Presse-toi à gauche !
Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...

45 milliards d’euros : “En matière de prêts à l’Afrique, la Chine reste indétrônable”

Jeudi 5 septembre, lors du sommet sino-africain qui se tient à Pékin, le président chinois, Xi Jinping, a promis de nouveaux financements à destination des pays du continent. Cette annonce d'une coopération approfondie vise à asseoir le statut de la Chine comme “partenaire privilégié du Sud global”.
Tiré de Courrier international. Photo : Des représentants Chinois et Africains lors de la neuvième édition du Forum sur la coopération sino-africaine, à Pékin, le 5 septembre 2024. Photo Li Tao/Xinhua/AFP
“Le discours du président chinois, Xi Jinping, lors de l'ouverture du Forum sur la coopération sino-africaine (Focac) jeudi 5 septembre, montre bien la volonté de Pékin de renforcer ses liens avec le continent dans un contexte de rivalité accrue avec l'Occident, et notamment les États-Unis”, annonce le journal hongkongais South China Morning Post.
Les diplomates chinois et les représentants de plus de cinquante pays africains se réunissent pendant trois jours à Pékin pour la neuvième édition du sommet dont le but est de resserrer les liens commerciaux entre le continent et l'empire du Milieu. Dans l'enceinte du Palais de l'Assemblée du peuple, Xi Jinping a annoncé 360 milliards de yuans de financement sur trois ans à destination des partenaires africains. Cette enveloppe importante, équivalente à plus de 45 milliards d'euros, doit permettre de réaliser des dizaines de projets d'infrastructures.
“Ensemble, nous avons construit des routes, des chemins de fer, des écoles, des hôpitaux, des sites industriels et des zones économiques. Ces chantiers ont changé la vie et le destin de nombreuses personnes”, a déclaré Xi, cité par l'agence de presse officielle Xinhua News Agency.
“Partenaire privilégié du Sud global”
“Cette année, avec le forum, la question était de savoir quelle tournure allaient prendre [les relations entre la Chine et l'Afrique]. En effet, Pékin, qui a longtemps été la principale puissance économique étrangère en Afrique, a réajusté ses liens économiques avec le continent, tandis que d'autres grandes puissances redoublent d'efforts pour s'implanter en Afrique”, note le site de la chaîne américaine CNN.
De fait, The Economist ne s'attendait pas à de tels montants, plutôt enclin à évoquer une conjoncture marquée par “le ralentissement de l'économie chinoise et les gouvernements africains qui se serrent la ceinture”. Néanmoins, les experts interrogés par l'hebdomadaire britannique ne s'y trompaient pas :
- “En matière de prêts à l'Afrique subsaharienne, la Chine reste indétrônable.”
La moitié de ces financements seront octroyés sous la forme de crédits, notamment par les banques publiques chinoises. Xi Jinping a par ailleurs promis la création d'au moins un million d'emplois et un approfondissement de la coopération militaire avec la formation de 6 000 soldats et 1 000 policiers.
“[Xi Jinping] veut positionner Pékin comme le partenaire privilégié du Sud global en matière de développement”, conclut le site de la chaîne qatarie Al-Jazeera.
Avec 167,8 milliards de dollars (151,2 milliards d'euros) en échanges bilatéraux au premier semestre, selon les médias officiels chinois, la Chine demeure le premier partenaire commercial du continent.
Courrier international
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Série Soudan (3/4), ce pays pris en otage par deux clans militaires

Le conflit opposant les Forces armées soudanaises, dirigées par le général Al-Burhan aux Forces d'appui rapide (FAR) du général Mohammed Hamdan Daglo, dit « Hemetti », a éclaté à Khartoum le 15 avril 2023, aux premières heures du jour. Khartoum, la capitale du Soudan, a été le théâtre de nombreux affrontements depuis le début du conflit.
Tiré de MondAfrique.
Personne ne sait d'où est vraiment originaire le général Mohammed Hamdan Daglo, dit « Hemedti », qui a migré au Soudan probablement à partir du sud du Tchad. Il serait en tout cas simpliste de présenter l'embrasement actuel comme un combat fratricide entre le général Al-Burhan, le chef de l'armée et son ancien bras droit, le général Hemedti, à la tête des Special Rapid Forces, une force de mercenaires privés dont la seule raison sociale est la captation des richesses du Soudan.

Le général Mohammed Hamdan Daglo est une créature fabriquée par l'ancien dictateur soudanais, Omar El Béchir. En scindant les forces de défense et de sécurité en trois groupes avant d'être chassé du pouvoir en 2019, ce dernier a cru pouvoir s'adosser sur les Rapid Support Forces, qui ne sont ni vraiment une milice, ni tout à fait un groupe paramilitaire, mais un contrepoids à l'armée conventionnelle. Les officiers conservateurs qui la commandent sont proches du modèle égyptien d'un capitalisme d'État au service des militaires.
Dans un premier temps, Mohammed Hamdan Daglo qui porte l'uniforme régulier de son corps, ne se pose pas en dissident, loin de là. Ce général coupable des pires exactions au Darfour s'oppose, toute honte bue, à la répression par l'armée conventionnelle de la mobilisation populaire qui dure de 2019 à 2021. C'est la dégradation de la situation économique (1) qui convainc ce général félon de se concentrer à sa grande entreprise de pillage de l'ensemble de la zone en prentn les armes contre le chef de l'armée soudanaise.
2023, la guerre civile
Le 15 avril 2023, la guerre civile s'installe à Khartoum. Elle oppose les troupes de l'armée régulière du général Al-Burhan, au pouvoir depuis son coup d'État du 25 octobre 2021, et les Forces de soutien rapide (SFR) du général Mohammed Hamdan Daglo. Les troupes de ce dernier sont plus aguerries que les soldats de l'armée régulière. Hemedti a réprimé avec férocité la population du Darfour en s'appuyant sur « les Janjawid »auxquels il a agrégé des mercenaires venus du Tchad, de RCA, de Libye et du Niger. De 2017 à 2019, les miliciens d'Hemedti ont massacré les populations civiles au Yémen comme ils l'avaient fait auparavant au Darfour. Les 40000 hommes du corps expéditionnaire soudanais au Yémen, fiancés par les Émirats Arabes Unis et armés au départ par la France, sont mobilisés désormais pour conquérir le pouvoir à Khartoum.
Le patron Hemedti est riche des millions d'US $ que ses bailleurs lui donnent, de l'or qu'il exploite avec sa famille et des trafics qu'il entretient avec un de ses homologues, le maréchal Haftar. De nombreux combattants d'Haftar rejoignent d'ailleurs l'offensive actuelle des RSF dans l'Ouest du Soudan. Haftar et Hemedti sont liés par le monde des trafics, du Captagon àl'or, en passant par le bétail, les femmes, les migrants et les voitures volées. Pour Haftar, la victoire des RSF est un gage de la reconduction de l'économie criminelle dans le triangle Libye, Tchad et Soudan. L'accès à Port Soudan serait pour Haftar une alternative à la perte de la côte libyenne de mieux en en mieux surveillée par l'aviation militaire gouvernementale de Tripoli. La LNA, l'armée d'Haftar a contribué au renforcement et à la formation des RSF en vue des batailles actuelles. C'est un juste retour des choses car 1000 soldats d'Hemedti, payés par les Émirats, ont aidé Haftar dans sa piteuse tentative de prendre Tripoli. Un des fils d'Haftar, Sadiq Haftar, est le président honoraire d'une grande équipe de football du Soudan et son père a emprisonné un chef de milice soudanaise Moussa Hilal, ennemi d'Hemedti et vainqueur de Wagner dans certains affrontements en RCA. Haftar et Hemedti combinent avec habileté et duplicité les soutiens russes et émiratis et ont établi une logistique d'approvisionnement militaire et en carburants s'appuyant sur plusieurs pays et s'étirant sur des milliers de kilomètres. Il y a quelques jours à Benghazi l'équipe de football soudanaise de Sadiq Haftar venait disputer un match amical face à une équipe libyenne.
L'appui des Émiratis à Hemedti
Sur le terrain soudanais, Hemedti a bénéficié des appuis de ses voisins du Tchad et d'Éthiopie. Les Émirats Arabes Unis ont ainsi, avec les partenaire éthiopien et tchadien, libéré Hemedti de toutes entraves dans son entreprise de contrôle du Darfour et de l'Ouest du pays. Une bonne partie des forces spéciales des services de renseignements soudanais se sont ralliées aux SFR et dans l'entourage du général Hemedti, les Islamistes, proches jadis d'Omar El Béchir, font leur apparition. Le choc du 7 novembre 2023 en Israel fait paraitre en Occident bien lointain les crimes de guerre et les violations des droits de l'homme enregistrés depuis plusieurs décennies au Soudan. Comme le bourreau du Tigré, Hemedti a les mains libres pour les exactions de très grande envergure contre les populations de souche africaine du Soudan.
En faisant la jonction entre la frontière tchadienne, où Abu Dhabi a joué récemment un rôle politique et militaire déterminant, et Port Soudan, les RSF ouvriraient une route inédite à la pénétration physique du Golfe en Afrique de l'Est et scelleraient la marginalisation de l'Égypte. Hemedti est un nomade indépendant de la matrice soudanaise qui participe à l'édification d'une géopolitique inédite de l'Afrique au-dessus de l'Équateur.
C'est le dernier quart d'heure pour le régime de Khartoum. Seul l'Iran, maitre de la Mer rouge avec le levier des Houthis, pourrait sauver Burhan de la défaite totale. Le général Burhan est un assez bon stratège diplomatique à défaut d'être un tacticien militaire. Il a ainsi rétabli des relations diplomatiques avec l'Iran le jour de l'attaque du Hamas en Israël. Un acte qui ne lui vaut pas la sympathie des Etats-Unis qui le rendent responsable de la crise humanitaire soudanaise que les Nations-Unies déplorent comme d'habitude.
La communauté internationale impuissante
Mais que fait la communauté internationale face aux souffrances d'au moins la moitié des 50 millions de Soudanais ? Le conseil de sécurité n'a pas engagé de mise en garde à l'adresse d'Hemedti. Une fois de plus, le système des Nations-Unies, révèle son inefficacité à enrayer les massacres et à secourir les victimes.
Les canaux humanitaires ne sont ouverts qu'avec parcimonie et après des chantages en particulier d'Hemedti. Les forces régulières de l'armée soudanaise sont craintives devant les SFR. Seule leur aviation décolle mais pour bombarder les zones civiles. Cela ne plait pas aux Américains qui, via leurs ambassadeurs au Kenya et à Addis Abeba, le font savoir. Le seul contributeur majeur effectif qui vient à en aide aux populations pour l'instant apparait l'Arabie Saoudite, généreuse en vivre, abris, et médicaments. Mais les ONG saoudiennes n'ont que peu d'accès aux régions où les SFD dominent et elles sont nombreuses.
Riyad se positionne en apparence sur le plan humanitaire lors des discussions en cours à Genève. Pour l'instant ce sont les SFR qui sont louées comme le « good guy » de l'affaire car des vivres et des médicaments ont pu arriver au Kordofan et au Darfour. Deux régions où les SFR rencontrent de fortes résistances, non pas du fait des forces armées soudanaises, mais de milices soutenues par le Tchad d'un côté, et l'Érythrée de l'autre. Ali Burhan est mal vu par les médiateurs extérieurs car il refuse de participer à des négociations dont il sait qu'il sera le perdant. Chez les bonnes fées de la médiation, à côté de l'Arabie saoudite, on compte les Etats-Unis, la Suisse, l'Égypte, les Émirats Arabes Unis et des figurants, les Nations-Unies et l'Union africaine. L'ennemi déclaré reste la famine alors que le mal est d'abord dans une guerre qui frappe les civils essentiellement.
Le Soudan pourrait devenir, demain, un État en faillite comme la Somalie ou une nation fragmentée comme la Libye. Ou les deux à la fois !
Notes
(1) Le Soudan ne survit que grâce à des soutiens extérieurs. Les créanciers occidentaux ont annulé la dette soudanaise lors du gouvernement civil (2019-2021). Presque 50 % du blé consommé au Soudan provient de Russie.
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Jill Stein, le choix que les médias ignorent

« Le génocide est l'impératif moral de notre époque », déclare Jill Stein, candidate du Parti vert à la présidentielle, dans un épisode de The Chris Hedges Reports, alors qu'elle poursuit sa campagne pour la présidence américaine. Rejointe par son colistier, le professeur Butch Warei, les deux expliquent pourquoi ils recherchent le vote de tous les Américains privés de leurs droits, coincés dans les malheurs de luttes domestiques personnelles et des atrocités commises à l'étranger en leur nom par un empire glouton.
Par les Artistes pour la Paix
Lorsqu'elle regarde le déroulement des élections, le point de vue de Stein est limpide : « Oubliez le moindre mal, il n'y a pas de moindre mal. Vous avez deux candidats génocidaires, l'une menant actuellement le génocide et l'autre promettant de terminer le travail. »
Stein et Ware soulignent que même si le complexe militaro-industriel peut sembler un problème de politique étrangère, s'y attaquer est essentiel pour trouver des solutions nationales. Le budget gonflé de la défense, qui atteint bien davantage qu'un billion de dollars lorsque toutes les dépenses sont prises en compte, est l'un des principaux obstacles qu'elle souhaiterait éliminer. "Car cet obstacle explique pourquoi nous ne prenons pas en charge les soins de santé, le logement, l'éducation, pourquoi nous ne désendettons pas les gens, ne traitons pas l'urgence climatique, ne mettons pas fin à l'engorgement carcéral au profit d'un système de justice réparateur et pourquoi nous ne résolvons pas les problèmes de pauvreté et de désespoir, qui sont à l'origine de la criminalité », explique-t-elle.
Ware fait remarquer que la dynamique entre les Américains qui se sentent obligés de voter pour les démocrates par peur de Trump est profondément toxique, alimentée par le narcissisme des candidats. "Dès qu'ils signent sur la ligne pointillée, ils se remettent immédiatement à calculer leurs affaires, à sacrifier des gens avec l'argent des impôts qu'ils empochent, laissant leurs quartiers se dissoudre et s'effondrer", a déclaré Ware à Hedges.
Ware indique clairement qu'il y a un choix entre la résistance et la dissidence lors du scrutin de novembre : « Nous devons mettre fin à ce cycle toxique d'abus, car il pousse les gens à penser qu'il n'y a aucun moyen de résister, alors que vous avez absolument le pouvoir de résister dès maintenant en votant Vert. »
Il n'y a pas de sans-voix, il n'y a que les voix qu'on force à se taire ou qu'on préfère ne pas écouter ...
*****
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

10 000 travailleurs de l’hôtellerie font grève chez Marriott, Hyatt et Hilton pour des augmentations, des charges de travail équitables et le respect

