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Ukraine – Le dilemme de la gauche : être prêt à se battre ou laisser les autres décider

24 février, par Rédaction-coordination JdA-PA
Oleksandr Kyselov, membre du Conseil de Sotsialnyi Rukh À l’occasion du troisième anniversaire de l’attaque russe dans l’est de l’Ukraine, nous reproduisons un article de (…)

Oleksandr Kyselov, membre du Conseil de Sotsialnyi Rukh À l’occasion du troisième anniversaire de l’attaque russe dans l’est de l’Ukraine, nous reproduisons un article de Oleksandr Kyselov du réseau Sotsialnyi Rukh (Mouvement social) en Ukraine publié le 20 février dernier. Né en 2015, ce (…)

La grève des fros, Abitibi 1934

24 février, par Archives Révolutionnaires
En 1993, le musicien engagé Richard Desjardins rappelle à notre mémoire collective la grève des fros qui s’est déroulée en juin 1934 à la mine Noranda en Abitibi. Depuis, les (…)

En 1993, le musicien engagé Richard Desjardins rappelle à notre mémoire collective la grève des fros qui s’est déroulée en juin 1934 à la mine Noranda en Abitibi. Depuis, les militant·e·s connaissent sa chanson emblématique, mais beaucoup moins l’histoire derrière. Un retour sur cette grève pionnière, courageuse et radicale s’impose afin de comprendre son importance pour le mouvement ouvrier. Par-delà sa féroce répression, l’action des fros demeure exemplaire[1].

À partir de la fin du XIXe siècle, les régions du Témiscamingue puis de l’Abitibi sont progressivement développées. On tente d’y instaurer des communautés agricoles, tout en exploitant les ressources naturelles, dont le bois et le minerai. En raison de la difficulté à cultiver des terres à cette latitude, de nombreux colons[2] finissent par travailler dans les chantiers forestiers et dans les mines. Les compagnies profitent de la complaisance des gouvernements et de la disponibilité de cette main-d’œuvre pour exploiter les ressources et la population, engrangeant d’énormes profits au passage. Malgré tout, le développement des mines d’or et de cuivre le long de la faille de Cadillac nécessite toujours plus de bras et les compagnies font venir des mineurs d’Europe de l’Est par milliers au tournant des années 1930.

Dans ce contexte, la Noranda Mines Limited, une société appartenant à des investisseurs new-yorkais, fonde en 1926 la ville éponyme dédiée à l’extraction et à la transformation du cuivre. La ville est sous le contrôle total de l’entreprise grâce à un statut dérogatoire octroyé par le gouvernement. La mine et la fonderie Horne entrent en activité l’année suivante, entraînant une arrivée massive de travailleurs canadiens, finlandais, yougoslaves, polonais, russes et ukrainiens. Au début des années 1930, les villes de Noranda et de Rouyn comptent plus de 5 500 habitant·e·s, dont 1 300 sont employés dans la mine. L’existence y est difficile, mais avec la Grande Dépression et le chômage qui perdurent, la compagnie se permet d’imposer ses conditions… du moins, jusqu’à l’arrivée du syndicat au début de l’année 1933.

Réunion des membres du Mine Workers Union of Canada sur le bord du lac Osisko en juin 1934. Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Rouyn-Noranda.

La Mine Workers’ Union et la grève de 1934

À l’époque, les conditions sont particulièrement éprouvantes pour les mineurs qui travaillent six ou sept jours par semaine, 10 à 12 heures par jour, pour un salaire de 60 cents de l’heure. Les mineurs de fond sont exposés à la poussière de silice et au bruit, sans ventilation adéquate ni équipement de protection. Ils sortent détrempés du trou « et rentrer en habits mouillés, ce n’était pas drôle, surtout l’hiver quand il fallait traverser à pied le lac gelé, balayé par le vent, parce qu’il n’y avait pas de service d’autobus dans ce temps-là »[3]. Quant aux travailleurs immigrants, d’Europe du Nord et de l’Est – les fros, une contraction du mot foreigners (étrangers) – ils sont à risque de se faire expulser du pays s’ils ne respectent pas les consignes de leurs patrons. C’est pourtant au sein de ces communautés migrantes, dont sont issus 50 % des mineurs de Noranda, que se développent une conscience politique et une première activité syndicale. Plusieurs de ces travailleurs possèdent une expérience militante et ils savent que, malgré les menaces, c’est par l’action collective qu’ils ont une chance d’améliorer leur sort.

Un certain nombre de mineurs adhèrent à la Mine Workers’ Union of Canada (MWUC) à partir de 1933. Ce syndicat, principalement implanté en Ontario, est affilié à la Workers’ Unity League, une organisation communiste connue pour sa combativité. Le syndicat recrute principalement auprès des travailleurs étrangers qui soit connaissent déjà l’organisation pour l’avoir côtoyée dans d’autres villes minières, soit y sont favorables en raison de leurs conditions exécrables. De plus, une partie des fros sont liés au Parti communiste du Canada, bien implanté dans la région de Noranda et qui encourage les initiatives du MWUC. Le syndicat organise les travailleurs en cellules, permettant d’éviter un démantèlement de tout le réseau en cas d’infiltration policière. Le 11 juin 1934, les mineurs présentent leurs demandes au patron de la mine, Harry Roscoe : ils veulent la reconnaissance de leur syndicat, la journée de 8 heures de travail, une ventilation adéquate dans les tunnels et une augmentation de 6 cents de l’heure. Face à l’intransigeance de Roscoe, la grève est déclenchée le lendemain.

Environ 300 hommes et femmes ont déclaré la grève hier matin […]. Une centaine d’hommes ont été acceptés hier soir par la Noranda Mining Company pour remplacer un nombre égal de grévistes. La compagnie a devant elle 150 autres applications et elle signera un certain nombre de contrats d’engagement aujourd’hui.

La Gazette du Nord, 15 juin 1934

Plus de 300 mineurs de fond participent au débrayage, très majoritairement des Européens de l’Est, et bloquent l’entrée du puits avec l’aide de centaines de sympatisant·e·s. La compagnie, qui contrôle les autorités locales, maltraite les grévistes et fait emprisonner ceux qu’elle considère comme les meneurs. Roscoe refuse toute négociation par crainte de créer un précédent et fait appel à des briseurs de grève, en majorité canadiens-français. Les grévistes répondent par le « cloutage » des routes afin de crever les pneus des camions qui acheminent les scabs vers la mine. La stratégie patronale se fonde à la fois sur la répression et la division des travailleurs, avec un usage retors des fractures raciales et de la peur du communisme chez les Canadiens. Enfin, on mise sur la pauvreté généralisée pour monter les ouvriers dans le besoin les uns contre les autres. Ces stratagèmes portent fruit et la grève prend fin le 22 juin 1934. Plusieurs dizaines de mineurs sont condamnés à des peines de prison, d’autres sont expulsés du Canada dans les semaines qui suivent. À la fin de l’été 1934, la moitié des travailleurs étrangers de la mine ont été licenciés en raison de leur activité syndicale, soit plus de 350 personnes.

« Reprendre notre place dans la lutte des classes »[4]

La répression brutale de la grève des fros a porté un dur coup au mouvement syndical et socialiste des années 1930 et 1940, d’autant qu’elle était couplée à une diabolisation patronale et ecclésiale des idées progressistes. Pourtant, cette grève a permis au moins deux avancées notables. D’abord, les conditions des mineurs ont été peu à peu améliorées durant les années suivantes, sous la menace persistante d’un nouveau débrayage. Ensuite, cette expérience de lutte a fourni un modèle pour l’organisation politique dans les milieux de travail, repris par les communistes et d’autres lors de différents conflits, dont les grèves du textile en 1937 et en 1946, ou lors des grèves de l’amiante en 1949, de Louiseville en 1952 et de Murdochville en 1957. Sans prétendre à un rôle constitutif de la grève des fros, on ne peut nier son importance dans l’élaboration d’une stratégie syndicale offensive, et ce, malgré la « grande noirceur » québécoise.

J’ai encore dans les oreilles les cris des autorités de la mine, « Come on Frenchies », et les « Frenchies » allaient avec fierté et ignorance couper le cou de d’autres travailleurs comme eux qui cherchaient à obtenir des conditions de travail raisonnables. Ces grévistes ne demandaient pas le luxe, croyez-moi !

R. Jodoin, En-d’ssour (Montréal, Éditions québécoises, 1973) 102.

Plus qu’une mise en garde contre la division qu’entraîne le racisme ou qu’un simple épisode de notre histoire, la grève des fros nous rappelle l’importance du rapport de force lorsque vient le temps de lutter pour nos droits et le rôle que doit jouer la politique dans les conflits de travail. La grève de 1934 n’a pas été immédiatement victorieuse. « Ç’a été joliment dur pour ces gens-là parce que c’était une grève illégale et inorganisée, on va dire. Et puis ces gens-là n’ont certainement pas eu le mérite, le crédit qu’ils auraient dû avoir de cette grève-là. »[5] Mais les fros ont laissé en héritage de meilleures conditions pour tous les mineurs, ainsi qu’une ambition et une détermination à changer radicalement le monde[6].

Nous présentons ici le mémoire Mines et syndicats en Abitibi-Témiscamingue 1910-1950, rédigé en 1978 par Bernard-Beaudry Gourd. Il s’agit non seulement de l’une des rares études qui existent sur la « Grève des Fros », mais son intérêt réside surtout dans le fait que le document reprend directement les interventions de certains acteurs de cette grève.

Mines et syndicats en Abitibi-Témiscamingue 1910-1950

BAnQ Rouyn-Noranda, Fonds Joseph Hermann Bolduc.

Notes

[1] Ce texte est une version bonifiée d’un article originalement paru dans le numéro 98 (décembre 2023) de la revue À Bâbord !

[2] Le masculin est employé pour référer à certains corps de métier réservés aux hommes à l’époque, dont les bûcherons et les mineurs.

[3] L., mineur à Noranda, cité par DUMAS, Evelyn. Dans le sommeil de nos os, Montréal, Leméac, 1971, page 27.

[4][4] Message collectif de 15 grévistes, adressé à leurs camarades, lors de leur libération de la prison de Bordeaux après deux années d’enfermement, en juin 1936.

[5] Entrevue réalisée en 1976 avec Rémi Jodouin, mineur et syndicaliste abitibien.

