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Négociation dans les secteurs public et parapublic (SPP) 2022-2024 : Notes et remarques critiques…

5 novembre 2024, par Yvan Perrier — ,
Avec la proposition d'entente du conciliateur adoptée à 66% par les membres votants[1] de la FIQ, il est maintenant permis de dire que la ronde de négociation dans les secteurs (…)

Avec la proposition d'entente du conciliateur adoptée à 66% par les membres votants[1] de la FIQ, il est maintenant permis de dire que la ronde de négociation dans les secteurs public et parapublic (SPP) qui s'est amorcée en automne 2022 et qui s'est étirée, pour certain.e.s syndiqué.e.s, jusqu'au mois d'octobre 2024, est maintenant complétée.

On nous a annoncé, cinquante-ans après le premier Front commun de 1971-1972, que cette vingtième ronde de négociation entre l'État et les salarié.e.s syndiqué.e.s des SPP serait « historique ». En raison de la nature du règlement salarial, il est toujours trop tôt, selon nous, pour dresser le bilan de la négociation et nous expliquerons plus loin pourquoi il en est ainsi. Dans les lignes qui suivent, nous ne nous attarderons pas sur les concessions ou les compromis qu'ont eus à faire chacune des parties. Nous n'examinerons pas non plus les propositions du conciliateur qui est intervenu dans la négociation entre le Conseil du trésor et la FIQ. Nous laissons ce genre d'exercice aux parties directement concernées. Nous passerons également sous silence, faute de place, plusieurs aspects que nous avons l'habitude de traiter à la fin d'une ronde de négociation (voir à ce sujet l'annexe I au présent texte). Nous entendons plutôt nous limiter à un certain nombre de remarques critiques autour de l'entente de principe, de la FAE, du néolibéralisme, de la notion de l'histoire et sur d'autres sujets à la portée d'un observateur extérieur… Mais avant, quelques remarques sur le contenu de ce règlement.

1.0 Le règlement dans ses grandes lignes

Les grandes lignes du règlement sont maintenant connues. La convention collective sera d'une durée de cinq ans et les augmentations salariales minimales obtenues par les salarié.e.s syndiqué.e.s seront de l'ordre de 17,4% pour la période allant du 1er avril 2023 au 30 mars 2028. Une protection partielle contre l'inflation (comme cela a été le cas en 1986)[2], à la hauteur de 1% par année, pourra s'appliquer à certaines conditions pour chacune des trois dernières années du contrat de travail. Diverses primes salariales ou avancement accéléré dans les échelons ont été accordés par le gouvernement du Québec à certaines catégories de salarié.e.s syndiqué.e.s. Des ressources additionnelles auxquelles le gouvernement tenait tant ( comme l'aide à la classe) et des mesures dites de « flexibilité » (comme la mobilité de certain.e.s salarié.e.s en santé) s'appliqueront.

Outre l'aspect salarial, certains gains ont été obtenus au niveau monétaire comme : l'acquisition du droit à la cinquième semaine de vacances après 15 ans d'ancienneté (plutôt que 17 ans) et l'atteinte de la pleine cinquième semaine de vacances à compter de 19 ans d'ancienneté (plutôt que 25 ans) ; des améliorations au régime de retraite permettant la participation au régime jusqu'à 71 ans (au lieu de 69 ans comme c'est le cas actuellement) et la possibilité de prolonger l'entente sur la retraite progressive de cinq ans à sept ans (dispositions qui n'entreront pas en vigueur avant 2025 [pourquoi un tel délai ?]) ; des contributions de l'employeur au régime d'assurance maladie sont maintenant un peu plus généreuses tandis que du côté des ouvriers spécialisés, la prime d'attraction et de rétention sera bonifiée et les psychologues profiteront d'une majoration salariale à la hauteur de 10% ; enfin, pour ce qui est du régime des droits parentaux, il y a dans cette entente l'ajout d'une journée à la banque de congés spéciaux pour suivi de grossesse. Aussi, les disparités régionales restent inchangées, à une exception près (en faveur de la localité d'Oujé-Bougoumou en santé et services sociaux)[3].

Est-il nécessaire de rappeler que cette augmentation salariale de 17,4% sur cinq ans (accompagnée d'une protection partielle contre l'inflation) est à plusieurs lieues des revendications des huit organisations syndicales (APTS-CSN-CSQ-FAE-FIQ-FTQ-SFPQ et SPGQ) qui, soulignons-le, demandaient un contrat de travail d'une durée de trois ans[4] et une plus forte protection contre l'inflation. Il ne saurait faire de doute qu'une négociation portant sur les conditions de travail et de rémunération donne lieu, en règle générale, à des compromis. Il est vrai qu'il s'agit ici d'une augmentation salariale qui contraste avec les augmentations rachitiques et maigrichonnes qui se situaient entre 0% et 2,5% par année et qui ont eu pour effet d'appauvrir les salarié.e.s syndiqué.e.s du début des années quatre-vingt jusqu'à tout récemment. Ce ne sera par contre qu'en 2028 qu'il sera possible de constater si la rémunération de la prestation de travail a été supérieure ou inférieure à l'Indice des prix à la consommation (IPC). Tant et aussi longtemps que cette donnée demeure inconnue, il nous semble plus prudent de contenir les manifestations débordantes d'enthousiasme face à ce règlement.

Or, il est par contre vrai d'affirmer que le compromis négocié au sommet entre les porte-parole du Front commun intersyndical APTS-CSN-CSQ-FTQ et la présidente du Conseil du trésor, est supérieur aux pourcentages accordés aux salarié.e.s syndiqué.e.s depuis 1979. Mais ce pourcentage est très en deçà de ce qui a été donné aux député.e.s de l'Assemblée nationale (30% à la première année plus les paramètres applicables dans les secteurs public et parapublic) ainsi qu'aux policières et aux policiers de la Sûreté du Québec (entre 26% et 32,9% sur six ans). Il l'est également inférieur de 10% à ce qui vient d'être attribué aux cadres de Santé-Québec qui occupaient jadis des postes syndiqués.

Ce résultat de 17,4% minimum sur cinq ans doit être évalué, selon nous, en comparant ce qui est ou ce qui sera accordé à l'ensemble des personnes qui sont rémunérées par le gouvernement du Québec (environ 800 000 personnes). Il faut également mentionner que ce pourcentage de 17,4% sur cinq ans est inférieur à ce qui a été conclu dans certaines entreprises privées (voir à ce sujet certains règlements convenus dans les secteurs de l'hôtellerie, de l'aviation, etc.). De sorte qu'il est exagéré de poser l'entente conclue dans les SPP comme pouvant être une bougie d'allumage ou une source d'inspiration pour les salarié.e.s syndiqué.e.s dans d'autres secteurs. Les négociations syndicales autour du renouvellement des conventions collectives reposent, pour l'essentiel, sur le rapport des forces en présence lors d'une négociation. Il n'y a aucun déterminisme automatique à l'effet que les gains obtenus par certain.e.s salarié.e.s syndiqué.e.s d'un secteur donné seront automatiquement obtenus par d'autres. De plus, il y a belle lurette que les augmentations salariales négociées dans les SPP ne servent plus d'objectif à atteindre pour d'autres salarié.e.s syndiqué.e.s. Le rapport de l'Institut de la statistique du Québec (ISQ) est là pour nous rappeler amèrement et annuellement cette quasi-vérité d'évidence. L'époque de la locomotive des salarié.e.s syndiqué.e.s des SPP est derrière nous depuis le début des années quatre-vingt du siècle dernier. Plus précisément, de triste mémoire, depuis la ronde des décrets de 1982-1983.

2.0 Front commun et organisations solitaires

On retiendra de cette ronde de négociation qui s'est échelonnée sur deux années, soit de 2022 à 2024, que nous étions en présence d'un Front commun intersyndical regroupant quatre organisations (CSN-CSQ-FTQ-APTS) et de quatre autres qui négociaient en solo (FAE, FIQ, SFPQ et SPGQ). Sur le côté syndical, il y avait par conséquent cinq stratégies, alors que du côté de l'employeur, voire le gouvernement du Québec, il n'y en avait qu'une seule pouvant donner lieu à des ajustements ponctuels. Le gouvernement était donc encore une fois en position pour régner et régler en divisant les troupes syndicales. Et c'est ce qu'il a fait.

Le gouvernement Legault a laissé la FAE conduire sa grève générale illimitée seule et sans fonds de défense pour ses membres. Il savait fort bien qu'il viendrait, tôt ou tard, à bout de cette résistance. Pour sa part, le Front commun intersyndical y est allé d'un certain nombre de journées de grève, sans véritablement paralyser d'une manière ininterrompue les services, tandis que la FIQ a choisi des arrêts de travail, mais dans le respect des services essentiels et quand est venu le temps d'un affrontement qui aurait pu être décisif, cette organisation s'est retrouvée seule, isolée et ses membres se sont vus interdire, par le Tribunal administratif du travail (TAT)[5], le droit de refuser le temps supplémentaire. Dès lors, les carottes étaient cuites pour cette organisation qui regroupe 80 000 membres dans le secteur de la santé, membres impatientes et impatients de mettre un terme à cet exercice long de plus de deux ans. Le temps était venu de passer à autre chose. L'attente d'une rétroactivité salariale, le versement de nouvelles primes et les nouvelles échéances en lien avec la réforme découlant du projet de loi 15 ont possiblement contribué à l'acceptation, par une faible majorité, de la proposition du conciliateur.

3.0 Un haut fait d'armes incontestable et un mystère persistant sur l'origine du compromis négocié…

Il y a un haut fait d'armes qui mérite d'être signalé ici. L'arrêt de travail des membres de six organisations syndicales suivantes : CSN-CSQ-FTQ-APTS, FAE et FIQ. À un certain moment en novembre 2023 (le 23 novembre plus précisément), plus d'un demi-million de syndiqué.e.s étaient en grève (570 000 environ). Il s'agissait d'un précédent dans l'histoire syndicale au Québec. Ce moyen de pression a probablement forcé l'équipe de négociation du gouvernement caquiste d'y aller d'un effort supplémentaire en vue de conclure un règlement négocié. Nous disons « probablement », car nous ne savons pas comment ce compromis négocié en face à face a été ultimement ficelé entre les parties. Il y a eu « probablement » une divergence de vues entre Sonia Lebel (Présidente du Conseil du trésor) et Éric Girard (ministre des Finances) sur la hauteur du prix à payer. Divergence de vues qui a pu être arbitrée par le premier ministre François Legault. Mais tout ceci n'est que pure conjecture et spéculation. Ce sont les porte-parole du Front commun et les membres du triumvirat gouvernemental qui peuvent lever le voile sur ce qui s'est réellement passé entre la mise à jour économique de novembre et le règlement de la fin décembre 2023. Qui est la personne (ou les personnes) qui est (ou sont) l'autrice ou l'auteur de ce règlement ? Nous ne le savons toujours pas.

Quoi qu'il en soit, la grève n'aura pas été vaine pour les salarié.e.s syndiqué.e.s des SPP. Le Front commun intersyndical CSN-CSQ-FTQ-APTS est parvenu à faire quasiment doubler l'offre initiale du gouvernement caquiste. Dans les faits, certain.e.s salarié.e.s syndiqué.e.s ont maintenant franchi la barre symbolique des 100 000$ par année, et ce depuis avril 2024, comme les enseignant.e.s et les infirmièr.e.s bachelières au sommet de l'échelle. Par contre, d'autres salarié.e.s syndiqué.e.s se retrouvent toujours sous la barre des 50 000$ par année. Il y a du « monde ordinaire »[6] qui a été négligé ou oublié ici.

4.0 De « (l')Entente de principe » à la signature de la « Conventions collectives » au versement de la rétroactivité salariale

De « (l')Entente de principe », à la signature de la « Convention collective »… au versement de la rétroactivité salariale, les délais d'attente peuvent être longs. La mise en application de nouvelles dispositions de la convention collective peut alors se faire attendre durant plusieurs mois. Ici, la partie patronale, lire le gouvernement, est tristement en position de force pour disposer de ses obligations contractuelles. C'est ce qu'ont appris les 600 000 salarié.e.s syndiqué.e.s dont environ 75% sont des femmes. Au gouvernement, à l'État-patron, la définition et l'imposition du calendrier du versement de la rétroactivité, des augmentations salariales, des primes, du recrutement des nouveaux effectifs, alouette… le tout devant s'insérer dans la machine toujours archaïque agissant au bouton à pressoir.

5.0 Du règlement au déficit au retour de l'ère de l'austérité

Aussitôt adoptée par certains groupes de salarié.e.s syndiqué.e.s, le premier ministre a imputé à l'entente négociée entre son gouvernement et les salarié.e.s syndiqué.e.s des SPP l'explosion du déficit de la province, maintenant établi à 11 milliards de dollars. C'est un peu court comme raisonnement, mais c'est ainsi que François Legault réfléchit. Il oublie volontairement que c'est lui, son ministre des Finances et les membres de son Conseil des ministres qui ont décidé en haut lieu de priver l'État de sources de revenus en accordant, entre autres choses, de généreuses baisses d'impôt à certains particuliers pas vraiment dans le besoin (pour être poli).

Au Québec, qui dit déficit dans les finances publiques dit également compressions budgétaires, gel des effectifs, dégradation des services, mesures d'austérité, rigueur budgétaire, etc… et c'est ce qui semble bel et bien en cours au moment où nous écrivons ces lignes dans l'administration publique, en éducation, en santé et dans certains organismes publics. De fait, des directives rigoureuses et rigides se mettent en place depuis quelques mois - et quelques jours - en santé et en éducation, le tout en vue de réduire dès la présente année le déficit. Plusieurs investissements dans les fournitures, les équipements sont reportés et un mot d'ordre de gel du recrutement externe est unilatéralement imposé dans certains établissements publics et parapublics par nul autre que la présidente du Conseil du trésor. Travailler pour la fonction publique, œuvrer dans les secteurs de la santé et de l'éducation, jusqu'à nouvel ordre, continuera à rimer pour certaines salarié.e.s syndiqué.e.s avec conditions de travail pénible et même pour certain.e.s avec une rémunération qui est inférieure à ce qui est versé pour de mêmes titres d'emploi dans les autres secteurs publics (gouvernement fédéral, municipalité, université) ou certaines entreprises privées. Les personnes qui s'imaginaient que le déficit annoncé serait absorbé par la marge de manœuvre annuelle du gouvernement se retrouvent aujourd'hui confondues ou en perte d‘équilibre. L'ère du néolibéralisme est toujours bien présente parmi nous. Ce néolibéralisme qui a donné lieu à de fortes manifestations d'indignation parmi les salarié.e.s syndiqué.e.s des SPP, inspire plus que jamais certains choix politiques au sommet de l'État. Où sont les surplus de l'inflation post-pandémie ? Est-ce dans la venue des Kings de Los Angeles à Québec, dans les études sur le troisième lien également dans la région de Québec, dans Northvolt ?

6.0 Réflexions critiques en marge de cette négociation

De cette ronde de négociation 2022-2024 il est permis de mentionner que le néolibéralisme, dans sa forme la plus primaire, ne passe plus maintenant aussi facilement au sein d'une frange importante de la population. Comprenons-nous bien. Cette idéologie a suscité des années quatre-vingt, du siècle dernier, jusqu'à aujourd'hui, de grandes manifestations d'opposition hélas pas trop souvent victorieuses pour le plus grand nombre. Nous constatons que la possibilité pour la classe dirigeante d'imposer les solutions qui relèvent de cette idéologie antisociale s'est érodée jusqu'à un certain point qui reste à préciser. Il y a une limite aux écarts de richesse qui ne cessent d'aller en s'accroissant. Des individus, de la classe économique dominante, s'arrogent en moins de deux jours l'équivalent du salaire industriel moyen, ce qui laisse aux autres, la majorité, une part de revenus qui n'est pas à la hauteur de leur prestation de travail ou de la valeur de leurs qualifications. Les personnes qui participent directement ou indirectement à la création de cette richesse collective ont droit à un revenu décent et à une stabilité à l'emploi. Il est trop, beaucoup trop élevé, le nombre de personnes qui ont un statut précaire dans les SPP et plus particulièrement dans le monde de l'enseignement (tous niveaux confondus). Et qui dit statut précaire dit également difficultés économiques. C'est principalement sinon uniquement lors du renouvellement des conventions collectives qu'il est possible pour les salarié.e.s syndiqué.e.s d'améliorer leurs conditions de travail et de rémunération. Qu'un groupe d'enseignant.e.s soit resté dans la rue plus de cinq semaines, cela dépasse l'entendement des personnes de bonne volonté. Comment en sommes-nous arrivés là ? Probablement à cause de blocages découlant d'un aveuglement idéologique de la part du gouvernement. Il y a cinquante ans les 210 000 salarié.e.s syndiqué.e.s du Front commun intersyndical CEQ-CSN-FTQ étaient dans la rue. Il s'agissait d'un combat du type « les travailleurs (sic) contre l'État ». Cette fois-ci, ce à quoi nous avons assisté relève plutôt d'une logique en vertu de laquelle c'est l'État-patron qui voulait poursuivre sur sa lancée contre ses salarié.e.s syndiqué.e.s. Cette fois-ci, il a heurté un mur de résistance qui s'est solidifié avec le temps, mais ce mur de résistance n'a pas conduit les troupes syndicales sur une victoire historique.

6.1 La FAE

Il y a des syndiqué.e.s affilié.e.s à la FAE qui ont réalisé à l'occasion de la ronde de négociation 2022-2023 que le syndicalisme professionnel auquel elles et ils adhèrent et s'identifient doit lui aussi recourir, à l'occasion, à des moyens d'action un peu plus bruyants et un peu plus dérangeants pour faire entendre leur voix et faire valoir leurs revendications auprès de l'État-patron. Ce n'est pas en effectuant principalement du piquetage devant les seuls lieux de travail que les grévistes ont obtenu dans l'histoire de grands changements sociétaux. La lutte en appui aux revendications pour l'amélioration des conditions de travail et de rémunération d'une main-d'œuvre hautement qualifiée suppose, elle aussi (et surtout en raison du gouvernement caquiste qui fait de l'économie un dogme inébranlable et incontournable), un plan d'action qui s'appuie sur des manifestations qui ont pour effet de perturber la circulation des marchandises et de ralentir la circulation routière et éventuellement, qui sait, la réalisation d'autres coups d'éclat ou des gestes plus spectaculaires.

