Revue Droits et libertés
Publiée deux fois par année, la revue Droits et libertés permet d’approfondir la réflexion sur différents enjeux de droits humains. Réalisée en partenariat avec la Fondation Léo-Cormier, la revue poursuit un objectif d’éducation aux droits.
Chaque numéro comporte un éditorial, les chroniques Un monde sous surveillance, Ailleurs dans le monde, Un monde de lecture, Le monde de l’environnement, Le monde de Québec, un dossier portant sur un thème spécifique (droits et handicaps, droits des personnes aînées, police, culture, droit à l’eau, profilage, mutations du travail, laïcité, etc.) ainsi qu’un ou plusieurs articles hors-dossiers qui permettent de creuser des questions d’actualité. Les articles sont rédigés principalement par des militant-e-s, des représentant-e-s de groupes sociaux ou des chercheuses ou chercheurs.
Créée il y a 40 ans, la revue était d’abord diffusée aux membres de la Ligue des droits et libertés. Depuis, son public s’est considérablement élargi et elle est distribuée dans plusieurs librairies et disponible dans certaines bibliothèques publiques.
Bonne lecture !

L’avenir des droits
Les suites de l'Exposition Droits en mouvements
Organisée à l’Écomusée du fier monde à l’occasion du 60e anniversaire de Ligue des droits et libertés (LDL), l’exposition Droits en mouvements a été une formidable occasion de promouvoir les droits humains. [caption id="attachment_19587" align="aligncenter" width="510"]
Article 28. Toute personne a droit à ce que règne, sur le plan social et sur le plan international, un ordre tel que les droits et libertés énoncés dans la présente Déclaration puissent y trouver plein effet. (Déclaration universelle des droits de l'homme)
Crise écologique, migrations forcées, croissance des inégalités Nord-Sud, saccage des services sociaux, brutalités policières, marginalisations de tous ordres, déni des droits des Autochtones, montée du racisme et des mouvements d’extrême-droite, développements des technologies de surveillance et de l’intelligence artificielle… Les nombreuses crises qui nous touchent actuellement, nous obligent à repenser nos luttes et à réfléchir à l’avenir des droits humains, au Québec comme à l’échelle mondiale.-
-
- Quels sont les grands enjeux de droits humains qui marqueront notre monde de demain ?
- Quels droits vous paraissent aujourd’hui fragilisés ?
- Quels sont ceux qui seront les plus menacés dans les années à venir ?
- Quelles luttes sont aujourd’hui prioritaires ou vous interpellent le plus, dans votre quotidien ?
- Quels nouveaux droits faut-il mettre de l’avant pour construire un monde moins injuste ?
-

Exposition itinérante - autoportante
Pour profiter de cette exposition historique sur les luttes pour les droits humains dans les cégeps, les universités, les milieux de travail, ou ailleurs, contactez-nous!L’article L’avenir des droits est apparu en premier sur Ligue des droits et libertés.

« Business as usual » ou la transition énergétique selon la CAQ
Retour à la table des matières Droits et libertés, automne 2023 / hiver 2024
Eric Pineault, professeur, Institut des sciences de l’environnement de l’UQAM et chercheur associé à la Chaire de recherche UQAM en transition écologique Quels seraient les contours d’une politique de transition si l’urgence climatique était prise au sérieux par le gouvernement du Québec ? Elle reposerait sur trois piliers. Le premier pilier serait la priorité à l’atteinte, voir au dépassement, des cibles de réduction de gaz à effet de serre (GES) et de protection de la biodiversité sur le territoire québécois. Nos politiques économiques et énergétiques seraient modelées en fonction de ces deux objectifs. Comme second pilier, il y aurait la participation de la population aux décisions structurantes pour atteindre ces cibles, à partir d’un débat public, vaste, structuré et franc — c’est à dire informé par la science — sur les trajectoires de transition possibles pour le Québec. Ce dialogue social sur les trajectoires de transition devrait également porter sur les changements socio-économiques qu’elles impliquent, ainsi que le type de politique énergétique qui en découle. Finalement, le troisième pilier serait l’accompagnement des communautés locales, villes, villages et municipalités régionales de comtés (MRC), dans la mise en oeuvre de stratégies de résilience socio-écologique et d’adaptation aux changements climatiques1. [caption id="attachment_18759" align="alignright" width="448"]
Trois piliers
Le premier pilier implique à court terme d’introduire une conditionnalité écologique dans toutes les décisions économiques, énergétiques et écologiques de l’État, incluant ses programmes de subventions1. Compte tenu de l’urgence environnementale, cette conditionnalité doit primer sur les autres considérations. Le second pilier implique d’ouvrir un processus de dialogue social pour prendre en charge la transformation socioécologique de l’économie et de la société québécoise afin que la transition puisse être planifiée démocratiquement. C’est une mesure de moyen à long terme. Le troisième pilier permet aux gouvernements de proximité et aux communautés locales mobilisées d’agir maintenant pour transformer matériellement notre cadre de vie, nos modes de production et d’occupation du territoire. Évidemment, ce n’est pas de cette manière que s’organise la gouvernance de la transition écologique sous la Coalition avenir Québec (CAQ). Bien que ce gouvernement reconnaisse nominalement l’existence d’une urgence climatique, il aborde cette question, comme bien d’autres, avec une approche affairiste. La transition comme occasion d’affaires ? Cela semble résumer en quelques mots l’approche business as usual de la CAQ vis-à-vis des enjeux environnementaux.Northvolt donne le ton
L’annonce de l’accueil de l’entreprise suédoise Northvolt a donné le ton. D’un côté un investissement public substantiel dans une industrie stratégique pour la transition énergétique, de l’autre une révision des règles qui encadrent le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) afin que ce projet échappe à une évaluation en bonne et due forme de ses impacts environnementaux. L’urgence climatique justifie, semble-t-il, l’état d’exception en matière de politique environnementale, même pour ce qui se présente comme le plus important projet industriel privé de l’histoire du Québec. Pourtant, des enjeux il y en a, particulièrement en matière d’impacts sur la biodiversité et les milieux humides. Le premier ministre du Québec voit dans l’arrivée de Northvolt, qui produira des batteries pour les constructeurs de véhicules électriques, un premier pas vers un retour de l’industrie de production de l’automobile au Québec. On pourrait dire que la transition écologique à la CAQ se résume à une grande occasion d’affaires. Notre dotation en hydroélectricité qui, sans être entièrement propre, est au moins renouvelable, sert d’appât à des grandes entreprises multinationales qui ont besoin d’énergie verte pour leurs procédés industriels. L’équipe économique de la CAQ, le ministre de l’Économie et de l’Énergie en premier, se promène d’un Davos à l’autre en promettant à qui veut l’entendre des futurs mégawatts à des prix plus que concurrentiels. Mégawatts que le Québec ne produit pas encore. La publication du plan d’action 2035 par Hydro-Québec confirme cette tendance dans la mesure où il privilégie l’augmentation de la production d’électricité sur la réduction planifiée de la demande et prévoit que le quart de ces nouveaux mégawatts seront destinés à la croissance industrielle.Une transition pour que rien ne change
Quels sont les éléments de cette politique de transition business as usual ? Elle tient dans les deux éléments qui composent l’expression : « comme d’habitude » et « affaires ». L’aveu par le premier ministre que son souhait ultime est d’attirer un constructeur d’automobiles électriques au Québec en dit long sur sa compréhension des changements à apporter à nos modes de vie, à l’organisation du territoire et aux manières de produire et de consommer dans la transition.La réponse est simple, on ne change rien, on n’a qu’à électrifier.
La transition est purement technologique, pour paraphraser Naomi Klein, tout va changer, mais rassurez-vous rien ne va changer. Alors que le Québec a déjà été un important producteur de matériel roulant pour le transport collectif, qu’il compte des entreprises engagées dans la production d’autobus électriques et de camions électriques, le premier ministre rêve d’une usine capable de produire des VUS made in Québec. En attendant, on peut être fier de fournir des batteries à l’usine du Michigan qui produit les E-Hummer. Le plan d’action d’Hydro-Québec pour 2035 est de la même trempe. Bien qu’Hydro augmente ses ambitions en efficacité énergétique, le plan ne fait pas de la réduction de la demande en énergie une pierre d’assise de sa stratégie. Il incarne ainsi dans la vision du gouvernement qu’il sera possible de tout décarboner ou presque en électrifiant et qu’il y en aura, en plus, pour les nouveaux projets industriels. Résultat, il faut prévoir ajouter de 8 000 à 9 000 mégawatts de plus d’ici 2035 en construisant de nouveaux grands complexes hydroélectriques dans le Nord et en tapissant le sud du Québec d’éoliennes. Et, même au terme de cet effort, on ne sera pas assez avancé dans la décarbonation. Le Québec continuera de brûler du gaz pour chauffer les bâtiments en période de pointe et on nous fait miroiter la possibilité de redémarrer la production d’énergie nucléaire.Alors qu’ailleurs la transition énergétique s’inscrit dans un vaste débat public impliquant la production et la discussion d’une gamme de scénarios alternatifs, ici le gouvernement continue de défendre les infrastructures de l’automobilité telles que le 3e lien et de faire l’apologie de l’étalement urbain.