[6] Pour connaître les malversations de la Noranda Mines Limited (achetée en 2006 par Xstrata, puis en 2013 par Glencore) et de la fonderie Horne, on consultera le récent ouvrage de CÉRÉ, Pierre. Voyage au bout de la mine. Le scandale de la fonderie Horne, Montréal, Écosociété, 2023.

Des travailleurs se manifestent contre une loi régressive

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Les Multitudes, qu’ossa donne ?

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Monsieur Trump, eille, c’est-tu pas un bon président, ça !! J’ai tellement hâte, moé, qu’y nous annexe, pis qu’y ramène l’ordre icitte ! Eille !!! ~ On va-tu pas être en Cadillac, pas à peu près ?! J’comprends pas qu’on puisse s’opposer à ça ! ~ On a des osties de taouins par icitte qui semblent (…)

Un travailleur d’Amazon en Ontario réagit à la fermeture d’Amazon au Québec

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Les travailleurs et les boycotteurs occupent le dîner huppé d’un ministre

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Liban : le système de la kafala augmente la précarité des travailleuses migrantes avec les attaques israéliennes

20 février, par Maîka Desjardins Communications CISO
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Maĩka Desjardins, collaboration CISO Le Liban compte plus de 200 000 femmes migrantes qui cherchent à subvenir aux besoins de leur famille. Cependant, ce système de travail les soumet à l’exploitation. Le système de la kafala exacerbe la précarité de ces femmes, en particulier depuis les (…)

Un journaliste arrêté pour des messages antisionistes sur Internet

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L'activiste et auteur Yves Engler a été arrêté le jeudi 20 février à 9h30 par la police de Montréal, suite à des messages sur les médias sociaux qui critiquaient la personnalité médiatique pro-israélienne Dahlia Kurtz. Un cabinet d'avocats montréalais a déposé une plainte au nom de Mme Kurtz (…)

Une crise en culture

20 février, par Marc Simard
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L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local Les artistes et les organismes culturels du Bas-Saint-Laurent subissent de plein fouet les conséquences d’un manque criant de financement. Ce problème, dénoncé récemment par l’ensemble des conseils régionaux de la culture de la province, (…)

Emplois municipaux, pour qui ?

20 février, par Ligue des droits et libertés

Retour à la table des matières Droits et libertés, automne 2024 / hiver 2025

Emplois municipaux, pour qui?

Elisabeth Dupuis, Responsable des communications, Ligue des droits et libertés Le Québec, le Canada et les municipalités, ont des devoirs et obligations inscrits dans des lois, des Chartes et des Conventions, qui devraient toujours les guider dans l’élaboration de politiques ou de législations. Ces dispositions sont nécessaires afin d’assurer le respect des droits humains aux personnes en situation de handicap (PSH) dans des conditions d’égalité avec les autres1 et assurer leur pleine participation sociale. Dès 2001, le Québec s’est doté d’une loi pour corriger la situation des personnes faisant partie de certains groupes victimes de discrimination en emploi2. La Loi sur l’accès à l’égalité en emploi dans les organismes publics (LAÉE) s’applique notamment à toutes les municipalités qui emploient 100 personnes et plus. Après des années de mise en œuvre progressive de la LAÉE – le groupe des personnes handicapées a été ajouté en 2007 —, les avancées en matière d’emploi dans les municipalités auraient pu être significatives pour les PSH. Le 7e Rapport triennal 2019-20223, qui fait état de la situation en matière d’accès à l’égalité en emploi des organismes publics, explique que les 388 organismes assujettis incluant 71 municipalités sont très loin d’atteindre les indicateurs-cibles. En effet, l’écart est grand entre la représentation totale (0,9 %) des PSH et l’indicateur cible à atteindre (10,5 %) de leurs effectifs, et ce, malgré les augmentations des embauches entre 2019 et 2022. Les 71 municipalités embauchent 633 PSH sur un total de 74 288 employé-e-s. Malgré l’existence de nombreuses ressources et services en intégration et maintien en emploi disponibles à Montréal et sa région, la métropole a un faible taux de représentation soit 1 %. En 2019-2022, seules deux municipalités atteignent et dépassent leur indicateurcibles : Chambly (5 %) et Magog (6 %). Assujettie récemment à la LAÉE, la Ville de La Tuque atteint un taux de 5%! La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) énonce des préoccupations dans un contexte d’emploi favorable : « leur taux de représentation tarde à augmenter, et ce, malgré les efforts investis par les organismes publics […] » et ce taux, qui se situe toujours aux alentours de 1 % [depuis 2007], met en évidence « que les stratégies de recrutement et d’embauche des membres de ce groupe ne donnent pas réellement de résultats4 ».
Tant de choses restent à faire pour que les PSH puissent exercer pleinement leurs droits et participer à la société. Les obstacles physiques, organisationnels et comportementaux5 sont identifiés au stade de l’embauche, de l’intégration et du maintien en emploi.
Parmi ces obstacles, on retrouve en premier lieu le capacitisme ; la représentation du travailleur idéal ; les offres d’emploi ; l’accessibilité et l’adaptation des lieux de travail ; la compréhension et l’application des accommodements et des adaptations ; l’adéquation du transport adapté et des horaires de travail ; l’absence de culture d’inclusion ; l’application des conventions collectives ; le questionnaire médical préembauche, etc. L’interdépendance des droits est de toute évidence au cœur de la réalité des personnes en situation de handicap. Nous pouvons exiger des municipalités qu’elles en fassent davantage pour s’acquitter de leurs obligations légales et accélérer l’accès à l’égalité en emploi des PSH. Car il s’agit bien d’obligations qui leur incombent, et non de gestes charitables, pour permettre aux personnes en situation de handicap de participer pleinement à la société et d’exercer l’ensemble de leurs droits.
1 Mona Paré, La CDPH : des efforts du Canada depuis près de 20 ans, revue Droits et libertés, vol. 40, no 1, 2021. 2 Gouvernement du Québec, Rapport sur la mise en œuvre de la LAÉE, 2020. 3 CDPDJ, Rapport triennal, 2023. 4 Ibid. 5 CDPDJ, Rapport annuel du groupe visé des personnes handicapées, 2021.

L’article Emplois municipaux, pour qui? est apparu en premier sur Ligue des droits et libertés.

Cinq autres sections locales à la veille de rejoindre les grévistes

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2025/02/cupeab_04-1024x576.jpg20 février, par Contributeur
Plus de 2 000 travailleurs de cinq sections locales du SCFP pourraient bientôt se joindre aux 4 000 travailleurs de soutien à l'éducation déjà en grève à Edmonton, Sturgeon (…)

Plus de 2 000 travailleurs de cinq sections locales du SCFP pourraient bientôt se joindre aux 4 000 travailleurs de soutien à l'éducation déjà en grève à Edmonton, Sturgeon County et Fort McMurray en Alberta. La grève vise à empêcher le Parti conservateur unifié (PCU) de financer l'éducation (…)

Quatre généraux colombiens accusés de 442 meurtres !

20 février, par Isabel Cortés
Isabel Cortés, collaboration La quête de vérité et de justice en Colombie a franchi une étape cruciale. Ce mercredi 19 février 2025, la Juridiction spéciale pour la Paix (JEP) (…)

Isabel Cortés, collaboration La quête de vérité et de justice en Colombie a franchi une étape cruciale. Ce mercredi 19 février 2025, la Juridiction spéciale pour la Paix (JEP) a inculpé quatre généraux à la retraite de l’Armée nationale de Colombie, ainsi que 35 officiers et sous-officiers, pour (…)

Entrevue avec Samah Karaki, autrice de L’empathie est politique

20 février, par Amélie David
Une entrevue d’Amélie David, correspondante à Beyrouth Docteure en neurosciences, Samah Karaki livre dans son essai L’empathie est politique, le fruit de ses recherches sur (…)

Une entrevue d’Amélie David, correspondante à Beyrouth Docteure en neurosciences, Samah Karaki livre dans son essai L’empathie est politique, le fruit de ses recherches sur cette notion, parfois méconnue et mal utilisée. Après les attaques du Hamas du 7 octobre et la guerre qu’Israël a menée à (…)

Sommaire du numéro 96

19 février
Pour vous procurer une copie papier de ce numéro, rendez-vous sur le site des Libraires ou consultez la liste de nos points de vente. Sortie des cales Quand la haine nous (…)

Pour vous procurer une copie papier de ce numéro, rendez-vous sur le site des Libraires ou consultez la liste de nos points de vente.

Sortie des cales

Quand la haine nous est contée / Jade Almeida

Mémoire des luttes

Aux origines du FLQ : pour l'indépendance et le socialisme / Alexis Lafleur-Paiement

Travail

Syndicalisme en France : Bataille des retraites / Thomas Collombat

Prolétaires de tous les jeux, unissez‑vous ! Entrevue avec Games Workers Unite Montréal. Propos recueillis par Yannick Delbecque

Regards féministes

Le combat (inachevé) de Chantale Daigle / Kharoll-Ann Souffrant

Éducation

Numérique à l'école : L'idéologie technopédagogique au service de la Machine / Wilfried Cordeau

Société

Le tissu social des quartiers menacé : Protéger les locaux communautaires montréalais / Audrée T. Lafontaine et Gessica Gropp

Climat

Décarbonation du Québec : La cape d'invisibilité de Pierre Fitzgibbon / Carole Dupuis

Environnement

Distribution d'électricité : Hydro-Québec doit respecter son obligation / Jean-Pierre Finet

Sous la loupe

Résister aux sirènes de l'OCDE : Comment la lutte aux paradis fiscaux a été récupérée / Edgar Lopez-Asselin et William Ross

Économie

S'enrichir avec les litiges / Colin Pratte

Sous la loupe

L'illibéralisme, le nouvel encerclement / Claude Vaillancourt

Mini-Dossier : Le transport est un bien commun !

