Revue Droits et libertés

Publiée deux fois par année, la revue Droits et libertés permet d’approfondir la réflexion sur différents enjeux de droits humains. Réalisée en partenariat avec la Fondation Léo-Cormier, la revue poursuit un objectif d’éducation aux droits.

Chaque numéro comporte un éditorial, les chroniques Un monde sous surveillance, Ailleurs dans le monde, Un monde de lecture, Le monde de l’environnement, Le monde de Québec, un dossier portant sur un thème spécifique (droits et handicaps, droits des personnes aînées, police, culture, droit à l’eau, profilage, mutations du travail, laïcité, etc.) ainsi qu’un ou plusieurs articles hors-dossiers qui permettent de creuser des questions d’actualité. Les articles sont rédigés principalement par des militant-e-s, des représentant-e-s de groupes sociaux ou des chercheuses ou chercheurs.

Créée il y a 40 ans, la revue était d’abord diffusée aux membres de la Ligue des droits et libertés. Depuis, son public s’est considérablement élargi et elle est distribuée dans plusieurs librairies et disponible dans certaines bibliothèques publiques.

Bonne lecture !

Le capitalisme de surveillance

20 mai 2022, par Revue Droits et libertés

[caption id="attachment_13981" align="alignright" width="330"] Illustration : Chloloula[/caption] Appréhender le capitalisme de surveillance et les enjeux qui en découlent avec l’approche de l’interdépendance des droits, qui reconnait que la réalisation d’un droit est intimement liée à celle des autres droits, ne peut que déclencher la sonnette d’alarme tant chez les militant-e-s pour les droits humains que les citoyen-ne-s de partout. En consacrant un dossier sur le capitalisme de surveillance, le comité éditorial de la revue souhaite dévoiler les angles morts du capitalisme de surveillance, sensibiliser aux rapides et profondes transformations qui s’opèrent ainsi qu’aux menaces que cela représente tant pour la démocratie que pour les droits humains. Ce dossier vise à susciter des débats publics dans la population, loin des chambres d’écho, sur ces enjeux qui nous concernent toutes et tous.

Table des matières

Dossier : Le capitalisme de surveillance Éditorial et chroniques

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Lancement de la revue I 7 juin 2022

https://youtu.be/--I9_marEis

Dossier | Le capitalisme de surveillance : menaces à la démocratie et aux droits!

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Présentation

Le capitalisme de surveillance : menaces à la démocratie et aux droits! Elisabeth Dupuis

État des lieux

Une crise pour les démocraties Shoshana Zuboff

Lexique du capitalisme de surveillance Martine Éloy

À la lumière du droit international des droits de la personne Silviana Cocan

Une « culture de surveillance » Stéphane Leman-Langlois

Pas de quoi contrecarrer le modèle d’affaires des GAFAM Anne Pineau

Discriminations et exclusions

Forces policières et capitalisme de surveillance Dominique Peschard

Le secteur de l’intelligence artificielle et l’embourgeoisement de Parc-Extension Collectif de chercheur-euse-s et militant-e-s

La ville intelligente : Qu’ossa donne? Entrevue avec Lyne Nantel par Martine Éloy et Dominique Peschard

La dissolution de la société dans le capitalisme de surveillance Laurence Grondin-Robillard et Jacob Boivin

Le capitalisme de surveillance like la fracture numérique Lise Chovino et Catherine St-Arnaud-Babin

Perspectives et alternatives

Quelles réponses, quelles ripostes? Pierre Henrichon

Renforcement de la vie privée et éthique du design numérique Marie-Pier Jolicoeur et Michelle Albert-Rochette

Mobilisations et médias sociaux : quelles opportunités et quels enjeux ? Anne-Sophie Letellier et Normand Landry

Quelle place pour le droit de dire non à l’intelligence artificielle? Entrevue avec Fatima Gabriela Salazar Gomez par Lynda Khelil

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En plus du dossier, la revue Droits et libertés propose des chroniques sur des sujets variés.

Éditorial Les deux années de pandémie n’auront pas été une école de la démocratie Stéphanie Mayer

Hommage à Lucie Lemonde Collectif de militant-e-s de la Ligue des droits et libertés

Un monde sous surveillance Les dangers de la lutte contre les méfaits en ligne Tim McSorley

Ailleurs dans le monde Le sel de la Terre Rémy-Paulin Twahirwa

Le monde de l’environnement Les ficelles du capitalisme de surveillance Cynthia Morinville

Le monde de Québec Retour sur la crise au Service de police de la Ville de Québec Mélina Charles et Maxim Fortin

Un monde de lecture Pour une lucidité collective vis-à-vis des GAFAM Delphine Gauthier-Boileau

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L’éducation aux droits humains – L’importance d’une approche fondée sur les droits de l’enfant

6 mai 2022, par Revue Droits et libertés

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Equitas – Centre international d’éducation aux droits humains Amy Cooper, responsable du savoir Jean-Sébastien Vallée, directeur de l’éducation Stephanie Nichols, directrice de communication et développement Le renforcement de connaissances, de compétences et d’attitudes respectueuses des droits humains constitue l’essentiel de notre travail en éducation aux droits humains. Pour Equitas, l’éducation aux droits humains est un processus de transformation qui commence par une prise de conscience individuelle et qui a un impact sur la communauté et la société dans son ensemble. L’éducation aux droits humains (EDH) incite toute personne (femme, fille, homme, garçon, personnes de genres divers) à revendiquer ses droits et à tenir les personnes décisionnaires responsables du respect, de la protection et de la réalisation de ses droits. L’EDH permet de prendre des mesures pour un changement social qui est conforme aux valeurs et aux normes des droits humains. Elle commande l’interaction dynamique de différents paradigmes et approches, dont l’approche fondée sur les droits humains ou sur les droits de l’enfant. Une approche fondée sur les droits de l’enfant (AFDE) permet à toute personne impliquée dans l’éducation des enfants d’avoir une vision holistique de son travail et d’outiller les enfants et les personnes qui les entourent à vivre en accord avec les valeurs des droits humains.
La mission d’Equitas est de faire progresser l’égalité, la justice sociale et le respect de la dignité humaine grâce à des programmes d’éducation aux droits humains transformateurs, au Canada et partout dans le monde. Afin de réaliser sa mission, Equitas conçoit des programmes favorables à l’autonomisation des groupes et des individus faisant face à la discrimination, à l’exclusion et à d’autres formes de violations des droits humains pour qu’elles et ils puissent lutter contre les inégalités et la discrimination, et prendre des mesures pour protéger, défendre et faire respecter les droits humains.

Une approche fondée sur les droits de l’enfant (AFDE)

Une AFDE se base sur la conviction que chaque personne détient des droits par le seul fait d’être un humain, et que tous les êtres humains devraient jouir des mêmes possibilités pour réaliser leur plein potentiel. L’AFDE renforce le pouvoir des jeunes pour qu’elles et ils puissent revendiquer leurs droits tout en garantissant l’inclusion, l’égalité et la participation de toutes et tous, sans distinction fondée sur la race, la couleur, le sexe, l’âge, la langue, la religion, les opinions politiques ou autres, l’origine ethnique, sociale ou nationale, la propriété, la naissance, la résidence, un handicap, l’orientation sexuelle et l’identité de genre, ou de tout autre aspect identitaire. L’AFDE place les jeunes au centre du processus, c’est-à-dire que leur vie, leur survie et leur développement ainsi que leurs intérêts supérieurs devraient toujours être pris en compte au moment de prendre des décisions qui les concernent. Cela signifie également que leur voix sera écoutée lors du processus décisionnel. Le but ultime de l’AFDE est que les jeunes puissent jouir pleinement de leurs droits et vivre dans des communautés où ces droits sont respectés. En intégrant les éléments d’une AFDE dans une programmation pour les jeunes, ces derniers, en tant que détentrices et détenteurs de droits, sont plus en mesure de les revendiquer, et les parents, tutrices et tuteurs, éducatrices et éducateurs, organisations et gouvernements (en tant de décisionnaires1) peuvent mieux s’acquitter de leur obligation de respecter, protéger et réaliser ces droits. Les éléments d’une approche fondée sur les droits de l’enfant Les cinq éléments principaux de l’AFDE peuvent être facilement mémorisés avec l’acronyme PLANER : Participation et inclusion, Lien aux droits de l’enfant, Autonomisation, Non- discrimination, Égalité, Responsabilité et transparence. Ces cinq éléments sont interreliés et égaux en importance, de telle sorte qu’un élément ne peut être appliqué sans tenir compte des autres. Nous incluons quelques idées ci-dessous afin de réfléchir à la manière dont ces éléments peuvent être mis en œuvre dans des activités d’éducation aux droits humains. [caption id="attachment_12502" align="alignright" width="360"] Crédit : Tant de nations et de couleurs, Mélisande Brunelle, 11 ans[/caption]

Participation et inclusion

L’AFDE promeut la participation active, significative et volontaire des jeunes; le développement de leur capacité à participer découle de cette approche. Les voix et champs d’intérêt des jeunes doivent être pris en compte dans les décisions portant sur des enjeux qui les concernent. Pour mettre en œuvre ce premier élément lors d’activités d’éducation aux droits humains, encourager la participation et l’inclusion des jeunes en leur offrant un espace où partager leurs idées et points de vue avec leurs pairs et les adultes qui interagissent avec elles et eux, et en créant des possibilités pour qu’elles et ils puissent prendre part au processus décisionnel. Voici quelques exemples :

Leur donner des ressources, du matériel et des exemples représentant une gamme de cultures, de milieux, d’expériences, de capacités et d’identités de genre; ne pas tenir pour acquis que chaque jeune connaît sa culture (par exemple, les jeunes pris en charge n’ont peut-être pas eu accès à leurs antécédents culturels).

Utiliser divers moyens pour consulter les jeunes afin que chacun-e puisse s’exprimer, y compris celles et ceux qui sont timides, plus jeunes ou qui expriment différemment leurs points de vue. Par exemple, planifier une boîte à suggestions, des groupes de discussion, des évaluations orales ou écrites ou un mur de graffitis.

Ne faire aucune supposition sur les besoins des jeunes en matière d’accès. Le leur demander plutôt directement. Par exemple, tenir compte des besoins en matière de santé physique et mentale, de restrictions alimentaires, etc., et s’assurer que les jeunes aient accès à des toilettes non-genrées.

Lien avec les droits de l’enfant

Pour mettre en œuvre ce deuxième élément lors d’activités d’éducation aux droit humains, aider les jeunes à découvrir leurs droits; à explorer comment l’accès à ces droits diffère d’une personne à une autre dans la communauté; à examiner les causes profondes des enjeux à partir d’une perspective des droits de l’enfant; à déterminer des pistes de solution novatrices liées à la réalisation de ces droits. Voici quelques exemples :

Approfondir ses connaissances sur les droits humains et les droits de l’enfant et s’assurer que les collègues ont une certaine connaissance des droits. Le responsable d’une équipe fera découvrir à cette équipe les droits de l’enfant et l’importance de ces droits dans le travail de ses membres.

Accroître la visibilité des droits de l’enfant. Lorsque ces valeurs et ces droits sont visibles, il est plus facile pour les jeunes, le personnel et même les visiteur- euse-s de se familiariser avec ces valeurs et ces droits, de les intégrer et de s’y rapporter au besoin.

