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Portugal-élections. « Le Bloco s’engage à conduire une opposition combative face à la droite »

19 mars 2024, par Bloco de Esquerda — , ,
Dans une élection à laquelle environ deux tiers des électeurs inscrits ont participé [le taux d'abstention s'est élevé à 33,77%], le résultat final est un glissement à droite, (…)

Dans une élection à laquelle environ deux tiers des électeurs inscrits ont participé [le taux d'abstention s'est élevé à 33,77%], le résultat final est un glissement à droite, bien que l'AD-Alliance démocratique (y compris la coalition PSD/CDS à Madère) ait une courte avance sur le PS [76+3 contre 77 pour le PS – voir tableau résultats ci-dessous].

Tiré de A l'Encontre
11 mars 2024

Déclaration du Bloco de Esquerda

Cette élection a été marquée par l'ascension de Chega, qui a triplé le nombre de voix obtenues en 2022 et dépassé la barre du million de voix de 18% [18,06% et 48 députés]. Le PS a perdu près d'un demi-million de voix, passant de 41,74% à 28,66%, tandis que AD (y compris la coalition PSD/CDS à Madère) a perdu plus d'un point de pourcentage par rapport aux résultats de leurs partis en 2022, pour atteindre 29,49% [28,65% + 0,86%]. IL-Initiative libérale a obtenu 5,08% (4,65 % en 2022), le Bloco a maintenu les 4,46% de l'élection précédente, CDU (PCP-PEV) a perdu un point à 3,3% et Livre (écologistes) a obtenu 3,26%, presque trois fois plus qu'il y a deux ans. Le PAN-Personnes–Animaux–Nature a obtenu 1,93% (1,47 % en 2022).

En ce qui concerne les sièges, avec quatre députés des circonscriptions d'émigration encore à attribuer, le PAN a 1 siège au Parlement, le CDS 2, le PCP 4, Livre 4, le Bloco 5, IL 8, Chega 48, le PS 77 et le PSD 76.

Dans les résultats par circonscription, AD l'emporte à Porto avec seulement un millier de voix d'avance sur le PS, ainsi qu'à Leiria, Aveiro, Guarda, Viseu, Bragança, Vila Real, Braga, Viana do Castelo, aux Açores et à Madère. Le PS a gagné à Lisbonne, Setúbal, Beja, Evora, Portalegre, Santarém, Castelo Branco et Coimbra. Chega a remporté la circonscription de Faro, est arrivé deuxième à Setúbal, Beja et Portalegre et n'a pas réussi à élire des députés seulement à Bragança.

Dans sa première réaction aux résultats, qui n'étaient pas encore définitifs, Joana Mortágua [sœur jumelle de la porte-parole du Bloco, Mariana Mortágua], dirigeante de la fraction du Bloco au Parlement, qui a été réélue à Setúbal, a déclaré qu'ils « confirment un glissement vers la droite », en raison d'une « appréciation négative [par l'électorat] de la politique de la majorité absolue du PS, ce que nous faisons également ». Quant au résultat du Bloco, en conservant le groupe parlementaire et en augmentant le nombre de voix par rapport à 2022, « c'est un signe de confiance dans le Bloco pour tout ce qui peut arriver : que ce soit pour former une majorité ou pour être une opposition déterminée et féroce face à la droite ».

Dans sa déclaration le soir des élections, le leader du PS a reconnu qu'il serait très difficile d'inverser la répartition des députés avec les votes des émigré·e·s [non encore disponibles] et a préféré reconnaître la défaite et passer à l'opposition. Pedro Nuno Santos a une nouvelle fois promis qu'il ne voterait pas les motions de rejet d'un futur gouvernement AD. « Le PS ne laissera jamais le leadership de l'opposition à André Ventura », a-t-il poursuivi. Il a ajouté : « Qu'il soit clair que ce n'est pas nous qui soutiendrons un gouvernement AD. »

Dans la réaction du leader du PSD, à la question de savoir s'il maintenait son « non est non » à un accord avec Chega, Luís Montenegro a réaffirmé sa promesse de campagne et a dit qu'il espérait que Marcelo Rebelo de Sousa [président de la République] le nommerait pour former un gouvernement. (Déclaration faite à 00:07h le 11 mars 2024 ; traduction rédaction A l'Encontre)

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Ce premier communiqué du Bloco a été suivi d'une intervention de Mariana Mortágua depuis le QG électoral du Bloco.

« Mariana Mortágua a déclaré que le glissement à droite résultant des élections de ce dimanche « est le reflet de l'échec de deux années de politique désastreuse de la part de la majorité absolue du PS ».

Mais malgré ce virage, elle a souligné que « le Bloco a résisté et nous avons augmenté nos suffrages d'environ 30'000. Il a tenu bon dans ces élections, nous avons gardé tous nos mandats. » Et c'est avec cette force que « nous ferons partie de toute solution qui écartera la droite du gouvernement », a-t-elle poursuivi.

Lors de ces élections, le Bloco a réélu deux députés à Lisbonne (Mariana Mortágua et Fabian Figueiredo) et à Porto (Marisa Matias et José Soeiro) et a réélu Joana Mortágua à Setúbal.

« Je veux que les gens de gauche sachent qu'ils auront dans le Bloco l'opposition la plus combative à la droite », a déclaré la coordinatrice du Bloco, promettant de contribuer à « construire une alternative à la gauche pour défendre notre peuple ». (11 mars, 00:33h)

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L’État Français : une politique étrangère criminelle laissée impunie

19 mars 2024, par Maxime Motard — , ,
Depuis plusieurs décennies la politique étrangère de la France est contraire aux Droits de l'Homme, opposée à l'émancipation, à la paix, à la justice. Après la brutalisation de (…)

Depuis plusieurs décennies la politique étrangère de la France est contraire aux Droits de l'Homme, opposée à l'émancipation, à la paix, à la justice. Après la brutalisation de la colonisation, la France continue de dominer les peuples en scellant des alliances avec des États répressifs, policiers, autoritaires sans que ça ne suscite trop de débat.

Photo montage de Serge D'Ignazio

Dans plusieurs pays la situation humanitaire est catastrophique comme au Yémen et bien sûr à Gaza et en Cisjordanie où les agressions impérialistes ont fait plusieurs milliers de morts. S'il y a eu le Tribunal de Nuremberg pour juger les criminels de guerre nazis, aujourd'hui, un tribunal de cette ampleur fait défaut pour juger les assassins et leurs complices.

A l'inverse, ce sont les résistants, les écologistes, les anticolonialistes qui doivent rendre des comptes, se justifier… alors que ceux qui répriment, bombardent, affament où ratifient les contrats de vente d'armes dorment tranquilles. C'est un grand paradoxe. Dans la Constitution, il n'est pas prévu et souhaité que le parlement, et encore moins la population, est un droit de regard et de contrôle sur la politique étrangère de la France. Tout se passe dans l'ombre. Même une porte-parole du gouvernement (Prisca Thévenot) peut sincèrement répondre qu'elle ne sait pas si les ventes d'armes à Israël continuent encore. Le pouvoir est aussi peu démocratique qu'il est violent, l'un permettant l'autre. L'ignorance et le dénie favorisant les affaires. Dans une note toute récente, Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI, l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm) relève que la France a gagné une place sur le podium mortuaire. Elle est devenue le deuxième fournisseur d'armes au monde, après les Etats-Unis, devant la Russie et la Chine pour la période 2019-2023.

Bien sûr, ces ventes d'armes ne datent pas d'aujourd'hui. Sans remonter trop loin on peut prendre 2011, date des révolutions arabes, comme point de bascule. Cette année, il y a le souffle de la révolte avec des aspirations démocratiques et sociales fortes des peuples en lutte. Or, plutôt que d'être du côté des immolés, des sacrifiés, des révolutionnaires, la France s'est rangée du côté des contre-révolutionnaires, renouvelant finalement les amis d'hier. Le meilleur mariage étant celui du tyran égyptien Abdel Fattah al-Sissi qui entretient de très bons rapports avec la France si on en croit les contrats d'armement signés.

La France a vendu quantité d'armes à l'Égypte, devançant même les États-Unis, pour devenir le principal fournisseur d'armes du pays entre 2013 et 2017. Exploit sinistre. Amnesty International en donne le détail.
“Pour la seule année 2017, elle a livré pour plus de 1,4 milliard d'euros d'équipements militaires et de sécurité. La France a fourni des navires de guerre, des avions de chasse et des véhicules blindés, et des entreprises françaises ont fourni, avec l'accord du gouvernement, des technologies de surveillance et de contrôle des foules, dans l'opacité et sans contrôle suffisant

sur l'utilisation finale de ces équipements fournis à l'armée et la police impliquées dans de graves violations.”
Macron a reçu en 2020 ce même dirigeant alors que les forces de répression étaient en plein travail en Egypte : il y a eu dans le cadre des opérations antiterroristes au Sinaï des exécutions extrajudiciaires et des disparitions forcées. Al-Sissi s'est servi abusivement de la législation antiterroriste pour éradiquer le travail légitime en faveur des droits humains et supprimer toute opposition pacifique. Une idée qui sera reprise par Macron dans un autre contexte et sous différentes modalités.

2011, année des révolutions arabes, de la solidarité de ceux d'en bas contre un système répressif, corrompu et inégalitaire, c'est aussi l'année où les bourreaux continuent de conclure des alliance pour maintenir le contrôle, la surveillance et la répression sur une population que la classe dominante veut soumise. Le 7 octobre 2011, à Ankara, Claude Guéant et Idris Naim Sahin, ministres de l'intérieur de leurs pays respectifs, signent un « Accord de coopération dans le domaine de la sécurité intérieure entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Turquie ». Cet accord de coopération policière permettait, entre autres, de faciliter le travail de la police turque pourchassant des opposants réfugiés à l'étranger. Des centaines de personnes réfugiées en France peuvent alors, avec l'accord, être menacées d'extradition.

Si l'Etat se pare des vertus de l'Etat de droit dans ses discours, dont il n'y est pour rien (et n'en a accordé aucun), il pratique la politique de la force à l'intérieur et à l'extérieur de ses frontières avec l'argument que cette violence serait légitime et les contrats de ventes d'armes, légaux.

On connaît l'État policier chez nous pour le matraquage de la résistance, la répression des soulèvements de la terre, la criminalisation des syndicalistes, l'intimidation lors des manifestations, à l'étranger, cette violence d'Etat se fait d'une autre façon, par des accords de coopération ou des contrats d'armements. A l'étranger, par son engagement pour couvrir et soutenir militairement des régimes ultra-violents, la France est complice dans le maintien d'un ordre injuste, dans la répression, et même dans la perpétuation de crimes de guerre.

Arrêtons le massacre !

Entre 2014 et 2018 les exportations d'armes françaises ont augmenté de 47% ; elles représentent désormais 11% des ventes d'armes dans le monde. La politique répressive ici est ailleurs clairement criminelle car elle participe à la destruction du monde, de nos frères et sœurs humains. Presque 400 000 morts au Yémen. Plus de 30 000 morts à Gaza. Il faut juger les assassins, ceux qui tirent, ceux qui forment, ceux qui vendent des armes en dépit de tout ce que l'on sait et que l'Etat refuse de voir en face. En 2017 par exemple, la France refuse de recevoir Amnesty International et son rapport qui expose la complicité de la France dans le drame humanitaire au Yémen car elle fait partie, comme le Royaume-Uni ou les États-Unis, de la coalition menée par l'Arabie Saoudite qui mène une guerre d'agression au Yémen. Cette guerre a fait presque 400 000 morts, répétons-le, des milliers de mutilés et d'orphelins. Alors que la révolution yéménite de 2011 était pacifiste, les forces répressives ont été sans pitié pour défendre le statu quo. Le conflit a encore une dimension sociale car le Yémen est détruit, pauvre et inégalitaire, et c'est bien une révolution qui pourra en finir avec cette injustice et non pas des bombardements sans fin qui n'ont pour seule finalité que de rajouter de la violence à la violence. “Sur la période 2015-2019, la France est fortement engagée auprès des principaux pays de la coalition militaire qui intervient au Yémen. Et cela, alors même que le 27 janvier 2020 le groupe d'experts des Nations unies sur le Yémen rapporte, une nouvelle fois, que : « Toutes les parties ont continué de commettre en toute impunité des violations du droit international humanitaire et du droit international des droits de l'homme au Yémen.”
Dans le cadre de cette guerre, l'Arabie saoudite a passé 11 milliards d'euros de commandes à la France en 9 ans, selon le journal Le Monde. Ainsi, la France est le troisième pays fournisseur d'armes de l'Arabie saoudite (4,3% des importations saoudiennes) sur la période 2015-2019 derrière les États-Unis (73%) et le Royaume-Uni. En 2015, la France a livré à ce pays pour 900 millions d'euros d'équipements militaires dont 115 véhicules blindés ainsi que plus de 700 fusils de précision. Selon le SIPRI (Stockholm International Peace Research Institute), en 2016, la France aurait livré des navires intercepteurs aux gardes côtes saoudiens, dans un contexte de blocus maritime partiel du Yémen. En dépit de la guerre d'agression, de la situation humanitaire catastrophique au Yémen où 80% des victimes sont des civils, les affaires restent ; les contrats tiennent.

Parmi les commandes historiques de la France, sans prétendre les passer toutes en revue, il y a eu la vente de 80 avions Rafale en 2021 ; commande passée par les Emirats Arabes Unis. Un contrat intéressant pour les marchands de mort et pour l'Etat puisqu'il est de l'ordre de 16 milliards d'euros. Clairement, la France est complice des guerres menées à la population par les Etats bourgeois et rétrograde comme les monarchies du Golfe qui se surmilitarisent pour menacer et attaquer leur propre peuple, ou des peuples voisins. Tandis que dans ces pays on surexploite, on maltraite, on exécute, on bombarde, on torture, les contrats tiennent toujours.

Alors que le candidat Macron promettait en 2017 de “n'avoir avec le Qatar et l'Arabie Saoudite aucune complaisance”, il a continué les ventes d'armes et s'est rendu complice de crimes de guerre commis par la coalition portée par l'Arabie Saoudite au Yémen. Personne ne lui en tient vraiment rigueur.