Duplessisme énergétique
Affaires est le deuxième terme de notre expression. La transition réduite à sa plus simple itération — le développement de technologies qui mobilisent de l’électricité — c’est, aux yeux de la CAQ, autant de projets d’investissements privés. Le modèle de développement est bien rodé depuis les années 1950 : accueil de grandes entreprises industrielles étrangères à l’affut d’intrants à bas prix, environnement règlementaire allégé et prévisible, allégements fiscaux. Il fut un temps où c’était la main d’oeuvre et le minerai de fer, aujourd’hui les multinationales viennent chercher de l’énergie verte sous son coût marginal de production. Le tissu industriel du Québec et son système énergétique deviennent ainsi un point nodal, une étape, dans une longue chaine de valeur dont l’amont et l’aval nous échappent presque entièrement. Plutôt qu’un développement économique et industriel qui répond aux besoins de transition du Québec, celui-ci est largement organisé par des forces économiques externes et globales que le gouvernement se presse d’accommoder. La confusion est ainsi entretenue entre un soutien aux entreprises qui interviennent dans les technologies nécessaires à la décarbonation et la planification d’une transition viable au Québec. Est-ce que les batteries de Northvolt vont servir aux fabricants de véhicules de transport collectif au Québec ? Nul ne le sait. Quelle est la proportion de matériaux et de services que Northvolt va acheter aux PME québécoises ? Nul ne le sait. « Nous avons confiance dans le marché » nous répète le premier ministre, et c’est pourquoi la subvention de 2,9 milliards à l’entreprise vient sans obligation d’achat local. En fin de compte, ce n’est pas tant l’urgence climatique qui définit l’état d’exception justifiant la suspension de nos règles, mais plutôt l’urgence d’une occasion d’affaires à ne pas rater.1. En ligne : https://cffp.recherche.usherbrooke.ca/wp-content/uploads/2023/10/cr-2023-17_contreparties_vf.pdf
L’article « Business as usual » ou la transition énergétique selon la CAQ est apparu en premier sur Ligue des droits et libertés.

Contrer la banalisation et l’instrumentalisation des droits humains
Éditorial
Retour à la table des matières Droits et libertés, automne 2023 / hiver 2024
Alexandra Pierre, Présidente de la Ligue des droits et libertés Le 10 décembre 2023, la Déclaration universelle des droits de l’homme (sic) (DUDH) célèbre ses 75 ans. Ce document majeur, référence incontournable quand il s’agit de droits humains, affirme la dignité intrinsèque de chaque être humain et l’égalité en droits de tous et toutes. Dans les divers instruments relatifs aux droits humains, on souligne le fait que d’énoncer formellement ces droits n’est certainement pas suffisant. Il est nécessaire que les États honorent leurs obligations de les respecter, les protéger et de les mettre en oeuvre. En bref, que les États soient non seulement imputables, mais responsables des droits humains. [caption id="attachment_18681" align="alignright" width="448"]
[1] Ligue des droits et libertés, Déclaration, La Ligue des droits et libertés préoccupée par la montée de la transphobie, 21 septembre 2023. En ligne : https://liguedesdroits.ca/la-ligue-des-droits-et-libertes-preoccupee-par-la-montee-de-la-transphobie/
L’article Contrer la banalisation et l’instrumentalisation des droits humains est apparu en premier sur Ligue des droits et libertés.

Tisser un projet de société
Tisser un projet de société
Laurence Guénette, Coordonnatrice à la Ligue des droits et libertésRetour à la table des matières Revue Droits et libertés, printemps / été 2023
L’avenir des droits économiques, sociaux et culturels (DESC) dépend en grande partie des efforts menés pour parvenir à une égale reconnaissance de tous les droits humains. Il est essentiel d’insister plus que jamais sur leur caractère d’indivisibilité, alors qu’ils ont longtemps été abordés en deux blocs, les droits civils et politiques (DCP), associés aux démocraties libérales et soigneusement séparés des droits économiques, sociaux et culturels qui eux, prédominaient dans le projet socialiste. Le modèle démocratique libéral qui domine dorénavant au niveau international persiste dans ses ironies et même ses hypocrisies, se félicitant de permettre la participation politique de gens qui peinent à subvenir à leurs besoins de base… un exemple de plus qui incite à mettre de l’avant l’interdépendance des droits !Les parents pauvres des droits
Ce rappel peut sembler suranné en 2023, et pourtant les DESC demeurent les parents pauvres des droits humains1. Les DESC sont résolument mis à mal par le néolibéralisme qui prédomine actuellement sans que cela paraisse trop intolérable dans l’opinion publique. La perspective des droits humains, profondément subversive, doit être mise de l’avant haut et fort, et soulignée dans son caractère non partisan et apolitique. La possibilité de m’instruire adéquatement ne dépend pas de l’opinion des élu-e-s, c’est un droit humain ! Le plein exercice de mon droit à la santé n’est pas tributaire des orientations politiques d’un-e ministre, c’est un droit humain ! Lors de la campagne électorale de l’automne 2022 et du débat des chef-fe-s, les droits économiques, sociaux et culturels étaient invisibles, jamais nommés, et pourtant ils étaient en filigrane de toutes les grandes crises auxquelles les candidat-e-s se proposaient de répondre. Ils étaient à la fois tus et instrumentalisés, présentés sous forme de promesses électorales partisanes et de services modulables selon leur bonne volonté politique. Comme le soulignait Christine Vézina dans une lettre ouverte publiée quelques jours après le scrutin et co-signée par la LDL, « la jouissance de droits économiques et sociaux, tels les droits au logement, à la santé, à l’éducation et à un niveau de vie suffisant ne devrait en aucun cas être conditionnelle aux aléas des gains électoraux. Elle devrait plutôt les transcender, conformément aux engagements auxquels le Québec a souscrit en 1976 lorsqu’il a lui- même ratifié le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels2 ».De graves reculs
Certaines crises à l’échelle du Québec et du Canada, de même que des crises à l’échelle mondiale, demeureront d’actualité dans les années à venir et sont propices à la défense et à la promotion des DESC. Pensons aux graves enjeux de logement, à la détérioration des services sociaux tels que le système de santé, ou encore aux crises du climat ou de la biodiversité affectant le droit à un environnement sain. Ces droits sont à la fois en proie à de graves périls ou reculs, et en même temps susceptibles de susciter d’importantes mobilisations. Certains DESC sont également mis à mal sans que cela ne soit aussi visibilisé dans le public, et pourtant les impacts sur d’autres droits humains sont multiples et graves. C’est le cas notamment du droit à l’information, essentiel à une participation démocratique réelle, car il représente une condition de la transparence, de la reddition de compte des élu-e-s et de la possibilité des citoyen-ne-s de prendre position et de se mobiliser pour différentes causes.L’interdépendance des droits
La LDL devra poursuivre ses efforts de partage et de promotion de la perspective des droits humains et favoriser la coalition des mouvements sociaux autour de diverses mobilisations, notamment en mettant de l’avant l’interdépendance des droits humains. Cette interdépendance nous invite à tenir compte des effets des violations ou de la réalisation des droits humains entre eux, et à exiger la justiciabilité de tous les droits, au-delà de la séparation entre les droits civils et politiques, d’une part, et les droits économiques sociaux et culturels, de l’autre, séparation artificielle que nous combattons sans relâche. Le PIDESC énonce dans son préambule que « l’idéal de l’être humain libre, libéré de la crainte et de la misère, ne peut être réalisé que si des conditions permettant à chacun de jouir de ses droits économiques, sociaux et culturels, aussi bien que de ses droits civils et politiques, sont créées ». De quelles conditions parle-t-on ? Les DESC sont les premiers mis en péril quand le néolibéralisme frappe, que l’austérité et la privatisation s’accentuent. La défense de ces droits exige de remettre en cause sans relâche la dangereuse perspective selon laquelle l’individu est responsable de sa propre condition socioéconomique, et dès lors responsable de son échec à accéder à des services permettant une mise en œuvre complète de ses droits. En effet, cette vision méritocratique, combattue depuis longtemps, mais encore dominante malgré tout, suggère que si une personne ne parvient pas à faire réparer ses dents ou à se louer un appartement décent, c’est principalement en raison de mauvais choix qu’elle a faits ou d’opportunités qu’elle n’a pas su saisir.La précarité socioéconomique
Dans un rapport publié en 2022, Olivier de Schutter, Rapporteur spécial sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté aux Nations Unies, soulignait la pertinence de reconnaitre la précarité socioéconomique comme facteur de discrimination à interdire3.Il rappelle cette précarité comme « un processus dans lequel les privations multiples se renforcent mutuellement et sont associées à la stigmatisation, la discrimination, l’insécurité et l’exclusion sociale ». La précarité socioéconomique peut également nous servir à remettre en question la perception de la pauvreté comme étant une défaillance de l’individu, sur qui reposerait donc le fardeau de la pauvreté. Elle invite naturellement à insister sur le droit de tout être humain à la dignité et à la satisfaction de ses besoins de base, et à tenir compte de l’interdépendance des droits. Un niveau de vie insuffisant a des impacts évidents sur d’autres droits ; à l’inverse, les reculs en matière d’éducation publique, de santé publique ou de droit au logement contribuent à perpétuer la précarité des personnes et donc à les empêcher de jouir de leur droit à un niveau de vie suffisant. La notion de précarité socioéconomique suppose non seulement d’interdire toute discrimination fondée sur la condition socioéconomique des personnes, mais suggère également la nécessité de combattre les inégalités. Car les violations des droits économiques et sociaux sont le résultat de comportements concrets d’entités privées ou publiques violant ces droits, et de gouvernements omettant de les protéger adéquatement et de les mettre en œuvre pleinement. Les gouvernements et les groupes caritatifs mettent souvent l’accent sur la pauvreté et les actions pouvant la soulager en partie, sans jamais parler des riches, ou presque, ni de la structure économique qui engendre la pauvreté. Même lorsqu’on nous parle d’inégalités, allégeant quelque peu la responsabilité individuelle de la précarité, on entend rarement dénoncer haut et fort la mauvaise redistribution de la richesse.Changer l’ordre établi
Pourtant, dans une perspective de droits humains, on ne peut pas faire l’économie de mettre en lumière les détentrices et détenteurs de la richesse et les élites qui tentent de préserver le statu quo, faisant obstacle aux mesures de protection et de mise en œuvre des droits humains, particulièrement des droits économiques, sociaux et culturels. Les luttes pour ces droits ne peuvent qu’être menées simultanément à des efforts pour défendre les services publics et les programmes sociaux universels. Défendre les DESC semble également devenir de plus en plus indissociable de la production et de la diffusion d’analyses critiques du système économique et des politiques fiscales et budgétaires qui en affectent la mise en œuvre. L’excellent rapport produit par la LDL en 2020 sur les façons dont les politiques fiscales impactent le droit à un niveau de vie suffisant et plusieurs autres droits humains va dans ce sens4. On gagne donc à poursuivre ces analyses conjointes et à encourager les collaborations entre économistes progressistes, par exemple, et mouvements pour les droits humains. La vigilance à l’égard des droits se trouvant au cœur de la participation démocratique demeurera également nécessaire dans l’avenir. L’État est responsable d’assurer le respect, la protection et la mise en œuvre de tous les droits humains, alors que les élu-e-s sont incités à favoriser les intérêts de groupes puissants agissant pour le profit du secteur privé. Les droits humains peuvent ainsi servir à poser un regard critique sur le lobbyisme, et, plus largement, sur les modalités de la participation démocratique qui nous sont proposées : les embûches dans l’accès à l’information, les lacunes et les hypocrisies de certains mécanismes de consultation publique, la fomentation d’une prétendue acceptabilité sociale, etc. Cent fois, sur le métier… remettez votre ouvrage, et continuons la lutte ! La LDL devra poursuivre son travail de défense des DESC en s’emparant de tout le potentiel analytique et mobilisateur proposé par l’interdépendance des droits humains.- En ligne : https://www.cdpdj.qc.ca/storage/app/media/publications/bilan_charte_etude_5.pdf
- En ligne : https://www.ledevoir.com/opinion/idees/761817/idees-un-peu-de-hauteur-s-il-vous-plait
- En ligne : https://digitallibrary.un.org/record/3983713/files/A_77_157-pdf?ln=fr
- Rapport Le droit à un niveau de vie Faut-il s’inquiéter lorsque le rapport d’impôt s’en mêle?, Ligue des droits et libertés, mars 2020.