Environ 10 000 travailleurs de l'hôtellerie du syndicat UNITE HERE se sont mis en grève à travers les États-Unis pendant le long week-end de la fête du Travail pour se battre pour des augmentations, des charges de travail équitables et le respect sur le lieu de travail. La grève de plusieurs jours affecte les hôtels Hilton, Hyatt et Marriott de plusieurs grandes villes, dont Boston, San Francisco et Seattle.
3 septembre 2024 |tiré du site de Democracy now !
3 septembre 2024 | tiré du site de democracynow.org
https://www.democracynow.org/2024/9/3/us_strike
AMY GOODMAN : Les travailleurs syndiqués de l'hôtellerie se battent pour des augmentations de salaire, de meilleurs niveaux de personnel, des charges de travail équitables et le respect. Aujourd'hui, le troisième jour de la grève se déroule dans 25 hôtels, faisant partie des chaînes Hilton, Hyatt, Marriott, Westin et DoubleTree dans neuf villes : Baltimore, Boston, San Diego, San Francisco, San Jose, Seattle, Honolulu, Kauai, à Hawaï, et Greenwich, dans le Connecticut et plus encore.
Pour en savoir plus, nous sommes rejoints par deux invités. Lizzy Tapia est la présidente de la section locale 2 de UNITE HERE à San Francisco. Et Rebeca Laroque, gréviste et préposée aux chambres au Hyatt Regency de Greenwich, dans le Connecticut, est préposée aux chambres depuis plus de 12 ans. Lizzy Tapia, commençons par vous. Expliquez-nous la stratégie, les villes que vous avez choisies, les chaînes hôtelières avec lesquelles vous négociez et ce que vous exigez.
LIZZY TAPIA : Nous sommes donc en négociation depuis des mois maintenant, et nous n'avons pas vu le genre de propositions que nos membres attendent — vous savez, qui répondront à leurs besoins. Donc, nous nous sommes mis en grève. Aujourd'hui, c'est le troisième jour. Il y a sept villes qui sont sorties aujourd'hui, et c'est environ 9 500 travailleurs et travailleuses qui en sont à leur troisième jour de grève.
Et, vous savez, nous sommes à la recherche d'un contrat qui répond à ce dont nous avons besoin pour pouvoir survivre, surtout ici dans la région de la baie de San Francisco. Le coût de la vie est si élevé. Et nous avons besoin de bonnes augmentations de salaire et de soins de santé, d'un plan de retraite. Et c'est aussi un combat qui est vraiment une question de respect. Et donc, nous espérons que ces entreprises – Hilton, Marriott et Hyatt – comprendront le message.
JUAN GONZÁLEZ : Et, Lizzy Tapia, est-ce que ce sont les seuls hôtels avec lesquels UNITE HERE a actuellement des contrats qui ont expiré, ou y a-t-il un un plus grand nombre d'hôtels que vous avez décidés de ne pas frapper à ce stade ?
LIZZY TAPIA : Oui, il y a certainement un plus grand nombre d'hôtels, mais nous négocions avec ces entreprises spécifiquement depuis quelques mois. Et c'est donc là où nous en sommes aujourd'hui.
JUAN GONZÁLEZ : Et en ce qui concerne les différences d'échelles salariales entre certaines de ces villes – par exemple, les femmes de ménage à Boston reçoivent 28 $ de l'heure, alors qu'à Baltimore, elles ne reçoivent que 16,20 $ – essayez-vous de créer une sorte de système plus rationnel à l'échelle nationale ?
LIZZY TAPIA : Non, je dirais que ce qui est considéré dans tous les domaines, c'est la nécessité d'augmentations salariales très importantes. Tout le monde a du mal, surtout en sortant de la pandémie, à joindre les deux bouts. Et cela peut signifier différentes choses dans différentes villes, mais ce que cela signifie dans l'ensemble, c'est que nous avons besoin de fortes augmentations de salaire, d'augmentations de salaire significatives, qui nous permettent réellement de survivre.
AMY GOODMAN : Je veux faire participer Rebeca Laroque à la conversation. Pouvez-vous nous parler de ce que vous faites au Hyatt Regency à Greenwich, dans le Connecticut ?
REBECA LAROQUE : Oui. Je fais préposé aux chambres.
AMY GOODMAN : Et cela signifie ? Expliquez le travail que vous faites. Et que voulez-vous voir se passer ? Et comment pensez-vous que l'hôtel réagit ?
REBECA LAROQUE : OK, comme un préposé aux chambres, nous nettoyons la chambre tous les jours. C'est mon travail. Et vous avez dit ce que j'attendais, l'hôtel va être...
AMY GOODMAN : Comment va la chaîne hôtelière – comment le Hyatt réagit-il à la grève à l'extérieur dont vous faites partie ?
REBECA LAROQUE : D'accord. Ils ne disent rien pour l'instant, mais j'espère — j'espère et nous attendons une réponse. Mais je ne vois rien pour l'instant.
JUAN GONZÁLEZ : Et aussi, pourriez-vous parler - beaucoup d'hôtels permettent maintenant aux clients de choisir de ne pas nettoyer les chambres. Comment cela a-t-il affecté la charge de travail et les conditions des femmes de ménage ?
REBECA LAROQUE : OK, pour toutes ces femmes de ménage, nous travaillons dur. Ils vous donnent beaucoup de chambres tous les jours. Nous travaillons dur. Et c'est pourquoi nous nous en sommes plaints. Non seulement nous avons beaucoup d'espace et nous avons beaucoup de travail à faire, mais nous ne sommes pas bien payée-s. C'est pourquoi aujourd'hui nous sommes en grève.
JUAN GONZÁLEZ : Et, Lizzy Tapia, pourriez-vous nous parler de cette question des clients qui ont le droit de refuser le nettoyage des chambres et de ce que cela fait aux travailleurs et travailleuses syndiqués ?
LIZZY TAPIA : Oui, Rebeca a tout à fait raison. Lorsque les hôtels n'offrent plus de nettoyage quotidien automatique des chambres, cela crée un problème de charge de travail pour les préposé-e-s aux chambres qui nettoient ces chambres. Lorsqu'une pièce n'est pas nettoyée pendant trois jours ou cinq jours à la fois, elle est collante. C'est poussiéreux. Le nettoyage nécessite deux fois plus de travail. Et les entreprises hôtelières n'ajustent pas alors votre charge de travail, n'est-ce pas ? Cela signifie simplement que les préposé-e-s aux chambres, comme Rebeca l'a dit, rentrent chez eux, et ils sont fatigués, et leur corps leur fait mal. Et c'est totalement inacceptable. Et aussi, vous savez, je pense qu'il s'agit en quelque sorte de créer un nouveau modèle pour que les clients ne s'attendent tout simplement pas à ce que leur chambre soit nettoyée, donc, vous savez - oui, ou ne pas l'obtenir dans le cadre de ce qu'ils paient pour leur chambre. Et donc, cela enlève aux clent-e-s et aux travailleuses, qui beaucoup – vous savez, celles qui travaillent travaillent deux fois plus dur, et celles qui ne travaillent pas parce qu'on ne leur attribue pas de chambres sont à la maison et essaient de joindre les deux bouts, et d'obtenir un chèque de paie avec lequel elles peuvent survivre.
AMY GOODMAN : Et, Rebeca Laroque, pouvez-vous nous parler de la main-d'œuvre ? Est-il composé en grande partie de femmes et d'immigrant-e-s ? Et si vous pouviez parler de l'instabilité financière que vous avez vécue et que vos collègues ont vécue en travaillant dans un hôtel aussi prestigieux, le Hyatt Regency ? Les gens associent cela, bien sûr, à la richesse, mais cette richesse ce sont pour les client-e-s.
REBECA LAROQUE : D'accord. Tous mes collègues se plaignent toujours, tous les jours, non seulement parce que le travail est difficile, mais nous ne pouvons pas survivre avec l'argent qu'ils nous paient. Et quand nous avons fini de travailler, quand nous rentrons chez nous, nous ne pouvons rien faire, parce que – chacun de mes collègues a une histoire, parce que nous travaillons dur, et puis l'argent qu'ils paient, vous ne pouvez rien vous permettre avec ça, parce que tout augmente. C'est pourquoi nous demandons un meilleur salaire, une meilleure assurance maladie et une meilleure retraite, parce que nous ne nous pouvons rien permettre rien. Dans le Connecticut, tout est très cher.. Après la pandémie, tout augmente.
JUAN GONZÁLEZ : Oui, et j'aimerais demander à Lizzy Tapia. Vous avez déclaré une grève de trois jours. Pourquoi trois jours ? Et y a-t-il des possibilités de prolonger la grève ?
LIZZY TAPIA : Oui, il n'y a pas de plans pour le moment, mais de futures grèves sont possibles. Nos membres s'engagent à faire ce qu'il faut pour remporter le contrat ici. Et comme Rebeca l'a souligné, vous savez, les travailleuses sont fatiguées. Elles souffrent. Elles ont du mal. Et donc, vous savez, nous avons atteint ce point non pas parce que nous voulons vraiment être dans cette position, mais nous sommes vraiment déterminés à remporter un contrat qui est équitable. Et une partie de cette action consistait vraiment à sortir le jour de la fête du Travail et à être ensemble le jour de la fête du Travail dans tant de villes, tous ensemble. Mais il n'y a pas de plans pour le moment. Il y a des actions possibles à l'avenir.
AMY GOODMAN : Le temps, Lizzy, les exigences concernant les salaires, les niveaux des effecetifs, les charges de travail équitables, quels sont les points de friction dans ces négociations contractuelles ?
LIZZY TAPIA : Ouais, je veux dire, vous les avez rappelés, Amy. Je pense que ce que nos membres vivent est vraiment une question de manque de respect et du fait que ces entreprises hôtelières réduisent les commodités et les services. Cela signifie qu'en l'absence de nettoyage quotidien automatique des chambres, de fermeture du bar et du restaurant, d'heures limitées pour les repas en chambre ou d'absence de repas dans la chambre, d'heures limitées pour les piscines ou de fermeture des centres de conditionnement physique, toutes ces sortes de choses se traduisent par l'incapacité de nos membres à travailler. Vous savez, les membres qui nettoyaient le hall d'entrée la nuit ne seront pas là. Les membres qui — vous savez, les barmans, les serveurs, les travailleurs et les travailleuses des cuisine et des bars ne sont pas là. C'est, vous savez, ils et elles sont à la maison. Et puis, pour ceux et celles qui essaient de compenser le manque de personnel, leur charge de travail est vraiment difficile. C'est beaucoup plus difficile. C'est deux ou trois fois plus difficile qu'avant.
Et donc, je pense que beaucoup de nos problèmes sont vraiment liés au respect de notre travail, et c'est en partie pourquoi nous avons ce message, et aussi le respect de nos client-e-s. Ces choses sont vraiment liées. Et donc, cela pourrait se résumer à de l'argent pour les patrons. Et comme Rebeca l'a dit, il y a aussi beaucoup de problèmes économiques pour nous. Mais je pense que, en grande partie, vous savez, ce qu'il faut pour résoudre ce problème, c'est vraiment respecter notre travail et respecter ce que nous faisons et ramener l'hospitalité dans ces hôtels. Toutes ces choses sont en quelque sorte liées.
AMY GOODMAN : Eh bien, nous tenons à vous remercier tous les deux d'être avec nous, Lizzy Tapia, présidente de la section locale 2 de UNITE HERE à San Francisco, et Rebeca Laroque, gréviste et préposée aux chambres d'hôtel au Hyatt Regency à Greenwich, dans le Connecticut, préposée aux chambres depuis plus de 12 ans. Encore une fois, cettegrève contre Hyatt, Hilton et Marriott. Marriott possède Westin et Hilton possède DoubleTree.
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

