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Yémen. Dix ans de pouvoir houthiste, une emprise encore précaire

1er octobre 2024, par Laurent Bonnefoy — , ,
Il y a dix ans, le 21 septembre 2014, les rebelles houthistes s'emparaient de Sanaa et renversaient le gouvernement issu du « Printemps yéménite ». Depuis lors, leur exercice (…)

Il y a dix ans, le 21 septembre 2014, les rebelles houthistes s'emparaient de Sanaa et renversaient le gouvernement issu du « Printemps yéménite ». Depuis lors, leur exercice du pouvoir dans de larges parties du Yémen s'est affirmé tant en interne, à travers la mise en place d'un État autoritaire, qu'à l'échelle régionale, où leur capacité militaire va croissante. Le 15 septembre 2024, un de leurs missiles atteignait à nouveau le centre d'Israël, éloigné de plus de 2 000 kilomètres. Bilan.

Tiré d'Orient XXI.

Depuis vingt ans, la place prééminente occupée par les houthistes au Yémen est le fruit de divers paradoxes. Né dans les montagnes de l'extrême nord du pays, non loin de l'Arabie saoudite, le mouvement emmené par la famille Al-Houthi avait profité de sa confrontation militaire avec l'État yéménite, entamée en juin 2004, pour gagner en expérience et légitimité. Au prix de dizaines de milliers de morts et de destructions de villages entiers, il avait alors accru sa puissance armée, ses connexions tribales, sa cohérence idéologique et son assise géographique jusqu'à gagner les confins de la capitale Sanaa peu avant le soulèvement de 2011. Rattaché à une expression marginale du paysage politique et religieux, le groupe Ansar Allah (Partisans de Dieu), courant de renouveau zaydite lié au chiisme dans un pays majoritairement sunnite, avait su mettre de côté les enjeux identitaires pour capitaliser d'abord sur le ressentiment face au pouvoir du président Ali Abdallah Saleh (jusqu'en 2012), puis contre le processus révolutionnaire du « printemps yéménite ». Ce dernier avait pourtant abouti au départ de l'ancien président et à son remplacement par Abd Rabbo Mansour Hadi chargé de mener la transition vers la démocratie. C'est toutefois en s'alliant avec leurs anciens ennemis du clan Saleh à compter de 2012 que paradoxalement les houthistes ont atteint leur masse critique, devenant le « monstre de Frankenstein » que les Yéménites connaissent. En effet, entre 2012 et 2014, les houthistes ont pu s'appuyer sur les ressources de Saleh, financières et militaires, pour mettre à mal le processus révolutionnaire qu'ils avaient pourtant initialement soutenu. Ce faisant, tous deux pouvaient atteindre un autre de leurs objectifs : mettre en pièce leurs ennemis communs, les Frères musulmans du parti al-Islah. Pour Saleh, ce pacte devait lui permettre de se venger de ceux qui l'avaient trahi lorsqu'ils s'étaient engagés dans le soulèvement révolutionnaire. Mais à l'évidence, l'accord était pour lui un trompe-l'œil et était passé au bénéfice des houthistes. Ils pouvaient dès lors entamer une phase d'exercice et de consolidation du pouvoir qui, dix ans plus tard, perdure malgré d'évidentes fragilités.

Incarner l'État

Passée la surprenante phase militaire de prise de contrôle de structures étatiques (radio et télévision nationale, ministères, casernes), les houthistes à compter du 21 septembre 2014 ont agi avec méthode. Leur coup d'État a autant été caractérisé par une volonté de dénoncer les compromis du nouveau gouvernement par rapport au projet révolutionnaire que de répondre à des aspirations réactionnaires. Les houthistes ont d'abord pu neutraliser le pouvoir reconnu par la communauté internationale en assignant à résidence le président Abd Rabbo Mansour Hadi. Ce dernier a pu fuir vers Aden et de là faire appel à l'Arabie saoudite qui est intervenue militairement à compter du 26 mars 2015 pour restaurer son pouvoir et vaincre les houthistes, sans succès.

Le processus interne essentiel de construction d'un État houthiste a été largement occulté par l'intervention de l'armée saoudienne ainsi que par les liens entre Ansar Allah et l'Iran. L'un et l'autre ont été certes importants et expliquent l'impasse que connait le pays. Mais ils n'épuisent aucunement l'analyse d'un pouvoir qui s'est affirmé au fil du temps et dont l'organisation a été finalement contre-intuitive. En effet, loin de l'image de combattants rétrogrades venus des tribus arriérées des hautes terres du Yémen, l'exercice du pouvoir par les houthistes s'est avéré efficace à divers titres. Ils se sont employés à incarner pleinement l'État dans l'ensemble des zones qu'ils ont contrôlé — le quart occidental du pays et environ la moitié de la population. Bien que n'étant pas reconnus par la communauté internationale et confrontés aux bombardements de la coalition emmenée par l'Arabie saoudite, ils ont su mettre en place des institutions qui ont empêché un effondrement général des services publics, de l'économie et de la sécurité. La stabilité du taux de change du riyal dans les zones sous leur contrôle est comparativement meilleure à celle dans les réduits du gouvernement reconnu par la communauté internationale. Le faible nombre d'attentats jihadistes atteste également de cette réalité, tout comme la permanence de médias gouvernementaux, d'une façade de vie partisane et institutionnelle.

Tout d'abord pour construire l'État houthiste, les nouveaux maitres de Sanaa ont assuré une forme de continuité en s'appuyant sur les réseaux de fonctionnaires liés à Saleh. Dans les banques, l'armée, la police, les entreprises publiques, la stabilité a un temps primé. Les petits fonctionnaires issus de domaines perçus comme moins essentiels, par exemple dans l'éducation, étaient eux délaissés, souvent privés de salaires et forcés donc de trouver des moyens de subsistance. Leur engagement, comme celui du personnel de santé, assurait malgré tout souvent une forme de continuité tout en n'empêchant pas le ressentiment parmi la population.

S'autonomiser

Progressivement les houthistes ont placé leurs hommes — d'autant plus aisément qu'Ali Abdallah Saleh, en décembre 2017, s'est retourné contre eux, finissant alors assassiné. Ils ont pu recomposer les élites politiques et sécuritaires en offrant une prime particulière à leur propre groupe, les hachémites se revendiquant descendants du Prophète. Ces derniers, forme de noblesse très minoritaire à l'échelle de la société mais qui joue un rôle central dans le zaydisme, ont avec les houthistes retrouvé leur rang perdu au moment de la révolution du 26 septembre 1962 qui avait mis fin à la monarchie.

Pour mener à bien cette recomposition, ils ont pu instrumentaliser et capter une part de l'aide humanitaire internationale, prenant en tenailles les agences de l'ONU ainsi que les ONG. Celles-ci ont été depuis 2015 tétanisées par la crainte d'une famine généralisée, acceptant finalement les exigences des houthistes et une corruption manifeste des structures de distribution. C'est ainsi qu'en 2018 l'offensive contre Hodeïda, cinquième ville la plus peuplée du Yémen, a pu être annulée à la suite de l'accord de Stockholm, ancrant leur position dans ce port et donc sur la Mer Rouge. Parallèlement, au niveau local, les houthistes ont développé un maillage sécuritaire, accentuant la surveillance et la répression de la société civile. Ils se sont appuyés sur un réflexe nationaliste en décrivant l'opération de la coalition arabe, soutenue par les Occidentaux, comme une agression, préservant ainsi un certain niveau de popularité. L'alignement de leurs ennemis yéménites sur les positions des pays étrangers — Arabie saoudite donc, mais aussi Émirats arabes unis pour ce qui concerne les sudistes —a pu faire oublier leur propre proximité idéologique et diplomatique avec l'Iran. L'idéologie portée par leur leader Abdlemalik Al-Houthi s'est affirmée, infusant dans la société à travers l'armée mais aussi les structures éducatives et religieuses, tournées vers l'effort de guerre. Une génération s'en trouve sacrifiée. Le zaydisme s'est aussi transformé, parfois à travers l'instauration de nouvelles célébrations religieuses comme Achoura ou au moment du Mouloud. Un système de taxation spécifique au bénéfice des hachémites, les restrictions exercées sur les droits élémentaires des femmes et une police morale ont enfermé la société dans une logique que bien des opposants des houthistes décrivent comme totalitaire ou finalement proche de ce que les talibans afghans imposent. L'idéologie est également structurée autour d'une contestation de l'ordre international, faisant de la question palestinienne un élément essentiel et ancrant le mouvement dans l'Axe de la résistance porté par l'Iran. Au plus fort de la guerre en Syrie, les portraits du président syrien Bachar Al-Assad trônaient dans Sanaa. L'idéologie reste pourtant caractérisée par des non-dits autour de la place des hachémites et des objectifs politiques internes. Bien que se revendiquant républicains, il est entendu que la prééminence d'Abdelmalik Al-Houthi et de son clan en général, notamment la tutelle exercée par Hussein, son demi-frère et fondateur du mouvement, tué par l'armée en 2004, acte pour les houthistes le passage vers un pouvoir héréditaire. Celui-ci s'autonomise en partie aussi de l'État et marginalise de fait la majorité sunnite, il s'appuie sur une peur de la répression qui est d'autant plus efficace dans un contexte de guerre.

Humilier les Saoudiens

L'inefficacité militaire de l'opération Tempête décisive menée par l'Arabie saoudite depuis 2015 a été largement actée, y compris par les dirigeants saoudiens. Ceux-ci ont en effet depuis avril 2022 entrepris de se retirer du dossier yéménite. Depuis lors, les bombardements aériens des positions houthistes ont cessé. Abd Rabbo Mansour Hadi a été forcé à la démission et les discussions menées grâce à Mascate ont un temps donné le sentiment que la paix était à portée de main. Les houthistes toutefois n'entendaient pas faciliter le travail des Saoudiens. En interne, ils tiennent militairement leurs positions et n'ont pas réduit la pression sur Taez par exemple. Depuis plus de deux ans, ils s'emploient à humilier l'Arabie saoudite en faisant monter le prix de la paix. Leurs exigences ont ainsi notamment été financières, visant à faire payer à la coalition les arriérés de salaires des fonctionnaires.

L'engagement armé des houthistes en Mer Rouge depuis novembre 2023 a rendu toute signature d'un accord impossible. Il a placé les Saoudiens dans l'embarras, incapables de reprendre les armes au nom des Américains et des Israéliens contre un mouvement affirmant s'engager en faveur des Palestiniens et qui a gagné en popularité sur le plan régional. Le mufti omanais, Ahmed Al-Khalili, avait pu signaler sa reconnaissance, tout comme Yahya Sinouar, chef du Hamas.

