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Le cas Trump | Livre à paraître 8 avril | Enquête inédite pour voir derrière l’écran de fumée | Alain Roy

1er avril, par Alain Roy — ,
Vous pensez connaître Donald Trump ? C'est pire que ça. À l'approche de son 100e jour au pouvoir, voici une enquête inédite et glaçante qui aborde toutes les facettes – (…)

Vous pensez connaître Donald Trump ? C'est pire que ça. À l'approche de son 100e jour au pouvoir, voici une enquête inédite et glaçante qui aborde toutes les facettes – biographique, psychologique et politique – d'un président qui ambitionne de devenir le Poutine de l'Amérique. Et ce
parallèle est à prendre très au sérieux.

L'essai *Le cas Trump - Portrait d'un imposteur*, de l'essayiste Alain Roy, paraîtra en librairie le 8 avril prochain.

En bref : Après son livre *Les déclinistes*, qui a connu un succès critique unanime, Alain Roy revient avec un ouvrage qui nous fait voir derrière l'écran de fumée de Trump et qui attache tous les fils d'un chaos dont on peine à faire sens. À notre connaissance, aucun livre aux États-Unis ou
ailleurs n'offre une vue d'ensemble aussi complète et éclairante du personnage.


Citation :

« *Si Donald Trump peut nous paraître imprévisible, c'est parce
que nous ne cernons pas assez clairement d'où il vient et ce qui le motive.
Lorsqu'on le cerne plus clairement, Donald Trump ne devient pas moins
inquiétant ; mais nous savons un peu mieux à quoi nous attendre et comment
lui faire face.* » - Alain Roy

*À propos du livre*

Si nous avons l'impression de baigner dans la tête de Donald Trump tant il occupe l'espace médiatique avec ses sautes d'humeur quotidiennes, nous peinons à faire sens de ses décisions. Or considérant que la politique américaine a rarement, voire jamais, été réduite à ce point aux aléas de la personnalité du président, il devient crucial de le comprendre. Tel est l'objectif de ce livre : regarder derrière l'écran de fumée, attacher tous les fils et décoder le personnage. À notre connaissance, aucun livre aux États-Unis ou ailleurs n'offre une vue d'ensemble aussi complète.

Qui est donc Donald Trump ? Qu'est-ce qui motive la quête de pouvoir de cet homme que sa propre nièce, psychologue clinicienne, a décrit comme le plus dangereux du monde, et son proche conseiller comme un Hitler américain ?

S'appuyant sur une abondante documentation et sa participation à un rallye trumpiste, Alain Roy offre un portrait saisissant du playboy ayant dilapidé l'immense fortune dont il a hérité de son père. Contrairement à l'image d'homme d'affaires à succès qu'il a projeté tout au long de sa vie et que la téléréalité est venue cristalliser, Trump a fait faillite à maintes reprises. Objet de risée de la part des élites, il s'est fabriqué une identité de « gagnant » pour cacher ses failles et sa honte, jusqu'à se hisser à la tête de la Maison-Blanche. Mais que se passe-t-il lorsque le réel se confronte aux mensonges de l'imposteur ? Jusqu'où peuvent aller sa rage et ses désirs de vengeance ? Alors que s'agite autour de lui une extrême droite triomphante et décomplexée, ses penchants agressifs et transgressifs forment un cocktail explosif.

À travers les prismes du mensonge, de la faille narcissique et de la dangerosité, Alain Roy plonge au cœur de la psyché de Donald Trump afin de cerner la nature de cette figure politique à la fois grotesque et malfaisante, qui force le monde entier à jouer dans un très mauvais film.

*À propos de l'auteur*

Alain Roy est directeur de la revue L'Inconvénient. Il est l'auteur de nombreux livres (roman, nouvelles, essais) et lauréat du Prix du gouverneur général 2012 pour sa traduction de la biographie de Glenn Gould. Il a entre autres publié *Les déclinistes. Ou le délire du « grand remplacement »* (Écosociété, 2023) et *Le cas Trump *(Écosociété, 2025).

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ginette
rédaction Presse toi à gauche

À bas l’impérialisme américain ! Vive la démocratie américaine !

1er avril, par Jean-François Delisle — , ,
Beaucoup d'Occidentaux sont victimes d'un dédoublement de personnalité politique à l'égard des États-Unis et de leur suprématie mondiale ; à gauche surtout, en particulier (…)

Beaucoup d'Occidentaux sont victimes d'un dédoublement de personnalité politique à l'égard des États-Unis et de leur suprématie mondiale ; à gauche surtout, en particulier parmi la gauche social-démocrate. Une bonne partie d'entre elle s'est longtemps dit d'accord avec les communistes sur le capitalisme et l'impérialisme américains tout en affirmant cependant son attachement à la démocratie politique mais soutenant cependant partager leur volonté d'égalitarisme social. Cette orientation se reflétait dans les slogans des deux groupes qui attaquaient tous les deux le capitalisme à des degrés divers, les sociaux-démocrates pour le réformer, les communistes pour l'abattre ; ces derniers adoptaient une analyse beaucoup plus "classiste" que les sociaux-démocrates, qui eux, y apportaient bien des nuances et des bémols.

Les marxistes-léninistes présentaient le système représentatif comme une imposture destinée à manipuler les masses populaires. Malgré des divergences parfois aigues entre sociaux-démocrates et marxistes, beaucoup de ces militants et militantes s'entendaient pour condamner la suprématie des États-Unis dans le monde. Toutefois, ces dernières années déjà, l'audience des groupes et groupuscules communistes occidentaux a subi de sérieux reculs dans des milieux qui, auparavant prêtaient oreille à, leurs thèses. Les principaux partis sociaux-démocrates pour leur part se sont discrédités en raison de leurs compromissions avec le rétrolibéralisme.

Voilà pourtant que tout à coup, avec l'arrivée à la Maison-Blanche de Donald Trump, tout le monde s'alarme à grands cris de la menace qu'il fait peser sur le système libéralo-électoral américain et sur le commerce international. À droite comme à gauche, on crie au meurtre en dénonçant l'arbitraire et la brutalité trumpistes. Par réaction, on se montre soudainement bien plus attaché qu'on ne le pensait à ce système que certains qualifiaient hier encore de tromperie visant à assurer le pouvoir des nantis sur le prolétariat. Alors qu'on parlait d'intoxication idéologique de la part de classe dominante sur le peuple, aujourd'hui on hurle pour condamner les atteintes du trumpisme aux libertés fondamentales qui n'étaient pourtant censées être qu'une imposture, selon les gauchistes.

Il faudrait définir plus précisément les termes du problème et l'attitude qu'il convient d'adopter pour se positionner face à lui. Dictature du prolétariat ou démocratie électorale et libéralisme ? La suprématie sans compromis du capitalisme ou une autre proposition, mitoyenne, voulant sauvegarder le système électoral tout en prônant des mesures de redistribution économique poussée ? On redécouvre aussi les vertus du système représentatif. "L'électoralisme" et les libertés, toutes formelles soient-elles, ont soudain meilleure presse dans les milieux de gauche qui forment un arc-en-ciel entre les "réalistes", les pragmatiques d'une part, et les plus radicaux de l'autre, dont certains flirtent encore avec le marxisme-léninisme.

Il faudra que la gauche, ou plutôt les gauches se redéfinissent et renouvellent leurs points de repère idéologiques. Le trumpisme en présente peut-être enfin l'occasion.

Jean-François Delisle

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Hold-up ! – Force et honneur à la désobéissance civile et à la révolte !

1er avril, par Gaétan Roberge —
René Descartes déclara : « Je pense donc je suis. », Albert Camus ajouta : « Je me révolte donc nous sommes. » et je complèterai, bien humblement : « Nous sommes donc nous (…)

René Descartes déclara : « Je pense donc je suis. », Albert Camus ajouta : « Je me révolte donc nous sommes. » et je complèterai, bien humblement : « Nous sommes donc nous vaincrons. »

Il est interdit de maitriser son destin

Maîtriser son propre destin et aspirer à un meilleur cadre de vie pour soi et les siens et choisir de vivre et de s'épanouir dans une société juste et égalitaire : voici un singulier exercice d'imagination qui peut s'avérer utopiste et surtout tellement présomptueux.

Il est interdit de chercher le bonheur

Déception et perte de temps précieux, voilà essentiellement ce qui résulte de cette stérile quête perdue d'avance d'un pseudo-bonheur romantique ou philosophique. À ce que l'on sache, aucune étude n'a jamais établi qu'il faille être heureux pour être productif.

Il est interdit de rêver

Que d'attitudes franchement volages et de pensées chimériques engendrées par ces vaines rêvasseries et ces doucereux petits pelletages de nuages suaves. On ne vous l'a pas pourtant bien inculqué sur les bancs d'école que seuls les riches détiennent le droit et les idiots le temps de rêver.

Il est interdit de se plaindre

Depuis fort longtemps et particulièrement depuis l'avènement des sociétés chrétiennes, la souffrance s'est toujours avérée une expérience enrichissante et salvatrice pour toute personne éprouvée.

Il est interdit de manger à sa faim

En fait, à voir la taille de certaines personnes, il n'y a rien de plus sain que de contrôler ses fringales passagères et chasser ses habitudes alimentaires malsaines qui s'avèrent coûteuses en absentéisme en plus de grignoter les profits des entreprises. Prenez donc exemple sur les populations du tiers-monde (trois-quarts monde) où l'on y observe pourtant moins d'obésité.

Il est interdit de partager

Aux yeux des diligents dirigeants, le partage du moindre gain risque d'entraîner l'irréparable au sein des obligés actionnaires et provoquer des bouleversements à hauts risques pour la saine compétitivité et le rayonnement des entreprises. Nous ne devons jamais perdre de vue que la sauvegarde de ces dernières s'avère certes laborieuse, mais ô combien salvatrice pour l'actionnariat et capitale à l'équilibre et au bon fonctionnement de l'économie.

Il est interdit d'exercer un travail de son choix

Veuillez prendre note qu'en aucun cas vous ne devez ignorer que détenir un emploi si nul soit-il à vos yeux, selon votre égoïste et incompétente évaluation, représente néanmoins un immense privilège accordé à la classe laborieuse. D'ailleurs, pensez-y bien car un privilège ne constitue en rien un droit et il peut vous être retirer …

Il est interdit de caresser des projets

Habituellement et grâce à un peu de bonne volonté, l'être humain parvient aisément à chasser ces caprices éphémères et à se passer de ces envies de réaliser des projets aux lendemains souvent incertains et hypothétiquement gratifiants. La société a pourtant tellement de beaux projets construits d'avance pour vous.

II est interdit de se battre pour la paix

Les conflits et les guerres incarnent depuis des millénaires le moteur principal de l'histoire seul capable de générer de la richesse au bénéfice des nations dominantes et de leurs censitaires. Ces conflits favorisent le maintien du capital des nantis, des argentiers et armuriers, des géants du commerce, de l'industrie et de la finance, des marchands de jeux et de rêves, des créateurs de mensonges et des boutiquiers de la propagande du bien-être.

Il est interdit de manifester

Les fondements initiaux du modèle démocratique occidental commandent à toute personne ou à tout groupe de personnes de bien vouloir se fondre à la majorité silencieuse. Et, en aucun temps et pour aucune raison, de ne point troubler la gouvernance et l'ordre établi. Surtout, de ne jamais franchir délibérément les périmètres de sécurité barbelés érigés par les poseurs de barrières et surveillés par les gardiens du pouvoir. D'ailleurs, ne l'oubliez pas, ce pouvoir est souverain et il détient tous les droits et privilèges. Ainsi, il élabore les constitutions, promulgue les chartes, les lois et les mesures de guerre. Il gouverne secrètement ou publiquement par décrets pour son bon plaisir et à l'occasion pour le bien commun, mais toujours dans l'intérêt des ami.e.s du pouvoir … Ô enfants de la Patrie enchaînés à l'arbitraire payroll de la société marchande, pris dans les tourbillons des spas de vos illusions et tétanisés par votre anxiété et lobotomisés dans vos aspirations, souvenez-vous – n'est-ce pas la devise oubliée d'un Québec oublié – que même si on piétine vos droits et vole vos destinées, il est tout de même recommandé de courber l'échine, d'abaisser vos mains et d'annoncer votre parcours de vie et de manifestation. Cela est certes juste et bon pour l'image … Mais, surtout essentiel pour votre propre sécurité.

Il est interdit de contester

Halte-là citoyens et citoyennes de la plèbe ! Ce sont là des comportements rebelles, subversifs et dignes de fieffés terroristes. La contestation porte atteinte à la survie politique des régimes en dérogeant aux dogmes libertariens et en perturbant l'expansion des économies et des zones franches et de libre-échange. En définitive, seule la pensée unique doit être autorisée puisqu'elle souscrit au fonctionnement optimal des régimes et assure leur croissance et leur indispensable stabilité.

Il est interdit de réviser sa citoyenneté

Au nom de la mondialisation, de la sauvegarde des capitaux et du mieux-être des acteurs privilégiés du système, le rôle d'agent économique des citoyens et des citoyennes doit demeurer leur unique prérogative reconnue par les autorités. Ces mêmes autorités agissant sous les bienveillants hospices de l'OMC, du FMI, des banques et des agences de crédit dont les notations confortent les marchés, réconfortent les transnationales et leurs besogneux actionnaires. Elles « maaloxent » également l'anxiété des consciences de ces Merlin enchanteurs du pouvoir et des malins encanteurs de la haute finance. Toutefois, il subsiste une dérogation inscrite dans le Petit livre rouge du néolibéralisme intitulé : « Les Pensées de NÉO ». Cette lénifiante dérogation stipule qu'il est à la fois légitimement et légalement permis de mourir pour son bien-être et celui du système. En effet, cela apparaît socialement acceptable de s'y conformer et parfaitement en accord avec les valeurs du régime. Cependant, cette dérogation spéciale ne peut être accordée qu'en périodes inflationnistes de fusion ou d'acquisition et ne doit pas avoir lieu avant la 17e heure GMT … Pourquoi donc ? Parce que cela perturberait la production en réduisant ainsi les bénéfices et propageant une fort mauvaise image qui laisserait présumer d'une certaine faiblesse de la part d'un patronat pourtant toujours diligent envers sa classe laborieuse. En terminant, veuillez surtout ne pas oublier qu'on vous paie pour travailler et que ce n'est pas le travail qui tue, mais c'est plutôt vous-même qui vous tuez au travail … En conséquence, il nous est donc légalement permis de déclarer officiellement que vous êtes ainsi les seules personnes véritablement responsables de tout ce qui pourrait vous advenir sur les lieux du travail.

