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Elections (Etats-Unis) : J.D. Vance, colistier de Donald Trump, et le nouveau visage de la droite américaine

Le colistier de Donald Trump est la figure de proue des nationaux-conservateurs, une mouvance dont la vision du monde diffère nettement de celle traditionnellement promue par le Parti républicain.
Tiré de Europe Solidaire Sans Frontières
23 août 2024
Par Gabriel Solans
Le choix de J.D. Vance en tant que colistier de Donald Trump à l'élection présidentielle a suscité une attaque en règle en provenance du camp démocrateà l'égard du sénateur de l'Ohio, surtout connu jusqu'ici pour son essai à succès Hillbilly Elegy, livre de mémoires publié en 2016 où il revient sur sa famille modeste rongée par les fléaux de l'Amérique rurale blanche des Appalaches. L'ouvrage, à la tonalité conservatrice (par exemple, il attribue l'essentiel de la responsabilité pour leur triste sort aux Hillbillies eux-mêmes, présentés comme peu enclins à avoir une véritable éthique du travail), est devenu un bestseller et a été adapté en film.
Bien qu'il n'apporte pas d'idées neuves et n'a que peu de productions écrites à son actif, Vance, 39 ans, devenu sénateur de l'Ohio en 2023, occupe une place de choix au sein des réseaux qui forment une nouvelle élite conservatrice au sein du Parti républicain et autour de celui-ci.
Steve Bannon – le fameux ancien conseiller de Trump vu par certains comme son éminence grise, ex-patron du site de droite radicale Breitbart News et figure centrale de la « nouvelle droite » américaine, qui vient de commencer à purger une peine de prison ferme pour son rôle dans l'insurrection du 6 janvier 2021 – voit en Vance « the St. Paul to Trump's Jesus », le converti zélé devenu un apôtre. Qui est le putatif futur vice-président des États-Unis et qu'est-ce que le « post-libéralisme » dont il se réclame ?
Une figure de proue des « nationaux-conservateurs »
S'il y a un élément évident, c'est que la nomination de J.D. Vance approfondit la rupture de Donald Trump avec l'establishment historique du Parti républicain pour forger de manière définitive un conservatisme de style plus populiste, anti-immigration et nativiste, critiquant la mondialisation et rompant avec les héritages néolibéral en économie et néo-conservateur en politique étrangère.
On assiste, avec l'alliance entre Trump et Vance, à la destruction du fusionnisme, synthèse idéologique et électorale entre libertariens économiques et conservateurs sociétaux née en 1955 avec la National Review de William Buckley et qui constituait la base du Parti républicain depuis lors.
Vance est considéré comme la figure de proue en politique du mouvement des NatCons, les « nationaux-conservateurs », créé par l'intellectuel israélo-américain Yoram Hazony après la parution de son essai de 2018 intitulé The virtue of nationalism, élu livre conservateur de l'année en 2019.
Ce courant organise chaque année une grande conférence rassemblant des intellectuels occidentaux intitulée NatCons (la première ayant eu lieu en 2019) et mise sur pied par l'Edmund Burke Foundation, think tank dirigé par Yoram Hazony. Il a pour particularité d'être très ouvert aux penseurs et acteurs politiques du Vieux continent, créant des échanges intellectuels transatlantiques entre nationaux-conservateurs européens et américains.
Les intellectuels et hommes politiques illibéraux d'Europe servent ainsi d'inspiration aux conservateurs étatsuniens pour repenser la démocratie libérale étatsunienne et créer un ordre « postlibéral », ce qui constitue une rupture majeure. Les nationaux-conservateurs sont très admiratifs de Viktor Orban. Lui-même, son conseiller Balazs Orban, mais aussi Tucker Carlson ou Giorgia Meloni furent des orateurs de marque de la conférence des Natcons. Le gouverneur de Floride Ron DeSantis, qui a déclaré la guerre au « wokisme », fut la star de l'édition de septembre 2022 de ce rassemblement, qui allait se tenir en 2023 à Londres, accueillant notamment la très anti-immigrationSuella Braverman, Home Secretary en 2022 et 2023.
Toutes ces personnalités font partie de cercles poursuivant la « révolution » de Trump dans le rapport au monde de la droite américaine, avec notamment le think tank Claremont Institute situé en Californie. La chercheuse Maya Kandel a étudié la façon dont cette galaxie cherche à « théoriser à rebours » le trumpisme, c'est-à-dire donner une forme idéologique intellectualisée aux instincts de Donald Trump.
À la dernière conférence des NatCons en date, en juillet 2024, peu avant la tentative d'assassinat qui allait viser Trump, l'un des orateurs stars a été le conseiller immigration de Trump durant sa présidence Stephen Miller. Lors de cette édition, J.D. Vance a clamé porter un nationalisme basé sur « la terre natale, pas sur des idées », assumant un tournant nativiste et « anti-cosmopolite ».
Vance, converti au catholicisme en 2019, est également proche des intellectuels catholiques de la « post-liberal right » (un terme pouvant être synonyme de droite illibérale), notamment de Patrick Deneen, avec qui il a partagé une conférence en 2023, et de Rod Dreher, autre converti au catholicisme (aujourd'hui immigré en Hongrie, séduit par Orban).
Patrick Deneen a publié un essai au titre explicite, Regime change, où il appelle à remplacer l'ensemble des élites libérales du pays. Comptant notamment dans ses rangs Adrien Vermeule, professeur de droit constitutionnel à Harvard, cette galaxie d'intellectuels catholiques considère l'Amérique en faillite, condamnée du fait même de la formation intellectuelle des Pères Fondateurs et de l'héritage des Lumières. Vermeule va jusqu'à souhaiter la mise en place d'une théocratie catholique.
Une politique étrangère « jacksonienne » anti-interventionniste
Mais c'est la politique étrangère qui aurait servi d'élément déclencheur à la conversion de J.D. Vance au trumpisme.
Début 2023, il a publié dans le Wall Street Journal un texte d'opinion en faveur de Trump alors que Ron DeSantis semblait, à ce moment-là, mieux placé pour décrocher l'investiture républicaine. La principale raison de ce ralliement à l'ex-président était l'isolationnisme prôné par celui-ci.
Sur la politique étrangère, Vance est dans la droite ligne des « Natcons » ainsi que du Claremont Institute, formé par des dissidents des néo-conservateurs qui refusaient l'idéalisme wilsonien en politique étrangère.
La Chine est perçue par cette mouvance, adepte d'une perspective dite « réaliste » des relations internationales, comme le seul ennemi des États-Unis, car le seul pouvant le menacer directement. Pour Trump comme pour les NatCons, les États-Unis doivent porter leurs efforts vers l'Asie et, par conséquent, se désengager de l'Europe – une politique dans la lignée du « pivot vers l'Asie » initié par Barack Obama.
Cet ensemble idéologique peut être qualifié de « jacksonien » selon la typologie établie par Walter Russell Mead des quatre types de politique étrangère aux États-Unis. Ce terme renvoie à la politique conduite par le président Andrew Jackson (1829-1837) considéré comme un modèle par Donald Trump. Le jacksonisme serait moins un repli sur soi qu'une défense musclée des intérêts directs étatsuniens, sans idéalisme et uniquement sur la base d'enjeux de puissance.
Sénateur depuis 2022, Vance s'est distingué en étant le chef de file au Sénat des Républicains souhaitant réduire l'aide à l'Ukraine, exhortant les Européens à accroître leur propre engagement.
Début 2022, peu après le début de l'invasion, devant la Heritage Foundation, il déclarait ne pas se sentir concerné par ce qui pourrait advenir de l'Ukraine et qualifiait la Chine de seul « real enemy » des États-Unis. J.D. Vance est évidemment favorable à l'aide à Israël et a accusé Biden d'avoir ralenti la victoire sur le Hamas.Son isolationnisme ne semble pas s'appliquer à Israël, tant pour des raisons religieuses que parce que, selon lui, l'alliance avec l'État hébreu serait profitable à l'Amérique, notamment pour la coopération technologique.
Des liens avec la mouvance NRx ou « droite tech »
Le parcours de Vance nous éclaire aussi sur les réseaux de la mouvance NRx, ou « néo-réactionnaire », terme généralement traduit en français par « droite tech ».
Ce courant est apparu dans les années 2000 au sein d'une fraction des élites de la Silicon Valley convaincues par les écrits du blogueur Curtis Yarvin (ou Mencius Moldbug sous pseudonyme). Vance a cité son projet consistant à pousser le spoil system (système permettant à tout nouveau président de remplacer un certain nombre de postes dans l'administration) jusqu'aux employés d'échelon moyen, quitte à aller à l'encontre de la Cour suprême. Yarvin est en effet à l'origine de l'expression aux accents libertariens RAGE (« Retire All Government Employees »). Selon sa formule, « Cthulhu only swims left », le monstre tentaculaire de Lovecraft symbolisant l'excès d'État qui pour lui conduirait structurellement à une politique de gauche.
Elon Musk et Peter Thielsont des soutiens de ce courant aux contours flous représenté par quelques auteurs. Ils ont en commun d'être très critiques de la démocratie libérale et de prôner un retour de l'ordre (parfois jusqu'à la monarchie), et parlent à l'occasion de différences biologiques entre groupes humains et d'inégalités naturelles. Pour eux, l'association historique entre la démocratie et le libéralisme économique est une erreur créatrice d'« entropie » (de désordre) et qui doit être corrigée pour que l'Occident soit sauvé. Toutefois, si pour les illibéraux classiques il faut refonder la démocratie en mettant au ban le libéralisme, pour la mouvance NRx il faut sauver le libéralisme de la démocratie par un régime autoritaire, ce qui semble paradoxal.
Comment ces deux visions peuvent-elles coexister ? Curtis Yarvin considère que la démocratie n'a de sens que pour faire élire celui qui mettra fin à celle-ciet espère que Trump effectuera ce travail, ou à tout le moins rapprochera le pays de cet objectif. En attendant, les réseaux se soudent pour préparer l'alternance et le nouveau stade du Parti républicain. C'est le milliardaire Peter Thiel, un des grands mécènes (et essayiste) de cette mouvance, soutien aussi de Trump, qui finance les conférences Natcons ainsi que les campagnes électorales de plusieurs sénateurs trumpistes (dont J.D. Vance, à qui il donna 15 millions de dollars, ou encore Josh Hawley notamment). C'est un membre éminent de la « Mafia PayPal » où l'on retrouve également Elon Musk.
En 2016, Vance a rejoint sa société de capital-risque, Mithril Capital Management. Thiel a permis le rapprochement de Vance avec Trump, lui qui avait auparavant compté parmi les « Never Trump ».
La Heritage Foundation, think tank conservateur historique datant de l'ère Reagan, a publié un très long texte de 900 pages intitulé sobrement Project 2025 qui donne des indices sur ce qui est souhaité par tous ces groupes. Trop radical dans ses appels à un tournant autoritaire de l'exécutif américain, il a été désavoué par Donald Trump alors que les critiques commençaient à pleuvoir. J.D. Vance, lui, semble totalement s'y retrouver…
Gabriel Solans, Doctorant en civilisation américaine, Université Paris Cité
< !—> The Conversation
P.-S.
• : The Conversation. Publié : 23 août 2024, 19:49 CEST
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l'article original.
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Des groupes de défense des droits des Latinos exhortent le ministère de la Justice à enquêter sur le procureur général du Texas pour avoir perquisitionné les domiciles des dirigeants de LULAC

