Revue Droits et libertés
Publiée deux fois par année, la revue Droits et libertés permet d’approfondir la réflexion sur différents enjeux de droits humains. Réalisée en partenariat avec la Fondation Léo-Cormier, la revue poursuit un objectif d’éducation aux droits.
Chaque numéro comporte un éditorial, les chroniques Un monde sous surveillance, Ailleurs dans le monde, Un monde de lecture, Le monde de l’environnement, Le monde de Québec, un dossier portant sur un thème spécifique (droits et handicaps, droits des personnes aînées, police, culture, droit à l’eau, profilage, mutations du travail, laïcité, etc.) ainsi qu’un ou plusieurs articles hors-dossiers qui permettent de creuser des questions d’actualité. Les articles sont rédigés principalement par des militant-e-s, des représentant-e-s de groupes sociaux ou des chercheuses ou chercheurs.
Créée il y a 40 ans, la revue était d’abord diffusée aux membres de la Ligue des droits et libertés. Depuis, son public s’est considérablement élargi et elle est distribuée dans plusieurs librairies et disponible dans certaines bibliothèques publiques.
Bonne lecture !

L’audace de dépasser la logique carcérale des institutions publiques : Entrevue
Retour à la table des matières Revue Droits & Libertés, aut. 2020 / hiver 2021
Entrevue avec Jade Bourdages, politologue et professeure, École de travail social, UQÀM Propos recueillis par Stéphanie Mayer, chercheure postdoctorale, Université d’Ottawa, Membre du conseil d’administration, Ligue des droits et libertésExpliquez-nous ce qu’est la logique carcérale qui façonne les institutions publiques au Québec.
Lorsqu’on parle de logiques carcérales, notre imaginaire se limite à l’architecture des prisons. Or, la logique carcérale s’imprègne dans l’expérience des personnes qui sont en contact avec les institutions publiques, notamment dans les relations sociales entre le personnel d’intervention et les usagères et usagers. Au Québec, cette logique peut s’observer dans un ensemble d’institutions publiques[1] dans lesquelles on entasse des corps, ce qui a l’avantage d’être peu coûteux, mais pas sans préjudice sur le développement des individus, leur épanouissement ainsi que la réalisation de leurs droits. Il s’agit de pratiques héritées d’une longue histoire de domination des familles pauvres, des aîné-e-s, des groupes racisés et autochtones, des gens qui ont des enjeux liés à la santé mentale ou encore de la jeunesse. En somme, les logiques carcérales sont autant de manière que l’on déploie afin de répondre à des finalités qui relèvent de nos imaginaires d’ordre public et qui orientent des populations vers des mœurs qui nous paraissent plus convenables.Comment cette logique se déploie-t-elle dans les institutions dédiées aux mineur-e-s, comme les centres jeunesse?
Les institutions façonnées par la logique carcérale reposent sur l’idée – rarement mise en doute – selon laquelle il y a des avantages thérapeutiques à mettre des gens à l’écart du monde social. Les centres jeunesse illustrent cette conviction : le placement en institution ou la mise à l’écart des jeunes seraient nécessaires pour les protéger ou les contrôler, qu’elles ou qu’ils soient victimes de leur milieu familial, de leur milieu substitut ou qu’elles ou qu’ils aient, par exemple, commis des actes répréhensibles. Pourtant, les études démontrent que mettre les jeunes à l’écart leur cause divers préjudices, à leur santé affective, physique, psychologique, à leur développement personnel et social. De mon point de vue, la stratégie visant l’amélioration des conditions de vie des jeunes dans ces institutions n’est pas la bonne, il faut plutôt interroger les discours qui légitiment la mise à l’écart pour travailler à leur réintégration sociale et à leur passage vers la vie adulte.Quels sont les effets de cette logique carcérale sur les jeunes qui sont placés dans ces institutions?
Ces pratiques de mise à l’écart suivant une logique carcérale ont de graves conséquences sur les jeunes, parce qu’elles minent, entre autres, la réalisation de leur droit à la santé. Ce dernier ne peut pas être garanti en raison des inégalités sociales qui sont (re)produites dans ces institutions qui les séparent du monde, de leur famille, de leur communauté, de leurs pairs. Prenons l’exemple de jeunes qui passent parfois des années en centres jeunesse, ce passage agit comme un stigmate – une fracture d’avec le monde – qui affecte souvent, sur la durée, leur trajectoire de vie. Cette fracture se traduit par des difficultés à réintégrer la société ou une communauté, à trouver un bon emploi ou un logement salubre voire à entretenir des relations saines avec autrui. Par ailleurs, les statistiques montrent que les jeunes placé-e-s sortent sous-scolarisé-e-s de ces institutions, mais aussi dé-socialisé-e-s étant tenus à distance de leurs pairs, ce qui est essentiel à l’adolescence. En fait, ces atteintes aux droits et libertés des jeunes sont scandaleuses, puisqu’en principe, ces jeunes sont des enfants de l’État.Du point de vue de la société, qu’est-ce qui doit être fait pour dépasser ces logiques carcérales?
