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Réaction de la Commission nationale des femmes aux événements de la dernière semaine

Article tiré de la page facebook de la Commission nationale des femmes
La Commission nationale des femmes de Québec solidaire désire exprimer sa profonde tristesse et sa colère à la suite de la démission d'Émilise Lessard-Therrien. Nous considérons que sa démission est un double revers pour Québec solidaire. La parole des femmes en prend un coup, de même que la main tendue pour une croissance des régions. En effet, l'ancienne députée de Rouyn-Noranda–Témiscamingue était la seule qui ne venait pas d'un des grands centres urbains de la province. Elle représentait l'espoir d'une autre vision, complémentaire et nécessaire. Compte tenu de tous les efforts et des fonds qui ont été investis dans la course au porte-parolat féminin et dans la tournée des régions, nous estimons qu'il faut revoir nos façons de faire de toute urgence. Un constat s'impose : il est impératif de laisser parler les femmes et d'arrêter de museler leurs idées ou leurs interventions pour correspondre à une certaine image.
Au cours des dernières années, la Commission nationale des femmes a tiré la sonnette d'alarme à maintes reprises. Les témoignages d'ex-candidates déçues, de membres démobilisées, de femmes de plusieurs circonscriptions, associations ou instances, ainsi que les tensions récurrentes sur les questions de parité s'accumulent et constituent un ensemble préoccupant qui met en lumière un enjeu crucial auquel il est impératif de s'attaquer pour que Québec solidaire continue de représenter une véritable alternative féministe et progressiste pour le Québec.
Fondé sur des principes écologiste, antiraciste, syndicaliste, indépendantiste et féministe, Québec solidaire s'est toujours démarqué par son approche politique alternative. Un récent sondage de Pallas Data a d'ailleurs confirmé que Québec solidaire demeure une source d'espoir privilégiée pour les femmes, puisqu'elles votent pour notre parti en plus grand nombre que les hommes. La représentativité de la voix des femmes au sein du parti est donc d'une importance capitale.
La Commission nationale des femmes constate avec préoccupation que les voix masculines dominent de plus en plus au sein des instances, du personnel et des élu·e·s de Québec solidaire. Des principes fondamentaux du parti, comme la parité, sont remis en question ou étiquetés “radicaux” avec le risque de faire taire de nombreuses femmes. Québec solidaire devrait tirer une grande fierté de se positionner comme un parti féministe intersectionnel, particulièrement dans un contexte mondial marqué par un virage à droite et une montée en puissance de mouvements qui menacent les droits des femmes. Des études révèlent un clivage croissant entre les jeunes femmes et les jeunes hommes quant à leurs orientations politiques, les femmes étant plus enclines à se tourner vers la gauche et les hommes vers la droite. Face à cette tendance inquiétante, Québec solidaire doit se positionner comme un rempart et proposer un projet de société rassembleur et ambitieux, un nouveau Québec, qui ne peut se construire sans la pleine participation des femmes. L'indépendance ne se fera pas sans les voix des femmes.
La démission d'Émilise Lessard-Therrien met en lumière une crise profonde au sein de Québec solidaire, une crise qui remet en question la place des femmes et la voix des militant·es dans le parti. La Commission nationale des femmes s'inquiète de l'influence croissante de personnes non élues démocratiquement, qui prennent des décisions cruciales sur la communication et l'orientation médiatique du parti sans être tenues redevables devant les membres. Québec solidaire regorge de talent et d'expertise militante, une richesse inestimable qu'il est urgent de revaloriser. Une meilleure écoute des voix des militant·es, et en particulier des femmes, est indispensable pour sortir de cette crise et retrouver le cap des valeurs fondatrices écologiste, antiraciste, syndicaliste, indépendantiste et féministe du parti.
Si Québec solidaire aspire véritablement à incarner ces valeurs, il faut réajuster le cap. Tirons les leçons qui s'imposent. Agissons autrement.
Signé
Royse Henderson, responsable de la Commission nationale des femmes (CNF)
ET les membres de la CNF
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Réaction de la Commission nationale des femmes aux évènements de la dernière semaine

tiré de la page facebook de la Commission nationale des femmes | https://www.facebook.com/CNFQS
La Commission nationale des femmes de Québec solidaire désire exprimer sa profonde tristesse et sa colère à la suite de la démission d'Émilise Lessard-Therrien. Nous considérons que sa démission est un double revers pour Québec solidaire. La parole des femmes en prend un coup, de même que la main tendue pour une croissance des régions. En effet, l'ancienne députée de Rouyn-Noranda–Témiscamingue était la seule qui ne venait pas d'un des grands centres urbains de la province. Elle représentait l'espoir d'une autre vision, complémentaire et nécessaire. Compte tenu de tous les efforts et des fonds qui ont été investis dans la course au porte-parolat féminin et dans la tournée des régions, nous estimons qu'il faut revoir nos façons de faire de toute urgence. Un constat s'impose : il est impératif de laisser parler les femmes et d'arrêter de museler leurs idées ou leurs interventions pour correspondre à une certaine image.
Au cours des dernières années, la Commission nationale des femmes a tiré la sonnette d'alarme à maintes reprises. Les témoignages d'ex-candidates déçues, de membres démobilisées, de femmes de plusieurs circonscriptions, associations ou instances, ainsi que les tensions récurrentes sur les questions de parité s'accumulent et constituent un ensemble préoccupant qui met en lumière un enjeu crucial auquel il est impératif de s'attaquer pour que Québec solidaire continue de représenter une véritable alternative féministe et progressiste pour le Québec.
Fondé sur des principes écologiste, antiraciste, syndicaliste, indépendantiste et féministe, Québec solidaire s'est toujours démarqué par son approche politique alternative. Un récent sondage de Pallas Data a d'ailleurs confirmé que Québec solidaire demeure une source d'espoir privilégiée pour les femmes, puisqu'elles votent pour notre parti en plus grand nombre que les hommes. La représentativité de la voix des femmes au sein du parti est donc d'une importance capitale.
La Commission nationale des femmes constate avec préoccupation que les voix masculines dominent de plus en plus au sein des instances, du personnel et des élu·e·s de Québec solidaire. Des principes fondamentaux du parti, comme la parité, sont remis en question ou étiquetés “radicaux” avec le risque de faire taire de nombreuses femmes. Québec solidaire devrait tirer une grande fierté de se positionner comme un parti féministe intersectionnel, particulièrement dans un contexte mondial marqué par un virage à droite et une montée en puissance de mouvements qui menacent les droits des femmes. Des études révèlent un clivage croissant entre les jeunes femmes et les jeunes hommes quant à leurs orientations politiques, les femmes étant plus enclines à se tourner vers la gauche et les hommes vers la droite. Face à cette tendance inquiétante, Québec solidaire doit se positionner comme un rempart et proposer un projet de société rassembleur et ambitieux, un nouveau Québec, qui ne peut se construire sans la pleine participation des femmes. L'indépendance ne se fera pas sans les voix des femmes.
La démission d'Émilise Lessard-Therrien met en lumière une crise profonde au sein de Québec solidaire, une crise qui remet en question la place des femmes et la voix des militant·es dans le parti. La Commission nationale des femmes s'inquiète de l'influence croissante de personnes non élues démocratiquement, qui prennent des décisions cruciales sur la communication et l'orientation médiatique du parti sans être tenues redevables devant les membres. Québec solidaire regorge de talent et d'expertise militante, une richesse inestimable qu'il est urgent de revaloriser. Une meilleure écoute des voix des militant·es, et en particulier des femmes, est indispensable pour sortir de cette crise et retrouver le cap des valeurs fondatrices écologiste, antiraciste, syndicaliste, indépendantiste et féministe du parti.
Si Québec solidaire aspire véritablement à incarner ces valeurs, il faut réajuster le cap. Tirons les leçons qui s'imposent. Agissons autrement.
Signé
Royse Henderson, responsable de la Commission nationale des femmes (CNF)
ET les membres de la CNF