Le procureur général républicain du Texas, Ken Paxton, est accusé d'utiliser son bureau pour réprimer les électeurs latinos de la League of United Latin American Citizens LULAC) - Ligue des citoyens latino-américains unis, le plus ancien groupe de défense des droits civiques des Latinos du pays, demande au ministère de la Justice d'enquêter sur Paxton à la suite d'une série de descentes de police aux domiciles de membres de LULAC, de législateurs de l'État et d'autres dirigeants communautaires dans la région de San Antonio la semaine dernière.
28 août 2024 | tiré du site de Democracy now !
https://www.democracynow.org/2024/8/28/texas_voter_suppression_ken_paxton
AMY GOODMAN : C'est Democracy Now !, democracynow.org, Le rapport sur la guerre et la paix. Je suis Amy Goodman, avec Juan González. Nous nous tournons maintenant vers le Texas, où le procureur général républicain Ken Paxton soulève des inquiétudes quant à la suppression des électeurs en ciblant le plus ancien groupe de défense des droits civiques latino-américains du pays, LULAC, la Ligue des citoyens latino-américains unis. LULAC a d'abord été fondée pour lutter contre la discrimination à l'égard des citoyens d'origine mexicaine au Texas. Il répond à une série de perquisitions aux domiciles de membres de LULAC, de législateurs de l'État et d'autres dirigeants latinos dans la région de San Antonio la semaine dernière.
S'adressant aux médias lundi, Lidia Martinez, une bénévole de longue date de LULAC, âgée de 87 ans, a décrit comment des agents armés sont arrivés à son domicile à 6 heures du matin avec un mandat pour saisir des appareils électroniques, un prélèvement d'ADN, alors qu'ils recueillaient des preuves de collecte de votes présumés et de fraude concernant l'identité.
LIDIA MARTINEZ : J'étais en chemise de nuit, et j'ai cru que c'était mon voisin d'à côté. Et je suis allé à la porte, et neuf officiers du bureau du procureur général sont entrés. Et ils avaient un mandat de perquisition, et ils m'ont dit qu'ils étaient là parce que j'avais déposé une plainte selon laquelle les personnes âgées ne recevaient pas leurs bulletins de vote par correspondance. Et j'ai dit : « Oui, je l'ai fait. » Et il a dit : « Avez-vous les noms ? » Et j'ai dit : « J'ai quelques noms. » Et ils sont entrés, et j'ai dit : « Puis-je m'habiller ? » Ils ne m'ont pas laissé faire.
Ils m'ont fait asseoir et ils ont commencé à fouiller toute ma maison – mon débarras, mon garage, ma cuisine, tout. Et après deux heures d'interrogatoire, ils m'ont emmené dehors devant tous mes voisins et tous les officiers autour de moi et... pendant une demi-heure pendant qu'ils fouillaient le salon où j'étais assis. Et au bout d'une demi-heure, ils m'ont laissé rentrer dans la maison, et ils ont continué à me poser des questions et à me poser des questions sur les membres de LULAC, en particulier. Et je leur ai dit : « Pourquoi faites-vous tous cela ? » Et il a dit : « Parce qu'il y a eu fraude. »
AMY GOODMAN : LULAC demande au ministère de la Justice d'enquêter sur le procureur général du Texas, Ken Paxton, sur les raids. Cela survient alors que ProPublica et The Texas Tribune rapportent que Paxton a également utilisé la loi sur la protection des consommateurs plus d'une douzaine de fois pour enquêter sur une série d'organisations ou de groupes principalement dirigés par des Latinos qui offrent de la nourriture et un abri aux migrant-e-s et aux demandeurs d'asile le long de la frontière. Paxton a également tenté de faire taire le groupe de défense des droits civiques FIEL à Houston, affirmant qu'il se livrait à des campagnes électorales, mais un juge a récemment rejeté ses efforts.
Tout cela survient alors que les procureurs ont accepté en mars d'abandonner les accusations de fraude en valeurs mobilières contre Paxton lui-même, ce qui lui a permis d'éviter d'être jugé s'il effectuait cent heures de travaux d'intérêt général. Ceci est distinct des allégations de corruption plus récentes auxquelles Paxton a été confronté et qui ont conduit à son procès en destitution l'année dernière, dans lequel il a été acquitté par le Sénat du Texas contrôlé par les républicains.
Pour en savoir plus, nous nous rendons à Houston, où nous sommes rejoints par Cesar Espinosa, directeur exécutif de FIEL, qui est l'acronyme espagnol de Familles d'immigrants et d'étudiants en lutte. Et à Miami, en Floride, nous sommes rejoints par Juan Proaño, PDG de LULAC, le plus grand et le plus ancien groupe de défense des droits civiques latinos aux États-Unis.
Juan, commençons par vous. Expliquez ce qui s'est passé la semaine dernière au Texas.
JUAN PROAÑO : Eh bien, bonjour, Amy. Merci de m'avoir invité.
Comme vous l'avez dit, vous savez, mardi dernier, à notre connaissance, plus de 12 mandats de perquisition ont été présentés à des dirigeants latinos, des membres de LULAC à San Antonio. Dans le cas de Lidia, comme vous venez de le décrire, huit policiers armés sont arrivés. Mais dans un autre cas, Manuel Medina, près de 40 officiers, armés d'AK-47, d'équipement SWAT, sont entrés chez lui à 6 heures du matin. Sa fille dormait sur le canapé du rez-de-chaussée, pensant que quelqu'un entrait par effraction dans la maison. Il était à l'étage avec sa femme et ses autres filles. Ils descendirent. Et ils ont été détenus, interrogés pendant plus de sept heures.
JUAN GONZÁLEZ : Et, Juan Proaño, qu'est-ce que cela vous apprend sur les efforts des responsables du Texas pour intimider les électeurs latinos ?
JUAN PROAÑO : Eh bien, je veux dire, vous savez, c'est omniprésent. Vous savez, nous avons évidemment fait beaucoup de recherches ici. Et cela n'a pas commencé la semaine dernière. Vous savez, cette enquête sur l'intégrité des élections a commencé il y a plus de deux ans, essentiellement, à ce stade, elle a également été renvoyée par un autre procureur de district républicain sans aucune preuve.
En juin, nous avons vu qu'ils ont poursuivi l'archidiocèse de Rio Grande Valley, Sœur Norma Pimentel, qui fournit aux migrants des services qui se trouvent légalement dans ce pays. Puis, le mois dernier, nous avons vu Annunciation House, qui fournit des services aux réfugiés, ainsi que FIEL, et nous avons également vu 12 autres organismes sans but lucratif qui sont passés par le même processus de perquisition et de saisie.
Du moins, d'après ce que nous avons entendu des tribunaux, c'est inconstitutionnel. En effet, le droit de la responsabilité délictuelle qu'il utilise pour, essentiellement, poursuivre des organisations à but non lucratif parce qu'elles fournissent des services aux immigrants est vraiment une discrimination flagrante.
Vous savez, nous nous attendions à ce qu'il s'en prenne à LULAC et le poursuive en justice, mais, certainement, nous avons été très surpris quand il a commencé à s'en prendre aux dirigeants latinos et aux membres réels de LULAC. Sur les 12 que nous connaissons, quatre sont membres de LULAC, trois d'entre elles sont des femmes octogénaires. Et on leur a dit de ne parler à personne après la perquisition et la saisie. Ils ont pris leurs téléphones portables. Ils ont pris leurs ordinateurs. Ils ont pris des documents. Dans le cas de Lidia, ils ont pris son calendrier, où elle conserve essentiellement tous ses rendez-vous chez le médecin, ses contacts personnels, des informations sur ses médicaments sur ordonnance. Et elle venait d'aller chez le médecin la veille et a dû y retourner pour obtenir son ordonnance. Elle s'est donc retrouvée sans aucun appareil de communication pour communiquer avec sa famille, et a dû littéralement quitter sa maison pour se rendre chez un autre membre de LULAC pour obtenir de l'aide.
AMY GOODMAN : Pouvez-vous nous parler du moment où cela s'est produit, Juan Proaño ? Pour la première fois dans l'histoire de LULAC, créé en 1929, le PAC Adelante de LULAC, le comité d'action politique, a soutenu Harris et Walz, a soutenu Kamala Harris pour être présidente. Pensez-vous qu'il y a un lien direct ? Et expliquez les différentes composantes de votre organisation.
JUAN PROAÑO : Sûr. Et merci, Amy, pour cette question. Ainsi, LULAC, pour revenir à votre question, a été fondée en 1929 à Corpus Christi. C'est l'entité que tout le monde connaît effectivement et à laquelle tout le monde se réfère communément, essentiellement, sous le nom de LULAC. Nous avons plus de 535 conseils à travers le pays. Chacun de ces conseils est constitué en société. Ils portent en fait le nom et le sceau LULAC. Nous avons plus de 240 000 membres dans les 50 États, et nous avons en fait ces 535 conseils dans 33 États et 207 villes. Nous sommes donc la plus grande organisation latino-américaine du pays.
(...)
JUAN GONZÁLEZ : Et, Juan, je voulais vous poser une question distincte également liée aux élections. Lundi, le gouverneur du Texas, Greg Abbott, a annoncé que l'État avait retiré plus d'un million de noms des listes électorales du Texas. Aujourd'hui, les purges sont courantes dans de nombreux États, mais c'est un grand nombre, et cela arrive évidemment si près des élections.
JUAN PROAÑO : oui. Je veux dire, écoutez, nous l'avons vraiment vu. Il est sorti vers 17h00. Vous savez, nous avons commencé notre campagne de plaidoyer jeudi soir. Il nous a littéralement fallu deux jours pour obtenir des informations sur le cas de Lidia et pour commencer à rassembler tous les faits pertinents à cette affaire.
Vraiment, c'est sa forme de déviation, n'est-ce pas ? C'est son effort pour dire en gros : « Écoutez, vous savez, nous avons un million de personnes qui sont sur nos listes électorales et que nous sommes en train de radier. » En fait, j'ai passé en revue ces chiffres. Plus de 467 000 d'entre eux, essentiellement, sont décédés, n'est-ce pas ? Environ 400 000 autres sont, en fait, ce qu'on appelle en mode suspendu, mais seulement 6 500 d'entre eux sont en fait ce qui est classé, en fait, comme des non-citoyens. Vous parlez donc de 0,0065 %. Moins de 1 % d'entre eux sont en fait des non-citoyens. Et seulement 1 900, soit 1/1000e de pour cent de ce million, ont réellement un historique de vote. Mais dire qu'il y a une fraude électorale systémique et une base d'électeurs dans l'État du Texas est absolument faux.
AMY GOODMAN : Juan Proaño, dans une minute, nous voulons vous interroger sur l'étude de LULAC sur le Projet 2025. Mais nous voulons faire venir Cesar Espinosa, le directeur exécutif de FIEL, - Familles d'immigrants et étudiants en lutte. César, pouvez-vous commencer par parler de ce qui s'est passé dans votre nouveau bureau, votre ancien a été détruit par un ouragan, de la tenue d'un procès contre vous par le procureur général, qui fait lui-même l'objet d'une enquête et a subi un procès en destitution, qui effectue maintenant des travaux d'intérêt général, mais il fait aussi cela ?
CESAR ESPINOSA : Eh bien, donc, malheureusement, nous avons perdu notre bureau. FIEL est ici à Houston depuis 17 ans. Et au cours des 17 dernières années, nous avons aidé de nombreux Houstoniens, quel que soit leur statut d'immigration, à se remettre de catastrophes naturelles. Donc, quelques jours seulement après le passage de l'ouragan ou un jour après le passage de l'ouragan, Beryl a frappé — excusez-moi —, je parlais à ma famille du fait que j'étais prête à retourner là-bas, prête à servir notre communauté, à servir les gens et à aider les gens à se à reprendre pied.
Malheureusement, ce n'était pas le cas. Nous avons été frappés par deux tempêtes : la première, la tempête physique de Beryl, et puis, deuxièmement, le premier jour où nous avons emménagé dans notre nouveau bâtiment, nous avons été confrontés à un procès de l'État du Texas, ce qui nous a vraiment pris au dépourvu.
AMY GOODMAN : Et que dit ce procès ? Pour quoi avez-vous été poursuivi en justice ?
CESAR ESPINOSA : Ce procès affirmait que nous faisions campagne électorale par une série de messages sur les réseaux sociaux qui ont été interprétés par le procureur général du Texas comme plaidant en faveur d'un certain parti ou de certaines questions. Mais en fin de compte, notre institution et notre travail sont basés sur l'éducation de la communauté, l'autonomisation de la communauté et l'intégration complète des membres de la communauté de tous les horizons dans la société américaine.
JUAN GONZÁLEZ : Et le procès était – le juge du comté de Harris, R.K. Sandill, a nié les efforts de Paxton ? Pourriez-vous nous parler de ce que le juge a dit ?
CESAR ESPINOSA : Eh bien, à la fin de la journée, le juge, Sandill, a déclaré que le procureur général Ken Paxton n'avait pas qualité pour agir dans cette affaire, qu'il allait trop loin. Et à la fin de la journée, l'affaire a été classée sans suite. Mais cela envoie, vraiment, des alarmes dans tout l'État du Texas à de nombreuses organisations qui essaient d'aider notre communauté qu'elles pourraient également être ciblées.
JUAN GONZÁLEZ : Et quel type de soutien avez-vous reçu à travers le Texas à la suite de cette attaque du procureur général ?
CESAR ESPINOSA : Eh bien, nous sommes vraiment submergés par l'appui de la communauté que nous avons reçu, par l'ampleur du soutien en ligne, par le nombre de personnes qui se manifestent et disent que le procureur général est allé trop loin. Vous savez, je dis toujours à ma femme de ne jamais lire les commentaires dans les articles ou des choses comme ça, mais moi-même, j'y suis allé et j'ai lu. Et ce que j'ai lu et ce que j'ai compris de tous les articles, de tout ce qui a été publié, c'est le fait que des gens de tous les horizons, de tous les côtés de l'échiquier politique, ont le sentiment que ce procureur général va beaucoup trop loin.
Et puis, dans la foulée de cela, nous entendons parler de ce que traverse LULAC. Et ce n'est qu'une chose après l'autre après l'autre. Ensuite, ils ont contesté le programme de libération conditionnelle sur place. Donc, il y a tellement de choses qu'ils font pour essayer de priver les Latinos de leurs droits, d'essayer de désillusionner les Latinos pour qu'ils ne participent pas aux élections, c'est vraiment comme si nous nageions à contre-courant ici dans l'État du Texas.
AMY GOODMAN : Alors, Juan Proaño, alors que nous écoutons ce qui est arrivé à Cesar Espinosa et que vous décrivez les raids contre vos membres, y compris à la maison d'un bénévole de LULAC âgé de 87 ans et bénévole depuis 35 ans, pouvez-vous parler de ce que vous exigez du ministère de la Justice, d'un examen de ces raids au Texas et de la façon dont les actions de Paxton s'intègrent dans l'évolution de la politique et de la démographie du Texas ?
JUAN PROAÑO : Donc, vous savez, avant tout, nous sommes solidaires de César et de FIEL. Ils font un travail absolument incroyable. Et en ce qui concerne Lidia, non seulement elle a 87 ans, Amy, mais elle est grand-mère, elle est arrière-grand-mère. Ses cinq frères ont en fait servi dans l'armée. L'un de ses frères a été tué pendant la guerre du Vietnam et a reçu la Silver Star. Ce sont des citoyens américains des États-Unis, n'est-ce pas ? Et donc, vous savez, pour nous, cela dépasse vraiment les bornes, en ce qui concerne ce que sont ces actions.
Nous avons communiqué avec le ministère de la Justice. Nous avons en fait envoyé une lettre demandant une enquête sur ces tactiques de suppression des droits des électeurs actuellement en cours au Texas. Nous continuerons à rester forts et nous organisons nos alliés, tant dans la communauté afro-américaine que dans la communauté latino-américaine. Nous allons tenir bon, et nous allons nous battre.
JUAN GONZÁLEZ : Et, Juan Proaño, pourriez-vous également parler du nouveau rapport de LULAC, « The Battle Ahead : Latino Civil Rights vs. Project 2025 » ?
JUAN PROAÑO : Bien sûr, Juan. Et je m'excuse. Il y a une partie à laquelle je n'ai pas répondu pour Amy, un peu à propos de la démographie. Ainsi, dans le dernier rapport du recensement américain publié par le Bureau du recensement, ils ont signalé l'existence de 12,1 millions de Latinos dans l'État du Texas. Pour la première fois, n'est-ce pas ? – et vraiment depuis un certain temps maintenant, les Latinos sont en fait plus nombreux que les Blancs non hispaniques, qui sont 12 millions, d'accord ? Ainsi, si l'on tient compte non seulement de la population latino-américaine de l'État du Texas, mais aussi de la population afro-américaine et asiatique, et même si l'on tient compte de deux races ou plus, la communauté minoritaire du Texas s'élève maintenant à plus de 60 %. Le Texas est et a été un État comptant une majorité formée par les minorités.. Et donc, ce grand changement démographique que vous voyez, vous savez, est répandu. Et donc, nous voyons cela, effectivement, comme des tactiques pour que les républicains restent réellement aux commandes du gouvernement au Texas. La démographie change. Ils ne vont pas pouvoir changer cela de sitôt. Et ils vont devoir s'en occuper tôt ou tard.
En ce qui concerne le Projet 2025, LULAC a publié il y a quelques semaines le premier et le seul rapport que je vois qui analyse le Projet 2025 à travers une lentille latino. De toute évidence, cela a été très largement rapporté tout au long de l'histoire. C'était évidemment très répandu dans le programme de la Convention nationale démocrate. À Chicago, nous étions là pour écouter la vice-président Harris et Walz parler de cela.
Vous savez, j'étais très inquiet, choqué, quand j'ai regardé la Convention nationale républicaine ce mardi-là et ils sont sortis avec des pancartes « déportation de masse ». Vous savez, quelqu'un y a pensé. Quelqu'un a conçu ces panneaux. Ils leur ont ordonné. Ils les ont imprimés. Ils les ont distribués à des milliers de personnes dans ce centre de congrès.
Ce n'est qu'une partie de ce qui se trouve dans le Projet 2025. Vous savez, ils parlent, en fait, de programmes qui visent effectivement les commmunautés minoitaires. Lle ministère de l'Éducation, également, veut limiter différents types de visas qui permettent d'accéder à la citoyenneté dans ce pays. C'est systémique.. Cela aurait un impact non seulement sur les communautés latino-américaines, mais aussi sur d'autres communautés d'immigrants et de minorités à travers le pays. Et pas seulement les communautés minoritaires, cela aurait un impact sur un nombre important de Blancs non hispaniques, car cela recoupe également tous les facteurs socio-économiques.
AMY GOODMAN : Nous tenons à vous remercier tous les deux d'être avec nous. Juan Proaño est PDG de LULAC. Il nous parlait de Miami, en Floride. Et Cesar Espinosa est directeur exécutif de FIEL à Houston, Families of Immigrants and Students in the Struggle.
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Comprendre la crise au Venezuela de Maduro