Il est interdit de défendre la liberté

Pour la masse, l'impératif ultime se doit de résider dans la ferme obligation de soutenir et bien servir le système en place avant tout. De le faire au moindre coût et dans les meilleurs délais possibles et tout en conservant en tête l'obligation de laisser choir ses bons sentiments dans un grand mouchoir de poche écologique. Le bon peuple a aussi l'obligation d'accrocher sa dissidence, si vertueuse soit-elle, au vestiaire de la bonté et de l'empathie et de ranger ses convictions au plus profond de sa boîte à lunch.
Et vlan dans les dents ma gang de … dixit le pouvoir !

La désobéissance civile au banc des accusé.e.s et au ban de la société

Bien des nations sont pourtant venues au monde ainsi – les États-Unis, la France, Haïti et l'Inde – et d'autres ont survécu ou retrouvée vie – la Pologne, l'Ukraine – grâce à des actions de désobéissance civile avec pour rempart des actions directes et des révoltes légitimes pour contrer les infamies des régimes autoritaires et même de ceux déclarés démocratiques en invoquant « la défense de nécessité ». Chez-nous, pensons au traitement inique réservé aux activistes qui ont escaladé le pont Jacques-Cartier et ceux et celles membres du collectif écologiste Antigone qui ont bloqué le terminal pétrolierValero ou la poursuite et la condamnation insensée de 665 millions de dollars US infligée à Greenpeace aux États-Unis – en appui aux membres de la tribu Sioux de Standing Rock – par le groupe Energy Transfer. Dans ce cas-ci, nous sommes à mon sens en présence d'une réelle et scandaleuse poursuite-bâillon. Sans oublier l'organisation écologiste Just Stop Oil au Royaume-Uni qui a vu ses militant.e.s emprisonné.e.s et soumis.e.s à de fortes amendes. En contrepartie, leurs actions d'éclat ont tout de même entraîné la création d'une politique gouvernementale ce qui en soi constitue une belle victoire, malgré un lourd tribu, que l'on peut attribuer à ces actions de désobéissance civile. En effet, ces actions ont permis des modifications législatives en plus d'alerter et de sensibiliser l'opinion publique aux questions environnementales qui sont d'une importance capitale pour l'humanité et pour la planète. Et comme le déclare si bien Amnesty International : « Il est temps que le monde freine la cupidité des entreprises qui détruisent notre planète et nuisent à tous ses habitant.e.s. ».

Malheureusement, toutes ces manœuvres d'intimidation judiciaire risquent de produire un dramatique effet boule de neige comportant des impacts sérieux et mettant en péril l'existence d'organismes et d'organisations. Comment ? En voulant les réduire au silence et en les épuisant psychologiquement et financièrement. Et surtout, en leur imposant par surcroit une forme insidieuse de censure dans les débats publics et en limitant le droit d'association, de réunion pacifique, de mobilisation citoyenne ainsi que l'essentiel travail terrain – ne serait-ce que pour concevoir et distribuer des tracts au nom de la liberté d'information – des citoyens et citoyennes ainsi que des organisations militantes de divers horizons.

Le sale culte de l'Or noir « sale »

Précisons que le Canada est le seul pays du G7 dont les émissions de GES ont augmenté depuis 1990. Plus grave encore, il vient tout juste d'approuver un autre prêt de 20 milliards de dollars pour l'oléoduc Trans-Mountain (TMX) pour un faramineux montant total de 50 milliards de dollars de l'argent des contribuables injecté dans ce projet ! Avec un beau gros chèque aux pollueurs : quelle sacré belle façon de lutter contre les difficultés économiques et les catastrophes climatiques qui nous assaillent déjà de toutes parts et qui « maintenant » sans l'ombre d'un doute ne vont aller qu'en s'accentuant … Et pourtant, que de projets bénéfiques, essentiels et structurants pour la population nous pourrions réaliser avec une telle somme ! Quel affreux et sale scandale ! Merci mon beau Ô Canada …

Les invasions barbares

Malheureusement, depuis le nouveau millénaire, de vieux démons sont réapparus pour s'emparer d'un nombre grandissant de gouvernements pour les pousser dans une nouvelle ère d'aveuglement volontaire, de fanatisme, de racisme, d'intolérance idéologique, de violations des droits et de sanctions imposées aux États et ciblant également certaines communautés de la société. Notons également que les changements dramatiques, brutaux, imprévisibles et même haineux de paradigme qui surviennent actuellement dans le monde et notamment au sud de « notre frontière protégée » risquent d'accentuer l'anxiété et la peur, la censure, de semer l'incompréhension, faire germer la discorde et entraîner une déferlante de vagues à la fois de crise et de révolte avec pour réponse aveugle un déchainement de violents épisodes de chantage et de répression. Surtout depuis la montée incessante de la droite radicale fasciste qui en train de semer à tous vents les germes de la bêtise humaine, de la haine et de l'intolérance dans les esprits et chez bon nombre de gouvernements du monde entier. Sans compter le dangereux pingouin-empereur-président-psychopathe-fou – et fou que de lui-même –, ce Trump gravement atteint du syndrome de Caligula dont la morale était : « Si le trésor a de l'importance, alors la vie humaine n'en a pas. » et qui apparaît maintenant littéralement boulonné au siège capitonné du bureau ovale muni de son stylo plume feutre cracheur de décrets – Ô grand malheur ! Serait-ce un Mont-Blanc fabriqué à Hambourg en Allemagne ou un Wing Sung provenant de Guangzhou en Chine… et non pas des USA ? – scotché dans sa main droite et de son lourd poignard tarifaire dans la gauche et en scandaleuse compagnie de sa coterie de frénétiques faucons et insensibles vassaux oligarques issus des complexes tehnologico-industriel et de l'IA. Force est d'admettre que nous subissons présentement une inédite, intempestive et inattendue forme d'invasions barbares. Puisque cette fois-ci les invectives et les attaques à la fois traîtresses et frontales proviennent plutôt de l'intérieur même de nos rangs et menacent de destruction massive les tourelles des remparts de la civilisation.

Vive la désobéissance civile et la révolte !

Mais ces terribles bouleversements orchestrés, ces attaques répétés à la démocratie, ces soubresauts d'autoritarisme violemment affichés au frontispice des pages de la déraison et ces affronts à la liberté d'expression et à nos droits fondamentaux ne doivent pas empêcher la société civile de s'exprimer, de s'indigner et d'agir. Au contraire, la société civile doit manifester sa légitime et essentielle opposition aux injustices, aux dénis de droit et aux errances funestes des nouveaux et dangereux régimes issus de la droite radicale fasciste qui est en train de scrupuleusement de répandre son venin idéologique dans les esprits et au sein de nombreuses formations politiques dans le monde. L'humanité est en péril car un immense chaos géopolitique et climatique frappe de plus en plus fort à ses portes. Nous vivons présentement en situation d'extrême urgence et ne perdons surtout pas de vue que des organismes, des organisations, des institutions et des populations entières courent de grands dangers et vont souffrir davantage et que les enjeux en cause sont multiples, complexes, cruciaux et mondiaux et dont leurs résolutions ou non seront déterminantes pour l'avenir.

« L'histoire d'aujourd'hui nous force à dire que la révolte est l'une des dimensions essentielles de l'homme. Elle est notre réalité … La révolte est souvent légitime, elle est l'expression la plus pure de la liberté et semble revêtir le visage de l'espoir. » Albert Camus


Vers la libération !

À l'évidence, le monde actuel s'enlise dans les marécages boueux de la fuite en avant et de la bêtise et s'éloigne de plus en plus de la paix en tentant d'emprunter les sentiers barbelés de la radicalisation et minés de la militarisation. Cependant, nous ne devons pas commettre l'erreur de plier l'échine et de nous retrancher derrière les barricades de la peur et du silence et de dissimuler nos convictions profondes sous les nuages sombres de la capitulation. Nous devons plutôt ouvrir tous ensemble toutes grandes ces portes de la libération pour empêcher le monde de se fractionner et de penser intimement et collectivement que cette libération n'a rien d'utopique. Bien au contraire. Nous devons nous révolter et manifester haut et fort notre opposition pour mieux affronter et contrer ce péril qui nous assaille de toutes parts et défendre avec force et conviction nos valeurs universelles et faire cesser au nom de la dignité, de la justice et de la paix cet outrageant hold-up de nos droits et libertés. Il y va de nos vies et de celles de nos enfants !

« … l'adjectif « utopique » ne désigne plus ce qui n'a pas de place, dans l'univers historique, mais plutôt ce à quoi la puissance des sociétés établies interdit de voir le jour. » Herbert Marcuse

(À titre d'exemple, pensons à la Palestine qui revendique « depuis 78 ans » déjà son indépendance politique et sa souveraineté sur son territoire.)

Gaétan Roberge

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29 mars 1987 - 29 mars 2025 : Qu’en est-il du respect de la Constitution haïtienne ?

Chaque 29 mars, Haïti marque l'anniversaire de la Constitution de 1987, adoptée par référendum dans un contexte de renouveau démocratique après la chute de la dictature des (…)

Chaque 29 mars, Haïti marque l'anniversaire de la Constitution de 1987, adoptée par référendum dans un contexte de renouveau démocratique après la chute de la dictature des Duvalier. Conçue comme un rempart contre l'autoritarisme et une garantie des libertés fondamentales, cette Constitution devait symboliser un nouvel élan vers un État de droit et une gouvernance transparente. Trente-huit ans plus tard, la question se pose : ce texte a-t-il réellement été respecté, ou a-t-il été vidé de sa substance par des pratiques politiques contraires à ses principes fondamentaux ?

La Constitution de 1987 a été perçue comme un espoir de rupture avec les abus du passé. Elle instaurait un système présidentiel limité, des contre-pouvoirs pour éviter la concentration excessive de l'autorité et un ensemble de droits et libertés pour les citoyens. Pourtant, dès les premières années, des tentatives de modification et de contournement ont affaibli l'application de ses principes.

L'instabilité politique chronique a souvent entraîné des dérives, avec des gouvernements utilisant des stratagèmes divers pour contourner les exigences constitutionnelles. Les décrets gouvernementaux en période de vacance parlementaire, les reports électoraux récurrents et les manipulations pour prolonger des mandats en sont des exemples frappants.

Le respect de la Constitution haïtienne est à géométrie variable. Les articles garantissant les droits fondamentaux des citoyens, notamment en matière de justice, d'éducation et de conditions de vie dignes, restent largement inappliqués. Par contre, certains articles sont invoqués avec zèle lorsqu'ils servent les intérêts des gouvernants ou des groupes d'influence.

L'indépendance du pouvoir judiciaire, prévue par la Constitution, est restée une utopie. La nomination de juges et la gestion des institutions judiciaires sont fréquemment soumises à des influences politiques, rendant l'application de la loi partiale et inéquitable.

Face à ces dérives, des voix s'élèvent régulièrement pour une refonte de la Constitution. Certains prétendent qu'elle est inadaptée aux réalités du pays et qu'une nouvelle version plus pragmatique est nécessaire. D'autres, en revanche, soulignent que le véritable problème n'est pas la Constitution elle-même, mais plutôt l'absence de volonté politique pour la respecter et la faire appliquer dans son intégralité.

L'avenir du respect de la Constitution haïtienne repose donc sur la capacité des acteurs politiques et de la société civile à en faire un véritable outil de gouvernance, plutôt qu'un texte manipulable au gré des intérêts personnels. Ce 29 mars 2025 doit être une occasion de réflexion collective sur la place du droit dans la construction d'un État moderne et d'une société juste et équilibrée.
Le respect de la Constitution ne doit pas être une option, mais une obligation pour tous, au service d'un avenir stable et prospère pour Haïti.

Smith PRINVIL

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« Celui qui lutte peut perdre mais celui qui ne lutte pas a déjà perdu »

1er avril, par Alexis Cukier, Michael Löwy — , ,
Dans Étincelles écosocialistes, paru aux éditions Amsterdam en 2024, le sociologue et philosophe marxiste et écosocialiste Michael Löwy rassemble l'essentiel de ses textes (…)

Dans Étincelles écosocialistes, paru aux éditions Amsterdam en 2024, le sociologue et philosophe marxiste et écosocialiste Michael Löwy rassemble l'essentiel de ses textes récents sur la théorie et la pratique de l'écosocialisme, mouvement et projet politique international à l'émergence duquel il a particulièrement contribué, comme théoricien en co-signant par exemple le Manifeste écosocialiste international de 2001 ou en publiant l'ouvrage de référence Ecosocialisme : l'alternative radicale à la catastrophe écologique capitaliste (Mille et Une Nuits, 2014) et comme militant, notamment dans le cadre de la Quatrième Internationale.

Dans cet entretien avec Alexis Cukier, philosophe et membre de la rédaction de Contretemps, Michael Löwy revient sur la signification théorique et la portée politique du projet écosocialiste, en s'appuyant sur une analyse des luttes sociales et écologiques dans le monde, notamment en Amérique latine, qu'il analyse comme des résistances au capitalisme et au néofascisme écocides, comme des jalons vers une société alternative, et comme des raisons d'espérer que soit actionné à temps le frein d'urgence de la révolution écologique et sociale.

19 mars 2025 | tiré de la revue contretemps.
https://www.contretemps.eu/etincelles-ecosocialistes-entretien-michael-lowy/

Alexis Cukier : Etincelles écosocialistes rassemble des textes de nature et d'objets différents, sur divers auteurs de la théorie marxiste et de l'écologie politique (notamment Walter Benjamin, André Gorz, Joel Kovel, John Bellamy Foster), les luttes écologiques et sociales en particulier au Brésil, des phénomènes spécifiques comme la publicité ou le surréalisme, et sur des propositions politiques comme la décroissance…mais il me semble que l'écosocialisme est plus qu'un fil directeur, c'est un vrai point de vue sur la totalité.

Voici donc deux questions pour commencer : quelle est la spécificité de ton approche de l'écosocialisme, est-ce par exemple la démocratie sur laquelle tu insistes particulièrement ? et dans quel contexte de réception et discussion sur l'écosocialisme le livre s'inscrit-il ?