Autonomisation

L’AFDE promeut l’autonomisation des jeunes pour qu’elles et ils puissent revendiquer leurs droits et tenir les décisionnaires responsables des décisions qu’elles et ils prennent et qui les concernent. Pour mettre en œuvre ce troisième élément lors d’activités d’éducation aux droit humains, renforcer le pouvoir des jeunes en consolidant leur leadership et leurs compétences de vie, ce qui les aide à prendre conscience que leurs idées et talents sont des atouts indispensables à la société. Les jeunes devraient être encouragés à entreprendre des actions pour revendiquer leurs droits et prendre part à l’édification du monde dans lequel elles et ils veulent vivre. Voici quelques exemples:

Offrir des possibilités de leadership; les défis de groupe et les projets d’action communautaire sont d’excellents moyens pour les jeunes de développer toutes sortes de compétences qui les aideront à devenir des membres actifs dans leur communauté et à façonner le monde qui les entoure.

Penser à la manière de partager le pouvoir afin de donner aux jeunes l’espace nécessaire pour partager leurs opinions et prendre des décisions sur des questions importantes pour elles et eux. Réfléchir à son identité, notamment sexe, genre, race, culture, situation, langue, religion, compétences, éducation, etc., et à la façon dont cela façonne sa relation avec les jeunes de son groupe.

Non-discrimination et égalité

L’AFDE promeut la non-discrimination et l’égalité, et accorde une attention particulière aux jeunes confrontés à un grand nombre d’obstacles qui les empêchent de participer et d’être inclus. Ces jeunes sont, mais sans s’y limiter, des filles, des jeunes de différentes identités de genre, des jeunes autochtones, des jeunes handicapés, des jeunes immigrés, réfugiés ou dont le statut est précaire, des jeunes sans statut d’immigration officiel, des jeunes racisés, des jeunes qui vivent dans la pauvreté ou dans une famille d’accueil. Pour mettre en œuvre ce quatrième élément lors d’activités d’éducation aux droit humains, inciter les jeunes à mieux connaître les notions d’égalité et de non-discrimination et à promouvoir ces valeurs pour s’attaquer à des enjeux comme le racisme, la réconciliation, le capacitisme, et autres. Penser à promouvoir l’égalité de genre et les normes positives en matière de genre en aidant les jeunes à découvrir qu’elles et ils peuvent être eux-mêmes malgré les stéréotypes véhiculés. Voici quelques exemples:

Explorer ses propres préjugés et partis pris. Examiner dans quelle mesure la non-discrimination et l’égalité se reflètent dans les politiques et pratiques de son organisation. Penser aux personnes dans la communauté qui sont incluses dans les programmes ou qui en sont exclues, et se demander pourquoi.

Utiliser un langage non capacitiste et non sexiste et encourager les normes positives en matière de genre. Favoriser un langage non discriminatoire et qui ne juge personne. Être conscient des mots inappropriés que l’on pourrait utiliser dans ses propos de tous les jours et les remplacer par des mots qui ne blesseront pas les personnes vivant avec un handicap. Par exemple, remplacer fou par incroyable ou es-tu sourd? par laisse-moi te l’expliquer plus clairement.

Jouer un rôle actif dans la réconciliation. Apprendre, partager et enseigner l’histoire des peuples autochtones et des pensionnats; parler des cultures et des droits des peuples autochtones.

Responsabilité et transparence

Les jeunes détiennent des droits. Un grand nombre de décisionnaires sont responsables de veiller à ce que les droits des jeunes soient respectés, protégés et réalisés en leur garantissant l’accès à l’information et à un processus décisionnel transparent. Ces décisionnaires de première ligne peuvent être des éducatrices et éducateurs, des coordonnatrices   et   coordonnateurs    de    programmes, des administratrices et administrateurs, ainsi que des représentant-e-s gouvernementaux aux échelons régional et municipal, des parents, des tutrices et tuteurs, et autres personnes responsables de prendre des décisions susceptibles de toucher la vie des jeunes. Pour mettre en œuvre ce cinquième élément lors d’activités d’éducation aux droit humains, appuyer l’obligation des décisionnaires de se responsabiliser et à faire preuve de transparence en instaurant le dialogue et en renforçant les relations entre les jeunes et les personnes qui ont la responsabilité de faire respecter leurs droits, de les protéger et de les réaliser. Voici quelques exemples :

Offrir des possibilités pour les jeunes d’approcher les décisionnaires par le biais de leur participation à des projets d’action communautaire, à des comités jeunesse, au conseil d’administration d’organisations, aux dialogues communautaires, à la planification et à la livraison des programmes.

Décider avec les jeunes des résultats à atteindre et des façons de les évaluer. Être flexible et motivé au moment d’intégrer les résultats (positifs ou négatifs), et les leçons apprises dans les prochaines étapes et programmes.

Conclusion

L’approche fondée sur les droits de l’enfant (AFDE) guide les personnes décisionnaires et praticiennes, comme Equitas, dans la mise en œuvre d’activités, telles que des activités ludiques et trousses pédagogiques. Les éléments qui définissent l’AFDE permettent de préparer les enfants et les personnes qui les accompagnent à vivre dans le respect des droits et dans l’exercice de leurs responsabilités.
  1. Dans ce contexte, le terme décisionnaire désigne les personnes ayant une obligation ou une responsabilité de respecter, protéger et réaliser les droits humains. Dans le langage des droits humains, les décisionnaires sont appelés porteurs d’obligations. Au Canada, les principaux porteurs d’obligations sont les gouvernements fédéral, provincial et municipal. Il peut s’agir également d’intervenant-e-s non gouvernementaux, tels que les décideuses et décideurs dans les organisations communautaires, la direction et le personnel enseignant des écoles, ainsi que les parents et les tutrices et tuteurs.

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Mino Obigiwasin : pour l’intégrité et l’identité des enfants anicinape

22 avril 2022, par Revue Droits et libertés
Retour à la table des matières Revue Droits & Libertés, aut. 2021/hiver 2022 Peggie Jérôme, directrice générale de Mino Obigiwasin Propos recueillis par Rodrigue Turgeon, (…)

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Peggie Jérôme, directrice générale de Mino Obigiwasin Propos recueillis par Rodrigue Turgeon, membre du CA de la Ligue des droits et libertés et Alexandre Carrier, militant au comité droits des peuples autochtones En 2018, des femmes de la communauté anicinape1 du Lac Simon entament une grève de la faim, exigeant que justice soit rendue à leurs enfants arrachés à leur communauté pour être placés dans des familles d’accueil blanches, perpétuant ainsi une pratique coloniale. L’organisme Mino Obigiwasin, dont il est question ici, est né suite à cette étincelle d’amour. Les représentant-e-s de la communauté ne tardent pas à répondre à l’appel au changement. La réflexion sur les actions à entreprendre s’élargit vite à mesure que débarquent les renforts des communautés sœurs de Kitcisakik, Pikogan et Long Point. Un constat s’impose : les communautés anicinapek2 sont les mieux placées pour prendre soin de leurs enfants. En à peine un mois, une première tournée de consultation éclair dans les quatre communautés mentionnées ci-haut est réalisée. Le mouvement, quoique préliminaire, est propulsé par des leaders inspirants qui partagent une vision claire et en phase avec les besoins des leurs. Les quatre conseils de bande ne tardent pas à leur confier un important mandat : jeter les bases d’un système anicinape de protection de la jeunesse, par les Anicinapek, pour les enfants anicinapek. Conscients que chaque année écoulée sans refonte fondamentale du système administré par la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) risque de se solder en enfances déracinées, les leaders ne tiennent rien pour acquis. La course contre la montre continue. Ainsi, quelques mois à peine suffisent pour s’entendre sur le nom de l’organisme (Mino Obigiwasin a été proposé par une Aînée de Pikogan et signifie « bien élever l’enfant »), fonder l’entité juridique, monter une structure organisationnelle, refaire une tournée des communautés et surtout, signer en novembre 2020 une entente avec le Centre intégré de santé et des services sociaux de l’Abitibi-Témiscamingue (CISSSAT) en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse (LPJ). Quelques semaines plus tard, Mino Obigiwasin assumait la prise en charge de la prestation des premiers services de protection de la jeunesse. Pour en apprendre davantage sur l’inspirante démarche d’auto-détermination de Mino Obigiwasin et pour mieux apprécier la différence que l’organisation apporte dans la vie des enfants anicinapek, nous avons rencontré sa directrice générale, Peggie Jérôme, le 28 septembre dernier, dans ses bureaux de l’Avenue Centrale, à Val-d’Or.
  1. Aussi parfois désignée comme algonquine.
  2. Anicinapek désigne le pluriel d’anicinape.

Ligue des droits et libertés (LDL) : En vos mots, comment exprimez-vous la mission de Mino Obigiwasin? Peggie Jérôme : Notre mission, c’est d’offrir des services anicinapek de qualité afin d’assurer l’intégrité et l’identité des enfants anicinapek. C’est à notre image et ç’a été pensé par les 27 participant[e]s qui étaient à la consultation initiale. Conserver l’identité anicinape, c’est précieux. Déjà, on perd beaucoup notre langue; c’est dangereux, ça fait peur. Notre prise en charge des services est essentielle. Ensemble, on veut assurer à tous les enfants et à toutes les familles anicinapek un milieu de vie stable, sécuritaire, heureux et enraciné dans la culture anicinape. LDL : Comment qualifieriez-vous les relations que vous entreteniez au tout début avec le CISSSAT? Sentiez-vous une approche d’ouverture, semblaient-ils douter de votre volonté de prendre en charge ces services si importants? PJ : Non, au contraire. Le directeur de la protection de la jeunesse à l’époque, Philippe Gagné, nous connaissait un peu. Il avait travaillé en milieu anicinape. On sentait qu’il avait une belle croyance en notre prise en charge, qu’il y croyait. On sentait quand même un peu d’inquiétude, c’est sûr, de peur qu’on se plante. Quand on a commencé la négociation de l’entente, lui et moi, on s’est assis la première journée, pis on s’est dit les choses en pleine face, on a mis cartes sur table. Je lui ai demandé de ne pas nous traiter comme des personnes qui n’ont aucune connaissance, de pas agir comme un colonisateur pendant la négociation. On s’est mis des règles de base avant de commencer, et je pense que ç’a bien parti les négociations. Puis quand Caroline Roy est arrivée au poste de présidente directrice générale du CISSSAT, les choses ont vraiment roulé comme dans du beurre, elle y croyait pis elle voulait que ça marche aussi. LDL : Pour un observateur extérieur, la création de Mino Obigiwasin s’est effectuée à toute allure. Comment avez- vous vécu ça de l’intérieur, de voir votre projet prendre autant d’expansion et de responsabilités, et faire autant d’embauches en si peu de temps? PJ : Avec le recul, on voit que notre plan d’action était bien préparé. C’est pas si intimidant, ça va bien, je suis très à l’aise là-dedans. Les communautés autochtones sont habituées à gérer beaucoup de programmes pour leurs membres, comme la santé, l’éducation, les programmes sociaux, les logements et plus encore! On a réussi à bien s’entourer. On n’a pas eu peur de se tromper. On est bien résilients, nous autres, les Autochtones. [caption id="attachment_12499" align="alignright" width="357"] Crédit : Les droits de l’enfant, Jeanne Larouche, 6 ans[/caption] LDL : C’est une chose de monter une organisation, mais quelle différence apportez-vous dans la vie des enfants anicinapek? PJ : Il y a une proximité des communautés avec l’organisation. Notreconseil d’administration est 100% issu des communautés. Par contre, on a eu beau changer la structure, il reste que pour les travailleuses et les travailleurs sur le terrain, on a peu d’Anicinapek. Mais je sens qu’avec notre approche et notre sentiment d’appartenance, les intervenant-e-s et les travailleuses et les travailleurs sociaux sont conscient-e-s du fait que ce sont nos enfants, notre nation. Il n’est plus question d’agir comme des colonisatrices et colonisateurs ou des personnes qui vont être très très très autoritaires. Elles et ils sont dévoués pis je pense qu’elles et ils aiment travailler chez les Autochtones, c’est pour ça qu’elles et ils sont là aussi. Pour les familles d’accueil, c’est plus facile d’en trouver dans les communautés. Et pour les moins chanceux qui ne peuvent vivre dans une famille d’accueil anicinape, on est en mesure d’assurer une sécurisation culturelle et de continuer la relation avec la famille de ces enfants-là. Au final, on reçoit beaucoup moins de plaintes face aux services de protection de la jeunesse depuis qu’on les a pris en charge. LDL : Nous avons parlé du passé de Mino et de son présent. En regardant devant vous, entrevoyez-vous certains défis? PJ : Des défis, y’en a toujours eu des défis, à chaque jour… Mais en même temps, les défis, c’est souvent juste des blocages qu’on peut craindre. Quand y’a des blocages, il faut faire un autre chemin. C’est sûr que ce qu’on souhaite pour le futur, c’est rassembler plus de communautés anicinapek pour être plus forts. On veut que ce soit nous autres qui allons gérer nos affaires. On veut que ce soit nos modes de fonctionnement, d’approche, de structure. C’est sûr que c’est juste les services sociaux, mais c’est quand même un bon départ de prise en charge complète, c’est une belle opportunité à saisir. LDL : En terminant, si vous aviez un souhait à formuler pour les enfants anicinapek, ce serait quoi? PJ : Qu’est-ce qu’on veut leur léguer, à ces enfants là? Une vie déséquilibrée ou bien une belle vie anicinape? Avec Mino Obigiwasin, on dit qu’on veut bien élever les enfants. C’est le rôle des parents, ça. Mais quand le parent, il va pas bien, c’est la famille qui est là, c’est le village, c’est la communauté. C’est nous, Mino Obigiwasin. Chez les Anicinapek, l’enfant, c’est la priorité numéro un. Sans nos enfants, y’a pas de vie. Mais nos enfants aujourd’hui, malgré tout ce qu’on peut faire, ils ne sont pas autant connectés avec la culture qu’avant. On croise la vie moderne pis la vie occidentale dans nos villages avec l’internet, l’eau courante, la mode, les industries, la consommation... même la bouffe! C’est dur pour eux de pratiquer la tradition. Oui, on y va à la chasse, on y va encore dans la forêt, mais y’en a qui y vont pas du tout. Et c’est ça qui est triste. Je souhaite que les jeunes anicinapek un jour jouent le rôle de protecteur de la nature.