Selon moi, la première chose serait de cesser de justifier les pratiques d’intervention, comme la mise à l’écart, dans les centres jeunesse. Il faudra concrètement de l’audace pour s’interroger sur le fond et accepter de discuter des conséquences concrètes de ces pratiques dans la vie des jeunes. Prenons la Commission Laurent[2]. On peut avoir l’intuition que les recommandations ne seront pas très audacieuses et qu’elles ne remettront pas réellement en question les logiques d’intervention et de placement des jeunes de la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ). Il sera probablement suggéré d’augmenter les effectifs, d’assurer une meilleure formation du personnel et d’accroître les services de première ligne. Or, les problèmes auxquels fait face la DPJ s’avèrent plus complexes comme certaines actrices, certains acteurs et moi-même l’avons souligné lors de nos témoignages devant cette Commission[3].Quels pourraient être les gestes accomplis par les décideurs publics pour s’engager sur cette voie?
Je ne suis pas certaine que ce soit elles ou eux qui prendraient les meilleures décisions. Néanmoins, je souhaite qu’ils s’interrogent sur le fonctionnement ainsi que sur les coûts financiers engagés pour maintenir à flot les centres jeunesse et plus largement, la DPJ. Pourquoi demeurons-nous si silencieuses et silencieux devant le fait que si peu de moyens sont accordés, en fin de compte, pour faire des choses avec les jeunes qui contribueraient à leur développement et à leur épanouissement? Les coûts quotidiens pour maintenir ces institutions sont synonymes d’une perte de moyens pour faire des choses avec les jeunes. Par exemple, un-e intervenant-e doit faire des pieds et des mains pour avoir accès à de simples bâtons de colle pour faire une activité culturelle avec les jeunes alors que des moyens sont déployés ailleurs pour refaire l’architecture d’une école, pour installer des tableaux interactifs dans les classes ou pour mettre des plantes du sol au plafond pour rendre les milieux plus jolis. En fait, il nous faut des ressources de protection et d’accompagnement à échelle humaine et j’entends, par là, par exemple : des petits foyers de groupe, de milieux mixtes, de l’intervention de groupe qui mise sur les relations sociales et la vie en communauté. Insidieusement, les décisions prises par les décideuses et les décideurs appauvrissent des populations déjà paupérisées, marginalisées ou racisées. Il faut désinvestir ces institutions publiques, comme les centres jeunesse, afin de réinvestir en enrichissant les jeunes, les familles et les communautés pour créer, depuis la base, des conditions favorables à la santé en général ainsi qu’aux droits humains. Ceci m’apparaît la première étape pour s’engager dans le développement de meilleures pratiques d’intervention favorables à la justice sociale.Comme vous avez une expérience en intervention sociale et que vous enseignez dans une école de travail social, que croyez-vous que le personnel d’intervention puisse faire pour dépasser cette logique carcérale qui marque trop souvent les pratiques quotidiennes?
C’est une question délicate. Je sais que le contexte est difficile pour le personnel d’intervention, il fait l’objet de pressions administratives et parfois même d’attaques publiques. Accepter de réfléchir sur le sens et l’avenir des métiers d’intervention me semble une bonne avenue afin de remettre au centre des priorités les droits des enfants! Il faut arrêter d’entasser des corps dans des institutions à l’écart du monde et de nier que ces pratiques nuisent au développement affectif, intellectuel, physique et psychologique des jeunes. Il faut se demander ce qu’on veut pour les jeunes dans notre société, ce que nous avons envie de faire pour soutenir leurs ambitions et leurs rêves, c’est notre devoir comme société. C’est à partir d’une telle réflexion que l’on pourra envisager les luttes à mener pour contrer les inégalités sociales qui sont des déterminants de la santé, selon une conception plus large de ce droit qui ne se réduit pas à l’absence de maladies. Comme professeure, je souhaite contribuer à ce que les futur-e-s intervenant-e-s en travail social apprennent à vraiment écouter les jeunes au sujet de leurs besoins pour comprendre ce qu’ils vivent et pour les aider dans ce qu’ils affrontent au quotidien. Faire des choses avec les jeunes et créer des espaces pour qu’ils agissent sur le monde, voilà des visées simples qui apparaissent si compliquées à réaliser dans les centres jeunesse. Malheureusement, on ne fait plus rien avec personne ; on gère des cotes de récidives, on résorbe les risques pour la sécurité publique, on se tue même à l’ouvrage pour enrichir des indicateurs de performance.La réalisation du droit à la santé des jeunes repose notamment sur des conditions favorables à leur développement, à leur bien-être et à leur épanouissement qui diffèreraient de celles qui prévalent actuellement. Pourquoi croyez-vous que sortir la DPJ et les centres jeunesse de cette logique carcérale pourrait assurer une meilleure réalisation des droits des enfants et de la jeunesse?