Coordonné par Jean-François Boisvert et Claude Vaillancourt

Décarboner en développant les transports collectifs / Jean-François Boisvert

Planification : Un parcours semé d'embûches / Daniel Chartier

Mobilité durable : Un chaînon manquant / Jean-François Lefebvre, Marc-Olivier Mathieu et Anne-Hélène Mai

Mobilité en déroute : Comment sortir de l'impasse du financement ? / Anne-Hélène Mai

Dossier : Bas-Saint-Laurent. Repousser l'horizon

Coordonné par Valérie Beauchamp et Miriam Hatabi

Illustré par Liane Rioux et Michel Dompierre

De l'exode à la reconquête / Bernard Vachon

La leçon de Sainte-Paule : Une histoire politique des Opérations Dignité / François L'Italien

Souveraineté et autonomie alimentaires menacées / Donald Dubé

L'économie circulaire : Une transition en cours vers un modèle plus soutenable ? / Jean-Michel Coderre-Proulx, Abigaelle Dussol et Évariste Feurtey

Saint-Valérien : De la saine réintégration du politique dans le social / Une Néo-Valérienoise

De « Coule pas chez nous » à « Roule pas chez nous » : Une histoire de résistances / Mikael Rioux

Crise du logement : La mobilisation face à l'inaction / Cassandre Vassart-Courteau

Communautés LGBTQIA2S+ : La similitude de nos singularités / Tina Laphengphratheng

Arts oratoires : Une scène effervescente / Propos d'acteur·rices du milieu. Compilés par Yanick Perreault

Culture

L'archivage culturel, une responsabilité collective / Philippe de Grosbois

Quand le temps devient fou / Jacques Pelletier

Recensions

À tout prendre ! / Ramon Vitesse

Couverture : Liane Rioux

L’espace public pour toustes !

19 février, par Le Collectif de la revue À bâbord ! — , , ,
Pour vous procurer une copie papier de ce numéro, rendez-vous sur le site des Libraires ou consultez la liste de nos points de vente. Le collectif de rédaction s'indigne (…)

Pour vous procurer une copie papier de ce numéro, rendez-vous sur le site des Libraires ou consultez la liste de nos points de vente.

Le collectif de rédaction s'indigne devant les récentes attaques au droit d'occuper les espaces publics des femmes, des personnes LGBTQIA+, racisées ou en situation de handicap, à commencer par la campagne Check ton verre lancée conjointement par Éduc'alcool et le SPVM au mois d'avril 2023. Cette campagne visait principalement à outiller les personnes pour se protéger elles-mêmes de l'ajout de substances illicites dans leur verre dans les bars. On peut lire dans la présentation de la campagne que « [celle-ci] ne vise pas à mettre le fardeau sur les potentielles victimes, mais bien à les sensibiliser à l'adoption de comportements sécuritaires et responsables ». Si le sujet n'avait pas été discuté un nombre incalculable de fois, cette tournure de phrase en serait presque comique.

En quoi responsabiliser les individus à adopter des comportements sécuritaires n'est pas de mettre le fardeau de se protéger sur les potentielles victimes ? Bien que la présentation de la campagne ne vise pas directement les femmes dans le langage utilisé, tous et toutes savent qu'il s'agit de la population la plus à risque de subir ce genre d'attaque. Encore une fois, la responsabilité d'assurer sa sécurité revient aux femmes individuellement. On s'approche des rhétoriques soutenant la culture du viol où il n'est pas responsable et sécuritaire pour les femmes de porter des mini-jupes ou de se déplacer seules la nuit.

Et ce n'est pas la première fois que le SPVM nous sert une campagne de sensibilisation qui vise spécifiquement les femmes pour les éduquer à adopter des comportements de vigilance constante quand elles se retrouvent dans l'espace public. Dans un sens, ces campagnes participent au contrôle du corps des femmes dans l'espace public en s'adressant directement aux victimes plutôt qu'aux agresseurs. On fait planer le doute quant à la sécurité de la personne et on lui fait porter la responsabilité de son occupation sécuritaire de l'espace public sur ses épaules.

C'est exactement le même effet que provoque ce type d'agression, c'est-à-dire faire sentir aux femmes qu'elles n'ont pas leur place dans l'espace public parce que celui-ci est dangereux pour elles. Dans le cas de cette campagne, on reconnaît qu'il existe un danger réel d'agression sexuelle, mais on ne remet pas en question ni la gravité du crime sexuel envers les femmes ni les peines criminelles clémentes. Cette campagne favorise le traitement indulgent de la violence genrée en promouvant le contrôle du corps dans l'espace public.

* * *

L'utilisation de la violence pour exclure de l'espace public les personnes jugées inaptes à l'occuper par l'idéologie en place dépasse la seule population des personnes s'identifiant comme femmes. Elle concerne l'ensemble des populations discriminées socialement, soit les personnes racisées, les personnes appartenant à la communauté LGBTQIA+ ou les personnes en situation de handicap.

Cette violence a été très apparente dans le passage de Barbada à la bibliothèque de la Ville de Sainte-Catherine où plusieurs individus d'extrême droite se sont réunis pour mettre un terme à cette activité si « offensante » qu'est la lecture d'un conte pour enfants par une drag queen.

Plus encore, les effets de cette violence se sont concrétisés dans une pétition initiée par Éric Duhaime afin de cesser de financer des activités exposant les enfants aux drag queens, un discours qui incite à la haine. Pour protéger cette personne, il a fallu compter sur une mobilisation de militant·es, car le service de police n'avait pas l'intention de protéger Barbada sous le couvert de la liberté d'expression des militant·es. Ici aussi, il revient aux personnes de se protéger, car les différentes institutions ne remplissent pas leur rôle pour assurer une occupation égalitaire de l'espace public.

* * *

Le droit de circuler et d'occuper son territoire est le socle pour la prise de parole citoyenne. Exister dans l'espace public, c'est le droit premier de tout citoyen et de toute citoyenne. Or, tant que les pouvoirs en place ne prendront pas au sérieux la violence qui est exercée envers les corps à contrôler pour les exclure de l'espace public, celle-ci restera un espace blanc, masculin et hétérosexuel.

L'illustration est produite par le Centre d'éducation et d'action des femmes (CÉAF) dans le cadre de leur lutte contre le harcèlement de rue. Le CÉAF est la première organisation à produire des données sur le harcèlement de rue au Québec. Depuis 2012, cet organisme communautaire est devenu une référence pour la lutte contre les violences perpétrées dans les espaces publics. Visitez leur site internet pour en apprendre plus : https://ceaf-montreal.qc.ca/harclement-de-rue

Quand la haine nous est contée

19 février, par Jade Almeida — , ,
Avril 2023, une activité de lecture de conte par l'artiste drag Barbada est annulée par mesure de sécurité alors qu'une manifestation anti-drag prend de l'ampleur dans la ville (…)

Avril 2023, une activité de lecture de conte par l'artiste drag Barbada est annulée par mesure de sécurité alors qu'une manifestation anti-drag prend de l'ampleur dans la ville de Sainte-Catherine. Loin d'être anecdotique, cet événement est un énième exemple de la montée des discours anti-LGBTQ+ qui traverse les Amériques.

L'heure du conte est une activité où des drag queens lisent des livres aux enfants d'une manière amusante et théâtrale. Ces événements visent à promouvoir l'alphabétisation, l'inclusion et la diversité, tout en célébrant l'art de la performance. Mais pour ses opposant·es, il s'agit d'une « propagande » qui vise la « sexualisation des enfants », comme le déclare par exemple l'animateur radio et chef du Parti conservateur du Québec Éric Duhaime. Prétexter qu'il faut « protéger les enfants » des dangers que représenteraient les drag queens n'est pas nouveau : cela s'inscrit dans une longue et vilaine histoire d'instrumentalisation des enfants qui vise à stigmatiser les communautés LGBTQ+. Un discours dont la violence fait échos à l'actualité états-unienne où les drag queens sont la cible de projets de loi visant leur bannissement : plus de 450 projets anti-LGBTQ+ y ont été déposés depuis le début de l'année. Au Québec, on déplore la mobilisation grandissante contre l'heure du conte qui a débouché sur l'annulation de l'activité avec Barbada, mais aussi le fait qu'en 2022, Saint-Laurent annule ce même événement sans explication, et qu'à Dorval, l'activité doit se faire sous surveillance policière.

Au-delà de l'art drag

S'attaquer à l'art drag vient s'ajouter à l'arsenal déployé contre tout individu qui ose transgresser les normes de genre. Attention bien sûr à ne pas faire d'amalgame entre performeur·euses drag et personnes trans. Performer comme drag king ou drag queen est un art qui peut être pratiqué par tous·tes, quelle que soit son identité de genre, tandis qu'une personne trans est une personne qui ne s'identifie pas au genre qui lui a été assigné à la naissance. Reste que la transphobie et les mobilisations anti-drag ont en commun de cibler des individus qui s'opposent à la manière dont notre société conçoit le genre.

Un autre point commun est de prétendre le faire « au nom des enfants ». Ainsi, les artistes drag sont accusé·es de les « endoctriner », quand on ne tombe carrément pas dans les accusations de prédation sexuelle. Les mêmes horreurs sont répétées contre les personnes trans – comme le témoignent malheureusement de nombreux·euses activistes comme Celeste Trianon. Cette dernière a organisé la Marche Trans de 2022 de Montréal, tient une clinique juridique d'accompagnement pour les personnes trans et non-binaires dans les démarches administratives pour les papiers d'identité, et était présente à la contre-manifestation en soutien à Barbada. Malheureusement, son militantisme lui vaut de recevoir quantité de messages haineux – dont des accusations d'endoctrinement d'enfants, des insultes, voire des menaces de mort sur les réseaux sociaux.

Ainsi, on ne peut saisir l'acharnement contre les artistes drag sans prendre en compte ce que subissent au quotidien les personnes trans. Tout comme on ne peut appréhender la transphobie sans y lier également les violences déployées contre les personnes intersexuées, notamment au sein du système médical. Lorsqu'un bébé possède des caractéristiques physiques en dehors des marqueurs naturalisés comme binaires et genrés à la naissance, soit clairement « mâle » ou « femelle », il est très souvent pathologisé, ce qui le place à risque de subir des traitements pouvant aller jusqu'à des interventions chirurgicales très lourdes pour le faire rentrer « dans le moule ». De ce fait, le milieu médical s'assure, jusque dans la chair des nouveau-nés, de maintenir la norme qui devient une prophétie autoréalisatrice. Le système médical n'est bien sûr pas le seul domaine que l'on peut pointer du doigt : rappelons qu'en 2021, le ministre Jolin-Barrette a proposé une réforme du droit de la famille qui représentait une menace sérieuse pour les personnes trans et les personnes intersexuées (mais qui a finalement été empêchée grâce à la mobilisation du milieu communautaire). Il est ainsi primordial de comprendre les dénominateurs communs à toutes ces actions, car ils illustrent l'imbrication des systèmes d'oppression.