Pour tenter de comprendre ce qui se joue en 2024 au Venezuela de Nicolas Maduro, et pour en juger en toute connaissance de cause, il ne suffit pas de s'arrêter aux résultats des dernières élections de juillet et à la façon dont ils ont été, selon bien des probabilités, maquillés. [1] Il ne suffit pas non plus de prendre en compte la seule hostilité agressive des USA vis-à-vis de la révolution bolivarienne initiée par Hugo Chavez, ou encore de rappeler la saignée migratoire que le Venezuela a connue dans le sillage de difficultés économiques grandissantes. [2] Il ne suffit pas aussi d'évoquer l'apparente dérive autoritaire qu'il a parrainée depuis 2015 tout comme les manœuvres frauduleuses qu'il aurait entérinées pour coûte que coûte se maintenir au pouvoir.
Certes, tous ces éléments sont à prendre en compte, notamment pour dégager de possibles voies de sortie de crise au sein d'un pays déchiré par des rhétoriques de droite et de gauche fortement exacerbées. Mais ils ne sont pas suffisants. Pour parvenir à mettre les choses en perspective, il faut en même temps resituer le cas Maduro dans l'histoire et le prolongement de cette révolution bolivarienne dont il continue à se prétendre l'héritier.
Ne l'oublions pas : vouloir constituer des sociétés égalitaires dont les acteurs premiers sont les classes populaires et les mouvements sociaux en lutte, c'est là un objectif de gauche tout à la fois noble et exigeant, à fortiori dans le Sud global où les rapports de domination sont plus marqués et où le rôle de l'impérialisme américain ne trompe personne.
Or c'est précisément depuis cette perspective de gauche qu'Hugo Chavez a voulu se faire connaître, quand il a été élu en 1998 comme président du Venezuela. C'est la raison pour laquelle, au début des années 2000, la révolution bolivarienne au Venezuela a résonné —en Amérique latine, mais pas seulement !— comme étant l'expression d'un renouveau, d'une espérance, la possibilité pour la gauche latino-américaine de commencer à sortir de son attentisme, de s'extraire d'attitudes purement défensives ; repliée qu'elle avait été jusqu'à présent —dans le sillage de périodes dictatoriales ou de guerres de basse intensité particulièrement traumatisantes— sur la défense des libertés individuelles et de garanties démocratiques élémentaires.
Avec sa nouvelle constitution, ses « missions », son idée d'un socialisme du 21ième siècle, ses projets de conseils communaux, ses liens sud/sud plus égalitaires établis à travers l'Alba, [3] elle a pu enthousiasmer et faire rêver d'autant plus qu'elle paraissait appartenir à un mouvement plus vaste qu'elle-même. Car elle faisait écho au renouveau impulsé par le zapatisme mexicain du sous-commandant Marcos, ou encore paraissait se combiner au développement du mouvement altermondialiste (notamment lors des grands forums sociaux de Porto Alegre), et même un peu plus tard à l'arrivée en Équateur du gouvernement « citoyen » de Rafaël Correa comme à celle en Bolivie du gouvernement « indigène » d'Évo Morales. Une vague qui rappelait à tous et toutes, à l'encontre du néolibéralisme conquérant, qu'« un autre monde est possible »
Aussi est-ce depuis l'ensemble de cette dynamique historique que l'on peut —quand on se réclame des idéaux de la gauche— tout à la fois apprécier l'ampleur des dérives entérinées par Maduro, et découvrir les manières les plus efficaces de s'y opposer et de les dépasser. À l'instar de tout autre régime politique, celui que dirige Nicolas Maduro est le fruit d'un processus façonné par des choix d'ordre politique qui, au fil des bifurcations et alternatives qu'ils font apparaître, ne cessent de faire évoluer et transformer les rapports de force en vigueur.
Mais pour en découvrir les moments décisifs, encore faut-il pouvoir revenir à l'histoire !
1) Flash-back sur la « révolution bolivarienne »
La révolution bolivarienne [4] va commencer à se faire connaître comme telle au Venezuela, à travers l'élection d'une assemblée constituante donnant naissance dès la fin 1999 à une nouvelle constitution plus démocratique et participative que la précédente. Mais surtout, elle va se faire connaître à travers la reprise de contrôle par le gouvernement des ressources pétrolières de la PDVSA ; entreprise nationale qui fonctionnait en toute opacité et sans rendre aucun compte à son ministère de tutelle, le ministère de l'énergie et des mines. C'est ce qui provoque la première crise ouverte avec le gouvernement d'Hugo Chavez et qui débouche sur le coup d'État raté de 2002 puis sur la grève pétrolière de 2002-2003. Si la droite, le patronat et la principale centrale syndicale de travailleurs du Venezuela –appuyés en sous-main par les USA— tentent à ce moment-là de renverser Chavez, c'est avant tout en raison de la mise en application de la loi organique sur les hydrocarbures qui cherchait à tarir la source principale de corruption et d'enrichissement des élites économiques politiques et syndicales du pays. En cela, la rupture du chavisme avec le patronat et les élites du Venezuela consacre avant tout une remise en cause du fameux pacte de Punto Fijo qui existait depuis 1958 et permettait aux forces et partis qui se partageaient le pouvoir de se répartir les fruits de la rente pétrolière par le biais de la corruption et d'une association tout à fait opaque entre le monde des affaires, des personnalités politiques, des hauts fonctionnaires et des dirigeants syndicaux.
Mais malgré cette alliance anti-Chávez, le coup d'État échoue grâce, autant au soutien de certains secteurs des forces armées que de la réaction massive et rapide de larges pans des classes populaires. Les putschistes sont chassés, et Chávez comprenant que son pouvoir ne tient que grâce à cet appui populaire, lance les missions, vastes et dynamiques programmes de lutte contre la pauvreté, ancrés dans les quartiers et se substituant aux services publics défaillants, notamment dans la santé, l'éducation, le logement et la culture. Ainsi, malgré la crise économique consécutive au coup d'État et à la grève pétrolière, malgré la hausse vertigineuse du chômage et de la pauvreté qu'elle engendre, Chávez gagne le référendum révocatoire de 2004 initié par l'opposition puis est réélu triomphalement en 2006 avec 62,8% des voix.
Il y a sans doute une autre raison qui, outre les alliances anti-impérialistes qu'il ravive autour de la création de l'Alba, peut expliquer la crispation des relations qui se sont développées entre le chavisme et les élites vénézuéliennes. Il s'agit de la nature même du néolibéralisme, mode de régulation devenu si dominant en Amérique latine au tournant du millénaire, qu'il a fini par prendre un tour particulièrement dogmatique, ne tolérant aucune violation à ses règles économiques qu'il présente comme « naturelles » et indépassables, faisant dès lors du keynésianisme un ennemi à abattre coûte que coûte. Ainsi peut-on dire que ce n'est pas tant le degré de radicalité du programme de Chávez qui provoque la colère étasunienne et celle des élites économiques mondiales, que le fait même de rendre possible un horizon différent de celui qui est imposé par le « totalitarisme néolibéral ». Dès lors, la simple redistribution des richesses, comme au Venezuela via la rente pétrolière, devient un véritable... casus beli.
2) Des avancées mais aussi des inflexions
Il reste que rapidement le pouvoir chaviste va se trouver confronter à deux épreuves de taille qui vont provoquer une inflexion à la dynamique populaire qui s'était jusqu'à présent constituée dans son sillage. La première tient au fait qu'il va perdre, en 2007 et pour la première fois un vote par référendum ; celui-ci touchant à des réformes constitutionnelles visant à lui permettre de se représenter aux élections présidentielles suivantes. Mais au lieu de prendre en compte les insatisfactions qu'un tel rejet supposait –y compris dans son propre camp—, il va accentuer le mouvement de concentration du pouvoir qui commençait à se développer autour de lui, notamment à l'occasion de la création du Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV) lorsqu'il en a fait un parti gouvernemental strictement aux ordres. Il va aussi s'employer à instrumentaliser plus directement les mouvements sociaux d'origine populaire, en particulier à l'occasion de la scission opérée par les chavistes au sein du mouvement syndical pour créer une nouvelle centrale totalement inféodée au pouvoir, la centrale socialiste bolivarienne des travailleurs de la ville, de la terre et de la mer (CSBT).
La deuxième inflexion qui va avoir lieu tient aux suites de la crise économique mondiale de 2008. Sous le coup de la crise financière, plusieurs banques vénézuéliennes font faillite. Au sein du gouvernement et parmi les économistes pro-chavistes, de nombreuses voix s'élèvent pour réclamer la nationalisation du secteur bancaire et la création d'un pôle financier public. Mais le gouvernement Chavez s'y refuse, se contentant de sauver les banques en faillite. Plus grave, pour tenter de réguler cette crise qui affecte aussi la monnaie nationale, le gouvernement va réintroduire un système de parités multiples entre le bolivar et le dollar ; système qui avait déjà été utilisé au Venezuela dans les années 1980 et 1990 et était considéré comme une des causes de l'accélération de la corruption. L'entérinement de tels choix très politiques va néanmoins entrainer, dans le contexte d'alors, des conséquences majeures.
La principale est le renforcement progressif d'une « bolibourgeoisie », terme regroupant tous ceux qui ont « fait fortune » en s'adossant au pouvoir politique et en profitant d'une rente de situation, qu'ils soient entrepreneurs, militaires ou membres des administrations ou du parti au pouvoir. Cette couche sociale va s'enrichir très rapidement notamment grâce à la spéculation sur le dollar permise par la nouvelle organisation du système monétaire. Cet argent accumulé sera investi dans des entreprises diverses, d'abord commerciales et de transport, puis dans des entreprises productives, notamment liées à l'exploitation du sous-sol. Cette couche sociale nouvellement enrichie entre en concurrence avec la « bourgeoisie historique » qui, n'ayant plus le monopole de la redistribution de la rente pétrolière, se trouve désormais moins bien placée pour tirer profit de pratiques spéculatives. En même temps, elle va s'opposer aussi aux revendications populaires en voyant d'un très mauvais œil les revendications d'autogestion portées par les travailleurs, ou les velléités de contrôle des comptes des entreprises publiques exigés par les syndicats.
Cette concentration du pouvoir gouvernemental autour de la personne d'Hugo Chavez ainsi que cette naissance d'une « bolibourgeoisie » sont les deux éléments qui vont affaiblir l'élan populaire des premières années, tout comme vider de leur contenu les réformes touchant à la mise en place des conseils communaux, renforçant au passage toutes les contradictions qui taraudaient le cours de la révolution bolivarienne. Au point de conduire à une étrange schizophrénie qui deviendra d'ailleurs la marque par excellence de Nicolas Maduro quand en 2013 il succédera à Chavez atteint alors d'un grave cancer ; une schizophrénie grandissante entre la proclamation de volontés radicales, anti-impérialistes et socialistes, et la mise en application de choix économiques et politiques en tous points inverses, néolibéraux et propres au capitalisme extractiviste.
À la veille de sa mort, en 2012, Chávez lui-même dresse un bilan sévère et lucide de l'évolution du pays dans son texte El Golpe de Timón. Il propose un cours nouveau et appelle à lutter contre la corruption et la bureaucratisation tout en relançant le développement de conseils communaux, l'autogestion dans les entreprises et le développement du coopérativisme.
Il reste que toutes ces recommandations ne seront pas suivies par Nicolas Maduro. Au contraire les ministres de Chávez qui avaient travaillé sur ces réflexions critiques, sont rapidement exclus de son gouvernement puis, pour certains, du PSUV. Et, on va le voir, il s'enferrera de plus en plus dans cette schizophrénie perverse et sans issue.
3) Avec Nicolas Maduro : des politiques économiques pro-business
On s'est donc avec Nicolas Maduro, de plus en plus éloigné des idéaux et élans premiers de la révolution bolivarienne. Et pour en comprendre la portée, il n'y a rien de mieux que de passer en revue, quelques-unes des politiques qu'il a mises en place à partir de son arrivée à la présidence en 2013, en n'omettant pas de rappeler néanmoins le cadre préexistant dans lequel elles se sont déployées.
En effet, comme le fait remarquer l'économiste de gauche Manuel Sutherland, « On observe que la politique économique bolivarienne n'a rien à voir avec un changement révolutionnaire anticapitaliste ni avec aucune métamorphose des relations sociales de production. Le processus bolivarien a été plutôt une variante des politiques économiques qui dérivent de ce que l'on appelle le « rentisme pétrolier » [5].
Il ne faut pas oublier que le rentisme pétrolier a été le moteur du changement social au Venezuela, mais avec toutes les limites qu'un tel système emporte avec lui. Car si la rente des hydrocarbures a pu financer les missions sociales, la lutte contre la pauvreté, la création des universités bolivariennes, le développement de liens diplomatiques fructueux à travers l'Alba, etc., il n'y a pas eu parallèlement d'investissements substantiels permettant au Venezuela de développer sa propre production et ainsi de desserrer ses liens de dépendance avec les puissances étrangères, alors que les importations de produits manufacturés et alimentaires se sont maintenues à un rythme soutenu pour répondre à la demande intérieure grandissante. Rien d'étonnant dans cette situation à ce que les effets économiques et sociaux du blocus décrété par les USA en 2019 aient pu être à ce point catastrophiques pour la population. Et qui plus est, dans un contexte où la chute des prix du pétrole amorcée depuis 2014 avait déjà sapé les fondements d'une économie s'appuyant quasi exclusivement sur les avantages procurés par la rente pétrolière.
Ces facteurs ont d'autant plus joué que depuis 2014, le gouvernement maduriste a accéléré la politique rentiste et extractiviste ainsi que l'ouverture accrue aux capitaux privés, nationaux et étrangers. On peut penser à ce propos à la loi de novembre 2014 portant sur la création des Zones Économiques Spéciales (ZES) qui permettent d'exploiter les ressources du sous-sol ou forestières en abrogeant des droits sociaux des travailleurs mais aussi les droits liés à la préservation de la nature et des peuples indigènes. La plus emblématique est celle de l'Arc Minier de l'Orénoque dont la surface équivaut à celle du Portugal. Or, toutes ces zones, sortes de concessions livrées aux entreprises, connaissent une hausse vertigineuse des trafics, une montée en puissance des groupes armés et une dégradation des conditions de vie des populations locales.
On peut penser aussi à la loi du 28 décembre 2017 touchant à la protection des investissements étrangers qui fera dire à nombre de soutiens du chavisme qu'elle exprime la victoire du lobby néolibéral au sein du pouvoir [6]. Pour preuve les articles de loi qui permettent aux investisseurs de rapatrier leurs profits sans délai, d'être exonérés d'impôts, de voir sécuriser leurs investissements, etc.
On peut penser enfin à la loi anti blocus publiée en octobre 2020. Avec elle, ce sont désormais les entreprises publiques qui sont ciblées en permettant l'entrée de capitaux privés dans des sphères qui leur étaient réservés. Elle permet aussi de déroger aux normes légales, y compris constitutionnelles et instaure le secret total dans les décisions concernant le secteur public. Est-ce un hasard si seules les organisations et personnalités de gauche indépendante du PSUV ont critiqué et manifesté contre cette loi, provoquant même des remous au sein de la coalition gouvernementale en contraignant le Parti communiste vénézuélien (PCV) et Patrie pour tous (PPT) à prendre leurs distances avec Maduro ? [7]
Mais il y a plus symptomatique encore avec cette loi anti-blocus : depuis 2020, la restitution d'entreprises et de terres autrefois confisquées sous Chávez est devenue possible. A preuve l'emblématique centre commercial Sambil La Candeleria à Caracas qui a été restitué en 2022 aux premiers propriétaires après 14 ans d'expropriation !
Dans les campagnes, la loi anti-blocus a permis aussi à Maduro de privatiser de nombreuses terres, remises à des investisseurs venant d'Amérique latine ou des pays du Golfe. En 2022 c'est un millions d'hectares qui ont ainsi été louées à l'Iran pour développer des cultures intensives d'exportation. Des projets similaires sont en cours avec la Chine, l'Inde, l'Arabie Saoudite, etc, en sachant que ce type de projet exige l'expulsion des paysans qui s'y trouvent, et que dans la plupart des cas il y a des oppositions de la part de ces derniers qui s'affrontent aux forces de sécurité, comme dans les Etats de Barinas, Mérida, Guárico, etc.
Cette évolution « pro-business » du madurisme va se trouver confirmer lors du vote de la nouvelle loi du 30 juin 2022 sur le Zones Economiques Spéciales (ZES)... adoptée –soit dit en passant— avec le soutien de la droite, puisqu'elle « favorisera l'émergence de nouveaux entrepreneurs », comme l'a exprimé Luis Eduardo Martínez, député du parti d'opposition Action Démocratique.
En somme dès sa première élection, Maduro va accélérer le virage pro-business de la révolution bolivarienne. Plus encore, pour sceller plus solidement ses rapports avec l'armée, il va peu à peu pousser les officiers supérieurs à créer des entreprises et à prendre la direction de nombreuses entreprises dans tous les domaines. Surtout il va les encourager à créer la Compañia Anónima Militar de Industrias Minera, Petrolífera y de Gas, la CAMIMPEG, entreprise d'exploitation minière crée en 2016 et dont les profits comme l'orientation reste entièrement sous leur seul contrôle.
4) Avec Nicolas Maduro : des politiques antisociales
Il faut rappeler cependant que derrière ces choix économiques se vivent de véritables drames sociaux et humains. La crise économique qui a facilité la victoire de la droite en 2015 aux élections législatives [8], s'est répercutée jusque dans les secteurs qui pouvaient être favorables au madurisme. Trop souvent les adeptes de Maduro, notamment à l'étranger, oublient que les secteurs populaires se sont souvent mobilisés contre le régime pour réclamer des augmentations de salaire ou le simple respect des conventions collectives.
Le premier soulèvement indépendant à l'encontre du régime Maduro a eu lieu le 30 juillet 2017 dans le quartier 23 de Enero, bastion historique du chavisme, où la population est descendue dans les rues pour contester l'élection à l'Assemblée Nationale Constituante du candidat officiel alors que les votes s'étaient majoritairement portés sur un candidat de gauche dissident.
Depuis dix ans la répression accrue des mouvements sociaux, notamment durant les grèves, aurait dû alerter les secteurs de gauche qui cherchent à défendre Maduro. Au Venezuela, on ne compte plus les militants arrêtés, emprisonnés, les grèves jugées illégales dans les entreprises privées et publiques et les restrictions des droits.
Il faut d'ailleurs mettre en parallèle les lois protégeant et favorisant l'enrichissement des investisseurs (y compris étrangers), aux lois antisociales qui ont été parallèlement mises en œuvre par le gouvernement Maduro. C'est un réel choix de classe. Outre la législation sur les Zones Économiques Spéciales (ZES), il y a eu cette mesure phare contenue dans la circulaire 2792 du 11 octobre 2018 publiée par le Ministère du Pouvoir Populaire pour le Processus Social. Elle interdit la discussion autour des conventions collectives et demande de réviser les conquêtes salariales établies dans le secteur public et nationalisé. Avec la directive d'Onapre (Oficina Nacional de Presupuesto – Office National du Budget) de mars 2022 qui élargit ce dispositif, on réalise qu'il s'agit d'un véritable retour en arrière notamment en violant l'article 89 de la Constitution de 1999 qui stipule que « Aucune loi ne pourra établir des dispositions qui altèrent, l'intangibilité et la progressivité des droits et acquis des travailleurs ».
D'ailleurs les réactions populaires ont été massives avec des dizaines de milliers de travailleurs qui, en 2022, sont descendus dans les rues des différentes villes du pays, malgré l'absence remarquée de la CBST (centrale syndicale majoritaire, liée au pouvoir). Selon les travailleurs eux-mêmes, les salaires peuvent être amputés jusqu'à 70% de leur montant, annulant du coup toutes les conquêtes sociales antérieures ! Rien d'étonnant à ce que le nombre de conflits sociaux ait explosé avec 3 942 conflits recensés durant le premier semestre 2022 dont 1642 autour de la seule question des droits des salariés.
Mais outre la question de la restriction des droits sociaux, les conséquences induites par ces directives du pouvoir ont des conséquences graves sur les salaires déjà rongés par l'inflation. C'est ce qui explique le maintien d'un haut niveau de conflictualité sociale. Par exemple, en janvier 2023 ont éclaté de nombreuses grèves dans tout le pays autour de la question salariale. L'entreprise publique de métallurgie la Sidor a fait grève en juin et juillet 2023, et ses travailleurs ont été rejoints par d'autres secteurs. A Caracas et dans tout le pays, ce sont les enseignants qui ont mobilisé autour du slogan « nous ne voulons pas des bons, nous voulons des salaires dignes » avec des travailleurs de la santé et de l'administration, et le 23 janvier 2023 des milliers de manifestants ont parcouru les rues de Caracas, et cela sans aucun soutien de la droite. Seul le PCV et les organisations de la gauche non chavistes ont soutenu ce mouvement, autre preuve que le mécontentement de la population ne se réduit pas à un complot de la droite fomenté avec les USA.
L'Observatoire de la Conflictualité Sociale rapporte que la plupart des conflits sociaux portent principalement sur les augmentations de salaire, le respect des conventions collectives et le droit au logement. Ce n'est pas un hasard non plus si le plus grand nombre de conflits (294 sur 2 383) ont lieu dans l'État de Bolivar, État où se situe la plus grosse partie de la Zone Économique Spéciale (ZES) de l'Arc Minier de l'Orénoque, dénoncée à de multiples reprises comme une zone de non-droit pour ses travailleurs et ses habitants.
C'est cette attaque frontale contre les travailleurs qui a permis, malgré la répression très présente, l'émergence d'une plateforme de lutte appelée « l'Autre Campagne », regroupant une bonne vingtaine d'organisations politiques, syndicales et de droits humains, ainsi que des dizaines de militants et intellectuels. À l'instar de nombreux autres collectifs de travailleurs et de quartier, elle s'est créée comme un mouvement de défense des droits des travailleurs, appelant à la lutte sociale et cela quel, quel que soit le vainqueur de l'élection présidentielle du 28 juillet.
Mais si on peut noter que, loin des déclarations officielles du discours chaviste, la question sociale n'est pas mieux traitée au Venezuela que dans d'autres pays capitalistes, une caractéristique de ce régime est néanmoins d'adopter un point de vue non progressiste, voire réactionnaire sur les questions des droits des femmes ou des personnes LGBTQ+.
En ce qui concerne ces dernières, la Constitution interdit toute discrimination à leur égard (article 21) et plusieurs lois mentionnent le principe de la non-discrimination pour orientation sexuelle comme par exemple dans l'article 4 de la Loi Organique du Pouvoir Populaire de 2010, mais néanmoins sans que les moyens d'éviter ces discriminations soient mis en place et cela, malgré les recommandations de 2015 de la Commission Interaméricaine des droits de l'Homme. Dans ce contexte, il n'y a rien d'étonnant à ce que, ostracisés dans le pays et non protégés, deux dirigeants de cette communauté aient pu être tout récemment (le 10 août 2024), agressés par des forces de répression. Ces vives réactions à l'encontre de la communauté LGBTQ+ sont à mettre en parallèle avec la lenteur des évolutions légales ayant cours au Venezuela concernant le mariage pour tous ou l'autorisation de l'adoption pour des couples homosexuels. En effet, depuis 2008, si la Cour Suprême de Justice a établi l'égalité des droits pour les couples homosexuels, ce principe n'a pas encore été validé par l'Assemblée nationale.
Quant aux droits des femmes, le code pénal de 2000 (donc publié sous Chávez) interdit et punit l'avortement sauf en cas de risque de décès pour la femme. Cette législation est la plus rétrograde d'Amérique du Sud avec celle du Paraguay. Pourtant de nombreuses associations féministes et de LGBTQI ont poussé pendant des années le gouvernement à faire évoluer la législation, comme en 2018 où elles ont manifesté en ce sens devant l'Assemblée nationale constituante (ANC), mais en vain.
Quant aux moyens de contraception ils ont quasiment disparu du pays, et autant comme conséquence du blocus que du caractère frileux des autorités concernant les droits des femmes [9]. Il faudra enfin attendre 2007 puis le 14 août 2014 (remplacée par la loi du 16 décembre 2021) pour que soit publiée une loi organique rappelant « le droit des femmes à une vie sans violence » mais toujours... sans les moyens nécessaires à son application.
Aussi si l'on peut dire qu'il y a eu au Venezuela certaines avancées sur les droits des femmes et des personnes LGBTQ+, il faut noter qu'elles ont été bien moindre que celles obtenues dans d'autres pays dans le sillage des mobilisations sociales ayant secoué l'Amérique latine depuis une vingtaine d'années.
5) Avec Nicolas Maduro : toujours moins de droits démocratiques
Devant cette fronde sociale qui secoue sa propre base électorale, le gouvernement va utiliser deux outils majeurs pour tenter de la mater.
Le premier outil renvoie à la « loi sur la haine », votée le 8 novembre 2017. Suffisamment vague pour que toutes les interprétations soient possibles les peines encourues sous son égide peuvent aller jusqu'à 20 ans de prison. Les médias en sont la cible première, de même que les organisations de droits humains. Mais cette loi est aussi appliquée contre des grévistes, avec bien souvent la complicité des patrons des entreprises concernées. Récemment en août 2024, à la PDVSA il y a eu des dizaines de licenciements de travailleurs qui avaient osé afficher publiquement leur soutien à l'opposition, à la télévision ou dans le métro de Caracas. Les syndicats ont alerté de cette situation et condamné ces licenciements.
Le deuxième outil renvoie à la « loi contre le fascisme, le néofascisme et les expressions similaires », votée en première lecture le 2 avril 2024, et permettant la légalisation de la répression de toute contestation. Avec des articles où le fascisme est assimilé au dénigrement de la démocratie, de ses institutions et des valeurs républicaines, il est désormais question dans l'article 12 d'interdire réunions et manifestations, partis et organisations sociales qui promeuvent le fascisme. La suppression des droits et garanties constitutionnelles vise les organisations mais son article 28 prévoit aussi la fermeture de médias visés par cette loi. Dans un pays où le président nomme fascisme toute contestation, en particulier depuis les élections présidentielles du 28 juillet, cette loi permet dans les faits de museler toute opposition. [10]
Il est intéressant à ce propos de regarder comment la gauche politique a été une des cibles privilégiées des politiques répressives du régime maduriste. On le sait : afin d'empêcher les partis d'opposition de présenter des candidatures alternatives et de leur interdire d'exister comme partis critiques, le Tribunal Suprême de Justice a contesté, par des jugements successifs, particulièrement en 2020, les directions élues des partis politiques d'opposition vénézuéliens. Cela a concerné la plupart des partis, notamment à gauche le Mouvement Électoral Populaire (MEP), Patrie pour tous (PPT) et Tupamaro. Puis ce fut au tour du PCV (Parti Communiste du Venezuela) de connaître le même sort en 2023. La suite logique de ces jugements ce sont les scissions qu'ont connues ces partis d'opposition, entraînés à se configurer en deux groupes opposés : celui décidé par les militants et celui imposé par le Tribunal Suprême de Justice (TSJ.). Ce qui a permis à une partie de « l'opposition » « réformée par le TSJ » de participer aux processus électoraux, notamment lors des dernières élections législatives de 2020 et régionales de 2021. Pour les élections présidentielles de 2024, les secteurs des partis politiques de droite ad-hoc se sont répartis derrière plusieurs candidats, divisant plus encore les forces de l'opposition. Quant au PCV historique, interdit de candidature, il a choisi de participer à la campagne électorale en s'alignant derrière le candidat officiel, Enrique Marquez.
6) Quelles interrogations à gauche ?
L'expérience de la révolution bolivarienne ne peut qu'interroger la gauche, toutes tendances confondues. Car elle renvoie à une tentative politique de transformation sociale de gauche qui, à son heure, a soulevé d'immenses espoirs, et surtout se situait dans le sillage de toutes ces volontés d'émancipation sociales et politiques qui ne cessent de hanter l'Amérique latine depuis des décennies. On doit donc pouvoir s'y attarder avec attention, pour en tirer toutes les leçons possibles.
En ce sens, une bonne partie de la gauche pro Maduro oublie que les régimes peuvent évoluer, se transformer, comme l'histoire nous l'a montré depuis la révolution russe de 1917. Les afficionados du madurisme ne font aucune lecture dynamique du Venezuela. Ils appuient Maduro en se fondant sur une fausse identification entre le régime actuel et l'engouement populaire provoqué par la mise en place des missions, notamment entre 2003 et 2006. C'est ne pas comprendre que le régime a changé, et que les choix politiques d'hier comme ceux d'aujourd'hui, ont modifié et continuent à modifier en profondeur la nature même de ce processus.
Cette cécité est facilitée par la réduction de la crise actuelle à un simple conflit géopolitique, oubliant les transformations profondes des rapports de classe au sein du Venezuela. On oublie ainsi que –dans les faits— l'actuel bloc social au pouvoir sous l'égide de Nicolas Maduro représente d'abord les intérêts de la bolibourgeoisie, avec son lot de corruption et d'autoritarisme. C'est passer aussi sous silence que la gauche chaviste a été largement exclue des arcanes du pouvoir politique depuis plus de dix ans.
Autrement, comment s'étonner que dès le soir des élections et juste après les déclarations officielles proclamant la victoire de Maduro, les premières manifestations qui ont eu lieu, ont été celles lancées dans les quartiers populaires, notamment à Catia, bastion chaviste situé dans l'est de Caracas et cela, avant même la déclaration du candidat de droite dénonçant la fraude électorale ?
On ne doit pas oublier aussi que la gauche non maduriste a été frappée par la répression, dans les entreprises mais aussi sur le terrain directement politique. S'il n'est pas étonnant que les médias occidentaux défendent exclusivement la droite vénézuélienne, il est malheureux que la gauche pro-Maduro ait la mémoire sélective et adopte cette vision tronquée des choses, réduisant l'opposition à Maduro, à celle qui promeut des valeurs de droite. Si on ne peut nier que les États-Unis et l'Union-Européenne ont choisi de soutenir l'opposition de droite à l'encontre de Maduro, on ne peut pas nier non plus que Maduro a choisi l'appareil d'État, ses tribunaux, son armée et ses forces de répression, contre la gauche et les revendications populaires dont elle cherche à se faire l'écho.
La question qu'il reste donc à se poser, c'est de savoir pourquoi une partie de la gauche internationale ne se positionne qu'en fonction des déclarations officielles des dirigeants, sans tenir compte de la réalité sociale et politique « en bas » ?
La raison fondamentale tient à l'absence de réflexion approfondie menée par une grande partie de la gauche « progressiste » sur la différence essentielle existant entre d'une part gagner des élections et accéder au pouvoir gouvernemental, et d'autre part mettre en place les bases d'un réel pouvoir populaire, d'un pouvoir participatif et démocratique issu du peuple. C'est oublier que les institutions politiques, y compris l'institution parlementaire, restent dans leur forme même –parce que conçues sur le mode d'une expertise et d'un professionnalisme rétifs à toute perspective sociale— des outils tendant à exclure les classes populaires de l'exercice de la politique. C'est cette réflexion qui devrait animer les analystes de gauche et les conduire à se demander pourquoi le pouvoir chaviste puis maduriste n'a-t-il pas remis en cause le pouvoir des classes bourgeoises au pouvoir ?
Or le régime bolivarien, malgré quelques avancées dans la constitution de 1999, a repris le gros des codes institutionnels de la démocratie bourgeoise. Il y a eu quelques tentatives de les dépasser en créant les conseils communaux. Mais cela ne résultait pas d'une réflexion stratégique sur la création d'un nouveau pouvoir véritablement alternatif, ces conseils ne disposant pas du pouvoir de légiférer et ne décidant pas du budget qui leur revenait. Cette création découlait avant tout d'une volonté de l'exécutif de contourner les conseils municipaux de droite et de maintenir un tissu militant au plus près du terrain.
Il faut le rappeler aussi : le régime chaviste n'a jamais remis en cause les règles de propriété et le pouvoir économique de la bourgeoisie vénézuélienne. Il suffit de se rappeler qu'à la mort de Chavez en 2013, le secteur privé avait conservé le même poids majoritaire qu'avant son accession au pouvoir en 1998. Quant au nouveau Code du Travail édicté en 2012, il a maintenu l'essentiel des règles du pouvoir au sein des entreprises ce qui a permis, le moment venu, au pouvoir patronal de violer allègrement les conventions collectives, obligeant les travailleurs à lutter, à se mettre en grève pour obtenir parfois le simple respect de la loi.
7) Qu'en est-il des élections présidentielles ?
Depuis 1998 et jusqu'en 2015, les observateurs internationaux, en particulier la Fondation Carter, ont considéré qu'il n'y avait pas eu d'irrégularités dans les processus électoraux au Venezuela. L'organisation des élections avec une double comptabilisation, dans les bureaux de vote et à l'échelle nationale, partagée entre les différents candidats permettait de relever les anomalies éventuelles. Ce système a été jugé comme un des plus fiables au monde.
Depuis le 30 juillet 2017, lors de l'élection à l'Assemblée Nationale Constituante (ANC), de nombreuses irrégularités ont été détectées, y compris par la fondation Carter mais rarement au point d'inverser les résultats en jeu, en partie en raison de la politique de boycott menée par la droite pendant de nombreuses élections après 2015. [11]
Après les élections législatives de 2015, on peut dire cependant qu'il y a une rupture avec la période précédente en ce qui concerne le respect des droits démocratiques. Le pouvoir a contourné la nouvelle Assemblée Nationale en créant en 2017 et de toute pièce une Assemblée Nationale Constituante qui n'a eu de constituante que le nom, puisque son travail a consisté dans les faits à voter des lois proposées par l'exécutif. Cette manœuvre a mis en évidence que pour Nicolas Maduro il était hors de question à cette occasion de respecter la volonté populaire et qu'il était prêt à prendre toutes les mesures possibles pour conserver l'entièreté du pouvoir.
Quand tout est fait pour empêcher les oppositions de s'exprimer et de présenter les candidats de leur choix, il n'est pas étonnant qu'au minimum s'impose un soupçon sur la loyauté du processus électoral. On comprendra donc aisément qu'aux élections de juillet 2024 toutes les oppositions, de droite comme de gauche, aient pu réclamer la transparence et la publication des résultats ainsi que la loi l'y oblige.
Dans ce climat de répression comme de crise économique fortement accentuée par le blocus, la droite a surfé sur le mécontentement réel de la population qui a vu s'effondrer les salaires réels, flamber les prix, chuter l'offre de logements, etc. Bien qu'ultralibérale, la véritable dirigeante de l'opposition Maria Corina Machado, a été prudente dans son programme électoral, reprenant même quelques revendications sociales qui –il est vrai— étaient masquées par sa dénonciation de « la dictature maduriste » et de la corruption ainsi que par la nouvelle orientation économique qu'elle prônait.
Pourtant la droite vénézuélienne n'a pas de légitimité particulière en matière de promotion des droits démocratiques. N'est-ce pas elle qui a été derrière le coup d'État raté de 2002, les boycotts d'élections, les tentatives de coup d'État et de déstabilisation orchestrées par Juan Guaido en 2019, l'instrumentalisation de groupes paramilitaires colombiens agissant au Venezuela ? Ce ne sont donc pas ces coups d'éclat qui expliquent les votes qu'elle a engrangés. C'est avant tout la dérive autoritaire du régime maduriste qui pousse ceux et celles aspirant à un régime plus démocratique, vers le soutien direct ou indirect à l'opposition majoritairement de droite. Avec en toile de fond, le fait que l'opposition de gauche a été laminée par Maduro et ne bénéficie pas des soutiens matériels qui font à l'inverse toute la force de la droite. On retrouve malheureusement ces ralliements autour de la droite, dans des ONG qui défendent les droits humains, chez de nombreux intellectuels, voire même chez d'anciens ministres de Chávez.
C'est pour cela que la création d'un pôle regroupant les forces de gauche, indépendant du pouvoir et de la droite est indispensable. Un premier pas a été réalisé avec la création du FREDEPO (Front Démocratique Populaire) début août 2024. Une course de vitesse est désormais lancée entre la nécessaire recomposition politique à gauche au Venezuela et la dérive autoritaire du pouvoir qui s'accélère pour contester à la droite la légitimité de représenter le peuple vénézuélien.
En conclusion
Ces quelques éléments de mise en perspective visent essentiellement à participer à la discussion sur la portée de la révolution bolivarienne, en tentant d'aller au-delà des faux-semblants et des débats superficiels, en tentant aussi de replacer l'ensemble de ces questions dans une perspective historique, dans cette longue marche de la gauche latino-américaine pour parvenir à faire naître des sociétés plus égalitaires et émancipées de toutes les tutelles économiques, politiques, culturelles qui pèsent sur elles.
En ce sens ce texte se permet de remettre en cause de manière privilégiée les approches campistes de gauche qui traditionnellement sont très présentes en Amérique latine et dont l'influence provient pour une bonne part du rôle géopolitique de premier plan que joue l'impérialisme américain dans ce sous-continent. Il questionne cependant aussi les courants de gauche qui, tout en mettant en évidence avec raison l'importance des luttes féministes, antiracistes et décoloniales, tendent à oublier que ces dernières ne peuvent s'approfondir qu'en reprenant à leur compte une stratégie politique globalisante questionnant en même temps la toute-puissance du capitalisme néolibéral contemporain. C'est sur cette dimension que nous avons voulu mettre l'accent dans ce texte.
Derrière la question des caractéristiques et de l'avenir du régime de Nicolas Maduro, il n'y a pas seulement celle de son autoritarisme, ou encore celle de ses manœuvres excluantes et anti-démocratiques, ou même celle du rôle déstabilisateur des USA qui l'aurait conduit –peu ou prou— à agir ainsi. Il y a beaucoup plus. Il y a la question de la portée et de l'avenir des projets socio-politiques égalitaires portés par la gauche en ce premier quart du 21ème siècle.
C'est là une raison de plus pour s'attarder avec attention sur leurs avancées, mais aussi sur leur inflexions et dérives, en ne craignant pas d'essayer de montrer là où le bât blesse, là où il aurait été possible de prendre une autre direction, là où l'on a erré, là où les rêves d'émancipation ont même fini par prendre la forme de caricatures autoritaires et cauchemardesques. N'est-ce pas ainsi qu'on pourra redonner sa force et sa dignité aux projets d'émancipation égalitaire de la gauche ? En Amérique latine bien sûr, mais pas seulement, partout au monde !
Patrick Guillaudat
Pierre Mouterde
Auteurs de : Hugo Chavez et la révolution bolivarienne, Promesses et défis d'un processus de changement social, Montréal, M éditeurs, 2012 ; Les couleurs de la révolution, la gauche à l'épreuve du pouvoir : Venezuela, Équateur, Bolivie, Un bilan à travers l'histoire, Paris, Syllepse, 2022.
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[1] Voir pour plus de détails, le sous-chapitre 7 de cet article où l'on s'arrête sur les caractéristiques du système électoral vénézuélien. En ce qui concerne les élections présidentielles du 28 juillet 2024, il y a tout lieu de penser —vu la traditionnelle fiabilité de ce système s'appuyant sur deux modes de re-comptage et le refus du gouvernement Maduro d'en fournir toutes les données à sa disposition— que les assertions de l'opposition concernant l'existence d'une fraude manifeste soient justifiées.
[2] Initiée en 2012, la phase critique de cet exode migratoire se situe en 2015. En 2019, l'on compte déjà plus de 4,5 millions de réfugiés. En 2024, le chiffre avancé le plus courant est de 7 millions.
[3] Alba : Alternativa Bolivariana para America, ou l'Alternative bolivarienne pour l'Amérique (Alba) est le non donné à série d'accords économiques, culturels et politiques passés, à l'instigation du Venezuela bolivarien, entre pays latino-américains sur une base plus égalitaire et cherchant à contrecarrer la zone le libre-échange des Amériques proposée par les USA et organisée selon les principes excluant du néolibéralisme.
[4] Terme choisi pour désigner le processus engagé suite à l'élection de Chávez à la présidence en 1998. Il renvoie bien sûr au personnage historique de Bolivar, symbolisant à sa manière les volontés révolutionnaires de luttes et d'indépendance d'une Amérique latine enfin unie.
[5] Manuel Sutherland, « La ruina de Venezuela no se debe al “socialismo” ni a la “revolución” », Nueva Sociedad, n° 274, mars-avril 2018.
[6] Luis Britto Garcia, « (…) dans le secret le plus absolu, un lobby néolibéral prépare dans la Constituante une loi Terminator de promotion et de protection des investissements, ou d'investissement étranger direct, pour octroyer à des entreprises particulières d'autres pays plus de privilèges qu'aux Vénézuélien•nes et nous ruiner » Voir sa tribune publiée par le quotidien Ultimas Noticias du 19 novembre 2017
[7] L'ancien ministre de Chávez, Victor Alvarez dans une interview du 25 octobre 2020 à la revue Tal Cual compare cette loi aux décisions prises par Boris Eltsine en Russie pour liquider et vendre les entreprises et biens publics de l'ex-URSS.
[8] Le 6 décembre 2015, la MUD (Table d'Unité Démocratique, opposition de droite) gagne les élections législatives avec 65,27% des voix et 109 députés, le PSUV (Parti Socialiste Uni du Venezuela, gouvernemental) ne recueille que 32,93% des voix et 55 députés sur les 167 que compte l'Assemblée Nationale. Pour contourner cette défaite, Maduro va créer de toute pièce une Assemblée Nationale Constituante, dont l'élection en 2017 est boycottée par la droite.
[9] Voire l'affaire Vanessa Rosales, militante pour la défense des droits sexuels à Merida, qui a été poursuivie et incarcérée le 12 octobre 2020 pour avoir fourni conseils et médicaments à une adolescente et qui voulait avorter, victime d'un viol. Malgré la mobilisation de nombreuses associations, Vanessa Rosales a été assignée à résidence en 2021.A la même époque, le violeur, pourtant sous mandat d'arrêt était toujours en liberté.
[10] Déjà, avant l'adoption de cette loi, la vice-présidente Delcy Rodriguez annonçait le 25 mars 2024 que la loi visera en priorité les personnes impliquées dans les manifestations de 2014, 2015 et 2017, les secteurs liés à l'Assemblée Nationale de 2015, ainsi que les secteurs liés au gouvernement des USA. Citation reprise dans une publication de l'ONG PROVEA du 4 avril 2024 Venezuela frente al espejo del fascismo : perspectivas de derechos humanos sobre el proyecto “Ley contra el fascismo, neofascismo y expresiones similares”. Elle confirmera cette position devant l'Assemblée Nationale le 2 avril 2024 en présentant le projet de loi.
[11] L'entreprise Smartmatic qui était chargée des machines à voter et du décompte électronique a stoppé son contrat avec le gouvernement vénézuélien après avoir découvert que le CNE avait ajouté un millions de voix au décompte réel de participation lors de cette élection à l'ANC le 30 juillet 2017. Depuis, cette entreprise a été remplacée par Ex-Clé - dont le dirigeant est lié à Delcy Rodriguez - entreprise spécialisée dans la numérisation des données d'état civil des vénézuélien.nes, les services de migration, et dont plusieurs dirigeants ont été … membres du CNE.

