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« VEYE YO ! PINGA ! » – Déclaration de la diaspora haïtienne

Le Conseil présidentiel de transition (CPT) a été installé le jeudi 25 avril dernier. Nous publions ci-dessous la Déclaration de la diaspora haïtienne de Miami, New York et Montréal, suivi de la Déclaration de la Coalition haïtienne du Canada contre la dictature en Haïti comme contribution collective aux échanges avec les groupes de Miami et New York.
Tiré du Journal des Alternatives
https://alter.quebec/veye-yo-pinga-declaration-de-la-diaspora-haitienne/?utm_source=Cyberimpact&utm_medium=email&utm_campaign=Des-nouvelles-de-votre-plateforme-altermondialiste-preferee-
Par Coalition haïtienne au Canada contre la dictature en Haïti (CHCCD) -6 mai 2024
« Surveillez-les, arrêtez-les, il y a une loi pour ça ». Aujourd'hui, alors que le Conseil présidentiel de transition prend le pouvoir, il est crucial de rester vigilants !
Le peuple haïtien endure d'énormes souffrances. Nous refusons de retomber dans les mêmes erreurs qui ont causé notre situation actuelle. Les gangs continuent de semer la terreur en tuant, torturant, chassant les gens de chez eux, détruisant les hôpitaux, les universités, les commissariats de police, et bloquant les routes. Ils ont pris en otage l'État. La pauvreté et la faim se répandent. Notre capitale dépérit. Notre pays est en danger d'extinction.
Quand Dessalines parlait de « couper la tête, brûler la maison », il ne visait pas les maisons malheureuses, mais plutôt les misérables qui luttaient pour leur survie.
Durant ces trois dernières années, plusieurs organisations civiles représentatives du pays se sont réunies sous la bannière du groupe Montana pour proposer un changement radical s'opposant au régime PHTK. Ce régime qui, depuis 2010, a conduit le peuple vers la ruine, la mort, la corruption et l'impunité.
Le groupe Montana a fait de nombreuses propositions concernant la sécurité publique, la justice, la participation citoyenne et la décentralisation. Ces propositions ont servi de base à un accord politique facilitant la création d'un Conseil présidentiel transitoire pour promouvoir le changement.
Ce n'est pas toutes les propositions du Montana qui se retrouvent dans cet accord politique, mais ce groupe a compris qu'un COMPROMIS est nécessaire pour freiner cette machine de la mort et rétablir d'autres règles dans le jeu politique.
C'est une étape importante. À cet égard, nous saluons tous les participants ainsi que le CARICOM (Caribbean Community) qui ont rendu cet accord possible. Cependant, le peuple haïtien a beaucoup trop souffert pour que nous acceptions de jouer à ce jeu malicieux, et nous refusons que des acteurs peu crédibles soient une fois de plus au centre des affaires.
Le gouvernement démissionnaire d'Ariel Henri, qui est directement responsable de cette situation chaotique, a publié un décret formant le Conseil présidentiel de transition, en modifiant des détails importants de l'accord qu'ils avaient eux-mêmes signé.
NOUS EXIGEONS LA PUBLICATION DU TEXTE AUTHENTIQUE SANS AUCUNE MODIFICATION
Le gouvernement démissionnaire n'a aucun droit de modifier quoi que ce soit dans cet accord.
Nous estimons que le gouvernement de facto n'a aucune légitimité pour enseigner la Constitution aux citoyens. De même, nous pensons que ceux qui ont contribué à plonger le pays dans son état actuel ne peuvent pas prétendre être ceux qui le dirigent.
REGARDEZ-LES ! DÉMASQUEZ-LES ! Le peuple haïtien a trop souffert pour que nous tolérions un retour au même jeu corrompu où le pouvoir est détenu au bénéfice personnel, utilisant des gangs pour empêcher les gens de questionner l'origine de l'argent de Petro Caribbean.
L'Accord du Montana repose sur un ensemble de valeurs éthiques non négociables. C'est un document respecté nationalement et internationalement.
Ces valeurs doivent guider le conseil présidentiel de transition, tout en respectant la loi et la constitution de notre pays. En élisant les candidats du Montana au Conseil de transition, ces valeurs démontrent comment des élections transparentes peuvent se dérouler et également comment des Haïtiens de divers horizons peuvent s'asseoir ensemble, discuter et parvenir à un consensus en plaçant les intérêts nationaux au-dessus des intérêts personnels. C'est donc une source d'exaspération dans notre système actuel.
Nous, de la diaspora, soutenant l'accord du Montana, luttons contre toutes les politiques destructrices qui minent les institutions du pays depuis quatorze ans. Nous dénonçons les manœuvres dilatoires qui maintiennent le pays sur le chemin chaotique sur lequel il est.
Nous avons le droit de participer aux décisions qui nous concernent, nous, le peuple haïtien.
Nous avons besoin de deux personnes responsables pour diriger la transition avec succès : un coordinateur du conseil présidentiel et un premier ministre.
NOUS AVONS BESOIN DE PATRIOTES qui croient en notre pays, qui sont qualifiés et honnêtes, pour nous aider à sortir de la crise de mort et de destruction que nous vivons actuellement.
Le peuple haïtien souffre énormément. Il y a de l'espoir de changement. Ne le gaspillons pas.
NOUS RESTERONS VIGILANTS !
Groupes au sein de la diaspora haïtienne de Miami, New York et du Canada
Initiative citoyenne à New York pour soutenir l'accord du Montana : Daniel Henrys Daniel Huttinot Julien Jumelle, Lionel Legros Michèle Montas
Comité de Solidarité et de Résistance du Peuple Haïtien à Miami : Hudes Desrameaux, Abel Simon Zéphir.
Coalition haïtienne au Canada contre la dictature en Haïti : Jean-Claude Icart Chantal Ismé, Richard Mathelier, Dominique Mathon, Walner Osna, Alain Saint-Victor.
La position de la Coalition haïtienne du Canada contre la dictature en Haïti
Nous, de la Coalition haïtienne du Canada contre la dictature en Haïti, signataires de l'Accord de Montana du 30 août 2021, sommes très préoccupés par la manière dont la communauté internationale impose ses propres règles du jeu aux acteurs haïtiens dans la mise en place d'une transition continue.
Nous sommes d'accord sur le principe de transition que l'accord du 30 août supportait. La transition radicale a une série de principes et de caractéristiques fondamentaux qui la caractérisent. Des principes comme la reconquête de la souveraineté du pays ne peuvent être négociés. Conserver la souveraineté, c'est abandonner toute forme d'occupation.
La CARICOM (Caribbean Community), qui est censée jouer un rôle intermédiaire, semble, par ses actions, être un acteur politique intéressé qui agit selon l'agenda des puissances qui dominent le pays, en collaboration avec les politiciens et les organisations politiques à l'intérieur du pays. Dans cette logique, l'occupation transnationale s'impose comme condition d'établissement de la transition. Cela ne correspond pas du tout à nos convictions et à nos principes.
Une transition radicale doit être claire du choix des personnes qui y participent. En ce sens, nous continuons de croire que le PHTK et ses alliés n'ont pas leur place dans un gouvernement de transition visant à retrouver la souveraineté du pays et à établir les conditions permettant au peuple haïtien de vivre dans la paix et la dignité. C'est ce régime qui nous a mis dans le bourbier dans lequel nous nous trouvons, dans le but de démanteler de fond en comble toutes les initiatives et mobilisations populaires du pays qui nécessitent un changement de système.
Le dicton populaire « Renverser le chaudron » exprime clairement la volonté et la détermination du peuple haïtien d'établir un autre modèle de société. Par conséquent, les personnes et les organisations des « bandits légaux » du PHTK et de ses alliés soutenus par la « communauté internationale » sont les responsables du chaos et de la situation terroriste d'aujourd'hui depuis plus d'une décennie. Le peuple haïtien dit c'est assez. Le PHTK et ses alliés sous la dictée du Core Group (États-Unis, France, Canada…) ne peuvent être a la base du chaos, des problèmes pour ensuite chercher les solutions. Ils mettent le feu et redeviennent pompiers.
Cela fait 13 ans que le régime PHTK est au pouvoir et bénéficie des bénédictions des pays du Core Group (en particulier les États-Unis, la France et le Canada), le peuple haïtien ne manque jamais une occasion de jeter ces gens à la poubelle de l'histoire pour les crimes financiers, les massacres, la corruption et toutes les mauvaises actions commises contre le peuple. Une transition radicale nécessite des personnes et des organisations crédibles, qui ne sont impliqués dans aucune mauvaise action, drogue, délits financiers, enlèvements, meurtres ; des personnes qui n'ont jamais été condamnées par la justice nationale ou internationale.
Une transition radicale doit avoir des gens qui ne sont soumis à aucune sanction nationale ou internationale, des gens qui n'ont jamais lié leurs saucisses au régime criminel du PHTK et qui n'ont jamais servi les intérêts des pays étrangers. Cela signifie que cette transition n'a besoin que de personnes et d'organisations intégrées, crédibles, honnêtes, patriotiques, fortes, compétentes et qui feront passer les intérêts d'Haïti avant tout. En ce sens, nous sommes très préoccupés par la présence du Montana dans le collège présidentiel de la CARICOM, car l'initiative de la CARICOM ne répond à aucune démarche vraiment radicale. À notre avis, l'objectif est de mettre fin à toutes les initiatives haïtiennes pour que le pays accède à sa propre souveraineté et d'empêcher Haïti d'apporter une solution haïtienne à la crise créée dans le pays.
Nous constatons que toutes les manigances que la CARICOM exécute au nom de ses employeurs sont contraires à tous les principes fondamentaux de la transition. Tout ce qui se passe ici répond aux objectifs des pays opprimant Haïti de renouveler et renforcer le régime du PHTK et ses alliés qui répondent comme des proxénètes aux projets des pays dominants Haïti. De plus, c'est une astuce pour maintenir et renforcer la dépendance et la domination du pays. Accepter cela, c'est vendre le droit souverain du pays.
Comme Montana l'a dit dans son programme initial, Haïti a besoin d'une transition radicale venant des Haïtiens. C'est une transition qui doit au moins créer les conditions pour dé-ghoster le pays dans toutes ses coutures (notamment économiques et politiques), rapatrier la souveraineté du pays en organisant de véritables élections sans dictature étrangère ni oligarchie locale. Toutes les transitions doivent être claires pour le peuple haïtien à partir du choix des personnes et des organisations qui y participent.
Cette transition doit créer les conditions permettant aux gens de vivre en paix, dans la dignité et poser les bases pour que les gens vivent comme les gens, les bases pour que les citoyens voient et fassent la politique d'une manière différente dans le pays et créent les conditions des procès à mener sur tous les crimes financiers et le massacre contre le peuple haïtien.
Toutes les démarches de la CARICOM sont contraires à ce projet. Et en ce sens, nous pensons que l'accord du 30 Aout doit lancer un processus de communication permanent pour expliquer à toutes les organisations signataires et au peuple haïtien en général ce qui se passe.
Quand on constate que ce qui se fait est contraire au projet de transition radicale, cela nous inquiète beaucoup. Tôt ou tard, et c'est encore plus triste, nous continuons de croire qu'à la croisée des chemins où nous nous trouvons, tous les vrais patriotes et organisations progressistes ont la responsabilité historique et éthique de se rassembler et de s'unir dans un front uni pour empêcher le pays de tomber dans un piège qui renouvellera PHTK et ses alliés et démanteler toutes les initiatives démocratiques et populaires.
Nous devons unir nos forces comme des adultes pour faire aboutir le projet de transition. C'est un rendez-vous que nous avons avec l'histoire, réagissons maintenant et assumons notre responsabilité.
Haïti avant tout ! Vive Haïti souverain ! Vive la lutte du peuple haïtien ! Ceux qui combattent ne meurent pas !
Pour la Coalition
Alain Saint-Victor, Walner Osna.
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Argentine. Grève générale du 9 mai : « Non à l’austérité, non à la Ley Bases »

La grève du jeudi 9 mai doit être vigoureuse. Elle enverra un message au gouvernement et à ses associés, mais sera aussi un point d'appui pour enclencher une continuité le jour où la Loi fondamentale (Ley Bases) sera examinée au Sénat. Ce jour-là, la CGT (Confederación General del Trabajo de la República Argentina) et la CTA (Central de Trabajadores de la Argentina) doivent appeler à une grève et à une mobilisation massives. Elle peut être gagnée. A bas la Ley Bases, la contre-réforme de la législation du travail, les privatisations, l'impôt sur les salaires, les attaques contre les retraites ainsi que l'éducation publique et les programmes sociaux.
Par le Movimiento de Agrupaciones Clasistas (MAC | PTS-Partido de los Trabajadores Socialistas – FIT-U-Frente de Izquierda y de los Trabajadores-Unidad + indépendants)
8 mai 2024 | tiré du site alencontre .org
http://alencontre.org/ameriques/amelat/argentine/argentine-greve-generale-du-9-mai-non-a-lausterite-non-a-la-ley-bases.html
***
Les raisons ne manquent pas pour lancer une grève totale et puissante le 9 mai. Ils détruisent les salaires, les pensions et les programmes sociaux, les licenciements se multiplient ainsi que des hausses de tarifs, autrement dit le plan de Milei et du FMI est contre le peuple. En outre, les gouvernants viennent d'adopter au parlement, avec le PRO-Propuesta Republicana [de Mauricio Macri] et les blocs collaborationnistes (y compris des députés du Parti justicialiste-PJ, péroniste), la Ley Bases et le paquet budgétaire. Cela attribue des pouvoirs spéciaux au gouvernement de Milei. Ce dernier impose une réforme de la législation du travail qui nous rend plus flexibles et nous enlève plus de droits. Il élimine le moratoire sur la retraite en augmentant l'âge de la retraite pour les femmes. Il s'oppose à la souveraineté énergétique. Il permet la privatisation d'entreprises publiques comme Aerolíneas et Ferrocarriles, parmi d'autres. L'impôt sur les salaires est rétabli et le monotributo social [loi qui permet d'avoir accès à des œuvres sociales et à un système de retraites] est éliminé, tandis que les avantages sont accordés aux riches, avec le blanchiment de capitaux et les promotions économiques.
Tout cela s'est produit suite à la passivité des directions syndicales, qui n'ont pas appelé de suite à la mobilisation [une grève générale a eu lieu le 24 janvier, il a fallu attendre le 9 mai pour un deuxième appel des centrales syndicales à la grève]. Les députés d'Unión por la Patria [coalition péroniste] se sont limités à voter contre la Ley Bases, sans appeler à la mobilisation. Leur objectif politique est d'administrer le pays au service du FMI et des grandes entreprises, mais avec un peu plus de régulation étatique, comme nous l'avons vu lors du gouvernement précédent d'Alberto Fernandez [décembre 2019-décembre 2023]. Ils ne veulent pas mettre en échec, par l'action des travailleurs et travailleuses, l'ensemble du plan de Milei.
Depuis le Frente de Izquierda, nous nous battons au Congrès avec nos députés, mais aussi dans la rue avec les assemblées de quartier, les organisations sociales et les syndicats. Nous avons des propositions pour mettre en échec les mesures d'austérité et ces lois.
Tout d'abord, la grève du 9 mai doit être totale et puissante. Pour cela, la grève des transports est essentielle, y compris l'UTA [Union Tanviarios Automotor, qui représente tous les travailleurs des transports publics de l'Argentine]. Sans cela, les patrons écraseront des millions de travailleurs et travailleuses, en particulier celles et ceux précaires et informels. La direction du syndicat UTA a assuré qu'elle adhérerait à la grève [1], mais nous savons qu'elle a souvent pas tenu ses engagements. C'est pourquoi la CGT doit garantir que toutes les lignes de transport se joignent à la mesure.