Michael Löwy : J'insiste sur la démocratie, en effet, mais je pense que ce n'est pas un thème qui est polémique chez les écosocialistes. Il y a un certain consensus : si la planification écologique n'est pas démocratique, elle ne peut pas avoir lieu. Je pense qu'il y a une dynamique positive, un intérêt croissant pour l'écosocialisme partout dans le monde, notamment en France mais aussi aux Etats-Unis, en Amérique latine.

Mon livre est un recueil de textes, mais en effet il y a une cohérence : je pense qu'il est important de convaincre la gauche, les marxistes, les communistes, que l'écologie est décisive – que l'on ne peut plus penser le projet socialiste et le projet communiste sans l'écologie d'une façon centrale. Et de convaincre les écologistes qu'on ne peut pas confronter la crise sans les instruments du marxisme et sans une perspective socialiste, une perspective communiste. C'est cela l'objectif. Et c'est pour cela que mon travail cherche à faire connaître ces discussions, expériences de lutte, en rapport au marxisme. Nous sommes plusieurs à essayer de le faire, des camarades de la Quatrième Internationale, mais pas seulement, qui essayons de faire avancer les idées écosocialistes.

AC : Dans le débat académique, le terme d'écomarxisme (ou marxisme écologique) s'est installé, autour d'auteurs comme John Bellamy Foster ou Kohei Saito. Que penses-tu des théories de ces auteurs ? Dans le livre, tu discutes notamment de l'œuvre de Foster, en soulignant ses apports et aspects positifs, et en proposant une critique, assez discrète, du fait qu'il sous-estime le caractère productiviste de certains passages des Grundrisse de Marx. On pourrait être beaucoup plus critique de cette tendance apologétique chez Foster…

D'où ma question : comment estimes-tu le rôle qu'il joue dans les débats autour du marxisme et de l'écologie, et de l'écosocialisme ?

ML : Je trouve que John Bellamy Foster joue un rôle très positif. Le fait d'avoir mis en route l'écomarxisme, d'avoir commencé à développer une réflexion sérieuse sur les aspects écologiques de la pensée de Marx, a été très important pour aider les marxistes d'aujourd'hui à prendre au sérieux l'écologie.

J'ajouterais que ce que Foster et autres écomarxistes écrivent sur le rôle du capitalisme dans la crise écologique, la nécessité d'une révolution écologique et d'une alternative écosocialiste – c'est au moins aussi important que leurs travaux sur Marx. Et c'est la raison pour laquelle j'ai un avis fondamentalement positif à propos du travail qu'ils font. Mais j'ai aussi quelques critiques.

Concernant Bellamy Foster, effectivement, je pense qu'il a une présentation un peu trop lisse de Marx et d'Engels, comme si il y avait, dès le début, dès la thèse de doctorat de Marx jusqu'à ses derniers écrits, une continuité de préoccupations écologiques. Il a eu le mérite d'avoir mis en relief des aspects de Marx qui étaient sous-estimés ou ignorés, autour de la problématique de la rupture du métabolisme notamment. Il a joué un rôle très positif pour convaincre les marxistes que l'écologie, ce n'est pas quelque chose d'extérieur au marxisme ou d'hostile, mais quelque chose qu'on trouve déjà dans une certaine mesure chez Marx.

Mais je pense qu'il est allé un peu trop loin, parce qu'il y a certains écrits de Marx qui restent encore marqués par le productivisme qui était l'idéologie dominante de son époque. Et surtout la question écologique n'avait pas du tout au XIXᵉ siècle l'importance qu'elle a au XXe siècle – le problème commençait seulement à apparaître. On voyait les premiers signes de destruction de l'environnement par le capitalisme. Mais aujourd'hui, c'est devenu une question de vie ou de mort pour l'humanité. Donc un changement très radical, un changement décisif. Et il est tout à fait normal que pour Marx et Engels, la question écologique n'était pas centrale.

Je rappelle toujours que Marx et Engels n'ont pas écrit un seul livre sur la question écologique, même pas un seul article ou un seul chapitre du Capital. Mais c'est normal parce qu'à leur époque, ce n'était pas encore une question brûlante, au sens propre et au sens figuré. Donc il ne s'agit pas pour moi de critiquer Marx ou de le dénoncer, mais de reconnaître les limites qui sont celles de sa période. Et en même temps, c'est vrai que Marx et Engels ont eu l'intuition de cette contradiction, de cette rupture métabolique. Donc c'est important de sauver ce moment écologique chez Marx. Mais il ne faut pas surestimer l'importance et la cohérence de ce moment au sein de l'œuvre de Marx.

C'est ma principale critique à Bellamy Foster, qui est un ami, et dont je respecte le travail. J'insiste : l'apport de Bellamy Foster n'est pas seulement de relire Marx mais de penser en termes marxistes les problèmes écologiques contemporains. Il a écrit un livre sur la révolution écologique qui est très important.[1] Et il a transformé la Monthly Review qui était une des principales revues de la gauche américaine en une revue éco-marxiste, c'est très important aussi.

AC : Et que penses-tu des derniers ouvrages de Kohei Saito ?

ML : Kohei Saito aussi a joué un rôle très important, très positif. Il a l'avantage sur Bellamy Foster d'avoir analysé la pensée de Marx non comme un système cohérent du début à la fin, mais comme une pensée en mouvement, qui au début reste marquée par une vision productiviste. C'est évident dans le Manifeste communiste qui parle du capitalisme qui a réussi à dompter la nature, etc. Mais aussi de certains passages des Grundrisse qui celèbrent « la mission civilisatrice du capitalisme ».

Saito montre que c'est à partir des années 1860, avec la lecture de Liebig notamment, qu'il y a une prise de conscience chez Marx, de l'épuisement de la fertilité de la terre, de la rupture du métabolisme et aussi, dans une certaine mesure, du problème écologique plus généralement. Cet apport de Saïto, qui consiste à montrer le mouvement de la pensée de Marx, est important. Et je pense que c'est important aussi de montrer que le marxisme, après Marx aussi, est également une pensée en mouvement, qui ne se limite pas à répéter ce que Marx a dit, mais a toujours été obligé à affronter des problèmes nouveaux comme l'impérialisme, le fascisme, le stalinisme et maintenant la crise écologique.

La critique que je fais à Kohei Saito, qui est aussi un ami, quelqu'un que j'aime bien, c'est que, à la fin de son dernier livre, il essaie de démontrer que Marx était déjà pour la décroissance[2]. Helas, ça ne colle pas… Dans un autre livre antérieur, il terminait en disant que pour Marx, le problème écologique était le problème le plus important du capitalisme. Cela n'était pas possible à son époque, de même que Marx ne pouvait pas vraiment penser la décroissance. La question ne se posait pas à son époque. Donc là, je ne suis pas d'accord.

Dans le livre traduit en français, Moins ! La décroissance est une philosophie (2024), la section sur Marx est bonne, sauf cette conclusion qui affirme qu'il était partisan de la décroissance. Je trouve que la proposition de Saïto d'un communisme de la décroissance est une excellente idée. Sauf qu'elle ne se trouve pas chez Marx ! Ce qui n'empêche pas que ce soit une très bonne idée.

AC : En lisant le livre, la présence du concept de réification, et plus largement de la pensée de Georg Lukács, m'a paru remarquable. C'est le cas par exemple des très intéressants articles sur la publicité, ou sur le surréalisme. Je connais tes travaux sur Lukács, sur Max Weber, mais je n'avais pas vu le rapport avec l'écosocialisme. Comment ferais-tu le lien entre la thématique « marxo-wébérienne » de la réification, et l'écologie ?

ML : Le concept de réification, je pense que c'est un des très grands apports de Lukács, et aussi de Lucien Goldmann qui a continué dans cette lignée. Cela permet de comprendre comment tout devient marchandise et la logique marchande domine tout dans la société capitaliste, non seulement l'économie directement, mais aussi la politique, la culture, la religion, l'art…Tout devient marchandise, tout devient une chose qu'on vend, qu'on achète. Les rapports entre les êtres humains deviennent chosifiés, réifiés.

Je pense que c'est un instrument conceptuel fondamental pour comprendre le capitalisme. Et évidemment, cela conduit au rapport à la nature, qui est, elle aussi, complètement chosifiée. La nature est vue uniquement comme un ensemble de choses qui doivent devenir des marchandises. Ce sont des matières premières pour la marchandise. Donc il y a dans le capitalisme une logique de chosification, de marchandisation, de réification de la nature. On pourrait en effet développer une critique Lukácsienne du capitalisme dans son rapport à la nature – ce que je n'ai pas vraiment fait dans le livre, sauf ici ou là, de façon limitée. Mais cela pourrait être une démarche à développer.

Ce n'est pas seulement le concept de réification qu'on peut reprendre de Lukács, mais aussi la méthode, et particulièrement la catégorie de totalité. C'est très important. Lukács a écrit dans Histoire et conscience de classe que ce qui distingue le marxisme de la science bourgeoise, ce n'est pas la prédominance de l'économie, c'est la catégorie dialectique de la totalité. Et c'est très important pour comprendre le problème écologique. On ne peut pas se limiter à l'analyse économique. Il faut voir les choses comme une totalité où il y a l'économie, la politique, la culture, la société, la lutte des classes, c'est une totalité. Et la crise écologique, c'est une totalité, qui concerne toute la vie des humains. Je pense que la catégorie de la totalité est fondamentale. Il y a beaucoup d'apports de Lukács qui sont importants pour la méthode marxiste.

Cela dit, il est vrai que Lukács n'a pas de réflexion sur l'écologie, ou très peu. Il y a un texte de lui où il y a quelques pistes, qui s'appelle Chvostismus und Dialektik (« Dialectique et Spontanéité », on devrait dire plutôt « Dialectique ou Suivisme »). Ce texte de 1925 qu'on a découvert récemment était inédit du vivant de Lukács. C'est une réponse aux critiques d'Histoire et conscience de classe (1923). On y trouve une discussion sur le rapport à la nature, une polémique contre certains marxistes qui ont une vision totalement acritique du rapport de l'industrie et de la technologie à la nature. Donc il y a une piste, mais qui n'est pas vraiment développée par Lukács.

En tout cas, je pense que l'idée de faire une analyse de la crise écologique à la lumière du concept de réification est une bonne idée.

AC : Une des questions qui m'est venue en te lisant concerne la place des expériences de reconversion écologique du travail portée par les travailleurs et travailleuses, ouvrier.e.s, paysan.ne.s et dans d'autres secteurs qui cherchent à rediriger leurs activités pour les décarboner, les dépolluer, répondre à des besoins fondamentaux des êtres humains ou les inscrire dans les cycles de la nature.

Dans le livre, il y a des exemples, notamment l'alliance entre mouvement indigène, paysan et syndical, autour des Seringueiros et de Chico Mendes. Mais il y a une insistance plus grande sur la réduction du temps de travail afin de libérer du temps pour des activités démocratiques et écologiques. Il me semble qu'il faut arriver à tenir les deux, réduction du temps de travail et luttes éco-syndicalistes, pour le dire ainsi. Comment articules-tu ces deux enjeux ?

ML : Il est vrai que dans mon livre, je ne parle pas beaucoup des expériences syndicales de luttes ouvrières écologiques. Mais j'ai publié un recueil de textes avec mon ami Daniel Tanuro sur les luttes socio-écologiques[3] et qui sont effectivement très importantes. Dans le livre on trouve des luttes paysannes, mais aussi des luttes ouvrières, de luttes syndicales. Donc dans cet autre livre, on parle de ces expériences. Mais c'est vrai que dans Étincelles écosocialistes, je n'en parle pas beaucoup.

En même temps, il faut dire que les secteurs en lutte aujourd'hui sur des questions socio-écologiques sont avant tout, par exemple en Amérique latine, les indigènes et les paysans ainsi que, un peu partout dans le monde, les femmes et les jeunes. Ce sont elles et eux qui sont vraiment les premières et les premiers à s'engager massivement dans des luttes, dans les mobilisations. C'est dans le travail du soin (care), effectué par des femmes essentiellement, qu'on trouve le plus de sensibilité aux thèmes écologiques, tandis que le mouvement ouvrier traditionnel, mâle, plus syndicalisé dans l'ensemble, est très en retard, et souvent encore prisonnier du productivisme et surtout du chantage à l'emploi.

On voit cela dramatiquement aujourd'hui, par exemple dans l'industrie automobile, qui est en crise parce que les automobiles se vendent moins bien. Les gens cherchent d'autres moyens de transport et les ouvriers se trouvent au chômage. Que faire ? Ce n'est pas très facile de proposer une reconversion à une usine automobile. Qu'est-ce qu'ils vont faire : produire des trottinettes, des bicyclettes ? Il n'y a rien d'impossible, mais ce n'est pas évident… Donc c'est une vraie difficulté et je n'ai pas de solution simple pour ça.

Mais effectivement, il y a des expériences positives de reconversion écologique au sens large. Notamment des usines en faillite où il y a des expériences intéressantes et il faut en parler, il faut les rendre populaires, il faut les donner comme exemple. Je suis d'accord que c'est très important. Et donc je trouve par exemple que le fait que, en France, un syndicat comme la CGT a fait quelques pas envers l'écologie, même s'il y a eu deux pas en avant et un pas en arrière, c'est quand même très important. Donc c'est une bataille qu'il faut mener.

En même temps, il faut reconnaître qu'aujourd'hui ceux qui sont à l'avant-garde dans les luttes écologiques, ce sont les paysans, les indigènes, les femmes, notamment dans le Tiers-Monde. Et la jeunesse, les mouvements autour de Greta Thunberg. Mais si le mouvement ouvrier ne se rallie pas à un projet écosocialiste, on ne pourra jamais gagner, c'est évident.

AC : Tu viens de mentionner la jeunesse et Greta Thunberg, et je voulais te poser une question sur la nouvelle génération de mouvements écologistes, et notamment les Soulèvements de la Terre.

Je pense que se joue là quelque chose de très important, porteur d'espoir, y compris en termes de renouvellement des pratiques militantes et de la culture politique, plus horizontale et plus dans le faire. On voit là aussi des alliances entre les jeunes et les paysans, notamment la Confédération paysanne, par exemple dans la lutte contre les mégabassines. Et c'était déjà le cas en fait à la ZAD de Notre-Dames-des-Landes, il y avait déjà des rencontres et alliances avec les mondes du travail. On voit aussi qu'émerge à partir de ces expériences une vraie élaboration stratégique.

Comment vois-tu le mouvement de la jeunesse écologiste qui a émergé au niveau international autour de Greta Thunberg, d'une part, et les Soulèvements de la Terre en France, d'autre part ?