En dix mois, les plus de 120 attaques contre les navires marchands, de plus en plus sophistiquées, puis les missiles envoyés vers Israël en solidarité avec la population de Gaza ont de nouveau braqué les projecteurs sur le Yémen. En réaction à l'ouverture de ce nouveau front, les États-Unis et les Britanniques ont relancé les bombardements contre les houthistes dès décembre 2023, sans davantage de succès. Le bombardement israélien du port de Hodeïda le 20 juillet 2024 a eu pour effet principal de désorganiser l'aide humanitaire, aucunement d'affecter la capacité de projection des houthistes. Deux mois plus tard, un missile d'une nouvelle technologie explosait à six kilomètres de l'aéroport de Tel-Aviv.

La stratégie régionale des houthistes pèse indéniablement sur les Yéménites ainsi que sur les populations des pays voisins. L'attaque contre le navire Ruby Mar qui transportait des engrais en mars 2024 et a coulé avec sa cargaison, puis contre le pétrolier Sounion en août 2024 rendent compte d'une logique jusqu'au-boutiste. Une marée noire d'ampleur historique a, semble-t-il, été évitée in extremis en septembre 2024. L'Égypte elle-même a perdu près de la moitié des revenus liés à l'exploitation du canal de Suez. Les ONG et agences onusiennes gérant l'aide internationale ont subi au cours de l'été une vague de répression à Sanaa. Les houthistes se sentent autorisés à s'extraire des règles internationales.

Si la nuisance causée par les houthistes en Israël (et pour les pays occidentaux) n'est pas que symbolique et si elle flatte l'engagement sincère de la population en faveur des droits des Palestiniens, nombre des Yéménites sont avant tout impatients d'en finir avec la guerre. Ils demandent des houthistes une clarification de leur projet politique de long terme sans laquelle la stabilité de leur régime imposée depuis dix ans risque de ne pas durer.

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Syrie : Nous et les manifestations en Israël

1er octobre 2024, par Rateb Shabo — , ,
Les grèves et les manifestations populaires en Israël contre le gouvernement de Benjamin Netanyahou en raison de sa guerre génocidaire contre Gaza ne concernent pas la (…)

Les grèves et les manifestations populaires en Israël contre le gouvernement de Benjamin Netanyahou en raison de sa guerre génocidaire contre Gaza ne concernent pas la sauvagerie d'Israël, les horribles violations commises, le meurtre systématique de civils... Il s'agit avant tout de la vie des otages. Cela en dit long sur la capacité de la « démocratie » à donner naissance à des clones aveugles sur le plan humain. Cela trace également une ligne claire entre les protestations mondiales, en particulier celles des étudiants dans les universités, qui ont une dimension de droits de l'homme, et les protestations israéliennes, qui reposent sur le même terrain que le déni par les gouvernements israéliens des droits des Palestinien.nes, y compris des droits humains fondamentaux.

Tiré d'Europe solidaire sans frontière.

Néanmoins, ces manifestations démontrent ce qui nous a toujours fait défaut dans nos propres pays : une influence du peuple sur les décisions et les politiques de guerre. Ceci est étroitement lié à la relation à sens unique entre les gouvernements et les gouverné.es, une relation à sens unique basée sur l'absence totale des individus dans la gestion de leur vie et le déni de tout droit « populaire » à intervenir ou même à réfléchir à l'intérêt supérieur du pays. En temps de guerre notamment, nos systèmes politiques prétendent défendre l'intérêt suprême du pays, ne laissant au peuple d'autre choix que celui de la soumission ou de la trahison. Le même type de relation s'applique aux formations non étatiques, en particulier celles qui reposent sur une base religieuse, qui entreprennent des missions militaires contre Israël, mais ces formations ne disposent pas d'une capacité de domination suffisante sur la sphère nationale et sont donc moins à même de contrôler les individus que les États. Cependant, l'émergence de ces formations non étatiques est en soi l'expression d'un problème national profond.

Notre incapacité chronique à libérer l'État de l'emprise des cliques dirigeantes renforce notre vulnérabilité chronique à l'égard d'Israël.

Le fait que les politiques intérieures, et plus encore les orientations, les décisions et la gestion de la guerre, ne soient pas soumises à l'obligation de rendre des comptes a pour point de départ et pour aboutissement le fait que le peuple est privé de toute possibilité d'influer sur sa situation et que les « dirigeants » sont réputés infaillibles, ce qui signifie que leurs décisions et leurs politiques sont les meilleures possibles, les plus propices à l'intérêt national, et que le fait de protester contre ces décisions ne fait que faire le jeu de l'ennemi. Ainsi, il semble que les protestations du peuple « ennemi » et la mise en cause de ses dirigeants, la chute de certains d'entre eux, et peut-être leur procès pour les actes qu'ils ont commis, soient la preuve de la justesse des politiques de nos « dirigeants » qui sont infaillibles. C'est pourquoi nous nous réjouissons lorsqu'une commission d'enquête israélienne publie un rapport qui rend les dirigeants israéliens responsables d'un échec, comme ce fut le cas, par exemple, lors de l'annonce du rapport de la Commission Vinograd en avril 2007. Après la fin de la guerre israélienne contre le Liban à l'été 2006, sans qu'Israël ait atteint ses objectifs déclarés (destruction du Hezbollah, libération de prisonniers sans échange, mise en œuvre de la résolution 1559 du Conseil de sécurité des Nations unies), la rue israélienne s'est mobilisée pour faire pression sur le gouvernement afin qu'il forme une commission chargée d'enquêter sur les activités des dirigeants israéliens dans les domaines politique, militaire et de la sécurité. La commission Vinograd a été créée et, quelques mois plus tard, elle a publié son premier rapport, qui tenait le gouvernement pour responsable de l'échec de la guerre. L'échec ne signifie pas la défaite, mais plutôt que de meilleurs résultats auraient pu être obtenus, que ce soit en infligeant plus de dégâts à l'ennemi ou en évitant plus de pertes. Le chef d'état-major a démissionné au cours de l'enquête, avant la publication du rapport, le ministre de la Défense a démissionné après la publication du rapport et la popularité du Premier ministre Ehoud Olmert a chuté.

Le Hezbollah voulait faire croire à une victoire triomphale et a salué la « chute » des chefs de guerre israéliens comme une confirmation de sa victoire. En effet, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, avait déjà déclaré que cette guerre coûterait leur poste aux dirigeants israéliens, et c'est ce qui s'est passé. Mais est-ce une manifestation du succès du Hezbollah, du fait qu'il est sur la bonne voie et qu'il n'est pas nécessaire d'enquêter sur ses dirigeants ou de leur demander des comptes, ou est-ce une manifestation du fait qu'il existe en Israël un mécanisme de responsabilité fondé sur les intérêts suprêmes de l'État et que les dirigeants israéliens, même s'ils se situent très en deçà de ces intérêts, restent comptables de les avoir servis ? Il est évident que l'objectif de ces commissions d'enquête est que les dirigeants israéliens se comportent mieux, ce qui signifie qu'il faut accroître le différentiel entre Israël et son environnement, car Israël doit non seulement être supérieur sur le plan technique et matériel, mais aussi sur le plan de la conduite et de la gestion de la guerre. La démocratie intérieure qui permet les protestations n'est pas moins importante que ces deux aspects, car elle préserve d'une relation aliénée entre le peuple et son gouvernement, de sorte que le gouvernement n'apparaisse pas comme un organe répressif indépendant du peuple et échappant à son influence.

La situation inverse est largement et profondément ressentie en Syrie : les Syriens sont devenus indifférents à toutes les formes d'agression que subit leur pays sous le régime de la junte au pouvoir, et certains Syriens en sont même venus à apprécier les frappes israéliennes répétées comme un affaiblissement du régime et à les considérer comme une manifestation de la crise et de l'incapacité croissantes de la junte. Ainsi, la répression généralisée n'est pas seulement efficace pour le maintien de la junte au pouvoir, mais aussi, dans le même temps, efficace sur le plan interne au service d'un ennemi extérieur.

Si, en 2006, le Hezbollah a effectivement fait preuve d'une cohésion, d'une discipline et d'une excellente capacité de combat qui ont étonné le monde à l'époque, en particulier face à l'offensive terrestre israélienne dans les derniers jours de la guerre, lorsque l'armée israélienne voulait atteindre le fleuve Litani, il a fait montre de ce que les régimes arabes ont toujours montré : l'absence de toute forme de prise en compte ou de lien vivant avec les populations sous leur contrôle qui leur donnerait un droit à demander des comptes, à quoi il faut ajouter son régime partisan interne qui a produit une dissociation paralysante entre le patriotisme affiché comme objectif et la réalité du patriotisme que révèlent les moyens employés.

La vitalité de la relation entre le peuple d'Israël et son gouvernement favorise l'expansionnisme et la domination israéliens, contrairement à une perception qui voit dans les manifestations un signe de la désintégration de la société israélienne et une menace pour l'État occupant. Cette vitalité est un élément de supériorité politique qui s'ajoute aux autres atouts d'Israël. En revanche, notre incapacité chronique à libérer l'État de l'emprise des cliques dirigeantes renforce notre vulnérabilité chronique à l'égard d'Israël, et les droits de nos peuples glissent de plus en plus sur la pente savonneuse.

Rateb Shabo

• Traduction automatique par Deepl (légèrement remaniée pour ESSF par Pierre Vandevoorde) d'un article publié en arabe sur alaraby.co.uk

Source

L'auteur n'a pas pu vérifier la traduction.

• Rateb Shabo est né en 1963. Il est chirurgien, traducteur de l'anglais et écrivain. Il est actuellement réfugié politique en France. Il a été détenu 16 ans dans les prisons syriennes (1983-1999). Il est l'auteur de plusieurs ouvrages, parmi lesquels « Le monde de l'islam à ses débuts » (en arabe, non traduit), le récit de ses années de prison (« Achter deze Muren »-« derrière ces murs-là » disponible en arabe et en néerlandais) et « Une histoire du Parti de l'Action Communiste en Syrie (1976-1992) », non traduit.

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La persécution méthodique du Liban par Israël

1er octobre 2024, par Adlene Mohammedi — , , ,
Déjà confronté depuis 2019 à une crise économique et financière sans précédent, à laquelle s'ajoute un vide institutionnel depuis 2022, le Liban subit une fois de plus (…)

Déjà confronté depuis 2019 à une crise économique et financière sans précédent, à laquelle s'ajoute un vide institutionnel depuis 2022, le Liban subit une fois de plus d'intensifs bombardements israéliens sur son sol. Lundi 23 septembre, on dénombrait plus de 550 morts à l'issue du pilonnage du sud du pays (ainsi que du sud de la capitale et d'autres régions). Ces actes, indissociables de la question palestinienne et des massacres à Gaza, s'inscrivent aussi dans une tradition de martyrisation du pays du cèdre par l'armée israélienne. Ce n'est pas le Hezbollah qui est visé, mais tout un pays.