Dans l’histoire, il n’y a aucun État qui a distribué de sa propre initiative des droits et libertés, cela est au contraire le fruit de luttes sociales et politiques. Il faut agir collectivement comme citoyen-ne-s, décideurs publics ou personnel d’intervention et interroger les discours reçus tout comme les euphémismes employés qui légitiment ces pratiques de mise à l’écart des jeunes. Par exemple, les centres jeunesse sont un cas exacerbé de cette euphémisation parce que, soyons honnêtes, ils sont plus ou moins des prisons juvéniles. Au Québec, ils sont sous le contrôle du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec et non sous le contrôle du ministère de la Justice, comme c’est le cas ailleurs. À l’intérieur comme à l’extérieur de ces institutions, on emploie des discours qui vont dans le sens de la réhabilitation et de la protection des jeunes, mais c’est plutôt pour nous donner bonne conscience comme société. Ici, contrairement aux autres provinces, il n’y a pas d’organisme indépendant de défense des droits de ces jeunes, comme il peut y en avoir pour les adultes dans le système carcéral, ce qui a permis de faire reconnaître et d’améliorer un tant soit peu le respect des droits des détenu-e-s et des prévenu-e-s. Chaque fois que l’attention est portée vers les centres jeunesse, on ne parle que de listes d’attente ou de transition vers la vie adulte. On s’intéresse peu à ce qui se passe pour les jeunes pendant qu’ils sont pris en charge par ces institutions. On ne s’interroge pas, sur les pratiques déployées qui font trop souvent obstacle à leurs droits et nuisent la plupart du temps à leur épanouissement. Mon souhait : que nous sortions de ce piège afin d’entamer une réflexion collective audacieuse, que nous apprenions à résister à ces logiques carcérales. À ce titre, j’implore les organismes de défense de droits à s’engager sur la question des droits de la jeunesse. Il faut contrer le statu quo et refuser d’accepter plus longtemps les discours qui légitiment des pratiques façonnées de logiques carcérales qui briment la réalisation des droits humains. Et ceci n’a rien de révolutionnaire si vous me permettez l’expression, au contraire, c’est un minimum.[1] Il y a des exemples anciens et actuels comme les hospices, les écoles de réforme, les hôpitaux psychiatriques, les centres d’hébergement de soins de longue durée, les prisons, les centres d’accueil (devenus les centres jeunesse et les centres de réadaptation). [2] Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse, sous la présidence de Régine Laurent (2019-2020). [3] Pour les témoignages, voir : https://csdepj.gouv.qc.ca/accueil/
Retour à la table des matières

L’article L’audace de dépasser la logique carcérale des institutions publiques : Entrevue est apparu en premier sur Ligue des droits et libertés.

Le Commissaire à la santé et au bien-être, un chien de garde édenté
Retour à la table des matières Revue Droits & Libertés, aut. 2020 / hiver 2021
Dre Isabelle Leblanc, présidente, Médecins québécois pour le régime public (MQRP) Pour que le droit à la santé soit respecté, il faut des garde-fous à l’intérieur même du système en place, en plus de la vigilance des citoyen-ne-s.Retour sur le passé
L’abolition du poste de Commissaire à la santé et au bien-être (Commissaire) a fait des vagues en 2016 et sa remise en place en 2018 a été accueillie avec enthousiasme par la société civile québécoise. Pourtant, on semble avoir oublié que le poste de Commissaire (créé en 2005 par le Ministre Couillard par la Loi 33[1]) est une version édulcorée et centralisée du défunt Conseil de la santé et du bien-être (Conseil), qui a fait partie de l’organigramme du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) de 1992 à 2005. Ce Conseil visait explicitement à « contribuer à l’amélioration de la santé et du bien-être de la population en fournissant des avis au MSSS, en informant le public, en favorisant les débats et en établissant des partenariats »[2]. Créé avant l’arrivée du mode de gestion entrepreneuriale et des politiques de nouvelle gestion publique, ce Conseil était formé d’abord et avant tout de citoyen-ne-s usager-ère-s du système de santé et de services sociaux, organismes communautaires, intervenant-e-s du domaine social et communautaire et de professionnel-le-s œuvrant sur le terrain, et a été créé au moment où le MSSS adoptait la nouvelle Politique de santé et de bien-être du gouvernement québécois[3].Une vision globale de la santé
Cette politique constatait que beaucoup d’emphase avait été mise sur les soins curatifs, alors que « [l]es déterminants socio-économiques de la santé et du bien-être, c’est-à-dire les facteurs qui relèvent des conditions de vie, n’ont pas reçu la même attention. De plus en plus, on met en évidence les liens que les multiples facteurs économiques, sociaux et culturels entretiennent avec les autres déterminants de la santé. (...) Ces facteurs apparaissent désormais prépondérants »[4]. Le Conseil devait s’assurer que le système de santé et de services sociaux avait cette vision globale et développer un regard critique sur les soins et services en plus d’orienter les décisions gouvernementales.Affaiblissement de la voix citoyenne