Rompre avec la croissance capitaliste, pour une alternative écosocialiste

Manifeste du marxisme révolutionnaire à l'ère de la destruction écologique et sociale du capitalisme
La direction de la Quatrième Internationale a approuvé, en tant que premier projet, un Manifeste écosocialiste, qui sera discuté lors de notre prochain Congrès mondial en février 2025 (voir ci-dessous).
Ce document est basé sur notre conviction qu'une société écosocialiste, libérée de la domination de classe, de genre, de race ou coloniale, est nécessaire et ne peut être réalisée que par une révolution. Le Manifeste tente d'évaluer les meilleurs moyens d'atteindre cet objectif.
Nous serions intéressé·es par les commentaires, les critiques et les arguments des scientifiques concernés, des penseurs marxistes et des mouvements sociaux et politiques significatifs. Nous ne prétendons pas détenir le monopole de la vérité et nous pensons que le dialogue avec d'autres forces radicales et révolutionnaires est nécessaire, voire indispensable, si nous voulons avancer dans la lutte.
Version PDF
Introduction
INTR.1.1. Ce Manifeste est un document de la Quatrième Internationale, fondée en 1938 par Léon Trotsky et ses camarades pour sauver l'héritage de la Révolution d'Octobre du désastre stalinien. Refusant un dogmatisme stérile, la IVe Internationale a intégré dans sa réflexion et sa pratique les défis des mouvements sociaux et de la crise écologique. Ses forces sont limitées, mais elles sont présentes sur tous les continents et ont activement contribué à la résistance au nazisme, à Mai 68 en France, à la solidarité avec les luttes anticoloniales (Algérie, Vietnam), à l'essor du mouvement altermondialiste et au développement de l'écosocialisme.
La IVe Internationale ne se considère pas comme la seule avant-garde ; elle participe, dans la mesure de ses forces, à de larges formations anticapitalistes. Son objectif est de contribuer à la formation d'une nouvelle Internationale, à caractère de masse, dont elle serait l'une des composantes.
INTR.1.2. Notre époque est celle d'une double crise historique : la crise de l'alternative socialiste face à la crise multiforme de la "civilisation" capitaliste.
INTR.1.3 Si la IVe Internationale publie ce Manifeste en 2025, c'est parce que nous sommes convaincu·es que le processus de révolution écosocialiste à différentes échelles territoriales, mais à dimension planétaire, est plus que jamais nécessaire : il s'agit désormais non seulement de mettre fin aux régressions sociales et démocratiques qui accompagnent l'expansion capitaliste mondiale, mais aussi de sauver l'humanité d'une catastrophe écologique sans précédent dans l'histoire humaine. Ces deux objectifs sont inextricablement liés.
INTR.1.4. Cependant, le projet socialiste qui est à la base de nos propositions nécessite une large refondation nourrie par l'évaluation pluraliste des expériences et par les grands mouvements de lutte contre toutes les formes de domination et d'oppression (classe, genre, communautés nationales dominées, etc.). Le socialisme que nous proposons est radicalement différent des modèles qui ont dominé le siècle dernier ou de tout régime étatiste ou dictatorial : c'est un projet révolutionnaire, radicalement démocratique, nourri par l'apport des luttes féministes, écologiques, antiracistes, anticolonialistes, antimilitaristes et LGBTQI.
INTR. 1.5. Nous utilisons le terme d'écosocialisme depuis quelques décennies, car nous sommes convaincus que les menaces et les défis globaux posés par la crise écologique doivent imprégner toutes les luttes au sein de/ contre l'ordre globalisé existant et nécessitent une reformulation du projet socialiste. La relation avec notre planète, le dépassement de la "fracture métabolique" (Marx) entre les sociétés humaines et leur milieu de vie, le respect des équilibres écologiques de la planète ne sont pas seulement des chapitres de notre programme et de notre stratégie, mais leur fil conducteur.
INTR.1.6. La nécessité d'actualiser les analyses du marxisme révolutionnaire a toujours inspiré l'action et la pensée de la Quatrième Internationale. Nous poursuivons cette démarche dans notre travail de rédaction de ce Manifeste écosocialiste : nous voulons contribuer à la formulation d'une perspective révolutionnaire capable d'affronter les défis du XXIe siècle. Une perspective qui s'inspire des luttes sociales et écologiques, et des réflexions critiques authentiquement anticapitalistes qui se développent dans le monde.
1. La nécessité objective d'une révolution écosocialiste, antiraciste, antimilitariste, anticolonialiste et féministe
1.1. Le capital triomphe, mais son triomphe le plonge dans les contradictions insurmontables mises en évidence par Marx. Face à celles-ci, Rosa Luxembourg lance son avertissement en 1915 : "Socialisme ou barbarie". L'actualité de cet avertissement est plus brûlante que jamais, car la catastrophe qui se développe autour de nous est sans précédent. Aux fléaux de la guerre, du colonialisme, de l'exploitation, du racisme, de l'autoritarisme, des oppressions de toutes sortes, s'ajoute en effet un nouveau fléau, qui exacerbe tous les autres : la destruction accélérée par le capital de l'environnement naturel dont dépend la survie de l'humanité.
1.2. Les scientifiques identifient huit indicateurs mondiaux de durabilité écologique. Les limites du danger sont estimées pour sept d'entre eux. En raison de la logique capitaliste d'accumulation, sept d'entre elles au moins sont déjà franchis : (climat, intégrité fonctionnelle des écosystèmes, cycle de l'azote, cycle du phosphore, eaux douces souterraines, eaux douces de surface et superficie des écosystèmes naturels, dont six dépassent même le "plafond" (seul le climat ne le dépasse pas)). Les pauvres sont les principales victimes, surtout dans les pays pauvres.
1.3. Sous le fouet de la concurrence, la grande industrie et la finance renforcent leur emprise despotique sur les humains et la Terre. La destruction se poursuit, malgré les cris d'alarme de la science. La soif de profit, tel un automate, exige toujours plus de marchés et toujours plus de marchandises, donc plus d'exploitation de la force de travail et de pillage des ressources naturelles.
1.4. Le capital légal, le capital dit criminel et la politique bourgeoise sont étroitement liés. La Terre est achetée à crédit par les banques, les multinationales et les riches. Les gouvernements étranglent de plus en plus les droits humains et démocratiques par la répression brutale et le contrôle technologique. Un nouveau fascisme offre ses services pour sauver le système par le mensonge, le racisme, le sexisme et la démagogie sociale.
1.5. C'est peu dire que les limites de la soutenabilité sont également franchies au niveau social.
1.6. Avec leurs yachts, leurs jets, leurs piscines, leurs immenses terrains de golf particuliers, leurs nombreux SUV, leur tourisme spatial, leurs bijoux, leur haute couture et leurs résidences luxueuses aux quatre coins du monde, les 1 % les plus riches possèdent autant que 50 % de la population mondiale. La "théorie du ruissellement" est un mythe. C'est vers les riches que la richesse "ruisselle", et non l'inverse. La pauvreté augmente même dans les pays "développés". Les revenus du travail sont comprimés sans pitié, les protections sociales - quand elles existent - sont démantelées. L'économie capitaliste mondiale flotte sur un océan de dettes, d'exploitation et d'inégalités.
1.7. La répartition inéquitable des ressources engendre des catastrophes environnementales parmi les différents groupes ethniques et raciaux. Par exemple, dans les sociétés capitalistes développées ou en développement, les pauvres et les personnes racisées habitent généralement les territoires les plus touchés par la pollution, avec une plus grande concentration de déchets, ainsi que les zones à risque dépourvues de planification urbaine, telles que les pentes et les collines. Le racisme environnemental est un autre visage de l'exclusion que le capitalisme impose aux personnes racisées et pauvres.
1.8. Les inégalités et les discriminations touchent particulièrement les femmes, qui continuent d'assurer la majeure partie du travail domestique et de soins, qu'il soit gratuit ou rémunéré. Elles ne perçoivent que 35 % des revenus du travail. Dans certaines régions du monde (Chine, Russie, Asie centrale), leur part diminue, parfois de manière significative. Au-delà du travail, les femmes sont attaquées sur tous les fronts en tant que femmes, par la violence sexiste et sexuelle, dans leurs droits à l'alimentation, à l'éducation, leurs droits d'être respectées et de disposer de leur propre corps.
1.9. Si les personnes âgées des classes populaires (et aussi d'une partie de la classe moyenne") sont mises au rebut, la vie des générations futures est généralement mutilée à l'avance. La plupart des parents des classes populaires ne croient plus que leurs enfants vivront mieux qu'elle et eux. Un nombre croissant de jeunes observent avec effroi, rage, tristesse et chagrin, la destruction organisée de leur monde, violé, éventré, noyé dans le béton, englouti dans les eaux froides du calcul égoïste ; la destruction programmée de leur avenir.
1.10. Les fléaux de la famine, de l'insécurité alimentaire et de la malnutrition avaient reculé à la fin du XXe siècle ; ils resurgissent aujourd'hui en raison de la convergence catastrophique du néolibéralisme, du militarisme et du changement climatique : près d'une personne sur dix a faim, près d'une sur trois souffre d'insécurité alimentaire, plus de trois milliards n'ont pas les moyens de se nourrir sainement. Cent cinquante millions d'enfants de moins de cinq ans souffrent d'un retard de croissance dû à la faim.
1.11. L'espoir d'un monde pacifique à court terme s'évanouit. Plus de 30 pays du monde sont ou ont été récemment en proie à des guerres de grande ampleur, notamment le Soudan, l'Irak, le Yémen, la Palestine, la Syrie, l'Ukraine, la Libye, la République Démocratique du Congo et le Myanmar. La crise climatique elle-même, les phénomènes météorologiques et les flux migratoires intenses qui en résultent alimentent de nombreux conflits dans le monde. Les souffrances, les déplacements et la mort de populations sont immenses.
1.12.. Alors que les impérialismes se chamaillent, les mesures urgentes pour la transition climatique et un avenir durable sont remises en question. Les guerres, outre le fait qu'elles sont calamiteuses en termes de vies humaines, qu'elles s'attaquent au corps des femmes, qu'elles utilisent le viol comme instrument de terreur et qu'elles déshumanisent la vie collective, sont néfastes pour la planète sur laquelle nous vivons. Elles détruisent les habitats, provoquent la déforestation, empoisonnent les sols, les eaux et l'air, et sont des sources majeures d'émissions de carbone.
1.13. La guerre brutale de la Russie contre l'Ukraine en 2022 et le nouveau degré de nettoyage ethnique perpétré dans la guerre de Gaza en 2023/24 contre le peuple palestinien sont des crimes majeurs contre l'humanité. Ces deux cas confirment la nature barbare du capitalisme actuel. L'agression impérialiste russe contre l'Ukraine en 2022 a favorisé les tensions géopolitiques à l'échelle mondiale. Elle confirme l'entrée dans une nouvelle ère de compétition inter-impérialiste pour l'hégémonie mondiale, avec les États-Unis et leurs alliés d'un côté, la Chine et ses alliés de l'autre. Les ressources foncières, énergétiques et minérales jouent un rôle important dans cette compétition inter-impérialiste.
1.14. Tout le monde pourrait avoir une bonne vie sur la Terre, mais le capitalisme est un mode de prédation exploiteur, machiste, raciste, guerrier, autoritaire et mortifère. Le productivisme est un destructivisme. En deux siècles, il a conduit l'humanité dans une profonde impasse écosociale.
1.15. Le changement climatique est l'aspect le plus dangereux de la destruction écologique, c'est une menace pour la vie humaine sans précédent dans l'histoire. La Terre risque de devenir un désert biologique inhabitable pour des milliards de pauvres qui ne sont pas responsables de ce désastre. Pour arrêter cette catastrophe, nous devons réduire de moitié les émissions mondiales de dioxyde de carbone et de méthane avant 2030, et les éliminer avant 2050. Il faut donc en priorité bannir les énergies fossiles, l'agro-industrie, l'industrie de la viande et l'hyper-mobilité... c'est-à-dire produire moins globalement.
D'une part, la folie de l'accumulation capitaliste confronte l'humanité au besoin urgent d'une décroissance globale de la consommation d'énergie finale et, par conséquent, de la production matérielle et du transport. D'autre part, trois milliards de personnes, principalement dans les pays du Sud Global1 , vivent dans des conditions épouvantables, du fait du capitalisme et de l'impérialisme. La justice sociale exige de développer certaines productions pour répondre à leurs immenses besoins insatisfaits : de bons systèmes de santé, des logements décents, une bonne alimentation, une bonne éducation, des transports publics, de l'eau propre, une sécurité sociale pour tou·tes…
1.17. Existe-t-il un moyen de sortir de cette contradiction ? Oui. Il est possible pour les humains de vivre bien tout en consommant beaucoup moins qu'auparavant, notamment grâce aux progrès technologiques dans les domaines de la médecine, de la construction, de l'efficacité énergétique, entre autres. L'impact sur le climat des productions destinées à satisfaire les besoins humains - surtout lorsqu'elles sont planifiées démocratiquement et assumées par le secteur public dans un contexte d'égalité sociale - est bien moindre que celui des productions destinées à satisfaire les besoins des riches par la croissance du PIB et la concurrence aveugle du marché pour le profit. Le 1% le plus riche émet près de deux fois plus de CO2 que les 50% les plus pauvres. Les 10 % les plus riches sont responsables de plus de 50 % des émissions de CO2. Les pauvres émettent beaucoup moins que 2-2,3 tonnes de CO2 par personne et par an (le volume moyen à atteindre en 2030 si nous voulons parvenir à des émissions nettes nulles en 2050 avec une probabilité de 50 %). Répondre à leurs besoins aurait un impact écologique limité. En fait, pour arrêter la catastrophe, il faut une société qui assure le bien-être et garantisse l'égalité comme jamais auparavant. Une perspective souhaitable, mais les 1% de riches devraient diviser leurs émissions par trente dans quelques années. Mais ils refusent de faire le moindre effort ! Au contraire : ils veulent toujours plus de privilèges !
1.18. Les gouvernements se sont engagés à rester en dessous de +1,5°C, à préserver la biodiversité, à atteindre un soi-disant "développement durable" et à respecter le principe des "responsabilités et capacités communes mais différenciées" dans la crise écologique,... tout en produisant toujours plus de marchandises et en utilisant toujours plus d'énergie. Il est exclu que ces promesses conjuguées soient tenues par le capital. Les faits le montrent :
1.18.1. - Trente-trois ans après le Sommet de la Terre de Rio (1992), le bouquet énergétique mondial est encore entièrement dominé par les combustibles fossiles (84 % en 2020). La production totale de combustibles fossiles a augmenté de 62 %, passant de 83 térawattheures (TWh) en 1992 à 136 TWh en 2021. Les énergies renouvelables viennent s'ajouter au système énergétique principalement fossile, offrant davantage de capacités et de nouveaux marchés aux capitalistes.2
1.18.2. - Avec la crise énergétique déclenchée par la pandémie et aggravée par la guerre impérialiste russe contre l'Ukraine, toutes les puissances capitalistes ont relancé le charbon, le pétrole, le gaz naturel (y compris le gaz de schiste) et l'énergie nucléaire.
1.18.3. - Principal responsable historique du dérèglement climatique, l'impérialisme américain dispose d'énormes moyens pour lutter contre la catastrophe, mais ses représentants politiques subordonnent criminellement cette lutte à la protection de leur hégémonie mondiale, quand ils ne la refusent pas tout simplement.
1.18.4. - Les mesures que les grands pollueurs mettent en œuvre sous le label "décarbonisation" non seulement ne répondent pas à l'ampleur de la crise climatique mais accélèrent l'extractivisme, surtout dans les pays dominés, mais aussi au Nord et dans les océans, au détriment des populations et des écosystèmes.
1.18.5. - Cette soi-disant "décarbonisation" exacerbe l'accaparement impérialiste des terres et l'exploitation de la main-d'œuvre dans le Sud, avec la complicité des bourgeoisies locales (comme l'illustrent différents projets d'investissement basés sur l'utilisation de l'énergie solaire et éolienne, en particulier dans les "zones franches" des pays pauvres, afin de produire de "l'hydrogène vert" destiné à approvisionner les industries des pays développés).
1.18.6. - Les "marchés du carbone", les "compensations carbone", les "compensations biodiversité" et les "mécanismes de marché", fondés sur la compréhension de la nature comme un capital, pèsent sur les moins responsables, les pauvres, en particulier les populations autochtones, les populations racisées et les populations du Sud en général.
1.19. Valables en théorie, les concepts abstraits tels que " économie circulaire ", " résilience ", " transition énergétique ", " biomimétisme " deviennent en pratique des formules creuses dès lors qu'ils sont mis au service du productivisme capitaliste. S'il n'y a pas de plan de reconversion de la production mis en œuvre par l'ensemble de la société, les améliorations techniques (par exemple pour rendre la production d'énergie moins chère) ont souvent un effet rebond3 : une réduction du prix de l'énergie entraîne généralement une augmentation de la consommation d'énergie et de matières.
1.20. Face à la crise climatique, le fétichisme capitaliste de l'accumulation ne laissera finalement que deux options : déployer des technologies d'apprentis sorciers (nucléaire, capture-séquestration du carbone, géo-ingénierie...)... ou laisser la "nature" éliminer quelques milliards de pauvres dans les pays pauvres.
1.21. Politiquement, l'impuissance et l'injustice du capitalisme vert font le jeu d'un néo-fascisme fossile, complotiste, colonialiste, raciste, violemment machiste et LGBTQIphobe, que cette seconde possibilité ne rebute pas. Une fraction des riches marche vers un immense crime contre l'humanité, pariant cyniquement que sa richesse la protégera, laissant mourir les pauvres.
1.22. Le capitalisme vert néolibéral et le néofascisme climato-négationniste ne sont pas la même chose, le second étant bien pire, mais aucun de ces régimes ne pourra empêcher le réchauffement climatique de se poursuivre, avec des conséquences désastreuses, et le premier nourrit le second. Si les victimes sont plus nombreuses dans les pays pauvres, les pays riches subiront également des pertes dramatiques. Le capitalisme mondial ne progresse pas graduellement vers la paix et le développement durable, il régresse à grands pas vers la guerre, le désastre écologique, le génocide et la barbarie néo-fasciste.
1.23. Face à ce défi, il ne suffit pas de remettre en cause le régime néolibéral et de revaloriser le rôle de l'État. Il ne suffirait même pas d'arrêter la dynamique d'accumulation (un objectif impossible sous le capitalisme !) La consommation finale mondiale d'énergie doit diminuer radicalement, ce qui signifie produire moins et transporter moins à l'échelle mondiale.
1.24. Pour respecter cette contrainte éco-climatique, l'orientation même de l'économie doit changer de fond en comble : la science et les avancées technologiques doivent être utilisées pour satisfaire les besoins sociaux de l'humanité et régénérer l'écosystème global, au lieu de satisfaire la course au profit des capitalistes. C'est la seule solution qui permette de concilier le besoin légitime de bien-être pour tou·tes et la régénération de l'écosystème mondial. La juste suffisance et la juste décroissance - la décroissance écosocialiste - est une condition sine qua non du sauvetage.
1.25. Sortir de l'impasse productiviste n'est possible qu'aux conditions suivantes :
1.25.1. - abandonner le "technosolutionnisme", c'est-à-dire l'idée que la solution viendra des nouvelles technologies dont on présente la face écologique sans mesurer la consommation des énergies et ressources préjudiciable que leur production et usage induisent . Dans un souci de sagesse écologique, décider d'utiliser les moyens dont nous disposons, ils suffisent à répondre aux besoins de tou·tes.
