenté de 2007 à 2015 le Brésil au FMIsous la présidence de Lula, et qui a été ensuite vice-président de la Nouvelle banque de développement (créée par les BRICS) de 2015 à 2017, fait partie de ceux qui espèrent que la création d'une monnaie BRICS sera à l'ordre du jour du XVIe sommet des BRICS. Dans une communication datée d'octobre 2023, Paulo Nogueira Batista a déclaré :

« Le président Poutine lui-même, ainsi que le président Lula, ont souvent parlé de dédollarisation et de l'éventuelle création d'une monnaie commune ou de référence pour les BRICS. Depuis au moins 2022, des experts russes travaillent sur le sujet. La raison pour laquelle la Russie est à l'origine de cette idée est assez claire ».

Bien sûr, Nogueira fait allusion aux sanctions dont la Russie fait l'objet depuis l'annexion de la Crimée en 2014 et surtout depuis l'invasion de l'Ukraine en 2022.
Paulo Nogueira Batista poursuit en résumant certains des progrès réalisés et les nombreux obstacles rencontrés, et conclut :

« Nous avons la chance que la Russie préside les BRICS en 2024 et le Brésil en 2025 – précisément les deux pays qui semblent les plus intéressés par la création d'une monnaie commune ou de référence. Si tout se passe bien, les BRICS pourraient prendre la décision de créer une monnaie lors du sommet en Russie l'année prochaine. D'ici le sommet du Brésil, en 2025, les BRICS seront peut-être en mesure d'annoncer les premières étapes de sa mise en place » [4].

Mais il y a d'autres sons de cloches. En effet, Lesetja Kganyago, gouverneur adjoint de la Banque centrale de la République d'Afrique du Sud, est beaucoup moins optimiste que Paulo Nogueira. Voici ce que William Gumede écrivait dans le magazine Businessday le 21 août 2023, au moment du sommet des BRICS :

« Le gouverneur de la Banque centrale d'Afrique du Sud, Lesetja Kganyago, a mis en garde contre l'utilité d'établir une monnaie commune dans un bloc commercial dont les membres sont répartis sur des sites géographiques très différents. Le succès de l'euro, la monnaie commune de l'UE, repose en partie sur la proximité géographique, la similitude des institutions et des régimes économiques et politiques, et l'abandon par les économies individuelles de leurs monnaies nationales.

Une monnaie des BRICS nécessitera également une banque centrale des BRICS, une politique monétaire commune, un alignement des politiques fiscales et une synergie entre les régimes politiques de l'ensemble du bloc commercial. Or, dans l'état actuel des choses, les monnaies des BRICS ont des régimes de banque centrale mal adaptés et ne sont pas facilement convertibles, contrairement à l'UE lors de la création de l'euro. Les banques centrales de la Chine et de la Russie sont également contrôlées par l'État, alors que l'Afrique du Sud, l'Inde et le Brésil ont des banques centrales indépendantes. La grande question est de savoir si la Chine ou la Russie renonceraient à leur souveraineté sur les monnaies nationales, ce qui est crucial pour le succès d'une monnaie commune » [5].

On peut ajouter qu'on imagine mal que l'Inde sous Narendra Modi, qui va probablement remporter les élections de mai 2024, rentre en conflit avec les Etats-Unis en appuyant le lancement d'une monnaie commune. Face à la Chine, l'Inde renforce ses relations avec Israël, avec Washington, l'Australie et le Japon, tout en aidant la Russie à écouler son pétrole et en se maintenant dans les BRICS. L'Inde, comme l'indique le gouverneur de la Banque centrale d'Afrique du Sud, tient beaucoup à la souveraineté sur sa monnaie. De même que le Brésil car cela permet à l'un et à l'autre de maintenir ou renforcer leur influence dans leur aire d'influence économique traditionnelle. Le Brésil par rapport aux économies voisines : Paraguay, Pérou, Bolivie, Équateur, Venezuela,… L'Inde par rapport au Bangladesh, au Népal, au Sri Lanka,…

Je pense qu'il est plus crucial d'évaluer ce qui est actuellement en place plutôt que de faire des spéculations sur la probabilité qu'une monnaie commune des BRICS se matérialise un jour. Ce qui est certain c'est qu'au-delà des discours des représentant·es russes et brésilien·nes, dans la pratique, la mise en place d'une monnaie commune n'a pas avancé jusqu'ici.

En quelques mots, qu'est-ce que la Nouvelle banque de développement ? Quelle est la part de chaque pays des BRICS dans le Nouvelle banque de développement et comment fonctionne-t-elle ?

La NDB a été créée officiellement le 15 juillet 2014 à l'occasion du 6e sommet des BRICS qui s'est tenu à Fortaleza au Brésil. La NDB a octroyé ses premiers crédits à partir de fin 2016. Les 5 pays fondateurs ont chacun une part égale du capital de la Banque et aucun n'a le droit de véto. La NDB, outre les 5 pays fondateurs, compte comme membres le Bangladesh, les Émirats Arabes Unis et l'Égypte [6]. L'Uruguay est en train de rendre effective sa participation. La NBD est dotée d'un capital de 50 milliards de dollars qui devrait être porté dans le futur à 100 milliards de dollars. Il y a rotation pour l'exercice du poste de président de la NDB. A tour de rôle pour un mandat de 5 ans, chaque pays a droit à exercer la présidence. Dilma Rousseff, la présidente actuelle est brésilienne, le prochain ou la prochaine présidente sera russe et sera désignée en 2025 par Vladimir Poutine qui vient d'être réélu à la présidence de la Fédération de Russie jusque 2030. La Nouvelle Banque de Développement annonce qu'elle se concentre principalement sur le financement de projet d'infrastructures y compris des systèmes de distribution d'eau et des systèmes de production d'énergie renouvelables. Elle insiste sur le caractère vert des projets qu'elle finance.

Que dit Paulo Nogueira à propos de la Nouvelle Banque de Développement ?

Compte tenu des responsabilités qu'il a exercées en tant que représentant du Brésil au FMI et ensuite comme vice-président de la Nouvelle Banque de Développement (NDB en anglais), il est intéressant de publier un large extrait des propos de Paulo Nogueira Batista à propos de la nouvelle banque créée par les BRICS :

« La Banque a accompli beaucoup de choses mais n'a pas encore fait la différence. L'une des raisons est, franchement, le type de personnes que nous avons envoyées à Shanghai depuis 2015 en tant que président·es et vice-président·es de l'institution. Le Brésil, par exemple, sous l'administration Bolsonaro, a envoyé une personne faible pour devenir président de la mi-2020 au début 2023 – techniquement faible, orientée vers l'Occident, sans leadership et sans la moindre idée de la manière de mener une initiative géopolitique. La Russie ne fait malheureusement pas exception à la règle : le vice-président russe de la NDB est remarquablement inapte à ce poste. La faiblesse de la gestion a souvent conduit à un mauvais recrutement du personnel.

Ces problèmes internes à la Banque ont été aggravés par des obstacles politiques plus généraux, notamment les relations tendues entre la Chine et l'Inde, les sanctions imposées à la Russie depuis 2014 et, surtout, depuis 2022, ainsi que les crises politiques au Brésil et en Afrique du Sud. Ces problèmes macro-politiques au sein des membres fondateurs et entre eux ont également nui à la NDB.

Le Brésil a envoyé Dilma Rousseff, ancienne présidente du Brésil, à la présidence de l'institution. Elle a cependant moins de deux ans pour redresser la Banque. Ce n'est pas assez. Ainsi, l'avenir de la NDB repose en grande partie sur la Russie. En effet, la Russie aura la possibilité de nommer un nouveau président pour 5 ans, à partir de juillet 2025. Je suis convaincu que la Russie sera en mesure, cette fois-ci, d'envoyer une personne forte pour ce poste, quelqu'un de haut niveau politique, techniquement solide et ayant une vision claire des objectifs géopolitiques qui ont conduit les BRICS à créer la NDB ».

Les espoirs de Paulo Nogueira de voir la Russie donner beaucoup plus de force à la NDB à partir de 2025 doivent être tempérés par deux facteurs majeurs. D'une part, l'évolution de la guerre en Ukraine et les sanctions prises au niveau international par l'Amérique du Nord, l'Europe de l'Ouest et le Japon à l'encontre de la Russie. Deuxièmement, la décision de la NDB de ne plus accorder des crédits à la Russie. La NDB a choisi de respecter les sanctions mises en place par les partenaires de Washington et s'est abstenue d'accorder de nouveaux prêts à la Russie depuis 2022. Ceci peut être vérifié sur le site de la NDB :
https://www.ndb.int/projects/all-projects/
et notamment ici où l'on constate que le dernier projet soutenu financièrement par la NBD en Russie date de 2021.

Quelles sont autres les éléments de déception exprimés par Paulo Nogueira à propos de la Nouvelle Banque de Développement ?

Revenons à l'évaluation de Paulo Nogueira sur la faiblesse de la NDB :

« Pourquoi peut-on dire que la NDB a été une déception jusqu'à présent ? Voici quelques-unes des raisons. Les décaissements ont été étonnamment lents, les projets sont approuvés mais ne sont pas transformés en contrats. Lorsque les contrats sont signés, la mise en œuvre effective des projets est lente. Les résultats sur le terrain sont maigres. Les opérations – financements et prêts – se font principalement en dollars américains, monnaie qui sert également d'unité de compte à la Banque.

Comment pouvons-nous, en tant que BRICS, parler de manière crédible de dédollarisation si notre principale initiative financière reste majoritairement dollarisée ?
Ne me dites pas qu'il n'est pas possible d'effectuer des opérations en monnaie nationale dans nos pays. La Banque interaméricaine de développement, la BID, par exemple, possède depuis de nombreuses années une expérience considérable en matière d'opérations en monnaie brésilienne. Je ne comprends pas pourquoi la NDB n'a pas profité de cette expérience. On peut s'attendre à ce que Dilma Rousseff commence à résoudre ces problèmes.