27 septembre 2024 | tiré de AOC info

Le 14 août dernier nous quittait Georges Corm, auteur prolifique sur le Proche-Orient, ministre des Finances du Liban à la fin des années 1990 et infatigable soutien de la cause palestinienne. Il insistait souvent sur une caractéristique géopolitique mortifère de son pays : le Liban est un État tampon et en tant que tel, sa stabilité dépend de la stabilité régionale. La guerre en Syrie, le bras de fer saoudo-iranien ou la politique israélienne sont donc autant de facteurs d'instabilité. Mais s'agissant des tensions israélo-libanaises en particulier, Georges Corm aimait dire que le Liban était un contre-modèle pour Israël : là où ce dernier est un État d'apartheid et de colonisation, le Liban privilégie malgré tout la concorde et la coexistence entre communautés diverses.

La guerre actuelle rappelle la centralité de la question palestinienne, mais elle rappelle aussi la profonde hostilité israélienne à l'égard du Liban. La présentation médiatique des événements est problématique : comme en Palestine où tout est résumé à un conflit entre Israël et le Hamas, il est question de « frappes » contre les positions du Hezbollah. Quand, pour la première fois depuis les guerres du Liban (1975-1990), plus de 550 personnes, dont une cinquantaine d'enfants, sont tuées en une seule journée, peut-on vraiment parler de « frappes ciblées » ? La cible a un nom : le Liban.

La ritournelle du Hezbollah

La place prépondérante du Hezbollah, à la fois parti politique libanais et groupe armé, ne fait aucun doute. Il est vrai que le « Parti de Dieu », qui bénéficie du soutien de l'Iran depuis ses débuts dans les années 1980, s'inscrit pleinement dans « l'axe de la résistance » face à Israël, et agit au-delà du périmètre de l'État libanais. Et il est vrai aussi que la question de son armement est régulièrement posée par ses opposants. Son désarmement est même demandé par des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. En somme, les adversaires et les ennemis du Hezbollah ne manquent pas d'arguments. Et certains commentateurs semblent trouver l'action israélienne « légitime ».

Le récit déployé par Israël, et hélas trop souvent relayé, est celui de la bienveillance étatique face à l'irrationalité des groupes « terroristes ». Associer systématiquement le Hezbollah à une communauté confessionnelle en particulier (les chiites) et à un allié extérieur (l'Iran), c'est contester sa dimension nationale. Le Hezbollah, et plus généralement ce qu'on appelait la résistance islamique dans les années 1980, est né contre l'occupation israélienne du Liban. Et c'est bien cette résistance, qui s'est poursuivie jusqu'en 2000 avec des soutiens dans toute la société libanaise, qui finit par débarrasser le pays de l'armée israélienne – qui occupe encore le Golan syrien et les fermes de Chebaa libanaises.

Le pire défaut du Hezbollah ces dernières années n'a pas été la subversion de l'État libanais, mais au contraire, son émergence comme gardien du système politique libanais, notamment face au soulèvement populaire de 2019. Souvent décrit soit comme une organisation hostile à l'État libanais, soit comme un acteur omnipotent en son sein, le Hezbollah n'est ni l'une ni l'autre. Il est membre du gouvernement libanais et il exerce assurément une influence sur les équilibres politiques du pays, mais il demeure tributaire de ses partenariats politiques, dans un paysage marqué par le confessionnalisme et la corruption – l'un nourrissant l'autre, le confessionnalisme empêchant une citoyenneté aboutie.

Depuis 2022, le Liban est sans président et un gouvernement d'affaires courantes a été reconduit ; le Hezbollah peine à imposer son candidat et il est loin de dominer le gouvernement.

Parmi ses partenaires, certains n'ont pas hésité à lui indiquer leur refus d'un « front libanais » censé soulager les Palestiniens (et maintenir la pression en vue d'un cessez-le-feu à Gaza). Pour eux, la solidarité avec les Palestiniens ne peut pas passer par une mise en danger d'un Liban, déjà largement fragilisé par une crise économique et financière inédite. C'est notamment le cas du courant aouniste (en référence au général Michel Aoun, président de 2016 à 2022 avec l'appui du Hezbollah), son principal allié chrétien de 2006 à 2022, favorable à la résistance à Israël tant que l'armée n'a pas les moyens d'assumer une telle mission seule, mais hostile à « l'unité des fronts » (un front libanais solidaire du front palestinien). Exploiter de telles divisions est l'un des objectifs constants d'Israël.

Détruire et diviser : les objectifs d'Israël au Liban

Tout cela n'est pas nouveau. Rappelons les années de ce que l'on a pris l'habitude d'appeler la « guerre civile » libanaise (1975-1990). L'un des buts d'Israël était d'exacerber les divisions confessionnelles (qui ne se confondaient pas avec les divisions politiques) du pays et d'apparaître comme une espèce de défenseur des chrétiens contre les Palestiniens (et leurs alliés libanais) et contre les Syriens. Israël est allé jusqu'à former une armée de supplétifs au sud du pays, ce même sud qui deviendra un bastion de la résistance anti-israélienne. Israël pouvait alors s'appuyer sur certains chefs politiques chrétiens (de ce que l'on appelait la « droite chrétienne ») dans sa lutte contre l'Organisation de libération de la Palestine (OLP). En 1982, cette lutte a pris la forme d'une invasion du Liban, quand Beyrouth était – déjà – prise pour cible.

L'expérience libanaise de l'armée israélienne n'a pas été un succès. Certes, l'OLP est poussée à quitter Beyrouth, mais ce qui succède à l'OLP en termes de résistance à Israël au Liban est redoutable pour l'armée israélienne : c'est dans ce contexte qu'est né le Hezbollah, au lendemain de l'invasion israélienne. L'organisation, soutenue par la République islamique d'Iran, s'insérera peu à peu dans la vie politique libanaise et sa résistance à Israël lui permettra d'acquérir une légitimité certaine auprès de toutes les communautés. Avant les affrontements actuels, la guerre de 2006 – considérée comme une déroute israélienne – était le dernier grand épisode de cette résistance.

L'autre échec est politique. En 1982, Israël n'obtient pas la « normalisation » escomptée – destinée à noyer la question palestinienne et à isoler la Syrie. Et depuis les années 2000, Israël n'arrive pas à obtenir l'exclusion du Hezbollah de la vie politique libanaise.

Bien sûr, on ne peut pas nier que les actions du Hezbollah divisent la population et la classe politique libanaises. C'était le cas en 2006, et c'est encore le cas cette fois. Néanmoins, la violence israélienne, aussi bien à l'égard des Libanais que des Palestiniens, laisse peu de place aux critiques à l'encontre du Hezbollah. Devant les bombardements continus et les centaines de morts, et même si certains réfutent l'opportunité des tirs du Hezbollah dirigés contre Israël, c'est bien ce dernier qui est largement perçu comme l'objet prioritaire des condamnations. Aujourd'hui, le parti des Forces libanaises (principale formation chrétienne du pays à l'issue des dernières législatives et principal adversaire du Hezbollah) se montre discret, tandis que les autres formations politiques – des aounistes au chef druze Walid Joumblatt – se focalisent sur les intentions d'Israël.

En dépit de la permanence des rhétoriques confessionnelles (sunnites versus chiites en 2006 ; chiites versus chrétiens aujourd'hui), Israël aura du mal à trouver au Liban les relais qu'il pouvait avoir naguère. Par ailleurs, le Hezbollah et la population chiite du sud du pays ont été et sont encore les premiers à payer le prix de cette guerre. Mais, si en décembre dernier, nous pouvions constater à Beyrouth une dichotomie entre ceux qui perdaient des proches au sud du pays et ceux qui présentaient une sorte de vitrine de vie « normale », désormais, c'est tout le pays qui constate l'étendue des attaques israéliennes.

Il est pourtant plus question de cibler le Hezbollah, ce qui donne l'impression qu'il s'agit d'une opération militaire. Mais s'agit-il vraiment d'une opération militaire ? Le politologue Pierre France partage sa réflexion sur ce point : « Il n'y a jamais eu de si grand nombre de morts en une journée au Liban sur une opération militaire, ni en 1978, ni en 1982, ni en 2006 : même pendant la guerre civile, où les chiffres se sont parfois affolés ». Autrement dit, si le Hezbollah est bien ciblé, tous les civils autour sont aussi intentionnellement tués. Bombarder en les sachant là, tuer des civils par centaines, les déplacer par milliers, cela relève du crime de guerre.

Une complaisance confirmée

Le Liban est ainsi le théâtre de la confirmation de l'impunité dont jouit Israël. Cette impunité auprès des États est sans doute inversement proportionnelle à la détestation qui s'étend parmi les opinions publiques face à l'ampleur des massacres. Sur le plan médiatique, les euphémismes (des « frappes » contre le Hezbollah pour parler de centaines de civils tués), voire une admiration malsaine (dans l'affaire des bipeurs piégés), reflètent cette complaisance. On en oublie le caractère parfois inédit de ce qui advient en Palestine comme au Liban.

On est même invité à considérer les bombardements israéliens comme une riposte presque normale, ce qui permet de négliger le crime originel (l'occupation, la colonisation, les massacres) et même d'ignorer la responsabilité israélienne dans la précipitation des événements (l'escalade après une guerre d'attrition). La propagande israélienne contribue directement à cette distorsion, d'autant plus qu'elle est peu questionnée. Lorsque l'on reprend le noble objectif du retour des populations du nord d'Israël affiché par le gouvernement israélien, on a tendance à mésestimer le prix payé sous nos yeux : le déplacement de milliers de Libanais.

Quant au soutien inconditionnel des alliés d'Israël – de Washington à Paris, en passant par Londres –, là encore, on est enclin à croire que c'est la seule position envisageable tant il est devenu automatique. Mais quelques rappels s'imposent. En 1982, après l'invasion israélienne du Liban, les positions britannique et française étaient autrement plus fermes. Margaret Thatcher est allée jusqu'à imposer un embargo sur les armes pendant douze ans. Et François Mitterrand a condamné « sans réserve » ce qu'il a lui-même qualifié « d'agression ». Où sont les condamnations française et britannique aujourd'hui ? Elles ont cédé la place à de vagues manifestations affectives. Cette pusillanimité reflète le mélange d'impotence et d'indifférence qui règne parmi les États occidentaux.
Il est trop facile de déplorer la montée en puissance d'acteurs non étatiques (Hamas, Hezbollah, Houthis…) dans la lutte contre Israël et dans la défense de la cause palestinienne quand les États eux-mêmes – pourtant principaux objets et sujets du droit international – ne trouvent rien de concret à offrir pour protéger des civils qui meurent par dizaines de milliers. La rationalité étatique face aux acteurs non étatiques ne se décrète pas. Elle se démontre par la rigueur et la cohérence.