Crimes contre l'humanité

Peut-on vendre des armes à ceux qui financent le térrorisme international et prétendre le combattre ? Peut-on combattre le terrorisme en étant complice du térrorisme d'Etat ? La France soutient la guerre, avant Macron et plus encore avec lui. L'Etat français a une lourde responsabilité : il militarise les puissants et criminalise ceux et celles qui résistent. Il faut en finir avec les armée responsables de crimes contre l'humanité, en finir avec leurs complices, ceux qui les arment puis préparent le terrain culturel avec des formules qui donnent le feu vert aux bombardements. “Le droit inconditionnel à se défendre” voulu par la présidente de l'Assemblée Nationale a fait des ravages. Plus de 30 000 personnes ont été exterminées à Gaza, par les bombes, la faim, les pénuries de médicaments. Ce n'est pas de la défense, c'est une guerre ! Ces crimes doivent cesser. Les soutiens discursifs et les contrats d'armements doivent cesser. Le silence médiatique qui laisse faire doit être rompu.

Répression maintenant et à venir

La place de l'Etat oscille en fonction de sa politique, intérieure ou étrangère ; agent principal de la violence ici pour empêcher tout soulèvement social, toute transformation, il agit de concert à l'échelle internationale pour maintenir un ordre du monde inégalitaire et violent. La coopération entre État qu'on a relevé se fait aussi à travers l'Union Européenne. Là non plus la souffrance et les morts ne semblent n'avoir que peu d'influence dans le choix des partenaires commerciaux.

En 2012 l'organisation War Resisters League lance la campagne internationale Facing Tear Gas aux États-Unis ou elle dénonce le gaz lacrymogène comme étant une arme de guerre, un outil de répression et de torture contre les peuples qui luttent pour une réelle démocratie. Aujourd'hui, les commandes se renouvellent quant à leur contenu, mêlant lacrymogène et explosif.
Si le porte-parole du département d'État des États-Unis de l'époque, Patrick Ventrell, a vanté les mérites de ce gaz chimique en affirmant qu'il « sauvait des vies et protégeait la propriété », en France, le ministre de l'intérieur nie qu'il s'agit d'armes de guerre. On sait que c'est tout un arsenal qui a été utilisé à Sainte Soline, pour ne prendre que cet exemple, pourtant Darmanin ne parle pas d'armes de guerre : il a toujours nié la réalité de ses actes. Avec ce même déni, cette même indifférence pour les conséquences, le gouvernement a lancé une énorme commande de grenades pour le maintien de l'ordre en novembre 2023, et ce, pour un budget de plus de 78 millions d'euros : la plus importante depuis plus de 10 ans selon Maxime Sirvins, journaliste à Politis.
Suite de cette commande passée à la firme Condor, des grenades GL-307 vont être distribuées à la police française. Il s'agit d'une arme à « effets combinés ». Elle explose en provoquant un blast sonore et contient aussi des produits chimiques qui déclenchent un flash lumineux, destiné à aveugler. Encore un contrat commercial qui en dit long sur l'esprit de l'institution policière et de l'Etat. Le nom de l'entreprise brésilienne n'est d'ailleurs pas anodin. Il renvoie au plan Condor, terrorisme d'Etat orchestré par la CIA et les services secrets des dictatures du cône sud (Chili, Argentine, Bolivie, Brésil, Paraguay et Uruguay) dès le milieu des années 1970 pour lutter contre les syndicalistes, les communistes, les révolutionnaires. Les stocks vont alimenter la guerre contre les nouveaux subversifs du XXIème siècle, ceux et celles qui défendent leurs droits et la vie sur terre.

Inquiétant : un test mené en 2020 au Brésil démontre que des « fragments » ont été propulsés bien au-delà des 10 mètres annoncés. « Plusieurs grenades ont, en plus d'exploser tardivement, projeté des éclats à plus de 42 mètres » précise Maxime Sirvins dans Politis.

La voie internationaliste comme issue de secours

Les puissants se reconnaissent entre eux, se célèbrent, se décorent et se congratulent ; il faut bâtir un monde où aucun tyran, exploiteur, écocidaire, ne puisse être décoré ou célébré. Alors que l'ancien président François Hollande à remis la médaille de la légion d'honneur au prince héritier d'Arabie saoudite, Mohammed ben Nayef, également ministre de l'Intérieur, en 2016, Macron, quant à lui, a décoré Patrick Pouyanné, à la tête du polluant groupe TotalEnergies. Il lui semblait opportun aussi de décorer Jeff Bezos (2023). Par ailleurs, il entretient à côté de ça de très bons rapport avec les monarques des pays du Golfe qui le traitent comme “un ami.” A ceux qui fraudent, précarisent, polluent, assassinent, la Patrie est reconnaissante.

Ces accointances dramatiques permettent les accords commerciaux et participent au problème de la guerre contre les peuples qui est aussi, dans le cadre du capitalisme, une guerre contre la biodiversité. Il faut le dire : favoriser l'accumulation du Capital est un choix criminel. C'est le choix de la mort. La politique austéritaire des grandes puissances comme la France, dopée à la croissance fossile et au glyphosate risque d'en finir avec l'humanité. Si le discours est vert, le résultat est vert-de-gris. Ils savent mais mentent, gagnent du temps, et continuent de nous enfoncer dans les abîmes de la catastrophe climatique sans jamais l'assumer, être contredit, ou avoir de compte à rendre quant à leur imposture.

Aujourd'hui le Capital et les énergies fossiles sont les armes les plus massives qui existent car elles ont un impact de destruction systématique sur le vivant. L'arrêt d'urgence à tirer doit être double : en finir avec les ventes d'armes et mettre un terme au cycle d'accumulation du Capital, car les deux sont porteurs d'une destruction de masse. Si le soutien militaire à des pays impérialistes responsables de crimes de guerre pose problème, la continuité capitaliste dans les énergies fossiles est tout aussi criminelle et couvert de la même impunité.

Aux Etats-Unis, Trump a accéléré la dévastation mais de façon assumée, à la différence de Macron, et il se prépare pour un nouveau mandat encore plus destructeur. “Il a dit : Et alors ? Courons au précipice aussi vite que possible, maximisons l'utilisation des combustibles fossiles, y compris les plus dangereux d'entre eux, supprimons toutes les réglementations qui en atténue quelques peu les effets, dépêchons-nous de tout détruire au bénéfice de mes maîtres, les dirigeants d'Exxonmobil avides de profits.” Les criminels de guerre et criminels climatiques devraient rendre des comptes et ça ne se fera pas sans mobilisation, sans libération.

Soyons prêts et organisés : contre les Trump, violeur et corrompu, enclin à en finir avec l'espèce humaine, contre les représentants de la bourgeoisie et des vendeurs d'armes, comme Macron ou Biden, il faut avancer solidaire, avec l'esprit internationaliste, ne reconnaissant comme frontière que la classe sociale.

Organisons nous contre les agressions impérialistes ; au-delà des frontières, soutenons les peuples attaqués, comme ceux d'Ukraine, de Gaza ou du Yémen. Parlons-en autour de nous. Les peuples victimes d'invasion, d'occupation, ont le droit de se défendre, et même militairement en vertu du droit international12. Défendons-les car sans justice il n'y aura pas de paix.

Plutôt que de flatter les puissants, de faire du business avec eux et de les décorer on ferait mieux d'être du côté des opprimés, des femmes, des prisonniers, des prisonnières, des exploités, des organisations qui luttent pour la paix, contre les bombardements, pour le partage des richesses et une alternative écosocialiste. Tout reste à faire.

Maxime Motard, membre de la cimade et militant écosocialiste

Notes
1. “European arms imports nearly double, US and French exports rise, and Russian exports fall sharply”, 11 mars 2024, SIPRI..
https://www.sipri.org/media/press-release/2024/european-arms-imports-nearly-double-us-and-french-exports-rise-and-russian-exports-fall-sharply
2. Amnesty International, "LE PRÉSIDENT MACRON S'APPRÊTE À RECEVOIR AL-SISSI SUR FOND DE RÉPRESSION EN ÉGYPTE”, 2/12/2020. ”https://www.amnesty.fr/liberte-d-expression/actualites/macron-al-sissi-france-egypte
3. Amnesty International, “LA FRANCE TOUJOURS L'UN DES PLUS GROS FOURNISSEURS DE L'ARABIE SAOUDITE”, 12/03/2020.
https://www.amnesty.fr/controle-des-armes/actualites/la-france-toujours-lun-des-plus-gros-fournisseurs
4. Mathilde Damgé, “Vente d'armes : l'Arabie saoudite a passé 11 milliards d'euros de commandes à la France en 9 ans” 23 octobre 2018, Le Monde.
https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/10/23/arabie-saoudite-12-milliards-d-euros-de-commandes-d-armes-a-la-france-en-neuf-ans_5373432_4355770.html
5. War Resisters League, http://www.warresisters.org/
6.Facing Tear Gas : http://facingteargas.org/
7.“When used appropriately these products can save lives and protect property” State Department spokesman Patrick Ventrell said. Egypt imports tear gas from U.S. to battle pro-democracy protestors, World Tribune, 26 février 2013. http://www.worldtribune.com/2013/02/26/egypt-imports-tear-gas-from-u-s-to-battle-pro-democracy-protestors/
8.Maxime Sirvins, “Éclats et traumatismes sonores : les nouvelles grenades du maintien de l'ordre,” Politis, 14 février 2024.
9. “Des projectiles de gaz lacrymogène de l'entreprise Condor (en plus des armes de Defense Technology ou NonLethal Technologies en provenance des États-Unis) ont été utilisés pour mater les manifestants de la place Taksim, et partout ailleurs en Turquie, depuis le début du mouvement fin mai 2013. Amnesty International et six organisations turques de médecins ont dénoncé la violence de la répression policière et
l'utilisation abusive de grenades lacrymogènes comme « armes chimiques ».” Jérôme Duval “Lacrymogène, arme chimique de répression massive”, 25 juin 2013, CADTM.
https://www.cadtm.org/Lacrymogene-arme-chimique-de
10. On connaissait déjà la grenade GM2L qui a mutilé plusieurs personnes à Sainte-Soline et arraché des mains lors de manifestations et de Free Party. Parmis les blessés graves évoquons Serge. Six mois après la manifestation de Sainte-Soline, ce camarade qui fut grièvement blessé ne s'est toujours pas remis. Il garde des séquelles irréversibles liées à la brutalité de l'explosion de la grenade GM2L et à la durée de son coma. La grenade qui l'a percuté a détruit une oreille interne, mettant à mal son équilibre et provoquant une surdité définitive de l'oreille impactée ainsi qu'une baisse de vision. Aussi, le traumatisme crânien a causé une paralysie faciale et des difficultés de mobilité des membres. Là encore, les responsables n'ont rendu aucun compte ; aucune excuse n'a été faite. Pour en savoir plus : https://lescamaradesdus.noblogs.org/post/2023/09/25/communique-n6-un-bilan-detape-de-la-situation-du-s/
11. Noam Chomsky, Vijay Prashad, Le retrait, LUX, 2024. p. 60.
12.Hélas, le soutien est davantage présent pour les pays agresseurs que pour les pays agressés : selon le comité français du réseau européen de solidarité avec l' Ukraine, “seul le tiers des munitions promises a été livré. Les tirs russes sont très, très supérieurs aux tirs ukrainiens. L'infériorité technique de l'armée ukrainienne est directement la conséquence d'une politique de restrictions délibérées dans laquelle la France se distingue, en queue de peloton avec 0,07 % du PIB et 1,98 milliard d'euros d'aide dont 0,7 milliard d'aide militaire, d'après les analyses des organismes indépendants spécialisés (ISW, Kiel Institute) qui soulignent d'ailleurs l'opacité de ces « aides », surévaluées tant par le ministère que par la Commission de la défense de l'Assemblée nationale.”

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10 milliards en moins ? Le mensonge, les prétextes et les dégâts

19 mars 2024, par Clémentine Autain — , ,
C'est donc (re)parti pour une cure d'austérité. Le gouvernement vient d'annoncer des coupes budgétaires d'ampleur qui touchent frontalement tous les domaines de l'État, de (…)

C'est donc (re)parti pour une cure d'austérité. Le gouvernement vient d'annoncer des coupes budgétaires d'ampleur qui touchent frontalement tous les domaines de l'État, de l'écologie à l'école en passant par l'emploi. Une décision sans le moindre débat démocratique.

23 février 2024 | tiré de regards.fr
https://regards.fr/10-milliards-en-moins-le-mensonge-les-pretextes-et-les-degats/

De « quoiqu'il en coûte », il n'est décidément plus question. Le couperet est tombé : le budget de l'État sera amputé de 10 milliards pour 2024. L'annonce de Bruno Le Maire dit tout de la Macronie. La duperie pour appuyer une orientation politique. Le choix du privé et des plus riches, contre les services publics et l'écologie. Le mépris total pour le Parlement et la démocratie, cette décision étant imposée par décret. Un combo.

Diminuer les budgets de l'État et ne pas augmenter les impôts des revenus du capital et des hyper-riches, c'est un choix de société, celui du libre marché et de la loi de la jungle. Pour ce nouveau coup de rabot, aussi fou que cela puisse paraître avec la catastrophe climatique les budgets pour l'écologie paient un lourd tribut. Et les services publics trinquent, ce patrimoine de ceux qui n'en ont pas, ce lieu de l'affectation primaire des richesses. Un drame pour l'égalité et la cohésion sociale.

Le mensonge

Une fois de plus, le gouvernement a agi sur la base du mensonge. Ce dépeçage de notre dépense publique a été savamment calculé par le gouvernement. Le motif ? Un changement de prévision de croissance. Le ministre de l'Économie table aujourd'hui sur 1% de croissance du Produit Intérieur Brut – au passage, rappelons l'urgence à sortir de ce maudit indicateur productiviste qu'est le PIB ! Or, au moment du vote du budget, Bruno Le Maire disait s'appuyer sur une anticipation de 1,4% de croissance. Une surévaluation de totale mauvaise foi puisque l'OCDE évoquait alors une croissance de 1,1%, la commission européenne de 0,8% et le Haut Conseil des Finances publiques de 1%.

En décembre dernier, quand venaient les conclusions des agences de notation, l'ensemble des journaux économiques pointaient une croissance au ralenti et des prévisions assombries. Mais qu'affirmait encore Bruno le Maire, alors interrogé sur France Inter ? « Je maintiens mes prévisions de croissance […] Je reste sur 1,4% ». Plus c'est gros, plus ça passe ? La duperie est pourtant passée avec de grosses ficelles.