La NDB est également loin d'être la banque mondiale que nous avions envisagée lors de sa création. Seuls trois nouveaux pays l'ont rejointe en plus de huit ans d'existence. C'est à comparer avec la Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures [7], l'AIIB, dirigée par la Chine, créée plus ou moins en même temps que la NDB, qui compte plus de 100 pays membres depuis un certain temps. En outre, la gouvernance de la NDB est médiocre et les règles ne sont pas respectées par la direction. Le conseil d'administration est inefficace. La transparence n'est pas respectée. La Banque est opaque, peu d'informations sur les prêts et les projets sont rendues publiques. Les ressources humaines sont faibles. De nombreux postes importants au sein de la Banque ne sont pas pourvus et le découragement des employé·és est omniprésent, ce qui entraîne des départs et, par conséquent, une diminution du nombre total d'employ·eés. »

Rappelons que ce constat très critique ne vient pas d'un ennemi des BRICS, il est formulé par un partisan convaincu de la nécessité de donner plus de force aux initiatives des BRICS.

Il faut souligner qu'en avril 2023, le plus récent emprunt sur les marchés financiers réalisé par la NDB a pris la forme d'obligations en dollars US [8] au lieu de se faire en renminbi comme c'était le cas au tout début des activités de la banque. C'est une preuve de plus que la pratique de la NDB et la stratégie des BRICS ne sont pas en concordance avec la volonté affichée de réduire résolument la place du dollar dans les échanges internationaux. Pour les années 2020-2021, 75% des emprunts de la NDB s'effectuaient en dollars US. La direction de la NDB annonce qu'elle réduira dans le futur les emprunts en dollars. Ce sera à vérifier.

Quelle conclusion tirer du fait que la NDB emprunte sur les marchés financiers et en dollars ?

C'est une très bonne question. La première conclusion c'est qu'il y a une très grande incohérence entre le fait d'affirmer comme le font les dirigeant·es des BRICS qu'ils veulent réduire la place du dollar et le fait d'emprunter en dollars auprès des marchés financiers. Ils devraient, s'ils étaient cohérents, développer une monnaie commune ou réaliser de plus en plus d'échanges dans un panier commun de leurs monnaies. Et s'il s'agit quand même d'utiliser le dollar US, pourquoi les emprunter sur les marchés financiers alors que la Chine dispose d'une énorme quantité de dollars dans ses réserves, il s'agit de plus de 3000 milliards de dollars US (3 307 000 000 000 USD au 31 décembre 2022 selon la Banque mondiale). L'Inde et le Brésil disposent aussi de réserves en dollars en assez grande quantité. Selon la Banque mondiale, les réserves de change du Brésil s'élevaient fin 2022 à 325 milliards de dollars US, celles de l'Inde à 563 milliards USD et celles de la Russie à 582 milliards USD. On peut aussi se demander pourquoi la Russie a laissé en Europe occidentale, principalement à Euroclear à Bruxelles, près de 300 milliards d'euros de réserves qui ont fini par être bloqués dans le cadre des sanctions qui ont suivi l'invasion de l'Ukraine de 2022. La conclusion qu'on peut tirer, c'est que, loin d'avoir construit ensemble de puissants outils communs pour financer des échanges et des investissements, les BRICS restent ancrés dans des relations basées sur la suprématie du dollar et qu'ils reproduisent le modèle de financement adopté par les grandes institutions financières internationales comme le FMI et la Banque mondiale. Certes il y a une différence et elle est de taille : la Nouvelle Banque de Développement ne conditionne pas ses prêts à l'application de politiques d'ajustement structurel. Cette différence, mainte fois soulignée par nombres d'auteur-es, est abordée dans ma série de questions réponses consacrées à la Chine comme puissance créancière.

Quels sont les types de projets financés par la Nouvelle Banque de Développement ?

Effectivement, il est important de se pencher sur les types d'initiatives financées par la NDB. L'analyse rigoureuse de l'économiste sud-africain Patrick Bond des projets financés par la NDB en République d'Afrique du Sud et dans des pays comme le Zimbabwe et le Mozambique montre que ces projets renforcent l'extraction de matières premières et la production de combustibles fossiles (Lire « BRICS New Development Bank Corruption in South Africa », publié le 5 septembre 2022,
http://www.cadtm.org/BRICS-New-Development-Bank-Corruption-in-South-Africa).

Dans cet article, Patrick Bond conclut :

« La NDB n'apparaît pas comme une alternative à un système de financement du développement centré sur Washington et truffé de problèmes. Au contraire, le cas sud-africain montre que les ingrédients sont réunis pour que la NDB amplifie un développement inégal en finançant certaines des institutions les plus notoirement corrompues du pays, pour des projets qui sont eux-mêmes très douteux. »

Dans un document récent présenté par Patrick Bond au Forum social mondial au Népal en février 2024, intitulé « The BRICS New Development Bank & Sub-Imperialism : Working within, not against, global financial power » [ 9], l'auteur montre que les politiques des BRICS, et en particulier celles de la NDB, ne constituent pas une alternative au modèle impérialiste dominé par les États-Unis. Elle ne rompt pas avec la domination du dollar et reproduit le même modèle d'exportation extractiviste.

On peut raisonnablement partager l'avis de Samir Amin, également repris par Patrick Bond, sur les BRICS, dont les politiques ne rompent pas fondamentalement avec la mondialisationcapitaliste néolibérale. Samir Amin a écrit :

« L'offensive en cours de l'impérialisme collectif États-Unis-Europe-Japon contre tous les peuples du Sud repose sur deux jambes :

* la jambe économique – le néolibéralisme mondialisé imposé comme la seule politique économique possible ; et

* la jambe politique – des interventions continues, y compris des guerres préventives contre ceux qui rejettent les interventions impérialistes.

En réponse, certains pays du Sud, tels que les BRICS, ne marchent au mieux que sur une seule jambe : ils rejettent la géopolitique de l'impérialisme mais acceptent le néolibéralisme économique ». [10]

Où en est le Fonds monétaire des BRICS connu par le sigle en anglais CRA ?

Revenons à l'opinion exprimée par Paulo Nogueira Batista à propos des BRICS et de leur Fonds monétaire commun :

« Les BRICS sont sans aucun doute une force majeure dans le monde, et ce depuis le début, en 2008. Nous pouvons en effet être un facteur crucial dans la consolidation d'une planète post-occidentale et multipolaire. C'est ce que l'on attend de nos pays. On peut toutefois se demander si les BRICS ont pleinement répondu à ce type d'attente. Quel est notre bilan depuis que nous avons commencé à travailler ensemble en 2008, à l'initiative de la Russie ? Que pouvons-nous accomplir à l'avenir ? Pour tenter de répondre à la première question, je serai franc et parfois même un peu dur. Ne voyez pas dans mes propos de l'arrogance ou de la prétention. Ils seront l'expression d'une opinion d'expert, faillible comme toutes les opinions. J'espère que mes remarques ne seront pas complètement à côté de la plaque. N'est-il pas vrai que l'autocritique, bien que douloureuse, peut s'avérer bénéfique en fin de compte ? Je ne parlerai pas en tant que chercheur universitaire mais en tant que praticien, ayant été impliqué dans le processus des BRICS depuis le début en 2008, depuis Washington D.C., et jusqu'en 2017, lorsque j'ai quitté le poste de vice-président de la banque des BRICS à Shanghai. Au-delà des discours, des déclarations et des communiqués, nous avons réalisé jusqu'à présent deux choses pratiques et potentiellement très importantes : 1) un fonds monétaire des BRICS, appelé l'Arrangement de réserve contingente – l'ARC (Contingent Reserve Arrangement – CRA en anglais) ; et, plus significativement, 2) une banque multilatérale de développement, appelée la Nouvelle banque de développement (NDB en anglais), mieux connue sous le nom de banque des BRICS, dont le siège se trouve à Shanghai. »

« Les deux mécanismes de financement existants des BRICS ont été créés à la mi-2015, il y a plus de huit ans. Permettez-moi de vous assurer que lorsque nous avons commencé avec l'ARC et la NDB, il existait une inquiétude considérable quant à ce que les BRICS faisaient dans ce domaine à Washington, au FMI et à la Banque mondiale. Je peux en témoigner car j'y ai vécu à l'époque, en tant qu'administrateur pour le Brésil et d'autres pays au sein du conseil d'administration du FMI.

Au fil du temps, cependant, les gens à Washington se sont détendus, sentant peut-être que nous n'allions nulle part avec l'ARC (= le Fonds monétaire commun des BRICS) et la Nouvelle Banque de Développement. »

Paulo Nogueira Batista affirme donc qu'en raison de la lenteur de la mise en œuvre de l'ARC et de la NDB par les BRICS, les dirigeant·es du FMI et de la BM, qui avaient auparavant exprimé une grande inquiétude quant au potentiel de concurrence, ont fini par se sentir rassuré·es.

Pourquoi ce projet de Fonds monétaire commun n'a-t-il pas avancé ?

Selon Paulo Nogueira qui aborde les lenteurs autour de la création du Fonds monétaire commun que devait créer les BRICS sous le nom de CRA :

« L'accord de réserve contingente (ARC) des BRICS

L'ARC a été gelé par nos cinq banques centrales. Il reste petit ; il ne compte que cinq membres, et son travail est entravé par de nombreuses restrictions. L'unité de surveillance que nous avions prévue n'a pas été créée et aucune opération de soutien à la balance des paiements n'a été effectuée, seulement des tests. Si les BRICS veulent réellement offrir une alternative au FMI dominé par l'Occident, l'ARC doit être élargie en termes de ressources, de nouveaux pays doivent être autorisés à y adhérer, sa flexibilité doit être accrue, une unité de surveillance solide (similaire à celle de l'initiative de Chiang Mai à Singapour) doit être mise en place dès que possible, et le lien avec le FMI doit être progressivement assoupli.

Tout cela est plus facile à dire qu'à faire. Ayant participé intensément aux deux années de négociations qui ont abouti à l'ARC, je peux vous dire que la principale raison de l'absence de progrès est la résistance farouche de nos banques centrales, à l'exception de la banque centrale chinoise. La banque centrale brésilienne est probablement la pire.

La banque centrale sud-africaine n'était pas loin de rendre l'ARC inflexible – ce qui est très étrange étant donné que l'Afrique du Sud est le seul pays des BRICS qui pourrait avoir besoin d'un soutien à la balance des paiements dans un avenir prévisible.
Qu'en est-il de la Russie ? Peut-on faire comprendre à la banque centrale russe que l'ARC est aujourd'hui potentiellement encore plus important que lorsque nous l'avons conçu, compte tenu de l'évolution du contexte géopolitique ?