1.25.2. - réduire radicalement l'empreinte écologique des riches pour permettre une bonne vie à tou·tes
1.25.3. - mettre fin au libre marché du capital (bourses, banques privées, fonds de pension) ;
1.25.4. - réguler les marchés de biens et de services ;
1.25.5. - maximiser à tous les échelons de la société les relations directes entre producteurs et consommateurs, et les processus d'évaluation des besoins et des ressources sous l'angle des valeurs d'usage et des priorités écologiques et sociales.
1.25.6. - déterminer démocratiquement quels besoins ces valeurs d'usage doivent satisfaire et comment ;
1.25.7. - placer au centre de cette délibération démocratique la prise en charge des humains et des écosystèmes, le respect attentif du vivant et des limites écologiques ;
1.25.8. - supprimer en conséquence les productions et les transports inutiles, refonder toute l'activité productive, sa circulation et sa consommation.
1.26. Ces conditions sont nécessaires, mais pas suffisantes. La crise sociale et la crise écologique ne font qu'une. Il faut reconstruire un projet émancipateur pour les exploité·es et les opprimé·es. Un projet de classe qui, au-delà des besoins fondamentaux, privilégie l'être au lieu de l'avoir. Un projet qui modifie en profondeur les comportements, la consommation, le rapport au reste de la nature, la conception du bonheur et la vision que les humains ont du monde. Un projet anti-productiviste pour vivre mieux en prenant soin du vivant sur la seule planète habitable du système solaire.
1.27. Le capitalisme a déjà plongé l'humanité dans une situation aussi sombre, notamment à la veille du premier conflit mondial. L'hystérie nationaliste s'est emparée des masses et la social-démocratie, trahissant sa promesse de répondre à la guerre par la révolution, a donné le feu vert aux pires tueries de l'histoire de l'humanité. Néanmoins, Lénine définissait la situation comme "objectivement révolutionnaire" : ”seule la révolution peut arrêter le massacre”, dit-il. L'histoire lui a donné raison : la révolution en Russie et la crainte de son extension ont contraint les bourgeoisies à mettre fin au massacre. La comparaison a évidemment ses limites. Les médiations vers l'action révolutionnaire sont aujourd'hui infiniment plus complexes. Mais le même sursaut des consciences est nécessaire. Or, face à la crise écologique, une révolution anticapitaliste est encore plus objectivement nécessaire. C'est ce jugement fondamental qui doit servir de base à l'élaboration d'un programme, d'une stratégie et d'une tactique, parce qu'il n'y a pas d'autre moyen d'éviter la catastrophe.
1.28. Tout dépend des résultats des luttes. Quelle que soit l'ampleur du désastre, à chaque étape, les luttes feront la différence. Au sein des luttes, tout dépend de la capacité des militant·es écosocialistes à s'organiser pour s'orienter dans la pratique selon la boussole de la nécessité historique objective.
2. Le monde pour lequel nous nous battons
2.1. Notre projet de société future articule l'émancipation sociale et politique avec l'impératif d'arrêter la destruction de la vie et de réparer autant que possible les dégâts déjà causés.
2.2. Nous voulons (tenter d') imaginer ce que serait une vie bonne pour tou·tes et partout en réduisant la consommation de matière et d'énergie, et donc en réduisant la production matérielle. Il ne s'agit pas de donner un modèle tout fait, mais d'oser penser un autre monde, un monde qui donne envie de se battre pour le construire en se débarrassant du capitalisme et du productivisme.
« Oui, c'est pour le pain que nous nous battons, mais nous nous battons aussi pour les roses. »
2.3. Une vie bonne pour tou·tes exige que les besoins humains fondamentaux - alimentation saine, santé, logement, air pur et eau propre - soient satisfaits.
2.4. Une bonne vie est aussi une vie choisie, épanouissante et créative, engagée dans des relations humaines riches et égalitaires, entourée de la beauté du monde et des réalisations humaines.
2.5. Notre planète dispose (encore) de suffisamment de terres arables, d'eau potable, de soleil et de vent, de biodiversité et de ressources de toutes sortes pour répondre aux besoins humains légitimes en renonçant aux combustibles fossiles nuisibles au climat et à l'énergie nucléaire. Cependant, certaines de ces ressources sont limitées et donc épuisables, tandis que d'autres, bien qu'inépuisables, nécessitent pour leur consommation humaine des matières épuisables, voire rares et dont l'extraction est écologiquement dommageable. En tout état de cause, leur utilisation ne pouvant être illimitée, nous les utilisons avec prudence et parcimonie, dans le respect de l'environnement.
2.6. Indispensables à notre vie, ils sont exclus de l'appropriation privée, considérés comme des biens communs, car ils doivent bénéficier à l'ensemble de l'humanité aujourd'hui et à long terme. Afin de garantir ces biens communs dans le temps, des règles collectives définissant les usages, mais aussi les limites de ces usages, les obligations d'entretien ou de réparation, sont élaborées.
2.7. Parce qu'on ne soigne pas une mangrove comme une calotte glaciaire, une zone humide comme une plage de sable, une forêt tropicale comme une rivière, parce que l'énergie solaire n'obéit pas aux mêmes règles, n'impose pas les mêmes contraintes matérielles que l'éolien ou l'hydraulique, l'élaboration de règles ne peut être que le fruit d'un processus démocratique impliquant les premier·es concerné·es, travailleur·ses et habitant·es.
2.8. Notre commun, c'est aussi l'ensemble des services qui permettent de répondre de manière égalitaire, et donc gratuite, aux besoins d'éducation, de santé, de culture, d'accès à l'eau, à l'énergie, à la communication, aux transports, etc. Ils sont, eux aussi, gérés et organisés démocratiquement par l'ensemble de la société.
2.9. Les services consacrés aux personnes et aux soins dont elles ont besoin aux différentes étapes de leur vie, brisent la séparation entre le public et le privé, l'assignation des femmes à ces tâches en les socialisant, c'est-à-dire en faisant en sorte qu'elles soient l'affaire de l'ensemble de la société. Ces services de reproduction sociale sont des outils essentiels, parmi d'autres, pour lutter contre l'oppression patriarcale.
2.10. Tous ces "services publics" décentralisés, participatifs et communautaires constituent la base d'une organisation sociale non autoritaire.
2.11. À l'échelle de la société dans son ensemble, la planification écologique démocratique permet aux populations de se réapproprier les grands choix sociaux relatifs à la production, de décider, en tant que citoyen·nes et usager·es, de ce qu'il faut produire et comment le produire, des services qui doivent être fournis, mais aussi des limites acceptables pour l'utilisation des ressources matérielles telles que l'eau, l'énergie, les transports, le foncier, etc. Ces choix sont préparés et éclairés par des processus de délibération collective qui s'appuient sur l'appropriation des connaissances, qu'elles soient scientifiques ou issues de l'expérience des populations, sur l'auto-organisation des opprimé·es (mouvements de libération des femmes, peuples racisés, personnes handicapées, etc).
2.12. Cette démocratie économique et politique globale s'articule avec de multiples collectifs/commissions décentralisés : ceux qui permettent de décider au niveau local, dans la commune ou le quartier, de l'organisation de la vie publique et ceux qui permettent aux travailleur·ses et aux producteur·rices de contrôler la gestion et l'organisation de leur unité de travail, de décider de la manière de produire et donc de travailler. C'est la combinaison de ces différents niveaux de démocratie qui permet la coopération et non la concurrence, une gestion juste d'un point de vue écologique et social, épanouissante d'un point de vue humain, au niveau de l'atelier, de l'entreprise, de la branche... mais aussi du quartier, de la commune, de la région, du pays et même de la planète !
2.13. Toutes les décisions relatives à la production et à la distribution, à la manière dont nous voulons vivre, sont guidées par le principe suivant : décentraliser autant que possible, coordonner autant que nécessaire.
2.14. Prendre sa vie en main et participer à des collectifs sociaux demande du temps, de l'énergie et de l'intelligence collective. Heureusement, le travail de production et de reproduction sociale n'occupe que quelques heures par jour.
2.15. La production est exclusivement consacrée à la satisfaction des besoins démocratiquement déterminés. La production et la distribution sont organisées de manière à minimiser la consommation de ressources et à éliminer les déchets, les pollutions et les émissions de gaz à effet de serre, elle vise en permanence la sobriété et la "durabilité programmée" (par opposition à l'obsolescence programmée du capitalisme, qu'elle soit planifiée ou simplement due à la logique de la course au profit). Produire au plus près des besoins à satisfaire permet de réduire les transports et de mieux appréhender le travail, les matériaux et l'énergie nécessaires.
2.16. Ainsi, l'agriculture est écologique, paysanne et locale afin d'assurer la souveraineté alimentaire et la protection de la biodiversité. Des ateliers de transformation et des circuits de distribution permettent de produire la plupart des aliments en circuit court.
2.17. Le secteur de l'énergie basé sur les sources renouvelables est aussi décentralisé que possible afin de réduire les pertes et d'optimiser les sources. Les activités liées à la reproduction sociale (santé, éducation, soins aux personnes âgées ou dépendantes, garde d'enfants, etc.) sont développées et renforcées, en veillant à ne pas reproduire les stéréotypes de genre.
2.18. Bien que le travail occupe moins de temps, il occupe une place essentielle, car, avec la nature et en prenant soin d'elle, il produit ce qui est nécessaire à la vie.
2.19. L'autogestion des unités de production combinée à la planification démocratique permet aux travailleur·ses de contrôler leur activité, de décider de l'organisation du travail et de remettre en cause la division entre travail manuel et travail intellectuel. La délibération s'étend au choix des technologies selon qu'elles permettent ou non au collectif de travail de maîtriser le processus de production. En privilégiant la connaissance concrète, pratique et réelle du processus de travail, les savoir-faire collectifs et individuels, la créativité, elle permet de concevoir et de produire des objets robustes, démontables et réparables, réutilisables et, le cas échéant, recyclables, et de réduire les consommations de matières et d'énergie de la fabrication à l'utilisation.
2.20. Dans tous les domaines, la conviction de faire quelque chose d'utile et la satisfaction de le faire bien se conjuguent. En ce qui concerne les tâches fastidieuses comme le ramassage des ordures, chacun veille à en réduire la lourdeur et la pénibilité. Il reste cependant une part incontournable que chacun·e accomplit à tour de rôle.
2.21. Une grande partie de la production matérielle, parce que le volume en est fortement réduit, peut être désindustrialisée (tout ou partie de l'habillement ou de l'alimentation) et les savoir-faire artisanaux, auxquels tout le monde pourrait être formé, devraient être valorisés.
2.22. Libérer le travail de l'aliénation permet d'abolir la frontière entre l'art et la vie dans une sorte de "communisme du luxe". Nous pouvons garder ou partager des outils, des meubles, un vélo, des vêtements... toute notre vie parce qu'ils sont ingénieusement conçus et beaux.
Être plutôt qu'avoir
"Seul ce qui est bon pour tous est digne de vous. Seul mérite d'être produit ce qui ne privilégie ni n'abaisse personne. » (A. Gorz).
2.23. La liberté ne réside pas dans une consommation illimitée, mais dans une autolimitation choisie et comprise, conquise contre l'aliénation consumériste. La délibération collective permet de déconstruire les besoins artificiels, de définir des besoins "universalisables", c'est-à-dire non réservés à certaines personnes ou à certaines parties du monde, qui doivent être satisfaits.
2.24. La véritable richesse ne réside pas dans l'augmentation infinie des biens - avoir - mais dans l'augmentation du temps libre - être. Le temps libre ouvre la possibilité de s'épanouir dans le jeu, l'étude, l'activité civique, la création artistique, les relations interpersonnelles et avec le reste de la nature.
2.25. Nous ouvrons donc la voie à de nombreux travaux parce que nous avons le temps d'y réfléchir et parce que nous pouvons le faire en mettant au centre l'attention portée aux personnes et au reste de la nature.
2.26. Les lieux où nous vivons, chaque espace dans lequel nous nous socialisons, nous appartiennent pour construire d'autres relations sociales interpersonnelles. Libérés de la spéculation foncière et de la voiture, nous pouvons repenser l'usage des espaces publics, combler la séparation entre le centre et la périphérie, multiplier les espaces récréatifs, de rencontre et de partage, désartificialiser les villes avec l'agriculture urbaine et le maraîchage de proximité, restaurer les biotopes insérés dans le tissu urbain... Et au-delà, mettre en œuvre une politique à long terme visant à rééquilibrer les populations urbaines et rurales et à dépasser l'opposition entre ville et campagne afin de reconstituer des communautés humaines vivables et durables à une échelle permettant une réelle démocratie.
2.27. Nos désirs et nos émotions ne sont plus des choses qui s'achètent et se vendent, l'éventail des choix est considérablement élargi pour chacun·e. Chacun·e peut développer de nouvelles façons d'avoir des relations sexuelles, de vivre, de travailler et d'élever des enfants ensemble, de construire des projets de vie de manière libre et diverse, dans le respect des décisions personnelles et de l'humanité de chacun·e, avec l'idée qu'il n'y a pas une seule option possible, ou une option meilleure que les autres. La famille peut cesser d'être l'espace de reproduction de la domination, et cesser d'être la seule forme possible de vie collective. Nous pouvons ainsi repenser la forme de la parentalité de manière plus collective, politiser nos décisions personnelles en matière de maternité et de parentalité, réfléchir à la manière dont nous considérons l'enfance et le rôle des personnes âgées ou handicapées, aux relations sociales que nous établissons avec elles, et à la manière dont nous sommes capables de briser les logiques de domination que nous avons intériorisées, héritées des sociétés antérieures.
2.28. Nous construisons une nouvelle culture, à l'opposé de la culture du viol, une culture qui reconnaît les corps de toutes les femmes cis et trans, ainsi que leurs désirs, qui reconnaît chacun·e comme un sujet capable de décider de son corps, de sa vie et de sa sexualité, qui rend visible le fait qu'il y a mille façons d'être une personne, de vivre et d'exprimer son genre et sa sexualité.
2.29. Une activité sexuelle librement consentie et agréable pour toutes celles et tous ceux qui y prennent part est en soi une justification suffisante.
2.30. Nous devons apprendre à penser l'interdépendance des êtres vivants et développer une conception des rapports de la relation entre l'humanité et la nature qui ressemblera probablement à certains égards à celle des peuples indigènes, mais qui sera néanmoins différente. Une conception selon laquelle les notions éthiques de précaution, de respect et de responsabilité, ainsi que l'émerveillement devant la beauté du monde, interféreront constamment avec une compréhension scientifique à la fois de plus en plus fine et de plus en plus consciente de son incomplétude.
3. Notre méthode transitoire
3.1. Notre analyse du capitalisme, et plus particulièrement des politiques de la classe dirigeante en relation avec les dangers écologiques et le changement climatique, nous conduit à affirmer ce qui suit :
3.2. Premièrement, la nécessité d'une alternative globale et d'un projet de société basé sur la production de valeur d'usage plutôt que sur la valeur d'échange. Tourner telle ou telle vis à l'intérieur du système et sans changer le mode de production ne permettra pas d'éviter ni même d'atténuer de manière significative les crises actuelles et les catastrophes auxquelles nous sommes confrontés et qui surviendront en raison de la persistance du système capitaliste. L'une des tâches importantes de la politique révolutionnaire est de transmettre cette idée.
3.3. La compréhension de la nécessité d'un changement révolutionnaire global est une tâche qui ne peut être résolue directement et sans difficulté dans la pratique. C'est pourquoi, deuxièmement, il est important de combiner la présentation de la perspective globale avec la diffusion de revendications immédiates pour lesquelles des mobilisations peuvent effectivement être développées ou promues.
3.4. Troisièmement, il faut le souligner : Convaincre les gens ne peut se faire uniquement par l'argumentation. Pour convaincre les gens de se détourner du système capitaliste et les encourager à résister, il faut des luttes réussies qui donnent du courage et démontrent que des victoires partielles sont possibles.
3.5. Quatrièmement, pour que les luttes soient couronnées de succès, il faut une meilleure organisation. C'est toujours vrai en principe, mais aujourd'hui - à une époque où les syndicats ont (dans de nombreuses parties du monde) largement disparu politiquement et où la gauche est fragmentée - il est important de promouvoir la coopération pratique de manière non sectaire, en particulier au sein de la gauche anticapitaliste, et en même temps de soutenir les travailleur·ses dans leur auto-organisation.
3.6. D'une part, le temps presse si nous ne voulons pas voir des points de basculement cruciaux franchis et le réchauffement climatique s'accélérer de manière incontrôlable. D'autre part, la grande majorité des gens ne sont pas prêts à se battre pour un autre système, c'est-à-dire pour renverser le capitalisme. Cela est dû en partie à un manque de connaissance de la situation générale, mais plus encore à un manque de vision de ce à quoi l'alternative pourrait ou devrait ressembler. En outre, le rapport de forces social et politique entre les classes n'encourage pas vraiment la confrontation avec les dirigeants et les profiteurs de l'ordre social capitaliste.
3.7. Par ailleurs, un programme qui veut réformer le capitalisme ou le dépasser au coup par coup (de surcroît avec une politique venant d'en haut) n'a pas non plus de chance de réussir. Les réformes qui respectent les règles du système capitaliste ne sont pas en mesure de relever les défis de la crise écologique. Et les changements progressifs dans l'économie et l'État n'ont jamais conduit à un changement de système. Les propriétaires et les profiteurs du capitalisme n'assisteront pas tranquillement à la confiscation de leurs richesses et à la privation de leur mode d'enrichissement, morceau par morceau.
3.8. Le temps presse et des mesures urgentes s'imposent. Certains opposants à l'écosocialisme plaident pour des réformes légères "parce que nous ne pouvons pas attendre la révolution mondiale". Les partisan·es de l'écosocialisme n'ont pas l'intention d'attendre ! Notre stratégie est de commencer MAINTENANT, avec des revendications transitoires concrètes. C'est le début d'un processus de changement global. Il ne s'agit pas d'étapes historiques distinctes, mais de moments dialectiques dans un même processus. Chaque victoire partielle ou locale est une étape dans ce mouvement, qui renforce l'auto-organisation et encourage la lutte pour de nouvelles victoires.
3.9. Dans les luttes de classes à venir - qui constituent la base de la bataille pour l'hégémonie impliquant des couches plus larges de la classe ouvrière, les jeunes, les femmes, les indigènes, etc. - il doit être clair qu'en fin de compte, il n'y a aucun moyen d'échapper à un véritable changement de système et à la question du pouvoir. La classe dirigeante doit être expropriée et son pouvoir politique renversé.
Pour un programme de transition anticapitaliste
3.10. La méthode transitoire était déjà suggérée par Marx et Engels dans la dernière section du Manifeste communiste (1848). Mais c'est la Quatrième Internationale qui lui a donné sa signification moderne, dans le Programme de transition de 1938. L'hypothèse de base est la nécessité pour les révolutionnaires d'aider les masses, dans le processus de la lutte quotidienne, à trouver le pont entre les revendications actuelles et le programme socialiste de la révolution. Ce pont devrait inclure un système de revendications transitoires, découlant des conditions actuelles et de la conscience actuelle de larges couches de la classe ouvrière, l'objectif est de conduire les luttes sociales vers la conquête du pouvoir par le prolétariat.