Jadis occupation qui comptait sur la vocation et surtout qui était très faiblement rémunérée, le métier d'enseignante et d'enseignant s'est au fil des ans professionnalisé. C'est surtout durant la période couverte entre les années soixante et surtout durant la décennie des années soixante-dix que les enseignant.e.s ont vu leurs émoluments croître et gagner en importance. La crise du début des années quatre-vingt a eu un effet dévastateur pour l'ensemble des salarié.e.s syndiqué.e.s des SPP et en particulier celles et ceux de l'éducation. C'est à partir de ce moment que l'école publique va se voir mise à mal par les gouvernements qui se sont succédé à Québec. La masse salariale sera surveillée de près et mise sous pression. En règle générale, de la fin des années soixante-dix à aujourd'hui, les augmentations salariales ne dépasseront pas le taux d'inflation. De plus, d'une ronde de négociation à l'autre, l'État-patron va exiger d'inclure dans les conventions collectives (négociées ou décrétées) des mesures de flexibilité et de souplesse. C'est d'ailleurs exactement ce que le premier ministre François Legault a réclamé de la part des enseignant.e.s, toujours plus de « souplesse » et toujours plus de « flexibilité ». Comme si, par magie ou par enchantement, ces deux mots avaient le pouvoir de tout redresser ce qui s'est dégradé et détérioré par négligence délibérée ou par choix politiques de la part du gouvernement. Mentionnons que ces mesures dites de « souplesse » et de « flexibilité » ont parfois été imposées unilatéralement (pensons ici aux décrets-lois de 1982-1983 ou de 2005) ou elles ont été négociées dans un cadre où l'État-patron s'est donné un cadre législatif avantageux (réforme du régime de négociation en 1985, projet de loi 102 en 1993, réduction des coûts de main-d'œuvre en 1996-1997, projet de loi 100 en 2010, cadre budgétaire qualifié « (d')immuable » par certains politiciens ou de « rigide » ou « d'austère » par les syndicalistes). Ces nouvelles dispositions de « souplesse » et de « flexibilité » apparaissaient en fin de négociation et étaient posées comme des mesures à inclure dans une supposément « Entente de principe » négociée par les parties, alors qu'il s'agissait de mesures imposées par l'État à un moment où la partie syndicale se retrouvait en fin de parcours, souvent le dos au mur.

En ce moment, il y a une pénurie d'enseignantes et d'enseignants en raison du fait que cette profession a été largement dévalorisée au cours des 40 dernières années. Voilà pourquoi ce milieu professionnel a été au fil du temps déserté. La pénurie de main-d'œuvre qu'on y retrouve s'explique également en partie par le fait qu'il s'agit d'une profession où les conditions d'exercice du métier sont particulièrement difficiles et où la permanence vient après de trop nombreuses années d'attente impatiente. Voilà un peu pourquoi il existe des difficultés réelles de recrutement dans ce lieu qui se spécialise dans l'instruction des connaissances de base, la transmission du savoir et la formation professionnelle. Pas étonnant que la rétention du personnel soit en chute libre dans ce secteur de l'activité sociale et culturelle qui doit apparaître en tout temps comme prioritaire pour un gouvernement[7]. Nous devons nous dire que ce n'est pas avec des mots creux, hérités du néolibéralisme (« flexibilité », « souplesse »), qu'il sera possible de juguler l'hémorragie qu'on observe chez les enseignant.e.s. Leur charge de travail doit être revue à la baisse. La composition de la classe doit faciliter les conditions d'exercice du métier de pédagogue et la précarité dans les statuts d'emploi doit être éradiquée. Il y a une limite à vouloir disposer d'une main-d'œuvre flexible, mobile, qui de surcroît n'a aucune véritable sécurité d'emploi et garantie de revenu. A-t-on oublié en haut lieu que les personnes qui veulent devenir enseignant.e.s s'endettent parfois énormément durant leur formation collégiale et universitaire ?

6.2 Sur la manière de négocier du premier ministre Legault

Nous avons été en mesure de constater qu'il existe une manière de négocier à la François Legault. Il prétend que la solution aux problèmes mène à peu de mots-clés, comme « souplesse » et « flexibilité ». Tout au long du processus de négociation, il accuse les syndicats d'être à l'origine de tous les maux et de manquer d'ouverture. Il ajoute que les choses sont difficiles parce que les services publics sont administrés par les syndicats et non par les administrateurs et les administratrices. Et même en cours de négociation, il promet de nouveaux dépôts qui n'en sont pas vraiment par rapport au précédent. Bref, il s'organise pour gagner du temps. En cas d'arrêt de travail, il laisse pourrir la situation. Il fait des déclarations, durant le processus de négociation, qui lui sont dictées par ses conseillères et ses conseillers en communication, que cela soit vrai ou non. Tout au long du processus de négociation, il crée des illusions. Cette fois-ci, par contre, il a proposé un contrat de travail accompagné d'une hausse salariale qui dépassait le cadre du 2% par année fortement recommandé par la Banque du Canada depuis le début des années quatre-vingt-dix. Ce qui a eu pour effet d'en appâter plusieurs du côté syndical. Mais n'oublions pas qu'à terme, inévitablement, la voie privilégiée par le chef caquiste est celle du désenchantement et pour le moment le désenchantement est apparu, comme nous l'avons vu ci-haut, très vite, à très « court terme » même. Dans la joute politique, François Legault fait beaucoup dans la théâtralité non pas comique, mais plutôt sombre et dramatique.

6.3 Les clauses remorques

Nous maintenons que les salarié.e.s syndiqué.e.s des SPP ne sont plus à l'avant-garde de la lutte syndicale depuis la fin des années soixante-dix. Indépendamment de ce fait, il y a par contre certaines conventions collectives, dans les universités en particulier, qui sont accompagnées d'une clause remorque à ce qui sera conclu sur le plan salarial entre l'État employeur et les organisations syndicales des SPP (la « Politique salariale du gouvernement » [PSG pour les intimes]). Il serait de bon ton que les syndicats qui jouissent d'une telle clause, sans avoir à livrer bataille, versent une partie de leurs cotisations syndicales en don de solidarité à celles et ceux qui se mettent en grève sans avoir les moyens de se constituer un Fonds local de défense professionnelle digne de ce nom. Nous pensons plus particulièrement aux employé.E.s de soutien syndiqué.e.s dont les revenus sont encore inférieurs à 50 000$ par année. Ces syndiqué.e.s méritent d'être concrètement soutenu.e.s financièrement par-delà des messages écrits de solidarité, surtout quand elles et ils se mettent en grève pour elles-mêmes et eux-mêmes et par ricochet, pour d'autres.

6.4 Avant de conclure, un mot sur la grève en tant que moyen de pression et sur la durée des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic

Lors de cette ronde de négociation, le droit de grève, qui jouit pourtant d'une reconnaissance constitutionnelle au Canada depuis 2015, a été remis en question, surtout en éducation. D'un côté, des voix se sont élevées en vue de restreindre l'exercice de ce moyen de pression dans « l'intérêt des enfants » et de l'autre côté, un ex-porte-parole syndical y est allé d'une prédiction délirante à l'effet que ce moyen de pression était « brûlé pour les trente prochaines années ». De deux choses, l'une, nous vivons dans une société libre au sein de laquelle le travail est libre. Qui dit liberté ici, dit également le droit de refuser d'effectuer sa prestation de travail, surtout lors du renouvellement de la convention collective dont la durée s'étend maintenant sur une période de cinq ans. Ensuite, à l'opposé, le travail est obligatoire et doit être effectué d'une manière continue et ininterrompue ; ce qui correspond à une forme nouvelle d'assujettissement ou de captivité. À une époque, pas trop lointaine, le gouvernement du Québec soutenait que ce qui nous distinguait des régimes totalitaires résidait dans la reconnaissance et l'exercice du droit de grève. Autre temps, autres mœurs.

Lors de l'imposition en 2005 des décrets dans les secteurs public et parapublic, le premier ministre de l'époque, Jean Charest, se vantait d'avoir modifié la durée des conventions collectives les faisant passer de trois à cinq ans. Depuis, les organisations syndicales réclament toujours en début de négociation un contrat de travail de trois ans. Avec l'entrée en vigueur de cette norme quinquennale, il n'y a eu qu'un seul contrat de travail de trois ans, soit celui de 2019 à 2022. Il faut croire que les deux parties ici, gouvernement et syndicats, trouvent leur compte dans une convention collective de cinq ans. Cela peut permettre autant du côté gouvernemental que syndical de la prévisibilité sur le plan budgétaire. Mais pour les salarié.e.s syndiqué.e.s, cela peut correspondre à un étirement dans le temps d'un mauvais traitement salarial.

6.5 Au sujet du RREGOP

Avec le temps des modifications qui ciblent des groupes particuliers ont été apportées au RREGOP. Ce régime comporte des dispositions de plus en plus spécifiques pour des personnes retraitées qui effectuent un retour au travail dans les SPP et des salarié.e.s sur la liste de rappel (à temps partiel), de plus de 69 ans. De plus, les personnes qui restent au travail après 69 ans ou 71 ans ne voient pas leur rente bonifiée, comme c'est le cas avec le Régime des rentes du Québec (8% par année, jusqu'à un maximum de 40%) ou le régime de la Sécurité de la vieillesse du Canada (6% par année, jusqu'à un maximum de 30%). Il s'agit là d'une situation qui s'apparente à un fromage emmenthal. Les trous ici s'avèrent par contre complètement indigestes, donc insoutenables et indéfendables.

6.6 Sur l'avenir du Front commun

Nous n'avons pas la possibilité de prédire l'avenir. Y aura-t-il d'autres fronts communs dans les SPP ? Front commun partiel ou unitaire ? Nul ne le sait, une chose par contre semble exclue : un Front commun à la base. Ce projet nous semble lointain en raison du fait que le syndicalisme qui se pratique aujourd'hui en est un qui est centralisé et bureaucratisé. Les appareils des organisations syndicales sont disponibles pour une certaine unité d'action et de revendications communes, mais pas trop intéressés à céder le contrôle de la négociation et de l'action à leurs membres à la base. Phénomène qui a pour non la « Loi d'airain de l'oligarchie ». N'oublions pas que c'est une élite oligarchique qui dirige les organisations syndicales.

7.0 Pour conclure…

Nous maintenons qu'il est toujours trop tôt pour effectuer un bilan final de la ronde de négociation 2022-2024 dans les SPP. Ce n'est qu'au terme de la nouvelle convention collective qu'il sera possible d'effectuer un tel exercice et de constater si le pouvoir d'achat a été pleinement protégé et si les écarts avec les salarié.e.s syndiqué.e.s des secteurs privés et autres secteurs publics ont été réduits, éliminés ou accrus.

Les « promesses » ministérielles de l'époque de la réforme du régime de négociation dans les secteurs public et parapublic de 1984-1985 se sont avérées correspondre à un miroir aux alouettes. Il n'y a jamais eu de « Nouvel équilibre » entre les parties qui négocie. Les dés ici sont pipés à l'avantage de l'État-patron qui préfère ajouter, année après année, aux effectifs plutôt que de rémunérer adéquatement la totalité de ses salarié.e.s syndiqué.e.s.

Il s'agit probablement ici d'un de nos derniers écrits sur les négociations dans ces secteurs de notre conflictualité sociale. Secteurs où la négociation collective est d'apparition récente (les années soixante du siècle dernier). Ce qui nous amène à un certain nombre d'observations à portée un peu plus abstraite.

7.1 Sur l'histoire…

L'histoire est une discipline tiraillée par différents courants d'analyses diamétralement opposés allant du déterminisme le plus rigide à la contingence la plus floue. L'histoire a donné lieu jusqu'à maintenant à de solides mouvements progressistes d'opposition victorieux, comme au triomphe de la réaction. Les réformes en faveur du plus grand nombre sont parfois suivies de retournements et de contre-réformes où les privilèges de la minorité possédante, dominante et dirigeante, se retrouvent rétablis. Bref, l'histoire se fait à travers des mouvements contradictoires et surtout de convulsions inévitables. Il arrive souvent que la personne qui se pose en historienne ou historien des événements ne soit qu'une observatrice ou un observateur externe de ces endroits où se dénouent les tensions. Dans ces circonstances, en tant qu'observatrice ou observateur de ces événements pour lesquels elle et il a nécessairement un parti-pris, ses possibilités d'errance et de divagation sont nombreuses. Les personnes qui proposent des analyses des négociations dans les SPP (et nous en sommes) ne maîtrisent pas toujours, hélas, la totalité des éléments qui font cette histoire. Il est donc possible ici d'en échapper plusieurs faits ou événements importants. Voilà un peu pourquoi il n'est possible que de dessiner un tableau partiel et partial de ces négociations, sans vraiment atteindre une vue d'ensemble des résultats significatifs. Qui, à partir de l'extérieur, peut prétendre être assuré d'un contact adéquat avec la réalité ? Pas l'auteur des présentes lignes en tout cas.

7.2 Sur le triangle dramatique…

Il est souvent arrivé dans l'histoire des négociations dans les SPP qu'on observe deux moments complètement opposés : celui de la présentation aux membres d'une « Entente de principe » et celui de l'élaboration du « Cahier des demandes ». Voilà deux moments qui contrastent entre un moment quasi jubilatoire et un moment déprimant à souhait ; un moment qui s'accompagne d'une invitation à adopter un supposément alléchant contrat de travail et un autre qui donne lieu à une dénonciation en règle de l'entente négociée par les porte-parole syndicaux et adoptée par les membres, car elle aurait contribué à l'appauvrissement des salarié.e.s syndiqué.e.s. Un phénomène qui a été conceptualisé en psychologie sous la notion de « Triangle dramatique » (victime, bourreau et sauveur). L'histoire des négociations dans les SPP nous illustre à merveille, jusqu'à maintenant, qu'il n'y a pas eu de « Sauveur suprême » ou de « Victoire finale » dans le camp syndical. Comment en effet supposer une telle tournure quand la solidarité n'y est plus, à part quelques slogans et l'action des personnes les plus impliquées, quand la mobilisation repose sur une poussée émotive éphémère et non sur des convictions ou des principes, quand l'autre est vu comme une compétitrice ou un compétiteur du monde du travail et non une alliée ou un allié, quand le monde syndical lui-même est divisé et non uni ?

L'histoire est possiblement un inépuisable mouvement de convulsions interminables, dont la finalité et la totalité de ce qui la compose nous échappent encore… Nous laissons maintenant à d'autres le soin de suivre, de commenter et de vaticiner, sur une base régulière ou périodique, cet aspect majeur de notre vie collective.

Yvan Perrier

3 novembre 2024

2h50 AM

yvan_perrier@hotmail.com

Annexe I

Certaines questions à prendre en considération en vue de la production d'un bilan critique des négociations dans les secteurs public et parapublic[8]

Nous laissons dorénavant à d'autres le soin de couvrir les grands aspects des négociations dans les secteurs public et parapublic. Nous entendons ici tout ce qui s'est produit durant la période allant de « La Reine ne négocie pas avec ses sujets » à aujourd'hui et qui est en lien avec ce qui est énuméré ou mentionné dans les prochains paragraphes.

Le secteur public et parapublic au Québec est un lieu au sein duquel se pratique un syndicalisme incontestablement féministe, mais inévitablement, également, corporatiste puisque ce syndicalisme porte des revendications en lien avec le salaire et le monétaire. Il s'agit donc d'un lieu où se posera nécessairement la question de l'équité salariale et également de la relativité salariale. Il y est également question d'enjeux en lien avec la Question des femmes.

Dans cette histoire des négociations dans les secteurs public et parapublic il y a eu, au départ, la réforme du régime de négociation en 1964-1965 et les six premières rondes de négociation (époque qui a vu surgir la notion de « Psychodrame social triennal »). Ensuite, l'adhésion des membres de la classe dirigeante au néolibéralisme et la ronde dramatique de la non-négociation de 1982-1983. La réforme du régime de négociation en 1984-1985 et les 14 rondes qui ont suivi ont été fortement marquées par la lutte prioritaire du gouvernement à l'inflation, la crise des finances publiques et la lutte au déficit budgétaire. Il y a eu, depuis les années quatre-vingt-dix, l'imposition d'un maximum d'accroissement de 2% par année de la masse salariale (alignement fortement suggéré par la Banque du Canada en vue de contenir l'inflation dans une fourchette cible [entre 1 et 3% par année]).

Qu'en est-il de la question des alliances intersyndicales (Front commun ou non) lors des négociations ? Des moyens d'action du côté syndical ? Des déclarations ministérielles qui ont pour effet de discréditer les revendications syndicales (« les Gras durs », « nos Anges gardiens », « les Bons à rien ») ?

Qu'en est-il de la position des acteurs suivants : les partis d'opposition durant ces négociations ; les éditorialistes ; la couverture médiatique des années 1970 à aujourd'hui (une couverture de plus en plus diluée et superficielle spécialement à l'ère des médias sociaux et des plates-formes de diffusion électronique ; les liens entre les organisations syndicales et les organisations de la société civile ; les sondages d'opinion publique) ?

Qu'en est-il des aspects suivants lors de ces rondes de négociation : les dossiers syndicaux de préparation de la négociation et des demandes ? Les moyens de pression (la grève / la menace au recours à une loi spéciale) ? L'Entente de principe ? La présentation du résultat de la négociation en lien avec les gains / les pertes ; comment apprécier les gains de la présente ronde de négociation ? L'adhésion ou non des membres aux ententes de principe ? La poursuite de la négociation avec les syndicats qui ont rejeté l'Entente de principe ? Les résultats : la valeur de la force de travail ; la protection du pouvoir d'achat ; la durée du contrat de travail (3 ans, 5 ans ou plus ?) ; la précarité (en croissance ou en régression ?) ; la privatisation ou non des services ? Qui a gagné (l'État-patron ou la partie syndicale ?) ; qu'en sera-t-il de la qualité et de la quantité des services à la population ? Qu'en sera-t-il des conditions d'exercice et de pratique dans les secteurs public et parapublic ? Qu'adviendra-t-il des problèmes de pénurie ? D'attraction, de recrutement et de rétention du personnel ? Qu'en sera-t-il également de la concurrence en provenance des agences de placement dans le réseau de la santé ?

Que dire au sujet de la lenteur des négociations avec les syndicats du Nord-du-Québec ?

Une fois la négociation terminée, comment l'État-patron applique-t-il les dispositions du contrat de travail ? Avec diligence et célérité ou en se traînant les pieds et en prenant tout son temps ?

Etc.

Manifestement, tout se meut, rien n'est jamais acquis une bonne fois pour toutes surtout dans le champ des relations de travail et des rapports collectifs de travail…

Annexe II

Sur deux citations à méditer dans le cadre d'une démarche critique

La première :

« […] beaucoup de nos citoyens qui n'acceptent pas de voir le gouvernement négocier des conventions collectives puisqu'il devrait, au nom de l'intérêt public, décréter quelles devraient être les conditions de travail de ses employés. Mais nous ne souscrivons pas à cette opinion, d'abord parce que, en s'astreignant à négocier des conventions collectives, le gouvernement a ainsi permis à ses employés de faire entendre leurs voix, car il est toujours tentant pour un gouvernement d'annoncer de nouveaux programmes, d'annoncer de nouvelles activités et de nouvelles subventions et même d'en arriver peut-être à oublier de rémunérer correctement ses employés, et c'est ce qu'on a connu pendant des années où les employés du secteur public étaient les plus mal payés de la société. Ils devaient consacrer leur vie à l'éducation, à soigner la population et, néanmoins, nos gouvernements, dans le passé, ne respectaient pas leur dévouement à notre service et ne les payaient pas un salaire décent. »

4307

Yves Bérubé

Québec (province). Assemblée nationale : Journal des débats. Troisième session – 32e Législature, Vol. 26 No 68. 7 juin 1982.