ML : Je pense que ce sont deux expériences très importantes. La mobilisation internationale de la jeunesse que Greta Thunberg a réussi à lancer est très radicale, avec le mot d'ordre « changeons le système, pas le climat ». On y trouve une dynamique anticapitaliste. Je pense que c'est vraiment un mouvement formidable, qui connaît des hauts et des bas, évidemment, mais c'est un mouvement formidable.

Et puis effectivement, il y a les Soulèvements de la Terre, que je n'ai pas pris en compte parce qu'à l'époque où j'écrivais les textes du livre, ça n'existait pas encore ou ça a commencé à paraître, mais effectivement aujourd'hui c'est l'expérience socio-écologique la plus importante en France. Il y avait déjà eu Notre-Dame-des-Landes, en effet, où le syndicat CGT local s'était engagé. C'était déjà quelque chose de très important. Mais les Soulèvements de la Terre, c'est vraiment quelque chose de très positif. C'est formidable la façon dont ils ont réussi à rassembler des gens venus d'horizons très divers. Et, comme tu le dis, de façon massive et très combative.

Evidemment, ils ont été victimes d'une répression inouïe et d'une brutalité criminelle de la part de l'Etat, de Macron. Mais la tentative de dissoudre le mouvement a raté, et il est toujours là, très actif. Je pense que c'est un mouvement qui a beaucoup d'avenir. Et c'est un des grands espoirs aujourd'hui en France et en Europe, les Soulèvements de la terre. C'est très important. S'il y a une réédition élargie de mon livre, il faudra absolument que j'inclue un chapitre sur les Soulèvements de la Terre.

C'est évident qu'il faut aller dans cette direction, construire des mobilisations qui soient capables de travailler à cette convergence entre le social et l'écologique, entre le mouvement écologique et la jeunesse, etc. Avec les ONG, Attac, le mouvement social et syndical, la Confédération paysanne notamment, les jeunes…ces convergences concrètes, c'est la bonne stratégie pour avancer, j'en suis tout à fait convaincu.

C'est le thème du livre sur les luttes socio-écologique qu'on a publié avec Tanuro. C'est le seul espoir qu'on puisse changer le rapport de force qui est pour le moment nous est très défavorable : travailler à cette convergence entre le social et l'écologie qui est plus facile, même en France, autour des questions comme l'eau et la terre, et plus difficile au niveau des usines. Mais il faut y aller aussi. Si on n'arrive pas à débloquer la convergence au niveau du travail et des entreprises, on ne pourra pas avancer.

Je veux donner un exemple d'une convergence qui s'est esquissée mais qui n'a pas vraiment réussi, autour du fret ferroviaire. C'est une question fondamentale pour les cheminots, évidemment, parce que le gouvernement est en train de démanteler le fret. Mais c'est aussi une question écologique fondamentale parce que du point de vue des émissions de CO2, il faut en finir avec le tout-camion. C'est un désastre écologique. Le tout-camion est un désastre social, y compris pour les camionneurs, avec les accidents notamment. Il faut en finir avec ça et le seul espoir, c'est le fret.

Donc c'est une lutte écologique aussi. Or il y a eu une déclaration commune il y a quelques mois, d'Attac et de quelques ONG écologistes avec les cheminots, mais ça n'a pas vraiment embrayé dans une vraie mobilisation comme par exemple Les soulèvements de la Terre. Il faut qu'on puisse mobiliser les syndicats et les mouvements écologistes autour des questions comme le fret ferroviaire.

AC : En ce qui concerne les convergences et alliances, nous avons évoqué tout à l'heure les seringueiros, et je voulais revenir sur le chapitre « Au Brésil : le combat de Chico Mendes », en te posant deux questions. D'abord, comment présenterais-tu l'importance des luttes sociales et écologiques latino-américaines pour l'histoire du développement du mouvement écosocialiste au niveau international ? Et aujourd'hui, après Bolsonaro notamment, comment vois-tu la dynamique au Brésil, les possibilités pour l'avenir ?

ML : D'abord il faut dire qu'en effet, en Amérique latine, il y a des expériences très intéressantes de lutte socio-écologique, notamment indigènes et paysannes. On voit cela un peu partout, au Pérou, au Mexique et au Brésil, où il existe un mouvement social très important, peut-être le mouvement social le plus important en Amérique latine : le mouvement des paysans sans terre, le MST. Et il y a un formidable mouvement féministe, par exemple au Chili, c'est le mouvement des femmes qui est à l'avant-garde

Au Brésil, le MST organise des centaines de milliers de paysans. Il mène un combat depuis des années pour la réforme agraire, mais il ne se limite pas à lutter pour faire pression sur le gouvernement, il commence à mettre sur pied concrètement une réforme agraire sur le terrain. Il le fait en occupant des fermes improductives, en occupant des terres, en établissant des communautés paysannes ou des coopératives un peu partout dans le Brésil. Or ce mouvement a fait, il y a une vingtaine d'années, un tournant écologique.

Au début, ça ne les intéressait pas tellement, mais depuis 20 ans, ils ont fait un vrai tournant écologique, qui s'accentue depuis. Là où se trouvent les occupations, leurs coopératives, leurs fermes, ils ont fait un tournant vers la production bio. Et aujourd'hui, ils sont devenus par exemple le plus grand producteur de riz bio au Brésil. Or le riz, c'est la base de la nourriture des Brésiliens avec les haricots noirs. Donc cette expérience est très importante. C'est vraiment une expérience sociale et écologique de masse, avec un mouvement qui est très politique.

La plupart des militant.e.s, des cadres du MST, sont marxistes. Et ils ont une école de formation formidable, où je suis allé avec ma compagne, plusieurs fois, qui s'appelle l'École Nationale Florestan Fernandes, du nom d'un sociologue marxiste très connu. C'est une école où ils forment leurs cadres, leurs militant.e.s, mais aussi des militant.e.s d'autres mouvements sociaux, de toute l'Amérique latine et même du monde entier. C'est vraiment une école de formation marxiste, locale, nationale, latino-américaine et mondiale. Et là aussi, ils commencent à parler d'écologie et d'écosocialisme. C'est quelque chose de très important.

Plus généralement, en Amérique latine, on a ces mobilisations socio-écologiques des paysan.ne.s, des indigènes, qui sont très combatives. Et puis on voit apparaître aussi, mais à une moindre échelle évidemment, un intérêt pour l'écosocialisme, comme ce fut le cas par exemple d'Hugo Blanco, un des grands dirigeants paysans et indigènes de l'Amérique latine, au Pérou, et au Mexique où il est récemment décédé. Il avait l'habitude de dire « Nous les indigènes, nous pratiquons l'écosocialisme depuis cinq siècles ».

Et il y a quelque chose de vrai. Les indigènes ont un rapport à la nature, à la fois communautaire et collectif, qui se caractérise aussi par le respect pour l'eau, la terre, les arbres, la nature. Cela fait partie de leur culture, de leur spiritualité. Donc il y a vraiment une contradiction de leur culture avec le capitalisme, avec la logique réifiée du capitalisme. Il y a non seulement dans ces luttes indigènes et paysannes une question vitale, par exemple défendre l'eau contre l'empoisonnement, mais il y a aussi, disons, une « affinité négative » entre l'esprit indigène et l'esprit du capitalisme.

La question décisive, dans ce domaine, c'est évidemment l'avenir de l'Amazonie. Elle concerne tout d'abord les populations locales, les indigènes, les paysan.ne.s qui habitent là-bas et qui veulent protéger la forêt contre la logique destructive massive du capitalisme, sous la forme d'entreprises minières, notamment d'extraction d'or, qui sont des gangs criminels qui essaient de trouver l'or mais en empoisonnant les rivières avec du mercure. Et surtout contre l'agrobusiness qui détruit la forêt pour remplacer les arbres par les pâturages ou des champs de soja.

Au Brésil, l'agrobusiness est une puissance énorme, ils contrôlent la moitié du Parlement, et aussi les gouvernements locaux. Donc il y a un combat décisif pour sauver l'Amazonie où sont engagés en première ligne les indigènes, les communautés paysannes locales, avec le soutien d'une partie de la gauche, d'une partie importante de l'Église, et évidemment des écosocialistes et des anticapitalistes.

C'est une bataille fondamentale qui concerne évidemment les populations locales, mais aussi l'ensemble du Brésil, parce que c'est de l'Amazonie que viennent les rivières de pluie sans lesquelles le sud du Brésil serait désertifié. Et il concerne aussi toute la planète, parce que l'Amazonie est un des derniers grands puits de charbon qui absorbe une partie importante du CO2. Si l'Amazonie est détruite ou si elle devient une savane, ce qui est un danger très réel si on continue avec les incendies et les destructions, alors le changement climatique deviendra incontrôlable.

Donc c'est une affaire qui concerne tout le monde, qui nous concerne tous, non seulement les indigènes, les Brésiliens mais aussi toute l'humanité. Dans cette bataille très importante, le gouvernement Lula a apporté certaines améliorations, évidemment, par rapport à Bolsonaro qui avait mis en œuvre une dynamique totalement destructrice. Mais on est encore loin du compte.

Il y a notamment un affrontement maintenant autour du projet d'exploitation de pétrole dans l'embouchure de l'Amazone…car à cet endroit, dans la mer, il y a du pétrole, apparemment de grandes quantités, même si on ne sait pas exactement. Et donc il y a une discussion pour savoir si on va exploiter ce pétrole en haute mer ou pas, avec un danger évident : s'il y a un problème comme c'est arrivé au golfe du Mexique, cela inonderait l'Amazonie de pétrole, avec des conséquences dramatiques pour l'environnement. Sans parler du fait que ce pétrole va être exploité, brûlé et contribuer au changement climatique. Donc il y a un débat, y compris au sein du gouvernement de Lula. Cela va dépendre du rapport de force dans la société. C'est une bataille très importante.

Je reviens pour finir à la partie de ta question sur l'écosocialisme en Amérique latine. Son développement est inégal selon les pays. Au Brésil, il existe un réseau écosocialiste depuis quelques années déjà, avec des militant.e.s venu.e.s de tous les horizons de la gauche, de tous les partis de la gauche radicale. C'est un acquis très important. Ils organisent des activités, ils ont publié un manifeste, certain.e.s de leurs militant.e.s sont dans le gouvernement, au ministère de l'écologie. Donc ils ont une certaine influence, limitée, bien sûr, mais l'existence d'un réseau brésilien écosocialiste est un acquis important. Il y a aussi un réseau en Argentine qui a organisé un colloque écosocialiste international à Buenos Aires, en 2024. Et il y a aussi d'autres initiatives, moins développées, qui existent dans d'autres pays.

AC : Tu as parlé de l'agrobusiness et de Bolsonaro…il faut parler de la question du rapport entre écocide et extrême droite ou néofacisme. Nous sommes quelques jours après l'investiture de Trump, dont la formule « drill baby drill » exprime bien le projet extractiviste débridé. On voit partout l'alliance entre néofascistes et néolibéraux, au service d'un projet extractiviste et productiviste très dur, qui passe aussi par la répression des mouvements écologistes.

Comment vois-tu cette montée du néofascisme d'un point de vue écosocialiste ? Est-ce que tu reprends ce terme, parfois employé récemment pour parler des rapports entre écologie et extrême droite, d'écofascisme ?

ML : Je n'utilise pas le terme écofascisme, dont je pense qu'il introduit de la confusion. Les fascistes ne sont pas écologistes, la plupart sont ouvertement négationnistes en ce qui concerne le climat. Quelques-uns essaient maladroitement de jouer un peu avec l'écologie dans un registre nationaliste, mais c'est vide. Le Rassemblement national est un bon exemple : ils essaient de peindre un tout petit peu en vert leur drapeau brun, mais cela n'a aucune consistance. Donc je pense que l'écofascisme est une fausse piste. Par contre nous sommes vraiment confrontés à un fascisme anti-écologique, à 200 % écocide.

Les exemples que tu as cités sont parlants : chez Trump, il y a un refus total de l'écologie, et le même vaut pour Milei et Bolsonaro. Tous ces gens sont complètement aveugles à la crise écologique. Ils font comme si elle n'existait pas et défendent de manière acharnée le pétrole, le charbon et toutes les offensives destructrices de la nature. C'est bien sûr extrêmement inquiétant. C'est notamment le cas de Trump, parce que les dégâts qu'il peut provoquer aux Etats-Unis sont à une échelle infiniment plus grande que Milei en Argentine ou même Bolsonaro au Brésil.

Mais aux Etats-Unis on peut craindre le pire : quatre années de Trump avec l'exploitation intensive du pétrole partout, cette menace d'invasion du Groenland, etc. C'est extrêmement dangereux, extrêmement inquiétant, et bien sûr un développement très négatif du point de vue du combat contre le changement climatique. C'est vraiment un pas en arrière gigantesque.

Mais ça ne sert à rien de se lamenter, il faut organiser la résistance ! Il faut organiser la résistance partout où ces gouvernements néo-fascistes se sont installés. Je dis néo-fascisme parce que ce n'est plus le fascisme des années 1930, ce ne sont pas des Etats totalitaires avec des bandes en uniformes qui défilent, ou la Gestapo… c'est une autre forme, totalement alignée sur le néolibéralisme extrême. Dans le cas de Milei, c'est une espèce d'anarcho-libéral-fascisme, c'est très différent du corporatisme nationaliste du fascisme classique.

Mais il y a des traits communs qui sont le nationalisme, la haine de la gauche, le racisme, la recherche du bouc émissaire responsable de tous les maux. C'étaient les juifs pour les nazis. Ce sont les mexicains pour Trump, ce sont les musulmans en Europe. Cette logique du bouc émissaire est typique de la logique fasciste. De même que le culte du chef, du sauveur : Trump, Bolsonaro… qu'on a appelé au Brésil le Messie. Et Trump se dit envoyé par Dieu. Donc il y a des éléments en commun avec le fascisme classique, mais c'est quand même une forme nouvelle.

Et une de ces caractéristiques nouvelles, c'est justement cette dynamique antiécologique, de destruction forcenée de la nature, d'exploitation à fond des énergies fossiles avec des conséquences dramatiques. Il faut organiser la résistance partout, en partant de secteurs qui sont mobilisés. Le mouvement des femmes, la jeunesse, des secteurs du mouvement paysan, certains courants syndicaux, les écologistes, la gauche… Il faut lutter. Il n'y a pas d'autres moyens que de résister, de lutter. Et il y des possibilités.