3.11. Bien entendu, les révolutionnaires n'écartent pas le programme des vieilles revendications "minimales" traditionnelles : ils défendent évidemment les droits démocratiques et les conquêtes sociales des travailleur·ses. Cependant, ils proposent un système de revendications transitoires, qui peut être compris de manière appropriée par les exploité·es et les opprimé·es, mais qui est en même temps dirigé contre les bases mêmes du régime bourgeois.
3.12. La plupart des revendications transitoires mentionnées dans le Programme de 1938 sont toujours d'actualité : échelle mobile des salaires et échelle mobile des heures de travail ; contrôle ouvrier des usines, ouverture des comptes "secrets" des entreprises ; expropriation des banques privées ; expropriations de certains secteurs capitalistes… L'intérêt de telles propositions est d'unir dans la lutte les masses populaires les plus larges possibles, autour de revendications concrètes qui sont en contradiction objective avec les règles du système capitaliste.
3.13. Mais nous devons mettre à jour notre programme de revendications transitoires, afin de prendre en compte les nouvelles conditions du XXIe siècle, et en particulier la nouvelle situation créée par la crise écologique et le danger imminent d'un changement climatique catastrophique. Aujourd'hui, ces revendications doivent avoir une nature socio-écologique et, potentiellement, écosocialiste.
3.14. L'objectif des revendications écosocialistes transitoires est stratégique : pouvoir mobiliser de larges couches de travailleur·ses urbains et ruraux, de femmes, de jeunes, de victimes du racisme ou de l'oppression nationale, ainsi que les syndicats, les mouvements sociaux et les partis de gauche dans une lutte qui remette en cause le système capitaliste et la domination bourgeoise. Ces revendications, qui combinent des intérêts sociaux et écologiques, doivent être considérées comme nécessaires, légitimes et pertinentes par les exploité·es et les opprimé·es, en fonction de leur niveau de conscience sociale et politique. Dans la lutte, les gens prennent conscience de la nécessité de s'organiser, de s'unir et de se battre. Iels commencent également à comprendre qui est l'ennemi : non seulement les forces locales, mais le système lui-même. L'objectif des revendications écosociales transitoires est de renforcer, grâce à la lutte, la conscience sociale et politique des exploité·es et des opprimé·es, leur compréhension anticapitaliste et, espérons-le, une perspective révolutionnaire écosocialiste.
3.15. Certaines de ces demandes ont un caractère universel : par exemple, la gratuité des transports publics. C'est une revendication à la fois écologique et sociale, qui porte en elle les germes de l'avenir écosocialiste : services publics contre marché, gratuité contre profit capitaliste. Cependant, leur signification stratégique n'est pas la même selon les sociétés et les économies. Les revendications écosocialistes de transition doivent prendre en compte les besoins et les aspirations des masses, en fonction de leur expression locale, dans les différentes parties du système capitaliste mondial.
4. Les grandes lignes d'une alternative écosocialiste à la croissance capitaliste
INTR.4. Satisfaire les besoins sociaux réels tout en respectant les contraintes écologiques n'est possible qu'en rompant avec la logique productiviste et consumériste du capitalisme, qui creuse les inégalités, nuit au vivant et « ruine les deux seules sources de toute richesse : la Terre et les travailleurs » (Marx). Briser cette logique implique de lutter en priorité pour les lignes de force suivantes. Elles forment un ensemble cohérent, à compléter et à décliner selon les spécificités nationales et régionales. Bien sûr, dans chaque continent, dans chaque pays, il y a des mesures spécifiques à proposer dans une perspective de transition.
4.1. Contre les catastrophes, des plans publics de prévention adaptés aux besoins sociaux, sous contrôle populaire
Certains effets de la catastrophe climatique sont irréversibles (élévation du niveau de la mer) ou dureront longtemps (canicules, sécheresses, précipitations exceptionnelles, tornades plus violentes, etc.) Les compagnies d'assurance capitalistes ne protègent pas les classes populaires, ou (au mieux) les protègent mal. Face à ces fléaux, les riches n'ont que le mot "adaptation" à la bouche. "L'adaptation au réchauffement, pour eux, sert 1°) à détourner l'attention des causes structurelles, dont leur système est responsable ; 2°) à poursuivre leurs pratiques néfastes axées sur le profit maximum, sans se soucier du long terme ; 3°) à offrir de nouveaux marchés aux capitalistes (infrastructures, climatisation, transports, compensation carbone, etc.) Cette "adaptation" capitaliste technocratique et autoritaire est en fait ce que le GIEC appelle une "maladaptation". Elle accroît les inégalités, les discriminations et les dépossessions. Elle accroît également la vulnérabilité au réchauffement, au risque de compromettre gravement la possibilité même de s'adapter à l'avenir, en particulier dans les pays pauvres. A la "maladaptation" capitaliste, nous opposons l'exigence immédiate de plans publics de prévention adaptés à la situation des classes populaires. Elles sont les principales victimes des phénomènes météorologiques extrêmes, surtout dans les pays dominés. Les plans publics de prévention doivent être conçus en fonction de leurs besoins et de leur situation, en dialogue avec les scientifiques. Ils doivent concerner tous les secteurs, notamment l'agriculture, la sylviculture, le logement, la gestion de l'eau, l'énergie, l'industrie, le droit du travail, la santé et l'éducation. Ils doivent faire l'objet d'une large consultation démocratique, avec un droit de veto des communautés locales et des collectifs de travail concernés.
4.2. Partager les richesses pour prendre soin des humains et de notre environnement de vie, gratuitement
4.2.1. Des soins de santé de qualité, une bonne éducation, une bonne prise en charge des jeunes enfants, une retraite digne et une prise en charge respectueuse de la dépendance, un logement accessible, permanent et confortable, des transports publics efficaces, des énergies renouvelables, une alimentation saine, une eau propre, un accès à internet et un environnement naturel en bon état : tels sont les besoins réels qu'une civilisation digne de ce nom devrait satisfaire suffisamment pour tous les humains, indépendamment de leur couleur de peau, de leur sexe, de leur appartenance ethnique, de leurs convictions. Ceci est possible tout en diminuant de manière significative la pression globale sur notre environnement. Pourquoi ne l'avons-nous pas ? Parce que l'économie est réglée sur la consommation induite créée en tant que sous-produit industriel par les capitalistes. Ils consomment et investissent toujours plus pour le profit, s'approprient toutes les ressources et transforment tout en marchandises. Leur logique égoïste sème le malheur et la mort.
4.2.2. Un virage à 180° s'impose. Les ressources naturelles et les connaissances constituent un bien commun à gérer prudemment et collectivement. La satisfaction des besoins réels et la revitalisation des écosystèmes doivent être planifiées démocratiquement et soutenues par le secteur public, sous le contrôle actif des classes populaires, et en étendant le plus possible le libre accès. Ce projet collectif doit mettre l'expertise scientifique à son service. La première étape nécessaire est la lutte contre les inégalités et les oppressions. La justice sociale et le bien vivre pour tous sont des exigences écologiques !
4.3. Développer les biens communs et les services publics contre la privatisation et la marchandisation
4.3.1. C'est l'un des aspects clés d'une transition sociale et écologique, dans de nombreux domaines de la vie. Par exemple :
4.3.2. - L'eau : la privatisation, le gaspillage et la pollution actuelles de l'eau - rivières, lacs et nappes phréatiques - constituent un désastre social et écologique. La pénurie d'eau et les inondations dues au changement climatique sont des menaces majeures pour des milliards de personnes. L'eau est un bien commun et devrait être gérée et distribuée par des services publics, sous le contrôle des consommateurs. Les paysages et les villes devraient être désimperméabilisées, capables de stocker l'eau afin d'éviter les inondations massives.
4.3.3. - Le logement : Le droit fondamental de toutes les personnes à un logement décent, permanent et écologiquement durable ne peut être garanti sous le capitalisme. La loi du profit implique des expulsions, des démolitions et la criminalisation de celleux qui résistent. Elle implique également des factures d'énergie élevées pour les pauvres et des énergies renouvelables subventionnées pour les riches. Le contrôle public du marché immobilier, l'abaissement et le gel des intérêts et des profits des banques, l'augmentation radicale du nombre de logements sociaux et coopératifs, un processus public d'isolation climatique des habitations et un programme massif de construction de bâtiments énergétiquement autonomes sont les premières étapes d'une politique alternative.
4.3.4. - La santé : le bilan de la pandémie de COVID-19 est limpide : les privatisations et les coupes dans le secteur des soins fragilisent les classes populaires - en particulier les enfants, les femmes et les personnes âgées - et font peser de lourdes menaces sur la santé publique en général. Ce secteur doit être refinancé massivement et remis intégralement entre les mains de la collectivité. Les investissements doivent aller en priorité à la médecine de première ligne. L'industrie pharmaceutique doit être socialisée.
4.3.5. - Les transports : Le transport individuel dans le capitalisme privilégie les voitures individuelles, ce qui a des conséquences désastreuses sur la santé et l'écologie. L'alternative est un système large et efficace de transports publics gratuits, ainsi qu'une grande extension des zones piétonnes et cyclables. Les marchandises sont transportées sur de grandes distances par des camions ou des porte-conteneurs, avec d'énormes émissions de gaz ; la réduction du gaspillage, la relocalisation de la production et le transport des marchandises par le train sont des mesures immédiates et nécessaires. Le transport aérien devrait être réduit de manière significative et supprimé pour les distances qui peuvent être couvertes par le train.
4.4. Prendre l'argent là où il est : les capitalistes et les riches doivent payer
Une stratégie globale de transition digne de ce nom doit articuler le remplacement des énergies fossiles par des énergies renouvelables, la protection contre les effets déjà perceptibles du changement climatique, la compensation des pertes et préjudices, l'aide à la reconversion (notamment la garantie de revenu des travailleur·ses concerné·es) et la réparation des écosystèmes. Les besoins financiers nécessaires d'ici 2050 s'élèvent à plusieurs milliers de milliards de dollars. Qui doit payer ? les responsables du désastre : les multinationales, les banques, les fonds de pension, les États impérialistes et les riches du Nord et du Sud. L'alternative écosocialiste passe par un vaste programme de réforme fiscale et de réduction radicale des inégalités pour aller chercher l'argent là où il se trouve : imposition progressive, levée du secret bancaire, cadastre des actifs, taxation du patrimoine, impôt unique exceptionnel à taux élevé sur le patrimoine foncier, élimination des paradis fiscaux, abolition des privilèges fiscaux des entreprises et des riches, ouverture des livres de comptes des entreprises, plafonnement des hauts revenus, abolition des dettes publiques reconnues comme "illégitimes" (sans compensation, sauf pour les petits investisseurs), compensation par les pays riches du coût de la renonciation à l'exploitation de leurs ressources fossiles par les pays dominés (projet de parc Yasuni).
4.5 Pas d'émancipation sans lutte antiraciste
L'oppression raciale est un élément structurel et structurant du mode de production capitaliste. Elle a garanti l'accumulation primitive du capital, rendue possible par la colonisation, la traite des Noirs et l'esclavage.
La construction d'un nouveau monde libéré de toute oppression et de toute exploitation exige que nous nous opposions frontalement au racisme, ce qui constitue une tâche centrale de la stratégie écosocialiste. Nous devons reconnaître que le racisme façonne les relations sociales, renforce et complexifie les mécanismes de l'exploitation bourgeoise et de l'accumulation des richesses. La diversité qui s'écarte des normes de la blancheur est transmutée en oppression.
Le déplacement forcé de millions d'Africains, leur commercialisation dans les Amériques et l'exploitation de leur travail ont assuré l'enrichissement des Européens et garantissent encore aujourd'hui leurs privilèges. Il faut rompre avec la logique génocidaire contre les groupes non blancs et renforcer la lutte anti-prison contre l'incarcération de masse, notamment à travers la tactique libérale de la prétendue guerre contre la drogue,
La lutte contre la militarisation de la police doit être au cœur de la lutte antiraciste, tout comme l'accès à des conditions de vie décentes en général.
Le racisme se manifeste de manière centrale comme un mécanisme d'oppression de secteurs de la classe ouvrière jusqu'à nos jours, configurant des positions spécifiques et des accès socialement déterminés pour les blancs, c'est-à-dire le sujet supposé universel, et pour les personnes perçues comme racisées.
Il est nécessaire de combattre toutes les politiques d'austérité, qui aggravent la précarité de la vie de la classe ouvrière dans son ensemble et touchent principalement et de plus en plus lourdement les personnes non blanches. Elles structurent le racisme environnemental qui, dans cette situation d'urgence climatique, répartit inégalement les conséquences mortelles de la production capitaliste.
4.6. Liberté de circulation et de séjour sur Terre ! Personne n'est illégal !
La catastrophe écologique est un facteur de migration de plus en plus important. Entre 2008 et 2016, une moyenne annuelle de 21,5 millions de personnes ont été déplacées de force en raison d'événements météorologiques. La plupart d'entre elles sont des personnes pauvres venant de pays pauvres. Les migrations climatiques devraient s'intensifier au cours des prochaines décennies : 1,2 milliard de personnes pourraient être déplacées dans le monde d'ici à 2050. Contrairement aux demandeur·ses d'asile, les "réfugié·es climatiques" n'ont même pas de statut. Ils ne portent aucune responsabilité dans la catastrophe écologique mais le vrai responsable, le système capitaliste, les condamne à venir grossir les rangs des 108,4 millions de personnes dans le monde qui ont été déplacées de force en 2020 en raison de persécutions, de conflits, de violences, de violations des droits de l'homme. Les droits fondamentaux de ces personnes sont constamment attaqués : le droit d'être protégé contre la violence, d'avoir suffisamment d'eau et de nourriture, de vivre dans un logement sûr, de garder sa famille unie, de trouver un emploi décent. Un nombre croissant d'entre elles (10 millions) sont même considérées comme apatrides par l'UNHDR. Tout cela est contraire à la justice la plus élémentaire. Il nourrit les fascistes qui font des migrant·es des boucs émissaires et les déshumanisent. C'est une menace énorme pour les droits démocratiques et sociaux de tou·tes. En tant qu'internationalistes, nous nous battons pour des politiques restrictives contre le capital, pas contre les migrant·es. Nous nous opposons à la construction de murs, à l'enfermement dans des centres, à la construction de camps, aux expulsions, aux déportations et à la rhétorique raciste. Personne n'est illégal sur Terre, tout le monde doit avoir le droit de se déplacer et de partir partout. Les frontières doivent être ouvertes à tou·tes celleux qui fuient leur pays, que ce soit pour des raisons sociales, politiques, économiques ou environnementales.
4.7. Éliminer les activités économiques inutiles ou nuisibles
L'arrêt de la catastrophe climatique et du déclin de la biodiversité passe impérativement par une réduction très rapide et significative de la consommation d'énergie finale au niveau mondial. Cette contrainte est incontournable. Les premières étapes consistent à réduire drastiquement le pouvoir d'achat des riches, à abandonner la fast fashion, la publicité et la production/consommation de luxe (croisières, yachts et jets ou hélicoptères privés, tourisme spatial, etc.), à réduire la production de masse de viande et de produits laitiers et à mettre fin à l'obsolescence accélérée des produits, en allongeant leur durée de vie et en facilitant leur réparation. Le transport aérien et maritime des marchandises devrait être réduit drastiquement par la relocalisation de la production, et remplacé par le transport ferroviaire chaque fois que cela est possible. Plus structurellement, la contrainte énergétique ne peut être respectée qu'en réduisant le plus rapidement possible les activités économiques inutiles ou nuisibles. Les principaux secteurs productifs à considérer sont : la production d'armes, l'énergie fossile et la pétrochimie, l'industrie extractive, la fabrication non durable, l'industrie du bois et de la pâte à papier, la construction de voitures personnelles, les avions et la construction navale.
4.8. Souveraineté alimentaire ! Sortir de l'agro-industrie, de la pêche industrielle et de l'industrie de la viande
Ces trois secteurs font peser de graves menaces sur le climat, la santé humaine et la biodiversité. Leur démantèlement nécessite des mesures au niveau de la production mais aussi des changements importants au niveau de la consommation (dans les pays développés et chez les riches de tous les pays) et de la relation avec le vivant. Des politiques volontaristes sont nécessaires pour stopper la déforestation et remplacer l'agro-industrie, les plantations industrielles et la pêche à grande échelle respectivement par l'agroécologie paysanne, l'écoforesterie et la pêche artisanale. Ces alternatives consomment moins d'énergie, emploient plus de main-d'œuvre et sont beaucoup plus respectueuses de la biodiversité. Les agriculteur·ices et les pêcheur·ses doivent être correctement indemnisé·es par la communauté, non seulement pour leur contribution à l'alimentation humaine, mais aussi pour leur contribution écologique. Les droits des peuples premiers sur la forêt et les autres écosystèmes doivent être protégés. La consommation mondiale de viande doit être réduite de manière drastique. L'industrie de la viande et des produits laitiers doit être démantelée et il faut promouvoir une alimentation basée principalement sur la production locale de légumes. Ce faisant, nous mettons fin au traitement abject des animaux dans l'industrie de la viande et la pêche industrielle. La souveraineté alimentaire, conformément aux propositions de la Via Campesina, est un objectif clé. Elle passe par une réforme agraire radicale : la terre à celleux qui la travaillent, en particulier les femmes. Expropriation des grands propriétaires terriens et de l'agro-industrie capitaliste qui produisent des biens pour le marché mondial. Distribution de la terre aux paysan·nes et aux paysan·nes sans terre (familles ou coopératives) pour la production agrobiologique. Abolition des anciennes et des nouvelles cultures OGM en plein champ et élimination des pesticides toxiques (à commencer par ceux dont les pays impérialistes interdisent l'usage mais dont ils autorisent l'exportation dans les pays dominés !)
4.9. Réforme urbaine populaire
Plus de la moitié de la population mondiale vit aujourd'hui dans des villes de plus en plus grandes. Dans le même temps, les régions rurales se dépeuplent, sont ruinées par l'agro-industrie et l'exploitation minière et sont de plus en plus privées de services essentiels. Les pays dominés possèdent certaines des plus grandes mégapoles de la planète (Jakarta, Manille, Mexico DF, New Delhi, Bombay, Sao Paulo, et d'autres), un nombre croissant de sans-abri et des bidonvilles où des millions d'êtres humains (autour de Karachi, Nairobi, Bagdad,...) survivent et travaillent de manière informelle dans des conditions indignes. C'est l'un

