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Selon un avocat de Gaza, les États-Unis sont les « complices d’un génocide »

Nous nous tournons maintenant vers Ahmed Abofoul. C'est un avocat né à Gaza qui occupe un poste de chercheur et d'avocat dans l'organisation Al-Haq, la plus vieille ressource humanitaire et de droits humains palestinienne. Il a récemment publié un article intitulé : « We are Witnessing a Genocide Unfolding in Gaza : To Stop it, the ICC Prosecutor Must Apply the Law Without Fear or Favour ». Il nous parle depuis New York.
Demoncracy Now, 22 décembre 2023
Traduction, Alexandra Cyr
photo Serge d'Ignascio
Amy Goodman : (…) Le Conseil de sécurité des Nations Unies se prépare à voter une résolution d'aide à Gaza diluée. Les États-Unis ont fait repousser le vote quatre fois cette semaine pendant qu'Israël poursuit ses attaques massives qui ont fait plus de 20,000 morts palestiniennes dans l'enclave soit environ 1% de sa population. Les autorités sanitaires déclarent qu'au moins 390 personnes ont été tuées au cours des dernières 48 heures. Les Nations Unies préviennent que plus d'un demi-million d'habitants.es de Gaza, soit un quart de la population, souffrent de la faim, sont au bord de la famine.
Soyez le bienvenu a Democracy Now. Vous êtes un avocat des droits humains internationaux, et vous employez le terme génocide . Pouvez-vous nous expliquer ce que vous voulez dire exactement et pourquoi vous pensez qu'il s'applique à Gaza ?
Ahmed Abofoul : D'abord, merci de m'avoir invité. Ensuite, le mot « génocide » est un terme légal spécifiquement défini dans la loi internationale. C'est aussi un crime qui comporte ses éléments. Quand l'un de ces éléments est démontré, un crime a été commis. Comme vous le savez, le terme n'a pas été souvent été employé dans la situation palestinienne même si, comme nous le croyons, le crime a déjà été commis. Par exemple, plusieurs affirment que ce qui s'est passé en 1948, est un acte de génocide. La seule raison pour laquelle nous ne l'avons pas invoqué à l'époque c'est que le concept n'était pas encore cristallisé. Nous n'avions pas de convention, pas de définition. Mais il a été utilisé lors du massacre de Sabra et Shatila. C'est d'ailleurs la seule fois ou les Nations Unies ont qualifié cette situation de génocide. Selon la loi internationale, le génocide est un crime qui est présent quand certains actes sont commis avec une intention spécifique de détruire complètement ou en partie certains groupes ethniques, religieux ou politiques. C'est ce qui arrive à Gaza ; donc nous croyons qu'il s'y pratique un génocide.
Habituellement, les plus difficile à prouver eut égard au génocide, est l'élément subjectif de l'intention spécifique de le commettre. Pour faire cette preuve, les tribunaux s'en remettent aux déclarations des génocidaires. Dans notre situation nous possédons de multiples déclarations prouvant cette intention génocidaire qui a été appliquée directement sur le terrain. Nous voyons le niveau de destructions sans égard aux humains et comme l'a dit le Président Biden, des bombardements de civils.es sans discrimination. Nous ne sommes pas la seule organisation palestinienne de défense des droits à tirer cette conclusion. Pas moins de 800 universitaires spécialistes de l'Holocauste en ont fait autant. Certains.es disent même qu'il s'agit d'un cas d'école.
A.G. : Maintenant, pouvez-vous nous parler de votre lien personnel avec Gaza ? Vous y avez grandi, vous y êtes né. Et est-ce que quelqu'un de même patronyme, quelqu'un de votre famille, n'est pas décédé récemment ?
A.A. : En fait, 60 membres de ma famille sont décédé, ont été tué dont mon plus vieil oncle et quelques-uns de mes cousins. Et comme la plupart des Palestiniens.nes nous ne pensons pas que nous ayons le luxe de vivre notre deuil tant le niveau de destruction et les crimes horribles commis (sont présents). Ça brise le cœur. Nous avons grandi avec les histoires de la Nakba. Nous n'avions jamais imaginé que nous allions les vivre. C'est arrivé en 1948 et ça n'était pas télévisé bien sûr. Le monde n'a pas su ce qui se passait en Palestine. Mais maintenant, le carnage qui est télévisé est scandaleux et le monde l'observe.
Vous avez parlé de la résolution du Conseil de sécurité qui a été diluée et qui sera soumise au vote aujourd'hui. Mais si vous examinez la situation, les résultats des votes antérieurs, vous pouvez conclure que, au fond, il s'agit toujours des États-Unis contre le monde entier. En ce moment, les États-Unis font la promotion de ce génocide, ils le soutiennent. Je ne le saurai jamais mais, il est plus que probable que ma famille ait été tuée par des armes américaines. Nos enfants sont présentés.es disloqués.es à la télévision, sur vos écrans de télévision grâce aux taxes américaines, avec le soutien du gouvernement américain. Le gouvernement américain est complice de ce génocide. Il a du sang des enfants palestiniens sur les mains.
C'est pourquoi, avec nos partenaires américains, avec le Center for Constitutional Rights, nous poursuivons le Président Biden, le Secrétaire d'État Blinken et le Secrétaire à la défense, Austin, non seulement pour complicité dans ce génocide mais aussi pour ne pas l'avoir prévenu. S'il y a un pays dans le monde qui peut influencer Israël, ce sont les États-Unis.
Et, si vous permettez, je voudrais mentionner que je suis issu d'une famille de réfugiés.es. Nous ne sommes pas originaires de Gaza. Environ 75% de la population de la bande est composée de réfugiés.es. Donc, quand nous parlons d'une seconde Nakba, c'est exactement ce que nous voulons dire. En 1948, plus de 80% de la population palestinienne a été forcée de se déplacer. Maintenant, se sont 90% qui le sont. Plus de 60% des habitations de Gaza ont été détruites. La majorité de la population est au bord de la famine. Honnêtement, c'est assez honteux que les États-Unis ne puissent pas assurer le minimum de décence humaine en appelant à un cessez-le-feu et en tentant de tenir compte diplomatiquement du génocide qui se passe à Gaza.
A.G. : (…) Le Président Biden met en garde Israël à propos des bombardements indiscriminés mais par ailleurs, les États-Unis ont retardé (le vote) toute la semaine. Hier, juste après notre émission, nous avons pensé qu'il aurait lieu. Mais maintenant ce sera vendredi. Quatre fois il a été retardé et cette résolution ne fera pas appel à un cessez-le-feu c'est clair. Pouvez-vous nous expliquer ce que cela signifie et la différence avec les autres résolutions adoptées par les Nations Unies. Et qu'est-ce qui a été assoupli maintenant, aujourd'hui ?
A.A. : Bien sûr. Le Conseil de sécurité adopte des résolutions même si historiquement, Israël ne les respecte pas. Les États-Unis sont en train d'amoindrir le texte actuel pour ne pas que l'appel au cessez-le-feu soit invoqué immédiatement. En même temps, ils appellent à une aide humanitaire et matérielle sure et sans encombres, mais pas pour un cessez-le-feu. Curieux n'est-ce pas qu'en même temps on demande un corridor pour des approvisionnements sûrs mais sans que les bombardements cessent ? Donc, finalement, ils veulent que les employés.es d'aide humanitaire travaillent sous l'enfer qu'Israël lâche sur la population civile palestinienne.
Comme vous l'avez mentionné, (le Président) Biden ne fait pas qu'armer Israël, il a fait une déclaration avec laquelle nous sommes d'accord, il a dit qu'Israël procédait à des bombardements indiscriminés. C'est un crime de guerre. Donc on doit demander : pourquoi armez-vous Israël ? La position américaine est plutôt hypocrite. Les États-Unis ne peuvent revendiquer le leadership dans le monde alors qu'ils ne nous en donnent pas la preuve. Les actes sont plus éloquents que les discours. Encore hier, les États-Unis, le Président Biden, a publié un « tweet » où il disait soutenir le droit du peuple palestinien à l'auto-détermination. Deux jours plus tôt, les États-Unis avaient voté contre une résolution sur ce même droit à l'auto-détermination du peuple palestinien. Nous ne voulons pas de ces discours, nous voulons des actes. L'hypocrisie américaine est si évidente. Vous savez, le leadership principal, le véritable leadership exige d'être consistant dans l'application de la loi internationale, principalement son application à vos adversaires comme à vos alliés. L'hypocrisie, les deux poids deux mesures et les choix parcimonieux ne sont pas les caractéristiques du leadership mais bien plutôt d'une complicité dans le génocide.
Et si vous me le permettez, ce qui est en cause en ce moment, ce n'est pas seulement la déshumanisation du peuple palestinien et le génocide auquel nous faisons face ; c'est aussi tout le corpus des lois internationales qui est mis à l'épreuve. Fondamentalement, si nous voyons l'Occident, sous l'impulsion des États-Unis, le mobiliser dans le cas de l'Ukraine mais pas dans celui de Gaza et empêchent ou sont incapables de faire le strict minimum soit d'en appeler à un cessez-le-feu pour qu'il soit respecté, qu'est-ce à dire ? Je pense que c'est aussi la réputation des États-Unis qui est en jeu. Ils se décrivent constamment les comme les modèles de la démocratie alors qu'en fait, ils donnent la preuve qu'ils soutiennent le génocide.
Je pense aussi que dans cette situation, il est intéressant de voir que toutes ces démocraties dites libérales, sont soumises au test parce que les sondages démontrent que ce que les Américains.es soutiennent le plus, c'est un cessez-le-feu. La plupart des Démocrates du Congrès le veulent aussi. Il semble y avoir un fossé entre ce que la population veut et ce que leur offre le leadership américain. Donc nous en appelons à J. Biden et à son administration d'entendre leur peuple et de faire le strict minimum qui est d'appeler à un cessez-le-feu.
A.G. : Merci Ahmed et toutes nos condoléances pour la perte de votre famille à Gaza. (…).
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Alors que Biden étend la guerre au Moyen-Orient, l’opposition grandit