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Le respect et la protection des droits des enfants, vraiment ?

8 avril 2022, par Revue Droits et libertés

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Regroupement des organismes ESPACE du Québec (ROEQ) Barbara Aberman, Agente de liaison aux dossiers politiques Janie Bergeron, coordonnatrice du ROEQ Nancy Gagnon, coordonnatrice administrative Karine Savoie, coordonnatrice aux communications et innovations Patricia St-Hilaire, coordonnatrice au programme La phrase « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits » est indiquée à l’article premier de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) dont le Canada est signataire et de laquelle s’inspire la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Est- ce que cette phrase aurait été oubliée par nos décideurs et décideuses lorsqu’il est question des droits des enfants? [caption id="attachment_12513" align="alignright" width="327"] Crédit : Le droit_d'être_protégé, Elliot Tzotzis Ferrand, 11 ans.[/caption] Plusieurs faits démontrent que, depuis des années, et ce, malgré plusieurs grandes promesses et beaux discours, les gouvernements du Canada et du Québec n’honorent pas leurs engagements lorsque l’on parle des droits des enfants. Par exemple, la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE) est un traité qui reconnaît les droits propres aux enfants. Elle est un instrument juridique international adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies en novembre 1989. Le Canada a ratifié la Convention en 1991 et le gouvernement québécois s’est lui-même déclaré lié par décret. Lié par décret !

Une atteinte à l’intégrité physique de l’enfant

Compte tenu de leur état de mineur, les enfants ont des droits distincts de ceux octroyés aux adultes, notamment lorsqu’il s’agit de vie citoyenne ou pour poser certains actes : voter, conduire, se procurer des biens, etc. Cependant, lorsqu’il s’agit de violence, il ne devrait pas y avoir de différence entre les droits des adultes et ceux des enfants. Pourtant, une distinction s’applique. Au Canada, tous les enfants sont protégés contre toute forme de violence par une loi fédérale qui s’applique partout au pays. Cette loi mentionne des infractions telles que l’omission de fournir les nécessités de la vie, l’abandon d’un enfant et un certain nombre d’infractions sexuelles touchant les enfants. Mais, et malgré l’amendement adopté en 20041, l’article 43 du Code criminel canadien est maintenu et autorise les parents ou les tutrices ou tuteurs de l’enfant à user de force physique pour corriger l’enfant dans le cadre de leur mission éducative. La fessée est une forme de châtiment corporel que certains parents infligent encore aux enfants. Aucun comportement d’un enfant ne saurait justifier un acte qui, posé à l’endroit d’un adulte, constituerait une atteinte inacceptable à ses droits, à son intégrité physique ainsi qu’à sa sécurité garantie par les chartes canadienne et québécoise. Ce geste posé à l’égard d’un adulte pourrait même être considéré comme un geste criminel. Pourquoi cette pratique est-elle encore tolérée à l’endroit des enfants ? Malgré l’article 19 de la Convention, qui mentionne que l’enfant doit être protégé contre toute forme de violence, d’atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, les gouvernements canadien et québécois perpétuent des pratiques disciplinaires largement dépassées, venant gravement compromettre la sécurité et les droits des enfants. On aimerait que le Québec et le Canada présentent des fiches parfaites en matière de droits des enfants, mais l’exemple cité plus haut démontre clairement qu’il y a des manquements graves de la part de nos gouvernements concernant ces droits. Cela, sans compter les manquements quant aux droits à l’éducation et à la santé ou aux droits des enfants dont le statut d’immigration ou celui de leurs parents est précaire. Beaucoup de chemin reste encore à parcourir pour faire disparaître les clivages entre les droits des adultes et ceux des enfants.

Les suites de la Commission Laurent

Au Québec, plusieurs ont suivi avec attention la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse mise en place à la suite du décès d’une petite fille de sept ans à Granby. Tout le Québec s’est indigné et cherchait à comprendre les failles du système nous ayant menés à une telle situation. Les recommand’actions issues du rapport sont claires : instituer un commissaire au bien-être des enfants, adopter une charte des droits de l’enfant et faire de la prévention. La présidente de cette Commission, Régine Laurent, a affirmé à plusieurs reprises durant les audiences qu’il faut agir ensemble afin de devenir « un Québec digne de ses enfants ». Quand ces recommand’actions seront-elles mises en oeuvre ? Cela fait plus de 30 ans que les membres du ROEQ travaillent à informer les enfants de leurs droits et de l’importance d’avoir un réseau d’adultes bienveillants autour d’eux. Déjà en 1991, lors de la sortie du rapport du Groupe de travail pour les jeunes, intitulé Un Québec fou de ses enfants, les notions de prévention des mauvais traitements et du respect des enfants peu importe leur âge étaient mises de l’avant. Comment se fait-il qu’aucun changement n’ait été constaté en 20 ans ? Malgré tous ces engagements et ces chartes, les inégalités, les injustices sociales et les nombreux drames des dernières années témoignent incontestablement du fait que les droits des enfants sont encore ignorés et bafoués. Si nos gouvernements veulent réellement faire respecter les droits des enfants, ils doivent reconnaître que les enfants doivent être considérés comme des personnes à part entière, avec les mêmes droits à la sécurité et à leur plein développement que toute citoyenne et tout citoyen.
Né en 1989, le Regroupement des organismes ESPACE du Québec (ROEQ) rassemble les organismes ESPACE présents dans différentes régions du Québec. ESPACE croit que chaque enfant a le droit de vivre une enfance en sécurité et sans violence. Notre mission est donc de promouvoir la prévention de la violence faite aux enfants sous toutes ses formes. Prévenir la violence, c’est donner aux enfants les moyens de se protéger contre toute forme d’agression, mais aussi, et c’est important, de sensibiliser les adultes à leur rôle en prévention pour venir en aide aux enfants et de les outiller à cette fin. espacesansviolence.org
 
  1. Ministère de la Justice. En ligne : https://www.justice.gc.ca/fra/pr-rp/jp-cj/vf-fv/cce- mcb/index.html/ La Cour suprême du Canada a conclu que l’article 43 était constitutionnel, mais elle en a limité considérablement l’application au recours à une force légère qui est raisonnable dans les circonstances et a donné certains exemples.

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Évaluer les répercussions sur les droits de l’enfant : Une mesure importante de la Convention

25 mars 2022, par Revue Droits et libertés

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Christian Whalen et Clara Bataller, Défenseur des enfants et de la jeunesse du Nouveau-Brunswick La Convention relative aux droits de l’enfant (CDE) assure une protection et une promotion des droits des enfants, que les États se sont engagés à respecter. Les évaluations des répercussions sur les droits de l’enfant (ERDE) apparaissent alors indispensables, en représentant l’outil complémentaire permettant de rendre les enfants visibles dans le processus de prise de décision des gouvernements. Néanmoins, le manque de suivi et de révision de ces évaluations peut engendrer des impacts conséquents pour les enfants et leurs droits.

Évaluer les impacts

La Convention relative aux droits de l’enfant a permis de reconnaitre les enfants comme des personnes ayant des droits et des besoins spéciaux à travers 42 droits fondamentaux. Adopté en 1989 par l’ONU, elle est le premier instrument à avoir apporté des changements quant à leur protection, en les considérant comme des participants actifs dans leur propre vie et dans la société. Mais proclamer ces droits est bien plus facile que de les faire respecter. Le Comité des droits de l’enfant énonce au commentaire général no 5 une série de mesures générales d’application de la Convention. Parmi ces mesures se trouve la recommandation d’adopter des évaluations des répercussions (ou des impacts) sur les droits de l’enfant (ERDE) dans les processus décisionnels d’adoption ou de modification des lois, règlements, politiques et programmes de l’État. [caption id="attachment_12514" align="aligncenter" width="458"] J'ai le droit de connaître mes droits, Étienne Riverin, 10 ans[/caption]

Visibiliser les enfants

Les ERDE sont des outils permettant d’évaluer les impacts potentiels d’une politique ou d’une décision particulière sur les enfants et leurs droits. Les enfants étant particulièrement vulnérables, ils peuvent être affectés de manière disproportionnée lorsque des décisions s’appliquent aux services publics dont ils disposent, tels que l’éducation et la santé. Les ERDE permettent donc de mettre en pratique la CDE, et son principe général de l’intérêt supérieur de l’enfant, d’une manière concrète et structurée. L’objectif est d’améliorer leur mieux-être en complétant la qualité des informations mises à la disposition des décideurs, afin de rendre les enfants visibles dans le processus de prise de décision1.