Même aux Etats-Unis, par exemple, il y a des Etats qui sont gouvernés par les démocrates, ce n'est pas formidable pour nous, écologistes, mais c'est quand même un peu mieux. Donc ces Etats comme la Californie vont essayer de résister à la politique de Trump jusqu'à un certain point. Mais bien sûr je compte surtout sur les mouvements sociaux. Ces jours-ci, il se passe des choses intéressantes, en termes d'auto-organisation aux Etats Unis : des écoles, des églises, qui déclarent qu'ils vont empêcher les déportations des migrants. Et il y aura aussi des résistances concernant l'écologie.

N'oublions pas qu'il y a eu le grand mouvement contre le pipeline Keystone aux Etats Unis avec la participation notamment des indigènes, les Sioux, soutenus par certains courants syndicaux, par la gauche, par les écologistes. Ils ont réussi à bloquer le pipeline. Donc il y aura des luttes. C'est le seul espoir.

AC : Venons-en à une dernière question, pour finir par de l'espoir, du positif. Une des forces de l'écosocialisme est d'aborder de front la question du projet de société alternative, écologiste, communiste, égalitaire, féministe, antiraciste, internationaliste…Dans le livre cela apparaît nettement dans les derniers textes, et notamment autour de la question de la décroissance écosocialiste, au sujet de laquelle tu as écrit plusieurs textes récemment.

Tu as aussi participé à la rédaction d'un Manifeste de la Quatrième Internationale proposant un programme de transition écosocialiste[4], écrit par des militant.e.s écosocialistes de plusieurs pays. Il y est question des luttes qui articulent questions sociales et écologiques, mais aussi d'un projet écosocialiste, de planification démocratique et d'autogestion, de nouvelles institutions.

Pourrais-tu nous expliquer ce que tu entends par décroissance écosocialiste, et à partir de là développer tes arguments sur l'écosocialisme comme projet de société désirable ?

ML : Oui nous pensons, je pense et mes camarades aussi, qu'il ne suffit pas d'être anticapitaliste, il faut proposer une alternative, sinon on n'est pas crédible. Et cette alternative, c'est l'écosocialisme, c'est le projet, pas simplement de changer les rapports de propriété, mais d'une nouvelle civilisation fondée sur d'autres valeurs et d'autres formes de production et de consommation, une autre façon de vivre.

C'est un projet très ambitieux, dont certains axes sont ceux classiques du socialisme, comme la propriété collective des moyens de production, l'autogestion et la planification démocratique, mais maintenant avec un contenu écologique qui n'était pas tellement présent dans le passé. Et évidemment, ce projet, cette nouvelle civilisation, ne va pas se faire d'un jour à l'autre. Il y aura un processus de transition, le Manifeste que tu as mentionné pense une transition entre le capitalisme et l'écosocialisme.

Bien sûr, l'écosocialisme n'existera jamais si on ne commence pas la lutte pour l'écosocialisme ici et maintenant. Il ne s'agit pas d'attendre que les conditions soient mûres pour agir. Parfois on nous critique en nous disant : « votre projet écosocialiste est bien gentil, mais on ne peut pas attendre, il y a une urgence sur la question écologique, il faut agir dès maintenant ».

Mais nous ne proposons pas du tout d'attendre que la conscience soit mûre pour la révolution mondiale, ce n'est pas du tout cela. Il faut agir ici et maintenant, même pour de petites choses, de petites victoires qui ralentissent la vitesse de la course à l'abîme. Pour reprendre cet exemple, si on peut arrive à sauver le fret ferroviaire en France, ce n'est pas l'écosocialisme, mais c'est un pas très important dans ce combat. Donc il faut commencer la lutte ici et maintenant.

En ce qui concerne la question de la décroissance, il faut dire que jusqu'à il y a quelques années, nous étions assez réservés envers la décroissance, pour deux raisons. Premièrement, certains des partisans de la décroissance ne parlaient pas du capitalisme. Leur ennemi, c'était la croissance en général. Comme s'il pouvait y avoir un capitalisme décroissant. Et puis deuxièmement, nous pensons que la décroissance en soi n'est pas une alternative de société, cela ne dit pas quelle société on veut.

Mais en même temps, nous avons été de plus en plus convaincus que les courants de la décroissance avaient raison de dire qu'on ne peut pas affronter la crise écologique sans une décroissance de la production matérielle. D'abord parce qu'il faut réduire la consommation d'énergie de façon très substantielle, parce que les énergies renouvelables ne peuvent pas totalement remplacer les énergies fossiles. Même les énergies renouvelables demandent des matières premières, des minerais, qui n'existent pas à l'infini…Donc il faut réduire la consommation d'énergie, réduire la production matérielle. On ne peut pas continuer avec cette accumulation.

Donc l'idée de décroissance, nous la trouvons légitime. Mais il faut que ce soit une décroissance anticapitaliste, sans aucune illusion sur la possibilité d'un capitalisme décroissant. Et il faut l'associer à un projet de société qui est l'écosocialisme. C'est pour cela que nous parlons de décroissance écosocialiste. Et heureusement, une partie du mouvement décroissant va aussi dans cette direction, anticapitaliste d'abord, et même pour certains écosocialiste. C'est pour cela que nous avons publié l'année dernière une déclaration commune entre quelques écosocialiste, moi compris, et quelques théoriciens de la décroissance. Sur le mot d'ordre : pour une décroissance écosocialiste.

Donc nous avons intégré, moi et mes camarades, la décroissance dans notre conception de ce qu'est l'écosocialisme, parce que nous sommes convaincus qu'il faut réduire la production matérielle. Alors évidemment, les anti-écologistes disent « Ah, vous voulez affamer les gens ? Vous voulez que les gens ne puissent plus manger, qu'ils ne puissent plus habiter, qu'ils ne puissent pas se transporter ? Vous êtes pour l'écologie punitive ! ». C'est le discours de la droite. Mais pour nous, les écosocialistes, qu'est-ce que la décroissance signifie plus précisément ?

Je dirais, tout d'abord, en finir avec l'obsolescence programmée qui est inhérente au capitalisme. Parce que les produits sont faits pour ne pas être durables. Je donne toujours cet exemple : ma grand-mère avait un frigo qui durait 40 années. Mais pour le capitaliste qui produit le frigo, c'est une très mauvaise affaire…s'il vend un frigo tous les 40 ans, c'est un désastre. Donc il faut qu'il puisse vendre un frigo tous les quatre ans, et il produit des frigos qui, après quatre années, ne marchent plus. C'est la logique du capitalisme, et l'obsolescence programmée est inhérente à la logique du capitalisme. C'est rationnel pour le capitaliste : il faut produire des marchandises qui deviennent obsolètes le plus vite possible.

Il faut mentionner aussi l'obsolescence par la mode. C'est un autre truc : le téléphone portable qui a toujours un nouveau gadget, dont il faut acheter le nouveau modèle. C'est inhérent au capitalisme et cela produit un gaspillage monstrueux, aussi parce qu'on ne peut plus réparer les objets : l'ordinateur qui a un problème, on ne peut pas le réparer, on ne peut même pas l'ouvrir, il faut le jeter et en acheter un autre, tout nouveau. C'est la logique du système et c'est un gaspillage énorme. Donc si on en finit avec l'obsolescence programmée, si on ne produit que des produits durables et réparables, on ferait déjà un pas énorme en direction de la décroissance, en réduisant donc la production de biens rien que par la suppression de l'obsolescence programmée.

Ensuite, il y a aussi la suppression des biens et services inutiles. Il y a une quantité astronomique de biens inutiles et/ou nuisibles. Bien entendu, ce n'est pas le bureau politique qui va décider de ce qui est utile et inutile, c'est aux gens de le faire, démocratiquement. Mais il est évident qu'il y a une quantité de biens qui sont inutiles, et aussi de services totalement inutiles. L'exemple le plus évident est la publicité. A quoi sert la publicité ? C'est nécessaire au capitalisme, mais dans une société rationnelle, la publicité serait totalement inutile. Et c'est un gaspillage énorme d'énergie, de matières premières, de papier, de force de travail. Donc il faut supprimer la publicité. On pourrait multiplier les exemples. Il ne s'agit pas d'une « écologie punitive », mais d'éliminer des choses qui sont totalement inutiles.

Ensuite, il y a des questions qui sont plus compliquées, par exemple celle de la voiture. Il ne s'agit pas de supprimer la voiture : elle a une utilité sociale, mais il s'agit de réduire substantiellement sa place dans toute la société, y compris l'idéologie, la culture, le mode de vie construit autour de la voiture. Tu ne peux pas exister sans voiture. Aux Etats-Unis, la carte d'identité, c'est le permis de conduire, qui remplace la carte d'identité. Si tu n'as pas de voiture, tu n'as pas d'identité, tu n'existes pas.

Donc il faut en finir évidemment avec cette civilisation de la voiture et organiser les villes autrement pour qu'il y ait de la place pour les piétons, pour les bicyclettes et pour les transports publics gratuits. Tout cela réduira beaucoup la place de la voiture, mais on ne va pas supprimer la voiture, ça serait d'arbitraire. Un autre exemple compliqué, c'est la viande.

La viande est un désastre sanitaire : c'est une source de maladies cardiaques. Et c'est un désastre environnemental, parce que sa production, l'élevage, surtout dans les pays du Sud comme le Brésil, détruit les forêts. Et aussi parce que l'élevage produit du méthane qui est un des gaz à effet de serre les plus dangereux. Donc il faut impérativement, du point de vue écologique et du point de vue de la santé publique, réduire la consommation de viande.

Il faut mentionner aussi la souffrance des animaux, c'est un autre argument. Je ne mettrai pas en première place. Je sais que mes amis véganes mettent en première place la souffrance des animaux, et je le respecte, mais je ne mettrai pas en première place parce qu'il y a d'autres animaux qui mangent des animaux, les tigres et les loups mangent aussi d'autres animaux, on ne va pas criminaliser cela. La souffrance des animaux est un argument respectable, mais je mettrais en première place l'argument écologique et l'argument de santé publique, pour dire qu'il faut réduire la consommation de viande, c'est impératif.

Cela étant dit, on ne va pas le faire par décret, on ne va pas rationner, il faut convaincre les gens qu'il faut réduire la consommation de la viande. Il faut mener un combat politique à l'intérieur de la gauche, et notamment en France où le parti communiste fait l'apologie du bifteck français. Il faut mener un combat, qui est difficile parce qu'il y a des habitudes, une culture de la viande, et tout un secteur économique qui dépend de la viande, depuis les éleveurs jusqu'aux bouchers, etc. Donc il faut leur trouver des alternatives, et ce combat n'est pas facile, mais il faut le mener. Réduire la consommation de viande fait partie de la décroissance.

Donc voilà ce qu'est la décroissance pour nous. Moi et mes camarades, nous assumons la décroissance comme un des vecteurs essentiels du projet écosocialiste.

Alors on pourrait dire : tout cela, c'est très bien, mais quel est le rapport de force ? On a Trump. On a tous les fascistes anti-écologistes au pouvoir. Et l'écosocialisme, est quand même encore un mouvement assez minoritaire. Evidemment, il ne faut pas entretenir un optimisme béat. Et effectivement, le rapport de force n'est pas très favorable. Mais il faut éviter de tomber dans le fatalisme pessimiste – par exemple celui des collapsologues qui disent que la catastrophe écologique est inévitable, qu'il faut se préparer pour survivre, etc.

Je suis totalement opposé à cela pour deux raisons. D'abord, si la catastrophe écologique a vraiment lieu, je ne sais pas si on pourra survivre. Et deuxièmement, la bataille n'est pas perdue. Nous pouvons résister et nous pouvons lutter. Je termine avec une citation attribuée à Brecht, que j'aime beaucoup, et qui dit : « Celui qui lutte peut perdre, mais celui qui ne lutte pas a déjà perdu ».

Notes

[1] John Bellamy Foster, The Ecological Revolution. Making Peace with the Planet, Monthly Review Press, 2009.

[2] Kohei Saito, Moins ! La décroissance est une philosophie, Paris, Seuil, 2024.

[3] Michael Löwy et Daniel Tanuro (dir.), Luttes sociales et écologiques dans le monde. Allier le rouge et le vert, Paris, Textuel, 2021.

[4] Projet de « Manifeste du marxisme révolutionnaire à l'ère de la destruction écologique et sociale du capitalisme », en ligne : https://fourth.international/fr/comite-international/866/604

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Le Québec appelle à la résistance et à la solidarité face aux menaces de l’administration Trump

1er avril, par Collectif pour un appel à la résistance et à solidarité face aux menaces de l'administration Trump — ,
Un collectif de citoyennes et de citoyens québécois de toutes allégeances lance aujourd'hui un appel à la résistance et à la solidarité afin de faire front commun contre les (…)

Un collectif de citoyennes et de citoyens québécois de toutes allégeances lance aujourd'hui un appel à la résistance et à la solidarité afin de faire front commun contre les récentes menaces économiques, culturelles et politiques provenant de l'administration Trump.

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Face aux tarifs douaniers injustifiés imposés par les États-Unis et au chantage politique visant à affaiblir la souveraineté économique, numérique, démocratique et culturelle du Québec et du Canada, ce collectif affirme haut et fort qu'il est hors de question de céder aux pressions américaines ou d'envisager toute forme d'annexion aux États-Unis.

Un grand rassemblement aura lieu le 6 avril à 13 h 30 au pied du Mont-Royal, près de la statue de Georges-Étienne Cartier, afin d'exprimer notre solidarité et notre résistance face aux menaces de l'administration Trump.

« Nous sommes profondément attachés aux valeurs démocratiques, culturelles et sociales développées par notre société au fil du temps », souligne le collectif dans une déclaration qui a été signée par plusieurs centaines de personnalités publiques québécoises. « Il est impensable pour nous de reculer sur des enjeux aussi fondamentaux que l'égalité des sexes, les droits des femmes, le droit à l'avortement, l'équité salariale, les droits des personnes LGBTQ+, la lutte contre la discrimination raciale ou encore la préservation de notre système universel de santé et de nos services éducatifs accessibles », rappelle Alain Saulnier, porte-parole du collectif.

Le collectif dénonce vivement l'idée d'importer au Québec et au Canada un modèle américain qui aggrave les inégalités économiques et sociales, compromet les acquis sociaux essentiels, encourage le port d'armes, envisage la réinstauration de la peine de mort ou néglige la lutte contre les changements climatiques.