Photo d'ouverture : De la fumée s'échappe d'un site visé par un bombardement israélien dans le village de Zaita, au sud du Liban, le 23 septembre 2024. (Photo par Mahmoud ZAYYAT / AFP)

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Forum de la gauche arabe : au Liban, résistance contre l’agression israélienne

1er octobre 2024, par Forum de la gauche arabe — , ,
Le Forum de la gauche arabe est une coalition d'une vingtaine de partis politiques de gauche, représentant plusieurs pays arabes, née en 2010 à l'initiative du Parti communiste (…)

Le Forum de la gauche arabe est une coalition d'une vingtaine de partis politiques de gauche, représentant plusieurs pays arabes, née en 2010 à l'initiative du Parti communiste libanais (PCL). Animé essentiellement par le PCL, le Forum de la gauche arabe a tenu sa dixième rencontre le 15 septembre 2024 à Beyrouth, avant le déclenchement de la guerre d'Israël contre le Liban.

Tiré de la revue Contretemps
28 septembre 2024

Par Forum de la gauche arabe

Afin que notre lectorat puisse se faire une idée de la position politique du PCL, la principale force de gauche au Liban, et d'une partie des gauches arabes actuelles, sur la guerre israélienne en cours contre le Liban, nous avons traduit de l'arabe le communiqué du Forum de la gauche arabe en date du 26 septembre 2024.

Les principaux mots d'ordre sont : résilience, résistance et unité contre l'agression israélienne.

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Le Liban, son peuple et sa résistance sont confrontés depuis le 17 septembre à une agression sioniste-impérialiste brutale, à une guerre méthodique d'anéantissement et de destruction qui frappe les enfants, les civils et les institutions sur l'ensemble du territoire libanais. Cette agression vient prolonger la guerre menée contre la bande de Gaza et la Cisjordanie, avec pour objectif de défaire la lutte et les fronts du soutien [à la résistance palestinienne], d'éliminer la résistance du peuple libanais et sa résilience, en vue d'isoler le peuple palestinien, d'éliminer sa résistance, de liquider sa cause, d'annihiler ses droits et de l'expulser de sa terre. Il s'agit d'une agression coloniale impérialiste qui, par son essence et ses dimensions, vise l'ensemble du monde arabe.

Le Liban, son peuple et sa résistance ont fait le serment – avant-même le lancement du Front de la résistance nationale libanaise (FRNL) en 1982, puis avec la libération inconditionnelle de son territoire de l'occupant sioniste en 2000, la mise en défaite de l'agression sioniste en juillet 2006, et encore aujourd'hui – de porter la cause palestinienne et de brandir l'étendard de la libération. De la même manière que la Palestine persévère et résiste toujours, depuis un an, à Gaza, en Cisjordanie, à Jérusalem et dans tous les territoires palestiniens occupés. Le Liban restera ainsi ferme et résistant, par son peuple et sa résistance nationale dans toutes ses formes, et par l'ensemble de ses composantes politiques nationales, syndicales, travailleuses, féminines et jeunes. Il sera présent et prêt à repousser l'agression sioniste sauvage de toutes les manières et par tous les moyens, main dans la main avec les forces de la résistance libanaise et palestinienne, ainsi qu'avec les forces de gauche et de la libération nationale arabe, pour mettre en échec les objectifs et les plans tactiques et stratégiques de l'agression, jusqu'à sa défaite.

Le Forum de la gauche arabe, en vertu de la traduction pratique des résolutions de la « Déclaration de Beyrouth » publiée lors de la dixième rencontre du 15 septembre 2024, apprécie hautement les positions politiques émises depuis le 17 septembre par les partis du Forum de la gauche arabe. Celles-ci constituent un appui et une base importantes pour soutenir la résilience et la résistance du peuple libanais. En raison de son importance politique, nous espérons des dirigeants des partis qui composent le Forum de la gauche arabe qu'ils engagent une série de mesures pratiques en soutien à la résilience populaire et au front de la résistance nationale libanaise dans la dangereuse confrontation en cours :

1/ Le lancement de campagnes politiques, de manifestations et de marches populaires de façon continue sur les places publiques en soutien aux peuples palestinien et libanais, et en opposition à la normalisation [avec Israël] sous toutes ses formes ;

2/ Une participation médiatique large pour fortifier l'opinion publique et pour soutenir l'action de résistance contre l'ennemi sioniste ;

3/ La constitution de comités de soutien dans tous les pays et la liaison avec les partis et les forces de gauche dans le monde ;

4/ Le soutien impératif à un plan d'urgence pour la résilience des populations sur le terrain au Liban, notamment à la suite des déplacements importants des zones larges ciblées au Liban. En particulier, travailler à garantir les besoins vitaux des personnes déplacées du Liban et cela compte tenu de l'absence et de l'incapacité de l'État libanais d'assurer ces nécessités urgentes.

La bataille contre l'ennemi israélien – avec ses alliés et ses instruments – est longue, rude et dangereuse. C'est pourquoi toutes les initiatives révolutionnaires sont requises d'urgence de la part du Forum de la gauche arabe, pour matérialiser sa présence et sa contribution politique et sur le terrain dans l'affrontement de la guerre d'agression sioniste qui nous cible tous, ainsi que pour maintenir notre bannière levée afin de renforcer le « Front de la résistance nationale arabe » et la « fermeté populaire » jusqu'à la défaite de cette agression sioniste, impérialiste étasunienne, atlantiste et réactionnaire arabe contre la Palestine, le Liban et la région.

À Beyrouth, le 26 septembre 2024.

Illustration : Naji al-Ali, caricaturiste palestinien.

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Gaza – Liban. Une guerre occidentale

1er octobre 2024, par Alain Gresh, Sarra Grira — , , , ,
Jusqu'où ira Tel-Aviv ? Non content d'avoir réduit Gaza à un champ de ruines en plus d'y commettre un génocide, Israël étend ses opérations au Liban voisin, avec les mêmes (…)

Jusqu'où ira Tel-Aviv ? Non content d'avoir réduit Gaza à un champ de ruines en plus d'y commettre un génocide, Israël étend ses opérations au Liban voisin, avec les mêmes méthodes, les mêmes massacres, les mêmes destructions, convaincu du soutien indéfectible de ses bailleurs occidentaux devenus complices directs de son action.

Tiré d'Orient XXI.

Le nombre de morts libanais des bombardements a dépassé 1 640, et les « exploits » israéliens se sont multipliés. Inaugurés par l'épisode des bipeurs, qui a suscité la pâmoison de nombre de commentateurs occidentaux devant « l'exploit technologique ». Tant pis pour les victimes, tuées, défigurées, aveuglées, amputées, passées par pertes et profits. On répétera ad nauseam qu'il ne s'agit après tout que du Hezbollah, d'une « humiliation », organisation que, rappelons-le, la France ne considère pas comme une organisation terroriste. Comme si les explosions n'avaient pas touché l'ensemble de la société, tuant miliciens ou civils de manière indifférenciée. Pourtant, le recours à des objets piégés est une violation du droit de la guerre, comme l'ont rappelé plusieurs spécialistes et organisations humanitaires (1).

Les assassinats sommaires des dirigeants du Hezbollah, dont celui de son secrétaire général Hassan Nasrallah, accompagnés chaque fois de nombreuses « victimes collatérales », ne font même pas scandale. Dernier pied de nez de Nétanyahou à l'ONU, c'est au siège même de l'organisation qu'il a donné le feu vert pour le bombardement de la capitale libanaise.

À Gaza et dans le reste des territoires palestiniens occupés, les membres du Conseil de sécurité de l'ONU enfouissent chaque jour un peu plus les avis de la Cour internationale de justice (CIJ). La Cour pénale internationale (CPI) tarde à émettre un mandat contre Benyamin Nétanyahou, alors même que son procureur fait état de pressions « par des dirigeants mondiaux » et par d'autres parties, y compris personnelles et contre sa famille (2). Avons-nous entendu Joe Biden, Emmanuel Macron ou Olaf Scholz protester contre ces pratiques ?

Cela fait presque un an que quelques voix, qui passeraient presque pour les fous du village, dénoncent l'impunité israélienne, encouragée par l'inaction occidentale. Jamais une telle guerre n'aurait été possible sans le pont aérien des armes américaines — essentiellement, et dans une moindre mesure européennes —, et sans la couverture diplomatique et politique des pays occidentaux. La France, si elle le voulait, pourrait prendre des mesures qui frapperaient vraiment Israël, mais elle refuse encore de suspendre les licences d'exportation d'armement qu'elle lui a accordées. Elle pourrait aussi défendre à l'Union européenne, avec des pays comme l'Espagne, la suspension de l'accord d'association avec Israël. Elle ne le fait pas.

Cette Nakba palestinienne qui n'en finit pas et cette destruction en règle qui s'accélère au Liban ne sont pas seulement des crimes israéliens, mais aussi des crimes occidentaux, dans lesquels Washington, Paris et Berlin portent une responsabilité directe. Loin des gesticulations et des mises en scène dont l'Assemblée générale de l'ONU a été le théâtre ces jours-ci, ne soyons dupes ni des colères de Joe Biden, ni des vœux pieux énoncés par Emmanuel Macron sur la « protection des civils », lui qui n'a jamais manqué une occasion pour montrer un soutien sans faille au gouvernement d'extrême droite de Benyamin Nétanyahou. Oublions même nombre de ces diplomates qui ont quitté la salle de l'Assemblée générale de l'ONU au moment de la prise de parole du Premier ministre israélien, dans un geste qui relève davantage de la catharsis que de la politique. Car si des pays occidentaux sont les premiers responsables des crimes israéliens, d'autres, comme la Russie ou la Chine n'ont pris aucune mesure pour mettre fin à cette guerre dont le périmètre s'étend chaque jour, et déborde sur le Yémen aujourd'hui et peut-être sur l'Iran demain.

Cette guerre nous enfonce dans un âge sombre où les lois, le droit, les garde-fous, tout ce qui empêcherait cette humanité de sombrer dans la barbarie, sont méthodiquement mis à terre. Une ère où une partie a décidé de la mise à mort de l'autre partie jugée « barbare ». Des « ennemis sauvages », pour reprendre les mots de Nétanyahou, qui menacent « la civilisation judéo-chrétienne ». Le premier ministre cherche à entraîner l'Occident dans une guerre de civilisation à connotation religieuse, dont Israël se pense comme l'avant-poste au Proche-Orient. Avec un succès certain.

Par les armes et les munitions dont ils continuent à alimenter Israël, par leur soutien indéfectible à un fallacieux « droit à se défendre », par le rejet de celui des Palestiniens à disposer d'eux-mêmes et à résister à une occupation que la CIJ a décrété illégale et dont elle ordonne l'arrêt — décision que le Conseil de sécurité de l'ONU refuse d'appliquer —, ces pays portent la responsabilité de l'hubris israélien. Membres d'institutions aussi prestigieuses que le Conseil de sécurité de l'ONU ou le G7, les gouvernements de ces États entérinent la loi de la jungle imposée par Israël et la logique de la punition collective. Cette logique était déjà à l'œuvre en Afghanistan en 2001 et en Irak en 2003, avec les résultats que l'on connaît. Déjà en 1982, Israël avait envahi le Liban, occupé le Sud, assiégé Beyrouth et supervisé les massacres des camps palestiniens de Sabra et Chatila. C'est cette « victoire » macabre qui a abouti à l'essor du Hezbollah, tout comme la politique israélienne d'occupation a abouti au 7 octobre. Car la logique de guerre et de colonialisme ne peut jamais déboucher sur la paix et la sécurité.