Les prétextes

Le reste du travail de légitimation d'une telle décision repose sur le mantra « On n'augmente pas les impôts » et le matraquage sur la dette. Car c'est en leur nom que les suppressions de postes dans les services publics ou de programmes sociaux et environnementaux de l'État sont actées. Il n'est pourtant pas compliqué de s'ouvrir l'espace mental…

D'abord, pourquoi toujours privilégier la baisse de la dépense publique et non l'augmentation des recettes ? Mieux remplir les caisses de l'État aujourd'hui, ce n'est pourtant pas compliqué. Surtout quand on pense aux dividendes des entreprises du CAC 40 versés en 2023 : 97 milliards, soit 21% de plus qu'en 2022 ! Ils ont grimpé dix fois plus vite que l'inflation et on laisse faire. Au même moment, les quatre milliardaires français les plus riches ont augmenté leur fortune de 87% depuis 2020 !

Quand le gouvernement propose de ne pas toucher aux impôts, c'est pour protéger les revenus du capital et les très riches. Pourquoi serions-nous à ce point obligés de comprimer nos dépenses publiques ? Je ne vois que la soumission aux marchés.

Franchement, rétablir l'ISF ou la flat-tax, c'est simple comme bonjour. Revenir sur la suspension de la Contribution sur la valeur ajoutée de l'entreprise (CVAE) aussi, ce qui remettrait pile 10 milliards en plus dans les caisses publiques. Il est tout aussi simple d'instaurer une taxe sur les super profits, d'autant que cette proposition a déjà été adoptée par l'Assemblée nationale, avant d'être balayée par un 49.3.

Le discours globalisant sur les impôts est terriblement pervers. Quand le gouvernement propose de ne pas y toucher, c'est pour protéger les revenus du capital et les très riches. Mais la Macronie veut ainsi laisser entendre qu'elle cajole les classes moyennes dont le sentiment de payer trop d'impôt, pour un rendu de moins en moins satisfaisant en termes de services publics, est réel. La vraie question, de justice sociale et environnementale, est de savoir quels impôts on baisse et lesquels on augmente pour satisfaire nos besoins. Ce débat est confisqué par une approche dilatoire et démagogique. L'urgence, c'est de réhabiliter l'impôt, en le rendant nettement plus progressif.

Il reste le poids de la dette, rabâché à l'envi pour nous faire peur et rendre inéluctable la baisse de la dépense publique. Le choix macroniste de couper 10 milliards s'inscrit dans la lignée des dernières résolutions adoptées par l'Union européenne, auxquelles s'est opposée notre délégation emmenée par Manon Aubry. Une nouvelle cure d'austérité est prévue à cette échelle et le compte attendu s'élèverait à 27 milliards en moins pour la France. Or, ces saignées n'ont strictement rien d'inéluctables.

En effet, contrairement à des pays plus périphériques comme la Grèce, l'Italie ou l'Espagne, la France n'a aucun problème à contracter de la dette sur les marchés financiers. Le titre est perçu comme un actif sûr, à l'instar de l'Allemagne ou des Pays-Bas. Pour l'État français, les investisseurs demandent même deux fois plus de titres que ce qui est émis ! Nous ne sommes pas menacés par une hausse des taux d'intérêts. Alors pourquoi le gouvernement français se soumet-il à la discipline de marché ? L'État fait semblant d'être sous contrainte. A-t-il réellement peur des agences de notation ? Ce serait absurde puisque les dernières dégradations des notes de la France n'ont pas détérioré le taux d'intérêt de l'emprunt. Nous avons besoin des marchés mais eux aussi ont besoin de nous, de notre dette publique qui fonctionne comme une huile de rouage dans leurs transactions. Et par ailleurs, nous sommes protégés par la Banque centrale européenne (BCE) qui pourrait racheter nos titres verts si nous en émettons davantage.

De ce point de vue, les États-Unis de Biden sont beaucoup plus décomplexés. Ils ne craignent pas de s'endetter et le sont aujourd'hui infiniment plus que nous. Ils ont par exemple mis en œuvre le programme Inflation Reduction Act (IRA) avec un plan d'investissement de 400 milliards d'euros pour atteindre les objectifs de réduction d'émissions de gaz à effet de serre et un volet pour réduire le coût des soins, notamment pour les personnes âgées. Et leur économie ne s'est absolument pas effondrée. Au contraire même, Les Échos relève régulièrement sa bonne santé. Quant au FMI, il prévoit une hausse de la dette publique dans les pays riches pour faire face au choc climatique. Et chaque année perdue sur la transition écologique ajoute de la dette publique future, comme le rappelle l'ADEME. Alors, pourquoi serions-nous à ce point obligés de comprimer nos dépenses publiques ? Je ne vois que la soumission aux marchés.

Les méfaits

Au nom de la dette, faire l'économie de 2,2 milliards sur les dépenses de la transition écologique, comme vient de l'annoncer le gouvernement, est une grossière erreur de gestion des finances publiques. L'écologie, « combat du siècle », « priorité du président de la République », peut-on lire sur le site de l'Élysée. Quel blabla ! C'est notamment le programme « Énergie, climat et après-mines » qui va être amputé de 950 millions d'euros. Or, il a pour missions de diriger la France vers la neutralité carbone à horizon 2050, de développer les énergies renouvelables et de soutenir la rénovation énergétique des bâtiments. Le gouvernement s'attaque à la prime Rénov : l'enveloppe passera de 5 à 4 milliards d'euros. Or, 4,8 millions de résidences principales sont des passoires thermiques – et 6,6 millions de résidences au total. La prime Rénov pour 2023 visait la rénovation de… 200 000 logements – et nous savons que le gouvernement n'arrive même pas réaliser ses objectifs ! Pour 2023, ce sera donc une goutte d'eau dans un océan de besoins. Affligeant.

Le couperet s'annonce sévère dans l'enseignement scolaire : entre 8000 et 11 000 postes vont être supprimés. Souvenez-vous, Gabriel Attal disait le 9 janvier 2024 : « Je réaffirme l'école comme la mère de nos batailles à qui je donnerai tous les moyens nécessaires pour réussir ». Balivernes.

Pour moitié des 10 milliards annoncés, Bruno Le Maire prévient qu'il va couper dans le budget de fonctionnement. Pour l'essentiel, il s'agira donc d'emplois publics. Le couperet s'annonce sévère dans l'enseignement scolaire : entre 8000 et 11 000 postes vont être supprimés. Souvenez-vous, Gabriel Attal disait le 9 janvier 2024 : « Je réaffirme l'école comme la mère de nos batailles à qui je donnerai tous les moyens nécessaires pour réussir ». Balivernes. La recherche va prendre également très cher, avec une suppression de 904 millions. Alors que l'on nous fait de grands discours sur la formation professionnelle, le budget dédié se trouve attaqué. Quant à l'aide au développement et la diplomatie, elle sera également sabrée. À ce compte-là, nous sommes très loin d'avoir un autre projet à l'échelle internationale que la vente d'armes et les accords de libre-échange. Consternant.

Au total, des missions d'intérêt général sont maltraitées pour des motifs dogmatiques. Seul un gouvernement totalement soumis aux normes de marché peut s'enferrer dans une telle voie. Et il ose le faire par la voie réglementaire, comme cela lui est possible sous la Vème République dont il est plus que temps de sortir. Mon collègue Éric Coquerel, président de la commission des finances à l'Assemblée nationale, vient de demander un projet de loi de finances rectificatif. Car il est inadmissible que de telles décisions soient prises par décret.

Clémentine Autain

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Allemagne - Pourquoi nous rejetons l’Alliance Sahra Wagenknecht

19 mars 2024, par Internationale Sozialistische Organisation — , ,
Le 23 octobre, Sahra Wagenknecht a participé à une conférence de presse pour annoncer la fondation d'un nouveau parti. L'association au nom évocateur Alliance Sahra Wagenknecht (…)

Le 23 octobre, Sahra Wagenknecht a participé à une conférence de presse pour annoncer la fondation d'un nouveau parti. L'association au nom évocateur Alliance Sahra Wagenknecht - Pour la raison et la justice a été lancée. Parallèlement, la reine sans couronne et neuf autres député·es ont déclaré leur démission de Die Linke. Le groupe parlementaire au Bundestag a de fait éclaté.

Tiré de Inprecor 718 - mars 2024
13 mars 2024

Par Internationale Sozialistische Organisation

Nous considérons que cette scission constitue un projet de rupture avec les positions de la gauche. On n'y trouve aucune référence à une société socialiste et à une perspective internationaliste, pas plus qu'à la classe ouvrière. En lieu et place, il est question de la prospérité de l'économie allemande et d'une plus grande autonomie de la politique allemande. Certes, l'accent est mis sur l'importance de la question sociale, mais les intérêts économiques occupent le premier plan. Sur les questions de société, le BSW (1) se positionne plutôt à droite de l'échiquier politique. Cela est particulièrement évident pour ce qui concerne les questions de migrations, de catastrophe climatique, de féminisme et d'émancipation des personnes appartenant au spectre LBGTQIA+. Les termes porteurs du manifeste fondateur de BSW – « sérieux », « normal », « performance qui doit être récompensée », « honnête », « bon sens », « raisonnable », etc. – sont tous compatibles avec l'arsenal conceptuel des forces conservatrices, d'extrême droite et de l'AfD, et ont manifestement été employés délibérément pour cette raison.

Nos perspectives

La fondation de cette organisation est en outre réalisée de manière extrêmement antidémocratique sous la forme d'un processus piloté d'en haut avec des agences de communication. Des responsables de Die Linke et d'autres partis sont débauchés de manière ciblée. Ce n'est certainement pas de cette manière que l'on peut favoriser un mouvement de renouveau de l'idée socialiste, si nécessaire aujourd'hui.

Nous considérons la fondation de BSW et le parti qui sera formé sur cette base comme un projet rétrograde et nous refusons d'y participer. Nous continuerons à nous impliquer dans le parti Die Linke, même si nous craignons que le parti ne se détache de ses positions partiellement anticapitalistes, qu'il continue à miser beaucoup trop sur les élections, qu'il continue à être trop influencé par les député·es plutôt que par les instances élues du parti et qu'il soit politiquement subordonné aux sociaux-démocrates et aux Verts dans les gouvernements régionaux auxquels il participe. Nous considérons que notre tâche est d'empêcher cela et de contribuer au renforcement d'une aile gauche du parti qui ne mise pas sur la co-gouvernance et la cogestion des rapports capitalistes, mais sur une opposition radicale et un changement fondamental des rapports de force en faveur des salarié·es, des exclu·.es et des exploité·es.

Nous voulons un parti, Die Linke, qui soit différent de tous les autres partis aussi bien dans sa pratique que dans sa culture politique. Un parti de gauche fort et un Die Linke fort nécessitent une orientation réelle vers les mouvements sociaux à caractère émancipateur, en dialogue avec eux, avec une participation aux luttes et avec des efforts constants d'implantation à la base, dans les entreprises et les quartiers.

Le 31 octobre 2023

1. Bündnis Sahra Wagenknecht

L'ISO, Internationale Sozialistische Organisation, est la section allemande de la IVe Internationale.

Déclaration traduite par Pierre Vandervoorde.

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Europe - Crise du secteur agricole : colère dans les campagnes

19 mars 2024, par Isa Alvarez Vispo — ,
Ces jours-ci, les campagnes font la une des journaux et des écrans. On répète ça et là que les campagnes sont en colère. Certains d'entre nous, qui ne vivent pas de ce qu'ils (…)

Ces jours-ci, les campagnes font la une des journaux et des écrans. On répète ça et là que les campagnes sont en colère. Certains d'entre nous, qui ne vivent pas de ce qu'ils cultivent, donnent leur avis et leurs analyses sur ceux qui le font, avec ce que ce genre d'analyse réveille de doute quant aux limites de nos analyses. L'Europe et sa politique agricole commune (la fameuse PAC), les coûts élevés et la faible rémunération de l'agriculture, le traité avec le Mercosur sont cités parmi les principales causes de colère. Mais si l'on regarde de plus près ces mobilisations et les sujets autour desquels elles émergent, on s'aperçoit qu'elles s'enracinent dans des problématiques plus profondes.

Tiré de Quatrième internationale
16 mars 2024

Par Isa Álvarez Vispo

La première chose à noter est qu'il n'y a pas un camp en particulier, mais plusieurs camps qui se mobilisent. Si une grande entreprise multinationale était menacée de couper les approvisionnements extérieurs dont elle dépend, toute l'entreprise serait en colère, mais la situation des propriétaires de cette entreprise et celle des travailleurs seraient différentes. Alors que les propriétaires seraient préoccupés par le fait de ne pas perdre, les travailleurs seraient préoccupés par le fait de survivre. La capacité à résister et à faire face aux crises n'est pas homogène et est traversée par de multiples axes, à commencer par le capital, le pouvoir de décision et le pouvoir de manœuvre dont chacun dispose. Le milieu rural et le secteur européen de l'agriculture et de l'élevage ne sont pas des multinationales, mais ils ont des distances et des inégalités de pouvoir similaires. C'est pourquoi, dans certains pays, comme la France et l'Allemagne, les organisations paysannes se sont attachées à faire comprendre que dans ces mobilisations, tout n'est pas pareil, qu'il y a les intérêts des grandes entreprises, les employeurs agricoles, qui se battent pour ne pas perdre et pour maintenir les macro-projets, alors qu'ils cherchent à survivre avec des vies dignes.

Ils insistent sur le fait que malgré les dates de mobilisation communes et leur rôle à tous dans ce qui se passe dans les champs, ils ne font pas la paire. Ainsi, alors qu'ils réclament une sécurité sociale agricole, des revenus décents et une alimentation qui assure la subsistance des personnes et le refroidissement de la planète, d'autres cherchent à maintenir un modèle qui ne nourrit que les intérêts extractivistes , eux-mêmes soutenus par l'argent public. En outre, à cheval entre les grandes entreprises et les petits agriculteurs, il existe d'autres productions de taille moyenne qui, sans être des géants, ne s'identifient plus comme des petites entreprises ou des agriculteurs. Elles ont adopté le discours du grand comme objectif, mais cette échelle n'est qu'une illusion et leur capacité de manœuvre n'est pas celle des grands capitaux. Ce sont des productions avec un chiffre d'affaires de plusieurs euros, mais elles sont esclaves du modèle, très endettées et avec peu de marge de décision.