La transphobie subventionnée

Il n'est ainsi pas étonnant, et encore moins anodin, qu'un groupe comme PDF Québec (Pour le Droit des Femmes – mais bien sûr pas n'importe lesquelles) puisse déposer un rapport public pour soutenir le maintien des thérapies de conversion pour les personnes trans et continuer de recevoir des subventions gouvernementales à hauteur de plus de 400 000 $ ces dernières années. C'est d'ailleurs ce même groupe qui a été dénoncé par des activistes trans pour du harcèlement en ligne et des campagnes mensongères. Ce même groupe que la ministre responsable de la Condition féminine Martine Biron rechigne à condamner et à leur retirer les fonds sous prétexte que « chacun a le droit à son opinion ».

Ainsi, malgré les dénonciations du milieu communautaire, PDF Québec continue de recevoir de l'argent public, tandis qu'Interligne (un organisme de défense des droits LGBTQ+) s'est vu couper le financement qui permettait de maintenir la ligne d'écoute de nuit à la prévention du suicide. Il a fallu des mois de mobilisations pour obtenir un sursis pour le service – mais la situation reste très précaire. Que PDF Québec reçoive du financement tandis que la ligne d'écoute d'Interligne soit menacée de fermeture illustre bien la politique gouvernementale actuelle. PDF Québec s'aligne idéologiquement avec la CAQ, puisqu'il s'agit de l'organisme féministe qui a ouvertement pris position contre les droits des femmes voilées avec le projet de loi 21. C'est aussi un espace qui dénonce et s'oppose à toute approche intersectionnelle (bien évidemment), ce qui est en totale harmonie avec les positions du cabinet de Martine Biron. Une politique portée par un gouvernement qui refuse de reconnaître l'existence même du racisme systémique ou encore qui tergiverse à utiliser le terme « génocide » pour commenter la publication du rapport sur les filles et femmes autochtones disparues et assassinées.

Solidarité face aux extrémistes

Encore une fois, il nous faut avoir une vision globale de ce qui se joue actuellement, car rien n'arrive en silo. La transphobie, tout comme l'acharnement contre les artistes drag, s'inscrit dans une montée en puissance des idées et des groupes réactionnaires, sexistes et racistes, qui entretiennent souvent des liens entre eux et représentent un risque pour tout le monde. Ainsi, le contexte de mouvements anti-LGBTQ+ global marque une période de recul de droits effarant en matière d'autonomie corporelle des femmes. On pense ici aux droits reproductifs, où l'accès à l'avortement est attaqué de toute part (par voie juridique aux États-Unis certes – où la perte des droits est la plus spectaculaire – mais également par la difficulté grandissante d'accès à l'acte médical dans beaucoup de régions canadiennes). Qui dit légalité, ne veut pas dire accessibilité.

Dans une période qui voit des mobilisations grandissantes de communautés historiquement marginalisées, le backlash ne fait que s'intensifier. Faire preuve de solidarité envers les communautés drag, par exemple, c'est reconnaître que les traitements qu'iels subissent ne se déploient pas dans un vacuum de violence systémique. C'est y voir l'ancrage colonial de la gestion des corps. Encore une fois, nous y revenons. La colonisation a imposé l'organisation genrée que nous subissons actuellement : la surveillance et le contrôle des corps, mais aussi des sexualités, des relations sexo-affectives, de l'organisation familiale, du rapport au territoire, du rapport à la nation… Tout cela est ancré dans une approche par la hiérarchisation des populations, des cultures, des êtres et, par conséquent, par l'obligation à la conformité. Une approche individualiste et capitaliste, que nous subissons tous·tes, finalement. Faire preuve de solidarité avec ces luttes, c'est reconnaître qu'il s'agit de lutter pour un monde où le droit de vivre, pas seulement de survivre, mais de vivre, dans la dignité, dans la liberté, dans la sécurité et l'autodétermination est indéniable à tout individu.

Photo : Barbada en plein conte (Jennifer Ricard, CC-BY-SA 2.0).

Aux origines du FLQ : pour l’indépendance et le socialisme

19 février, par Alexis Lafleur-Paiement — , ,
Au début des années 1960, le Québec est en ébullition. La Révolution tranquille est en marche, mais pour plusieurs, elle est insuffisante. Dans ce contexte, de jeunes radicaux (…)

Au début des années 1960, le Québec est en ébullition. La Révolution tranquille est en marche, mais pour plusieurs, elle est insuffisante. Dans ce contexte, de jeunes radicaux fondent en 1963 le Front de libération du Québec (FLQ), « pour l'indépendance et le socialisme ». Ce moment fondateur, moins connu que les coups d'éclat de la fin de la décennie, permet de comprendre les motivations de l'indépendantisme révolutionnaire au Québec et sa pérennité. Soixante ans plus tard, que reste-t-il du premier FLQ ?

En septembre 1960, le Rassemblement pour l'indépendance nationale (RIN) est créé. Il fait la promotion de la souveraineté du Québec, tout en adoptant un discours résolument à gauche, incarné par son charismatique leader Pierre Bourgault [1]. En marge du RIN, de petits groupes radicaux se forment, dont le Comité de libération nationale (CLN) et le Réseau de résistance (RR), qui envisagent une action clandestine en appui à l'action légale afin de parvenir à la souveraineté dans une perspective socialiste. De novembre 1962 à février 1963, le RR mène quelques attaques contre des symboles de la domination culturelle et économique anglo-saxonne, avant que trois de ses membres participent à la fondation d'une nouvelle organisation : le Front de libération du Québec (FLQ), dont le nom s'inspire directement du Front de libération nationale (FLN) algérien.

Un Québec à révolutionner

Le nouveau groupe considère que les Canadiens français sont colonisés « politiquement, socialement, économiquement », puisque le Québec est inféodé aux intérêts anglo-saxons (britanniques, américains et canadiens). La domination régalienne de Londres et d'Ottawa est bien réelle, ainsi que la dévalorisation du français dans de nombreux milieux de travail. Les conditions sociales des classes populaires francophones sont misérables, comme le démontrent les commissions Parent (1961-1966) ou Castonguay-Nepveu (1966-1971). En 1960, 36 % des anglophones au Québec effectuent une 11e année de scolarité, contre 13 % des francophones. Dans le même sens, 13 % des anglophones de 20 à 24 ans fréquentent l'université, contre 3 % des francophones du même âge. Enfin, l'économie est dominée par la bourgeoisie anglophone qui possède massivement les capitaux et les industries : elle détient 80 % des actifs à Montréal, alors que les francophones, avec les travailleurs migrants, sont largement confinés à des emplois peu ou pas qualifiés, généralement mal payés et souvent dangereux. Le FLQ se veut une réponse à ces injustices.

Bien que les Québécois·es ne vivent pas, au sens strict, sous un régime colonial comme celui de l'Indochine ou de l'Algérie, leur identification aux peuples qui ont lutté pour leur indépendance est compréhensible. La comparaison sera aussi faite avec les Afro-Américains, malgré les limites d'une telle analogie. Dans tous les cas, la perception de soi comme peuple dominé et l'identification avec d'autres peuples soumis à des régimes coloniaux expliquent les choix théoriques du premier FLQ (nommément, l'indépendance et le socialisme) ainsi que ses choix stratégiques (la lutte armée en appui à une lutte populaire massive). En effet, lutter contre l'impérialisme implique un horizon social progressiste, ainsi qu'une volonté d'agir « par tous les moyens » face à un ennemi qui refuse le compromis.

Sur ces bases, le premier FLQ vise, par son action directe, plusieurs objectifs. D'abord, il désire attirer l'attention sur la condition des Québécois·es, au niveau national comme international. Ensuite, il cherche à montrer qu'une action combative est possible ici même en Amérique du Nord, au cœur de « l'empire américain ». Il souhaite aussi galvaniser les groupes indépendantistes et accompagner le développement d'un mouvement souverainiste large. En somme, sa stratégie repose sur la propagande et l'agitation, communes aux groupes clandestins du même genre qui émergent partout en Occident à l'époque.

De la parole aux actes

À la fin du mois de février 1963, une demi-douzaine de personnes, notamment issues du Réseau de résistance, fonde officiellement le FLQ. Gabriel Hudon, Pierre Schneider, Georges Schoeters et Raymond Villeneuve sont au cœur de l'organisation. Ils passent une première fois à l'action dans la nuit du 7 au 8 mars 1963, ciblant trois casernes militaires de la région de Montréal avec des bombes incendiaires. Début avril, trois nouvelles bombes explosent, visant différents établissements fédéraux. La pression policière commence à se faire sentir, alors que plusieurs indépendantistes radicaux sont arrêtés et interrogés en lien avec ces attaques. Le 21 avril, un malheureux attentat du FLQ dans un centre de recrutement militaire de Montréal coûte la vie au veilleur de nuit de l'établissement. Le 3 mai, une bombe (non amorcée) est déposée au siège social de la Solbec Copper, en solidarité avec les travailleurs en grève de cette entreprise. Au printemps, différentes attaques sont menées, à nouveau contre des établissements de l'armée, mais aussi de sociétés canadiennes, dont Golden Eagle (Ultramar), et des boîtes aux lettres de la ville bourgeoise de Westmount.

Enfin, début juin 1963, une vingtaine de membres de ce premier réseau du FLQ sont arrêtés. Malgré la sympathie populaire et l'appui qu'ils reçoivent du « Comité Chénier » (un groupe de défense des prisonniers politiques du FLQ), onze felquistes sont condamnés en octobre. Hudon et Villeneuve écopent de 12 ans de prison, et Schoeters de 10 ans. C'est la fin du premier réseau du FLQ, qui sera suivi par (au moins) cinq autres réseaux successifs jusqu'en 1972. De sa première mouture, on peut retenir plusieurs éléments, notamment sa théorie du Québec comme « nation dominée », le lien organique qu'il établit entre indépendance et socialisme, et la nécessité, dans le contexte des années 1960, de dynamiser le mouvement social par une action de propagande armée. En sus de son intérêt historique, cet épisode peut-il encore nous apprendre quelque chose aujourd'hui ?