Notes

1- Lire, par exemple, le rapport d'Amnesty International, « Sept choses à savoir sur les attaques aux bipeurs et talkies-walkies au Liban », 23 septembre 2024.

2- Lire et écouter son entretien à la BBC, « ICC chief prosecutor defends Netanyahu arrest warrant in BBC interview », 5 septembre 2024.

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Le vote historique des Nations unies en faveur de sanctions à l’encontre d’Israël changera-t-il la réalité pour les Palestiniens ?

Les Palestiniens n'ont jamais perdu espoir dans la résistance qu'ils opposent depuis des décennies au régime d'oppression impitoyable d'Israël. Tiré de France Palestine (…)

Les Palestiniens n'ont jamais perdu espoir dans la résistance qu'ils opposent depuis des décennies au régime d'oppression impitoyable d'Israël.

Tiré de France Palestine Solidarité. Article publié pr The Guardian et traduit par l'organisme. Photo : Résultat du vote de l'AGNU sur une résolution relative aux politiques et pratiques d'Israël dans le Territoire Palestinien Occupé © UN photo/Evan Schneider.

Le Canada s'est abstenu lorsque l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté à une écrasante majorité une résolution appelant à des sanctions contre Israël le 18 septembre 2024, objectant que la résolution « s'aligne sur le boycott, le désinvestissement et les sanctions, auxquels le Canada s'oppose fermement ». Cette formulation, toute hypocrisie mise à part, renverse la vérité. Lancé en 2005, le mouvement non violent et antiraciste BDS, inspiré par la lutte anti-apartheid sud-africaine et le mouvement des droits civiques aux États-Unis, a toujours défendu les droits des Palestiniens dans le respect du droit international.

Le mouvement BDS appelle à mettre fin à l'occupation illégale et à l'apartheid d'Israël et à défendre le droit des réfugiés palestiniens à rentrer chez eux et à recevoir des réparations. C'est l'Assemblée générale des Nations unies qui commence enfin à s'aligner sur la tâche urgente d'appliquer le droit international de manière cohérente, même à l'égard d'Israël. Comme le dit Craig Mokhiber, ancien haut fonctionnaire des Nations unies chargé des droits de l'homme, l'arrêt de la Cour internationale de justice (CIJ) fait du BDS « non seulement un impératif moral et un droit constitutionnel et humain, mais aussi une obligation juridique internationale ».

Loin d'être un énième vote de l'ONU, ce vote est historique. C'est la première fois que l'assemblée générale dénonce le régime d'apartheid d'Israël et la première fois en 42 ans qu'elle demande des sanctions pour mettre fin à l'occupation illégale, comme l'a décidé la CIJ en juillet.

De nombreux Palestiniens et militants de la solidarité restent cependant sceptiques. Près d'un an après le début du génocide israélien contre 2,3 millions de Palestiniens dans la bande de Gaza occupée et assiégée, Israël commet quotidiennement des atrocités, faisant preuve d'un niveau sans précédent d'invincibilité apparente, ou de ce que même le docile secrétaire général de l'ONU appelle « l'impunité totale ». En partenariat avec les puissances occidentales hégémoniques, les États-Unis en tête, Israël extermine non seulement des dizaines de milliers de Palestiniens indigènes, mais bafoue également les principes mêmes du droit international.

De nombreux experts des Nations unies en matière de droits de l'homme partagent cet avis. Dans une déclaration publiée le même jour, ils affirment que « l'édifice du droit international est sur le fil du rasoir, la plupart des États ne prenant pas de mesures significatives pour se conformer à leurs obligations internationales réaffirmées dans l'arrêt [de la CIJ] ». Pour se conformer à l'arrêt, les États doivent imposer des sanctions économiques, commerciales, universitaires et autres de grande ampleur à l'occupation illégale et au « régime d'apartheid » d'Israël, écrivent-ils, précisant qu'un embargo militaire complet est la mesure la plus urgente.

Dès octobre 2023, quelques jours après l'attaque génocidaire d'Israël contre Gaza, le président colombien Gustavo Petro a mis en garde contre « la montée sans précédent du fascisme et, par conséquent, la mort de la démocratie et de la liberté... Gaza n'est que la première expérience visant à nous considérer tous comme jetables ». En d'autres termes, « plus jamais ça, c'est maintenant », comme l'ont dit les groupes juifs progressistes et antisionistes. Cela signifie que la priorité la plus urgente de l'humanité est de mettre fin au génocide israélien, tout en reconnaissant que la justice pour les Palestiniens croise et est entrelacée avec les luttes pour la justice raciale, climatique, économique, sociale et de genre.

Les décisions de la CIJ, le vote historique de l'assemblée générale et les déclarations des experts de l'ONU reflètent tous une majorité mondiale montante qui soutient non seulement la lutte pour l'émancipation des Palestiniens, mais aussi la mission fondamentale de sauver l'humanité, rien de moins, d'une ère de « la force fait le droit », sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale, qui relègue les institutions de l'ONU dans les poubelles de l'histoire.

Quoi qu'il en soit, les Palestiniens ne se font aucune illusion sur le fait que la justice leur sera rendue par la CIJ ou l'ONU, cette dernière étant historiquement responsable de la Nakba de 1947-1949, du nettoyage ethnique de la plupart des Palestiniens et de l'établissement d'Israël en tant que colonie de peuplement sur la majeure partie du territoire de la Palestine historique. L'échec total du système juridique international, dominé par les puissances coloniales euro-américaines, à fournir la base nécessaire, non ambiguë et juridiquement contraignante pour arrêter le premier génocide télévisé du monde, sans parler de rendre la justice, en dit long.

Nous avons le droit international de notre côté. En tant que peuple autochtone luttant contre un système d'oppression dépravé et génocidaire, nous avons une position éthique élevée pour faire valoir nos droits. L'éthique et le droit sont nécessaires dans notre lutte de libération ou dans toute autre, mais ils ne sont jamais suffisants. Pour démanteler un système d'oppression, les opprimés ont invariablement besoin de pouvoir : le pouvoir du peuple, le pouvoir de la base, le pouvoir de la coalition intersectionnelle, le pouvoir de la solidarité et le pouvoir des médias, entre autres.

En construisant le pouvoir populaire, les Palestiniens ne demandent pas la charité au monde ; nous appelons à une solidarité significative. Mais avant tout, nous exigeons la fin de la complicité. L'obligation éthique la plus profonde dans les situations d'oppression extrême est de ne pas faire de mal et de réparer le mal fait par vous ou en votre nom.

Comme l'a montré la lutte qui a mis fin à l'apartheid en Afrique du Sud, mettre fin à la complicité des États, des entreprises et des institutions avec le système d'oppression israélien, en particulier par le biais de la tactique non violente du BDS, est la forme la plus efficace de solidarité, de construction du pouvoir populaire pour aider à démanteler les structures d'oppression.

Près d'un an après le génocide, certains se plaignent de la « fatigue du génocide ». Mais les Palestiniens, en particulier à Gaza, n'ont pas le luxe de la « fatigue du génocide », car Israël continue de massacrer, d'affamer et de déplacer de force, commettant ce que les experts de l'ONU ont identifié comme « le domicide, l'urbicide, le scolasticide, le médicide, le génocide culturel et, plus récemment, l'écocide ».

Les Palestiniens n'ont jamais perdu espoir dans la résistance qu'ils opposent depuis des décennies au régime d'oppression impitoyable d'Israël. Cet espoir illimité n'est pas fondé sur des vœux pieux ou sur la croyance naïve en une victoire inévitable qui tomberait du ciel, mais sur le sumud incessant de notre peuple, sur son insistance à exister dans sa patrie, dans la liberté, la justice, l'égalité et la dignité. Elle est également ancrée dans la croissance inspirante du mouvement de solidarité mondiale et dans son impact.

Par ailleurs, comme le dit l'écrivain britanno-pakistanais Nadeem Aslam, « le désespoir se mérite. Personnellement, je n'ai pas fait tout ce que je pouvais pour changer les choses. Je n'ai pas encore gagné le droit de désespérer ». Si vous n'avez pas gagné ce droit, vous devez continuer à organiser, à espérer, à mettre fin à la complicité dans votre sphère d'influence relative. Avec un radicalisme stratégique, nous pouvons et devons vaincre le génocide, l'apartheid et toute cette oppression indescriptible.

Traduction : AFPS

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Quand les complices d’Israël nous accoutument à un monde monstrueux et inhumain, car sans coeur !

1er octobre 2024, par Gideon Levy, Yorgos Mitralias — , , ,
Pire que les crimes d'Israël est le fait que l'ensemble du monde dit « civilisé » les suit et les commente comme s'ils n'étaient qu'un jeu vidéo. Quand évidemment il ne les (…)

Pire que les crimes d'Israël est le fait que l'ensemble du monde dit « civilisé » les suit et les commente comme s'ils n'étaient qu'un jeu vidéo. Quand évidemment il ne les célèbre pas en armant le criminel. Ou ne les approuve pas en le laissant impuni. Et ça depuis plusieurs décennies. Et aussi, en direct sur les écrans de nos télévisions. Jour après jour, heure après heure. Comme si ces massacres quotidiens étaient une série télévisée sans fin, entrecoupée par des messages de publicité, qu'on peut suivre allongés sur nos canapés, pendant qu'on mange une pizza ou on sirote une boisson…

Tiré du site du CADTM.

Il y a presque un an on écrivait qu'un des objectifs de Netanyahou et de ses acolytes était de nous accoutumer « à un monde ressemblant de plus en plus à une jungle où règne uniquement le droit du plus fort et où sont « permises » les pires atrocités contre les plus faibles ! ». Aujourd'hui, et tenant compte du bilan de douze mois d'atrocités et de crimes qui dépassent souvent l'imagination, on peut dire que l'État sioniste est en train de nous accoutumer à quelque chose de bien plus grave : à la perversité, au sadisme de masse et à la violence aveugle et sans limite contre les civils, lesquelles sont tolérées, reconnues et même acceptées dernièrement comme des comportements « normaux » par ceux d‘en haut ! Ce qui fait que sont bestialisés non seulement ceux qui commettent ces crimes innommables, mais aussi tous ceux qui les tolèrent et les encouragent feignant de ne pas les voir…

On se trouve ici devant un « phénomène qui n'a aucun précédent historique, qui est totalement nouveau. Car s'il y a eu dans le passé des crimes aussi ou peut être plus graves que ceux commis aujourd'hui par Israël, il n'y a jamais eu l'indifférence et l'apathie, et même la tolérance et la bienveillance montrées à leur égard par les gouvernants, les centres de décision, les médias et même la majorité des opinions publiques du monde entier ! Donc, aucune comparaison avec les réactions des contemporains des nazis face aux crimes perpétrés par le Troisième Reich. Même si la majorité de leurs réactions étaient motivées non pas par l'antifascisme mais par un patriotisme anti-allemand, le fait est que, quand ils étaient connus, les crimes des nazis étaient presque unanimement condamnées, comme d'ailleurs ceux perpétrés plus tard par les États-Unis au Vietnam ou la France en Algérie.