Plusieurs centaines de personnes défilent dans les rues de Québec à l’occasion de la journée internationale des travailleuses et des travailleurs.

Plusieurs centaines de personnes ont manifesté dans les rues de Québec, ce 1er mai 2024, Journée internationale des travailleuses et travailleurs, sous le thème « Uni.e.s pour nos conditions de travail et de vie » pour dénoncer les impacts de l'explosion du coût de la vie, de la détérioration de leurs conditions de travail, de logements et des services publics.
Presse-toi à gauche ! publie ci-dessous les interventions de certain-e-s représentant-e-s de différentes organisations à l'ouverture et à la clôture de la manifestation.
7 mai 2024 | Photo : DDP
Les manifestant-e-s ont critiqué les politiques du gouvernement de la CAQ qui ne servent que les patrons et les grands propriétaires au détriment des travailleuses et des travailleurs.
Durant cette manifestation, les participant-e-s ont particulièrement dénoncé la privatisation du système de santé, les conditions de travail et de vie des femmes, la pauvreté, les permis de travail fermés imposés aux migrants temporaires, le niveau des prestations d'aide sociale, la faiblesse de l'augmentation du salaire minimum, le refus d'une salarisation équitable des stagiaires, le manque de logements et ont apporté leur appui aux luttes syndicales.
Le premier intervenant est François Proulx Dupéré, secrétaire général du Conseil central de Québec-Chaudières-Appalaches
Les organisations suivantes ont été à l'initiative de la manifestation : Action-Chômage de Québec, Association des étudiant.e.s en sciences sociales de l'Université Laval (AESS), Centre des travailleurs et travailleuses immigrantes (IWC-CTI), Conseil central de Québec et Chaudière-Appalaches (CSN), Regroupement d'éducation populaire en action communautaire des régions de Québec et Chaudière-Appalaches (RÉPAC 03-12), Regroupement des groupes de femmes de la Capitale-Nationale (RGF-CN), Syndicat canadien de la fonction publique (FTQ), Syndicat de professionnelles en soins de la Capitale-Nationale (FIQ).
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À Gaza, des activistes dénoncent un crime d’écocide

Agriculture détruite en grande partie, pollution, déchets… À Gaza, des voix s'élèvent pour dénoncer un écocide et demander des poursuites pénales contre Israël.
Tiré de Reporterre.
Beyrouth (Liban), correspondance - Des champs retournés, des arbres déracinés, une terre contaminée au phosphore blanc : à Gaza, l'environnement est la victime silencieuse de la guerre. À la place des vergers, des plages de sable et des champs de fraise, qui faisaient la fierté des Gazaouis, se dresse un paysage dystopique fait de bases militaires, de cratères et de ruines. « Nous vivons actuellement une catastrophe environnementale qui engendrera d'autres catastrophes à l'avenir », dit Samar Abou Saffia, activiste écologiste gazaouie.
Ses notes vocales, envoyées par WhatsApp à Reporterre, brossent un portrait sombre de la situation sur place. « Plus de 80 000 tonnes de bombes israéliennes n'ont épargné ni les champs, ni les oliviers, ni les citronniers. Ces destructions environnementales accompagnent les massacres et le génocide, dit celle qui vit maintenant sous une tente à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza. Lorsque les chars d'assaut pénètrent sur nos terres, ils en détruisent également la fertilité. »
Après l'attaque du Hamas du 7 octobre dernier, l'offensive israélienne à Gaza entre dans son huitième mois, tuant plus de 34 000 Gazaouis et faisant 77 000 blessés. Alors que plus de la moitié de la population de Gaza est au bord de la famine, des voix s'élèvent pour critiquer la destruction de l'environnement et de la production alimentaire à Gaza.
Une guerre contre l'environnement
« L'environnement n'est pas juste un dommage collatéral, mais bien une cible de l'armée israélienne », affirme Lucia Rebolino, coautrice d'une étude de Forensic Architecture, un collectif qui travaille avec des données satellites en open source.
« Des bulldozers rasent des champs et vergers pour dégager une zone tampon de plus de 300 mètres de profondeur » le long de la frontière au nord entre Israël et la bande de Gaza, explique-t-elle à Reporterre. « L'armée y construit des digues, des monts en terre, afin de protéger ses tanks et de dégager la vue. »

Les chiffres de son étude parlent d'eux-mêmes : sur les 170 km2 de terres agricoles que comptait Gaza avant la guerre — soit la moitié du territoire —, 40 % auraient été détruites. 2 000 sites agricoles, dont des fermes et des serres, ont été bombardés. Le nord de Gaza étant le plus touché, avec 90 % de ses serres disparues.
Une étude conjointe menée par l'Organisation des Nations unies (ONU), la Banque mondiale et l'Union européenne estime à plus de 1,5 milliard de dollars (environ 1,4 milliard d'euros) les dommages causés à l'agriculture, aux aires naturelles et aux infrastructures de traitement des déchets — sans même compter la restauration et la reconstruction de l'environnement.
« Guerre herbicide »
Ces destructions sont partie intégrante d'une stratégie israélienne affirmée depuis une dizaine d'années, explique Lucia Rebolino. Lors des guerres de 2014 et 2021, Israël avait également pris des installations agricoles pour cibles, mais à moindre échelle.
« Nous avons régulièrement observé des avions israéliens larguer des herbicides sur des zones agricoles frontalières au début et à la fin des saisons de récolte de 2014 à 2019, profitant de vents favorables pour toucher le maximum de surface », témoigne-t-elle. Forensic Architecture a publié plusieurs rapports sur cette « guerre des herbicides », qui aurait ainsi détruit les moyens de subsistance de nombreux agriculteurs.