Alors que des dizaines de milliers de personnes ont défilé à travers les États-Unis pour exiger un cessez-le-feu à Gaza et la fin du soutien militaire américain à Israël, le président Biden doit maintenant faire face à une nouvelle opposition, y compris au sein de son propre parti au Congrès, à propos de sa guerre non déclarée contre les Houthis au Yémen.
Hebdo L'Anticapitaliste - 691 (18/01/2024)
Par Dan La Botz
Crédit Photo
Biden et Netanyaou en 2016. Wikimedia Commons
La semaine dernière, Biden, rejoint par les Britanniques et d'autres, a ordonné le tir de centaines de missiles sur des dizaines de cibles au Yémen, en représailles aux attaques des Houthis contre des navires marchands en mer Rouge. Les Démocrates du Congrès sont furieux contre leur dirigeant qui n'a respecté ni la Constitution des États-Unis qui donne au Congrès le pouvoir de déclarer la guerre, ni la loi sur les pouvoirs de guerre adoptée pour limiter le pouvoir présidentiel en 1973 après que le président Richard Nixon eut unilatéralement étendu la guerre du Vietnam au Cambodge.
Une décision présidentielle anticonstitutionelle
Pramila Jayapal, démocrate, chef du groupe progressiste à la Chambre des représentants, a qualifié les armes lancées contre les Houthis au Yémen de « violation inacceptable de la Constitution ». La députée démocrate Cori Bush, qui est également membre des Socialistes démocratiques d'Amérique (DSA), a déclaré : « Le peuple ne veut plus que l'argent de nos contribuables serve à financer des guerres sans fin et à tuer des civils. Arrêtez les bombardements et faites mieux pour nous ». Les représentantEs démocrates Rashida Tlaib, Mark Pocan et Ro Khanna ont également condamné cette guerre anticonstitutionnelle. La plupart des Républicains ont soutenu l'action de Biden, mais quelques-uns se sont également plaints du fait qu'il n'ait pas demandé l'approbation du Congrès.
Le président affirme que ces actions ne s'inscrivent pas dans le cadre de la guerre qui s'étend au Moyen-Orient à la suite des bombardements génocidaires d'Israël sur Gaza, mais en fait il a également autorisé des frappes sur le Hezbollah Kataib, une milice chiite pro-iranienne en Irak et sur un entrepôt d'armes d'un groupe allié de l'Iran en Syrie. Les Houthis, le Hezbollah et les milices irakiennes espèrent peut-être, en soutenant leur allié le Hamas, décourager la campagne de bombardements d'Israël et accroître la pression sur les États-Unis, mais ils risquent de déclencher une guerre impliquant l'Iran, Israël et les États-Unis. Il en va de même pour les répliques israéliennes et américaines.
Les États-Unis détenteur d'une poudrière
Le Moyen-Orient est un camp militaire américain bourré d'armes. Les États-Unis maintiennent actuellement 2 500 soldats en Irak et 900 en Syrie — où la Russie a également des troupes — et ont environ 3 000 soldats dans chacun des pays suivants : Jordanie, Arabie saoudite, Émirats arabes unis, et également 8 000 au Qatar, 9 000 à Bahreïn et 13 500 au Koweït. Ces derniers jours, les États-Unis ont déployé une équipe d'officiers de renseignement pour aider Israël à cibler ses frappes, en principe pour réduire le nombre effroyable de pertes humaines à Gaza. Dans les eaux du Moyen-Orient se trouvent également une douzaine de navires de guerre américains avec leurs équipages et quelque 2 000 marines.
Soutien au PalestinienNES et à la plainte de l'Afrique du Sud
Pendant ce temps, à Gaza, Israël poursuit ses bombardements et ses attaques qui ont déjà tué 27 000 PalestinienNEs, dont 10 000 enfants, et plus de 7 000 seraient enterrés sous les décombres. Quelque 60 300 personnes ont été blessées, dont beaucoup sont mutilées. Selon Oxfam, le taux de mortalité est plus élevé que dans n'importe quel autre conflit du 20e siècle. Tout cela a poussé l'Afrique du Sud à accuser Israël de génocide à Gaza, ce qui a conduit à une audience devant la Cour internationale de justice de La Haye. Aux États-Unis, des militantEs ont signé des pétitions et participé à des manifestations pour soutenir la cause de l'Afrique du Sud.
Ainsi, alors que Biden tente peut-être d'empêcher l'extension de la guerre, il s'oppose à un cessez-le-feu et continue de soutenir la guerre d'Israël contre les PalestinienNEs, ainsi que les actions militaires au Yémen, en Irak et en Syrie. Non seulement Israël, mais aussi son sponsor et bienfaiteur, les États-Unis, devraient être jugés pour crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocide. C'est ce que disent des millions de personnes à travers le monde qui sont consternées par les atrocités actuelles, qui craignent une guerre de plus en plus étendue et exigent un cessez-le-feu et la justice pour la Palestine.
Traduction DeepL, revue HW
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USA / Palestine : les appels pour un cessez-le-feu se multiplient, Biden s’isole

Plus de deux mois et demi après l'assaut meurtrier sur Gaza par d'Israël, le soutien porté par Biden et son secrétaire d'État (équivalent d'un ministre des Affaires étrangères) Blinken à la politique de Netanyahou commence à choquer sa propre base de soutien électorale, moins d'un an avant les élections présidentielles.
Tiré de Inprecor 716 - janvier 2024
Par Kay Mann
19 janvier
Vue aérienne du rassemblement organisé, ce samedi 13 janvier 2024, par des dizaines de milliers de personnes brandissant des banderoles et des drapeaux palestiniens sur la Freedom Plaza. Les manifestants demandent un cessez-le-feu immédiat à Gaza (Mostafa Bassim - Anadolu Agency)
L'accusation de génocide contre Israël portée par Afrique du sud pèse, et les jeunes et les américain·es d'origine arabe sont particulièrement écœurés par la caution de Biden à Netanyahiu. La campagne d'intimidation contre tout·e opposant·e à la guerre à Gaza, par des accusations d'antisémitisme, a conduit à la démission des présidents de grandes universités comme Harvard et Princeton, parce qu'ils ont été considérés comme antisémites pour n'avoir pas fait assez pour supprimer les manifestations pro-Palestine dans les universités !
Même si la pression pour faire taire toute opposition à l'assaut meurtrier israélien continue, les voix se lèvent pour un cessez-le-feu. Une manifestation pro-Palestine à Washington, organisée par une coalition des groupes pro-Palestine, le groupe Voix juive pour la paix (JVP), et la coalition ANSAR a rassemblé 400.000 personnes le 13 janvier.
De plus en plus de syndicats ont voté des déclarations en faveur d'un cessez-le-feu immédiat. C'est le cas du syndicat des travailleurs/ses de l'automobile, avec ses 400.000 membres actifs et ses 580.000 retraité·es. L'UAW établira aussi un groupe de travail sur la Palestine. Cette prise de position réprésente une volte-face historique de l'UAW.
D'autres syndicats, dont le syndicat de la poste, le syndicat de secteur électrique (UE), le syndicat des infirmières de Californie et le syndicat des enseignants de Chicago (CTU) – qui a également préparé des tracts de formation sur les origines du conflit – ont voté des déclarations pour un cessez-le-feu immédiat. Des conseils municipaux, notamment ceux d'Oakland et San Francisco (Californie), ont aussi voté des déclarations pour un cessez-le-feu.
Au fur et mesure que les images d'une Gaza détruite continuent à passer sur les écrans, que les chiffres des civils tué·es montent et que la possibilité d'une guerre régionale augmente, l'image d'Israël comme phare démocratique au Moyen-Orient est démasquée. On peut s'attendre à une opposition croissante à la politique pro-Israël étatsunienne.
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Primaire dans l’Iowa : Trump triomphe, vers un nouveau duel Biden-Trump à la présidentielle

Ce lundi avait lieu le premier caucus républicain dans l'État de l'Iowa, lançant le cycle des primaires pour la nomination du candidat républicain à l'élection de novembre. Donald Trump remporte haut la main ces élections qui, si elles ne prédisent pas nécessairement sa victoire aux prochaines primaires, montrent que l'ancien occupant de la Maison Blanche domine fermement le Parti Républicain.
Tiré de Révolution Permanente
17 janvier 2024
Par Irène Karalis
Ce lundi avait lieu le premier caucus républicain dans l'État de l'Iowa, lançant le cycle des primaires pour la nomination du candidat républicain à l'élection de novembre. Donald Trump remporte le scrutin haut la main avec 51 % des voix, devançant de 30 points ses deux principaux concurrents, Ron DeSantis qui obtient 21,2% des voix et Nikki Haley qui enregistre 19,1 % des voix. Les trois autres participants, Asa Hutchinson, Ryan Brinkley et Vivek Ramaswamy arrivent ensuite avec moins de 8 %. Vivek Ramaswamy, homme d'affaires notamment soutenu par Elon Musk, s'est retiré de la course et a appelé à voter pour Trump.
Si la participation au vote a été relativement faible, environ 100 000 membres des Républicains se sont déplacés, les résultats du scrutin montrent sans aucun doute que Donald Trump domine largement le parti. Pour le Financial Times, « l'ancien président possède le parti républicain comme aucune personnalité ne l'a jamais fait auparavant ». Et ce dernier est parvenu à retourner ses faiblesses à son avantage, réécrivant les accusations portées à son encontre en justice, mais aussi celles concernant l'assaut du Capitole du 6 janvier 2021. Ainsi, alors qu'un procès s'ouvre pour la seconde fois ce mardi à New York contre Donald Trump après que celui-ci a déjà été condamné en 2023 à payer cinq millions de dollars à E. Jean Caroll pour agression sexuelle et diffamation, l'ancien président américain accuse les juges et les procureurs de mener une chasse aux sorcières contre lui pour l'empêcher de gagner la présidentielle de novembre.
De la même manière, Donald Trump a opéré à une « réécriture de l'assaut du Capitole comme manifestation pacifique patriotique » selon Mediapart ce qui sert de « mythe fondateur du retour politique de l'ancien président ». Le 45e président des États-Unis fait ainsi le lien entre les manifestants arrêtés et condamnés et son propre procès en justice, dans un récit visant à faire de lui et ses partisans des martyrs persécutés par l'establishment américain. Un tiers de l'électorat républicain considère ainsi que l'assaut du Capitole a été orchestré par le FBI pour pouvoir accuser Trump.
Au-delà des discours et des mythes édifiés par Donald Trump, comme l'explique Left Voice, le résultat des primaires dans l'Iowa est « le résultat direct de l'insatisfaction à l'égard du régime Biden, qui est devenu le visage de deux guerres étrangères impopulaires, d'une économie qui a laissé de nombreux travailleurs lutter pour se procurer les produits de première nécessité, et d'un néolibéralisme réchauffé déguisé en Bidenomics. Biden est actuellement le président le plus impopulaire depuis George W. Bush – un véritable exploit si l'on considère l'impopularité de son prédécesseur – et semble être un candidat particulièrement faible pour s'opposer à Trump ou, d'ailleurs, à n'importe quel républicain. »
Pour les concurrents du milliardaire, le résultat des premières primaires n'est pas celui espéré, en particulier pour l'ultra-réactionnaire Ron DeSantis, le gouverneur de Floride qui, s'il a annoncé qu'il continuerait, fait moins qu'escompté dans un État qui aurait dû lui être plus favorable. Nikki Haley, ancienne ambassadrice aux Nations Unies et ancienne gouverneure de Caroline du Sud qui avait reçu le soutien de plusieurs grands donateurs comme la famille Koch et de leur association de financement American for Prosperity qui avait collecté plus de 70 millions de dollars, était, elle, considérée comme le choix le plus modéré des Républicains avec de meilleures chances de battre Biden que les candidats à sa droite (tout en étant ouvertement opposée à l'avortement et à toute forme d'éducation sexuelle et pour le retrait de tous les accords contraignant sur le climat). En ce qui la concerne, elle n'avait jamais parié sur la victoire dans l'Iowa, espérant davantage du New Hampshire, prochain État qui accueillera les primaires républicaines. La candidate a ainsi expliqué que les États-Unis « méritaient mieux » qu'un nouveau match entre Trump et Biden et annoncé maintenir sa candidature.
Les votes de l'Iowa déterminent les 40 délégués de l'État à la Convention nationale républicaine de juillet au cours de laquelle les délégués de tout le pays sélectionnent le candidat du parti à la présidentielle. Donald Trump remporte ainsi vingt délégués, Ron de Santis en remporte huit, Nikki Haley sept et Vivek Ramaswamy trois. Mais la victoire de Trump ne signifie pas une victoire pour l'entièreté des primaires, et il est déjà arrivé que des candidats, comme Ted Cruz en 2016, gagnent la primaire en Iowa puis fassent des résultats bien moins bons la semaine suivante dans le New Hampshire. L'Iowa est en effet un État plus conservateur avec une forte concentration d'évangéliques, en plus d'être un petit État. Malgré tout, les résultats témoignent d'une dynamique en forme de rouleau compresseur pour Trump.
Mais si l'ancien occupant de la Maison blanche a réussi à convaincre sa base qu'il représentait quelque chose de différent par rapport à Joe Biden, il incarne un programme profondément anti-ouvrier, un populisme d'extrême-droite qui rejette la responsabilité des crises du capitalisme sur les immigrés et les couches les plus défavorisées de la société américaine. De plus, il représente un secteur de la bourgeoisie impérialiste qui cherche à intensifier les tensions avec la Chine et qui est favorable à une plus grande intervention des États-Unis en Amérique latine.
Face à lui, Joe Biden entend incarner la défense de la démocratie. Mais comme le rappelle Left Voice, « Biden vient de contourner le Congrès afin d'envoyer plus d'argent à Israël et restera dans l'histoire comme Joe le génocidaire. Il est resté les bras croisés alors que le droit à l'avortement était annulé par une Cour suprême antidémocratique. Il a brisé une grève des chemins de fer, alors qu'il prétendait être le président le plus favorable aux travailleurs de l'histoire. Surtout, Biden et Trump soutiennent tous deux – à des degrés divers – le régime antidémocratique dans lequel le collège électoral, le Sénat et la Cour suprême sont autant de signes évidents du caractère limité de la démocratie réelle aux États-Unis. »
Trump n'est pas la solution, et Biden non plus. La seule issue à la crise économique, mais aussi aux guerres qui se multiplient dans le monde, ainsi qu'à la crise écologique, réside dans l'organisation de la classe ouvrière et des classes populaires par en bas autour d'un programme qui défende l'augmentation des salaires, la fin du génocide en Palestine et des droits pour les minorités de genre et de race opprimées.
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Les Ukrainiennes demandent au gouvernement de démobiliser les soldats épuisés qui combattent depuis près de deux ans