Participation des enfants

Les impacts révélés par ces évaluations peuvent être aussi bien intentionnels qu’involontaires, directs ou indirects, et à court ou à long terme. Les ERDE aident à maximiser les impacts positifs tout en réduisant ceux qui sont négatifs, y compris l’identification des conséquences négatives involontaires des propositions. Elles assurent également la transparence des décisions, tout en veillant à la responsabilité des décideurs vis-à-vis des décisions prises.
Elles reconnaissent l’enfant comme titulaire actif de droits plutôt qu’en tant que bénéficiaire passif de mesures, bienveillantes ou non, prises par des adultes, et encouragent la participation des enfants à l’exercice d’évaluation.
Enfin, elles prennent soin de veiller spécifiquement aux répercussions sur des sous-populations d’enfants ou de jeunes particulièrement à risque2. Selon le guide d’introduction des ERDE pour le Nouveau-Brunswick, au Canada, les évaluations correctement réalisées permettent de prévenir les décideurs des conséquences de leurs décisions, offrant la possibilité d’atténuer les torts potentiellement existants. De ce fait, l’utilisation de l’ERDE améliore la qualité des décisions de politique publique et contribue à de meilleurs résultats pour les enfants dans le cadre de la CDE.

Une pratique à implanter

Par ailleurs, le Comité des Nations Unies sur les droits de l’enfant recommande régulièrement leur utilisation à l’ensemble des pays ayant ratifié la CDE, soit 196, afin d’évaluer les impacts de toutes les décisions relatives aux enfants dans le monde3. Ces évaluations doivent être entreprises au niveau national, régional et local, avec des changements organisationnels ou administratifs à tous les niveaux de la société.
Le processus d’évaluation n’est pas récent. Il a fait ses preuves depuis ses débuts en Flandre, il y plus de vingt ans.
Par la suite, le modèle a été adopté par d’autres pays du nord de l’Europe et du Commonwealth. En Amérique du Nord, les ERDE ne sont que très peu utilisées, les États-Unis étant la seule nation au monde à ne pas avoir ratifié la CDE. Parmi toutes les expériences des États, on peut déceler deux grandes tendances : i) une approche qui favorise un contrôle a priori des lois et des politiques proposées par un contrôle interne des décideurs eux-mêmes (Flandre, Pays de Galles, Nouveau-Brunswick) ; et ii) une approche qui favorise un contrôle a posteriori des lois proclamées par un organisme indépendant de défense des droits de l’enfant (Royaume Uni, Écosse, Australie).

Le modèle du Nouveau-Brunswick

Depuis 2009, le Bureau du Défenseur du Nouveau-Brunswick a plaidé en faveur de l’adoption d’un outil ERDE par le gouvernement de la province. De premières discussions ont eu lieu avec le ministre de la Justice favorable au projet, mais c’est à l’occasion d’une réforme de la Loi sur les normes d’emploi par le ministère du Travail et de ses dispositions portant sur le travail des enfants que le projet a vraiment été entamé. Des rencontres avec le Bureau du conseil exécutif ont eu lieu et le feu vert a été donné à l’établissement d’un comité interministériel avec le mandat de i) créer un outil ERDE pour les décisions du conseil des ministres ; ii) proposer un programme de formation pour l’adoption de l’outil ; et iii) identifier un mécanisme d’évaluation de l’outil. Les clés du succès de la démarche au Nouveau-Brunswick ont été : i) de faire valider le projet par le Bureau du conseil exécutif ; ii) d’avoir la codirection du projet par ce Bureau et par un expert indépendant en droits de l’enfant tel le Bureau du Défenseur ; iii) d’avoir l’appui et l’expertise technique d’UNICEF Canada, tout au long du projet ; iv) d’avoir développé un outil fonctionnel mais relativement simple ; et v) d’avoir investi suffisamment au départ dans la formation des cadres et des coordonnateurs législatifs des ministères. Le fait que le gouvernement du jour venait d’adopter un outil semblable pour les personnes handicapées à contribuer au plaidoyer en faveur des enfants. Mais l’outil ERDE a rehaussé la barre et a conduit éventuellement à l’adoption d’un meilleur outil d’analyse selon les genres et d’un nouvel outil pour les personnes handicapées. Le gouvernement du Nouveau-Brunswick est donc, depuis 2013, la première administration en Amérique du Nord à avoir adopté un processus obligatoire d’ERDE pour toutes les décisions du Conseil des ministres, l’organe décisionnel central du gouvernement. Ces ERDE ont largement contribué à un changement de culture naissant en faveur des droits de l’enfant et des approches fondées sur les droits. Chaque mesure générale d’application de la CDE est renforcée lorsqu’elle est opérationnalisée en complémentarité avec d’autres mesures générales d’application. C’est le constat des efforts au Nouveau-Brunswick. Depuis dix ans déjà, la province appuie les efforts de formation des cadres et de la fonction publique en droits de l’enfant. De plus, il existe une stratégie provinciale pour mettre en œuvre le droit de l’enfant d’être protégé contre toute forme de violence. Un travail plus rigoureux est fait depuis 15 ans en lien avec la collecte de données et le partage, l’analyse des données et des indicateurs d’applications des droits de l’enfant. L’outil ERDE de la province renvoie l’analyste des programmes chargé de faire l’ERDE au rapport annuel de l’état de l’enfance afin que l’évaluation des répercussions se fasse à la lumière de données probantes. Ces outils se complètent et l’approche fondée sur les droits est renforcée de façon réciproque.
L’expérience néo-brunswickoise démontre que la plus-value d’une approche ERDE par un contrôle a priori interne au gouvernement permet aux décideurs de s’autoresponsabiliser face à leurs engagements envers les enfants.
Mais une approche n’exclut pas l’autre. Un meilleur contrôle est possible si l’on conjugue un contrôle a priori par l’administration avec un contrôle a posteriori rigoureux par un bureau du Défenseur. Au Nouveau-Brunswick, des premiers pas prometteurs sont faits en ce sens4. Aussi la pratique sera d’autant plus renforcée lorsque l’approche ERDE sera répandue à différent paliers de gouvernements, locaux et fédéraux5, au secteur à but non lucratif ainsi que dans le monde des affaires.

La responsabilité des élu-e-s

Le premier pas pour le Nouveau-Brunswick sera de veiller à ce que les ERDE soient pleinement intégrées à la charge ministérielle et dans l’élaboration des programmes et politiques internes des agences et ministères comme cela se fait aujourd’hui en Écosse. L’amélioration continue des efforts investis dépendra en grande partie par la reprise de travaux interministériels afin de valider et parfaire le processus des ERDE et de faire progresser cette mesure générale d’application de la CDE. Les ERDE sont un puissant mécanisme pour structurer et opérationnaliser l’engagement de l’État envers les droits des enfants, il peut aussi devenir un important vecteur de cet engagement, mais il s’en faut toutefois que les élus veuillent respecter les droits des enfants.
  1. UNICEF Canada, Évaluations d'impact sur les droits de l'enfant : les principes fondamentaux par Unicef Canada pour le Comité sénatorial permanent des droits de la personne, 3 février 2014.
  2. Suzanne Williams, Mary Bernstein, et al, 2015, Trousse d’outils sur les droits de l’enfant, Association du Barreau Canadien, Canadian Bar Association - Évaluations des répercussions sur les droits de l’enfant (ERDE) (org).
  3. Louise Sylwander, 2001, Évaluations d'impact sur les enfants : Expérience de la Suède des analyses d'impact sur les enfants en tant qu'outil de mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l'enfant, par le ministère de la Santé et des Affaires sociales et le ministère des Affaires étrangères, Suède.
  4. Défenseur des enfants et de la Jeunesse, Évaluations des répercussions sur les droits de l’enfant : Guide d’introduction pour le Nouveau-Brunswick.
  5. Justice Canada élabore présentement un outil à l’usage du ministère qui sera assortie d’un guide et d’une formation en ligne disponible à tous.
 

L’article Évaluer les répercussions sur les droits de l’enfant : Une mesure importante de la Convention est apparu en premier sur Ligue des droits et libertés.

Discipline et droits dans les unités d’enfermement pour jeunes contrevenants

11 mars 2022, par Revue Droits et libertés

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Nicolas Sallée, professeur, sociologie, Université de Montréal et directeur scientifique du Centre de recherche de Montréal sur les inégalités sociales et les discriminations (CREMIS) Ce texte s’appuie sur des observations réalisées durant l’automne 2015 entre les murs de l’une des unités de garde fermée pour jeunes contrevenants de Cité-des- Prairies, situé dans l’est de l’Île-de-Montréal. Chacune de ces unités peut accueillir jusqu’à 12 garçons placés en attente de leur jugement ou condamnés aux peines les plus sévères – dites de placement et de surveillance – prévues par la Loi sur le système de justice pénale pour adolescents (LSJPA). Ces unités côtoient, dans le même établissement, des unités réservées à des jeunes n’ayant pas été condamnés, mais qui sont placés au titre de la Loi sur la protection de la jeunesse (LPJ). Au Québec, l’exécution de ces deux lois est confiée au ministère de la Santé et des Services sociaux. Dans certaines régions administratives, le faible nombre de jeunes contrevenants conduit même les directions jeunesse locales à placer ces derniers au sein même des unités de protection.

Le paternalisme carcéral

Ce curieux mélange des publics témoigne, au fond, de la justification paternaliste qui a historiquement entouré l’enfermement des jeunes contrevenants : si ces derniers sont privés de liberté, ce serait avant tout pour leur bien, pour les protéger et, surtout, les réhabiliter. La première Loi sur les jeunes délinquants (LPJ), adoptée en 1908, considérait ainsi les jeunes contrevenants comme des objets du droit plutôt que des sujets de droits : pourquoi en effet, se demandaient les réformateurs de l’époque, reconnaître aux jeunes des droits « qui seraient en réalité pour [eux] un moyen de se protéger contre une aide bienveillante qu’on veut [leur] apporter1 » ? Toutes les grandes réformes du droit pénal des mineurs, en particulier celles de 1984 et de 2002 au Canada, ont dès lors contribué à reconnaître des droits aux jeunes, en renforçant notamment la présence de leurs avocats à tous les stades de la procédure – de l’interpellation policière au jugement. Il y a eu, de ce point de vue, de nettes avancées, poussées notamment par les grandes conventions internationales relatives aux droits de l’enfant : au Canada, le nombre de jeunes contrevenants enfermés diminue graduellement depuis le début des années 19902. Si le paternalisme carcéral s’est tari, il serait cependant trop facile de penser qu’il a pleinement disparu. Le fonctionnement des unités de garde fermée témoigne de cette ambivalence. L’une des questions qui traversent le fonctionnement de ces unités est celle de leur proximité avec la prison. L’histoire de l’enfermement des jeunes a en effet été marquée par l’utopie de créer des lieux alternatifs à la prison et à sa violence propre. Conçu dès sa création, en 1963, comme l’un de ces lieux alternatifs, Cité-des-Prairies a pourtant été bâti avec les plans d’architecture d’une… prison à sécurité maximale. Le perfectionnement continu, dans les années 1970 et 1980, d’une structure clinique centrée sur la réhabilitation, n’a jamais pu faire oublier cette carcéralité originelle. Les euphémismes qui fleurissent le quotidien des unités – où plutôt que de cellules, de punition ou d’isolement disciplinaire, il est question de chambre, de conséquences et de mesures de retrait – n’y changent pas grand-chose : si la garde fermée n’est pas tout à fait la prison, elle n’en est jamais très loin non plus. Comme le souligne Amar, 16 ans : ici « c’est un peu la prison, mais c’est pas comme la vraie ». Cette tension est au cœur des problèmes posés aux droits des jeunes, notamment à leur droit à contester les décisions qui les concernent : puisque tout est censé être fait pour leur bien, que gagneraient-ils à s’y opposer ?