Deuxièmement, si la grève a cette force vitale et cette vigueur, nous serons mieux à même de lui donner une continuité jusqu'à ce que toutes les mesures du gouvernement soient annulées. C'est pourquoi nous appelons la CGT, le CTA et tous les syndicats à une grève générale et à une mobilisation lors de l'examen de la loi organique et budgétaire (Ley Bases y Fiscal) au Sénat, pour descendre dans la rue comme nous l'avons fait pour la défense de l'enseignement public. Le 23 avril, lors de la grève des syndicats de l'université et de l'éducation publique, nous étions un million dans les rues [voir sur ce site l'article publié le 24 avril].
Dans ce but, nous avons besoin d'organiser des assemblées sur tous les lieux de travail afin de discuter ensemble de la manière de gagner ce combat. La colère est là. Mais nous devons transformer cette force en un mouvement. C'est nous qui faisons bouger le pays. Et c'est nous qui pouvons préparer la grève générale qui nous permettra de mettre en échec tout le plan de Milei, du FMI et des grandes entreprises afin de faire avancer une solution ouvrière et populaire.
Nous vous invitons à vous joindre à cette revendication et à promouvoir la pétition que nous diffusons dans les syndicats et sur les lieux de travail : « Depuis la base, nous exigeons : Grève et mobilisation face au Congrès le jour où la Ley Bases y Fiscal est examinée au Sénat ! » (Article publié par La Izquierdia Diario le 7 mai 2024 ; traduction rédaction A l'Encontre)
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Argentine : Deuxième grève générale en cinq mois

L'Argentine vient de connaître sa deuxième grève nationale en cinq mois. Comme d'habitude, les bilans de la CGT et du gouvernement national sont différents. Pour la fédération des travailleurs, la grève a été énergique et a envoyé un message : cela ne peut pas continuer. Pour le gouvernement, la grève n'a pas atteint la dimension attendue et ne modifie en rien l'agenda et le cours général déjà esquissés.
11 mai 2024 | tiré de Viento sur
Une frappe à fort impact
Dans les médias officiels, il y a beaucoup d'arguments qui prétendent que la grève a été facilitée par le manque de transports, comme si les conducteurs de train, ceux qui conduisent des bus de moyenne et longue distance ou le personnel aéronautique ne faisaient pas partie de la classe ouvrière et que leurs syndicats n'adhéraient pas à la CGT ou aux centres alternatifs. Ils ont également appelé à la grève. Pour diminuer la dimension de la mesure de force, ils prétendent que certains magasins étaient ouverts (en fait, en particulier ceux qui vendent des produits anciens et certains supermarchés), mais ils ne disent rien que les quelques bus qui circulaient étaient presque vides et que les places et les parcs étaient remplis de familles entières comme s'il s'agissait de vacances.
L'appel de la CGT à une grève nationale s'est fait sans mobilisation, ce que l'on appelle habituellement ici une grève dominicale ; Cependant, dans de nombreuses villes de l'intérieur du pays, il y a eu des mobilisations, y compris des blocages de rues et de routes, que le gouvernement fait semblant d'ignorer.
La réalité indéniable est que les usines, les banques et les institutions financières, les écoles et les universités, de nombreux magasins, les différents moyens de transport ont été fermés ou n'ont pas fonctionné pendant 24 heures. Contradictoirement, le gouvernement a calculé que la grève a coûté 500 millions de dollars au pays, un calcul difficile à vérifier, comme beaucoup de données officielles, mais qui implique une reconnaissance implicite de ceux qui créent la richesse du pays que d'autres s'approprient.
Un nouveau lien
Le gouvernement insiste sur le fait qu'il n'y a pas de raisons à la grève, qu'il s'agit des intérêts personnels d'une direction syndicale très discréditée aux yeux de la société. Il y a un certain degré de vérité là-dedans, mais ce n'est pas une explication suffisante.
Pour l'instant, cette mesure de force est un nouveau maillon d'une chaîne de marches et de rassemblements, alors qu'en même temps il y a de multiples conflits syndicaux. Les rassemblements du 8M, Journée de la femme, et du 24M, l'anniversaire du coup d'État de 1976, ont été massifs, dépassant ceux des années précédentes, à la fois en nombre et en définitions politiques, mais ce sont des dates déjà inscrites dans l'agenda populaire. Au contraire, la manifestation 23A pour la défense des universités publiques et de l'éducation a été un événement politique majeur qui a pris le gouvernement par surprise. Deux mobilisations ouvrières complètent cette séquence. Le 24E, le syndicat a appelé à une grève nationale avec mobilisation. Une action inédite en raison de l'ampleur de l'appel (les deux CTA, les mouvements de défense des droits de l'homme, les mouvements de femmes, les écologistes, les minorités sexuelles et le retour des assemblées de quartier). Alors que le 1er mai, une foule de travailleurs a appelé, on estime que plus de 300 000 d'entre eux étaient présents, avec un document totalement critique à l'égard du gouvernement et ratifiant la deuxième grève nationale qui a eu lieu le 9 de ce mois. Tout cela en seulement quatre mois.
Les raisons de la grève
Avec les données officielles connues à ce jour, presque tous les analystes économiques n'hésitent pas à affirmer que la consommation a fortement chuté, que les dépenses publiques ont subi une réduction caractéristique sans précédent, que l'investissement est quasi nul pour l'instant et que les exportations sont dans l'attente d'une amélioration du taux de change ou d'une hausse des prix internationaux.
L'empressement du gouvernement à atteindre le déficit zéro signifie que depuis le 10 décembre, il n'a pas émis un seul peso ; Le résultat n'est autre qu'une récession, dont la profondeur et la portée sont plus grandes que ce que le gouvernement lui-même avait prévu, que de nombreux hommes d'affaires craignent de transformer en dépression.
La baisse des salaires réels, des retraites et des pensions, des programmes de protection sociale et des travaux publics est corrélée à la récession et à la perte d'emplois. Les dossiers du Secrétariat national du travail montrent une augmentation des demandes d'adhésion des entreprises aux procédures préventives de crise, un mécanisme installé à l'époque du ménémisme qui permet aux employeurs de suspendre ou de licencier des travailleurs sans coûts majeurs.
Tout cela est le produit de l'ajustement en cours, le plus grand de l'humanité selon le président Milei lui-même ; mais le projet de la LLA [La Libertad Avanza, le parti au pouvoir] va beaucoup plus loin. Elle implique une reformulation complète du pays en termes économiques, sociaux et politiques, ce qui implique un changement fort des rapports sociaux en faveur du capital.
C'est ce qui est implicite dans la Loi fondamentale et le paquet financier qui ont déjà la moitié de l'approbation des députés et qui sont maintenant discutés au Sénat. Bien que ces factures aient été réduites, elles maintiennent l'essentiel comme un régime plus que généreux d'incitations à l'investissement, une réforme de la loi sur les hydrocarbures adaptée aux compagnies pétrolières, une flexibilité du travail qui limite les compensations et légalise la fraude au travail, une réduction de l'impôt sur la fortune et un nouveau blanchiment plus permissif que les précédents. Avec la privatisation d'une douzaine d'entreprises publiques, ce ne sont là que quelques-uns des points qu'ils contiennent, qui, comme vous pouvez le constater, ne sont pas en faveur des travailleurs.
L'objectif n'est autre que de fournir un cadre juridique à ce que sont les exigences historiques des grandes entreprises. C'est l'explication de la raison pour laquelle le bloc des classes dirigeantes soutient ce gouvernement sans faille.
Il est à noter que des événements politiques de l'ampleur que nous traversons sont des signaux d'alarme pour le gouvernement, mais qu'ils ne l'amènent pas à modifier son agenda. Ils ne le font pas parce que le gouvernement n'a pas de plan B. À moins de petites concessions, il ne peut plus concéder au risque de mettre en péril son programme de grande envergure et de perdre le soutien des classes dominantes, de sorte que la confrontation avec les confédérations syndicales et le mouvement populaire se poursuivra jusqu'à ce qu'ils soient résolus en faveur de l'un ou de l'autre.
Ces faits n'ont pas pu être capitalisés par l'opposition jusqu'à présent. Cette absence d'alternatives politiques permet de maintenir des attentes pour l'avenir qui nourrissent l'adhésion au gouvernement, qui semble encore élevée.
C'est aussi l'explication de la raison pour laquelle cette grève nationale énergique est un nouveau maillon de la chaîne des mobilisations, mais pas le dernier. Le fait est que de plus en plus de secteurs de la société, à commencer par les syndicats, se rendent compte que le projet Milei implique une subordination totale au capital international, financier et extractiviste, réduisant le poids de l'industrie manufacturière et transformant le pays en une simple enclave d'exportation. Un pays soumis à la loi du profit, où la concurrence et l'individualisme seront dominants puisque le marché sera la mesure de la valeur de toutes les valeurs, un pays où les inégalités seront plus grandes qu'elles ne le sont actuellement.
Les grèves de la CGT et des autres confédérations peuvent servir de plate-forme pour forger les alliances tactiques nécessaires pour changer le rapport de forces en faveur des travailleurs. Et en cela, la gauche anticapitaliste est obligée de jouer un rôle décisif. C'est l'avenir de la nation et des classes subalternes qui est en jeu.
10/05/2024
Eduardo Lucita,
du collectif EDI – Économistes de gauche
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Brésil : Une tragédie historique et l’urgence de nouvelles perspectives

La catastrophe environnementale qui frappe le Rio Grande do Sul exige une solidarité immédiate et des mesures structurelles pour éviter qu'elle ne se reproduise.
Tiré de Inprecor 720 - mai 2024
6 mai 2024
Par Roberto Robaina
Le Rio Grande do Sul vit la pire catastrophe environnementale de son histoire. Des dizaines de morts, des centaines de milliers de personnes luttant pour leurs conditions de vie, des déplacés, les quartiers les plus pauvres et les plus vulnérables sous les eaux.
Il faut renforcer la solidarité immédiate et la combiner avec la nécessaire mobilisation de la société autour d'une « nouvelle normalité » résultant du réchauffement climatique et de la dévastation de l'environnement. Une lutte contre le négationnisme climatique et contre les réformes néolibérales, qui réduisent les investissements sociaux destinés à défendre les populations les plus vulnérables.
Le modèle de développement basé sur la production de gaz à effet de serre est protégé et stimulé par l'agro-industrie, avec l'élevage extensif, la monoculture du soja et d'autres formes d'extractivisme prédateur. La destruction des biomes, des rivières et des forêts entraîne une dégradation de l'environnement. Il s'agit d'un problème concret, dont la facture est toujours payée par les plus pauvres.
Les tragédies du mois de mai ne sont qu'un nouveau chapitre. Le Rio Grande do Sul a connu ces derniers mois une série de catastrophes faisant des centaines de morts, comme celle de la vallée de Taquari en 2023 ou celle qui a frappé Porto Alegre pendant une semaine au début de l'année.
La ligne de l'extrême droite est évidemment négationniste sur le plan idéologique, mais elle a des implications politiques très concrètes. La politique de dérégulation de la législation environnementale et le lobby de l'agro-business rural ne font qu'aggraver les catastrophes environnementales, présentes ou à venir. La droite de São Paulo, par exemple, continue de s'appuyer sur le négationnisme pour privatiser un bien aussi précieux que l'eau, avec les négociations pour la vente de la SABESP au sein du conseil municipal de São Paulo. Et cette même bourgeoisie est incapable d'affronter les catastrophes lorsqu'elles se présentent.
Il faut agir maintenant pour sauver des vies et éviter que le peuple ne paie la facture
Des mesures urgentes s'imposent, un effort déterminé de solidarité active, avec plus de dons et la collecte de fournitures de première nécessité, de nourriture et de médicaments aux sièges des syndicats, des organisations de la société civile, des associations et des mouvements sociaux.
En outre, des actions sont nécessaires, qui vont de garantir immédiatement des conditions de base pour les personnes touchées – comme la suspension des factures d'électricité et d'eau pour les sans-abris, un plan d'installation et de logement d'urgence, des fonds pour la reconstruction de la logistique et des infrastructures, à un plan efficace de prévention des catastrophes. Dans le cadre du plan d'urgence, le pouvoir public a réquisitionné des embarcations, comme les motos aquatiques, les barques et les bateaux pour participer à l'effort de mobilisation.
Lula, Lira, Pacheco et les ministres ont rencontré Eduardo Leite dans le Rio Grande do Sul pour discuter des mesures budgétaires urgentes. Ce ne sont pas les pauvres qui doivent payer la facture de la tragédie, mais les riches, en mettant fin à l'ajustement fiscal et au plafond de dépenses prévus dans le cadre budgétaire. L'imposition des grandes fortunes pourrait être d'un grand secours.
Au delà de la solidarité – et nous demandons à tous nos lecteurs de participer à la campagne ci-dessous –, nous devons réfléchir à deux tâches supplémentaires. Nous avons besoin d'un nouveau modèle qui corresponde, malheureusement, à « la nouvelle normalité », avec une synthèse des propositions dans les domaines politique, social et économique. Comme le proposent déjà nos parlementaires, nous demandons des mesures qui exigent la suspension du paiement de la dette de l'État afin que ces ressources puissent être affectées à un plan de reconstruction, basé sur la petite propriété, l'agriculture familiale, une vaste réforme urbaine et la puissance publique comme garante des conditions de vie de la majorité.
La seconde est de renforcer – contre les négationnistes et les néolibéraux – la conscience que la réponse à la crise environnementale est une urgence et ne peut être répondue qu'en unissant la classe ouvrière et la jeunesse pour gagner une majorité sociale au service d'un autre projet, radical pour changer les couches les plus profondes du capitalisme néolibéral actuel, l'indéniable responsable de la catastrophe en cours.
Soutenez la campagne de solidarité avec les victimes des inondations dans le Rio Grande do Sul
Clé Pix : emancipamulher@gmail.com (au nom de Carla Zanella)
Point de collecte : Av. Senador Salgado Filho, 353, de 9h à 17h, à la permanence de la députée Luciana Genro et du conseiller Roberto Robaina (PSOL)
Le 5 mai 2024, publié par la revue Movimento, traduit par Luc Mineto.
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Aux Etats-Unis, la remise des diplômes ne couvre pas la voix des étudiantEs mobilisés pour la Palestine

Au milieu d'attaques violentes, les manifestations pro-palestiniennes se poursuivent et perturbent les cérémonies de remise des diplômes.
Hebdo L'Anticapitaliste - 707 (09/05/2024)
Par Dan La Botz
Lors de la cérémonie de remise des diplômes de l'université du Michigan, le 4 mai, par une belle journée de printemps, 62 000 personnes, amiEs et membres de la famille, se sont rassemblées pour assister à la remise des diplômes à 8 500 étudiantEs de premier cycle et 6 622 diplôméEs. Au début de la cérémonie, une cinquantaine de diplôméEs, portant des keffiehs et des drapeaux palestiniens, ont scandé : « Publiez, désinvestissez ! Nous ne nous arrêterons pas, nous ne nous reposerons pas. »
De nombreuses remises de diplômes ne se dérouleront pas normalement cette année. À l'université de l'Indiana, certains étudiantEs ont quitté la cérémonie. L'université de Californie du Sud a déplacé sa cérémonie de remise des diplômes hors du campus, au Los Angeles Memorial Coliseum. D'autres manifestations de diplôméEs sont attendues ce mois-ci.
Le mouvement des campus s'étend
Au cours de la semaine écoulée, le mouvement de soutien à la Palestine s'est étendu à 43 campus universitaires dans 25 États. C'est la plus important mobilisation de ce type depuis des décennies. Ces manifestations, souvent initiées par des étudiantEs palestiniens, ont été soutenues par des juifs progressistes et bien d'autres.