La deuxième :

« [65]

[…]

Dans Re British Columbia Railway Co. and General Truck Drivers and Helpers Union, Local No. 31 (non publiée, le 1er juin 1976), le président Owen Shime a exposé ce que l'on considère maintenant comme les six critères pour évaluer l'équité des règlements salariaux des employés du secteur public régis par des conventions collectives. La liste des considérations qu'il a dressée, résumée dans Workplace Health, Safety and Compensation Commission (Re), [2005] N.B.L.E.B.D. No. 60 (QL), comprenait les critères suivants qui sont particulièrement pertinents en l'espèce :

[traduction] [l]es employés du secteur public ne devraient pas être tenus de subventionner la collectivité ou le secteur d'activité dans lequel ils travaillent en acceptant des salaires et des conditions de travail médiocres. [. . .] [t]out compte fait, si la collectivité a besoin d'un service public et l'exige, ses membres doivent assumer ce qu'il en coûte nécessairement pour offrir des salaires justes et équitables et ne pas s'attendre à ce que les employés subventionnent le service en acceptant des salaires médiocres. S'il est nécessaire d'économiser pour atténuer le fardeau fiscal, il faudrait le faire en réduisant certains éléments du service offert, plutôt qu'en réduisant les salaires et les conditions de travail.

[. . .]

. . . Il faut prendre en compte les taux de rémunération des travailleurs qui accomplissent les tâches similaires dans d'autres domaines d'activité, tant dans le secteur privé que dans le secteur public. Quelles comparaisons peuvent être faites avec ce qui existe dans d'autres secteurs de l'économie ? [. . .] [q]uelles tendances peut‑on observer dans des emplois semblables dans les entreprises du secteur privé ? [par. 26]

[…]

[67] La Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations de l'Organisation internationale du travail (OIT) peut également nous éclairer sur cette question. Selon la Commission, même en pleine crise financière, il y a des limites aux restrictions que les gouvernements peuvent imposer aux salaires du secteur public qui font l'objet de conventions collectives (Bureau international du Travail, La négociation collective dans la fonction publique : Un chemin à suivre (Conférence internationale du Travail, 102e session, 2013), p. 132‑133). Fait important également, l'OIT a reconnu un principe général selon lequel « les limitations à la négociation collective de la part des autorités publiques devraient être précédées de consultations avec les organisations de travailleurs et d'employeurs en vue de rechercher l'accord des parties » (La liberté syndicale : Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale du Conseil d'administration du BIT (5e éd. (rév.) 2006, par. 999).

La juge Abella

Robert Meredith et Brian Roach c. Procureur général du Canada. [2015] 1 R.C.S., p. 65 et 67.

[1] Le taux de participation à ce vote s'élevait à environ 75%.

[2] https://www.pressegauche.org/La-7e-ronde-de-negociation-de-1985-1986-Texte-11?var_mode=calcul ; https://www.pressegauche.org/Regime-de-negociation-factice-et-services-essentiels-de-1985-1986-a-1999. Consulté le 2 novembre 2024.

[3] https://secteurpublic.quebec/version-complete-des-details-sur-lentente-de-principe/. Consulté le 2 novembre 2024.

[4] Les demandes syndicales peuvent être consultées sur les sites suivants : https://www.frontcommun.org/communique-font-commun-depose-revendications/ ;

https://www.lafae.qc.ca/public/file/communique-FAE-depot-demandes-syndicales.pdf ;

http://affilies.fiqsante.qc.ca/cantons-de-lest/dossier/negociation-nationale/ ;https://www.sfpq.qc.ca/nouvelles/2023-03-28-les-fonctionnaires-deposent-leurs-demandes-syndicales/ et https://spgq.qc.ca/wp-content/uploads/2024/04/ARQ_Nego2024_Cahier-de-demandes_2024-02-21.pdf.

[5] https://www.tat.gouv.qc.ca/uploads/tat_registres/1382156.pdf. Consulté le 2 novembre 2024.

[6] Allusion au slogan « Nous le monde ordinaire » du premier Front commun de la ronde de négociation de 1971-1972.

[7] Remarque en marge ici : que vaut l'éducation aux yeux de nos gouvernements actuels ? Si l'intention est de créer seulement des travailleur.euse.s, pourquoi ne pas modifier en conséquence l'orientation même de l'enseignement de façon à fournir en série la main-d'oeuvre désirée par les entreprises. Pourquoi ne pas compartimenter dès le primaire les groupes d'élèves en les orientant vers leur travail de demain, ce qui éliminerait les décrochages et les mèneraient plus rapidement sur le marché du travail, au grand plaisir de certaines personnes incapables d'avoir une vision pertinente de l'instruction et de l'éducation. Mais est-ce vraiment cette vision réductrice et utilitariste qui doit être privilégiée pour l'avenir ? Est-ce que l'État s'est détourné de sa voie d'être, étant à ce point obnubilé par l'économie ? Ne veut-il plus de citoyen.ne.s instruit.e.s et complet.ète.s ? En tuant la vocation d'enseignant.e, il n'est plus question d'intégrer les jeunes dans la vie sociale, collective et politique, mais simplement de les faire entrer dans le marché, dans le monde du travail. Si cela est véritablement l'intention désirée, alors faisons seulement de la population des travailleur.euse.s ignares du monde et de sa complexité ! Des êtres qui se foutent de la politique (c'est déjà bien commencé), qui ne voient aucun intérêt à leur rôle d'électeur.trice.s ! Mais, pour notre part, ce n'est surtout pas ce que nous souhaitons ou voulons.

[8] Voir également les deux textes suivants : https://www.pressegauche.org/Vingt-questions-aux-porte-parole-du-Front-commun-intersyndical-CSN-CSQ-FTQ-APTS. ; https://www.pressegauche.org/Premiers-elements-en-vue-d-un-bilan-sous-la-forme-d-une-entrevue-avec-L-Etoile. Consulté le 3 novembre 2024.

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COP16 : un échec cuisant sur le financement

5 novembre 2024, par Sarah Krakovitch — , ,
Après d'intenses négociations, la COP16 s'est achevée avec l'obtention de textes inédits notamment sur les peuples autochtones, mais aucun accord financier n'a été trouvé. (…)

Après d'intenses négociations, la COP16 s'est achevée avec l'obtention de textes inédits notamment sur les peuples autochtones, mais aucun accord financier n'a été trouvé.

4 novembre 2024 | tiré de reporterre.net | Photo : La présidente de la COP16 et ministre de l'Environnement colombienne Susana Muhamad (au centre) assiste à la dernière séance plénière de la COP16 à Cali, en Colombie, le 2 novembre 2024. - © AFP / Joaquin Sarmiento
https://reporterre.net/COP16-biodiversite-les-Etats-echouent-a-trouver-un-accord-sur-le-financement

Combien de fois a-t-on entendu depuis l'ouverture de la COP16, le 21 octobre, qu'il ne restait que six ans pour appliquer les 23 objectifs de l'accord de Kunming-Montréal, adopté en 2022 ? Combien de scientifiques, représentants d'ONG, de peuples autochtones et de la société civile se sont époumonés pour rappeler l'urgence ? À Cali, en Colombie, tout le monde semblait prévenu de l'état alarmant de la biodiversité, et prêt à en découdre. Mais il aura fallu attendre les tout derniers instants de la COP16 pour que certaines des questions les plus épineuses soient tranchées.

Il faisait déjà nuit noire depuis bien longtemps le 1er novembre lorsque l'assemblée réunie en plénière a finalement mis les pieds dans le plat, après des heures passées à disserter sur les crochets d'une dizaine de textes annexes. Sur les coups de 5 heures du matin, le partage « équitable et juste » des bénéfices tirés des ressources génétiques numériques (DSI en anglais) a finalement été adopté, après plusieurs objections de l'Inde ou du Japon, sous une pluie d'applaudissements, réveillant ceux qui commençaient à piquer du nez.

Prélevées par les industries pharmaceutiques, agricoles, cosmétiques et biotechnologiques, elles sont souvent récoltées dans les pays en développement mais bénéficient aux pays développés. Le texte adopté stipule que les entreprises qui utilisent ces ressources devront verser 0,1 % de leur revenu ou 1 % de leurs bénéfices dérivés des données génétiques de la nature au nouveau « Fonds Cali », sur la base de contributions volontaires. Des délégations comme le Canada et le Chili ont salué un accord historique, tandis que le représentant du Brésil a rappelé le bras de fer habituel sur cette question, pointant les pays du Nord qui « pillent les richesses des pays en développement ».

Un nouveau statut pour les peuples autochtones

« C'est une avancée majeure, nous étions inquiets de voir des pays comme la France défendre des entreprises qui piochent dans la nature depuis des décennies sans jamais rétribuer les populations autochtones qui en prennent soin », commente Arnaud Gilles, responsable diplomatie verte du WWF France. Rapport au fait que ce fonds, sous la garde de l'Organisation des Nations unies (ONU), répartira ensuite l'argent entre les pays en développement et les peuples autochtones.

Ces derniers se sont réjouis de cette décision, quelques heures après avoir célébré dans la salle bondée de la séance plénière le premier accord majeur de la soirée : la création d'un organe permanent de la Convention sur la diversité biologique (CDB) représentant les peuples autochtones et les communautés locales. Hautement plébiscité par ces derniers, cet organe leur permettra d'avoir un statut renforcé dans les futures négociations. Joseph Itongwa, coordinateur d'un Réseau mondial des populations autochtones et locales, rappelle qu'il y a « un lien entre les peuples autochtones, l'utilisation des ressources et la pérennité de la biodiversité. Et que créer cet organe permet de le renforcer ».

Lire aussi : COP16 : « Il y a des peuples indigènes, mais c'est surtout une foire commerciale »

L'émotion était immense pour les peuples autochtones, venus en grand nombre assister à ce moment qui « marquera l'histoire de la COP », certifie Camila Paz Romero, leur porte-parole dans la salle. « Ce nouvel organe subsidiaire est une référence pour le reste du monde, il montre que les partis reconnaissent la nécessité constante de notre participation. » La présidente de la COP16 et ministre de l'Environnement colombienne Susana Muhamad n'a pas non plus caché sa joie depuis l'estrade, brandissant un bâton traditionnel autochtone. En tant que ministre, cette décision représente pour elle une victoire nationale, une promesse politique tenue. Et un épilogue heureux pour cette COP16 surnommée « Paix avec la nature ».

Cinq minutes plus tard, l'assemblée a adopté l'autre promesse faite par la présidence colombienne, dans une salle tout aussi émue : la reconnaissance des communautés d'ascendance africaine dans le texte de la CDB. Le consensus ne semblait pourtant pas évident sur ce sujet mis sur la table par la Colombie et le Brésil durant la première semaine de la COP16, auquel une partie du groupe Afrique s'était opposé, arguant que cette question n'avait « rien à faire » au sein de cet article.

Pas de décision sur le financement de la nature

Les 196 délégations repartent en revanche sans avoir tranché sur un point essentiel des négociations de la COP16 : la stratégie financière, soit les milliards nécessaires à la préservation de la biodiversité. Des besoins qui s'élèvent à au moins 20 milliards de dollars (18 milliards d'euros) de transferts des pays développés vers les pays en développement par an d'ici 2025, et au moins 30 milliards d'ici 2030, d'après le cadre de Kunming-Montréal.

Le texte associé, qui devait être examiné par l'assemblée, n'a été remis aux parties qu'à 3 heures du matin, pendant les discussions. Au point que certains observateurs s'interrogeaient sur la bonne volonté de la présidence de vouloir trancher cette question. Ce texte ouvrait notamment la voie à la création d'un nouveau fonds, réclamé par les pays du Sud et notamment le groupe Afrique, qui considèrent que le fonds actuel est difficile d'accès et pas favorable à leurs intérêts. Ce fonds est d'ailleurs aujourd'hui « davantage attribué aux pays émergents comme le Brésil ou la Chine », rappelle Juliette Landry, spécialiste de la gouvernance et des négociations internationales sur la biodiversité à l'Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri).

Lire aussi : Biodiversité : les pays riches rechignent à réparer les dégâts

Safiya Sawney, ambassadrice envoyée pour le climat de l'île caribéenne Grenade, rappelle que le problème réside aussi dans la considération qu'ont les pays du Nord pour des pays vulnérables comme le sien. « Les pays développés ont une responsabilité. Et si ces problèmes d'accès ne sont pas réglés, nous ne pourrons pas atteindre les objectifs mondiaux. » Les pays développés, hostiles à la multiplication des fonds, estiment pour leur part que le mécanisme actuel, hébergé par le Fonds mondial pour l'environnement, fonctionne déjà bien.

Finalement, c'est le représentant du Panama qui a mis un terme aux dix longues heures de séance et provoqué le coup de marteau final, en faisant remarquer que le nombre de délégués encore dans la salle était désormais insuffisant pour constituer le quorum et continuer de débattre sur cette importante question. David Ainsworth, le porte-parole de la CDB, a annoncé que la clôture formelle des travaux de la COP16 serait donc reportée à une date ultérieure.

Interdépendance climat-biodiversité

Cette soirée aura aussi été marquée par l'adoption d'un texte essentiel qui place la biodiversité au même niveau que la décarbonisation et le changement climatique. Un symbole important pour donner le flambeau à un autre pays d'Amérique latine, le Brésil, qui accueillera la COP30 sur le climat à Belém l'an prochain. Alors que la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) affirme dans ses travaux que le changement climatique est une des causes majeures directes du déclin de la biodiversité, cette décision devra permettre de créer des synergies pour résoudre ces crises.

Parmi les autres avancées notables, on retiendra aussi le texte sur les zones marines d'importance écologique ou biologique, fruit d'un processus de négociations de huit ans, pour l'identification et la cartographie des aires marines à protéger. « C'est important, au moment où le traité sur la haute mer entre en vigueur, car nous cherchons à protéger des zones océaniques situées au-delà de la juridiction nationale », précise Pepe Clarke du WWF. À l'heure actuelle, seulement 8,4 % des zones marines et côtières font l'objet d'une forme de protection, selon l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

Alors que seuls 44 des 196 pays ont établi un plan national pour enrayer la perte de biodiversité, et que 119 ont soumis des engagements sur tout ou partie des objectifs, la délégation française regrette qu'un cadre de suivi « clair » permettant de suivre les progrès des États. De leur côté, les ONG placent de grands espoirs sur la prochaine édition, qui devra faire un bilan sur les avancées. Rendez-vous donc à Erevan en Arménie, désignée pour accueillir la COP17 en 2026 face à son ennemi historique l'Azerbaïdjan. Une preuve de plus, s'il en fallait, que ces conférences onusiennes sont éminemment politiques.

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La résistance est un combat juste : sur la lutte palestinienne pour la liberté et sa persistance depuis des décennies

La lutte pour la libération des Palestiniens, qui dure depuis des décennies, est l'un des combats les plus justes du monde d'aujourd'hui. Les moyens utilisés par certains (…)

La lutte pour la libération des Palestiniens, qui dure depuis des décennies, est l'un des combats les plus justes du monde d'aujourd'hui. Les moyens utilisés par certains d'entre eux sont parmi les plus abominables.

Tiré d'Europe solidaire sans frontière. Publié à l'origine dans Haaretz.

Les moyens qu'Israël emploie contre eux sont tout aussi abominables, et parfois même plus encore, en tout cas d'un point de vue quantitatif.

Les Palestiniens recourent à un terrorisme odieux comme moyen de parvenir à une fin juste et, dans le cas du Hezbollah et du Hamas, également à des fins manifestement injustes, celles du fondamentalisme religieux. Le terrorisme est l'arme des faibles et des désespéré.e.s, ce qui ne lui confère pas nécessairement une légitimité.

Israël utilise sa formidable puissance militaire pour éliminer leurs droits et leur résistance. Le fait qu'il le fasse en utilisant une armée, et non une organisation terroriste, ne rend pas ses actions légitimes. La plupart des actions qu'il a menées l'année dernière n'étaient pas légitimes.

Les propos récents du rédacteur en chef de Haaretz, Amos Schocken, se sont inscrits dans ce contexte - qui, à mon avis, est parfaitement clair et n'a rien de problématique - et ils ont déclenché une tempête. La clarification qu'il a apportée par la suite, en déclarant que le Hamas n'appartenait pas à la catégorie des combattants de la liberté, aurait dû apaiser la tempête. Mais certains cherchent à l'amplifier.

Il y a ceux qui saisissent l'occasion de s'en prendre à Haaretz et qui veulent le voir disparaître. Le dernier organe de presse bien établi à avoir rapporté la vérité dans son intégralité, en particulier au cours de l'année écoulée, en irrite plus d'un, et ils ont maintenant l'occasion de se venger.

Mais la critique de la prise de position de Schocken a traversé les lignes de partage idéologiques. À droite, là où on voudrait voir un État avec une seule chaîne de télévision et un seul journal sous étroite surveillance, mais il y a eu aussi beaucoup de gens dans le camp opposé qui ont été choqués par les termes « combattants de la liberté palestiniens ». C'est là que devrait se situer le débat.

Ravit Hecht a écrit qu'il n'y a pas que l'Israël de Benjamin Netanyahou pour qualifier de terroristes ceux qui commettent des crimes contre l'humanité. « Nous, qui sommes des adversaires du kahanisme et de ce gouvernement qui prône la suprématie juive, nous les qualifions de la même façon. Parce que c'est ce qu'ils sont ».

Mais des crimes contre l'humanité sont aujourd'hui commis des deux côtés. Au vu de ce qui se passe à Gaza et en Cisjordanie, personne ne peut plus le nier. Israël est-il un État terroriste ? Ces actes commis par Israël ne lui retirent pas le droit de se défendre.

Il a ce droit, mais il n'a pas le droit d'utiliser les moyens qu'il emploie. Les Palestiniens ont le droit de lutter pour leurs droits et leur liberté, et ils ne doivent pas commettre de crimes contre l'humanité. La définition que donne Hecht de son camp, à savoir « les opposants au kahanisme et au gouvernement de la suprématie juive », altère également la vérité et enjolive le centre-gauche israélien. Israël n'a jamais eu de gouvernement qui ne soit pas un gouvernement de suprématie juive, parce qu'il n'a jamais eu de gouvernement qui ne soit pas sioniste.

Hecht et le camp qui est d'accord avec elle se trompent fondamentalement dans leur positionnement à l'égard de l'occupation et du sionisme. Voici comment Hecht décrit la situation : « Oui, les forces de sécurité israéliennes ont persécuté des Palestiniens innocents ... y compris des mineurs ... cela fait partie de la réalité tragique que constitue le fait de tenir un autre peuple sous son contrôle. »

Ce sont les forces de sécurité qui pratiquent le harcèlement, et non l'État d'Israël tout entier ; « souvent » au lieu de « toujours ». C'est là la substance même de l'écœurant « comme nous sommes beaux » du centre-gauche. Ce sont les « forces de sécurité » qui harcèlent, comme si elles étaient une entité séparée, indépendante, et non pas les héros et les « vaches sacrées » de tous les Israéliens, et en particulier du centre gauche.

La vérité est que nous sommes tous coupables, jusqu'à la dernière personne qui se réclame de la gauche, car ce ne sont pas les forces de sécurité qui harcèlent, mais bien l'État d'Israël ; et pas « souvent », mais toujours, en conformité avec ce qui constitue la définition même de l'occupation. Hecht et ses semblables croient encore en une occupation éclairée.