La displicine

Les jeunes placés vivent dès lors une double contrainte. À la contrainte carcérale, qui comme dans toute prison, pèse sur leurs corps et leurs possibilités de se mouvoir (grillages, portes fermées, etc.), s’ajoute la contrainte spécifique de la réhabilitation, exigeant d’eux qu’ils ne se contentent pas de faire leur temps, mais qu’ils en tirent profit pour dompter leurs émotions et rectifier leurs pensées. Cette visée de transformation de soi est ambivalente. D’un côté elle permet aux jeunes de bénéficier de nombreuses activités structurantes et animées par du personnel formé et bienveillant, auxquelles ils auraient probablement plus difficilement accès dans une vraie prison. De l’autre, elle autorise le déploiement d’une discipline destinée à modeler ou au besoin à corriger, à tout moment, leurs conduites et leurs manières d’agir. Dans Surveiller et punir (1975), Michel Foucault définissait la discipline comme un contre-droit qui, du fait de l’asymétrie de pouvoir qu’elle suppose, repose toujours sur « une mise en suspens, jamais totale, mais jamais annulée non plus, du droit3 ». On ne saurait mieux dire. Dans les unités, la discipline s’actualise notamment dans une panoplie de sanctions qui, à chaque comportement jugé indiscipliné, peuvent conduire les jeunes à être mis à l’écart de leur groupe ou de leur unité.
Mais parce qu’ici, le choix des mots est une matière sensible, les éducateurs sont tenus, pour dire cette mise à l’écart, de distinguer sémantiquement les mesures d’isolement des mesures de retrait.

Les mesures d’isolement

Les premières sont les plus sensibles. Si elles sont dites d’isolement, c’est parce qu’elles sont exécutées dans une salle elle-même dite d’isolement, en béton blanc, sans fenêtre et complètement vide, à l’image des salles de contention des hôpitaux psychiatriques. Dans les années 1990, ces mesures d’isolement ont été l’objet d’alertes et de scandales publicisés qui ont conduit à leur réglementation. Adopté en 1998, l’article 118.1 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux (LSSSS) stipule désormais que « la force [ou] l’isolement […] ne peuvent être utilisés, comme mesure de contrôle d’une personne […], que pour l’empêcher de s’infliger ou d’infliger à autrui des lésions ». En 2008, une réforme de l’article 10 de la LPJ a permis d’ajouter que l’isolement « ne [peut] jamais être [utilisé] à titre de mesure disciplinaire ». Mes données le confirment : dans les unités de garde fermée, l’usage de cette mesure d’isolement apparait exceptionnel. Un seul jeune placé lors de ma période d’observation y a été confronté, à quatre reprises sur l’ensemble de ses 10 mois de placement. Si ces réglementations ont donc eu d’indéniables effets positifs, elles n’ont pas résolu tous les problèmes.

Les mesures de retrait

Dans les faits, l’isolement ne se limite pas, en effet, à l’usage de la mesure qui en porte le nom. Les mesures de retrait consistent également, dans la majorité des cas, à isoler le jeune, en le plaçant dans sa chambre ou dans une chambre elle-même dite de retrait, située dans l’unité de sécurité de l’établissement. Ces mesures, excédant rarement quelques heures, sont cependant très fréquentes. Selon mes propres comptages, le jeune le plus sanctionné, durant ma période d’observation, recevait un retrait tous les deux jours, et le moins sanctionné un retrait tous les six jours. L’efficacité clinique de ces mesures, autrement dit leur adéquation aux besoins des jeunes, est souvent remise en question, tant on sait que l’isolement peut affecter la santé psychologique et le développement des jeunes. Mais parce que personne, à Cité-des-Prairies, n’isole un jeune par plaisir, les mesures de retrait suscitent des débats fréquents parmi le personnel des unités : a-t-on bien fait de le retirer ? Était-ce vraiment la solution ? N’a-t-on pas surréagi ? Aurait-on pu faire autrement ? [caption id="attachment_13262" align="aligncenter" width="259"] Nicolas Sallée et Alexandra Dion-Fortin[/caption]

Politique du privilège

La direction de Cité-des-Prairies   elle-même,   consciente du problème, cherche des solutions. Elle essaye d’abord d’encadrer l’usage de ces mesures, en demandant à son personnel d’en justifier par écrit la pertinence clinique, en matière de réhabilitation : après avoir haussé le ton quand il lui a été demandé de retourner dans sa chambre pour une période de transition entre deux activités, Sofiane a, par exemple, été placé en retrait durant deux heures pour « [travailler] ses réflexes de pensée lorsqu’il vit de l’injustice », comme l’écrivait son éducateur dans un logiciel dédié. Mais cette contrainte est faible, toute mesure de retrait étant au fond aisément justifiable, à condition de trouver les bons mots pour le faire. La direction de Cité-des-Prairies cherche alors, parallèlement, à en limiter l’usage en incitant son personnel à préférer l’octroi de privilèges, destinés à renforcer les comportements positifs, plutôt qu’à distribuer des sanctions pour répondre aux comportements négatifs. Si cette solution n’est pas inintéressante, elle a pour limite de ne reposer, in fine, que sur le bon vouloir des équipes éducatives.

Pour leur bien?

Car au fond, il paraît illusoire de penser que tout pourra être résolu par un simple appel à l’efficacité clinique. Comme le rappelait en son temps Erving Goffman, la violence des institutions totales, au premier chef desquelles les hôpitaux psychiatriques, est précisément d’imposer aux reclus leur propre conception de ce qu’il faudrait faire pour leur bien, toute contestation étant alors susceptible d’être interprétée comme une forme de résistance au traitement4. On comprend là que si les mesures de retrait font problème, c’est aussi parce qu’elles offrent trop peu de moyens aux jeunes eux-mêmes de pouvoir les contester ou, minimalement, en interroger la légitimité. De fait, l’usage de ces mesures n’est l’objet que d’un vague encadrement juridique. L’article 10 de la LPJ, déjà mentionné plus haut, stipule ainsi seulement que « toute mesure disciplinaire prise […] à l’égard d’un enfant doit l’être dans l’intérêt de celui-ci conformément à des règles internes qui doivent être approuvées par le conseil d’administration [de l’établissement] ». La définition de ces règles internes, on s’en doute, échappe largement aux jeunes. Ces derniers se voient dès lors imposer des mesures qu’ils pourront d’autant moins contester, on l’aura compris, qu’elles pourront toujours, en dernier ressort, être justifiées par leur intérêt en matière de réhabilitation. Ces quelques observations ne visent pas à contester la bienveillance des équipes éducatives, ni à mettre en question leur professionnalisme, alors même qu’elles travaillent d’arrache-pied, dans des conditions souvent difficiles, pour tenter de sortir les jeunes de la délinquance. Elles visent à rappeler que des facteurs structurels contribuent chaque jour à fragiliser leur mandat. Parmi ces facteurs, j’ai insisté dans ce texte sur la carcéralité d’un centre qui pèse quotidiennement sur les pratiques, les interactions, les expériences. Au fond, quoi de plus logique, dans une simili-prison, que certaines pratiques se rapprochent de celles de gardiens de prison ? Si ces observations peuvent dès lors avoir une quelconque utilité, c’est d’abord pour instiller le doute quant à nos manières de faire auprès des jeunes, et nous défaire collectivement de cette évidence que, parce que l’on se donne pour objectif de les réhabiliter, l’on agit infailliblement pour leur bien.
L’enfermement est, au contraire, intrinsèquement violent, même quand on le débarrasse du vocabulaire de la prison.
Quelles que soient les raisons pour lesquelles ils sont là, les jeunes placés entre les murs de nos institutions publiques devraient donc avoir toutes les garanties nécessaires à connaître, défendre et revendiquer leurs droits, à commencer par ceux qui leur permettraient de contester ces mesures, que l’on se rassure parfois bien commodément à considérer comme nécessairement et systématiquement prises pour leur bien.  
 
  1. J. Trépanier, La justice des mineurs au Québec : 25 ans de transformation (1960-1985), Criminologie, 19 (1), 1986, 199.
  2. Webster, J. Sprott, A. Doob, « The Will to Change: Lessons from Canada’s Successful Decarceration of Youth », Law & Society Review, 53 (4), 2021, p. 1092- 1131.
  3. Foucault, Surveiller et punir, Paris, Gallimard, 1975, p. 224.
 

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L’enfant : plus qu’un adulte de demain, un citoyen d’aujourd’hui

25 février 2022, par Revue Droits et libertés
Retour à la table des matières Revue Droits & Libertés, aut. 2021/hiver 2022 L’équipe du Bureau international des droits des enfants Le droit d’être entendu (aussi appelé (…)

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L’équipe du Bureau international des droits des enfants Le droit d’être entendu (aussi appelé droit à la participation) est un principe fondamental de la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE), traité international de référence ratifié par le Canada depuis 1991. Ce droit implique que tous les enfants, peu importe leur origine ethnique, leur genre, leur religion ou encore leur situation socio-économique, peuvent exprimer leurs opinions et être pleinement acteurs de la promotion de leurs droits au quotidien. En somme, ils ont le droit de prendre part au débat, dans les décisions qui les concernent, mais aussi sur des sujets plus vastes de société ou d’actualité. Et les adultes ainsi que les institutions qui les entourent ont le devoir de leur laisser l’opportunité et l’espace de le faire.

L’adulte de demain

L’enfant est souvent caractérisé d’adulte de demain et l’on en oublie un peu vite qu’il est avant tout le citoyen d’aujourd’hui, sujet de droit faisant partie intégrante d’une famille, d’une communauté, d’une ville, d’une nation... Il est à même de participer aux conversations, et a beaucoup à apporter par le partage de son point de vue, de ses préoccupations et de ses idées. Bien entendu, cette participation n’est pas à envisager à l’identique de celles des adultes, elle doit se faire en tenant compte de l’enfant, de son profil, de son âge, de son niveau de compréhension et adopter des outils et des espaces adaptés pour s’assurer de son bien-être en tout temps. [caption id="attachment_12508" align="alignright" width="282"] Crédit : Le pré de l'équité, Adrielle Spada, 11 ans[/caption] Pourtant doté d’une législation favorable à la participation de l’enfant au sein de ses institutions de protection, le Québec reste frileux à l’idée de leur laisser une place pour prendre part au débat. Dans la province, une grande attention est accordée aux enfants dont la sécurité OU le développement est menacé. La Loi sur la protection de la jeunesse (LPJ), en vigueur depuis 1977 et révisée plusieurs fois depuis1, définit les droits de ces enfants et notamment leur droit à la participation aux décisions relatives à leur protection. L’article 2.4.2 de la LPJ indique ainsi que « les informations et les explications qui doivent être données à l’enfant dans le cadre de la présente loi doivent l’être en des termes adaptés à son âge et à sa compréhension ». Ce droit garanti légalement est notable, mais beaucoup reste à faire pour que la participation devienne la norme dans toutes les sphères de la vie d’un enfant, quelle que soit sa situation. Selon le rapport de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse, ou Commission Laurent, publié en avril 2021, le droit des enfants à être entendu est rarement respecté par les institutions protection de la jeunesse (p. 74). Les enfants sont souvent « exclus des rencontres où des décisions sont prises à leur sujet » et il y a « peu d’opportunités pour les enfants de participer à la vie citoyenne ou d’influencer les décisions politiques » (p. 67 ; 187). Au-delà de cette constatation, l’accès de l’enfant à de l’information adaptée, nécessaire à sa participation à la mise en œuvre de ses droits, reste encore un défi au Québec. En effet, la Commission Laurent note un besoin de simplifier la loi dans un langage accessible et compréhensible pour les enfants, et pointe le manque de traduction de plusieurs ressources et services associés à la protection de l’enfant dans les langues parlées par les enfants autochtones ou issus de communautés culturelles (p. 71 ; p. 293 ; p. 308).
La mise en œuvre de la participation de l’enfant se heurte également à une vision de l’enfant qui met l’accent sur sa vulnérabilité et qui motive ainsi sa protection.
Si cette protection est effectivement incontournable pour permettre à l’enfant de vivre et grandir dans les meilleures conditions, elle minimise sa capacité à être acteur de sa propre protection et de la promotion de ses droits. Les décisions ayant des répercussions sur la vie des enfants sont alors souvent prises par des adultes, sans donner voix aux enfants qui sont pourtant les premiers concernés.