L’article Tisser un projet de société est apparu en premier sur Ligue des droits et libertés.

Cent fois sur le métier…
Cent fois sur le métier...
Me Lucie Lamarche, Professeure en sciences juridiques, UQÀM et membre du conseil d’administration de la LDLRetour à la table des matières Revue Droits et libertés, printemps / été 2023
Les célébrations, dont celle du 60e anniversaire de la création de la Ligue des droits et libertés (LDL), sont des occasions rêvées de réfléchir au parcours d’une institution. Déjà en 2013, la magnifique publication Au cœur des luttes1, soulignant les 50 années d’existence de la LDL, accordait une attention nécessaire aux droits économiques et sociaux de la personne. En effet, le droit à la santé, à l’éducation, à un niveau de vie décent, à l’environnement et au travail ne se résument pas à de vagues aspirations économiques ou idéologiques. Ces droits, tout comme les libertés fondamentales ou les droits civils, sont des droits autonomes et à part entière. Ils participent au principe de l’interdépendance, de l’indivisibilité et de l’indissociabilité de tous les droits humains, un principe reconnu en 1993 à l’occasion de la Conférence de Vienne sur les droits humains, à laquelle la LDL a participé. Cette reconnaissance fondamentale ne va toutefois pas sans peine. Et la LDL milite de diverses façons afin de promouvoir le caractère de droits des droits économiques et sociaux. Pour ce faire, elle s’allie au mouvement communautaire et syndical, un allié expert incontournable en la matière. Cette stratégie permet de valoriser le fait que les plus vulnérables sont aussi des titulaires de droits substantiels qui peuvent et doivent exiger de l’État qu’il veille au respect des droits économiques et sociaux sur un mode autre que celui de l’urgence. Dans son Rapport sur l’état des droits humains au Canada et au Québec2 publié en 2013, la LDL insistait sur la recherche d’un effet utile de l’article 28 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) de 1948, lequel affirme que « toute personne a droit à ce que règne, sur le plan social et sur le plan international, un ordre tel que les droits et libertés énoncés dans la présente Déclaration puisse y trouver plein effet ». La DUDH accorde une égale importance aux droits civils, politiques, économiques et sociaux. En conséquence, tous les droits humains contribuent à l’aspiration proposée par l’article 28 de la DUDH. Mais comment donc agir sur un tel ordre à titre de droits humains ? Des réponses s’imposent. S’il le faut, privilégions les dépenses sociales et non les dépenses militaires, par exemple. Ou encore, dénonçons les législations qui ne respectent pas l’affirmation « toute personne a droit » comme c’est le cas du non-accès aux soins de santé pour les personnes en situation irrégulière sur le territoire canadien.Les plus vulnérables sont aussi des titulaires de droits substantiels qui peuvent et doivent exiger de l’État qu’il veille au respect des droits économiques et sociaux sur un mode autre que celui de l’urgence.C’est donc au cas par cas des législations sociales ou de celles ayant un net impact social que la LDL déploie ses actions dans le respect du principe de l’interdépendance de tous les droits humains. Par exemple, elle a, et ce depuis les années 1980, appuyé les luttes destinées à l’humanisation et au respect du droit à l’égalité et à la dignité humaine dans les législations québécoises successives d’aide sociale (lesquelles ont souvent changé de nom). Elle a aussi accompagné le processus ayant mené à l’adoption en 2002 de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale, non sans toutefois exprimer certaines réserves issues des exigences des droits humains3. La LDL s’est aussi avérée une alliée engagée de la défense du droit au logement. Elle a participé à la Commission populaire itinérante sur le droit au logement en 20124 et a repris la route avec le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) en 2021 aux fins d’une mission d’observation sur la situation du logement à Gatineau5. La Commission populaire itinérante avait pour mandat de « dresser le portrait des problèmes de logement qui sont vécus à travers le territoire québécois, par les locataires, les personnes mal-logées et les personnes sans-abri, de même que par les Autochtones, ainsi que les impacts qu’aurait la fin des subventions fédérales aux logements sociaux existants ». Dans la foulée de sa mission de promotion et de défense des droits, la LDL a enfin initié des réflexions sur des sujets complexes, comme la protection sociale6. Plus récemment, elle a créé un comité de travail portant sur le droit à la santé, dans la foulée duquel elle adopte la définition de ce droit proposée par l’OMS : le meilleur état de bien-être physique, mental et social. Le matériel d’éducation produit en appui au séminaire d’octobre 20227 insiste sur cinq dimensions des atteintes possibles à ce droit : la technologisation, la privatisation, l’exigence de démocratisation, la rémunération des médecins et le rôle des tribunaux. De plus, la LDL a suivi de très près les enjeux de santé publique et de démocratie révélés par la crise de la COVID8. On reconnaît aujourd’hui les atteintes disproportionnées et préjudiciables envers certains groupes vulnérables des mesures d’urgence imposées en temps de pandémie de même que les atteintes à certains droits, dont le droit au travail et à l’éducation. Ces angles morts ont révélé le peu de considération accordée aux droits économiques et sociaux en temps de crise pandémique. Somme toute, la LDL, en assurant la prise en compte d’un cadre de référence des droits humains en matière de droits sociaux et économiques, défend d’une part l’idée que l’État doit mesurer les initiatives sociales à l’aune de ce cadre et de son statut d’obligataire en matière de droits humains et d’autre part, celle que ces droits ne sont pas solubles dans les eaux de l’ultralibéralisme ou de l’Austérité. Compte tenu de ses ressources limitées, la LDL a aussi appris à jouer à l’équilibriste sur le fil du local et de l’international. Ainsi, elle a, à plusieurs reprises (1993; 1996; 2006; 2016), porté à l’attention du Comité du Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies les nombreuses violations de droits dont les personnes se trouvant sur le territoire du Québec ont été et sont encore victimes. Les observations de ce Comité ont été largement diffusées au Québec, soit au plus près des titulaires de droits. Dans la foulée de la Conférence de Vienne, la LDL a porté et porte encore haut et fort le caractère de droits des droits économiques et sociaux et le principe de l’interdépendance de tous les droits humains. Forte de ses alliances, elle adapte ses luttes aux besoins. Par exemple, elle considère de nos jours avec plus de vigilance l’impact du racisme systémique sur les droits économiques et sociaux. Elle s’est fait entendre en ce sens durant la crise de la COVID9. De même, les enjeux de l’écojustice, de la crise environnementale et climatique et du droit de toute personne à un environnement sain10 mobilisent ses énergies de diverses façons, dont l’exploration des exigences du droit à l’information et à la participation. Ce faisant, la LDL lie les enjeux environnementaux et les droits économiques et sociaux et adapte ses analyses en conséquence. La LDL est fière de son engagement envers les droits économiques et sociaux de la personne et défend son bilan. Pourquoi alors évoquer dans le titre de ce court article le besoin de remettre cent fois sur le métier son ouvrage ? Parce que les droits économiques et sociaux sont fragiles. Lorsque les droits humains enregistrent des reculs, il est tentant d’estimer que certains droits sont plus importants que d’autres. Il n’en est rien. Un défi supplémentaire pour le futur proche des militant-e-s de la Ligue des droits et libertés!