Ne me dites pas, d'ailleurs, que l'ARC souffre des mêmes problèmes que tous les autres fonds monétaires créés en alternative ou en complément du FMI. Par exemple, le petit FLAR – Fonds de réserve latino-américain [11] – et le Fonds monétaire arabe [12] comptent plus de membres que l'ARC et sont des institutions actives qui ont mené de nombreuses opérations de soutien à la balance des paiements. Pendant ce temps, notre ARC est en sommeil ».

Il est frappant de constater qu'alors que l'Afrique du Sud avait besoin d'un crédit pour assurer l'équilibre de la balance de paiements il y a peu, au lieu de pouvoir emprunter auprès de l'ARC, elle a dû se tourner vers le FMI. Les inconsistances renforcées par les contradictions (notamment entre la Chine et l'Inde) entre les BRICS les ont empêchés jusqu'ici de créer le fonds monétaire commun qu'ils s'étaient promis il y a dix ans déjà de mettre en place. Un facteur supplémentaire a joué : à part l'Afrique du Sud, les membres des BRICS ne manquent pas de réserves de change. Ceci dit, s'ils avaient vraiment voulu constituer un pôle d'attraction important par rapport à des pays plus faibles, ils auraient eu tout à gagner à créer ce fonds monétaire.

Quels sont les éléments de la déclaration finale du sommet des BRICS de 2023 qui montrent qu'ils ne représentent pas une alternative par rapport au modèle économique appliqué par Washington et ses alliés ?

Voici quelques extraits de la déclaration finale du Sommet des BRICS d'août 2023, qui montrent très clairement que les politiques qui y sont préconisées vont dans le sens de la mondialisation capitaliste néolibérale promue par les puissances impérialistes traditionnelles, les institutions telles que la Banque mondiale, le FMI, l'OMC, le G7, le G20 et les grandes entreprises privées. C'est nous qui mettons en gras certains passage :

« – 8. Nous réaffirmons notre soutien au système commercial multilatéral ouvert, transparent, juste, prévisible, inclusif, équitable, non discriminatoire et fondé sur des règles, au cœur duquel se trouve l'Organisation mondiale du commerce (OMC), (…)

– 9. Nous soulignons la nécessité de progresser vers la mise en place d'un système commercial agricole équitable et axé sur le marché…

– 10. Nous sommes favorables à un dispositif mondial de sécurité financière solide, au centre duquel se trouve un Fonds monétaire international (FMI)

– 29. Nous constatons que les niveaux élevés de la dette dans certains pays réduisent la marge de manœuvre budgétaire nécessaire pour faire face aux défis de développement en cours, aggravés par les effets de débordement des chocs extérieurs, en particulier le resserrement monétaire brutal dans les économies avancées. La hausse des taux d'intérêt et le resserrement des conditions de financement aggravent la vulnérabilité de la dette dans de nombreux pays. (…) L'un des instruments, parmi d'autres, pour traiter collectivement les vulnérabilités de la dette est la mise en œuvre prévisible, ordonnée, opportune et coordonnée du cadre commun du G20 pour le traitement de la dette,…

– 30. Nous réaffirmons qu'il est important que le G20 continue à jouer le rôle de premier forum multilatéral dans le domaine de la coopération économique et financière internationale, qui comprend à la fois des marchés développés et émergents et des pays en développement, où les grandes économies recherchent ensemble des solutions aux défis mondiaux. Nous nous réjouissons à l'idée d'accueillir avec succès le 18e sommet du G20 à New Delhi [9-10/9/2023], sous la présidence indienne du G20. (…) »

Extraits de : XVe Sommet des BRICS Déclaration finale de Johannesburg, 23 août 2023,
https://brics2023.gov.za/wp-content/uploads/2023/08/Jhb-II-Declaration-24-August-2023-1.pdf

Traduction en français par Fausto Giudice, Tlaxcala
https://drive.google.com/file/d/1rqTlm4DHZ_iO6qQff7RwUXnboVMZm5T0/view

Comme ces extraits l'indiquent, les BRICS acceptent le cadre capitaliste mondial structuré autour d'une série des piliers institutionnels dont ils disent eux-mêmes qu'ils doivent continuer à jouer un rôle central.

Non seulement, ils ne proposent pas un cadre institutionnel alternatif à celui qui a été mis en place après la Seconde guerre mondiale ou après la crise de 2008 quand le G20 a été activé, mais ce qu'ils construisent eux-mêmes adopte le même modèle de financement. Ils adoptent un modèle de développement économique centré sur l'exploitation des ressources naturelles des pays du Sud global et de sa main d'œuvre très compétitive afin d'échanger un maximum de produits et de services sur le marché mondial dominé par des grandes entreprises privées et par des grandes puissances économiques et militaires. Nulle part dans les déclarations des BRICS, on ne trouve une critique du système capitaliste, de son mode de production, de ses relations de propriété, de l'exploitation des peuples et de la Nature. La raison en est simple, les BRICS sont eux-mêmes des pays qui ont adopté le système capitaliste, avec certaines caractéristiques spécifiques comme dans le cas de la Chine, où les entreprises étatiques et l'État central jouent un rôle clé.

On est très loin de la construction d'une nouvelle architecture internationale dont les peuples ont besoin.

L'auteur remercie Patrick Bond dont les nombreux travaux sur les BRICS ont été utiles pour la rédaction de cet article. Il remercie également Maxime Perriot pour sa relecture et Claude Quémar pour l'aide à la recherche de documents.

Notes

[1] Les BRIC créés en 2009 se sont élargis à l'Afrique du Sud en 2011 et sont devenus les BRICS. Avec l'élargissement à de nouveaux membres, les BRICS deviennent BRICS+ à partir de 2024.

[2] XV BRICS Summit Johannesburg II Declaration, « BRICS and Africa : Partnership for Mutually Accelerated Growth, Sustainable Development and Inclusive Multilateralism », Sandton, Gauteng, South Africa, 23 August 2023,
https://brics2023.gov.za/wp-content/uploads/2023/08/Jhb-II-Declaration-24-August-2023-1.pdf
Traduction en français par Fausto Giudice, Tlaxcala
https://drive.google.com/file/d/1rqTlm4DHZ_iO6qQff7RwUXnboVMZm5T0/view consulté le 30 mars 2024.

[3] Lula : “aprovado a criação de um grupo de trabalho para estudar a adoção de uma moeda de referência dos Brics. Isso aumentará nossas opções de pagamento e reduzirá nossas vulnerabilidades » Folha de Paulo, « Moeda do Brics : tema ganha tratamento tímido em cúpula » – 25/08/2023
https://www1.folha.uol.com.br/mercado/2023/08/india-resiste-a-moeda-do-brics-e-tema-ganha-tratamento-timido-em-cupula.shtml. CNN, « Brics criam grupo de trabalho para avaliar moeda comum » https://www.youtube.com/watch?v=keUdkW-s5M4

[4] Paulo Nogueira Batista , “BRICS Financial and Monetary Initiatives – the New Development Bank, the Contingent Reserve Arrangement, and a Possible New Currency”, 03.10.2023,
https://valdaiclub.com/a/highlights/brics-financial-and-monetary-initiatives/ consulté le 30 Mars 2024.

[5] William Gumede, »Brics and the bars to dedollarising the world », publié le 21 Août 2023,
https://www.businesslive.co.za/bd/opinion/2023-08-21-william-gumede-brics-and-the-bars-to-dedollarising-the-world/ consulté le 30 mars 2024

[6] Le Bangladesh et les Émirats arabes unis sont devenus membres en 2021, l'Égypte en 2023.

[7] Sur son site officiel https://www.aiib.org/en/index.html , la banque se présente de la manière suivante :
« La Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures (AIIB) est une banque multilatérale de développement dont la mission est de financer l'infrastructure de demain – une infrastructure axée sur la durabilité. Nous avons commencé nos opérations à Pékin en janvier 2016 et nous sommes depuis passés à 109 membres agréés dans le monde entier. Nous sommes capitalisés à hauteur de 100 milliards de dollars et notés triple A par les principales agences de notation internationales. En collaboration avec ses partenaires, l'AIIB répond aux besoins de ses clients en débloquant de nouveaux capitaux et en investissant dans des infrastructures vertes et technologiques qui favorisent la connectivité régionale. »

[8] En avril 2023, la NDB a vendu des obligations vertes (green bonds) pour un montant d'1,25 milliards de dollars. Voir le rapport de l'agence de notation Fitch :
https://www.fitchratings.com/research/sovereigns/fitch-revises-new-development-bank-outlook-to-stable-affirms-at-aa-16-05-2023 consulté le 1 avril 2024.

[9] Patrick Bond, « The BRICS New Development Bank & Sub-Imperialism : Working within, not against, global financial power », publié le 20 février 2024,
https://www.cadtm.org/The-BRICS-New-Development-Bank-Sub-Imperialism-Working-within-not-against consulté le 30 mars 2024

[10] Samir Amin, »Contemporary Imperialism », Monthly Review, juillet 2015,
https://monthlyreview.org/2015/07/01/contemporary-imperialism/ , consulté le 30 mars 2024

[11] Le Fonds de réserve latino-américain (FLAR), anciennement connu sous le nom de Fonds de réserve andin, est une organisation financière internationale formée par la Bolivie, la Colombie, le Costa Rica, l'Équateur, le Paraguay, le Pérou, l'Uruguay, le Chili et le Venezuela. Le FLAR fait partie du système d'intégration andine et est basé à Bogota, en Colombie.

[12] Le Fonds monétaire arabe est une organisation régionale arabe, fondée en 1976 et dont les activités ont débuté en 1977. Les pays membres (22) sont : Jordanie, Émirats arabes unis, Bahreïn, Tunisie, Algérie, Djibouti, Arabie saoudite, Soudan, Syrie, Somalie, Irak, Oman, Palestine, Qatar, Koweït, Liban, Libye, Égypte, Maroc, Mauritanie, Yémen, Comores.

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Etats-Unis-dossier. La syndicalisation dans le secteur automobile dans le Sud des Etats-Unis. Un moment charnière ?

Il y a dix ans, le père d'Angelo Hernandez a participé à la campagne de syndicalisation de l'usine Volkswagen de Chattanooga (Etat du Tennessee). Cet effort a échoué de peu, (…)

Il y a dix ans, le père d'Angelo Hernandez a participé à la campagne de syndicalisation de l'usine Volkswagen de Chattanooga (Etat du Tennessee). Cet effort a échoué de peu, mais dix ans plus tard le fils pourrait être en mesure de réaliser le rêve de son père [voir l'article ci-dessous de Harold Meyerson, en date du 22 avril, sur l'adhésion de 73% des salarié·e·s à l'UAW lors du vote qui s'est terminé le 19 au soir].