La France insoumise confrontée à des temps incertains dans l’avenir

Jean-Luc Mélenchon et la France insoumise ont encore démenti les prédictions lors des élections générales de juillet dernier. Le focus sur le leader et sur le programme se sont révélés être des atouts électoraux mais la structure de direction rigide du parti risque de fragiliser sa longévité.
5 août 2024 | tiré du site de Jacobin | Traduction, Alexandra Cyr
La France insoumise a été créée en janvier 2016 pour servir de véhicule à la campagne présidentielle de Jean-Luc Mélenchon. Elle est devenue une force à l'Assemblée nationale avec 71 députés.es et un financement public de 5 millions d'Euros annuellement. Ses résultats aux élections présidentielles et parlementaires avec sa performance lors du dernier scrutin en juillet n'atteignent pas ceux obtenus aux Européennes et dans les élections locales. Ce mouvement s'est établi comme un centre de gravité dans la gauche française au fil du temps.
En 2017, Jean-Luc Mélenchon a gagné la plus haute marche du podium pour un candidat à gauche du Parti socialiste dans l'histoire de la 5ième république. En 2022 il rajoute 700,000 votes (à son score antérieur) et atteint les 22% d'appuis. Bien sûr ce n'était pas suffisant pour gagner la présidence et même rejoindre E. Macron au 2ième tour. Mais, après leurs succès, les forces de gauche les plus radicales en Europe, Podémos, Syriza, les travaillistes de Jeremy Corbin, Bloco de Esquerda, etc., ont commencé à reculer entre 2015 et 2019. La France insoumise s'est maintenue : comme une « tortue astucieuse » aime à dire J.L. Mélenchon.
Les annonces de la mort (politique) de J.L. Mélenchon ont été nombreuses mais ne se sont jamais avérées. Lors de l'élection parlementaire du mois dernier, les sondages et les médias ont prédit la victoire de l'extrême droite, du Rassemblement national. Mais la gauche, sous l'impulsion de la France insoumise a raflé le plus grand nombre de sièges. Aucun doute, c'est une victoire toute relative pour le Nouveau front populaire : 178 sièges contre 162 pour la formation d'E. Macron et 142 pour le Rassemblement national. Mais c'est une preuve de la longévité de J.L. Mélenchon. Alors, quelle évaluation faire des 8 ans de la France insoumise ?
Avec une analyse de long terme des militants.es, des cadres, du personnel et des élus.es de ce Parti, et en nous appuyant sur les connaissances sociologiques des partis politiques, nous voulons, avec cet essai jeter un peu de lumière sur une série de dilemmes qui se superposent auxquels le mouvement fait face. Nous préférons employer le terme dilemme, un choix insatisfaisant, pour parler le plus ouvertement possible, plutôt que les mots leçons ou expériences. Les dilemmes dont il est question ici, sont spécifiques au cas français. Mais ils peuvent concerner d'une manière ou d'une autre n'importe lequel des Partis politiques qui cherche à gouverner avec une perspective anti capitaliste.
Protester ou gagner ?
Cette question peut paraître incongrue. Mais on doit se demander si la France insoumise veut vraiment gouverner. Ou est-ce qu'elle se satisfait de faire entendre la voix des oubliés.es. C'est le rôle que dans le passé on attribuait au « tribunes populaires ». Il semble exister dans ce Parti et dans ses semblables en Europe, une double façon de voir les choses. On y trouve d'abord une culture de « gagnants.es ». On la trouve souvent dans les anciens partis socio-démocrates qui ont une familiarité avec le pouvoir pour l'avoir exercé de temps à autres mais aussi chez les jeunes cadres ayant un profil plus technologique. Par ailleurs, on trouve aussi une forme d'éthique minoritaire commune chez les militants.es d'extrême gauche qui donne la préséance aux convictions politiques aux dépends des responsabilités gouvernementales. Ces gens ne croient pas que les institutions politiques actuelles puissent transformer la société.
Les partis étiquetés de gauche populiste sont déchirés entre la mobilisation populaire et l'État, entre leurs origines et leur but final. Leurs défis au système existant cohabitent avec la participation électorale avec le but clair de gagner des sièges. Pour arriver à gouverner, la France insoumise doit convaincre le plus large électorat possible. C'est ce qu'elle visait en modérant son offre programmatique, en cultivant une image de respectabilité et en faisant certains compromis. Mais cela ne va pas sans soulever certaines difficultés dans un Parti dont l'ADN rime avec « instincts de rébellion ». Rechercher la voie normale amène le risque de perdre de vue son identité de protestataires, de s'aliéner ses propres supporters et les militants.es les plus attachés.es au statut radical. Depuis 2021, le député LFI François Ruffin a prêché pour cette normalisation et a fini par rompre avec le Parti (après les élections parlementaires de juillet). Mais en cultivant son profil subversif, la France insoumise risque de miner ses chances électorales.
L'exemple de Syriza en Grèce et des gouvernements de gauche latino-américains durant les années 2000 est la preuve que les Partis de la gauche populiste n'était pas confinés au rôle de fauteur de troubles ni non plus les complices de la sociale démocratie. Mais, gagner une élection n'est que le début du combat. Ces Partis font face au pouvoir de la finance, à la résistance des plus hauts.es fonctionnaires, des médias, des élites politiques qui défendent leurs intérêts et le statut quo. Avoir un programme radical ne suffit pas ; la façon par laquelle la Troîka européenne a réussi à soumettre Alexis Tsipras en est la preuve. Pour pouvoir appliquer son programme, il faut faire face aux conditions pour le faire. Sans appui massif et la pression populaire, sans la solidarité d'au moins un partenaire international, un gouvernement de la gauche populiste risque fort de se soumettre aux pressions adverses des marchés financiers.
Du bon sens
Inspirés.es par le marxiste italien Antonio Gramsci ou par leur idée de sa pensée, les leaders de la France insoumise sont convaincus que les politiques sont une question d'hégémonie. Pour gagner les élections, il leur faut gagner le combat des idées, défaire les mythes encrés de « la fin de l'histoire », « d'il n'y a pas d'alternative » et du « clash des civilisations ». D'où l'énergie mise à investir les réseaux sociaux et la communication publique. D'où aussi son apparition routinière sur les réseaux télé populaires. Le néolibéralisme a ravagé nos imaginations, a poussé chaque individu à se percevoir comme un.e entrepreneur.e et une source de profit dans tout ce qui nous entoure. Dans ce contexte, difficile pour une force politique de défendre une valeur aussi passée date que l'aide mutuelle comme solution. D'où la priorité mise sur la bataille des idées.
Mais, n'est-ce pas une bataille perdue d'avance ? Que peuvent faire les quelques 20,000 militants.es de la France insoumise, si doués.es et déterminés.es qu'ils ou elles soient, devant 40 ans de propagande néolibérale ? Qu'en est-il du conditionnement de masse vers la compétition, l'individualisme dans les relations de travail, la désintégration de la solidarité collective, et bien sûr, du travail des bataillons de lobbyistes professionnels.les en communication dont les budgets sont infiniment plus solides que celui de la France insoumise ? Dans ces conditions, n'est-il pas plus valable qu'un parti politique s'adresse à l'électorat tel qu'il est et non pas comme il voudrait qu'il soit ? Les intellectuels, les journalistes, les enseignants.es, les réalisateurs.trices, les auteurs.trices, les chanteurs.euses, et les artistes sont là pour changer le sens commun. Est-ce que les candidats.es ne devraient pas se centrer sur les élections à gagner même si cela exige de transformer les propositions, opération qui pourrait rebuter une partie de l'électorat ? Autrement dit, est-ce que la mission d'une force électorale est de transformer le sens commun ou de s'y adapter ?
C'est un réel débat. Podemos en Espagne s'est prononcé sur des enjeux aussi inflammables que l'indépendance de la Catalogne et l'abolition de la monarchie. Pour la France insoumise ce débat tourne autour de possibilités aussi tordues que quitter l'Union européenne et le traitement des migrants.es. La base des partis de gauche populistes est divisée sur ces enjeux et se divise encore lorsqu'il s'agit de décider de persister à les porter. Devraient-ils appeler à contredire les traités européens ou exiger la régularisation des travailleurs sans papiers ou mettre tout cela de côté pour maximiser les chances de victoire électorale ?
National et transnational
C'est au niveau supranational que se trouvent les racines des maux qui affectent la classe moyenne et la classe ouvrière. Les traités internationaux et européens des récentes décennies ont organisé la privatisation des services publics et la compétition entre les travailleurs.euses au nom de la « compétitivité ». C'est cette observation qui a poussé la France insoumise à critiquer sévèrement les institutions supranationales fussent-elles publiques, (l'Union européenne, la Banque centrale européenne, le FMI) ou privées (les multinationales, les lobbys et les agences de notation). Pour restaurer la souveraineté du peuple, il faut, selon la France insoumise un retour au niveau national.
Mais, la souveraineté nationale n'est pas automatiquement synonyme de souveraineté populaire. S'il est vrai que la classe capitaliste est maintenant organisée internationalement, il est aussi vrai que la lutte de classe se joue encore à l'intérieur des États nations. Nous ne devons pas oublier que les élites politiques nationales qui ont tenté de se soustraire à leurs responsabilités en invoquant « Bruxelles » ont-elles-mêmes organisé un affaiblissement de leurs propres pouvoirs en faveur de groupes distants et non élus. Il ne faudrait pas non plus oublier que les gouvernements français ont commencé les privatisations et l'introduction des politiques d'austérité avant que ces règles ne soient imposées par l'UE.
Ainsi, la France insoumise appuie sa bataille sur deux fronts, à la fois le national et l'international. Elle a forgé des alliances au niveau européen par exemple en 2019, avec la plateforme « Nous les peuples » qui réunit Podemos, France insoumise, Bloco de Esquerda et trois nouveaux partis nordiques pour mener une campagne contre l'évasion fiscale. Le 8 novembre 2020, ces partis ont signé à La Paz, une déclaration transnationale avec des alliés argentins, boliviens, brésiliens, chiliens, colombiens, équatoriens et péruviens pour alerter sur l'expansion mondiale de l'extrême droite.
Mais ces initiatives n'ont pas empêché la France insoumise de centrer ses énergies sur les politiques nationales. Pour s'engager dans la lutte électorale il faut en passer par là. Mais elle est ainsi en contradiction de ses propres analyses quant à l'importance du niveau transnational. Est-ce que les stratégies populistes avec une forte composante de patriotisme, prennent en compte la dimension cosmopolite ?
Le populisme cosmopolite existe sous forme embryonnaire et étonnamment, il relie plutôt des villes que des pays. Par exemple, en 2015 la Mairesse de Barcelone, Mme Ada Colau, a créé un réseau de villes refuges durant la crise migratoire. Pendant que les membres de l'UE se déchirent pour savoir qui portera le fardeau de l'afflux d'immigrants.es, 60 municipalités, souvent dirigées par la gauche, ont fait preuve de solidarité de deux manières : les unes envers les autres, par exemple Barcelone qui reçoit des migrants.es venant d'Athènes et envers les réfugiés.es en offrant des refuges, de l'aide matérielle et du soutien juridique.
Démocratique et personnalisée
Un deuxième enjeu est relié à la forme d'organisation interne de la France insoumise. Elle ne se voit pas comme un Parti mais plutôt comme un mouvement que son leader a théorisé comme étant une « forme gazeuse ». Elle n'a pas l'intention de reproduire les défauts des partis traditionnels comme le Parti socialiste jugé trop bureaucratique, dominé par des notables et consumé par les batailles internes. J.L. Mélenchon aime dire qu'il veut « voyager léger » sans le poids d'une lourde organisation mais est-ce ainsi que la France insoumise peut aller loin ? Quelle forme d'organisation devrait adopter la gauche si elle veut être une force de transformation sociale ?
Elle ne manque sûrement pas d'idées mais plutôt de moyens, particulièrement de partis et de syndicats pour les faire valoir et arriver à construire une majorité qui pourrait les adopter et plus généralement politiser la société. Les partis sont en déclin, mais les organisations dédiées à l'action à long terme n'ont perdu aucune des structures nécessaires à cette fin et peuvent prendre la forme de partis réinventés. Mais la solution ne peut être un simple retour aux bons vieux partis de masse. La société a changé. La démographie, l'économie, et le contexte technologique qui ont permis l'émergence de partis de l'époque ne sont plus là.
Notre époque est marquée par le retour des hommes forts : D. Trump, V. Poutine, Xi Jinping, J. Bolsonaro, et aussi E. Macron ; des personnalités mises en lumière. Les changements technologiques, la télévision et l'internet ont encouragé ce courant et en France, la centralité de la course à la Présidence est devenue la mère de toutes les batailles électorales. C'est maintenant le-la leader qui représente la « marque » des partis politiques, qui lui confère sa notoriété, sa légitimité aux dépends du collectif. Que seraient devenus le Mouvement cinq étoiles ou Podemos sans la visibilité des figures de Beppe Grillo et de Pablo Iglesias dans les médias ? Qu'est la France insoumise sans J.L. Mélenchon ? Ce n'est plus le Parti qui fait le candidat mais l'inverse. La France insoumise a été créée en 2016 dans cet état d'esprit.
Dans La raison populiste, Ernesto Laclau a théorisé la notion « d'hyper leader ». Il est censé apporter l'unité à une masse populaire fragmentée et divisée comme jamais et la symboliser. Mais ce phénomène s'accompagne socialement, d'une demande pressante de réelle démocratie ; elle s'est exprimée dans les protestations qui ont débuté en 2011 dans les pays arabes et par de nouvelles attentes démocratique dans les systèmes politiques. Les systèmes représentatifs permettent un équilibre fragile entre le pouvoir d'une minorité, les élus.es et le consentement passif ou actif de la majorité, les électeurs.trices. Cet équilibre qui a tenu correctement pendant deux siècles est au bord de la rupture. Nous avons à choisir entre l'autoritarisme et la démocratie. Que choisira la France insoumise ?
Spontanément, nous répondons la démocratie. Son programme vise à rendre réel l'idéal rabâché d'égalité. Tous les jours, les militants.es de ce parti sont impliqués.es dans chaque lutte pour la justice sociale. Personne ne peut contester leur engagement. Il subsiste néanmoins un doute : en voyant comment J.L. Mélenchon contrôle son mouvement, ses finances, ses stratégies d'orientation et les nominations des candidats.es aux élections, on commence à espérer qu'il ne gouvernerait pas le pays de la même façon. La France insoumise propose des principes pour une sixième République, un changement constitutionnel qui signifierait la fin de la « présidence monarchique » mais on n'en voit pas de signes dans la manière par laquelle ce mouvement fonctionne. Il nous objecterait sans doute que le chemin de la prise de pouvoir ne prédétermine pas de la façon dont il prévoit l'exercer.
Les résultats de l'expérience de leurs partenaires latino-américains démontre à quel point cet enjeu est délicat. Les gouvernements socialistes du début du 21ième siècle, ceux de H. Chavez, R. Corréa, E. Morales et autres, ont réduit la pauvreté, l'illettrisme et les inégalités. Ils ont aussi rendu l'exercice du vote à des régions où ce n'était pas possible et encouragé la classe ouvrière à s'inscrire sur les listes électorales. Mais, par ailleurs, ils ont joué la carte du leadership charismatique dont les risques inhérents et les excès sont bien connus. Ils n'ont pas non plus toujours été exemplaires en regard de la pluralité politique. Pourtant on doit se rappeler que l'opposition de droite, soutenue par les médias, les ténors de l'économie et Washington ont toujours été plus féroces en Amérique latine qu'en France et en Europe. Les conflits politiques sont plus violents (en A.L.), où l'histoire et le contexte diffèrent.
Lors de sa fondation, Podemos (en Espagne), a mis en place des « cercles » citoyens inspirés par les pratiques délibératives de l'auto gouvernement du mouvement indignados. C'est aussi ce qui a inspiré la France insoumise pour établir des groupes d'action durant les élections présidentielles de 2017. Elle a ainsi fait preuve d'inventivité et de convivialité et rallié plus de militants.es que les autres partis. Dans les deux cas, l'enthousiasme de la première année ne s'est pas éteint. Le parti-mouvement s'est toutefois graduellement transformé en un parti centralisé et a été dominé par une personnalité. Si les deux axes, vertical et horizontal ont coexisté au départ, c'est la première structure qui a prévalu en fin de compte. Ceux et celles qui croient que pour arriver au pouvoir vous n'avez pas le luxe de débattre sur tout, que vous devez viser l'efficacité, invoquent un mal nécessaire. Les autres rétorquent qu'en sacrifiant la démocratie sur l'autel de l'efficacité le parti de prive d'une partie de ses membres et s'aliène également une partie de son électorat.
Il n'est pas question de créer un parti sans leadership. Mais est-il possible de partager les responsabilités et de donner au mouvement une cohérence propre ? Depuis 2023, la France insoumise a donné à ses groupes locaux une certaine autonomie financière et promis d'installer des locaux dans chacun des cent départements du pays plus tard. Elle manque gravement de liens dans les milieux syndicaux et dans le monde culturel.
Agile ou solide
La France insoumise se présente comme un nuage, plus gazeux que solide au point d'apparaitre évanescente. Son organisation est informelle, constamment en évolution, un « work in progress ». Elle laisse beaucoup d'autonomie aux groupes locaux qui se forment en toute liberté. Il n'existe aucun niveau intermédiaire même si les cercles dans les départements n'ont été créés que l'an dernier. Il existe des règles pour la sélection des candidats.es, le financement et l'installation de chaines de décisions qui définissent la structure centrale. Derrière l'état « gazeux » se cache une sorte de société de cour (au sens qu'en donne Norbert Élias) structurée autour du leader.
Comment arriver à l'équilibre entre la flexibilité organisationnelle et le formalisme ? Le parti-mouvement se conçoit comme une structure agile orientée vers l'action et a fait la preuve d'une remarquable performance électorale à court terme. Il s'est adapté à un environnement changeant où il n'y a aucune ligne de front claire. Mais, à long terme, sa résilience est plus limitée particulièrement son habileté à survivre à des défaites électorales majeures ou à une succession au leadership. Les partis classiques sont plus difficiles à manœuvrer, à gouverner et donc à réformer. Mais ils apportent une garantie de continuité dans le temps qui les rends capables de durer pendant les périodes orageuses, les crises d'une certaine ampleur aussi bien que lors de défaites électorales et de changement de leader.
Formaliser les règles qui concernent les aspects les plus disputés de l'organisation comme par exemple, la sélection des candidats.es et les allocations financières ravivera les plus fortes sources de conflit. Mais, par ailleurs, maintenir un haut degré de spontanéité est absolument essentiel pour garantir la réactivité de l'organisation durant les moments les plus chauds de la lutte, typiquement durant la campagne à la Présidence qui comporte une plus grande ouverture de la société (envers la politique).
Unité ou pluralisme
Les questions sur la formalisation de l'organisation mènent à un autre dilemme pour la France insoumise et son degré de cohésion idéologique. Ce n'est pas nouveau, cela traverse toute l'histoire de la gauche.
Comment assurer un niveau suffisant de cohésion interne tout en laissant de la place à un degré de pluralisme qui permette de rassembler une large base militante et en gardant aussi la réflexion politique et la démocratie vivantes ? Très souvent les leaders de la France insoumise critiquent la vie démocratique des partis traditionnels basée sur les congrès, le vote et les propositions. Ils et elles connaissent bien ce modèle pour avoir déjà été membres du Parti socialiste. Selon leur analyse, il nourrit une forme de narcissisme organisationnel alors que leur parti-mouvement se veut « efficace » avec un regard porté vers l'extérieur, vers la société. Pourquoi se dépenser dans des débats sans fin qui divisent, se chicaner sur les points et virgules et couper les cheveux en quatre puisque le Parti a un programme détaillé en place ?
L'adhésion autour du programme et du leader sont sûrement les deux fétiches de ce mouvement. Mais cela ne vient pas à bout de tous les désaccords justes, existants. La France insoumise a changé de ligne politique sur nombre d'enjeux : le sécularisme, l'islamophobie, l'Europe, mais sans ouvrir un débat pluraliste par ailleurs. L'existence de « sensibilités » internes enrichie une organisation. Les interactions entre les divers courants dans le Parti socialiste n'ont pas toujours engendré un dysfonctionnement ou été artificielles. Durant les années 1970 elles ont produit des débats intellectuels de haute qualité, structurés autour de magazines et journaux, avant de dégénérer en batailles d'égos sans substance politique alors que le Parti devenait plus présidentiel.
L'enjeu ici est de savoir comment un mouvement peut gérer les conflits et les ambitions rivales et en même temps produire des mécanismes qui assureront la cohésion. La sélection des candidats.es aux élections qui est généralement le travail d'un obscur comité mène à de la compétition ; il faut qu'elle soit faite en toute transparence. La France insoumise clame la valeur du « consensus » pour ses travaux ce qui est souvent une façon pour les leaders de légitimer leurs décisions sans qu'il n'y ait eu de véritables débats.
Et est-ce que cette approche est réellement efficace alors qu'elle n'arrive pas à retenir des figures intéressantes dans l'organisation qui quittent parce qu'elles ne peuvent pas faire valoir leurs vues minoritaires dans les forums internes justement prévus à cette fin ? Est-ce que c'est efficace quand devant les conflits existant dans le mouvement ils ne peuvent être combattus qu'en passant par les médias comme les députés.es dissidents.es, Clémentine Autain, Raquel Garrido, Alexis Corbière, François Rufin et Hendrick Davi l'ont fait récemment ? Ces cinq personnes ont été expulsées de la France insoumise au moment des élections législatives cet été. Elles ont immédiatement fondé leur propre mouvement.
Le sociologue Albert Otto Hirschman a merveilleusement identifié les actions possibles pour les membres d'un Parti qui n'en sont plus satisfaits.es : partir, se faire entendre ou endosser la loyauté. Plusieurs militants.es et cadre de la France insoumise ont quitté avec fracas en claquant la porte pour n'avoir pu faire entendre leur voix justement. Charlotte Girard, une cadre historique du mouvement est partie en 2019 en soulignant qu'il y était impossible d'exprimer un désaccord. En fait les défections sont nombreuses dans ce Parti. Ce manque de démocratie limite les capacités du Parti à assurer ses soutiens. C'est un enjeu crucial pour un mouvement qui vise à créer une nouvelle majorité dans la société. Peu est fait pour former les militants.es dont la cohésion idéologique n'est basée que sur l'adhésion au programme. En fait, des débats sur les orientations du Parti auraient l'avantage d'éduquer ses adhérants.es.
Il y a eu des progrès (à ce chapitre), mais limités. Des assemblées délibérantes sont convoquées mais elles n'ont aucun pouvoir. Depuis 2022, la France insoumise a installé une structure de leadership bien identifiée : les espaces de coordination. Mais les membres sont choisis.es, non élus.es. Les militants.es n'ont pas toujours droit à la parole, par exemple sur les orientations et ne sont appelés.es à ne voter que sur une courte liste de sujets.
Les institutions et la société
La France insoumise cherche à influencer les institutions politiques et à mobiliser la société. Auquel de ces buts donner la priorité ? Ces deux stratégies ne sont pas contradictoires. Où placer le curseur, si on utilise les catégories de Erik Olin Wright, entre le changement de l'intérieur (des institutions) et la création de poches de résistance autonomes à la marge du système ?
L'absence de structures fortes et de statuts clairs a des conséquences au-delà de ce que nous avons mentionnée précédemment, entre autre sur le poids des représentants.es élus.es spécialement les députés.es qui peuvent centrer le mouvement sur le parlementarisme, de ne voir le changement social qu'à travers le prisme des institutions. Quand le Parti n'avait que 17 élus.es entre 2017 et 2022, le leadership émanait de ce groupe de parlementaires. Il était d'autant plus puissant que l'organisation du Parti était faible avec quelques permanents.es et un maigre budget. Le groupe parlementaire pouvait compter sur des ressources plus importantes avec des douzaines d'assistants.es, l'utilisation des plateformes de communication des réseaux sociaux où les discours à l'Assemblée nationale étaient diffusés, etc. Aux élections de 2022, la représentation s'est fortement agrandie passant à 75 députés.es. Ces élus.es sont devenus.es les leaders du Parti au niveau local.
Alors que la France insoumise tient un discours enflammé contre les élites, et appelle à évacuer la classe politique (actuelle), la logique du professionnalisme politique reste inchangée. Les députés.es versent une petite portion de leur salaire à leur Parti, soit 10% et il n'y a aucune limite à leurs mandats successifs. J. L. Mélenchon est lui-même un professionnel de la politique depuis 1986. La moitié des candidats les plus en vue aux élections européennes de juin (2024), cherchaient une réélection.
Au niveau local, l'intégration dans les institutions est une autre histoire. Les leaders de la France insoumise se méfient des bases de l'organisation locale et craignent que les militants.es ne deviennent complices des notables du lieu. C'est un facteur qui a installé le Parti socialiste dans une position rigide qui l'a isolé. La structure de la France insoumise repose sur une plateforme digitale qui permet beaucoup d'intermédiation de haut niveau et doit donc rejoindre ainsi la base locale. Durant la période des élections territoriales en 2020, les dirigeants.es du Parti y ont accordé peu d'importance. Même si les mairies peuvent être des lieux de promotion du changement social, elles ne devraient pas devenir le terrain de rencontres avec des élites locales.
Il est clair que le changement social ne peut pas venir que des institutions et de l'activité électorales seules. Mais cette rationalité électorale spécialement pour les présidentielles et les parlementaires, est très ancrée dans ce Parti. Cela l'amène à se rapprocher du modèle du « parti électoral professionnel ». L'expression vient de Angelo Panevianco et réfère à la notion de Partis de gouvernement. Est-ce que cette vision n'occulte pas une vision plus démocratique du changement social ?
La gauche doit s'organiser en dépit du contexte électoral en lui-même. Le surinvestissement dans l'arène électorale se fait au détriment de la construction pas à pas d'une contre-culture, de réseaux de sociabilité et solidarité concrète ; autrement dit, des morceaux d'une société alternative. Toutes les énergies des militants.es sont absorbées par l'objectif de gagner du pouvoir au moyen des élections. Bien sûr, elle ne doit pas complètement se retirer de la lutte pour la conquête du pouvoir qui est déterminée en partie par le cycle électoral. Mais la victoire électorale viendra seulement après un travail plus large pour construire ce pouvoir.
La France insoumise devrait être capable de contribuer à une stratégie hors institutions au sens de Wright : d'utiliser les forces actives de la société pour amener un changement concret. Mais elle n'a ni les moyens organisationnels ni la volonté de le faire. Le Parti est trop faible localement, et trop peu de ses ressources financières sont décentralisées. Des expériences d'organisation communautaire ont été proposées mais elles ont été limitées dans le temps, mal financées et isolées géographiquement. Les militants.es à la base dont trop peu nombreux.euses pour être bien implantés.es dans la société locale et ses luttes.
Qualité et quantité
La France insoumise veut être un parti de militants.es. Mais le peut-elle dans notre contexte du déclin général de l'engagement partisan ? Elle développe une nouvelle forme d'engagement à bas prix : l'implication « a la carte ». On en devient membre via la plateforme digitale en quelques clics et sans frais. Le Parti peut ainsi afficher 400,000 adhérants.es. Mais, ces membres ont peu de droits et peu d'obligations. On peut tolérer un bas niveau d'implication mais la contrepartie de cette flexibilité est que les membres ont peu de pouvoir. Il y a des risques à en donner à chaque militant.e à la base surtout à un si large volume. La base militante devient donc flottante et sans substance.
L'organisation de la France insoumise va et vient un peu comme un accordéon. Aucun doute qu'elle peut mobiliser sa base durant les élections présidentielles. Durant celles de 2022, grâce à l'application « Action Populaire » elle a pu attirer ses supporters et se militants.es et immédiatement les « placer sur le chemin de la campagne ». Mais elle a dû se battre pour les garder en action après l'élection ; une grande démobilisation a suivi.
Les dirigeants.es du Parti peuvent aussi faire face à un moindre nombre de militants.es engagés.es entre les périodes électorales. Le fait de compter sur les réseaux sociaux, sur les médias et l'action parlementaire mène en partie à cette situation. Cela s'explique aussi par le fait que ceux et celles qui sont engagés.es sur une base permanente ont souvent des attentes de vie démocratique que la direction n'est pas prête à satisfaire. La tyrannie du « sans structures » a aussi un puissant effet d'auto censure. Elle favorise les cadres du mouvement qui ont acquis un capital militant, dont ceux et celle du Parti de gauche, le Parti de J.L. Mélenchon qui a précédé la France insoumise. Ou encore ceux et celles qui ont un grand capital académique ou de temps ; par exemple, les étudiants.es en science politique y sont sur représentés.es.
De nos jours, les partis ne peuvent générer le genre d'intense loyauté qui caractérisait ceux d'antan. Mais est-ce que pour autant ils devraient renoncer à recruter et mobiliser des militants.es ? Il ne faut pas sous-estimer le désir pour le militantisme dans la société. Il y a des exemples dans la gauche européenne comme le Parti des travailleurs belges qui est passé de mille membres au début des années 2000 à 24,000 aujourd'hui.
Plusieurs partis ont mis de côté la mobilisation des membres parce que cela semble sans objet, inefficace et un embarras plus qu'autre chose. Ils elles sont souvent considérés.es trop radicaux.ales par les dirigeants.es. Si la France insoumise avait été plus démocratique avec ses membres, leur avait donné le droit de vote, entre autre sur les documents politiques ou les nominations aux candidatures aux élections, cela aurait rendu plus facile le financement des activités locales et les auraient resserrés.es. Ils devraient aussi devoir payer une cotisation pour devenir membres. C'est ce qu'a finalement fait Podemos, une contribution financière y est requise. Elle n'existait pas au moment de la fondation du Parti. Il y a un risque à donner des droits à des membres qui peuvent le devenir sans aucun filtre.
L'organisation de la France insoumise a fait la preuve de ses forces et de ses limites. Elle est capable de présenter le candidat le plus crédible à gauche et de mener les campagnes présidentielles avec le « style mouvement ». Mais elle se démène pour aller au-delà, pour sécuriser la loyauté et l'implication de ses militants.es sur la durée et pour transformer la société en profondeur. Mais, tout cela peut être nécessaire pour arriver à concrétiser l'espoir d'une victoire électorale longtemps attendue.
*****
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