Immigration : Un programme restreint, une large colère

Dans une entrevue à CBC et Reuters, Marc Miller a annoncé en plein milieu de l'été, lorsqu'il est difficile de mobiliser largement pour protester, une nouvelle affligeante ? : le gouvernement libéral recule devant la montée des discours anti-immigrants et devrait examiner un programme de régularisation a minima, qui ne concernera que les travailleurs et travailleuses des secteurs de la santé et de la construction.
8 août 2024 | tiré du site du Centre des travavailleurs et travailleuses immigrants (IWC-CTI)
Encore faut-il attendre le projet qui sera déposé par Marc Miller au Conseil des ministres pour connaître comment sont définis ces secteurs d'activité, si, par exemple, le travail de soin aux domiciles des particuliers est inclus – ce qui est le cas quand on travaille pour le secteur parapublic de la Santé et des services sociaux et que l'on se rend à domicile. On verra aussi comment sont délimités les travailleurs et travailleuses éligibles ? : par exemple, faudra-t-il amener des preuves délivrées par un employeur ? Ou une auto-attestation suffira-t-elle ?
Bien des choses restent dans l'inconnu. Il serait quand même question que ces travailleuses et travailleurs aient accès à la résidence permanente – il est vrai que les pénuries de main d'œuvre dans ces secteurs sont là pour durer et que c'est l'un des principaux motifs pour y lancer un programme de régularisation, hélas, au lieu de s'engager dans la voie du respect des droits fondamentaux des personnes vivant au Canada, comme ce pays en a le devoir en regard des lois et conventions internationales.
Dans une lettre ouverte adressée à Justin Trudeau et à son ministre de l'Immigration Marc Miller, et publiée dans Le Devoir et les sept quotidiens régionaux de la Coop de l'info le 8 mai 2024, la Campagne québécoise pour la régularisation des personnes sans statut migratoire rappelait que l'objectif d'un programme de régularisation « ?ne peut se réduire à combler à court-terme des pénuries de main-d'œuvre. Il s'agit de mettre sans délai un terme aux conditions de misère, de harcèlement et de surexploitation dans lesquelles se débattent nombre de personnes sans papiers. Le programme doit assurer une vie décente à ces centaines de milliers de personnes qui sont intégrées à la société et qui aspirent à y contribuer pleinement à titre de citoyennes et de citoyens libres d'exercer leurs droits ? ».
Et lors de la conférence de presse qui s'est tenue le 25 mai 2024, quelques jours avant ce désastreux Conseil des ministres fédéraux qui a vu une partie d'entre eux refuser un programme de régularisation complet et inclusif, Imene, du comité des femmes du CTTI, soulignait ? : « ? Ne pas régulariser ces personnes qui ont perdu leur statut le plus souvent à cause des failles des politiques d'immigration, ou trier parmi elles celles qui seront régularisées, ne fera que les enfoncer encore plus profondément dans la peur et les abus. Nous ne pouvons le tolérer ? ».
Même s'il n'est pas envisageable de refuser purement et simplement le programme restreint qui risque d'être proposé, il est clair que notre mobilisation va continuer, avec tous les nombreux alliés que cette campagne pour les droits des personnes migrantes et immigrantes continue de rassembler très largement. C'est d'autant plus nécessaire qu'il s'agit aussi de s'opposer à la montée du racisme et de la xénophobie et des discours faisant des demandeuses et demandeurs d'asile et des travailleurs et travailleuses temporaires les boucs-émissaires de la crise de l'accès au logement social et abordable, et à des services publics de qualité. À peine deux ans après la fin de la pandémie, les personnes migrantes et immigrantes sont montrées du doigt alors que loin d'être les facteurs d'une crise quelconque, elles font partie des principales victimes et sont toujours aussi « ?essentielles ? » pour faire tourner ces services et nombre de secteurs d'activité. Nous avons raison d'être en colère !
Prochain rendez-vous le 14 septembre lors du week-end de mobilisation organisé par le FRAPRU pour dénoncer la confusion faite entre crise du logement et immigration. Tout au long de l'automne, nous mènerons une large campagne de sensibilisation et de mobilisation pour élargir le projet de programme de régularisation qui devrait être annoncé et pour combattre le racisme et la xénophobie sous toutes leurs formes. Et surtout, pour faire valoir que les droits des personnes migrantes et immigrantes ne sont pas négociables dans une société de justice sociale ?!
Restez à l'affût, d'autres initiatives seront prises et communiquées.
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Diriger par sondage est un exercice contreproductif