Tiré de A l'Encontre
22 avril 2024

Par Mike Elk

« C'est lui qui m'a parlé du syndicat avant même que j'occupe ce poste », déclare Angelo Hernandez, 20 ans. Lorsque la campagne syndicale actuelle a débuté à la fin de l'année dernière, son père a commencé à le pousser à s'impliquer. « Je suis là et je vais m'y mettre tout de suite », dit Angelo à son père [voir l'article publié sur ce site le 6 avril « Quand l'UAW organise la syndicalisation de Volkswagen et Mercedes dans le Sud »].

Pendant plus de dix ans, les travailleurs et travailleuses se sont battus, ont discuté et ont tenté de persuader leurs collègues d'adhérer à un syndicat. Après la première défaite dans cette usine Volkswagen en 2014, l'United Auto Workers (UAW) a même créé un syndicat minoritaire, le Local 42 (section locale de l'UAW).

Mais lors des deux élections syndicales précédentes à Chattanooga, l'UAW n'a pas réussi à faire bouger suffisamment le curseur pour gagner, perdant la première fois 626 contre 712, et lors d'une deuxième tentative en 2019, 776 contre 833. Les Etats-Unis restent le seul pays au monde où les travailleurs de Volkswagen ne sont pas syndiqués.

En 2022, les choses commencent à changer lorsque Volkswagen agrandit l'usine pour produire le modèle ID.4 entièrement électrique. A cette occasion, l'entreprise a embauché plus de 2000 nouveaux travailleurs et travailleuses.

En raison de la pénurie de main-d'œuvre dans l'ensemble du secteur manufacturier, de nombreux salarié·e·s embauchés par Volkswagen étaient beaucoup plus jeunes et plus hétérogènes. Certains avaient même quitté des régions du pays plus favorables aux syndicats pour venir travailler chez Volkswagen.

Alors que dans le passé les travailleurs et travailleuses de Volkswagen, qui avaient moins d'expérience avec les syndicats, étaient sceptiques à l'égard des bureaucraties de l'UAW, entachée de scandales [une dizaine de dirigeants ont été accusés de détournement de fonds, ce qui a abouti à une modification de la nomination du président par élection directe : cela a abouti à la nomination de Shawn Fain début 2023], les jeunes travailleurs du Sud semblaient plus réceptifs à l'idée d'essayer quelque chose de nouveau.

« J'espère simplement que le projet aboutira », déclare Manny Perez, 25 ans. « Je ne suis pas très bien informé. Je sais juste qu'il est plus important de pouvoir faire entendre sa propre voix que de laisser d'autres personnes décider à sa place. »

Au cours de la dernière décennie, les travailleurs de l'usine Volkswagen de Chattanooga ont changé radicalement, en grande partie grâce à cette nouvelle et plus jeune main-d'œuvre. Cette évolution pourrait déboucher sur une victoire historique lors des élections syndicales, qui se terminent aujourd'hui [le 19 avril], et sur une victoire emblématique pour les syndicats présents dans le Sud des Etats-Unis, une victoire qui leur échappe depuis des années. Les votes seront comptabilisés ce soir.

« Beaucoup de ceux qui se sont montrés farouchement antisyndicaux appartiennent à une génération plus âgée », explique Caleb Michalski, 32 ans, responsable de la sécurité. Il a travaillé dans diverses équipes d'assemblage à l'usine Volkswagen. « Une grande partie de la jeune génération, grâce à la combinaison des médias sociaux, de l'éducation et d'autres choses de ce genre, se rend compte que la non-présence syndicale ne fait pas sens. »

Volkswagen a déclaré rester neutre lors de chaque campagne de syndicalisation menée à l'usine du Tennessee. Mais en sous-main ils ont combattu le syndicat, tout en s'alliant à des politiciens de renom, qui ont averti à plusieurs reprises que l'usine, en cas de syndicalisation, fermerait ou perdrait des postes de travail. Les gouverneurs du Sud tentent la même tactique cette fois-ci, en signant une déclaration commune exprimant leur inquiétude face à la campagne de l'UAW ici et ailleurs.

En 2019, Volkswagen a licencié ou transféré plusieurs contremaîtres d'atelier impopulaires, et a mis en place un directeur d'usine populaire, Frank Fisher, qui a promis d'améliorer les choses.

« Quand j'ai commencé, c'était en janvier 2020, juste après les dernières élections, et c'est là que, vous savez, le directeur de l'usine a dit : “Hé, réglons ça en interne” », raconte Caleb Michalski. « Ils ont procédé à de nombreux changements. Lorsque j'ai commencé, au début de cette première vague de changements, j'ai été impressionné. »

Selon lui, la disponibilité de la direction lui a fait croire qu'il était possible de régler les problèmes au travail sans syndicat. Avant, je me disais toujours : « Peut-être que les bonnes personnes ne sont pas au fait de la situation. »

Cependant, en tant que responsable de la sécurité, Caleb Michalski s'est trouvé bloqué dans ses efforts pour régler les problèmes au sein de l'usine. Volkswagen lui demande régulièrement, ainsi qu'à ses collègues, de lever des véhicules qui peuvent peser plus de 315 kg à 360 kg, et parfois jusqu'à 635 kg. Pendant près d'un an, il a supplié Volkswagen de lui fournir un élévateur. L'entreprise n'a rien fait, alors que de nombreux membres de son équipe se sont blessés.

« Je me suis blessé au dos en novembre, je souffre de douleurs chroniques depuis un mois, je peux à peine tourner la tête et la nuque », explique Caleb Michalski. « Chacun d'entre nous s'est blessé. Deux d'entre nous ont dû être opérés de l'épaule, un troisième va devoir l'être, et un autre s'est brisé la rotule. »

Caleb Michalski a finalement dû s'entretenir avec le PDG de Volkswagen America pour obtenir l'approbation pour un élévateur. Mais des semaines plus tard, l'élévateur n'a toujours pas été installé.

« Je ne devrais pas avoir à m'adresser au PDG d'une société multimilliardaire pour obtenir un élévateur », déclare Caleb Michalski. Je pense que nous devons avoir la possibilité de dire “Hé, ce processus n'est pas sûr”. Et c'est tout, il ne faut pas avoir à discuter pendant des semaines et des semaines, et des semaines de réunions pour dire : “Hé, nous avons besoin d'un élévateur”. »

Outre la bataille menée pendant dix ans pour gagner les cœurs et les esprits à l'usine, les travailleurs de Volkswagen affirment également que le succès de la « grève debout » [Stand Up Strike, grèves frappant des secteurs sélectionnés menées en automne 2023] chez les trois grands constructeurs automobiles [Stellantis, Ford et General Motors] des Etats-Unis a contribué à stimuler l'intérêt pour le syndicat.

« Des grèves se sont développées dans tout le pays. Il y avait les scénaristes, les acteurs, puis l'UAW a suivi », explique Zach Costello, ouvrier chez Volkswagen, à propos de « l'été des grèves » de l'année dernière. « Et puis il y a eu le gros contrat obtenu par l'UAW. Cela a déclenché une énorme discussion sur les syndicats dans toute l'usine. »

Dans les derniers jours de la campagne de syndicalisation, les travailleurs et travailleuses affirment que les tactiques antisyndicales de Volkswagen n'ont que peu d'effet pour dissuader les travailleurs. En raison de l'influence du droit du travail allemand, l'entreprise ne s'est pas encore engagée dans des réunions antisyndicales à « audience captive » [présence « obligatoire » des salarié·e·s] ou dans des discussions individuelles, qui peuvent s'avérer mortelles pour le soutien aux syndicats.

Au lieu de cela, les forces antisyndicales de Volkswagen se sont largement concentrées sur des publicités télévisées et en ligne tentant de lier l'élection de l'UAW au président Biden, qui est impopulaire dans cet Etat rouge (républicain), mais peut-être pas tout à fait dans l'usine. Près de l'entrée de l'usine se trouve une bannière sur laquelle on peut lire : « Back Biden, Vote UAW » (« Soutenez Biden, votez UAW »).

Ces derniers jours, des publicités télévisées et des panneaux d'affichage locaux ont dénoncé l'UAW avec des messages tels que « UAW = Biden ». Le syndicat a soutenu Joe Biden, qui a été présent sur un piquet de grève lors de la grève chez les « Big Three ». Dans une déclaration officielle que le syndicat a envoyée à ses membres, Joe Biden a félicité les travailleurs et travailleuses de Chattanooga pour leur campagne syndicale. « En tant que l'un des plus grands constructeurs automobiles du monde, de nombreuses usines Volkswagen sont syndiquées dans le monde entier », a déclaré Biden dans le communiqué. « Comme président le plus favorable aux syndicats dans l'histoire des Etats-Unis, je pense que les travailleurs américains devraient eux aussi avoir leur mot à dire sur leur lieu de travail. La décision d'adhérer ou non à un syndicat appartient aux travailleurs et travailleuses. »

Les publicités des anti-syndicats répètent à plusieurs reprises aux futurs membres que l'argent de leurs cotisations sera dépensé pour aider la campagne de réélection de Biden.

« L'adhésion à l'UAW est à son plus bas niveau depuis 2009. Peut-être que l'UAW devrait se préoccuper davantage de ses membres que de la politique », ont déclaré des groupes antisyndicaux dans des publicités en ligne diffusées à Chattanooga. [Les gouverneurs de six Etats du Sud – Tennessee, Alabama, Géorgie, Mississippi, Caroline du Sud, Texas – sont républicains].

L'usine Volkswagen étant située dans le « pays de Trump », dans l'est du Tennessee, les militants de l'UAW ont réagi en prenant leurs distances par rapport à la fonction politique de leur syndicat. « Ce vote n'a rien à voir avec la politique », a déclaré Isaac Meadows, un ouvrier de Volkswagen, lors d'une interview accordée à American Prospect (revue et site démocrate de gauche). « Ce vote concerne les travailleurs […] qui se défendent eux-mêmes. »

L'élection majoritaire de l'UAW à Volkswagen pourrait inciter les travailleurs et travailleuses d'autres usines du Sud à se syndiquer. L'UAW a déjà demandé l'organisation d'une élection syndicale dans l'usine Mercedes de Vance, en Alabama, et plusieurs autres mobilisations sont en cours.