Plus d'une centaine de femmes ont bravé une tempête de neige au début du mois de décembre pour se rassembler sur la place de l'Indépendance, au centre de Kiev, et demander au gouvernement de démobiliser les membres de leur famille qui sont sur les lignes de front depuis les premiers jours de l'invasion.
Tiré de Entre les lignes et les mots
Drapées dans des drapeaux ukrainiens, les femmes ont scandé : « C'est leur tour maintenant ». D'autres ont crié : « Les soldats ne sont pas faits de fer ».
De nombreux soldats ukrainiens qui se sont portés volontaires lorsque la Russie a lancé son invasion à grande échelle en février 2022 sont toujours sur la ligne de front, épuisés par près de deux années de combat sans répit.
« Cela fait presque deux ans, et les mêmes personnes sont dans les tranchées », a déclaré Alina, 29 ans, qui a refusé de donner son nom de famille, craignant des réactions négatives pour son mari soldat, au journal Kyiv Independent. « Beaucoup d'entre eux sont déjà morts ».
Les membres des familles demandent continuellement que les soldats soient démobilisés. Mais comme la Russie continue de consacrer d'énormes effectifs à sa guerre contre l'Ukraine, la démobilisation des soldats sans un nouvel effort de mobilisation dans le pays rendrait l'Ukraine extrêmement vulnérable à de nouvelles offensives russes.
Le gouvernement ukrainien débat actuellement des conditions du prochain cycle de mobilisation. Plusieurs versions de la législation sur la mobilisation sont en cours d'examen au parlement.
Le commandant en chef Valerii Zaluzhnyi et le ministre de la défense Rustem Umerov ont rencontré les législateurs ukrainiens pour discuter de la nouvelle législation le 4 janvier.
Les manifestantes savent toutes que l'Ukraine doit mobiliser de nouveaux soldats pour que les membres de leurs familles puissent rentrer chez eux dans un avenir proche. Actuellement, la démobilisation n'est possible qu'en cas de blessure grave, de raisons familiales impératives ou si l'on atteint la limite d'âge pour la mobilisation, actuellement fixée à 60 ans.
« Nous avons besoin d'une démobilisation totale pour ceux qui sont là depuis le premier jour », a déclaré Anastasia Bulba, une jeune femme tenant une photo de son mari, au Kyiv Independent.
Son mari, âgé de 50 ans, a pris les armes au début de l'invasion russe. Il se repose actuellement à l'hôpital de Zaporizhzhia pendant 90 jours pour guérir d'une commotion cérébrale, mais il devra bientôt retourner sur le champ de bataille, dit-elle.
« Lui et ses compagnons d'armes sont épuisés », a déclaré Mme Bulba. « Nous ne pouvons pas drainer la ligne de front, mais des soldats fatigués signifient que le front ne tiendra pas ».
À quelques pas de là, un autre manifestant tenait une pancarte sur laquelle on pouvait lire : « Soldat épuisé = guerre perdue ».
Des soldats épuisés
Le projet de loi présenté par le cabinet des ministres en décembre prévoyait de libérer les conscrits mobilisés après 36 mois de service, à moins qu'ils ne veuillent continuer à servir volontairement.
Les législateurs ont renvoyé le projet de loi au Cabinet pour révision le 11 janvier.
Umerov a déclaré que le ministère de la défense avait préparé une nouvelle version du projet de loi sur la mobilisation et qu'il était prêt à la soumettre à l'approbation du gouvernement. Il n'est pas certain que la limite de 36 mois soit maintenue dans le nouveau projet.
Umerov a déclaré le 11 janvier que la nouvelle version du projet de loi prévoyait « d'établir une durée claire du service militaire » car « chaque soldat en a besoin ».
« Les soldats enrôlés devraient enfin pouvoir rentrer chez eux. C'est juste », a déclaré M. Umerov.
Zaluzhnyi a déclaré lors d'une conférence de presse le 26 décembre que l'armée avait accepté la limite de 36 mois « en espérant qu'il n'y aurait pas d'escalade sur la ligne de front » et qu'il y aurait de nouvelles personnes pour remplacer les conscrits démobilisés.
Mais trois ans, c'est trop long pour les familles des soldats, qui exigent que les soldats soient démobilisés au bout de 18 mois.
« Ils proposent 36 mois, mais ce n'est pas juste pour ceux qui sont sur la ligne de combat », a déclaré Kateryna Tsvighun, 38 ans, au Kyiv Independent. « Ce serait une condamnation à mort pour eux ».
Les soldats volontaires de longue date ont rarement été remplacés en l'espace de deux ans, a déclaré au Kyiv Independent Anzhelika, une autre manifestante qui a également refusé de donner son nom de famille, par crainte de représailles.
Son mari, son frère et son oncle se battent tous. Ils ont rarement l'occasion d'obtenir un congé approprié depuis qu'ils se sont portés volontaires, car il n'y a pas assez de troupes pour tenir la ligne.
« Mon mari a obtenu 30 jours de congés, mais en fin de compte, il n'a eu que 15 jours de congés parce qu'il n'y avait personne pour être là à sa place », a-t-elle déclaré.
Le projet de loi propose également une rotation du personnel militaire sur la ligne de front tous les six mois, mais M. Zaluzhnyi s'est opposé à cette idée, affirmant que la situation sur le front reste imprévisible et qu'une telle rotation nécessiterait de doubler les effectifs.
« Nous ne pouvons pas prédire que ce sera dans six mois, cinq mois ou trois mois. La situation peut être complètement différente », a-t-il déclaré. « Et encore une fois, si les gens proposent une rotation de six mois, ils devraient comprendre que le nombre de troupes devrait être augmenté au moins deux fois ».
Recruter plus de soldats
La vague de mobilisation patriotique des premiers mois de l'invasion s'est essoufflée au point que les bureaux d'enrôlement ont eu du mal à trouver de nouveaux volontaires.
Kateryna Tsvighun a déclaré qu'elle ne soutenait pas la mobilisation forcée, mais que les jeunes et le gouvernement devaient assumer leur part de responsabilité dans la défense du pays.
Selon Zelensky, les forces ukrainiennes ont besoin de 450 000 à 500 000 conscrits supplémentaires.
Le projet de loi soumis au parlement ukrainien le 25 décembre vise à élargir les conditions de conscription, notamment en abaissant la limite d'âge des conscrits de 27 à 25 ans.
Le projet de loi met également fin à l'exclusion du service pour les citoyens souffrant de handicaps mineurs, légalise les avis d'appel sous forme numérique et limite la capacité des réfractaires à effectuer des transactions telles que l'achat ou la vente de biens.
Cependant, le parlement ukrainien n'examinera pas le projet de loi proposé par le gouvernement sur la mobilisation et le service militaire dans sa forme originale, a déclaré le janvier Yevheniia Kravchuk, chef adjoint de la fraction gouvernementale des Serviteurs du peuple.
La commission parlementaire sur les questions de sécurité et de défense souhaitait travailler sur « une option plus accommodante, qui lui permettrait d'être votée au parlement », a déclaré M. Kravchuk à la télévision nationale.
Cependant, le gouvernement doit trouver un moyen d'attirer de nouveaux volontaires sans recourir à une mobilisation forcée qui pourrait envoyer au front des troupes démotivées, comme l'ont déclaré certains soldats ukrainiens inquiets postés près de la ligne de front.
« Si les personnes aptes au combat comme nous s'épuisent, nous ne pourrons être remplacés que par des gens qui ne savent rien », a déclaré Roman, un natif de Kharkiv qui sert depuis 2016, au Kyiv Independent en octobre.
Insoumission/désertion
Pendant ce temps, certains Ukrainiens continuent d'échapper à la mobilisation en payant des pots-de-vin pour ne pas être incorporés. Des certificats médicaux falsifiés peuvent apparemment être achetés pour la modique somme de 3 000 dollars.
En vertu de la loi martiale, les Ukrainiens âgés de 18 à 60 ans, à quelques exceptions près, ne sont pas autorisés à quitter le pays, car ils pourraient être appelés à effectuer leur service militaire.
Environ 650 000 hommes ukrainiens âgés de 18 à 60 ans ont quitté l'Ukraine pour l'Europe depuis le début de l'invasion illégale de l'Ukraine par la Russie en février 2022, a rapporté la BBC Ukraine le 24 novembre, citant Eurostat.
La police nationale a ouvert 9 000 procédures pénales concernant le refus de la mobilisation, dont 2 600 ont fait l'objet d'une procédure judiciaire, a déclaré le ministre de l'intérieur, Ihor Klymenko.
En août, M. Zelensky a démis de leurs fonctions tous les responsables des centres régionaux de recrutement militaire dans le cadre d'un vaste scandale de corruption, promettant des enquêtes criminelles sur les systèmes de profit.
L'État tente de résoudre ces problèmes, a déclaré M. Zaluzhnyi dans un article d'opinion publié dans The Economist, en prenant des mesures telles que des « stages de combat », où le personnel nouvellement mobilisé et formé est placé dans des unités de première ligne expérimentées afin de le préparer.
Les proches des soldats présents sur le Maïdan ont appelé à la rescousse ceux qui ont fui pour éviter les combats.
« Beaucoup y échappent, grâce à des pots-de-vin ou à la corruption », a déclaré Alina, l'une des manifestantes dont le mari est dans l'armée. « Mon fils va à l'école, sur les 24 élèves de la classe, les hommes ne servent que dans deux familles ».
La plupart des manifestantes trouvent injuste d'avoir dû sacrifier leur famille alors que de jeunes couples et des hommes en âge de se battre déambulent dans les rues de Kiev, épargnés par la guerre.
« Je comprends que la vie doit continuer, et je ne souhaite la mort à personne », a déclaré Alina. « Mais il est temps que d'autres s'en chargent, il ne peut s'agir des mêmes hommes pendant tout ce temps ».
Alexander Query, 15 janvier 2024
Alexander Query est journaliste au Kyiv Independent. Il est l'ancien rédacteur en chef du Kyiv Post. Il a travaillé comme correspondant TV et présentateur à UATV en Ukraine, et a obtenu une licence en littérature moderne à La Sorbonne, à Paris.
https://kyivindependent.com/its-their-turn-now-ukrainians-call-on-government-to-demobilize-exhausted-soldiers-fighting-for-nearly-two-years/
Traduit avec DeepL.com (version gratuite)
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Ukraine 2023, le retour des luttes sociales