En nommant Michel Barnier, Emmanuel Macron fait le choix du RN

Plus de deux mois après les législatives, le chef de l'État choisit une figure de la droite en tant que nouveau Premier ministre. Un choix qui raconte le refus d'Emmanuel Macron de remettre en cause sa politique. Et entérine une entente de fait avec l'extrême droite.
5 septembre 2024 | tiré de Politis | Photo : Michel Barnier, en novembre 2021, à Aix-les-Bains, lors de la primaire des Républicains pour la présidentielle 2022. © OLIVIER CHASSIGNOLE / AFP
https://www.politis.fr/articles/2024/09/politique-matignon-en-nommant-barnier-macron-fait-le-choix-du-rn/
C'est la fin du feuilleton le plus long de l'été. Au bout d'une cinquantaine de jours d'interminables réflexions, de consultations sans fin et de calculs politiques incompréhensibles, Emmanuel Macron s'est décidé. Enfin. Par un communiqué de 6 lignes, le chef de l'État nomme à Matignon ce jeudi 5 septembre Michel Barnier, l'ex-négociateur en chef de l'Union européenne chargé du dossier Brexit et figure de la droite depuis près de cinquante ans. Il remplace donc Gabriel Attal, premier ministre démissionnaire depuis deux mois.
Pour le camp présidentiel, Michel Barnier serait « Macron-compatible » et ne serait pas candidat en vue de la prochaine présidentielle en 2027 contrairement au président Les Républicains de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, et l'ex-ministre socialiste Bernard Cazeneuve, soupçonnés de vouloir avancer leurs pions pour succéder à Emmanuel Macron. En quelques jours, le locataire de l'Élysée a testé un florilège d'options qui n'avaient pourtant presque rien en commun : Bernard Cazeneuve, Xavier Bertrand, le maire de Cannes, David Lisnard, Didier Migaud, le président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, Thierry Beaudet, président du Cese, voire même l'ex-secrétaire générale de la CFDT, Laurent Berger.
Un choix de Kohler
Michel Barnier semble donc être loin d'être un plan A. Dans l'entourage du chef de l'Etat, c'est Alexis Kohler, secrétaire général de l'Elysée, qui aurait défendu son nom auprès d'Emmanuel Macron. « Il y a deux critères essentiels pour choisir le premier ministre dans le contexte politique actuel : il faut quelqu'un qui a de l'expérience et quelqu'un qui n'a aucune ambition personnelle », affirme Martin Garagnon, porte-parole d'Ensemble pour la République (EPR, Ex-Renaissance).
Dans le même temps, son accession à Matignon permettrait de parachever l'alliance entre Les Républicains et Emmanuel Macron. Car Michel Barnier a connu toutes les grandes chapelles de la droite de la Ve République. Il a été ministre de l'Environnement dans le gouvernement d'Édouard Balladur sous François Mitterrand, ministre des Affaires européennes puis des Affaires étrangères sous Jacques Chirac et ministre de l'Agriculture sous Nicolas Sarkozy. Barnier est encore apprécié dans son camp, et notamment par Laurent Wauquiez.
Un avantage par rapport à Xavier Bertrand dont les relations avec le président du groupe de La Droite républicaine à l'Assemblée (ex-Les Républicains) sont glaciales. « Compte tenu du contexte politique, il est normal de vouloir chercher à construire un accord entre les groupes qui expriment aussi une proximité idéologique. Soit on considère que la France est bloquée, soit on essaie de progresser sur la sécurité, la santé, l'école… Pour cela, nous avons besoin d'alliés, donc on se tourne vers LR », estimait en juillet Eric Woerth, député EPR et transfuge des Républicains.
Droite radicalisée
« Emmanuel Macron est prêt à tout pour préserver son héritage néolibéral et sauver sa réforme des retraites, grince le député écologiste Benjamin Lucas. Après avoir refusé le droit à la gauche de gouverner, il ne lui restait plus d'autres choix que de se mettre dans la main de la droite radicalisée. » En effet, Michel Barnier, alors candidat à la primaire de son parti en 2021 pour la présidentielle de 2022, défendait un moratoire sur l'immigration adossé à un « bouclier constitutionnel » sur cette question, ce qui aurait pu permettre d'éviter à la France d'être condamné par la Cour de justice de l'Union européenne ou de la Convention des droits de l'homme.
En 1981, il votait en tant que député contre la dépénalisation de l'homosexualité pour les mineurs de plus de 15 ans, tout comme Jacques Chirac, François Fillon, Philippe Séguin, Alain Madelin, Jacques Toubon ou Jean-Louis Debré. Mais pour Emmanuel Macron, peu importe. Le voilà donc chargé de « constituer un gouvernement de rassemblement au service du pays et des Français », selon les mots du communiqué de l'Elysée.
« On va continuer de tendre la main à la droite, mais aussi à la gauche, notamment sur l'augmentation du Smic. Dans le prochain gouvernement, il devrait y avoir des gaullistes sociaux, des membres du bloc central et des ministres sociaux-démocrates. Il n'est pas envisageable de constituer un gouvernement 100 % LR, ce groupe représente moins de 10 % à l'Assemblée. Mais il faudra surtout que la gauche de gouvernement se ressaisisse et accepte de discuter, de faire des compromis », annonce Martin Garagnon, porte-parole d'EPR.
Mépris
Mais il semble impossible que le profil de l'une des dernières figures qui se revendique encore comme gaulliste puisse empêcher le Nouveau Front populaire (NFP) de dégainer une motion de censure. Car la gauche estime que cette nomination figure comme une continuité de la politique macroniste. Emmanuel Macron souhaitait un « parfum de cohabitation », refusant de voir un chef de gouvernement opposé à sa politique.
Selon le NFP, le choix de Michel Barnier est un mépris du résultat des législatives anticipées et une volonté, du côté du chef de l'État, de ne pas reculer sur une seule mesure : la réforme des retraites. Un totem pour le Président. Les quatre composantes de l'union des gauches n'ont donc aucune intention de sauver un exécutif qui ne défend pas l'abrogation de cette réforme, l'augmentation du Smic et une loi ambitieuse en faveur des services publics.
Néanmoins, les macronistes restent sûrs de leurs calculs : Michel Barnier ne serait pas censuré immédiatement par l'Assemblée nationale. Est-ce à dire que les macronistes comptent sur un soutien ou, a minima, une relative bienveillance du Rassemblement national (RN) ? « C'est l'intransigeance de la gauche qui, en refusant d'étudier d'autres options que Lucie Castets, a permis au RN d'être le pivot de l'Assemblée. La gauche était légitime à proposer un gouvernement à condition d'être en capacité de rassembler d'autres forces politiques. Mais elle ne voulait pas s'ouvrir aux autres. C'est ce comportement qui donne au RN un rôle d'arbitre. Donc il faut que le premier ministre ne fasse pas l'objet d'une détestation du RN », dit-on dans le camp d'Emmanuel Macron.
« Alors que le Nouveau Front populaire est arrivé en tête des élections, le parti de Michel Barnier a fait 6,5 % aux élections législatives et a 40 députés à l'Assemblée nationale. Alors que le peuple français s'est mobilisé pour faire obstacle à l'extrême droite, le président de la République nomme un gouvernement Macron/Le Pen », dénonce sur X (ex-Twitter) le coordinateur de La France insoumise, Manuel Bompard.