Au milieu de toute cette agitation, la droite et l'extrême droite cherchent à attirer le chaland et les grands syndicats agricoles, le moindre mal. Dans ce pays, il n'a pas fallu longtemps pour que les journaux titrent sur la responsabilité de l'écologie dans tout ça, comme si le changement climatique n'existait pas et que les politiques de l'UE étaient écologiques. Cette même UE qui, à la fin de l'année 2023, a approuvé la poursuite de l'utilisation du glyphosate. En réalité, les problèmes du secteur trouvent leur origine dans un modèle agricole et des politiques qui l'ont poussé à son paroxysme. Un modèle qui ignore les besoins et les capacités de la terre et des écosystèmes, générant des illusions avec des intrants. Un modèle orienté vers le marché mondial et totalement dépendant des subventions qui n'est plus viable. L'énergie n'est plus bon marché, ni pour la production, ni pour le transport des produits à des milliers de kilomètres, et même les chiffres de la PAC ont des limites.

Le traité du Mercosur, si souvent évoqué ces jours-ci, n'est qu'une goutte d'eau de plus dans un verre très troublé. Le changement climatique brise les illusions et fixe des limites à l'artificialisation de l'environnement. Les sécheresses, les pluies torrentielles et/ou les températures anormales ne peuvent être gérées par le drone. Alors que le changement climatique gifle et génère de l'instabilité dans le secteur, l'UE tente de se parer de vert et d'appliquer des mesures qui justifient de parler de durabilité, mais sans véritable plan qui accompagne une transition et assure la pérennité dans l'intervalle. Tout cela génère de la colère, de la colère dans l'agro-industrie qui produit les intrants, de la colère parmi ceux qui savent qu'ils en dépendent, et de la colère parmi ceux qui n'en dépendent pas tant que ça, mais qui savent que le coût du changement finit toujours par être payé par les plus vulnérables.

Pour toutes ces raisons, il est réaliste de penser que les droites plus ou moins extrêmes peuvent trouver leur compte dans ces mécontentements. Les différences de modèles et de tailles existent, mais la réalité est que tous, surtout les plus petits et les zones rurales en général, ont été ignorés pendant des années par toutes les sphères politiques. Dans les positions de gauche, il n'y a pas eu de propositions énergiques pour soutenir la défense des petites entreprises et la transition vers d'autres modèles. Dans les discours progressistes plus traditionnels qui parlent de la lutte des travailleur.euses et/ou des classes, on parle toujours de l'urbain, de celleux qui vivent et travaillent sur l'asphalte, et rarement du milieu rural, qu'on sait périphérique. La paysannerie n'est pas identifiée comme essentielle à la lutte des travailleur.euses, alors que sans elle, ils ne peuvent littéralement pas se nourrir. Cela laisse la porte ouverte à ceux qui se tournent soudainement vers le milieu rural, le perçoivent comme un lieu propice à leur profit et tiennent des discours qui, bien que plus bruyants que contenus, semblent s'adresser à celleux qui n'ont jamais été servis.

À ce stade, il est également important de rappeler qu'au-delà des zones rurales qui se rebellent, il y a des gens dans les campagnes qui n'en ont pas l'occasion et ne sont ni nommés ni rendus visibles dans ces révoltes. La ruralité se mobilise, à quelques exceptions près, au masculin singulier ou au pluriel intéressé. Les revendications portent principalement sur le marché. Dans les mobilisations, on voit beaucoup de machines et peu de mains, encore moins de mains de journaliers, on voit surtout des barbes blanches et des crânes chauves et peu de femmes qui mettent des visages, des voix et des besoins sur des propositions et des revendications. Si, sous le regard hétéropatriarcal urbain, la lutte des travailleur.euses ignore celleux qui la nourrissent, il en va de même pour le secteur primaire, qui semble ignorer toute l'aide familiale gratuite qui permet d'équilibrer les comptes, ainsi que les travailleur.euses journalier.es qui, dans des conditions de semi-esclavage dans de nombreux cas, sont essentiels pour que la chaîne puisse continuer à fonctionner. Le discours semble toujours se concentrer sur la manière de soutenir le marché et non sur la manière de soutenir la vie. Les plus négligéEs continuent d'être négligéEs.

La question de savoir qui va nous nourrir, alors que c'est la grande question, n'est pas posée à ce jour. Bien qu'il y ait des différences dans les domaines, dans le secteur primaire, il y a un surplus d'entreprises, mais pas un surplus de personnes. Dans un secteur marqué par l'abandon et le vieillissement, le défi est de générer des transitions qui peuvent soutenir des voies vers des modèles plus durables, équitables et passionnants qui peuvent soutenir et nourrir les gens et la planète d'une manière équitable. Des modèles qui ferment les cycles et qui n'ignorent pas que se nourrir fait partie des soins, des formules basées sur la coopération et non sur des modèles compétitifs qui se contentent de blâmer celleux qui sont au bas de l'échelle au lieu de lutter contre ceux qui les étouffent d'en haut. Nous avons besoin de modèles qui demandent qui décide de notre alimentation, qui parlent de droits, qui proposent la souveraineté alimentaire, le droit de décider de notre alimentation avec des critères de justice sociale et environnementale, comme un parapluie sous lequel s'abriter. Les solutions au changement climatique ne viendront pas de technologies énergétiques non durables, mais d'un regard vers la Terre et de la construction d'une coexistence entre ses besoins et les nôtres. Il est temps de concevoir des politiques qui accompagnent cette transition, qui soient réellement durables. Nous vivons une période compliquée, mais aussi une période d'opportunités. Une occasion de voir que d'autres modèles sont non seulement possibles, mais qu'ils existent déjà. De prendre conscience de l'interdépendance du territoire et d'abandonner le fantasme urbain de l'autosuffisance. Il est urgent de valoriser et de souligner le caractère essentiel de ceux qui nourrissent le monde et d'accompagner les transitions qui soutiennent la vie.

Le 3 février 2024, traduit de Viento Sur

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Manifeste pour la paix/Un monde juste

19 mars 2024, par Collectif — , ,
Vous et moi avons besoin de paix. La paix dans notre pays, la paix avec nos voisins, la paix dans nos familles, la paix en nous. L'absence de paix, c'est la peur, des vies (…)

Vous et moi avons besoin de paix. La paix dans notre pays, la paix avec nos voisins, la paix dans nos familles, la paix en nous. L'absence de paix, c'est la peur, des vies vulnérables pour nous et nos enfants, l'amertume pour notre pays, la honte de notre incapacité à arrêter la catastrophe. Mais il y a aussi ceux, peu nombreux, pour qui l'absence de paix est un immense profit. C'est aussi un moyen de nous manipuler, nous qui vivons d'un salaire à l'autre.

Au cœur de cette injustice se trouve le problème de l'inégalité, qui déchire littéralement la Russie. Les inégalités économiques et politiques sont indissociables. Vladimir Poutine et les élites qui lui sont associées se sont appropriés et ont concentré entre leurs mains des ressources économiques colossales créées par le travail de plusieurs générations. C'est ainsi qu'un groupe de fonctionnaires et d'hommes d'affaires a acquis un pouvoir politique illimité. Cette énorme richesse aurait pu être utilisée dans l'intérêt commun. Mais au lieu de cela, on nous a imposé la réforme des pensions, le SWO et la mobilisation illimitée.

QUI SOMMES-NOUS ET QUE DEMANDONS-NOUS ?

Notre initiative a rassemblé des personnes d'opinions démocratiques, socialistes et communistes - des politiciens, des blogueurs, des activistes. Nous avons élaboré un programme minimum capable d'unir des dizaines de millions de personnes qui n'ont actuellement aucune voix. Nous voulons transformer notre pays en un lieu de développement pacifique et harmonieux, au lieu d'un train blindé qui se précipite sous les rochers. Et nous savons comment le faire.

Nous exigeons une paix juste ! Pas une trêve temporaire, un bref répit, après lequel tout ce cauchemar reprendra de plus belle. Nous, nos enfants et nos petits-enfants avons besoin d'une paix réelle, complète et juste :

1. LA PAIX DANS LES FAMILLES

Ni les mobilisés ni leurs familles ne savent quand l'opération militaire spéciale prendra fin. Des frères, des fils, des maris attendent à la maison des gens ordinaires, très semblables à nous, de l'autre côté du front.

Les mobilisés doivent rentrer chez eux. Nous demandons l'annulation du décret présidentiel N 647 du 21 septembre 2022 "sur l'annonce de la mobilisation partielle dans la Fédération de Russie".

LA VIOLENCE DÉTRUIT LES FAMILLES

De nombreux participants aux conflits armés reviennent avec un psychisme affaibli, ce qui entraîne une recrudescence de la violence domestique. Elle touche les plus vulnérables - les femmes, les enfants et les personnes âgées. Il est nécessaire de mettre en place des programmes de réhabilitation pour les anciens militaires et des centres d'accueil pour les victimes de la violence domestique. Une assistance psychologique gratuite est nécessaire pour tous ceux qui en ont besoin.

UN SOUTIEN AU LIEU D'INTERDICTIONS

Empruntant les rêves les plus radicaux des ultraconservateurs américains et européens, les fonctionnaires russes envahissent nos vies privées et familiales. Ils nous enseignent qui peut être aimé et qui ne peut pas l'être. Ils tentent d'interdire l'avortement, ils veulent dicter aux femmes quand et combien d'enfants elles doivent avoir. Tout cela se fait sous le prétexte de défendre des valeurs traditionnelles nouvellement inventées.

Mais les femmes modernes qui combinent travail et maternité n'ont pas besoin d'interdictions ! Nous avons besoin d'autres choses : des crèches, des jardins d'enfants et des écoles gratuits, une augmentation du capital maternité, des logements abordables pour les jeunes parents.

La démographie dépend directement du niveau de vie général, de notre confiance en l'avenir.

2. UN MONDE SANS ANNEXIONS

Les acquisitions territoriales forcées sont la mèche qui couve une nouvelle catastrophe. Elles ne feront qu'alimenter une course aux armements au détriment d'une économie pacifique. Les hostilités doivent cesser et tous les habitants des territoires concernés doivent jouir pleinement de leurs droits sociaux, démocratiques, culturels et linguistiques.

3. UN MONDE DE TRAVAIL DÉCENT

Nous avons besoin de vie, pas de survie ! Un programme à long terme est nécessaire, comprenant

l'indexation des pensions à un taux nettement supérieur à l'inflation

une augmentation conséquente du salaire minimum

l'augmentation des salaires dans le secteur public

Renforcement du rôle de l'inspection du travail

une politique active de l'État sur le marché du travail - créer des emplois socialement utiles et bien rémunérés (nous avons besoin de plus d'éducateurs, d'enseignants, de médecins et de travailleurs sociaux)

rétablissement de l'âge de la retraite : 55 ans pour les femmes et 60 ans pour les hommes.

4. LA PAIX SUR LE LIEU DE TRAVAIL

Nous sommes tous très dépendants de l'environnement de travail. Nous voulons tous être protégés de l'arbitraire de nos supérieurs. Nous voulons tous être respectés. Nous méritons tous d'avoir notre mot à dire dans les affaires des entreprises et des industries auxquelles nous consacrons une grande partie de notre vie.

Cela n'est possible que si les conditions nécessaires à la création de véritables syndicats sont réunies. L'une de ces conditions est le plein droit de grève. L'expérience et les études internationales montrent que lorsque les travailleurs sont protégés par des syndicats démocratiques et peuvent influencer la politique de l'entreprise, la productivité du travail augmente plus rapidement, la rotation du personnel est plus faible et l'ambiance au sein de l'équipe est meilleure.

5. LA PAIX DANS L'ESPACE PUBLIC

En 2024, le professeur socialiste Boris Yulievich Kagarlitsky est condamné à une peine de cinq ans de prison pour un message posté sur Telegram. Il fait partie des 30 000 défenseurs d'une paix juste qui ont été détenus, condamnés à une amende, arrêtés ou emprisonnés au cours des deux dernières années.

La recherche provocatrice d'espions et de traîtres par le régime divise la société pour mieux la réprimer. Après la mort d'Alexei Navalny, il est particulièrement clair que nous devons exiger la fin de la guerre civile déclenchée par les autorités contre les opposants politiques. Ainsi que l'annulation des articles répressifs du code pénal, y compris l'article 207.3 du code pénal ("article sur les faux"), et la libération et la réhabilitation complète de toutes les personnes condamnées en vertu de ces articles.

6. LA PAIX POUR TOUS, PAS POUR QUELQUES UNS

La concentration des ressources financières entre les mains de quelques-uns, qu'il s'agisse d'hommes d'affaires ou de fonctionnaires, conduit à la dictature. Il est nécessaire de limiter l'influence de la richesse sur le processus politique. Les compagnies pétrolières et gazières et les autres grandes entreprises doivent être placées sous contrôle public. Sinon, leurs énormes profits continueront d'être transformés en yachts personnels, en palais et en instruments de meurtre de masse.

Nous exigeons la responsabilité pénale pour l'enrichissement illégal des fonctionnaires et des députés à tous les niveaux, avec la confiscation des revenus si un fonctionnaire ne peut pas expliquer leur origine légale. (Ratification de l'article 20 de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la corruption).

IMPÔTS

La politique fiscale absurde selon laquelle les pauvres de Russie paient (TVA comprise) un pourcentage plus élevé de leurs revenus au budget que les riches devrait être reconsidérée.

Après deux guerres mondiales désastreuses, les gouvernements européens ont imposé des taxes élevées sur les plus-values et sur les héritages de grandes fortunes. Cela permet de contenir les inégalités et la concentration du pouvoir, et donc d'éviter les guerres et les conflits. Nous devrions nous inspirer de cette expérience, ainsi que des économistes modernes qui se penchent sur le problème de l'impôt sur la fortune.

AMÉNAGEMENT DU CRÉDIT

L'endettement total des Russes détruit notre psychisme et accroît l'agressivité. La dépendance à l'égard des banques pousse de nombreuses personnes à rechercher des revenus dangereux pour elles-mêmes et pour la société, y compris le mercenariat. Nous avons besoin d'une amnistie sur le crédit !

7. VERS LA PAIX PAR L'AUTOGESTION

Si nous voulons une paix durable, le pays doit être gouverné par les citoyens eux-mêmes, et non par une poignée de riches et de dignitaires. La fédéralisation, l'autonomisation des conseils municipaux et une véritable autonomie sont la clé d'une paix juste.

Répartition égale des impôts entre les budgets municipaux, régionaux et fédéraux. Retour aux élections directes des maires et des gouverneurs, suppression des barrières pour les candidats de l'opposition dans les élections à tous les niveaux.

Organismes d'autonomie locale - pouvoirs réels de distribution des budgets municipaux et régionaux, contrôle du développement et de l'utilisation des terres, et développement des infrastructures sociales.