Josh Murray, professeur de sociologie à l'université de Vanderbilt (Nashville, Tennessee), qui a passé des années à étudier les tentatives de syndicalisation dans le Sud, pense qu'une victoire chez Volkswagen pourrait créer un effet domino.

Josh Murray explique : « Dans la théorie des mouvements sociaux, on trouve l'idée de “la force sociale et politique du possible”, selon laquelle le succès d'un mouvement engendre le succès de mouvements futurs parce qu'il mobilise les gens en leur donnant la preuve qu'il est possible de gagner. Appliquée à l'UAW, l'énorme victoire dans les grèves contre GM, Ford et Stellantis rend la victoire chez Volkswagen plus probable, et une victoire chez Volkswagen rendrait plus probables d'autres victoires dans des usines actuellement non syndiquées. »

Dans les derniers jours de la troisième élection en dix ans de l'UAW chez Volkswagen, cet espoir est évident parmi les travailleurs et travailleuses et les militants syndicaux.

« En ce qui concerne la reconquête de notre pouvoir par les salarié·e·s, cela commence par nous », déclare Caleb Michalski. « Et si nous pouvons être les premiers à faire en sorte que les travailleurs syndiqués obtiennent des emplois bien rémunérés avec des travailleurs qui disposent de droits, ici dans le Sud, je suis tout à fait d'accord. » (Article publié par American Prospect le 19 avril 2024 ; traduction rédaction A l'Encontre)

Mike Elk est un journaliste spécialisé sur les questions syndicales.

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La victoire de l'UAW à Chattanooga : un possible tournant dans une historique bataille politico-économique historique

Par Harold Meyerson

Vendredi dernier, à Chattanooga, les travailleurs et travailleuses de l'usine Volkswagen ont voté en faveur de l'adhésion à l'United Auto Workers (UAW) par une marge écrasante de 2628 voix contre 985, soit un écart de 73% contre 27%.

Ce vote est historique à plus d'un titre. Il représente la première syndicalisation – réussie par l'UAW – d'une usine automobile appartenant à un constructeur étranger, après plusieurs tentatives infructueuses. Il constitue la première syndicalisation en plus d'un demi-siècle d'un secteur important de travailleurs dans le Sud non syndiqué. Il signifie peut-être même la renaissance d'un puissant mouvement syndical, ce qui a manqué aux Etats-Unis au cours des 40 dernières années.

Outre la victoire provisoire des baristas de Starbucks, cette victoire marque également une percée dans le type de profession qui historiquement s'était syndiqué. Ces dernières années, on a assisté à une vague de syndicalisation parmi les divers types d'assistants universitaires, les guides de musée et d'autres travailleurs qui ne peuvent pas être facilement remplacés si la direction les licencie en raison de leurs opinions syndicales. En revanche, les directions ont pour habitude de licencier les travailleurs à la chaîne, les vendeurs au détail, les poseurs de panneaux dans la construction et la myriade d'autres travailleurs pour lesquels il est possible de trouver des remplaçants s'ils menacent de se syndiquer. Cette pratique est illégale pour les employeurs, mais les sanctions sont tellement négligeables – réintégrer ces travailleurs après des mois ou des années de procédure, leur verser leurs arriérés de salaire et afficher un communiqué quelque part sur le lieu de travail – que, depuis longtemps, elle est habituelle dans le business aux Etats-Unis. Les travailleurs de VW et de Starbucks avaient cette épée au-dessus de la tête, mais ils ont quand même réussi à s'affirmer. Si leur exemple devait inspirer les millions de travailleurs et travailleuses qui aimeraient se syndiquer mais craignent les représailles des employeurs, cela marquerait un changement radical dans la vie économique des Etats-Unis.

Le statut historique de la victoire de Volkswagen reste toutefois conditionnel. Pour marquer une véritable rupture historique avec près de 60 ans de déclin syndical – un déclin qui est à l'origine de l'érosion des mesures égalitaires du New Deal et, par conséquent, de l'augmentation des niveaux records d'inégalité économique –, cela ne peut rester une victoire isolée. L'UAW doit étendre ce mouvement à d'autres usines du Sud créées par des investissements étrangers. A ce propos, le premier test de la capacité de l'UAW à le faire aura lieu la semaine du 13 mai, lorsque les travailleurs et travailleuses de l'usine Mercedes de Vance, en Alabama, voteront également sur l'adhésion à l'UAW.

***

Mais cette victoire – si elle devient le signe avant-coureur d'autres victoires – doit être replacée dans un contexte historique encore plus large. Elle pourrait bien signifier que le Nord a désormais de meilleures chances de gagner la guerre civile qui a commencé en 1861 mais ne s'est jamais vraiment terminée. Cette guerre, bien sûr, opposait deux systèmes de travail inextricablement liés à deux systèmes raciaux et sociaux.

Tout le monde connaît au moins une partie de l'histoire du racisme : la poussée d'égalitarisme racial de la Reconstruction [1865-1877] s'est éteinte au milieu des années 1870, laissant le Sud avec une économie de fermage essentiellement noire, une société de ségrégation et un système de répression des Noirs reposant sur le lynchage. Nombre de ces systèmes ont été renversés par des décennies d'activisme souvent héroïque de la part des Noirs et de leurs alliés. Mais pas tous ces systèmes.

La profonde antipathie des Confédérés à l'égard de toute forme de pouvoir ouvrier – ce qui, dans le Sud de l'antebellum, signifiait le pouvoir des Noirs – a persisté jusqu'à aujourd'hui. Dès la fin de la guerre civile et avant le début de la Reconstruction, les gouvernements des Etats du Sud ont promulgué leurs « codes noirs », qui obligeaient les anciens esclaves à continuer à travailler, mais cette fois pour un salaire dérisoire, dans leurs anciennes plantations, sans réelle possibilité de partir. Le fermage et metayage les maintenaient en place jusqu'à ce qu'ils puissent rembourser leurs dettes, ce qui, de par la configuration du système, se produisait rarement.

***

A la fin du XIXe siècle, certaines des entreprises implantées dans le Nord industriel ont trouvé leur place dans le Sud, principalement dans les secteurs du textile, des chemins de fer, de l'exploitation minière et de l'acier. Dans les années 1920, les syndicats basés dans le Nord et les radicaux indigènes du Sud ont tenté de syndiquer les travailleurs du textile et se sont heurtés à une opposition (armée quand « nécessaire ») qu'ils n'ont pas pu vaincre. Ensuite, avec la grande vague de syndicalisation industrielle que l'UAW a lancée dans le Michigan avec sa grève réussie de 1937 chez General Motors, l'organisation des syndicats industriels – le CIO-Congress of Industrial Organizations – a fait un effort majeur pour syndiquer les usines du Sud en 1938. Cet effort a coïncidé avec les efforts du président F. D. Roosevelt [1933-1945] pour soutenir les candidats libéraux (de gauche) face aux sénateurs et représentants conservateurs du Sud lors des primaires démocrates de cette année-là ; mais les tentatives du Roosevelt et du CIO n'ont pas abouti.

A la fin de la Seconde Guerre mondiale, les travailleurs ont cherché à obtenir des augmentations pour compenser ce qu'ils n'avaient pas reçu pendant le gel des salaires [depuis septembre 1942], et le pays a connu la plus grande vague de grèves de son histoire. Les syndicats ont cherché à profiter de cet élan en lançant une campagne massive – l'opération nommée Dixie [1] – pour syndiquer le Sud industriel. Le fait que les syndicats du CIO, comme l'UAW, soutiennent les droits civiques [dans un environnement très ségrégué] et proposent souvent d'établir des sections locales déségréguées au cœur de Dixie a abouti à ce que les structures de pouvoir au Sud soient encore plus déterminées à effacer toute trace de syndicalisme par tous les moyens possibles. Les structures de pouvoir réactionnaires ont non seulement indiqués aux travailleurs blancs qu'ils seraient contraints de travailler aux côtés des Noirs, mais aussi que les syndicats étaient des intrus du Nord déterminés à saper les « valeurs » du Sud.

L'année suivante, en juin 1947, les démocrates sudistes de la Chambre des représentants et du Sénat se sont alliés aux républicains du Nord pour adopter – malgré le veto de Harry Truman [vice-président qui succède à Roosevelt en avril 1945] – la loi Taft-Hartley, qui a rendu beaucoup plus difficile le développement des syndicats, notamment en permettant aux Etats d'adopter des lois dites « droit au travail » (« right to work »), qui permettaient aux travailleurs que des syndicats représentent de ne pas leur payer de cotisations. Dès lors, les syndicats ne disposaient pas des fonds nécessaires pour mener des campagnes de défense et de syndicalisation. Tous les Etats du Sud ont rapidement adopté des lois. Au fil des années, à mesure que ces Etats du Sud devenaient républicains et que les républicains du Nord devenaient plus idéologiquement « sudistes », c'est-à-dire de droite, certains Etats du Nord sous contrôle républicain sont également devenus des adeptes du « right to work ». Aujourd'hui encore, les cinq Etats qui n'ont pas de loi sur le salaire minimum sont tous des Etats du Sud – l'Alabama, la Louisiane, le Mississippi, la Caroline du Sud et le Tennessee –, tandis que le salaire minimum de la Géorgie (5,15 dollars de l'heure) est en fait inférieur au minimum fédéral de 7,25 dollars (auquel tous les Etats sont tenus d'adhérer et qu'ils peuvent légalement dépasser, comme c'est le cas dans de nombreux autres Etats).

***

Aujourd'hui, l'élite politique et économique du Sud se mobilise toujours pour défendre son système d'économie du travail (d'exploitation), comme elle l'a fait en 1861, dans les années 1920, en 1938 et en 1946-1947. Aujourd'hui comme hier, ce système est basé sur des bas salaires, maintenus en empêchant les travailleurs et travailleuses de disposer d'un pouvoir pour s'y opposer. L'expansion de l'« Amérique industrielle » vers le Sud s'est poursuivie tout au long de notre période actuelle de promotion des délocalisations par le capitalisme financier. Elle a été encouragée par les entreprises européennes et asiatiques à la recherche d'une main-d'œuvre faiblement rémunérée et dont la production peut éviter de longs transports pour atteindre les consommateurs des Etats-Unis. Les Etats du Sud abritent désormais non seulement des usines VW et Mercedes, mais aussi des usines Nissan, Hyundai, Honda et d'autres constructeurs automobiles asiatiques [Subaru, Mazda, Volvo qui appartient à Geely], entreprises toutes non syndiquées. Pendant des décennies, les gouverneurs et les maires du Sud ont traversé l'Atlantique et le Pacifique pour tenter d'attirer ces entreprises avec une rhétorique vantant les mérites d'une main-d'œuvre bon marché et qui ne disposent pas d'un quelconque pouvoir.