La nomination de Michel Barnier est une double négation du résultat des élections.
Alors que le Nouveau Front Populaire est arrivé en tête des élections, le parti de Michel Barnier a fait 6,5% aux élections législatives et a 40 députés à l'Assemblée nationale.
Alors que le… Voir plus

Pour le moment, les troupes de Marine Le Pen à l'Assemblée ne prévoient pas de défendre une censure immédiate. Le discours de politique générale déterminera leur position. « Nous serons attentifs au projet qu'il portera, et attentifs à ce que les aspirations de nos électeurs, qui représentent un tiers des Français, soient entendues et respectées », écrit sur X la présidente du groupe RN et triple candidate à la présidentielle Marine Le Pen. Et la notion de cordon sanitaire de s'effacer encore un peu plus dans la pensée macroniste.
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Allemagne. « La montée en puissance de l’AfD. Ce n’est pas seulement un phénomène de l’Est »

Ce fut un coup de tonnerre. Mi-juin de cette année, un sondage de l'institut Forsa a constaté que l'AfD (Alternative für Deutschland) était la force politique la plus forte dans les Länder de l'Est [1]. Les résultats de ce parti dans les sondages se situaient aux alentours de 32%, alors qu'elles n'étaient que de 13% à l'Ouest. Puis les choses se sont enchaînées. Le président de l'association des communes et des villes de Thuringe, un chrétien-démocrate, s'est prononcé pour une collaboration avec l'AfD, « pissant » ainsi sur le « rempart de feu » de la CDU fédérale. Enfin, Robert Sesselmann (district de Sonneberg en Thuringe), un collègue de la fraction de Björn Höcke au parlement régional de Thuringe, a réussi à obtenir le poste de conseiller régional dans le district de Sonneberg. Au premier tour, il a obtenu environ 47% des voix, soit 11% de plus que le candidat de la CDU (Christlich Demokratische Union Deutschlands) arrivé en deuxième position, et au second tour, son avance a largement suffi.
31 août 2024 Alencontre | tiré du site alencontre.org
http://alencontre.org/europe/allemagne/allemagne-la-montee-en-puissance-de-lafd-ce-nest-pas-seulement-un-phenomene-de-lest.html
Entre-temps, il est impossible de l'ignorer : l'AfD est clairement la force politique la plus forte à l'Est. Les autres partis sont nettement distancés. Et cela ne changera pas si la politique au niveau fédéral et régional ne change pas fondamentalement.
La question de savoir pourquoi l'AfD connaît un tel succès en Allemagne de l'Est était et reste en débat. Les « analyses » et études afférentes du côté bourgeois ne se sont pas fait attendre. Une étude de l'université de Leipzig, par exemple, fournit des informations à ce sujet. Selon cette étude, la démocratie a du mal à s'imposer auprès des habitants de l'Est, ce qui s'explique notamment par leur expérience de la RDA (République démocratique allemande-DDR). L'étude attribue la propension des Allemands de l'Est à voter pour l'AfD à leur type de socialisation en RDA.
Parmi les autres explications du « phénomène », l'arrivée massive de demandeurs d'asile dans le pays figure en première place. Le 12 juin, le RBB (Rundfunk Berlin Brandenburg) écrit sur son site web : « En résumé, la peur de perdre ses origines et son identité pousse de nombreuses personnes de l'Est, socialement relativement homogène, vers l'AfD ».C'est donc bien cela : les Allemands de l'Est sont plus sensibles aux slogans xénophobes et réactionnaires. L'étude de l'université de Leipzig semble le confirmer. Selon cette dernière, ces personnes se profileraient surtout en Saxe, en Thuringe et en Saxe-Anhalt. Dans ces Länder, une personne sur deux souhaiterait un « parti fort » incarnant la « communauté du peuple », comme alternative à la démocratie pluraliste des partis. L'étude met l'accent sur deux conclusions. On peut y lire : « En Allemagne du centre (Mitteldeutschland) en particulier, il existe un pourcentage élevé de personnes ayant des attitudes d'extrême droite ainsi qu'un faible pourcentage de personnes qui s'opposent clairement aux thèses d'extrême droite. Dans certains Länder, les déclarations au contenu clairement d'extrême droite ne sont rejetées que par 20 à 30% ». Deuxièmement, « si une majorité des personnes interrogées se sentent démocrates, une grande majorité n'est pas satisfaite de la démocratie telle que les gens la vivent au quotidien”. Voilà ce que dit l'étude de l'université de Leipzig.
D'autres analyses, enquêtes et études vont dans le même sens. Il n'est pas rare que cela soit effectué avec une arrogance occidentale. Sans le dire, on pense dans certains cercles que les « Ossis » [qualificatif dédaigneux utilisé pour désigner les personnes provenant de l'ancienne Allemagne de l'Est] doivent encore apprendre ce qu'est la démocratie.
Un autre coup de théâtre
Début octobre, les élections régionales ont eu lieu en Hesse et en Bavière. Et quelle « surprise ». En Hesse [capitale Wiesbaden], l'AfD arrive en deuxième position avec 18,4%, derrière la CDU. Et en Bavière, les voix pour l'AfD augmentent également de manière significative. Avec 14,6% (élections régionales 2018 : 10,2%), elle devient le troisième parti au parlement régional bavarois, derrière la CSU (Christlich-Soziale Union in Bayern) et les Freie Wähler [association qui s'est transformée en parti en 2009]. Une Alice Weidel [députée au Bundestag depuis 2017, dirigeante de l'AfD, réside très souvent dans le canton suisse de Schwytz] rayonnante de joie constate devant les caméras de télévision le soir des élections : « L'AfD n'est plus un phénomène de l'Est ».
Sur ce point, Alice Weidel a raison. La thèse selon laquelle la montée en puissance de l'AfD serait avant tout le résultat du type de socialisation des gens en RDA n'est donc plus défendable en la circonstance. Il doit y avoir d'autres raisons qui font que le parti attire une partie de l'électorat. Les spécialistes de processus électoraux se voient répondre que de nombreux électeurs de l'AfD souhaitent, en votant en faveur de l'AfD, rejeter les autres partis et surtout donner une leçon au gouvernement fédéral.
La raison de ce désir de donner une leçon est vite trouvée. Dans un article récent, la FAZ (Frankfurter Allgemeine Zeitung) a donné la parole à un retraité de Nordhausen en Thuringe, qui a expliqué son engagement pour l'AfD. Il disait qu'il se sentait mal « à cause des migrants que l'Allemagne « transfère », des « politiciens corrompus » et des « saloperies des Vert·e·s, ces bavards ». Tout ne fait qu'augmenter, les loyers, le pain, le chauffage ; les Ukrainiens reçoivent tout et lui, avec sa misérable retraite de l'Est, bien trop peu ».
Cet homme évoque un problème qui n'est guère abordé dans les analyses et les études habituelles, à savoir les conditions sociales dominantes. Après les deux élections régionales en Bavière et en Hesse, le quotidien berlinois Tagesspiegel écrivait : « Le parti de droite a particulièrement du succès auprès des « petites gens », c'est-à-dire dans le milieu des ouvriers et ouvrières, des employé·e·s et des indépendants aux revenus plutôt modestes, qui ont soit un diplôme de fin d'études secondaires, soit un baccalauréat. Chez les personnes n'ayant pas le baccalauréat, la part de l'AfD se situe entre un cinquième et un quart. Parmi les diplômés de l'enseignement supérieur, environ dix pour cent votent “à l'extrême droite” ». Là encore, la situation sociale concrète de ces personnes n'est pas abordée. Pour ce quotidien, leur comportement électoral est plutôt un problème d'éducation.
L'article confirme pourtant la motivation de ce groupe d'électeurs à voter pour l'AfD. Ce sont en effet les dites petites gens et le « milieu ouvrier » qui doivent actuellement payer les conséquences de la politique fédérale allemande. Les études le confirment. Ce sont plus souvent que la moyenne des hommes âgés de 45 à 59 ans et des chômeurs qui votent pour l'AfD. Leurs revenus sont généralement faibles ou se situant près de la moyenne. Et leur situation économique se détériore suite à la hausse générale des prix. Tout devient plus cher. Les prix des denrées alimentaires notamment creusent de gros trous dans le budget des ménages. Dans ce domaine, le taux d'inflation est environ deux fois plus élevé que le taux officiel [l'indice harmonisé utilisé par la BCE se situe à 2% sur un an, une première depuis 2021]. Cela entraîne concrètement des reculs du salaire réel, d'autant plus que les augmentations conventionnelles (tarifaires) passées sont restées bien en deçà du taux d'inflation. La colère monte contre les gouvernements fédéral et régionaux, dont la politique est à l'origine de l'explosion des prix. La guerre en Ukraine et les sanctions qui ont suivi contre la Russie ont eu des répercussions sur l'économie et les salarié·e·s. Alors que l'économie répercute la hausse des prix, ce sont les travailleurs et travailleuses qui en pâtissent. Ce sont eux qui paient la facture.
Tout cela se produit à une époque où l'industrie s'affronte à de grands bouleversements. L'évolution technique vers une économie et une mobilité climatiquement neutre entraînera des réductions de personnel dans de nombreuses entreprises. Cette dynamique est déjà, en partie, commencée. Dans de nombreux secteurs, des délocalisations et des mutations structurelles massives sont prévues. Certains économistes parlent même d'une désindustrialisation de l'Allemagne [la conjoncture est actuellement négative : -0,1% au deuxième trimestre 2024]. Il n'est donc pas étonnant que de nombreuses personnes soient de plus en plus inquiètes. Leur situation économique est mauvaise et ils ne voient aucune perspective pour eux et leur famille. C'est encore plus vrai pour l'Allemagne de l'Est. Nombreux sont ceux qui sont encore traumatisés par les événements du début des années 1990, lorsque l'industrie de l'ex-RDA a été démantelée à grande échelle et qu'une forme brutale de capitalisme a été introduite. Tout cela devrait-il recommencer à leurs yeux sous d'autres modalités ?
Les accords conventionnels « délaissés » par le Capital
Entre-temps, cette évolution a également atteint l'Ouest. Le nombre d'entrepreneurs qui fuient les conventions collectives ne cesse d'augmenter depuis des années. L'Institut de recherche sur le marché du travail et les professions (IAB-Institut für Arbeitsmak und Berufsforschun) et des études du DGB (Deutscher Gewerkschaftsbund) rapportent que dans l'ensemble de l'économie, la part des salarié·e·s travaillant dans des entreprises conventionnées a baissé de 26 points de pourcentage en Allemagne de l'Ouest entre 1996 et 2022, et de 23 points de pourcentage en Allemagne de l'Est – en partant d'un niveau nettement plus bas. Cette évolution s'explique en grande partie par le recul des conventions collectives sectorielles dans le secteur privé, car celles du secteur public sont restées largement stables sur la période considérée. Par conséquent, seule la moitié des salarié·e·s est encore soumise à des conventions collectives. Si l'on tient également compte du fait que l'ensemble du secteur public est lié à 98% par des conventions collectives, la triste misère du secteur privé devient manifeste. La situation des salarié·e·s des entreprises d'Allemagne de l'Est est particulièrement négative. A l'exception des usines automobiles de Zwickau [Saxe] et de Leipzig [Saxe] et l'industrie microélectronique de Dresde [capitale de la Saxe], il n'y a pratiquement plus d'entreprises de plus de 1000 salariés. Les moyennes et petites entreprises n'ont pas de conventions collectives. Les salaires qui y sont versés dépendent en grande partie de la « bonne ou mauvaise volonté » de la direction de l'entreprise concernée. Mais toutes agissent naturellement en fonction de leurs intérêts et tentent de faire baisser les rémunérations autant que possible.
Des zones sans comité d'entreprise
Au niveau de l'entreprise, la loi sur l'organisation des entreprises régit la représentation des intérêts des salariés. Les comités d'entreprise [Betriebsrat] sont chargés d'appliquer et de contrôler les conventions collectives en vigueur, négociées par les syndicats et les représentants des employeurs. Comme la plupart des entrepreneurs ne sont intéressés ni par les conventions collectives ni par les comités d'entreprise, ils essaient de faire en sorte que leurs entreprises soient exemptes de comité d'entreprise et de les garder ainsi. En effet, lorsqu'un comité d'entreprise existe, il est plus facile pour un syndicat d'accéder à l'entreprise et de gagner le personnel à sa cause. Pour atteindre leur objectif, les entrepreneurs n'hésitent presque pas à utiliser tous les moyens, souvent même délictueux, pour perturber les comités d'entreprise existants dans leur travail et empêcher la création de nouveaux comités d'entreprise. Les entrepreneurs sont tout à fait « performants » dans ce « travail ». Ainsi, l'IAB constate, dans une enquête représentative, que seuls 41% des salariés d'Allemagne de l'Ouest et 36% des salarié·e·s d'Allemagne de l'Est travaillent dans des entreprises dotées d'un comité d'entreprise. Les conséquences pour les salariés concernés sont considérables. Dans une entreprise où il n'y a pas de comité d'entreprise, le travailleur individuel est en fin de compte livré, « seul », à l'arbitraire de la direction. Les choses peuvent aller très mal, comme le montrent de nombreux exemples individuels. Même si une direction mène une politique du personnel « raisonnable », l'opposition d'intérêts entre le capital et le travail n'est pas abolie. Et il n'y a pas de pouvoir institutionnel qui s'oppose aux intérêts du capital.
« L'être des hommes et la conscience »
Seule une minorité des salarié·e·s travaillant dans le secteur privé (à partir de cinq personnes) travaille dans des entreprises qui ont à la fois un comité d'entreprise et qui sont affiliées à une convention collective de branche. Ce secteur ne représente qu'un petit quart (24%) des salarié·e·s d'Allemagne de l'Ouest et à peine un septième (14%) de ceux d'Allemagne de l'Est. Le reste des salarié·e·s travaille de manière non réglementée et sans possibilité de défendre ses propres intérêts par le biais d'un comité d'entreprise. Les bas salaires et les mauvaises conditions de travail sont le quotidien de ces personnes. Ils ne se retrouvent pas dans la politique de tous les jours, ils n'y sont pas présents. Un sentiment d'impuissance s'installe, une colère contre « ceux d'en haut » et contre les forces anonymes qui leur rendent la vie difficile. C'est Karl Marx qui a constaté que le développement économique entraînait des changements dans les relations sociales, la culture et la politique. Il a forgé la phrase « Ce n'est pas la conscience qui détermine la vie, mais la vie qui détermine la conscience » [2].Et cette vie a concrètement changé pour l'électorat de l'AfD, qui est issu de la classe ouvrière. Ces électeurs et électrices ne veulent plus continuer comme avant. Ils veulent que quelque chose change fondamentalement. Et c'est là que l'AfD s'impose. Toutefois, la majorité d'entre eux et elles ne votent pas pour l'AfD parce qu'elle présente des tendances fascistes, mais parce que c'est le parti sur lequel tout le monde, des médias aux autres partis, réagit avec nervosité.
L'AfD, une solution aux problèmes ?
L'AfD se présente comme une « solution aux problèmes » qui répond aux préoccupations des « petites gens » [elle fait référence à une conception ethno-nationaliste de « l'Allemand »]. Ce faisant, elle renoue habilement à la xénophobie existante au sein de la population et fait des migrant·e·s, des demandeurs d'asile et des réfugiés des boucs émissaires. Tous les problèmes de la société leur seraient imputables. Le parti part également du principe que son électorat ne s'intéresse pas de près à son programme. Car s'ils le faisaient, ils constateraient que presque tout ce que l'AfD défend est contraire à leurs propres intérêts. L'AfD défend une politique économique et financière extrêmement néolibérale. Elle s'engage dans presque tous les domaines pour des baisses d'impôts et contre des hausses d'impôts. Il s'oppose à l'imposition des grandes fortunes et veut supprimer complètement l'impôt de solidarité pour les hauts revenus. Il en va de même pour la politique économique, dans laquelle l'AfD veut généralement réduire le rôle de l'Etat et augmenter le pouvoir du marché. S'il parvenait à imposer ses exigences, ses propres partisans seraient dans une situation pire. Mais ce n'est pas le problème pour les électeurs et électrice de l'AfD. En votant, ils veulent faire pression sur le gouvernement fédéral, ce qui leur réussit manifestement.
Le DGB, solution aux problèmes ?
Manifestement, les syndicats et le DGB ont eux aussi remarqué le lien entre le comportement électoral et la situation sociale des salarié·e·s. Dans une étude publiée mi-novembre 2023, le DGB aborde ce sujet. La confédération syndicale y exige des entrepreneurs qu'ils mettent fin à la tendance négative en matière de conventions collectives. Une campagne « Tarifwende » [Un tournant en matière de conventions collectives] doit y contribuer. Celle-ci s'adresse en particulier au gouvernement fédéral. Dans leur accord de coalition, les partis de l'Ampel [coalition « feu tricolore »:Vert·e·s, SPD, FDP-libéraux] avaient annoncé plusieurs initiatives sur le thème de l'adhésion aux conventions collectives. Ainsi, une loi fédérale sur le respect des conventions collectives devait veiller à ce que les marchés publics ne soient attribués qu'à des entreprises liées par des conventions collectives. Par ailleurs, de nouvelles règles de maintien des conventions collectives en cas de délocalisation d'entreprises ainsi que la création d'un droit d'accès numérique pour les syndicats dans les entreprises afin de renforcer la co-décision [Mitbestimmung] devaient être mises en place. Mais rien n'a été fait jusqu'à présent, constate le DGB lors de la conférence de presse prévue à cet effet. Stefan Körzell, membre du comité directeur de la DGB, a déclaré : « Nous ne voulons pas et ne devons pas accepter cette évolution plus longtemps si nous voulons préserver notre modèle social et économique ». Il a appelé les entrepreneurs à « assumer à nouveau leur responsabilité sociale – et d'ailleurs aussi leur véritable mission constitutionnelle : convenir avec nous de conditions de travail et de conditions économiques ». « Et le tout devrait alors – selon la présidente [depuis 2022] de la DGB Yasmin Fahimi [qui fut secrétaire générale du SPD de janvier 2014 à décembre 2025] – « entrer avec nous dans une nouvelle phase de partenariat social (…)÷. Partenariat social ! Comme si le partenariat social n'existait pas déjà en abondance. Le partenariat social dissimule les conflits d'intérêts entre le capital et le travail. Il fait partie du problème.
Il a pour effet que les salarié·e·s ne trouvent pas d'orientation politique. Par exemple, les discussions sur la lutte contre l'inflation dans le cadre de l'« action concertée » du gouvernement fédéral au début de cette année ont très certainement contribué à ce que les syndicats fassent des concessions sur les augmentations de salaires lors des négociations collectives. Les discussions entre le gouvernement fédéral, les entrepreneurs et les directions syndicales n'ont pas fait l'objet d'une grande attention de la part des médias et leurs résultats n'ont pas non plus été publiés en détail. Mais il est étrange que tous les résultats des conventions collectives suivantes aient été dépassés par l'inflation. Voilà ce qu'est le partenariat social dans la pratique. Pourtant, la volonté des travailleurs et travailleuses d'entrer en conflit était visiblement présente. Une grève obligatoire [Erzwingungsstreik] [3] pour faire valoir une revendication aurait été possible dans de nombreux syndicats. Même si les entreprises non couvertes par une convention collective n'avaient pas été impliquées, cela aurait été un signal pour les salarié·e·s de ces entreprises de devenir eux-mêmes actifs. Ils auraient ainsi vu qu'il est possible d'obtenir beaucoup en s'organisant, en se montrant solidaires et en luttant pour un objectif dans leur propre intérêt collectif. Lors d'une grève, les participant·e·s savent clairement de quel côté ils/elles se trouvent. L'attitude politique de tous les salarié·e·s n'aurait certainement pas changé. Une partie d'entre eux continuerait probablement à avoir des attitudes conservatrices et xénophobes. Mais chez beaucoup d'entre eux, elles auraient été repoussées et il aurait été plus difficile pour l'AfD de pénétrer dans ce milieu d'ouvriers et d'employés.
Il est difficile de prédire la suite des événements. L'industrie et de nombreuses entreprises, et donc les travailleurs, s'affrontent à de grands défis. L'évolution technique vers une économie climatiquement neutre et l'e-mobilité a des répercussions importantes. Il y aura des changements dans les entreprises et l'industrie, comme nous l'avons déjà décrit. Et cela signifie qu'il y aura aussi des luttes défensives. L'issue de ces luttes n'est toutefois pas certaine. Elles dépendront des rapports de force que les salarié·e·s développeront avec leurs syndicats. Si les salarié·e·s parviennent à garantir leurs emplois et à influencer positivement les changements prévus, leur confiance en eux-mêmes s'en trouvera nettement renforcée. Un parti comme l'AfD sera alors moins attrayant pour ces personnes. (Article publié dans Arbeiterstimme, Nr. 224, 2024 ; traduction rédaction A l'Encontre)
–––––
[1] Les derniers sondages sur les intentions du mois d'août (9 août ou 24 août) – donc peut avant les élections du dimanche 1er septembre donnent les résultats suivants :
Thuringe
AfD : 30%, CDU : 21%, SPD : 6%, BSW (Sahra Wagenknecht) : 17%, FDP : 3%, Grüne : 4%, Die Linke : 14%
Saxe
AfD : 32%, CDU : 30%, SPD : 6%, Grüne : 6%, BSW (Sahra Wagenknecht) : 15%, Die Linke : 4%, FDP : 2%
Brandebourg (élections le 22 septembre)
AfD : 24%, SPD : 20%, CDU : 19%, Grüne : 5%, BSW (Sahra Wagenknecht) : 17%, FDP : 2%, Die Linke : 4%
(Le seuil pour être élu se situe à 5% des suffrages.) (Réd. A l'Encontre)
[2] Dans L'idéologie allemande, de Marx et Engels (Ed. Sociales, 1968, pp.51-52), il est écrit : « Si, dans toute l'idéologie, les hommes et leurs rapports nous apparaissent placés la tête en bas comme dans une camera obscura (chambre noire), ce phénomène découle de leur processus de vie historique, absolument comme le renversement des objets sur la rétine découle de son processus de vie directement physique […]. Ce n'est pas la conscience qui détermine la vie, mais la vie qui détermine la conscience. Dans la première façon de considérer les choses, on part de la conscience comme étant l'individu vivant, dans la seconde façon, qui correspond à la vie réelle, on part des individus réels et vivants eux-mêmes et l'on considère la conscience uniquement comme leur conscience [variante dans le manuscrit : uniquement comme la conscience de ces individus ayant une activité pratique] […]. Ces prémisses, ce sont les hommes, non pas isolés et figés de quelque manière imaginaire, mais saisis dans leur processus de développement réel dans des conditions déterminées, développement visible empiriquement. Dès que l'on représente ce processus d'activité vitale, l'histoire cesse d'être une collection de faits sans vie, comme chez les empiristes, qui sont eux-mêmes encore abstraits, ou l'action imaginaire de sujets imaginaires, comme chez les idéalistes. » (Réd. A l'Encontre)
[3] Définition de la grève obligatoire : si les négociations collectives ont échoué et que les membres du syndicat ont voté en faveur d'une grève lors d'un référendum, un appel à une grève dite obligatoire peut être lancé. (Réd. A l'Encontre)
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Faut-il tolérer l’impérialisme russe ?