En 2005, en contexte de centralisation, de perte de vision populationnelle et de nouvelle gestion publique, le gouvernement du Québec procède à l’abolition du Conseil. Ce comité consultatif et citoyen de nature collective est remplacé par une structure à tête unique à qui est confiée individuellement la fonction de Commissaire à la santé et au bien-être. La mission de la ou du Commissaire est « d’apporter un éclairage pertinent au débat public et à la prise de décision gouvernementale dans le but de contribuer à l’amélioration de l’état de santé et de bien-être des Québécois »[5]. Pour ce faire, il doit apprécier les résultats atteints par le système de santé et de services sociaux en s’intéressant aux différents facteurs qui ont une influence sur la santé et le bien-être. La ou le Commissaire est nommé par un comité formé de député-e-s et de personnes choisies par le gouvernement et recueille des commentaires par recherches ciblées et par consultation publique. Déjà amorcé depuis la fin des années 90, l’affaiblissement de la voix des citoyen-ne-s au sein du réseau de santé et de services sociaux est grandement accentué avec la réforme Barrette par l’adoption de la Loi 10 en 2015. Cette réforme impose les méga fusions d’établissements, la diminution marquée des postes de représentant-e-s des usager-ère-s au sein des conseils d’administration (CA) et l’abolition des postes de représentant-e-s du public. « La participation citoyenne à la gestion et au choix des orientations de notre système public devrait dépasser le geste de faire une croix sur un bulletin de vote une fois tous les quatre ans. Pour garantir le droit à la santé et protéger le bien commun, il est impératif de remettre la notion de service public au cœur de la gestion et de redonner le pouvoir d’administration aux citoyens et aux soignants »[6]. Rappelons qu’en 2005, au Québec, il y avait près de 800 représentant-e-s de patient-e-s et de la population au sein des CA des établissements ; à la suite de l’application de la Loi 10, il n’y en a que moins de 300[7].De l’abolition à la résurrection
Puis, en 2016, le gouvernement procède à l’abolition du poste de Commissaire à la santé et au bien-être, sous prétexte d’économie budgétaire (2,7 millions $). Cette décision survient dans un contexte de grogne populaire découlant des augmentations de la rémunération médicale, des difficultés à obtenir des soins de première ligne et du style autoritaire de la gouvernance ministérielle, et tout de suite après l’annonce du refus des Fédérations médicales de participer à l’une des recherches[8] initiée par le Commissaire qui portait précisément sur le mode de rémunération des médecins, recherche qui n’a jamais pu être terminée. La résurrection du poste de Commissaire qui survient en 2018 semble relever davantage d’une action à caractère cosmétique que de l’expression d’une volonté réelle de remettre en place un véritable contre-pouvoir. En effet, c’est lors du processus d’adoption du PL 150[9] qu’ont été retirés les articles abolissant définitivement le poste de Commissaire, mais comme les employé-e-s avaient déjà été remerciés, les locaux vidés et l’expertise perdue, l’institution ne s’est pas remise en place de façon significative. Et ce, sans compter que son existence demeure précaire puisqu’un autre coup de crayon sur un projet de loi pourrait l’abolir à nouveau.Un chien de garde édenté
La structure initiale du poste de Commissaire à la santé n’était pas idéale, mais avait, au moins, un peu de mordant. La mouture actuelle de ce poste est un peu famélique; elle ou il ne peut pas vraiment intervenir lors des débats ou poser un regard critique sur l‘accès et la qualité des soins offerts aux citoyen-ne-s. Le chien de garde est bien édenté. Il faudra suivre de près les budgets alloués à cette fonction, car il y a un sérieux rattrapage à faire. Il faut aussi lui donner un véritable accès aux données nécessaires à l’accomplissement de sa mission car l’ancien Conseil et l’ancien Commissaire ont tous deux eu maille à partir à ce propos avec les établissements, le MSSS et la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ). À court terme, donnons les moyens financiers et humains à la Commissaire[10] pour qu’elle puisse travailler adéquatement.À moyen terme, il faut restaurer la participation citoyenne et démocratique dans ce mécanisme de surveillance de notre réseau de santé. Il est inacceptable que les citoyen-ne-s et les usager-ère-s du système en soient exclus.Considérant les défis actuels du système de santé et de services sociaux, il apparaît impératif qu’un groupe formé d’expert-e-s et de citoyen-ne-s puisse porter un regard critique à la fois sur la qualité et l’accessibilité de notre système et sur les effets des politiques gouvernementales sur la réalisation du droit à la santé. Ce groupe devrait avoir accès à toutes les données pertinentes (incluant celles de la RAMQ, très opaques), à des moyens financiers et humains adéquats et à la totale liberté de choix de sujets et de problématiques à analyser, sans craindre quotidiennement d’être aboli. À cet effet, il devrait relever uniquement de l’Assemblée Nationale et non d’un ministère qui pourrait le faire disparaitre en tout temps. C’est seulement ainsi que nous pourrons nous assurer de la qualité des soins et services pour toutes et tous.