Les enfants des groupes minoritaires face à un double standard

La participation des enfants issus de groupes minoritaires (issus de la diversité culturelle, autochtones, ou encore en situation de handicap…),   pourtant   surreprésentés dans les institutions de protection de l’enfant, se heurte à des difficultés supplémentaires. À titre d’exemple, les communautés autochtones ne possèdent pas d’entité pour porter la voix de leurs enfants au Québec, et les normes et interventions institutionnelles en vigueur   en   protection de l’enfant ne tiennent pas suffisamment compte des conceptions autochtones de protection de l’enfant (rapport de la Commission Laurent, 2021 : p. 295). Dans les interventions de protection en lien avec les enfants racisés, on constate également une faible collaboration avec des organismes et communautés proches de leurs réalités, ainsi que des pratiques non adaptées aux expériences et aux identités de ces enfants (rapport de la Commission Laurent, 2021 : p. 309- 310). Par ailleurs, les expériences de discrimination et d’in- compréhension auxquelles ces jeunes sont parfois confrontés au sein du système de protection peuvent avoir un impact négatif sur leur confiance envers les institutions et indirectement sur leur volonté de participation. Un frein qui vient s’ajouter aux difficultés rencontrées par les enfants de façon systémique pour faire valoir leur droit à la participation.
Mieux documenter les expériences et les pratiques entourant la participation des enfants issus des groupes minoritaires est nécessaire, notamment pour en saisir la singularité et favoriser l’adoption d’approches différenciées permettant une participation inclusive et efficace.
Le droit à la participation de l’enfant au sein du système de protection se doit d’être un processus continu et inclusif pour que tous les enfants puissent faire valoir leurs droits et prendre part aux décisions qui les concernent. Cette participation repose sur trois facteurs principaux : la mise en place de mécanismes et d’instances permettant aux enfants de participer ; la création d’outils adaptés à tous les enfants et la transmission des compétences nécessaires ; la motivation et la volonté d’implication des enfants. Chaque personne peut agir au quotidien pour intégrer les enfants aux sphères de discussion et aux prises de décisions, mais un changement plus global de la perception de l’enfant par le système censé le protéger doit être envisagé afin de réellement inscrire sa participation dans la norme. Les systèmes de protection de l’enfant sont encore trop souvent pensés par les adultes, selon ce qui les arrange dans leurs champs de compétences propres, il est temps que les enfants soient placés au cœur des systèmes de protection qui les concernent.
  1. La dernière révision de la LPJ date de décembre 2020 ou le projet de loi n 75 intitulé Loi visant à améliorer l’accessibilité et l’efficacité de la justice, notamment pour répondre à des conséquences de la pandémie de la COVID-19, est venu modifier le chapitre P-34.1 de la LPJ.

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Les conséquences de la pandémie de COVID-19 analysées à l’aune d’une perspective de droits humains

21 février 2022, par Revue Droits et libertés

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Hors dossier : COVID-19 Les conséquences de la pandémie de COVID-19 analysées à l’aune d’une perspective de droits humains

Stéphanie Mayer, membre du CA de la Ligue des droits et libertés et chercheure postdoctorale de l’Université d’Ottawa En dépit du populaire adage Ça va bien aller!, la pandémie de la COVID-19 a accentué les inégalités sociales qui divisent nos sociétés. Consciente de l’exceptionnalité de la  crise, la Ligue des droits et libertés (LDL) a organisé une série de webinaires[1], avec l’objectif d’analyser la gestion de la crise par les gouvernements, les mesures de santé publique instaurées ainsi que leurs effets sur la population à partir d’une perspective de droits humains. Provenant de différents milieux (fonction publique, université ou de la recherche, milieu communautaire), les seize conférenciers et conférencières – que nous remercions chaleureusement – étaient invité-e-s par l’animatrice, Martine Letarte[2], à présenter à un large public (900 participant‑e‑s) leurs réflexions sur la COVID-19 et les droits humains. Dans les prochaines lignes, je présenterai les idées centrales qui peuvent être tirées de ces brillantes présentations[3] qui ont contribué à alimenter entre février et avril 2021 une pensée critique plus que nécessaire dans le contexte où la contestation est trop souvent délégitimée et assimilée à du complotisme.

Webinaire 1 : L’État et les vulnérabilités

Le premier webinaire s’est penché sur le rapport entre l’État et les formes de vulnérabilité des populations. Le caractère problématique de la vulnérabilité est compris comme un effet des inégalités sociales, raciales et économiques de nos sociétés. Les panélistes devaient explorer les tensions qui se sont manifestées entre, d’un côté, la mobilisation par les autorités de la catégorie de personnes vulnérables pour justifier des mesures coercitives de santé publique et, de l’autre, l’exacerbation de certaines formes de vulnérabilité ou de marginalité comme résultat de l’inaction de l’État envers ces groupes. D’abord, Christine Vézina, professeure à la Faculté de droit de l’Université Laval, a rappelé que le Canada a adhéré en 1976 au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), lequel met le gouvernement face à l’obligation de considérer les droits des plus vulnérables, notamment en ce qui concerne le droit à la santé. Cela exige d’accorder une attention prioritaire aux personnes les plus vulnérables (en documentant leurs réalités) et d’assurer que les mesures élaborées sont accessibles et acceptables du point de vue de ces personnes. Vézina faisait valoir que le respect de cette double obligation qui incombe normalement à l’État en raison du PIDESC aurait été une condition d’efficacité des mesures de lutte contre la pandémie de la COVID-19 et ce, dans le respect des droits des personnes. Par ailleurs, Gabriel Blouin-Genest, professeur à l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke, démontrait, en prenant appui sur une recherche en cours, que les mesures de santé publique ont eu des impacts délétères sur les plus vulnérables en suivant trois logiques. La première est la mise en concurrence (ou une hiérarchisation) des formes de vulnérabilité pour justifier l’allocation des ressources publiques (par exemple : l’attention portée aux personnes âgées a contrario d’autres groupes laissés pour compte, comme les personnes en situation d’itinérance ou détenues). La seconde est la production de nouvelles vulnérabilités en raison des décisions des autorités publiques (par exemple : l’accentuation des problèmes de santé mentale, de consommation ou de violence conjugale en raison du confinement et du couvre‑feu). La troisième est la catégorisation même des groupes dits vulnérables, qui, en fait, deviennent des objets de politique plutôt que des sujets de politique, réduisant le pouvoir d’agir des personnes sur leur propre vie. Pensons à l’interdiction de visites dans les résidences pour personnes âgées sans que leur avis quant à leur gestion du risque de la contamination leur soit demandé. En rappelant la mort tragique de Raphaël André caché dans une toilette chimique à Montréal pour éviter d’être interpellé par la police en raison du couvre-feu, Alana Klein, professeure à la Faculté de droit de l’Université McGill, a questionné la responsabilité de l’État à l’égard des conséquences sur les personnes de ses décisions. À titre d’exemple, l’absence  de considération par le gouvernement de l’incapacité des personnes en situation d’itinérance à se conformer à la mesure du couvre‑feu a été reconnue la Cour supérieure du Québec le 26 janvier 2021. Selon Klein, il pourrait être pertinent d’interroger devant les tribunaux la constitutionnalité des atteintes aux droits des plus vulnérables en exigeant que l’État soit imputable des conséquences graves de certaines mesures de santé publique. Ces trois intervenant.es rappelaient que la gestion de la crise du VIH‑Sida avait permis de conclure que la consultation des groupes les plus vulnérables et concernés est essentielle au succès des mesures de santé publique. Or, dans le cadre de la gestion très centralisée par le gouvernement québécois, ces processus démocratiques de consultation et de concertation se sont avérés largement déficitaires.

Webinaire 2 : L’état d’urgence et l’effritement de la démocratie

Cela mène à la thématique abordée par le deuxième webinaire : l’effritement de la démocratie. Lors de cette rencontre, les conférenciers et la conférencière ont traité des effets sur  la démocratie de la déclaration de l’état d’urgence par le gouvernement québécois, le 13 mars 2020. Pour débuter, Louis-Philippe Lampron, professeur à la Faculté de droit de l’Université Laval, a expliqué la section III de la Loi sur la santé publique du Québec[4], qui traite de la déclaration de l’état d’urgence sanitaire et des pouvoirs discrétionnaires dont bénéficie le gouvernement afin d’agir avec diligence pour protéger la population. En vertu de la loi, le gouvernement peut renouveler aux dix jours l’état d’urgence sans l’assentiment de l’Assemblée nationale (AN), ce qu’il fait depuis sa déclaration (et qu’il a tenté en vain de prolonger pour 2 ans avec le défunt PL-61[5]). À la lumière du maintien sur une si longue période de l’état d’urgence, il semble impératif, selon Lampron, d’introduire des mécanismes de contrôle afin que des contre‑pouvoirs puissent s’exprimer sur la gestion de la crise, a fortiori par les député-e-s de l’AN ou par des groupes de la société civile. Bien sûr, la gouvernance par décret de la Coalition avenir Québec illustre bien que, dans nos démocraties, ce qui compte le plus reste le pouvoir exécutif, c’est‑à‑dire les actions concrètes et la résolution des problèmes, comme le faisait valoir Christian Nadeau, professeur au Département de philosophie de l’Université de Montréal. En fait, la pandémie de la COVID-19 a amplifié les problèmes déjà existants dans nos démocraties libérales représentatives, comme les écarts de valeur entre les formes de pouvoir (exécutif, législatif, judiciaire et l’importance de l’administration publique), ce qui pousse les gouvernements à administrer l’État au lieu de diriger à la suite de processus démocratiques, comme les débats ou les consultations. Cela est en phase avec la volonté du premier ministre, François Legault, d’accélérer les travaux de l’AN, ce qui laisse présager des effets à long terme de cette crise en accentuant une conception qu’exécutive du gouvernement. Pour sa part, Véronique Laflamme, porte‑parole du Front d’action populaire en réaménagement urbain, a abordé les incidences concrètes du couvre‑feu et des consignes de santé publique (par exemple : les contraintes sur la fréquentation de lieux publics ou sur la possibilité de se rassembler) en soulignant leurs effets dommageables sur la mobilisation sociale, l’éducation populaire aux droits et la vie démocratique des groupes communautaires. À son avis, cela a des conséquences sur la vitalité de la société civile et sur la capacité des groupes à faire valoir les droits des plus vulnérables lorsqu’ils sont bafoués par les décisions des autorités gouvernementales.

Webinaire 3 : Le droit à la protection sociale : un droit nouveau?