Nous sommes guidés par les principes d'autolibération, d'émancipation et d'autodétermination de la classe ouvrière et de tous les peuples opprimés, au-delà de toutes considérations géopolitiques. En ce sens, nous sommes également solidaires du peuple palestinien, qui lutte pour son autodétermination depuis des décennies. De même, nous soutenons les peuples kurde et arménien et tous les autres peuples menacés d'occupation, d'oppression nationale et culturelle.
30 août 2024 | tiré du site Entre les lignes entre les mots
Pourquoi as-tu proposé cette déclaration [1] ? Après deux ans de guerre en Ukraine, à quels besoins répond-elle ?
Depuis le début de la guerre, nous réagissons à la dégradation de la situation en Ukraine et aux débats de plus en plus contradictoires et bizarres au sein de la gauche dans de nombreux pays. Nous sommes solidaires de la résistance ukrainienne depuis le début de la grande offensive russe contre la population ukrainienne le 24 février 2022. Dans le cadre du Réseau européen de solidarité avec l'Ukraine (ENSU/RESU), nous avons réussi à organiser des échanges réguliers sur la dynamique politique et militaire immédiate et nous avons développé des relations stables avec des militants en Ukraine, tout particulièrement avec les camarades de Sotsialnyi Rukh, dans les syndicats traditionnels, dans les nouvelles initiatives de syndicalisation comme sois comme Nina, les groupes féministes et les organisations étudiantes. C'est important et cela nous aide à comprendre la situation difficile de la société ukrainienne.
Les débats et les jugements sur la guerre russe au sein de la gauche au sens large varient toutefois considérablement d'un pays à l'autre. En Espagne, en Italie, en Allemagne et en Autriche, il existe une forte tradition pacifiste. Celle-ci s'accompagne parfois d'une vision purement géopolitique de la politique mondiale, souvent entretenue par des organisations post-staliniennes. De nombreux courants dits trotskistes analysent également la guerre en grande partie, voire exclusivement, d'un point de vue géopolitique et en concluent que les Ukrainiens ne sont que des « idiots utiles » qui mènent une guerre par procuration au service de l'impérialisme américain. Ils s'opposent à la résistance ukrainienne ou veulent au moins lui refuser toute aide militaire et s'opposent souvent aussi aux sanctions économiques contre le régime de Poutine. Cela revient en fin de compte à tolérer l'impérialisme russe.
En France, en Belgique et en Suisse, ainsi que dans les pays scandinaves, les forces qui, par une position anti-impérialiste fondamentale et universelle, se solidarisent clairement avec la résistance ukrainienne contre les troupes d'occupation russes, peuvent également obtenir une certaine audience auprès du grand public. En Grande-Bretagne et aux États-Unis, les deux positions opposées ont, l'une et l'autre, une certaine influence et les débats internes à la gauche sont donc très durs. Les dynamiques politiques et les débats se déroulent donc différemment selon les pays. Nous n'en sommes souvent pas conscients. C'est pourquoi un échange régulier, par exemple dans le cadre de RESU, est extrêmement important.
Un problème est cependant devenu de plus en plus évident au fur et à mesure que la guerre se prolongeait. Nous devons constamment réagir de manière défensive au déroulement de la guerre et aux grands affrontements politiques, sans avoir de vision propre à moyen terme sur les perspectives de reconstruction de l'Ukraine et, surtout, sur la dynamique de l'ensemble du continent européen.
La conférence sur la paix organisée par le gouvernement suisse en accord avec le gouvernement ukrainien les 15 et 16 juin près de Lucerne a ouvert la possibilité d'aborder le désir de paix, mais de définir cette paix de manière qualitative. Quelles sont les conditions de la paix ? Quelles sont les forces qui doivent soutenir la paix ? C'est à ces questions que nous devons répondre avec notre propre vision.
Il est évident que la paix n'est possible qu'avec l'application du droit à l'autodétermination nationale pour la population ukrainienne. Cela signifie que les troupes russes doivent quitter le territoire ukrainien. Si l'agresseur parvenait à s'imposer, cela provoquerait rapidement l'apparition d'autres régimes frères autoritaires dans l'esprit de Poutine et l'attaque de régions voisines. Mais dans l'immédiat, il est urgent de soutenir la population ukrainienne dans son droit à la protection contre la terreur quotidienne des bombes et des missiles des troupes de Poutine. Cela signifie logiquement que les puissances, c'est-à-dire les États d'Europe et d'Amérique du Nord, qui disposent d'armes efficaces, doivent les fournir à l'Ukraine. Ceux qui disent que l'Ukraine a le droit de se défendre, mais qui ne veulent pas lui fournir les armes nécessaires, agissent de manière illogique et hypocrite. Il s'agit de réaffirmer cet état de fait. C'est pourquoi cette déclaration fait suite à la déclaration commune que j'ai publiée en août 2022 avec des camarades russes, ukrainiens, allemands, autrichiens et suisses [2].
L'objectif central de la déclaration « Ukraine : une paix populaire, pas une paix impériale » est de lancer un processus commun de compréhension entre les organisations, initiatives et collectifs médiatiques signataires sur la manière dont nous pouvons contribuer à renforcer la solidarité avec la résistance ukrainienne. Mais derrière cette tâche immédiate, il est également important d'échanger sur des problèmes fondamentaux tels que l'autodétermination nationale, la rivalité interimpérialiste, la pensée géopolitique en blocs, répandue et néfaste dans la gauche, le réarmement et la militarisation, les stratégies anti-impérialistes et écosocialistes ainsi que les mobilisations émancipatrices de la classe ouvrière. Ces discussions doivent être menées au sein des mouvements sociaux progressistes comme le mouvement féministe, le mouvement écologiste, le mouvement de solidarité avec les migrants et les syndicats, et bien sûr au sein des organisations écosocialistes, anarchistes et communistes émancipatrices.
Plus fondamentalement, nous voulons initier un dialogue entre les signataires pour une compréhension programmatique et stratégique plus large d'une transformation anticapitaliste et écosocialiste de l'ensemble du continent européen dans une perspective de solidarité globale.
Lors d'une récente rencontre que vous avez organisée, une militante ukrainienne, Hanna Perekhoda, a expliqué que la guerre en Ukraine signifiait que nous devions construire une alternative de gauche à l'échelle du continent européen. En quoi votre déclaration contribue-t-elle à la construction de cette alternative ? Je pense notamment à la question de la sécurité en Europe et à la contradiction entre le désarmement et notre demande d'envoi d'armes à l'Ukraine.
Oui, je pense que nous avons besoin de toute urgence d'une vision et d'une idée commune de la manière dont nous voulons organiser la société sur l'ensemble du continent européen. Il est évident que les néolibéraux n'ont pas de réponse crédible à proposer, même de loin, à un seul défi. Mais les organisations et les courants du mouvement ouvrier classique, c'est-à-dire avant tout les sociaux-démocrates et les différents projets qui ont succédé aux partis communistes, restent eux aussi prisonniers des schémas de la période passée. Il y a une crise d'orientation globale, tant au niveau des élites que de la gauche au sens large du terme. Elle est apparue aussi lors des récentes élections au Parlement européen. Il semble qu'il n'y ait plus de projets. Dans cette situation qui dure depuis longtemps, les forces nationales conservatrices et fascistes gagnent en influence. Le régime de Poutine est le fer de lance de ce mouvement et le pousse au niveau international.
En même temps, nous devons constater que tout tournant, même modeste, vers une transformation socioécologique, un Green New Deal ou même de modestes réformes contre l'industrie fossile est une illusion. Au contraire, nous assistons depuis peut-être trois ans à un véritable « choc en retour » fossile dans de nombreux pays du monde, mais surtout en Europe. Les grands groupes fossiles sont de nouveau plus confiants et augmentent leurs investissements.
Cela signifie que différents développements dangereux se rejoignent et se renforcent mutuellement.
* La guerre de la dictature de Poutine contre la population ukrainienne et la répression contre sa propre classe laborieuse et les populations non-russes opprimées par l'État russe.
* La rivalité impérialiste qui s'intensifie entre la puissance impérialiste toujours la plus forte, les États-Unis, et l'impérialisme chinois en plein essor.
* La crise persistante du profit et de l'accumulation dans la plupart des secteurs de l'économie.
* L'absence de perspectives pour une grande partie des élites, hormis la conservation immédiate du pouvoir.
* La faiblesse du mouvement ouvrier.
* Le manque de capacité à s'imposer et le déclin relatif du mouvement climatique.
* L'adaptation et la subordination étendues de la gauche classique à l'ordre existant et le manque de crédibilité d'une orientation anticapitaliste globale.
Face à cette évolution tendanciellement chaotique et qui pousse à la fragmentation, certaines fractions de la classe dirigeante cherchent désormais une réponse dans des formes de gouvernement de plus en plus autoritaires. Une partie des couches tendanciellement et relativement privilégiées des classes salariées, des forces petites-bourgeoises, mais aussi une partie de la classe ouvrière classique espèrent maintenir leur position en votant pour les nationaux-conservateurs et les fascistes. Ces tendances, associées à la guerre menée par la dictature de Poutine, au soutien de cette guerre par des forces fascistes et nationales-conservatrices et l'acceptation de cette situation par des gauches dégénérées, nous conduisent à une situation compliquée.
Dans cette situation sombre, il est urgent que les forces qui misent sur un vaste bouleversement écosocialiste par le bas et sur l'auto-organisation, qui se placent toujours et partout du côté des opprimés et des exploités, au-delà de tous les conflits géopolitiques et des formations de front, ouvrent un dialogue au niveau continental. Il ne s'agit pas d'une solution européenne en opposition à d'autres parties du monde, mais au contraire d'une perspective écosocialiste dans une solidarité globale.
Ce qui complique encore la situation, c'est le besoin militaire urgent de l'Ukraine pour sa défense existentielle. Les forces dominantes en Europe et en Amérique du Nord prennent prétexte de la guerre russe contre la population ukrainienne pour imposer politiquement des programmes de réarmement de grande envergure déjà préparés auparavant. Mais dans le même temps, ces mêmes forces refusent de doter l'Ukraine d'armes modernes et efficaces pour sa défense. Elles obligent l'Ukraine à se défendre en serrant le frein à main, pratiquement sans sa force aérienne. Ce n'est que depuis quelques semaines que l'armée ukrainienne est autorisée à tirer sur le territoire russe avec des armes modernes et uniquement dans des limites étroitement définies. Cela signifie que l'artillerie russe peut encore tirer sur les villes ukrainiennes à de nombreux endroits sans craindre d'être prise pour cible par les défenseurs. De cette manière, les puissances occidentales affaiblissent l'Ukraine et prolongent ainsi la guerre.
C'est pourquoi nous écrivons dans cette déclaration qu'un soutien militaire efficace à l'Ukraine ne nécessite en aucun cas une nouvelle vague de réarmement. Il s'agit plutôt de mettre un terme aux exportations d'armes lucratives et profitables pour des pays comme l'Arabie saoudite, l'Égypte, la Turquie et Israël. Ces régimes terrorisent leurs peuples voisins et leur propre population avec ces armes. L'Ukraine, en revanche, se défend dans l'urgence et ne reçoit pas l'aide nécessaire, ou alors de manière limitée et soumise à des conditions très désavantageuses. Nous nous opposons donc aux programmes de réarmement de l'OTAN et aux exportations d'armes vers des pays tiers.
Au lieu de cela, les États d'Europe et d'Amérique du Nord doivent fournir, à partir de leurs immenses arsenaux existants, les armes qui aideront l'Ukraine à se défendre efficacement. Dans ce sens, nous exigeons que l'industrie de l'armement ne serve pas les intérêts de profit du capital – au contraire, nous voulons œuvrer à l'appropriation sociale et au contrôle démocratique de l'industrie de l'armement. Cette industrie doit servir les intérêts immédiats de l'Ukraine. Une augmentation ciblée de la production d'armes spécifiques est possible sans déclencher une vague générale de réarmement.
Parallèlement, nous soulignons, pour des raisons sociales et écologiques urgentes, la nécessité d'une conversion démocratique de l'industrie de l'armement en une production socialement utile à l'échelle mondiale. Nous ne devons jamais perdre de vue cette orientation fondamentale. Mais c'est précisément pour cette raison qu'il est vraiment décisif que les forces et les mouvements émancipateurs coopèrent au niveau transnational, continental et finalement mondial, tant sur le plan programmatique que stratégique et très pratiquement de manière activiste dans des campagnes concrètes.
Mais dans l'immédiat, nous sommes confrontés à une question vraiment difficile et la réponse à cette question doit nous faire sortir de notre routine actuelle : que faire face à une dictature qui mène la guerre sans tenir compte des pertes humaines dans ses propres troupes ? C'est un défi particulier : en Algérie, les troupes françaises ont essayé de limiter leurs propres pertes. Pour les troupes américaines au Vietnam, les propres pertes, qui ont finalement atteint 56 000, ont constitué un énorme problème et ont été l'une des raisons de la montée en puissance du mouvement antiguerre. Pour les troupes soviétiques également, les pertes en Afghanistan sont finalement devenues si élevées qu'elles ont dû battre en retraite. De même pour l'armée américaine dans les années qui ont suivi l'invasion de l'Irak en 2003. L'armée israélienne veille probablement plus que toute autre à minimiser ses propres pertes. Mais Poutine passe littéralement ses troupes au « hachoir » sans se soucier des pertes. Oui, les soldats sont utilisés pour ménager le manque de matériel, et non l'inverse.
Des décennies de dictature stalino-bureaucratique, un éclatement et un développement capitaliste chaotiques de l'ex-URSS dans les années 1990 et deux décennies de régime poutinien, qui s'est entre-temps transformé en une dictature proche du fascisme, ont manifestement épuisé la société, l'ont atomisée et ont atrophié toute conscience collective de soi. C'est pourquoi le mouvement antiguerre en Russie n'a eu aucune chance jusqu'à présent.
Qu'est-ce que cela signifie pour la résistance aux troupes d'invasion et d'occupation ? Qu'est-ce que cela signifie pour notre orientation antimilitariste fondamentale ?
Nous sommes donc confrontés à des questions similaires à celles qui se sont posées à la résistance antifasciste avant et pendant la Seconde Guerre mondiale.
Mais nous avons aussi besoin d'une vision positive. C'est même crucial. Comment voulons-nous organiser nos sociétés en Europe ? Nous devons lancer un débat sur une transformation radicale de l'Europe. Nous voulons contribuer à développer une perspective européenne commune pour des réformes socioécologiques radicales et, à terme, pour une transformation écosocialistefondamentale de l'ensemble du continent européen dans le cadre d'une solidarité mondiale. Dans ce cadre, nous soutenons la volonté du peuple ukrainien d'adhérer à l'UE. Cela peut paraître paradoxal. Car nous rejetons bien entendu les fondements néolibéraux de l'UE et nous nous opposons également à toutes les tentatives de former un impérialisme de l'UE, sans pour autant renoncer à la résistance contre les impérialismes nationaux classiques. La politique de l'UE appauvrit des millions de personnes et aggrave les inégalités de développement en Europe. Mais le peuple ukrainien doit avoir le droit de rejoindre l'UE s'il le décide par référendum ou lors d'élections.
Nous écrivons dans la déclaration : Nous saisissons l'occasion de la perspective de l'adhésion de plusieurs pays d'Europe de l'Est et du Sud-Est pour réfléchir ensemble à la manière d'amorcer une telle transformation socioécologique radicale dans toute l'Europe. Cela implique une stratégie énergétique commune, une transformation écologique de l'industrie, des systèmes de retraite par répartition, une protection efficace du travail, une politique migratoire solidaire, des transferts inter-régionaux et la sécurité militaire ainsi que la reconversion de l'industrie de l'armement. Les forces syndicales, féministes, écologistes, antiautoritaires de gauche et socialistes d'Europe de l'Est devraient jouer un rôle important dans ce débat.