[1] Projet de loi n° 33, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et d’autres dispositions législatives. [2] https://www.csbe.gouv.qc.ca/publications/archives/conseil-de-la-sante-et-du-bien-etre/communiques/2007-09-17.htmldu-bien-etre/communiques/2007-09-17.html. [3] https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/document-000206/?&date=ASC. [4] Ibid. [5] https://www.quebec.ca/gouv/ministere/sante-services-sociaux/organismes- lies/ [6] Mémoire de MQRP, présenté à la Commission de la santé et des services sociaux, Loi n° 10 modifiant l’organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux notamment par l’abolition des agences régionales, p.10. [7] Ibid, p.5. [8] https://santeinc.com/2016/07/ladieu-au-commissaire/ [9] Projet de loi n° 150, Loi visant l’amélioration des performances de la Société de l’assurance automobile du Québec, favorisant un meilleur encadrement de l’économie numérique en matière de commerce électronique, de transport rémunéré de personnes et d’hébergement touristique et modifiant diverses dispositions législatives (titre modifié). [10] Le poste de Commissaire à la santé et au bien-être est actuellement occupé par Madame Joanne Castonguay.
Retour à la table des matières

L’article Le Commissaire à la santé et au bien-être, un chien de garde édenté est apparu en premier sur Ligue des droits et libertés.

L’inclusion du droit à la santé dans la Charte des droits et libertés de la personne
Retour à la table des matières Revue Droits & Libertés, aut. 2020 / hiver 2021
Christine Vézina, professeure agrégée, faculté de droit, Université Laval Membre du conseil d’administration de la LDL - Section de Québec En 2003, dans son bilan des 25 ans de la Charte des droits et libertés de la personne[1], la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) recommandait que le droit à la santé soit inscrit dans la Charte[2]. Or, près de 20 ans plus tard, l’absence de ce droit dans le texte fondamental qui protège les droits au Québec persiste. En effet, bien que le législateur ait choisi, en 2006, d’incorporer le droit à un environnement sain à l’article 46.1 de la Charte, lequel était d’ailleurs présenté comme entretenant un lien intime avec la santé dans le Bilan de la CDPDJ, il a sciemment opté pour le silence, quant au droit à la santé. Ce vide détonne dans un texte souvent cité en exemple pour son intégration des droits économiques sociaux et culturels. Il place le Québec en défaut face aux obligations internationales qu’il a lui-même endossées en ratifiant le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC)[3] en 1976. En effet, suivant le principe de l’interrelation, de l’interdépendance et de l’indivisibilité des droits de la personne[4], les États parties doivent conférer à tous ces droits la même protection et les mêmes recours à moins de démontrer que des motifs rationnels imposent de les traiter différemment[5].Inclusion du droit à la santé à la Charte
La pandémie dans laquelle nous sommes confiné-e-s depuis les 7 derniers mois ne cesse de révéler au grand jour les effets néfastes des violations des droits économiques, sociaux et culturels, dont le droit à la santé, qui sévissent en toute impunité au Québec. Il est indéniable que les coupes à blanc opérées dans le système de santé et des services sociaux l’ont fragilisé indûment et ont miné sa capacité à répondre adéquatement à la crise. Sans faire croire que l’intégration d’un droit à la santé dans la Charte puisse à elle seule régler tous les maux de la gouvernance néolibérale, et sans nier les effets pervers associés à la judiciarisation du social[6] et aux difficultés d’accès à la justice, nous sommes d’avis que l’incorporation dans la Charte d’un tel droit pourrait contribuer à élargir le champ des possibles. Pour ce faire, il faudrait d’abord que l’inclusion de ce droit parvienne à déjouer les obstacles qui se sont cristallisés dans le droit au cours des 20 dernières années. À cette fin, le choix des mots aura tout son poids. La CDPDJ recommande dans son Bilan d’insérer dans la Charte le « droit de toute personne de bénéficier des programmes, biens, services, installations et conditions lui permettant de jouir du meilleur état de santé qu’elle puisse atteindre »[7]. Pour une plus grande effectivité, il nous semble que cette formule gagnerait à être précédée par les termes explicitement employés à l’article 12 (1) du PIDESC. Cet ajout pourrait se lire comme suit : toute personne a droit « de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre »[8]. Loin d’être cosmétique, cette symétrie terminologique avec le PIDESC serait primordiale pour favoriser des interprétations conformes au droit international[9] et ainsi empêcher les organes judiciaires de vider le droit de son contenu, comme l’a fait la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Gosselin, sous prétexte d’ambiguïtés dans le texte de l’article 45 de la Charte[10]. Il importerait également de veiller à ce que le législateur s’abstienne de limiter, dans le texte de cette disposition, les programmes, biens, services, installations et conditions à ceux « prévus par la loi »[11]. Ce type de mention, qui certes, pourrait simplement signifier une obligation positive de prévoir dans les lois l’accès aux mesures appropriées[12], a été interprété par la Cour suprême d’une manière telle à conférer au législateur une complète discrétion quant à la suffisance des mesures législatives et à mettre à l’abri du contrôle judiciaire toute évaluation de l’adéquation de ces mesures par rapport au contenu du droit protégé[13]. Mais dans l’éventualité où le texte reconnaîtrait clairement et explicitement, sans aucune limitation intrinsèque, un droit à la santé indépendant[14] et autonome, il devrait en principe s’imposer à l’État sous la forme d’obligations négatives et positives, tel que le précise le Comité des droits économiques, sociaux dans son Observation générale no. 14[15]. Sur cette base, l’État serait tenu, à tout le moins, de 1) s’abstenir d’agir de manière à porter atteinte au droit à la santé, y compris par l’adoption de mesures régressives[16] et 