- En ligne : https://liguedesdroits.ca/au-coeur-des-luttes-1963-2013/
- En ligne : https://liguedesdroits.ca/wp-content/fichiers/rappot-droits-humains-pdf
- Voir par exemple Vincent Greason et Lucie Lamarche, Poverty Impact Analysis (PIA) and Governmental Action: « Made in Québec » …. Again? 2009, disponible à : https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1466059
- En ligne : https://www.frapru.qc.ca/wp-content/uploads/2013/11/RapportFinalComplet.pdf
- En ligne : https://liguedesdroits.ca/wp-content/fichiers/2021/02/rapport_mission_gatineau_vf_20210208.pdf
- En ligne : https://liguedesdroits.ca/wp-content/fichiers/2020/06/ldl-pdf
- En ligne : https://liguedesdroits.ca/cadre-danalyse-i-le-droit-a-la-sante-nous-echappe/
- Consultez la section dédiée droits humains et pandémie COVID-19 sur le site Web de la En ligne : https://liguedesdroits.ca/cat/dh-et-covid-19/
- En ligne : https://liguedesdroits.ca/cat/dh-et-covid-19/
- Garanti à l’article 1 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec
L’article Cent fois sur le métier… est apparu en premier sur Ligue des droits et libertés.

L’environnement et l’interdépendance des droits
L'environnement et l'interdépendance des droits
Karina Toupin, Responsable de l'administration et des finances à la LDL Article rédigé à partir d’un texte de Sylvie Paquerot, professeure retraitée de l’Université d’Ottawa et ancienne membre du CA de la LDLRetour à la table des matières Revue Droits et libertés, printemps / été 2023
La Ligue des droits et libertés (LDL) a été fondée à une époque où le droit à un environnement sain en était à ses balbutiements. L’angle par lequel la LDL a abordé différents dossiers en lien avec l’environnement est marqué par le contexte plus global de développement des perspectives liant les enjeux environnementaux et les droits humains, et mérite que nous nous y attardions un moment. La façon dont la LDL a abordé ces enjeux à travers ses décennies d’activités reflète ce contexte plus large, en quelque sorte. Au fil de son histoire, la LDL est intervenue dans de nombreux dossiers liés, directement ou indirectement, à des enjeux environnementaux. Le lien entre droits humains et enjeux environnementaux a été abordé de front dès la conférence des Nations Unies sur l’environnement à Stockholm, en 1972. Vingt ans plus tard, lors de la conférence de Rio, l’accent était mis sur la participation de toutes et tous, ouvrant ainsi le chemin à l’approfondissement de la dimension procédurale du droit à l’environnement et à la précision des droits civils et politiques qui y sont liés. Ainsi, il est reconnu que « la meilleure façon de traiter les questions d’environnement est d’assurer la participation de tous les citoyens concernés », ce qui implique la réalisation du droit à l’information, la possibilité de participer aux processus de prises de décisions et d’accéder à la justice. Il convient de se reporter à l’époque où la LDL fut créée : dans les années 1960 et 1970, les impacts des détériorations de l’environnement sur de nombreux droits humains et l’interdépendance des droits humains sont révélés par des affaires célèbres dans le monde entier, qui en fournissent des exemples dramatiques. Les années 1970 sont aussi marquées au Québec par la création du ministère de l’Environnement, le développement du droit de l’environnement (Loi sur la qualité de l’environnement, Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), etc.), l’essor du mouvement environnemental et la multiplication des groupes écologistes, qui se comptèrent bientôt par centaines à travers la province. Au départ, les interventions de la LDL évoquaient plutôt les droits des peuples autochtones, le droit à des logements salubres ou la liberté d’expression en lien avec certains dossiers environnementaux, sans référer spécifiquement au droit à un environnement sain. La LDL a abordé plus explicitement les enjeux environnementaux à la lumière des droits humains à partir de la fin des années 1990, notamment en approfondissant les enjeux sur le droit à l’eau1 et par sa participation à la mise sur pied de l’Association québécoise pour le contrat mondial de l’eau, en 1999. C’est avec le travail sur les poursuites-bâillons au milieu des années 2000 que s’amorce une véritable mise en relation de deux grands fronts de luttes citoyennes : celle pour les droits et l’écocitoyenneté. À partir du milieu des années 2000, la LDL est beaucoup plus active en ce qui concerne les dimensions procédurales du droit à un environnement sain. Les poursuites-bâillons, des actions judiciaires intentées contre des individus ou des groupes de pression en vue de les neutraliser, ont fait l’objet d’un imposant travail de la LDL et d’autres groupes. Cet important pan de son histoire est abordé dans l’article sur la liberté d’expression de la présente revue.Exploitation des gaz de schiste et interdépendance
Les débats entourant l’exploration et l’exploitation des gaz de schiste au Québec permettent à la LDL de prendre la mesure des atteintes potentielles aux droits que recèlent beaucoup de projets de développement. On constate que celui-ci se planifie et se réalise bien souvent contre les populations et notamment celles des communautés autochtones directement touchées par cette exploitation. En effet, dès les premières démarches visant l’exploration et l’exploitation, on s’apercevra que des droits civils et politiques, comme des droits économiques, sociaux et culturels, sont directement menacés, voire déjà violés. En 2010, dans le cadre des travaux du BAPE, la LDL invoque notamment le paragraphe 51 de l’Observation générale numéro 14 concernant le droit à la santé du PIDESC2 pour questionner la décision du développement d’exploiter cette filière. La LDL porte son attention sur deux droits plus spécialement à risque dans ce dossier : le droit à la santé et le droit à l’eau. Dans le développement de son argumentation, la LDL innove dans la manière de lier enjeux environnementaux et droits humains, en opérant un lien complexe, fondé sur une analyse en termes d’interdépendance des droits. Le raisonnement va comme suit : en vertu de ses propres lois, le gouvernement a l’obligation de protéger ses ressources en eau et donc d’étudier préalablement l’impact des projets de développement qui les affectent. Par ailleurs, le gouvernement a l’obligation de fournir à la population toutes les informations nécessaires qui peuvent concerner sa santé. En conséquence, les études d’impact sur l’environnement, qui sont une obligation, doivent comprendre l’étude des impacts sur les droits humains des projets et non seulement les impacts sur l’environnement au sens strict. Cette analyse en termes d’interdépendance de tous les droits l’amènera à affirmer l’obligation du principe de précaution, malgré la faiblesse de l’intégration de ce principe en droit canadien et québécois.Le droit de dire NON
Dans la foulée des projets d’exploitation des gaz de schistes, la LDL publie en 2010 un important mémoire intitulé Le droit de dire NON. À travers les nombreux dossiers environnementaux qui ont suscité la controverse au Québec dans la dernière décennie, c’est bien la capacité des populations concernées de décider pour elles-mêmes de leurs choix de développement qui est gravement bafouée. La LDL souligne que cela constitue « une rupture de plus en plus profonde du lien de confiance entre la population et son gouvernement en matière d’exploitation de ressources, de projets de développement et de protection de l’environnement et du milieu de vie »3. Pour justifier son intervention devant un organisme consultatif en matière environnementale, la LDL invoque d’abord le fait que le gouvernement du Québec lui-même a, en 2006, intégré dans la Charte des droits et libertés de la personne un article spécifique, l’article 46.1, rédigé en ces termes : « Toute personne a droit, dans la mesure et suivant les normes prévues par la loi, de vivre dans un environnement sain et respectueux de la biodiversité4 ». La LDL en déduit que : « l’intention du législateur est donc bel et bien, en ajoutant l’article 46.1 dans la Charte, de voir mieux garanti et mieux protégé le droit de vivre dans un environnement sain5 ». Son analyse en termes d’interdépendance amènera l’organisme à beaucoup plus de précision quant aux impacts sur les droits des dimensions environnementales de nos modes de développement. Lorsqu’elle se présente devant le BAPE, en novembre 2010, la LDL inscrit son intervention du point de vue des droits potentiellement atteints dans le développement de l’industrie du gaz de schiste au Québec6, mais également du point de vue du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Cet enjeu soulève tout particulièrement la question du respect du droit à l’autodétermination et de la souveraineté des communautés autochtones situées sur les territoires touchés par ces développements. Au regard de ces choix de développement, la LDL attire également l’attention sur nos obligations face aux générations futures. C’est une réflexion sur la portée de cette affirmation que la LDL a amorcé dans le cadre de son intervention sur le développement des gaz de schiste au Québec.Conclusion
En 2014, la LDL publie sa brochure L’environnement, un enjeu de droits humains, visant à informer le public sur l’environnement comme condition de réalisation des droits humains, de même que sur les processus démocratiques essentiels à un environnement sain. Ce cadre d’analyse est déployé davantage dans la revue Écologie et droits humains, penser les crises, publiée en 2020. Elle se joint à la même époque au Front commun pour la transition énergétique, une vaste coalition œuvrant à mettre en place une transition écologique porteuse de justice sociale. La stratégie de liaison des enjeux environnementaux et de défense des droits semble fournir au moins deux leviers pertinents pour renforcer les luttes citoyennes pour la justice. D’une part, la compréhension des enjeux environnementaux en termes de droits humains permet aux écologistes de situer leurs revendications dans un cadre plus largement politique, liant luttes sociales et luttes environnementales, augmentant ainsi significativement leur auditoire, leur légitimité, et donc leur portée. D’autre part, elle met en scène les exigences de l’article 28 de la Déclaration universelle des droits de l’homme qui stipule « Toute personne a droit à ce que règne, sur le plan social et sur le plan international, un ordre tel que les droits et libertés énoncés dans la présente Déclaration puisse y trouver plein effet. » Le pouvoir politique doit donc assumer ses responsabilités en ce qui a trait à la mise en place et au maintien d’un tel ordre. Du point de vue de la défense des droits humains, cette mise en liaison permet d’élargir la compréhension de l’interdépendance de tous les droits, de l’illustrer concrètement avec une acuité extraordinaire.- Ligue des droits et libertés, Dossier : le droit à l’eau, Bulletin de la LDL, printemps En ligne : https://liguedesdroits.ca/wp-content/fichiers/bul-2006-05-00.pdf
- Le droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint (2000), Observation générale no 14, 22e session : 11/08/2000. E/C.12/2000/4.