2023 a été marqué en Ukraine par le retour de luttes sociales. En dépit de la loi martiale qui interdit tout rassemblement ou manifestation sur la voie publique, les mouvements sociaux se sont réapproprié l'espace publique pour exprimer leurs revendications.
Il est à noter que dès novembre 2022, les étudiants de Lviv de l'Académie de l'imprimerie s'étaient rassemblés sur une place publique avec des pancartes pour protester contre le projet de fermeture de leur université. En décembre, le groupe féministe Bilkis tenait des piquets de protestation trois samedis de suite devant le magasin d'une marque de liqueur dont les bouteilles arboraient des femmes dénudées. Par ailleurs, Bilkis organisait en ce mois de décembre glacial des collages et distribution de tracts dans les rues de la ville.
Pour autant ces expressions ne relèvent pas d'un « défaitisme » (ou comme le disent habilement les médias occidentaux d'une « lassitude de la guerre » tronquant ainsi l'humeur publique). Selon une enquête du département sociologique du Centre Razumkov, réalisée en décembre 2023, 88 % des Ukrainiens croient en la victoire de l'Ukraine, seuls 5% des personnes interrogées en doutent. 70 % des Ukrainiens interrogés par les sociologues considèrent qu'il est important de critiquer d'éventuelles décisions erronées des autorités. Dans le même temps, 25% insistent pour éviter tout conflit politique.
Luttes sociales
Mesurer l'ampleur des luttes sociales dans les entreprises est difficile.
Les deux principales confédérations syndicales, FPU et KVPU communiquent peu sur ce sujet. De plus, outre les conditions de vie en temps de guerre peu propices au militantisme ou à la revendication, le mouvement syndical a été affaibli par l'engagement massif de syndicalistes [1] dans les forces armées dont nombreux sont mort au combat. Cet engagement, avec des conséquences immédiates, pèsera également à long terme sur le mouvement ouvrier ukrainien. Pour autant, la KVPU annonçait en décembre 2023 que le syndicat des mineurs avait obtenu des augmentations de salaire [2] . Toujours en décembre 2023, le tribunal régional de Kryviy Rih a reconnu, suite à un procès intenté par le syndicat des cheminots, illégale la suspension partielle de paiement de salaires par les chemins de fer ukrainiens Ukrzaliznytsya. Cette décision concerne plus de 300 000 travailleurs qui vont désormais toucher l'entièreté de leur salaire [3] . Ces actions en justice sont également engagées par salariés à titre individue, avec ou sans l'appui de syndicats. Les raisons en sont multiples. Licenciement abusif, non-paiement du salaire... Selon Vitalyi Dudin, avocat du droit du travail, 44 % de ces procès se concluent en faveur du salarié [4] .
Signalons enfin la longue lutte des coursiers de Kyiv et Dnipro [5].
Deux secteurs, la santé et les étudiants, où deux syndicats combatifs sont présents, ont vu des luttes importantes se dérouler.
1/ Luttes dans le secteur de la santé
Sous l'effet conjugué de la réforme néo-libérale (entamée avant le 24.2.22) et la guerre, la situation dans les hôpitaux s'est fortement dégradée. Selon un rapport du 10 août 2023 du Centre de santé ukrainien, depuis le début de l'invasion russe à grande échelle, plus de 1 000 attaques contre des infrastructures de santé ont été enregistrées. Le système de santé ukrainien - établissements médicaux et autres infrastructures de santé - a subi environ deux attaques par jour depuis le début de l'invasion à grande échelle de la Russie le 24 février 2022. La contre-réforme du système de santé, sous couvert de décentralisation et d' » optimisation » a confié aux collectivités locales la gestion des hôpitaux, subventionnés selon les actes médicaux déclarés [6]. De plus il est prévu que si la masse salariale dépasse 85%, les salaires peuvent être réduits au minimum unilatéralement [7]. Ajoutons la corruption endémique (achats de médicaments surfacturés, attribution de primes ou de d'augmentation de salaires pharaoniques aux organes de direction). On ne compte plus le nombre d'hôpitaux perquisitionnés par la police. Dans cette situation, il n'est pas rare de voir le personnel médical ne plus toucher son salaire pendant un, deux ou trois mois. Il arrive également qu'il soit brutalement licencié du jour au lendemain suit des fusions-restructurations décidées autoritairement.
Dans cette situation, l'organisation syndicale Sois comme Nina [8] se détache comme une organisation fortement combative. Outre l'important travail de secours humanitaire qu'elle mène à l'instar de l'ensemble du mouvement syndical [9], Sois comme Nina se bat quotidiennement dans les hôpitaux pour faire respecter les droits des travailleurs de la santé [10]. Sois comme Nina dénonce également la division genrée du travail à l'hôpital.
« Les femmes, en particulier les infirmières ukrainiennes, ont une charge de travail excessive. Sur leur lieu de travail, elles sont responsables de la santé des patients, doivent réagir en temps voulu et fournir des soins médicaux rapides. Dans le même temps, la majorité des infirmières ukrainiennes sont privées d'évolution de carrière et ne sont pas incitées à se perfectionner. En plus de son travail, une femme doit élever ses enfants, s'occuper de la santé de sa famille et de ses proches et veiller à la gestion de la maison. C'est pourquoi Sois comme Nina soulève cette question à chaque fois. Nous recherchons une répartition égale des responsabilités dans la société. Sois comme Nina a toujours été soutenue par des organisations féministes telles que l'Atelier féministe et Perspectives des femmes. Nous organisons ensemble des séminaires et des événements publics [11]
explique Oksana Slobodyana, présidente de Sois comme Nina.
Face au fonctionnement actuel des hôpitaux Sois comme Nina affirme un « contre-plan ». « Gérer et contrôler les hôpitaux est possible » considère le syndicat [12]. Face à la crise :
« Le moyen le plus efficace est de créer des syndicats indépendants qui peuvent et pourront comprendre clairement la situation et contrôler tout de l'intérieur. En effet, qui connaît mieux la situation de son hôpital, ses capacités, son administration que les employés eux-mêmes. Ainsi, gérer et contrôler les hôpitaux est possible si nous commençons par élire le directeur par le personnel lui-même. En outre, les membres de la direction doivent être responsables même après leur licenciement, de sorte que le syndicat sera en mesure de contrôler tous les processus [judiciaires]. Enfin, la chose la plus importante est une comptabilité transparente, qui montre clairement combien d'argent a été reçu et à quoi il a été dépensé ».
ajoute Oksana.
Cette revendication de contrôle est également dans d'autres secteurs (voir plus bas paragraphes luttes étudiantes et rassemblements citoyens).