Sur la plupart des campus, les étudiantEs demandent à leurs universités de désinvestir les entreprises israéliennes, en particulier celles qui produisent du matériel militaire, de rompre les liens avec les institutions israéliennes et de soutenir un cessez-le-feu. Ils ont installé des campements appelant à la solidarité avec la Palestine et, dans l'ensemble, leurs manifestations ont été pacifiques, n'ont pas perturbé la routine du campus et n'ont pas menacé les autres étudiantEs. Bien qu'antisionistes, ces actions n'étaient pas antisémites, même si certaines interventions ont pu apparaître ambiguës voire relever d'un certain antisémitisme.
De nombreux administrateurs d'université, sous la pression des politiciens et de leurs donateurs, ont fait appel à la police, ce qui a conduit à quelque 2 300 arrestations dans tout le pays. À l'université de Columbia, où le mouvement a commencé, 112 personnes ont été arrêtées ; à l'université du Texas à Austin, 135 ; à l'université de l'État de New York à New Paltz, 130 ; à l'université Washington à St. Louis, Missouri, 100 ; et à Northeastern, Boston, 98.
200 personnes arrêtées à UCLA
À l'université de Californie à Los Angeles (UCLA), où des contre-manifestants violents ont attaqué le camp pro-palestinien, quelque 200 personnes ont été arrêtées. La mère d'un étudiant, qui s'était rendue à l'UCLA pour être avec son fils, a décrit la scène dans un courriel que nous avons reçu.
« La “contre-manifestation” était en fait un rassemblement commun de sionistes enragés et de suprémacistes blancs, au nombre de 2 000. Ensuite, pendant trois nuits, des bandes d'hommes sionistes et leurs alliés des Proud Boys (un groupe fasciste violent) ont attaqué les manifestants toute la nuit, avec de la musique à plein tube, des lumières éblouissantes, des crachats, des épithètes racistes et homophobes, des jets de morceaux de bois et de tuyaux métalliques, des jets de gaz et de bombes lacrymogènes. Les flics étaient là. Juste là. Et ils n'ont rien fait. Quelques dizaines de jeunes ont été hospitalisés. L'administration s'est servie de ces attaques comme d'une excuse pour évacuer le campement », a écrit la mère. « Je suis très fière de mes enfants et des dizaines de milliers de personnes qui ont manifesté et des 200 qui ont été arrêtées. Ce n'est pas fini. Palestine libre, libre ! »
Biden ne plie pas
Tous les administrateurs d'université n'ont pas fait appel à la police. Plusieurs d'entre eux ont déclaré que leur travail consistait à protéger la liberté d'expression et à maintenir un campus où elle pouvait avoir lieu. Ils ont négocié avec les étudiantEs, acceptant généralement que leurs revendications soient présentées au conseil d'administration de l'établissement, notamment à Vassar (New York), à l'université Brown (Rhode Island), à l'université Northwestern (Illinois), à l'Evergreen State College (Olympia, Washington), à l'université Rutgers (New Brunswick) (New Jersey) et à l'université du Minnesota (Minneapolis).
Le président Biden s'est prononcé sur les manifestations. « D'abord, il y a le droit à la liberté d'expression et celui de se rassembler pacifiquement et de faire entendre sa voix. Ensuite, il y a le respect de la loi. Les deux doivent être respectés. » Mais Biden a aussi déclaré que les manifestations ne changeront pas sa position.
Les étudiantEs affirment qu'ils poursuivront leurs mobilisations. Mais après la remise des diplômes, les campus se videront. Si le mouvement doit se poursuivre, les étudiantEs, désormais hors du campus, auront besoin de nouvelles stratégies.
Traduction Henri Wilno
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Aux États-Unis, les étudiants se soulèvent pour la Palestine

Depuis plusieurs jours, les étudiants occupent les campus des grandes universités étatsuniennes pour protester contre les crimes d'Israël à Gaza et contre la complicité de leur gouvernement. Enseignant à Washington dans l'une de ces facultés, l'écrivain Abdourahman A. Waberi est un témoin privilégié de cette mobilisation historique.
7 mai 2024 | tiré d'Afrique XXI | Photo : La statue de Georges Washington a été recouverte d'un keffieh et d'un drapeau palestinien par les étudiants de la GWU. DR
https://afriquexxi.info/Aux-Etats-Unis-les-etudiants-se-soulevent-pour-la-Palestine
« Quand votre maison brûle, vous n'attendez pas quelques années pour commencer à éteindre l'incendie », Greta Thunberg.
Tout a commencé par un courriel alarmiste envoyé à toute la communauté de George Washington University (GWU), à laquelle j'appartiens depuis le 1er janvier 2012, qui compte près de 30 000 personnes dont 26 000 étudiants. Fondée en 1821, notre université privée est la plus ancienne de Washington DC, c'est un fleuron qui rivalise aujourd'hui avec la cossue Georgetown University. Si on était à New York, on pourrait comparer la première à New York University (NYU) et la seconde à Columbia University, mais nous sommes à Washington DC, capitale du pays depuis 1800.
Bâtie sur un terrain marécageux offert par George Washington, le riche planteur et chef militaire devenu premier président des États-Unis, GWU possède un atout exceptionnel : sa position stratégique et son accès aux cercles du pouvoir. Son campus est au cœur du quartier historique de Foggy Bottom, soit à quelques rues de la Maison-Blanche. Des grandes institutions internationales comme la Banque mondiale et le Fonds monétaire international sont mitoyennes tandis que nombre de ministères comme le Département d'État, sis au Harry Truman Building, se trouvent à moins de deux kilomètres. C'est dire combien le quartier est sous haute surveillance de jour comme de nuit. Les véhicules de la police, les caravanes de convois officiels sont tellement familiers que les étudiants n'y font plus attention.
Cette effervescence paraît tout à fait normale dans beaucoup de quartiers washingtoniens. Là où j'habite à South Capitol Metro, je tombe sur la brigade canine le matin, mais pas le soir, quand je rentre chez moi. La circulation est fluide l'après-midi, les agents fédéraux quittent les bureaux du Capitole. Les plus jeunes montent les marches quatre à quatre. Les autres se laissent porter par l'escalator. Foggy Bottom Metro est le point de passage pour me rendre à mon bureau avant de rejoindre mes étudiants. Sur le chemin, un gobelet de café à la main, chacun vaque à ses occupations.
Ça y est, ils sont là !
Quand le courriel est arrivé, le jeudi 25 avril à 10 h 30, c'est son titre alarmant et équivoque qui a attiré mon attention. J'ai mis un petit moment avant de saisir la portée de son message. Les étrangers, plus généralement les gens peu familiers du langage bureaucratique, ont de quoi se creuser le ciboulot : « Campus Advisory : First Amendment Activity on Foggy Bottom Campus » (« Avis sur les campus : Activité relative au premier amendement sur le campus de Foggy Bottom »). Le muscle de cette phrase repose sur le segment « First Amendment Activity ». Il recouvre toute activité à caractère politique ou religieux, rassemblant des gens dans la rue. Les rassemblements, les pétitions, les distributions de tract ou les prises de parole sont des activités garanties par le fameux amendement.
Trois phrases plus tard, le style de l'auteur du courriel se fait plus limpide. Ce matin, des étudiants de GWU se sont rassemblés sur la place University Yard et y ont planté des tentes. Des agents de la police de l'université et des hauts responsables discutent avec les étudiants. Suit un rappel du protocole de sécurité et de la protection des biens. Ça y est, ils sont là !
Nous sommes le 25 avril au matin. Nul ne pouvait imaginer que quelques jours plus tard, Gilad Erlan, l'ambassadeur d'Israël aux Nations Unies, déclarerait devant l'Assemblée générale de l'ONU que le Hamas se cache dans les universités américaines : « Nous avons toujours su que le Hamas se cachait dans les écoles. Mais nous n'avions pas réalisé qu'il n'y avait pas que des écoles à Gaza. Il y a aussi Harvard, Columbia et de nombreuses universités d'élite ». Pareille déclaration pourrait faire rire aux éclats en temps normal. Mais nous ne sommes pas en temps normal. Nous ne sommes plus en temps normal. Et pas seulement depuis le 7 octobre 2023, après que le Hamas a lancé ses horribles attaques sur le sol israélien.
Les Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie ne connaissent depuis 1947 que l'occupation, les privations, les humiliations, la prison et la mort. Depuis sept mois, c'est la mort familière qui hante tous les Palestiniens de l'intérieur et de la diaspora, unis dans la même peur et la même angoisse. La mort, de nuit et en plein jour, à toute heure. La mort tombée du ciel, par bombardements sans trêve. Un génocide en direct. En son et en images. Un génocide payé en partie avec les milliards de dollars américains collectés par le fisc, dont une part provient des sommes reçues par les universités au titre des frais de scolarité. Des frais de scolarité astronomiques [plus de 60 000 dollars par an en règle générale, soit plus de 55 000 euros, NDLR] qui forcent les étudiants à s'endetter pour des décennies. Et ces derniers veulent mettre un terme au génocide.
« Always Historicize ! »
Tout cela n'a pas commencé hier mais en 1947. Et si on ne veut pas ajouter de l'incompréhension à la déroute intellectuelle et à la dérive génocidaire du gouvernement israélien, il faut remonter le temps, revenir aux enseignements tirés du passé et expliquer encore et encore - n'en déplaise aux Manuel Valls de toutes les contrées ! Il faut pour le dire avec les mots de Fredric Jameson, le plus célèbre des marxistes américains, professeur de littérature comparée à Duke qui a marqué des générations d'étudiants et d'enseignants : « Always Historicize ! » (« Toujours historiciser ! ») Mettre en ordre et en perspective avec les outils de la science historique.
Jameson outille son lecteur d'une grille qui permet de dénicher dans une figure deux réalités incommensurables, deux codes indépendants, deux pôles asymétriques. Ainsi, il faudrait tenir d'une main un livre d'histoire et de l'autre le journal sorti la veille. Les révoltes pacifiques des étudiants américains de ces dernières semaines s'expliquent par des facteurs historiques qui sont connus de tous les jeunes activistes d'aujourd'hui.
Les révoltes sont d'abord des occupations de bâtiments, de halls, de jardins, de parcs soustraits provisoirement à l'autorité de la présidence de l'université et déclarés « zones franches », « territoires libérés ». Les thèmes de l'occupation et de la libération constituent le fil directeur des récits en circulation sur tous les camps (le terme « encampment » est plus dynamique) qui ont fleuri sur les campus américains. Cette vague de campements propalestiniens n'est pas sans parenté, loin de là. Elle s'inscrit dans une longue tradition qui, pour rester dans les six dernières décennies, va des grandes manifestations pacifistes pour les droits civiques et contre la guerre du Vietnam de 1968, à l'onde de choc « Black Lives Matter » de 2013, en passant par le mouvement « Occupy » qui a démarré le 17 septembre 2011 dans le parc Zucotti tout en bas de Manhattan avec une poignée de personnes qui ne se connaissaient pas.
Un mouvement est né ce jour-là. Il a son slogan : « We Are the 99 % » (« Nous sommes les 99 % »). Il va se répercuter jusqu'à Oakland en Californie, faire pousser des campements devant les townhalls de bourgades improbables, infuser les consciences, puis disparaître pour laisser la place à une nouvelle vague animée par une nouvelle génération d'organizers - le terme d'organisateur fait pale figure, fomenteur est trop louche, praticien, suggérerait le camarade Lénine s'il était de ce monde. Il y a une ligne droite entre les révoltes d'hier et celle d'aujourd'hui.
Le cap de la boussole morale
Au-delà - peut-être même à cause - de son immense fortune, Columbia University (et son affilié le Barnard College) est resté un volcan actif. Si les revendications des étudiants de la décennie 1960 ont un écho mondial, celles des années 1980 n'étaient pas moins nobles. L'enjeu était immobilier et concernait des pans entiers de Harlem qui ont été vidés de leurs habitants noirs puis revendus avec une grosse plus-value. Ce phénomène appelé « gentrification » s'exportera facilement. En 1985, de nombreux étudiants vinrent aux secours des habitants expulsés de leur logement. La même année, les mêmes ou d'autres tenaient la dragée haute à l'administration en l'invitant à boycotter l'Afrique du Sud. Les massacres de Soweto avaient provoqué une vague d'indignation sans précédent. Quelques mois plus tard, l'université se décidait à couper ses liens avec le régime d'apartheid après des années d'atermoiements.
En 2024, les étudiants tissent les liens entre justice climatique, critique de l'institution carcérale, rejet de toute forme de racisme, combat pour la dignité des migrants et lutte pour l'autodétermination de la Palestine. À chaque crise, la part la plus progressiste du corps enseignant s'est levé pour défendre les libertés académiques et protéger les jeunes gens qui ne font que tester la portée de l'enseignement reçu. Et nous sommes, à l'heure où j'écris ces lignes, en cette 11e journée d'occupation, 460 professeurs et personnels à avoir signé la pétition intitulée « DMV Faculty for Academic Freedom » pour protéger les étudiants qui s'indignent devant le martyr de Gaza.
La lettre ouverte à l'adresse des présidents des universités de l'agglomération appelée DMV [1]
rappelle combien le sursaut de nos étudiants donne le cap de la boussole morale du moment, marqué par la campagne génocidaire menée par Israël contre les Palestiniens à Gaza notamment, à travers des massacres, des destructions généralisées et d'autres actes susceptibles d'être condamnés par la Cour internationale de justice.
Les messages de ces étudiants sont basés sur une compréhension de notre bien-être collectif et, souvent, sur une objection de principe à ce qui l'entrave. En tant que professeurs, nous prenons au sérieux notre obligation de préparer nos étudiants au leadership, à la pensée critique, à la citoyenneté mondiale et à l'engagement politique dans une société de plus en plus divisée et inégalitaire. Le but d'une université est d'encourager par tous les moyens l'expression ouverte et libre de la parole afin de défendre les idéaux démocratiques d'une société. L'Université George-Washington, tout comme les universités du DMV et des États-Unis dans leur ensemble, échoueront dans leurs promesses et leurs engagements les plus fondamentaux si elles continuent à réprimer, arrêter, suspendre et étouffer la liberté d'expression et l'activité politique de leurs étudiants.
Le commissariat pour les brimades et les interrogations
Nous condamnons toute décision de GWU visant à interdire les rassemblements d'étudiants et à restreindre l'accès au campus. Nous ne tolérerons pas l'utilisation de présomptions infondées de sectarisme pour intimider, punir et faire taire nos étudiants. En tant qu'enseignants, nous ne tolérerons pas la criminalisation des manifestations pacifiques sur nos campus. Les étudiants qui participent aux manifestations aujourd'hui maintiennent et renforcent la fière tradition de protestation, de dissidence et de liberté d'expression si chère à George Washington et aux révolutionnaires d'illustre mémoire. Si l'administration actuelle choisit de leur faire obstacle, elle se placera du mauvais côté de l'Histoire. Tous nos étudiants sont membres du Consortium des universités de la région métropolitaine de Washington. Leur action collective est conforme à la mission du consortium qui consiste à défendre tous nos membres.
Nous appelons donc les conseils d'administration, les présidents et les administrations des collèges et universités du DMV et du pays dans son ensemble à s'engager à nouveau en faveur de la liberté d'enquête, d'expression et de mouvement sur les campus, qui sont les piliers de l'académie américaine depuis des décennies. Alors que les massacres de Palestiniens et les destructions généralisées se poursuivent à Gaza, les signataires de la pétition exigent également que l'administration assume sa responsabilité pour défendre les manifestants pacifiques, faire respecter la liberté académique et rejeter toutes les pressions visant à bloquer l'accès et à criminaliser les campements et les manifestations pacifiques.
Je me suis contenté de traduire de longs paragraphes de la pétition pour donner à voir les grandes lignes du plaidoyer et les points saillants du contexte historique. Le contenu de cette lettre n'est pas singulier, on le trouve peu ou prou dans la bouche des nombreuses personnalités qui ont soutenu la révolte des campus. La militante iconique, professeure émérite de UC Santa Cruz (Californie), Angela Davis, a affirmé son admiration, puis délivré le même message aux étudiants de Brown (dans la ville de Providence, État de Rhode Island), le 25 avril, quelques heures avant que l'étincelle allumée à Barnard et Columbia (New York) n'embrase la plaine des universités de la Côte Ouest, puis du reste du pays.