2) d’adopter les mesures requises pour assurer l’accès à des soins, services de santé et déterminants adaptés aux besoins et réalités des personnes concernées, en accordant une attention prioritaire aux personnes en situation de vulnérabilité[17].Dans un tel scénario, on verrait enfin l’obligation positive d’agir à la charge de l’État activée en matière socio-sanitaire, ce qui en soi représenterait une avancée importante du point de vue des droits de la personne au Québec.Mais à elle seule, l’inclusion du droit à la santé ne pourrait, dans l’état actuel du droit, permettre aux tribunaux de déclarer les lois qui lui sont attentatoires, inapplicables. En effet, aux termes de l’article 52 de la Charte, seules les lois qui violent les droits et libertés fondamentaux (art. 1 à 9, le droit à l’égalité (art. 10 à 20.1) et les droits politiques et judiciaires (art. 21 à 38)), à l’exclusion des droits économiques, sociaux et culturels, peuvent faire l’objet d’une telle sanction. L’inclusion du droit à la santé dans la Charte devrait donc s’accompagner, idéalement, d’une modification à l’article 52 visant à inclure ledit droit, voire l’ensemble des droits économiques, sociaux et culturels, dans son champ d’application. À défaut d’une telle modification, deux autres pistes pourraient être porteuses d’effectivité du droit à la santé. Premièrement, les violations concomitantes au droit à la santé et aux autres droits visés par l’article 52 de la Charte, tel le droit à la dignité (art. 4) ou à la sécurité (art.1) pourraient favoriser une interprétation conciliatrice des droits et entraîner, de manière indirecte, l’inapplicabilité des lois attentatoires au droit à la santé. Deuxièmement, sur le plan des réparations, l’article 49 de la Charte pourrait, nous semble-t-il, permettre aux tribunaux de rendre des ordonnances enjoignant d’agir, en cas d’inaction de l’État, ou forçant la cessation des atteintes au droit émanant des autorités. Bien que les droits économiques, sociaux et culturels soient, dans l’état actuel du droit, privés du bénéfice de l’article 49, cette situation nous semble attribuable aux limitations intrinsèques qui les caractérisent. Partant de là, il nous apparaît plausible de penser que la reconnaissance d’un droit à la santé indépendant et autonome, sans limites intrinsèques, puisse permettre l’accès à de telles réparations. Dans tous les cas, et au minimum, il sera toujours possible pour les tribunaux de prononcer un jugement déclaratoire constatant la violation du droit à la santé. Ce type de jugement, aux effets concrets et directs plus que limités pour le justiciable et qui repose sur une vision symbolique des droits économiques, sociaux et culturels, permettrait, à tout le moins, d’activer un dialogue entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir législatif lequel est plutôt faible, pour ne pas dire inexistant, actuellement. Une telle déclaration pourrait contribuer à définir les balises du droit susceptibles d’être intégrées, en tout ou en partie, par le pouvoir politique, bien que cela soit laissé à sa discrétion. Il y aurait encore à dire, bien sûr, sur toutes les hypothèses qui émergent à l’idée d’une inclusion du droit à la santé dans la Charte. La malléabilité du droit, les principes d’interprétation large et libérale qui s’imposent face à un texte quasi constitutionnel, jumelés à la reconnaissance claire et formelle du droit à la santé laissent croire à la portée transformative d’une telle modification à la Charte. Si la pandémie de COVID-19 parvient à laisser en héritage l’indignation face à la désolidarisation ordinaire qui heurte de plein fouet l’accès à la santé, en particulier pour les personnes en situation de vulnérabilité, le contexte social sera porteur d’effectivité de ce nouveau droit de la Charte. Car en effet, faut-il le rappeler, les valeurs dominantes sont encore celles qui structurent le droit.
[1] RLRQ, C-12 [ci-après, indistinctement la Charte québécoise, la Charte ou la Charte des droits et libertés de la personne]. [2] Pierre Bosset, , Après 25 ans, la Charte québécoise des droits et libertés, vol. 1 Bilan et recommandations, Montréal, CDPDJ, 2003, recommandation no. 3, p. 28. [ci-après, le Bilan]. [3] 16 décembre 1966, 993 RTNU 3 [ci-après, le PIDESC]. [4] J’emploie dans ce texte le terme droits de la personne pour désigner les droits civils et politiques et les droits économiques, sociaux et culturels reconnus et protégés par la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le PIDESC. [5] CDESC, Observation générale 9. Application du Pacte au niveau national, Doc off CES NU, 19e sess, Doc NU E/C.12/1998/24, 1998, par. 7, 10. [6] Tel qu’en atteste, selon certains, la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Chaoulli ayant ouvert la porte aux soins de santé privés en s’appuyant sur le droit à la sécurité et à la vie prévu à l’article 1er de la Chaoulli c. Québec (procureur général) 2005 CSC 35 (CanLII). [7] Bilan, p. [8] PIDESC, art. 12 (1). [9] La présomption de conformité est un principe d’interprétation législative qui, à moins d’intention contraire du législateur, préconise une interprétation du droit interne conforme à celle du droit international à l’égard duquel l’État est tenu, à la suite de la ratification d’un traité. [10] Gosselin Québec (Procureur général), 2002 CSC 84 (CanLII), par. 87, 88, 93 et 94 [ci-après, Gosselin]. [11] Comme, par exemple « dans la mesure et suivant les normes prévues par la loi », à l’ 40 de la Charte ou « dans la mesure prévue par la loi » à l’art. 44 de la Charte ou simplement « prévues par la loi » à l’art. 45 de la Charte. [12] Gosselin, 92. [13] Ib., par. 90. [14] Ib., par. 90. [15] CDESC, Obligation générale no. 14. Le droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint, Doc off CES NU, 22e sess,Doc NU, E/C.12/2000/4, 2000 [ci-après, « Observation générale 14 »]. [16] Ib., 34; CDESC, Obligation générale no. 3, La nature des obligations des États parties, Doc off CES NU, 5e sess, Doc NU E/1991/23 (1990). [17] Observation générale no. 14, par. 12 (b) i), ii), 18, 35, 37, 43 a), f), 52.