.
À la veille du nouvel An, Sois comme Nina a obtenu une nouvelle victoire. Le personnel soignant de la ville d'Oleksandria, dans l'oblast de Kirovohrad, a réussi à obtenir le paiement de plusieurs mois d'arriérés de salaires. Son montant total s'élevait à environ 4 millions Hryvnias (97 000 euros). Le personnel médical de l'hôpital d'Oleksandria (150 salariés) était confronté à des retards de salaire depuis septembre 2023. En raison d'un financement insuffisant de la part du Service national de santé ukrainien, leur établissement médical avait été liquidé et le personnel transféré dans un autre hôpital. Cependant, le problème de la dette salariale n'avait pas été résolu. « Le mouvement Sois comme Nina joue un rôle important dans la mise en lumière des problèmes du secteur médical. C'est le seul mouvement en Ukraine qui se bat réellement pour les droits des travailleurs de la santé » a souligné une infirmière.
2/ Luttes étudiantes
En février 2023, le paysage syndical étudiant (dominé par deux organisations syndicales « de droite ») a vu l'arrivée d'un nouveau venu : Priama Diia (PD, Action directe) [13]. Cette nouvelle organisation (qui s'inscrivait dans la lignée des Priama Diia qui avaient existé antérieurement) est né de la lutte des étudiants de Lviv contre la fermeture de l'Académie de l'imprimerie [14] de novembre 2022. Depuis le syndicat a remporté plusieurs victoires que lesquels il revenait dans son bilan de l'année 2023
« C'est sur la base d'une crise sociale de grande ampleur que la nouvelle génération du syndicat indépendant Action directe a vu le jour.
• Grâce aux efforts du syndicat, l'étudiante Karina Chmeliuk, qui est aujourd'hui une membre active d'Action directe, a été renvoyée de la Crimée occupée vers les territoires contrôlés par le gouvernement ;
• L'initiative « Students - Academics ! » a été lancée pour attirer l'attention sur le problème des étudiants financés par l'État qui prennent des congés académiques ;
• Les étudiants ont organisé un événement intitulé « Semaine contre le fascisme », au cours duquel nous avons rappelé que l'opposition aux idéologies haineuses est toujours d'actualité,
• Nous nous sommes rassemblés pour des nettoyages afin de montrer que la protection de l'environnement est une question qui devrait préoccuper tous les groupes sociaux, y compris les étudiants ;
• En collaboration avec le conseil des étudiants du département de psychologie de l'université de Karazin, nous avons édité une brochure sur la lutte contre la violence psychologique exercée par les enseignants ;
• Nous avons lancé une action demandant l'occupation de l'ambassade russe vide pour la transformer en un centre de jeunesse accessible au public ;
• Participation aux manifestations contre la saisie du bâtiment du KNUKiT par les pillards, qui se sont soldées par une victoire pour les étudiants ;
• Nous avons contribué à la création du « Comité étudiant du 11 octobre » chargé d'inspecter la réinstallation des fenêtres et des portes à l'université nationale de Lviv, puis nous avons inspecté les abris dans les universités ;
• Nous avons participé à des manifestations contre la chauvine Iryna Farion, exigeant son licenciement de son poste de professeur à l'école polytechnique de Lviv ;
• Nous avons organisé une manifestation à la KIMA contre la décision de l'administration de faire payer les étudiants pour leurs absences. »

Ajoutons que le syndicat connaît un réel développement. Dans plusieurs de ces mobilisations le syndicat a mis en avant le contrôle étudiant [15]. Comme il mentionne plus haut il a contrôlé l'état de nombreux abris dans les universités et publié des comptes rendus publics de ses inspections. Le syndicat explique sa démarche ainsi :
« Dans un contexte de guerre, la question des conditions de sécurité des études dans les établissements d'enseignement et l'hébergement dans les dortoirs pour étudiants se pose avec une acuité particulière. Afin de protéger les étudiants et le personnel des effets dévastateurs de futurs bombardements, le gouvernement a proposé des recommandations sur la manière d'organiser des abris dans les établissements d'enseignement. Cependant, dans quelle mesure les administrations des universités ukrainiennes respectent-elles consciencieusement ces exigences et quel est l'état de nos abris ?
Nous lançons une campagne d'inspection des abris dans les bâtiments scolaires et les dortoirs afin d'attirer l'attention du public sur la situation réelle des mesures de sécurité et de créer un espace pour la lutte en faveur d'abris sûrs et confortables.
Pour ce faire, nous avons créé un canal où nous publierons des informations sur les résultats de l'audit, alors rejoignez-nous
Nous appelons tous ceux qui le souhaitent à participer - écrivez-nous sur l'état des abris dans vos universités/dortoirs en utilisant notre bot - @priama_dia_bot. Si vous êtes prêt à participer à la vérification, écrivez-nous et rejoignez la campagne ! »
Actuellement, le syndicat est engagé dans une campagne contre la fermeture de l'Université nationale de Tauride originellement en Crimée exilée en territoire libre [16] qui enseigne notamment la langue tatare. Cette fermeture s'inscrit dans une vaste de plan qui vise à
– Réduire le nombre d'étudiants (aussi réduction en cours des bourses d'études) ;
– Livrer à la spéculation leur terrain et bâtiment à la spéculation immobilière
Elle est le fruit d'un audit soutenu par la Banque mondiale effectué avant le 24.2 22. 70 autres universités sont promises à la fermeture
Rassemblements citoyens
L'année 2023 a vu également la multiplication de rassemblements citoyens [17] dans l'espace public des villes d'Odessa à Lviv. On peut y voir toutes les classes d'âge, hommes et femmes (souvent la presse interroge d'ailleurs les « organisatrices » à leur sujet). Des militaires en treillis y participent et s'y expriment librement. Ils rassemblent selon les jours et les endroits entre 30 et 1 000 personnes [18]. Malgré la loi martiale la police [19] laisse faire même lorsque ils se transforment en manifestation dans les rues.
On peut distinguer trois types de rassemblements selon les questions mises en avant.
1/ Pour le retour des prisonniers de guerre.
Les participants ont souvent des membres de leurs familles prisonniers des Russes et exigent que les échanges de prisonniers soient plus importants. Ils demandent à la société ukrainienne de ne pas les oublier. Par exemple le dimanche 14 janviers 2024, à Dnipro, un rassemblement a été organisé en soutien aux prisonniers de guerre. Sur la place Slobozhansk, une centaine de personnes sont sorties avec des affiches appelant au retour de leurs proches de captivité russe. À Kyiv, ils étaient 300 venus rappeler une fois de plus à la société et aux autorités qu'ils attendent depuis près de deux ans le retour de leurs proches de captivité russe et ils étaient 120 à Mykolaïv. Des rassemblements ont eu lieu également à Odessa (30 participants), à Tcherkassy (100), à Potlava (30), à Soumy (20) et à Khmelnytsky (une manifestation dans les rues de 23 femmes).

2. Pour la relève des soldats au front
Ces rassemblements demandent la relève des soldats au front. Exemple toujours le dimanche 14 janvier 2024, Le 14 janvier, à Vinnytsia, des familles de militaires - femmes, mères et enfants - ont participé à un rassemblement dans le centre de la ville. Elles ont exigé que les autorités démobilisent les militaires après 18 mois de service. Une telle action a eu lieu à Vinnytsia pour la cinquième fois depuis le début de l'invasion à grande échelle. Les affiches portées par les participants disaient : « C'est à mon tour de serrer papa dans mes bras tous les jours », « L'Ukraine est un pays de gens libres. Les militaires ne sont-ils pas des gens ? », « 36 mois. Peine de mort pour les militaires », « Laisse papa rentrer à la maison ! C'est l'heure des autres », « Les familles de militaires exigent la démobilisation », etc. Les participantes ont exprimé leurs revendications lors d'une marche à travers la ville et a duré une heure et qui s'est terminée près du bâtiment administratif de la mairie.
Comme pour le retour des prisonniers de guerre, ces rassemblements n'expriment à ce jour pas de revendications précises au gouvernement (par exemple sur la mobilisation) mais témoignent d'une exaspération à l'égard des autorités.
3/ Contestation des budgets municipaux
« Des drones puis des pavés » est le plus souvent le mot d'ordre qui domine ces rassemblements. Ses participants contestent les dépenses faites par les conseils municipaux en faveur de dépenses qu'ils jugent « non essentielles » comme la rénovation d'un stade ou d'un tribunal ou bien encore... le repavement d'avenue Et ce aux dépens des aides qui pourraient être apportées aux forces armées. Les participants sont aussi des membres de familles de soldats au front qui, tant ils sont démunis de produits essentiels à la vie quotidienne mais aussi de drones par exemple, leur demandent de leur apporter leur aide.
Exemple ;
Le 9 septembre 2023, des rassemblements ont eu lieu à Odessa et à Lviv pour exiger que l'argent des contribuables soit dirigé vers les besoins des forces armées plutôt que vers d'autres dépenses engagées par les autorités locales. Environ 60 personnes étaient présentes près de l'immeuble de l'administration militaire régionale de Lviv. « Allouez des fonds à l'armée, pas aux pavés » ont crié les manifestants. Sviatoslav Litynskyi, l'auteur de la pétition sur la limitation des dépenses non essentielles et en faveur du développement de la capacité de défense de l'Ukraine, a déclaré que plus de 25 000 personnes avaient soutenu sa pétition. Un officier grièvement blessé de la 93e brigade mécanisée, Artur Kireev a expliqué sa présence ainsi ! « Je suis venu au rassemblement pour informer nos autorités qu'il faut désormais allouer des fonds à l'armée, et non au pavage des rues, à la construction de nouveaux stades et à autre chose ». Le rassemblement à Lviv a duré une heure.
Le matin du 9 septembre, plus de 1 000 personnes se sont rassemblées à Odessa. Ce rassemblement faisait suite à d'autres moins importants en nombre tenus les semaines précédentes. « Nous exigeons que les impôts soient dépensés pour l'aide aux militaires, pour les garrots, les véhicules d'évacuation. Au lieu de cela, nous voyons des appels d'offres tous les jours : tribunaux, arbres de Noël... » explique Kateryna Nozhevnikova.

À Tcherkassy (200 000 habitants, situé à mi-chemin entre Kyiv et Dnipro), les habitants à force de rassemblements ont obtenu que 500 millions d' Hryvnias soient dédiés au soutien des forces armées. Quelques jours avant ce qu'ils considèrent comme une victoire ne soit obtenue, ils avaient organisé un débat public sur les finances municipales dans un abri d'un centre commercial. « La communauté enverra les propositions élaborées à la réunion au conseil municipal » avait déclaré une des animatrices du débat Viktoriya Feofilova. Et au lendemain de l'annonce du conseil municipal des 500 millions, lors d'un nouveau rassemblement « Maintenant, notre tâche est de surveiller et de contrôler. À partir de janvier, il est nécessaire de surveiller le processus d'allocation des fonds » devait déclarer un manifestant en s'adressant aux 500 personnes présentes le 23 décembre. Anna Malysh a ajouté : « Actuellement, l'objectif intermédiaire a été atteint : nous nous sommes battus pour que le programme de soutien aux forces armées soit inclus dans le budget de la ville. Mais la lutte continue, car il est important de garantir que cette aide soit effectivement fournie. Maintenant, notre tâche est de surveiller et de contrôler ». Une forme de contrôle populaire. Une expérience qui fait tache d'huile puisque dans une localité voisine, Valery Makeev organisateur d'un rassemblement déclarait début janvier 2024 « Il est interdit d'assister à des rassemblements pendant la loi martiale. Mais cela a fonctionné à Tcherkassy, et cela peut fonctionner à Kanev. Parce qu'ici avec notre rassemblement des conseillers de la ville vont sentir qu'il serait préférable qu'ils ne restent pas sur leur position. »
4/ Territoires occupés
Outre les mouvements de résistance, Atesh (guérilla et renseignements militaires), le Ruban jaune (diffusion des couleurs de l'Ukraine dans l'espace public), Mavka (mouvement de femmes, édite un bulletin clandestin, 14 numéros parus), il existe des rassemblements d'Ukrainiens excédés par leurs conditions de vie que leur impose l'occupant russe. Ces rassemblements réunissent moins de 10 personnes, en raison de graves risques qu'il y a à s'opposer aux autorités locales. Cependant, souvent les protestataires se filment et diffusent les vidéos sur les réseaux sociaux où ils (en fait souvent elles) expriment leurs doléances.