Un autre exemple frappant, plus au sud, est la réserve naturelle de Wadi Gaza, rivière dont les berges ont été nettoyées à grands frais par des ONG internationales quelques mois avant la guerre. « C'était redevenu une région pleine de vie et d'agriculture, dotée de bonnes infrastructures, dit Samar Abou Saffia dans une note vocale. Maintenant, tout est détruit et il est interdit aux Palestiniens d'y entrer, c'est très dangereux. » La zone est traversée par une route militaire qui sépare Gaza en deux, un no man's land de terre déblayé à coups de bulldozers et devenu un champ de bataille.
Pollution de l'eau, de l'air, des sols
Outre les objectifs militaires israéliens, la guerre génère une pollution importante. Les émissions de gaz à effet de serre générées au cours des deux premiers mois de la guerre à Gaza ont été plus importantes que l'empreinte carbone annuelle de plus de vingt des nations les plus vulnérables au climat dans le monde, selon une étude anglo-américaine. Elle équivaudrait ainsi à la combustion d'au moins 150 000 tonnes de charbon. De quoi enfoncer la région encore plus profondément dans la crise climatique.
L'ONU estime en outre que les bombardements ont créé 37 millions de tonnes de débris. « C'est plus que toute l'Ukraine en deux ans », souligne Wim Zwijnenburg, chercheur sur les effets des conflits sur l'environnement à PAX, une organisation néerlandaise. Or, les dangers sont multiples : contamination à l'amiante et aux métaux lourds, poussières et particules fines, déchets toxiques des hôpitaux et industries, les maladies propagées par les corps en décomposition… « Comment va-t-on disposer de tous ces débris, alors qu'il n'y a aucune infrastructure de tri des déchets encore debout ? »

Alors que la majeure partie des infrastructures publiques sont détruites, des décharges improvisées ont vu le jour un peu partout dans la bande de Gaza. « Grâce aux images satellites, on peut observer comment des milliers de polluants infiltrent les sols et les eaux souterraines, et même comment des fumées toxiques rendent l'air irrespirable », explique-t-il. En parallèle, plus de 130 000 m3 d'eaux usées seraient déversés chaque jour dans la mer Méditerranée, causant d'importants dégâts pour la faune et flore sous-marine, avertit l'ONU.
Accusations d'écocide
Des organisations accusent Israël de commettre un génocide doublé d'un écocide. « La destruction de la terre est une pratique génocidaire systématique au même titre que la destruction de la production alimentaire, des écoles, des hôpitaux », affirme ainsi Lucia Rebolino, de Forensic Architecture.
Pour Saeed Bagheri, conférencier en droit international humanitaire à l'université de Reading, en Angleterre, la réponse est moins tranchée. « Du point de vue juridique, l'écocide n'a pas de définition claire. La Convention de Genève et le Statut de Rome listent des crimes de guerre contre l'environnement et les civils, mais encore faut-il pouvoir remplir leurs critères », explique-t-il à Reporterre. La discussion entre juristes porte sur la notion de proportionnalité. « En vertu du droit international, même si l'on admet qu'Israël a le droit de se défendre en attaquant le Hamas, l'environnement naturel ne peut être pris pour cible, sauf nécessité militaire impérative ».
« Récupérer nos terres et rétablir nos sols, nos nappes phréatiques et notre mer »
C'est donc ainsi que l'armée israélienne tente de se justifier. « Le Hamas opère souvent à partir de vergers, de champs et de terres agricoles, explique ainsi un porte-parole, cité par le Guardian. L'armée ne porte pas intentionnellement atteinte aux terres agricoles et s'efforce d'éviter tout impact sur l'environnement en l'absence de nécessité opérationnelle. »
Mais, pour Saeed Bagheri, « le principe d'humanité prime sur tout le reste, c'est-à-dire l'obligation de ne pas causer de souffrances inhumaines et évitables » aux civils et à l'environnement. Et c'est là qu'Israël pourrait être poursuivi devant la Cour pénale internationale ou la Cour internationale de justice. « Dans tous les cas, il doit y avoir une enquête », affirme le juriste.
Signe de la gravité de la situation, l'ONU a ouvert une enquête sur la destruction de l'environnement. Ces démarches prendront du temps, et il faudra attendre la fin de la guerre pour en connaître les conclusions. C'est aussi ce qu'attendent les Gazaouis, piégés dans une dystopie sanglante. « Je souhaite seulement que la guerre prenne fin pour que nous puissions récupérer nos terres et rétablir nos sols, nos nappes phréatiques et notre mer, qui ont été détruits par les Israéliens », soupire Samar Abou Saffia.
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Anniversaire du Rana Plaza : les députés européens doivent soutenir la diligence raisonnable, aujourd’hui !

24 avril, 2024. Ce jour marque l'anniversaire de l'homicide industriel de 2013 qui a tué plus de 1 100 personnes et en a blessé des milliers d'autres, lorsque le Rana Plaza s'est effondré sur des ouvriers et ouvrières de la confection au Bangladesh, à Dacca. Cette année, cet anniversaire coïncide avec le vote final du Parlement européen sur la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité qui, si elle est adoptée, rendra obligatoire le respect des normes environnementales, des droits de l'homme et des droits des travailleurs tout au long des chaînes de valeur mondiales.
Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/05/02/anniversaire-du-rana-plaza-les-deputes-europeens-doivent-soutenir-la-diligence-raisonnable-aujourdhui/
Pour que cette diligence soit efficace, les accords contraignants suscitent un intérêt croissant, car il est de plus en plus admis que l'audit social volontaire est un mécanisme inefficace, tant en termes de protection des droits des travailleurs que de réduction des risques pour les acheteurs des marques multinationales et leurs investisseurs.
Judith Kirton-Darling, Secrétaire générale d'industriAll Europe, a déclaré :
« Aujourd'hui, les députés européens ont la possibilité d'apporter un réel changement positif dans la vie des travailleurs et travailleuses, y compris dans le secteur international du textile, qui reste malheureusement tristement célèbre pour ses violations des droits des travailleurs. Tous et toutes méritent de travailler dans des environnements sûrs et dans des conditions décentes et nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour éviter une autre catastrophe comme celle de Rana Plaza. Nous avons besoin de règles européennes strictes en matière de diligence raisonnable afin que les entreprises soient tenues responsables de leurs chaînes d'approvisionnement, où qu'elles se trouvent ».
La directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité imposera aux entreprises européennes et non européennes réalisant un chiffre d'affaires d'au moins 450 millions d'euros dans l'UE de faire preuve de diligence en matière de droits de l'homme et d'environnement dans l'ensemble de leur chaîne de valeur.
Oliver Roethig, Secrétaire régional d'UNI Europe, a déclaré :
« La directive sur le développement durable apportera des avancées essentielles en garantissant qu'une entreprise ne puisse plus décider unilatéralement de son approche de la diligence raisonnable en matière de droits de l'homme. Au contraire, il sera obligatoire d'impliquer les syndicats de manière significative dans le processus de diligence raisonnable. Lorsque la directive entrera en vigueur, ces dispositions garantiront que les nouvelles exigences constituent un progrès substantiel par rapport aux approches ratées de la responsabilité sociale des entreprises ».
Créé à la suite de l'effondrement de l'usine de confection du Rana Plaza par des fédérations syndicales internationales, l'Accord international, juridiquement contraignant, pour la santé et la sécurité dans l'industrie du textile et de la confection a été signé à ce jour par plus de 200 des plus grandes marques et détaillants de mode du monde. Il a donné lieu à plus de 56 000 inspections indépendantes dans les usines des fournisseurs, plus de 140 000 problèmes de sécurité ont été résolus et 2 millions de travailleurs et travailleuses ont reçu une formation en matière de santé et de sécurité. L'Accord contribue aujourd'hui à sauver des vies au Pakistan.
Le Secrétaire général d'IndustriALL, Atle Høie, a déclaré à ce sujet :
« Bien que nous soyons fiers du travail accompli dans le cadre de l'Accord, nous appelons à davantage d'actions au plan international pour que les marques de textile rendent des comptes. Si elle est adoptée, la directive européenne améliorera la vie de millions de travailleurs et travailleuses. L'ironie du fait que le vote final tombe le même jour que l'anniversaire du Rana Plaza n'est pas vaine et les travailleurs du textile au Bangladesh appellent aujourd'hui le Parlement européen à soutenir la directive et à faire en sorte que les marques internationales de textile rendent des comptes ».
Christy Hoffman, Secrétaire générale d'UNI Global Union, a déclaré :
« Tout comme UNI et IndustriALL sont entrés dans l'histoire lorsque nous avons négocié l'Accord il y a 11 ans, les députés européens qui votent aujourd'hui ont la possibilité de changer le paysage de la responsabilité de la chaîne d'approvisionnement dans le monde entier. L'Accord montre la différence que les syndicats et les entreprises peuvent faire lorsque nous élaborons des règles contraignantes ayant un impact sectoriel. La directive sur la responsabilité sociale des entreprises fait passer la responsabilité au sein des chaînes d'approvisionnement à un niveau supérieur et constitue un grand pas en avant pour faire en sorte que « Rana Plaza, plus jamais ça » devienne plus qu'un simple slogan ».
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Iran : Défendons une augmentation générale des salaires, et contrecarrons les attaques anti-ouvrières du régime islamique et des employeurs

L'augmentation des salaires est devenue une nécessité inévitable étant données les conditions déplorables actuelles.
Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/05/02/iran-defendons-une-augmentation-generale-des-salaires-et-contrecarrons-les-attaques-anti-ouvrieres-du-regime-islamique-et-des-employeurs/
Les salaires fixés par le régime islamique, via le ministère du travail et les soi-disant représentants des salarié.es nommés par le pouvoir au sein du conseil suprême du travail, ne permettent en aucun cas de couvrir les dépenses de subsistance de la classe ouvrière.
Depuis des années, les salarié.es se mobilisent contre cette paupérisation généralisée et le dénuement dans lequel ils/elles se trouvent. Dans les usines, les ateliers, les centres chargés de l'éducation et des soins de santé, ainsi que dans la rue, ils/elles expriment leurs revendications et leur volonté de faire valoir leurs droits
Les mobilisations hebdomadaires continuelles des retraité.es (qui forment une partie inséparable de la classe ouvrière), la grève de l'usine sidérurgique d'Isfahan, et celle de l'usine d'Ahwaz du groupe sidérurgique National Steel ces dernières semaines, sont des exemples de leurs mobilisations incessantes en faveur de leurs droits et le périmètre de leurs revendications.
Le principal objectif des travailleurs qui protestent est d'obtenir une augmentation des salaires et avantages liés à leur emploi.
Au cours de ses 45 ans de règne, le régime islamique a toujours défendu dans la lutte entre travailleurs/euses et patronat, les intérêts d'un capitalisme brutalement exploiteur.
La première raison en est que le régime islamique est lui-même le plus rapace des capitalistes.
La seconde est que son élite dirigeante dispose du monopole du pouvoir, de l'absence de mécanismes de contrôle, de l'absence d'audit, etc.
S'appuyant sur la corruption totale de ce régime réactionnaire, cette élite s'est emparée d'une grande partie des moyens de production, ainsi que des richesses du pays.
Toute personne réclamant des droits est combattue par la répression, l'emprisonnement et l'expulsion du lieu de travail.
Tant que la résistance et la lutte de la classe ouvrière à l'échelle nationale n'auront pas lieu, la condition des travailleurs/euses de notre société s'aggravera de jour en jour. Ceux qui sont à l'origine de l'extrême pauvreté et de l'impuissance de la majorité des 90% de la population de notre société ne veulent pas et ne peuvent pas prendre de mesures pour mettre fin aux souffrances des masses laborieuses. C'est pourquoi les travailleurs/euses eux/elles-mêmes doivent se préoccuper de leurs intérêts économiques, sociaux et culturels. D'autres forces n'ont pas la capacité de faire un tel effort ou ne le veulent pas, car leurs intérêts sont contraires à ceux de la classe ouvrière.
Les travailleurs/euses n'ont pas d'autre revenu que leur salaire, à condition bien sûr d'avoir un emploi. Mais leurs salaires ont toujours été quatre ou cinq fois inférieurs aux aux dépenses courantes d'une famille moyenne de salarié.e.
Par exemple, le dernier salaire minimum fixé par le régime islamique et le conseil suprême du travail pour l'année 2023 incluant l'ensemble des avantages liés à l'emploi – qui ne sont pas accordés à tous/toutes les salarié.es – était d'environ 135 euros par mois !
En 2023, ce montant couvrait à peine les dépenses hebdomadaires d'un ménage urbain moyen.
En effet, selon les statistiques officielles, les dépenses moyennes d'une famille de quatre personnes en 2023 étaient d'environ 562 euros par mois.
De même, sur la base des prévisions du taux d'inflation en 2024, le coût de la vie moyen d'un ménage urbain ne sera pas inférieur à environ 830 euros par mois.
Pour obtenir une augmentation des salaires, il n'y a pas d'autre moyen que de lutter sans relâche contre le régime islamique rapace, les employeurs réactionnaires et les capitalistes pilleurs.
Le régime islamique et les employeurs n'ont aucune intention d'augmenter les salaires. Avec tous les moyens légaux et illégaux dont ils disposent, ils essayent d'utiliser de fausses excuses pour empêcher les augmentations de salaires : lutter contre l'inflation, créer des emplois, favoriser la compétitivité, encourager des capitalistes à investir, ou ce mensonge flagrant selon lequel l'économie iranienne n'est pas capable de verser des salaires plus élevés que ceux actuellement perçus.
En contradiction avec la loi, le gouvernement soumet toute augmentation et tout versement de salaire à la définition préalable d'un « salaire conventionnel » réputé être basé sur un accord entre employeur et employé.
Les autorités veulent ainsi contourner la loi sur le salaire minimum, et ouvrir la voie à une exploitation accrue en retirant aux salarié.es des moyens pour résister en amendant le code du travail
* soit en y introduisant un alinéa
* soit en modifiant un alinéa
* soit en supprimant un alinéa
Les ouvrier.es et employé.es, ainsi que les membres de leur famille, représentent environ 60% de la population du pays. Plus de 80% de la production totale de la société est le fruit de leur travail.
Leurs salaires ne devraient pas être inférieurs au coût de la vie moyen d'un ménage urbain moyen.
Comme indiqué précédemment, le coût de la vie moyen d'un ménage urbain de quatre personnes devrait être en 2024 d'au moins 830 euros par mois.
Nous invitons donc tous les salarié.es de l'industrie, des services, de l'agriculture, de la construction, des mines, etc., dans les secteurs privé et public, à lutter sur leurs lieux de travail et de vie, pour un salaire minimum de 830 euros par mois.
Un autre point fondamental qu'il ne faudrait pas oublier est que dans la lutte pour l'augmentation des salaires, comme dans d'autres domaines de la lutte de classe, la solidarité et l'unité de la classe ouvrière sont indispensables. Pour cette raison, l'existence d'organisations durables (syndicats, associations professionnelles, ou organisations similaires) sont d'une importance capitale.
Simultanément, la lutte des travailleurs/euses dans les domaines économique et social ne peut à elle seule parvenir à atteindre les résultats souhaités. C'est pourquoi, parallèlement à la lutte pour les revendications économiques, la promotion, la formation et les activités pratiques pour la fondation de la lutte politique indépendante de la classe ouvrière et de ses organisations sont également nécessaires.
La lutte de classe des salarié.es n'est en effet possible que si elle est unie, organisée et basée sur des objectifs à long terme.
Pour cette raison, les objectifs immédiats de la classe ouvrière ne peuvent être atteints qu'avec la participation large et active des masses.
Syndicat du sucre de canne d'Haft Tappeh
Section des retraité.es du Comité de coordination d'aide à la construction d'organisations syndicales
Travailleurs/euses retraité.es du Khuzestan
Et aussi, sur le salaire minimum à 250 euros, l'expression du Syndicat des travailleurs/euses de la compagnie d'autobus de Téhéran et sa banlieue (Vahed)
Alternative workers news Iran
https://laboursolidarity.org/fr/n/3121/defendons-une-augmentation-generale-des-salaires-et-contrecarrons-les-attaques-anti-ouvrieres-du-regime-islamique-et-des-employeurs
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Témoignages de deux infirmières ukrainiennes au congrès de l’Union syndicale Solidaires