Lutter pour changer le système

Un premier élément pertinent est certainement la conception qu'une lutte de libération doit nécessairement s'accompagner d'une lutte globale contre le système oppresseur. En effet, il semble illusoire de penser qu'on puisse lutter uniquement dans un horizon sectoriel. À l'époque comme de nos jours, les luttes doivent, sinon converger, du moins s'inscrire dans une stratégie de lutte anti-capitaliste. Le premier Message du FLQ à la nation (16 avril 1963) affirmait déjà : « L'indépendance seule ne résoudrait rien, elle doit à tout prix être complétée par la révolution sociale. » Aujourd'hui, alors que l'impérialisme sévit plus que jamais, que la grande industrie est responsable de la crise écocidaire et que les nationalismes réactionnaires gagnent du terrain, il semble inspirant de penser nos luttes d'émancipation collective dans un horizon de dépassement du capitalisme et d'instauration d'une nouvelle société juste et égalitaire. Un deuxième élément pertinent est le rôle que peuvent jouer des groupes pratiquant l'action directe, à la fois pour faire connaître une cause et pour galvaniser un mouvement. S'il est moralement inacceptable de valoriser la violence en soi, la question se pose de son usage dans un contexte bloqué, comme la crise écologique que les capitalistes amplifient chaque jour un peu plus, au risque de nous annihiler tous. C'est ce vers quoi pointent les travaux récents d'Andreas Malm qui tente de lier l'action directe avec un mouvement de masse.

En somme, selon nous, plusieurs raisons justifient de porter attention au premier FLQ [2]. Il nous aide d'abord à comprendre d'où vient l'indépendantisme au Québec et pourquoi il a pris une tendance révolutionnaire. Surtout, il nous rappelle que parfois, face à des situations iniques, dans lesquelles l'oppression se perpétue sans horizon de changement prévisible, l'action directe peut devenir un moyen légitime de galvaniser et d'accompagner un mouvement de masse. Malgré que l'activisme pratiquant la violence à la pièce ait montré ses limites, lutter dans un horizon de dépassement du capitalisme et envisager une diversité tactique nous semble important en cette époque trouble pour l'humanité.


[1] Il déclare le 3 mars 1963 : « L'indépendance en soi, ça ne veut rien dire. Il faut que l'indépendance s'accompagne de la révolution sociale. »

[2] Pour en savoir plus sur le premier réseau du FLQ, on consultera les témoignages de deux de ses membres : La véritable histoire du FLQ (Claude Savoie, 1963) et Ce n'était qu'un début (Gabriel Hudon, 1977).

Alexis Lafleur-Paiement est membre du collectif Archives Révolutionnaires (archivesrevolutionnaires.com).

Illustration : Ramon Vitesse

Bataille des retraites

Le mouvement social qui a secoué la France cet hiver contre le projet de réforme du système public de retraite a soulevé intérêts et interrogations au Québec. Afin de mieux le (…)

Le mouvement social qui a secoué la France cet hiver contre le projet de réforme du système public de retraite a soulevé intérêts et interrogations au Québec. Afin de mieux le comprendre, penchons-nous sur les raisons de cette colère sociale et politique ainsi que sur ses implications pour le mouvement syndical.

Ce n'est pas la première fois que la question des retraites soulève les passions en France. Vue d'ici, où le sujet est rarement débattu, cette situation peut sembler incongrue. Il y aurait pourtant un intérêt à ce que, partout, la dimension profondément politique des régimes de retraite soit remise de l'avant, plutôt que de les traiter comme des sujets techniques ou encore sous l'angle de la « responsabilité individuelle » à se constituer un pécule personnel pour ses « vieux jours ».

Plus que des retraites, un acquis social

Mais revenons à la France. La première chose à garder en tête est que, contrairement au Québec, la vaste majorité des revenus des personnes retraitées provient des pensions du régime public. Quand des régimes complémentaires existent, ils ne sont pas proposés entreprise par entreprise, mais concernent l'ensemble d'un secteur économique ou d'un corps de métiers. On est donc dans un système plus uniforme, où la part des régimes publics est très importante.

Autre caractéristique majeure : le système de retraite français est par répartition, plutôt que par capitalisation. Cela signifie que les cotisations payées au régime une année donnée vont directement servir à verser les retraites cette même année. Les personnes actives paient donc les pensions des personnes retraitées, tout en accumulant par là même des droits à en recevoir une quand leur tour sera venu. Ceci a l'avantage de ne pas faire passer les sommes dédiées aux retraites par le système financier et boursier, et donc de ne pas les exposer à ses soubresauts. Le régime français repose sur un principe de solidarité intergénérationnelle qui est toutefois régulièrement testé par les évolutions démographiques. Si la proportion de personnes retraitées augmente trop par rapport au nombre de personnes actives, court-on le risque d'un déséquilibre ?

Cette question revient régulièrement dans le débat public français, au point où l'on a mis en place, en 2000, un Conseil d'orientation des retraites (COR) censé fournir des données objectives sur la question. Seulement, voilà, même sur les chiffres du COR et leur interprétation, il y a débat. À droite, on envisage un scénario catastrophe où le système s'effondrerait sans un allongement de la durée de cotisation (d'où la fameuse proposition de faire passer l'âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans). À gauche, on souligne que les prévisions ne sont pas si alarmantes et on insiste sur le fait que si un effort doit être fait pour assurer la pérennité du régime, c'est au capital qu'il faut le demander, plutôt qu'au travail. On fait également remarquer que, malgré ses imperfections, le système français fait en sorte que le taux de pauvreté chez les personnes retraitées y est l'un des plus bas en Europe, et que plutôt que de faire du nivellement par le bas, on devrait encourager les autres à s'en inspirer [1].

Au-delà de l'impact matériel que ces enjeux ont sur la vaste majorité des personnes salariées en France, le régime de retraite par répartition revêt une forte dimension symbolique. Il est l'une des pierres d'assise du « modèle social » mis en place après la Deuxième Guerre mondiale et auquel la plupart des Français·es sont très attaché·es. Avec l'assurance maladie et les allocations familiales, les retraites sont l'incarnation de ces « acquis sociaux » conquis de haute lutte. L'âge de départ à la retraite, et en particulier sa baisse, est devenu un indicateur du progrès social et des volontés d'émancipation des travailleuses et travailleurs. C'est dans ce contexte économique et politique qu'il faut comprendre les manifestations de cet hiver.

Et le syndicalisme, dans tout ça ?

Si la France est connue pour quelque chose, c'est bien sa capacité à voir ses rues s'emplir de manifestant·es lorsque la situation sociale ou politique l'exige. Le présent mouvement ne fait pas exception. Avec plus d'une dizaine de journées nationales d'action et des millions de personnes venues manifester, il s'agit d'une des plus fortes mobilisations que la France ait connues dans les dernières décennies. Fait notoire, ce ne sont pas seulement les grandes villes qui ont participé, mais aussi les régions moins densément peuplées, signe de la grande popularité du mouvement. Au cœur de ces dynamiques : les organisations syndicales qui, situation relativement inusitée, ont réussi à maintenir une unité presque sans failles depuis les débuts de cette lutte.

Le contraste est toujours frappant entre cette forte capacité de mobilisation et le taux de syndicalisation famélique (autour de 10 %) que connait la France. Cet apparent paradoxe s'explique avant tout par le cadre juridique des relations du travail. Si les syndicats sont bien les agents négociateurs des conditions de travail, celles-ci s'appliquent à l'ensemble des salarié·es, quel que soit leur statut syndical. Il n'y a donc pas d'avantage individuel immédiat à la syndicalisation, qui prend plutôt la forme d'un geste militant. Le taux de syndicalisation ne résume pas non plus à lui seul la situation. Le fait de se syndiquer étant un choix individuel, ces 10 % peuvent être répartis dans plusieurs milieux de travail, assurant une présence syndicale plus importante que les chiffres ne peuvent le laisser penser.

Difficile de ne pas mentionner également que la mobilisation a pris une nouvelle ampleur chaque fois que le gouvernement y répondait de façon autoritaire, une dynamique qui n'est pas sans rappeler celle du Printemps érable de 2012. Le recours à l'article 49.3 de la Constitution pour faire cesser les débats à l'Assemblée nationale (peu ou prou l'équivalent du « bâillon » au Québec), la répression policière et les limitations au droit de manifester n'ont fait qu'attiser la colère des Français·es qui finirent par… sortir les casseroles !

C'est bien sur ces bases que les syndicats ont réussi à faire lever le mouvement exceptionnel dont nous avons été témoins cet hiver. L'intersyndicale a réussi à conserver son unité notamment du fait que la Confédération française démocratique du travail (CFDT), habituellement plutôt frileuse à contester les réformes néolibérales, a décidé cette fois-ci de se joindre au mouvement. De son côté, la Confédération générale du travail (CGT), considérée comme plus combative, s'est engagée de plain-pied dans la mobilisation tout en tenant son 53e congrès au cours duquel les courants internes se sont affrontés de façon parfois houleuse [2]. Au final, c'est une candidate inattendue, Sophie Binet, qui est devenue nouvelle secrétaire générale de la CGT, la première femme à occuper ce poste. Elle semble porteuse à la fois d'espoir d'un renouveau démocratique de sa centrale, et d'une approche ouverte et innovante du syndicalisme (à l'image de l'organisation dont elle est issue, qui a notamment été en pointe des propositions sur le droit à la déconnexion, et ce bien avant la pandémie).

Ce mouvement aura incontestablement permis de réaffirmer non seulement la résilience, mais aussi la pertinence politique des syndicats français. Au dire de trois sociologues rompus à l'analyse du mouvement syndical, celui-ci s'est fait « “parti” des classes populaires, porte-parole d'un monde du travail de moins en moins représenté dans et par les partis politiques » [3]. S'il est une leçon à retenir de ce mouvement, c'est bien celle-ci : les retraites, c'est politique. Et les syndicats peuvent et doivent jouer un rôle dans l'arène politique, au sens le plus noble du terme.