Il est évident, et cela va de soi, qu'une telle orientation doit rompre avec les fondements de l'UE. Mais nous ne rompons pas en excluant d'autres sociétés. Nous ne rompons qu'ensemble, sur l'ensemble du continent, et les sociétés européennes ne se limitent pas à l'UE. Nous concluons donc notre déclaration par un plaidoyer en faveur d'une stratégie de transition socioécologique radicale. Cette stratégie doit contribuer à impulser une dynamique de rupture et de bouleversement écosocialiste proprement révolutionnaire.
Je suis convaincu que seule une vision commune d'une Europe solidaire et écologiquement durable, c'est-à-dire en fin de compte une rupture et un bouleversement écosocialistes, nous permettra de contrer efficacement l'offensive des nationaux-conservateurs, des fascistes, l'austérité néolibérale et le choc en retour fossile.
Réussirons-nous à mettre en place un processus révolutionnaire commun ou glisserons-nous vers la barbarie ?
Il s'agit maintenant de réfléchir à la manière dont nous pouvons amener les forces qui défendent une telle transformation de l'ensemble du continent européens à générer un processus d'échange d'expériences, d'apprentissage et d'action commune. Nous avons besoin d'une convergence transnationale et continentale. Lançons les discussions sur la manière de faire avancer ce processus.
Notes
[1] « Une paix populaire, pas une paix impériale », déclaration commune d'organisations éco-socialistes, libertaires, féministes, écologistes et de groupes en solidarité avec la résistance ukrainienne et pour une reconstruction sociale et écologique autodéterminée de l'Ukraine. Le texte a été publié dans Adresses, n°3, p.5 et sur le entre les lignes entre les mots, reproduit à la fin de l'entretien
[2] Ilya Budraitskis, Oksana Dutchak, Harald Etzbach, Bernd Gehrke, Eva Gelinsky, Renate Hürtgen, Zbigniew Marcin Kowalewski, Natalia Lomonosova, Hanna Perekhoda, Denys Pilash, Zakhar Popovych, Philipp Schmid, Christoph Wälz, Przemyslaw, Wielgosz, Christian Zeller, « Soutenir la résistance ukrainienne et combattre le capital fossile », Inprecor, n°701-702, octobre-novembre 2022. et sur entre les lignes entre les mots.
Voir aussi Christian Zeller, « Accepter l'occupation pour mettre fin à la guerre ? », Inprecor, ibid.
Christian Zeller
Christian Zeller enseigne la géographie économique et les études mondiales à l'Université de Salzbourg (Autriche). Il est membre du comité de rédaction de Emanzipation, revue de stratégie écosocialiste et du RESU.
Propos recueillis par Patrick Le Tréhondat
*-*
Une paix populaire, pas une paix impériale
Le gouvernement suisse organisera les 15 et 16 juin 2024 une conférence internationale pour un processus de paix en Ukraine sur la montagne Bürgenstock, près de Lucerne. Le gouvernement ukrainien soutient cette conférence.
Cette conférence a lieu dans une phase décisive de la guerre. Depuis des mois, les forces d'invasion russes trouvent des failles dans les défenses ukrainiennes. L'armée ukrainienne les colmate au prix de lourdes pertes. Les dirigeants russes ont annoncé une grande offensive et attaquent les habitants de Kharkiv, une ville qui compte plusieurs millions d'habitants.
Nous soutenons toutes les mesures en faveur d'une paix qui permette au peuple ukrainien de reconstruire son pays de manière autodéterminée. La paix exige le retrait complet des forces d'occupation russes de l'ensemble du territoire de l'Ukraine. Dans cette optique, nous espérons que la conférence de paix en Suisse contribuera au rétablissement de la souveraineté de l'Ukraine.
Les conditions pour y parvenir sont extrêmement difficiles. Les représentants du régime de Poutine déclarent régulièrement qu'ils ne reconnaissent pas une Ukraine indépendante et nient l'existence du peuple ukrainien. Le régime de Poutine poursuit un projet de Grande Russie. Il soumet la population des territoires occupés par la terreur et vise à éradiquer la culture ukrainienne. Le régime au pouvoir en Russie commet régulièrement des crimes de guerre contre la population ukrainienne.
L'invasion russe à grande échelle de l'Ukraine, lancée le 24 février 2022, ne remet pas seulement en question l'indépendance de l'Ukraine. Elle encourage également d'autres régimes autoritaires à menacer les populations voisines, à occuper des territoires et à expulser massivement les personnes. Afin d'éviter toute résistance chez elle, l'armée russe recrute désormais aussi des citoyens de pays voisins et du Sud pour servir de chair à canon.
En raison de la résistance massive – et surprenante – de la population ukrainienne, les gouvernements d'Europe et d'Amérique du Nord ont commencé à soutenir l'armée ukrainienne dans sa défense contre les forces d'occupation russes. Cependant, ils soutiennent l'Ukraine pour affirmer leurs propres intérêts dans la rivalité impérialiste mondiale. Les États-Unis visent à affaiblir leur homologue russe tout en montrant leur force face à la Chine, puissance montante, et en donnant le ton aux puissances européennes qui sont à la fois partenaires et rivales. Mais bien que le Congrès américain ait finalement approuvé le 20 avril 2024 un programme d'aide pour l'Ukraine, qui avait été bloqué par le Parti républicain pendant neuf mois, le soutien à l'Ukraine est toujours resté sélectif et insuffisant.
De même, les sanctions économiques qui ont été imposées par les gouvernements de l'UE et des États-Unis contre la Russie et les représentants du régime de Poutine sont sélectives, mal ciblées et insuffisantes. Elles n'empêchent pas la Russie de continuer à exporter du pétrole et du gaz, ainsi que d'autres matières premières stratégiquement importantes, pour remplir son trésor de guerre. Certains pays européens ont même considérablement augmenté leurs importations de GNL en provenance de Russie depuis le début de la guerre. D'autres, comme l'Autriche, achète plus de 90% de leurs importations de gaz naturel à la Russie. Les gouvernements de ces pays obligent les consommateurs de gaz à financer la guerre de Poutine contre la population ukrainienne.
Le gouvernement suisse, hôte de la conférence de paix, n'a pas seulement accordé des allègements fiscaux aux oligarques russes depuis des décennies, il a également refusé de confisquer les biens de ces oligarques depuis le début de l'invasion russe. En tant que plaque tournante majeure du commerce international des matières premières, la Suisse offre depuis de nombreuses années aux capitaux russes d'excellentes possibilités de s'enrichir. De nombreux politiciens bourgeois ont volontiers accueilli ces entreprises en Suisse. Par la vente de produits à double usage, la Suisse contribue à l'équipement de la machine de guerre russe. Enfin, le secteur financier suisse facilite le commerce du pétrole russe.
Aux États-Unis comme en Europe, de plus en plus de voix s'élèvent au sein de l'establishment politique et économique pour lier leur soutien à l'Ukraine à certaines conditions. Leur objectif est de faire pression sur l'Ukraine pour qu'elle cède de vastes territoires et plusieurs millions de personnes au régime de Poutine. Une telle paix, imposée par les grandes puissances impériales, renforcerait le régime de Poutine et ne parviendrait pas à jeter les bases d'une reconstruction démocratique durable de l'Ukraine.
Nous avons besoin d'une paix qui soit basée sur les intérêts du peuple et des travailleurs en Ukraine et en Russie avec leur soutien. Une telle perspective ne peut aboutir que si les syndicats, les organisations de femmes, les initiatives environnementales et autres organisations de la société civile d'Ukraine et de Russie jouent un rôle de premier plan dans les pourparlers de paix.
L'occupation est un crime !
Nous sommes guidés par les principes d'autolibération, d'émancipation et d'autodétermination de la classe ouvrière et de tous les peuples opprimés, au-delà de toutes considérations géopolitiques. En ce sens, nous sommes également solidaires du peuple palestinien, qui lutte pour son autodétermination depuis des décennies. De même, nous soutenons les peuples kurde et arménien et tous les autres peuples menacés d'occupation, d'oppression nationale et culturelle.
Sur la base de notre positionnement, soutenant la résistance ukrainienne contre l'occupation russe, nous voulons contribuer à développer une perspective européenne commune pour des réformes socioécologiques radicales et, à terme, pour une transformation écosocialiste de l'ensemble du continent européen dans une solidarité globale.
En soumettant cette déclaration à la discussion, nous voulons contribuer à un processus transnational de compréhension et de clarification politique entre les forces de gauche qui partagent ces convictions importantes dans toute l'Europe et au-delà.
Douze principes pour une paix juste en Ukraine au sein d'une Europe basée sur la solidarité et l'écologie
Nous, les organisations et initiatives soussignées, voulons promouvoir un processus de paix qui adhère aux douze principes suivants :
1) La réalisation d'une paix socialement juste et écologiquement durable exige le retrait inconditionnel et complet des forces d'occupation russes de l'Ukraine et le retour de l'ensemble du territoire dans ses frontières internationalement reconnues.
2) La Russie détruit systématiquement les villes, les infrastructures et l'environnement pour démoraliser la population et déclencher une grande vague de réfugiés. Contre cette terreur quotidienne, nous exigeons que les gouvernements « occidentaux » soutiennent l'Ukraine dans la protection de sa population et de ses infrastructures contre les bombardements et les attaques de missiles par la puissance d'occupation russe. Nous sommes favorables à un soutien humanitaire, économique et militaire massif des États riches d'Europe en faveur de l'Ukraine. La population ukrainienne a besoin de toute urgence d'être protégée des bombes et des roquettes russes.
3) Nous nous opposons aux tentatives des gouvernements « occidentaux », des représentants de l'OTAN et de l'UE de faire pression sur l'Ukraine pour qu'elle fasse des concessions massives à la puissance occupante russe. Nous nous opposons à l'idée que l'Ukraine doive céder plusieurs millions de concitoyens au régime de Poutine. C'est au peuple ukrainien de décider comment faire face à cette situation atroce d'occupation permanente, voire croissante. Nous soutenons la résistance armée et non armée des Ukrainiens contre la puissance occupante russe.
4. Nous demandons que tous les Russes qui refusent le service militaire bénéficient d'un statut de résident sûr dans les pays d'Europe et d'Amérique du Nord. La désertion massive est importante pour affaiblir la machine de guerre russe.
5. Nous soutenons la lutte politique des syndicats ukrainiens, des organisations de femmes et des initiatives environnementales contre les politiques néolibérales anti-ouvrières du gouvernement du président Volodymyr Zelenskyy. Ces politiques sapent la défense socialement étendue de l'Ukraine contre l'occupation russe et rendent impossible une reconstruction socialement juste et écologiquement durable.
6. Nous sommes solidaires du mouvement antiguerre, de l'opposition démocratique et des luttes ouvrières indépendantes en Russie. Nous sommes également solidaires des nationalités opprimées en Russie qui souffrent particulièrement de la guerre et luttent pour leur autodétermination. C'est leur jeunesse qui est exploitée comme chair à canon par le régime de Poutine. Ces mouvements sont déterminants pour parvenir à une paix juste et à une Russie démocratique.
7. La Russie a emprisonné de nombreuses personnes originaires d'Ukraine en tant que prisonniers politiques. Beaucoup ont été condamnés à des décennies de prison et de camps pénitentiaires. Nous exigeons leur libération inconditionnelle. Nous exigeons que la Croix-Rouge internationale soit autorisée à maintenir un contact régulier avec tous les prisonniers de guerre. La libération des prisonniers de guerre est une condition préalable à toute paix juste.
8. La Russie doit payer des réparations au peuple ukrainien. Les oligarques de Russie et d'Ukraine doivent être expropriés. Leurs biens doivent être mis à disposition pour la reconstruction de l'Ukraine et, après la chute du régime de Poutine, du développement démocratique de la Russie.
9. Nous exigeons que les gouvernements « occidentaux » annulent immédiatement la dette financière de l'Ukraine. C'est une condition cruciale pour la reconstruction démocratique du pays. Les États riches d'Europe et d'Amérique du Nord doivent mettre en place des programmes de soutien complets et étendus en faveur du peuple ukrainien et de la reconstruction de son pays. Cette reconstruction doit se faire sous le contrôle démocratique de la population, des syndicats, des initiatives environnementales, des organisations féministes et des quartiers organisés dans les villes et les villages.
10. Nous nous opposons à tous les projets des gouvernements européens et nord-américains, des organisations internationales, qui visent à imposer un programme économique néolibéral au peuple ukrainien. Cela prolongerait et aggraverait la pauvreté et la souffrance. Nous dénonçons également tous les efforts visant à vendre les biens et les actifs de la population ukrainienne à des sociétés étrangères. La récupération et la réorganisation de l'agriculture, de l'industrie, des systèmes énergétiques et de l'ensemble de l'infrastructure sociale doivent servir à la transformation socioécologique de l'Ukraine, et non à la fourniture de main-d'œuvre, de céréales et d'hydrogène bon marché aux pays d'Europe de l'Ouest.
11. Un soutien militaire efficace de l'Ukraine ne nécessite pas une nouvelle vague d'armements. Nous nous opposons aux programmes de réarmement de l'OTAN et aux exportations d'armes vers des pays tiers. Au contraire, les pays d'Europe et d'Amérique du Nord doivent fournir, à partir de leurs énormes arsenaux existants, les armes qui aideront l'Ukraine à se défendre efficacement. En ce sens, nous demandons que l'industrie de l'armement ne serve pas au profit du capital. Au contraire, nous voulons travailler à l'appropriation sociale de l'industrie de l'armement. Cette industrie doit servir les intérêts immédiats de l'Ukraine. En même temps, pour des raisons écologiques sociales et urgentes, nous soulignons l'impératif de convertir démocratiquement l'industrie de l'armement en une production socialement utile à l'échelle mondiale.
12. Nous voulons lancer un débat sur une réorganisation radicale de l'Europe. Nous voulons contribuer à développer une perspective européenne commune pour des réformes socioécologiques radicales et ultérieurement pour une transformation écosocialiste fondamentale de l'ensemble du continent européen dans la solidarité mondiale. Dans ce cadre, nous soutenons la volonté du peuple ukrainien d'adhérer à l'UE, même si nous rejetons les fondations néolibérales de l'UE qui appauvrissent des millions de personnes et favorisent un développement inégal en Europe. Nous prenons la perspective d'une adhésion de plusieurs pays d'Europe de l'Est et du Sud-Est comme une occasion de réfléchir ensemble à la manière dont un changement socioécologique radical peut être initié dans toute l'Europe, notamment par une stratégie énergétique commune, une reconversion industrielle écologique, des systèmes de retraite par répartition, une réglementation sociale du travail, une politique migratoire solidaire, des paiements de transferts interrégionaux et une sécurité militaire accompagnée d'une reconversion de l'industrie de l'armement. Les forces syndicales, féministes, écologiques, antiautoritaires et socialistes d'Europe de l'Est devraient jouer un rôle important dans ce débat.
Ukraine : une paix populaire, pas une paix impériale
Publié dans Adresses n°4
Source : revue Emanzipation.
Ukraine : A People's Peace, not an Imperial Peace
Ukraine : ein Frieden der Bevölkerungen, kein imperialer Frieden
https://emanzipation.org/wp-content/uploads/2024/06/2024_06_04_Ukraine_Friedenskonferenz_Brief_Erklaerung.pdf
Ucrania : ¡Por una paz de los pueblos, no una paz imperialista !
https://emanzipation.org/wp-content/uploads/2024/06/2024_06_04_Ukraine_Conferencia_de_Paz_carta_declaration.pdf
Ucrânia : uma paz popular, não uma paz imperial
https://emanzipation.org/wp-content/uploads/2024/06/2024_06_04_Ukraine_conferencia_pace_letra_declaracao.pdf
Ukraina : Pokój ludowy, nie imperialny
https://emanzipation.org/wp-content/uploads/2024/06/2024_06_04_Ukraine_konferencje_pokojowego_list_deklaracja.pdf
Ucraina. Una pace per i popoli, non una pace imperiale !
https://emanzipation.org/wp-content/uploads/2024/06/2024_06_04_Ukraine_conferenza_di_pace_lettera_dichiarazione.pdf