- Le droit de dire NON : mémoire de la Ligue des droits et libertés déposé dans le cadre de la consultation portant sur le « Développement durable de l’industrie des gaz de schiste au Québec » devant le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), 2010.
- R.Q., chapitre C-12/2006, c. 3, a. 19.
- Le droit de dire non, cit., p. 5
- En ligne : https://liguedesdroits.ca/memoire_bape_gazdeschiste_ldl_20101116/
L’article L’environnement et l’interdépendance des droits est apparu en premier sur Ligue des droits et libertés.

Institution frontalière ou droit aux droits
Institution frontalière ou droit aux droits
Mouloud Idir, Secteur Vivre ensemble, Centre justice et foiRetour à la table des matières Revue Droits et libertés, printemps / été 2023
La frontière est généralement pensée comme étant aux confins de l’État, alors qu’elle est surtout au cœur d’enjeux politiques déterminants. Il faut donc tout faire pour que la question frontalière ne soit pas hors d’atteinte d’une interrogation politique quant au caractère discrétionnaire des contrôles. Ce qui, par voie de conséquence, pose la question politique des possibilités de son franchissement dans une perspective d’élargissement des droits et d’extension de l’ordre démocratique.Roxham comme miroir
Il est urgent de réfléchir collectivement à l’enjeu de plus en plus central du passage des frontières dans une perspective démocratique. L’arrivée de personnes migrantes à la frontière canado-étasunienne, notamment par le chemin Roxham, s’inscrit dans une histoire commune qui se déroule aux frontières devenues le lieu de cristallisation de luttes politiques et citoyennes. La frontière est aussi le miroir d’inégalités et de fractures globales importantes. Sur la frontière, les États se livrent à une mise en spectacle1 qui vise à faire croire que des segments de la population sont préférentiellement protégés face à des abuseuses et abuseurs et à un envahissement, dont les références à une capacité d’accueil prétendument limitée représentent la plus courante euphémisation. Nous ne comptons plus les discours démagogiques et hostiles autour de la tragédie se déroulant au chemin Roxham. Sans parler des discours partisans et lâches qui ont conduit à la fermeture du chemin, qui véhiculent des valeurs de méfiance, de repli identitaire et surtout d’indifférence au sort des personnes qui y risquent leur vie. Pensons à la mort dramatique de Friztnel Richard en décembre 2022 : ce demandeur d’asile, Haïtien d’origine, tentait désespérément de rejoindre pour Noël sa famille aux États-Unis, un soir de tempête hivernale. Ces discours visent à accuser les personnes migrantes de leur destin, au lieu de s’attaquer à la cause : l’Entente sur les tiers pays sûrs, qui contraint leur liberté de mouvement. Seule l’abolition d’un tel dispositif permettrait aux personnes qui ont besoin de protection de se présenter à tous les points frontaliers réguliers. Le gouvernement Trudeau fait le pari calculateur de laisser les tribunaux trancher ce qu’il ne peut faire devant l’édiction impériale étasunienne. Par ailleurs, aussi présent à notre esprit soit-il, le chemin Roxham n’est qu’une illustrationparmid’autresd’unphénomène mondial. Pour nous, ce lieu évoque d’autres lignes frontalières : Lampedusa, Calais, Vintimille, Ouistreham, Arizona, Manus et Nauru, où des personnes exilées et en situation d’errance sont confrontées à la réalité d’une politique migratoire visant leur exclusion. Fort heureusement, des citoyen-ne-s décident de combiner leur aide à celle des personnes migrantes entre elles, une sorte de communion dans la solidarité mutuelle, et cela malgré les tentatives de criminalisation des autorités. Dans cet esprit, nous faisons ici le pari de dire, dans le prolongement, notamment, des réflexions proposées il y a vingt ans par le philosophe Étienne Balibar, que « la démocratisation des frontières, institutions essentielles à l’existence des États, mais profondément porteuses de dynamiques antidémocratiques, ne peut provenir que du développement de la réciprocité dans l’organisation de leur franchissement et de leur protection2 ». Car ce régime international des frontières « demeure radicalement anti-démocratique aussi longtemps qu’il est purement discrétionnaire, qu’aucune possibilité n’existe pour les usager-ère-s des frontières, individuellement et collectivement, d’en négocier le mode d’administration3 », les règles de franchissement ou leur traversée. Il est désormais impératif de nous emparer de cette question et de la passer au crible d’un test démocratique de nos institutions.Les frontières de la démocratie
On peut dire ici que le respect du caractère illimité de la démocratie appelle une remise en cause du régime international des frontières. À ses frontières, la démocratie se heurte à un paradoxe : la liberté individuelle de mouvement s’y confronte à la logique étatique qui se juge souveraine dans ses politiques d’admission. Si l’institution frontalière n’est pas animée par un mouvement de démocratisation constante, qui passe notamment par la discussion critique des exclusions qu’elle pratique – et dont l’aiguillon est ici l’exigence d’hospitalité –, elle menace sans cesse de s’écrouler. Ce qui nécessite d´aller au-delà des textes de droits dont nous disposons en donnant corps à un droit de l’hospitalité, dont le principe est que les personnes migrantes (et celles qui s’en solidarisent) peuvent obliger l’État souverain lui-même, de façon à ce que leur dignité et leur sécurité ne soient pas systématiquement bafouées. Le principe des principes, c’est que ces personnes doivent avoir le droit de leur côté et doivent pouvoir jouir de droits opposables aux lois et règlements étatiques. Une politique d’hospitalité ainsi rapportée à la démocratie et réinscrite dans le mode de fonctionnement propre à son régime ne consisterait pas, comme le suggère Martin Deleixhe4, en une ouverture pure et simple des frontières, mais en une ouverture inconditionnelle à leur remise en cause. Cela passe nécessairement par la recherche d’affinités électives entre l’hospitalité et la démocratie. C’est en ce sens qu’une telle perspective peut permettre de disposer de la question de la violence et de l’inégalité constitutive inscrite au cœur des dispositifs frontaliers. Elle peut y parvenir en faisant en sorte que la pratique de l’hospitalité irrigue et organise la vie citoyenne de telle façon qu’elle ouvre la communauté politique sur son extérieur et en modifie donc sans cesse la composition et l’identité. Ainsi, la démocratie est comprise comme une pratique politique indéterminée et potentiellement ouverte à l’accueil de la contingence – ici par le biais de la question migratoire. Elle s’appuie sur le caractère précaire et historique de tout régime politique, mais aussi sur le caractère toujours inachevé du peuple démocratique qui compose la cité. De ce point de vue, la production étatique de situations de crise aux frontières correspond d’abord et avant tout à la mise en scène des limites inhérentes à une gouvernance impériale, coloniale, raciale et genrée de la mobilité humaine internationale, contraire à l’esprit démocratique. Ne perdons pas de vue que les luttes aux frontières sont d’abord celles de personnes qui se constituent en sujets politiques actifs. Ces personnes font preuve d’inventivité et sont animées d’un puissant désir de liberté, préfigurant des formes inédites de gestes d’entraide que l’on pourrait qualifier de pratiques de communs mobiles5. Leur manière d’être sujets, actrices et acteurs de leur vie redessine, renouvelle et reconfigure sans cesse notre entendement du politique. Par-delà les appels à la solidarité et les efforts bienveillants pour pallier les violences frontalières au quotidien, la migration telle qu’elle se joue sur le chemin Roxham et ailleurs nous appelle à repenser radicalement ce que sont et surtout ce que pourraient être nos collectivités et nos institutions, à la lumière d’une conception de l’hospitalité reflétant d’abord celle que les personnes migrantes vivent entre elles.Sortir la frontière du seul œil de l’État
En somme, cette attention portée à une analyse politique et démocratique du fait migratoire s’inscrit à nos yeux dans une vision de citoyenneté active6 (traduite en actes) et non seulement statutaire. Elle permet de tenir compte de l’enjeu de l’exclusion dans l’analyse politique du fait migratoire : à savoir de porter une attention à celles et ceux que le déni de droit prive des conditions matérielles de l’existence et des formes de reconnaissance qui font la dignité d’être humain. Cela n’est pas seulement un critère théorique servant à mesurer le degré de proximité des modèles historiques de démocratie ou de citoyenneté par rapport à leur forme idéale : ce regard sur les exclusions inscrites au cœur des dispositifs frontaliers est une façon de se confronter à la réalité de l’extrême violence dans l’histoire des sociétés contemporaines – dont font partie les frontières – au cœur de leur quotidienneté. Cette déconstruction de la conception juridique de la citoyenneté par la pratique de la citoyenneté nous paraît fondamentale pour penser l’enjeu de la migration dans une optique plus démocratique et plus égalitaire. Schématiquement, la citoyenneté se réfère à deux situations distinctes, bien qu’intrinsèquement liées. D’une part, la citoyenneté peut être un statut juridique. Elle définit alors la situation d’une personne qui est incluse dans la communauté politique, autrement dit de celle ou celui qui est formellement autorisé à prendre part à la vie politique de la communauté. D’autre part, la citoyenneté est une activité politique : elle est la production, par le biais de l’engagement individuel et collectif, y compris le plaidoyer militant, la défense et l’énonciation de droits et l’assistance hospitalière, d’une forme de mise en commun de la vie humaine, c’est-à-dire d’un espace public de la discussion égalitaire. Un tel point de vue s’inspire de la formule d’Hannah Arendt du droit à avoir des droits. Ce que les années 1930 nous ont enseigné, c’est que les droits fondamentaux, appelons-les les droits humains, avaient eux-mêmes besoin d’être protégés et que cette protection ne pouvait venir que de la communauté créée par une pratique des droits de la citoyenne ou du citoyen vécu comme un engagement politique inconditionnel et irréductible au statut. Dans ce cadre, la citoyenneté n’appartient en droit à personne, puisqu’elle n’est que le fruit d’une volonté et d’une participation créatrice. Dans cette perspective, le droit de participer à l’élaboration de la norme de la vie commune, tout comme le droit d’entrée sur le territoire, a comme fondement le fait de se saisir politiquement de son destin et de refuser l’inacceptable d’une situation. Il n’est attribué par aucune entité politique surplombante et souveraine. Ceci préfigure un cadre politique dans lequel les droits et libertés reconnus aux individus n’émanent pas d’un pouvoir transcendant, mais plus fondamentalement de la convention des citoyen-ne-s7. C’est le propre des luttes aux frontières que de redéfinir les termes de la convention pouvant permettre l’entrée et l’inclusion dans une communauté politique. Il en résulte que l’on peut à tout le moins plaider que la dimension trop coercitive, discrétionnaire et arbitraire qui préside aux pratiques des contrôles frontaliers doit être justifiée auprès des personnes sur lesquelles ses règles s’exercent (surtout les plus fragiles d’entre elles) par la mise sur pied de mécanismes qui en soumettent les règles au principe démocratique et à la délibération8.Le caractère incrémental des droits
Nous disons que les règles du franchissement des frontières et leur justification ne peuvent, par souci de fidélité au principe démocratique, se soustraire à la participation effective aux délibérations démocratiques des personnes soumises à la dureté de leurs lois de fonctionnement. On peut dès lors dire que cette requête d’une démocratisation des frontières n’est pas sans effets politiques et pratiques d’importance. Mais la portée démocratique de ce plaidoyer est ici redoublée politiquement.Le fait de s’attarder aux règles du franchissement des frontières est de nature politique et non pas technique ou simplement administrative (comme en use l’État) car il en va de notre façon de concevoir la démocratie.Cette conception est ambivalente et peut paraître contradictoire, car ce plaidoyer pour la démocratisation des frontières participe d’un redoublement du contrôle qu’elle prend pour cible : au contrôle des frontières et donc des mouvements de populations par l’État, elle ajoute un contrôle de l’État par le peuple et les groupes sociaux. Elle fait donc sortir l’enjeu frontalier du cadre de l’État pour celui de la politique et du débat sur le juste et l’injuste. En contestant la loi souveraine au nom du principe démocratique9, on montre le caractère politique et incrémental des droits et on fait progresser la construction démocratique, tout en en soulignant le caractère inachevé et sans cesse perfectible.