[1] Laurent Jeanneau, « Dix bonnes raisons de ne pas faire cette réforme des retraites, chiffres à l'appui », Alternatives économiques, 10 janvier 2023, www.alternatives-economiques.fr/dix-bonnes-raisons-de-ne-faire-cette-reforme-retraites-chiffres-a-l/00105748

[2] Sophie Béroud, « Le 53e congrès de la CGT, nouvel épisode d'une profonde crise de direction », Contretemps, 12 avril 2023, www.contretemps.eu/congres-cgt-crise-syndicalisme-binet-martinez

[3] Baptiste Giraud, Maxime Quijoux et Karel Yon, « Le front syndical défend les classes populaires de moins en moins représentées », Le Monde, 3 mars 2023, p. 23.

Photo : Manifestation à Argentan, Normandie (Guy Sanson).

Prolétaires de tous les jeux, unissez-vous !

Games Workers Unite Montréal est une organisation locale s'inscrivant dans le mouvement mondial Games Workers Unite (GWU). À bâbord ! s'est entretenu avec eux pour discuter de (…)

Games Workers Unite Montréal est une organisation locale s'inscrivant dans le mouvement mondial Games Workers Unite (GWU). À bâbord ! s'est entretenu avec eux pour discuter de la situation au Québec. Propos recueillis par Yannick Delbecque.

À bâbord ! : Quels sont les objectifs de votre mouvement ?

Games Workers Unite Montréal : GWU est un mouvement composé de travailleuse·eurs de l'industrie du jeu vidéo apparu en 2018 et qui s'est rapidement répandu à l'international. Son objectif est la syndicalisation de l'industrie du jeu vidéo. C'est une industrie importante qui existe maintenant depuis des décennies et dont les conditions de travail causent de nombreux problèmes.

Dans les dernières années, plusieurs aspects de la culture de l'industrie du jeu vidéo ont été remis en question. Par exemple la normalisation du « crunch », terme de l'industrie pour les longues périodes où les heures supplémentaires non payées sont attendues de la main-d'œuvre. Le crunch est illégal au Québec, mais est néanmoins une pratique courante dans l'industrie. Les patrons répètent souvent que la « passion » pour le médium du jeu vidéo justifie les conditions de travail invivables ou encore que le studio représente une « famille » pour celleux qui y travaillent. Ce discours est maintenant reçu de manière critique par les travailleuse·eurs de l'industrie. Malgré cette situation, et jusqu'à tout récemment, il n'y a pas eu de formation de syndicats dans l'industrie.

Le mouvement mondial Game Workers Unite est formé d'un grand nombre d'organisations locales et de syndicats à travers le monde qui se sont formés dans le contexte du mouvement GWU. Ces organisations collaborent et communiquent les unes avec les autres, mais fonctionnent chacune de manière autonome.

Les membres de GWU Montréal sont employé·es dans différents lieux de travail. L'organisation vise à soutenir toute campagne de syndicalisation dans l'industrie locale, peu importe le lieu de travail ou la fédération syndicale existante avec laquelle les travailleuse·eurs concerné·es peuvent avoir décidé de collaborer. GWU Montréal répond au besoin d'avoir une organisation capable de soutenir les efforts de syndicalisation dans tous les lieux de travail de l'industrie, et ce, dès les premières étapes du processus jusqu'à la reconnaissance officielle.

ÀB ! : Est-ce que GWU Montréal a des objectifs spécifiques à la situation montréalaise ?

GWUM : Aux États-Unis, depuis 2020, la fédération syndicale Communication Workers of America (CWA) offre un grand soutien aux campagnes de syndicalisation de l'industrie du jeu vidéo avec leur projet « CODE-CWA » (Campaign to Organize Digital Employees). La majorité des nouveaux syndicats dans l'industrie états-unienne ont rejoint cette fédération. En Ontario, GWU Toronto collabore étroitement avec la branche canadienne de CWA. Depuis 2018, plusieurs syndicats ont obtenu la reconnaissance officielle dans l'industrie canadienne du jeu vidéo. C'est le cas du syndicat KWS Edmonton United, qui a rejoint les Travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce. Les travailleuse·eurs du studio Anemone Hug ont rejoint l'International Alliance of Theatrical Stage Employees (IATSE). Les travailleuse·eurs du studio Vodeo Games, réparti·es entre le Canada et les États-Unis, se sont syndiqué·es en 2021. Leur syndicat, Vodeo Workers United, est le premier syndicat reconnu en jeu vidéo en Amérique du Nord et compte dans ses rangs plusieurs membres de GWU Montréal.

Par contraste, la syndicalisation de l'industrie québécoise n'est pas aussi avancée. Le paysage syndical québécois est unique et particulier, avec sa propre histoire et ses propres considérations. À travers GWU Montréal, les membres de différentes campagnes syndicales dans l'industrie peuvent partager leur expérience et leurs apprentissages, se tenir au courant des nouveaux développements et s'entraider dans leurs efforts. Nous organisons également des ateliers publics tels que notre atelier « Quels sont mes droits ? » sur le droit du travail au Québec, des formations à l'organisation syndicale, et nous diffusons du matériel d'éducation sur ces sujets. Nos membres s'impliquent aussi dans les luttes des industries sœurs de l'industrie du jeu vidéo, comme le cinéma d'animation et la tech, et participent aux manifestations en solidarité avec les communautés noires et autochtones de Montréal.

ÀB ! : GWU est un mouvement parasyndical qui encourage et soutient les efforts de syndicalisation sans être lui-même un syndicat ou une fédération syndicale. Quels liens GWUM a-t-il avec les organisations syndicales ou militantes en place au Québec ?

GWUM : Au Québec, GWU Montréal maintient le contact avec le plus d'organisations syndicales possible, incluant les centrales syndicales québécoises (FTQ, CSN, CSQ, etc.), les branches canadiennes de CWA et de IATSE, et le Syndicat industriel des travailleurs et des travailleuses, avec qui nous avons collaboré sur plusieurs projets. Comme il n'y a pas vraiment de précédent ou de mémoire institutionnelle pour la syndicalisation dans notre industrie, nous avons dû tout apprendre à partir de zéro. L'expérience et le soutien des organisations syndicales présentes dans d'autres industries ont été d'une aide immense et très appréciée. Nous avons également grandement profité du support matériel d'organisations étudiantes comme le groupe de recherche d'intérêt public GRIP-Concordia et l'Association facultaire étudiante des sciences humaines de l'UQAM.

ÀB ! : Est-ce que l'industrie québécoise du jeu vidéo est hostile à la syndicalisation ?

GWUM : Pour leur part, les travailleuse·eurs de l'industrie québécoise sont en grande majorité sympathiques à la syndicalisation ! Un premier obstacle est le manque d'éducation au sujet des syndicats et de leur fonctionnement, surtout en ce qui concerne la création d'un syndicat. Un autre obstacle est l'hésitation, la peur et l'insécurité par rapport aux risques de riposte patronale.

Ce sont les dirigeants et les propriétaires de l'industrie qui sont hostiles aux syndicats, comme dans toutes les industries à profit. Sans syndicats pour donner une voix aux travailleuse·eurs, les chefs d'entreprise ont l'habitude de parler seuls au nom de l'industrie. La propagande antisyndicale et les tactiques visant à briser les mouvements de syndicalisation sont faciles à reconnaître, car elles sont les mêmes que dans toutes les autres industries. Elles peuvent freiner l'enthousiasme soutenant un effort de syndicalisation quand on n'est pas prêt à y faire face, mais elles ont peu d'effet ou même l'effet contraire si on les voit venir !

ÀB ! : Quelles sont les difficultés auxquelles font face les groupes souhaitant créer un syndicat ?

GWUM : C'est l'opposition des chefs d'entreprise et le pouvoir unilatéral détenu par le patronat qui représentent les obstacles principaux. Par exemple, les studios de jeux américains Activision-Blizzard-King ont récemment fait les manchettes à cause des pratiques antisyndicales de leurs dirigeants, notamment le recours aux services d'une firme spécialisée en action antisyndicale. Cette même firme est aussi sous contrat avec plusieurs studios présents à Montréal, comme Ubisoft et Eidos.

On retrouve dans l'industrie du jeu vidéo une variété de conditions de travail, comme le télétravail ou les contrats de travail pigiste, qui peuvent présenter un défi pour les travailleuse·eurs voulant se syndiquer. Mais c'est également une opportunité d'adapter les stratégies syndicales classiques à de nouvelles qui pourraient bientôt survenir dans un grand nombre d'autres industries. Par exemple, le syndicat états-unien des travailleuse·eurs du studio Voltage a obtenu une augmentation de paie suite à une grève, et ce, malgré le statut de pigistes des travailleuse·eurs et l'absence de cadre juridique pour leur syndicalisation. Pour leur part, les travailleuse·eurs de

Vodeo Workers United ont obtenu la reconnaissance officielle de leur syndicat, bien qu'iels soient réparti·es des deux côtés de la frontière canado-américaine, que le studio fonctionne exclusivement en télétravail, et que leur syndicat représente pigistes et employé·es dans la même unité de négociation ! Tout le mouvement syndical peut apprendre de cet exemple historique.

ÀB ! : Est-ce que le mouvement de syndicalisation dans l'industrie du jeu vidéo pourrait encourager la syndicalisation dans d'autres secteurs technologiques, historiquement peu syndiqués ?

GWUM : Non seulement la syndicalisation dans l'industrie du jeu vidéo pourra avoir un tel effet, mais cela a déjà été le cas ! En effet, aux États-Unis, la campagne CODE-CWA a son origine dans le mouvement GWU, mais couvre l'entièreté du secteur technologique. Aujourd'hui, des unités syndicales se sont formées dans quatre des cinq grandes entreprises GAFAM : Alphabet (Google), Microsoft, Apple, et Amazon. Plusieurs syndicalistes maintenant actif·ves dans ce secteur ont auparavant travaillé dans l'industrie du jeu vidéo et ont fait leurs débuts au sein de GWU.

Illustration : Ramon Vitesse

Le combat (inachevé) de Chantale Daigle

19 février, par Kharoll-Ann Souffrant — , , ,
Cela fait 34 ans que le nom de Chantale Daigle est associé aux luttes pour le droit à l'avortement. Son combat, bien qu'important, demeure inachevé. Par son combat, Daigle (…)

Cela fait 34 ans que le nom de Chantale Daigle est associé aux luttes pour le droit à l'avortement. Son combat, bien qu'important, demeure inachevé.

Par son combat, Daigle est devenue une sorte d'héroïne, et ce, un peu malgré elle. Un héritage important avec lequel elle aura toutefois toujours eu du mal à composer.