Et maintenant ? Comment réagit la soi-disant « communauté internationale » face aux crimes en série d'Israël ? Dans la majorité des cas, elle réagit par un silence assourdissant. Pas un mot. Ses médias et ses autorités préfèrent ne rien dire. Alors, on parle à dessein de tout sauf des hécatombes quotidiennes en Palestine. On commente abondamment des histoires à dormir debout, on s'exaspère du sort des otages israéliens, et on s'apitoie a longueur de journée sur une victime d'un fait divers mais on passe sous silence la mort des dizaines, des centaines et des dizaines de milliers de Palestiniens de Gaza et des Territoires Occupées. Car manifestement il y a des morts qui pèsent bien moins que d'autres... ou ne pèsent rien du tout…

Mais, il y aussi ceux qui en parlent. Sauf qu'ils le font d'une façon bien... bizarre. En réalité, ils en parlent pour ne rien dire. À l'instar de leurs collègues poutinistes qui pérorent sur la guerre... « défensive » que mène la Russie en Ukraine, ils abondent eux aussi en « analyses » truffées de très savantes considérations « géostratégiques » sur le prétendu sens profond des opérations (militaires et autres) d'Israël, mais évitent soigneusement de parler de l'essentiel : des victimes humaines et de leurs bourreaux, des civils, surtout des femmes et des enfants bombardés et massacrés par dizaines de milliers. En somme, ils brouillent les cartes, afin de semer la confusion et ne pas nommer ni le criminel et ses crimes, ni ses victimes et leurs souffrances indicibles . Faisant preuve d'un cynisme et d'un amoralisme sans pareil, ces « analystes » et autres journalistes et « experts » en mission commandée, inaugurent ainsi une ère nouvelle : celle des sociétés monstrueuses où sont mal vues sinon bannies et criminalisées la compassion, la fraternité et la solidarité entre les humains. En somme, des sociétés totalement inhumaines condamnées à disparaître tôt ou tard dans un paroxysme de violence aveugle...

Ceci étant dit, il reste de réfléchir sur le présent et l'avenir des protagonistes de cette tragédie sans fin : les Israéliens et leur État. La parole donc à l'indomptable Israélien qu'est le célèbre journaliste et écrivain Gideon Levy, dont les prises de position plus que courageuses et toujours contre le courant ne font que sauver l'honneur non seulement des Juifs mais aussi de toute l'humanité. Voici donc son dernier et si terrible texte que nous avons traduit en français, publié il y a quelques jours dans le quotidien Haaretz. Il assène des vérités premières et existentielles à ses compatriotes...


Les Israéliens doivent se demander s'ils sont prêts à vivre dans un pays qui vit dans le sang
Il faudra des générations pour que Gaza se rétablisse, si tant est qu'elle le puisse.
par Gideon Levy

Israël se transforme, à une vitesse alarmante, en un pays qui vit de sang. Les crimes quotidiens de l'occupation ont déjà perdu de leur pertinence. Au cours de l'année écoulée, une nouvelle réalité de massacres et de crimes d'une toute autre ampleur est apparue. Nous sommes dans une réalité génocidaire ; le sang de dizaines de milliers de personnes a coulé.

C'est le moment pour tous les Israéliens de se demander s'ils sont prêts à vivre dans un pays qui vit dans le sang. Ne dites pas qu'il n'y a pas de choix - bien sûr qu'il y en a un - mais nous devons d'abord nous demander si nous sommes prêts à vivre ainsi.

Sommes-nous prêts, nous les Israéliens, à vivre dans le seul pays au monde dont l'existence est fondée sur le sang ? La seule vision répandue en Israël aujourd'hui est de vivre d'une guerre à l'autre, d'une saignée à l'autre, d'un massacre à l'autre, avec des intervalles aussi espacés que possible. Les gens pleins d'espoir promettent de longs intervalles, tandis que la droite promet une réalité sanguinolente permanente : la guerre, les massacres, la violation systématique du droit international, un État paria, se répétant dans un cycle sans fin.

Les Palestiniens continueront à être massacrés et les Israéliens continueront à fermer les yeux ? Difficile à croire. Un jour viendra où davantage d'Israéliens ouvriront les yeux et reconnaîtront que leur pays vit dans le sang. Sans effusion de sang, nous dit-on, nous n'avons pas d'existence - et nous sommes en paix avec cette horrible déclaration.

Non seulement nous croyons qu'un tel pays ne peut pas exister éternellement, mais nous sommes convaincus que sans l'offrande de sang, il n'a pas d'existence. Tous les trois ans, une saignée à Gaza, tous les quatre ans, au Liban. Entre les deux, il y a la Cisjordanie et, occasionnellement, une sortie de sang vers d'autres cibles. Il n'y a pas d'autre pays comme celui-là dans le monde.

Le sang ne peut pas être le carburant du pays. De même que personne n'imaginerait conduire une voiture alimentée par du sang, aussi bon marché soit-il, il est difficile d'imaginer que 10 millions d'habitants acceptent de vivre dans un pays qui fonctionne au sang. La guerre à Gaza marque un tournant. Est-ce ainsi que nous continuerons ?

Les médias tentent de nous faire croire qu'il s'agit d'une nécessité. Grâce à des campagnes qui diabolisent et déshumanisent les Palestiniens, un chœur unifié et monstrueux de commentateurs réussit à nous vendre l'idée que nous pouvons vivre pour l'éternité dans le sang. 'Nous tondrons l'herbe' à Gaza tous les deux ans, nous exécuterons génération après génération de jeunes opposants au régime, nous emprisonnerons des dizaines de milliers de personnes dans des camps de concentration, nous expulserons, nous abattrons, nous exproprierons et, bien sûr, nous tuerons, et c'est ainsi que nous vivrons : dans le pays du sang.

Nous avons déjà tué le peuple palestinien. Nous avons commencé par le massacre de Gaza, et maintenant nous nous tournons vers la Cisjordanie. Là aussi, le sang coulera à flots, si personne n'arrête le bataillon. Le massacre est à la fois physique et émotionnel. Il ne reste plus rien de Gaza.

Les détenus, les orphelins, les traumatisés, les sans-abri ne redeviendront jamais ce qu'ils étaient. Les morts ne le seront certainement pas. Il faudra des générations pour que Gaza se remette, si tant est qu'elle le puisse. Il s'agit d'un génocide, même s'il ne répond pas à la définition légale. Un pays ne peut pas vivre sur une telle idéologie, et certainement pas s'il a l'intention de continuer à le faire.

Supposons que le monde continue de l'autoriser. La question est de savoir si nous, les Israéliens, sommes prêts à l'accepter. Combien de temps pourrons-nous vivre en sachant que notre existence dépend du sang ? Quand nous demanderons-nous s'il n'y a vraiment pas d'alternative à un pays de sang ? Après tout, il n'y a pas d'autre pays comme celui-ci.

Israël n'a jamais sérieusement essayé une autre voie. Il a été programmé et dirigé pour se comporter comme un pays qui vit du sang, et ce encore plus après le 7 octobre. Comme si ce jour terrible, après lequel tout est permis, avait scellé son destin de pays du sang.

Le fait est qu'aucune autre possibilité n'a été évoquée. Mais un pays de sang n'est pas une option, tout comme une voiture alimentée au sang n'est pas une option. Lorsque nous nous en rendrons compte, nous commencerons à chercher des alternatives, ne serait-ce que par manque d'autres options. Elles sont là et attendent d'être testées. Elles peuvent nous surprendre, mais dans la réalité actuelle, il est impossible même de les suggérer.

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Toute accusation est un aveu : Israël et le double mensonge des « boucliers humains ».

1er octobre 2024, par Craig Mokhiber — , ,
De nombreux rapports d'organismes de défense des droits de l'homme montrent que les groupes armés palestiniens n'utilisent pas de boucliers humains, mais qu'Israël le fait. Les (…)

De nombreux rapports d'organismes de défense des droits de l'homme montrent que les groupes armés palestiniens n'utilisent pas de boucliers humains, mais qu'Israël le fait. Les fausses allégations d'Israël sur les boucliers humains palestiniens ne sont que des tentatives pour justifier son propre ciblage des civil·es.

Tiré de l'Agence Média Palestine
21 septembre 2024

Par Craig Mokhiber

Un Palestinien blessé attaché à l'avant d'un véhicule militaire israélien et l'utilise comme bouclier humain, Jénine, 22 juin 2024. (Photo : Social Media)

La prétendue pratique des « boucliers humains » est l'un des arguments les plus fréquemment déployées dans l'arsenal de la hasbara israélienne.

Depuis des décennies, Israël utilise systématiquement ce ressort de propagande pour justifier ses crimes de guerre, rejeter la responsabilité de ses crimes sur d'autres, contourner le principe de distinction du droit humanitaire, déshumaniser les victimes palestiniennes et armer ses mandataires occidentaux et les médias complices de munitions pour protéger l'impunité israélienne.

Mais une série d'enquêtes internationales révèle deux conclusions claires sur ces accusations :
Premièrement, les groupes armés palestiniens n'utilisent généralement pas de boucliers humains.
Et, deuxièmement, Israël le fait.

Le droit international

L'expression « boucliers humains » désigne une violation particulière du droit international humanitaire et des droits de l'homme. Cette pratique est strictement interdite en toutes circonstances.

Comme le résume le commentaire du CICR, qui fait autorité en la matière, il s'agit du « regroupement intentionnel d'objectifs militaires et de civil·es ou de personnes hors de combat dans l'intention spécifique de tenter d'empêcher que ces objectifs militaires soient pris pour cible ». (« Les personnes hors de combat » comprennent les combattant·es qui ont déposé les armes, les prisonnier·es, les malades et les blessé·es, etc.)

Le cas classique est celui où un groupe de soldat·es force des civil·es de l'autre camp à marcher devant elles et eux dans une zone de combat ou dans une structure non sécurisée, dans l'espoir que l'ennemi ne tirera pas sur les soldat·es de peur d'atteindre les civil·es.

Mais Israël, avec son allégation systématique de « boucliers humains » chaque fois qu'il tue un grand nombre de civil·es et détruit des infrastructures civiles protégées, ne tient pas compte de cette définition. Au lieu de cela, il étend simplement la phrase à tous les décès de civil·es. Sans preuve, les politicien·nes occidentales·aux complices, leurs porte-parole officiel·les et les médias répètent consciencieusement le mantra d'Israël, encore et encore, du bouclier humain.