À l'occasion de son congrès national, qui se tenait du 22 au 25 avril 2024 à Labège (31), l'Union syndicale Solidaires a accueilli plusieurs délégations internationales. Dès l'ouverture du congrès, la parole a été donnée à deux d'entre elles : celle venue d'Ukraine et celle venue de Palestine.
D'Ukraine, étaient présentes Yulia Lipich Kochirka et Oksana Slobodyana, représentantes du Syndicat régional de Lviv du personnel médical et de Sois comme Nina. Elles ont pu s'adresser aux quelque 400 syndicalistes Solidaires présent∙es. Cette invitation faisait suite aux contacts entretenus depuis avril 2022, à travers les trois convois du Réseau syndical international de solidarité et de luttes, les échanges visio, les liens à travers le Réseau européen de solidarité avec l'Ukraine, les collectes solidaires, l'envoi de matériel, la présence à la 5e rencontre du Réseau syndical international de solidarité et de luttes en septembre dernier à São Paulo, etc. Nous reprenons ici les informations délivrées par les deux militantes, qui se sont aussi s'entretenues de manière informelle avec les délégué∙es au congrès.
Christian Mahieux, avril 2024.
La guerre en Ukraine dure depuis plus de deux ans. Le personnel médical joue un rôle important, notamment en première ligne et dans les villes de la zone de front. De nombreux et nombreuses membres de Sois comme Nina se trouvent actuellement dans la zone de guerre. Au péril de leur vie, ils et elles sauvent celle des soldats et des civil∙es.
Nous avons édité un document sur activités qui est à votre disposition, mais aujourd'hui je vous parlerai brièvement de certains et certaines de nos collègues qui ont consciemment changé leur blouse blanche pour un uniforme militaire. Leur témoignage direct est important.
Olena Lyasheva, une militante de Sois comme Nina, n'a pas de diplôme de médecine, mais au terme d'une lutte épuisante et prolongée, elle a été obligée de devenir infirmière pendant la guerre. « La situation sur la ligne de front est telle qu'aucune main ne sera superflue. J'ai milité toute ma vie d'adulte et la décision de m'engager dans l'armée était la suite logique de mon parcours de militante. Si nous voulons vivre dans une société juste, nous devons maintenant la protéger des occupants. Mon choix de spécialité a été largement influencé par la communication avec Sois comme Nina. Ces femmes incroyables se battent pour les droits sociaux et les droits du travail à la maison et dans l'armée. Et ce n'est pas une coïncidence si ce sont les infirmières qui sont en difficulté en Ukraine. Parce que la lutte est une question de soins, de protection et d'assistance mutuelle. Je me suis toujours sentie solidaire d'elles, et maintenant je suis moi-même en train de devenir personnel médical, bien que, malheureusement, dans le cadre d'une procédure accélérée dans les conditions de la guerre », nous a écrit Olena.
Maria Koroleva n'a que 26 ans. Elle est également infirmière de combat au front. Alors qu'elle n'avait pas du tout envisagé de lier sa vie à la médecine, elle a changé d'avis à cause de la guerre. « Au front, on se rend compte qu'il faut vivre ici et maintenant, car tout peut changer radicalement en une seconde. Nous avons admis un jeune homme avec trois amputations, des brûlures au visage et aux deux yeux – zéro pour cent de chance de voir sa vue restaurée. Avant la guerre, il était un jeune homme prospère avec de bonnes perspectives. Dans ces moments-là, on commence à apprécier la vie, chaque minute. En première ligne, le personnel médical s'épuise rapidement, ils et elles ne supportent pas psychologiquement. Mais nous n'avons pas le droit de nous concentrer sur nos expériences personnelles, surtout en temps de guerre », nous a dit Maria. Oleh Horoshenko a failli mourir dans la zone de combat. « Quatre fois pendant la guerre, j'ai cru que j'allais mourir. Étonnamment, cela ne vous fait pas peur. Vous le ressentez calmement : les regrets, les projets, la vie, mais sans horreur. À Irpin, ils ont commencé à nous tirer dessus au phosphore. J'étais allongé et j'ai réalisé que nous tous – huit personnes – allions brûler vifs. C'était pénible. Mais le vent nous a sauvés parce qu'il a balayé les flammes. J'ai été blessé dans le secteur de Kharkiv. Nous avons été bombardés par l'artillerie. Des éclats d'obus ont touché mon bras. En sautant du camion, j'ai endommagé les ligaments de mon genou. Je n'ai pas remarqué ma blessure au début, j'ai couru pour sauver la vie de mes camarades. Nous avons eu quatre morts et douze blessés. Dans des conditions de combat, il est très difficile de trouver les blessés. Parmi les morts, j'ai vu un combattant vivant. Il avait reçu une balle dans la jambe. Ils lui ont posé un garrot et un bandage, l'ont mis dans un minibus et l'ont emmené à l'hôpital. Quelques heures plus tard, ma jambe blessée a gonflé et je ne pouvais plus marcher. J'avais moi-même besoin d'une aide médicale », se souvient Oleh.
Les personnes du secteur de la santé sont des gens héroïques. Malgré leurs bas salaires et leur lourde charge de travail, lorsque la guerre a commencé, ils et elles n'ont pas fui à l'étranger ou ne se sont pas caché·es, mais ont revêtu l'uniforme militaire. Des centaines d'entre eux et elles ont déjà été tuées sur le champ de bataille. Cela n'a pas empêché leurs collègues de continuer à sauver des vies.
Sois comme Nina est une organisation créée en 2019 par des travailleuses et travailleurs de la santé. Il n'existait pas d'équivalent en Ukraine jusqu'alors. Depuis, l'association protège les droits des travailleuses et travailleurs de la santé, en luttant pour des salaires décents et des conditions de travail correctes. Quand les problèmes ne peuvent pas être résolus paisiblement, nous organisons des manifestations (actuellement, sous la loi martiale, elles sont interdites). La tâche principale de notre organisation est d'améliorer les conditions de travail et la formation des travailleuses et travailleurs du secteur médical. À cette fin, nous utilisons toutes les méthodes, dans le respect de la loi.
Le nom « Mouvement médical Sois comme Nina » vient du nom de l'initiatrice de la première protestation des infirmières, Nina Bondar. Travaillant dans un hôpital de Kyiv, Nina a décidé, un soir, de décrire son mécontentement quant à ses conditions de travail, à son salaire et à l'attitude des patrons envers les infirmières. Elle a publié ce message – un cri du cœur – sur Facebook. Du jour au lendemain, il a bénéficié de plus de 20 000 vues. Depuis, les professionnel∙les de la santé s'unissent pour défendre ensemble leurs droits professionnels. Comme Nina, tous et toutes veulent cesser de passer sous silence toutes les violations auxquelles ils et elles sont confronté·es sur leur lieu de travail.
Depuis lors, nous sommes devenus une communauté (Facebook) de 85 000 personnes. Notre organisation a été créée sans aucun soutien étatique ou de parti politique. Nous promouvons la création de syndicats dans toute l'Ukraine. Nous avons organisé les premières manifestations dans plusieurs villes au cours de l'hiver 2019. Nous avons exigé des salaires plus élevés pour les travailleuses et travailleurs de la santé, une augmentation des dépenses de santé en général, et que nos voix, les voix des travailleuses et travailleurs de la santé, soient entendues dans toute réforme des soins de santé en Ukraine. Nous avons répété ces manifestations en 2020 et 2021 et avons progressé. Ainsi, nous avons réussi à réintégrer des infirmières licenciées illégalement et à faire payer des arriérés de salaires dans plusieurs établissements.
Avant la guerre, la contre-réforme des soins de santé a commencé en Ukraine. Depuis, beaucoup d'établissements médicaux ferment, les hôpitaux sont « optimisés » et fusionnés. Cela a un impact important sur les travailleuses et travailleurs de la santé, qui perdent leur emploi. Ce processus ne s'est pas arrêté pendant la guerre. Au contraire, la situation s'est considérablement aggravée : de nombreux établissements médicaux ont été fermés à la suite de bombardements et de tirs d'artillerie. La perte d'emplois, l'occupation du territoire par les troupes russes, la migration à grande échelle et les licenciements ne sont pas les seuls problèmes auxquels nous sommes confronté·es aujourd'hui. Les économies réalisées par les autorités locales sur le soutien financier pour le droit à la santé, sur les salaires des infirmières et autres personnels médicaux, conduisent à l'appauvrissement de la population dont nous protégeons les droits.
La guerre à grande échelle qui a commencé le 24 février 2022 a causé encore plus de problèmes, non seulement pour les travailleuses et travailleurs de la santé, mais pour tous et toutes les Ukrainien·nes en général. Des dizaines de milliers de personnes sont mortes. Des millions de personnes ont été contraintes de fuir vers les pays voisins et plus de 6 millions d'Ukrainien·nes ont été déplacé·es à l'intérieur du pays. Des villes et des villages ont été détruits. Nos hôpitaux et nos installations énergétiques ont été pris pour cible par l'ennemi.
Nous avons réalisé que nous ne pourrions pas faire face à cette situation sans l'aide de partenaires internationaux. C'est pourquoi nous avons convenu avec nos partenaires allemands de Medico International d'un projet commun pour aider les Ukrainien·nes touché·es par la guerre. Grâce à cette coopération, nous avons pu loger temporairement 45 familles avec de jeunes enfants et des parents retraités. 452 familles en situation très difficile ont reçu de la nourriture et des produits d'hygiène. Nous sommes également en mesure d'apporter un soutien psychologique et juridique. Il est également très important d'apporter une aide en matière de traitement médical. En effet, certaines personnes ont perdu tout espoir de guérison. Grâce à notre projet, elles ont amélioré leur état de santé et sont en mesure de travailler et de vivre à nouveau pleinement leur vie. Malheureusement, ce projet a pris fin le 31 décembre 2023. C'est pourquoi nous recherchons activement des organisations internationales avec lesquelles nous pourrions coopérer et continuer à aider les médecins, les infirmières, et les Ukrainien·nes en général.
Nous attendons la fin de la guerre et voulons nous rapprocher de la victoire par tous les moyens et toutes les méthodes. Nous sommes convaincu·es que nous parviendrons à reconstruire l'Ukraine, où les droits syndicaux seront respectés dans tous les secteurs et où les employé·es recevront des salaires décents et auront des conditions de travail satisfaisantes.
Ce ne sera pas facile. Mais vous avez vu notre force et notre engagement pendant la guerre.
Publié dans Les Cahiers de l'antidote : Soutien à l'Ukraine résistante (Volume 29)
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/04/28/lesprit-de-haymarket-square/
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Des violations des droits des enfants passées sous silence en raison de la crise de financement à l’ONU

Le Comité des droits de l'enfant de l'ONU a annulé la tenue d'une session prévue
Dans une décision sans précédent, le Comité des droits de l'enfant de l'ONU a annulé la tenue d'une série de réunions en raison d'un manque de fonds.
Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/04/28/des-violations-des-droits-des-enfants-passees-sous-silence-en-raison-de-la-crise-de-financement-a-lonu/
Ce déficit est dû au fait que certains États membres ne se sont pas encore acquittés de leurs cotisations.
Il s'agit du dernier exemple en date de la fragilisation du rôle de surveillance des droits humains de l'ONU en raison d'un manque de fonds budgétisés. Ceci fait suite au gel des recrutements au sein de l'organisation mondiale, et à une réduction forcée des enquêtes menées sur le terrain par ses experts en droits humains.
Lors de la session désormais annulée du Comité des droits de l'enfant, des experts devaient s'entretenir – dans un environnement sûr et confidentiel – avec des enfants, des organisations de la société civile et des agences des Nations Unies de la situation des droits de l'enfant dans huit pays.
Cette annulation se traduira par une surveillance diminuée de l'évolution de la situation en Équateur, où l'escalade de la violence et de la criminalité organisée a un impact désastreuxsur les droits des enfants, en particulier des filles dont le droit d'étudier en toute sécurité est menacé.
Cela signifie également que la situation en Éthiopie risque de passer encore plus inaperçue, même si des enfants y sont tués et blessés et font l'objet d'agressions sexuelles ; en outre, des écoles sontattaquées etutilisées par les forces militaires dans le cadre des conflits qui sévissent dans le nord du pays.
Les experts n'auront pas l'occasion d'en apprendre davantage sur certaines filles indonésiennes qui pourraient avoir été contraintes de quitter l'école sous une forte pression, en raison de leur décision de ne pas respecter laréglementation relative au port obligatoire du hijab.
Il sera désormais plus difficile pour le Comité d'en savoir plus sur les mauvais traitements infligés aux enfants dans les centres de détention gouvernementaux en Irak, ou sur la décision du gouvernement de ne pas interdire les châtiments corporelscontre les enfants.
- Et les voix des filles incapables d'exercer leur droit à l'éducationau Pakistan continueront d'être réduites au silence.
Si le Comité n'est pas en mesure de prendre connaissance de ces problèmes, il ne pourra pas non plus formuler de recommandations en faveur de changements.
Les gouvernements mauvais payeurs qui n'ont pas encore versé leurs contributions au budget ordinaire de l'ONU devraient s'acquitter de leur quote-part, sous peine d'aider les auteurs de violations des droits de l'enfant à se soustraire à leurs responsabilités.
Bede Sheppard
Directeur adjoint, division Droits des enfants
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La Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe ne comprend pas les réalités du système prostitutionnel