De facto, la situation s'est tendue sur les campus, à cause de la police ou des militants pro-Israël qui cherchent à provoquer des heurts ou lancer des attaques. À grand renforts, la police new-yorkaise a bouclé tout le quartier autour de Columbia le 31 avril en fin d'après-midi. À la tombée de la nuit, elle a brisé l'occupation pacifique du Hamilton Hall à Columbia, maltraité les étudiants et en a parqué plus d'une centaine dans des véhicules sous les cris et les pleurs de leurs camarades. Puis ce fut le commissariat pour les brimades et les interrogations. Cette nuit du 31 avril fut un choc national. Du côté des étudiants et dans une grande partie de l'opinion nationale, le maire de New York, Eric Adams, et la présidente de l'université, Minouche Shafek, ont été tenus pour responsables du fiasco. Pourtant, pas loin de là, à Brown, autre institution d'excellence, la principale revendication portant sur le désinvestissement et l'arrêt de toute relation avec l'État d'Israël a été actée après un vote et les étudiants ont levé le camp dans un climat euphorique. Preuve que la répression n'est pas la solution.
La mort d'Aaron Bushnell [2] et de Rachel Corrie [3] ne sera pas vaine.
La tête et le cœur entre Paris et Washington
Pour étouffer l'indignation et la colère estudiantines dans l'œuf, c'est au tour des grands médias et de l'élite politique de passer à l'attaque à coup de mensonges, de faits tronqués ou maquillés. Une vedette de CNN ment effrontément en opérant un numéro de jonglage destiné à faire passer des sbires pro-Israël qui ont attaqué les étudiants pour les victimes. Le président Joe Biden a condamné le climat de violence sur les campus, en considérant tout propos critique à l'encontre du régime de Benyamin Netanyahu comme un geste antisémite. Pour labourer le terrain de la criminalisation, une nouvelle loi (Antisemitism Awareness Act) est votée dans la foulée. Quiconque veut donner l'assaut final sur un campus au fin fond de la Géorgie n'aura plus qu'à évoquer des motifs de sécurité.
Le lendemain, le 1er mai, l'argument avancé par le maire de New York sur le thème usé de l'infiltration d'éléments extérieurs, fauteurs de troubles, s'est écroulé en direct quand l'édile a été incapable de produire une seule preuve (à part des livres et des chaînes de vélo présentées par la police comme étant des armes) ou de citer le nom ne serait-ce que d'un fauteur de troubles venu de l'extérieur. En France, on retrouve les mêmes raccourcis, les mêmes partis pris. La même chape de plomb, le même déni. L'occupation de Science Po à Paris enrage les « belles personnes ». Sur les plateaux, rares sont les témoins connaissant les campus américains comme Thomas Dodman, historien et professeur à Columbia. Son passage à l'émission C ce soir, le 2 mai, fut un petit moment miraculeux (voir ci-dessous). https://twitter.com/i/status/1786282040473899394
J'ai la tête et le cœur entre Paris et Washington. Comme tous les gens sensés, je fuis les grands médias étatsuniens et français. Je me pince à chaque fois que je tombe sur les têtes de gondole des talk-shows. Je préfère regarder le monde avec mes yeux.
Le droit à la beauté
Tous les deux jours, je rends visite au campement installé à U Yard. À cause de sa position stratégique, à quelques blocks de la Maison-Blanche, les étudiants pacifistes de l'agglomération ont prêté main forte aux nôtres, au nez et à la barbe de l'administration. Le campement attire les journalistes et les politiciens en mal de visibilité. Il faut préciser que le site est cogéré par une dizaine de collectifs provenant des universités locales (Georgetown, American, George Mason, Howard, Catholic, Gallaudet…) avec une efficacité et une harmonie tout simplement remarquables.
La première fois, j'y suis allé juste pour prendre la température et j'ai fini par suivre un concert de musique orientale d'honnête facture. J'y suis retourné le surlendemain et je suis tombé sur une fête grecque orthodoxe liée à Pâques. J'ai échangé avec un de mes meilleurs étudiants qui, sac de couchette sous le bras, m'a montré du doigt sa tente. J'ai pris quelques photos avant de partir. La troisième fois, je suis passé en coup de vent car il pleuvait dru. Le soir, j'ai écouté une petite vidéo où une étudiante de Gallaudet [4] s'exprimait par signes en mettant en avant l'inclusion et la lutte contre les discriminations.
La dernière fois, le 3 mai, j'ai trouvé le campement plus grand, plus ordonné et plus beau. Les allées étaient balayées, dégagées et décorées. Le fameux droit à la beauté si cher aux communards m'est revenu à l'esprit. Il faut lire La forme-Commune. La lutte comme manière d'habiter des excellentes éditions La Fabrique (2023). Son autrice Kristin Ross, professeure émérite de littérature comparée à NYU, a travaillé sur le présent de la Commune de Paris (1871) et sur la poésie d'Arthur Rimbaud tout en traduisant en anglais les ouvrages du philosophe français Jacques Rancière.
J'observe d'un œil les multiples activités militantes, créatives et spirituelles. Il fait beau. Des étudiants prennent le soleil, leur portable sur les genoux. Des stands proposent de la nourriture gratuite. Le stand des medics est calme et tant mieux. Des interviews ici et là. Les voitures de la police et les effectifs tout autour font partie du décor. À zigzaguer entre les tentes, je me fais cette réflexion : « Quel paisible tableau ! » On y prend goût ! Je ne trouve pas que la statue du président George Washington qui se trouve au milieu du camp a été des-sacrée comme disent les détracteurs. Les drapeaux palestiniens autour de sa tête et de son cou ne sont pas que des gestes symboliques, carnavalesques. Rien à voir avec un coup de savate ou un lancer de missile.
Avant de partir, j'ai envoyé un SMS enjoué à un ami en lui rappelant le titre du morceau légendaire qui a fait connaître le groupe de rap Public Enemy en 1988.
« Don't Believe The Hype ! » (« Ne croyez pas à tout ce qu'on vous raconte ! »)
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[1] istrict de Washington en symbiose avec une bonne part du Maryland et la frange septentrionale de la Virginie
[2] Vêtu de son uniforme militaire, ce jeune homme de 25 ans s'est immolé par le feu le 25 février 2024 devant l'ambassade d'Israël à Washington. Il voulait protester contre le soutien des États-Unis à Israël.
[3] Rachel Corrie (1979-2003), étudiante et activiste pacifiste étatsuninenne, a été écrasé par un bulldozer israélien alors qu'elle tentait de venir au secours d'une famille palestinienne expulsée lors de la deuxième Intifada. Son université, Evergreen State College, s'est engagée à cesser tout investissement et toute collaboration avec l'État israélien. Quantité de chansons, portraits, films, récits lui ont été dédiés.
[4] Institution semi-publique accueillant des étudiants sourds et malentendants.

États-Unis. Les étudiants bousculent la complicité des universités avec Israël

Du jamais-vu depuis les années 1970 : malgré les accusations d'antisémitisme et la répression, les étudiants américains se mobilisent en masse, y compris au sein de la communauté juive. Ils réclament notamment l'arrêt des financements de leurs universités par les marchands d'armes servant à massacrer les Palestiniens. Les manifestations sont si importantes que Joe Biden a dû menacer Tel-Aviv de suspendre certaines de ses livraisons d'armes.
Tiré d'Orient XXI.
Shany Littman, journaliste israélienne, s'inquiète : « Où sont les étudiants protestataires israéliens contre la guerre à Gaza ? » Alors que les campus américains s'enflamment, dans les universités israéliennes, c'est le « calme plat » (1). En période de préparation des examens, on ne quitte la bibliothèque que pour se sustenter à une terrasse au soleil. Les assassinats massifs de Gazaouis n'intéressent pas les étudiants. Enfin si, note-t-elle : depuis le 7 octobre, la seule manifestation sur un campus a été menée par Im Tirtzou (« si vous le voulez » en hébreu), un mouvement colonial venu exiger l'expulsion des universités de professeurs non conformes à ses vues, en particulier Nadera Shalhoub-Kevorkian, spécialiste des violences familiales et l'une des rares enseignantes palestiniennes de l'université de Jérusalem.
Constatant que les professeurs israéliens se soucient du risque croissant de boycott à leur encontre réclamé par les étudiants américains, Littman estime qu'ils feraient mieux de s'inquiéter de ce qui se passe à Gaza et de se mobiliser « comme à Columbia et à Yale ». Sinon, pourquoi l'académie « ne resterait-elle pas identifiée au gouvernement israélien et à ses politiques destructrices ? », s'interroge-t-elle.
Les grandes industries américaines
La mobilisation contre Israël sur les campus états-uniens est inédite depuis celle contre la guerre du Vietnam des années 1970 — à cette différence près qu'à l'époque, des jeunes américains étaient mobilisés et risquaient donc de rentrer morts ou blessés. Cette contestation surgit sur un fond strictement politique : comme l'écrivait il y a plus de vingt ans l'historien anglo-américain Tony Judt, Israël apparait aux manifestants étudiants comme « un anachronisme » (2), un État d'un autre temps, à la fois ethniciste et colonial, l'un des derniers de la planète. C'est pour ce motif qu'ils s'insurgent contre ce qu'il advient à Gaza.
Ceux qui manifestent exigent une « gestion éthique » des avoirs des universités, en particularité des plus riches. Ainsi, la dotation dont disposait Columbia en 2023 atteignait 13,64 milliards de dollars (12,66 milliards d'euros). Or une partie non négligeable de cet argent est investi dans des portefeuilles d'actions incluant des sociétés de fabrication d'armes et d'autres fournitures qui participent à la colonisation israélienne. Un financement qui a souvent pour contrepartie la présence des dirigeants d'entreprise dans les conseils d'administration des universités privées. Larry Fink, PDG de BlackRock, le plus grand gestionnaire d'actifs au monde, siège à celui de l'Université de New York (NYU). Tout comme des dirigeants de sociétés d'armements dans de nombreuses universités.
Résultat : le 17 avril 2024, le comité consultatif de la responsabilité des investisseurs de Yale (ACIR) a annoncé qu'il ne recommanderait pas à ses administrateurs de se priver des fonds des fabricants d'armes américains parce que, selon lui, cette industrie n'a pas « atteint le seuil de ‘‘préjudice social grave”, condition préalable au désinvestissement ». À Gaza, a-t-il estimé, les armes fournies à Israël soutiennent « des utilisations socialement nécessaires, telles que l'application de la loi et la sécurité nationale » (3). Un cas parmi d'autres.
Le mouvement engagé concerne donc autant les grandes industries américaines que les universités. En premier lieu parce que les groupes du « secteur militaro-industriel », comme Boeing, Raytheon, Northrop Grumann, Lockheed Martin ou General Dynamics figurent parmi les grands donateurs des universités et les fournisseurs d'emplois de leurs laboratoires. Ces institutions académiques se trouvent ainsi directement intéressées à la poursuite de la livraison gratuite d'armes au pouvoir israélien (pour 4,2 milliards de dollars annuels, soit 3,89 milliards d'euros). L'un des premiers rassemblements étudiants en appui à la cause palestinienne qui a eu lieu le 22 avril à NYU s'est focalisé sur deux exigences : la rupture du rapport financier de l'université avec les fabricants d'armes utilisées par Israël à Gaza, et la fermeture de son campus ouvert à Tel-Aviv, en raison des liens avec la colonisation des territoires palestiniens.
Être « américains juifs » sans interférence d'Israël
Les références les plus souvent utilisées par les étudiants sont la ségrégation raciale aux États-Unis, abolie en 1965, la guerre du Vietnam, perdue en 1975, et l'apartheid sud-africain, aboli en 1990. Autant de situations où l'alliance du colonialisme et du suprémacisme racial a été vaincue. L'État d'Israël leur apparait comme une manifestation tardive, incongrue et inadmissible d'un suprémacisme ethnique là aussi ancré dans un colonialisme initial.
Ces manifestations s'insèrent dans un mouvement de distanciation de la jeunesse vis-à-vis de ce pays qui a commencé dès les années 2000, et dans lequel les jeunes juifs ont joué un rôle important. Cette distanciation n'a fait que croître, le long de deux grandes lignes de force. L'une, politique et minoritaire, est radicalement hostile au caractère colonial de l'État israélien. L'autre, plus communautaire, souligne la volonté de vivre en tant qu'« Américains juifs », sans interférence d'Israël ni soumission à son égard. Les deux apparaissaient aux dirigeants de Tel-Aviv comme une menace pour le sionisme, qui a toujours ambitionné d'être l'unique représentant de la totalité des juifs du monde.
Le phénomène le plus marquant chez les jeunes juifs américains est l'accroissement exponentiel du nombre des adhérents aux organisations antisionistes ou non sionistes qu'a suscité la guerre à Gaza. Une association comme Jewish Voice for Peace, fondée en 1966 et antisioniste assumée, n'avait que très peu d'adhérents et une audience très limitée. La moyenne d'âge de ses adhérents était élevée. Depuis quelques années, elle a vu poindre de jeunes adhérents, et des milliers depuis la guerre à Gaza.
Le cas de la revue Jewish Currents est encore plus spectaculaire. La lettre hebdomadaire de son journal en ligne dirigé par Peter Beinart, un universitaire issu du sionisme qui a publiquement rompu avec cette idéologie en juillet 2020, disposait de 34 000 abonnés à l'automne dernier. En sept mois, leur nombre est passé à 300 000.
Beinart a publié le 28 avril un article en défense des étudiants américains. Son titre dit tout de son contenu : « Les manifestations sur les campus ne sont pas parfaites, mais nous en avons désespérément besoin » (4). Il y déplore l'ignorance ou l'outrance de certains manifestants qui s'aventurent sur des terrains fleurant l'antisémitisme, mais il dénonce la menace, beaucoup plus grave à ses yeux, des tentatives permanentes de réduire toute critique de la guerre menée par Israël à une résurgence de l'antisémitisme. Il note en particulier qu'elles émanent souvent de cercles juifs qui, par ailleurs, n'ont aucune réticence à s'acoquiner avec des suprémacistes blancs affichés. Ainsi Beinart écrit :
- Le cœur du mouvement en cours est l'exigence de mettre fin à la complicité de l'université et du gouvernement américain avec le système d'oppression d'Israël, qui aujourd'hui culmine dans cet effroyable carnage de la population de Gaza. Cette complicité doit cesser.
Hier hostiles, les médias évoluent
Dans la phase qui a suivi le massacre du 7 octobre 2023, la quasi-totalité des grands médias américains a basculé dans une rhétorique très favorable à la guerre. Pourtant depuis, certes à des degrés divers, leur regard a évolué au fil des crimes bien plus effroyables encore commis par l'armée israélienne. Lorsque le mouvement en défense des Palestiniens a pris son essor sur les campus, la réaction de ces mêmes médias, là encore, a été globalement très hostile. L'idée systématiquement promue par les partisans de Tel-Aviv selon laquelle les mobilisations étudiantes incarnent une poussée violente d'antisémitisme a été amplement relayée. Le simple usage du mot « intifada » en est devenu une preuve, par exemple.
Avec le temps, cet argumentaire s'est lentement désagrégé. Le vénérable magazine The New Republic (fondé en 1914) dénonçait récemment « une couverture honteuse par les médias des manifestations contre la guerre dans les universités » (5).