La protection de la langue française, de la culture québécoise ainsi que des cultures autochtones constitue également une priorité essentielle. Le collectif réaffirme ainsi la nécessité de résister aux géants américains du web et à leur influence croissante.

« Nous lançons un appel à nous unir et à résister face aux pressions exercées par le président Trump et son administration », poursuit Alain Saulnier. « Nous invitons la société civile, les représentants patronaux, syndicaux, communautaires, féministes, environnementaux et culturels à faire front commun pour défendre notre autonomie, notre diversité culturelle et nos acquis sociaux. »

Cette solidarité dépasse les frontières du Québec. Le collectif appelle aussi les Canadiennes et Canadiens des autres provinces à manifester la même détermination. Finalement, nous devrons, au courant des mois et années à venir, approfondir nos liens avec les citoyennes et citoyens américains qui subissent eux aussi les conséquences néfastes des politiques de l'administration Trump et travailler ensemble pour mettre en échec les visées autoritaires de cette administration.

« Face à une menace commune, nous devons nous tenir debout ensemble », conclut le collectif. « Le temps presse, c'est maintenant à nous de jouer. »

Plusieurs centaines de personnes ont déjà signé la déclaration. Notamment : Alain Saulnier, Christine Beaulieu, Christine St-Pierre, Liza Frulla, Louise Beaudoin, Yvon Deschamps, Jacques Godbout, Caroline Senneville (Présidente de la CSN), Éric Gingras (Président de la Centrale des syndicats du Québec / CSQ), Tania Kontoyanni (Présidente de l'Union des Artistes), Alain Saladzius, Alain Vadeboncoeur, Alex Norris, Anaïs Barbeau-Lavalette, Anaïs Larocque, Anne-Marie Cadieux, Ariane Charbonneau, Catherine Durand, Clément Duhaime, Deneault Alain, Destiny Tchehouali, Dominique Legault, Françoise David, Fred Pellerin, Guylaine Tremblay, Jean-Robert Bisaillon, Jean-Robert Choquet, Joanne Liu, Jonathan Durand Folco, Laure Waridel, Lorraine Pintal, Louise Caouette Laberge, Louise Sicuro, Maka Koto, Mariana Gianelli, Michel Lacombe, Michel Rivard, Michelle Chanonat, Monique Simard, Normand Baillargeon, Pierre Trudel, Ségolène Roederer, Simon Brault, Agnès Gruda, André Bélisle, André Noël, Annick Charette, Ariane Roy, Benoit McGinnis, Boucar Diouf, Camil Bouchard, Céline Bonnier, Christian Bégin, Christian Vanasse, Claude Desrosiers, Claude Legault, Claude Meunier, Dominic Champagne, Edith Butler, Édith Cochrane, Emmanuel Bilodeau, Ève Déziel, François Avard, François Delorme, François Girard, Geneviève Rochette, Geoffrey Gaquère (Directeur artistique et codirecteur général du TNM), Isabelle Vincent, Jacqueline Lemay, Janine Krieber, Jean-François Lépine, Jean-François Nadeau, Jean-Sébastien Fournier, Julie Le Breton, Lana Carbonneau, Léa Clermont-Dion, Lise Aubut, Lizann Demers, Lou Vincent Desrosiers, Louise Harel, Louise Richer, Luc Ferrandez, Mani Soleymanlou, Manon Barbeau, Marie Malavoy, Marie-Josée Lacroix, Marie-Pier Boisvert, Marion Dove, Martin Viau, Mélissa Dion, Michel Désautels, Mireille Elchacar (Mères au front), Mona Greenbaum (Fondatrice de la Coalition des familles LGBT+), Monique Savoie, Morgane Gelly, Myriam Perraton Lambert, Pascale Cormier, Patrice Michaud, Paule Baillargeon, Philippe Poullaouec-Gonidec, Pier Paquette, Pierre Curzi, Pierre Martin, Pierre-Michel Tremblay, Rachida Azdouz, Rémi Bourget, René Richard Cyr, Robin Aubert, Salam Yazbeck, Vincent Graton.

Pour apposer sa signature à l'appel à la résistance.

Le collectif pour un appel à la résistance et à solidarité face aux menaces de l'administration Trump rassemble plus de 300 signataires.

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L’Union fait l’avenir : Lancement des États généraux du syndicalisme

1er avril, par Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS), Centrale des syndicats démocratiques (CSD), Centrale des syndicats du Québec (CSQ), Confédération des syndicats nationaux (CSN), Fédération autonome de l'enseignement (FAE), Fédération des Travailleurs et des travailleuses du Québec (FTQ), Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ), Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) — ,
C'est avec grande fierté que le coup d'envoi a été donné aux États généraux du syndicalisme. Avec pour thème « L'union fait l'avenir », les neuf principales organisations (…)

C'est avec grande fierté que le coup d'envoi a été donné aux États généraux du syndicalisme. Avec pour thème « L'union fait l'avenir », les neuf principales organisations syndicales québécoises – l'APTS, la CSN, la CSD, la CSQ, la FAE, la FIQ, la FTQ, le SFPQ et le SPGQ – se réunissent afin de réfléchir ensemble aux défis qui attendent les travailleuses et les travailleurs pour les prochaines années, avec en trame de fond un climat social, économique et politique en ébullition, notamment des attaques au droit de grève avec le projet de loi n° 89.

Le mouvement syndical québécois est à un tournant décisif. Les neuf principales organisations syndicales québécoises unissent leurs forces pour amorcer une réflexion collective dans le cadre des États généraux du syndicalisme, une démarche sans précédent au Québec.

Au cœur de cette démarche : une conversation profonde et honnête sur notre avenir collectif, des discussions sur la modernisation des approches syndicales pour mieux répondre aux attentes des travailleuses et des travailleurs et pour renforcer leur pouvoir d'action face aux nouvelles réalités du monde du travail.

Le syndicalisme, ce sont des visages, des voix et des réalités qui méritent d'être entendus. Cette démarche proactive cherche à revitaliser le mouvement syndical, assurer une plus grande justice sociale et bâtir un avenir où les travailleuses et les travailleurs pourront collectivement prendre leur place.

Un engagement pour l'avenir du syndicalisme

« Nos organisations veulent moderniser leurs approches pour mieux répondre aux attentes variées des travailleuses et travailleurs. Depuis toujours, le syndicalisme est une force de changement. À travers luttes et revendications, nous avons façonné le Québec et obtenu des acquis précieux pour l'ensemble de la société. Aujourd'hui, les défis s'accumulent, mais nos valeurs demeurent solides. Avec cette démarche inédite, nous voulons renforcer notre action collective et bâtir un avenir plus juste et solidaire », ont déclaré conjointement les présidences des neuf organisations syndicales : Robert Comeau (APTS), Luc Vachon (CSD), Caroline Senneville (CSN), Éric Gingras (CSQ), Mélanie Hubert (FAE), Julie Bouchard (FIQ), Magali Picard (FTQ), Christian Daigle (SFPQ) et Guillaume Bouvrette (SPGQ).

Un dialogue ouvert sur des enjeux majeurs

Les États généraux permettront d'examiner plusieurs questions essentielles liées à l'avenir du syndicalisme québécois. Ils porteront sur la place du syndicalisme dans la société et son rôle dans l'amélioration du bien-être collectif, ainsi que sur la capacité des syndicats à mobiliser leurs membres et à accroître leur rapport de force. L'évolution des relations intersyndicales sera également abordée, de même que le modèle québécois en relations de travail ainsi que la représentativité et le sentiment d'appartenance des membres. Enfin, les discussions porteront sur les façons de lever les obstacles à la participation des groupes historiquement discriminés afin d'assurer une plus grande inclusion au sein du mouvement syndical.

Un processus en trois grandes étapes

Cette initiative intersyndicale s'étendra sur plus d'un an et demi et comprendra :

1- une période de consultation des travailleuses et travailleurs, ainsi que de spécialistes du monde du travail et de la société civile, en 2025 pour recueillir leurs perspectives ;

2- un colloque au printemps 2026 pour discuter des résultats des consultations et identifier des pistes de solution ;

3- un grand événement au début de 2027 pour clore les États généraux et présenter les conclusions de cette démarche collective.

En engageant un dialogue sans précédent, ces neuf organisations syndicales québécoises souhaitent poser les fondations d'un syndicalisme solide, plus inclusif et adapté aux réalités de demain.

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Votez Palestine

1er avril, par Campagne Votez Palestine — , , ,
Pour ces élections, on soutient la Palestine. Nous sommes une campagne non partisane qui défend les droits et la liberté des Palestinien.ne.s pendant les élections fédérales (…)

Pour ces élections, on soutient la Palestine. Nous sommes une campagne non partisane qui défend les droits et la liberté des Palestinien.ne.s pendant les élections fédérales canadiennes.

UNE PLATEFORME POUR LA PALESTINE

La Plateforme pour la Palestine a été développée en consultation avec la communauté palestinienne et ses partenaires solidaires à travers le Canada. Elle est ancrée dans les obligations du Canada sous le droit national et international.

  • Imposer à l'Israël un embargo bilatéral sur les armes
  • Mettre fin à l'implication du Canada dans les colonies israéliennes illégales
  • Dénoncer le racisme anti-palestinien et protéger la liberté d'expression sur la Palestine
  • Reconnaître l'État de la Palestine
  • Protéger et financier les actions d'aide à Gaza

Pour soutenir cette campagne, visitez le site à l'adresse ci-dessous
https://votepalestine.ca/fr-home

LA PLATEFORME PALESTINE

La Plateforme Palestine présente les demandes unifiées de la communauté palestinienne et des personnes à traves le pays qui considèrent la position du Canada sur la Palestine comme un enjeu électoral majeur. Elle a été élaborée avec la communauté palestinienne et des partenaires solidaires à travers le Canada, et s'appuie sur les obligations du Canada en vertu du droit international, telles qu'elles sont inscrites dans les lois et les politiques nationales.

Les électeurs peuvent utiliser cette plate-forme pour évaluer les candidats dans votre circonscription et vous aider à décider pour qui voter le jour de l'élection. Les candidats peuvent consulter la plateforme pour comprendre les attentes des électeurs canadiens qui soutiennent la justice pour les Palestiniens.

Nous encourageons tous les résidents (électeurs ou non) à parler à leurs candidats locaux et à leur demander leur avis sur ces cinq points du programme. Faites-leur savoir que vous ne soutiendrez qu'un candidat qui défend les droits humains des Palestiniens et le droit international.

Imposer un embargo sur les armes à Israël dans les deux sens

Les marchands d'armes du Canada exportent des armes (y compris des pièces et des composants) ainsi que des technologies militaires et de sécurité vers Israël, à la fois directement et par l'intermédiaire des États-Unis. L'industrie militaire et de défense canadienne achète également des armes et des pièces détachées israéliennes, qui sont testées sur le terrain sur des Palestiniens, finançant ainsi directement les efforts de guerre et l'économie d'Israël. Ces importations et exportations militaires rendent le Canada complice des atrocités commises par Israël dans les territoires palestiniens illégalement occupés. Le gouvernement canadien doit imposer un embargo complet et immédiat sur les armes à destination d'Israël dans les deux sens, ce qui implique de mettre fin au commerce militaire avec Israël par l'intermédiaire des États-Unis ou de tout autre État tiers.

Mettre fin à l'implication du Canada dans les colonies israéliennes illégales

Bien que la politique étrangère canadienne reconnaisse formellement que les colonies israéliennes constituent une violation de la quatrième Convention de Genève, ce qui en fait des crimes de guerre, le Canada n'a pas pris de mesures contre les violations constantes du droit international et le vol des terres palestiniennes par Israël. Le gouvernement canadien peut prendre des mesures immédiates pour mettre fin à sa complicité dans ces crimes, notamment en interdisant tout engagement avec les colonies israéliennes illégales, y compris les investissements financiers, le commerce de biens ou de services et les échanges culturels et universitaires ; en révoquant le statut d'organisme de bienfaisance des organisations caritatives canadiennes qui soutiennent les colonies israéliennes ; et en interdisant la propriété, la vente ou la location de biens immobiliers situés dans les colonies israéliennes illégales à toute personne au Canada.

Lutter contre le racisme anti-palestinien et protéger la liberté d'expression sur la Palestine

La stratégie canadienne de lutte contre le racisme reconnaît que les Palestiniens au Canada sont confrontés à des niveaux de haine sans précédent. Néanmoins, ceux qui s'expriment contre l'occupation illégale et le génocide israéliens sont pris pour cible par la police et font l'objet de poursuites malveillantes ; ils sont dénoncés au Parlement, font l'objet de mesures disciplinaires de la part de leurs employeurs et sont réduits au silence par des institutions publiques telles que les universités. Le gouvernement canadien peut cesser de perpétuer le racisme anti-palestinien et respecter ses engagements en matière de lutte contre le racisme systémique au Canada en reconnaissant pleinement le racisme anti-palestinien dans la Stratégie antiraciste du Canada et en protégeant la liberté d'expression et les droits civils de ceux qui s'engagent dans diverses formes de protestation, y compris les Boycotts, Désinvestissements, et Sanctions (BDS) en faveur des droits des Palestiniens.

Reconnaître l'État de Palestine

L'État de Palestine est actuellement reconnu par plus des trois quarts des États membres des Nations Unies, dont l'Irlande, l'Espagne et la Norvège. Bien que la reconnaissance de l'État palestinien par le Canada soit largement symbolique, elle permettrait d'accroître la pression diplomatique sur Israël pour qu'il mette fin à son occupation illégale du territoire palestinien. Le Canada doit soutenir le droit à l'autodétermination du peuple palestinien, inscrit dans le droit international.

Financer correctement les efforts de secours à Gaza, y compris l'UNRWA

Depuis octobre 2023, Israël a détruit plus de 85 % des infrastructures de Gaza, y compris les maisons, les hôpitaux et les écoles, laissant la bande de Gaza en ruines. Le Canada doit jouer un rôle substantiel dans les efforts de secours pour aider à reconstruire Gaza, en particulier à la lumière des menaces croissantes de dé-financer les organisations d'aide essentielles. Il s'agit notamment de financer correctement l'Office de secours et de travaux des Nations Unies (UNRWA), qui a été une bouée de sauvetage pour les réfugiés palestiniens dans le territoire occupé et dans toute la région, mais qui a perdu des millions de dollars de financement en raison du retrait du soutien du gouvernement américain. En assurant un financement adéquat des efforts de secours, y compris de l'UNRWA, le Canada pourrait s'acquitter de sa responsabilité envers la communauté internationale.