Le troisième webinaire a traité du droit à la protection sociale et des mécanismes de protection mis en place par le gouvernement pour répondre à la perte d’emplois en raison de la COVID-19. Rappelons qu’en mars 2020, le gouvernement a d’abord instauré la Prestation canadienne d’urgence (PCU) qui a été remplacée par la Prestation canadienne de la relance économique, en septembre 2020. Les conférencières et le conférencier se sont demandé si ces prestations pouvaient être annonciatrices de changements favorables en matière de protection sociale. D’abord, Marie-Pierre Boucher, professeure au Département de relations industrielles de l’Université du Québec en Outaouais, a souligné les caractéristiques positives de la PCU en comparaison aux formes actuelles d’exclusion de l’assurance-emploi. La PCU reposait sur un principe universel (tout le monde y avait droit, même les travailleurs‑euses autonomes), elle n’exigeait pas de faire la démonstration de la recherche active d’emploi (pas d’obligation de travailler en raison des consignes sanitaires), l’accessibilité à la prestation était accélérée pour répondre aux besoins et les critères d’admissibilité étaient validés a posteriori. Ces particularités permettaient de croire à un droit à la protection sociale plus large qu’un simple droit à la protection du revenu. Par ailleurs, Marie-Pierre Boucher déplorait l’occasion manquée pour tester un projet pilote d’un revenu de base universel à l’échelle du pays. Pour sa part, Lucie Lamarche, professeure au Département de sciences juridiques de l’Université du Québec à Montréal, a partagé des réflexions permettant de cerner ce qu’est le droit humain à la protection sociale. Elle a évoqué que le droit à la protection sociale doit être universel (ne laissant personne pour compte ce qui n’exige pas la même réponse pour tous), il doit être protégé par la loi et inclus dans les budgets et il ne peut pas être pensé séparément des services publics et du respect des autres droits desquels il s’avère interdépendant. Lamarche a terminé en interrogeant le rôle des gouvernements en matière d’intervention sur le système de l’emploi, lequel reste marqué par d’importantes conditions d’exploitation – ce qui élargit les discussions sur le droit à la protection sociale. Enfin, Maxime Boucher, coordonnateur du Groupe de recherche et de formation sur la pauvreté au Québec, a poursuivi la réflexion sur les quelques avancées en matière de droit à la protection sociale. La PCU était plus généreuse (que l’assurance chômage et l’aide sociale) et se situait au‑dessus des seuils de pauvreté (et non, sur la stricte mesure du panier de consommation). Il a conclu en soulignant le paradoxe suivant : dans le capitalisme, l’amélioration des conditions d’existence par l’accroissement des revenus suppose une croissance économique qui détruit nos écosystèmes. Il s’agit bien là de l’autre crise qui nous assaille, celle environnementale.

Webinaire 4 : La santé publique dévoilée 

La pandémie de COVID-19 a révélé l’importance des autorités de la santé publique et le quatrième webinaire a porté sur son rôle au Québec. Pour sa part, Dr Yv Bonnier Viger, directeur régional de santé publique de la Gaspésie‑Îles‑de‑la‑Madeleine, a présenté la structure de la santé publique, dont son directeur national, Dr Horacio Arruda, est désormais célèbre. La santé publique se déploie sur trois paliers (local, régional, provincial) et ses rôles sont variés : promouvoir la santé, prévenir les maladies et protéger la santé de la population. Pour ce faire, les équipes formées de spécialistes de tous horizons établissent des partenariats avec les municipalités, les ministères reliés, les écoles et les organisations communautaires afin de produire de la santé. Même si ces rôles sont concertés au niveau provincial, les actions doivent se déployer localement en raison des priorités divergentes en termes de déterminants sociaux de la santé. À ce titre, Bonnier Viger déplorait les effets toujours actuels de la réforme Barette de 2015 qui a entraîné l’abolition des agences régionales de santé publique affectant directement les partenariats locaux. De son côté, Dre Marie-France Raynault, professeure au Département de médecine préventive et santé publique de l’Université de Montréal et cheffe du Département de médecine préventive et santé publique du CHUM, a été assez explicite sur ce que ce veut dire produire de la santé en agissant sur les déterminants sociaux de la santé, c’est-à-dire par une action concertée sur les conditions de vie des personnes, leur environnement immédiat et les réalités socio-économiques des populations[6]. À son avis, la pandémie de la COVID-19 a réitéré l’importance d’agir sur les déterminants sociaux de la santé pour assurer la réalisation du droit à la santé. À titre d’exemple, elle faisait valoir qu’à Montréal les taux plus élevés de contamination à la maladie ont été enregistrés dans les quartiers les plus défavorisés dans lesquels le surpeuplement des logements est un problème et où les personnes se retrouvent surreprésentées dans des emplois à haut risque. En somme, pour tendre vers la réalisation du droit à la santé, il reste insuffisant d’augmenter que le budget du ministère de la Santé et des Services sociaux, il faut aussi (et surtout) soutenir les autres ministères qui agissent sur les déterminants de la santé, comme le logement, la culture, les garderies, les groupes communautaires, les conditions de travail. D’ailleurs, Raynault soutenait que des équipes de la santé publique sont déjà à l’œuvre pour interpeller les autorités gouvernementales sur les avenues pour la relance économique du Québec qui favoriseraient la réalisation du droit à la santé.

Webinaire 5 : Les outils numériques et services publics

Le cinquième webinaire s’est intéressé à l’utilisation des outils numériques pour la prestation de services publics lors de la crise sanitaire et à leurs conséquences sur les droits humains. Au cours de la dernière année, Alexandra Bahary-Dionne, doctorante à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa, et Karine Gentelet, professeure au Département de sciences sociales de l’Université du Québec en Outaouais, ont conduit une étude portant sur les réponses numériques des gouvernements du Québec et du Canada : l’information sur la pandémie, les mesures sanitaires à appliquer, la télémédecine, les prestations d’enseignement à distance, etc. Elles ont observé que les inégalités sociales en santé sont aussi des inégalités numériques. D’abord, il faut considérer l’accès effectif aux technologies, ce qui suppose de disposer d’un appareil et d’un accès à Internet (certaines personnes n’y ont accès que dans les bibliothèques ou par le truchement des ressources communautaires qui sont demeurées longtemps fermées). Ensuite, la disparité de l’utilisation qui se révèle entre les personnes qui ont et n’ont pas une bonne maîtrise des outils pour tirer profit de leurs recherches, ce qui exige un niveau de littératie suffisant. Enfin, cette disparité des usages laisse des traces concrètes dans les données produites et collectées par les autorités. D’ailleurs, Julie Paquette, professeure à l’École d’éthique, de justice sociale et de service public de l’Université Saint‑ Paul, prolongeait la discussion sur les données produites par les usages des outils numériques et leurs conséquences. Ces données collectées massivement ne sont pas neutres et elles ne proviennent pas de l’ensemble de la population : elles sont marquées des fractures numériques présentées plus haut (ce qu’on appelle les déserts de données). En collectant ces données, les algorithmes transforment et analysent ces dernières comme si elles étaient le réel. Ces données sont donc biaisées et limitées pour orienter les décisions en matière de santé publique. Les conférencières soutenaient que les technologies maintiennent et accentuent les inégalités sociales dont leurs effets sont indéniables sur la réalisation du droit à la santé. En outre, elles soulignent la pertinence de considérer l’accès à Internet comme un déterminant social de la santé.

Webinaire 6 : Le racisme systémique révélé

La dernière rencontre de la série s’est penchée sur une analyse des conséquences engendrées par le racisme systémique lors la pandémie de la COVID-19[7]. Rappelons que le racisme systémique désigne : Une production sociale d’une inégalité fondée sur la race dans les décisions dont les gens font l’objet et les traitements qui leur sont dispensés. L’inégalité raciale est le résultat de la combinaison de ce qui suit : la construction sociale des races comme réelles, différentes et inégales (racialisation) ; les normes, les processus et la prestation de services utilisés par un système social (structure) ; les actions et les décisions des gens qui travaillent pour les systèmes sociaux (personnel)[8]. D’abord, Jill Hanley, professeure à l’École de travail social de l’Université McGill, a exposé les résultats d’une recherche conduite lors de l’été 2020 qui documentait l’expérience faite de la pandémie par les communautés immigrantes et les personnes racisées à Montréal. En comparaison avec la moyenne québécoise blanche, ces groupes étaient disproportionnellement à risque de contracter la maladie en raison des emplois occupés (par exemple : dans les services et les soins où les protections individuelles ont tardé à arriver et le télétravail impossible), à cause de leur utilisation plus importante des transports en commun ou du surpeuplement des logements. De plus, elle a soulevé les difficultés d’accès au dépistage en raison de l’éloignement géographique. Notons qu’au cœur de la première vague, alors que Montréal-Nord était jugé l’un des épicentres de la pandémie, il n’y avait pas de centre de dépistage à proximité. De plus, il ne faut pas négliger les barrières linguistiques et les enjeux de statut précaire, même si, normalement, la carte d’assurance maladie ne devait pas être réclamée pour obtenir ces services. Enfin, Hanley a relevé le caractère paradoxal de l’application par la police des mesures de santé publique (le couvre‑feu, notamment), car les groupes racisés ont déjà des relations difficiles avec cette institution en raison des formes avérées de profilage. Ensuite, Nargess Mustapha, militante antiraciste et féministe, cofondatrice du collectif Montréal‑Nord Républik ainsi que de l’organisme Hoodstock, a fait état du travail communautaire fait à Montréal-Nord, par Hoodstock[9], pour contrer les effets de la COVID-19 qui n’a fait qu’exacerber les crises déjà existantes dans l’arrondissement. Mustapha prolongeait les propos de Hanley lorsqu’elle rappelait, qu’en considérant les déterminants sociaux de la santé, les autorités gouvernementales ne pouvaient pas se surprendre de l’ampleur de la crise dans les quartiers les plus défavorisés et racisés de Montréal. Sans attendre les réponses des autorités, la communauté s’est mobilisée pour distribuer des kits sanitaires et des masques, répondre aux besoins alimentaires, documenter la réalité des résident.es ou distribuer des ordinateurs pour l’école à distance des enfants. Enfin, les deux présentatrices ont conclu que la réponse à la crise sanitaire a été largement communautaire, quand pourtant elle aurait dû venir du gouvernement qui doit être à l’écoute et se concerter avec les groupes qui font le travail de terrain. En somme, par cette série de webinaires sur la COVID‑19, la LDL a fait honneur à sa mission politique d’éducation du grand public sur la question des droits humains et de leur interdépendance. Sans l’ombre d’un doute, la crise sanitaire actuelle et ses effets multiformes graves qui ont à leur tour révélé d’autres crises qui bafouent les droits (par exemple : le droit à l’égalité, au logement, à la santé, à un environnement sain) dessinent pour la société civile un agenda politique qui devra mettre sans complaisance l’État face à ses obligations de garantir et respecter les droits humains. Les webinaires sont disponibles pour le visionnement sur le site Web de la LDL.
[1] Les conférences sont disponibles sur le site de la LDL, « Droits humains et COVID‑19 : Quelles perspectives? », Ligue des droits et libertés. En ligne : https://liguedesdroits.ca/webinaires‑COVID/ [2] Au nom du CA de la LDL, je tiens à remercier Martine Letarte, qui est journaliste indépendante depuis 2005, d’avoir assuré l’animation de la série de webinaires. [3] J’espère que les intervenant-e-s ne m’en voudront pas d’avoir retenu que certaines dimensions de leur présentation afin d’en faire une synthèse. [4] La Loi sur la santé publique a été adoptée en 2001. [5] Loi visant la relance de l’économie du Québec et l’atténuation des conséquences de l’état d’urgence sanitaire déclaré le 13 mars 2020 en raison de la pandémie de la COVID-19. [6] Pour aller plus loin, consultez la revue de la LDL intitulée : Le droit à la santé : au-delà des soins, Droits et libertés, 39, No. 2, automne 2020. [7] Pour consulter les publications de la LDL sur le racisme systémique. En ligne : https://liguedesdroits.ca/racisme [8] Office de consultation publique de Montréal, Racisme et discrimination systémiques dans les compétences de la Ville de Montréal, Rapport de consultation publique, 3 juin 2020, 8. En ligne : https://ocpm.qc.ca/sites/ocpm.qc.ca/files/pdf/P99/rapport‑reds.pdf. [9] Hoodstock, site officiel. En ligne : https://www.hoodstock.ca
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Une crise qui affecte les droits humains à Gatineau