En 1989, Chantale Daigle tombe enceinte de Jean-Guy Tremblay, un homme avec qui elle entretenait une relation de couple. Comme beaucoup d'hommes violents, Tremblay changera alors aussitôt de visage. La relation prend fin. Chantale Daigle décide assez rapidement qu'elle ne veut pas poursuivre sa grossesse. Tremblay décide alors de saisir les tribunaux en allant chercher une injonction [1] pour empêcher l'avortement. Daigle affirmera dans son affidavit [2] : « À mon avis, Jean-Guy Tremblay n'a aucun motif ou intérêt dans le présent dossier, sauf celui d'essayer de maintenir son emprise sur ma personne [3]. » Pour elle, il ne fait aucun doute que son ex-conjoint veut se servir de cet enfant à naître pour maintenir un contrôle sur elle, sur son corps et ultimement sur sa vie.

Pendant plusieurs mois, Chantale Daigle essayera de faire casser ladite injonction. Au fur et à mesure que les semaines avancent, la grogne des femmes se fait sentir et des manifestations qui galvanisèrent les médias du pays auront lieu. L'affaire se rendra jusqu'en Cour suprême, où un jugement lui donnera finalement raison. Un précédent qui continue de faire parler jusqu'à aujourd'hui.

Or, entretemps, dans ce qui était une véritable course contre la montre, Daigle, avec le soutien de plusieurs militantes féministes, avait fui vers Boston pour se faire avorter. C'est une victoire pour la jeune femme âgée de 21 ans. La grossesse prend alors fin à environ 22 semaines. Depuis ces évènements, Daigle vit à l'abri des regards et refuse régulièrement des demandes d'entrevue, puisqu'elle souhaite préserver sa vie privée coûte que coûte.

L'accès à l'avortement aujourd'hui

Au Canada, l'avortement est décriminalisé depuis 1988, notamment grâce aux efforts du Dr Henry Morgentaler [4] qui a tenu tête aux tribunaux et qui a défié le droit en pratiquant des milliers d'avortements clandestins, mais sécuritaires pendant de nombreuses années. Or, le combat de Chantale Daigle, bien qu'il fût hautement et tout aussi important, est une lutte inachevée en Amérique du Nord.

Aux États-Unis, la situation actuelle avec l'invalidation de Roe c. Wade en 2022, cet arrêt qui existait depuis 1973 et qui protégeait le droit à l'avortement pour l'ensemble de la population américaine, a de quoi donner la chair de poule. Dorénavant, il appartient à chaque État américain de déterminer la manière dont ils encadreront la pratique, et certains l'interdiront ou en limiteront grandement l'accès. Les conséquences négatives sur la vie des Américain·es se font d'ailleurs déjà sentir. De plus, dans plusieurs États américains, des médecins risquent la prison et des amendes salées s'ils décident d'offrir des avortements à des patientes [5].

Bien qu'on ne connaisse pas d'attaques aussi importantes au droit à l'avortement au Québec, de nombreuses luttes doivent encore être menées, notamment en ce qui concerne l'accessibilité des services d'interruption de grossesse. De plus, l'an dernier, dans la foulée de la chute de Roe c. Wade, le parti conservateur du Canada a demandé à ses députés de taire le fond de leur pensée sur cet enjeu [6]. On comprend donc à demi-mot que plusieurs d'entre eux sont « pro-vie » ou plutôt antiavortement, comme on devrait le nommer explicitement. La même année, un reportage d'Urbania avait révélé que de l'argent de l'actuel gouvernement du Québec était versé à des groupes antiavortement dans la province, et ce, probablement, sans véritablement le savoir. C'est le signe que le mouvement antiavortement s'organise, se concerte et use de stratégies de plus en plus sophistiquées pour étendre ses tentacules.

Selon la Fédération pour le planning des naissances du Québec (FPNQ), une femme sur trois aura recours à un avortement au cours de sa vie en Amérique du Nord. Nous connaissons tous quelqu'un·e, que nous en soyons conscient·es ou pas, qui a eu un avortement. Les personnes trans et non binaires ont elles aussi recours à ce type de soin de santé. Alors que plus de projets de loi anti-LGBTQ+ que de jours de l'année ont été déposés depuis le début de cette année aux États-Unis (soit près de 500 au mois de mai 2023 !), il y a de quoi s'alarmer, s'indigner et s'inquiéter.

Au Canada, plusieurs barrières d'accès subsistent telles que le manque de points de service de proximité, obligeant les requérants à parcourir de longues distances pour avoir accès à ce service médical essentiel. Parmi les autres barrières, la FPNQ nomme « la langue dans laquelle sont fournis les services, l'accessibilité physique pour les personnes en situation de handicap, la méconnaissance des enjeux trans » ou encore le statut migratoire précaire faisant en sorte que certains services médicaux ne sont pas couverts par la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ).

Récemment, la ministre responsable de la Condition féminine du Québec, Martine Biron, a dit vouloir protéger le droit à l'avortement qu'elle considère comme « sacré ». Malgré une intention dite « louable », pour plusieurs juristes et militantes féministes, la question est en réalité beaucoup plus complexe. Pour l'avocate et professeure de droit à l'Université Laval Louise Langevin [7], ouvrir un tel chantier n'est pas nécessaire d'un point de vue juridique et pourrait même produire l'effet inverse de celui recherché par la ministre Biron : soit de servir de « porte-voix aux groupes antiavortement ». Plutôt, à l'instar de plusieurs féministes [8], elle plaide pour une meilleure accessibilité aux soins de santé, une façon de protéger le droit à l'avortement de manière plus concrète et tangible.

On comprend donc qu'agir sur les barrières et obstacles précédemment nommés serait une manière plus efficace de s'assurer que le combat de Chantale Daigle (et du Dr Henry Morgentaler) se concrétise complètement, et ce, sans entrave. Un droit qui devrait appartenir d'emblée à toutes les femmes.


[1] Selon le site web Éducaloi, une injonction est une obligation que le tribunal qui impose à une personne de faire ou de ne pas faire quelque chose.

[2] Un affidavit est d'une déclaration sous serment obtenue par la Cour.

[3] Cour suprême du Canada, « Jugements de la Cour suprême : Tremblay c. Daigle ». En ligne : https://scc-csc.lexum.com/scc-csc/scc-csc/fr/item/515/index.do

[4] Cour suprême du Canada, « Jugements de la Cour suprême : R. c. Morgentaler ». En ligne : https://scc-csc.lexum.com/scc-csc/scc-csc/fr/item/288/index.do

[5] The New York Times, « A New Goal for Abortion Pills : Punish or Protect Doctors ». En ligne : www.nytimes.com/2023/02/16/us/abortion-bills-doctors.html

[6] Radio-Canada, « Le Parti conservateur demande à ses députés de se taire sur l'avortement ». En ligne : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1880657/pcc-avortement-silence-etats-unis-roe-wade

[7] Louise Langevin dans La Presse, « Accès à l'avortement : A-t-on vraiment besoin d'une loi ? ». En ligne : www.lapresse.ca/debats/opinions/2023-04-26/acces-a-l-avortement/a-t-on-vraiment-besoin-d-une-loi.php

[8] Julie S. Lalonde dans Broadview, « Here's why Canada doesn't need a new abortion law - Canadians need to fight for increased access instead ». En ligne : https://broadview.org/canada-abortion-law

Photo : Ittmust (CC-BY-SA 2.0)

L’Afghanistan : nouveau terrain du jeu chinois

19 février, par Nicolas De Bellefeuille
Nicolas de Bellefeuille, correspondant en stage Le pays est aux prises avec une pauvreté très importante, qui s’est aggravée dès août 2021, date à laquelle les rebelles (…)

Nicolas de Bellefeuille, correspondant en stage Le pays est aux prises avec une pauvreté très importante, qui s’est aggravée dès août 2021, date à laquelle les rebelles talibans ont pris le contrôle de la capitale, dans ce qui sera surnommé la « Chute de Kaboul ». Selon le Programme des Nations (…)

Entrevue avec Alexandre Boulerice, chef adjoint du NPD et député de Rosemont-La Petite-Patrie

18 février, par André Frappier — ,
Alexandre est chef adjoint du NPD et député de Rosemont—La Petite-Patrie. Il nous explique sa vision de la situation politique dans le contexte de la montée de Trump et à la (…)

Alexandre est chef adjoint du NPD et député de Rosemont—La Petite-Patrie. Il nous explique sa vision de la situation politique dans le contexte de la montée de Trump et à la veille du déclenchement des élections fédérales.

18 février 2025

1. Généralement, comment le NPD envisage-t-il de s'opposer à la mainmise annoncée par le gouvernement de Trump envers le Canada ? Quelles propositions met-il de l'avant ?

Face à des attaques commerciales injustes et injustifiées qui risque de faire perdre leurs emplois à des dizaines de milliers de travailleurs et travailleuses, notre riposte doit être ferme. Avec l'appui du CTC, Jagmeet a déjà proposé un plan pour Produite et acheter canadien. En effet, nos gouvernements doivent accorder l'approvisionnement et les contrats publics à des entreprises de chez nous. Les revenus des contre-tarifs doivent servir à maintenir les emplois et soutenir directement les travailleurs et travailleuses. L'assurance-emploi doit être élargie et bonifiée. On doit réduire notre dépendance au marché américain et lancer un grand chantier pour nos infrastructures et du logement social et coopératif. Enfin, on doit boycotter les produits américains et favoriser l'achat local.

2. Quelles sont les alliances possibles pour nous pour assurer la résistance à Trump ? Quelle est la place du mouvement syndical canadien et Québécois dans cette alliance ?

Comme je l'ai indiqué dans la réponse précédente, le NPD est en discussion constante avec le CTC et la FTQ afin de s'assurer que les décisions politiques sont prises en faveur des travailleurs et travailleuses.

3. Nos richesses naturelles minières (matériaux critiques et stratégiques), pétrolières font saliver le gouvernement de Trump. Comment bloquer leur accaparement par les États-Unis ? La proposition la plus courante est la diversification des marchés ? Leur nationalisation pourrait-elle une manière de les protéger ?