Le 18 août dernier, Québec solidaire procédait à un sondage adressé aux membres et aux personnes sympathisantes. Un exercice qui va à l'inverse du débat politique et d'une solidarité militante.
27 août 2024
À priori on se demande ce qui justifie la production d'un sondage identique qui s'adresse aux membres et aux sympathisantEs. On convient que même si les moyens de communication sont différents avec les personnes sympathisantes, on doit toujours prioriser les rencontres collectives. Demander aux associations de contacter les personnes sympathisantes pour discuter de l'avenir de QS est beaucoup plus positif parce que cela favorise la construction des associations locales, essentielles pour la vie et la croissance de QS.
En ce qui concerne les membres, nous avons déjà des structures de participation décisionnelles que sont les associations locales et régionales, les commissions thématiques, les réseaux militants, les collectifs. Autant de structures qui permettent de discuter collectivement et d'enrichir la politisation par le partage d'idées.
Dans cette optique ce type de sondage adressé aux membres va à contre sens du débat démocratique parce qu'il fonctionne avec une méthode de morcellement des militants et militantes, et va à l'inverse du débat politique commun et d'une solidarité militante. Particulièrement pour les progressistes, le rassemblement dans les débats est essentiel. Nous sommes inondés de propagande médiatique de plus en plus à droite et conservatrice ; pour contrer ce discours dominant, il faut se rassembler et discuter collectivement.
Le sondage de la direction de QS produit l'effet contraire et ressemble beaucoup plus à une consultation dirigée qui nous éloigne de la démocratie militante dont nous avons besoin, particulièrement pour faire face au discours de droite qui prend de plus en plus de place dans la société. Pour y faire face nous avons besoin de solidarité militante, certainement pas de morcellement.
Dans un article publié dans CAIRN INFO en 2003, sous le titre « Les sondages orientent plus qu'ils ne consultent » l'auteur expliquait que les sondages jouent un rôle politique : loin de cerner « l'opinion » des individus, ils contribuent à l'orienter. Les sondages donnent une mesure de « l'opinion » biaisée dans un sens conforme aux désirs de leurs commanditaires, d'abord parce qu'ils ne posent que certaines questions, ensuite parce que la formulation de ces dernières influe sur les réponses. La question, par exemple, peut être tronquée. Une autre technique consiste à multiplier les questions pour marginaliser celles qui sont essentielles. [1]
C'est ce qu'on peut constater dans le sondage qui nous a été soumis. On met côte à côte les revendications de justice sociale, économiques, féministes et humanitaires avec l'indépendance du Québec.
Le sondage de QS pose la question avec choix multiples. Quel enjeu politique est le plus important pour vous en ce moment ?
L'Éducation, l'égalité des genres, l'environnement et la lutte aux changements climatiques, le logement, la hausse du coût de la vie et l'économie, l'inclusion et la lutte au racisme, l'indépendance du Québec, la santé et les services sociaux, l'immigration et l'intégration des nouveaux arrivants, la langue française et la culture. Je préfère ne pas répondre.
Est-ce une volonté de neutraliser le combat pour un changement de société ? La méthodologie du sondage, en plaçant l'indépendance comme un élément parmi d'autres, le suggère, comme l'explique l'article de CAIRN INFO. L'indépendance, essentielle pour réaliser le changement social que nous revendiquons, ne peut être un élément parmi d'autres, elle est centrale dans le combat que nous menons, comme l'indique notre programme :
"En ayant la pleine maîtrise de toutes ses politiques économiques, c'est-à-dire les politiques budgétaires, fiscales, commerciales, monétaires et douanières, un Québec souverain disposera des pouvoirs requis pour mettre en œuvre un projet de société égalitaire, féministe, écologiste et solidaire. Il pourra refuser la domination économique et le pillage des ressources naturelles."
Pour bien ancrer le clou, le sondage pose les mêmes questions sous trois autres angles différents.
* Comment appréciez vous le travail du gouvernement dans la gestion des enjeux suivants ?
* Sur lequel des enjeux suivants aimeriez vous que Québec solidaire soit plus actif ?
* Parmi les enjeux suivants, lequel vous motiverait le plus à vous mobiliser ( ex. participer à une manifestation, prendre la parole sur les médias sociaux) ?
On nous demande enfin si on a une bonne, plutôt une mauvaise opinion ou si on ne connait pas…
Gabriel Nadeau-Dubois, porte-parole de Québec solidaire, Christine Labrie, Manon Massé. Dans ce cas la réponse est obligatoire. La même question est posée pour Paul St-Pierre Plamondon, François Legault, Pierre Poilievre et Justin Trudeau. On nous demande enfin pour quel parti on a voté en 2022, pour lequel on voterait maintenant, et si on est membre de QS.
Un parti politique de gauche, qui vise à changer cette société mercantile et injuste doit absolument se baser sur la mobilisation et les actions collectives. Cet exercice de sondage va à l'inverse en centralisant le pouvoir.
Le récent Conseil national à Saguenay a démontré le dérapage démocratique de la direction qui a transformé un rapport de la tournée des régions en déclaration programmatique. Nous devons nous reprendre en main, la démocratie étant essentielle pour des débats sains et surtout pour construire un rapport de force face aux discours de droite.
André Frappier
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[1] CAIRN INFO Le rôle politique des sondages, Retour sur la réforme des retraites de 2003, par Antoine Rémond - Comment les sondages fabriquent l'opinion ?

Le climat justifie une politique industrielle contre le peuple travailleur

La filière batterie entraînant le « Plan d'action 2035 » d'Hydro-Québec et encadrée par la loi 69 « pour moderniser les lois entourant l'énergie » est de facto non seulement le cœur de la politique industrielle du Québec mais l'épine dorsale de sa politique de développement économique pour la première moitié du XXIe siècle. Comble de l'absurdité, Québec n'associe aucun objectif global ou sectoriel ni échéancier de diminution des gaz à effet de serre (GES) au développement de la filière batterie malgré un investissement à terme de 30 milliards $ !
Cette filière intègre plus que jamais le Québec, tout comme le Canada qui combine la même stratégie avec la croissance de la production du gaz et du pétrole, dans le plan de mach des ÉU. L'objectif primordial étatsunien, loin de la lutte climatique, est de damer le pion à la Chine pour le contrôle du marché mondial dont la dominante génératrice de plus-value extra devient l'extractivisme vert. Non pas que cet extractivisme se substituera à celui des hydrocarbures mais qu'il s'y superposera comme au XXe siècle le pétrole s'est mondialement superposé au charbon. D'ailleurs les ÉU ne sont-ils pas devenus les premiers producteurs de pétrole
et de gaz avec le Canada qui court derrière eux ? Raison de plus pour la gauche de donner toute son importance au développement de la filière batterie et de ses suites, le plan d'action 2035 d'Hydro-Québec et le projet de loi 69 qui sera au menu de l'Assemblée nationale cet automne.
Ce sont les États-Unisdu président démocrate Joe Biden qui ont lancé la course aux plus offrants avec des centaines de milliards en subventions et des règles d'achat local afin, entre autres, de développer l'énergie verte et de promouvoir le secteur technologique américain tout en bloquant la Chine. Convaincus par cette approche, ou ne voulant simplement pas voir leurs propres entreprises désavantagées ou incitées à déménager aux États-Unis, plusieurs gouvernements, y compris au Canada, ont déployé à leur tour des politiques similaires.
Le gouvernement du Québec a emprunté la même voie pour aider à la mise en place de sa nouvelle filière batterie. Son ministre de l'Économie, Pierre Fitzgibbon, a qualifié, le mois dernier, de « naïfs » ceux qui pensent que des projets d'usines de batteries, comme ceux de Ford et de GM-Posco dans la nouvelle « Vallée de la transition énergétique », ou de cellules de batteries, comme celui de Northvolt en Montérégie, pouvaient se réaliser sans un accompagnement politique et financier des pouvoirs publics. « S'il n'y avait aucune subvention du gouvernement, il y aurait zéro dans la filière batterie au Canada. Ça serait aux États-Unis. »
L'analyste économique principal de Radio-Canada chante les louanges de la filière batterie :
Bien plus structurant qu'une cimenterie ou qu'un projet d'exploration pétrolière à l'île d'Anticosti, le projet que Northvolt vient d'annoncer sur la Rive-Sud de Montréal place le Québec parmi les grands développeurs de la filière batterie du monde. L'investissement public, souvent critiqué, est absolument nécessaire. Si on veut être un acteur de premier plan dans ce secteur, il faut impérativement et rapidement injecter des milliards de dollars.
Mais, comme l'expliquait Paolo Cerruti [PDG de Northvolt], c'est très difficile d'aller à zéro. Aujourd'hui, une batterie moyenne produite en Asie nécessite à peu près 100 kilogrammes de CO2 en émissions de la mine jusqu'au produit fini pour chaque kilowattheure de batterie produite. […] Ce que l'on fait chez Northvolt en Suède, et qu'on a l'intention de répliquer ici au Canada, c'est 50 kilogrammes de CO2 grâce à notre travail sur la chaîne d'approvisionnement et sur l'énergie, à la décarbonation de nos processus de production. Donc, on est déjà à la moitié. D'ici 2030, l'objectif est de descendre à 10 kilogrammes pour chaque kilowattheure de batterie produite.
Donc, choisir le Québec est en complète harmonie avec la vision de Northvolt. Le lithium est produit au Québec, par Nemaska et Sayona notamment, et non pas à l'autre bout du monde, où le respect des travailleurs et de l'environnement soulève généralement de grandes préoccupations.
De plus, la cathode, composante importante dans la chaîne de production vers la cellule de batterie, est aussi fabriquée ici, avec des investissements annoncés récemment chez Ford,GM et BASF au Québec. Encore une fois, Northvolt peut compter sur une production locale et éviter de dépendre des fournisseurs asiatiques.
L'entreprise compte aussi sur le recyclage des composantes et des métaux. En fait, grâce à une filière intégrée de la batterie au Québec, développée par les gouvernements du Canada et du Québec, Northvolt trouve exactement le modèle d'affaires qu'elle recherche.
En misant sur une filière batterie de premier plan, le gouvernement Legault pourrait mettre en place une grande industrie québécoise, avec une expertise québécoise, pour électrifier ses transports et ses procédés industriels, à partir d'énergies renouvelables.
En écoutant les critiques qui s'émeuvent des milliards injectés par l'État dans cette filière, le Québec serait condamné à dépendre du reste du monde pour espérer améliorer son bilan énergétique. Le choix qui est fait aujourd'hui, avec Northvolt et d'autres entreprises dans la filière batterie, est un investissement qui pourrait être névralgique pour le Québec, comme l'a été la nationalisation de l'hydroélectricité dans les années 60.
Le principal analyste politique de la Chaîne de l'État canadien y voit un grand dessein s'articulant en trois volets économico-politiques :
Se prémunir contre les futurs Trump
L'avenir de l'industrie automobile étant électrique, toutes les composantes qui traverseront la frontière chaque jour de part et d'autre seront autant d'arguments pour garder ce robinet économique ouvert. Parce que les usines de batteries de GM, Ford, Stellantis et autres Northvolt vont également alimenter les sites de fabrication aux États-Unis. Si le gouvernement américain ne souhaite plus que ses entreprises achètent les feuilles de cuivre de Solus Advanced Materials, à Granby, pour construire leurs batteries, l'autre usine la plus proche est en Chine !
La révolution à la maison
La petite révolution de la bagnole électrique sera graduellement rattrapée par celle de la maison de plus en plus autonome sur le plan énergétique. Le solaire et l'éolien sont de belles sources d'énergies renouvelables, mais elles sont intermittentes et pas toujours disponibles au moment où les consommateurs en ont besoin. Dans quoi sera stockée cette énergie en attendant le bon moment ? Dans de puissantes batteries.
Des emplois de cols bleus SVP !
Le troisième aspect sous-estimé de la naissance de la filière batterie est son apport au retour en force du secteur manufacturier en Amérique du Nord. La game a changé quand Joe Biden a décidé de reconstruire le secteur manufacturier américain, a affirmé le ministre François-Philippe Champagne. Or, sur le plan politique, les dernières années ont montré que les électeurs de la classe ouvrière sont les plus en colère, désabusés et sceptiques par rapport à leur place dans la société. Cette classe ouvrière a contribué à la progression du phénomène Donald Trump aux États-Unis, à la poussée du Brexit au Royaume-Uni, et même au convoi de la liberté à Ottawa en février 2022.
Un conjoncture en panne dépendante d'une petite transnationale européenne
On constate qu'à moins que la gauche veuille avaler cette amère pilule enrobée d'une dose dopante de sucre, elle doit se lever tôt d'autant plus que la filière batterie semble faire saliver les syndicats de cols bleus comme Unifor. La conjoncture économique se présente comme son premier allié objectif. Northvolt, le bateau-amiral de la filière, est une très petite transnationale suédoise centrée d'abord sur l'Europe au financement très fragile dans une conjoncture certes à terme prometteuse mais la réalité du moment présent est un ralentissement de la croissance des ventes de véhicules électriques. Il est bien possible que ce ralentissement soit plus que conjoncturel. Faut-il se surprendre que Northvolt ait freiné son développement sans compter que son usine québécoise n'est pas sa priorité ?
Alain Dubuc, professeur associé à HEC Montréal et membre de l'Institut du Québec, a affirmé à l'émission Le 15-18 diffusée sur ICI Première que ce revirement est une douche froide en soulignant que l'annonce de Northvolt suscite une certaine crainte du fait qu'elle montre une hiérarchie de ses usines. Selon lui, après l'usine de Suède, celle d'Allemagne est classée en deuxième position en raison de sa proximité géographique. Par conséquent, l'usine québécoise se place de toute évidence en troisième position.
Dans ce dossier, le professeur Dubuc retient le fait que le gouvernement de François Legault a un peu passé sous silence les risques liés à une entreprise balbutiante, qualifiant la présentation du projet d'enflure verbale. Pour lui, c'est très mauvais pour l'image du gouvernement qui a misé sur ce projet. Le groupe suédois réfute par ailleurs avoir voulu se développer trop vite, au détriment de la sécurité. La police suédoise enquête sur un éventuel lien entre trois décès de personnes qui étaient employées sur le premier site du fabricant de batteries.
En plus de la mauvaise conjoncture et un financement difficile, elle « perd un contrat de près de 3G$ de BMW » faute de livraison à temps car son usine suédoise, la seule en production, tarde à produire à plein rendement. On peut penser que Northvolt ne se risquera pas de s'inscrire en bourse de sitôt, elle qui voulait le faire en 2024.
Projets « mis sur pause » et annulés dans la « Vallée de la transition énergétique »
Du côté des transnationales s'installant dans la « Vallée de la transition énergétique », essentiellement dans le parc industriel de Bécancour, si la construction de l'usine de cathodes de GM avec la sud-coréenne Posco semble aller bon train, il n'en va pas de même pour celle de Ford avec la sud-coréenne EcoPro-BM qui s'est mise en pause technique pour une deuxième fois au début août. Cette « pause » pourrait être plus longue quand on sait que « [l]e constructeur américain Ford a annoncé jeudi le décalage de deux ans du lancement de ses nouveaux modèles de VUS électriques devant être fabriqués au Canada, arguant vouloir profiter des dernières avancées en matière de batteries. Ces véhicules devaient arriver sur le marché en 2025, mais le groupe a décidé, selon un communiqué, de « reprogrammer » leur lancement à 2027. »
Si en amont, la transnationale brésilienne Valle a débuté la construction de son usine de traitement de nickel pour approvisionner GM-Posco, la transnationale allemande BASF a abandonné son projet d'usine de cathodes tout comme la sudcoréenne Volta Energy a interrompu en juillet la construction de son usine de feuilles de cuivre pour batteries à Granby. Pour tout dire, « [à] la Société du parc industriel de Bécancour, on observe qu'un bon nombre de grands constructeurs automobiles sont venus faire leur tour sans décider de s'implanter, à l'exception de Ford et de GM-POSCO… » Malgré que la japonaise Honda ait décidé de construire en Ontario son usine de fabrication de batteries à côté de son usine d'assemblage de véhicules, Québec ne désespère pas que l'entreprise construise à Bécancour son usine de cathodes quitte à lui céder son investissement dans la minière Nemaska Lithium.
Même la moyenne entreprise québécoise Lion électrique qui transforme des camions et autobus scolaires à l'énergie électrique doit congédier des centaines de ses employés apparemment faute de subvention fédérale qui n'est pas au rendezvous malgré le soutien de Québec à ce rare fleuron national au sein de la filière batterie. D'autres projets plus fantaisistes, comme celui de TES Canada, ne sont sans doute pas viables.
Des mines de lithium au nord et de graphite au sud fleurtant avec la banqueroute
Si la mauvaise conjoncture ébranle la petite transnationale suédoise et compromet les projets des transnationales étatsuniennes et de leurs partenaires sudcoréennes, elle met en cause l'existence même des minières du lithium et du graphite. « L'exploration minière visant des gisements de graphite, de lithium et de terres rares a atteint un sommet au Québec en 2022, selon un rapport de l'Institut de la statistique du Québec » quoique que l'or y demeure la reine de l'exploitation minière. Le lithium domine dont les gisements en Abitibi mais surtout ceux en territoire crie (L'Eeyou Istchee). « Il y a actuellement près de 400 projets d'exploration minière dans la région de l'Eeyou Istchee, le territoire traditionnel des Cris de la Baie-James, où vivent environ 20 000 Cris répartis dans neuf communautés. Chisasibi est la plus grande. »