Les centres de décision de l'économie états-unienne – Wall Street – se sont longtemps alignés sur le Sud en cherchant à limiter les salaires et à réduire le pouvoir des travailleurs. (Pendant la guerre de Sécession, de nombreux financiers new-yorkais – au début de Wall Street – étaient fortement investis dans l'économie de plantation, à tel point que le maire de New York, Fernando Wood, a suggéré que la ville fasse sécession pour soutenir la Confédération.) Le 10 mai 2011, j'ai écrit (Washington Post) à propos d'une étude – qui n'avait pas encore été publiée – du Boston Consulting Group qui soulignait la rapidité avec laquelle les salaires des ouvriers d'usine augmentaient dans la ceinture industrielle de la Chine et qui applaudissait en disant que cette augmentation rendrait bientôt les salaires de certains ouvriers d'usine aux Etats-Unis à nouveau compétitifs, à condition que l'organisation du travail soit suffisamment « flexible » pour ce qui a trait à la rémunération des travailleurs. Pour démontrer cette renaissance imminente de l'industrie manufacturière états-unienne, cette étude comparait les salaires chinois à ceux du Mississippi. Lorsque j'ai appelé l'auteur de l'étude pour lui faire remarquer que la plupart des travailleurs aux Etats-Unis ne considéreraient pas le fait de rejoindre le niveau de vie du Mississippi comme une « renaissance », il l'a admis. Lorsque l'étude a finalement été publiée, la référence au Mississippi avait été supprimée. A la place, elle citait les normes salariales industrielles de la Caroline du Sud.

Il n'est pas surprenant que les normes salariales de la Caroline du Sud conviennent à certaines entreprises étrangères. Etant donné qu'Airbus appartient en partie au gouvernement allemand et qu'il doit donc se conformer en partie à la loi allemande qui exige la présence de représentants des travailleurs dans les conseils d'administration, on m'a dit, lors d'une discussion il y a une dizaine d'années avec l'assistant d'un responsable syndical allemand siégeant au conseil d'administration d'Airbus, que l'entreprise pesait soigneusement les avantages et les inconvénients respectifs de l'implantation de sa prochaine usine : soit dans le Sud chinois, soit dans le Sud des Etats-Unis.

***

En essayant de s'aligner sur les normes de travail de la Chine, bien sûr, la structure de pouvoir du Sud ne rendait pas service à ses propres travailleurs et faisait baisser les niveaux des salaires et des prestations sociales des travailleurs et travailleuses du Nord. Comme je l'ai noté dans un article d'American Prospect (été 2015), « entre 1980 et 2013, le Wall Street Journal a rapporté que le nombre d'emplois dans l'industrie automobile dans le Midwest a chuté de 33%, tandis que ceux du Sud ont augmenté de 52% ». Il n'est pas surprenant que les salaires des travailleurs et travailleuses de l'industrie manufacturière aient suivi le déclin de l'industrie manufacturière. En 2021, le Wall Street Journal a rapporté qu'un emploi dans une usine qui payait 83% de plus qu'un emploi dans l'hôtellerie ou la restauration en 2010 ne payait plus que 56% de plus en 2020. Il ajoute que le différentiel salarial de l'industrie manufacturière par rapport au commerce de détail est passé de 40% à 27%. Or, ce n'est pas parce que les salaires dans les hôtels, les restaurants et les magasins augmentent.

Dans la bataille autour de l'usine VW de Chattanooga, la structure de pouvoir du Sud s'est non seulement unie pour s'opposer à « l'horreur » du pouvoir des travailleurs, mais elle a également utilisé le même manuel de désinformation alarmiste qui sous-tend ses messages depuis plus de cent ans. Comme l'a noté Jamelle Bouie dans le New York Times(19 avril 2024 – « Southern Republican Governors Are Suddenly Afraid »), les gouverneurs (tous républicains) de l'Alabama, de la Géorgie, du Mississippi, de la Caroline du Sud, du Tennessee et du Texas ont publié conjointement une lettre décriant ce qu'ils ont appelé les « intérêts particuliers qui cherchent à entrer dans notre Etat et à menacer nos emplois et les valeurs qui sont les nôtres ». A l'instar de leurs prédécesseurs de 1946 et 1938 – voire de Jefferson Davis [président 1861-1865] et John C. Calhoun [sénateur de Caroline du Sud 1845-1850] –, ils ont présenté cette bataille comme étant le fait d'étrangers du Nord cherchant à saper leurs « valeurs ». En particulier, leur dernière défense de ces valeurs était constituée de publicités qui affirmaient qu'en votant pour la syndicalisation, les travailleurs s'affiliaient à une organisation qui avait soutenu le détestable Joe Biden.

***

Mais cette fois-ci, cela n'a pas fonctionné. Comme Mike Elk l'a noté dans un article [voir ci-dessus] concernant Chattanooga, publié vendredi, les travailleurs de l'usine VW sont un groupe plus jeune et plus hétérogène sur le plan racial que ceux qui ont rejeté les tentatives précédentes de se syndiquer. Les assistants d'enseignement, les baristas de Starbucks et maintenant les ouvriers de l'automobile qui ont voté en faveur de la syndicalisation au cours des deux dernières années appartiennent de manière disproportionnée, d'après de nombreux sondages, à la génération la plus favorable à la syndicalisation que ce pays ait jamais connue. Leur prise de conscience des niveaux d'inégalité stratosphériques de ce pays et des conditions financières difficiles dans lesquelles ils vivent eux-mêmes les a incités à obtenir de meilleures conditions. Et si l'option syndicale ne leur paraissait pas très attrayante auparavant – ou si les syndicats étaient si éloignés de leur « écran radar » qu'ils ne l'envisageaient même pas –, les campagnes menées par l'UAW nouveau modèle sous la houlette du président Shawn Fain [voir ci-dessous l'entretien avec Shawn Fain] ont non seulement attiré leur attention sur les syndicats, mais aussi rendu l'option syndicale concrètement attrayante. La récente grève de l'UAW contre General Motors, Ford et Stellantis s'est soldée par des contrats records pour ses membres. Bien que toutes les usines non syndiquées du Sud aient immédiatement accordé des augmentations à leurs propres travailleurs pour éviter une explosion soudaine (et tout à fait rationnelle) du sentiment pro-syndical, les contrats de l'UAW étaient encore bien supérieurs à ce que les usines du Sud offraient. Et les gains de l'UAW ont fait l'objet d'une telle publicité que les travailleurs et travailleuses du Sud l'ont appris.

Les augmentations significatives du nombre de syndiqués ne se produisent pas de manière progressive, mais par vagues. C'est la réussite de la grève de 1937 de l'UAW dans les principales usines de GM qui a engendré la plus grande vague de ce type, faisant passer la part des travailleurs syndiqués dans la main-d'œuvre nationale d'environ 10% au milieu des années 1930 à environ 34% au milieu des années 1940. L'UAW peut-il recommencer ? Le Nord peut-il enfin gagner notre guerre civile quasi permanente ? (Article publié par American Prospect le 22 avril 2024 ; traduction rédaction A l'Encontre)

Harold Meyerson, rédacteur détaché d'American Prospect


[1] L'opération Dixie a été lancée par le CIO en mars 1946 dans 12 Etats du Sud, entre autres dans le secteur textile, de l'habillement, de la transformation des produits agraires, etc., pour prolonger dans le Sud des gains obtenus dans le Nord. Le CIO a mobilisé 200 permanents, a réuni une somme importante. L'approche reposait sur une conception analogue à celle qui conduisit à la syndicalisation de l'industrie de l'acier en 1936-37. Toutefois, la mobilisation dut faire face à la force de la ségrégation raciale, aux organisations ultra-conservatrices actives et, dès 1947, à la loi Taft-Harley qui s'inscrivait dans le début de la campagne anti-communiste propre à la guerre froide, avec une dimension d'hostilité active face au syndicalisme et aux forces de gauche. (Réd.)

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Entretien avec Shawn Fain sur Volkswagen et la stratégie de l'UAW au Sud

Par John Nichols

« Famille Volkswagen, bienvenue dans la famille UAW », a déclaré le président du syndicat United Auto Workers (UAW), Shawn Fain, vendredi soir 19 avril, après que les travailleurs de l'usine Volkswagen de Chattanooga, dans le Tennessee, ont voté par 2628 voix contre 985 en faveur d'une représentation syndicale. Ce vote massif a constitué une victoire sans précédent pour l'UAW dans une usine appartenant à des capitaux étrangers et située dans le Sud, une région historiquement difficile à syndiquer.

Lors d'une interview réalisée avant le vote, Shawn Fain et moi-même avons longuement discuté de la direction que prend le syndicat, et notamment des raisons pour lesquelles la victoire chez Volkswagen est cruciale pour l'organisation des usines dans le Sud et dans tout le pays. Nous avons également discuté de la lutte plus large pour organiser les travailleurs des entreprises automobiles non syndiquées aux Etats-Unis, comme l'usine Tesla d'Elon Musk à Fremont, en Californie. Cette transcription a été légèrement modifiée pour des raisons de longueur et de clarté.

John Nichols : Lorsque la grève de l'UAW contre les Big Three a abouti, beaucoup de gens ont prêté attention à ce que le syndicat allait faire ensuite. Vous avez indiqué que l'UAW était déterminé à organiser l'ensemble de l'industrie automobile, à s'attaquer aux usines du Sud qui appartiennent à des sociétés étrangères, ce qui a toujours été difficile, et enfin à s'attaquer à Tesla.

Shawn Fain : Les gens disaient que nous ne pourrions jamais nous organiser dans le Sud. Nous avons atteint 50% chez Volkswagen [début février], puis plus tard dans le mois [atteint 50% des travailleurs] chez Mercedes-Benz [usine de Vance, Alabama]. Cela nous ramène à une situation dont on ne parlait pas. Depuis que [la victoire contre les Big Three] s'est produite, depuis que ces travailleurs et travailleuses ont vu la différence que fait un syndicat, ils veulent obtenir leur part. Ces entreprises du Sud sont plus rentables que les Big Three n'auraient jamais pu l'être, et les travailleurs sont encore moins bien payés. L'exploitation de ces travailleurs est cinq fois supérieure à ce qu'elle était dans les Big Three. Les travailleurs et travailleuses s'en rendent compte aujourd'hui – ils voient la réalité de la situation. Et, déjà, en raison de ce succès, vous avez vu l'Etat de l'Alabama, sa Chambre de commerce, son gouverneur, s'y opposer. Ils ont créé une nouvelle entité appelée « Alabama Strong », où ils essaient de monter les travailleurs contre les syndicats.