La répression de toute activité en solidarité avec les Palestiniens a commencé dès les lendemains des bombardements de Gaza, rappellent huit étudiants de la faculté de droit de l'université Yale (6) dans l'hebdomadaire The Nation. Ils affirment que plusieurs grands cabinets d'avocats américains ont exclu de leurs offres d'emploi les candidats ayant exprimé des vues pro-palestiniennes. À Berkeley, le recteur de la faculté de droit a voulu interdire tout débat public sur la question palestinienne tant que la totalité de son université n'aurait pas accepté la légitimité du projet politique sioniste. Dans des établissements de premier plan tels que Yale, Columbia, Brandeis, Rutgers ou Harvard, des mesures interdisant l'expression du soutien aux Palestiniens ont été imposées. À Columbia, le 9 novembre 2023, la participation de Jewish Voices for Peace et de l'association Students for Justice in Palestine a mené à l'annulation d'un débat. Ces interdits se sont multipliés. Les étudiants écrivent :
- Si la liberté d'expression doit avoir un sens sur les campus, elle doit inévitablement englober ce qui est controversé, inconfortable et dérangeant. Mais nous assistons à une micro gestion administrative de la liberté d'expression.
Le correspondant du quotidien britannique The Guardian a signalé le 10 mai que des chercheurs californiens ont constaté la présence parmi les agresseurs des étudiants manifestant en faveur du combat palestinien sur les campus de l'université de Californie, des militants notoirement connus comme des suprémacistes blancs.
Cependant, on assiste désormais à un net recul de la capacité des soutiens d'Israël à faire taire tout débat sur le sort de Gaza. L'argumentaire assimilant la défense de la cause palestinienne à une forme d'antisémitisme est de plus en plus inopérant, perçu comme une misérable feuille de vigne visant à masquer les crimes israéliens massifs en cours. D'ores et déjà, diverses universités ont passé des accords avec les manifestants afin d'autoriser leurs activités sur les campus.
Des « mesures légales en dehors de la loi »
Dans les années 2015-2019, Benyamin Nétanyahou avait créé un ministère des affaires stratégiques doté de moyens financiers conséquents, qui avait pour objectif quasi unique de combattre le mouvement Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) sur les campus américains. Avec l'aide d'associations locales (souvent liées aux milieux coloniaux israéliens en Cisjordanie), ce ministère a mené la bataille. Elle s'est achevée par une débâcle. Au lieu de disparaître, BDS n'a fait que se renforcer. Aujourd'hui, son poids et celui d'une flopée d'associations estudiantines anticolonialistes — dont celles des étudiants juifs se réclamant de l'antisionisme, du post-sionisme ou de l'a-sionisme — ont crû de manière spectaculaire, tant en nombre d'adhérents que de campus touchés, passant en dix ans de quelques dizaines à plusieurs centaines actuellement.
Cette guerre contribue à accroitre fortement la critique et la prise de distance des milieux universitaires, tant à l'égard de la politique que du type d'État qu'Israël représente. Dernier exemple en date : le campement des scientifiques contre le génocide au Massachussetts Institute of Technology (MIT), le plus important institut de recherche scientifique des États-Unis, a demandé à son université de mettre un terme à l'investissement du ministère israélien de la défense (11 millions de dollars, soit 10,21 millions d'euros) dans ses « recherches liées à la guerre », arguant que l'institut « ne reçoit de financement d'aucune autre armée étrangère ». Le groupe rappelle que le MIT avait mis fin à sa collaboration universitaire avec un institut technologique russe juste après l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022.
Que fait Nétanyahou pour combattre ce qu'il considère comme des « manifestations d'antisémitisme » ? Il constitue une équipe de travail (task force) dirigée par le ministre des affaires étrangères Eli Cohen, elle aussi dotée de moyens conséquents, pour mener un « plan d'action » de « lutte contre l'antisémitisme » sur les campus américains. On y retrouve les mêmes partenaires locaux qu'il y a dix ans, notamment Israel on Campus Coalition, Amcha, Canary Mission, The David Project et d'autres.
Selon ynetnews, le site d'informations du quotidien Yedioth Ahronoth, le plus diffusé en Israël, il s'agit de mener des « opérations politiques et psychologiques » pour « infliger des conséquences économiques et professionnelles aux étudiants antisémites et obliger les universités à les éloigner des campus ». Par « étudiants antisémites », il faut évidemment entendre hostiles à la politique coloniale israélienne.
Un chapitre intitulé « L'axe économique » expose les pressions financières permettant d'amener les responsables universitaires à résipiscence et à briser la carrière des étudiants ou des enseignants récalcitrants. Ce « plan d'action » est très similaire à celui qui a échoué en 2015-2019. Son avenir n'apparait pas plus prometteur. D'après ynetnews, il serait spécifié qu'il « ne doit pas porter la signature d'Israël », et évoque la nécessité de « prendre des mesures légales en dehors de la loi contre les activités et les organisations qui représentent une menace pour les étudiants juifs et israéliens sur les campus ». Le sens de l'expression « mesures légales en dehors de la loi » n'est pas explicité.
Apparaissant de plus en plus comme une tentative d'éluder le débat sur l'avenir de la Palestine, la répression du mouvement estudiantin a causé plus de dégâts que de bénéfices aux soutiens israéliens. Un sondage de la chaîne CNN du 27 avril indiquait que 81 % des Américains de moins de 35 ans désapprouvent la manière dont Joe Biden a soutenu la guerre contre Gaza. L'image de l'État d'Israël se ternit un peu plus chaque jour, aux États-Unis comme ailleurs. Le 7 mai 2024, dans le quotidien El País, l'Espagnole Diana Morant déclarait : « En tant que ministre des universités, je ne peux qu'exprimer ma fierté de voir les étudiants manifester leur pensée critique, l'exercer et la transmettre à la société . »
La journaliste israélienne Dahlia Scheindlin pose la question suivante en titre de son article dans le quotidien Haaretz, le 2 mai : « Israël devient désormais un État paria international. Les Israéliens s'en préoccupent-ils ? ».
Notes
1- Shany Littman, « Where are Israel's students protesters against the Gaza War ? », Haaretz, 2 mai 2024.
2- Tony Judt, « Israel : The Alternative », The New York Review of Books, 23 octobre 2003.
3- Columbia Law Students for Palestine, « From the Encampments : Student Reflections on protests for Palestine », LPE Project, 2 mai 2024.
4- Peter Beinart, « The campus protests aren't perfect. And we need them desperately », Jewish Prospects, 28 avril 2024.
5- Alex Shepard, « The Media's shameful coverage of the College antiwar protests », The New Republic, 30 avril 2024.
6- Alaa Hajyahia, « The Student Crackdown didn't start last week. Months of repression got us here », The Nation, 1er mai 2024.
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JO 2024 : un rapt démocratique ? Entretien avec Jade Lindgaard

En juillet et août 2024, la France accueillera les Jeux Olympiques et Paralympiques. Derrière les discours célébrant cet événement, la réalité est beaucoup plus sombre. Qu'il s'agisse de l'incidence environnementale, sociale ou économique des Jeux, des voix tentent aujourd'hui de s'élever pour s'opposer ou alerter concernant leur tenue.
Tiré du site de la revue Contretemps.
L'ouvrage Paris 2024 – Une ville face à la violence olympique (Éditions Divergences), de la journaliste Jade Lindgaard, décrit les conséquences des JO sur le département de la Seine-Saint-Denis : derrière les discours promettant un rattrapage pour le département, ce sont des expulsions et destructions qui sont mises en œuvre. Cette contribution permet de tenter de susciter le débat, alors même que l'absence de délibération démocratique autour de l'accueil d'un tel événement rend complexe l'organisation de mobilisations d'ampleur.
Un entretien réalisé par Marion Beauvalet et Louis Hardy.

Contretemps – Dans La nature est un champ de bataille, Razmig Keucheyan mobilise le concept de racisme environnemental. L'organisation des Jeux a une incidence sur les villes (on peut par exemple penser à cet échangeur autoroutier à proximité d'une école à Saint-Denis) et les populations. Vous parlez quant à vous de brutalisme et d'injustice environnementale. Comment décrire ce qui se passe ?
Jade Lindgaard – L'organisation des Jeux de Paris, leurs répercussions sociales sur la région à la frontière entre Saint-Denis-Saint-Ouen et L'Île-Saint-Denis, et les conséquences probables sur la population après la fin des Jeux sont des enjeux majeurs. Ce qui se produit est assimilable à une forme de dépossession, une violence sociale, voire une violence olympique, comme dans le cas de l'école Anatole France (Saint-Denis) qui constitue un cas d'injustice environnementale. Il est encore trop tôt pour dire que c'est du racisme environnemental : il faut notamment attendre de connaître les personnes qui vont venir habiter à terme.
Depuis le début de mon enquête sur les aménagements du village des athlètes, j'avais en tête le racisme environnemental. Je remarquais les distinctions entre les habitants de ces quartiers en matière de statut socio-économique, la situation des personnes racisées, originaires d'Afrique subsaharienne ou du Maghreb, qu'elles soient françaises ou non. Dans ce mélange de résidents, qu'ils soient descendants de première ou deuxième génération d'immigrés ou nouveaux arrivants, je percevais une différence marquée avec les personnes représentées sur les publicités des promoteurs immobiliers pour le futur quartier, et avec le niveau économique requis pour acheter les appartements qui seront mis en vente.
En 1982, une église américaine (l'Église unie du Christ) a mené une enquête autogérée sur le racisme environnemental. C'était en quelque sorte la première grande enquête sur le racisme environnemental aux États-Unis, où une église, avec ses fidèles et un militant, a réalisé un vaste recensement des maladies dans les ghettos noirs de villes américaines. C'était un excellent exemple de la façon dont, même sans être des scientifiques ou sans disposer des ressources statistiques de l'État, on pouvait mettre en lumière un problème fondamental et systémique de racisme et de santé environnementale. Cela a permis d'établir un lien entre le fait de vivre dans un quartier noir d'une ville américaine et les occurrences de cancer, par exemple. J'avais cela en tête, et j'ai même envisagé, au début, de faire quelque chose de similaire pour le village des athlètes, en relevant entre autres les noms sur les boîtes aux lettres de certains immeubles du quartier. J'ai abandonné cette idée parce que je disposais de trop peu de temps. De plus, c'était une problématique bien trop importante pour risquer de la traiter de manière incorrecte.
C'est pourquoi je n'ai pas utilisé le concept de racisme environnemental. Je pense qu'il y a des indices qui montrent que c'est ce qui se passe. Pour pouvoir affirmer cela, il est néanmoins nécessaire d'avoir des éléments factuels et démontrés. J'ai donc préféré des termes plus généraux, comme le remplacement de population, la dépossession, la violence sociale, la violence symbolique. J'ai mentionné le remplacement de population, qui est déjà en soi un terme très fort. Je précise que sur les 1500 personnes qui ont été définitivement privées de leur lieu de vie en raison de l'organisation des JO, directement ou indirectement, la grande majorité d'entre elles est racisée. J'ai exposé ces éléments dans l'idée d'éventuellement contribuer à un travail ultérieur sur ce sujet. C'est une question suffisamment grave et sérieuse et elle doit être traitée de manière très factuelle.
Contretemps – Vous expliquez ne pas avoir commencé ce livre en étant hostile aux Jeux, vous expliquez aussi vous être mobilisé pour sauvegarder les jardins d'Aubervilliers en 2018. Quel a été votre cheminement dans votre rapport aux JO ?
Jade Lindgaard – Pour être honnête, avant de commencer à travailler sur les Jeux, je n'avais pas vraiment d'opinion tranchée. Je n'avais pas une vision particulièrement positive. Je n'étais pas particulièrement enthousiaste à propos des JO, bien que je les regarde en partie depuis mon enfance : sans passion, mais sans animosité non plus. Lorsque j'ai commencé à m'engager dans la défense des jardins ouvriers à Aubervilliers, lors des premières assemblées générales ou des premières réunions où certains s'exprimaient contre les JO, je n'étais pas en accord. Je me suis sentie déconnectée politiquement, avec un sentiment flou, distant par rapport aux Jeux. Ma perception de cette question s'est développée de manière progressive et empirique à mesure que j'approfondissais mes recherches et que je faisais face à leur organisation. Mon point de vue s'est construit avec ces deux casquettes, celle de journaliste enquêtrice sur la préparation des infrastructures olympiques et celle de l'habitante-militante défendant un jardin.
J'ai eu par la suite des interactions aussi différentes qu'instructives avec la sous-préfecture, la mairie, la police. J'ai été frappée par le caractère très vertical du processus qui, une fois lancé, refuse absolument de s'adapter, refuse le pas de côté, refuse la mise en suspens et ne laisse absolument aucune prise à la remise en question, même partielle, de ce qui s'organise. C'est précisément ce manque de remise en question qui m'a conduite à avoir une position beaucoup plus critique vis-à-vis du processus JO. Je dirais que la reconstitution de l'historique de la non-consultation des populations au moment de la candidature a posé les jalons de ma distanciation vis-à-vis du processus olympique, renforcée par la suite par la manière dont s'est mis en œuvre cet aménagement, avec le refus d'écouter les habitants qui proposaient des contre-projets, le refus de faire l'effort de s'adapter à ce que disaient les jardiniers et jardinières, quand ils tentaient de défendre leur jardin, un lieu de liens sociaux, de subsistance et de protection contre la canicule.
Le comité de vigilance JO 93 s'est constitué très tôt, non pas en opposition aux JO, mais en tant qu'observateur attentif. Il a plusieurs fois signalé que les aménagements envisagés pourraient avoir des conséquences négatives, ce qui a été pris en compte par le CIO, mais pas par les élus. Non seulement les habitants, comme le comité de vigilance JO 93, la FCPE ou un petit groupe de l'école Anatole France concernant la voie autoroutière A86, n'ont pas été écoutés par les élus. Mais pire encore, la situation donne l'impression qu'ils ont été traités comme des ennemis politiques, ce que je trouve très préoccupant.
Il y a eu un véritable détournement démocratique. Avant les Jeux, nous n'avons pas pu débattre, nous n'avons pas pu nous exprimer en tant qu'habitants pour décider si nous étions d'accord pour les accueillir. Je trouve frappante la différence entre les consultations citoyennes qui ont été organisées à Paris sur des questions telles que la tarification des parkings des SUV, ou sur le maintien des trottinettes électriques, des sujets concrets de transport quotidien, et l'absence de consultation sur l'organisation des JO de Paris 2024. Pour moi, il s'agit d'un détournement démocratique. Les gens ont été empêchés de se prononcer. Je ne sais pas quel aurait été le résultat. Dans d'autres grandes villes internationales où de telles consultations ont eu lieu, notamment par référendum, il est remarquable de voir que la réponse a toujours été négative.
Comme ce n'était pas le cas et pas non plus le sujet de la mobilisation des habitants, tout ceci est à garder en mémoire, si on veut tirer un bilan d'expérience politique de ce qui s'est passé avec les Jeux. Il faut qu'on garde en tête ce cheminement de la décision publique qui est imposée à des habitants, comme un critère de critique de ces grands projets d'aménagement, tous porteurs de nombreuses conséquences. Je pense que la faible mobilisation contre les JO est aussi la conséquence du fait qu'il n'y a pas eu de consultation au début. Le débat n'a jamais été construit. Les arguments tant en soutien qu'en opposition n'ont pas été posés clairement dans l'espace public. Cela s'en ressent jusqu'à aujourd'hui.
Contretemps – Dans votre introduction, vous présentez votre démarche et insistez sur le fait que votre livre n'est pas un livre contre les JO mais un récit d'élucidation et une enquête sur les injustices liées au JO. Comment expliquez-vous la nécessité de justifier sa démarche pour ne pas passer pour un militant anti-JO, la difficulté d'avoir un discours critique sur les JO, notamment à gauche, sans être perçu comme rabat-joie ?