Source : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2014095/mines-metaux-lithium-winsome-valdor
N'empêche que la nouvelle conjoncture a passé par là. « Les prix de plusieurs minéraux critiques et stratégiques — notamment produits au Québec — affichent des reculs importants sur les marchés depuis le début de 2023, dont le lithium, le nickel et le graphite. » « Les mineurs occidentaux font pression pour que les prix des métaux augmentent afin d'écarter les rivaux chinois » qui produisent la majorité de ces métaux.
Sayona
La mine North American Lithium près de Val-d'Or, au Québec (anciennement la mine Québec Lithium), a atteint la production commerciale au début de 2018 et expédiait du concentré de spodumène à des raffineries en Chine pour le transformer en carbonate de lithium. Face à la brusque chute des prix des produits à base de lithium et du concentré de spodumène plus tard dans l'année, North American Lithium a suspendu sa production en 2019 et s'est placée sous la protection de la loi sur les faillites. Elle a été rachetée par Sayona Québec dans le cadre d'une coentreprise de Sayona Mining (Australie) et Piedmont Lithium (ÉtatsUnis) en 2021. La mine a commencé une production limitée de concentré de lithium en mars 2023, visant une production commerciale complète au troisième trimestre de 2023. Les nouveaux propriétaires prévoient également de construire une raffinerie d'hydroxyde de lithium ou de carbonate de lithium.
L'action de Sayona Mining, une compagnie australienne derrière plusieurs projets de mines de lithium au Québec, a perdu près de 30 % de sa valeur jeudi. Cette chute survient après que le principal actionnaire de la compagnie, Piedmont Lithium, a mis en vente la totalité de ses actions dans l'entreprise. Elle se départit ainsi d'actions d'une valeur d'environ 52 millions de dollars canadiens. Par voie de communiqué, Piedmont Lithium a indiqué prendre cette décision pour « maintenir un bilan prudent ».
Depuis un an, la valeur de l'action de Sayona Mining s'est effondrée de 78 %. La filiale québécoise de Sayona Mining avait annoncé une restructuration un mois auparavant, dans le cadre d'une baisse mondiale du prix du lithium. Quinze employés ont été mis à la porte. Piedmont Lithium avait également annoncé au début février une réduction de 27 % de son personnel afin de contrôler ses dépenses. […]
Sayona détient aussi 60 % du projet Moblan et 100 % du projet de Lac-Albert, sur le territoire d'Eeyou Istchee Baie-James. La Coalition Québec meilleure mine, qui s'oppose au projet Authier puisqu'il est situé à proximité d'un esker en AbitibiTémiscamingue, a tenu à réagir par écrit aux événements boursiers de jeudi. « Cette méchante débarque prouve une fois de plus qu'il n'y a aucun risque à prendre avec une compagnie aussi fragile et volatile financièrement », a commenté le regroupement citoyen.
Cours boursier de Sayona le 15/08/24 : https://money.tmx.com/fr/quote/SYAXF:US
Nemaska
Le projet de Nemaska Lithium était prometteur. D'abord sauvé de la faillite sur le dos des petits investisseurs par Investissement Québec, il comptait sur Ford pour acheter sa production :
Après plusieurs années d'exploration et de construction, Nemaska Lithium a produit son premier concentré de spodumène à la mine de Whabouchi, au Québec, au début de 2017. L'entreprise a suspendu sa production en 2019, et la mine a été mise en état d'entretien et de maintenance. Après avoir demandé la protection de la loi sur les faillites, Nemaska a été rachetée par le groupe Pallinghurst [ enregistrée dans le paradis fiscal de l'île de Guernesey] en partenariat avec le gouvernement du Québec et s'est libérée de la protection contre les créanciers en 2020. L'entreprise prévoit redémarrer la mine et construire une raffinerie d'hydroxyde de lithium à Bécancour (Québec). Avant le démarrage de la production d'hydroxyde de lithium à l'usine Nemaska de Bécancour, au Québec, la société fournira à Ford du concentré de spodumène provenant de sa mine Whabouchi. Les travaux de construction de l'usine de conversion d'hydroxyde de lithium sont prévus pour 2023.
[L'entreprise] s'est placée sous la protection de la loi de la faillite avant d'être en partie rachetée par Investissement Québec au terme d'une aventure qui aura fait perdre des économies importantes à des dizaines de milliers de petits investisseurs. Mais Nemaska, c'est avant tout une communauté crie qui s'est construit un village isolé au cœur de la forêt boréale, à plus de 1500 kilomètres de Montréal,
Une mine de lithium dans laquelle le gouvernement du Québec a investi des sommes colossales doit entrer en production dans une communauté crie de la région Eeyou Istchee Baie-James, au nord du Québec, en 2025. Mais à Nemaska, où les installations de la mine sont en chantier, le projet divise la communauté et, selon deux anciens chefs, il n'a jamais reçu l'approbation de la population.
Nouveau Monde Graphite (NMG)
Si on se fie au cours boursier, ce n'est pas plus reluisant du côté de Nouveau Monde Graphite, le seul projet en développement côté graphite, même les ententes une fois signées, une partie du financement assurée… et un tarif préférentiel pour l'électricité sans compter la collaboration involontaire de la Chine :
La Municipalité de Saint-Michel-des-Saints et Nouveau Monde Graphite inc. (« Nouveau Monde » ou « NMG ») (TSXV ; OTCQX : NMGRF ; Francfort : NM9) cristallisent leur partenariat de développement social, économique et environnemental en signant une entente de collaboration et de partage des bénéfices dans le cadre du projet minier Matawinie.
À travers cette nouvelle entente, qui couvrira toute la durée d'exploitation commerciale de la mine, Nouveau Monde versera jusqu'à 2 % de ses flux monétaires nets après impôts à la Municipalité afin de rehausser les bénéfices et réinvestissements dans la communauté. Un versement anticipé de 400 000 $ par année précédant la période d'exploitation de la mine permettra à la Municipalité de préparer et mettre à niveau, au besoin, ses infrastructures.
Nouveau Monde versera également 1 % de ses flux monétaires nets après impôts au Fonds communauté d'avenir qui servira de catalyseur pour des projets structurants à portée sociale, économique et environnementale en HauteMatawinie.
NMG a conclu une entente cadre avec le Conseil des Attikamek de Manawan et le Conseil de la nation Attikamek en 2018 et une entente de pré-développement en 2019. Des discussions actives sont en cours pour finaliser une entente sur les répercussions et avantages.
General Motors et de Panasonic s'engagent à investir 275 millions supplémentaires, soit 125 millions pour GM et 159 millions pour Panasonic, a fait savoir Nouveau Monde Graphite. Les deux ententes d'approvisionnement représentent 85 % de la production de matériau d'anode prévue à Bécancour. La production est destinée aux usines de General Motors et de Panasonic aux États-Unis, a précisé Eric Desaulniers.
Les premières livraisons de la future usine sont prévues au début de 2027. Nouveau Monde Graphite espère pouvoir finaliser le financement de son projet d'ici la fin de l'année et commencer les travaux de construction en 2025. Nouveau Monde Graphite traitera à Bécancour le graphite extrait de sa mine de Saint-Michel-desSaints pour le transformer en matériau d'anode pour les batteries lithium-ion. L'entreprise a l'ambition d'électrifier complètement ses activités. Elle a obtenu du gouvernement du Québec un tarif d'électricité inférieur au tarif industriel ordinaire d'Hydro-Québec pour 77 mégawatts. La Chine a donné un coup de pouce à Nouveau Monde Graphite en limitant ses exportations de graphite, dont la demande est en augmentation dans le monde.

Le cours de NMG le 15/08/24 : https://www.zonebourse.com/cours/action/NOUVEAU-MONDE-GRAPHITE-IN-34837526/
Ça n'empêche pas NMG de rêver en grand :
Les projets miniers liés à la production de batteries attirent de plus en plus les investisseurs sur la Côte-Nord. Du côté de l'entreprise Nouveau Monde Graphite, la production ciblée au gisement du lac Guéret est maintenant d'environ 500 000 tonnes de concentré de graphite par an. Quant à la société Northern Graphite, elle étudie des sites pour la construction d'une usine de matériaux d'anodes pour batteries à Baie-Comeau. L'entreprise Nouveau Monde Graphite veut multiplier par presque dix fois la production annuelle de graphite avec le projet Uatnan, dont le gisement est situé au lac Guéret, à 285 kilomètres au nord de Baie-Comeau.
En 2017, les Innus de Pessamit avaient conclu une entente de coopération avec Mason Graphite puisque la mine se trouve sur le territoire ancestral de cette Première Nation. À nos yeux, il faut recommencer cette entente. Avec la communauté innue [de Pessamit], c'est un peu une page blanche. Ce n'est pas du tout le même projet. On parle d'un projet d'une ampleur dix fois plus grande, ajoute Éric Desaulniers [PDG de NMG]. Mardi, le Conseil des Innus de Pessamit n'a pas répondu aux demandes d'entrevue de Radio-Canada à ce sujet.
Et puis viendraient les mines de terres rares qui « se trouvent en très faible densité dans la roche. Pour cette raison, la production tend à produire beaucoup de déchets comparativement à l'exploitation d'autres minéraux à teneur plus élevée, selon l'analyste minier d'Eau Secours, Émile Cloutier-Brassard. »
Une filière basée sur les transnationales d'ailleurs aux dépens des PME d'ici
Cette conjoncture défavorable donnerait-elle raison à la critique de la Banque Nationale, la banque des PME, vis-à-vis la Banque de Montréal (BMO), celle des transnationales ?
Le Québec doit saisir les occasions économiques que lui procure son électricité avant d'être rattrapé, soutient le président de la BMO au Québec, Grégoire Baillargeon. Contrairement au grand patron de la Banque Nationale, le banquier voit d'un œil beaucoup plus favorable les milliards de dollars de soutien gouvernemental à la filière batterie.
En septembre 2023, Laurent Ferreira, PDG de la Banque Nationale, a vivement critiqué les milliards de dollars de subventions accordées à la filière batterie au Canada, déplorant l'attrait des entreprises étrangères au détriment du soutien aux entreprises nationales. Il a souligné que ces subventions principalement profitent aux actionnaires étrangers, ne contribuant pas suffisamment à l'économie canadienne.
De commenter le professeur Laurin de l'UQTR :
Le professeur d'économie à l'Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) Frédéric Laurin croit quant à lui que le projet va bel et bien se réaliser. Il croit toutefois que la filière batterie n'est pas nécessairement la meilleure option économique pour la région. On performe très bien économiquement actuellement et tout ça repose sur des entreprises locales qui se sont vraiment bien défendues ces dernières années et qui ont des expertises dans toutes sortes de domaines, dit-il. Selon lui, le danger c'est de mettre tous les œufs dans le même panier et de laisser de côté la diversité économique.
Ça va tuer notre base entrepreneuriale québécoise formée de PME et en particulier ici dans la région en Mauricie, au Centre-du-Québec, on est, les deux régions qui se sont le plus améliorées économiquement dans les cinq dernières années. Et ça, ce sont les PME qui ont porté cette croissance-là et donc on va tirer de l'emploi dans nos PME qui ont fait bonne figure ces dernières années… Maintenant, on est sorti de la dévitalisation économique pour revenir dans un vieux modèle de développement économique basé sur de grandes entreprises.
Les PME seraient d'autant plus lésées que « [l]e gouvernement n'a pas imposé de contenu québécois à la filière batterie. Rien n'oblige Northvolt, GM ou Ford à s'approvisionner au Québec en matières premières et en services. »
De traitement de faveur à la pollution garantie de l'eau et de l'air… sans norme
Si la conjoncture est mauvaise, le bilan environnemental de la filière batterie est désastreux. Le navire-amiral, Northvolt, a eu droit a un traitement de faveur :
L'entreprise suédoise assure qu'elle y fabriquera des batteries électriques dont l'empreinte carbone sera pratiquement nulle. Quelque 3000 emplois seront créés. Et la province se positionne comme un meneur de la filière batterie. L'ombre au tableau : le projet, dont le site, grand comme 318 terrains de football, se situera entre Saint-Basile-le-Grand et McMasterville, ne coche pas les critères pour être automatiquement soumis au processus d'évaluation du BAPE. Le règlement qui établit si la méga-usine devrait être assujettie au processus a été modifié quelques mois avant l'annonce. Le seuil déterminant de la fabrication de cathodes est passé de 50 000 à 60 000 tonnes, alors que le projet de Northvolt en prévoit 56 000.
Québec a éclipsé la recommandation des fonctionnaires. Le ministre Benoit Charette n'a pas écouté son ministère qui souhaitait un BAPE pour l'usine d'assemblage. Northvolt : Québec a retiré des arguments scientifiques de son analyse L'an dernier, le ministère de l'Environnement justifiait par la science le refus d'un projet sur le même site.
Pourtant les potentiels dégâts environnementaux se sont pas banals :
Des documents publiés en Suède détaillent les impacts environnementaux de la giga-usine de batteries suédoise qui est semblable à celle construite au Québec. Northvolt promet que les rejets dans l'air et dans l'eau seront limités, sous les normes en vigueur. Mais certaines normes n'existent pas encore chez nous.
Dans l'air, l'usine suédoise émet notamment du nickel, du cobalt, du lithium et de l'ammonium. Ce seront effectivement les mêmes produits au Québec, confirme Northvolt […] Dans l'eau, l'usine suédoise rejette du nickel, du cobalt et du lithium, entre autres. Au Québec, il n'existe actuellement aucune norme qui encadre le niveau acceptable de ces substances dans l'eau potable.
Le lithium, c'est psychoactif, ça a un effet sur le cerveau, les gens bipolaires prennent du lithium, rappelle Maryse Bouchard, spécialiste de l'exposition aux contaminants de l'environnement, à l'Institut national de la recherche scientifique (INRS). Le lithium a des effets sur la santé mentale à des concentrations assez faibles, ajoute Benoit Barbeau, professeur spécialisé en traitement de l'eau potable à Polytechnique Montréal.
Northvolt compte demander au premier trimestre 2025 l'autorisation pour les prélèvements et les rejets d'eau auprès du ministère de l'Environnement du Québec et de Pêches et Océans Canada. C'est seulement à ce moment-là que l'on connaîtra avec précision les quantités de contaminants qui seront rejetées dans l'air et dans l'eau de la rivière Richelieu. L'analyse du projet étape par étape plutôt que de façon globale, par le BAPE, agace Patrick Bonin, de Greenpeace Canada, qui rappelle que les gouvernements investissent des milliards dans Northvolt avant même que ce projet soit évalué.
Pour sa part, le président de l'Ordre des chimistes du Québec, Michel Alsayegh, s'est déclaré préoccupé par le manque de transparence et d'encadrement du projet, évoquant notamment le pompage et le rejet d'eau dans la rivière Richelieu ainsi que la gestion des matières dangereuses inhérentes aux activités de fabrication des batteries lithium-ion.
Une dissidence posant des objections de fond mais qui ne mobilise pas en masse
La critique virulente des Kanien'kehá:ka(Mohawks), dans le cadre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, vise particulièrement dans le mille :
Projet Northvolt : « Ils vendent l'environnement », dénonce un élu de Kahnawà:ke « Ils vendent l'environnement, ils vendent les zones humides ». L'affirmation de Ross Kakwirakeron Montour, tasénhaienhs (chef) à Kahnawà:ke, est aussi forte que l'opposition du conseil de bande de la communauté au projet Northvolt. À tour de rôle, Équiterre, Nature Québec et le Comité d'action citoyenne Projet Northvolt ont de nouveau fait part de leur méfiance quant à cet imposant projet en Montérégie.
Il y a une tendance du gouvernement à soustraire des projets à une évaluation environnementale et à affaiblir le BAPE […]. Cela mine la confiance du public et ne respecte pas les droits des peuples autochtones, a souligné Alice-Anne Simard, directrice générale de Nature Québec, lors d'un point de presse à Montréal, lundi. La société Northvolt est venue nous voir et s'est adressée au conseil de manière plutôt informelle. Ils ont simplement dit : "nous sommes là", a-t-il rapporté.
C'est entre autres ce qui a motivé l'administration de la communauté à lancer une poursuite contre le géant suédois en janvier. M. Montour a rappelé que le Canada s'est pourtant engagé à mettre en œuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones qui met justement l'accent sur le consentement libre et éclairé des Autochtones.
L'élu de Kahnawà:ke a aussi souligné que le gouvernement de François Legault refuse toujours d'implanter ces principes au Québec et qu'il refuse de nous reconnaître notre droit à l'autodétermination. L'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité une motion en 2019 visant à reconnaître les principes et à s'engager à négocier la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Or, une telle motion n'est pas contraignante et le premier ministre avait déclaré l'année suivante que son gouvernement refuserait de mettre en œuvre intégralement la Déclaration en invoquant l'intégrité du territoire québécois et l'économie de la province.
Pour expliquer pourquoi les Kanien'kehá:ka (Mohawks) se sentent concernés par un projet qui devrait se faire à McMasterville et Saint-Basile-le-Grand, à environ 50 km de Kahnawà:ke, M. Montour a rappelé la responsabilité qui incombe à sa nation. Nous faisons partie de cet environnement et nous devons prendre en compte l'impact de nos décisions. C'est ma responsabilité, ma responsabilité de gardien de l'environnement, et c'est mon plus grand droit.
Le bulldozage de la CAQ pour imposer Northvolt à l'encontre d'une opposition encore incapable d'une mobilisation de masse malgré maintes pétitions et rassemblements a incité une minorité (anarchiste) à lui substituer du sabotage comme des tapis à clousposés sur le chantier de l'usine ou des « objets incendiaires » tout en remettant en question le bien-fondé de l'usine :
Des internautes anonymes qui affirment être à l'origine des cinq « objets incendiaires » déposés le 5 mai sur le site de la future usine de Northvolt en Montérégie ont expliqué leurs gestes dans une publication non signée sur une page web anarchiste. Ils disent avoir mené cette action […] dans le but d'endommager les machines et de réduire la capacité du projet à se poursuivre, car ils estiment que l'entreprise suédoise, qui se présente comme un acteur de la transition verte, en est plutôt la pierre tombale.
Selon les auteurs, l'électrification des transports et le virage vers les véhicules électriques qui bénéficieront des batteries produites sur le site sont de fausses solutions, alors que le véritable problème réside dans l'expansion du parc automobile et l'appétit insatiable du Canada pour les ressources naturelles. Une exploitation des ressources, comme le lithium, qui se fait sur des territoires autochtones non cédés et qui empoisonne les écosystèmes entiers…
Une opposition politique officielle menée en bateau ou qui tergiverse
Quant aux édiles locaux, ils ont approuvé sans savoir :
Les maires de McMasterville et de Saint-Basile-le-Grand ont appuyé et défendu le projet de Northvolt, alors qu'ils ignoraient les impacts environnementaux, selon une lettre obtenue par Radio-Canada grâce à la Loi sur l'accès aux documents. « Nous sommes consternés par votre absence et votre mutisme », ont-ils écrit au ministre de l'Environnement, Benoit Charette, en quête d'informations pour rassurer leurs citoyens. […]
Pendant que les maires cherchaient des réponses et que le ministère ne les donnait pas, les médias démontraient les impacts du projetsur les milieux humides, les boisés, les espèces fauniques ainsi que la rivière Richelieu.
De leur côté, les partis politiques de l'opposition ont beau multiplié les critiques mais ne remettent pas en question le projet Northvolt :
Les partis politiques d'opposition remettent en question l'ampleur des subventions allouées, suggérant que l'argent devrait être consacré aux petites et moyennes entreprises locales. Certains leaders politiques, tels que Joël Arseneau du Parti québécois et Gabriel Nadeau-Dubois de Québec solidaire, doutent de la rentabilité du projet et mettent en avant les préoccupations liées à la pénurie de main-d'œuvre et à l'impact environnemental potentiel de l'usine.
Québec solidaire a eu beau promettre en janvier que « [l]'environnement sera une priorité parlementaire de Québec solidaire », il s'est satisfait de demander un droit d'initiative pour initier un BAPE sans exiger ni la démocratisation de sa direction et des commissions d'enquête ni l'obligation d'appliquer ses recommandations ni la tenue d'un BAPE générique sur « l'avenir énergétique du Québec » comme l'a demandé le Front commun pour la transition énergétique au début 2023… et même les Libéraux provinciaux sur la filière batterie en mars dernier. Avec le PQ et des représentants du mouvement environnemental, Québec solidaire s'est contenté de présenter en novembre 2023 un « Manifeste pour un avenir énergétique juste et viable » vague à souhait, sans revendications précises, chiffrées au besoin, et sans échéancier, qui devrait donner lieu à un débat public à la formule non précisée. Comme il fallait s'y attendre, ce manifeste de beaux principes et de généralités est tombé dans l'oubli.
Concrètement, il semble que les Solidaires se satisfassent de demander la comparution de Northvolt devant un comité de l'Assemblée nationale et « de dévoiler [leurs] documents cachés ». Côté mines, Québec solidaire se réjouit que la CAQ désormais exige un BAPE« pour tout nouveau projet de mine au Québec » et mettent certaines limites au free mining sans l'interdire, ce qu'il déplore, et sans être plus exigeant en termes de redevances et d'encadrement des claims pour protéger l'environnement et les territoires municipalisés. Somme toute, « [l]e développement de la filière des batteries est important pour l'économie du Québec, mais il faut faire les choses dans le respect de l'environnement et des communautés locales ».
La catastrophe annoncée pour la forêt boréale de la « Grande Alliance »
Ces mines ont pourtant un potentiel écologique et social dévastateur :
Les forêts boréales canadiennes sont parmi les plus importants puits de carbone de la planète et, selon l'Institut climatique du Canada, elles séquestrent environ 28 milliards de tonnes de carbone, soit l'équivalent de 40 fois les émissions annuelles de gaz à effet de serre au pays. Une partie significative de la forêt boréale québécoise était jusqu'à présent épargnée par les activités industrielles, mais la situation pourrait changer, car ce territoire nordique contient d'importantes quantités de minéraux critiques et stratégiques, comme le lithium, qui suscitent la convoitise des industries minières.
« En milieu boréal, la forêt se décompose très lentement, plus lentement qu'en milieu tropical, et donc, on a une accumulation importante de carbone qui reste dans les sols formés de matière organique morte. Et comme la forêt boréale a une superficie immense, elle joue un rôle majeur à l'échelle mondiale dans la séquestration du carbone », résume Xavier Cavard, membre du Centre d'études de la forêt et titulaire de la Chaire de recherche UQAT-MFFP sur la gestion du carbone forestier.
L'hécatombe de la forêt boréal risque d'être facilité par la « Grande Alliance », accord du gouvernement québécois avec le Grand Conseil des Cris qui s'intègre comme un gant dans le Plan Nord initié par les Libéraux de Jean Charest et maintenu par la CAQ :
« La Grande Alliance », un protocole d'entente signé en 2020 entre le gouvernement du Québec et la nation crie, prévoit un réseau ferroviaire d'environ 700 kilomètres, la construction de centaines de kilomètres de nouvelles routes et de lignes électriques et la création d'un port en eau profonde, dans la forêt boréale, afin de permettre aux minières d'avoir accès aux minéraux critiques.
Le militant écologiste et président de l'Action boréale Henri Jacob demande aux promoteurs de La Grande Alliance, formée par des délégués de la nation crie et du gouvernement québécois, d'éviter de « faire les mêmes erreurs qu'en Abitibi », où l'industrie minière a exploité la forêt boréale « sans se soucier des prochaines générations » et pris « possession de 40 % du sol ».
« Ce qui s'est passé en Abitibi depuis le début des années 1930 », il faut « en tirer des leçons », car « ce qu'on voit aujourd'hui, c'est des parcs à résidus miniers, ce qu'on appelle la slam, le résidu qui va souvent dans les cours d'eau avec des métaux lourds et avec d'autres produits chimiques et d'autres matières. Cela fait en sorte que, souvent, l'environnement est vraiment dégradé de façon importante. Dans certains cas, c'est irréversible », dénonce l'écologiste, en ajoutant « qu'il faut faire du développement minier de façon plus intelligente ».
« L'exploitation des minéraux stratégiques pour faire des batteries, des véhicules électriques, en théorie ça paraît bien. Mais quand on vante les vertus d'une auto électrique qui se promène sans tuyau d'échappement, donc sans émettre de CO2, on oublie de dire que, pour la construire, il faudra exploiter des mines, que ce soit en Abitibi, ou plus au nord, des mines qui, elles, génèrent énormément de CO2 durant l'exploitation. Et après l'exploitation, il ne reste plus de biodiversité sur le site minier. »
Heureusement, « [u]n volet du protocole d'entente prévoit la création d'un système d'air protégée qui vise 30 % de leur territoire d'ici 2030. Les Cris vont donc déterminer ce qu'ils veulent protéger pour leur chasse et pour le patrimoine culturel. » Qu'adviendra-t-il du 70% restant ?
La résistance active d'Heather House…
« Depuis 1975, la Nation Crie a signé plus de 75 ententes et conventions entre les gouvernements provincial et fédéral et provincial [dont] 7 accords-clefs ». On ne peut que se réjouir que la Nation Crie se soit affirmée et consolidée en gouvernement Crie depuis le coup de tonnerre du jugement Malouf de 1973 qui a consacré son existence institutionnelle. Le revers de la médaille, cependant, en fut l'accentuation de sa division en classes sociales, à l'image atténuée de la société blanche, avec ses affairistes aux commandes. Heureusement, comme dans la société blanche, il faut compter sur la dissidence dont une grande partie des traditionnalistes mais pas seulement :
Alors qu'elle était enceinte, en novembre 2020, Heather House a entamé une grève de la faim, pour s'opposer à « La Grande Alliance », un protocole d'entente signé entre le gouvernement du Québec et le Grand Conseil des Cris.
« Comme beaucoup de gens de la communauté, j'ai appris l'existence de La Grande Alliance le jour de la signature du protocole » et « ensuite, ils ont promis un an de consultation, mais il ne s'est rien produit dans les mois suivant la signature. La COVID est arrivée et le confinement a débuté une semaine après l'annonce », proteste Heather House.
Elle a écrit une lettre ouverte sur les médias sociaux, adressée aux gouvernements cri et québécois, et amorcé une grève de la faim, qui aura duré deux semaines. « Aux jeunes, à notre peuple, souvenez-vous de nos grands-parents, de nos arrièregrands-parents et des ancêtres avant nous. Ils ont survécu, à peine. Nous sommes les produits de leur traumatisme, nous sommes leur voix quand ils ne pouvaient pas parler. C'est l'heure de dire non », peut-on lire dans la lettre qui a été partagée des centaines de fois.
Mais son geste d'éclat n'a pas été suffisant pour convaincre le Grand Chef de la nation crie de l'époque, Abel Bosum, de lui accorder une rencontre, comme elle le réclamait.
Les craintes d'Heather House sont partagées par le propriétaire du Retro Daze Cafe, Roger Orr, un ancien travailleur social. Les Cris « ne sont pas des mineurs ! » s'exclame l'homme d'une cinquantaine d'années au crâne tatoué et à la voix imposante à La Presse canadienne en expliquant que « nos ancêtres n'ont jamais creusé de trou pour faire des mines, ils ne détruisaient pas le territoire. Quand on détruit l'environnement, on se détruit soi-même ».
…pour Roger Orr et Heather House, les consultations publiques et les études de faisabilité auraient dû précéder la signature d'un protocole d'entente avec le gouvernement du Québec, et non l'inverse. […]
… et celle passive des maîtres de trappe
La camionnette de Freddy s'arrête au kilomètre 58 de la route EM1, sur le territoire de la communauté des Cris d'Eastmain, au nord de Nemaska. C'est à cet endroit que Corporation Éléments Critiques compte assécher et vider deux lacs après avoir fait don des poissons à la communauté [!!!], pour construire une mine de lithium et de tantale à ciel ouvert, qui permettrait de produire environ 4500 tonnes de minerai par jour pendant 17 ans.
La mine sera construite directement sur le territoire de chasse traditionnel du maître de trappe Ernie Moses. « Je suis triste, mais il n'y a pas grand-chose que je puisse faire contre ce projet », se désole-t-il lorsque La Presse canadienne le rencontre près de l'un des lacs qui seront asséchés.
L'Eeyou Istchee est divisé en 300 aires de trappe familiales, chacune d'elles est suffisamment grande pour subvenir aux besoins alimentaires d'une famille élargie et chacune de ces aires de trappe traditionnelle est sous la responsabilité d'un maître de trappe, appelé « tallyman », comme Ernie Moses.
Les projets d'exploration minière, tous métaux confondus, ont plus que doublé dans les quinze dernières années dans l'Eeyou Istchee, passant de 174 en 2004, à près de 400 en 2021.
Les projets de Corporation Éléments Critiques et de Nemaska Lithium ont reçu l'aval des autorités fédérales, provinciales et des conseils de bande cris de la région. À Eastmain, une communauté située à environ 20 heures de route au nord de Montréal, La Presse canadienne a rencontré le chef du conseil de bande, Kenneth Cheezo, qui appuie le développement minier. Le projet de Corporation Éléments Critiques est situé sur les terres traditionnelles de sa communauté.
« C'est nouveau pour nous, c'est la première fois qu'une mine ouvrira sur le territoire, explique le chef Cheezo. L'entreprise est venue dans la communauté, dans nos écoles, afin de parler aux jeunes des emplois qui seront créés, et on ne parle pas seulement de petits salariés, il y a des possibilités d'emplois dans l'ingénierie, les ressources humaines et plusieurs postes de cadres. »
Le chef de la Nation crie d'Eastmain, Kenneth Cheezo, se dit certain, en se basant sur les réunions avec les représentants de Corporation Éléments Critiques, que l'extraction se fera de façon à réduire les impacts sur l'environnement. Toutefois, il admet que de trouver le juste équilibre entre le mode de vie traditionnel, la protection de l'environnement et le développement économique est un exercice périlleux.
« C'est très difficile, parce que la terre est tellement sacrée pour nous, alors c'est pénible d'en donner un morceau, même si c'est juste un morceau de roche. »
Le combat des chefs et le danger pour les femmes
Le dilemme de la communauté d'Eastmain est aussi celui de la communauté de Nemaska :
Lorsque l'on fait remarquer à Thomas Jolly [chef de Nemaska de 2015 à 2019] que le gouvernement compte sur le lithium qui sera extrait des terres traditionnelles cries pour lutter contre les changements climatiques, après une longue hésitation, il réagit en posant ces deux questions : « Qui est responsable » de la crise climatique ? » et « Est-ce à nous [les Cris] de payer et souffrir pour ce qu'ils ont fait ? »
Selon M. Jolly, la mine de Nemaska Lithium qui s'apprête à ouvrir et dont Investissement Québec est l'actionnaire à 50 % n'a jamais reçu l'approbation de la population. La décision du conseil de bande d'accepter le projet de Nemaska Lithium a été prise « derrière des portes closes », selon sa version des faits. L'entente entre le promoteur et le conseil de bande pour construire une mine sur le territoire a été ratifiée en 2014.
Dans les mois qui ont suivi la ratification de l'entente avec Nemaska Lithium, tous les membres du conseil de bande ont perdu leurs élections, à l'exception de Thomas Jolly. « Était-ce une façon de les punir ? » demande La Presse canadienne. « Je suppose », répond Thomas Jolly.
En entrevue avec La Presse canadienne, [Laurence Gagnon, porte-parole du Conseil de bande] indique que la raison pour laquelle le conseil de bande de Nemaska a accepté ce projet, « c'est à 100 % pour les bénéfices économiques ». Elle précise qu'il est prévu que la communauté reçoive des redevances chaque année : « On parle de plusieurs millions de dollars sur trente ans pour la communauté. » Cette somme « retourne à nos citoyens pour [qu'ils aient] de meilleures infrastructures, de meilleurs services ».
Cerise sur le gâteau, « CLEC a aussi modifié son projet en y ajoutant la construction d'un camp de 500 travailleurs à 4 kilomètres du site, soit 250 chambres temporaires et 250 permanentes. » Si j'étais une femme crie résidant dans les parages, je m'inquiéterais. La voisinage d'hommes esseulés et de femmes pauvres et racisées aboutit habituellement à une situation de prostitution et de violence.