Il y a une longue histoire d'intérêts politiques et économiques puissants dans ces Etats du Sud, qui cherchent à bloquer les syndicats.

Nikki Haley [ex-ambassadrice des Etats-Unis à l'ONU janvier 2017-décembre 2018 ; candidate aux primaires républicaines], en tant que gouverneure [de janvier 2011 à janvier 2017], a déclaré : « Si vous êtes syndiqués, vous n'êtes pas les bienvenus en Caroline du Sud. » Ils essaient de faire passer des lois [anti-syndicales]. Ils l'ont fait dans le Tennessee, ils essaient de le faire en Géorgie, où si une entreprise accepte de prendre en compte les cartes de vote pour un syndicat, elle ne recevra aucun financement de la part de l'Etat. Ils essaient de dire que [faire signer les cartes syndicales aux travailleurs – carte qui indique le vœu d'être représenté par un syndicat], c'est pour le syndicat un moyen de pression sur les salarié·e·s. Le syndicat n'oblige personne à signer une carte syndicale. C'est une décision personnelle. Mais ce dont ils ne parlent pas, c'est de la manière dont les entreprises enfreignent la loi tous les jours avec ces salarié·e·s. Les entreprises organisent des réunions avec un public captif. Elles les menacent. Elles les menacent de fermer leur usine s'ils se syndiquent. Elles menacent de déplacer les emplois au Mexique. Elles enfreignent la loi à plusieurs reprises et rien ne se passe.

Les entreprises créent une situation où signer une carte syndicale est souvent un acte de courage. Elles ont mis en place toute une stratégie pour dissuader les travailleurs et travailleuses de se syndiquer, tout en prétendant que le syndicat les intimide.

C'est le bras de fer. C'est ce qu'on appelle les brimades. Cela vient de l'entreprise. L'époque où l'on prétendait que le syndicat intimidait les travailleurs est révolue. Les brimades et les torsions de bras sont le fait d'un seul camp – elles sont du côté des entreprises et de la classe des milliardaires. Il faut que cela cesse. Nous devons mettre en place des lois qui obligent ces entreprises à rendre des comptes lorsqu'elles enfreignent la loi. Lorsque des membres de la classe ouvrière enfreignent la loi, ils vont en prison. Ils en subissent les conséquences. Il n'y a pas de conséquences pour ces entreprises, et cela doit cesser.

Mais vous n'obtiendrez pas de lois qui y mettent fin si vous n'élisez pas davantage de partisans des syndicats.

Cela nous ramène aux deux candidats à la présidence. Donald Trump était président, qu'a-t-il fait ? Il a placé un antisyndical à la tête du National Labor Relations Board, et nous avons reculé. A l'époque ils ont tué la campagne de syndicalisation chez Volkswagen.

Avec le président Joe Biden, les syndicats auront des personnes plus favorables à leur cause. Ils travailleront pour les travailleurs. Toutes ces choses reviennent à la politique et au fait que les travailleurs et travailleuses doivent défendre leurs propres intérêts. Tout est lié.

Il y a beaucoup plus de gens à organiser dans le Sud. Et puis il y a Elon Musk et Tesla. Lorsque l'UAW s'attaque à Tesla, il s'attaque en fait à la classe des milliardaires, n'est-ce pas ? En ce qui concerne l'histoire de l'Amérique, c'est très important.

Tesla est au même endroit sur le radar que tout le monde dans le Sud. Il ne s'agit pas de privilégier l'un par rapport à l'autre. Nous donnons la priorité à ce qui a le plus de potentiel actuellement, nous nous concentrons là-dessus et nous allons continuer à le développer. Je suis fermement convaincu qu'une fois que le premier domino tombera, les vannes s'ouvriront. Les gens se rendront compte de l'avantage qu'il y a à être syndiqué. (Entretien publié dans The Nation le 18 avril 2024, mis à jour le 20 avril ; traduction rédaction A l'Encontre)

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Les associations de terrain appellent le gouvernement à entendre la parole des victimes de la prostitution

A l'occasion des 8 ans de la loi du 13 avril 2016, les associations de terrain appellent le gouvernement à entendre la parole des victimes de la prostitution. Tiré de Entre (…)

A l'occasion des 8 ans de la loi du 13 avril 2016, les associations de terrain appellent le gouvernement à entendre la parole des victimes de la prostitution.

Tiré de Entre les lignes et les mots

Notre pays a eu le courage de se doter en matière de prostitution de la législation la plus ambitieuse au monde pour les femmes et pour l'égalité. Si nous avons toutes les clés en main, manquent encore la volonté et les moyens. Il est urgent d'agir avec une stratégie claire et volontariste, pour aller beaucoup plus loin et beaucoup plus vite.

La loi du 13 avril 2016 renforçant la lutte contre le système prostitutionnel a révolutionné la façon dont notre société considère la prostitution : dépénalisation des personnes prostituées qui ne sont plus délinquantes et aide à l'insertion, interdiction de l'achat d'actes sexuels, renforcement de l'action contre les réseaux de proxénétisme et de traite, prévention.

L'objectif : diminuer le nombre de victimes de cette violence sexiste et sexuelle, et contribuer à ce que la honte change de camp.

Huit ans après ce vote, il est positif de noter qu'un peu plus d'un millier de personnes ont pu quitter la prostitution avec le soutien de l'État et des associations et que plus de 8 000 hommes « clients » prostitueurs ont été pénalisés. Mais ces chiffres sont beaucoup trop faibles, et les défauts de mise en œuvre de la loi ne lui permettent pas de produire tous ses effets.

Depuis plus d'un an, le gouvernement exprime la volonté de mieux faire appliquer la loi et prépare une stratégie interministérielle de lutte contre le système prostitutionnel. La Ministre de l'égalité entre les femmes et les hommes Aurore Bergé, s'est montrée déterminée à ce que cela soit effectif rapidement.

Nous nous en réjouissons, et ne pouvons que manifester notre impatience, car il y a urgence ! Faute d'une application résolue de la loi, nous constatons sur le terrain une augmentation du nombre de mineur·es en situation de prostitution et un soutien largement insuffisant pour les personnes qui souhaitent sortir de la prostitution.

L'objectif de la France doit être clair pour tout le monde : diminuer le nombre de victimes de la prostitution. Et c'est possible si on se donne les moyens d'aider les victimes, de pénaliser les agresseurs (proxénètes et clients) et d'agir en prévention.

Nos recommandations sont connues : (voir le rapport FACT-S)

Nous les rappelons depuis près de quatre ans. Et les personnes ayant connu la prostitution parlent (notamment dans le nouveau podcast : La vie en rouge).

Elles disent les causes et les conséquences de la prostitution, elles expliquent la violence insoutenable d'être contrainte à des actes sexuels non désirés, quel soit leur âge, quelle que soit leur origine.

D'autres ayant pu s'extraire de la violence prostitutionnelle grâce aux dispositifs prévus par la loi de 2016 témoignent de manière tellement positive que celle-ci fonctionne quand elle est appliquée.

Alors écoutons-les, et agissons !

Contacts presse et associations signataires :
– Stéphanie Caradec, directrice du Mouvement du Nid (06 70 15 21 34)
– Delphine Jarraud, déléguée générale de l'Amicale du Nid (06 07 15 55 65)
– Auriane Dupuy, chargée de plaidoyer et des relations presse, FNCIDFF (07 86 68 23 73)
– Frédéric Boisard, Fondation Scelles (06 84 20 05 37)

Téléchargez le communiqué de presse complet
https://amicaledunid.org/actualites/communique-de-presse-les-associations-de-terrain-appellent-le-gouvernement-a-entendre-la-parole-des-victimes-de-la-prostitution/

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L’extrême droite est incompatible avec les droits des femmes

Plusieurs associations de défense des droits des femmes dénoncent et rappellent les dangers que représentent les idées politiques de l'extrême-droite pour les droits des (…)

Plusieurs associations de défense des droits des femmes dénoncent et rappellent les dangers que représentent les idées politiques de l'extrême-droite pour les droits des femmes.

Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/04/21/lextreme-droite-est-incompatible-avec-les-droits-des-femmes/

Voici leur tribune : « Nous, associations de défense des droits des femmes, ne sommes pas dupes. Si Marine Le Pen prétend que voter pour elle, une femme, c'est voter pour les droits des femmes, ses actes la contredisent. Nous alertons avec gravité sur les risques de recul pour les droits des femmes que représenterait son accession à la Présidence de la République.

À l'international, elle affiche sa proximité avec des dirigeants aux politiques discriminatoires et ultra réactionnaires comme Donald Trump, Viktor Orban, ou Vladimir Poutine. À celles et ceux qui seraient tentés « d'essayer », dans l'histoire récente ou aujourd'hui dans d'autres pays, lorsque l'extrême droite et les partis alliés du Rassemblement national sont au pouvoir, les femmes payent un lourd tribut. En 2017, avec le soutien de Vladimir Poutine, la Russie a décriminalisé une grande partie des violences domestiques. Le danger de voir un jour une telle politique en France est réel – et nos droits sont fragiles.

Comme 77% des françaises, nous trouvons que les sujets des droits des femmes n'ont pas été traités correctement pendant la campagne présidentielle. Nous avons porté auprès des candidats le Plan d'urgence pour l'Égalité. Nous savons qu'il y a urgence pour l'égalité et la lutte contre les violences faites aux femmes. Nous savons que si pendant le quinquennat qui s'achève, le Gouvernement a porté de nombreuses initiatives en réponse à nos mobilisations, son bilan est mitigé à plusieurs égards, notamment son refus de mieux financer la lutte contre les violences et leur prévention ou l'absence de politiques ambitieuses pour réduire les inégalités. Nous continuons à demander à Emmanuel Macron de s'engager plus fermement pour les droits des femmes. Mais il est aujourd'hui de notre responsabilité de dénoncer une élection qui, si elle avait lieu, serait la plus grande régression pour les droits des femmes.