- Mouloud Idir, Fracturer le régime international des frontières. Pour une politique de la liberté de mouvement Entretien avec Nicholas De Genova, dans, Mouloud Idir, Chedly Belkhodja, Elodie Ekobena (dir.) (Dé)passer le régime international des frontières. L’hospitalité en actes, Montréal, Éditions du secteur Vivre ensemble, 2023.
- Etienne Balibar, Nous, citoyens d’Europe ? Les frontières, l’État, le peuple, Paris, La Découverte, 2001, 91.
- Étienne Balibar, L’Europe, l’Amérique, la Réflexions sur la médiation européenne, Paris, La Découverte, 2005, p. 171.
- Martin Deleixhe, Aux bords de la démocratie. Contrôle des frontières et politique de l’hospitalité, Paris, Classiques Garnier, 2016.
- Dimitris Papadopoulos, Vassilis Tsianos. After citizenship : autonomy of migration, organisational ontology and mobile commons, Citizenship Studies, Vol.17, No 2, 2013, pp.178-196
- Engin Isin, Greg M. Nielsen (dir.), Acts of Citizenship, Chicago, University of Chicago Press, 2008.
- Etienne Balibar, Nous, citoyens d’Europe? Les frontières, l’État, le peuple, Paris, La Découverte, 2001, p. 251. Balibar précise que la notion du citoyen doit se saisir à partir d’une référence originaire à l’insurrection (comme dans le cas français) ou au droit de résistance (comme dans le cas étasunien), en bref, au pouvoir constituant qui exprime une capacité collective de « constituer l’État » ou l’espace public. D’où le lien entre l’idée de citoyenneté et celle d’égalité.
- Ces mécanismes devraient par principe regrouper normalement aussi bien les collectifs auto-constitués de personnes migrantes, les individus désireux de migrer ou des représentant-e-s formels des personnes migrantes, voire des diplomates des États, des organisations de la société civile et des organisations de défense des droits, des communautés religieuses, etc. Certes, la question de la représentation opportune de personnes soumises à la coercition de la frontière n’est pas aisée et ne trouve pas de réponse définitive et satisfaisante. Mais y réfléchir est déjà un avancement, ne serait-ce que par la pensée et en élargissant le registre du dicible en la matière.
- Il en découle que la question démocratique peut dès lors être afférente à la question de la traversée des frontières, celle de leur franchissement, et de tout ce qui se joue, à ce franchissement, en termes d’identité, de souveraineté, de nationalité, de citoyenneté et de gouvernementalité.
L’article Institution frontalière ou droit aux droits est apparu en premier sur Ligue des droits et libertés.

La prison est violences
La prison est violences
Me Delphine Gauthier-Boiteau, Candidate à la maîtrise en droit et société et avocate Me Sylvie Bordelais, Avocate en droit carcéral Me Amélie Morin, Avocate en droit carcéralRetour à la table des matières Revue Droits et libertés, printemps / été 2023
Le caractère mortifère de la prison nous a été violemment rappelé par la mort tragique de Nicous D’André Spring, survenue des suites de l’usage de la force par des agents de l’Établissement de détention de Montréal le 24 décembre 2022. Cet événement doit collectivement nous amener à appréhender les violations de droits non pas comme des incidents isolés ou des violences surprenantes, mais comme le symptôme ordinaire du caractère inhérent de la prison1. Les personnes décédées alors qu’elles étaient incarcérées dans une institution provinciale sont trop nombreuses pour les nommer toutes2, car cette violence est l’expression des qualités intrinsèques de la prison : elle en révèle les assises coloniale, raciste, capacitiste et capitaliste, qui appellent à une réaction intersectionnelle. [caption id="attachment_18432" align="alignright" width="307"]
Penser un ailleurs
Ces constats et les nombreuses déclinaisons des logiques carcérales montrent l’urgence de se positionner contre l’élargissement des outils et pouvoirs alloués aux agent-e-s de ces logiques. Il importe désormais de questionner la carcéralité et la légitimité du recours à l’emprisonnement comme réponse à des problèmes sociaux. Pour la géographe afro-américaine abolitionniste Ruth Wilson-Gilmore, il ne nous faut en somme changer qu’une chose : tout4. Si penser et bâtir un monde sans prison implique de tout changer, à commencer par la culture qui permet l’existence des prisons, cela implique le démantèlement de systèmes de domination que sont le capitalisme racial, le colonialisme, le patriarcat et le capacitisme. Décarcéraliser notre monde implique un refus d’effacement, au profit d’un rapport à l’autre qui s’articule contre cette disposability, l’idée selon laquelle des personnes sont jetables. Un agir décarcéral suppose, encore davantage que les processus de déconstruction qui nourrissent un certain sensationnalisme réactionnel, la création et la construction d’un lieu nouveau. La mise en œuvre de cet ailleurs passe concrètement par la possibilité d’exercice des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels des personnes. Le crime est une construction sociale qui n’est pas neutre : les infractions inscrites dans le Code criminel sont le fruit politique de décideuses et de décideurs. Ce constat vise à rappeler que ce système fonctionne tel qu’il a été pensé, c’est-à-dire au profit de celles et ceux pour et par qui il a été pensé, et aux dépens des populations précarisées (ici et en d’autres lieux) par celui-ci. Le crime n’est pas naturel plus qu’il n’est neutre dans sa formulation, son appréhension et encore par les mécanismes de profilage et de punition qui découlent de sa répression. L’appareil pénal et carcéral agit pourtant bien peu en amont de ce qu’il décrit comme crime, et les victimes et/ou survivant-e-s d’actes criminels demeurent des actrices et des acteurs tout à fait secondaires de ce système, en particulier quant à leurs besoins et à la réparation des souffrances vécues. Pour Mariame Kaba, autrice afro-américaine et organisatrice communautaire abolitionniste, ces logiques vont à l’encontre de toute accountability - responsabilisation des personnes qui causent du tort - puisque les personnes accusées, leurs proches et leurs communautés ont trop à perdre face aux violences produites par le système5. La logique punitive et individualisante mobilisée en réponse aux torts et violences causés laisse les rapports de pouvoir intacts et s’oppose à une culture plus large de responsabilisation et de réparation. Pour ces raisons, les principes et valeurs abolitionnistes insistent à la fois sur les manières de responsabiliser les personnes qui ont causé du tort, et de répondre aux besoins des victimes et/ou survivant-e-s. L’incarcération a un coût social qui est trop peu souvent décrié. Dans ses travaux, la professeure et sociologue féministe Gwenola Ricordeau6 appelle à la solidarité vis-à-vis des personnes judiciarisées et incarcérées, mais aussi à une compréhension plus large des dommages du système carcéral, bien au-delà des portes de la prison. Il importe en ce sens de considérer les coûts matériel, financier, émotionnel et social dont nos communautés, les proches des personnes incarcérées et celles-ci font les frais. Alors que l’institution carcérale ne permet pas, non plus, de répondre aux objectifs qu’elle présente comme siens (par ex. protection du public et réinsertion sociale) nous nous trouvons périodiquement confronté-e-s à des modifications législatives et à des réformes. Le travail de surveillance et de veille implique de se positionner vis-à-vis ce qui nous est et sera présenté, de distinguer les réformes réformistes et les réformes non-réformistes. Cela demande d’un côté d’identifier les mesures qui octroient davantage de ressources et de pouvoir aux autorités carcérales, rendant le démantèlement de ce système et la mise sur pied d’alternatives plus difficiles. De l’autre côté, les réformes non-réformistes agissent vers une transformation, emportent une critique radicale, importent pour les droits des personnes incarcérées ici et maintenant et n’opèrent pas une désolidarisation avec certaines catégories de personnes incarcérées. Le caractère délicat de cette tâche convoque une vigilance à l’égard de ce qui nous est proposé, pour éviter de tomber dans le piège de discours qui reproduisent le paradigme de l’innocence7, ou de politiques de contrôle social qui élargissent le filet carcéral.Conclusion
Ce texte se veut une contribution aux réflexions sur des possibilités transformatrices, sur des agirs qui soient solidaires des personnes pour lesquelles la prison n’est pas une abstraction. Il est essentiel de construire des solidarités qui soient politiques, matérielles et émotionnelles entre militant-e-s, personnes incarcérées et leurs proches (qui font ce travail de soin et de veille depuis que les prisons existent). Comme l’écrivait la regrettée Lucie Lemonde, militante pour les droits humains et professeure de sciences juridiques, la prison est tout sauf une solution et il faut « se questionner sur le bien-fondé du recours à la judiciarisation et à l’emprisonnement pour répondre à des problèmes sociaux8 ». La décarcéralisation est une réorientation du monde. La réduction du « crime », soit de situations problématiques telles qu’appréhendées par le Code criminel, passe par l’universalité, l’indivisibilité et l’interdépendance des droits humains, comme autant de droits à mettre en œuvre pour améliorer les conditions matérielles d’existence de chacun-e, et multiplier les possibilités de luttes et d’actions politiques des groupes. Une part de cette transformation sociale implique l’apprentissage expérientiel d’alternatives diverses et locales; la normalisation de processus nouveaux qui passent, forcément, quelques fois par un échec; mais surtout, la confiance en un effort collectif et conscient vers cet ailleurs à construire9. Et si, comme l’écrit Mariame Kaba, l’espoir est une discipline, les pratiques militantes et de solidarité sont l’expression d’une mémoire qui désire.- La prison, ici, est comprise comme l’institution principale d’enfermement de personnes criminalisées. Pour les fins de ce texte, nous ne distinguons pas les prisons provinciales des pénitenciers fédéraux.