Si seulement les forces de sécurité pouvaient se livrer à des exactions un peu moins fréquentes, tout irait pour le mieux. Mais il n'y a pas d'occupation sans harcèlement. Le harcèlement est l'essence même de l'occupation. Une telle occupation provoque la résistance. Il n'y a jamais eu d'occupation qui n'ait pas provoqué de résistance. Cette résistance porte le nom de lutte pour la liberté, et il n'y a pas de lutte plus juste. Elle n'a pas d'autre nom.

Gideon Levy

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« Trump et le trumpisme »

5 novembre 2024, par Paul Le Blanc — ,
La politique de Trump a été qualifiée par certains de trumpisme. Avant d'examiner le trumpisme, faisons une pause pour considérer la médiocrité dont ce « isme » porte le nom. (…)

La politique de Trump a été qualifiée par certains de trumpisme. Avant d'examiner le trumpisme, faisons une pause pour considérer la médiocrité dont ce « isme » porte le nom.

30 octobre 2024 | tiré du site alencontre.org
http://alencontre.org/ameriques/americnord/usa/dossier-etats-unis-trump-et-le-trumpisme.html

L'ABC des qualités de Trump comprend certainement l'arrogance, ainsi que les trois B : bigot, bully, and braggart (bigot, tyran et vantard). La vantardise prend de nombreuses tournures : un « battant » qui s'autopromotionne et qui met compulsivement en avant ses réalisations, mais qui prétend aussi être allé plus loin et avoir obtenu plus que ce n'est le cas en réalité ; un ignorant qui glorifie son ignorance avec l'affirmation agressive « Je ne lis pas de livres ! », tout en prétendant en savoir bien plus qu'il n'en sait ; quelqu'un qui exagère l'estime que les gens lui portent et qui s'attribue les mérites d'accomplissements qui ne sont pas les siens. Son statut de milliardaire ajoute de la brillance, des ressources et de l'autorité à tout ce qui est lié à l'auto-construction narcissique de la personne qu'est Trump. Il est par nature, et avec beaucoup de fierté, un capitaliste, et ses trente-quatre condamnations pour crime font que beaucoup le qualifient d'escroc.

En avançant dans l'alphabet, certains critiques insistent sur le fait que Trump est un fasciste. D'autres se demandent s'il est suffisamment cohérent pour jouer le rôle d'un Benito Mussolini ou d'un Adolf Hitler. Le terme « fasciste » est certainement devenu une insulte librement utilisée pour qualifier des idées, des pratiques et des personnes que nous détestons. Trump lui-même l'utilise (en le mélangeant avec des termes tels que « marxistes », « communistes », « terroristes » et « personnes très nuisibles ») pour dénoncer les ennemis qui se cachent dans la salle du tribunal, dans les médias grand public, dans le gouvernement et dans le Parti démocrate.

A quel point Trump est-il discipliné et déterminé en tant que leader politique ? Il peut difficilement être comparé à un Winston Churchill ou à un Ronald Reagan, et encore moins à un Mussolini ou à un Hitler. « Au printemps 2020 », selon Maggie Haberman, chroniqueuse au New York Times, « il était devenu clair pour nombre de ses principaux conseillers que l'impulsion de Trump à miner les systèmes existants et à tordre les institutions pour les adapter à ses objectifs s'accompagnait d'un comportement fantasque et de niveaux de colère qui obligeaient les autres à essayer de le maintenir sur la bonne trajectoire presque à chaque heure de la journée ». [1]

Il est instructif d'examiner l'expérience de Steve Bannon, l'un des idéologues d'extrême droite les plus déterminés qui a servi de conseiller central dans la phase initiale de l'administration Trump en 2016. Michael Wolff [journaliste et écrivain qui traite de la politique états-unienne] a rapporté ce qui suit :

« Une partie de l'autorité de Bannon dans la nouvelle Maison Blanche consistait à être le gardien des promesses de Trump, méticuleusement consignées sur le tableau blanc de son bureau. Certaines de ces promesses, Trump se souvenait avec enthousiasme de les avoir faites, d'autres, dont il ne s'en souvenait guère, mais il était heureux de reconnaître qu'il les avait dites. Bannon a joué le rôle de disciple et a promu Trump au rang de gourou – ou de Dieu impénétrable. » [2]

Bannon a fini par être exaspéré et désabusé, réalisant que les détails du programme « populiste » de droite qu'il envisageait « étaient entièrement tributaires de l'inattention et des sautes d'humeur de Trump ». Bannon avait appris il y a longtemps que Trump « se fichait éperdument du programme – il ne savait pas ce qu'était le programme » [3]. [Sorti de prison ce mardi 29 octobre, après quatre mois d'emprisonnement, Steve Bannon a immédiatement fait campagne pour Donald Trump et mis en cause le processus électoral, à une semaine de la présidentielle américaine du 5 novembre – réd.]

Mais ce que l'on peut appeler le trumpisme transcende le dysfonctionnement de cet individu qui prend de l'âge. Plusieurs éléments essentiels contribuent à définir ce que nous appelons le trumpisme.

L'un de ces éléments a trait au caractère armé et dangereux des forces qui se sont rassemblées pour prendre d'assaut le Capitole le 6 janvier 2021, à savoir les Proud Boys, les Oath Keepers, des éléments militants du mouvement Tea Party, des partisans de l'ancienne Confédération du Sud et divers groupes nazis et suprémacistes blancs. Le général Mark Milley, alors chef de l'état-major interarmées, dans son carnet de notes de janvier 2021, a dressé la liste de ces groupes avec le commentaire suivant : « Grande menace : le terrorisme intérieur ». Selon Bob Woodward et Robert Costa du Washington Post : « Certains étaient les nouvelles Chemises brunes, une version états-unienne, conclut Milley, de l'aile paramilitaire du parti nazi qui soutenait Hitler. Il s'agissait d'une révolution programmée. La vision de Steve Bannon prend alors corps. Il faut tout abattre, tout faire exploser, tout brûler, et en ressortir avec le pouvoir. » [4] Ces éléments autrefois marginalisés étaient entrés dans le paysage politique et s'étaient considérablement développés, avec l'encouragement actif de Trump et d'autres personnes de son entourage. Mais cet individu rusé, avare et profondément borné, ainsi que ses acolytes n'étaient guère capables de les contrôler. En effet, dans son ensemble, l'énorme et hétérogène mouvement « Make America Great Again » ne peut être considéré comme étant sous sa coupe.[5]

Le « nationalisme chrétien » – qui rejette les idéaux de démocratie radicale inscrits dans la Déclaration d'indépendance et affirme que les Etats-Unis ont été fondés (comme l'a dit un télévangéliste) « par des chrétiens qui voulaient construire une nation chrétienne sur la base de la volonté de Dieu », selon la définition des fondamentalistes de droite qui considèrent la notion de démocratie fondée sur l'égalité des droits comme une hérésie incompatible avec le christianisme – se mêle à certains segments de ce groupe d'électeurs pro-Trump. Le néo-conservateur Robert Kagan [cofondateur avec William Kristol du think tank Project for the New American Century] a fait remarquer avec anxiété que « ce que les nationalistes chrétiens appellent le “totalitarisme libéral”, les signataires de la Déclaration d'indépendance l'appelaient la “liberté de conscience” ». Avec ou sans ce vernis religieux particulier, souligne Robert Kagan, une telle souche profonde d'intolérance antidémocratique fondamentale a été présente tout au long de l'histoire des Etats-Unis parmi des segments significatifs du peuple américain – reflétant des attitudes sectaires sur la race, l'appartenance ethnique, le genre et la religion.[6]

Un autre élément essentiel du trumpisme se trouve dans un groupe très différent d'entités et d'individus conservateurs, réunis dans le Projet 2025 de transition présidentielle de la Heritage Foundation. Fondée dans les années 1970, la Heritage Foundation sert de plaque tournante aux universitaires, intellectuels et responsables politiques conservateurs depuis la présidence Reagan. Sa dernière initiative en date est un ouvrage de 900 pages intitulé Mandate for Leadership : The Conservative Promise qui doit servir de manuel d'élaboration des politiques pour une deuxième administration Trump. D'après son auto-description : « Ce livre est le fruit du travail de plus de 400 universitaires et experts politiques issus du mouvement conservateur et de partout dans le pays. Parmi les contributeurs figurent d'anciens élus, des économistes de renommée mondiale et des membres de quatre administrations présidentielles. Il s'agit d'un programme préparé par et pour les conservateurs qui seront prêts, dès le premier jour de la prochaine administration, à sauver notre pays du gouffre du désastre. » Il convient de noter que Trump n'est en aucun cas la pièce maîtresse de ce document ; il est plutôt fait référence au « prochain président conservateur ». Trump est mentionné fréquemment et très respectueusement, mais la Heritage Foundation, ses collaborateurs et son programme sont présentés comme des éléments qui transcendent cet individu. La ligne de fond de ce manifeste conservateur est une défense du capitalisme sauvage. L'objectif premier du président, nous dit-on, devrait être de libérer « le génie dynamique de la libre entreprise ». Cela va de pair avec des propositions visant à imposer un régime autoritaire centralisé pour mettre en œuvre un large éventail de politiques de droite [7].

Soucieux de séduire les électeurs modérés, Donald Trump a pris ses distances avec le Project 2025. Mais ses partisans restent solidement installés dans le camp trumpiste, y compris des fidèles qui ont servi dans sa première administration présidentielle. Des plans secrets ont été élaborés pour mettre en œuvre le programme Project 2025 dès qu'un président de droite entrera en fonction. La chercheuse Gillian Kane note que le Project 2025 ne dépend pas d'une victoire présidentielle de Trump, soulignant que « même si Trump perd en novembre, de nombreux aspects fondamentaux de ce plan nationaliste chrétien seront mis en œuvre ; en effet, certaines recommandations sont déjà en marche » [8]. Même lorsque Trump ne sera plus sur la scène, le programme associé au trumpisme – le déchaînement du capitalisme sauvage tout en réprimant systématiquement les droits de l'homme et les libertés démocratiques – continuera à nous affronter.

Le Parti républicain actuel est un élément essentiel du trumpisme. Les figures de proue et les collaborateurs de ce parti – comme c'était le cas pour le courant conservateur dans son ensemble – n'ont pas commencé par être des partisans de Trump. Un responsable républicain bien informé, Tim Miller, décrit de la manière suivante ce qui s'est passé :

« Lorsque les Trump Troubles [ensemble des ennuis judiciaires] ont commencé, personne dans nos rangs n'aurait jamais dit qu'il était de son côté. Nous le trouvions gauche, repoussant et en dessous de la qualité de la fonction publique que nous lui avions attribuée avec une grande fierté. Nous ne le prenions pas au sérieux […] Et vous ne nous auriez pas surpris avec une de ces casquettes de base-ball rouge criard.

»Mais, progressivement d'abord, puis soudainement, nous avons presque tous décidé de l'accompagner. Les mêmes personnes qui, en privé, qualifiaient Donald Trump de danger par incompétence ont ressorti ses balivernes rances en public lorsque cela les arrangeait. Ils ont continué à le faire même après que la foule qu'il avait convoquée [le 6 janvier 2021] eut sali le parti, nos idéaux et les couloirs du Capitole avec leur saloperie. » [9]

Tim Miller offre un point de vue d'initié sur le cynisme toxique qui imprègne les dirigeants du Parti républicain et qui a contribué au triomphe de Trump dans ses rangs. Considérant l'arène politique comme « un grand jeu » par lequel, en gagnant, ils « s'attribuaient un statut de serviteur public, la classe dirigeante républicaine a ignoré la détresse de ceux qu'elle manipulait, se sentant de plus en plus à l'aise dans l'utilisation de tactiques qui les enflammaient, les retournant contre leurs semblables ». Tim Miller et d'autres responsables « ont avancé des arguments auxquels aucun d'entre nous ne croyait » et « ont fait en sorte que les gens se sentent offensés par des problèmes que nous n'avions ni l'intention ni la capacité de résoudre ». Il avoue qu'un racisme discret et inavoué a souvent été utilisé. « Ces tactiques n'ont pas seulement été incontrôlées, elles ont été renforcées par un écosystème médiatique de droite avec lequel nous étions en relation et qui avait ses propres motivations néfastes, attirant les clics [sur les réseaux sociaux] et les vues par le truchement d'une course à la rage sans aucune intention de fournir quelque chose qui pourrait apporter de la valeur à la vie des gens ordinaires. »

Tim Miller conclut :

« Faut-il s'étonner qu'un charlatan qui a passé des décennies à duper les gens pour qu'elles adhèrent à ses systèmes de ventes pyramidales et achètent ses produits de merde ait pu exceller dans un tel environnement ? Quelqu'un qui disposait de sa propre plateforme médiatique et d'un instinct reptilien pour la manipulation ? Quelqu'un qui n'hésite pas à dire tout haut ce qu'il ne faut pas dire ? » [10]

Un autre ancien cadre républicain, Stuart Stevens, insiste sur le fait qu'il est erroné de considérer que Trump a « détourné » le Parti républicain. Au contraire, Trump « est la conclusion logique de ce que le Parti républicain est devenu au cours des cinquante dernières années environ, un produit naturel des semences de racisme, d'auto-illusion et de colère qui sont devenues l'essence du Parti républicain ». [11]

Liz Cheney [fille de Dick Cheney, vice-président de 2001 à 2009 et secrétaire à la Défense de 1989 à 1993], républicaine conservatrice de toujours et ancienne élue du Wyoming, qui a résisté avec plus d'acharnement que la plupart des autres aux efforts de Trump pour amener le Parti républicain à le soutenir, a fini par se lamenter : « Nous avons maintenant appris que la plupart des républicains actuellement membres du Congrès feront ce que Donald Trump demande, peu importe ce que c'est. […] Je suis très triste de dire que l'Amérique ne peut plus compter sur un ensemble de républicains élus pour protéger notre République. » Selon Liz Cheney : « L'amour du pouvoir est si fort que des hommes et des femmes qui semblaient autrefois raisonnables et responsables sont soudain prêts à violer leur serment envers la Constitution par opportunisme politique et par loyauté envers Donald Trump. » [12]

Bien entendu, le Parti républicain a une histoire longue et complexe. Tout comme pour les autres éléments essentiels du trumpisme, il n'a pas commencé avec Trump et ne se terminera pas avec lui. « Quoi qu'il arrive à Trump », écrit le journaliste Joe Conason, « le destin du conservatisme états-unien et du Parti républicain… semble déjà fixé », destiné à « continuer sans vergogne, avec ou sans lui », en propageant une idéologie bien rodée, selon les termes de Conaso, de « mensonge et de fraude ». [13] Les opérations d'information et d'opinion très influentes et pompeuses de Fox News, du Breitbart News Network [à la Steve Bannon] et d'innombrables radios étaient déjà bien établies avant la présidence de Trump. [14] Quoi qu'il advienne de Trump, le phénomène plus large du trumpisme sera encore présent pendant un certain temps. « Trump n'est pas la maladie, il en est le symptôme », a déclaré Chris Hedges. « Trump s'est vraiment appuyé sur un sentiment de malaise qui était déjà largement répandu aux Etats-Unis. » [15]

Nous devons également préciser qu'il s'agit d'un phénomène mondial, comme l'ont noté de nombreux observateurs différents, impliquant des mouvements puissants et, parfois, des gouvernements dans un large éventail de pays : Argentine, Brésil, France, Grèce, Hongrie, Inde, Italie, Russie, Turquie, Etats-Unis, etc. Une combinaison de notions est utilisée pour décrire ce qui se passe : populisme de droite, ultranationalisme xénophobe autoritaire, etc. Le mot « fascisme » est parfois utilisé, mais le terme « quasi-fascisme » semble plus approprié. Le préfixe quasi- signifie « ressembler » et « avoir certaines caractéristiques, mais pas toutes ». Le terme quasi-fascisme, dans le moment présent, peut être compris comme un « fascisme en devenir ».

Quelques aspects de la réalité des Etats-Unis

Les conservateurs de la Heritage Foundation, entre autres, amalgament le Parti démocrate légèrement libéral avec des dénonciations rhétoriques le qualifiant de « gauche » et l'accusant de « socialisme » [accusations répétées tous les jours par Trump]. Il y a là quelque chose de foufoque, mais d'un certain point de vue, c'est logique. Il vaut la peine de prendre quelques minutes pour se pencher sur l'histoire de la gauche aux Etats-Unis et comprendre pourquoi cela a du sens.

Au cours du siècle dernier, la gauche organisée a eu un impact puissant, influençant la politique, les lois, la conscience et la culture aux Etats-Unis. Le mouvement ouvrier, les vagues de féminisme, les mouvements antiracistes et pour les droits civiques, les luttes contre la guerre du Vietnam, les divers mouvements étudiants, etc. ont tous contribué à apporter des changements profonds sur la scène politique pendant de nombreuses décennies. Ces changements n'auraient pas été aussi efficaces (et n'auraient peut-être pas vu le jour) sans les efforts indispensables d'organisation consentis par des militants de gauche.

Cette évolution s'est toutefois accompagnée d'un autre développement. Bien qu'une partie importante des militants de gauche ait insisté sur la nécessité d'une indépendance politique vis-à-vis des partis pro-capitalistes [démocrates et républicains], un large secteur a été largement absorbé par une profonde tendance adaptationniste. Au cours de la « décennie rouge » des années 1930, la convergence entre les forces d'inspiration socialiste et un social-libéralisme quelque peu étendu s'est particulièrement accélérée : le Parti démocrate de Franklin D. Roosevelt (FDR) ayant « volé » de nombreux éléments de réforme du programme socialiste. Cela a été fait, comme l'a souligné FDR, pour sauver le capitalisme pendant les années de dépression, mais aussi pour assurer la popularité et l'élection de FDR et de ceux qui l'entouraient. Plus encore, l'essentiel de la gauche organisée a été absorbé par la coalition du New Deal. [16]

En l'espace d'un demi-siècle, six étapes décisives ont rendu l'absorption de la gauche organisée par le Parti démocrate presque complète : 1° le mouvement syndical des années 1930, en particulier le nouveau Congrès des organisations industrielles (CIO-Congress of Industrial Organizations), dynamique et orienté à gauche, a formé une alliance solide avec les démocrates du New Deal de FDR ; 2° la décision prise en 1935 par l'Internationale Communiste, sous la direction de Joseph Staline, de former une alliance du « Front populaire » avec des capitalistes libéraux tels que FDR a fait entrer des forces dynamiques du PC des Etats-Unis dans les rangs de la coalition du Parti démocrate ; 3° au début de la guerre froide, la majeure partie du mouvement syndical organisé (ainsi que la plupart des socialistes modérés) a adhéré au programme anticommuniste et pro-capitaliste libéral du Parti démocrate, ce qui a conduit à un vaste « pacte social » entre les firmes, les syndicats et le gouvernement à partir de la fin des années 1940 et tout au long des années 1950 ; 4° la coalition pour les droits civiques du début des années 1960 s'est intimement liée au parti de John F. Kennedy [1961-novembre 1963] et de Lyndon B. Johnson [1963-janvier 1969] ; 5° dans les années 1970 et 1980, une grande partie de la « nouvelle gauche » des années 1960 s'est engagée dans l'aile réformatrice du Parti démocrate ; et 6° au début du XXIe siècle, de nouvelles vagues de jeunes militants se sont jointes à des couches plus anciennes, dans un contexte de promesses radicales et d'espoirs grandissants, pour porter Barack Obama à la Maison Blanche [janvier 2019-janvier 2017]. [17]

Depuis le début du XXe siècle, la gauche organisée a été une force dynamique d'une importance considérable aux Etats-Unis. Parmi les travailleurs et travailleuses ainsi que les opprimé·e·s, elle a mené des luttes efficaces qui ont permis de remporter de véritables victoires. Elle a suscité l'espoir d'autres luttes fructueuses qui feraient progresser les droits de l'homme, amélioreraient la vie de la majorité de la classe laborieuse et donneraient naissance à un monde meilleur. Par contre, chez les riches et les puissants, elle inspirait la peur et la rage. [18]

A la fin du XXe siècle, selon le processus que nous avons retracé, la gauche organisée s'était largement évaporée. Une partie de sa rhétorique, une grande partie de ses valeurs et une grande partie de son programme de réformes (souvent sous une forme diluée) se retrouvaient dans le Parti démocrate. Mais un engagement sincère et pratique pour remplacer la dictature économique du capitalisme par la démocratie économique du socialisme n'était plus à l'ordre du jour. Néanmoins, parmi les riches et les puissants, il y avait ceux qui ressentaient encore de la peur et de la rage, mais aussi une profonde détermination à regagner le terrain perdu, en particulier dans le contexte de la désintégration et de la décomposition de l'économie capitaliste.