8. PAIX AVEC L'ENVIRONNEMENT

Arrêtez de transformer la Russie en une immense décharge toxique ! Les autorités répriment constamment les manifestations contre les entreprises qui détruisent notre environnement et notre faune. Nous nous souvenons de la lutte contre Shiess, contre Kushtau et de dizaines d'autres conflits. Les entreprises commerciales et gouvernementales - sous contrôle environnemental.

Nous devons rétablir un service forestier complet, lancer des programmes pour renouveler les forêts abattues, nettoyer les rivières et remettre en état les zones abandonnées. Des méthodes avancées de tri et de recyclage des déchets sont essentielles.

9. UN MONDE JUSTE NE PEUT ÊTRE CONSTRUIT DANS UN SEUL PAYS.

LA SOLIDARITÉ, PAS LA CONCURRENCE

Les ambitions impériales de quelques hauts fonctionnaires font de la Russie un pays paria. Nous devons garantir aux pays voisins qu'ils ne seront jamais victimes d'une agression russe. Notre pays ne doit pas provoquer de conflits où que ce soit.

Cela ne signifie pas qu'il doive se retirer de la scène mondiale et abandonner une politique étrangère active. Nous ne pouvons changer notre pays que si le monde entier change avec nous. Si la concurrence pour les ressources et les sphères d'influence est remplacée par la solidarité et l'assistance mutuelle.

La nouvelle Russie pacifique aura toutes les chances de participer activement à la résolution des problèmes économiques et environnementaux mondiaux.

OFFSHORE ET MIGRATION

Notre pays souffre depuis plus de 30 ans de la délocalisation des capitaux et des bénéfices. C'est pourquoi la Russie devrait mettre en place la coalition internationale la plus large possible contre les délocalisations. Elle doit s'orienter vers la création d'un registre unifié des grands propriétaires et vers les principes d'une politique fiscale équitable. Le potentiel de numérisation accumulé ces derniers temps peut et doit être canalisé dans cette direction.

Ces mesures constitueront le fondement d'une véritable lutte contre la corruption. Elles empêcheront les entreprises sans scrupules et les super-riches de se soustraire à l'impôt. Elles aideront à trouver de l'argent pour maintenir et développer la sphère sociale. Mais elles viseront également à éliminer les inégalités de niveau de vie entre les différents pays et régions. C'est la seule façon de résoudre les problèmes liés à la fuite forcée des populations devant la pauvreté, la guerre et la privation de droits. Une vie sûre, l'éducation, l'aide sociale et un travail rémunéré doivent être garantis à chacun.

Nous sommes nombreux, nous sommes différents, mais ensemble nous pouvons construire un pays et un monde/une paix justes

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Plus poutinistes que Poutine !

19 mars 2024, par Yorgos Mitralias — , ,
Ce qui est paradoxale chez les partisans plus ou moins fervents du président Russe Vladimir Poutine et de sa guerre contre l'Ukraine, est qu'ils passent sous un silence (…)

Ce qui est paradoxale chez les partisans plus ou moins fervents du président Russe Vladimir Poutine et de sa guerre contre l'Ukraine, est qu'ils passent sous un silence absolument assourdissant ses déclarations les plus importantes concernant cette guerre. Et qu'ils vont jusqu'à le censurer ! Pas seulement lui, mais aussi son bras droit, le ministre des affaires étrangères Serguei Lavrov. Et pourquoi tout ça ? Mais, pour les… protéger contre leurs dires ! Ce qui fait d'eux d'être plus royalistes que le roi ou plutôt plus poutinistes que Poutine !

8 mars 2024 | tiré du site entre les ligne entre les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/03/08/plus-poutinistes-que-poutine/

Chose peut être encore plus paradoxale, ils sont en bonne compagnie car les mêmes déclarations tonitruantes de Poutine et Lavrov concernant leur guerre contre l'Ukraine, sont presque totalement ignorées également par les médias « ennemis » occidentaux. Évidemment, pour des motifs tout à fait différents, ce qui n'empêche que le résultat de ces deux « censures » combinées soit que presque tout le monde ignore ce que pensent et disent de leur guerre ses instigateurs et protagonistes russes. La conséquence – manifestement voulue – en est de laisser le champ libre à tous les complotismes et autres « explications » plus ou moins opportunistes et fantaisistes des motivations du locataire du Kremlin, qui sont en circulation depuis deux ans… grâce à ces partisans, mais aussi censeurs, de Poutine et de ses amis…

C'est ainsi que tout ce beau monde a préféré censurer la déclaration fracassante de M. Lavrov que… « Israël poursuit des objectifs similaires à ceux de la Russie » ! Cette phrase de M.Lavrov, qui fait d'ailleurs le titre de son importante interview de plus de deux heures, accordée aux agences de presse officielles russes Tass et Novosti le 28 décembre passé, est explicitée longuement pour qu'il n'y ait pas de doute, par l'argumentation suivante ainsi résumée pas Novosti :

« Les objectifs déclarés d'Israël dans son opération en cours contre les militants du Hamas à Gaza semblent presque identiques à ceux de Moscou dans sa campagne contre le gouvernement ukrainien, a déclaré le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, dans une interview accordée à RIA Novosti jeudi. (…) Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a déclaré que l'objectif final de Tsahal était la destruction complète du mouvement Hamas sous toutes ses formes, ainsi que l'élimination de tout extrémisme à Gaza. M. Lavrov a toutefois fait remarquer que ces objectifs semblent similaires à la « démilitarisation » et à la « dénazification », que Moscou poursuit en Ukraine depuis le lancement de son offensive en février 2022 ». [1]

Et pour qu'il ne subsiste pas le moindre doute, voici la phrase originale en question de M. Lavrov contenue dans l'intégralité de l'Interview postée sur le site du ministère russe des affaires étrangères : « Vous avez dit que le Premier ministre Benjamin Netanyahu avait annoncé que le Hamas devait être détruit dans son ensemble et en tant que force militaire. Cela ressemble à une démilitarisation. Il a également déclaré que l'extrémisme devait être éliminé à Gaza. Cela ressemble à de la dénazification ». [2] Se sentant manifestement embarrassés et perplexes par ces déclarations de M. Lavrov, tant ses « amis de gauche » que ses « ennemis occidentaux » ont préféré les cacher soigneusement de leurs publics pour pouvoir continuer à leur raconter imperturbables leurs (contre) vérités tant sur la guerre russe contre l'Ukraine qu'à celle d'Israël contre les Palestiniens de Gaza. En somme, pour une fois que M. Lavrov a dit la vérité, ils l'ont censuré…

Quelques semaines plus tard, le 8 février 2024, Poutine a accordée une très importante interview au célèbre journaliste d'extrême droite Tucker Carlson, que des rumeurs persistantes, dont font écho les médias américains, présentent comme probable colistier de Trump aux élections de novembre prochain. Encore une fois, les poutinistes et poutinisants de tout poil n'en ont pas dit un mot, tandis que les médias occidentaux se sont contentés de noter que le président Russe a déclaré « ne pas vouloir d'envahir la Pologne et la Lituanie ».

Et pourtant, Poutine en a dit des choses terribles qui devraient provoquer des chocs à répétition à tout être normalement constitué. Comme par exemple, quand il semble ré-écrire l'histoire généralement acceptée de la Deuxième Guerre mondiale avec des phrases scandaleuses, dont voici un extrait significatif :

« Non, Hitler a offert à la Pologne la paix et un traité d'amitié. Une alliance qui exigeait en contrepartie que la Pologne restitue à l'Allemagne le « corridor de Dantzig », qui reliait la majeure partie de l'Allemagne à la Prusse orientale et à Königsberg. Après la Première Guerre mondiale, ce territoire a été transféré à la Pologne. Et à la place de Dantzig, une ville, Gdansk, a vu le jour. Hitler leur a demandé de la céder à l'amiable, mais ils ont refusé. Bien sûr, ils ont quand même collaboré avec Hitler et se sont engagés ensemble dans le partage de la Tchécoslovaquie (…) Avant la Seconde Guerre mondiale, la Pologne a donc collaboré avec Hitler. Et bien qu'elle n'ait pas cédé aux exigences d'Hitler, elle a tout de même participé au partage de la Tchécoslovaquie avec Hitler, car les Polonais n'avaient pas cédé le corridor de Dantzig à l'Allemagne, et ils sont allés trop loin, poussant Hitler à déclencher la Deuxième Guerre mondiale en les attaquant. Pourquoi est-ce contre la Pologne que la guerre a commencé, le 1er septembre 1939 ? La Pologne s'est révélée intransigeante, et Hitler n'a eu d'autre choix que de commencer à mettre en œuvre ses plans avec la Pologne » ! [2]

Donc, si l'on en croit M. Poutine, le vrai responsable du déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale est… la Pologne ! Et M. Hitler et son armée, qui, selon lui, se sont montrés si amicaux envers les Polonais, n'ont attaqué la Pologne que… contraints en raison de l'intransigeance des dirigeants de ce pays ! En d'autres termes, Poutine prend pour argent comptant, adopte et nous re-propose ce que Hitler lui-même a dit à l'époque pour justifier son invasion de la Pologne ! Mais, ce qui est encore plus ahurissant est que cette scandaleuse absolution de Hitler et de son Troisième Reich vient de ce même M. Poutine qui n'arrête pas de parler du besoin de « dénazifier » l'Ukraine afin de justifier sa guerre contre ce pays ! Il ne faut pas être un génie pour comprendre pourquoi les divers poutinistes et autres apologistes de l'invasion russe de l'Ukraine n'en ont soufflé mot…

Ce n'est pas par hasard que Tucker Carlson, l'intervieweur américain de M. Poutine, formule ses questions en se référant constamment à l'adresse télévisée « historique » du 22 février 2022 de ce dernier, par laquelle il présentait à ses compatriotes le pourquoi de l'invasion militaire de l'Ukraine, qu'il allait déclencher quelques heures plus tard. Eh bien, deux ans plus tard, tant les « amis de gauche » que les « ennemis occidentaux » de Poutine et de sa guerre contre l'Ukraine feignent d'ignorer totalement ce que Poutine lui-même a vraiment dit ce jour fatidique, et ce pour une raison toute simple : afin d'être libres de pouvoir raconter leurs propres versions – souvent ubuesques – de l'histoire, qui n'ont absolument aucun rapport avec la réalité. Et pour dissiper tout doute et rafraîchir les mémoires défaillantes, voici ci-dessous ce que nous écrivions il y a deux ans jour pour jour, dans un article qui donnait la parole au protagoniste de cette tragédie, à ce Vladimir Poutine qui sait raconter mieux que tout autre le pourquoi profondément réactionnaire et impérialiste de sa guerre contre l'Ukraine et son peuple…


Poutine : « Lénine est l'auteur de l'Ukraine d'aujourd'hui » ou comment tout ça est la faute à… Lénine et aux bolcheviks !

Que diriez-vous si on s'arrêtait de pérorer sur Poutine, sur ses projets géostratégiques et ses visions politiques, et si on prenait la peine de laisser le principal intéressé, Poutine lui-même, nous en parler ? Que diriez-vous si on s'arrêtait un peu d'imaginer ce qu'il pense et ce qu'il veut faire en envahissant l'Ukraine, et au lieu de ça, lui donner la parole pour qu'il nous explique tout de première main ?

Mais, commençons par un quiz : qu'ont-ils en commun les ennemis anticommunistes occidentaux de Poutine et les défenseurs de gauche de Poutine ? La réponse est que tous les deux perçoivent la Russie de Poutine comme une certaine « continuation » de l'URSS. Les premiers pour la critiquer et la condamner, les seconds pour l'approuver et la défendre. Cependant, tant les uns que les autres comptent sans leur hôte, lequel dans ce cas n'est autre que Poutine lui-même. Alors, nous avons trouvé et lu son discours historique du 22 février, dans lequel il a exposé « longuement et en détail », pendant une heure et demie (!), les raisons de la guerre qu'il a déclarée contre l'Ukraine. Et le résultat de cette lecture a été extrêmement révélateur : ce que Poutine pense et dit est diamétralement opposé à tout ce que disent ses ennemis occidentaux et des admirateurs de gauche. Poutine déteste la révolution russe, les bolcheviks et, en particulier, Vladimir Lénine, plus que tout autre chose ! Alors, écoutons ce qu'il dit dès le début de son discours, dont il avertit qu' « il sera long et détaillé » :

« Permettez-moi donc de commencer par le fait que l'Ukraine moderne a été entièrement créée par la Russie, ou plus précisément, par la Russie bolchevique et communiste. Le processus a commencé presque immédiatement après la révolution de 1917, et Lénine et ses compagnons d'armes l'ont fait d'une manière très grossière à la Russie elle-même – par la sécession, en arrachant des parties de ses propres territoires historiques ».

Et pour qu'il soit plus clair, Poutine ajoute ces phrases dignes d'un nostalgique du régime tsariste :

« Du point de vue du destin historique de la Russie et de son peuple, les principes léninistes de construction de l'État n'étaient pas seulement une erreur, ils étaient, comme nous le disons, encore pire qu'une erreur. »

Ceci étant dit, Poutine pousse sa « logique » jusqu'au bout et tire sa conclusion finale, qui n'est autre que « la politique bolchevique a abouti à l'émergence de l'Ukraine soviétique, qui, même aujourd'hui, peut être appelée à juste titre « Ukraine de Vladimir Lénine ». Il en est l'auteur et l'architecte » ! Faites attention à cette phrase de Poutine parce que ce qu'il dit à ses compatriotes est que sa guerre contre l'Ukraine est, ni plus ni moins, une guerre contre « la création de Lénine » ! Évidemment, ni les ennemis anticommunistes occidentaux de Poutine, ni ses apologistes de gauche n'ont montré la moindre envie de mettre en évidence cette phrase, et ont préféré l'enterrer et la passer sous silence pour qu'elle reste inconnue et ne leur crée pas des problèmes…

Nous voici donc au cœur du problème, ce qui nous fait revenir un siècle en arrière, aux premières années du régime soviétique établi après la victoire de la Révolution d'Octobre 1917. Ce que dit d'ailleurs Poutine lui-même quand il prévient ses compatriotes qu'il va « accorder une attention particulière à la période initiale de la création de l'URSS car je pense que c'est très important pour nous », puisqu'il croit que, pour qu'ils comprennent le pourquoi de la guerre contre l'Ukraine, « nous devrons y aller, comme on dit, de loin ». Et juste après, il précise ce qu'il veut dire :

« Permettez-moi de vous rappeler qu'après la révolution d'octobre 1917 et la guerre civile qui a suivi, les bolcheviks ont commencé à construire un nouvel État et qu'il y a eu pas mal de désaccords entre eux. Staline, qui cumule en 1922 les fonctions de secrétaire général du Comité central du PCR(b) et de commissaire du peuple pour les nationalités, propose de construire le pays sur les principes de l'autonomisation, c'est-à-dire de donner aux républiques – les futures unités administratives-territoriales – de larges pouvoirs au fur et à mesure de leur adhésion à l'État unifié ».