Lettre collective Lettre ouverte de 14 organisations représentant plus de 2000 organisations de terrain, féministes et de survivantes en réponse au commentaire de la Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe sur la prostitution.
Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/04/30/la-commissaire-aux-droits-de-lhomme-du-conseil-de-leurope-ne-comprend-pas-les-realites-du-systeme-prostitutionnel/
Nous, organisations féministes, de terrain et de survivantes, sommes consternées par le commentaire de la Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe sur la « protection des droits humains des travailleurs du sexe », tant du point de vue de la méthodologie utilisée que du contenu développé. Les femmes et les filles en situation de prostitution méritent mieux que ce qui ne peut être considéré autre qu'un tract de propagande déconnecté.
Une consultation opaque exclusivement ouverte aux organisations défendant le « travail du sexe » ? Nos 14 organisations, représentant plus de 2 000 associations féministes de terrain et de survivantes, ont soutenu l'année dernière plus de 18 000 personnes prostituées dans le monde entier, presque exclusivement des femmes et des filles issues des communautés les plus marginalisées. Etonnamment, aucune de nos organisations n'a été incluse dans les consultations ayant mené à cette déclaration, la Commissaire ayant priorisé l'accès aux organisations n'ayant aucune expérience sérieuse en matière de soutien de terrain sur le long terme aux personnes prostituées.
Le commentaire exclut donc les perspectives et expériences des personnes prostituées soutenues par nos organisations. La Commissaire promeut ainsi la Belgique comme modèle de référence alors que ce pays est une plaque tournante de la prostitution et de la traite des êtres humains à des fins d'exploitation sexuelle en Europe, et que des organisations locales ont alerté à plusieurs reprises sur l'impact désastreux de la législation belge sur les personnes prostituées.
Etant donné l'apparente incapacité de la Commissaire à contacter les associations de terrain et de survivantes, nous aimerions lui offrir notre aide sous la forme d'une proposition concrète : Madame la Commissaire, nous vous invitons à venir voir par vous-même les réalités de la prostitution, en Belgique ou ailleurs, en rencontrant une ou plusieurs de nos organisations de terrain et de survivantes. Les réalités que vous y découvrirez seront probablement très différentes du récit développé dans votre commentaire. Une explosion de violence et d'exploitation là où les recommandations de la Commissaire aux droits de l'homme ont été mises en œuvre.
Nos organisations observent au niveau local, l'impact désastreux des politiques décriminalisant les proxénètes et les acheteurs de sexe recommandées par la Commissaire aux droits de l'homme. En Allemagne, pays qui a légalisé la prostitution en 2002, les résultats sont sans équivoque :
Les plus hautes estimations évaluent à 400 000 le nombre de personnes en situation de prostitution dans le pays, seules 23 000 faisaient la demande pour le statut officiel de « travailleuses du sexe » en 2021 ;
81% des femmes officiellement enregistrées étaient étrangères en 2021 :
Les bordels tirent profit de l'exploitation des plus vulnérables : depuis la guerre en Ukraine, le nombre de femmes réfugiées ukrainiennes enregistrées dans le quartier rouge de Berlin a été multiplié par 5 ;
La décriminalisation de l'achat d'actes sexuels entraîne une explosion de la demande : en Allemagne 26% des hommes déclarent avoir acheté des actes sexuels au moins une fois dans leur vie, contre 7% en Suède ;
Pour s'adapter à cette demande, les bordels vendent des femmes à une échelle industrielle dans des « mégabordels » offrant des forfaits à 70€ comprenant une femme, une bière et un une saucisse ou des formules « à volonté ».
Les résultats néfastes de l'approche allemande conduisent à une prise de conscience collective et à un changement de paradigme dans le pays : le groupe parlementaire CDU/CSU et le chancelier (SPD) ont récemment pris position pour mettre fin à l'approche du « travail du sexe ».
Cette explosion et cette normalisation de l'achat d'actes sexuels ont un impact sur toutes les femmes et les filles et fait pression sur les plus marginalisées d'entre elles. Aux Pays-Bas, pays qui a légalisé la prostitution en 2000, il est désormais légal pour les moniteurs d'auto- école de proposer des actes sexuels à leurs élèves comme mode de paiement. Cette pratique est communément appelée « a ride for a ride ».
En Belgique, dans la rue d'Aerschot à Bruxelles, connue pour sa prostitution de rue, « chaque personne prostituée paie en moyenne 250€/jour aux gérants de bordels afin de louer une vitrine. Ce loyer est équivalent à 7500€/mois pour une personne payant chaque jour ces frais. Cela signifie que la personne prostituée doit endurer 150 actes sexuels « gratuits » avant de toucher 1 seul euro pour elle », selon l'ONg de terrain Isala.
Ainsi, au prétexte d'améliorer les conditions de vie des personnes prostituées, le modèle réglementariste de la prostitution renforce la mainmise des proxénètes – poliment rebaptisés « tiers » – par la Commissaire. Ils bénéficient de différents statuts juridiques, tels que « propriétaires de maisons closes » ou « entrepreneurs », et perpétuent l'exploitation sexuelle et économique des plus vulnérables en toute impunité.
Nous partageons le constat que la prostitution se situe à l'intersection de multiples discriminations et que les femmes et les filles les plus marginalisées sont surreprésentées dans ce système (70% des personnes prostituées en Europe sont des femmes migrantes).Cependant, contrairement à la Commissaire, nous ne mettons pas les victimes et les exploiteurs sur le même plan, les derniers exploitant les vulnérabilités des premières.
« Nous n'avons pas besoin de syndicats, d'assurance maladie ou d'un salaire minimum. Nous avons besoin de psychothérapie, de programmes de sortie, de protection et d'une aide financière. Nous n'avons pas besoin de droits du travail, mais nous avons besoin des droits qui découlent de notre reconnaissance en tant que victimes de violence ». Collectif de survivantes #Intedinhora (« #Pastapute »), Suède.
La prostitution dans le droit international des droits humains : ni un travail, ni du sexe, mais une violation de la dignité humaine ! Il est particulièrement troublant de constater que la Commissaire se réfère à une « approche fondée sur les droits humains » en ce qui concerne le « travail du sexe », sans citer un seul traité international de droits humains qui soutienne concrètement cette approche. Et pour cause, les traités universels des droits humains contraignants sont sans équivoque sur l'obligation faite aux États de criminaliser le proxénétisme et de décourager la demande qui favorise la traite à des fins d'exploitation sexuelle :
La Convention onusienne de 1949 reconnaît spécifiquement la prostitution comme « incompatible avec la dignité de la personne humaine ». Il est donc inconcevable qu'une activité violant la dignité humaine puisse être soudainement reconnue comme un travail par le Conseil de l'Europe, particulièrement quand celui-ci promeut et défend l'accès à un « travail décent » ;
Cette même convention oblige les États membres à ériger en infraction pénale toute personne qui « exploite la prostitution d'une autre personne même consentante et qui « tient, dirige ou, sciemment, finance ou contribue à financer une maison de prostitution » ou encore « donne ou prend sciemment en location, en tout ou en partie, un immeuble ou un autre lieu aux fins de la prostitution » ;
En outre, l'article 6 de la convention CEDEF impose aux États membres de réprimer l'exploitation de la prostitution des femmes et des filles, c'est-à-dire le proxénétisme.
L'article 9, paragraphe 5, du protocole de Palerm impose aux États membres de « décourager la demande qui engendre la traite à des fins d'exploitation sexuelle ».
La pénalisation du proxénétisme et de l'achat d'actes sexuels sont par ailleurs des mesures qui font l'objet d'un consensus quant à leur efficacité dans la lutte contre la traite à des fins d'exploitation sexuelle,recommandées par l'OSCE, le Parlement Européen, l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe, et la Rapporteuse Spéciale des Nations Unies sur la violence à l'égard des femmes.
« L'argument selon lequel la dépénalisation de la demande d'achat d'actes sexuels améliore la sécurité, la dignité et les conditions de vie des femmes prostituées ne semble pas être étayé factuellement. La prostitution entraîne de graves violations des droits humains pour les femmes et les filles concernées ». Rapporteure Spéciale des Nations unies sur la violence à l'égard des femmes, Reem Alsalem (2023)
Le langage agrée des Nations Unies et de l'Union européenne est et demeure « prostitution » et « personne en situation de prostitution ». Nous déplorons l'utilisation répétée du terme « travail du sexe » dans le commentaire, qui est un terme de propagande destiné à dissimuler la violence inhérente au système prostitutionnel et les schémas d'oppression sexiste, raciste et de classe qui l'alimentent ainsi qu'à promouvoir la légalisation de la prostitution.
« Notre conviction profonde, en tant qu'ONU Femmes, est que toutes les femmes impliquées dans cette industrie sont des victimes, peu importe si elles se revendiquent travailleuses du sexe, ou qu'elles considèrent cela comme un travail, nous les considérons comme des victimes et ceux qui achètent ce service comme des auteurs de violence à l'égard des femmes » Phumzile Mlambo-Ngcuka, ancienne directrice exécutive d'ONU Femmes (2020).
Il existe une (véritable) approche de la prostitution fondée sur les droits humains : elle protège les victimes et lutte contre l'impunité des auteurs. La Suède, la Norvège, l'Islande, l'Irlande, l'Irlande du Nord, le Canada et la France, ainsi que le Parlement européen, ont adopté une approche féministe et fondée sur les droits humains sur la prostitution. Ces pays reconnaissent la prostitution comme un système de violence et d'exploitation. Ce « modèle abolitionniste » différencie les victimes des exploiteurs : il décriminalise les personnes prostituées, leur donne accès à des programmes de sortie et pénalise l'achat d'actes sexuels – à la racine du système prostitutionnel – tout comme le proxénétisme.
En Suède, pays ayant adopté un modèle abolitionniste en 1999 :
La demande a réduit de moitié du fait de la pénalisation de l'achat d'actes sexuels. 13,6% des hommes en Suède déclaraient avoir acheté un acte sexuel une fois dans leur vie en 1996, contre 7% en 2023 ;
La baisse de la demande a fait de la Suède un territoire peu attractif pour les réseaux de traite qui s'en sont détournés ;
La loi a eu un effet normatif sur les mentalités : alors que 3⁄4 des suédois.e.s étaient contre la pénalisation des clients en 1996, moins de 10 ans après, en 2008, cette mesure est largement soutenue par 70% de la population ;
Depuis l'adoption de la loi, aucune personne prostituée n'a été tuée en Suède, contre au moins 84 en Allemagne. En France, pays ayant adopté le modèle abolitionniste en 2016 :
0 personne en situation de prostitution n'a été pénalisée depuis la loi ;
1 247 personnes ont bénéficié d'un parcours de sortie de la prostitution en mars 2023 donnant droit à un permis de séjour pour les victimes étrangères, un logement, une aide financière mensuelle, du soutien à la réinsertion professionnelle, un soutien psychothérapeutique avec un taux de réussite de 95% ;
de 8 000 clients ont été pénalisés d'une amende ou ont dû suivre un stage de sensibilisation aux réalités de la prostitution ;
+54% de hausse de procédures contre les proxénètes sont constatées entre 2016 et 2019 ainsi que 7 fois plus de compensation pour les victimes.
La constitutionnalité de la loi française a été entérinée par le Conseil Constitutionnel dans des termes forts. Le Haut Conseil à l'égalité en France a reconnu que cette approche « contribue à construire une société d'égalité formelle et réelle entre les hommes et les femmes » et des survivantes de plusieurs pays ont récemment exprimé leur soutien collectif à la législation. La Commissaire ne semble pas consciente de ces éléments et ne se réfère au droit français que dans le contexte d'une décision de recevabilité sur une procédure en cours, ce qui ne préjuge en rien de la décision de la Cour. Cette procédure est par ailleurs soutenue par les mêmes organisations auxquelles la Commissaire a réservé les consultations pour son commentaire. Nous convenons de la nécessité pour les États membres de veiller à ce que leurs lois soient conformes à la Convention européenne des droits de l'homme. Cependant, pour ce faire, ils doivent mettre en œuvre une approche aux antipodes de celle recommandée par la Commissaire. Alors que l'Europe connaît un changement de paradigme en faveur du modèle abolitionniste, le commentaire de la Commissaire appelant à la décriminalisation des auteurs de violence constitue un recul historique sur les droits des femmes. La voie à suivre ne peut être que l'abolition du système sexiste, raciste et de classe de la prostitution, et non sa « décriminalisation totale ».
Nous demandons donc à la Commissaire de réviser et d'amender son commentaire sur la base d'un processus de consultation éthique, objectif et inclusif.
Signataires : La Coalition pour l'abolition de la prostitution, Le lobby européen des femmes, le Réseau européen des Femmes migrantes, SPACE International, la Coalition Against Trafficking in Women, l'Initiative Féministe EuroMed, le Bruxxels Call, le Swedish Womens's lobby, la Coordination européenne du Lobby européen des femmes, Osez le féminisme !, Rights4Girls, le Bündnis Nordisches Modell, la Fédération Nationale Espagnole des Femmes Abolitionistes.
Courrier N°430 de la Marche Mondiale des Femmes
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