C'est pourquoi les républicains anti-Trump tels que Liz Cheney, ainsi que les démocrates tels que Joe Biden et Kamala Harris – empêtrés comme ils le sont dans la désintégration et la décomposition de l'économie capitaliste et n'ayant aucune solution réelle à offrir – sont incapables de fournir une alternative durable au trumpisme.

Notant que 30 millions de travailleurs et travailleuse ont perdu leur emploi depuis 1996, Chris Hedges souligne que cela a généré « un profond désespoir et même de la rage parmi les gens qui ont été trahis en grande partie par le Parti démocrate… qui a fait passer l'ALENA [l'Accord de libre-échange nord-américain] » et « qui a désindustrialisé le pays », rendant ainsi de larges pans de ce qui avait été la base ouvrière du Parti démocrate accessibles aux appels démagogiques du trumpisme [19].

Tout porte à croire que le vote de la classe laborieuse blanche a été divisé. Lors de l'élection de 2020, Joe Biden a obtenu 41% du vote blanc, tandis que Trump en a obtenu 58% – dans chaque cas, une majorité de ces votes provenait d'électeurs de la classe laborieuse. (Dans le même ordre d'idées, 56% des ménages syndiqués ont voté pour Biden et 40% pour Trump.) Les politologues Noam Lupu et Nicholas Carnes montrent que le soutien de la classe laborieuse blanche à Trump a souvent été surestimé. Seuls 30% de ses partisans en 2016 appartenaient à cette catégorie prolétaire, bien qu'ils ajoutent que 60% des électeurs et électrices de la classe ouvrière blanche ont voté pour Trump cette année-là. Certaines études indiquent un déclin de ce soutien [20].

Pourtant, Kamala Harris exprime constamment son soutien au capitalisme, se considérant comme « une capitaliste pro-croissance qui veut une “économie tournée vers l'avenir qui aide tout le monde” ». [21] Le problème, c'est que les profits capitalistes ne sont souvent pas compatibles avec le fait « d'aider tout le monde ». Lorsque les choses se gâteront, on peut s'attendre à ce qu'elle sacrifie les intérêts de la classe laborieuse (comme l'a fait le Parti démocrate dans son entier) pour aider à maintenir la rentabilité capitaliste, causant des ravages dans la base de la classe laborieuse, comme cela a été le cas au cours des dernières décennies. Au cours des deux dernières années, nous avons vu les politiciens démocrates s'aligner sur les élites riches et puissantes pour refuser le droit de grève aux cheminots exploités, permettre aux industries des combustibles fossiles d'agresser l'environnement et autoriser le massacre par Israël de dizaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants innocents à Gaza. [22]

Dans un rapport de la London Review of Books sur la récente convention nationale du Parti démocrate, Christian Lorentzen a noté « l'alliance forgée sous Joe Biden entre l'establishment centriste du parti et son aile gauche anciennement rebelle », concluant dès lors « que la tente démocrate est assez grande pour les agitateurs qui dénoncent les milliardaires ainsi que la catégorie appropriée de milliardaires », qui soutiennent, financent et aident à diriger le Parti démocrate. Même un socialiste modéré comme Bernie Sanders – aussi bon soit-il à certains égards – est gravement compromis dans la mesure où il appelle systématiquement ses partisans à rester dans le giron du Parti démocrate, résolument pro-capitaliste. Sanders termine son dernier livre par une exhortation : « Il est temps, enfin, que les démocrates reconnaissent qu'une bonne politique est une bonne politique. C'est bon pour le parti. C'est bon pour le pays. C'est bon pour le monde. Faisons-le ! » [23] (Ce texte est constitué d'amples extraits d'un essai par Paul Le Blanc qui doit être développé le 6 novembre 2024 pour le Marx Memorial Library ; traduction rédaction A l'Encontre)

Paul Le Blanc est un historien qui a consacré de nombreux ouvrages à l'histoire du mouvement ouvrier, à la gauche organisée, aux différents courants politiques se réclamant du marxisme. Il a été membre de l'International Socialist Organization. Il a publié entre autres A Short History of the U.S. Working Class : From Colonial Times to the Twenty-First Century, Haymarket Books, 2016 ; The American Exceptionalism of Jay Lovestone and His Comrades, 1929-1940, Haymarket Books, 2018.

Notes

[1] Maggie Haberman, Confidence Man : The Making of Donald Trump and the Breaking of America (New York : Penguin Books, 2022), p. 429. Also see Editorial Board, “The Dangers of Donald Trump From Those Who Know Him,” New York Times, September 26, 2024, https://www.nytimes.com/interactive/2024/09/26/opinion/donald-trump-personality-history.html.

[2] Michael Wolff, Fire and Fury : Inside the Trump White House (New York : Henry Holt and Co., 2018), pp. 115-116.

[3] Michael Wolff, Siege : Trump Under Fire (New York : Henry Holt and Co., 2019), p. 29.

[4] Bob Woodward and Robert Costa, Peril (New York : Simon and Schuster, 2021), pp. 273-274 ; Matt Prince, “What is President Trump's Relationship with Far-Right and White Supremacist Groups ?,” Los Angeles Times, Sept. 30, 2020, https://www.latimes.com/politics/story/2020-09-30/la-na-pol-2020-trump-white-supremacy ; Aram Roston, “The Proud Boys Are Back : How the Far-Right is Rebuilding to Rally Behind Trump,” Reuters, June 3, 2024, https://www.reuters.com/investigates/special-report/usa-election-proudboys/.

[5] Ezra Klein, “The MAGA Movement Has Become a Problem for Trump,” New York Times, Sept. 22, 2024, https://www.nytimes.com/2024/09/22/opinion/project-2025-trump-election.html.

[6] Robert Kagan, Rebellion : How Antiliberalism is Tearing America Apart – Again (New York : Alfred A, Knopf, 2024), pp. 171, 176. Also see Robert P. Jones, “The Roots of Christian Nationalism Go Back Further Than You Think,” Time, August 31, 2023, and Robert P. Jones, “Trump's Christian Nationalist Vision for America,” Time, September 10, 2024. Also see Sruthi Darbhamulla, “An Unsteady Alliance : Donald Trump and the Religious Right,” The Hindu, September 10, 2024, https://www.thehindu.com/news/international/an-unsteady-alliance-trump-and-the-religious-right/article68382345.ece. Quite different versions of Christianity exist. See, for example, Paul Le Blanc, Marx, Lenin, and the Revolutionary Experience : Studies of Communism and Radicalism in the Age of Globalization (New York : Routledge, 2006), pp. 49-77, 222-27, and Walter Rauschenbusch, Christianity and the Social Crisis in the 21st Century : The Classic That Woke Up the Church (New York : Harper One, 2007). The revolutionary-democratic qualities of the founding document of the US are indicated in Pauline Maier, American Scripture : Making the Declaration of Independence (New York : Vintage Books, 1998).

[7] Spencer Chretien, “Project 2025,” The Heritage Foundation, Jan. 31, 2023, https://www.heritage.org/conservatism/commentary/project-2025 ; Project 2025 – The Presidential Transition Project : Policy Agenda, including the text of Paul Dans and Steven Groves, ed., Mandate for Leadership : The Conservative Promise, https://www.project2025.org/policy/. For critical evaluations, see : E. Fletcher McClellan, “A Primer on the Chilling Far-Right Project 2025 Plan for 2nd Trump Presidency,” Lancasteronline, June 3, 2024, https://lancasteronline.com/opinion/columnists/a-primer-on-the-chilling-far-right-project-2025-plan-for-2nd-trump-presidency-column/article_ef88858e-1e9b-11ef-9e81-bf8485299455.html ; Global Project Against Hate and Extremism, “Project 2025 : The Far-Right Playbook for American Extremism,” https://globalextremism.org/project-2025-the-far-right-playbook-for-american-authoritarianism/. The quotation describing who composed the Project 2025 document is in Mandate for Leadership : The Conservative Promise, pp. 2-3.

[8] Centre for Climate Reporting, “Undercover in Project 2025,” climate-reporting.org ; Curt Devine, Casey Tolan, Audrey Ash, Kyung Lah, “Hidden-camera video shows Project 2025 co-author discussing his secret work preparing for a second Trump term,” CNN, August 15, 2024, https://www.cnn.com/2024/08/15/politics/russ-vought-projeco0authct-2025-trump-secret-recording-invs/index.html ; Amy Goodman and Lawrence Carter, “Project 2025 Co-author Lays Out ‘Radical Agenda' for Next Trump Term in Undercover Video,” Democracy Now !, August 16, 2024,https://www.youtube.com/watch?v=UQjdwsZhE_Q ; Gillian Kane, “Project 2025 is Already Here,” In These Times, June 2024, p. 8.

[9] Tim Miller, Why We Did It : A Travelogue from the Republican Road to Hell (New York : Harper, 2022), p. xii.

[10] Miller, p. xx.

[11] Stuart Stevens, It Was All a Lie : How the Republican Party Became Donald Trump (New York : Vintage Books, 2021), pp. xiii, 4.

[12] Liz Cheney, Oath and Honor : A Memoir and a Warning (New York : Little Brown and Co., 2023), pp. 2, 366. It should be noted that the Constitution — defining stabilising structures and rules for the US government — is hardly a democratic document. See Robert A. Dahl, How Democratic Is the American Constitution ? (New Haven, CT : Yale University Press, 2003), and Robert Ovetz, We the Elites : Why the US Constitution Serves the Few (London : Pluto Press, 2022).

[13] Joe Conason, The Longest Con : How Grifters, Swindlers, and Frauds Hijacked American Conservatism (New York : St. Martin's Press, 2024), pp. 271-272. Also see Heather Cox Richardson, To Make Men Free : A History of the Republican Party (New York : Basic Books, 2014).

[14] Pew Research Center, “Five Facts About Fox News,” https://www.pewresearch.org/short-reads/2020/04/08/five-facts-about-fox-news ; Yochai Benkler, Robert Faris, Hal Roberts, and Ethan Zuckerman,“Study : Breitbart-led Right-Wing Media Ecosystem Altered Broader Media Agenda,” Columbia Journalism Review, March 3, 2017, https://www.cjr.org/analysis/breitbart-media-trump-harvard-study.php ; “The Divided Dial” series (November 15 – December 21, 2022), On the Media, https://www.wnycstudios.org/podcasts/otm/divided-dial.

[15] Chris Hedges, “Harris vs Trump : The End of American Dominance ?” Interview with Mohamed Hashem, Real Talk : Middle East Eye, 5 August 2024.

[16] Le Blanc, Marx, Lenin, and the Revolutionary Experience, pp. 153-98 ; David Milton, The Politics of US Labor, From the Great Depression to the New Deal (New York : Monthly Review Press, 1982).

[17] This is explored in Paul Le Blanc, Left Americana : The Radical Heart of US History (Chicago : Haymarket Books, 2017), as well as Paul Le Blanc and Michael D. Yates, A Freedom Budget for All Americans : Recapturing the Promise of the Civil Rights Movement in the Struggle for Economic Justice Today (New York : Monthly Review Press, 2013). Also see : Manning Marable, “Jackson and the Rise of the Rainbow Coalition,” New Left Review, January-February, 1985 ; Sheila D. Collins, The Rainbow Challenge : The Jackson Campaign and the Future of US Politics (New York : Monthly Review Press, 1986) ; Steve Cobble, “Jesse Jackson's Rainbow Coalition Created Today's Democratic Politics,” The Nation, October 2, 2018 ; Michael Kazin, What It Took to Win : A History of the Democratic Party (New York : Farrar, Straus and Giroux, 2022).

[18] See for example Elizabeth Fones-Wolf, Selling Free Enterprise : The Business Assault on Labor and Liberalism, 1945-60 (Urbana, IL : University of Illinois Press, 1994).

[19] Hedges, “Harris vs Trump : The End of American Dominance ?”

[20] Roper Center, “How Groups Voted in 2020,” https://ropercenter.cornell.edu/how-groups-voted-2020 ; Kathryn Royster, “New Political Science Research Debunks Myths About White Working-Class Support for Trump,” Vanderbilt University, July 29, 2020, https://as.vanderbilt.edu/news/2020/07/29/political-science-research-debunks-myths-about-white-working-class-support-for-trump/ ; Martha McHardy, “Donald Trump's Support Among White Working Class Has ‘Shrunk Significantly,'” Newsweek, August 14, 2024, https://www.newsweek.com/donald-trump-white-working-class-voters-poll-1938946.

How to define the term “working class” is highly contested. Some assert that having a college education places a person outside of the working class (which consigns many small business owners to the working class, while teachers and many nurses are consigned to the so-called “middle class”). This contrasts with the Marxist definition of working class : those who sell their ability to work for a paycheck, regardless of educational level. Michael Zweig, in his Class, Race, and Gender : Challenging the Injuries and Divisions of Capitalism (Oakland, CA : PM Press, 2023, p. 96) presents 61.9% of the US labour force as working class, and 38.1% as “middle class”. But as Harry Braverman and others have indicated, some in this latter category are in occupations that have been proletarianised — see R. Jamil Jonna and John Bellamy, “Beyond the Degradation of Labor : Braverman and the Structure of the U.S. Working Class,” Monthly Review, Vol. 66, No. 5 : October 2014.

It should be added that when one factors in African American, Hispanic, and Asian American workers, a clear majority of the US working class is not behind Trump.

[21] On Harris's pro-capitalist orientation, see : “Who is Kamala Harris' father Donald Harris who Trump accused of being a Marxist in the debate,” The Economic Times, https://economictimes.indiatimes.com/news/international/us/who-is-kamala-harris-father-donald-harris-who-trump-accused-of-being-a-marxist-in-the-debate/articleshow/113263386.cms ; Amanda Gordon, “Doug Emhoff Pitches Harris' Economic Vision as ‘Pro-Capitalism' and ‘Helps Everyone,'” Time, August 27, 2024, https://time.com/7015029/doug-emhoff-kamala-harris-pro-capitalism-economic-agenda/ ; Nicholas Nehamas and Reid J. Epstein, “Harris Casts Herself as a Pro-Business Pragmatist in a Broad Economic Pitch,” New York Times, September 25, 2024, https://www.nytimes.com/2024/09/25/us/politics/harris-economic-speech-pro-business.html.

[22] David Shepardson and Nandita Bose, “Biden Signs Bill to Block US Railroad Strike,” Reuters, December 2, 2022, https://www.reuters.com/world/us/biden-signs-bill-block-us-railroad-strike-2022-12-02/ ; Brian Dabbs, “Harris Embraces US Fossil Fuels in Showdown with Trump,” E & E News by Politico, September 11, 2024, https://www.eenews.net/articles/harris-embraces-us-fossil-fuels-in-showdown-with-trump/ ; Ilan Pappé, “The Genocide in Palestine,” The Palestine Chronicle, September 17, 2024, https://www.palestinechronicle.com/the-genocide-in-palestine-how-to-prevent-the-next-stage-from-happening-ilan-pappe/.

[23] Christian Lorentzen, “Not a Tough Crowd,” London Review of Books, 12 September, 2024, p. 31 ; Bernie Sanders, It's OK to Be Angry About Capitalism (New York : Crown, 2023), p. 293.

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Une première au Québec : deux militants écologistes emprisonnés pour promouvoir la lutte mondiale contre les énergies fossiles

5 novembre 2024, par Nina Morin — , ,
Deux ans après la signature du Traité international de non-prolifération des énergies fossiles par la ville de Montréal, deux activistes climatiques québécois ont été (…)

Deux ans après la signature du Traité international de non-prolifération des énergies fossiles par la ville de Montréal, deux activistes climatiques québécois ont été emprisonnés le 23 octobre, après avoir escaladé le pont Jacques-Cartier à Montréal la veille. Olivier Huard et Jacob Pirro ont été arrêtés et incarcérés, une première au Québec. Ils demandent notamment au gouvernement fédéral d'adhérer au traité et d'accélérer ses efforts pour la transition écologique. Nous publions la vidéo que Santiago Bertolino a réalisée avec les porte-paroles des collectifs à l'initiative de l'action.

Tiré du Journal des alternatives.

Olivier Huard et Jacob Pirro, des collectifs Antigone et Last Generation Canada ont pris leur courage à deux mains mardi matin, le 22 octobre vers 5 h du matin pour escalader le pont Jacques-Cartier afin de dénoncer l'inaction des gouvernements québécois et canadien face aux changements climatiques. Dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, Olivier Huard rappelle que l'on observe déjà de nombreuses conséquences du dérèglement climatique, telles que les incendies, les tornades, les inondations et l'alerte sur l'urgence que représente chaque jour un peu plus la crise climatique. Arrivés au sommet du pont, ils ont brandi une banderole où l'on pouvait lire « Le pétrole nous tue ».

Alors qu'en 2019 deux autres activistes avaient fait la même démarche de protestation pour demander aux autorités davantage d'actions concrètes, cinq ans plus tard, rien n'a changé. Olivier Huard dénonce cette situation et explique leur démarche de répéter l'action pour accentuer la pression sur les gouvernements pour protéger la population tandis que la situation écologique s'est largement empirée.

Les demandes des activistes

Concrètement, les deux militants demandent aux autorités de se désengager des énergies fossiles, notamment en adhérant au Traité de non-prolifération des énergies fossiles. Ils demandent la fermeture du pipeline 9B, qui permet l'acheminement de Montréal vers l'Ontario, de pétrole importé du Moyen-Orient, de l'Afrique et de la mer du Nord. Ils militent aussi pour la création d'une « Agence nationale de gestion des urgences » pour de répondre aux catastrophes causées par les changements climatiques telles que les incendies ou les inondations. Enfin, ils plaident pour un soutien financier à d'autres pays, afin de contribuer à une transition écologique rapide, équitable et juste, et ce au plan mondial.

Le Traité de non-prolifération des énergies fossiles

En avril 2021, plus de 100 lauréats du prix Nobel, le Dalaï-Lama et d'autres universitaires avaient signé une lettre demandant aux États de « prendre des mesures concrètes pour s'éloigner progressivement des combustibles fossiles afin d'éviter un changement climatique catastrophique ».