- Bobby Kenuajuak et Robert Langevin sont aussi décédés récemment dans le contexte de leur incarcération à Plusieurs femmes se sont suicidées à la Prison Leclerc depuis 2016. Parmi elles, Michele Messina, Francine Robert, Anne Schingh, Dora Okkuatsiak, Mireille Deveau et Autumn Sanderson Rain. D’autres sont mort-e-s en prison sans que leur nom ou leur histoire n’ait été rendus public.
- Laurence Guénette et Lynda Khelil, Une nouvelle prison pour femmes n’est pas une solution, Le Devoir, 7 marsEn ligne : https://www.ledevoir.com/opinion/idees/784307/droits-humains-une-nouvelle-prison-pour-femmes-n-est-pas-une-solution
- Ruth Wilson-Gilmore, Abolition geography dire: essays towards liberation, Verso, London, 2022, 506p.
- Mariame Kaba, We do this ‘til we free us: Abolitionist organizing and transformative justice, Haymarket Books, Chicago, 2021, 206p., partie VI, pp 132 à 157.
- Gwenola Ricordeau, Pour elles toutes : femmes contre la prison, Lux Éditeur, Montréal, 2019, , à la p. 129 et suivantes.
- Sortir du paradigme de l’innocence implique donc de rompre avec une logique binaire coupable/innocent-e et d’être solidaire de chacun-e, en particulier des personnes coupables aux yeux du système.
- Lucie Lemonde, Punir la misère par la misère, Liberté, Hiver 2022, No 333, aux pp 60-61. En ligne : https://revueliberte.ca/article/1647/punir-la-misere-par-la-misere
- Kaba, supra note 4, aux p 166-167.
L’article La prison est violences est apparu en premier sur Ligue des droits et libertés.

Les prisons : lieux de violations de droits
Les prisons : lieux de violations de droits
Lynda Khelil, responsable de la mobilisationRetour à la table des matières Revue Droits et libertés, printemps / été 2023
Dès les années 1960, la Ligue des droits et libertés (LDL) intervient régulièrement au sujet des conditions de détention dans les prisons provinciales et les pénitenciers fédéraux situés au Québec. Elle s’oppose à la construction de nouveaux établissements de détention, tels que le pénitencier de Saint-Vincent-de-Paul en 1965 et le pénitencier Archambault en 1967, deux établissements qui seront construits malgré tout. À la fin des années 1960, la LDL témoigne lors de la Commission d’enquête sur l’administration de la justice en matière criminelle et pénale au Québec présidée par Yves Prévost. En 1970, elle exige et obtient un droit de visite permanent et inconditionnel de tous les centres de détention provinciaux et municipaux. Octroyé par le ministre de la Justice Rémi Paul en 1970, ce droit est retiré lors de la mise en place du bureau de l’Enquêteur correctionnel quatre ans plus tard. Durant la crise d’Octobre 1970, la LDL forme un comité d’aide aux personnes détenues en vertu de la Loi sur les mesures de guerre. [caption id="attachment_18428" align="alignright" width="279"]
Les prisons de par ici. Montréal, Éditions Parti Pris, 1976, 234 p.[/caption]
L’Office des droits des détenu-e-s
Afin d’élargir ses interventions, la LDL crée en 1972 l’Office des droits des détenu-e-s (ODD), appelé à travailler avec le comité de la LDL sur l’administration de la justice les deux enjeux étant étroitement liés. Deux principes orientent le travail de l’ODD à ses débuts. D’abord, une personne condamnée à une peine d’incarcération se voit uniquement privée du droit de circuler librement dans la communauté, mais conserve tous ses autres droits. Ensuite, la population a un droit de regard sur ce qui se passe à l’intérieur des établissements de détention. Il faut donc en finir avec le secret et l’opacité entourant le système carcéral et rendre accessibles les informations concernant ces lieux, tant pour les personnes détenues que pour le public. L’ODD effectue des visites des établissements de détention, dénonce les conditions de détention et les violations de droits, formule des revendications politiques, documente la situation et sensibilise le public. Il publie également la revue Face à la justice de 1977 à 1984. Au cours de son existence, l’ODD répond à des centaines de requêtes individuelles de personnes incarcérées et leur offre son soutien. Il entreprend parfois des démarches devant les tribunaux, alors que le droit carcéral est relativement nouveau. Il tente également de donner une portée collective aux cas individuels qui lui sont soumis. Les résultats sont mitigés, peu d’avancées sont obtenues face à l’inertie du système. Dès ses débuts, l’ODD exige la fermeture du Centre de prévention Parthenais, situé entre les 10e et 13e étages de l’édifice de la Sûreté du Québec, à Montréal. Ce lieu devait être destiné à des détentions de courte durée pour les personnes en attente de procès, alors qu’elles y restent souvent plusieurs mois. Les prévenus y ont fait quatre grèves de la faim entre 1970 et 1973 pour attirer l’attention sur leurs conditions de détention insalubres et sur les violations de leurs droits. En 1973, six d’entre eux s’automutilent face au désespoir engendré par leur situation. En 1977, la lutte autour de Parthenais s’intensifie, avec la constitution d’un front commun1 qui en revendique la fermeture, exigeant aussi la libération des détenus de Bordeaux avec des courtes sentences (80 %) et le transfert de prévenus de Parthenais à Bordeaux. La lutte sera longue, et Parthenais ne sera fermé qu’en 1996. Dès 1975, l’ODD adopte une position abolitionniste. Celle-ci est présentée publiquement en 1976 dans le manifeste Vers l’abolition de la prison, qui énonce les constats tirés d’observations directes de la réalité de l’incarcération, et les objectifs visés par l’ODD dans la perspective de parvenir à une société sans prison. L’année 1976 marque la tenue à Montréal d’une conférence du philosophe Michel Foucault, invité par l’ODD à l’occasion de la Semaine du prisonnier. Son allocution, « Alternatives » à la prison : diffusion ou décroissance du contrôle social, est d’ailleurs disponible dans le livre Foucault à Montréal, publié aux Éditions de la rue Dorion en 2021. En 1980, le livre Police, coroners et morts suspectes est publié par des militant-e-s de l’ODD, faisant état d’enquêtes du coroner tenues lors de décès dans les institutions carcérales et dans les postes de police. Cette étude a contribué à l’adoption d’une nouvelle Loi des coroners, en 1986. La même année, l’ODD élabore un projet de Charte des droits des détenu-e-s qui aura un fort impact médiatique. Lors de son Congrès de 1982, la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) adopte sa version finale qui sera présentée lors du 7e Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, en 1985. L’ODD se mobilise à la suite des événements tragiques de 1982 au pénitencier Archambault, demandant des mesures pour protéger les détenus de possibles représailles de la part des gardiens à la suite d’une émeute majeure et meurtrière. De 1983 à 1987, l’ODD participe à des conférences internationales traitant de l’abolition du système pénal pour alimenter les réflexions critiques sur l’incarcération. L’ODD se dissocie de la LDL en 1984, mais continue ses activités jusque dans les années 1990. Le dossier des droits des détenu-e-s a refait surface à la LDL récemment, notamment en raison des enjeux des prisons pour femmes, de l’incarcération des personnes migrantes et des réflexions sur les limites des logiques carcérales.La prison Leclerc
En 2016, le gouvernement du Québec annonce le transfert des femmes détenues par le provincial de la prison Tanguay vers l’Établissement Leclerc de Laval, un ancien pénitencier fédéral pour hommes à sécurité maximale, fermé pour cause de vétusté. La LDL, la Fédération des femmes du Québec, le Centre des femmes de Laval et plusieurs autres organisations se mobilisent pour dénoncer le transfert et les conditions de détention qui ne respectent ni la dignité humaine ni les droits : approche correctionnelle digne d’un établissement à sécurité maximale, configuration architecturale oppressante, insalubrité et vétusté des installations, fouilles à nu systématiques, abusives et humiliantes, accès défaillant à des soins de santé physique et psychologique, confinements fréquents, etc. En 2018, la Coalition d’action et de surveillance sur l’incarcération des femmes au Québec (CASIFQ) est créée. Deux demandes de mission d’observation indépendante au Leclerc en 2018 et 2021 sont déclinées par le gouvernement. La dénonciation persiste au fil des ans : en 2021, 100 organisations et 1 260 personnes donnent leur appui à 5 ans de trop à la prison Leclerc, texte issu d’une lettre manuscrite de Sœur Marguerite Rivard, une alliée des femmes. La lettre est transmise le 8 mars aux ministres de la Sécurité publique et de la Condition féminine et à l’ensemble de la députation, demeurant sans réponse, alors que les mobilisations se poursuivent.Pandémie et violations de droits exacerbées