Fin 2023, une sociologue de Kharkiv estimait que ces rassemblements se coordonneraient et pourraient devenir une force avec laquelle le gouvernement devrait compter.
La photographie présentée ici est très incomplète. N'y figurent pas les mouvements féministes [20]et , les mouvements LGBT ou les mouvements écologistes, les coopératives etc. Mais cependant elle indique que la société ukrainienne est en train de bouger et de porter ses exigences sociales, dont la satisfaction expliquent certains de ses acteurs est indispensable à la victoire. Il est vrai que libération nationale et libération sociale sont imbriquées dans l'histoire contemporaine de l'Ukraine. La capacité d'auto-organisation dont a fait preuve la société ukrainienne lors des Maïdan mais surtout dans les premiers mois de la guerre a inscrit dans la mémoire collective le chemin possible de la double émancipation qu'il lui fallait emprunter.
19 janvier 2024
Patrick Le Tréhondat
[1] Il est remarquable que des groupes gauchistes français qui appellent de leurs vœux à longueur de colonnes à l' « armement du prolétariat » ignorent cette réalité, préférant pérorer sur la mainmise de puissances impérialistes occidentales sur l'Ukraine et se refusent à toute solidarité avec le mouvement ouvrier ukrainien.
[2] Augmentations de salaire dans les mines, https://laboursolidarity.org/fr/europe/n/2985/augmentations-de-salaire-dans-les-mines
[3] Les cheminots et cheminotes ont droit à leurs salaires ! https://laboursolidarity.org/fr/europe/n/2895/les-cheminots-et-cheminotes-ont-droit-a-leurs-salaires-
[5] « Vous ne vivez pas dans un pays où l'on peut faire grève », https://laboursolidarity.org/fr/europe/n/2940/vous-ne-vivez-pas-dans-un-pays-ou-l039on-peut-faire-greve
[6] Une maternité a été convaincue d'avoir déclaré de fausses naissances pour augmenter sa subvention.
[7] C'est ce qui est arrivé aux infirmières d'un hôpital dans la région de Lviv qui ont donc demandé « l'ouverture des livres de compte » de l'hôpital pour vérifier si la réduction de leurs salaires était justifiée. Demande refusée, elles ont créé un syndicat affilié à Sois comme Nina.
[8] Sois comme Nina ne se réduit pas à une organisation syndicale classique. Il faudrait prendre le temps et la place ses multiples facettes et expliciter sa stratégie syndicale qui au-delà du simple développement linéaire de l'organisation.
[9] La FPU, par exemple, disposant de nombreuses infrastructures (centre de colonies de vacances etc.) a mis celles-ci à la disposition des réfugiés, ce qui a constitué une aide considérable. « Nous créons des syndicats indépendants dans les hôpitaux »
[10] « Nous créons des syndicats indépendants dans les hôpitaux » https://laboursolidarity.org/fr/europe/n/2623/-nous-creons-des-syndicats-independants-dans-les-hopitaux-
[11] 3 questions à Sois comme Nina, https://laboursolidarity.org/fr/europe/n/2962/3-questions-a-sois-comme-nina. »
[12] Gérer et contrôler les hôpitaux est possible, https://laboursolidarity.org/fr/europe/n/2800/gerer-et--controler-les-hopitaux-est-possible
[13] Le syndicat étudiant ukrainien Action directe est de retour, https://laboursolidarity.org/fr/busca/n/2531/le-syndicat-etudiant-ukrainien-action-directe-est-de-retour
[14] Mobilisation étudiante à Lviv, https://laboursolidarity.org/fr/busca/n/2405/mobilisation-etudiante-a-lviv
[15] Priama Diia (Action directe), pour le contrôle étudiant, https://laboursolidarity.org/fr/busca/n/2922/priama-diia--action-directe-pour-le-controle-etudiant
[16] En raison de l'occupation de la Crimée par la Russie en 2014, l'université a réussi à être déplacée vers les territoires contrôlés par l'Ukraine. En 2016, l'université a rouvert ses portes à Kyiv.
[17] La page Facebook du comité français de solidarité avec l'Ukraine se fait l'écho régulièrement de ces rassemblements et en publie les photos https://www.facebook.com/profile.php?id=100087563586225
[18] Notons que les participants prennent des risques en raison de la concentration de portables qu'ils provoquent et n'échappent pas aux radars russes. En Syrie, les Russes ont souvent pilonné des concentrations de portables comme devant une distribution de pain.
[19] Le seul cas de répression que je connaisse est celui d'une jeune manifestante à Lviv qui avait répandu de la peinture à l'eau rouge lors d'un rassemblement. Arrêtée, elle a été relaxée par le tribunal.
[20] Pour découvrir l'un d'entre eux voir Bilkis un groupe féministe ukrainien https://www.syllepse.net/syllepse_images/articles/bilkis-french_compressed.pdf

Appel à soutenir plus que jamais la résistance populaire armée et non armée en Ukraine

En ce second anniversaire de l'invasion impérialiste russe de toute l'Ukraine, dixième anniversaire de la guerre commencée en 2014, le Comité français du Réseau européen de solidarité avec l'Ukraine (RESU) appelle plus que jamais à soutenir la résistance populaire armée et non armée en Ukraine.
19 janvier 2024
Nous appelons donc à fournir à l'Ukraine les aides financières – en dons, pas en crédits – pour faire face aux destructions et au froid, autant que nécessaire et sans délais. L'Ukraine doit pouvoir recevoir et produire les armes et munitions qui lui manquent afin de protéger la population et d'empêcher de nouveaux crimes et de conquérir une paix durable, parce que juste !
Les pressions pour un cessez-le-feu et pour le ralentissement voire l'arrêt de l'aide militaire à l'Ukraine, associées de facto à l'idée d'un gel du maintien sous domination russe des territoires annexés, ne conduiraient pas à la paix mais à la poursuite de la guerre et des crimes contre l'humanité.
Il s'agit de la lutte contre l'oppression, la torture, les viols, les déportations de populations, les enlèvements d'enfants, la destruction de la nation ukrainienne et de toute différence envers la « grande Russie » dans les territoires occupés, les destructions d'infrastructures et l'écocide en cours : la voie de la paix passe par la défaite du régime poutinien.
Tel est le message du RESU auprès des mouvements sociaux, de la gauche et des organisations syndicales en France : les armes ne doivent pas être des marchandises, elles ne doivent pas être destinées à des dictatures. Pas plus que les aides financières, elles ne doivent être des moyens de pression politique ou des instruments d'assujetissement économique et d'endettement. Elles doivent être fournies gratuitement à un pays agressé, car elles ont en Ukraine une vraie utilité sociale et démocratique !
Et ne vaudrait-il pas mieux les fournir rapidement à l'Ukraine plutôt que les livrer à des dictatures ou à Israël, qui détruit Gaza ? Pendant ce temps les ventes d'armes de la France explosent.
Notre soutien à l'Ukraine, s'il veut être efficace et internationaliste, doit être donc associé à la revendication d'abrogation de la dette extérieure ukrainienne. Il appuie la volonté de contrôle par la population de l'utilisation des aides et il apporte son plein soutien aux soldat•es, à la société civile ukrainienne, aux femmes, aux jeunes mobilisé•es dans des rassemblements, manifestations, actions diverses dans tout le pays pour que les moyens du combat ne soient pas détournés par la corruption. Nous soutenons toutes celles et tous ceux qui luttent pour les droits sociaux, contre la destruction du droit du travail et du droit syndical, des attaques qui vont à l'encontre des besoins de la mobilisation contre l'invasion.
Notre soutien vise la défaite et le renversement du régime poutinien et va aux combattant•es antiguerre en Russie et auBélarus, ainsi qu'à l'exigence de libération de tous les prisonnier•ères politiques dans ces pays
C'est par la résistance populaire que l'invasion a été stoppée en février-mars 2022. C'est par la résistance populaire et un véritable soutien internationaliste que la victoire reste possible, seule voie vers la paix en Europe et l'émancipation de tous les peuples opprimés dans le monde.