En se référant à Staline et son plan, Poutine entre au vif du sujet, qui n'est autre que ce Lénine qu'il hait à mort. Et voici ce qu'il dit :

« Lénine critique ce plan et propose de faire des concessions aux nationalistes, comme il les appelle à l'époque – les « indépendants ». Ce sont les idées de Lénine sur une structure étatique essentiellement confédérative et sur le droit des nations à l'autodétermination jusqu'à la sécession qui ont constitué le fondement de l'État soviétique : d'abord en 1922, elles ont été consacrées dans la Déclaration sur l'Union des républiques socialistes soviétiques, puis, après la mort de Lénine, dans la Constitution de l'URSS de 1924 ».

Nous sommes entièrement d'accord avec la description de Poutine. Sauf que nous applaudissons l'application de ces « idées de Lénine » -et plus particulièrement, de ce damné droit à la sécession – non seulement à son époque mais aussi maintenant, et même partout et toujours, tandis que Poutine les hait viscéralement. Alors, il se demande :

« De nombreuses questions se posent immédiatement ici. Et la première d'entre elles, en fait, est la principale : pourquoi était-il nécessaire d'assouvir les ambitions nationalistes sans cesse croissantes aux confins de l'ancien empire ? (…) « pourquoi fallait-il faire des cadeaux aussi généreux dont les nationalistes les plus ardents ne rêvaient même pas auparavant, et en plus donner aux républiques le droit de se séparer de l'État unique sans aucune condition ? A première vue, c'est totalement incompréhensible, c'est de la folie ».

Simple question rhétorique parce que Poutine connaît déjà la réponse :

« Mais ce n'est qu'à première vue. Il y a une explication. Après la révolution, la tâche principale des bolcheviks était de conserver le pouvoir, c'est-à-dire à n'importe quel prix. Pour cela, ils sont allés jusqu'au bout : aux conditions humiliantes du traité de Brest, à une époque où l'Allemagne du Kaiser et ses alliés se trouvaient dans la situation militaire et économique la plus difficile, et où l'issue de la Première Guerre mondiale était en fait prédéterminée, et pour satisfaire toutes les exigences, tous les désirs des nationalistes à l'intérieur du pays ».

Évidemment, il est absolument inconcevable pour ce va-en-guerre qu'est Poutine que les bolcheviks aient accepté les « conditions humiliantes du traité de Brest-Litovsk » parce qu'ils ont fait leur révolution pour arrêter et pas pour poursuivre la Première boucherie mondiale. Ni que les prétendus… « nationalistes » qu'il méprise tellement, pourraient être les nombreuses nations et ethnies opprimées par l'État absolutiste tsariste, lesquelles revendiquaient leur droit élémentaire à l'autodétermination ainsi que les libertés et droits démocratiques dont elles étaient privés depuis des siècles. Tout ça ne sont que des « folies » et des « fantaisies odieuses et utopiques » pour l'obscurantiste ultra-réactionnaire et « chauvin grand-russe » Poutine. Et c'est pour ça qu'il conclut son retour – si révélateur et didactique – au passé bolchevique de Russie, par ces mots si éloquents :

« Il est très regrettable que les fantaisies odieuses et utopiques inspirées par la révolution, mais absolument destructrices pour tout pays normal, n'aient pas été rapidement expurgées des fondations de base, formellement légales, sur les quelles tout notre État a été construit ».

Conclusion ? Nous n'avons rien à ajouter lorsque Poutine lui-même est en total désaccord avec ses ennemis occidentaux et ses amis de gauche qui prétendent que sa Russie est une sorte de substitut de l'URSS, ou qu'il vise – par exemple avec sa guerre en Ukraine – à la faire revivre ! Tant les premiers que les seconds luttent contre des ombres et nous racontent des bobards tout en faisant de la propagande grossière adressée à des idiots : il n'y a probablement pas d'anticommuniste plus juré et d'admirateur plus farouche de l'empire tsariste que Poutine ! Quant au comment est-ce possible que des gens de gauche qui se disent communistes et même léninistes, arrivent à transformer cet anticommuniste invétéré et capitaliste oligarchique ultra-réactionnaire qu'est Poutine en chef d'état progressiste et anti-impérialiste, ceci plutôt qu'un « mystère », est la preuve du long chemin qui reste à parcourir pour que la gauche redevienne vraiment radicale et donc crédible…

Yorgos Mitralias

Notes
[1] Voir notre article « Sergueï Lavrov : « Israël poursuit des objectifs similaires à ceux de la Russie »
https://blogs.mediapart.fr/yorgos-mitralias/blog/220124/serguei-lavrov-israel-poursuit-des-objectifs-similaires-ceux-de-la-russie
[2] Voir la vidéo de toute l'interview :
https://www.youtube.com/watch?v=fOCWBhuDdDo

Yorgos Mitralias

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Ukraine : Dignes et à leur place, histoires de trois défenseuses au combat

Les femmes dans l'armée ukrainienne ne sont plus une nouveauté, et avec l'invasion à grande échelle, leur présence dans les forces armées a augmenté de manière significative. (…)

Les femmes dans l'armée ukrainienne ne sont plus une nouveauté, et avec l'invasion à grande échelle, leur présence dans les forces armées a augmenté de manière significative.

Tiré de Entre les lignes et les mts
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/03/10/ukraine-dignes-et-a-leur-place-histoires-de-trois-defenseuses-au-combat/

En novembre 2023, les forces armées comptaient plus de 62 000 femmes, dont 43 000 étaient des militaires. Selon la vice-ministre de la défense Natalia Kalmykova, nous avons aujourd'hui le plus grand nombre de femmes sur le champ de bataille en Ukraine dans l'histoire moderne du monde. Grâce aux changements législatifs adoptés en 2018, les femmes peuvent désormais officiellement occuper des postes de combat et de direction dans l'armée. Elles ont également la possibilité d'étudier dans n'importe quelle spécialité militaire. Bien que les femmes dans les unités militaires puissent encore être confrontées au rejet et à ce que l'on appelle la discrimination « douce », elles prouvent chaque jour par leur détermination, leur dévouement et leur professionnalisme qu'elles sont des combattantes dignes de n'importe quel poste. À la veille de la Journée internationale de la femme, Iryna Yuzyk s'est entretenu avec Olena Ryzh, pilote d'assaut, Vira Savchenko, sapeure, et Nastia Confederate, opératrice de drone, au sujet de leur expérience du combat et de leur parcours dans les forces armées.

Les femmes ont été interrogées sur les raisons qui les ont poussées à s'engager, sur la manière dont elles ont choisi leur profession militaire, sur les zones de la ligne de front où elles servent, sur les tâches les plus difficiles et sur l'attitude actuelle à l'égard des femmes dans l'armée.

Olena Ryzh

Olena Ryzh, 42 ans, est fusilière d'assaut au sein de la 47e brigade mécanisée Magura. Dans la vie civile, elle était restauratrice et formatrice en services et communications. Elle habite à Kyiv. Elle a été mobilisée dans les forces armées en décembre 2022. Elle est actuellement stationnée dans la région d'Avdiivka. Elle a reçu la médaille « Pour le courage » de troisième degré du président de l'Ukraine, l'insigne honorifique « Croix des braves » du commandant en chef des forces armées de l'Ukraine et la médaille « Pour la bravoure au combat » de la 47e brigade.

Sur la motivation et le choix de la profession

L'idée de servir m'est venue pour la première fois au cours de l'été 2022. Je ne me sentais plus à l'aise dans la vie civile et je pensais que je n'en faisais pas assez. Je suis allée dans une école militaire de formation tactique pour essayer de comprendre si c'était mon truc ou pas, si j'étais capable de le faire ou pas. J'ai appris un peu de tout : le tir, la tactique, la médecine tactique, le déminage, l'ingénierie. J'ai été formée aux affaires militaires en Allemagne, ainsi que sur des terrains d'entraînement en Ukraine. Au total, il m'a fallu six mois pour terminer la formation. J'ai également commencé à m'intéresser à la 47e brigade et à me préparer à m'y rendre et à occuper une position de combat. J'ai écouté les discours du sergent Valeriy Markus, qui était le visage de la brigade à l'époque. J'étais convaincue que les gens étaient bien traités là-bas. C'est toujours le cas ici. Mon commandant est Oleg Sentsov, celui-là même qui est notre célèbre directeur et ancien prisonnier du Kremlin. Et je fais entièrement confiance à mon commandant.

À propos des missions de combat

Nos premières missions militaires se sont déroulées dans la région de Zaporizhzhya, près de la ville d'Orikhiv, du village de Robotyne et des environs. Aujourd'hui, nous sommes dans la région d'Avdiivka. D'une manière générale, ce que j'ai vu au cours de mon service… J'ai vu des endroits où il n'y a pas de vie. Je me rappelle Robotyne en premier lieu. Pour moi, c'est très révélateur de ce que l'ennemi a fait à notre village ukrainien ordinaire. Il n'en reste que le nom. Il n'y a rien d'autre. C'est un endroit où la mort règne. Où la mort est dans l'air. Et nous avons beaucoup d'endroits de ce type. Toute la ligne de front est ainsi. Un village qui n'est plus un village. Une forêt qui n'est plus une forêt. Et tout cela est parsemé d'objets personnels. Vous n'oublierez jamais les endroits où les batailles ont eu lieu, où vos camarades ont perdu la vie. Lorsque j'entends des civils dire que les députés, les enfants de députés, n'importe qui, devrait aller à la guerre, j'ai le regret de dire que beaucoup de civils ne comprennent pas que nous sommes en guerre. Pas ailleurs, mais sur notre territoire. Aujourd'hui, j'étudie pour devenir infirmière de combat, car il y a une grande pénurie d'infirmier·es. Mais je reste dans l'unité de combat et je continuerai à participer aux missions de combat avec le groupe, comme je l'ai fait jusqu'à présent.

Les femmes dans l'armée

Lorsqu'une femme apparaît pour la première fois sur une position de combat, certains hommes ne la comprennent certainement pas : « Oh, une femme, et qu'est-ce qu'elle peut faire ». Ces hommes examinent attentivement ce que cette personne peut réellement apporter à l'unité. Puis ils s'y habituent. Surtout si vous faites votre travail. Au cours de mes 14 mois de service, j'ai été constamment approchée par des femmes. Elles me demandent des conseils. Elles me posent la question suivante : « Que dois-je faire si je veux servir ? » Elles veulent comprendre où elles peuvent être utiles. Je tiens à dire à toutes les filles qui pensent au service militaire : si vous sentez un appel dans votre cœur, écoutez-le et suivez-le. Si vous ne le faites pas parce que vous ne savez pas comment commencer, où postuler, si on vous acceptera ou non, tous ces doutes disparaîtront dès que vous commencerez à faire les premiers pas. Je pense que nous sous-estimons le potentiel des femmes pour le service militaire et dans les positions de combat. Tout d'abord, nous nous sous-estimons nous-mêmes. J'ai commencé par me dire : je suis une femme, une civile, que vais-je faire là-bas, pourquoi suis-je là ? Mais 14 mois ont passé, et je suis une combattante digne de ce nom dans mon unité. On a besoin de moi à ma place. Comme le dit mon commandant, je suis aussi bonne que beaucoup d'hommes. Il faut croire en soi. Ensuite, le commandant et la société croiront en vous.

Vira Savchenko

Vira Savchenko, sapeure, 41 ans. Elle sert dans la 112e brigade de chars. Elle est actuellement stationnée dans le secteur d'Avdiivka. Dans la vie civile, elle est architecte d'intérieur et designer. Résidente de Kyiv, elle a rejoint les forces armées ukrainiennes le 24 février 2022. Le commandant en chef des forces armées ukrainiennes lui a décerné l'insigne de la Croix d'honneur militaire.

Sur la motivation et le choix de carrière

J'ai rencontré la guerre à grande échelle à Kyiv. Ma sœur et moi avons immédiatement rejoint la défense et, pendant les premiers mois, alors que la menace pesant sur la capitale persistait, j'ai défendu la capitale dans le district de Desnianskyi. Ensuite, j'ai choisi une branche où je serais le plus utile. J'ai choisi le déminage. Et j'ai commencé à chercher des moyens de me rendre à Kamianets-Podilskyi pour étudier au Centre de formation interarmées des troupes du génie. Ce n'était pas facile d'y aller, tout d'abord parce qu'ils y sélectionnaient des soldats des forces armées et qu'il n'y avait pas de place pour les membres de la défense territoriale. J'ai pu étudier dans une école allemande de formation de sapeur·e, en vertu d'un accord entre l'Ukraine et l'Allemagne. Nous avons été formé·es pendant un mois, et ils nous ont également formé·es au travail de sapeur·e. Au cours de mes deux années de pratique, j'ai beaucoup appris « sur le terrain ». J'ai déminé dans la région de Kyiv, les zones proches de Tchernobyl, les champs des agriculteurs pour qu'ils puissent commencer à semer, les chemins forestiers minés et la forêt d'Izium après sa désoccupation. Un an et demi après le début de la guerre à grande échelle, j'ai réussi à étudier à Kamianets-Podilskyi. C'était une école très performante. Après cela, j'ai réintégré mon peloton de génie en tant que commandante de la deuxième escouade et j'ai aujourd'hui le grade de sergente junior.