Il s'agit d'une option à envisager. La nationalisation d'Hydro-Québec a été grandement profitable pour la société québécoise. Pétro-Canada a déjà été publique, cependant nous ne devons pas faire l'erreur, comme les libéraux avec TransMoutain, d'investir des fonds publics dans des énergies de combustibles fossiles. Ce n'est pas la voie de l'avenir. Je dirais aussi qu'on doit être très très vigilant avec la protection de notre eau potable. Avec la crise climatique, les USA vont regarder cet « or bleu » avec de plus en plus d'intérêt.

4. Comment le NPD se situe-t-il face au projet de construction de pipelines et de gazoduc et d'entreprises de liquéfaction, comme moyen de diversifier des débouchés ? Quelle place pour le NPD l'industrie pétrolière doit-elle occuper dans l'économie canadienne dans la perspective de la décarbonation de l'économie ?

Dans une économie qui va se décarboniser, avec les exigences de la science et nos engagements de l'Accord de Paris, ce n'est pas l'économie de demain. Le monde entier va réduire sa consommation de combustibles fossiles, l'Europe a déjà diminué sa consommation de gaz naturel de près de 20% depuis 2017, donc la demande ne sera pas là. Il est impératif d'investir dans les énergies renouvelables qui vont être nécessaires pour les générations à venir.

5. Mark Carney a affirmé qu'il répondrait positivement à la hausse des dépenses militaires à 2% du PIB pour répondre aux pressions de Trump qui, lui, même parle de 5% du PIB. Quel la position du NPD à ce propos ?

Il ne faut pas faire les choses parce que Donald Trump ou n'importe quel autre pays le demande, on doit faire les choses parce que c'est dans notre intérêt. Avec les folies de Donald Trump, il est certain que le Canada ne peut plus considérer les États-Unis comme un allié fiable et que ceci demandera des changements. Comparativement à Mark Carney et Pierre Poilievre, l'objectif du NPD ne sera pas de donner davantage d'argent aux grandes compagnies de lobbying militaire qui nous volent de l'argent depuis des décennies. Nos investissements se concentreront à améliorer les conditions de travail des personnes qui servent dans les forces armées, comme nous assurer qu'ils ont un salaire décent, du logement, des soins de santé et l'équipement adéquat pour qu'ils puissent faire leur travail. Il faudra également travailler avec les peuples autochtones pour investir dans la sécurité de l'arctique.

6. Dans le contexte actuel, le NPD continue-t-il à soutenir la déclaration de Sherbrooke et le droit à l'autodétermination du Québec ?

Bien sûr ! Jagmeet et le NPD veulent poursuivre le rêve de Jack Layton de rallier les progressistes d'un océan à l'autre afin de bâtir une meilleure société pour tous. Le NPD reconnait la singularité de la nation québécoise et nous mettrons en place un fédéralisme asymétrique tel que décrit dans la déclaration de Sherbrooke. Nous coopérerons avec le gouvernement du Québec pour nous attaquer aux différents défis auxquels les Québécois·es font face : avoir un Québec fièrement assis à la table. Jagmeet et le NPD seront au service des Québécois et Québécoises, nous ne serons pas au service de M. Legault. Nous serons un partenaire fiable qui est prêt à faire sa part, mais qui n'hésitera pas à être honnête et constructif lorsque nous ne sommes pas d'accord avec le premier ministre Legault.

7. Est-ce que les orientations, objectifs pour les prochaines élections sont clairement déjà définis ?

La plate-forme électorale s'en vient ! Alors je ne donnerai pas de scoop ! Mais une chose est sûre, l'intérêt des travailleurs et des travailleuses sera au cœur de notre discours. Il y a déjà assez de partis pour les banquiers, les millionnaires et les PDG. Nous, on est du côté de la classe ouvrière et des services publics. Nos grands axes vont tourner autour du logement alternatif que les gens peuvent se payer, du coût de la vie, des bons emplois syndiqués et de la transition énergétique face à la crise climatique.

Entrevue réalisée par André Frappier et Bernard Rioux

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Une deuxième assemblée populaire pour protéger les milieux naturels de Rimouski

18 février, par Marc Simard
L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local Fort du succès de la première rencontre en décembre dernier, un second rendez-vous citoyen est organisé pour (…)

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local Fort du succès de la première rencontre en décembre dernier, un second rendez-vous citoyen est organisé pour poursuivre les efforts de protection des milieux naturels. Cette nouvelle assemblée populaire se tiendra le dimanche 23 février à (…)

Amazon nous rappelle la pertinence de l’action collective syndicale

18 février, par Pierre Avignon — , ,
Samedi prochain (le 15 février NDLR) aura lieu une mobilisation contre la fermeture de sept entrepôts d'Amazon au Québec. La syndicalisation du personnel, une première (…)

Samedi prochain (le 15 février NDLR) aura lieu une mobilisation contre la fermeture de sept entrepôts d'Amazon au Québec. La syndicalisation du personnel, une première mondiale, apparaît comme la principale raison de cette décision injustifiable de la multinationale américaine. Alors que certains en profiteront sans doute pour montrer du doigt les organisations syndicales, nous souhaitons plutôt rappeler leur grande pertinence dans le contexte actuel.

Avec l'aimable permission de l'auteur Rédigé par Pierre Avignon, conseiller syndical FEC-CSQ
13 février 2025

Tout d'abord, comment ne pas parler des menaces qui planent sur des milliers de travailleurs et de travailleuses depuis l'élection de Donald Trump à la maison blanche. Tant sur le plan strictement syndical que social, les organisations syndicales présentes sur tout le territoire et dans tous les grands secteurs sur lesquels des tarifs pourraient s'appliquer seront parmi les premiers acteurs sociaux au front pour défendre les personnes touchées, soit pour protéger leur travail, soit pour défendre ou bonifier leurs droits sociaux ou encore pour favoriser leur accès à de la formation pour se requalifier. Plusieurs cas de figure similaires, démontrant l'importance de la présence syndicale, pourraient malheureusement s'appliquer aux bouleversements que le développement fulgurant de l'Intelligence artificielle a déjà et aura de plus en plus sur le monde du travail.

Ce sont également ces mêmes centrales syndicales qui, en 2014, se sont mobilisées contre l'austérité imposée dans les services publics par le gouvernement libéral. Aujourd'hui, ce sont encore elles qui permettent de révéler les coupures caquistes, notamment dans le secteur de la santé et de l'éducation malgré des besoins criants.

Mais au-delà des nécessaires luttes défensives, les militantes et militants syndicaux mènent au quotidien un travail tout aussi nécessaire, celui de donner plus de sens au travail des milliers de Québécoises et Québécois qui se lèvent jour après jour pour payer leurs factures … alors que, dès le 2 janvier 2025 à 10h11, les présidents-directeurs généraux (PDG) des plus grandes entreprises québécoises avaient déjà gagné l'équivalent du salaire annuel moyen au Québec. Alors qu'un récent rapport de l'Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST) révélait que les coûts annuels des lésions psychologiques liées au travail avaient augmenté de 195 % entre 2014 et 2019 (coutant un peu plus d'un milliard de dollars à la société), sur le terrain les syndicats s'acharnent à tenter d'améliorer les conditions de travail. Cette amélioration passe bien sûr par un renforcement des conditions objectives des emplois que sont notamment le salaire et les horaires de travail, mais également par les conditions subjectives que l'on peut davantage relier au climat de travail. Car, pour donner du sens au travail, le salaire ne suffit pas. Favoriser la participation des employées et des employés aux prises de décision, renforcer l'autonomie professionnelle et assurer une reconnaissance des tâches réalisées sont autant de facteurs qui favorisent un bon climat de travail et réduisent les risques psychosociaux liés au travail. Bien que l'on en entende moins parler dans l'espace public, les revendications syndicales touchent autant le côté objectif que subjectif du travail. Les organisations de travailleuses et de travailleurs sont également créatrices de liens sociaux et de solidarité plus que jamais nécessaires.

Pendant que certaines nouvelles tendances managériales tentent de faire passer un transfert de responsabilités pour de l'autonomie dans la réalisation de son métier, ne nous y trompons pas, l'assujettissement est encore bien présent. Et pour celles et ceux qui considèrent comme dépassés les modes de résistance collective basés sur l'opposition, sachez que le modèle opposé de résistance individuelle mène quant à lui à un désengagement qui ne peut être profitable à personne. Plutôt que de voir dans la fermeture d'Amazon un frein imposé au mouvement syndical québécois, nous en appelons plutôt à le considérer comme un rappel de sa pertinence face aux défis de notre temps.

La manifestation, organisée par la CSN, se déroulera le 15 février 2025 à 13 h près de la station de métro Mont-Royal, à Montréal.

Pour la CSQ, la mise à pied du personnel des sept entrepôts d'Amazon est une attaque frontale aux droits des travailleuses et des travailleurs ainsi qu'à l'endroit du mouvement syndical, et cela ne peut rester sans réponse !

Celles et ceux qui le souhaitent peuvent se joindre au contingent de la CSQ qui se rassemblera devant la Caisse Desjardins du Plateau-Mont-Royal (435, avenue du Mont-Royal Est, à Montréal).

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Le mémoire de MQRP dans le cadre des consultations particulières du PL 83 sur l’éxercice de la médecine au sein du réseau public de la santé et des services sociaux

18 février, par Médecins québécois pour le régime public (MQRP) — ,
Le consel d'administration de Médecins québécois pour le régime public vous invite à consulter le mémoire qu'il a rédigé dans le cadre des consultations particulières du projet (…)

Le consel d'administration de Médecins québécois pour le régime public vous invite à consulter le mémoire qu'il a rédigé dans le cadre des consultations particulières du projet de loi 83 : Loi favorisant l'exercice de la médecine au sein du réseau public de la santé et des services sociaux.

« MQRP partage l'intention officielle du PL83, soit de favoriser notre système de santé public, mais insiste sur la nécessité d'adopter une approche plus complète qui freinera véritablement le développement délétère du privé et de la recherche de profit en santé. Comme présenté précédemment, une approche multiforme dévouée au renforcement du système public est nécessaire, plutôt que d'imposer des restrictions cosmétiques d'une main, tout en favorisant de l'autre un exode vers le privé. Une véritable lutte contre la privatisation exige une action concertée sur tous les fronts. »
(MQRP, Conclusion du mémoire soumis au PL.83, 2025)

Pour lire le mémoire de Médecins québécois pour le régime public cliquez sur l'icône ci-dessous :

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