Jade Lindgaard – C'est un des enjeux politiques majeurs de l'année 2024. Il est intéressant d'essayer de comprendre pourquoi il semble nécessaire de préciser qu'on n'est pas opposé aux JO. C'est une question de sincérité par rapport à mon propre cheminement. De plus, je n'ai pas écrit un pamphlet, même si je reconnais que les pamphlets peuvent être très utiles parfois pour interpeller politiquement. Je voulais écrire une enquête, car je souhaitais produire quelque chose d'accessible à tous et à toutes et ouvrir la discussion à un public plus large, y compris à ceux qui soutiennent les Jeux, afin de les encourager à regarder au-delà des apparences et à examiner les coulisses de l'événement. C'était une démarche sincère et transparente, ainsi qu'une stratégie éditoriale. Cela me paraissait important de souligner cela, car l'espace public et médiatique actuel paraît encore assez homogène, avec peu de voix critiques. Même aujourd'hui, à l'approche des JO, les critiques sont rares et se concentrent sur des aspects très spécifiques.
Elles se manifestent, mais sur le principe même de ces Jeux, sur la manière dont ils ont été décidés et mis en œuvre, on entend très peu de choses. C'est une forme de verrouillage du débat public, mais pas imposé par le Comité International Olympique, ni par une dictature qui s'abattrait sur la France depuis le CIO. Je pense qu'il s'agit d'un verrouillage coconstruit. Les organisateurs des Jeux, le COJO, la SOLIDEO, la Direction Interministérielle des Sports, le ministère des Sports, Matignon, l'Elysée, tout un appareil d'État et politique, ont depuis des années investi politiquement dans l'événement pour le rayonnement de la France.
Il y a aussi l'attitude et le positionnement des élus de la Seine-Saint-Denis, que ce soit les mairies de Saint-Denis, Saint-Ouen, L'Île-Saint-Denis, ainsi que Plaine-Commune (l'établissement public territorial regroupant ces communes et le département). Ces élus, majoritairement de gauche, restent très favorables à l'organisation des Jeux, travaillant de concert avec les organisateurs. Cette alliance s'est formée autour de la promesse d'un héritage et surtout d'un rattrapage, car les investissements publics en Seine-Saint-Denis sont historiquement inférieurs à la moyenne nationale et à d'autres départements, notamment en ce qui concerne les services publics fondamentaux. Face à ce sous-investissement chronique, ces élus ont vu dans les Jeux l'occasion de compenser ces déficits en équipements vitaux pour la région. Cette perspective a été notamment portée par Patrick Braouezec, ancien maire de Saint-Denis et ancien président de Plaine Commune, qui a été un acteur majeur dans l'organisation des grands événements sportifs dans la région, et notamment dans la construction du Stade de France en 1998, considéré comme la première pierre de cet aménagement majeur de la plaine Saint-Denis et de la région environnante.
Cela a été la première pièce. À l'époque, le discours était très clair. En fait, le 93 a été abandonné. On construit ce grand stade qui sera regardé par des milliards de personnes dans le monde entier parce qu'il y a du football et une source d'admiration pour le département. Autour de ce stade, nous allons construire un quartier de bureaux pour stimuler l'activité. C'est ce qui s'est passé aujourd'hui sur la plaine Saint-Denis. Lorsque vous sortez du RER La Plaine-Stade de France, vous voyez entre autres les sièges d'Orange, de SFR. Ce qui a été décidé ensuite pour le village olympique est la continuation de cela. D'ailleurs, cela a été explicitement assumé par Patrick Braouezec qui a parlé du deuxième étage de la fusée. Il s'agit de faire décoller le 93, avec une métaphore qui est assez brutale. Quand on pense à un décollage de fusée, la fusée va très haut, mais tout est brûlé en bas, donc c'est un décollage très intense d'une fusée, et c'est le deuxième étage. C'est un discours qui est en place depuis longtemps, qui avait fait basculer à l'époque le précédent maire de L'Île-Saint-Denis. C'est une petite commune agréable sur la Seine, une petite commune qui a longtemps été dirigée par un maire écologiste, Michel Bourgain, qui était opposé aux grands projets pour des raisons écologistes. Finalement, il s'est rallié à l'organisation des Jeux et a proposé que sa ville y participe, notamment en accueillant une partie du village des athlètes. C'est pourquoi, au début de mon enquête, j'ai choisi de le rencontrer. Selon lui, dès lors que Saint-Denis et Saint-Ouen acceptaient, il voyait bien qu'il serait écrasé s'il refusait. Autrement dit, tous les moyens auraient été dédiés aux communes encore plus importantes.
Concernant Saint-Denis et Saint-Ouen, qui ont changé de majorité politique, c'est encore différent. On retrouve par exemple cette logique qui consiste à faire monter Saint-Denis de plus en plus comme une ville importante, de la même manière qu'elle a candidaté pour être la Capitale de la Culture, chose qu'elle n'a pas obtenue. Il s'agit là de la même logique : augmenter sa notoriété et son pouvoir d'attractivité. C'est un point très important dans tous ces discours autour des métropoles. J'ai été frappée par le fait que toutes ces personnes, que ce soit les élus de la mairie de Saint-Denis, de L'Île-Saint-Denis, de Saint-Foy ou d'autres élus, parlent toujours du développement du territoire, ce qui est considéré comme bénéfique pour la Seine-Saint-Denis.
Il y a quelques semaines, dans le métro parisien, on pouvait voir d'immenses publicités proclamant que la Seine-Saint-Denis allait accueillir le monde. Le concept de territoire est en réalité très abstrait. De quel territoire parle-t-on exactement ? Où commence-t-il, où se termine-t-il ? Le département de la Seine-Saint-Denis est en fait très étendu, et il existe des différences significatives entre des quartiers comme ceux du Raincy et de Stains. Autrement dit, ce qui pose problème, c'est qu'on prétend parler au nom d'un endroit où les habitants sont fortement discriminés, mais la manière dont on construit ce discours tend à négliger ses habitants.
Concernant le développement territorial, il est crucial de distinguer deux approches fondamentalement différentes. D'une part, il y a l'approche axée sur la croissance économique, visant à augmenter le PIB et les activités économiques, quelles qu'elles soient. D'autre part, il y a l'approche de la justice environnementale, défendue par de nombreux mouvements sociaux, notamment aux États-Unis depuis les années 1970. Cette approche consiste à partir des besoins et des désirs des habitants d'un quartier pour construire ensemble des projets visant à réparer les discriminations et les inégalités existantes. Il s'agit donc d'une démarche ascendante, partant de la base pour aboutir à un mieux-être collectif. Il est évident que ces deux logiques sont diamétralement opposées, et que la logique des grands projets est en contradiction avec celle de la justice environnementale, qui prend en compte les besoins des habitants.
Ce discours sur le développement territorial semble, à bien des égards, partiel, voire unilatéral. En ne considérant qu'une partie des enjeux, il devient possible de justifier la construction d'un village olympique destiné à des personnes extérieures au territoire, au détriment des habitants actuels. Cette vision peut être acceptée au nom de l'image de la ville ou de ses recettes fiscales, sans tenir compte des conséquences sociales et environnementales. Il est donc difficile de démêler ces enjeux, d'autant plus que le discours en faveur des Jeux olympiques, présenté comme progressiste, continue d'avoir un fort impact.
Contretemps – Vous qualifiez l'économie des JO d'économie dysfonctionnelle. Pour appuyer votre propos, vous mobilisez les travaux de chercheurs d'Oxford sur les mégaprojets : pouvez-vous revenir sur ce qui fait que les Jeux engendrent systématiquement des surcoûts colossaux ?
Jade Lindgaard – Des économistes des grands projets ont établi que, depuis 1968, tous les Jeux Olympiques, qu'ils soient d'hiver ou d'été, ont toujours dépassé leur budget. Pour les JO de 2012 à Londres, par exemple, dans cette ville assez comparable à Paris, le budget a été largement dépassé à la fin. Ce qui est intéressant, c'est d'en chercher les causes. Les chercheurs disent qu'il y a différentes raisons qui sont liées à la nature même du processus olympique. La première raison est celle du délai : c'est impossible de ne pas être prêt pour la date. À partir du moment où il y a une variable qui ne peut pas changer, toutes les autres variables sont flexibles, à commencer par celle du coût. Si le plus urgent, c'est de réussir à finir les travaux, on va être prêt à dépenser plus, à embaucher plus de gens, à les faire travailler plus longtemps, pour que les choses soient terminées en temps voulu. La deuxième raison, c'est le syndrome du débutant : il est très rare pour un pays et pour une ville d'organiser des Jeux Olympiques.
En France, la dernière organisation des Jeux d'été remonte à 1924. Los Angeles, qui va les organiser à nouveau en 2028, les a accueillis en 1984, une chose jamais vue dans l'histoire moderne. Le problème que cela pose, c'est l'absence d'habitude et d'expérience. En France, nous avons par exemple l'habitude de construire des autoroutes, des ponts, des métros, même si nous constatons déjà un retard sur le projet Grand Paris Express. Les centrales nucléaires sont également un bon exemple. Aucune n'a été construite pendant des années, et nous avons maintenant des années de retard sur le chantier de l'EPR de Flamanville. Ces grands projets sont donc très complexes en raison des paramètres et des nombreuses choses à maîtriser simultanément… Durant la phase de conception, la phase de construction, la phase d'exploitation, il y a tellement de paramètres sociaux, économiques, humains.
À cela s'ajoutent d'autres éléments comme le cours des matières premières, l'inflation, la crise du Covid, la guerre en Ukraine, qui engendrent de l'incertitude. Malgré toute l'ingénierie déployée, toute la puissance publique, tout l'argent investi, le budget de près de 9 milliards d'euros est déjà considérable. C'est peut-être là, et je dis bien peut-être, que le CIO ne remplit pas suffisamment son rôle de transmission des bonnes pratiques d'un pays à l'autre, même s'il a essayé de le faire, même s'il y a des cahiers des charges, et même si, dans ces cahiers des charges, par exemple, le CIO a demandé aux villes hôtes de construire le moins possible. Paris, par exemple, construit peu, beaucoup moins que Londres, et en construira encore moins que Los Angeles en 2028, et derrière cela, il y a l'idée que si l'on construit moins, on sera moins en retard.
Cela nous amène au troisième point qui est à mon avis le plus intéressant : la question de l'échelle. Les Jeux Olympiques correspondent à une échelle gigantesque, ce qui est contradictoire avec beaucoup de choses, notamment le respect d'un vrai budget carbone, la protection des écosystèmes, mais c'est aussi avec les enjeux d'une bonne administration, d'une bonne gestion de manière démocratique et transparente. La Cour des Comptes, qui a déjà publié deux rapports sur le budget des Jeux Olympiques, s'apprête à en publier un troisième, sur l'héritage, qui sera intéressant à lire pour comprendre le fil qu'ils arrivent à tirer.
La Cour des Comptes a écrit l'année dernière que les chiffres ne sont pas clairs, ni sur le coût final pour la puissance publique, ni sur l'augmentation des coûts au cours du projet. Elle écrit même qu'il y a une sous-estimation des coûts dans les premières moutures des projets de Paris 2024. Bien loin de la promesse initiale selon laquelle ces JO seraient positifs pour le climat et devaient, sinon ne rien coûter aux Français, comme il en était question au début du projet, du moins leur coûter peu, les organisateurs ont mis un peu d'eau dans leur vin et adouci leur slogan. L'opacité de l'organisation et cette difficulté à s'y retrouver sont aussi la conséquence de la peur d'augmenter les dépenses et donc d'être en dépassement budgétaire.
Ils donnent l'impression de ne pas vouloir trop montrer les risques de dépassement budgétaire par peur que cela alimente la critique des anti-JO mais on pourrait dire, au contraire, que c'est grâce à la transparence qu'on est peut-être conduit à faire des arbitrages budgétaires – qui ont été faits d'ailleurs. On parle beaucoup du village des athlètes mais il y a une partie du village des médias qui est construite à Dugny. Ils l'ont coupé en deux, ils n'ont construit que la moitié de ce qui avait été envisagé. Un autre exemple intéressant est le centre aquatique olympique inauguré par Emmanuel Macron le jeudi 4 avril qui est beaucoup plus petit que le projet initial.
Contretemps – Paris était la seule ville en lice pour ces Jeux, les jeux de 2030 semblent peu attirer. Comment expliquer ce désintérêt ? D'ailleurs, vous expliquez que plusieurs villes se sont désistées suite à l'organisation de référendums. Pouvez-vous revenir sur la genèse de cette candidature et de cette victoire sans compétition ? Vous qualifiez aussi le CIO de « bizarrerie démocratique » : qu'est-ce que cette institution que nous connaissons finalement peu ?
Jade Lindgaard – Lorsque Paris a été choisie pour accueillir les Jeux en 2017, c'était la seule ville candidate. Quelques mois auparavant, un accord avait été conclu avec Los Angeles pour se répartir les années : Paris en 2024 et Los Angeles en 2028. Dès 2017, il ne restait que deux villes candidates pour les Jeux de 2024 et 2028. Ce qui est intéressant, c'est de comprendre comment on en est arrivé là. Tout d'abord, les autres villes qui avaient envisagé de présenter leur candidature pour 2024 ont peu à peu retiré leur candidature, soit suite à des référendums comme Hambourg et Munich, soit suite à des mobilisations citoyennes comme à Boston, avec un mouvement appelé No Boston Olympics, porté par des architectes et des urbanistes. Ce mouvement met en avant des préoccupations très similaires à celles que l'on voit aujourd'hui émerger avec Paris 2024, notamment l'idée que l'aménagement urbain ne devrait pas être dicté par les visiteurs, mais par les habitants. Cela résume bien la dimension extractiviste d'un grand projet tel que les JO. La ville de Rome s'est retirée de la course car la candidate à la mairie Virginia Raggi, issue du mouvement 5 étoiles, avait inscrit son opposition aux JO dans son programme. Élue, elle a retiré la candidature de Rome. Je ne vais pas présenter cela comme un exemple de démocratie, puisqu'il y a eu par la suite des problèmes de corruption.
Cela montre néanmoins que beaucoup de villes craignaient les dépassements budgétaires, ce qui était un des arguments principaux des mouvements d'opposition aux JO dans différentes villes : « ça va coûter trop cher, nous n'avons plus les moyens ». Alors, pourquoi Paris s'est-elle quand même portée candidate ? Il faut inverser la question. D'autant qu'initialement, la maire de Paris, Anne Hidalgo, était opposée aux Jeux. Puis, en 2015, le président de la République François Hollande a exercé une pression pour que Paris se porte candidate. Pourquoi le pouvoir socialiste voulait-il que Paris soit candidate ?
Tout d'abord, les attentats de 2015. Avant eux, Paris était déjà candidate. Après, il y a une volonté de ne pas se laisser abattre face au terrorisme. Ensuite, il y a la volonté de faire rayonner la France à l'international, notamment à travers des événements prestigieux comme les JO ou encore la COP21. Il y a aussi une tendance croissante des villes à jouer un rôle majeur sur la scène internationale – ce qui correspond à l'agenda de développement et de croissance. Enfin, il y a probablement des enjeux politiques personnels pour Anne Hidalgo, qui envisageait de se présenter à la présidentielle. La candidature aux Jeux pouvait constituer un moyen de renforcer sa position. En 2017, Paris a été choisie pour accueillir les Jeux, ce qui soulève des questions sur les processus de décision et sur qui les prend, ainsi que sur les motivations derrière ces décisions.
C'est le CIO qui décide. C'est un autre paradoxe de cette histoire, celle de la communauté internationale olympique, une association basée à Lausanne, dans un bâtiment impressionnant, avec des escaliers en forme d'anneau olympique. Malgré sa taille modeste, le CIO est sans aucun doute l'une des institutions les plus puissantes au monde. C'est le CIO qui décide quelle ville organisera les Jeux, quels sponsors auront le privilège de figurer parmi les sponsors premium. C'est un cercle très fermé dont les modalités d'accès et les coûts sont généralement inconnus du public. C'est également le CIO qui fixe le cahier des charges de l'organisation des Jeux, comprenant des critères tels que le village olympique, la construction d'une grande piscine et d'un grand stade.