L'idée d'un « traité » limitant la progression de l'utilisation des énergies fossiles avait été évoquée pour la première fois en 2016 par 14 nations du Pacifique, pour la plupart déjà particulièrement touchée par les conséquences du changement climatique tel que la montée des eaux. Puis, l'initiative a été soutenue par plusieurs centaines de spécialistes, dont Peter Newell et Andrew Simms, qui rappellent la menace du changement climatique, avait été mentionnée comme la deuxième plus grande menace pour l'humanité, après la guerre nucléaire, lors de la Conférence de Toronto sur le changement de l'atmosphère en 1988.

Depuis, les nations de Vanuatu et de Tuvalu ont été les premières à soutenir le traité pour la non-prolifération des énergies fossiles en 2022, suivies par les Palaos, la Colombie et Samoa en 2023. Aujourd'hui plus de 100 villes et gouvernements infranationaux ont supporté le traité, dont la ville de Montréal, le Parlement européen et l'Organisation mondiale de la santé.

Le besoin de poursuivre la mobilisation

Malgré cette initiative et comme il n'a pas de force contraignante, il n'a pas été signé par assez de gouvernements pour avoir un réel impact. Nous observons aujourd'hui encore de nombreux nouveaux projets impliquant à profit les énergies fossiles, telles que la mise en service de nouveaux sites d'extraction de gaz en Iran, ou la construction de nouveaux de pipelines, en Alaska, en Afrique de l'Est et au Canada.

C'est pourquoi il est nécessaire de continuer à demander et alerter sur le besoin urgent de mesures concrètes de la part des gouvernements, comme l'ont fait les militants d'Antigone et de Last Generation. À la place d'être écoutés, les autorités ont recours à la répression contre ces militants écologistes qui ne souhaitant que protéger la population.

Les autorités ont refusé leurs demandes de sortie en liberté sous caution. Si Jacob Pirro a été libéré le 29 octobre, après près d'une semaine de détention dans des conditions plus que déplorables, Olivier Huard attend toujours son audience, qui aura lieu le 31 octobre à 9 h, et depuis a engagé une grève de la faim.

Pour en savoir plus.

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Le droit à l’alimentation pour contrer l’insécurité alimentaire

5 novembre 2024, par Regroupement des cuisines collectives du Québec (RCCQ) — , ,
_Montréal, le 31 octobre 2024_ - L'insécurité alimentaire ne cesse de prendre du terrain au Québec, il est grand temps d'y faire face et de renverser la vapeur. Statistique (…)

_Montréal, le 31 octobre 2024_ - L'insécurité alimentaire ne cesse de prendre du terrain au Québec, il est grand temps d'y faire face et de renverser la vapeur.

Statistique Canada nous apprenait récemment que le niveau d'insécurité alimentaire a considérablement augmenté dans les dernières années. De 9,6 % des ménages canadiens qui vivaient une forme d'insécurité alimentaire en 2017, nous sommes passés en 2022 au taux de 15.6 %. Les données qui émanent du Bilan Faim publié en début de semaine par
Moisson Montréal sont, elles aussi, plus qu'alarmantes alors qu'on recense plus d'un million de demandes d'aide alimentaires mensuelles seulement dans la métropole.

Ces chiffres consternants nous poussent à constater que les réponses actuelles à l'insécurité alimentaire ne suffisent plus à limiter les dégâts. Plutôt que de miser sur les réponses caritatives habituelles, notre société a besoin de mesures plus globales qui permettent de s'attaquer au cœur du problème de l'insécurité alimentaire ainsi qu'aux
nombreux dysfonctionnements de notre système alimentaire qui crée et perpétue des inégalités, nuisant au bien-être de notre société et de la planète.

Devant ce constat, la reconnaissance du droit à l'alimentation par le gouvernement québécois apparait comme une réponse adéquate et pérenne.

Reconnu dans plusieurs textes internationaux tels que la Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH) et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), le droit à l'alimentation vise à garantir à toute personne, sans discrimination et dans le respect de sa dignité humaine, un accès physique et économique
stable à une alimentation adéquate et respectueuse de la biodiversité.

Le Canada et le Québec ont reconnu ce droit en 1976 en signant le PIDESC. Pourtant, il est clair que ce droit est loin d'être garanti, en témoignent notamment les hauts taux d'insécurité alimentaire, le piètre état de nos territoires nourriciers, la souffrance des producteurs et productrices agroalimentaires et la faible résilience de notre système
alimentaire mondialisé face aux crises climatique et géopolitique.

Que pourrait apporter le droit à l'alimentation comme réponse à la crise actuelle ?

Le droit à l'alimentation est un droit humain qui impose un cadre juridique clair au sein duquel les mesures favorisant la sécurité alimentaire doivent être réfléchies et mises en œuvre. Ce cadre se déploie à travers une vision qui se transpose dans quatre composantes : disponibilité et stabilité des approvisionnements alimentaires, accessibilité physique et économique des aliments, durabilité des systèmes alimentaires et adéquation des aliments.

En somme, il impose de prendre en compte simultanément toutes ces facettes de nos systèmes alimentaires et à surpasser les silos qui font qu'on tourne actuellement
en rond.

Ce droit fondamental instaure également des responsabilités bien définies pour les gouvernements qui ont l'obligation d'agir conformément à leurs engagements internationaux en faveur du droit à l'alimentation.

Ils doivent ainsi le respecter (ne pas porter eux-mêmes atteinte au droit), le protéger (empêcher les tiers de brimer le droit) et le mettre en œuvre (prendre des mesures concrètes pour garantir le droit). Ils doivent donc, pour ce faire, adopter les lois, les politiques et les programmes nécessaires à sa reconnaissance et sa réalisation, et ce,
dans tous les secteurs : alimentation, environnement, santé, économie, etc.

Le droit à l'alimentation exige finalement le respect de principes clés qui découlent de sa nature de droit humain. Le gouvernement doit donc s'assurer de respecter, dans toutes les modalités de réalisation du droit à l'alimentation, les principes de participation, responsabilité, non-discrimination, transparence, dignité humaine, empowerment et État de droit.

Comment garantir le droit à l'alimentation au Québec ?

Pour garantir le droit à l'alimentation et faire en sorte que les composantes, responsabilités et principes qui en découlent deviennent une réalité dans nos collectivités, il faut l'intégrer dans notre système juridique.

Le moyen idéal pour y parvenir, qui est la voie promue par nulle autre que l'Organisation des Nations Unies (ONU), est l'adoption d'une loi-cadre sur le droit à l'alimentation. Une telle loi-cadre, par sa nature de « super loi », viendrait encadrer légalement l'ensemble des nombreux enjeux qui touchent, de près ou de loin, au droit à l'alimentation : l'agriculture
et l'alimentation, la santé, l'environnement, le commerce, l'éducation, les conditions de travail, la sécurité sociale, l'aménagement du territoire, etc. Elle obligerait ainsi l'ensemble des ministères gouvernementaux à s'assurer que leurs lois, règlements et politiques se
conforment aux exigences du droit à l'alimentation.

La loi-cadre permettrait donc d'assurer un traitement systémique et rigoureux des enjeux juridiques, politiques, sociaux, économiques et environnementaux du droit à l'alimentation et imposerait aux décideurs publics une action multisectorielle et concertée pour garantir ce droit.

Elle donnerait aussi une assise légale à ce droit, rendant possible la saisie des tribunaux pour le faire respecter. En l'absence de reconnaissance de ce droit dans nos chartes de droits fondamentaux, il nous est actuellement impossible de le faire, contrairement aux autres droits qui bénéficient de cette protection.

Outre les fondements de ce droit, s'y retrouve également des explications sur les démarches entreprises par le RCCQ en vue de sa reconnaissance, notamment à travers son plaidoyer en faveur de l'adoption d'une loi-cadre sur le droit à l'alimentation par le gouvernement du Québec.

Pour en savoir plus sur ce droit, consultez le site internet développé par le Regroupement des cuisines collectives (RCCQ), dédié entièrement au droit à l'alimentation : www.droitalimentation.org [1]

À propos du RCCQ

Le Regroupement des cuisines collectives du Québec (RCCQ) favorise l'émergence, la consolidation et la concertation des cuisines collectives sur l'ensemble du territoire québécois, tout en militant pour la reconnaissance du droit à l'alimentation. Les valeurs fondamentales du RCCQ sont la dignité, la solidarité, l'autonomie, la démocratie, ainsi
que l'équité et la justice sociale.

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La francisation

5 novembre 2024, par Pierre Jasmin — , ,
L'épais dossier de la francisation, obscurci par des propagandes subventionnées par de riches anglophones - Université McGill, bilinguisme fédéral, The Gazette... - est mieux (…)

L'épais dossier de la francisation, obscurci par des propagandes subventionnées par de riches anglophones - Université McGill, bilinguisme fédéral, The Gazette... - est mieux compris en remontant à 1966, ce à quoi s'attelle avec une maîtrise inégalable le documentariste Félix Rose. Je lui avais exprimé en personne mon admiration pour son film historique les Rose - Iris prix du public au Gala Québec Cinéma 2021 - grâce auquel on s'évite désormais le piège pacifiste de caricaturer toutes les actions du FLQ et de son père Paul.

Par Pierre Jasmin, musicien médaillé d'or du ministre de l'Éducation - McGill 1970
Photo : Vincent Vachon à Sherbrooke avec Cindy Sarmiento, une étudiante d'origine colombienne

Problèmes actuels

Protestant avec des pancartes sans fautes d'orthographe (ça soulage des manifs de droite reconnaissables par des slogans haineux défigurés par l'ignorance de la langue), différents professeurs en francisation sont actuellement dans les rues de Granby et de Québec, notamment, à s'opposer aux coupures inadmissibles effectuées par le gouvernement Legault. Même s'il a mis en ondes une publicité remarquable fondée sur la fierté québécoise de « l'accueil de l'autre », le Premier ministre dépasse les bornes en bégayant, comme Pierre Poilievre, à blâmer Trudeau pour ses manques de fonds, logements, transferts sociaux, alouette, et pour les immigrants trop nombreux, ce que personne ne nie mais l'insistance caquiste devient trop trumpiste. Comment le ministre Roberge, qu'on félicite de consacrer $2,5 millions dans une publicité qui invite les Québécois à exiger le français, tant au travail que dans les commerces et au cinéma, laisse-t-il Bernard Drainville tirer ainsi dans le pied du travail accompli du gouvernement influencé par l'opposition non seulement de Québec Solidaire, du PQ mais aussi de la députée libérale Marwah Rizky ?
Radio-Canada Estrie (Yannick Cournoyer) nous informait le 21 octobre que le ministre de l'Éducation amputait le Centre de services scolaire de la Région-de-Sherbrooke d'une trentaine d'enseignants, en réduisant le nombre de classes de francisation de 28 à 5, qui ne pourront desservir à partir du 1er novembre que 85 de ses quatre cents étudiantEs. Parmi la trentaine d'enseignants mis à pied, Vincent Vachon aime tellement l'ardeur de ses élèves à apprendre le français, qu'il se déclare prêt à leur enseigner sans rémunération : « Ça fait dix ans que je leur enseigne en francisation. Je suis tellement reconnaissant d'être ici ; mais du jour au lendemain ce que l'on apprend, c'est que le gouvernement fait des coupures. Ça va les empêcher d'obtenir éventuellement la résidence permanente et de s'intégrer pleinement dans notre société. On les abandonne. On leur dit de retourner à la maison. »

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Gaza devant l’histoire, le livre dissonant d’Enzo Traverso

Gaza devant l'histoire, le nouveau livre de l'historien Enzo Traverso, opère comme une dissonance, comme un « contrepoint » au discours dominant de l'Occident. Un court essai (…)

Gaza devant l'histoire, le nouveau livre de l'historien Enzo Traverso, opère comme une dissonance, comme un « contrepoint » au discours dominant de l'Occident. Un court essai saisissant qui apporte une profondeur historique à une guerre atroce justifiée à coup de hasbara, de propagande, de désinformation et d'idéologie d'extrême droite.

Tiré du blogue de l'auteur.

Le texte s'ouvre avec le poème Silence pour Gaza de Mahmoud Darwich et le premier chapitre commence par une histoire allemande, « J'ai l'impression qu'aujourd'hui la grande majorité de nos chroniqueurs et commentateurs sont devenus « heideggeriens », enclins à interchanger les agresseurs et les victimes, à la différence près que les agresseurs actuels ne sont plus les vaincus mais les vainqueurs. »

Gaza devant l'histoire est un court essai, 136 pages saisissantes où Enzo Traverso, spécialiste de la modernité politique européenne et du judaïsme, convoque l'Histoire, la mémoire, l'origine des mots, les analogies historiques, les références géopolitiques pour contre-enquêter sur les attaques du Hamas, le 7 octobre 2023, et la guerre à Gaza.

Un livre qui apporte une profondeur historique à une guerre atroce justifiée à coup de hasbara, de propagande, de désinformation et d'idéologie d'extrême droite.

Qualifier les attaques meurtrières du 7 octobre de « pogrom », et les inscrire dans les persécutions subies par les juif·ves depuis des siècles, jusqu'à la Shoah, c'est dénier la colonisation et l'oppression des Palestinien·nes depuis 1948. Un autre déni amplement diffusé : Israël, pays né de la Shoah, ne peut pas commettre un génocide.

« Tout est planifié : la destruction des routes, des bâtiments, des écoles, des hôpitaux, des universités, des musées, des monuments et même des cimetières, rasés par les bulldozers ; l'interruption de l'approvisionnement en eau, en électricité, en gaz, en carburant, et d'internet ; le déni d'accès à la nourriture et aux médicaments ; l'évacuation de plus de 1,8 million des 2,3 millions de Gazaouis vers le sud de la bande, où ils sont à nouveau bombardés ; les maladies, les épidémies et maintenant la famine. Incapable d'éradiquer le Hamas, Tsahal a entrepris l'élimination de l'intelligentsia palestinienne : universitaires, médecins, techniciens, journalistes, artistes, intellectuels et poètes. »

Les solidarités avec la Palestine s'étendent du Sud global à l'Occident où de nombreux juif·ves clament « not in our name », « pas en notre nom ». La cause palestinienne est désormais l'emblème d'une grande partie de l'opinion publique, surtout des jeunes aux États-Unis et en Europe.

« Les États-Unis n'avaient pas connu des mobilisations d'ampleur similaire depuis la guerre du Vietnam. (…) À l'instar de leurs ancêtres, les étudiants d'aujourd'hui ont compris que leur action est cruciale pour arrêter le massacre, que leurs manifestations ne sont pas de simples gestes de solidarité, mais un soulèvement organiquement lié à la résistance palestinienne. »

Gaza devant l'histoire d'Enzo Traverso est un livre en situation, comme il dit ; écrit selon le précepte de Sartre, en situation dans son époque, et en réaction urgente aux fausses vérités et à la partialité des jugements.

Visionner l'entrevue sur vidéo.

EXTRAITS DE GAZA DEVANT L'HISTOIRE D'ENZO TRAVERSO

EXÉCUTEURS ET VICTIMES

(…) Les souffrances infligées aux civils allemands pendant et après la Seconde Guerre mondiale, quand ils furent expulsés par millions d'Europe centrale, sont incontestables, mais lorsque Martin Heidegger les évoqua pour renverser les rôles et présenter l'Allemagne comme ayant été victime d'une agression extérieure, Herbert Marcuse mit un terme à leur correspondance. En adoptant ces positions, écrivit-il, Heidegger se plaçait « hors du logos », hors de « la dimension dans laquelle un dialogue entre êtres humains est encore possible ».

Ce n'est qu'à la fin des années 1990, une fois que l'Allemagne réunifiée eut pleinement intégré la mémoire des crimes nazis dans sa conscience historique, que ses propres souffrances pendant la Seconde Guerre mondiale purent être non seulement étudiées, mais reconnues et débattues dans l'espace public sans susciter de malentendus, sans apparaître comme des excuses ou des tentatives d'auto-absolution. En ce sens, j'ai l'impression qu'aujourd'hui la grande majorité de nos chroniqueurs et commentateurs sont devenus « heideggeriens », enclins à interchanger les agresseurs et les victimes, à la différence près que les agresseurs actuels ne sont plus les vaincus mais les vainqueurs.

La guerre à Gaza n'est pas la Seconde Guerre mondiale, cela est bien évident, mais les analogies historiques – qui ne sont jamais des homologies –peuvent nous orienter, même si elles mettent en scène des acteurs très différents et des événements qui n'ont pas la même échelle. C'est dans cet esprit que, en 1994, Jean-Pierre Chrétien évoqua un « nazisme tropical » à l'œuvre lors du génocide des Tutsis au Rwanda et que le mot « génocide » refit son apparition en Europe pendant la guerre en ex-Yougoslavie, notamment après le massacre de Srebrenica. Lors d'un génocide, aussi complexe en soit le contexte historique, il y a toujours des exécuteurs et des victimes. Or, l'écrivain qui racontera demain la guerre à Gaza devra faire un autre constat que celui de Sebald, car aujourd'hui les rôles sont inversés. Alors qu'Israël détruit Gaza sous une pluie de bombes, Israël est présenté comme la victime du « plus grand pogrom de l'histoire après l'Holocauste ».

La scène est paradoxale, comme un procès de Nuremberg où, au lieu de juger les atrocités commises par les nazis, on jugeait celles commises par les Alliés. Symbole de la justice des vainqueurs, le procès de Nuremberg était pétri de contradictions, mais personne ne pouvait sérieusement contester la culpabilité des accusés. Depuis le 7 octobre 2023, en revanche, Israël pose en victime. (…)

Le discours dominant autour du 7 octobre fait de cette date une sorte d'épiphanie négative, une apparition soudaine du mal d'où jaillit une guerre réparatrice. Le compteur est reparti à zéro, ce jour-là, comme s'il s'agissait de la seule origine de cette tragédie. Le 7 octobre aurait déchiré le voile sur le Hamas et Israël, assignant à chacun son rôle, l'auteur et la victime. La bande de Gaza, territoire habité par 2,4 millions de personnes soumises à une ségrégation totale depuis douze ans, est donc devenue le berceau du mal, où des assassins sans scrupules agissent en toute impunité, transformant les civils en « boucliers humains ». La réalité, c'est que la destruction de Gaza est l'aboutissement d'un long processus d'oppression et de déracinement. Il y a vingt-deux ans, en août 2002, Edward Said décrivait en ces termes la violence israélienne lors de la seconde Intifada :

« Gaza est entouré sur trois côtés d'une barrière électrifiée. Parqués comme des bêtes, les Gazéens ne peuvent plus se déplacer, travailler, vendre leurs fruits et légumes, aller à l'école. Ils sont exposés aux frappes aériennes des avions et hélicoptères israéliens, et aux tirs terrestres des tanks et des mitrailleuses qui les fauchent. Appauvri, affamé, Gaza est un cauchemar humain où chaque petit incident […] se solde par la participation de milliers de soldats dans l'humiliation, la punition, l'affaiblissement intolérable de chaque Palestinien sans distinction d'âge, de sexe ou d'état de santé. On retient les fournitures médicales à la frontière, on tire sur les ambulances ou on les arrête, des centaines de maisons sont démolies et des centaines de milliers d'arbres et de terres agricoles sont détruits dans des actes systématiques de châtiment collectif contre des civils qui, pour la plupart, sont déjà des réfugiés de la destruction par Israël de leur société en 1948. »

ORIENTALISME

(…) La différence entre l'époque où Said écrivait L'orientalisme et aujourd'hui tient au fait qu'au XXe siècle, l'Occident conquérant prétendait répandre ses lumières, tandis qu'aujourd'hui il se considère comme une forteresse assiégée. Ainsi, blessée par l'attaque « barbare » du Hamas, « la seule démocratie du Moyen-Orient » a, affirme-t-on, le droit de se défendre : tous nos chefs d'État se sont rendus en pèlerinage à Tel-Aviv pour assurer Netanyahou de leur soutien. Soutien qui demeure inébranlable, même après la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU pour un cessez-le-feu à Gaza – laquelle restera un vœu pieux tant que personne n'agira pour en imposer l'application – et même après que sa CIJ a reconnu qu'il y a un risque de génocide.