Retour à la table des matières

L’article L’inclusion du droit à la santé dans la Charte des droits et libertés de la personne est apparu en premier sur Ligue des droits et libertés.

Les CLSC, nouveau rempart pour le droit à la santé ?
Retour à la table des matières Revue Droits & Libertés, aut. 2020 / hiver 2021
Lorraine Guay, militante au sein du mouvement communautaire autonome et infirmière à la Clinique communautaire de Pointe-St-Charles de 1972 à 1985Au départ… les cliniques populaires
Impossible de parler des CLSC au Québec sans revenir au mouvement des Cliniques populaires des années 60-70, dont elles furent une des inspirations[1]. De quoi ces cliniques étaient-elles porteuses dans le contexte d’alors marqué par de fortes disparités quant à l’espérance de vie, par l’accès aux soins monopolisé par les cabinets privés de médecins et les compagnies d’assurance, par l’endettement ou le recours à la charité publique? Ces expériences hors normes, en rupture avec la médecine libérale, reposaient sur quelques idées fortes telles : une vision globale de la santé qui ne se réduit pas aux seules pathologies physiques, mais qui prend en compte les conditions de vie délétères dans lesquelles vivent les gens, la nécessité pour les populations concernées et particulièrement celles des quartiers dits défavorisés de prendre en main collectivement leur santé, l’importance de leur participation directe à la définition des orientations et des pratiques, la volonté de soutenir cette prise en charge et cette participation par un immense travail d’éducation populaire, le salariat pour les médecins, l’accès gratuit aux médicaments, aux soins dentaires et oculaires, le travail multidisciplinaire contre l’hégémonisme de la seule profession médicale, l’urgence de renverser la pyramide du système de santé — hospitalo et médico centrique — vers un système de première ligne centré sur la communauté. Il ne s’agissait pas seulement de renverser structurellement la pyramide, mais aussi de renverser les pouvoirs (médicaux, technocrates, compagnies pharmaceutiques), les hiérarchies posées en dogmes absolus dans les têtes, les comportements, les pratiques. Le salariat pour les médecins en particulier a suscité l’ire de la Corporation professionnelle des médecins. Le Dr Augustin Roy, son président d’alors, tirait à boulets rouges sur la Clinique de Pointe-St-Charles, l’accusant de pratiquer une médecine soviétique!!!Les Cliniques populaires auront réussi à opérer ces changements, s’inscrivant dans les orientations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui prônait déjà l’importance de la première ligne et de la participation des communautés locales non seulement pour les pays en développement, mais aussi pour les pays soi-disant développés.
Naissance des CLSC : une parenté conflictuelle
Les CLSC naissent dans la foulée du rapport Castonguay-Nepveu paru en 1971[2]. On peut certes affirmer que ce projet gouvernemental marquait une avancée majeure en ce qu’il proposait la gratuité des services de première ligne en santé et services sociaux sur tout le territoire québécois et une relative autonomie de gestion et de participation des citoyen-ne-s, ce qui était quand même novateur pour l’époque. Il y avait enfin une porte d’entrée publique dans le système pour garantir le droit à la santé plutôt qu’une myriade de cabinets privés de médecins dont le souci pour ce droit n’était pas la tasse de thé… Rappelons en effet que les CLSC naissent dans un contexte où les associations de médecins sont contre l’assurance hospitalisation, contre l’assurance santé et même contre les CLSC… Difficile d’avoir accueil plus hostile! Il aura fallu beaucoup de courage aux médecins qui ont choisi de pratiquer en CLSC.Bien que les CLSC n’aient été qu’une pâle copie des cliniques populaires, ils ont grandement facilité l’accès aux services non seulement médicaux, mais aussi sociaux. Un travail collégial entre divers professionnel-le-s s’y est installé.Les premières générations de CLSC, surtout, ont même été très actives dans l’émergence de projets collectifs novateurs basés sur les besoins du milieu et dont on pourrait recenser de multiples exemples dans toutes les régions du Québec[3]. Par ailleurs, le refus du gouvernement de reconnaître officiellement les cliniques populaires comme alternative plus poussée dans des communautés ou des quartiers qui le souhaitaient a entraîné la mort lente de ces cliniques sauf celle de Pointe-St-Charles qui a réussi, grâce à de nombreuses mobilisations, à se négocier un statut particulier dans la Loi sur la Santé et les Services sociaux.