Pour Israël, les réfugié·es qui vaquent à leurs occupations quotidiennes dans les camps de réfugiés, les patient·es et les médecins dans les hôpitaux, les personnes qui prient dans les églises et les mosquées, et les travailleur·euses humanitaires qui distribuent de la nourriture aux affamé·es sont tous·tes des boucliers humains.

Peu importe qu'elles et ils n'aient pas été contraint·es par le Hamas et qu'elles et ils ne se soient pas porté·es volontaires pour protéger qui que ce soit ni quoi que ce soit. Et peu importe qu'il n'y ait souvent aucun objectif militaire légitime (ou proportionné) dans les situations où Israël invoque les boucliers humains.

Si ces civil·es sont tués par des bombes ou des balles israéliennes, selon le récit israélien, c'est de leur propre faute ou de celle du Hamas, parce qu'elles et ils vivent dans les mêmes endroits densément peuplés.

Mais la simple présence de forces armées ou de membres de l'ennemi dans des zones civiles peuplées ne constitue pas l'utilisation de boucliers humains. Par ailleurs, Israël devrait examiner attentivement les implications de ses propres affirmations, étant donné qu'il maintient son quartier général militaire dans un quartier animé de la ville de Tel-Aviv.

La présence de combattant·es dans un lieu civil protégé ne supprime pas non plus le statut de protection de ce lieu. On peut voir des soldat·es israélien·nes dans tous les hôpitaux israéliens. Cela fait-il de ces hôpitaux une cible militaire légitime ? Bien sûr que non. Refuser la même protection aux Palestinien·nes constitue à la fois une grave violation du droit humanitaire et (que les journalistes occidentales·aux prennent note) un acte de racisme flagrant.

Il va sans dire que ce n'est pas ainsi que fonctionne le concept de bouclier humain dans le droit international.
En prétendant que c'est le cas, Israël et ses mandataires occidentaux ignorent volontairement trois éléments gênants : La logique, les faits et le droit.

La pratique d'Israël de ciblage les civil·es

Tout d'abord, l'acceptation de ces affirmations exige que les mandataires souples d'Israël en Occident ignorent des décennies d'expérience et de nombreux éléments de preuve recueillis selon lesquels Israël ne fait souvent aucune distinction entre les civil·es et les combattant·es dans ses activités militaires et, dans de nombreux autres cas, prend directement pour cible les civil·es et les infrastructures civiles.

Israël attaque régulièrement des hôpitaux, des écoles, des abris et des camps de réfugié·es. Ses tireur·ses d'élite et ses drones traquent et exécutent les civil·es. Ses armes guidées par l'intelligence artificielle, qui portent des noms cruels tels que « Où est papa », sont conçues pour attendre que les cibles soient chez elles avec leur famille avant de les bombarder. Elles abattent même des civil·es brandissant des drapeaux blancs, y compris des enfants et des femmes. Ces pratiques criminelles sont bien connues et bien documentées par les enquêtes successives des Nations unies et des organisations internationales, israéliennes et palestiniennes de défense des droits de l'homme.

Mais la logique même des boucliers humains repose sur l'idée de dissuasion, c'est-à-dire que les soldat·es hésiteront à tirer si des civil·es sont en danger. Une telle logique n'existe pas avec une force militaire comme celle d'Israël qui ne fait pas de distinction entre les civil·es et les combattant·es et qui pratique régulièrement le ciblage direct des civil·es.

En effet,la doctrine israélienne Dahiya, sur la base de laquelle Israël procède depuis longtemps à la destruction massive et intentionnelle de zones civiles afin de terroriser les populations civiles, est la preuve qu'Israël ne peut être dissuadé par l'utilisation de boucliers humains palestiniens ou libanais. La vague actuelle de génocide perpétrée par Israël à Gaza ne laisse aucun doute sur sa volonté de tuer intentionnellement et sans hésitation des civil·es palestinien·nes. La directive Hannibal, en vertu de laquelle Israël tue ses propres citoyen·nes (soldats et civil·es) pour les empêcher d'entraver ses objectifs militaires, signifie qu'il ne sera peut-être même pas dissuadé par l'utilisation d'un bouclier humain composé de ses propres citoyens.

Étant donné que les groupes qui contestent Israël en sont parfaitement conscientes, pourquoi essaieraient-elles d'utiliser une tactique qu'elles savent inutile ? La réponse est qu'elles ne le font pas. Ainsi, l'accusation de boucliers humains ne résiste pas à l'épreuve de la logique.

Mais elle échoue également au test de la loi. Tout d'abord, les situations dans lesquelles Israël prétend que des boucliers humains sont utilisés ne peuvent pas être considérées comme des cas de boucliers humains selon la définition juridique internationale décrite ci-dessus. En clair, et comme cette définition l'indique clairement, la simple présence de combattant·es à proximité ne transforme pas magiquement les civil·es en boucliers humains.

Par conséquent, l'accusation d'Israël concernant les boucliers humains n'a généralement aucun fondement juridique.

Deuxièmement, Israël allègue l'existence de boucliers humains pour tenter de retirer la responsabilité de ses forces et de les exonérer de toute responsabilité juridique. Mais ce qui leur échappe, c'est que même si des boucliers humains étaient utilisés, cela ne réduirait pas les obligations légales des attaquant·es.

En fait, les allégations d'utilisation de boucliers humains ne justifient pas une attaque contre des civil·es sans les contraintes imposées par le droit international humanitaire et le droit international des droits de l'homme, et l'attaquant reste responsable, même si l'utilisateur des boucliers humains l'est également.

L'attaquant doit toujours respecter les principes de précaution, de distinction et de proportionnalité pour éviter de blesser des non-combattant·es. En d'autres termes, la déclaration de boucliers humains n'est pas une excuse applicable en vertu du droit international.

Par conséquent, en droit, même en présence de boucliers humains, la tentative de rejeter la faute sur le tireur et de l'exonérer de toute responsabilité échoue.

Les Palestinien·nes n'utilisent pas de « boucliers humains », mais Israël le fait

Et puis il y a l'épineux problème des faits.

Israël n'a produit, lors de ses attaques récentes et en cours contre Gaza, aucune preuve crédible de l'utilisation de boucliers humains par les palestinien·nes. Il s'appuie au contraire sur la répétition par cœur et sans esprit critique de cette accusation par ses soutiens et mandataires occidentales·aux et par les sociétés de médias favorables à Israël.

Cela ne veut pas dire qu'aucun·e combattant·e palestinien·ne n'a jamais utilisé de boucliers humains dans l'histoire. Mais l'accusation selon laquelle elles et ils le font régulièrement ou systématiquement est une accusation sans preuve, et une accusation régulièrement brandie non pas pour demander des comptes aux contrevenant·es, mais plutôt pour justifier la perpétration de crimes de guerre israéliens.

Dans le même temps, nous avons tous vu les vidéosde soldat·es israélien·nes utilisant des Palestinien·nes comme boucliers humains à Gaza (et en Cisjordanie). Nous avons vu de nos propres yeux des images de Palestinien·nes (souvent des enfants) attaché·es au capot de jeeps militaires israéliennes, forcé·es de marcher devant une colonne de soldat·es israélien·nes ou de conduire les soldat·es dans des bâtiments ou d'autres structures. Cette pratique est aussi ancienne que l'État d'Israël lui-même.

Lors de chaque attaque israélienne successive contre des communautés palestiniennes, le schéma est le même : Israël accuse les Palestinien·nes d'utiliser des boucliers humains, les organisations internationales et les groupes de défense des droits de l'homme enquêtent, et les enquêtes révèlent que la partie qui utilise systématiquement des boucliers humains n'est pas la Palestine, mais Israël.

En effet, le groupe israélien de défense des droits de l'homme B'Tselem a documentél'utilisation répétée par Israël de boucliers humains au moins depuis 1967. Les enquêtes menées par Amnesty International et Human Rights Watch sur les attaques menées par Israël dans le cadre de l'opération « Plomb durci » à Gaza ont montré qu'Israël avait utilisé des boucliers humains (y compris des enfants), mais n'ont trouvé aucune preuve que des groupes palestiniens l'avaient fait.

De même, les commissions d'enquête des Nations unies qui ont enquêté sur les attaques israéliennes massives contre Gaza en 2008-2009 et en 2014 ont examiné les affirmations d'Israël et n'ont trouvé aucune preuve de l'utilisation de boucliers humains par les Palestiniens. Le Comité des droits de l'enfant des Nations unies a constaté « l'utilisation continue (par Israël) d'enfants palestinien·nes comme boucliers humains » entre 2010 et 2013. Le rapporteur spécial des Nations unies sur le terrorisme a fait le même constat.

L'enquête d'Amnesty International sur les attaques israéliennes « Plomb durci » fait état d'une constatation typique : « Dans plusieurs cas, les soldat·es israélien·nes ont également utilisé des enfants palestinien·nes comme boucliers humains ». Cependant, contrairement aux allégations répétées des responsables israéliens concernant l'utilisation de « boucliers humains », Amnesty International n'a trouvé aucune preuve que le Hamas ou d'autres combattant·es palestinien·nes aient agi de la sorte.

Et dans le rapport sur les « meurtres sous drapeau blanc » de civils palestiniens, Human Rights Watch a confirmé qu'« Israël affirme que le Hamas a combattu à partir de zones peuplées et a utilisé des civils comme “boucliers humains” — c'est-à-dire qu'il a délibérément utilisé des civils pour dissuader les attaques contre les forces palestiniennes… Human Rights Watch n'a trouvé aucune preuve que les victimes civiles (dans son enquête) ont été utilisées par les combattant·es palestinien·nes comme boucliers humains ».

Mais la pratique israélienne de l'utilisation de boucliers humains est de notoriété publique en Israël et fait depuis longtemps l'objet d'un débat public. Des soldat·es israélien·nes, s'adressant à l'organisation israélienne Breaking the Silence, ont eux-mêmes avouécette pratique répandue. Les médias israéliens en ont fait état, notamment dans un article paru le mois dernier dans Haaretz. L'armée israélienne a même défendu publiquement son « droit » à utiliser des boucliers humains dans des procès israéliens successifs. Bien entendu, les cas où elle a perdu son argumentaire n'ont eu que peu d'impact sur l'armée, qui continue la pratique jusqu'à aujourd'hui.

Ainsi, les tactiques de désinformation de la hasbara israélienne ont constitué un pilier important de sa stratégie de destruction de Gaza depuis le début de la vague actuelle de génocide à Gaza, il y a près d'un an. Les fausses accusations de bouclier humain ont été la clé de ces tactiques.