Ainsi, tous les JO se traduisent par d'importants projets d'aménagement urbain et des opérations immobilières conséquentes, car leur organisation nécessite la construction de nombreuses infrastructures. Les Jeux sont bien plus qu'un simple événement sportif ; depuis des décennies, ils sont aussi des opportunités d'aménagement urbain, d'activité économique. Le CIO n'est soumis à aucun contrôle externe, n'ayant pas à rendre de comptes à des organes élus ou à des instances de vérification des comptes. Il gère lui-même son conseil d'administration et ses présidents, sans aucune obligation de transparence démocratique. C'est cette opacité qui soulève des questions sur la nature démocratique du processus décisionnel du CIO, une petite association capable de dicter des termes aux États et d'organiser l'un des événements les plus médiatisés du monde, mais dans un relatif secret.
Contretemps – Vous expliquez que « les chantiers accélèrent et renforcent une valorisation immobilière qui a aussi d'autres causes » (p.103), vous parlez aussi des 1 500 personnes déplacées à cause des JO en Seine-Saint-Denis, des 2 millions déplacées depuis la fin des années 1960. Il s'agit là encore de données peu mises en avant, pouvez-vous nous en parler ?
Jade Lindgaard – Les aménagements liés aux JO vont de pair avec une casse sociale qui est importante et surtout qui est complètement invisibilisée. Si on reprend l'exemple du village des athlètes, il y a énormément de personnes qui ont perdu leur logement de manière définitive, en lien direct ou indirect avec les JO.
J'ai fait une estimation, minimaliste, de 1 500 personnes délogées de façon directe ou indirecte par les Jeux. Il y a par exemple les hommes qui habitaient dans un foyer de travailleurs migrants, un foyer qui se trouvait sur le périmètre du village des athlètes. Il a été démoli. Les habitants ont été déplacés, évacués de leur domicile. Même si la police n'est pas venue les déloger de leur chambre, ces personnes ont été temporairement relogées dans deux bâtiments différents en attendant un relogement définitif qui devrait avoir lieu après les JO, mais qui ne se fera pas dans le village des athlètes. Il s'agit d'environ 300 personnes.
Il y a approximativement 400 personnes qui résidaient dans le squat Unibéton, en bordure d'une autre partie du village des athlètes. Elles ont été expulsées au printemps 2023. Il s'agissait quasiment toutes de personnes sans-papiers, donc pour elles, aucun relogement. Et enfin, les habitants de la cité Marcel-Paul de L'Île-Saint-Denis. Leur situation est différente et me semble très emblématique de ce qui se passe tout en étant totalement invisibilisée. La cité Marcel Paul est une zone de logements sociaux sur L'Île-Saint-Denis, en partie abandonnée par son bailleur (aujourd'hui Seine-Saint-Denis Habitat), et qui a sombré dans les difficultés sociales et économiques, devenant depuis des années un important lieu de trafic de drogue. C'est un endroit marqué par la violence et les difficultés, mais aussi par une forte solidarité. Cette cité était concernée par un projet de rénovation urbaine de l'ANRU, entamé avant l'attribution des Jeux, avec pour objectif de reloger une partie de ses habitants, notamment ceux des trois tours qui la composent.
Dès lors que les Jeux ont été attribués à Paris, le processus de rénovation urbaine s'est accéléré. Il était sous-entendu, dans de nombreux rapports, que la cité Marcel-Paul ne devait pas rester dans son état actuel pendant les Jeux. Bien qu'elle ne soit pas directement adjacente au village des athlètes, elle en est très proche. La présence de cette cité en tant que vitrine de la misère sociale ou plaque tournante du trafic de drogue n'était pas compatible avec le niveau de sécurité prévu sur L'Île-Saint-Denis pour les JO.
Dès lors que les Jeux ont été attribués, tout le processus de rénovation urbaine a dû être considérablement accéléré. Ces habitants, qui sont déjà pour beaucoup des gens sous pression, se sont retrouvés avec des injonctions à choisir le plus vite possible un logement dans lequel déménager. Dans la précipitation, il y avait des offres faites qui ne correspondaient pas à la loi, aux règles du relogement ANRU : des appartements trop chers ou trop loin, et surtout des gens mis sous une pression terrible. Cela se poursuit, car une partie d'entre eux a été relogée, mais les situations les plus difficiles n'ont pas été résolues. Leurs droits en tant que locataires, droits de logement sociaux, n'ont pas été toujours respectés.
Cela a créé le sentiment terrible de se faire dégager pour les JO. Ce sont des choses que j'ai entendues de nombreuses fois : « ils ne veulent pas voir nos visages pendant les Jeux Olympiques, on est virés à cause des JO ». C'est dit avec tristesse, colère, amertume par ces personnes. J'ai fait un article là-dessus dans Mediapart[1]. Le maire de L'Île-Saint-Denis, Mohamed Gnabaly, a fait un communiqué en disant que c'était mensonger, une intox de notre part, il a été très agressif dans sa communication. Il s'agissait pourtant de paroles rapportées des habitants, tous les habitants ne pensent pas qu'ils sont virés à cause des Jeux, mais certains le pensent. La raison pour laquelle cela a tant crispé la mairie est celle du positionnement des maires de gauche vis-à-vis des Jeux. On veut que cela serve au développement du territoire, et là, on a un endroit où des gens se font dégager par l'événement olympique, qu'on le veuille ou non ; des gens qui ne pourront pas revenir derrière, habiter là et qui sont un peu les victimes de ce processus d'aménagement.
C'est pourquoi j'ai évoqué le sentiment de dépossession que j'ai ressenti de leur part : ils habitent un quartier dans lequel des gens vivent depuis plusieurs décennies, que ce soit au foyer des travailleurs ADEF ou encore à Marcel Paul. Cette forme de violence sociale est amplifiée par le manque de visibilité qui entoure ce processus de dépossession, comme si celui-ci passait inaperçu. Même aujourd'hui, cela demeure largement méconnu. Vous êtes-vous rendu compte de la visite d'Emmanuel Macron au village des athlètes qu'il a inauguré il y a quelques semaines ? Lors de cette visite officielle étaient présents tous les « chefs des JO » : le préfet de Saint-Denis, le directeur général de la SOLIDEO, Nicolas Ferrand, le président du COJO, Tony Estanguet, et le maire de Saint-Denis, Mathieu Hanotin. Selon eux, la fierté de cette organisation réside dans le fait qu'il n'y a pas eu d'expropriation. C'est tout à fait exact : il n'y a pas eu d'expropriation au sens où des propriétaires auraient été forcés de céder leur logement, comme cela s'est produit par exemple pour le Grand Paris Express, comme le relate le livre d'Anne Clerval et de Laura Wojcik, Les naufragés du Grand Paris Express[2]. Certes, il n'y a pas eu d'expropriation, mais il y a eu des expulsions. Et cela, en revanche, n'a pas du tout été mentionné. Cette déclaration m'a interpellée, car elle montre clairement qu'ils souhaiteraient que personne n'ait été contraint de partir à cause des Jeux. Cela remet en question leur narration politique et leur discours, tout en mettant en lumière le manque d'engagement démocratique dans la candidature de Paris 2024. Rien n'empêchait Paris de s'engager, au moment de sa candidature, à ce que personne ne soit expulsé, délogé ou ne perde son logement. Cependant, cet engagement n'a pas été pris, alors que des situations similaires à ce que je décris pour Paris 2024 se sont déjà produites à Londres en 2012.
Il s'est même passé la même chose dans toutes les villes qui ont organisé des Jeux : cela a été terrible avec des destructions entières de quartiers à Rio, près d'un million de personnes déplacées à Pékin et même à Barcelone 1992, qui est toujours décrit comme l'exemple vertueux, il y a eu des camps de roms détruits. Je veux donc dire que c'est un phénomène systémique et c'est loin d'être une surprise car c'est lié à la manière dont les jeux s'aménagent. C'est pour ça que j'ai commencé à travailler sur ces jeux dès 2018, que j'ai commencé à aller sur ce territoire en me disant qu'il fallait documenter ce qu'il y avait à ce moment-là.
Contretemps – Dès l'annonce des Jeux, des collectifs se sont montés, puis pendant la mobilisation contre la réforme des retraites, on a vu fleurir le slogan « pas de retrait, pas de JO », depuis des collectifs s'organisent (comme Saccage 2024). La mobilisation s'organise déjà concernant les Jeux d'Hiver, notamment l'incidence qu'ils auront sur la montagne déjà abîmée par l'activité humaine et la fonte des glaces. Est-ce que ces événements ont encore un sens à l'heure où les urgences écologiques, sociales se multiplient et sont de plus en plus vives ?
Jade Lindgaard – À tout ce qu'on vient de raconter sur le rapt démocratique et la casse sociale s'ajoute l'aspect écologique que nous avons moins abordé, même si on a parlé de la destruction d'une partie des jardins d'Aubervilliers, de la construction d'un village des athlètes, de celle du village des médias sur le parc Georges Valbon, où avait lieu la fête de l'Humanité. Enfin, l'organisation d'un événement qui doit faire venir 13 millions de personnes, dont une grande partie en avion, fait partie des nombreuses atteintes environnementales de ces jeux.
Alors qu'on a l'objectif de réduire drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre, y compris dans le transport aérien, que Paris a par ailleurs un plan climat dans lequel la ville s'engage à considérablement réduire ses émissions de gaz à effet de serre, on a là un événement qui représente l'inverse de ces promesses. Certes, on construit peu de nouvelles infrastructures, mais on construit malgré tout des infrastructures gigantesques, comme la piscine de Saint-Denis ou encore un village des athlètes alors qu'il y a de nombreux hébergements à Paris. Nous sommes donc dans un événement qui est de toute façon un peu un attentat à la sobriété, au sens où toutes les échelles sont énormes voire démesurées pour les Jeux Olympiques.
Ce gigantisme se retrouve notamment dans la passerelle, large comme douze autoroutes, qui relie la piscine de Saint-Denis et le Stade de France. Dans sa philosophie, on a là quelque chose de vraiment antinomique avec la situation de sobriété nécessaire face au changement climatique. Je ne vois pas très bien comment ce gigantisme olympique est compatible avec la planète et la nécessité de réduire notre impact environnemental. Plutôt que de continuer à organiser de l'extérieur des événements qu'on essaye de faire rentrer de manière forcée dans les critères sociaux et environnementaux, on est plutôt dans un moment où il faudrait se dire qu'en fait on ne construit plus.
On arrête de construire, on occupe et on habite au maximum ce qui est déjà construit, et s'il y a absolument besoin de construire autre chose, on construit, mais dans un second temps, c'est-à-dire qu'il y a une espèce de révolution copernicienne écologique. Plutôt que de partir de l'idée qu'on va construire et on va rendre ça écologique en utilisant du bois, en n'ayant pas de climatisation, on part de ce qui existe déjà et on voit ce qu'on peut en faire. L'engagement du COJO et du CIO d'émettre deux fois moins de CO2 que Londres en 2012 n'est pas du tout à la hauteur de ce qu'il faudrait faire aujourd'hui.
Si on met bout à bout les arguments démocratiques, sociaux, environnementaux, tout cela conduit à penser que les Jeux Olympiques organisés tels qu'ils sont organisés aujourd'hui, ne sont absolument pas compatibles avec notre situation humaine actuelle. Et donc, une fois qu'on a dit ça, qu'est-ce qu'on fait ? Est-ce qu'il faut arrêter les Jeux Olympiques ? Moi, je n'en sais rien. Je me dis juste qu'il y a plein d'autres manières possibles de les faire. Par exemple, si les Jeux Olympiques arrêtaient de tourner d'une ville à l'autre, ça ferait déjà moins de construction. Il y aurait un endroit, un seul, où ça se passerait.
On peut également imaginer que tout le monde ne soit pas obligé d'être au même endroit au même moment ou encore qu'il y ait moins de sports. Il y a plein de pistes, il y a plein de gens qui travaillent beaucoup mieux que moi sur ces sujets. Mais en tout cas, pour terminer, si on croit à notre démonstration selon laquelle, pour ces raisons démocratiques, sociales et environnementales, les jeux tels qu'ils sont organisés aujourd'hui ne sont pas compatibles avec les exigences de notre époque, alors, continuer à les organiser comme si on n'était pas dans cette époque-là est hyper problématique.C'est un problème car d'un point de vue philosophique et politique, ça laisse penser qu'on peut continuer comme avant. C'est pourquoi, en dehors de tous les aspects français et parisiens de Paris 2024, je pense qu'il y a des chiffres politiques, systémiques qui valent pour tout le monde. On se rassure à peu de frais d'une certaine manière mais jusqu'à quand peut-on continuer à se rassurer à peu de frais ? Une vague caniculaire comme on en a eu lors d'autres étés serait-elle un signal suffisant sur le caractère intenable de notre système ? Pour les Jeux de 2030, je trouve que c'est le seul signal de quelque chose. On voit une vraie mobilisation autour de la candidature de la France pour les Jeux d'hiver. Il y a une critique déjà beaucoup plus importante que ce qu'il y a eu contre Paris 2024, et cette critique est portée à la fois par des associations écologistes et par des sportifs.
Stéphane Passeron a notamment pris la parole[3] pour dire qu'il ne fallait pas faire ces Jeux au nom de la protection de la montagne, un écosystème très fragile, très abîmé par le changement climatique. Organiser les Jeux là-bas reviendrait à renforcer le tourisme de masse et l'industrialisation de la montagne. Dans ce cas précis, l'argument environnemental a été saisi par un grand nombre de personnes qui aiment ces paysages et la vie qui s'y trouve. Force est de constater que cette critique pour l'instant n'a pas de prise sur la candidature puisque, de nouveau, la France est le seul pays candidat pour les Jeux d'hiver de 2030. L'enjeu est donc de faire vivre un peu cette discussion jusqu'à la désignation.
Contretemps – Votre livre s'ouvre sur un préambule, en 2025, les Jeux ont laissé des infrastructures, l'écosystème est demeuré intact, les politiques liberticides notamment la surveillance ont disparu : sans verser dans la politique fiction, à l'aune de ce que vous avez étudié, quelle sera l'incidence des Jeux ?
Jade Lindgaard – Ce que l'on peut craindre, c'est la pérennisation des problèmes induits par les JO : Paris 2024 pourrait justifier ses constructions et ses aménagements au nom de leur durabilité écologique. Cependant, le risque est que ce ne soient pas seulement des bâtiments qui soient pérennisés, mais aussi le mode de vie qui les accompagne. Cela inclut un renforcement des mesures de sécurité, avec l'installation de nombreuses caméras de vidéosurveillance à Saint-Denis. Il y a également le risque d'une gentrification agressive, avec l'arrivée de nouveaux résidents dans le village des athlètes.
De plus, il y a le risque que cela perpétue un modèle de ville largement financé par le secteur privé (le village des athlètes représentant un investissement de 2 milliards d'euros, dont 78% proviennent du secteur privé). C'est une ville coproduite par l'État et des investisseurs immobiliers, avec l'objectif de réaliser des profits à long terme. Cela représente une extension du capitalisme urbain. Le risque est que, malgré les discours vantant ce quartier comme une vitrine du savoir-faire français en matière d'urbanisme, cela perpétue également un rythme effréné de construction de quartiers. La métropole parisienne est entourée de nombreux terrains vagues, et si ce modèle se généralise, cela pourrait poser des problèmes démocratiques, sociaux et environnementaux. C'est une hypothèse à prendre en considération.
*
Propos recueillis par Marion Beauvalet et Louis Hardy.
Notes
[1] Jade Lindgaard, À l'Île-Saint-Denis : « Ils ne veulent pas voir nos visages pendant les JO », Mediapart, 26 juillet 2023.
[2] Anne CLERVAL, Laure WOJCIK, Les naufragés du Grand Paris Express, Paris, La Découverte, 2024.