À propos des missions de combat

La période la plus difficile en deux ans a été celle de la forêt de Serebryanske. Il s'agit de la région de Louhansk, et le territoire au-delà de la forêt était occupé. La forêt elle-même est un champ de bataille permanent, sans arrêt. Nous y sommes allés deux fois. La première fois a été un échec. Nos ennemis nous ont bombardés avec tout ce qu'ils avaient, sans ménager leurs efforts. Notre groupe de sapeur·es n'a même pas eu le temps de travailler correctement. Le bataillon a été vaincu et nous avons subi de lourdes pertes. La deuxième fois, nous y sommes restés six mois, avec plus de succès. Cependant, la situation était telle que le travail des sapeur·es n'était pas le seul nécessaire : le bataillon subissait des pertes, des soldats étaient tués et blessés. C'est pourquoi nous, les sapeur·es, sommes également allé·es occuper des postes dans l'infanterie. Nous sommes resté·es trois jours dans les tranchées. Nos ennemis savaient où nous étions et nous tiraient dessus avec tout ce qu'ils avaient, essayant de brûler tout ce qui nous entourait et de nous brûler. Nous avons sauté hors des tranchées et éteint le feu. Nous avons réussi à défendre nos positions et avons attendu les renforts et la relève. Nous sommes actuellement dans le secteur d'Avdiivka. Nous produisons beaucoup de munitions pour les drones. Notre tâche consiste également à déminer la zone en cas de percée de la ligne de front. C'est ce que nous faisons presque chaque nuit. Que vois-je autour de moi ? Dans ces zones de front, nous rencontrons des villages abandonnés, où il ne reste généralement que quelques civils. Ils vivent dans des maisons délabrées, mais ne veulent pas les quitter pour aller ailleurs. Non, ils n'attendent pas le « monde russe », ils ne voient tout simplement aucune possibilité de commencer une nouvelle vie ailleurs. Il s'agit souvent de personnes âgées en mauvaise santé. Une grand-mère possède trois vaches et ne veut pas les quitter. Ces personnes sont nourries par les soldats et les « anges blancs », comme ils appellent les volontaires. Il y a aussi beaucoup de chats et de chiens abandonnés. Il y en a tellement que nous n'avions pas assez de conserves pour les nourrir, alors j'ai demandé de la nourriture aux volontaires de Lviv. Ils nous en ont envoyés beaucoup.

Les femmes dans l'armée

Une femme dans l'armée… Je ne peux m'empêcher de mentionner ma sœur Nadiya, qui a rejoint l'armée ukrainienne il y a de nombreuses années, y a servi pendant 15 ans et a surmonté tous ces stéréotypes liés au genre, elle a été l'une des premières à franchir ces murs. Aujourd'hui, nous marchons sur un chemin peu fréquenté. Bien sûr, le monde militaire reste un monde d'hommes. C'est pourquoi il arrive que l'on soit confronté à des refus. Surtout quand les hommes sont mus par la vanité. Mais en général, une guerre de grande ampleur a ébranlé tout le monde, quel que soit le sexe ou le genre. C'est pourquoi je constate que tout le monde a les mêmes tâches : survivre, chasser l'ennemi, préserver l'État.

Nastia Confederate

Nastia Confederate, opératrice de drone, 34 ans. Elle sert actuellement dans une unité de drones d'attaque (les autres informations ne sont pas divulguées). Elle travaille sur toute la ligne de front, la plupart du temps dans le secteur de Kherson. En 2015, elle s'est portée volontaire sur le front. Elle fait partie des forces armées depuis mars 2022. Elle réside à Kyiv. Dans la vie civile, elle est pigiste, voyageuse et musicienne. Elle est ouvertement lesbienne.

À propos de la motivation

Lorsque des personnes ordinaires voyagent dans les transports publics et entendent « J'en ai assez de la guerre, il faut y mettre fin », elles doivent savoir qu'il s'agit d'un travail d'agent [d'influence]. Que la personne le dise consciemment ou qu'elle le répète inconsciemment, cela n'a pas d'importance. Il n'est donc pas possible de rester silencieuse. Il est nécessaire d'exprimer haut et fort la position selon laquelle la chose la plus importante aujourd'hui est de ne pas se rendre à l'occupant, de reconquérir et de reconstruire notre propre pays. Car si l'occupant vient, personne ne l'aimera. Au mieux, il n'y aura pas de liberté d'expression. Au pire, ils retrouveront votre corps.

Le choix d'une profession

Je travaille comme opérateur de drone depuis deux ans. Nous disposons à la fois de drones de reconnaissance aérienne et de drones de frappe. Nous sommes actuellement formé·es sur différents drones qui effectuent des frappes avec différents types de cibles. Comme la pratique l'a montré, cela permet d'obtenir un pourcentage élevé de succès sur le plan statistique. Bien sûr, nous perdons des drones, mais comme beaucoup d'entre eux sont créés par les ingénieur·es de notre unité, nous pouvons continuer notre travail. Nous disposons à la fois de drones FPV qui causent du « bien » aux occupants. J'ai été brièvement instructrice en cartographie au Centre de soutien à la reconnaissance aérienne Maria Berlinska et je suis heureuse d'être active pour Victory Drones, le projet de fabrication de drones le plus systématique d'Ukraine. Dans l'ancienne unité comme dans l'actuelle, je suis recruteuse et je sélectionne les candidat·es pour les postes de pilote et d'ingénieur.

À propos de la production de drones

La production de drones en Ukraine existe depuis longtemps. Il s'agit de la développer et d'en faire une priorité. Au lieu de gaspiller inconsidérément des ingénieurs dans les tranchées, il faudrait créer des emplois dans des organisations liées à la défense et nous doter de capacités de blindage, et créer un commandement distinct pour les systèmes robotiques et sans pilote. Ce savoir doit être transmis de génération en génération, car c'est exactement ce que sera cette guerre, même si nous parvenons à repousser l'occupant au-delà des frontières de 1991 dans un avenir prévisible. Cette stratégie de la robotique et de l'éducation devrait se situer au niveau des écoles, des clubs…. Organiser des championnats, donner des subventions pour les inventions, et fournir une explication claire de la raison pour laquelle nous faisons cela, afin que les enfants grandissent de la manière la plus consciente possible. Actuellement, nous utilisons principalement des développements privés qui attendent d'être certifiés au niveau de l'État.

L'homophobie dans l'armée

Nous devons exprimer notre position ouvertement et bruyamment. Plus nous serons nombreu·ses à expliquer la situation et à donner l'exemple de l'activisme, plus vite nous aurons une société consciente. Je le sais par expérience : après mon coming out, j'ai reçu de nombreux messages et remarques dans des conversations privées selon lesquels, sans moi, un certain nombre de personnes n'auraient pas été en mesure de reconnaître ou de parler de leur identité et/ou de leur orientation sexuelle. Mon exemple, ainsi que celui d'autres militaires ouvertement LGBT, montre le chemin à suivre. Chacun·e d'entre nous peut devenir le porte-parole de son cercle social, la personne qui ouvre la voie. Même s'il s'agit d'un petit nombre de personnes, l'effet papillon fonctionnera.

À propos des partenariats civils{{}}

Le « ce n'est pas le bon moment » a déjà eu lieu. Deux années se sont déjà écoulées, au cours desquelles nous, qui nous sommes mobilisé·es volontairement, voulions voir des changements qualitatifs et perceptibles dans la société. Nos proches nous attendent, atteints de dépression et d'autres affections. Nos proches nous enterrent. Apporter une aide aux proches des militaires LGBT équivaut à apporter une aide aux membres des familles des militaires. C'est pourquoi nous avons besoin de partenariats enregistrés qui donnent le statut de famille de première ligne. Au lieu de cela, nous entendons dire que ce que veulent certain·es militaires n'est pas opportun. Nous, les militaires, avons le droit de dire ce qui est pertinent et ce qui ne l'est pas. Je m'exprime tout d'abord en tant qu'officière militaire en activité, puis en tant que femme ouvertement homosexuelle.

À propos de l'église

Avec tout le respect que je dois aux aumôniers de différents niveaux (parmi lesquels j'ai des amis), je pense que la religion est le choix d'une personne, et non la culture de certaines traditions au niveau de l'État. En Ukraine, il y a des représentants de différentes confessions, y compris du christianisme, qui constitue l'une des nombreuses visions du monde. Je connais des musulmans qui combattent dans les forces de défense ukrainiennes. Il y a aussi beaucoup d'athées et d'agnostiques dont les sentiments sont tout aussi importants que ceux des croyants. À l'heure actuelle, l'Église orthodoxe du patriarcat de Kyiv diffuse sa position malhonnête selon laquelle certaines personnes ont raison et d'autres ont tort, alors que les Saintes Écritures nous enseignent d'aimer tout le monde et d'accepter le choix que le Créateur nous a fait.

Vous savez, toutes les Églises ne condamnent pas les personnes LGBT. Par exemple, j'ai grandi dans une confession protestante et je n'ai pas été condamnée par ceux et celles avec qui enseignaient l'humanité sur la base de la Bible. J'ai également fait l'expérience de la confession dans une église gréco-catholique, où j'ai dit que j'étais une femme homosexuelle, et le pasteur ne m'a pas condamnée, disant que j'avais le droit de choisir. J'ai vu le drapeau arc-en-ciel et le drapeau ukrainien sur le même mât près de l'église, et je crois qu'il en sera de même ici un jour.

6 Mars 2024
Publie par zmina.info
Traduction Patrick Le Tréhondat

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A l'occasion du 8 mars : loin, très loin de l'impérialisme patriarcal, sexiste, homophobe et violeur de Poutine, l'Ukraine célèbre les femmes engagées dans la résistance, qui combattent contre l'invasion et pour leurs droits

De nos jours, les femmes à la guerre ne sont plus l'exception mais plutôt la règle. Elles se portent désormais volontaires. Elles participent au développement de la médecine. Elles participent aux assauts et aux évacuations. En plus de repousser l'ennemi, elles transforment la situation des femmes dans l'armée ukrainienne et à la guerre en général. Elles défendent les droits des combattantes, aident les femmes vétérans et partagent leurs histoires pour apporter soutien moral et inspiration. Nous parlerons plus en détail du rôle des femmes ukrainiennes dans la guerre déclenchée par la Russie en 2014. Nous partagerons leurs opinions sur ce que représente pour elles l'Ukraine, la victoire et si cela vaut la peine de rêver quand on est entouré de menaces.

Au total, au 1er mars 2023, 60 538 femmes servaient dans les forces armées ukrainiennes.

https://www.facebook.com/people/Ukraine_CombArt/100090567559766/

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8 mars en Turquie : Les femmes mobilisées pour leurs droits

19 mars 2024, par /kurdistan-au-feminin.fr — , , ,
TURQUIE / KURDISTAN – Les femmes de toute la Turquie se sont mobilisées pour revendiquer leurs droits à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes, avec des (…)

TURQUIE / KURDISTAN – Les femmes de toute la Turquie se sont mobilisées pour revendiquer leurs droits à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes, avec des manifestations d'Istanbul jusqu'aux régions kurdes. Les femmes ont également bravé les tentatives d'interdiction des marches nocturnes féministes qui ont de nouveau été attaquées par la police turque.

Tiré de Entre les lignes et les mots

Les femmes du monde entier sont descendues dans la rue vendredi pour revendiquer leurs droits à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes La Turquie, depuis les villes kurdes jusqu'à ses régions occidentales, n'a pas fait exception, avec d'importantes manifestations dans tout le pays.

Certains rassemblements ont été marqués par les tentatives du gouvernement turc de les réprimer, qui se sont heurtées à une forte résistance de la part des femmes.

À Istanbul, les étudiantes de l'Université d'Istanbul se sont rassemblées sur le campus avant de marcher vers la place Beyazıt, scandant en faveur des droits des femmes. Cependant, leur manifestation pacifique s'est heurtée à l'opposition des forces de l'ordre turques, qui ont d'abord tenté d'interdire la marche, puis ont eu recours à la force pour disperser les participantes, ce qui a entraîné l'arrestation violente de nombreuses étudiantes.

À la veille de la Journée internationale de la femme, des femmes se sont rassemblées dans la ville méridionale de Mersin pour pleurer la mort de Merve Bayar, qui a été mortellement agressée par son ex-mari, un policier. Les participantes, qui portaient solennellement le cercueil de Bayar, se sont engagées à demander justice pour sa mort, notamment Perihan Koca, députée de Mersin du parti Égalité des peuples et démocratie (DEM Parti).

Dans la capitale Ankara, un groupe de solidarité formé pour soutenir le candidat co-maire du parti DEM pour la municipalité métropolitaine d'Ankara, la femme politique emprisonnée Gültan Kışanak, a envoyé un message ferme de soutien à toutes les femmes et a réaffirmé l'engagement inébranlable de Kışanak envers la cause.

Les régions à majorité kurde de Turquie ont également connu une large participation aux célébrations du 8 mars, avec des rassemblements et des festivals dans 15 villes attirant de grandes foules. Avant ces rassemblements, les femmes se sont rassemblées lors de festivals dans de nombreux centres pour honorer collectivement l'occasion.

À Diyarbakır (Amed), l'esprit de la Journée internationale de la femme a profondément résonné, le coprésident du parti DEM, Tülay Hatimoğulları, ayant déclaré : « Nous, les femmes, défendrons la vie à Istanbul et à Amed ».

Des villes kurdes telles que Mardin (Merdin), Van (Wan), Kars (Qers), Hakkari (Colemerg), Şırnak (Şirnex) et Şanlıurfa (Riha) ont été témoins de grands rassemblements au cours desquels les intervenantes ont souligné la nécessité de lutter contre la violence à l'égard des femmes et la lutte en cours pour les droits, les libertés et la vie des femmes, soulignant le rôle central du 8 mars dans ces efforts.

Les femmes ont également bravé les tentatives d'interdiction des marches nocturnes féministes qui ont de nouveau été attaquées par la police turque.

https://kurdistan-au-feminin.fr/2024/03/08/8-mars-en-turquie-les-femmes-mobilisees-pour-leurs-droits/

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La tyrannie du productivisme d’État - À propos Congrès national du peuple de Chine de 2024

19 mars 2024, par AU Loong-yu — , ,
Le Congrès national du peuple est actuellement en session à Pékin, au beau milieu d'une forte récession économique qui affecte les conditions de vie de millions de personnes : (…)

Le Congrès national du peuple est actuellement en session à Pékin, au beau milieu d'une forte récession économique qui affecte les conditions de vie de millions de personnes : resserrement du crédit sur le marché immobilier qui s'étend maintenant à d'autres secteurs financiers (voir mon article ici), déflation, ralentissement de l'industrie manufacturière, fuite massive des investissements étrangers, augmentation du chômage, etc. En réponse à ces problèmes, le Premier ministre Li Qiang [1] a présenté un rapport qui n'est rien d'autre qu'une longue liste de mesures définit par ses 26 ministères et qui fait penser à l'inventaire d'une épicerie. Il y a en fait quelque chose de plus : des slogans creux.