Mais cette tromperie s'effondre même après un examen superficiel. Si les politicien·nes et les journalistes occidentales·aux faisaient preuve d'un minimum de diligence avant de répéter les affirmations israéliennes, si elles et ils les soumettaient aux tests du droit, des faits et de la logique, la vérité serait rapidement révélée. La partie qui utilise régulièrement des boucliers humains est Israël, pas la Palestine.

Un adage veut que dans le discours public sur la Palestine, « chaque accusation israélienne est un aveu ». Le double mensonge des boucliers humains en est un exemple.

Craig Mokhiber est un avocat international spécialisé dans les droits de l'homme et un ancien haut fonctionnaire des Nations unies. Il a quitté l'ONU en octobre 2023, après avoir rédigé une lettre ouverte mettant en garde contre un génocide à Gaza, critiquant la réaction internationale et appelant à une nouvelle approche de la Palestine et d'Israël fondée sur l'égalité, les droits de l'homme et le droit international.

Traduction : JB pour l'Agence Média Palestine

Source : Mondoweiss

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Assemblée générale des Nations unies 2024 : Israël fait fi des efforts de paix alors que les alliés et les dirigeants mondiaux exigent des cessez-le-feu

La guerre d'Israël contre Gaza et l'escalade de la violence au Liban n'ont pas réussi à faire bouger les choses. Lors de la 79e Assemblée générale des Nations unies, qui se (…)

La guerre d'Israël contre Gaza et l'escalade de la violence au Liban n'ont pas réussi à faire bouger les choses. Lors de la 79e Assemblée générale des Nations unies, qui se tient au siège de l'ONU à New York, les dirigeants du monde entier ont continué à lancer des appels passionnés en faveur de l'arrêt de la guerre d'Israël contre Gaza et de l'escalade de la violence au Liban.

Tiré de France Palestine Solidarité. Photo : Mahmoud Abbas, président de l'Etat de Palestine, prend la parole à la 79ème session de l'Assemblée générale des Nations unies © UN Photo/Loey Felipe.

Le dirigeant palestinien Mahmoud Abbas est monté sur scène avec une annonce pleine de défi.

« Nous ne partirons pas. Nous ne partirons pas. Nous ne partirons pas. La Palestine est notre patrie. C'est la terre de nos pères, de nos grands-pères. Elle restera la nôtre et si quelqu'un devait la quitter, ce serait les usurpateurs qui l'occupent », a déclaré M. Abbas.

Le dirigeant palestinien a interpellé les personnes présentes dans la salle sur ce qu'il a appelé les « mensonges » d'Israël devant le Congrès américain quelques mois auparavant, en leur demandant qui était responsable de la mort de 15 000 enfants palestiniens, si ce n'est Israël.

Il a déploré la centaine de familles qui ont été complètement éliminées de Gaza, la propagation de la famine et des maladies, les dizaines de milliers de morts et les dommages incalculables causés à l'enclave assiégée.

« Arrêtez ce crime. Arrêtez maintenant. Arrêtez de tuer des enfants et des femmes. Arrêtez le génocide. Arrêtez d'envoyer des armes à Israël. Cette folie ne peut plus durer. Le monde entier est responsable de ce qui arrive à notre peuple à Gaza et en Cisjordanie ».

Mais les appels répétés des nations occidentales et des plus proches alliés d'Israël sont restés lettre morte.

Plus tôt dans la journée de mercredi, le président français Emmanuel Macron s'est lui aussi longuement exprimé sur Gaza. Décriant les pertes dévastatrices de plus de 41 000 Palestiniens, il les a qualifiées d'« outrage à l'humanité tout entière ».

Le président, qui avait appelé à une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU plus tard dans la journée pour faire face à l'escalade de la crise au Liban et s'assurer qu'une « voix diplomatique » soit entendue, a souligné qu'il s'agissait d'un appel urgent pour éviter une conflagration régionale.

« Israël ne peut pas, sans conséquence, étendre ses opérations au Liban. La France exige que chacun respecte ses obligations le long de la ligne bleue ».

Pousser à la paix

Des réunions entre les États-Unis et l'administration Biden ont débouché mercredi sur une initiative franco-américaine en faveur d'une trêve de 21 jours entre Israël et le Hezbollah, mais cette initiative a été catégoriquement rejetée jeudi par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.

Haaretz a rapporté jeudi que M. Netanyahou s'était d'abord engagé verbalement auprès des États-Unis, mais qu'il était revenu sur sa décision après avoir essuyé des critiques de la part de certaines factions de sa coalition gouvernementale.

L'Assemblée générale des Nations unies se tient cette semaine à la suite de frappes aériennes meurtrières menées par Israël le long de la frontière sud du Liban et dans plusieurs banlieues de Beyrouth, ainsi que du déploiement récent de brigades supplémentaires de l'armée à la frontière nord.

Les frappes aériennes israéliennes sur le Liban ont déjà tué plus de 600 personnes.

La demande de trêve a reçu le soutien de plusieurs pays, dont les États-Unis, l'Australie, le Canada, l'Union européenne et plusieurs pays du Moyen-Orient, appelant en outre au « soutien immédiat des gouvernements d'Israël et du Liban ».

Le président français Macron a averti que la poursuite de l'agression israélienne pourrait engendrer « une source dangereuse de haine et de ressentiment, mettant en péril la sécurité de tous, y compris celle d'Israël ».

« La France veillera à ce que tout puisse être fait pour que le peuple palestinien puisse enfin avoir un État. Aux côtés d'Israël », a ajouté M. Macron.

Plusieurs groupes ont organisé des manifestations devant le siège de l'ONU jeudi, bien que le discours du premier ministre israélien ait été reporté à vendredi. La presse israélienne rapporte à présent que le voyage aux États-Unis du dirigeant contesté pourrait être purement et simplement annulé.

La position de l'Europe

L'atmosphère de l'assemblée générale est restée tendue, les dirigeants soulignant le besoin critique de solidarité et de mesures unifiées comme seul moyen de rétablir la paix.

S'exprimant au nom de l'Union européenne, Charles Michel, le président du Conseil européen, a également exhorté Israël à œuvrer en faveur d'une solution pacifique à ce qui ressemble désormais à une guerre sur deux fronts, Gaza et le Liban.

« Je dis ceci au gouvernement d'Israël : il est impossible d'essayer d'obtenir la sécurité sans la paix. Sans paix, il ne peut y avoir de sécurité durable. Un monde animé par la vengeance est un monde moins sûr ».

M. Michel a déclaré que « la sécurité de tous les Juifs » serait compromise si les Palestiniens n'avaient pas leur propre État et que cela conduirait également à « l'affaiblissement du système international qui ne peut être soutenu par une politique de deux poids, deux mesures ».

Au cours des onze derniers mois, les États-Unis, Israël et l'Occident en général ont été accusés par le reste du monde de n'appliquer le droit international que lorsque cela les arrangeait.

Dans un discours qui a duré plus de 15 minutes, le président espagnol Pedro Sanchez a réaffirmé l'attachement de son pays aux valeurs internationales, aux principes du droit international et à une gestion responsable sur la scène mondiale.

M. Sanchez a souligné la foi inébranlable de l'Espagne dans l'obligation de rendre des comptes et dans la lutte sans relâche contre l'impunité, en insistant sur le rôle essentiel que jouent des institutions telles que la Cour internationale de justice (CIJ) et la Cour pénale internationale (CPI) dans l'exercice de la justice et la réparation des préjudices subis par les victimes.

La CIJ examine actuellement une affaire présentée par l'Afrique du Sud accusant Israël de génocide, et le procureur général de la CPI, Karim Khan, a demandé des mandats d'arrêt contre le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le ministre de la défense Yoav Gallant.

Les deux institutions ont été critiquées et menacées par Israël et les États-Unis.

M. Sanchez a ensuite insisté sur la nécessité d'une réponse collective à l'escalade de la violence au Moyen-Orient. La position de l'Espagne sur la guerre de Gaza, a-t-il déclaré, « est restée la même depuis octobre » 2023 et s'aligne sur ses propres principes. « L'Espagne défend la paix, les droits de l'homme et un ordre international fondé sur des règles.

Plus loin dans son discours, M. Sanchez a souligné la nécessité impérieuse de s'attaquer aux causes profondes du conflit israélo-palestinien, déclarant qu'il était « largement temps » de mettre en œuvre une solution à deux États et soulignant que la paix et la sécurité ne pouvaient être obtenues que par le dialogue et le respect du droit international.

La paix et la démocratie dans le monde, comme l'a noté le président, sont soumises à de fortes pressions. « Ce même système multilatéral est celui que le monde a construit, brique par brique, sur les cendres de la barbarie », a-t-il averti.

La réaffirmation de la reconnaissance de la Palestine par l'Espagne, en mai dernier, a constitué un moment clé de son discours.

Le président a déclaré que cette décision reflétait le soutien massif du peuple espagnol. « Cette reconnaissance vise uniquement à promouvoir la paix dans la région », a-t-il affirmé.

Jeudi, le dirigeant palestinien Abbas s'est fait l'écho du statut de membre de l'ONU de la Palestine en demandant : « Que nous manque-t-il pour être assis parmi vous ? Que nous manque-t-il pour être sur un pied d'égalité avec les 194 États membres officiels de l'ONU ? »

M. Abbas a plaidé pour que la résolution récemment adoptée à une écrasante majorité sur l'occupation des territoires palestiniens par Israël ne soit pas vaine.

« Sur les 1000 résolutions prises sur le peuple palestinien depuis 1948 jusqu'à aujourd'hui, pas une seule n'a encore été mise en œuvre ».

Traduction : AFPS

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Une base de données complète sur les résolutions de l’ONU relatives aux sanctions et aux embargos

1er octobre 2024, par Agence Média Palestine — , , ,
L'ONG de défense des droits de l'homme Law for Palestine (L4P) lance ce 24 septembre une base de données qui recense l'entièreté des résolutions décisives de l'ONU de sanctions (…)

L'ONG de défense des droits de l'homme Law for Palestine (L4P) lance ce 24 septembre une base de données qui recense l'entièreté des résolutions décisives de l'ONU de sanctions et d'embargos pris contre les États qui violent les normes juridiques internationales.

L'initiative vise à fournir aux États, aux organisations de la société civile et aux chercheur·ses un vaste registre, allant de 1948 à nos jours, permettant de considérer l'éventail d'actions possibles et pouvant servir de référence pour traiter les violations d'Israël.

« Cette base de données met en lumière à la fois les pratiques internationales antérieures et la responsabilité actuelle de mettre fin à cette situation illégale, notamment par l'imposition d'embargos sur les armes et de sanctions », a déclaré Anisha Patel, membre du conseil d'administration de Law for Palestine. « En présentant les résolutions adoptées par l'Assemblée générale des Nations Unies, y compris la plus récente, le 17 septembre 2024, nous souhaitons soutenir les efforts de responsabilisation et faire pression pour que des mesures efficaces soient prises contre les violations du droit international. »

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