[3] « Ces JO 2030 ne sont ni souhaitables ni tenables », Politis, 6 mars 2024.
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Barcelone, Berlin, Amsterdam... : le mouvement étudiant pro-Palestine s’étend en Europe

Après plusieurs semaines de mobilisation étudiante aux États-Unis, et face à l'offensive israélienne sur Rafah, le soutien à la Palestine se développe dans de nombreuses universités en Europe. En réponse, les gouvernements opèrent un saut dans la criminalisation du mouvement.
9 mai 2024 | tiré du site de Révolution permanente | Crédit photo : La Izquierda Diario
https://www.revolutionpermanente.fr/Barcelone-Berlin-Amsterdam-le-mouvement-etudiant-pro-Palestine-s-etend-en-Europe
Alors qu'Israël franchit une nouvelle étape dans son projet génocidaireavec l'offensive contre Rafah, la mobilisation étudiante de soutien à la Palestine progresse dans les universités d'Europe.
Dans l'État Espagnol, l'Université de Valence entame ce jeudi 9 mai son 11ème jour de mobilisation. Premier campus mobilisé contre le génocide en cours à Gaza sur le territoire, et l'un des premiers en Europe, le mouvement étudiant, qui revendique un cessez-le-feu immédiat et la fin des partenariats avec les universités israéliennes ainsi qu'avec toutes les entreprises espagnoles qui entretiennent des relations avec l'État d'Israël, a reçu le soutien de nombreux syndicats et collectifs pro-Palestine.
Même son de cloche du côté de Madrid, où le 7 mai, des centaines d'étudiants ont déferlé dans la rue pour dénoncer l'offensive à Rafah. L'occasion pour les manifestants de dénoncer l'utilisation de la « loi bâillon » pour criminaliser et réprimer le mouvement de solidarité avec la Palestine, qui n'est pas sans rappeler en France la multiplications des convocations pour « apologie du terrorisme » des soutiens du peuple palestinien.
https://twitter.com/i/status/1787926864310219101
A l'université de Barcelone, les étudiants ayant installé un campement sur le campus le 7 mai défendent les mêmes revendications : « Nous espérons que les directions universitaires ne vont pas agir comme elles l'ont fait ailleurs dans le monde. Et nous revendiquons la fin des partenariats avec l'État d'Israël » explique ainsi Pablo Castilla, militant à Contra Corriente (organisation sœur de Révolution Permanente). Sous la pression de la mobilisation étudiante et du rassemblement qui avait lieu pendant le conseil de l'université, la présidence a approuvé ce jeudi une motion appelant à un « positionnement urgent de l'Université de Barcelone sur le génocide et une interruption des liens académiques et économiques avec l'État sioniste »..
Au total, dans l'État Espagnol, la mobilisation étudiante contre le génocide à Gaza s'est déployé dans une douzaine de villes. Comme le rapporte la Izquierda Diario, le mouvement devrait encore s'étendre puisque les universités de Séville, Grenade, Malaga ou encore Alicante ont l'intention de rejoindre la mobilisation dans les jours à venir.
En Allemagne, les universités de Münster ou encore de Brême sont également mobilisées en soutien à la Palestine. A Berlin, une centaine d'étudiants de la Freien Universität ont tenté d'occuper leur campus ce mardi 7 mai, en défendant notamment « la reconnaissance et le renforcement de l'étude de l'histoire coloniale allemande ». En réponse, la présidence de l'université a immédiatement fat appel à la police qui a violemment expulsé les manifestants et a procédé à de nombreuses interpellations..
Quelques jours plus tôt, la ministre fédérale de l'Education avait appelé les universités à agir fermement contre le prétendu « antisémitisme » des manifestations pro-palestiniennes. Une rhétorique qui vise à criminaliser les mobilisations étudiantes, partagée par la ministre de l'Enseignement Supérieur française Sylvie Retailleau, qui a récemment sommé les présidences d'université à utiliser « l'étendue la plus complète de leurs pouvoirs » contre les étudiants et annoncé poursuivre en justice les étudiants interpellés à la fac de la Sorbonne mardi 7 mai.
La mobilisation étudiante gagne aussi les universités du Royaume-Uni. L'université de Warwick est occupée depuis le 26 avril, et a entraîné avec elle les facs de Newcastle, Manchester, Cambridge, Oxford, ou encore Edimbourg où plusieurs étudiants ont annoncé entamer une grève de la faim jusqu'à l'obtention d'un cessez-le-feu. Aux Pays-Bas, les étudiants mobilisés de l'Université d'Amsterdam ont eux aussi été violemment réprimés par la police, qui a utilisé un bulldozer pour détruire les barricades et a violenté de nombreux étudiants à coup de matraque et de gaz lacrymogènes. 125 personnes ont été interpellées, et l'université a ensuite été bouclée à l'aide de clôtures métalliques.
Le mouvement continue à se développer dans toutes les universités d'Europe, notamment à Helsinki en Finlande, à Copenhague au Danemark où une quarantaine de tentes ont été déployées dans l'université, ou encore à Vienne où la police a interpellé une dizaine de manifestants pro-Palestine. En Suisse également, depuis la semaine dernière, des bâtiments des universités de Genève, Zurich ou Lausanne sont occupés par des étudiants. En Belgique, l'occupation d'un bâtiment de l'Université Libre de Bruxelles se poursuit malgré les provocations de militants sionistes.
https://twitter.com/i/status/1787907443290222611
Le mouvement étudiant de solidarité avec la Palestine s'étend bel et bien partout en Europe. Lieux symboliques qui ravivent le souvenir du mouvement contre la guerre du Vietnam, les universités cristallisent désormais la dénonciation de la complicité des États impérialistes dans le génocide en cours à Gaza. Par la dénonciation des partenariats et relations qu'entretiennent les universités avec l'État d'Israël et les entreprises qui le soutiennent, les étudiants mobilisés montrent aux yeux du monde comment leurs universités participent à la militarisation, à la production d'armes et au financement de l'armée israélienne.
En réponse, les gouvernements européens accentuent la répression et la criminalisation des étudiants mobilisés, par crainte d'une extension du mouvement en dehors des murs de l'université. Face à la tentative de muselage de la solidarité avec Gaza, il s'agit au contraire d'élargir le mouvement à l'ensemble des lieux d'études mais également au monde du travail, pour mettre un stop à l'offensive autoritaire à l'œuvre partout en Europe et défendre le droit de soutenir la Palestine au moment où le génocide pourrait s'accélérer.
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A propos des élections européennes

Présentation
Comme annoncé dans notre publication du 6 avril dernier, nous avons ouvert la discussion sur les élections européennes du 9 juin prochain au niveau de la rédaction d'Aplutsoc. Nous n'avons donc pas encore pris de position et rien n'oblige à se priver de discussion avant d'en prendre, bien au contraire. Pour amorcer ce débat, nous commençons par une contribution de Vincent Présumey. Toutes autres contributions seront les bienvenues.
3 Mai 2024 | tiré du site Arguments pour la lutte sociale
https://aplutsoc.org/2024/05/03/a-propos-des-elections-europeennes-par-vp/
Contribution
La discussion sur les élections européennes, abordée lors de notre réunion du 1° mai, tarde à démarrer par des textes, ce qui est cependant nécessaire. A moins que l'on pense qu'il n'y a rien de nouveau et que les larges masses se contrefoutent de ce scrutin, qui, effectivement, ne porte aucune perspective permettant d'avancer vers la satisfaction de la moindre de leur revendication. Et pourtant, s'imaginer qu'elles s'en contrefoutent serait une erreur de militants blasés, ne saisissant pas les processus profonds.
Indifférence et non-participation à un scrutin ne sont pas la même chose. S'il reste assez probable, quoique non absolument certain, qu'une grande majorité va s'abstenir, c'est en raison de cette absence de perspective et du caractère antidémocratique aussi bien des institutions de la V° République que des institutions dites « européennes » issues du traité de Lisbonne. Mais cela n'empêche en rien que le souci pour la situation européenne, pour le message à la fois national et continental de ce scrutin, surdéterminé par les deux guerres en cours (Ukraine et Gaza), ainsi que la conscience d'une situation mondiale dans laquelle la réaction la plus violente, incarnée par les noms de Vladimir Poutine et de Donald Trump, voudrait barrer la route à tout avenir, soit tout à fait massif et prégnant. Le tout sous le surplomb de l'emballement climatique dont il va probablement se confirmer cette année qu'il a franchi un seuil qualitatif, non officiellement anticipé par les climatologues, depuis l'été 2023.
Macron a échoué à faire de son second mandat, démarré sur des bases précaires, le moment de la reconstitution d'une « présidence forte ». Mais il a été sauvé de l'affrontement social central au premier semestre 2023. D'où le fait que pour le monde du travail et la jeunesse, le principal enjeu réel de ce scrutin, premier scrutin national du second quinquennat, est que son illégitimité et son affaiblissement, malgré la fuite en avant autoritaire incarnée par le ministre Darmanin et par une politique visant à corseter et abrutir la jeunesse, soient confirmées et aggravées. Et c'est bien ce qui se profile.
Le problème, c'est que, l'ensemble des partis de la plus ou moins défunte NUPES ne représentant pas une alternative à Macron, car tous acceptent et protègent le cadre et le calendrier institutionnel de ce régime, c'est le RN qui semble devoir gagner le scrutin. Sa tête de liste Bardella annonce que s'il est en tête il exigera la dissolution de l'Assemblée nationale. Cela veut dire qu'il espère gagner des élections législatives, et demandera alors à être premier ministre. Il y a un an et demi, telle était la revendication de Jean-Luc Mélenchon, qui elle aussi impliquait de garder Macron à la présidence. Naturellement, Bardella est assuré, lui, que ce serait pour mener sa politique à lui, déjà largement anticipée par Macron dans sa loi « Immigration », contre la jeunesse, contre la fonction publique et l'école laïque, et dans la répression.
Le score potentiel du RN ne signifie pas qu'il y a « extrême-droitisation » en profondeur de la société – il y a radicalisation de la classe capitaliste, ce qui n'est pas la même chose – mais que le RN est parfaitement légitime, hé oui, pour prétendre diriger et rétablir la V° République dans la force de l'État, dirigée contre le monde du travail et la jeunesse. Ce parti, répétons-le car cela est souvent peu compris, est l'héritier du coup d'État colonial d'Alger du 13 mai 1958. Il est une composante organique de ce régime et il revendique à présent son droit à le diriger, en exigeant de cohabiter avec Macron avant 2027 et en pesant, ce qui n'est pas difficile, sur la politique de Macron. Le combat contre le RN est donc inséparable du combat pour que Macron et ce régime soient renversés par l'affrontement social avant 2027, qui est et doit demeurer notre perspective dans et à travers le scrutin du 9 juin prochain.
La confrontation apparente avec le RN convient à Macron et a été recherchée par lui. En revanche, le fait que la liste Renaissance soit talonnée par la liste PS et sa tête de liste Raphaël Glucksmann de Place publique (l'une des formations éthérées nées de l'effondrement du PS en 2017, avec Générations.s, Nouvelle donne, Diem-21 …), et puisse être éventuellement dépassée par elle, surtout si, à une échelle de masse, se développe ce qui a commencé – la volonté d'utiliser ce vote apparaissant comme vote utile à la fois contre Macron et contre le RN – n'a été ni prévu ni recherché par lui. Bien que, évidemment, la remise en cause du calendrier institutionnel et la recherche de l'affrontement social pour casser le cercle infernal Macron/RN avant 2027, ne soit absolument pas l'orientation ni la raison d'être de cette liste, sa relative poussée n'a rien du phénomène « bobo » fantasmé par la sociologie gauchisante. Il n'est pas nécessaire de se faire la moindre illusion sur leur orientation et sur l'absence totale de garantie sur ce qu'ils feraient d'un score élevé, pour comprendre que celui-ci constituerait un coup direct et supplémentaire porté à Macron et – du coup – au RN.
Un élément clef de leur percée, probablement le facteur initial qui a fait la différence avec les autres listes issues de la NUPES, c'est l'Ukraine. Raphaël Glucskmann est l'objet d'une campagne de haine, aux relents antisémites, de la part de LFI et de secteurs du PCF et surtout des JC, ainsi que d'une partie de ce qu'il est convenu d'appeler l' « extrême-gauche » et qui s'estime propriétaire, contre le mouvement réel de la majorité, de la révolution. Cette campagne est allée jusqu'à l'agression physique ce 1° mai à Saint-Étienne. Elle est inspirée et largement manipulée par les « organes » russes et chinois, formant le trait d'union avec ce que notre camarade d'Oakland Socialist (Californie) John Reimann a appelé la « gauche poutinienne » – l'irredressable gauche poutinienne. Mais de qui fait elle principalement le jeu ? De Macron, car c'est Macron qui serait frappé gravement si sa liste n'était même pas deuxième après le RN.
La percée possible de cette liste est bien sûr à relier au fait que J.L. Mélenchon est de moins en moins perçu comme porteur d'une perspective politique de rupture avec les gouvernements de droite de la V° République. Pendant que les courants potentiels issus de LFI et leurs têtes d'affiche, Ruffin le premier, attendent que passe le 9 juin pour voir comment dégainer, LFI s'étiole en une garde prétorienne autour du Chef, assurée surtout par le POI, et mise à fond sur la mise en scène du « génocide de Gaza » pour prétendre représenter le puissant et réel sentiment d'indignation qui parcourt la jeunesse étudiante contre le massacre en cours. Sa tête de liste Manon Aubry a à peu près disparu des radars, au profit du vieux Chef et de Rima Hassan, poursuivie par les journalistes et les magistrats comme soi-disant « apologue du terrorisme ». Il va sans dire, mais disons-le, que ces attaques du régime contre la liberté d'expression et contre la liberté politique doivent être combattues. Mais notons-bien que LFI ne souhaite pas être défendue par d'autres forces contre ces attaques, ne veut pas d'une victoire démocratique contre Macron, mais entend seulement les utiliser pour jouer les faux martyrs. De plus, le fait que Rima Hassan a manifestement, pour le moins, des relations parfaitement cordiales avec le régime d'extrême droite syrien (et n'a jamais dénoncé le plus grand massacre de Palestiniens avant celui qui se déroule en ce moment à Gaza, mené par Bachar el Assad ces dernières années) constitue un gros problème potentiel.
La jeunesse mobilisée pour la cause palestinienne, mobilisée à juste titre, ne doit pas être trompée. Quand Mélenchon écrit : « Honte à ceux qui regardent ailleurs face au génocide en cours à Gaza » – juste après avoir écrit : « L'Ukraine et la Russie doivent négocier des garanties de sécurité mutuelle. », Mélenchon ne défend pas les Gazaouis et ne leur sert en rien. C'est, là aussi, une campagne unitaire, démocratique, internationaliste, qui peut imposer un cessez-le-feu à l'armée israélienne et du même coup mettre en cause la colonisation en Cisjordanie. Pas une campagne identitaire autour du mot-fétiche « génocide » visant à interdire qu'on « regarde ailleurs », notamment vers les territoires occupés d'Ukraine. La libération conjointe des territoires occupés en Palestine et en Ukraine, voila l'objectif internationaliste, contre le gardien de l'ordre européen Mélenchon.
A l'échelle du monde, la menace de la guerre et de l'extrême-droite porte deux noms, qui sont alliés : Vladimir Poutine et Donald Trump. La plus grave accusation contre Joe Biden ou Emmanuel Macron est qu'ils leur pavent la voie, en cautionnant le massacre de Gaza et tout simplement par leur politique capitaliste. Toute lutte contre l'extrême droite, toute lutte contre la guerre, qui ne comprend pas cela, fait le lit du fascisme, et, indépendamment de l'orientation et de ce que représente R. Glucskmann, cela vient d'être démontré en France par la campagne potentiellement meurtrière de la fausse gauche poutinienne à son encontre.
VP, le 02/05/2024.
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