18 février 2022, par Revue Droits et libertés

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Hors dossier : Logement Une crise qui affecte les droits humains à Gatineau

François Saillant, rapporteur mandaté par la Ligue des droits et libertés et expert des enjeux de logement À l’été et à l’automne 2020, j’ai eu l’occasion de mener une mission d’observation pour la Ligue des droits et libertés (LDL) sur la crise du logement qui sévit à Gatineau. Le signe le plus visible en est le nombre alarmant de familles et de personnes sans domicile fixe. Des familles avec enfants doivent vivre pendant plusieurs mois, entassées dans des chambres d’hôtel ou de motel. Des personnes en situation d’itinérance s’entassent en pleine pandémie dans des lits de camp, séparés par de simples rideaux, sur le plancher de l’aréna Robert‑Guertin. Des sans-abris érigent des campements de tentes, fréquemment démantelés par les autorités. Ce n’est pourtant là que la pointe de l’iceberg, bien d’autres problèmes étant vécus entre les quatre murs des maisons : coût inabordable des loyers, évictions pour non‑paiement, logements inhabitables, inaccessibilité pour des personnes en situation de handicap, etc. Soucieuse d’avoir un portrait d’ensemble de la situation, la mission a rencontré virtuellement plusieurs organismes, des experts, ainsi que les autorités politiques. Malheureusement, les députés caquistes de la région n’ont été rencontrés qu’après la mission. Enfin, une vingtaine de familles sans‑logis ou mal‑logées, de même qu’une dizaine de personnes en situation d’itinérance, ont pu témoigner de leurs réalités.
Le rapport publié en février 2021 conclut que Gatineau vit une situation d’urgence permanente et que les multiples entraves au droit au logement qui y sont vécues compromettent d’autres droits économiques, sociaux et culturels, mais aussi civils et politiques.
En quelques jours, le rapport a suscité plusieurs réactions dont celle du maire de Gatineau, Maxime Pedneaud‑Jobin, des organismes communautaires, de l’Office d’habitation de l’Outaouais et même d’un des plus gros investisseurs immobiliers de la ville. Personne n’a remis ses constats en question. Dans un commentaire publié dans Le Droit du 12 février, le chroniqueur Patrick Duquette écrit: « Les principales victimes de cette crise? Les femmes, les familles nombreuses, souvent issues de l’immigration, et celles qui ont de la misère à joindre les deux bouts. Dans leur cas, la violation du droit à un loyer décent se traduit par une cascade d’autres violations à leurs droits fondamentaux: sécurité, alimentation, santé, éducation… Le rapport nous rappelle que pour une femme sans logis, trouver un toit, c’est parfois accepter de retourner vivre avec un conjoint violent ou qui exige des faveurs sexuelles. Pour une famille d’immigré‑e‑s noir‑e‑s, c’est la quasi‑certitude de se faire exiger un dossier de crédit ou des références qu’elle n’a pas. Ou de se faire revirer de bord par un propriétaire raciste: c’est déjà loué, meilleure chance la prochaine fois ».

Pourquoi Gatineau?

Ce n’est pas que la gravité et la persistance des problèmes qui ont convaincu la LDL d’acquiescer à la demande de mission d’observation, mais aussi certaines particularités vécues dans cette ville. Gatineau est voisine d’Ottawa où le coût des logements est beaucoup plus élevé que de l’autre côté de la rivière Outaouais. De nombreux ménages ontariens sont donc tentés de déménager à Gatineau, ce qui a pour effet d’y accroître la rareté des logements locatifs et d’y contribuer à la hausse des loyers. Le voisinage avec la capitale canadienne contribue aussi à ce que Gatineau soit le deuxième pôle québécois d’attraction de l’immigration internationale qui se combine de surcroît avec une forte migration interprovinciale. Tout cela fait en sorte que le taux de logements inoccupés a été sous la barre d’équilibre de 3 % au cours de 13 des 21 dernières années et que Gatineau soit maintenant la région métropolitaine où le coût du logement est le plus élevé au Québec. Une autre spécificité de la ville est le nombre et la dureté de catastrophes dites naturelles qui l’ont frappée dans les dernières années. En 2017 et 2019, la ville a vécu deux graves inondations printanières, alors que c’est une tornade de force F3 qui l’a touchée de plein fouet en 2018. Plus de 5 500 bâtiments résidentiels ont au total été touchés, dont plusieurs centaines de logements locatifs qui ont été totalement rasés ou qui sont maintenant considérés comme non habitables. Or, plusieurs témoignages ont permis de constater que ces catastrophes, qui sont destinées à se reproduire avec la crise climatique, ont donné lieu à des injustices environnementales.
Ainsi, ce sont des quartiers socioéconomiquement défavorisés qui ont été les plus durement affectés par les catastrophes naturelles.
L’exemple du secteur du Mont-Bleu est éloquent. Avant la tornade de 2018, il était habité par des familles nombreuses, très souvent racisées, en situation de pauvreté. Celles qui ont dû quitter les immeubles ravagés ont vécu de pénibles situations d’hébergement. Certaines ont été accueillies par leurs familles dans des logements déjà surpeuplés, alors que d’autres étaient placées dans des motels parfois situés dans des endroits aussi éloignés que Mont-Laurier, alors que les enfants devaient se rendre quotidiennement à l’école à Gatineau. La recherche de logements a été tout aussi ardue, se butant au coût et à la rareté des appartements familiaux, mais aussi à la discrimination. Or, la reconstruction, qui est en cours au Mont‑Bleu, exclut maintenant ces familles. Les nouveaux appartements, dont la construction a été abandonnée à la discrétion de promoteurs privés, sont petits, luxueux, à loyer très élevé… Les familles, elles, sont durablement privées des ressources communautaires et des services qui leur étaient jusque-là accessibles.

Les suites

La LDL a décidé de soumettre le rapport au Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU qui doit, au cours des prochains mois, se pencher sur le cas du Canada. Comme l’a expliqué la LDL lors d’une rencontre avec les organismes qui ont participé à la mission d’observation, c’est toutefois leur travail sur le terrain qui fera en sorte que la mission aura ou non des suites. Ils disposent désormais d’un outil supplémentaire pour le faire.
Le rapport de la mission d’observation intitulé La situation du logement à Gatineau et ses impacts sur les droits humains est disponible en ligne sur le site Web de la LDL. Des exemplaires imprimés sont aussi disponibles sur demande.
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La démocratie mise en péril

18 février 2022, par Revue Droits et libertés

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Chronique Un monde de lecture La démocratie mise en péril

Catherine Guindon, enseignante, CÉGEP de Saint‑Laurent Compte-rendu de l’ouvrage Prendre part : Considérations sur la démocratie et ses fins[1] Les professeurs de philosophie David Robichaud (Université d’Ottawa) et Patrick Turmel (Université Laval) nous avaient proposé il y a quelques années La Juste part[2], un ouvrage fort pertinent se portant à la défense d’une juste distribution des richesses. Le duo récidive cette fois avec Prendre part. Cet essai que nous avons beaucoup apprécié porte sur la démocratie, ce qui la menace et notre responsabilité pour la préserver. La démocratie est un régime politique qui, de nos jours, paraît aller de soi. Ses institutions doivent permettre l’expression de l’autonomie individuelle et, au-delà du pluralisme des valeurs individuelles, la réalisation de fins collectives. Son idéal vise « une organisation égalitaire de la vie collective qui offre à chaque individu la plus grande sphère de liberté possible[3] ». Malgré son rôle de premier plan pour la promotion des droits à l’égalité et la liberté, on prend trop souvent la démocratie pour acquise, réduisant souvent les citoyen-ne-s à leur rôle d’électeurs et d’électrices.
Or, la démocratie est bien plus que cela et elle ne se maintient pas par elle‑même. D’ailleurs, elle se porte actuellement plutôt mal. C’est qu’elle est en effet menacée dans ses principes et ses institutions, d’un côté, par le mouvement populiste et, de l’autre, par le minimalisme libéral.
Les populistes se présentent comme des critiques des élites pour diverses raisons, telles que leur manque occasionnel de transparence. Mais en plus de se méfier des grands décideurs, les populistes revendiquent un antipluralisme des valeurs. Au nom de la volonté du vrai peuple, d’un nous constitutif d’une société, ils récusent la pluralité des valeurs des citoyen-ne-s. Les populistes rejettent donc ce qui peut s’opposer à ce peuple homogène idéalisé, que ce soient les élites économiques, les minorités sexuelles, les immigrant-e-s, les syndiqué-e-s ou les intellectuel-le-s. Or, ce peuple uni est une vue de l’esprit. Effectivement, au‑delà de valeurs communes et d’une culture dominante, le pluralisme et la diversité sont, rappellent les auteurs, « la conséquence des principes fondamentaux de la démocratie : l’égalité de droit et la liberté de tous[4] ». Les minimalistes libérales et libéraux, quant à eux, constituent un second groupe d’adversaires de la démocratie et de l’égale liberté pour tous et toutes. Ils réduisent le rôle des citoyen-ne-s aux élections de leur député‑e, considérant qu’ils, elles n’ont pas les compétences nécessaires pour prendre de bonnes décisions. Ainsi peuvent être légitimés des projets de loi omnibus ou l’utilisation du pouvoir du bâillon par un gouvernement. Face à ces menaces envers la démocratie, Robichaud et Turmel proposent des remèdes. Contre le populisme, les auteurs plaident pour la fin du cynisme face aux décideur‑e‑s politiques. Il importe de protéger les institutions démocratiques permettant l’expression de la diversité et la protection de l’égale liberté des citoyen-ne-s, comme les commissions parlementaires, par exemple. Contre le minimalisme libéral, il faut stimuler la délibération et le débat d’idées à l’extérieur de la sphère institutionnelle officielle, les responsabilités des citoyen‑ne‑s ne se limitant pas aux élections. Il faut ménager des espaces pour que soit exercée la liberté d’expression des citoyen‑ne‑s et diffuser la pluralité des idées de chacune et chacun. Les citoyen-ne-s, en plus de voter, doivent s’informer, discuter, participer à la discussion publique, aiguiser leur sens critique. Il est donc urgent, selon les auteurs, de mieux prendre soin de notre régime démocratique afin qu’il préserve l’égalité et les libertés fondamentales, ce qui constitue sa fin ultime. On ne peut que recommander la lecture de cet essai aux idées percutantes qui nous invite à prendre part activement aux institutions démocratiques afin qu’elles soient assez robustes pour préserver nos libertés fondamentales.
[1] David Robichaud et Patrick Turmel, Montréal, Atelier 10, 2020, 112 pages. [2] La Juste part : Repenser les inégalités, la richesse et la fabrication des grille- pains, Montréal, Atelier 10, 2012, 93 pages. [3] Page 13 de l’édition Kindle. [4] Page 18 de l’édition Kindle.
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