Appel juif international contre le génocide à Gaza

Depuis plus de dix mois, tous les jours à Gaza, des vieillards, des femmes, des enfants, des hommes sont sciemment visés et tués.
Mentionné par Patrick Le Hyaric, "L'Humanité", France, le 24 août 2024
Une suggestion de lecture de André Cloutier, Montréal (Québec).
*Appel juif international contre le génocide à Gaza* <http://r.lettre.patrick-le-hyaric.f...>
L'occupant attaque les écoles, les hôpitaux, les campements de réfugiés. Il s'acharne sur les médecins, les journalistes, les athlètes. Il organise la famine. L'occupant torture les prisonniers comme l'a démontré le rapport de B'Tselem.
Depuis des mois, des centaines de milliers de Gazaouis survivent sous la tente dans les pires conditions, avec une absence d'hygiène qui favorise les épidémies.
Le monde sait et les dirigeants se taisent. Certains se disent « préoccupés » mais, collectivement, ils laissent le gouvernement d'extrême droite au pouvoir en Israël détruire chaque jour un peu plus le droit international. Pire, ils continuent de fournir armes et munitions aux génocidaires. Les États-Unis viennent de renouveler leur financement de milliards de dollars à Israël pour des armes et de l'équipement militaire.
La décision qui s'impose, sanctionner fortement cet État qui commet les pires crimes en toute impunité, n'est toujours pas prise.
Nous, Juives et Juifs, parce que le crime se commet en notre nom, parce que nous refusons d'être complices de ce crime atroce, parce que nous refusons que l'antisémitisme (qui est notre histoire intime) soit utilisé pour justifier l'horreur,
Nous appelons à la solidarité concrète avec la population de Gaza martyrisée,
Nous appelons à exiger le cessez-le-feu et l'arrêt de cette tuerie,
Nous appelons tous les pays à sanctionner l'État d'Israël,
Nous appelons au jugement des criminels de guerre et de leurs complices.
Pour signer l'appel, lire le texte en anglais, cliquer ici. <http://r.lettre.patrick-le-hyaric.f...>
*Note.* Le texte est aussi en *langue française *sur https://framaforms.org/appel-juif-international-contre-le-genocide-a-gaza-1724141001#appel <https://framaforms.org/appel-juif-i...>
*Premiers signataires :*
Simon Assoun (Tsedek, France)
Ariella Azoulay (essayiste et photographe, États-Unis, Israël)
Etienne Balibar (philosophe, France)
Michel Benizri (comédien, France)
Manon Boltansky (NPA, France)
Rony Brauman (médecin, France)
Eitan Bronstein (De-colonizer, Belgique/Israël)
Éléonore Bronstein (De-colonizer, Belgique/Israël)
Judith Butler (philosophe, États-Unis)
Zohar Chamberlain Regev (Flottille de la liberté, Israël)
Shelley Cohen Fudge (JVP, États-Unis)
Laurent Cohen Medina (traducteur, Espagne)
Liliana Cordova-Kaczerginski (IJAN, Espagne)
Hilla Dayan (sociologue, Israël, Pays-Bas)
Sonia Fayman (UJFP, France)
Dror Feiler (EJJP, Suède)
Gabriel Hagaï (rabbin, France)
Shir Hever (économiste, Allemagne/Israël)
Carolyn Karcher (professeur, JVP, États-Unis)
Pierre Khalfa (syndicaliste, France)
Daniel Kupferstein (cinéaste, France)
Déborah Leter (Tsedek, France)
Jean-Marc Lévy-Leblond (physicien, France)
Gus Massiah (CRID, France)
Béatrice Orès (UJFP, France)
Ilan Pappé (historien, Israël)
Nurit Peled-Elhanan (professeur, Israël)
Donald Pelles (JVP, États Unis)
Fanny-Michaela Reisin (professeur, Allemagne)
Yakov Rabkin (professeur, Canada)
Catherine Samary (chercheure, France)
Jérôme Segal (maître de conférences, France)
Yonatan Shapira (ancien pilote, Israël)
Michèle Sibony (UJFP, France)
Eyal Sivan (cinéaste, essayiste, France/Israël)
Pierre Stambul (UJFP, France)
Michel Staszewski (professeur, Belgique)
Marcelo Svirsky (professeur, Argentine et Australie)
Lea Tsemel (avocate, Israël)
Dominique Vidal (journaliste, France)
Richard Wagman (UJFP, France)
Michel Warschawski (journaliste et militant, Israël)
*****
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France : Qui va trancher le nœud ?

Vendredi 23 août Macron a donc reçu une délégation des 4 principaux partis du NFP menée par Lucie Castets. Ensuite il a diné avec Attal, Philippe et Bayrou, a reçu Wauquiez et une délégation LR, le groupe LIOT, et même le PRG. Tous lui ont dit qu'un gouvernement Castets comprenant des ministres LFI serait l'abomination de la désolation, la fin du monde, la mort de la France et le suicide du petit cheval. Et nul ne doute que le RN, que Macron reçoit lundi, puis Mme Braun-Pivet et M. Larcher, lui diront la même chose.
25 août 2024 | tiré du site aplutsoc
La presse a donc titré vendredi soir : « Vers un refus de Macron à Castets pour Matignon » (Les Echos), « Comment la journée de consultation à l'Elysée a éloigné Lucie Castets de Matignon » (Le Monde).
Avant de poursuivre, constatons à nouveau l'effarant déni non seulement de la démocratie en général, mais des propres procédures rodées de fonctionnement des institutions de la V° République elle-même jusque-là, amplifiant leur caractère anti-démocratique à un niveau jamais atteint alors que jamais le président n'a été aussi isolé, discrédité, délégitimé : un gouvernement « démissionnaire » qui fait un budget d'austérité pour l'année prochaine et gouverne ad vitam aeternam, un président qui enjoint les groupes parlementaires de former une coalition pour laquelle personne n'a voté, et qui prend tout son temps après avoir précipité une campagne d'affolement ultra-rapide en dissolvant …
Le Canard Enchainé de mercredi dernier nous apprend même que Macron calcule, en cas de nomination d'une ou d'un nouveau premier ministre, de faire trainer la nomination des ministres eux-mêmes de façon à garder les « démissionnaires » le plus longtemps possible, au point que Bruno Lemaire en personne commence à se demander comment sortir de cette maison de fous !
Le front commun du RN à LIOT soi-disant contre un gouvernement avec des ministres LFI n'est d'ailleurs pas un front commun de soutien à Macron. Attal a déclaré qu'il allait bien falloir nommer un premier ministre venant « de l'opposition ». Mais laquelle, Wauquiez ayant répété que LR ne veut surtout pas y aller ?
Samedi 24 à 13h sur TF1, J.L. Mélenchon a lancé un excellent ballon d'essai : et si le gouvernement Castets ne comporte aucun ministre LFI, que feront les macroniens et la droite ?
La démonstration de la vérité, dont on ne doutait pas, a suivi rapidement : ces messieurs, de LR à Attal, ont commencé à dire qu'un gouvernement Castets sans LFI serait la même chose qu'un gouvernement Castets avec LFI, c'est-à-dire l'abomination de la désolation, la fin du monde, la mort de la France et le suicide du petit cheval !
Sur l'idée en elle-même d'un soutien sans participation de LFI, Lucie Castets a eu raison de déclarer que ce sont toutes les composantes du NFP qui ont « vocation à gouverner ». Nous avons suffisamment critiqué LFI pour pouvoir dire que sa présence dans un gouvernement unitaire est légitime. Le « coup de poker » de J.L. Mélenchon aide à lever les masques. Il s'inscrit par ailleurs dans une orientation politique pour laquelle le fait de battre Macron en le contraignant à nommer un gouvernement NFP n'est que l'accessoire, l'essentiel étant les présidentielles, en 2027 ou avant ; or, les présidentielles sont l'issue pour ce régime, elles servent à recharger les compteurs d'une V° République qui en a bien besoin. Et il est d'ailleurs opéré d'une manière toute bonapartiste, les militants LFI réunis étant tenus d'applaudir la surprise du chef (ce qu'ils font). Il est, d'ailleurs, ironique de voir droite et ci-devant macroniens dénoncer le programme du NFP comme étant soi-disant le « programme de LFI » alors que les propos de J.L. Mélenchon dans son long discours préalable, sur l'Ukraine dont il a dit que ses frontières en 2014 ont été « mises en question par les peuples eux-mêmes », sont contradictoires à ce programme.
Venons-en à l'essentiel. De quoi « LFI » est-il le faux nez pour ce bal des Tartuffes ?
Ce dont ils ont peur plus que de tout, c'est d'être acculés par une proposition de loi abrogeant la contre-réforme des retraites de Macron !
Ce dont ils ont peur plus que de tout, c'est d'être confrontés à des hausses des salaires !
Ce dont ils ont peur plus que de tout, c'est que la politique antijeune de casse de l'école publique commence à s'effondrer à la rentrée sous les coups que personnels, parents, élèves, vont porter au « choc des savoirs » de Macron-Attal, dont il ne faut pas oublier que l'aspirant ministre RN Chudeau disait que le RN l'avait inspiré !
Ces trois points : retraites, salaires, services publics, ces trois points n'ont pas dans le pays la majorité relative du vote NFP des 30 juin et 7 juillet, ils ont une ultra-majorité plus qu'absolue !
Voila pourquoi ils affichent leur vertu outragée à la simple possibilité, que les rapports de force tendent à imposer, d'un gouvernement Castets, et, au cas où, voila pourquoi ils préviennent qu'ils censureront tout de suite, « à cause des ministres LFI » et maintenant aussi s'il n'y en a pas, pour ne pas avoir à s'afficher en cas de vote sur la retraite à 64 ans !
Que dit l'article 49 de la constitution ? « Seuls sont recensés les votes favorables à la motion de censure qui ne peut être adoptée qu'à la majorité des membres composant l'assemblée ». Même si les quelques 220 voix (celles de Braun-Pivet au perchoir) des ci-devant macroniens et LR réunis, sont plus nombreuses que les 193 à 210 que peut totaliser le soutien à un gouvernement NFP, il leur faut le RN pour censurer.
Contre la hausse des salaires, l'abrogation de la loi retraites et le retrait du « choc des savoirs », c'est d'ores et déjà à un bloc avec le RN que l'on a affaire. Les gesticulations sur « LFI » servent à masquer cette alliance sous-jacente. L'afficher serait gênant, tant pour le RN que pour la « droite » et le « centre ». Mais elle est là et bien là.
La rentrée, scolaire et aussi « sociale », approche. Le nœud gordien antidémocratique formé au sommet de l'Etat signifie pour l'immense majorité la baisse des salaires réels, des droits à la retraite et à la santé, la casse des services publics et l'inaction climatique. Ce qui leur fait peur à tous, c'est l'accélération de la crise politique en crise sociale. Car toute crise sociale, grèves pour les salaires, mouvements de défense de l'école publique … peut et doit maintenant se développer en mouvement politique.
Tout de suite, il s'agira d'imposer à Macron le gouvernement NFP à même de hausser les salaires et d'abroger la loi retraites, puis d'imposer si nécessaire à ce gouvernement qu'il respecte son mandat.
La dynamique de cet affrontement sera de chasser Macron et d'abolir la présidence et l'Etat de la V° République, d'imposer une constituante par en bas, et pas de relancer le régime par des présidentielles anticipées ou non se prêtant bien aux espoirs de Mme Le Pen.
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Trump et Harris face au génocide palestinien