« Le danger fasciste est réel » – la France et au-delà

Lucide sur l'avancée de l'extrême droite, l'ancien candidat d'extrême gauche à la présidentielle appelle à refuser la « dictature du fait accompli » : à condition d'éviter le sectarisme, le camp de l'émancipation peut se ressaisir.
Tiré d'Europe Solidaire Sans Frontières
11 janvier 2024
Par Olivier Besancenot et Mathieu Dejean
Mobilisation contre la loi immigration, divisions à gauche, monde en bascule avec l'ascension des discours et des forces d'extrême droite en Europe... L'ancien candidat à la présidentielle de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) en 2002 et 2007 (il avait obtenu respectivement 4,25 % et 4,08 % des suffrages exprimés), désormais simple militant au Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), qui a récemment proposé à La France insoumise (LFI) de faire liste commune aux élections européennes de 2024, porte un regard inquiet sur la situation en France et dans le monde.
Sans céder aux « fatalistes de l'Histoire » qui veulent imposer le récit d'une victoire inexorable de Marine Le Pen en 2027, il alerte sur ce « danger réel » et invite toutes les forces de gauche à reprendre le flambeau de l'antifascisme « au-delà de la seule question électorale ».
Mediapart : La loi immigration est passée fin décembre avec les voix du RN. Même si le Conseil constitutionnel censure certains de ses articles, considérez-vous qu'on est passé à une nouvelle étape dans l'évolution du macronisme ?
Olivier Besancenot : Cette loi marque un saut majeur dans l'extrême droitisation de la classe politique, c'est évident. Son élaboration témoigne de l'influence du Rassemblement national, qui est devenu une boîte à idées du pouvoir en place. Cela crédibilise un peu plus la thèse de l'accession possible du RN au pouvoir, même si l'extrême droite n'y est pas encore.
Sur la loi immigration, la bataille n'est pas terminée. Après la manifestation du 14 janvier, il y aura celle du 21 janvier. Nous allons unifier un maximum de forces et faire entendre la voix de toutes celles et tous ceux qui y sont opposés. Les macronistes traîneront cette loi comme un boulet, y compris lors d'échéances symboliques comme l'entrée de Manouchian au Panthéon. Car faire entrer au Panthéon l'un des responsables des Francs-tireurs et partisans – Main-d'œuvre immigrée (FTP-MOI) et faire voter cette loi, ce n'est pas du « en même temps » mais une contradiction politique scandaleuse et moralement révoltante.
Les nombreux coups portés par le camp présidentiel sur la question sociale, dans une ambiance internationale sombre, pourraient susciter davantage d'abattement que de révolte. Comment percevez-vous le climat du pays ?
Un récit nous est imposé sur le thème de l'inexorable ascension du RN au sommet de l'État. Je suis plutôt du côté du révolutionnaire Auguste Blanqui, qui pourfendait les fatalistes de l'Histoire. La responsabilité première à gauche, quelle que soit sa sensibilité, est de refuser cette dictature du fait accompli et de faire en sorte que ce récit soit démenti par les faits. Je suis conscient de l'évolution du rapport de force, et je sais qu'on ne l'inversera ni par des postures ni par de la gonflette, mais l'Histoire n'est pas une construction linéaire, elle est faite de bifurcations.
Il faut rassembler les forces sur des batailles essentielles, dont la lutte contre l'extrême droite et ses idées. S'il existe un drapeau qui permet de rassembler toute la gauche sociale et politique anticapitaliste, c'est le drapeau commun de l'antifascisme. Un tournant mondial nauséabond s'opère, auquel il faut opposer un large front d'actions et de résistance à l'air du temps.
À quoi attribuer ce tournant qu'on constate en Europe, mais aussi en Amérique latine avec Javier Milei en Argentine, ou en Israël avec Nétanyahou ?
Ce qui se passe en Israël, ce qui se passe en Europe et ce qui se passe en Amérique latine, au-delà des singularités propres à chaque situation, témoigne de la fin d'un cycle. Celui de la mondialisation libérale telle que nous l'avons connue depuis quarante ans, et cela renvoie aux contradictions profondes et inhérentes au système capitaliste.
Comme toujours, une fin de cycle n'est pas synonyme de retour à la situation antérieure : c'est une situation nouvelle qui s'ouvre, marquée par des intérêts nationaux aiguisés, des compétitions interimpérialistes et des guerres locales de très haute intensité qui mettent en péril le reste du monde à chaque instant. C'est comme si le monde avait perdu le contrôle de sa propre marche, comme un train fou qui roulerait à vive allure vers un précipice. La catastrophe écologique et climatique ou même la récente crise liée au narcotrafic en Équateur vont dans ce sens.
Nous ne vivons pas une redite des années 30, car ce n'est pas tant le “péril rouge” qui inquiète la classe dominante que le désordre globalisé qui menace ses affaires. Mais le danger fasciste est réel.
Politiquement, cela produit des courants d'extrême droite, néofascistes ou fascistes – l'heure n'est plus aux colloques sur leur dénomination. Marx comparait la révolution à un train qui tire l'humanité vers l'avant. Walter Benjamin, lui, tout en faisant sienne la rhétorique marxienne, comparait la nécessité révolutionnaire au signal d'alarme de ce train que l'humanité devait tirer au plus vite et en conscience, avant qu'il ne s'écrase. La tâche du mouvement d'émancipation tient aujourd'hui précisément à cela : tirer ce signal d'arrêt d'urgence !
L'extrême droite a fortement progressé tant électoralement que sur le plan culturel depuis 2002, où l'extrême gauche représentait un débouché politique important – avec Arlette Laguiller de Lutte ouvrière, vos deux candidatures cumulaient 10 % des suffrages exprimés à la présidentielle. Comment expliquer cette extrême droitisation, et le fait que la gauche de rupture soit moins identifiée comme un débouché politique aujourd'hui ?
D'abord, il y a eu des défaites sociales sur le terrain de la lutte de classes, dont très récemment celle sur la bataille des retraites. Dans ces circonstances, l'idée que la solidarité paye est plus compliquée à démontrer. Les discours émancipateurs ne sont jamais aussi forts que lorsqu'ils sont portés par des périodes de victoires par l'action. Or, compte tenu de la crise globale que nous traversons, les luttes ne sont pas derrière nous. Tout reste ouvert.
Mais il y a aussi des tendances de fond, notamment une aspiration à l'ordre que les discours simplistes remplissent facilement de haine. Hannah Arendt l'a analysé à maintes reprises : il existe une base sociale au mouvement totalitaire, qui ne s'explique pas seulement par le haut et le jeu des classes dominantes. Elle évoque un terreau : un phénomène de « désolation », sorte de stade suprême de l'individualisation et de la fragmentation des relations sociales. Face à cela, tout projet émancipateur doit partir de cette terrible réalité pour espérer être en phase.
Dans ce contexte, nous sommes obligés de tirer les bilans de notre propre histoire, même si celle-ci ne se répète jamais à l'identique. Nous ne vivons pas une redite des années 30, car ce n'est pas tant le « péril rouge » qui inquiète la classe dominante que le désordre globalisé qui menace ses affaires à terme. Mais le danger fasciste est réel du point du vue du racisme anti-immigrés et des attaques antidémocratiques. Les erreurs tragiques du mouvement ouvrier propres aux années 30, elles, menacent de se reproduire à l'identique : le sectarisme, la fragmentation, l'aveuglement.
C'est cette analyse qui a conduit le NPA à proposer une campagne commune avec LFI aux européennes de 2024 ?
Je ne suis plus à la direction du NPA, mais j'accompagne cette démarche qui consiste en effet à interpeller les forces de la gauche de rupture. Cela étant, au-delà de la seule question électorale, il y a une nécessité de dépassement et de rassemblement des forces sociales et politiques anticapitalistes, tout en plaçant au centre le front unique contre la droite et l'extrême droite. Une unité sur une démarche d'actions concrètes qui puisse alimenter le retour nécessaire des questions stratégiques pour incarner une alternative de masse – ce que nous n'avons pas réussi jusqu'ici.
L'extrême droite mène à sa façon une bataille pour l'hégémonie culturelle de manière décomplexée depuis trente ans ! À nous de mener la nôtre. Pour l'heure, nous traversons un énorme trou d'air idéologique où les gauches en France semblent perdre leurs boussoles, au point de devenir parfois méconnaissables...
Méconnaissables en termes de faiblesse politique ou en termes de ligne ?
En termes de ligne politique. Pendant longtemps, la lutte contre le racisme, sous toutes ses formes, était un repère politique structurant à gauche. De l'affaire Dreyfus aux générations qui ont écrit les pages de la Résistance et du mouvement ouvrier, sans oublier la marche pour l'égalité des années 80. Ce combat inclut autant la lutte contre l'antisémitisme, l'islamophobie que la négrophobie. Cette boussole à gauche est fondamentale, au même titre que l'a toujours été la lutte anticoloniale – je pense au Vietnam ou à l'Algérie, par exemple.
Or, depuis le 7 octobre dernier, les gauches paraissent perdre le nord, comme si les aiguilles s'affolaient au point de renoncer à l'une ou l'autre de leurs valeurs. Idem sur l'internationalisme, victime du triste retour du « campisme » qui voudrait transformer en loi la maxime qui prétend que « l'ennemi de mon ennemi est forcément mon ami ». C'est la même cohérence qui nous pousse, au NPA, à affirmer notre solidarité pour les résistances à la fois palestinienne, kurde ou ukrainienne, par exemple.
La gauche a en effet été accusée d'antisémitisme, de complicité avec le Hamas dans cette période, et le NPA n'y a pas échappé. Y a-t-il eu des maladresses, quand vous relisez les événements depuis le 7 octobre ? Avez-vous réussi à tenir tous les bouts ?
J'appartiens à un courant politique, la IVe Internationale, où des camarades ont été porteurs de valises pour le FLN, remplies d'argent ou d'armes. C'était notre contribution à la lutte d'indépendance algérienne. Pour ma part, j'en tire une grande fierté. Cela ne nous empêchait pas à l'époque de formuler nos désaccords, voire des critiques sur certaines modalités d'action. Nous étions par exemple opposés aux attentats aveugles contre les civils. Des questions morales d'autant plus importantes qu'une des conditions pour qu'une lutte de libération nationale l'emporte, c'est que la société coloniale elle-même se fracture.
L'accusation d'apologie du terrorisme qui nous est faite est une insulte à notre histoire.
En outre, le Hamas n'est pas le FLN. Nous sommes pour le droit à l'autodétermination du peuple palestinien, parce que nous sommes pour son droit à l'émancipation. Or le projet du Hamas est à l'opposé, point par point, d'un projet d'émancipation. Pour nous, les massacres contre les civils, les corps souillés ou les viols ne seront jamais des actes de résistance mais des actes de barbarie. Je les ai toujours dénoncés. Le 7 octobre 2023 n'échappe pas à la règle.
Du reste, l'accusation d'apologie du terrorisme qui nous est faite est une insulte à notre histoire. Ici comme ailleurs, je ne ferai jamais mienne la devise qui affirme que « la fin justifie les moyens ». Les contre-révolutions bureaucratiques du XXe siècle sont toutes nées en ânonnant joyeusement ce genre de slogan. Et précisément parce que, dans chaque situation, nous plaçons la vie humaine au-dessus de toute chose, les silences politiques assourdissants sur le massacre qui se déroule à Gaza me glacent le sang.
Il y a un côté orwellien dans la situation actuelle, quand on écoute les mots qui sont utilisés. Ce n'est pas d'une guerre d'occupation coloniale qu'il serait question mais d'une « opération militaire pour éradiquer le terrorisme », donc d'une opération de paix – on n'est pas loin de « la guerre, c'est la paix » dans le roman d'Orwell. On peut multiplier les exemples : on criminalise le simple fait de participer, comme je l'ai fait, à des manifestations de solidarité avec le peuple palestinien pour réclamer le cessez-le-feu. Brandir le drapeau palestinien serait désormais considéré comme un signe antisémite ! C'est du délire.
Un porte-parole de l'armée israélienne a promis des combats à Gaza « tout au long de cette année 2024 ». On ne peut pas dire qu'en France la mobilisation pour la solidarité soit aussi massive que dans d'autres pays. Comment peser pour que cessent les massacres ?
Une responsabilité considérable pèse sur nous pour que la solidarité s'organise ici, dans les pays les plus riches. La mobilisation qui se déroule aux États-Unis − notamment les manifestations juives qui proclament « Pas en notre nom ! » − est extrêmement importante de ce point de vue. Ces luttes exercent une pression au cœur même de la puissance protectrice de l'État colonialiste israélien.
Pour qu'une solution politique binationale voie le jour là-bas, avec égalité des droits pour tous et toutes – deux États, un État, un système fédéral… –, il faut, en complément de la lutte palestinienne, que la solidarité s'organise dans nos pays pour imposer à nos gouvernants de retirer à Israël tout appui logistique, économique et militaire, et mettre fin à l'horreur à laquelle nous assistons chaque jour, impuissants.
On a besoin d'un sursaut de conscience politique et que la gauche sorte de sa léthargie. Malheureusement, la gauche française paraît trop souvent prisonnière des règles de la Ve République. Une campagne présidentielle se termine, et les futurs candidats à la prochaine se profilent d'emblée. Trop de remplaçants sur le banc, qui ne pensent qu'au brassard de capitaine et plus vraiment à l'équipe. Au foot, ça finit toujours mal. Jouer collectif, c'est taper ensemble sur les mêmes clous, même lorsque nous marchons séparément, pour reprendre la vieille formule !
Le pire des risques pour la gauche aujourd'hui, c'est donc le sectarisme ?
Il ne faut céder ni au sectarisme ni à l'opportunisme. Affirmer sa solidarité avec le peuple palestinien est un minimum, quelle que soit notre obédience, et quelles que soient les pressions exercées par le courant dominant. Nous avons, par exemple, des désaccords politiques connus avec LFI, mais la diabolisation et la cornérisation dont cette organisation fait l'objet devraient tous nous alerter.
De même, lorsque le NPA a été convoqué par la police judiciaire et entendu dans le cadre d'une enquête préliminaire pour « apologie du terrorisme », les soutiens ont été discrets. La gauche peut s'en laver les mains, ou se les frotter, sur le thème « ils l'ont bien cherché », mais si par malheur le cours politique dominant réussissait à nous mettre au ban, c'est tout le mouvement ouvrier et syndical qui pourrait être emporté par la suite. Et même une partie de la macronie – souvenez-vous de cette scène où le député RN Laurent Jacobelli traite de « racaille » le député de la majorité Belkhir Belhaddad…
Loin des écuries présidentielles, il existe pourtant un renouvellement dans les combats de l'heure, marqués par une nouvelle génération qui s'est exprimée dans les luttes ouvrières, dans le syndicalisme, sur le terrain de l'écologie avec les Soulèvements de la Terre, dans les luttes LGBT… Les potentialités et les ressources existent. Mais en se privant sciemment d'horizons et d'espérances politiques, au nom des petits calculs électoralistes de la Ve République, la gauche continuera à creuser sa propre tombe avec enthousiasme.
J'espère que la bataille sur la loi immigration nous servira d'électrochoc. Et que le danger fasciste nous poussera à nouveau à nous serrer les coudes. Être révolutionnaire, répétait Alain Krivine, c'est aussi résister au fait de devenir cynique ou blasé. Nous sommes nombreuses et nombreux à avoir un rôle à jouer pour qu'un courant anticapitaliste unitaire, large, fasse entendre sa voix.
Mathieu Dejean
Boîte noire
Cet entretien a été réalisé le 11 janvier 2024 à Paris. Olivier Besancenot l'a relu et légèrement modifié avant sa publication.
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France - Un gouvernement toujours plus homophobe et transphobe