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Il est temps de boycotter l’Amérique

1er avril, par John Feffer — ,
L'administration Trump s'est opposée si vigoureusement à un récent discours de l'ambassadeur d'Afrique du Sud qu'elle l'a expulsé des États-Unis. Qu'avait dit Ebrahim Rasool de (…)

L'administration Trump s'est opposée si vigoureusement à un récent discours de l'ambassadeur d'Afrique du Sud qu'elle l'a expulsé des États-Unis. Qu'avait dit Ebrahim Rasool de si répréhensible ? Honnêtement, le discours qu'il a prononcé lors d'un séminaire en ligne parrainé par un institut de recherche sud-africain était plutôt ennuyeux.

24 mars 2025 | tiré du site Entre les lignes entre les mots

Mais il y avait fait cette observation : « Donald Trump lance […] un assaut contre le pouvoir en place, ceux qui sont au pouvoir, en mobilisant le suprémacisme contre le pouvoir en place à l'intérieur du pays. »

Cette phrase demande un peu d'interprétation. Dans ce cas, le « pouvoir en place » est la bureaucratie fédérale, les programmes de diversité, d'équité et d'inclusion au sein de l'administration et des entreprises, les initiatives antiracistes en général, et même les éléments du Parti républicain qui n'ont pas été trumpifiés. Le « suprémacisme », quant à lui, est la suprématie blanche.

En substance, l'ambassadeur souligne que Trump et le MAGA ont lancé une campagne visant à promouvoir la suprématie blanche dans un pays où le mouvement des droits civiques avait réalisé suffisamment de progrès pour être considéré aujourd'hui comme le courant dominant.

Il ne s'agit pas d'une accusation farfelue. Parmi toutes les actions racistes de l'administration actuelle, la plus scandaleuse est peut-être la promesse de Trump d'accélérer l'obtention de la citoyenneté américaine pour les Afrikaaners blancs d'Afrique du Sud qui, selon Trump, sont victimes de discrimination.

Ainsi, alors que l'administration déporte des milliers de Noirs et de Bruns et tente de retirer la citoyenneté de naissance d'encore plus de personnes de couleur, elle propose d'accélérer l'obtention de la citoyenneté pour un groupe de Blancs originaires d'Afrique. Il ne s'agit pas d'un titre du magazine The Onion. Il s'agit de nationalisme blanc. Même si les Afrikaaners étaient victimes de discrimination en Afrique du Sud – ce qui n'est pas le cas – le fait de privilégier leur entrée aux États-Unis par rapport aux Afghans terrifiés à l'idée de retourner sous le joug des talibans, aux Haïtiens fuyant l'effondrement social ou aux Soudanais fuyant la guerre civile serait toujours considéré comme une mesure raciste.

Les ouvertures de Donald Trump en direction des Afrikaaners constituent également un retour surprenant de la politique américaine aux positions favorables à l'apartheid des années 1980, lorsque l'administration Reagan s'est opposée à l'opinion mondiale en maintenant des relations fortes avec le régime de la minorité blanche en Afrique du Sud. À l'époque, aux États-Unis, le mouvement anti-apartheid appelait le monde à boycotter, sanctionner et se désinvestir de l'Afrique du Sud (BDS).

Alors qu'un nationaliste blanc est (à nouveau) devenu président des États-Unis, il est temps de s'inspirer du mouvement anti-apartheid. Alors que l'administration Trump impose des restrictions sur les voyages de 43 pays vers les États-Unis, qu'elle impose des droits de douane à ses alliés comme à ses adversaires, qu'elle s'acoquine avec des autocrates comme le Russe Vladimir Poutine, qu'elle démantèle des programmes fédéraux conçus pour aider les personnes dans le besoin partout dans le monde, alors qu'elle se retire de l'accord de Paris sur le climat et du Conseil des droits humains des Nations unies, alors qu'elle déporte illégalement des milliers de personnes et envoie certaines d'entre elles dans d'horribles prisons au Salvador, alors qu'elle soutient des partis politiques d'extrême droite et néonazis, alors qu'elle menace de s'emparer du Groenland et d'absorber le Canada, il est temps d'appeler le monde à traiter ce pays comme un paria.

C'est ce que vient de faire András Schiff. Le grand pianiste a annoncé cette semaine qu'il annulait ses prochains engagements et qu'il ne se produirait pas aux États-Unis. Cette décision intervient après qu'il ait refusé de jouer en Russie et dans son pays natal, la Hongrie. « C'est peut-être une goutte d'eau dans l'océan ; je ne m'attends pas à ce que beaucoup de musiciens suivent, a déclaré András Schiff, mais cela n'a pas d'importance. C'est pour ma propre conscience. Dans l'histoire, il faut réagir ou ne pas réagir. »

Un tel boycott ne devrait pas être une mise à l'écart permanente, mais une réponse spécifique à des politiques qui violent clairement le droit international et les valeurs universelles de la démocratie et des droits humains. Bien sûr, les États-Unis ont violé ces principes par le passé. Mais cette fois, l'administration Trump a franchi tellement de limites qu'elle menace de renverser le système même du droit international.

Une fois que le gouvernement américain aura abandonné ses politiques de nationalisme blanc, entre autres positions inacceptables, il pourra être accueilli à nouveau au sein de la communauté des nations. En attendant : ne venez pas ici, n'investissez pas ici, n'achetez pas chez Tesla ou Amazon ou toute autre entreprise qui a embrassé l'anneau de Trump. Trump boycotte effectivement le monde en se retirant des institutions internationales et en violant les normes internationales. Le monde devrait lui rendre la pareille.

Isoler l'administration Trump

Les tarifs douaniers aveugles de l'administration Trump ont déjà incité un certain nombre de pays à riposter. Le Canada a imposé 32,8 milliards de dollars de droits de douane aux États-Unis, tandis que l'Europe en a imposé 28 milliards. La Chine a annoncé des droits de douane de 15% sur le charbon et le gaz naturel liquéfié américains, ainsi que des droits de douane de 10% sur d'autres produits, notamment le pétrole brut, les machines et les véhicules agricoles.

Les habitants de ces pays adaptent également leurs plans de voyage en conséquence, une décision que Robert Reich a récemment approuvée. C'est ce que rapporte le Washington Post :

« Les Canadiens font l'impasse sur les voyages à Disney World et les festivals de musique. Les Européens évitent les parcs nationaux américains et les Chinois partent plutôt en vacances en Australie. Selon Tourism Economics, les voyages internationaux à destination des États-Unis devraient diminuer de 5% cette année, contribuant à un manque à gagner de 64 milliards de dollars pour l'industrie du voyage. Cet institut avait initialement prévu une augmentation de 9% des voyages à l'étranger, mais a révisé ses estimations à la fin du mois dernier pour prendre en compte “les politiques et la rhétorique polarisantes de l'administration Trump”. »

La politique de Trump nuit aux États-Unis, qu'il s'agisse de l'industrie du voyage, des instituts de recherche qui perdent des subventions fédérales ou du consommateur moyen qui paie tous les droits de douane par des prix plus élevés.

Certains observateurs recommandent aux autres pays de résister à la tentation de se tirer une balle dans le pied en imposant leurs propres sanctions. L'économiste Dani Rodrik, par exemple, suggère que les tarifs douaniers de rétorsion ne feront que nuire aux pays qui les imposent, de sorte que la meilleure stratégie « consiste à minimiser les dégâts en restant aussi loin que possible de l'intimidateur et en attendant qu'il s'écroule dans un coin ».

L'économiste Gabriel Zucman préconise également d'appliquer des droits de douane aux oligarques américains : « Si Tesla veut vendre des voitures au Canada et au Mexique, Musk lui-même, en tant qu'actionnaire principal de Tesla, devrait payer des impôts au Canada et au Mexique. Imposez-lui un impôt sur la fortune et conditionnez l'accès au marché de Tesla au paiement de cet impôt. »

Modifier les plans de voyage, imposer des droits de douane sur les produits américains, taxer les ploutocrates américains : autant de stratégies potentiellement utiles. Mais elles ne vont pas assez loin.

S'attaquer au nid de frelons

Vous avez déjà entendu ce conseil : ne le contrariez pas, ne l'incitez pas à s'emporter, ne mettez pas davantage en danger les personnes qui l'entourent. Mais les maris violents ne font que poursuivre leur comportement inacceptable face à de telles attentions.

De nombreux dirigeants internationaux espèrent éviter la colère de Trump en le louant, en l'invitant à des défilés militaires ou au moins en faisant profil bas dans l'espoir qu'il ne dirigera pas sa colère dans leur direction.

Le dirigeant ukrainien Volodymyr Zelensky, par exemple, a fait de son mieux pour s'attirer les faveurs de Trump, en particulier après la réunion désastreuse qui s'est tenue à la Maison Blanche le mois dernier. Il a ainsi pu relancer l'aide militaire américaine et le partage de renseignements. Mais il est toujours sur le point d'être vendu à la table des négociations si et quand l'administration Trump accepte les conditions strictes de la Russie pour un cessez-le-feu et un accord de paix.

Pourtant, objecterez-vous, aucun pays n'est assez puissant pour remettre Trump à sa place. Et ceux qui pourraient avoir une chance de le faire – la Chine, la Russie – sont plus intéressés à travailler avec Trump pour diviser le monde en sphères d'influence.

Mais il reste encore beaucoup de pays qui peuvent s'unir, comme une armée de Lilliputiens de petite et moyenne taille pour entraver le Gulliver ivre de pouvoir. Il leur suffit de frapper les États-Unis là où ça fait mal. N'achetez pas les produits des entreprises américaines qui soutiennent Trump. Ne permettez pas à ces entreprises d'investir dans vos pays. Réorientez vos transactions monétaires en vous éloignant du dollar.

Ces mesures ne doivent pas être prises en une seule fois. Elles doivent plutôt être mises en place de manière stratégique afin de forcer Trump à revenir sur ses politiques les plus nocives.

Les tactiques de dénonciation ne fonctionnent pas avec les dirigeants qui n'ont pas honte. Il faut le frapper au portefeuille, c'est le seul langage qu'il comprend.

Ces mesures nuiront-elles aux Américains ordinaires ? Probablement. Mais pas plus que ce que nous fait désormais subir Trump. Les droits de douane que les pays ont imposés en représailles aux actions de Trump auront un impact négatif sur près de 8 millions de travailleurs américains, dont la majorité se trouve dans les comtés qui ont voté pour lui. Mais ces coûts ne sont rien comparés à ce que le monde subira à la suite des réductions de l'aide étrangère imposées par Trump, qui tueront probablement des centaines de milliers de personnes par an.

Une dernière recommandation : ne pas couper toute communication avec les États-Unis.

Dans les années 1980, la campagne anti-apartheid a favorisé des contacts considérables entre les États-Unis et l'Afrique du Sud. Mais il s'agissait d'une relation basée sur la solidarité entre les organisations de la société civile. Mes chers amis du Canada, du Mexique, d'Europe, d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine : s'il vous plaît, n'assimilez pas Trump aux États-Unis. Oui, beaucoup de gens ici ont voté pour lui. Mais ils commencent à avoir des remords d'acheteur. Joignons nos mains au-delà des frontières et des lignes de parti et disons : « Nous ne tolérerons pas les brutes racistes. »

L'alliance contre le fascisme a fonctionné pendant la Seconde Guerre mondiale. Le mouvement anti-apartheid a été couronné de succès. Opposons-nous maintenant aux Trump, aux Poutine et aux Netanyahou de ce monde. Ils ne représentent qu'un pour cent et sont largement dépassés en nombre.

John Feffer, 19 mars 2025.
https://fpif.org/its-time-boycott-america/

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États-Unis. Dans les universités, une campagne maccarthyste pour protéger Israël

1er avril, par Sylvain Cypel — ,
Après de fortes mobilisations dans les plus grandes universités américaines contre la guerre que mène Israël à Gaza, vient le temps du retour de bâton, renforcé par (…)

Après de fortes mobilisations dans les plus grandes universités américaines contre la guerre que mène Israël à Gaza, vient le temps du retour de bâton, renforcé par l'administration toute puissante de Donald Trump. Sur les campus, pour les soutiens du peuple palestinien, c'est la chasse aux sorcières, qui n'épargne pas les voix juives.

Tiré de orientxxi
24 mars 2025

Par Sylvain Cypel

Traductions : français فارسى

L'image montre un groupe de policiers en uniforme noir entourant une personne arrêtée. Cette personne est de dos, les mains attachées derrière. Les policiers portent des casques et des protections, et il y a une atmosphère tendue, suggérant une manifestation ou une intervention policière.

Extrait du documentaire The Encampments, réalisé par Michael T. Workman et Kei Pritsker (2025)
Watermelon Pictures, Macklemore‬ et BreakThrough Media

En France, l'autorité de régulation de la communication audiovisuelle (Arcom) lance une instruction contre le journaliste Jean-Michel Aphatie pour avoir comparé les crimes de l'armée française dans la colonisation de l'Algérie à Oradour-sur-Glane, un crime nazi commis sur le sol français. L'Observatoire juif de France, lui, saisit la justice contre le réalisateur Jonathan Glazer, qui a déclaré qu'aujourd'hui « la Shoah et la sécurité juive sont utilisées pour justifier des massacres et un nettoyage ethnique à Gaza ». Une campagne visant à bannir l'exposé de vérités dérangeantes est engagée.

Aux États-Unis, ce phénomène focalisé sur ce qui touche à la question palestinienne est apparu il y a plus d'une décennie. Il se poursuit avec une ampleur décuplée depuis l'accession de Donald Trump au pouvoir. Une « novlangue » est imposée pour nier le réel, et plus spécifiquement les crimes commis par des autorités coloniales – hier en Algérie, aujourd'hui en Palestine.

Confusion et manipulation

Sur les campus outre-Atlantique, cette bataille fait désormais rage. Un exemple récent parmi cent : le 25 février 2025, Kathy Hochul, gouverneure démocrate de l'État de New York, ordonne au Hunter College d'annuler deux offres d'emploi à des postes d'enseignants en études palestiniennes. Il s'agit là de l'une des universités qui, ensemble, forment la City University of New York (CUNY), composée de 25 campus, 17 000 professeurs et enseignants, 275 000 étudiants. Le profil des postes, voté préalablement par le directoire, demandait aux candidats

un regard critique sur les questions relatives à la Palestine, y compris, mais sans s'y limiter, au colonialisme de peuplement, au génocide, aux droits humains, à l'apartheid, la migration, les dévastations climatiques et infrastructurelles, la santé, la race, le genre et la sexualité.