Israël a le droit de se défendre et les États-Unis seront toujours à ses côtés. Le 25 juillet dernier, quelques jours seulement avant d'être officiellement nommée candidate à la présidence des États-Unis pour la Convention nationale démocrate, le vice-président Kamala Harris a reçu Benjamin Netanyahou à la Maison Blanche.
20 août 2024 | tiré de Viento sur | Photo : Kamala Harris, candidate démocrate à l'élection présidentielle de novembre
https://vientosur.info/trump-y-harris-ante-el-genocidio-palestino/
Lors d'une conférence de presse ultérieure et lors d'autres événements, Harris a affirmé avoir exhorté Netanyahou à faire tout son possible pour tenter de parvenir à un cessez-le-feu à Gaza, et a fait part de sa vive préoccupation face au nombre élevé de victimes civiles palestiniennes. "J'ai exprimé au Premier ministre ma vive préoccupation face à l'ampleur des souffrances humaines à Gaza, y compris la mort de trop nombreux civils innocents", a-t-elle déclaré.
Ce n'est pas la première fois depuis le 7 octobre 2023 alors qu'Israël a répondu aux attaques du Hamas par un bombardement et une invasion dévastateurs de la bande de Gaza que la vice-présidente est allée plus loin que le président Biden dans ses déclarations sur les souffrances de la population palestinienne.
Les images d'enfants morts et de personnes désespérées et affamées parfois déplacées pour la deuxième, la troisième ou la quatrième fois, ne nous permettent pas de regarder ailleurs. Nous ne pouvons pas nous permettre de dormir face à la souffrance et je ne me tairai pas, je ne le ferai pas.
Les paroles de Harris, qui n'avait pas encore été nommée par son parti, ont de nouveau suscité une certaine inquiétude à la Maison Blanche, dans le puissant lobby juif américain et dans le gouvernement d'extrême droite de Benyamin Netanyahou.
Ces mots de la candidate officielle à la présidence manifestaient-ils une déclaration d'intention et un changement de cap dans la politique traditionnelle des États-Unis sur le Moyen-Orient ?
Les analystes du Washington Post, du New York Times et d'autres grands médias américains et européens ont émis l'hypothèse que oui, cela pourrait anticiper une sorte de changement de politique envers Israël si elle remportait l'élection le 5 novembre.
Dans les secteurs universitaires qui ont été mobilisés, depuis des mois, sur de nombreux campus pour exiger que les universités rompent leurs liens avec les fondations et les entreprises liées au gouvernement israélien et avec les colonies de peuplement juives sur les terres palestiniennes, leurs mots ont exprimé l'espoir qu'il pourrait y avoir un changement dans ce qui avait été jusqu'à présent la pratique politique de la vice-présidente.
Quelques mois plus tôt, Harris, comme Biden, a décrit les manifestations et les camps d'étudiants comme des « actes antisémites ». Même quelques heures avant sa rencontre avec Netanyahou, la vice-présidente a condamné dans une déclaration les manifestant-es à Washington contre la présence du Premier ministre israélien.
Kamala Harris les a qualifiés d'« anti-patriotes » et a décrit les manifestations comme méprisables et jouant le jeu avec le Hamas. Le mari de Harris, l'avocat Doug Emhoff, d'origine juive, a rassuré un groupe de Juifs au sein du Parti démocrate peu après qu'elle ait été nommée par le parti : elle a toujours été considérée comme une importante défenderesse d'Israël et vous pouvez être sûrs que si elle vient à la présidence, elle continuera de l'être, elle soutiendra toujours le droit d'Israël à se défendre.
De nombreux dirigeant-es, professeur-es et étudiant-es qui ont participé aux manifestations sur le campus se sont donc montrés craintifs face à une vice-présidente qui a partagé avec Biden et le reste du gouvernement démocrate depuis octobre dernier la décision d'appuyer Netanyahou et de bloquer au Conseil de sécurité toute demande de résolution pour parvenir à un cessez-le-feu permanent.
Elle avait déjà fait quelque chose de similaire bien avant de devenir vice-présidente en 2017. Peu après son élection, la sénatrice Kamala Harris a prononcé un discours au congrès annuel de l'AIPAC (American-Israeli Public Affairs Committee), le plus puissant et le plus réactionnaire des lobbies juifs aux États-Unis.
Affichant le meilleur de ses sourires, son discours a été acclamé par les personnes présentes parce qu'elle avait voté contre un projet de résolution condamnant l'expansion des colonies juives sur les terres palestiniennes et en faveur de la vente d'armes.
"Être insistante avec quelqu'un que vous tirez dans la tête n'est pas vraiment louable", a déclaré Eman Abdelhadi, un sociologue de l'Université de Chicago dans une chronique du correspondant d'Al Jazeera à Washington, Ali Harb, à propos de l'inquiétude alléguée de Harris face à la mort de Palestinien-nes innocent=es.
"Nous n'avons pas besoin d'empathie de la part de ces gens, a-t-il ajouté. Nous avons besoin que vous arrêtiez de fournir les armes et l'argent alors que vous tuez des gens avec qui vous êtes censés faire preuve d'empathie."
L'équipe de campagne de Biden, jusqu'à son retrait de la course aux élections, et celle de Kamala Harris depuis qu'elle a été officiellement nommée par son parti le 6 août étaient préoccupées non seulement par le risque de perdre le vote des étudiant-es, principalement des démocrates, mais aussi de la communauté musulmane qui a aussi traditionnellement apporté son soutien au Parti démocrate.
Cependant, le gouvernement Biden-Harris n'a réussi à convaincre personne de sa position supposément équilibrée, équidistante et prodigieuse pour une solution digne au conflit, comme aucun président n'a pu le faire auparavant non plus.
Les mots de Biden demandant à Netanyahou de donner une réponse proportionnelle à l'attaque du Hamas du 7 octobre - comme beaucoup de dirigeant-es européen-nes l'ont fait, ne pouvaient tromper personne.
Israël n'est pas un allié mineur pour les États-Unis ; depuis 1948, il est son allié par excellence, un élément clé d'une importance stratégique majeure au Moyen-Orient, un petit État artificiel de seulement 10 millions d'habitant-es a été créé et imposé en Palestine historique, auquel il accorde un traitement privilégié aux niveaux économique, politique, technologique et militaire.
Entre la pression des étudiants et la communauté musulmane d'une part, et la pression d'Israel, le lobby juif américain et les intérêts géopolitiques en jeu, Biden et Harris n'ont jamais fait preuve de doutes quant à qui appuyer.
Kamala Harris a participé avec Joe Biden à la plupart des réunions avec Benyamin Netanyahou et il n'y a jamais eu de frictions avec le secrétaire du Département d'État, Anthony Blinken, de famille juive et clairement pro-israélienne - comme plusieurs des membres du gouvernement démocrate, qui a effectué de nombreuses visites en Israël et dans d'autres pays de la région au cours des neuf derniers mois.
Et au cas où il y aurait un doute, le 13 août, Blinken a informé le Congrès de la décision du gouvernement de vendre un nouvel ensemble d'armes d'une valeur de 20 milliards de dollars à Israël, y compris 50 avions de chasse F15, des missiles aériens à moyenne portée, des munitions pour des blindés de 120 mm et des véhicules tactiques.
La décision intervient précisément à un moment où l'on craint une prolongation de la guerre au niveau régional, et bien que la livraison de ce matériel soit prévue pour 2029, il s'agit certainement d'une déclaration d'intention.
Dans un message sur X (ex-Twitter), le Président israélien Isaac Herzog a immédiatement remercié le Gouvernement Biden-Harris pour cette décision : "Pendant qu'Israël et nos services de sécurité restent en état d'alerte maximale, je voudrais exprimer ma gratitude à nos alliés qui restent unis face aux menaces haineuses du régime iranien et de ses alliés terroristes."
Pour mener à bien sa politique de guerre au Moyen-Orient, l'administration démocrate actuelle a décidé le 12 août de lever l'interdiction d'envoyer des armes offensives en Arabie saoudite. La mesure a été adoptée en 2021 en raison de l'indignation dans des secteurs de la société américaine et dans le Parti démocrate lui-même à cause des milliers de morts civiles causées par la guerre dévastatrice menée par le régime de Mohammed ben Salmane au Yémen.
Peu de différences ont été en mesure d'être observées entre la politique du ticket Trump-Vance et celle du gouvernement Biden-Harris à l'égard d'Israël et du Moyen-Orient. En fin de compte, l'administration actuelle a suivi la politique esquissée par Donald Trump alors qu'il arrivait au pouvoir en 2017.
Déjà au cours de sa campagne électorale, en 2016, Trump était intervenu, bien sûr, devant l'AIPAC dans lequel il se présentait comme un partisan à vie et un véritable ami d'Israël. Les participants à cet événement l'ont applaudi lorsqu'il s'est engagé comme président à annuler l'accord nucléaire signé avec l'Iran sous le gouvernement de son prédécesseur, Barack Obama.
Trump, qui a eu comme meilleur conseiller son gendre au cours de son mandat, le Juif ultra-orthodoxe Jared Kushner, a tenu sa promesse. Il n'a pas seulement annulé le principal accord nucléaire conclu avec l'Iran, que Biden-Harris n'a pas réussi à renouveler au cours de son mandat.
Peu de temps après, dans une nouvelle provocation, Trump a ordonné que le général Qasem Soleimani, le commandant d'Al Qods, la force d'élite des Gardiens de la révolution iranienne, soit tué, par une frappe de drones à l'aéroport de Bagdad.
Le magnat républicain est allé encore plus loin, prenant une mesure d'importance historique en ce qui concerne le conflit israélo-palestinien, il a décidé de déplacer l'ambassade des États-Unis de Tel Aviv à Jérusalem, violant un accord international en place depuis des décennies visant à maintenir la neutralité de cette ville.
L'administration Trump a insisté et a également amené les Émirats arabes unis, Bahrein et le Soudan à signer les accords d'Abraham pour lesquels ils se sont engagés à reprendre les relations diplomatiques avec l'État hébreu sans les subordonner à l'évocation des territoires palestiniens occupés.
Peu de temps avant de quitter le pouvoir, l'administration Trump-Pence a annoncé une nouvelle provocation ayant des conséquences sur la scène internationale. Elle a reconnu le droit du Maroc au Sahara occidental, en échange du rétablissement des relations avec l'État hébreu. En 2021, l'administration Biden-Harris a entériné cette décision.
Il ne fait aucun doute que si Trump accédait à nouveau au pouvoir, il irait encore plus loin que Kamala Harris au niveau du soutien à l'État hébreu et à sa solution finale face au peuple palestinien, ainsi que dans l'agression contre l'Iran et le Liban. La région du Moyen-Orient déjà traversée par de nombreux conflits peut devenir le théâtre d'une confrontation violente encore plus grande.
20/08/2024
Roberto Montoya, journaliste et écrivain, fait partie du South Wind Advisory Council sur
https://www.elsaltodiario.com/el-side-hidden-de-la-news/trump-harris-genocidio-palestine
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Une stratégie gouvernementale en habitation insuffisante selon le FRAPRU

Montréal et Québec, le 22 août 2024 – Le Front d'action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) qualifie de décevante et d'insuffisante la Stratégie québécoise en habitation présentée aujourd'hui par la ministre responsable de l'habitation France-Élaine Duranceau. Le regroupement de défense du droit au logement est étonné qu'une stratégie sur laquelle le gouvernement travaille depuis 4 ans ne soit pas plus consistante et se dit d'autant plus inquiet pour la suite. « La montagne accouche d'une souris », déplore Véronique Laflamme, la porte-parole du FRAPRU, en constatant le peu de nouvelles mesures structurantes. « La plus grande lacune de la stratégie est l'absence de cibles précises pour augmenter l'offre de logements sociaux et communautaires, afin de diminuer le nombre de ménages ayant des besoins impérieux de logement », résume Véronique Laflamme.
22 août 2024 | communiqué du FRAPRU
https://www.frapru.qc.ca/strategie-gouvernementale/
Selon le FRAPRU la stratégie s'est concentrée principalement sur l'offre de logements, sans égard à leurs prix. « Pourtant, au-delà de la rareté, c'est bien à une crise d'inabordabilité à laquelle les locataires doivent faire face. La stratégie met l'accent sur l'augmentation de l'offre en établissant une cible de 560 000 nouveaux logements à mettre en chantier d'ici 10 ans, mais ne contient aucune cible de nouveaux logements sociaux sur la même période. Il s'agit d'une carence majeure, alors que de plus en plus d'organisations et d'élu·es conviennent de la nécessité de doubler le parc de logements sociaux et communautaires pour sortir durablement de la crise du logement au Québec », dénonce-t-elle. Selon le FRAPRU, afin de mettre à l'abri de la crise les ménages locataires dont les besoins sont les plus urgents, la part occupée par le logement sans but lucratif doit atteindre 20 % du parc locatif, or, elle n'en représente actuellement que 10,5 %. Afin d'atteindre cet objectif, le gouvernement du Québec doit prévoir la construction de 10 000 à 12 000 logements sociaux publics, coopératives d'habitation et logements sans but lucratif par année, durant cinq ans.
« Le gouvernement annonce qu'il va réfléchir à de nouveaux outils financiers pour le logement social et communautaire. Dans tous les cas, ça va prendre aussi des programmes gouvernementaux dédiés au logement social qui fonctionnent et qui se suffisent à eux-mêmes, ce qui fait toujours défaut », insiste Véronique Laflamme en rappelant que le retard accumulé dans la livraison de logements sociaux depuis plusieurs années repose principalement sur l'inadéquation et le sous-financement des programmes en place. « Ça fait des mois que des organisations de divers horizons et des municipalités demandent plus de prévisibilité pour favoriser le développement du logement social. Or, la stratégie gouvernementale n'en offre aucune », souligne madame Laflamme. Le FRAPRU constate que la seule cible en termes de logement social et abordable est celle de 23 000 logements qui seront réalisés sur 6 ans. En plus des unités prévues dans la mise à jour économique et dans les derniers budgets, ce chiffre inclut des logements déjà promis depuis plusieurs années, dont la moitié des 15 000 que la CAQ avait promis de réaliser dans son premier mandat et qui n'ont toujours pas été construits. Le FRAPRU espérait minimalement que la Stratégie prévoit de nouvelles annonces. Or, malgré la situation du logement qui se détériore et celle des locataires qui s'appauvrissent partout au Québec, la CAQ a le même objectif de développement que celui avancé lors de la dernière campagne électorale.
Même le projet-pilote de logements modulaires qui sera lancé incessamment est dans les cartons depuis plusieurs mois. « On a l'impression que la machine gouvernementale continue d'avancer à pas de tortue, alors que partout au Québec les communautés sont aux prises avec les conséquences dévastatrices de la crise du logement et que des centaines de locataires se retrouvent sans alternatives en raison de l'insuffisance de logements sociaux. C'est incompréhensible », commente la porte-parole du FRAPRU.
La seule nouvelle mesure est l'utilisation des terrains et bâtiments publics excédentaires à des fins de logement « social, abordable et étudiant ». « S'agissant d'une mesure que l'on demande depuis des années, c'est une bonne nouvelle. Cela dit, le gouvernement doit agir rapidement et ces terrains et bâtiments publics qui nous appartiennent collectivement doivent être réservés en priorité à des projets sans but lucratif, les seuls à demeurer abordables durablement », rappelle Véronique Laflamme.
Enfin, en plus de ne pas fixer de cibles claires de logements réellement abordables à construire, la Stratégie ne prévoit rien pour contrer l'explosion du coût des loyers, présentant les actions posées jusqu'ici comme si elles étaient suffisantes, alors que l'insécurité résidentielle se répand. Même si le regroupement se réjouit que le gouvernement planifie enfin une campagne d'information sur les droits des locataires, il déplore que ni un registre, ni un contrôle obligatoire des loyers, y compris dans les immeubles récemment construits, ne soient sur le radar gouvernemental.
Alors que la ministre responsable de l'habitation affirme que la Stratégie sera évolutive, le FRAPRU ne désespère pas de convaincre le gouvernement Legault de faire plus et mieux d'ici la mise à jour économique de l'automne. C'est d'ailleurs pour rappeler l'urgence des besoins et demander à Québec de prendre les moyens de doubler le nombre de logements sociaux et communautaires d'ici 15 ans qu'il tiendra un camp à Québec rassemblant près de 200 personnes à l'occasion de la rentrée parlementaire les 14 et 15 septembre. La population est invitée à participer notamment à la grande manifestation de clôture de ce camp.
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