Le 13 mars 2020, le gouvernement du Québec déclare l’état d’urgence sanitaire. Dès le 19 mars, la LDL anticipe une propagation rapide du virus dans les prisons en raison de la surpopulation, de l’exiguïté et de la configuration architecturale des lieux. La LDL demande publiquement une réduction significative de la population carcérale, par la libération de personnes détenues et la réduction de nouvelles admissions. Pendant deux ans, la LDL multiplie les lettres, communiqués, conférences de presse et entrevues médiatiques pour dénoncer le régime de confinement et d’isolement généralisé, 24h/24 en cellule pendant 14 jours consécutifs et souvent plus, sans douche et vêtements propres, ni contact avec l’extérieur. Une situation équivalente à être « en prison dans une prison », un traitement cruel, inhumain et dégradant considéré de la torture selon les critères établis par l’ONU. En 2021, la LDL met en place un nouveau comité, Enjeux carcéraux et droits des personnes en détention, sous l’impulsion de feue Lucie Lemonde. L’objectif est d’élargir le travail de la LDL sur les enjeux liés au système carcéral et aux droits des personnes en détention, tant dans les prisons provinciales et les pénitenciers fédéraux que dans les « prisons pour migrant-e-s ». Deux temporalités de luttes évoluent en parallèle. Ici et maintenant, l’urgente défense des droits des personnes détenues qui subissent un déni de leurs droits par les autorités carcérales et politiques. L’état du système carcéral demeure encore aujourd’hui celui de violations de droits systémiques et d’institutions carcérales opaques. Puis, la lutte sur le temps long, questionnant le recours à l’incarcération et les logiques punitives et de contrôle qui traversent le système de justice pénal. L’incarcération, en plus d’engendrer violences, souffrances et discriminations, est dénoncée pour son inefficacité en regard des objectifs qu’elle prétend poursuivre : la réinsertion sociale, la dissuasion et la protection de la société. Ces questions ont fait l’objet de réflexions approfondies lors du colloque De l’Office des droits des détenu-e-s (1972-1990) à aujourd’hui : perspectives critiques sur l’incarcération au Québec, en 2022. En 2023, la LDL a adopté une position de principes visant à orienter le travail des prochaines années : La prison n’est pas une solution. Dans cette perspective, la LDL s’oppose en mars 2023 à la construction d’une nouvelle prison pour femmes annoncée par le gouvernement du Québec, et plaide pour l’abolition des courtes peines de détention de moins de 6 mois, incluant les courtes peines discontinues dites de fins de semaine. Alors que les conditions inhumaines de détention se perpétuent et que les logiques carcérales restent inopérantes, toute réflexion critique au sujet de la prison appelle une remise en question de l’ensemble du système pénal, et demeure un travail important pour la Ligue des droits et libertés (LDL) dans les années à venir.1) Gagnon, A. et Dumont, H. (1976). Parthenais ; début d’une lutte... Criminologie 9 (1-2), p. 163-188, https://www.erudit.org/fr/revues/crimino/1976-v9-n1-2-crimino902/017056ar.pdf
L’article Les prisons : lieux de violations de droits est apparu en premier sur Ligue des droits et libertés.

Éducation et droits humains
La Ligue des droits et libertés consacre ce numéro de Droits et libertés aux enjeux liés à l'éducation à partir de la lorgnette de l'interdépendance des droits humains. Par éducation, on réfère à l'information, à la formation, à l'accès aux savoirs et à l'apprentissage tout au long de la vie.
Sous toutes ses formes (formelle, non formelle, informelle), l'éducation joue un rôle déterminant dans nos sociétés. Comme l'énonce l'UNESCO, « L'éducation est un droit émancipateur en soi et c'est l'un des outils les plus puissants pour permettre aux enfants et aux adultes marginalisés sur le plan économique et social de s'extraire de la pauvreté et de participer pleinement à la société ».
Depuis les années 1960, le système de l'éducation au Québec a permis à un nombre sans précédent de personnes d'accéder à l'éducation. Le vaste écosystème de l'éducation formelle et non formelle pourrait nous laisser croire que les portes de l'éducation et des connaissances sont grandes ouvertes, permettant ainsi aux titulaires de droits de s'émanciper et de participer pleinement à la société ! Qu'en est-il vraiment? Quels sont les enjeux pour les personnes migrantes dont les diplômes sont difficilement reconnus, les personnes ayant des compétences apprises ailleurs qu'à l'école et les enfants en situation de handicap en bris de scolarisation? Est-ce que l'éducation formelle demeure une garantie de mobilité sociale? Quelles sont les voies de l'éducation qui permettent le développement de l'action collective et la capacité de remettre en question les autorités? Comment valoriser les savoirs et les compétences acquis informellement? Qu'en est-il de l'éducation aux adultes au Québec?
Au-delà de l'accès à l'éducation, les obstacles structuraux (conditions de vie, moyens de transport, moyens financiers, accès aux technologies, congés payés, etc.) sont multiples et limitent les possibilités d'exercer pleinement le droit à l'éducation pour un grand nombre de titulaires de droits. Le rôle et les responsabilités de l'État en matière d'éducation doivent être discutés de façon large pour identifier des façons de réduire et d'éliminer les obstacles à l'éducation.
Dans le contexte de pénurie de main d'œuvre et de la dévalorisation des métiers d'enseignement, des inégalités du système scolaire - le système à trois vitesses, des bris de scolarisation, ou encore des crises écologiques, nous appelons à une réflexion sur le rôle de l'éducation pour donner force à la dignité et l'épanouissement de chaque personne, à la promotion des droits humains, à la lutte contre les inégalités et la pauvreté, au respect de la diversité (culturelle, sociale, politique…), à la citoyenneté et à la solidarité.
Dans ce numéro de la revue, un court dossier sur le 75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme est également prévu.
Procurez-vous la revue Droits et libertés!
- Devenez membre de la LDL pour recevoir deux numéros de Droits et libertés par année!
- Numérique (PDF) : 8 $
- Imprimée incluant livraison* : 11 $ incluant les frais de poste
- Abonnez-vous à deux numéros : 15 $ pour un abonnement individu ou 30 $ pour un abonnement organisation.
* Les articles sont mis en ligne de façon régulière. *
Dans ce numéro
Éditorial
Contrer la banalisation et l'instrumentalisation des droits humainsAlexandra Pierre
Chroniques
Ailleurs dans le mondeCe qui se joue à travers le voile des Iraniennes
Yalda Machouf Khadir Un monde sous surveillance
Quel respect des droits humains avec l'identité numérique?
Anne Pineau Le monde de l'environnement
Business as usual ou la transition énergétique selon la CAQ
Éric Pineault
Dossier 75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH)
La DUDH : genèse de l'édifice universel des droits humainsÉdouard de Guise Mettre en oeuvre des droits : complexification et marginalisation
Sylvie Paquerot
L'avenir des droits humains
Collectif
Diane Lamoureux et André Paradis
Dossier principal
** Des articles du dossier seront ajoutés au site Web à chaque semaine jusqu'au 31 mars 2024. **
ÉDUCATION ET DROITS HUMAINS
L'éducation au coeur des possibilitésLaurence Guénette Le droit à l'éducation en tant que droit humain
Christine Vézina La participation des parents, un incontournable pour la création d'écoles inclusives
Jacinthe Jacques et Safa Chebbi Pour une éducation émancipatrice, équitable et de qualité
Suzanne-G. Chartrand et Jean Trudelle Contrer la normalisation de l'exclusion des élèves par l'État
Laurence Simard-Gagnon et Christine Vézina À la recherche des mots perdus
Elisabeth Dupuis Apprendre ensemble l'innu-aimun
Isabelle Jourdain Le droit à l'éducation : son exercice pour les adultes
Daniel Baril et Pierre Doray L'éducation à la citoyenneté, au coeur de la mission éducative
Alexis Legault et Ronald Cameron Des tiers-lieux engagés à créer un avenir différent?
Pascale Félizat La course à obstacles imposée aux étudiant-e-s internationaux
Émilie Bouchard, Maude Bisson, Samantha Taboada et Audrey Simard
Reproduction de la revue
L'objectif premier de la revue Droits et libertés est d'alimenter la réflexion sur différents enjeux de droits humains. Ainsi, la reproduction totale ou partielle de la revue est non seulement permise, mais encouragée, à condition de mentionner la source.

Visionner la conférence!
L’article Éducation et droits humains est apparu en premier sur Ligue des droits et libertés.