Tiré de Europe Solidaire Sans Frontières
10 mars 2024

Par AU Loong-yu

Le mystère plane toujours sur ce que Li Qiang a dans la tête quant à la stratégie globale à appliquer pour résoudre la crise qui se dessine. Il a reconnu qu'il y avait eu des « difficultés et problèmes entremêlés », mais il a rassuré son auditoire sur le brillant avenir de la Chine : « sous la ferme direction du Comité central du PCC, avec le camarade Xi Jinping à sa tête, le peuple chinois a le courage, l'ambition et la force de relever n'importe quel défi et de surmonter n'importe quel obstacle ». De fait, il a mentionné Xi à 19 reprises, le couvrant d'éloges en tous genres. S'il y a un thème principal qui revient dans l'inventaire de l'épicerie dressé par le Premier ministre, c'est bien le culte du dirigeant suprême.

Le Premier ministre et son inventaire d'épicier

Mais c'est précisément la raison pour laquelle ce rapport doit nous inquiéter. Non pas que le ralentissement économique actuel soit entièrement imputable à Xi. Bien avant son arrivée au pouvoir, les déséquilibres économiques entre l'investissement, la production et la consommation avaient déjà atteint des proportions gigantesques et le jour du bilan approche. Mais le problème de Xi, c'est que ses orientations ont encore aggravé les déséquilibres et que, dans certains domaines, il s'est tout simplement tiré une balle dans le pied, comme l'a montré sa politique du « zéro covid ». Sa politique de répression disproportionnée à Hong Kong a non seulement anéanti l'opposition et les organisations syndicales, mais a aussi largement contribué à tuer la poule aux œufs d'or de l'État-parti – le marché financier de la ville a toujours été la planche à billets de Pékin, mais aujourd'hui Hong Kong c'est « fini », comme l'a annoncé Stephen Roach, ancien président de Morgan Stanley Asia, qui avait commencé à travailler dans cette ville à la fin des années 1980. Certains grands médias occidentaux ont expliqué à Pékin qu'il devrait faire ce que Wen Jiabao, son prédécesseur, avait fait en 2008 et 2009, en lançant un plan de sauvetage de 634 millions de dollars US pour stimuler l'économie stagnante ou, du moins, faire quelque chose pour renforcer la confiance des consommateurs. Même si leurs conseils sont très discutables, le cœur du problème à l'heure actuelle est que Pékin n'a aucune stratégie crédible pour faire face à l'affaissement de l'économie.

Pour mieux comprendre le problème structurel de l'économie chinoise, il nous faut sans doute revenir à l'époque de Mao et, au terme de ce voyage, nos lecteurs comprendront que, malgré toutes les ruptures entre la Chine de Mao et celle de Deng, il y a aussi une grande continuité - l'empressement à « dépasser la Grande-Bretagne et à rattraper les États-Unis » a traversé les deux époques, d'où cette stratégie de croissance fondée sur un taux d'investissement anormalement élevé qui est resté remarquablement le même. C'est tellement évident pour Li Qiang qu'il n'a pas pris la peine de développer ce point. Il lui suffisait de perpétuer la tradition du PCC. Nos lecteurs se doivent cependant de réexaminer cette question dont on ne parle pas assez, mais qui est d'une importance capitale, car cela permettra non seulement de mettre en lumière l'absurdité de la stratégie, mais aussi de mieux cerner le degré de réussite de la politique économique de Pékin.

« La production doit avoir la priorité sur le niveau de vie »

À l'époque de Mao, le programme d'industrialisation rapide du parti a été mis en œuvre par le biais de l'« économie planifiée ». Mais la tension entre le gouvernement central et les bureaucraties provinciales a toujours été l'un des principaux obstacles à une croissance moins déséquilibrée de l'économie. L'« économie à planification centralisée » était tristement connue pour son manque d'efficacité, et les gouvernements provinciaux manquaient toujours de matériel, de main-d'œuvre qualifiée ou simplement de mesures incitatives, ce qui ne tardait pas à contraindre le gouvernement central à recourir périodiquement à l'allocation de ressources et de moyens – non pas aux populations locales, mais à la bureaucratie des provinces. Ces dernières, poussées par leurs propres intérêts, ont toujours été prêtes à saisir toute occasion d'obtenir plus de pouvoir (et donc plus d'intérêts matériels), avant de réaliser que l'heure des comptes n'allait pas tarder à arriver, car la décentralisation provoquait un surinvestissement et un chaos suffisant pour convaincre le gouvernement central de reprendre le pouvoir aux provinces. Ce « cycle » de shou, si, fang et luan [2], ou répétition de la centralisation, de la décentralisation et de la recentralisation, a affecté l'économie dès le départ.

Par l'exploitation impitoyable des surplus de main-d'œuvre, le régime a permis à l'État de financer un taux d'investissement absurdement élevé entre 1958 et 1980, qui a toujours été de près de 30 % (sauf au lendemain de la famine du début des années 1960). Cela s'est traduit non seulement par de nombreux gaspillages, mais aussi et surtout par une baisse du niveau de vie des gens ordinaires. Les salaires ont été gelés pendant toute la période, malgré une croissance économique annuelle moyenne de plus de 4 %. En réponse aux travailleurs mécontents, la propagande du parti a mis en avant le slogan « la production doit avoir la priorité sur les conditions de vie du peuple » [3].

Les quatre décennies de « réforme et d'ouverture » ont été une période où le capitalisme d'État (en partenariat avec le secteur privé) allait remplacer « l'économie planifiée », mais le taux d'investissement absurdement élevé promu par l'État s'est perpétué jusqu'à aujourd'hui. Aujourd'hui, il est même beaucoup plus élevé, dépassant les 30 % et se maintenant à plus de 40 % au cours des 20 dernières années, au prix d'une chute brutale de la part relative de la consommation des ménages dans le PIB, qui est passée de plus de 50 % au début des années 1980 à moins de 35 % en 2010. Même si elle a commencé à augmenter depuis lors, elle n'a jamais atteint 40 % au cours des dernières années. La raison principale de cette baisse de la consommation des ménages est la diminution de la part des revenus du travail dans le revenu national.

Deux universitaires chinois ont mis en garde contre cette situation il y a déjà quelques années dans un article dont voici un extrait :

« Le taux d'investissement de la Chine est supérieur de 30 % à la moyenne mondiale, tandis que son taux de consommation est inférieur de 30 % à la moyenne mondiale ... et il en a résulté des capacités de production en excédent qui deviennent de plus en plus sérieuses. »

Exporter les excédents de capacité

Pékin n'avait pas l'intention d'abandonner son obsession productiviste tant qu'elle pouvait continuer à exporter ses capacités excédentaires. L'annonce récente selon laquelle, les ventes de voitures électriques BYD ayant dépassé celles de Telsla, les États-Unis et l'Europe envisagent désormais des mesures de rétorsion, n'est qu'un exemple parmi d'autres de la manière dont l'atelier du monde, qui exporte ses problèmes dans le monde entier, suscite de plus en plus de ressentiment et de mesures de rétorsion de la part des autres pays.

En ce qui concerne le marché intérieur, le PCC n'a pas tenu compte de la contrainte que représente le niveau relativement faible du revenu disponible des ménages parmi la population active, et a continué à encourager les gens à acheter leurs propres maisons, puis leurs résidences secondaires, tout en permettant aux gouvernements locaux d'accumuler des dettes dans le seul but de promouvoir le marché immobilier et leurs projets d'urbanisation. Maintenant, le jour du bilan est arrivé, et le cycle d'expansion a tourné à la débâcle. Xi est bien intervenu pour faire face à la méga-bulle à la fin de 2020 (la politique des trois lignes rouges), mais il était trop tard.

Il a assisté à la croissance rapide de la bulle depuis son arrivée au pouvoir en 2012, mais pendant dix ans, il n'a rien fait de substantiel pour refroidir la spéculation folle, sans même parler de rectifier le tir par rapport aux problèmes structurels que pose le productivisme. « Accumuler, accumuler ! C'est Moïse et les prophètes ! ». Mais le capitalisme victorien de libre marché tel que Marx le décrivait faisait pâle figure face au capitalisme d'État chinois d'aujourd'hui. La vérité dérangeante est cependant qu'il y a toujours une limite à tout, notamment pour ce qui est de la pulsion d'accumulation et de la pulsion d'abus de pouvoir. Dans le cas de la Chine, nous sommes aujourd'hui en grande difficulté parce que ces deux pulsions sont enchevêtrées, comme nous l'a révélé le Congrès national du peuple en cours.

Que faire si le pilote n'a jamais piloté d'avion ?

Cette session du Congrès était très différente des précédentes, car il a été mis fin à la tradition qui voulait que le Premier ministre tienne une conférence de presse à la fin de la session, comme cela avait été le cas chaque année depuis 1993. Cela avait toujours été un moment très important pour permettre aux observateurs extérieurs d'avoir un aperçu de l'équilibre des pouvoirs entre les différentes factions au sommet de l'État. Donner la vedette au Premier ministre est un héritage politique de Deng Xiaoping : « Nous ne permettrons jamais que l'emprise du parti sur le gouvernement se relâche, pas même d'un seul millimètre, mais nous ne permettrons pas non plus le retour à l'autocratie de l'époque de Mao ». Cependant, c'est précisément ce que Xi fait en ce moment, à savoir non seulement en revenir à l'autocratie, mais aussi faire de son abus de pouvoir la nouvelle normalité. Il ne se contente pas de concentrer toutes les instances de pouvoir entre ses mains, il continue également à se placer à la tête d'une douzaine de groupes de travail de haut niveau pour acquérir encore plus de pouvoir. En pleine crise du crédit, Xi a créé en octobre dernier une nouvelle organisation, la Commission financière centrale, en apparence sous les auspices du Comité central du PPC. Bien que le chef de la CFC soit Li Qiang, la présente session du Congrès du peuple a déjà montré clairement qui est le véritable patron de cette CFC. L'intention de Xi semble être d'affaiblir davantage les institutions financières de l'État, telles que les différentes instances de régulation.

Le problème, cependant, est de savoir si Xi sait quoi que ce soit du fonctionnement du capitalisme ou de son marché financier. En janvier dernier, nous avons vu les régulateurs du marché, dans la hâte de prévenir une chute brutale, ordonner aux investisseurs institutionnels de ne pas procéder à des ventes nettes d'actions certains jours. Cela revient à fermer le couvercle d'une marmite en ébullition pour l'empêcher de déborder. Cette mesure ne fait qu'éroder davantage la confiance du marché. Pour être honnête, Li Qiang a annoncé qu'il allait émettre des obligations d'État d'une valeur de mille milliards de RMB (ou 139 milliards de dollars US) afin de lever des fonds pour soutenir une économie en manque de liquidités. Ce montant est minuscule par rapport au risque de défaillance des gouvernements locaux, qui ont une dette de 94 000 milliards de RMB, dont 3 200 milliards arriveront à échéance à la fin de l'année (source). Sans oublier que les promoteurs immobiliers ont également besoin de 2 000 milliards de dollars américains rien que pour liquider leurs stocks (source).

Le professeur Li a quelque chose à vous dire

Ou Xi a-t-il un plan plus radical en tête ? La seule chose dont nous pouvons être sûrs, c'est que Xi dispose de nombreux leviers pour résoudre la crise émergente. En cas de nouvelles désagréables sur les marchés, il peut tout simplement les faire disparaître en fumée. Après la publication en mai dernier de statistiques montrant que le taux de chômage des jeunes dépassait les 20 %, le gouvernement a tout simplement cessé de publier ces chiffres. Très vite, d'autres statistiques sont venues s'ajouter à la liste des informations censurées : baisse du taux de natalité, chute de la confiance des consommateurs et des marchés financiers, etc. Notre dirigeant avait résolu tous ces problèmes en les balayant simplement sous le tapis.

Le Congrès du peuple a donc fait un excellent travail, une fois de plus, en rappelant à la population qu'avec Xi Jinping à sa tête, personne ne devrait s'inquiéter de quoi que ce soit - il est tellement doué pour éliminer les problèmes en éliminant ceux qui les ont signalés, comme le dit le proverbe chinois. Les lecteurs étrangers se rendent rarement compte du fait que, tout au long des sessions du congrès, des pétitionnaires tentent d'adresser au gouvernement toutes sortes de doléances, parce que leur apparition en public n'est pas autorisée. Les « délégués du peuple » présents dans la grande salle se moquent éperdument de ces pétitionnaires. Il en va de même pour les médias officiels. Parfois, la détresse de ces pétitionnaires est rapportée par un compte privé sur les médias sociaux. Le commentaire suivant sur ce message à propos des pétitionnaires mérite d'être cité :

« Qu'ils ont de la chance d'avoir pu quitter leur province et se rendre à Pékin ! « . (Note de l'auteur : il est courant que les autorités locales empêchent, par la force, les pétitionnaires de se rendre à Pékin pour adresser une pétition au gouvernement central).
« La conséquence désastreuse du lavage de cerveau est que les pétitionnaires ne savent pas que l'Administration nationale des plaintes et des propositions publiques (vers laquelle les pétitionnaires se tournent ) n'est pas autre chose que la collaboratrice de ceux qui leur ont causé des torts ».
« Il n'y a pas d'autre solution que de renverser le Parti communiste ».

Les gens sont privés du droit d'être entendus, tout au plus peuvent-ils exprimer leur mécontentement en privé par l'intermédiaire des médias sociaux, mais même cette possibilité est régulièrement supprimée.

Aujourd'hui, c'est le très connu « Professeur Li » qui « est devenu un organe d'information à lui tout seul et une source essentielle d'informations sur les manifestations en Chine tant pour les personnes qui se trouvent à l'intérieur que pour celles qui se trouvent à l'extérieur du grand pare-feu informatique », comme l'a rapporté [The Nation 6 décembre 2022 - The Twitter User Taking on the Chinese Government]. Le professeur Li est un immigré chinois de 32 ans qui vit en Italie, mais il a suffisamment de contacts chinois pour publier toutes sortes d'informations sur son compte Twitter. Il est devenu célèbre lors du mouvement du Livre blanc à la fin de l'année 2022. Selon des informations récentes, les autorités ont décidé de s'en prendre à lui en harcelant ses abonnés en ligne, dont le nombre s'élève à un million. Les lecteurs étrangers qui souhaitent écouter les voix d'en bas sont invités à suivre « Teacher Li » - mais si vous le faites, surveillez vos arrières.

Au Loong-yu

P.-S.

• Traduction de Pierre Vandevorde pour ESSF avec l'aide de DeepL pro.

Notes

[1] Ne pas confondre Li Qiang avec le précédent Premier ministre Li Keqiang, qui a été mis de côté sans cérémonie en mars 2023.

[2] “一收(權)就死,一死就放(權),一放就亂,一亂就收(權)“

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[3] “先生產,後生活“

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