Tout d'abord, nous rappelons que Marine Le Pen, son parti et ses soutiens sont de tout temps les principaux opposants à l'avortement. Ils ont régulièrement dénoncé les soi-disant « IVG de confort ». Au cours des derniers mois, ils se sont fermement opposés à l'allongement des délais de 12 à 14 semaines.

En matière de droits des femmes, l'extrême droite a une constante : celle de nous combattre, de nous mépriser et de nous piétiner

À l'Assemblée nationale, comme au Parlement Européen, Marine Le Pen et les élus de son parti se sont opposés quasiment unanimement et systématiquement aux textes qui promeuvent l'égalité entre les femmes et les hommes – que ce soit pour l'égalité salariale, l'accès à la contraception, la lutte contre les violences faites aux femmes et les violences de genre, ou la promotion de la parité.

Enfin, Marine Le Pen s'oppose à l'éducation à la vie affective et sexuelle à l'école primaire, fondement de la prévention de ces violences auprès des plus jeunes. Ses soutiens sont plus clairs encore : ainsi Éric Zemmour a fait du combat contre le féminisme un combat contre la « dévirilisation de l'occident », et contre le « grand remplacement ». En matière de droits des femmes, l'extrême droite a une constante : celle de nous combattre, de nous mépriser et de nous piétiner.

L'égalité entre les femmes et les hommes que prône Mme Le Pen et son parti n'est qu'une façade qui masque une volonté de stigmatiser et d'exclure les femmes étrangères ou immigrées et d'entraver la liberté des femmes à choisir leur destin, en les renvoyant à la maison ou en les reléguant avant tout à des rôles maternels.

Nous, féministes, nous sommes les héritières de celles qui se sont battues pour le droit de vote, nous n'avons pas peur d'en faire usage. Demain comme hier, nous serons mobilisées pour une véritable égalité. Aujourd'hui nous appelons sans réserve à faire barrage à Mme Le Pen au second tour de l'élection présidentielle. #Ecouteznousbien #pasunevoix.

La liste des signataires :

Africa 93
Astrea
Au Tambour !
Alternatif world
L'Assemblée des Femmes
Association Française du Féminisme
Dans le Genre Égales
Des_Codeuses
Ciné-Woman
Collectif Féministe contre le viol (CFCV)
Collectif Georgette Sand
Élu·es contre les violences faites aux femmes
Empow'Her
En Avant Toute(s)
Ensemble contre le sexisme
Equipop
Excision Parlons-en !
Fédération Nationale des centres d'information des femmes et des familles (FN-CIDFF)
Fédération Nationale Solidarité Femmes (FNSF)
Femmes ici et ailleurs
Femmes solidaires
FIT- une femme un toit
Fondation des Femmes
Laboratoire de l'égalité
L'Égalité c'est pas sorcier
Luna Podcast
Maydee
#NousToutes
OFAD (Organisation des Femmes Africaines de la Diaspora)
Osez le Féminisme !
Oxfam
Parents et Féministes
Le Planning Familial
Solidarité Femmes 13
Une Voix Pour Elles
Union Régionale Solidarité Femmes (URSF) Île de France
L'Burn
Ikambere
https://osezlefeminisme.fr/lextreme-droite-est-incompatible-avec-les-droits-des-femmes/

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Les juges afghans encouragés à ordonner la lapidation des femmes adultères

30 avril 2024, par Marche mondiale des femmes — , ,
Alors que les Talibans rebâtissent leur régime de terreur, les défenseurs des droits des femmes regrettent la passivité de la communauté internationale. Tiré de Entre (…)

Alors que les Talibans rebâtissent leur régime de terreur, les défenseurs des droits des femmes regrettent la passivité de la communauté internationale.

Tiré de Entre les ligne set les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/04/22/les-juges-afghans-encourages-a-ordonner-la-lapidation-des-femmes-adulteres/

Les quelque 14 millions de filles et de femmes en Afghanistan n'avaient déjà plus vraiment aucun droit. Depuis le retour des Talibans au pouvoir, elles sont largement confinées chez elles, empêchées d'étudier, de travailler, de marcher dans les parcs ou de se rendre aux bains publics. Leur vie ne vaut plus grand-chose : le nombre de suicides et de tentatives de suicide de femmes a explosé, et les violences sexistes ont rejoint une ampleur telle qu'elles ne sont même plus recensées. À présent, comme lors du premier règne taliban de 1996 à 2001, les juges sont encouragés à ordonner la torture et l'exécution des femmes.

Dans un enregistrement audio diffusé à la radio d'État, le chef suprême du groupe extrémiste au pouvoir, Hibatullah Akhundzada, a annoncé un retour officiel aux châtiments imposés par la loi islamique, précisant : « nous flagellerons les femmes [adultères] (…) et les lapiderons en public ». À ceux qui s'y opposeraient, et surtout à l'Occident, il a lancé ce message : vous appelez peut-être cela une violation des droits des femmes (…) car cela contrevient à vos principes démocratiques (…) mais je représente Allah, et vous représentez Satan. » Car, pour lui, il s'agit de contrecarrer les tentatives d'occidentalisation du pays : « la tâche des Talibans ne s'est pas achevée avec la prise de Kaboul ; Elle n'a fait que commencer. »

Flagellations et exécutions publiques Depuis leur arrivée au pouvoir, les Talibans ont en effet aboli la Constitution afghane, rédigée avec le concours de conseillers étrangers après que le premier gouvernement des mollahs fut évincé en 2001 par une intervention militaire menée par les États-Unis. Ils ont aboli les textes censés garantir les droits des femmes, et traqué les juges ayant condamné des hommes coupables de violences intrafamiliales. En novembre 2022, Akhundzada avait déjà annoncé la reprise des châtiments « selon la loi islamique ». Selon l'ONG Afghan Witness, qui recense les violations de droits humains en Afghanistan, les juges talibans ont ordonné 417 flagellations et exécutions publiques – dont 57 à l'encontre de femmes – entre octobre 2022 et octobre 2023. Ces condamnations, loin d'être circonscrites à quelques poches ultraconservatrices, ont concerné 22 des 34 provinces du pays. À plusieurs reprises en février dernier, des milliers d'Afghans se sont ainsi rassemblés dans des stades dans le nord du pays pour assister à des exécutions publiques. « Avant même leur retour au pouvoir, les Talibans continuaient à appliquer ces règles dans les zones qu'ils contrôlaient » , rappelle Zahra Joya, fondatrice de Rukhshana Media, un site d'informations spécialisé dans les droits des femmes afghanes. En 2015, par exemple, alors que l'Afghanistan était encore une république, une adolescente de 19 ans avait été lapidée par des Talibans dans la province de Ghor, au centre du pays. La récente annonce de Hibatullah Akhundzada est juste le signe que le gouvernement taliban encourage les juges à ordonner ce type de châtiment à plus grande échelle, surtout envers les femmes. »

« C'est atroce, mais pas surprenant, et dans la lignée de ce que les Talibans ont fait ces presque trois dernières années, regrette Mélissa Cornet, spécialiste des questions liées aux droits des femmes en Afghanistan. La première année de leur règne, ils ont institué des règles de manière graduelle, pour voir quelle serait la réaction de la communauté internationale, et parce qu'il existe des dissensions au sein de la chefferie du mouvement. Puis, tout s'est accéléré. »

Lors de leur arrivée au pouvoir, les Talibans avaient promis aux États-Unis et à la communauté internationale qu'ils respecteraient, dans une certaine mesure, les droits humains, y compris ceux des femmes. Les Occidentaux, en imposant des sanctions et en tablant sur la soif de reconnaissance du mouvement extrémiste sur la scène internationale, pensaient pouvoir obtenir des mollahs qu'ils maintiennent quelques-unes de leurs promesses. Mais bien vite, ils ont déchanté. « Aujourd'hui, on voit bien que les puissances et organisations étrangères n'ont plus aucun levier sur le gouvernement taliban, ajoute Mélissa Cornet. Les Nations-Unies et les ONG n'ont quasiment plus de pouvoir face aux Talibans, tant au niveau international qu'au niveau local. Dans de nombreuses localités, les chefs talibans en place préfèrent encore que les populations qu'ils gouvernent n'aient pas accès à de l'aide humanitaire, plutôt que de devoir se soumettre aux exigences des organisations étrangères. »

« Les Talibans n'ont pas de siège aux Nations-Unies, leur gouvernement n'est pas officiellement reconnu, et l'économie de leur pays est paralysée par des sanctions… Mais cela importe peu aux Talibans. En fait, ils ont obtenu en grande partie ce qu'ils voulaient en termes de reconnaissance diplomatique, de séances photo avec de hauts responsables étrangers, de contrats d'affaire… On leur a donné un blanc-seing pour remettre en place leur régime de la terreur, celui des années 1990, s'agace Heather Barr, directrice adjointe du pôle chargé des droits des femmes auprès de Human Rights Watch. La vérité, c'est que les Talibans ont profité du manque de volonté politique de la part des décideurs internationaux – qui sont pour la plupart des hommes – à faire respecter les droits des femmes. Ce qui transparaît de ces trois dernières années, c'est le manque d'intérêt global pour ce sujet. »

Selon Heather Barr, « la communauté internationale pourrait pourtant s'attaquer au problème par le biais juridique. La Cour pénale internationale s'intéresse – sans que cela aille très loin – à la situation des femmes en Afghanistan depuis 2006. Et depuis plus de deux ans, une campagne visant à encourager au moins un État à déposer une plainte contre les Talibans devant la Cour internationale de justice, de la même manière que l'Afrique du Sud l'a récemment fait envers Israël, n'a rien donné. De nombreuses organisations luttant pour les droits des femmes afghanes militent aussi pour que l'apartheid de genre soit reconnu comme un crime aux yeux du droit international. Mais ces initiatives restent lettre morte, ce qui montre le peu d'intérêt que porte la communauté internationale à la situation des Afghanes. » « Pour autant, les Talibans savent qu'ils n'auront pas besoin d'exécuter un grand nombre de femmes pour répandre un sentiment de terreur parmi toutes les femmes et les filles d'Afghanistan », souligne Heather Barr. « Ces dernières vivront avec la hantise de contrevenir à la moindre règle talibane, et le meilleur moyen d'éviter des ennuis sera simplement de ne pas sortir de chez elles. »

Courrier N°430 de la Marche Mondiale des Femmes

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