Quand Gabriel Attal a été nommé, nous avons entendu nombre de commentateurs s'extasier devant son âge, son côté « surdoué », mais aussi et surtout sur le fait qu'il était le premier Premier ministre ouvertement gay. À les entendre, le combat pour l'égalité arrivait à son aboutissement et on allait avoir droit au gouvernement le plus queer depuis Jésus-Christ.
Hebdo L'Anticapitaliste - 691 (18/01/2024)
Par Sally Brina
Crédit Photo
Photothèque Rouge/Martin Noda/Hans Lucas
Pourtant l'écran de fumée dissipé, que constate-t-on ? L'enquête administrative après le suicide du jeune Lucas, victime d'homophobie, n'a jamais été lancée par Attal quand il était au ministère de l'Éducation.
De nouvelles amies réacs pour Darmanin, Béchu et Lecornu
On constate également que si les affreux de La Manif Pour Tous comme Darmanin, Lecornu ou Béchu sont toujours en place, ils sont rejoints par de nouvelles amies. Rachida Dati, ministre de la Culture, ancienne ministre de Sarkozy, s'était abstenue au Parlement européen en 2018 au moment du vote sur l'interdiction des thérapies de conversion. Elle s'était également opposée en 2019 à la PMA pour touTEs. Catherine Vautrin, ancienne de la Manif pour tous, se retrouve à la tête d'un grand ministère regroupant le Travail et la Santé. Quand on connaît les difficultés d'accès des personnes LGBTI au marché de l'emploi, les discriminations rencontrées au travail, ainsi que les besoins spécifiques en matière de santé, on ne peut que s'inquiéter pour la suite.
La palme revient à Aurore Bergé mutée comme ministre déléguée chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Anciennement opposée au mariage pour touTEs et à l'adoption par les couples homoparentaux, militante pseudo-laïque mais réellement islamophobe, elle s'est aussi révélée ces dernières années être une transphobe fanatisée. Elle a ainsi reçu en grande pompe à l'Assemblée nationale Marguerite Stern et Dora Moutot, militantes anti-trans (1) françaises les plus connues, et a justifié leur invitation par un combat contre « l'invisibilisation des femmes » (sic). En 2022, lors du vote de la proposition de loi de constitutionnalisation du droit à l'IVG, elle rédige et fait adopter un amendement pour exclure les hommes trans du droit à l'avortement.
De nouvelles recommandations de santé pour les parcours de transition
Plusieurs enjeux liés aux personnes trans sont susceptibles de faire l'actualité ces prochaines semaines et prochains mois. Tout d'abord, la Haute Autorité de santé a mis en place un groupe de travail pour formuler des nouvelles recommandations pour les parcours de santé et de transition, remplaçant les anciennes largement obsolètes et inadaptées. Ce groupe de travail est attaqué par les droites et les extrêmes droites, par tous les cathos réacs, car il inclut des personnes trans, part de leurs besoins et revendications et s'appuie sur le consensus scientifique. Les transphobes sont ainsi vent debout contre toute simplification des parcours de transition, car ils sont contre toutes les transitions.
Une proposition de loi pour des thérapies de conversion
Ensuite, le groupe de travail des sénateurs LR consacré à « la transidentification des mineurs » (re-sic) devrait probablement proposer une loi. Ce groupe de travail était animé par les psychanalystes homophobes et transphobes Céline Masson et Caroline Eliacheff, fondatrices de l'Observatoire de la Petite Sirène (2) à l'origine des paniques morales contre l'éducation sexuelle ayant abouti à l'incendie de plusieurs écoles en Belgique (3). On peut se douter du contenu de cette loi : interdire les transitions des mineurEs au profit de thérapies de conversion, illégales, renommées de façon plus neutre sous le terme de « thérapies exploratoires » et consistant à reporter indéfiniment tout accès à la transition, même simplement sociale, en faisant subir des séances chez le psy jusqu'à ce que la personne annonce « ne plus être trans » ou « ne plus vouloir transitionner ». Il va de soi que ces thérapies détruisent la santé mentale des personnes, là où le consensus scientifique international reconnaît que les transitions l'améliorent durablement.
Vite, former et informer pour contrer les discours transphobes
Avec Aurore Bergé comme ministre déléguée chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, et un gouvernement qui penche toujours plus à droite, il est à craindre que cette offensive antitrans soit relayée par le gouvernement lui-même, à l'image de ce qui se passe au Royaume-Uni. L'année 2024 pourrait un point de bascule : notre pays pourrait suivre l'exemple des États-Unis ou du Royaume-Uni, et les discours transphobes y envahir quotidiennement le champ politique, médiatique, institutionnel.
Pour y faire face, il est plus que nécessaire de construire l'unité de tout le mouvement social, féministe, du mouvement ouvrier, en soutien aux revendications des personnes trans contre les attaques réactionnaires. Partout, il va nous falloir former et informer sur les thématiques trans, afin que les discours transphobes ne prennent pas dans notre camp social et nos organisations. Que ce soit pour la Grève féministe du 8 Mars, les Pride, ou l'ExistransInter à l'automne, il y a urgence à construire un mouvement d'ensemble !
Notes
1. Qui vont sortir un livre dans la maison d'édition d'extrême-droite Magnus, aux côtés de Marsault, Papacito, et Laurent Obertone.
2. http://petitesirene.org/
3. https://www.rtbf.be/arti…
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En Allemagne, des manifestations contre l’extrême droite d’une ampleur historique

Des dizaines de milliers de personnes ont à nouveau défiler ce dimanche dans les rues du pays, pour protester contre l'AfD, parti d'extrême droite à l'idéologie radicale.
Tiré de Europe Solidaire Sans Frontières
21 janvier 2024
Par Huffington Post
ALLEMAGNE - Un succès un peu trop important. La manifestation contre l'extrême droite organisée à Munich ce dimanche 21 janvier a été interrompue en raison de la trop forte affluence dans les rues de la capitale bavaroise.
Les organisateurs ont déclaré que 50 000 personnes s'étaient déplacées, soit deux fois plus que le nombre d'inscrits. D'autres estimations font état d'un chiffre plus élevé, jusqu'à 200 000 personnes. La police a pour sa part estimé la foule à 100 000 personnes, selon le quotidien Sueddeutsche Zeitung.
Comme à Munich, des dizaines de milliers de personnes étaient à nouveau dans les rues, ce dimanche en Allemagne, contre l'AfD, parti d'extrême droite à l'idéologie radicale qui suscite depuis une semaine une mobilisation d'une rare ampleur dans le pays.
Des rassemblements avaient été annoncés dans une quarantaine de villes (Berlin, Bonn, Cologne...) mais aussi dans des localités de taille beaucoup plus modeste. À Cologne, les organisateurs ont estimé la foule à 70 000 personnes ce dimanche, tandis qu'à Brême, la police locale a dénombré 45 000 manifestants dans le centre. À Dresde, capitale du Land de Saxe, un bastion du parti anti-migrants et anti-système Alternative pour l'Allemagne (AfD), une manifestation était ainsi aussi prévue.
Plus de 100 000 personnes étaient déjà descendues dans les rues samedi dans des dizaines de villes, la chaîne de télévision publique ARD avançant même le chiffre de 250 000 manifestants à travers le pays.
Le choc après une réunion d'extrémistes à Potsdam
Une mobilisation qui témoigne du choc provoqué par la révélation le 10 janvier par le média d'investigation allemand Correctiv d'une réunion d'extrémistes à Potsdam, près de Berlin, où, en novembre, un projet d'expulsion massive de personnes étrangères ou d'origine étrangère a été discuté.
La ministre de l'Intérieur Nancy Faeser est allée jusqu'à estimer dans la presse que cette réunion rappelait « l'horrible conférence de Wannsee », où les nazis planifièrent en 1942 l'extermination des Juifs européens.
Parmi les participants se trouvaient une figure de la mouvance identitaire radicale, l'Autrichien Martin Sellner, et des membres de l'AfD. Martin Sellner y a présenté un projet pour renvoyer vers l'Afrique du Nord jusqu'à deux millions de personnes − demandeurs d'asile, étrangers et citoyens allemands qui ne seraient pas assimilés −, affirme Correctiv.
Cette révélation a secoué l'Allemagne alors que l'AfD ne cesse de progresser dans les sondages, à quelques mois de trois importantes élections régionales dans l'est du pays où les intentions de vote pour le parti d'extrême droite sont encore plus élevées que dans le reste du pays.
Le HuffPost avec AFP
P.-S.
• Le HuffPost. 21/01/2024 17:23 Actualisé le 21/01/2024 17:25 :
https://www.huffingtonpost.fr/international/video/en-allemagne-des-manifestations-contre-l-extreme-droite-d-une-ampleur-historique_228668.html
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