Les CLSC… largués par les décideuses et décideurs politiques
Force est de constater toutefois que gouvernement après gouvernement, peu importe le parti au pouvoir, les CSLC sont demeurés cette structure embarrassante dont on ne voulait plus en haut lieu. Ils ont dû faire face à de multiples obstacles tout au long de leur courte histoire, entre autres : boycott systématique par le corps médical ; absence d’investissements substantiels capables de soutenir l’implantation d’une véritable première ligne au Québec ; refus d’une politique pro-active de recrutement de médecins (salaires adéquats ou même majorés comme en région éloignée, les CLSC étant le territoires éloignés de la médecine, passage obligé de tout étudiant-e en médecine familiale, etc.) ; tendances bureaucratiques, etc. Bien plus, la complaisance avec laquelle les gouvernements ont laissé croître les cliniques privées a placé les CLSC en position de concurrence face à la population et face aux médecins, accréditant une mcdonalisation de la médecine de première ligne (le fast food des sans rendez-vous et des sans suivis ; des problèmes physiques amputés de leur dimension psycho-sociale qu’on relègue par ailleurs au secteur public…)[4]. Exit la première ligne publique… Le coup de grâce est venu du rapport Clair[5], qui proposait la création d’une nouvelle structure, les Groupes de médecine de famille rompant avec la vision CLSC et redonnant le pouvoir aux médecins seuls… « On a développé les CLSC pour offrir des services de première ligne et des ressources dévouées à la prévention de la santé. Comme les médecins n’y sont pas allés, on amène aujourd’hui les professionnels aux médecins dans les GMF. Mais notre crainte, c’est qu’on est en train de mettre en danger tout le cœur de la mission des CLSC »[6].Et en effet le GMF a évacué pour de bon l’aspect de prise en charge globale de la santé pour une communauté donnée, de même que la participation citoyenne. Les autres professionnel-le-s de la santé sont sous la gouverne des médecins et le volet social est réduit à une activité de triage.Les fusions des CLSC avec les CHSLD et les hôpitaux non universitaires (Réforme Couillard de 2004), suivies de leur intégration au sein de méga structures (CISSS/CIUSSS[7]) (Réforme Barrette de 2015) marquent la disparition lente, mais inexorable de la mission particulière, originale, spécifique de cette institution du réseau de la santé. L’implication citoyenne y a été complètement évacuée. L’idée fondatrice des cliniques populaires et des premiers CLSC, à savoir que les populations devaient prendre collectivement leur santé en main, a été totalement éliminée. Le droit à la santé de certains groupes minoritaires a été bafoué entre autres parce qu’il n’existe plus de représentation populaire aux différents Conseils d’administration. Le gigantisme des établissements a noyé tout effort significatif de représentation et de participation.
On aura ainsi tué dans l’œuf ce que le Québec a produit de meilleur sur le plan de l’organisation d’un système de santé et de services sociaux.
Les CLSC… y revenir sans revenir en arrière
Le contexte et le rapport de force ont changé. La privatisation du système (ouverte ou passive) s’est beaucoup développée. Un nouveau rapport de force doit surgir des mouvements sociaux et de l’intérieur même du réseau de la santé et des services sociaux. On ne répète pas l’histoire. On ne refait pas du pareil au même. Le moment est venu de revoir la pertinence du projet CLSC sans revenir en arrière. Il s’agit plutôt de s’inspirer des origines de ce projet et de celui des cliniques populaires pour créer du neuf, pour mettre en place une véritable première ligne publique au Québec par des structures de proximité souples, participatives, à taille humaine et dans lesquelles le droit à la santé constituerait un principe non négociable.[1] On fait référence ici en particulier à la Clinique des citoyens de St-Jacques, à la Clinique communautaire de Pointe-St-Charles, à la Clinique du peuple de St-Henri. [2] Commission d’enquête sur la santé et le bien-être social (CESBES). [3] Serge Mongeau, Non, je n’accepte Autobiographie, tome 1 (1937-1979). Chap. XIV, Les Éditions Écosociété, 2005. [4] Lorraine Guay, ex-infirmière à la Clinique communautaire de Pointe-St-Charles de 1972 à 1985, Les fusions de CLSC : chronique d’une mort annoncée. Marche avant vers le passé. [5] Gouvernement du Québec, Commission d’étude sur les services de santé et les services sociaux, Les solutions émergentes (Commission Clair), [6] Caroline Dubé, présidente de l’APTS, citée dans Jessica Nadeau, Le Devoir, 3 mars 2016, Québec atrophie les [7] Centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS) et Centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux (CIUSSS). Retour à la table des matières

L’article Les CLSC, nouveau rempart pour le droit à la santé? est apparu en premier sur Ligue des droits et libertés.