La gouverneure de l'État a jugé que l'université Hunter devait « supprimer immédiatement ces offres d'emploi et procéder à un examen approfondi pour garantir que des théories antisémites ne soient pas promues en classe » (1).

Entre temps, Jeffrey Wiesenfeld, un ex-administrateur de CUNY, très vigilant sur tout ce qui touche à Israël, avait prévenu Hochul du scandale que susciteraient ces embauches. Pour situer le personnage, Wiesenfeld avait tenté, en 2011, d'empêcher l'allocation d'un prix au scénariste Tony Kushner, un dramaturge juif américain connu, à cause de ses positions critiques envers Israël. Cette fois, il a intimé à la gouverneure de nettoyer ses écuries. Et elle s'y est plié. « La rhétorique haineuse sous toutes ses formes n'a pas de place à l'Université CUNY », a-t-elle tranché. Des études palestiniennes équivaudrait à laisser place à la haine. Professeur à CUNY, Corey Robin s'en est ému. Si les termes « colonisation », « génocide » ou « apartheid », sont jugés « haineux » et interdits sur le campus, autant dire qu'aucune voix pro-palestinienne n'y a plus sa place, a-t-il jugé (2).

Indubitablement, l'antisémitisme progresse sur les campus aux États-Unis. Et bien entendu, on peut constater dans la mouvance défendant les droits des Palestiniens, par ignorance ou en toute connaissance de cause, des expressions d'antisémitisme avérées. Tout comme on peut constater ou pressentir des expressions avérées d'islamophobie ou d'arabophobie parmi les soutiens d'Israël. Le racisme reste, malheureusement, chose courante et au plus haut niveau. Mais ce qui monte beaucoup plus encore, et avec l'aval des autorités publiques, c'est la confusion des termes, la manipulation de l'accusation d'antisémitisme afin de délégitimer toute critique des actes commis par un État, Israël, et de transformer la défense des droits des Palestiniens en manifestation de « haine ».

Toute critique du sionisme est discriminatoire

Cette bataille des mots est menée à partir d'une idée simple et d'une stratégie. L'idée consiste à éluder toute référence à ce qui advient à Gaza et en Cisjordanie, pour faire de l'antisémitisme le seul sujet du débat. La stratégie, elle, se développe sur deux axes. D'abord, les soutiens d'Israël entendent imposer une « nouvelle définition » du mot antisémitisme, celle proposée par l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste (IHRA). Pour résumer, depuis la fin du XIXe siècle, l'acception admise du terme l'équivalait à la judéophobie, le racisme anti-juif. Désormais, la « nouvelle définition » l'élargit à la critique de l'État d'Israël. Elle ne le stipule pas explicitement, mais c'est bien à cela qu'elle sert de facto. Dès lors, dire qu'Israël commet des crimes devient antisémite.

Après de longs débats internes, la célèbre université Harvard s'est résolue, en janvier 2025, à adopter ladite « nouvelle définition » de l'antisémitisme. Le résultat est que, par exemple, définir l'État d'Israël comme une « entreprise raciste » sort du champ du débat légitime pour devenir ipso facto susceptible de poursuites. Suite à des plaintes du groupe local Students Against Antisemitism (Étudiants contre l'antisémitisme), qui lui reprochait d'avoir insuffisamment agi pour museler « l'antisémitisme grave et omniprésent sur le campus » – comprendre : les manifestations de soutien aux Palestiniens –, Harvard a trouvé un accord avec les plaignants. L'université devait publier sur son site internet la déclaration suivante :

Pour de nombreux juifs, le sionisme fait partie de leur identité juive. Tout comportement qui contreviendrait à la politique de non-discrimination s'il visait des juifs ou des Israéliens peut également contrevenir à cette politique s'il vise des sionistes (3).

En clair : toute critique du sionisme est discriminatoire.

Instrumentaliser une loi sur les droits civiques

À partir de là, se développe le deuxième axe de la stratégie : les mesures judiciaires pour lutter contre ce « nouvel antisémitisme ». L'affaire montre la dimension de la manipulation. En 1964, le Congrès américain adoptait une loi sur les droits civiques qui mettait fin à la discrimination raciale. Elle visait en priorité à protéger les Noirs, historiquement premiers visés par les agressions racistes, et élargissait son application à toute minorité « ethnoraciale », selon le terme anglo-saxon usuel. Son titre VI portait spécifiquement sur la protection des minorités dans la sphère éducative. Les juifs n'y figuraient pas. Le judaïsme étant perçu comme une religion, la rejet de l'antisémitisme ressortait d'autres espaces juridiques. Cependant, en 2004, le bureau des droits civiques du ministère américain de l'éducation accepta la requête de divers organismes pour que « des groupes présentant des caractéristiques à la fois ethniques et religieuses, comme les Arabes musulmans, les Juifs américains et les Sikhs » soient pris en compte par le titre VI de la loi anti-discrimination (4).

À l'époque, personne n'y vit à redire. Qui pouvait récuser l'inscription de l'antisémitisme dans une catégorie légale commune avec les autres formes de racisme ? Mais à partir des années 2010, constatant une montée d'hostilité au sionisme sur les campus américains, des organismes pro-israéliens commencèrent à voir combien l'insertion des juifs dans ledit titre VI ouvrait de perspectives pour délégitimer toute parole hostile au sionisme et aux actes criminels d'Israël. Si l'antisionisme est « la forme moderne de l'antisémitisme », alors toute critique de l'État sioniste devient une attaque contre tous les juifs. Dès lors, le Parti républicain et une majorité des dirigeants démocrates ont transformé le fameux titre en instrument juridique pour faire taire toute défense de la cause palestinienne, et menacer les universités de plaintes si elles ne prenaient pas des mesures draconiennes pour interdire les « propos antisémites » sur les campus. Motif très prisé des plaignants : la dénonciation des crimes de guerre d'Israël à Gaza, en Cisjordanie ou au Liban, contribue à « créer un environnement hostile » envers les juifs en général – donc passible de poursuites sous le fameux titre VI. Celui-ci est donc désormais utilisé pour interdire tout débat sur des crimes.

« Du fleuve à la mer »

Les défenseurs des droits civiques et de la liberté d'expression, en particulier l'Union américaine des libertés civiles (American Civil Liberties Unions, ACLU), qui joua un rôle majeur dans l'adoption des lois antiségrégationnistes de 1964, s'étranglent d'indignation. Cela n'empêche pas les poursuites sous le chapeau de ce texte de se multiplier. D'octobre 2023 à octobre 2024, 153 enquêtes ont visé à réprimer les manifestations pro-palestiniennes sur les campus, et 70 affaires ont été déposées devant le Bureau des droits civiques du département de l'éducation, alléguant des « violations du titre VI ». Comme dit Radikha Sainath, juriste de l'association Palestine Legal, ce motif est devenu « un marteau pilon pour réprimer la parole des étudiants soutenants les droits des Palestiniens » (5).

Un des exemples les plus absurdes de cette situation est la caractérisation d'« antisémite » de tout partisan de la cause palestinienne qui utilise l'expression « from the River to the sea » (« du fleuve à la mer », c'est-à-dire, du Jourdain à la Méditerranée, en référence au territoire de la Palestine historique). Les pourfendeurs du « nouvel antisémitisme » y voient un refus caractérisé de « reconnaitre l'existence de l'État d'Israël », passible de poursuites. Or, l'expression « du Jourdain à la mer » est quotidiennement exprimée par d'innombrables dirigeants israéliens et leurs soutiens aux États-Unis pour manifester leur désir de s'emparer en totalité de ce même territoire, souvent accompagné explicitement du désir d'expulser la totalité des Palestiniens qui y résident – et ce, sans être jamais menacés de la moindre sanction.

Le monde universitaire sous pression

Ces attaques atteignent rarement les portes des tribunaux, car elles suffisent généralement pour amener les autorités académiques à se soumettre aux exigences des plaignants. Ceux-ci font alors interdire ici la projection d'un film, là une manifestation, ailleurs un débat, au motif qu'ils constituent un « environnement hostile » à une minorité sur le campus. Peu importe que de nombreux étudiants juifs dénoncent ces méthodes. À Harvard, une pétition a fait interdire la diffusion d'un documentaire intitulé Israelism, portant sur la désaffection des jeunes juifs américains envers le sionisme, au motif qu'elle créerait « un environnement hostile » aux étudiants juifs. En novembre 2024, une quarantaine d'élus de l'État de New York, républicains et démocrates, ont appelé le gouverneur à mettre hors la loi l'association Students for Justice in Palestine, arguant, toujours, que le titre VI l'y oblige.

Les dirigeants et enseignants des universités sont sous pression. On exige leur départ s'ils refusent de prendre les mesures qu'on attend d'eux. Un étudiant alléguant, par exemple, qu'un enseignant a prononcé en cours les termes « État colonial » au sujet d'Israël peut exiger qu'une enquête soit illico diligentée au motif que l'emploi de cette définition constitue un « harcèlement » à son égard. Dès lors, note Geneviève Lakier, professeure de droit à l'université de Chicago, « les administrateurs des universités ont peur du risque. Ils ne veulent pas avoir d'ennuis, perdre le financement de donateurs ou faire l'objet d'une mauvaise publicité. Le plus simple pour eux est de réprimer les discours supposés violer le titre VI » (6).

Quand l'administration Trump s'en mêle

Depuis son entrée à la Maison blanche, Donald Trump multiplie les appels à renforcer la punition des universités rétives. L'Anti Defamation League (ADL), la principale association américaine de lutte contre l'antisémitisme, ou Stand With Us, une association de soutien inconditionnel à Israël, militent pour que la totalité des universités américaines adoptent la définition de l'IHRA et soumettent toute contestation à des poursuites légales sous le titre VI, afin d'« éradiquer définitivement » l'antisionisme aux États-Unis. La grande majorité du Congrès leur est acquise. Le débat pour légiférer sur les sanctions à prendre est désormais sur la table.

Le 3 mars, Trump a annoncé sur son réseau Truth Social que bientôt « tout financement fédéral CESSERA pour les écoles ou les universités qui autorisent des manifestations de protestations illégales », comprendre, critiques d'Israël. « Les agitateurs, a-t-il ajouté, seront emprisonnés ou renvoyés définitivement dans leur pays, les étudiants américains expulsés définitivement ou, selon les délits, incarcérés. BAS LES MASQUES ! ». Son administration a immédiatement annulé 400 millions de dollars (367,74 millions d'euros) de contrats publics et de subventions à l'université de Columbia pour avoir insuffisamment réprimé les manifestations pro-palestiniennes du printemps 2024. Juste après, le leader de ces manifestations, Mahmoud Khalil, un Palestinien détenteur d'un master en relations internationales, était interpellé par l'agence de surveillance de l'immigration et des douanes (ICE) et privé de sa « carte verte » (green card, autorisation décennale de résidence aux États-Unis). Son incarcération a soulevé un tollé dans les cercles académiques, auxquels se sont joint des universitaires et des associations juives – y compris des organismes sionistes tels que J-Street, Zioness ou le Jewish Council for Public Affairs, la plus grande association juive démocrate.

Mais ces réactions restent faibles. Le sentiment d'une administration Trump toute puissante et bénéficiant du soutien des corps constitués — sénat, chambre et Cour suprême — tétanise les autorités universitaires. Avant même que Trump ne dégaine, Columbia avait constitué en secret un comité spécial de discipline, intitulé Bureau de l'équité institutionnelle, destiné à traquer et sanctionner les leaders estudiantins de la mouvance critique d'Israël, au nom de la « protection des étudiants juifs ». Convoqués devant ce bureau, des étudiants ont constaté avec stupeur que leur correspondance avait été espionnée pour y traquer, en particulier, les mots interdits comme « colonial » ou « génocidaire », susceptibles de leur valoir des sanctions allant jusqu'à l'exclusion de l'université. Certains d'entre eux ont indiqué qu'il leur a été demandé de livrer les noms d'autres condisciples « impliqués dans des groupes pro-palestiniens et des manifestations sur le campus ». Et, après avoir vu sa subvention suspendue, l'université de Columbia a accepté le diktat du président.

Le 3 mars, la chercheuse irano-américaine Helyeh Doutaghi, directrice-adjointe d'un laboratoire en économie à l'université de Yale, a été convoquée par sa direction. Celle-ci a reçu un rapport d'une association nommée Jewish Onliner présentant Doutaghi comme une « terroriste » (7). Elle est instantanément mise en congé, son accès informatique à l'université est fermé. Sans enquête préalable, elle passe immédiatement devant une commission de discipline. La chercheuse dénonce un rapport truffé de fausses informations réalisé par une intelligence artificielle. La commission n'en disconvient pas. Mais Doutaghi reconnait volontiers être une militante pro-palestinienne et plus généralement décoloniale. Elle est licenciée en 24 heures.

Une odeur de mccarthysme flotte sur l'université américaine. Elle se répand même au-delà. À Miami, le 13 mars, le maire a licencié le directeur d'un cinéma municipal pour avoir diffusé le documentaire No Other Land, au motif que ce film, réalisé ensemble par le Palestinien Basel Adra et l'Israélien Yuval Abraham, et récipiendaire de l'oscar pour le meilleur documentaire, est « une attaque de propagande unilatérale contre le peuple
juif
» (8).

Notes

1. Arno Rosenfeld, « Hochul orders Hunter College to remove Palestinian studies job listings », The Forward, 26 février 2025.

2. Corey Robin, « Kafka comes to CUNY, coreyrobin.com, 28 février 2025.

3. Vimal Patel : « Harvard adopts a definition of Antisemitism for discipline cases », New York Times, 21 janvier 2025.

4. Alex Kane, « The Civil Rights Law shutting down pro-Palestine speech », Jewish Currents, 15 novembre 2014.

5. ibid.

6. Ibid.

7. elyeh Doughati, « Suspended for pro-Palestine speech : My speech on Yale Law School's embrace of AI-generated smears », MondoWeiss, 13 mars 2023.

8. « Miami Beach mayor moves to evict theater operator for showing Oscar winner “No Other Land” », Jewish Telegraphic Agency, 16 mars 2025.

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