À côté des déclarations rituelles sur le droit d'Israël à se défendre, personne n'évoque jamais le droit des Palestiniens à résister contre une agression qui dure depuis des décennies, parce que personne ne reconnaît que les Palestiniens ont une histoire. Le trope de la confrontation entre civilisation et barbarie, aujourd'hui explicitement reformulé comme un duel entre démocratie occidentale et terrorisme islamique, a trouvé son expression la plus cynique dans les propos des porte-parole de Tsahal cités par les médias israéliens +972 et Local Call.

Les barbares du Hamas, disent-ils, tuent des civils et tirent des roquettes à l'aveuglette sur les villes israéliennes dans l'espoir que quelques-unes ne soient pas interceptées et fassent des dégâts. Tsahal, au contraire, incarne le progrès technologique : ses bombes ne sont pas aveugles, mais choisissent leurs cibles à l'aide de l'IA. Selon un ex-officier du renseignement, l'armée israélienne a développé un programme appelé « Habsora » (Évangile) qui sélectionne automatiquement ses cibles et fonctionne comme une « usine d'assassinats de masse ». Comme l'explique un autre officier de Tsahal, « rien n'arrive par hasard. Quand une fillette de trois ans est tuée dans une maison à Gaza, c'est parce que quelqu'un dans l'armée a décidé qu'il n'était pas grave qu'elle meure, que c'était le prix à payer pour atteindre [une autre] cible. Nous ne sommes pas le Hamas. Il ne s'agit pas de roquettes tirées au hasard. Tout est intentionnel. Nous savons exactement combien de dommages collatéraux il y a dans chaque maison ». (…)

Israël vit le jour en 1948, quand le monde entrait dans l'ère de la décolonisation, et le monde arabe, en Palestine comme ailleurs, avait développé une conscience nationale. Son projet consistant à bâtir une société nationale juive sans Arabes, le sionisme se tint toujours en équilibre entre une composante séculière et une composante religieuse. La première était exposée en permanence aux excès du nationalisme colonial et hiérarchique ; la seconde – pendant longtemps minoritaire au sein du judaïsme – revendiquait la terre au nom du mythe biblique : si les Juifs sont les habitants premiers et légitimes de la Palestine, les Palestiniens n'en sont que les occupants abusifs. La colonisation n'est qu'un « retour », dont la condition nécessaire est l'expulsion des intrus.

Ces deux formes de colonialisme, l'une séculière et l'autre religieuse, ont toujours été inextricablement liées au sein du sionisme. Gordon, un des théoriciens du sionisme travailliste, nationaliste juif ukrainien qui s'installa dans la Palestine ottomane en 1904, réunissait dans ses écrits les arguments classiques du colonialisme (la supériorité raciale des Européens sur les Arabes) et ceux de la théologie. En 1921, il se demandait : « Et qu'ont donc créé les Arabes tout au long de leur séjour ici ? De telles créations, ne serait-ce que celle de l'Ancien Testament, confèrent un droit indéfectible au peuple juif qui les a créées sur la terre où il les a créées, surtout si le peuple venu après lui n'y a rien créé de semblable ou n'y a rien créé du tout. » Soulignant que ces idées avaient « l'assentiment complet de tous les pères fondateurs », Sternhell conclut que, « de fait, la Bible a été l'argument suprême du sionisme ».

Aujourd'hui, ces deux tendances, séculière et religieuse, se sont coalisées dans un projet théologico-politique qui prend un caractère radical, rédempteur. Dans ce cadre, le sionisme socialiste des origines a proprement disparu.

(…) Israël viole le droit international depuis des décennies et aujourd'hui, son armée détruit Gaza avec un arsenal fourni principalement par les États-Unis, l'Allemagne, l'Italie et la France. Les États-Unis pourraient faire cesser la guerre en quelques jours, mais ils ne veulent pas retirer leur soutien à un gouvernement corrompu d'extrême droite, composé de fondamentalistes, racistes et criminels de guerre. Ils en sont incapables parce que ce gouvernement fait partie intégrante de leur dispositif géopolitique et parce qu'ils éprouvent à l'égard des Israéliens une compassion narcissique qu'ils ne sauraient étendre aux Arabes.

RAISON D'ÉTAT

(…) La mémoire de l'Holocauste est rituellement honorée, dans les pays de l'Union européenne, comme une religion civile de la démocratie et des droits de l'homme. Aujourd'hui, elle tend à perdre sa vocation initiale pour être de plus en plus assignée à la défense d'Israël et à la lutte contre l'antisionisme, considéré comme une forme d'antisémitisme.

Angela Merkel et Olaf Scholz ont tous deux affirmé à plusieurs reprises que le soutien inconditionnel à Israël a la force d'une « raison d'État » (Staats-raison) pour la République fédérale d'Allemagne (RFA).

(…) De Machiavel et Friedrich Meinecke, ses théoriciens, jusqu'à ses moins nobles exécuteurs tel Paul Wolfowitz, tous conviennent que la raison d'État désigne un pouvoir politique qui enfreint ses propres principes éthiques au nom d'un intérêt supérieur, généralement un intérêt de puissance.

(…) Le 27 juin 2024 est entrée en vigueur la nouvelle loi sur la naturalisation qui fait de la reconnaissance de l'État d'Israël une condition pour devenir citoyen de la RFA. Omer Bartov a bien montré que, par son interprétation du caractère unique de l'Holocauste, l'Allemagne s'est « placée dans une position moralement très douteuse » qui consiste à la fois à banaliser ses propres crimes coloniaux et à « nier la culpabilité d'Israël dans la destruction actuelle de Gaza, y compris dans le fait d'assassiner et de faire mourir de faim des dizaines de milliers de civils palestiniens ».

FAUSSES NOUVELLES SUR LA GUERRE

(…) Bloch écrit : « L'erreur ne se propage, ne s'amplifie, ne vit enfin qu'à une condition : trouver dans la société où elle se répand un bouillon de culture favorable. En elle, inconsciemment, les hommes expriment leurs préjugés, leurs haines, leurs craintes, toutes leurs émotions fortes. »

(…) De nombreux historiens de l'Inquisition et de l'antisémitisme ont étudié la mythologie du « meurtre rituel » du Moyen Âge jusqu'à la Russie des tsars, démontrant entre autres que la rumeur selon laquelle les juifs tuaient des enfants chrétiens pour utiliser leur sang à des fins rituelles se répandait régulièrement avant l'éclatement d'un pogrom.

De façon analogue, après le 7 octobre, la plupart des médias occidentaux, y compris de nombreux journaux réputés sérieux, ont publié de fausses histoires de femmes enceintes éventrées, de dizaines d'enfants décapités et de bébés jetés dans des fours par les combattants du Hamas. Les journalistes des chaînes télévisées annonçaient d'un air grave et indigné qu'ils détenaient des images terribles d'atrocités qu'ils ne diffuseraient pas pour ne pas perturber les téléspectateurs.

Ces inventions diffusées par l'armée israélienne ont été immédiatement acceptées comme des preuves – Joe Biden, Antony Blinken et des ministres des gouvernements européens les ont reprises dans leurs discours – pour être démenties du bout des lèvres quelques semaines plus tard.

ANTISIONISME ET ANTISÉMITISME

(…) La réalité est que l'antisémitisme est devenu une arme de combat (a été weaponized, comme on dit aux États-Unis). Non pas l'antisémitisme d'autrefois, qui était dirigé contre les Juifs, mais un nouvel antisémitisme imaginaire qui sert à criminaliser la critique d'Israël. Le mouvement antiguerre est très large et présente une grande diversité, aux États-Unis comme en Europe. Dans cette vaste constellation, trois sensibilités principales se détachent assez nettement. La première est celle des jeunes d'origine postcoloniale, qui sont nés en Europe ou dans les Amériques au sein de familles issues d'Afrique et d'Asie. Pour ces jeunes, la cause palestinienne est une nouvelle étape de la lutte contre le colonialisme. Il y a ensuite les Africains- Américains, qui associent la libération de la Palestine à un combat global contre le racisme et les inégalités. Comme celles des Noirs, les vies des Palestiniens « comptent » (Black Lives Matter) ; Israël a instauré à l'égard des Palestiniens un système d'apartheid comparable à celui qui existait autrefois en Afrique du Sud.

Il y a enfin les jeunes qui réactualisent une tradition universaliste et internationaliste spécifiquement juive, une tradition qui s'est toujours manifestée à l'écart, sinon contre le sionisme. Beaucoup d'entre eux sont des « Juifs non juifs » au sens d'Isaac Deutscher : des « hérétiques » qui participent d'une tradition juive en transcendant le judaïsme. D'autres sont des « dreyfusards » au sens de Pierre Vidal-Naquet, des Juifs qui ne tolèrent pas qu'on discrimine, opprime et tue en leur nom, comme les Français qui soutenaient la cause algérienne au nom d'un certain idéal républicain d'égalité et de justice. Au XXe siècle, cette tradition avait placé les Juifs à l'avant-garde de tous les mouvements émancipateurs. Visiblement, elle reste très vivante et on doit s'en réjouir. La campagne médiatique qui dénonce le prétendu antisémitisme des étudiants mobilisés pour la Palestine s'attaque directement à ces trois courants.

Assimiler l'antisionisme à l'antisémitisme permet de faire d'une pierre trois coups, en frappant à la fois l'anticolonialisme, l'antiracisme et l'anticonformisme juif. (…)

La droite conservatrice et même l'extrême droite sont devenues d'ardentes défenseuses du sionisme, considérant que les immigrés arabes et musulmans font de bien meilleurs boucs émissaires que les Juifs. Les antisémites d'hier sont aujourd'hui à l'avant-garde dans la lutte contre l'antisionisme, dénoncé comme une forme d'antisémitisme. (…) Aujourd'hui, une campagne médiatique persistante dépeint les étudiants propalestiniens comme des antisémites. Dans certaines universités américaines, ils sont blacklistés ou menacés de sanctions en raison de leur participation aux manifestations contre le génocide à Gaza. Le principe sacré du free speech apparaît soudainement intolérable lorsqu'il dérange les puissants donateurs des grandes universités, qui se révèlent ainsi être des corporations avant d'être des espaces de liberté. L'association antisioniste Jewish Voice for Peace est interdite sur plusieurs campus américains. (…)

À New York, des fourgonnettes circulent autour de l'université Columbia en arborant des photos d'étudiants propalestiniens avec leurs noms et le stigmate « antisémite », triste parodie de l'Allemagne nazie de 1935, à l'époque des lois de Nuremberg, lorsque les Juifs étaient exhibés dans les rues avec un panneau autour du cou où on pouvait lire : Jude.

VIOLENCE, TERRORISME, RÉSISTANCE

(…) Certains ont vu dans les atrocités du 7 octobre « le pire pogrom de l'histoire après la Shoah », d'autres le produit d'une longue séquence de violences israéliennes. Bien évidemment, ceci ne justifie pas cela : des décennies d'occupation n'atténuent en rien l'horreur du massacre d'enfants israéliens et, de la même façon, l'histoire de l'antisémitisme ne peut pas être invoquée pour cautionner un génocide à Gaza.

Ces violences, cependant, sont nées dans un contexte explosif. Perpétrer un carnage lors d'une rave-party constitue sans aucun doute un crime abominable qui doit être sanctionné, mais une rave-party protégée par un mur électronique à côté d'une prison à ciel ouvert n'est pas aussi anodine qu'un concert dans une salle parisienne. Dans les années 1980, dans Berlin divisé, on organisait des concerts rock près du mur pour que, de l'autre côté, les gens puissent entendre. Le message était simple : nous voudrions être avec vous et ce concert est une protestation contre ce mur qui nous sépare. Mais la rave-party du Néguev se déroulait dans la plus totale indifférence de ce qui se passait au-delà du mur électronique. Gaza n'existait pas. Tôt ou tard, la cocotte allait éclater.

L'attaque du 7 octobre est une atrocité. Soigneusement planifiée, elle a été bien plus meurtrière que le massacre de Deir Yassin ou d'autres tueries similaires commises par l'Irgoun en 1948. Elle visait à répandre la terreur et, cela va de soi, rien ne la justifie, mais elle doit être analysée et pas seulement déplorée. Le débat sur le rapport entre la fin et les moyens ne date pas d'aujourd'hui. La dialectique qui les unit fait que tous les moyens ne sont pas admis pour atteindre un but ; au contraire, chaque fin exige des moyens appropriés : la liberté ne peut pas être conquise en tuant consciemment des innocents. En l'occurrence, ces moyens inappropriés et répréhensibles ont été utilisés dans le cadre d'une lutte légitime contre une occupation illégale, inhumaine et inacceptable.

Comme l'a souligné António Guterres, le secrétaire général de l'ONU, le 7 octobre n'est pas surgi du néant. Il est une conséquence extrême de décennies d'occupation, de colonisation, d'oppression et d'humiliation. Toutes les formes de protestation pacifique ont été réprimées dans le sang, Israël a saboté les accords d'Oslo dès le début, et l'Autorité palestinienne, totalement impuissante, est devenue en Cisjordanie une sorte de police auxiliaire de Tsahal. En octobre 2023, Israël était en train de « négocier la paix » avec ses voisins arabes sur le dos des Palestiniens et poursuivait l'objectif, qu'il reconnaît ouvertement aujourd'hui, d'étendre des colonies en Cisjordanie. (…)

Le terrorisme du Hamas n'est que la doublure dialectique du terrorisme d'État israélien. Le terrorisme n'est jamais beau ou réjouissant, mais celui des opprimés est engendré par celui de leurs oppresseurs. Les terroristes qui tuent des enfants dans un kibboutz sont détestables ; les snipers qui tuent des enfants dans une rue ou font exploser un convoi humanitaire le sont tout autant ; les deux doivent être condamnés. Mais on ne peut pas pour autant mettre un trait d'égalité entre la violence d'un mouvement de libération nationale et celle d'une armée d'occupation, car leur légitimité n'est pas la même.

Les crimes du premier tiennent à l'usage de moyens illégitimes ; ceux de la seconde tiennent à sa propre finalité, dont ils découlent. Le concept de terrorisme est controversé et difficile à définir. La seule différence normative qui distingue les combattants d'un groupe ou d'une organisation terroriste des soldats d'une armée régulière est d'ordre juridique : les premiers ne possèdent pas le statut légal que confère l'appartenance à un État. Cette différence se manifeste souvent dans la tenue vestimentaire. Les idéologies, les valeurs, la morale et les méthodes d'action peuvent varier considérablement aussi bien chez les mouvements terroristes que chez les armées, mais ces dernières disposent généralement de moyens de destruction beaucoup plus puissants. La supposée supériorité éthique des armées sur les groupes terroristes a été réfutée à d'innombrables reprises dans l'histoire. (…)

Frantz Fanon souligne le caractère libérateur de la violence exercée par les dominés : « L'homme colonisé se libère dans et par la violence. » Jean-Paul Sartre, dans la préface, va encore plus loin en approuvant sans réserve la violence anticoloniale. (…)

Le 7 octobre marque le retour spectaculaire de la violence palestinienne après l'échec des accords de paix d'Oslo. Cela ne signifie certes pas que cette intervention sera efficace ou inéluctable, mais il serait difficile de nier qu'elle est une conséquence de cet échec, de ce naufrage voulu par Netanyahou et consciemment perpétué par tous les gouvernements israéliens depuis trente ans.

Il serait stupide de se réjouir de ce retour de la violence, mais la portée de ce tournant historique ne peut être sous-estimée. L'expliquer par le fanatisme islamique, la barbarie du Hamas ou l'antisémitisme atavique serait une piètre échappatoire, une façon de se cacher la face derrière des préjugés. Dans la terrible compétition entre la violence israélienne et celle des Palestiniens, c'est incontestablement la première qui gagne. Mais le Vietnam et, plus récemment, l'Afghanistan nous ont enseigné que dans une guerre, les rapports de force ne se mesurent pas seulement sur le plan militaire, et la résistance armée peut faire plier un adversaire bien plus puissant, lorsque sa domination est devenue à tel point illégitime qu'elle se révèle coûteuse, inefficace et contreproductive. Les leaders israéliens et leurs alliés n'ont pas l'air d'avoir compris la leçon.

MÉMOIRES CROISÉES

(…) Désormais intégré au sein du monde occidental, Israël emprunte son langage et ses vieux préjugés racistes pour les transposer sur les Palestiniens. (…) En 1983, Rafael Eitan, chef d'état-major de l'armée, avait déjà qualifié les Palestiniens de « cafards [...] dans une bouteille ». Ceux qui connaissent un peu l'histoire de l'antisémitisme, de Édouard Drumont à Hitler, n'auront aucun mal à retracer la généalogie de cette rhétorique. Par ricochet, l'arsenal très riche en stéréotypes antisémites créé en Europe à la fin du XIXe siècle s'est déplacé aujourd'hui au Proche-Orient, où il prospère, y compris sous ses formes les plus grotesques comme celle des Protocoles des sages de Sion, facilement accessibles sur internet et dans les librairies des capitales arabes.

Cette greffe moyen-orientale de l'antisémitisme européen vient conforter le récit sioniste selon lequel ce ne sont pas les décennies d'oppression et de déni des droits des Palestiniens qui sont derrière l'attentat du 7 octobre, mais plutôt l'antisémitisme ancestral, la haine éternelle et inguérissable des Juifs.

L'attentat est devenu un « pogrom », comme si c'était le Hamas qui détenait le pouvoir, et que les Israéliens n'étaient qu'une minorité opprimée comme les Juifs à l'époque des tsars. Une réécriture de l'histoire à laquelle Benjamin Netanyahou s'est essayé plusieurs fois, notamment en prétendant que l'inspirateur d'Hitler avait été le grand mufti de Jérusalem et que le Hamas – comme jadis Yasser Arafat – ne serait que la réincarnation du nazisme.

Il n'y a là rien d'inédit.

Exaspérés par la prolifération de ces récits mythologiques et par la violence qu'ils alimentent, certains intellectuels ont tenté d'en retracer les origines. À la fin des années 1980, le journaliste israélien Yehuda Elkana, qui avait assisté à plusieurs atrocités pendant la guerre du Liban en 1982, a suggéré que cette propension découlait d'une « profonde peur existentielle [...] tendant à faire du peuple juif l'éternelle victime d'un monde hostile ». Cette croyance, qui n'a visiblement pas disparu quarante ans plus tard, constituait à ses yeux, « paradoxalement, la tragique victoire de Hitler ». Constatant que le nazisme n'avait pas cessé d'affecter les esprits, il proposait d'explorer les vertus de l'oubli. Il écrivait : « Le joug de la mémoire historique doit être extirpé de nos vies. »

Il y a une vingtaine d'années déjà, l'historien anglo-américain Tony Judt constatait avec désespoir qu'après la guerre de 1967, et plus encore après la première Intifada, Israël avait subi une sombre transformation :

« Aujourd'hui [l'image d'Israël] est effroyable : un endroit où des jeunes de dix-huit ans armés de M16 rudoient en ricanant des vieillards impuissants (« mesures de sécurité ») ; où des bulldozers aplatissent régulièrement des bâtiments entiers (« châtiment collectif ») ; où des hélicoptères tirent des roquettes dans les rues de quartiers d'habitation (« assassinat ciblé ») ; où des colons subventionnés s'ébattent dans des piscines entourées de pelouse en oubliant que, quelques mètres plus loin, des enfants arabes croupissent dans les pires taudis de la planète ; et où des généraux en retraite et des ministres en exercice parlent ouvertement […] de débarrasser le territoire de son cancer arabe. »

FROM THE RIVER TO THE SEA

(…) Après l'annexion de Jérusalem Est, où ont déménagé 220 000 colons, l'installation de 500 000 colons en Cisjordanie et la destruction de Gaza, le scénario des deux États est devenu objectivement impossible. Qui plus est, le gouvernement d'Israël ne veut pas de deux États ; il veut annexer la Cisjordanie et procéder au nettoyage ethnique de Gaza.

(…) Alors que peut-on espérer ? Il y a vingt ans, Edward W. Said affirmait qu'un État binational laïque – une république démocratique capable de garantir une totale égalité des droits à ses citoyens juifs comme palestiniens – était la seule voie possible vers la paix. C'est d'ailleurs le sens du slogan From the river to the sea, Palestine will be free – avec ses variantes From the river to the sea, we demand equality et From the river to the sea, everyone must be free – que la plupart des médias s'obstinent à qualifier d'antisémite, reprenant une accusation qui remonte aux années de la guerre de Kippour, lorsque l'Anti-Defamation League du B'nai B'rith s'est mise à dénoncer un nouvel antisémitisme à gauche de l'échiquier politique. (…)

En 1950, au lendemain de la première guerre israélo-arabe, Arendt écrivait que la principale tragédie provoquée par ce conflit était « la création d'une nouvelle catégorie d'apatrides, les réfugiés arabes ». Loin d'assurer sa sécurité, la victoire d'Israël avait jeté les prémisses d'une crise permanente.

Arendt : « Et même si les Juifs devaient gagner la guerre, la fin du conflit verrait la destruction des possibilités uniques et des succès uniques du sionisme en Palestine. Le pays qui naîtrait alors serait quelque chose de tout à fait différent du rêve des Juifs du monde entier, sionistes et non sionistes. Les Juifs « victorieux » vivraient environnés par une population arabe entièrement hostile, enfermés entre des frontières constamment menacées, occupés à leur autodéfense physique au point d'y perdre tous leurs autres intérêts et toutes leurs autres activités. Le développement d'une culture juive cesserait d'être le souci du peuple entier ; l'expérimentation sociale serait écartée comme un luxe inutile ; la pensée politique serait centrée sur la stratégie militaire ; le développement économique serait exclusivement déterminé par les besoins de la guerre. Et tout cela serait le destin d'une nation qui – quel que soit le nombre d'immigrants qu'elle absorberait et si loin qu'elle étendrait ses frontières (la revendication absurde des révisionnistes inclut l'ensemble de la Palestine et la Transjordanie) – resterait néanmoins un tout petit peuple, largement supplanté en nombre par des voisins hostiles. »

Cette perspective, que Arendt envisageait comme un cauchemar, est aujourd'hui sous nos yeux.

Gaza devant l'histoire, Enzo Traverso, Lux Éditeur, Québec, 2024

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Les élections en Colombie-Britannique : un fiasco pour le NPD

5 novembre 2024, par David J. Climenhaga — , ,
Le plus grand perdant du fiasco de samedi est sans contredit le premier ministre David Eby, dont le parti jouissait d'une avance de plus de 20 % dans les sondages l'automne (…)

Le plus grand perdant du fiasco de samedi est sans contredit le premier ministre David Eby, dont le parti jouissait d'une avance de plus de 20 % dans les sondages l'automne dernier mais qui s'est retrouvé au bord du gouffre de la défaite le jour du vote.
Aucun parti politique ne peut arracher la défaite des mâchoires de la victoire comme le NPD !

Tiré de Rabble Lundi 21 octobre 2024 / DE : David J. Climenhaga. Traduction Johan Wallegren.

Et, comme nous avons été horrifiés de le voir dans la soirée de samedi, aucun autre parti néo-démocrate au pays ne peut prétendre tirer son épingle du jeu avec autant de flegme que le NPD de la Colombie-Britannique.

Il faudra attendre une semaine avant de savoir qui a réellement remporté la majorité à l'Assemblée législative de Victoria – mais pas à cause des histoires à dormir debout que Rob Anderson, le prochain chef de cabinet de la première ministre de l'Alberta Danielle Smith, a racontées concernant les machines à voter pour asticoter la base du Parti conservateur unifié (PCU) de notre province.

Non, en Colombie-Britannique, ce sont de simples bulletins de vote en papier qui sont utilisés, tout comme chez nous. Le problème, c'est qu'avec le NPD et le Parti conservateur de la Colombie-Britannique à égalité dans plusieurs circonscriptions, il va falloir recompter les voix, ce qui prendra un temps certain.

Cependant, quelles que soient vos opinions politiques, et quel que soit le candidat de la province la plus à l'ouest du Canada que vous souhaitez voir couronné, vous devez admettre que le plus grand perdant du fiasco de samedi est sans contredit le premier ministre David Eby, dont le parti jouissait d'une avance de plus de 20 % dans les sondages l'automne dernier mais qui s'est retrouvé au bord du gouffre de la défaite le jour du vote.

Des éléments crédibles peuvent être avancés pour affirmer que le grand gagnant a été John Rustad, le leader du Parti conservateur de la Colombie-Britannique, un négateur du changement climatique, sceptique à l'égard des vaccins qui, curieusement drapé dans les oripeaux du Crédit social de la Colombie-Britannique, semble vouloir rivaliser de débilité pure avec le PCU.

Certes, c'est la deuxième fois que le NPD de la Colombie-Britannique dilapide une avance de 20 % dans les sondages !

Adrian Dix en avait fait de même dans les semaines qui ont précédé l'élection de 2013 alors qu'il était chef du parti – de manière encore plus spectaculaire qu'Eby, en ne mettant que quelques mois (comparativement à une année entière) pour gâcher l'avance apparemment insurmontable de son parti et perdre contre les libéraux de la Colombie-Britannique, qui, de manière déroutante, étaient en fait de véritables conservateurs.
C'est quoi ce cirque, est-on porté à vouloir demander.

Eh bien, les néo-démocrates de quasiment partout au pays sont affligés d'un besoin maladif de se comporter comme les boy scouts de la politique, se tirant dans les deux pieds avec leur sincère esprit sportif.

Revenons à Adrian Dix en 2013 : il s'agissait alors de ne tolérer aucune négativité face au tsunami de quolibets des libéraux de Colombie-Britannique, appelés ainsi pour des raisons mystérieuses puisqu'il s'agissait essentiellement du Crédit social 2.0. Résultat : un quatrième mandat pour les libéraux.

Tournons-nous vers Rachel Notley en 2023 : La principale erreur non corrigée de la campagne 2023 du NPD en Alberta a été la naïve décision de dire la vérité sur une augmentation d'impôt de 3 % applicable aux plus grandes entreprises. Résultat : un second mandat pour le PCU, à présent dirigé par l'exécrable Danielle Smith.
Venons-en à David Eby et à ce samedi : Pourquoi diable n'a-t-il pas déclenché des élections à l'automne 2023, alors qu'il avait une avance écrasante dans les sondages et que les libéraux de la Colombie-Britannique n'avaient pas encore fait leur hara-kiri politique de manière à laisser la place aux Conservateurs de la province, le Crédit social 3.0, vendu au méga-MAGA ? Nous ne le saurons probablement jamais avec certitude, mais je parierais qu'il faut encore blâmer une attitude pusillanime conditionnée par le mantra « Oh, ça ne se fait pas ! ». Il y aura sûrement quelqu'un pour nous rappeler que nous avons une date d'élection fixe en Colombie-Britannique, ce qui signifie qu'on sera fixé bientôt.

Ce qui n'aide pas est que dans presque toutes les élections récentes, à l'exception peut-être de la victoire de Wab Kinew en 2023 au Manitoba, les partis néo-démocrates ont eu tendance à s'éloigner de leur base et faire campagne pour gagner le cœur des électeurs conservateurs indécis… qui n'existent peut-être même pas.

Le leader fédéral Thomas « déficit zéro » Mulcair a suivi une telle stratégie en 2015, et s'est vu débordé sur la gauche par Justin Trudeau.

On peut lire sous la plume de l'historien Alvin Finkel que Rachel Notley s'est détournée d'une flopée de politiques progressistes qui auraient permis au NPD albertain de gagner des voix. Semble-t-il que celles-ci auraient été trop radicales pour les électeurs conservateurs indécis, si j'ai bien compris.

David Eby a cédé à l'hystérie anti-taxes/impôts [« Axe the Tax »] des conservateurs fédéraux et a cabré devant l'obstacle lorsqu'il s'est agi d'implanter une taxe carbone qui aurait fait de sa province une pionnière. Cela a-t-il poussé des milliers d'électeurs britanno-colombiens soucieux de l'environnement dans les bras des Verts et divisé le vote progressiste dans plusieurs circonscriptions ? Rien n'est plus sûr !

Le fait que le NPD ait forcé l'énorme banlieue de Surrey, dans la région de Vancouver, à abandonner la GRC au profit d'une force locale, une décision impopulaire qui a fait basculer de nombreux votes néo-démocrates du côté des Conservateurs, n'a certainement pas aidé (ce qui devrait donner matière à réflexion au PCU ici en Alberta). La météo de samedi a certes été désastreuse, mais il y avait lieu de parier sur la faculté du NPD de survivre à de telles petites calamités.

Et vous vous demandez peut-être où était passé John Horgan, le néo-démocrate à l'ancienne qui est devenu chef du parti en 2014 alors que personne d'autre ne semblait vouloir le poste – et premier ministre de la Colombie-Britannique en 2017 après qu'un résultat électoral similaire a conduit à un accord de confiance et de soutien avec les Verts ? Après tout, il a remporté la majorité en 2020 et a probablement été en grande partie responsable des bons résultats obtenus par David Eby dans les sondages l'an dernier.
Hélas, celui-ci a annoncé qu'il quitterait la vie politique en 2022, après une récidive de cancer, déclarant qu'il ne pouvait pas continuer à être chef et premier ministre du fait des retombées de son traitement. Il a démissionné en février 2023 et, un mois plus tard, le Premier ministre Justin Trudeau l'a nommé ambassadeur du Canada en Allemagne.
En juin, John a reçu un troisième diagnostic de cancer et, le soir des élections, il était soigné dans un hôpital de Berlin.

Bien entendu, le résultat électoral d'hier n'aura pas d'importance pour un grand nombre de néo-démocrates purs et durs. Certains se sentiront même soulagés si, une fois la poussière des recomptages retombée, le parti en sort perdant.

Après tout, qu'y a-t-il de plus doux qu'une victoire morale sans complications ?
Mais comme les conservateurs canadiens adoptent l'extrémisme du mouvement MAGA qui sévit au sud de la frontière et intensifient leurs attaques contre les soins de santé publics, les droits humains et l'environnement, je ne suis pas sûr que nous puissions encore nous permettre d'avoir un NPD qui préfère les victoires morales aux vraies victoires.

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Le « manuel IHRA » de Trudeau favorisera la persécution de l’activisme palestinien et doit être retiré : CJPMO

5 novembre 2024, par Canadiens pour la paix et la justice au Moyen-Orient (CJPMO) — , ,
Canadiens pour la justice et la paix au Moyen-Orient (CJPMO) prévient que le « manuel IHRA » pro-censure publié aujourd'hui par Patrimoine canadien aura un effet paralysant sur (…)

Canadiens pour la justice et la paix au Moyen-Orient (CJPMO) prévient que le « manuel IHRA » pro-censure publié aujourd'hui par Patrimoine canadien aura un effet paralysant sur le discours et l'activisme pro-palestinien et demande qu'il soit retiré immédiatement.

Source

La société civile, les groupes de défense des droits de l'homme et les associations de professeurs s'opposent largement à la définition de travail de l'antisémitisme de l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste (connue sous le nom de « IHRA ») parce qu'elle confond délibérément la critique de la politique israélienne avec l'antisémitisme et qu'elle est fréquemment utilisée par les partisans d'Israël pour empêcher injustement les Palestiniens d'exprimer leur point de vue. CJPMO prévient que ce manuel apparemment inoffensif aura pour conséquence que les institutions publiques persécuteront les personnes qui critiquent le racisme systémique au sein d'Israël, plutôt que de lutter contre la discrimination.

« Après plus d'un an de protestation des Canadiens contre le génocide israélien à Gaza, Trudeau a l'audace de publier un guide sur la façon de réprimer les discours pro-palestiniens », a déclaré Michael Bueckert, vice-président de CJPMO. « Ce manuel anti-palestinien et pro-censure constitue une menace directe pour les libertés civiles et vise les critiques des atrocités commises par Israël, en particulier les Palestiniens. Nous demandons instamment aux institutions canadiennes de rejeter l'utilisation de ce manuel », a ajouté M. Bueckert. Plus de 11 000 Canadiensont envoyé un courrier électronique au Premier ministre pour lui demander de suspendre l'utilisation de ce manuel.

Sur la base d'une analyse préliminaire du manuel IHRA de Trudeau, CJPMO a identifié plusieurs façons importantes de qualifier malicieusement et faussement d'antisémites les discours et les actions pro-palestiniens. Par exemple :

Le manuel affirme qu'il est antisémite de s'opposer à l'idéologie du sionisme, qui est définie uniquement comme un soutien à l'autodétermination des Juifs dans leur patrie ancestrale (en ignorant le rôle du sionisme dans la dépossession et l'oppression des Palestiniens) (29). Parmi les études de cas d'incidents antisémites, on peut citer un message sur les médias sociaux affirmant que « vous ne pouvez pas être antiraciste et sioniste » et que « le sionisme est un projet raciste et violent de colonisation » (29), ainsi qu'un message sur les médias sociaux affirmant qu' « Israël n'a pas le droit d'exister » (30). CJPMO prévient que cela sera utilisé pour réduire au silence les expériences palestiniennes du sionisme, y compris la Nakba.

Le manuel affirme qu'il y a antisémitisme lorsqu'Israël est « soumis à un double standard », présenté sous un « jour particulièrement négatif » ou lorsque son « droit à l'existence » est « remis en question » (30, 47). CJPMO note qu'il s'agitd'arguments entièrement subjectifs qui sont régulièrement déployés par les partisans d'Israël contre toutes les formes de critiques et de protestations qu'ils jugent excessives ou injustes.

D'autres exemples d'antisémitisme supposé dans le manuel incluent la désinvitation d'une conférencière d'un événement parce qu'elle avait servi dans l'armée israélienne (31) ; un post Instagram qui disait que « le génocide sioniste est le plus grand acte d'agression. C'est la cause première de la violence » et ne reconnaissait pas le « droit d'Israël à se défendre en temps de guerre » (31) ; la suggestion que les Israéliens sont des « colonisateurs » (31) ; l'accusation des Israéliens d'être des « assassins d'enfants » (31) ; l'utilisation du terme « sioniste », qui, selon le manuel, devrait être traité comme un substitut de « juif » (32) ; et la comparaison de la guerre génocidaire d'Israël à Gaza avec l'Holocauste (34).

Le manuel a été produit sous la direction de Deborah Lyons, l'envoyée spéciale du Canada pour la préservation de la mémoire de l'Holocauste et la lutte contre l'antisémitisme. Au début de l'année, CJPMO a publié un rapport intitulé « Defaming the Pro-Palestine Movement » (Diffamer le mouvement pro-palestinien)qui révélait comment Mme Lyons diffusait constamment des affirmations fausses et malveillantes sur les militants pro-palestiniens - en présentant les manifestations, les slogans et les positions pro-palestiniennes comme antisémites - et préconisait régulièrement la suppression de presque tous les types de manifestations pro-palestiniennes. Le rapport conclut que le comportement de l'envoyé spécial Lyons témoigne d'une tendance au racisme anti-palestinien et d'une collaboration inappropriée avec les responsables israéliens.

« Trudeau a choisi Lyons, l'ancien ambassadeur en Israël, pour produire un guide sur la façon de supprimer les Palestiniens qui s'expriment contre les pratiques racistes d'Israël. À la demande de M. Trudeau, M. Lyons a travaillé avec des responsables israéliens et des groupes pro-israéliens pour concevoir un document destiné à protéger Israël contre toute critique, même la plus légère, de ses politiques. Avec ce manuel, Trudeau choisit de protéger l'idéologie du sionisme plutôt que les droits des Canadiens garantis par la Charte », a déclaré Alex Paterson, directeur principal des affaires parlementaires de CJPMO.

CJPMO réaffirme que l'IHRA est conçue pour supprimer les perspectives palestiniennes, y compris les études critiques sur des concepts juridiques fondamentaux tels que l'apartheid et le génocide, et devrait donc être considérée comme une forme de racisme anti-palestinien parrainé par l'État. L'année dernière, CJPMO s'est jointe à plusde 100 organisations de la société civile, dont Human Rights Watch et Amnesty International, ainsi que des groupes de défense des droits de l'homme palestiniens et israéliens, pour mettre en garde les Nations unies contre l'adoption de l'IHRA. Au Canada, les groupes qui s'opposent à l'IHRAcomprennent Independent Jewish Voices Canada, la BC Civil Liberties Association, le Congrès du travail du Canada, l'Association canadienne des professeurs d'université, la Fédération canadienne des étudiants, l'Union of BC Indian Chiefs, la Confédération des syndicats nationaux et plus de 40 associations de professeurs et syndicats universitaires. Au lieu d'adopter l'IHRA, CJPMO préconise d'autres définitions de l'antisémitisme qui ne reproduisent pas ces préjudices, comme la Déclaration de Jérusalem sur l'antisémitisme.

À propos de CJPMO - Canadiens pour la justice et la paix au Moyen-Orient (CJPMO) est une organisation laïque à but non lucratif qui rassemble des hommes et des femmes de tous horizons désireux de voir la justice et la paix s'enraciner à nouveau au Moyen-Orient. Sa mission est de permettre aux décideurs de considérer toutes les parties avec équité et de promouvoir le développement équitable et durable de la région.

Canadiens pour la justice et la paix au Moyen-Orient www.cjpme.org

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