Ukraine : faisons le point

Cet article, rédigé pour le journal Démocratie et Socialisme des camarades de la GDS, à leur demande, date de samedi dernier. La situation évoluant rapidement en Ukraine ces jours, nous le publions car il permet, comme son titre l'indique, de faire le point avant les nouveaux développements.
5 septembre 2024 | tiré du site Arguments pour la lutte sociale | Photo illustrant cet article : Source ISW, carte du front du Donbass au 2 septembre 2024. L'avancée sur Pokrovsk est au centre de la carte, entourée par le principal cercle.
Les derniers développements de la guerre en Ukraine suscitent beaucoup de questions. Comprendre ce qui se passe nécessite une vision d'ensemble. Depuis le 24/02/22, la guerre a connu 6 phases.
D'abord, l'échec de la Blitzkrieg russe, non prévu par Poutine, mais aussi par Biden : la levée en masse de la nation, l'auto-organisation des millions de « petites mains » (1), ont bloqué l'invasion qui devait liquider l'Ukraine : fait révolutionnaire qui marque la période mondiale présente. Mais d'autre part, la vague de manifs antiguerre en Russie est étouffée.
Le 25/03/24, Poutine recentre ses troupes sur le Donbass en une guerre de progression lente et d'écrasement, marquée par la destruction de Marioupol – que nos amis ukrainiens compareront bientôt à Gaza.
Mais à partir du 06/09/22, la guerre de manœuvres ressurgit, avec la percée ukrainienne à l'Est de Kharkiv, liée à un vague de paniques et de désertions côté russe, la mobilisation partielle mais massive russe, puis la reconquête de Kherson.
Après fin novembre 2022, le front se stabilise avec une seconde poussée russe dans le Donbass, qui se cristallise sur Bakhmut, lentement prise (et détruite) par les Wagner. Mais l'espoir d'une contre-offensive analogue à celle de fin 22 habite les Ukrainiens.
Celle-ci semble commencer le 06/06/23, en même temps que l'écocide russe contre le barrage de Nova Kakhovka. Peu après se produit le putsch Prigojine en Russie, spectaculaire bien qu'échouant. En fait la contre-offensive s'enlise totalement, en même temps que les livraisons d'armes occidentales se tarissent. Il y a crise dans le commandement ukrainien (Zaluzhnyi remplacé par Sirsky).
Cette situation va s'aggraver et pourrir de plus en plus à partir de l'éclatement de la guerre de Gaza le 07/10/23. Les politiques néolibérales du gouvernement Zelenski sont contre-productives pour la défense nationale, la question de la mobilisation de nouvelles classes d'âge (en dessous de 27 ans) pose problème. Même si le déblocage du vote des aides militaires au Congrès US, le 21 avril (du au constat de la consolidation de l'alliance sino-russe et du risque de percée russe du front), ramène un espoir, celui-ci reste tout relatif.
Il est, en outre, suspendu au risque de réélection de Trump, le meilleur allié de Poutine. La victoire travailliste à Londres le 4 juillet, l'échec de l'accession du RN au pouvoir en France le 7, et le tournant de la campagne US avec le remplacement de Biden par Harris le 21, sont des données qui ont un poids politique et même militaire direct pour les Ukrainiens. L'incursion ukrainienne en territoire russe à partir du 6 août ouvre-t-elle une nouvelle phase ?
Les groupes militaires russes alliés à l'Ukraine (démocrates-libéraux de Liberté de la Russie, fascistes du Corps des Volontaires, groupes nationaux de Sibir), qui mènent de petites escapades en Russie depuis des mois, ne sont pas cette fois à la manœuvre. C'est bien l'armée ukrainienne qui a constitué un glacis, à ce jour de la taille du département du Val d'Oise, et progresse sans doute encore un peu vers l'Ouest comme vers l'Est, où il pourrait faire tenaille envers les troupes russes qui ont envahi la zone frontière au Nord de Kharkiv ce printemps (2).
Bien qu'ayant des effets positifs sur le moral des soldats, cette opération n'a pas empêché la poursuite de la progression russe en direction de Pokrovsk qui, certes, n'est pas encerclée comme on le lit parfois, mais très menacée par une pointe vers l'Ouest des troupes russes. Version optimiste : cette pointe pourrait être cisaillée. Version pessimiste : la perte de Pokrovsk serait une lourde défaite aux conséquences stratégiques. En Ukraine, la crainte d'un délaissement du Donbass dans des négociations éventuelles est évidente.
D'autre part, l'incursion en Russie est un choc politique et psychologique pour le régime poutinien, qui annule en partie son ressaisissement post-putsch Prigojine. Poutine n'a toujours pas officiellement qualifié de « guerre » la situation et manifeste un dédain remarquable pour le sort des Russes eux-mêmes. Ceux-ci sont inquiets, près de 200 000 personnes ont fui la région, sans aucune résistance civile aux troupes ukrainiennes, qui ont pour consigne de ne pas commettre d'exactions « à la russe ».
Enfin, il est bon de citer ces propos de Zelenski : « … si les partenaires de l'Ukraine levaient les restrictions sur l'utilisation d'armes à longue portée sur le territoire russe, l'Ukraine n'aurait pas besoin de pénétrer physiquement » en Russie. Hé non, ce n'est pas l'OTAN qui a pris cette initiative !
La situation est sur le fil et le résultat des élections US sera un enjeu américain, mondial, et ukrainien. « L'Occident » est terrorisé quand des coups réels sont portés à Poutine par l'Ukraine. La perspective positive pour les peuples passe, elle, par sa défaite et son renversement. C'est cela, l'incontournable pour tout partisan de la démocratie et du socialisme.
Vincent Présumey, le 31/08/24.
(1) Voir Daria Saburova, Travailleuses de la résistance. Les classes populaires ukrainiennes face à la guerre., éditions du Croquant, avril 2024.
(2) Précision : la centrale nucléaire de Koursk, à Kourtchatov, est tout à fait hors de cette zone.
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

La terreur russe s’attaque aux travailleurs et aux travailleuses, à l’énergie et à la liberté : L’Ukraine à nouveau victime d’une attaque massive

Chers frères et sœurs,
La Confédération des syndicats libres d'Ukraine (KVPU) vous lance un nouvel appel car aujourd'hui, 26 août, l'Ukraine est à nouveau la cible d'une attaque massive de la part de la Russie. Les forces russes ont utilisé au moins 127 missiles et 109 drones pour frapper des installations énergétiques, de transport et d'infrastructure dans 15 régions de l'Ukraine.
3 septembre 2024 | tiré du site Entre les lignes entre les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/09/03/la-terreur-russe-sattaque-aux-travailleurs-et-aux-travailleuses-a-lenergie-et-a-la-liberte-lukraine-a-nouveau-victime-dune-attaque-massive/
Les troupes russes ont lancé une attaque terroriste sur les villes et villages ukrainiens à l'aide de drones pendant la nuit. Dans la matinée, l'assaut a été intensifié avec différents types de missiles, notamment des missiles de croisière et des Daggers. Les cibles de l'agresseur comprenaient des travailleurs et des travailleuses, des membres du KVPU et des habitant·es de 15 régions d'Ukraine.
L'attaque russe sur la région de Kiev a notamment fait trois blessé·es, dont un enfant de cinq mois. Dans la région de Sumy, l'ennemi a frappé un site d'infrastructure ferroviaire, endommageant le réseau de contact et les bâtiments, et blessant l'assistant d'un conducteur de train. Dans la région de Lviv, les forces russes ont pris pour cible plusieurs installations énergétiques, provoquant des coupures de courant dans la région. Dans la région de Zaporizhzhia, les forces russes ont attaqué des infrastructures énergétiques, entraînant la mort d'un homme à son domicile après qu'une roquette a frappé près d'une zone résidentielle. Une autre personne a perdu la vie suite à l'impact direct d'un drone sur un immeuble de grande hauteur dans la ville de Lutsk.
Le service d'urgence de l'Ukraine a indiqué qu'au moins sept personnes ont été tuées et 47 autres blessées (dont quatre enfants nés en 2014, 2017 et 2024) à la suite des attaques russes.
Dans la soirée du 26 août, un tir de missile sur un hôtel de Kryvyi Rih, dans la région de Dnipropetrovsk, a fait au moins deux morts et cinq blessés. Selon le gouverneur Serhii Lysak, plusieurs bâtiments résidentiels, magasins et véhicules ont été endommagés. Le 27 août au matin, les opérations de recherche se poursuivent et deux personnes pourraient être piégées sous les décombres.
Le 26 août, des terroristes russes ont à nouveau attaqué l'infrastructure énergétique ukrainienne, ce qui a entraîné des coupures de courant dans tout le pays.
Nous attirons votre attention sur le fait que les troupes russes ont tenté de détruire la centrale hydroélectrique de Kiev avec différents types de missiles et de drones. Les tirs d'obus ont causé des dégâts et des dommages. Il convient de rappeler que le 6 juin 2023, les troupes russes ont détruit le barrage de la centrale hydroélectrique de Kakhovka, ce qui constitue un crime de guerre et un acte d'écocide.
En outre, nous vous informons qu'en raison de l'offensive accrue des troupes russes, la vie et la santé des habitant·es des villes minières de la région de Donetsk sont encore plus menacées. Les troupes russes attaquent les mines ukrainiennes, les entreprises d'extraction de charbon et les infrastructures énergétiques. En outre, nous soulignons que les travailleurs et travailleuses ukrainien·nes sont confrontés·e à un danger permanent, qu'elles et ils se trouvent sur le chemin du travail ou du retour, à la maison ou même dans un supermarché.
Par exemple, le 6 août 2024, lors d'une attaque de missiles sur la mine Kapitalna de l'entreprise d'État Myrnogradvugilya, où opère la principale organisation syndicale du NPGU, plusieurs travailleurs ont été blessés à des degrés divers de gravité, dont un réparateur et un électricien de service et réparateur d'équipement, machiniste d'installation souterraine. Le 10 août 2024, l'opérateur du bouclier thermique central de l'atelier chaudière-turbine a été tué à Kramatorskteploenergo LLC à la suite d'une attaque de missiles par les troupes russes.
Le système énergétique ukrainien manque cruellement de production nationale d'électricité en raison des bombardements russes, et les importations, déjà à leur maximum, sont insuffisantes pour résoudre ce problème.
L'attaque sans précédent d'aujourd'hui est une nouvelle preuve que la Russie ne recule devant rien pour tenter de détruire le secteur énergétique et l'économie de l'Ukraine, et pour briser la détermination du peuple ukrainien, qui défend sa liberté et sa démocratie.
Aujourd'hui, les travailleurs et travailleuses ukrainienness, membres de syndicats, continuent de travailler malgré le danger et combattent également les occupants russes en première ligne.
Nous appelons la communauté syndicale internationale à continuer d'apporter un soutien global aux Ukrainien·nes qui résistent au régime criminel russe et luttent pour la paix et la démocratie. Aidez l'Ukraine à résister, à gagner et à libérer tous les territoires occupés où règne la terreur et où les droits des êtres humains sont bafoués.
L'appel de la KVPU reste inchangé :
Continuer à fournir une aide économique et humanitaire à l'Ukraine ;
Soutenir la fourniture d'une aide militaire à l'Ukraine afin de protéger la population, les infrastructures énergétiques, les lieux de travail et le pays ;
Renforcer les sanctions contre le régime terroriste russe et ceux qui le soutiennent et le financent, car cela peut limiter considérablement les ressources financières et l'exportation des technologies nécessaires à la poursuite de la guerre sanglante ;
Garantir la possibilité d'utiliser les avoirs russes gelés pour les affecter à l'aide à l'Ukraine ;
Isoler et écarter des organisations internationales les personnalités politiques, publiques et syndicales russes, en tant que représentants d'un pays qui mène des activités terroristes contre l'Ukraine souveraine et indépendante et contre ses citoyen·nes.
https://ukrainesolidaritycampaign.org/2024/08/29/russian-terror-targets-workers-energy-and-freedom-ukraine-under-massive-attack-again/
Traduit avec DeepL.com (version gratuite)
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :