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États-Unis - Nouvelle année, nouveau (ancien) président, nouvelle ère ?

21 janvier, par Dan La Botz — , ,
Les AméricainEs ont célébré la nouvelle année le 1er janvier avec des feux d'artifice et l'espoir d'un avenir meilleur. Mais cette nouvelle année ramènera Donald Trump à la (…)

Les AméricainEs ont célébré la nouvelle année le 1er janvier avec des feux d'artifice et l'espoir d'un avenir meilleur. Mais cette nouvelle année ramènera Donald Trump à la présidence le 20 janvier, avec la promesse de prendre des mesures rapides pour expulser les immigréEs sans papiers, de « réparer l'économie » et de changer fondamentalement le gouvernement.

Hebdo L'Anticapitaliste - 736 (09/01/2025)

Dan La Botz

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Trump est en mesure de faire une grande partie de ce qu'il veut, car il contrôle non seulement la présidence, mais aussi les majorités républicaines au Sénat et à la Chambre des représentants, ainsi qu'une Cour suprême bienveillante. Avec un cabinet et des conseillers milliardaires, avec ses manières dictatoriales et un énorme soutien populaire, nous semblons nous diriger vers une ploutocratie autoritaire, et certainEs craignent qu'il ne s'agisse d'une forme de fascisme.

Réduction des budgets sociaux

La puissance économique et militaire des États-Unis signifie que Trump pourrait non seulement refaire l'Amérique, mais aussi transformer le monde. Sur le plan intérieur, Trump promet de maintenir les réductions d'impôt sur les sociétés qu'il a mises en œuvre avec le Congrès en 2017. Malgré ces réductions, il a promis de protéger les programmes de protection sociale les plus importants des États-Unis, à savoir la sécurité sociale, Medicare et Medicaid. De nombreux Républicains veulent toutefois réduire ces programmes de manière drastique. Trump veut transformer le ministère de la Justice, dont l'indépendance et l'impartialité sont déjà théoriques, en une arme contre ceux qu'il qualifie d'« ennemi intérieur ».

On peut s'attendre à ce que le Congrès réduise les programmes de logement et d'éducation. Et si le Sénat le confirme, le responsable du ministère de la Santé et des services sociaux sera Robert F. Kennedy, qui affirme qu'« il n'y a pas de vaccin sûr », ce qui pourrait nuire à la santé publique. L'IA (intelligence artificielle) a déjà commencé à transformer toutes les formes de travail, les systèmes économiques, la surveillance et le renseignement, mais Trump n'a pas de programme clair pour faire face à ces nouveaux ­développements.

Trump va défaire le « New Deal vert », tel qu'il était incarné dans une certaine mesure par la « loi sur la réduction de l'inflation » du président Joe Biden et surtout, comme le suggère son slogan « Drill, baby, drill » (« fore, bébé, fore ») encourager l'expansion de la production de pétrole, aggravant ainsi la crise climatique mondiale.

Compétition internationale et conflit militaire

Sur le plan de la politique internationale, Trump — comme Joe Biden — envisage une compétition avec la Chine pour l'hégémonie mondiale, une compétition fondamentalement économique, mais avec des tensions ­croissantes qui laissent présager un conflit militaire sur la mer de Chine méridionale ou sur Taïwan. Trump a choisi le sénateur Marco Rubio, un fervent critique et opposant de la Chine, comme secrétaire d'État. Il a promis d'imposer d'énormes droits de douane sur les importations de produits chinois et n'est pas opposé à une guerre commerciale, même si celle-ci risque de perturber le système économique mondial.

Trump a promis de mettre fin à la guerre de la Russie contre l'Ukraine. Il a déclaré qu'il réduirait l'aide à l'Ukraine, ce qui pourrait obliger l'Ukraine à signer un traité dans lequel elle devrait céder environ 20 % de son territoire — une victoire pour le président russe Vladimir Poutine. Trump appelle également à mettre fin à la guerre entre Israël et Gaza « par tous les moyens possibles », bien qu'il soit en fait un fervent partisan de Netanyahou, à qui il a dit en octobre : « Faites ce que vous avez à faire » pour mettre fin à la guerre. Trump soutiendra les guerres d'Israël et ses acquisitions de territoires en Cisjordanie, au Liban et en Syrie, et appuiera ses attaques contre le Yémen et même l'Iran.

De l'ère de la mondialisation néolibérale à aujourd'hui

Tout comme les États-providence keynésiens de l'après-guerre ont été transformés par Ronald Reagan et Margaret Thatcher alors que nous entrions dans l'ère de la mondialisation néolibérale, cette ère s'achève elle aussi, même si la direction que prend le monde reste floue. Allons-nous vers la barbarie fasciste ou y a-t-il encore de l'espoir pour la démocratie et le socialisme ? Dans une telle période de transformation, les mouvements d'opposition peuvent se développer rapidement et des changements progressifs, voire révolutionnaires, sont possibles. Le renversement de Bachar el-­Assad en Syrie et la destitution du président sud-coréen Yoon Suk Yeol montrent à quelle vitesse les choses peuvent changer. Aux États-Unis, nous pouvons nous attendre à des changements rapides sous Trump, entraînant la résistance des syndicats et des mouvements sociaux, et nous devrons travailler à orienter ces résistances dans le sens de la démocratie, de la justice et du socialisme.

Dan La Botz

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Célébrez 2025 alors que, maisons détruites et corps affamés et malades, nous nous faisons tuer par douzaines chaque jour !

21 janvier, par Ovide Bastien — , , ,
Je rédigeais cet article dans les tous premiers jours de 2025. Heureusement, un accord de cessez-le-feu fut conclu mercredi, 15 janvier. Voir, dans ce même numéro de Presse-toi (…)

Je rédigeais cet article dans les tous premiers jours de 2025. Heureusement, un accord de cessez-le-feu fut conclu mercredi, 15 janvier. Voir, dans ce même numéro de Presse-toi à gauche, l'article de Qassam Muaddi, L'accord de cessez-le-feu, explications.
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Le soir 3 du janvier 2025, me reveinaient constamment à l'esprit les interventions que j'avais entendues en direct plus tôt dans la journée lors de la rencontre d'urgence tenue par le Conseil de sécurité de l'ONU à la suite du raid israélien de l'hôpital Kamal Adwan, le dernier encore fonctionnel dans le nord de la bande de Gaza, et durant lequel les forces armées israéliennes ont détenu le directeur de l'hôpital, le docteur Hussam Abu Safiya, ainsi que 240 patients, avant de procéder à mettre le feu à l'hôpital.

Auteur de Racines des actions génocidaires d'Israël à Gaza (2024) et My 9/11 Awakening to America's Moral Crisis (2015) (Journal et lettres rédigés à Santiago durant et après le coup d'état chilien du 11 septembre 1973)

Les interventions qui me revenaient surtout à l'esprit étaient celles du représentant de l'Organisation mondiale de la santé dans les territoires palestiniens occupés, Watch Rik, du Haut-Commissaire des Nations unies aux droits humains, Volker Türk, de la docteure Tanya Haj Hassan de l'organisation caritative Medical Aid for Palestinians (MAP), et de l'observateur permanent de l'État de Palestine, Riyad Mansour.

Ces interventions étaient tellement émouvantes et bouleversantes – Riyad Mansour avait parfois des larmes aux yeux – que, me tournant et me retournant dans mon lit, je n'arrivais tout simplement pas à m'endormir :

À Gaza le nombre de morts ne cesse de grimper par douzaines chaque jour ; il atteint présentement 45 658 et le nombre de blessés dépasse 108 583 ; 90% de la population a dû se déplacer et la plupart des gens vivent dans des tentes, et plusieurs de celles-ci furent récemment inondées à cause d'une pluie torrentielle ; le froid de l'hiver qui arrive vient de faire mourir d'hypothermie sept nouveau-nés ; 22 pourcent de la population de Gaza est actuellement confrontée à des niveaux catastrophiques d'insécurité alimentaire aiguë, et 3 500 enfants risquent de mourir de malnutrition...

Plus de 17 000 enfants furent tués, et autant sont devenus orphelins ; les attaques israéliennes ont produit un nombre record d'enfants nécessitant une amputation, souvent, parce qu'Israël empêchait l'aide d'entrer à Gaza, sans anesthésie aucune ; Israël a tué un nombre record d'employés de l'ONU (333) et de journalistes (222), ainsi que d'employés de la santé (1 054), dont de centaines furent détenus et souvent maltraités et torturés – quatre de ces derniers, dont un médecin, sont morts en détention...

Les 12 000 gravement blessés à Gaza, dont de milliers d'enfants, attendent la permission d'être évacué à un autre pays pour recevoir les soins dont ils ont besoin, mais comme Israël limite au compte-gouttes ces permissions, leur évacuation, au rythme actuel, prendra de 5 à 10 ans, et plusieurs meurent en attendant ; depuis 15 mois, Israël a effectué 654 attaques contre des établissements de santé, et ne cesse de bombarder, détruire, et ordonner l'évacuation d'un hôpital ; seul 16 des 36 hôpitaux de Gaza demeurent partiellement fonctionnels, et pas une des 16 se trouve dans le nord de Gaza ; les hôpitaux encore fonctionnels ne peuvent offrir que les soins de base, ce qui condamne souvent à mort les personnes nécessitant des soins spécialisés...

En 2024, Israël n'a permis l'entrée qu'à 40% des missions d'aide que l'Organisation mondiale de la santé avait préparé pour Gaza ; en décembre 2023, la Cour internationale de justice estimait plausible l'allégation de l'Afrique du Sud selon laquelle Israël commettait un génocide à Gaza et entamait une enquête à ce sujet ; les experts mondiaux en matière de génocide et d'holocauste Amos Goldberg, Omer Bartov, et Raz Segal, la Rapporteuse spéciale de l'ONU, Francesca Albanese, le Comité spécial de l'ONU sur la Palestine, Amnesty International et Human Rights Watch ont tous conclu, après avoir mené leur propre enquête, que ce qui se passe à Gaza est bel et bien un génocide. »

Alors que, dans mon insomnie, je revois les images que j'ai vues, il y a quelques minutes, sur YouTube – ici, de centaines d'Israéliens et Israéliennes dans la rue de Tel Aviv en train de crier et de célébrer dans la joie l'arrivée de l'année 2025, et là, un enfant de quatre ans à Gaza qui, exactement au même moment, se projette en larmes arrache-cœur sur le cadavre de ses deux parents qu'Israël vient de tuer, avec onze autres Palestiniens dont des enfants...

Alors que je pense à l'intervention faite par la représentante permanente adjointe des États-Unis, Dorothy Shea, lors de la même réunion du Conseil de sécurité de l'ONU mentionnée plus haut, celle qui représente, comme on le sait tous, le seul pays au monde qui a la capacité de mettre fin à cette barbarie innommable, et ce dans à peine quelques heures, s'il en avait vraiment la volonté...

Alors que je pense à toutes ces choses, je sens surgir en moi un sentiment d'immense indignation et de révolte...

Pourquoi, je me demande, les États-Unis, au lieu d'intervenir et de mettre immédiatement fin à ce carnage et cette destruction, font exactement le contraire ? Pourquoi ont-ils fourni à Israël $ 18 milliards US d'aide militaire dans les derniers quinze mois ? Pourquoi, dans les toutes dernières heures et alors que la situation à Gaza est carrément apocalyptique, le gouvernement Biden a-t-il annoncé un autre $ 8 milliards US d'aide pour Israël ?

Le sentiment d'indignation et de révolte que je ressentais, le soir du 3 janvier 2025, est le même que je ressentais au Chili à la suite du coup d'état qui renversait brutalement le gouvernement de Salvador Allende en septembre 1973, alors que, dans mon appartement coin Miraflores-Monjitas à Santiago, j'écoutais, avec ma radio ondes courtes, les reportages que faisait la radio internationale officielle des États-Unis, Voice of America.

De même que la représentante des États-Unis, Dorothy Shea, ne fait que répéter comme un perroquet la propagande officielle de son allié israélien, au lieu d'attribuer à Israël la responsabilité des atrocités commises à Gaza, Voice of America, en 1973, ne faisait que répéter comme un perroquet la propagande officielle de la junte militaire chilienne, au lieu de décrire les énormes atrocités – exécutions sommaires, torture massive, censure totale, camps de concentration - que perpétrait la dictature Pinochet devant mes yeux tous les jours.

Telle était la différence entre la réalité que j'observais au Chili en 1973 et celle que rapportait Voice of America que cela me laissait carrément incrédule et pantois !

Cependant, je savais d'où venait cette différence. Elle provenait du fait que les États-Unis non seulement appuyaient le coup d'état chilien, mais avaient absolument tout fait, comme le révèle d'abondantes preuves, pour assurer son succès, offrant à la junte chilienne une solide assistance diplomatique, financière, et militaire.

Aujourd'hui, en janvier 2025, je vois une différence tout aussi énorme entre, d'une part, la réalité que je vois de mes yeux à Gaza depuis plus de quinze mois grâce aux excellents reportages d'Al Jazeera, et, d'autre part, celle décrite le 3 janvier dernier par la représentante américaine Dorothy Shea lors de la réunion du Conseil de sécurité de l'ONU.

Si on voit autant d'atrocités à Gaza, le grand coupable, affirme Shea dans son intervention, c'est le Hamas, pas du tout Israël !

Les experts mondiaux en génocide, les agences de l'ONU, les ONGs des droits humains, Al Jazeera, etc. se tromperaient tous complètement, selon ce que laisse carrément entendre la représentante des États-Unis ! Les atrocités à Gaza proviennent d'abord et avant tout, insiste-t-elle, des militants du Hamas qui, comme des lâches, se servent systématiquement des civils comme boucliers humains.

Chers collègues, affirme Dorothy Shea, critiquez le Hamas, et non Israël ! C'est lui et non Israël qui met en danger les civils ! Pourquoi tant de vous ne l'avez-pas encore fait ?

Comme le mentionne ironiquement le grand historien juif Normand Finkelstein, l'histoire de la longue oppression dont souffre le peuple palestinien est complètement absente du discours de Washington, le Hamas étant simplement réduit à terrorisme et mal absolu. C'est comme si, affirme Finkelstein, les militants du Hamas, qui luttent avec les moyens du bord contre une occupation carrément illégale, inhumaine et brutale, et qui dure depuis des décennies, devraient, au lieu de se cacher dans les quelques bâtisses pas encore détruites à Gaza, se regrouper comme des canards sur des terrains vacants, ou encore au milieu des décombres qu'est devenu aujourd'hui Gaza, afin que les forces armées israéliennes, appuyées par la plus grande puissance militaire de la planète, puissent facilement les cibler, utilisant pour ce faire une des technologies militaires la plus hi-tech et sophistiquée qui soit : drones, F16, services d'intelligence artificielle fournies par Google, Amazon, Apple, etc.

Extraits de l'intervention de la représentante permanente adjointe des États-Unis, Dorothy Shea, le 3 janvier 2025

Chers collègues,
Tout au long du conflit, le Hamas n'a cessé d'utiliser à mauvais escient des infrastructures civiles telles que des écoles et des hôpitaux pour stocker des caches d'armes, héberger des combattants et coordonner des attaques contre Israël, » affirme Dorothy Shea. « En outre, le groupe continue de mettre les civils en danger par ses tactiques et l'utilisation qu'il fait de ces installations. Je demande instamment à mes collègues présents dans cette salle de critiquer le Hamas pour ces actions et de lui reprocher de continuer à mettre en danger les civils palestiniens de Gaza. Beaucoup trop d'entre eux ne peuvent encore se résoudre à le faire. Le combat d'Israël est contre le Hamas et non contre les civils palestiniens que le groupe terroriste prétend faussement représenter. Selon les Forces de défense israéliennes (FDI), plus de 240 combattants ont été appréhendés à l'hôpital Kamal Adwan, dans le nord de Gaza, dont 15 individus qui ont participé au massacre du 7 octobre.

Pour libérer quelque peu la conscience de son pays, qui, comme Israël, pourrait se faire accuser de crimes contre l'humanité et génocide, Shea rappelle à la communauté internationale que les États-Unis ont toujours prié leur allié israélien de limiter les victimes civiles.

Même s'il combat le Hamas, Israël a l'obligation morale d'empêcher que des civils ne soient blessés, poursuit Shea. Nous ne voulons pas que les hôpitaux soient des scènes de violence. Personne n'en profite, et surtout pas les civils qui n'ont ni déclenché ce conflit, ni les moyens d'y mettre fin, et qui ont désespérément besoin de soins médicaux.

Elle, dont le pays depuis quinze mois appuie avec une main de fer Israël, dont le premier ministre et l'ex-ministre de la Défense font face à un mandat d'arrêt émis par la Cour pénale internationale pour crimes contre l'humanité et avoir utilisé la faim comme arme de guerre, affirme, avec une hypocrisie tellement immense que celle-ci nous ferait éclater de rire si ses conséquences n'étaient pas aussi catastrophiques, qu'il faut plus d'aide humanitaire à Gaza !

Elle, dont le pays appuie avec une main de fer Israël, le parlement duquel vient de voter massivement contre l'auto-détermination palestinienne, affirme, comme si ses propos avaient une quelconque crédibilité, qu'il faut permettre aux Palestiniens l'auto-détermination, autrement dit la solution à deux États ! Elle dont le pays rejette, d'ailleurs, la conclusion à laquelle la Cour internationale de justice, après plus de deux ans d'enquête, est arrivée récemment, à savoir qu'Israël occupe illégalement tous les territoires palestiniens qu'elle envahissait en 1967, et qu'elle doit rapidement remettre aux Palestiniens tous ces territoires et les compenser pour les dommages qui leur ont été infligés.

Elle, dont le pays appuie avec une main de fer Israël, qui a pulvérisé presque toute l'infrastructure à Gaza – la plupart des résidences, toutes les universités, 80% des écoles primaires et secondaires, systèmes de purification de l'eau, agriculture, routes, bibliothèques et archives, églises, mosquées, etc. – et qui poursuit sans relâche dans sa folie destructive, affirme, comme si ses paroles avaient une quelconque crédibilité, qu'il faut reconstruire Gaza !

Elle, dont le pays appuie avec une main de fer Israël, dont le gouvernement Nétanyahou a systématiquement sabordé toute proposition de cessez-le-feu dès que le Hamas acceptait celle-ci, affirme qu'il faut un cessez-le-feu, et laisse entendre que s'il n'y en a pas encore, c'est carrément la faute du Hamas !

Elle, dont le pays appuie avec une main de fer Israël, qui détient en prison quelque 10 000 Palestiniens et Palestiniennes, détenus souvent sans accusation et sans aucune possibilité de procès, et soumis à maltraitement et souvent torture, affirme, sans souffler mot des otages palestiniens, qu'il faut que le Hamas libère les otages israéliens qu'il détient !

The New York Times interroge Antony Blinken sur son legs comme secrétaire d'état

Au même moment que Dorothy Shea intervenait au Conseil de sécurité de l'ONU, le secrétaire d'état Antony Blinken se vantait, dans une interview que lui faisait Lulu Garcia-Navarro du New York Times, de ce qu'il avait accompli à Gaza durant son mandat.

Depuis le 7 octobre, nous avons trois objectifs fondamentaux en tête, affirme Blinken. Faire en sorte que le 7 octobre ne se reproduise pas, empêcher une guerre plus étendue et protéger les civils palestiniens.

Comme dans toutes ses interventions antérieures depuis l'invasion israélienne de Gaza en octobre 2023, Blinken laisse entendre que tout a commencé avec l'attaque d'Israël par le Hamas le 7 octobre. Est complètement absente de son analyse l'origine historique de l'attaque : la longue oppression du peuple palestinien, le fait que Gaza n'est qu'une grande prison à ciel ouvert peuplée des descendants de ceux et celles qui furent violemment expulsés de leurs terres ancestrales au moment de la fondation d'Israël, le fait qu'Israël pratique systématiquement l'apartheid.

Ne percevant le Hamas que comme un groupe terroriste qui détient des armes et représente donc une menace pour Israël, Blinken affirme dans son interview qu'il est confiant que les États-Unis ont atteint leur premier objectif, faire en sorte que le 7 octobre ne se reproduise pas. La capacité militaire du Hamas, dit-il avec un évident sens d'accomplissement, a été détruite et ses dirigeants furent éliminés. Nous sommes donc, je crois, en bonne position, affirme-t-il.

De la foutaise !, s'exclame le journaliste et commentateur politique juif renommé Peter Beinart. Si Palestiniens et Palestiniennes ont recours à la violence pour retrouver leur liberté, c'est parce que toutes les autres voies éthiques et légales qu'ils avaient tentées depuis des années s'avèrent un échec : boycotts, manifestations, démarches auprès des institutions internationales, etc. Croire que procéder à raser complètement Gaza, tuer 46 000 de ses habitants et en blesser 109 000 assurent la sécurité d'Israël, alors qu'on ne s'attaque même pas à la racine profonde du conflit, est une grande illusion, poursuit Beinart. Au lieu d'éliminer la possibilité que ne se reproduise dans le futur le 7 octobre, de telles actions ne font qu'augmenter exponentiellement cette possibilité !

Afin d'illustrer à la reporter du New York Times, Lulu Garcia-Navarro, la compassion profonde qu'il a pour le peuple palestinien, Blinken lui raconte un incident. Quelques jours à peine après l'attaque d'Israël par le Hamas, je me suis rendu à Israël, dit-il. À mon arrivée, j'ai constaté que le gouvernement israélien ainsi que toute la population israélienne étaient tellement traumatisés par les atrocités commises par le Hamas qu'ils avaient décidé de couper Gaza de toute aide humanitaire !

J'ai dû, explique avec grande fierté Blinken, mettre une immense pression sur les dirigeants du gouvernement, incluant le premier ministre Nétanyahou, et ce pendant neuf heures – j'ai même dû menacer d'annuler la visite prochaine du président Biden à Israël – afin de les convaincre de ne pas couper toute aide humanitaire.

Notez, commente Beinart, que lorsque Blinken se réfère à la population israélienne, il ne pense, en fait, qu'aux Juifs, ce qui trahit sa mentalité carrément ethno nationaliste. Plus de 20% de la population d'Israël est palestinienne, et ce segment se solidarise tellement avec leurs compatriotes de Gaza et de Cisjordanie que le gouvernement israélien les perçoit comme une menace à la sécurité nationale !

Cependant, pour Blinken, ces Palestiniens en Israël n'ont pas tellement de valeur, pas plus que ceux et celles qui se trouvent dans les territoires occupés, poursuit Beinart. C'est pourquoi, alors qu'il n'a aucun mal à exprimer de l'empathie envers les Israéliens, qui, à cause de leur traumatisme profond, veulent couper les Gazaouis de toute aide humanitaire, il n'arrive cependant pas à faire preuve d'une once d'empathie envers le peuple palestinien, qui, à cause du traumatisme gigantesque qui l'affecte depuis des décennies, en vient à mettre en branle son attaque du 7 octobre.

Blinken tente néanmoins de convaincre son interlocutrice qu'il a profondément à cœur la souffrance du peuple palestinien.

Personne n'a besoin de me rappeler la souffrance des Palestiniens et Palestiniennes, car c'est quelque chose qui m'habite chaque jour, lui explique-t-elle. Nous avons tout fait pour mettre fin à ce conflit.

Encore de la pure foutaise !, s'exclame avec colère Beinart. Dire, d'une part, compatir chaque instant de chaque jour avec le peuple palestinien, et fournir constamment, d'autre part, les armes dont Israël se sert quotidiennement pour tuer ce peuple, représente un mensonge on ne peut plus grossier ! Il faut vraiment avoir un esprit tordu, note Beinart, pour affirmer tout faire pour mettre fin à un conflit, alors qu'on omet explicitement de ce ‘tout' la seule chose qui pourrait vraiment y mettre fin !

Lulu Garcia-Navarro demande carrément à Blinken pourquoi les États-Unis continuent de fournir des armes à Israël.

Ce soutien est essentiel, répond Blinken, pour garantir qu'Israël dispose d'une force de dissuasion et d'une défense adéquate, ce qui signifie que nous n'aurons pas un conflit encore plus large qui entraînera davantage de morts et de destructions.

Encore de la foutaise !, s'exclame avec incrédulité et indignation Beinart. Blinken est-il tellement enfermé dans sa petite cage intellectuelle impérialiste qu'il n'a pas vu l'immense destruction qu'Israël, avec ces armes, a causé non seulement à Gaza mais aussi au Liban ? Et toute la destruction qu'Israël cause, toujours avec ces armes, ces dernières semaines, en Syrie ?

Craignez-vous, poursuit la reporter du New York Times, que vous serez un jour accusé d'avoir présidé à ce que le monde entier considère comme un génocide ?

La réponse de Blinken démontre à la fois toute l'arrogance éhontée d'une super-puissance ainsi que sa vacuité morale et intellectuelle :

No, because it's not a genocide. (Non, car ce n'est pas un génocide).

L'empire ne sent nullement le besoin de faire appel à des preuves. Non. Il lui suffit de dire une chose pour que celle-ci se transforme automatiquement en vérité !

En 1973, l'empire appuyait avec une main de fer la dictature Pinochet qui initiait la révolution néolibérale la plus radicale de la planète, privatisant tout et abolissant tous les tarifs. Donald Trump annonce aujourd'hui que son pays, grand champion historique du libre-échange, va imposer des tarifs de 25% sur tous les produits que son pays importe du Canada et du Mexique, à moins que ces deux pays ne fassent exactement ce qu'il dicte. Idéalement, affirme-t-il avec toute l'arrogance qui caractérise un empire, le Canada devrait faire partie des États-Unis. Nous allons possiblement nous approprier, par la force, du canal de Panama et du Groenland, poursuit-il.

En 1903 le président américain Theodore Roosevelt se vantait de s'être approprié, par la force, du Panama, qui faisait alors partie de la Colombie.

I just took it !, affirmait alors Roosevelt.

Décès de l'ex-président américain Jimmy Carter, dont le profond humanisme l'a amené à se solidariser avec la cause palestinienne

C'est dans cette même conjoncture que décédait, le 29 décembre, l'ex-président Jimmy Carter, un homme qui, après avoir perdu les élections à la suite de son premier mandat – 1977-1981 – a tant fait sur le plan humanitaire pour les marginalisés de la planète, et dont les actions, par rapport au peuple palestinien, contrairement à celles du secrétaire d'état Antony Blinken, reflétaient bel et bien ses belles paroles.

En 2007, Carter publiait le livre Palestine : la paix, non l'apartheid et recevait immédiatement une pluie de critiques – antisémite ! biaisé ! défenseur du Hamas ! etc. – de ses compatriotes. De Républicains, évidemment, mais aussi de nombreux prestigieux Démocrates dont Nancy Pelosi, et, peu étonnamment, de nombreuses associations juives.

Si Carter a eu la clairvoyance et le courage de dénoncer l'apartheid pratiqué par Israël et la politique des États-Unis par rapport à la Palestine, il n'a pas réussi, je crois, à comprendre la profondeur de l'impérialisme de son pays.

Lorsque j'ai lu son livre de 2006, Our Endangered Values : America's Moral Crisis (Nos valeurs menacées : la crise morale de l'Amérique), un livre que j'ai beaucoup apprécié, j'ai été surpris de voir que Carter laissait clairement entendre que, sous la présidence de George Bush Jr, les valeurs morales de l'Amérique, contrairement à ce qui s'était passé sous les gouvernements précédents, se trouvaient maintenant gravement menacées.

Si j'ai admiré sa critique percutante du gouvernement Bush Jr, qui, en 2003, se lance dans une guerre préventive contre l'Irak – une guerre, dit Carter, fondée sur un gros mensonge – et met en branle une politique économique néolibérale qui favorise un écart croissant entre riches et pauvres et accroît considérablement la dégradation de l'environnement, j'ai été profondément troublé par son hypothèse selon laquelle, avant le gouvernement Bush Jr, les valeurs de l'Amérique n'étaient pas menacées, autrement dit, étaient pour l'essentiel saines.

C'est pourquoi, lorsque je publiais, en 2015, les lettres ainsi que le journal que je rédigeais au Chili (durant le mois précédant le coup d'état du 11 septembre 1973, au moment du coup, et durant l'année qui l'a suivi), j'ai choisi comme titre du livre My 9/11 Awakening to America's Moral Crisis (Le 11 septembre qui m'a fait prendre conscience de la crise morale de l'Amérique).

Les valeurs morales américaines ne se trouvaient-elles pas menacées, j'affirme dans l'avant-propos de ce livre, lorsque le président Richard Nixon s'est exclamé en 1970, après la victoire électorale de Salvador Allende :

Ce fils de pute, ce fils de pute ? (1)

Ne se trouvaient-elles pas menacées, ces valeurs morales, lorsque, après que Salvador Allende eut nationalisé, par le biais d'un amendement constitutionnel adopté à l'unanimité par le Congrès, les entreprises américaines de cuivre opérant au Chili, le même président Nixon s'est exclamé :

Il est temps de botter le cul du Chili ! (2)

Ne se trouvaient-elles pas menacées, ces valeurs morales, poursuis-je, lorsque, le matin du 11 septembre 1973, les militaires chiliens ont brutalement chassé Salvador Allende du pouvoir, non pas de manière amateure mais après que la CIA a eu aidé l'élite chilienne à prendre toutes les précautions nécessaires pour dénigrer dans les médias l'image de Salvador Allende, saborder systématiquement l'économie et créer une situation de chaos, de désordre et d'insécurité ?

Ne se trouvaient-elles pas menacées, ces valeurs morales, lorsque la dictature de Pinochet, entièrement soutenue par le gouvernement américain, a emprisonné environ 250 000 Chiliens et Chiliennes, en a torturé au moins 27 000 en employant souvent des méthodes enseignés par la CIA, en a tué et fait disparaitre au moins 3 000, et a imposé une révolution néolibérale radicale de 17 ans qui a favorisé un développement économique caractérisé par une inégalité flagrante de revenus et de richesse, une dégradation substantielle de l'environnement, la privatisation radicale de la santé, de l'éducation, du système de pension et même de l'eau ?

Extrait de mon journal à Santiago, Chili, le 20 avril 1974 :

Combien de messages jaillissent du sang, de la torture, de la faim et de l'oppression de ces Latino-Américains que je vois chaque jour autour de moi. Et combien de ces messages parviennent aux médias des grandes 'démocraties' !

Combien de secondes, combien d'heures, combien de jours, de mois et d'années allons-nous continuer à écouter, comme des grands imbéciles, ces messages profonds qui nous encouragent à boire ce type de bière, à fumer cette marque de cigarettes, à acheter voitures, savon, parfums, etc.

Et combien d'étudiants, combien d'intellectuels ou soi-disant intellectuels, passent de longues heures et des journées entières à étudier, à lire, à s'imprégner de milliers d'idées, de faits, d'images et d'émotions fortes, dans l'absence quasi totale du cri émanant de millions d'êtres humains littéralement brisés dans leur dignité même, traités comme des moins que rien, utilisés et abusés, réduits au quasi-esclavage et manipulés par les mass-médias !

Si s'instruire se résume à s'insérer dans le statu quo socio-économique, l'avenir s'annonce bien triste, voire dramatique...

Notes
1. Thomas Powers, “The Man Who Kept the Secrets : Richard Helms and the CIA”, New York : Knopf, 1979, p. 230. Cité dans Nathalie Davis, “The Last Two Years of Allende”, Ithaca : Cornell University Press, 1985, p. 7.
2. Cette déclaration figure dans des documents américains qui furent déclassifiés seulement en 2014. Elle a été publiée dans le quotidien chilien El Mostrador le 24 mai, 2014. http://www.elmostrador.cl/noticias/pais/2014/05/24/richard-nixon-y-su-indignacion-por-la-nacionalizacion-del-cobre-es-hora-de-pegarle-a-chile-en-el-culo/. Consulté le 20 juillet 2015.

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Après cinq jours qui ont changé son visage, où va le Liban ?

21 janvier, par Gilbert Achcar — , ,
Les événements qui se sont déroulés au Liban entre l'élection d'un nouveau président de la République jeudi 9 janvier et la nomination d'un nouveau premier ministre lundi 13, (…)

Les événements qui se sont déroulés au Liban entre l'élection d'un nouveau président de la République jeudi 9 janvier et la nomination d'un nouveau premier ministre lundi 13, constituent un bouleversement majeur de la situation politique du pays. Ces événements sont eux-mêmes principalement le résultat d'un bouleversement majeur dans l'équilibre réel des forces...

Tiré du blogue de l'auteur.

Les événements qui se sont déroulés au Liban entre l'élection d'un nouveau président de la République jeudi 9 janvier et la nomination d'un nouveau premier ministre lundi 13, constituent un bouleversement majeur de la situation politique du pays. Ces événements sont eux-mêmes principalement le résultat d'un bouleversement majeur dans l'équilibre réel des forces qui détermine la situation politique du Liban. En effet, dans les étapes clés de l'histoire du pays depuis son indépendance en 1943, le gouvernement du Liban a fait l'objet d'un accord entre deux puissances extérieures rivales, et chaque fois que cet accord et l'équilibre qui l'accompagnait ont été perturbés, la situation est devenue tendue au point d'exploser lorsque la tension atteignait son paroxysme.

Au début de la trajectoire de l'État libanais, un équilibre fut établi entre les influences concurrentes des colonialismes britannique et français. Il fut perturbé avec l'affaiblissement de l'influence de ces deux anciens colonialismes et la montée de l'impérialisme américain à l'échelle mondiale et celle du mouvement nationaliste arabe dirigé par l'Égypte de Nasser à l'échelle régionale. La situation explosa alors, jusqu'à ce qu'un accord entre les deux influences ascendantes fût réalisé sur la présidence du commandant de l'armée de l'époque, le général Fouad Chéhab. Cet équilibre fut de nouveau rompu après que l'Égypte nassérienne eut reçu un coup décisif de la part d'Israël en 1967, avec la fraction gauche du parti Baas au pouvoir en Syrie et la Jordanie. Soleimane Frangié devint président du Liban en 1970, à une époque de prépondérance américaine. Cela coïncida avec le coup fatal porté à la résistance palestinienne en Jordanie, la mort de Gamal Abdel Nasser et le coup d'État de Hafez el-Assad contre l'aile gauche du Baas syrien. Avec le transfert du centre de gravité de la résistance palestinienne de Jordanie au Liban, les tensions s'intensifièrent à nouveau jusqu'à ce que la guerre du Liban éclatât en 1975.

Le régime d'Assad intervint au Liban l'année suivante avec les feux verts des États-Unis et d'Israël. Cela aboutit à l'élection d'un président à l'intersection des deux influences, Elias Sarkis. Cependant, le consensus s'effrita rapidement après l'arrivée au pouvoir du Likoud en Israël et le début du processus qui conduisit aux accords de Camp David entre Anouar el-Sadate en Égypte et Menahem Begin en Israël. Les tensions reprirent jusqu'à ce que l'État sioniste envahisse le Liban en 1982. Il tenta d'imposer comme président Bashir Gemayel, le chef de l'extrême droite chrétienne libanaise, mais la tentative échoua avant l'investiture de Gemayel en raison de son assassinat, attribué à Damas. Il fut remplacé par son frère, qui tenta d'entraîner le Liban sur la voie de la normalisation avec Israël, à la suite de l'Égypte, mais une rébellion des forces libanaises soutenues par Damas contrecarra son projet. Après une période de chaos armé, un nouveau consensus entre le régime de Hafez el-Assad et le royaume saoudien aboutit à la fin de la guerre civile libanaise, quinze ans après son début. Le consensus syro-saoudien fut béni par les États-Unis à la suite de la participation du régime syrien à la coalition qui allait mener la guerre contre l'Irak en 1991 sous commandement américano-saoudien.

Le Liban entrait alors dans une phase de « reconstruction » sous tutelle saoudo-syrienne incarnée par le Premier ministre Rafic Hariri et le haut-commissaire syrien au Liban, Ghazi Kanaan. Ce consensus dura jusqu'à ce que les relations entre Damas et Washington se détériorent en raison de la décision des Etats-Unis d'envahir l'Irak et de renverser le régime du parti Baas à Bagdad. La tension revint, l'un de ses signes les plus marquants étant les assassinats orchestrés par le régime syrien, qui culminèrent avec celui de Rafic Hariri en 2005. Cela déclencha un soulèvement populaire qui, combiné à la pression internationale, força Damas à retirer ses forces du Liban. L'équilibre restait fragile, cependant, surtout après la mutation complète de Michel Aoun, de champion autoproclamé de l'opposition au régime syrien au Liban en allié des forces libanaises sous influence syrienne et iranienne.

Le Liban entra une fois de plus dans une phase de troubles résultant de la fragilité de l'équilibre politique entre les deux coalitions, d'autant plus que l'échec de l'assaut sioniste contre le Hezbollah en 2006 avait renforcé l'influence de ce dernier. La région connut une forte expansion de l'influence iranienne, bénéficiant d'abord de l'occupation américaine de l'Irak, qui ouvrit la voie à Téhéran pour imposer sa tutelle sur ce pays, puis de la guerre civile syrienne, en particulier après que le régime syrien eut recours à l'aide iranienne, principalement incarnée par le Hezbollah lui-même, à partir de 2013. La balance s'inversa donc de nouveau, l'influence de l'Iran devenant écrasante dans la région et l'influence du Hezbollah écrasante au Liban. Ce dernier put imposer son allié Michel Aoun à la présidence libanaise en 2016, après une décennie d'alliance entre eux.

Mécontent de l'évolution du Liban et de l'influence croissante de l'Iran sur le pays, le royaume saoudien retira son soutien au Liban, ce qui entraîna l'effondrement de son économie à partir de 2019. La situation du pays resta fort turbulente en raison de l'absence d'accord entre ses composantes de base, jusqu'à la guerre de Gaza et la décision de l'Iran d'y intervenir de manière limitée. Cela se retourna contre le Hezbollah lorsqu'Israël décida de lancer son attaque contre lui et réussit à le décapiter et à détruire la majeure partie de sa capacité militaire. Cette situation a été exacerbée par l'effondrement du régime d'Assad survenu il y a un peu plus d'un mois, et avec lui l'effondrement de la principale voie d'approvisionnement entre l'Iran et ses supplétifs libanais.

C'est dans le contexte de ce nouveau basculement des rapports de force qui a fait pencher la balance en faveur des États-Unis au Liban, que l'homme que Washington avait soutenu pour devenir président du Liban depuis la fin du mandat de Michel Aoun a été élu, à savoir le commandant de l'armée Joseph Aoun (qui n'est pas un parent du premier). Washington avait parié pendant des années sur le renforcement de l'armée libanaise pour lui permettre de mettre fin à la dualité du pouvoir au Liban, représentée par l'existence de l'État du Hezbollah au sein de l'État libanais, et surtout par la coexistence des forces armées du parti avec l'armée officielle du pays. La balance penchant à présent en faveur de l'influence américaine, le royaume saoudien a renouvelé son intérêt pour la situation libanaise, soutenant les efforts de Washington.

Le Hezbollah a participé au vote en faveur de Joseph Aoun lors d'un second tour des élections au parlement libanais, après s'être abstenu de le soutenir au premier tour pour bien marquer la dette du nouveau président à son égard. Il a accepté ce compromis sous la pression de son allié confessionnel Nabih Berri, qui était auparavant dépendant du régime syrien d'Assad. Les deux alliés ont cependant été choqués par la nomination au poste de Premier ministre de Nawaf Salam, dont ils s'étaient précédemment opposés à l'accession à ce poste, le Hezbollah en particulier, tout comme ils s'étaient opposés à l'accession de Joseph Aoun à la présidence.

Le résultat de tout cela est que le consensus qui a présidé aux années de stabilité au Liban, qui sont presque égales aux années de tension, sinon moins nombreuses, n'a pas été renouvelé. Cela laisse présager que le pays entrera dans une nouvelle phase de tension et de conflit, surtout si le nouveau gouvernement tente d'imposer le monopole de l'État sur les armes au Liban, ce qu'Aoun a promis dans son discours de victoire, au lieu de prendre la voie consensuelle qu'il a également promise. Le sort de la situation libanaise dépendra en grande partie de ce qui se passera entre Israël, soutenu par Donald Trump, derechef président des États-Unis, d'une part, et l'Iran d'autre part. Il sera également affecté par les développements en Syrie, où il ne fait aucun doute que l'Iran a l'intention d'étendre à nouveau son influence d'une manière ou d'une autre, ce qui, si Hay'at Tahrir al-Cham (HTC) continue d'essayer de monopoliser toutes les rênes du pouvoir, pourrait faire sombre la Syrie de nouveau dans la guerre civile.

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L’équipe de Donald Trump présage des relations orageuses avec Pékin

21 janvier, par Pierre-Antoine Donnet — , ,
Donald Trump, élu 47ème président des États-Unis, a nommé une équipe qui laisse présager le retour du tumulte dans les relations sino-américaines. En particulier avec celui (…)

Donald Trump, élu 47ème président des États-Unis, a nommé une équipe qui laisse présager le retour du tumulte dans les relations sino-américaines. En particulier avec celui qu'il a choisi comme chef de la diplomatie : Marco Rubio, sénateur de Floride et « faucon » connu pour ses positions radicales à l'égard du régime communiste chinois.

Tiré de Asialyst
22 novembre 2024

Par Pierre-Antoine Donnet

Donald Trump et Marco Rubio lors d'un meeting du candidat républicain à la Maison Blanche, à Raleigh en Caroline du Nord, le 4 novembre 2024, veille du scrutin présidentiel. (Source : ABC)

Macro Rubio sera « un défenseur ardent de [la] nation [américaine], un véritable ami pour [les] alliés [du pays] et un guerrier intrépide qui ne reculera jamais face [aux] adversaires » des États-Unis, a déclaré le président élu dans un communiqué le 13 novembre. S'il s'est fait connaître pour sa défense de la souveraineté de Taïwan, le sénateur de 53 ans, fils d'immigrés cubains, est ouvertement partisan d'une ligne dure envers la Chine. « Je pense que l'avenir du XXIème siècle sera défini par ce qui se passe dans l'Indo-Pacifique », avait-il affirmé sur le plateau de la chaîne catholique américaine EWTN après la victoire de Donald Trump le 5 novembre.

Tandis que le milliardaire new-yorkais avait, pendant sa campagne électorale, laissé entendre que l'île devrait payer les États-Unis pour sa défense, Marco Rubio a, lui, insisté sur le fait qu'une nouvelle administration Trump soutiendrait Taipei face à Pékin. Au Sénat, il avait également appelé à armer Taïwan, en passant par des livraisons directes d'équipements militaires américains plutôt que par la vente d'armes classique.
Né en 1971 en Floride, un État du Sud où habitent de nombreux immigrés cubains, Marco Rubio a grandi dans un environnement de grande hostilité à l'égard des régimes communistes – qu'il a clairement fait sienne. « C'est un élément très important, tant les origines comptent en politique américaine, car il fait de lui un anticommuniste viscéral », souligne Lauric Henneton, maître de conférences à l'Université de Versailles-Saint-Quentin, cité par Le Figaro.

« Il s'oppose frontalement à une réconciliation avec Cuba, à un accord sur le nucléaire iranien, et se dit même favorable à une intervention militaire en Iran. Des positions jamais vues depuis les néoconservateurs sous Georges Bush ! », souligne Romuald Sciora, directeur de l'observatoire politique et géopolitique des États-Unis de l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS).

Marco Rubio a également soutenu l'idée d'une nouvelle politique industrielle américaine adaptée pour concurrencer l'économie chinoise. Sous le mandat de Joe Biden qui s'achève, il avait parrainé un projet de loi visant à bloquer l'importation de produits chinois fabriqués par le travail forcé des Ouïghours, cette minorité ethnique de confession musulmane en Chine victime d'une répression brutale. Marco Rubio avait aussi évoqué la « menace substantielle pour la sécurité nationale du pays » que représente TikTok, le réseau social de conception chinoise accusée d'espionnage aux États-Unis.

Si le sénateur de Floride milite toutefois, comme Donald Trump, pour que l'Ukraine accepte de négocier avec la Russie pour mettre rapidement un terme à la guerre avec la Russie, il défend, à la différence du président élu, l'importance d'alliances comme celle de l'OTAN.

Marco Rubio fait l'objet de sanctions décrétées par les autorités chinoises pour « s'être mal comporté sur les questions liées à Hong Kong ». Lors de la répression qui s'était abattue sur les contestataires dans l'ancienne colonie britannique, il avait pris des positions claires en faveur des mouvements hongkongais pro-démocratie. Mais, comme le souligne un commentateur de CNN, après sa nomination à la tête de la diplomatie américaine, la Chine pourrait bien être contrainte de lever ses sanctions pour pouvoir traiter avec lui.

Faucons et protectionnistes

Autre nomination qui n'est pas pour plaire à Pékin, celle de Mike Waltz, élu de Floride lui aussi mais à la chambre des Représentants. Waltz enfilera les habits très stratégiques de conseiller à la Sécurité nationale de la Maison Blanche. Cet officier des forces spéciales à la retraite est lui aussi en faveur d'une politique étrangère interventionniste, une opinion clairement inverse de l'isolationnisme de Donald Trump pendant son premier mandat et de son slogan « America First » encore brandi tout au long de sa campagne électorale.

« Monsieur Waltz est un faucon déclaré contre la Chine mais il est aussi d'avis que l'Amérique a pris des décisions erronées en Afghanistan et en Irak et devrait de ce fait en tirer les leçons, souligne The Economist. À propos de la Chine, Waltz s'est parfois fait l'écho de la rhétorique propre à la guerre froide : « Je vais combattre jusqu'à la fin cette fois-ci pour m'assurer que les États-Unis et le monde libre ne se mettront jamais à genou devant le Parti communiste chinois », a-t-il écrit sur X (ex-Twitter) en 2021. »

Autre nomination qui symbolise la volonté déjà clairement affirmée du président élu pendant sa campagne d'en découdre avec la Chine sur le plan des échanges commerciaux, celle de Robert Lighthizer. À 77 ans, cet ancien représentant américain au commerce lors du premier mandat de Trump, est lui aussi un fidèle adepte du protectionnisme, y compris avec Pékin. Il avait été à la Maison Blanche l'une des figures de proue de la guerre commerciale que les États-Unis avaient livrée à la Chine. Il voit dans la création de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et surtout de l'adhésion de la Chine à cette institution en 2001 la source de tous les maux. Il est allé jusqu'à qualifier l'OMC de « gâchis » qui a « trahi l'Amérique » et attribue au libre-échange la perte d'emplois dans le secteur manufacturier américain.

Robert Lightsizer a ainsi appelé à la mise en place d'un « nouveau système américain » de politique commerciale qui fasse appel aux droits de douane pour compenser le déficit commercial des États-Unis. Des prises de position qui sont donc dans la droite ligne des intentions affichées par Donald Trump d'imposer des taxes douanières uniformes de 60 % pour toutes les importations de produits chinois. Même si Lighthizer aurait toutefois expliqué qu'il ne fallait pas s'attendre à de telles taxes dans l'immédiat, cette menace étant plutôt un moyen de conclure des accords.

Mais l'artisan du nouveau protectionnisme américain pendant le premier mandat de Donald Trump, pourrait bien être à nouveau appelé à modifier en profondeur l'équation des échanges commerciaux des États-Unis avec le reste du monde. Ceci en particulier avec la Chine au moment où son économie traverse de fortes turbulences et affiche une fragilité inédite depuis plusieurs décennies avec un recul marqué de la croissance du PIB qui a chuté à moins de 5 % l'an et une hausse sans précédent du chômage, en particulier celui des jeunes.

Un autre choix de Donald Trump risque de renforcer les craintes à Pékin de fortes tensions à venir avec Washington : celui de nommer le commentateur de la chaîne de télévision Fox News Pete Hegseth secrétaire à la Défense. Ce dernier ne ménage pas ses critiques contre Pékin. En juin dernier, il avait à l'antenne prévenu du « danger immédiat » que poseraient les Chinois aux Américains : « La Chine échafaude une puissance militaire pour vaincre les États-Unis. » Lors de cette interview, Hegseth avait accusé Pékin de poursuivre une stratégie de « guerre ouverte » contre Washington, notamment en stationnant « des dizaines de milliers de citoyens chinois » à ses frontières sud.

Xi Jinping mieux préparé à Trump qu'en 2016 ?

Dans un message de félicitations envoyé à Donald Trump après sa victoire électorale, le président chinois Xi Jinping a souligné que « l'histoire nous enseigne que la Chine tout comme les États-Unis profitent de la coopération et perdent de la confrontation ». Pékin pourrait certes tirer parti sur le plan géopolitique d'un nouvel isolationnisme américain pendant le second mandat de Donald Trump, ce qui permettrait à la Chine d'avancer ses pions en Asie où elle espère chasser l'Amérique. La composition de la nouvelle administration Trump risque toutefois de contrecarrer ses plans dans ce domaine. Reste cependant le caractère hautement imprévisible du milliardaire de Manhattan qui rend toute prédiction hasardeuse.

« L'opinion répandue est que la politique chinoise de Trump qui a infligé un choc économique sérieux à la Chine était à mettre au compte du découplage [économique] sino-américain, écrit Katsuji Nakazawa, ancien correspondant à Pékin et éditorialiste du Nikkei Asia dans un commentaire publié le 14 novembre. Mais la vérité est que ce découplage avait été suscité par la Chine bien avant la première présidence de Trump. La politique haute en couleurs de Trump n'a fait que le rendre visible et l'accélérer. »

« Lorsqu'il reprendra la présidence [des États-Unis] dans deux mois, poursuit Katsuji Nakazawa, Trump trouvera une économie chinoise plongée dans des courants contraires, très différente de la forte puissance qui régnait en 2017, lorsque son mandat de quatre ans avait commencé. Cependant, en dépit de la menace de taxes douanières brandie par Trump, abandonner la [politique] d'autosuffisance de la Chine n'est pas une option pour Xi. » Pourquoi cela ? En réalité, « Xi n'a pas le choix sinon de continuer à plein régime vers son objectif de 2035. S'il échoue dans la réalisation de son projet de « Rêve chinois », des questions seront posées sur ses capacités à maintenir son règne au-delà de 2027, lorsque le Parti [communiste chinois] réunira son 21ème Congrès. »

Dans cette atmosphère où les deux dirigeants vont probablement l'un et l'autre camper sur leurs positions, le risque est fort de voir les relations entre les deux premières économies du monde, déjà très tumultueuses, se tendre encore davantage. Le quotidien britannique Financial Times souligne dans un article paru le 13 novembre que la Chine s'est déjà préparée à répliquer fortement à l'éventualité d'une nouvelle guerre commerciale avec le retour de Donald Trump au pouvoir.

Si Xi Jinping avait été pris par surprise en 2016 par la victoire de Trump, il a cette fois-ci déjà préparé des « contre-mesures fortes » pour permettre à l'économie chinoise de résister à une nouvelle guerre commerciale, affirme le quotidien des affaires britannique qui cite des conseillers et des analystes à Pékin. Les autorités chinoises ont ainsi déjà adopté un arsenal législatif permettant à la Chine d'inscrire des entreprises étrangères sur une liste noire et d'imposer des sanctions revenant à interdire l'accès aux États-Unis à certaines chaînes d'approvisionnement cruciales.

« Il s'agit d'un processus double, explique Wang Dong, directeur général du Institute for Global Cooperation and Understanding de l'Université de Pékin, cité par le Financial Times. La Chine va évidemment tenter d'engager le dialogue avec le président Trump pour, d'une façon ou d'une autre, essayer de négocier. Mais si, comme ce fut le cas en 2018, la négociation n'apporte rien et si nous devons lutter, nous allons défendre de façon résolue les droits et les intérêts de la Chine. »

Parmi les contre-mesures chinoises figure la possibilité pour Pékin d'imposer un contrôle strict des exportations de produits stratégiques tels que les métaux rares et le lithium qui sont des matériaux clés utilisés dans les hautes technologies à la fois civiles et militaires. La Chine « ferait de la sorte un usage de nature militaire de sa domination globale » dans ce secteur où ses ressources excèdent largement celles du reste du monde, analyse le Financial Times.

Pour Andrew Gilholm, directeur Chine au cabinet de conseil Control Risks, nombreux sont ceux aux États-Unis qui ont minimisé les dégâts que pourrait causer de telles mesures sur les intérêts américains. Des « coups de semonce » ont déjà été tirés par Pékin ces derniers mois, révèle Guilhom, dont des sanctions décrétées par la Chine contre Skydio, le plus grand fabricant américain de drones livrés par les États-Unis à l'armée ukrainienne, lequel n'a plus accès à des composants chinois critiques pour leur fabrication.

Pékin a également brandi la menace de sanctions contre PVH, un groupe dont fait partie Calvin Klein qui pourraient être écarté du marché chinois, capital pour son chiffre d'affaires. « Ce n'est que la partie émergée de l'iceberg, estime Andrew Gilhom. Je ne cesse de dire à nos clients : « Vous pensez que vous avez correctement évalué le risque géopolitique lié à une guerre commerciale sino-américaine, mais ce n'est pas le cas car la Chine n'a pas encore réellement contre-attaqué pour le moment ». » Or tout serait déjà prêt à Pékin dans ce registre. « Tout le monde [en Chine] s'attendait déjà au pire et il n'y aura donc pas de surprise. Tout le monde est prêt », assure Wang Chong, un expert en relations internationale de la Zhejiang International Studies University, que cite le Financial Times.

L'Amérique pénalisée par une nouvelle guerre commerciale avec la Chine ?

Il reste que si Donald Trump met à exécution sa menace de droits de douanes à 60 % ou plus sur toutes les importations chinoises, les conséquences sur l'économie de la Chine pourraient bien se révéler gravissimes compte tenu de ses difficultés actuelles. Mais des mesures protectionnistes décidées contre la Chine pourraient également avoir un effet négatif sur les États-Unis.

Aux yeux de Joe Mazur, analyste basé à Pékin, expert des relations commerciales sino-américaines pour le groupe de consultants Trivium, une telle politique pourrait même se retourner contre l'Amérique. À la lumière d'un regain du protectionnisme américain, « si d'autres grandes économies commençaient à considérer les États-Unis comme un partenaire commercial non fiable, elles pourraient rechercher des liens commerciaux plus forts avec la Chine dans le but de trouver des marchés plus favorables à leurs exportations ».
Mais de l'avis prépondérant des analystes occidentaux, des représailles chinoises massives contre les États-Unis ne manqueraient pas d'avoir un impact majeur à long terme sur l'économie chinoise et les entreprises de ce pays. James Zimmerman, un responsable du cabinet d'avocats Loeb & Loeb à Pékin, juge que le gouvernement chinois pourrait en réalité être « totalement impréparé » au second mandat de Donald Trump, en particulier au « chaos et au manque de diplomatie qui va avec ». Or, dit-il, « la probabilité d'une guerre commerciale étendue pendant le second mandat du président élu des États-Unis est élevée. »

Pour le média américain Politico, la présence à la tête de l'administration Trump de « responsables hostiles à la Chine augure mal des relations sino-américaines dans les quatre prochaines années ». « La réponse de Pékin pourrait être de doubler la mise dans ses politiques belliqueuses dans le détroit de Taïwan ainsi qu'en mer de Chine du Sud », estime Lyle Goldstein, fondateur du China Maritime Studies Institute de l'Académie maritime américaine et actuellement analyste expert de l'Asie au think tank américain Defense Priorities basé à Washington.

Pour d'autres observateurs, le retour de Donald Trump à la Maison Blanche pourrait néanmoins être à terme bénéfique à la Chine. « Je m'attends en effet à ce que les relations économiques entre les États-Unis et la Chine deviennent plus volatiles avec Trump mais je pense que, globalement, ceci pourrait se révéler mieux pour la Chine », relève Chen Zhiwu, professeur d'économie à l'Université de Hong Kong, cité par la chaîne de télévision américaine CBS. En effet, si Donald Trump met à exécution ses menaces de taxes douanières, ceci « pourrait forcer la direction à Pékin à n'avoir plus comme choix que de se concentrer sur l'économie parce que l'économie chinoise rencontre actuellement de grands problèmes ».

Quoi qu'il en soit, le maître de la Chine communiste connaît suffisamment Donald Trump pour ne pas se faire d'illusion. « Quelle que sera la rhétorique de Trump, Pékin a probablement déjà conclu qu'après sa première présidence, Trump a l'intention d'installer une rivalité féroce avec la Chine, quoi qu'il dise », estime le New York Times.

« Xi Jinping est un dirigeant dénué de sentiment et doté d'une interprétation sombre des intentions de l'Amérique à l'égard de la Chine, note Ryan Hass, directeur du John L. Thornton China Center de la Brookings Institution, cité par le quotidien new-yorkais. Il pourrait se montrer ouvert à une relation plus amicale avec Trump, mais il ne s'attend pas à une relation personnelle plus chaleureuse qui puisse le conduire à mettre de l'eau dans son vin dans son désir de compétition avec la Chine. »

En définitive, les incertitudes sur l'avenir des relations entre les deux grandes puissances de la planète sont d'autant plus grandes que, bénéficiant désormais de la majorité dans les deux chambres du Congrès américain, Donald Trump ne se sentira plus guère d'obstacles dans les décisions qu'il pourra prendre concernant la Chine.

« Personne ne sait ce que l'avenir réserve aux relations américano-chinoises, peut-être même pas Donald Trump lui-même, écrit ainsi Evan Medeiros, professeur à l'université Georgetown et ancien membre du National Security Council américain dans les colonnes du Financial Times. Les opinions du président élu sur la Chine sont si nombreuses et si contradictoires. »

Par Pierre-Antoine Donnet

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Notes politiques sur les leçons de la victoire populaire contre le régime d’Assad

21 janvier, par Vincent Presumey — , ,
L'effondrement du régime baathiste syrien, avec la fuite de Bachar el Assad à Moscou et la disparition du « boucher » Maher el Assad [NB : il serait en Russie], est un (…)

L'effondrement du régime baathiste syrien, avec la fuite de Bachar el Assad à Moscou et la disparition du « boucher » Maher el Assad [NB : il serait en Russie], est un évènement mondial de tout premier plan, qui vient bousculer toutes les représentations « géopolitiques » convenues et dominantes.

Tiré du blogue de l'auteur.

I. Une victoire populaire.

L'effondrement du régime baathiste syrien, avec la fuite de Bachar el Assad à Moscou et la disparition du « boucher » Maher el Assad [NB : il serait en Russie], est un évènement mondial de tout premier plan, qui vient bousculer toutes les représentations « géopolitiques » convenues et dominantes.

Celles-ci tentent de se protéger en commençant par nier le fait que cet effondrement constitue une victoire populaire, donc une victoire démocratique et prolétarienne.

Le principal argument en ce sens invoque bien entendu la nature de l'organisation armée qui a déclenché le processus d'effondrement en effectuant une percée d'Idlib vers Alep au matin du vendredi 28 novembre 2024, percée rapidement suivie de la libération d'Alep et du retour des réfugiés avec ou sans armes.

Sous l'effet de cet ébranlement absolu que fut la libération d'Alep, ville dont la destruction et la prise par les forces russes et iraniennes en 2015 avait signifié la défaite de la révolution syrienne et dont la libération inversait cet ordre établi alors, tout le pays est entré en mouvement et, quelques jours plus tard, la même organisation s'autoproclamait détentrice du pouvoir à Damas.

Celle-ci, le HTS ou HTC (Hayat Tahir al-Cham, Front de Libération du Levant) est d'origine djihadiste, issue de la branche syrienne d'al-Qaïda, al-Nosra. Elle n'est plus djihadiste au sens où elle a renoncé, depuis 2016, au « djihad mondial » pour se définir comme syrienne avant tout, mais elle est toujours islamiste, considérant la sharia comme le fondement nécessaire de l'ordre social, programme parfaitement réactionnaire.

Mais sa sortie de l'enclave d'Idlib répondait aux contradictions qu'elle y a rencontrées : impossibilité et finalement renonciation à imposer la sharia, poussée populaire exigeant la rupture du statu quo, nourrie de plus par les bombardements russes. A partir d'Alep, HTS a été porté, de gré ou de force, par le flot populaire qui a vu aussi l'irruption de plusieurs autres forces armées non islamistes : Armée Syrienne Libre, tribus arabes du Sud-Est, mouvements druzes et organisations démocratiques armées venues du Sud du pays, et c'est leur convergence seule qui a assuré la libération de Damas, à laquelle la population soulevée de la grande banlieue de Damas a activement participé.

La libération d'Alep a suscité l'onde de choc de l'effondrement de l'Etat et de l'armée des Assad, vermoulus par la corruption et incapable d'administrer de la manière la plus élémentaire le pays – l'administration était « meilleure » dans l'enclave pleine de réfugiés d'Idlib. L'appareil d'Etat d'Assad, tenu à bout de bras par la Russie et l'Iran et vivant de l'économie de la drogue (le captagon), s'est disloqué devant la combinaison de soulèvements généralisés et de la percée militaire de ces différents groupes dont le HTS fut le plus en pointe. Dans cet élan, la direction islamiste du HTS a ordonné à ses hommes de « respecter les minorités » (chrétiens, alaouites, chiites, druzes, ismaéliens, et aussi les habitants kurdes sunnites d'Alep) qui sont allées partout à leur rencontre, et en fait les forces du HTS par elles-mêmes avaient déjà pris ce parti, le seul efficace pour briser la division communautaire qui était le fait du régime Assad.

Il est évident que la nature politique d'al-Julani et de la direction du HTS est un obstacle potentiel au développement de la révolution, on y reviendra. Mais ceci ne devrait en aucun cas servir d'argument pour nier qu'il y a révolution. L'héritage de l'insurrection démocratique, non islamiste, de 2011, revit massivement dans le mouvement des populations, dans leur union contre l'ancien régime, dans le retour des réfugiés à l'intérieur du pays et depuis le Liban, la Turquie et l'Europe, qui a commencé.

Toute préparation de l'avenir immédiat et plus lointain, et toute opposition aux obstacles et dangers qui peuvent menacer la démocratisation, ne peut que s'appuyer sur la reconnaissance entière de ce qui s'est produit : une victoire populaire, à potentiel révolutionnaire. Toute négation ou escamotage de celle-ci ne peut que faire le jeu des forces qu'elle prétendrait combattre, islamistes et autres, en leur reconnaissant le mérite d'avoir par elles-mêmes et à elles seules renversé Bachar el Assad, ce qui est faux.

II. Prendre la mesure de ce qui a été renversé.

Il ne s'agit pas seulement du renversement d'un pouvoir présidentiel et de la dislocation commencée d'un appareil d'Etat, comme cela s'est produit en Tunisie, en Libye et en Egypte en 2011, dans plusieurs pays d'Amérique latine depuis le début de ce siècle, en Ukraine avec le Maidan. C'est cela mais c'est bien plus.

L'ouverture des prisons immenses du régime a affiché à la face du monde ce que l'on savait déjà en en soupçonnant seulement l'échelle : un système total de terreur, de torture et de mensonges. Le régime des Assad, dans un pays capitaliste à l'économie à la fois étatique et mafieuse, est l'héritier du nazisme et du stalinisme, par des liens directs : la police politique syrienne avait été formée par le nazi Aloïs Brunner, et les organes du KGB-FSB l'ont systématiquement formée et soutenue. Elle était l'épine dorsale de l'Etat totalitaire et de l'économie mafieuse.

Le peuple syrien connait une combinaison terrible de liesse et de deuil. L'immense foule qui a escorté le cercueil du martyr de l'humanité Mazen al Hamada dont le corps horriblement torturé est mort quelques jours avant la libération, exprime la force de ce sentiment. C'est un système totalitaire absolu qui s'effondre, et spécifique : les spectres de Sednaya comme ceux d'Auschwitz reviendront hanter les esprits après une, puis deux, puis trois générations. Ce système pour s'autoreproduire était engagé dans la destruction de ce qui est humain, la destruction du sens commun, la destruction physique et morale de ce qui fait les liens humains. Il a perdu.

Si le monde était démocratique, il offrirait son soutien en médecins, en psychologues, en infirmiers, en gynécologues, en pompiers, en techniciens, au peuple syrien dont le deuil et la liesse vont se combiner aux prochains combats immédiats pour la démocratie et la liberté.

III. Une révolution-guerre du XXI° siècle.

Les courants politiques qui comprennent quelque chose au réel et n'annonent pas de pauvres catéchismes ont commencé à saisir qu'en Ukraine, la levée populaire en masse de février-mars 2022 avait stoppé l'attaque impérialiste russe et que c'est la guerre qui nourrit le besoin de transformation sociale, contre la gabegie, y compris du point de vue militaire, du régime en place. Et qui nourrit aussi le besoin d'émancipation féminine, notamment. Nous avons commencé à reparler de « révolution-guerre » avec l'Ukraine.

Ce terme porte l'histoire des malentendus du XX° siècle, car il fut introduit de manière trompeuse au début des années 1950 dans le mouvement trotskyste pour appeler à l'alignement sur le camp « soviétique », en fait stalinien, dans la guerre froide. Ce qui, au fond, compensait le fait de n'avoir pas compris que la seconde guerre mondiale s'était développée, en tant que guerre, dans les insurrections nationales et les révolutions d'Europe et d'Asie.

Les questions militaires doivent cesser d'être le monde du silence des révolutionnaires, car si l'émancipation n'est absolument pas à la pointe du fusil, l'émancipation passera par l'emploi organisé des armes, et l'emploi organisé des armes s'appelle une armée. La Syrie s'inscrit totalement dans cette affirmation terrible qu'il faut regarder en face.

De même que c'est le début de formation d'un peuple en armes qui a stoppé Poutine en 2022, c'est le début de la formation d'un peuple en arme qui a renversé Bachar el Assad en 2024.

Pas de politique révolutionnaire et écologique pour sauver l'humanité sans l'exigence de démocratie absolue et jusqu'au bout : cela passe par les armes, cela va se concentrer dans des politiques militaires démocratiques, prolétariennes, et d'émancipations nationales.

Toute guerre n'est évidemment pas une révolution ou ne porte pas par elle-même la révolution. Elle la porte, dans la mesure où la défense populaire parvient à l'imposer ou dans la mesure où la guerre porte à l'insupportable, par la mort et les souffrances, l'ordre social capitaliste. Bien des guerres actuelles, même quand un peuple opprimé en est l'un des objets, ne sont pas des guerres-révolutions en train de se développer, mais le caractère de l'époque actuelle rend inévitable ce type de processus révolutionnaires, partout.

Ainsi, les Palestiniens ne sont pas un peuple en arme : les armes sont confisquées, et même les souterrains pour se protéger du massacre perpétré par l'armée israélienne à Gaza sont confisqués, par le Hamas, organisation dont la nature fondamentale est de confisquer tout droit à la démocratie et tout droit aux armes pour le peuple. La révolution syrienne, surtout si elle s'approfondit, montre donc la voie aux Palestiniens : les armes au peuple et la démocratie.

L'un des « récits dominants » sur ce qui vient de se passer tend à en faire un sous-produit du 7 octobre 2023, à travers le fait, incontestable, que les coups portés à l'Iran et surtout au Hezbollah par Israël ont donné une « fenêtre de tir » à la percée du HTS vers Alep, à partir de laquelle se sont enclenchés l'effondrement du régime et l'irruption des masses.

Il est en réalité tout à fait classique de voir une guerre nullement progressiste produire, involontairement, par la défaite de l'un de ses protagonistes étatiques, une poussée révolutionnaire. C'est ainsi que le fait que la révolution russe de 1905 ait eu pour déclencheur la défaite russe face au Japon ne rend pas le Japon d'alors révolutionnaire, pas plus que la révolution russe de 1917, liée à l'effondrement militaire en cours face à l'Allemagne impériale, ne fait de celle-ci un pays démocratique. De même, Israël n'est pas rendu progressiste et non-colonial du fait que ses coups sur le Hezbollah ont à l'évidence favorisé l'initiative initiale du HTS. Mais les causes de celle-ci sont internes. Et ses conséquences, nous allons y revenir, sont perçues comme terriblement menaçantes par Netanyahou.

IV. L'impact international de la révolution syrienne.

Cette formidable victoire populaire est donc une victoire pour tous les peuples. Elle fait contrefeu à toute la dynamique réactionnaire et fascisante mondiale que portent Trump, Poutine et Netanyahou.

Elle constitue la plus importante aide à l'Ukraine qui se soit produite, précisément au moment où la pression militaire russe dans le Donbass et la pression internationale contre l'armement de l'Ukraine et pour qu'elle cède s'intensifient avec Trump. Sur ce point, la déclaration du Comité français du RESU du 11 décembre 2024 sur la Syrie dit l'essentiel.

Mais c'est aussi le premier soutien réel apporté de l'extérieur au peuple palestinien depuis l'offensive, à dynamique génocidaire, engagée par l'armée israélienne depuis le 8 octobre 2023, au lendemain des pogroms du Hamas. Ce soutien réel ne sera donc pas venu du « mouvement propalestinien » que les organisations de la gauche et de l'extrême-gauche campistes et néocampistes influencent de manière décisive.

Car, disons-le : si l'effondrement du régime syrien, avec le puissant élan qu'il va imprimer aux aspirations populaires libanaises, porte un coup mortel au prétendu « axe de la résistance » allant de Téhéran au Hamas, ceci RENFORCE et n'affaiblit pas, la lutte du peuple palestinien dont le premier besoin, pour pouvoir résister efficacement au massacre à Gaza et à l'épuration ethnique en Cisjordanie, est de s'émanciper du dit « axe de la résistance ».

Le camp des droits démocratiques et nationaux des Palestiniens n'est pas le camp de Khamenei et compagnie. L'émancipation des Palestiniens ne peut qu'être l'œuvre des Palestiniens eux-mêmes, et une Syrie démocratique serait une impulsion formidable à l'exigence d'un Etat palestinien souverain, démocratique et laïque, déstabilisant les fondements du colonialisme à étiquette sioniste qui se nourrit de la menace existentielle que l' « axe de la résistance », sans servir de rien pour les Palestiniens, fait peser sur les Juifs.

Israël, après des années de collaboration avec l' « antisioniste » Assad, n'a jamais autant bombardé la Syrie que dans les quelques jours ayant suivi sa chute ! Etrangement, jamais Tsahal n'avait bombardé tous ces sites militaires quand ils étaient aux mains d'Assad.

Une offensive militaire occupe la zone frontière libano-syrienne du mont Hermon. Netanyahou vient de proclamer que le Golan resterait toujours israélien, ce qu'il n'aurait jamais dit au temps d'Assad.

Le rôle actif des druzes dans la prise de Damas, depuis Souieda, Kuneitra, Deraa, inquiète Tel-Aviv au plus haut point. Le fait que les druzes israéliens et ceux du Golan occupé depuis 1967 soient souvent assez bien intégrés dans la vie sociale et politique israélienne ne contredit nullement cette réalité : les druzes pourraient justement constituer un pont entre Israël, le Liban et la Syrie.

Netanyahou n'en veut pas car cela irait dans le sens de la démocratie, qui passe par un Etat palestinien et par le fait que les judéo-israéliens s'assument comme nation proche-orientale parmi ses voisines, et non comme peuple colonial.

Cette politique de fuite en avant a besoin du mensonge : faire croire qu'un nouveau danger islamiste va faire irruption en est la clef de voute. Mais la révolution syrienne porte en elle sa grande sœur, la révolution iranienne des femmes, des travailleurs et des peuples pour mettre à mort la République islamique. Rien ne pourrait arriver de meilleur pour les Palestiniens !

V. Le Rojava, un mythe qui va tomber.

Depuis des années, un mythe circule en Europe : une « commune libre », féministe et libertaire, existerait au Rojava. La réalité était la suivante : lorsque l'Etat d'Assad a commencé à reculer, ce territoire a été concédé par Bachar au PYD et à ses forces armées, les YPG. Avec son appareil d'Etat, prisons, chambres de tortures et statues de Bachar comprises.

C'est ainsi que les statues de Bachar, dans tout le Rojava, n'ont été renversées que le jour même de la chute d'Assad, comme à Séré Kaniye, au cœur du Rojava. Cet Etat, issu non d'une révolution, mais de la tentative de préserver l'Etat existant d'une révolution, a évolué en roues plus ou moins libres, entre les attaques turques visant toute émancipation nationale kurde, et l'aide des deux impérialismes, le russe et, surtout, l'américain (oubliant qu'il avait qualifié de « terroristes » ces « marxistes-léninistes »). En luttant contre Daesh, les YPG ont sauvé des populations, notamment les Yézidis, et promu la place des femmes à l'encontre des islamistes. Ces faits incontestables ne changent rien à la nature fondamentale de cet Etat, comme on le voit ces derniers jours.

Le Rojava est en effet le dernier secteur de la Syrie dans lequel l'appareil d'Etat avec sa police et son armée est resté en place, et il tire sur les manifestants notamment à Rakka. Des révolutionnaires sérieux ne peuvent qu'être avec les masses contre la police. Deir Ezzor est libéré et la question de la libération de toute la partie arabe du « grand Rojava » est posée.

Le PYD tente en même temps de s'adapter et dit se féliciter de la chute d'Assad dans laquelle il n'est pour rien. Mais les rassemblements convoqués et encadrés lui échappent, y compris en zone kurde, et tournent en affrontements.

Les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni ont sous-traité au PYD et aux FDS (Forces Démocratiques Syriennes) qu'il domine, la gestion des camps de prisonniers issus des forces de Daesh, aujourd'hui très affaiblies. Le principal d'entre eux est à Hassaké, où des affrontements entre population et appareil d'Etat ont également commencé. Il s'agirait d'environ 7000 prisonniers et prisonnières, souvent des familles, les chefs véritables de l'Etat Islamique (Daesh), riches personnages issus des polices politiques irakienne et syrienne, ayant échappé à l'arrestation. L'issue démocratique à cette situation ne peut que consister dans leur exfiltration sous contrôle de comités démocratiques formés par les Syriens eux-mêmes. Daesh ne saurait être le prétexte à la contre-révolution, au Rojava ou ailleurs.

Dans la zone occidentale prolongeant le Rojava, à El Manbij, la situation doit être analysée différemment car il y a ingérence turque, à travers l'ANS (Armée Nationale Syrienne, qui a concentré de fait les secteurs, islamistes ou non, d'Idlib, qui n'ont pas suivi l'avancée du HTS vers le Sud et sont passés ou sont restés sous contrôle turc ; ces forces contiennent une forte proportion de minorités nationales turcomanes). La menace envers les Kurdes, en tant que peuple, est certaine, et des exactions se produisent.

Mais quelle serait la seule protection efficace pour les Kurdes ? Ce serait leur alliance totale avec la révolution syrienne. Ceci n'est pas possible sous l'égide d'un appareil autoritaire qui a été, depuis 1978, l'allié du totalitarisme assadiste.

VI. Des mots d'ordre clairs contre des Etats hostiles.

Comme on le voit, la révolution syrienne a des ennemis puissants qui semblent surgir de partout. Ce sont les Etats, ce sont les forces représentant l'ordre établi. Ses alliés potentiels sont les opprimés et les peuples.

Il y a attaque turque contre les FDS et menaçant les Kurdes, au Nord ; attaque israélienne au Golan ; les troupes russes sont en débandade mais ne sont pas parties ; bombardements américains théoriquement sur « l'Etat islamique » ; bombardements israéliens jusque sur Damas.

Al-Julani, le terrible « djihadiste » (en fait islamiste) n'a protesté contre rien de tout cela : il tend la main à toutes les puissances. Bien plus que la sharia qui n'est à l'ordre-du-jour nulle part en Syrie, sa politique de conciliation avec l'ordre établi est ainsi tangible, ainsi que l'affirmation de vouloir construire une Syrie fondée sur « la libre entreprise ».

Alors que pratiquement toutes les forces politiques existantes essaient de ne pas tenir compte, de refouler, de minimiser, l'irruption des masses et donc du nouveau qui vient de se produire, la défense immédiate de la révolution, de la démocratie et de la souveraineté syrienne requiert, elle, des mots d'ordre clairs :

Libération de tout le territoire syrien !

Les troupes israéliennes et turques : DEHORS !

Les bases russes : DEHORS !

Daesh et l'aviation américaine : DEHORS !

Dans le territoire kurde, basta l'Etat YPG : le pouvoir au peuple !

Le Golan n'est pas israélien !

Elections libres, égalité des droits, respect des confessions, sur tout le territoire ! Une Syrie démocratique serait le noyau de la reconstruction démocratique de toute la région et le premier point d'appui pour un Etat palestinien et un Etat israéliens démocratiques et laïques.

VII. Perspectives syriennes.

Les prochains affrontements en Syrie n'auront sans doute pas pour objet la sharia, mais la démocratie. Al-Julani cherche à intégrer des pans entiers de l'ancien appareil d'Etat et veut donc préserver, et même réaliser pleinement, une « économie de marché ». C'est dans la réalité, non dans des formules tirées de livres, que les chocs se produisent.

Ainsi, il a dû renoncer à l'amnistie générale sous la pression populaire. Un « comité révolutionnaire » à Hama a organisé la pendaison publique d'un assassin de masse. Les lynchages de tortionnaires ont commencé partout. Al-Julani a alors pris acte de l'action des masses en proclamant la non-amnistie des tortionnaires.

Ainsi, l' « économie de marché » est en train de prendre un grand coup à Damas : la forme de production capitaliste la plus lucrative, les labos de captagon, ont commencé à être épurés, les stocks détruits, par des groupes armées autoconstitués.

Le mouvement de la révolution démocratique voit sans doute déjà, notamment pour organiser la vie quotidienne immédiate toute police ayant disparu, des comités populaires se former partout, et il y a une expérience en la matière depuis 2011.

L'extension de la révolution au Rojava, dernière zone où l'Etat ancien résiste vraiment, va s'imposer : les Kurdes y ont toute leur place et il est possible que des secteurs du PYD tournent, sous la pression.

La libération de Damas a été un acte démocratique constituant, au sens national du mot « constituant », car des forces de tout le pays ont convergé sur Damas – à l'exception du grand Rojava, par la faute du PYD.

L'idée d'une période de transition est généralement acceptée en raison de ce mélange de liesse et de deuil dont il a été question. Comme l'écrit le militant démocratique Firas Kontar, bien plus clairvoyant que tous les « marxistes » auto-étiquetés, les Syriennes et les Syriens en ont grand besoin. En ce sens, il y a un mandat tacite à al-Julani, qui est aussi une forme de contrôle. Il ne durera pas longtemps.

La suite du processus appelle des élections, libres et démocratiques, dans tout le pays, reposant à la fois sur l'égalité civique de tous les Syriens et sur la reconnaissance des droits culturels propres à chaque groupe. Elections à une assemblée constituante souveraine, ce que al-Julani menace déjà en disant vouloir former un groupe de juristes et de docteurs chargés d' « amender » la constitution bidon d'Assad.

Ce processus réel est celui d'une révolution démocratique et donc prolétarienne, car le « prolétariat », masse humaine n'ayant que sa force de travail pour vivre, est ici aussi l'immense majorité.

VIII. Conclusion : perspectives internationalistes

La plupart des « marxistes » fonctionnent de la manière suivante face aux événements : ils vérifient que ces événements sont conformes à ce qu'ils pensent savoir, ce qui conduit à les tordre et à en dénier le contenu réel. La vraie méthode ne doit pas consister à faire la leçon aux événements, à dire aux révolutions qu'elles sont mal barrées, à vérifier que les forces ennemies sont en place et les vaches bien gardées afin de pouvoir se prémunir de toute expulsion de sa zone de confort. Elle doit consister à saisir le réel, à appréhender le nouveau. Il survient dans un cadre déjà connu, qui a été analysé, mais il le modifie. Le vrai « marxisme » consiste à apprendre des faits, pas à faire la leçon aux faits. Il conduit donc à l'enrichissement, pas à la répétition. Car la répétition finit immanquablement par devenir … contre-révolution.

Le 24 février 2022 a inauguré une nouvelle période de guerres et de révolutions et de révolutions-guerre. Le 7 octobre 2023 a servi aux partisans de la répétition à tenter de tout ramener dans leur ancien monde campiste, alors que la nouveauté y était, elle aussi, inscrite. Le 28 novembre 2024 (jour de la libération d'Alep) jusqu'au 8 décembre (fuite d'Assad) viennent à nouveau retourner la période, marquée entretemps d'un autre évènement majeur, contre-révolutionnaire lui : le 5 novembre 2024, élection de Trump n°2.

Il est remarquable de voir à quel point l'irruption syrienne heurte tous les schémas qui, par conséquent, lui résistent de toute leur énergie – et cette énergie fait aussi partie du réel où se déterminent les rapports de force : notre compréhension de la Syrie est un élément du rapport de force mondial.

Désormais, contre l'ordre impérialiste multipolaire de Trump, de Poutine et de Netanyahou qui nous mènent à la destruction climatique, économique et militaire, les internationalistes conséquents ont deux points d'ancrage et de référence centraux (pas les seuls bien sûrs mais les plus puissants) : l'Ukraine et la Syrie. Toute la question palestinienne notamment ne pourra qu'être rebattue en fonction de la Syrie.

Le présent texte ne vise qu'à commencer à intégrer cette dimension nouvelle, premier devoir de tout révolutionnaire du monde réel.

Vincent Présumey, le 13/12/24.

Pour une couverture médiatique rigoureuse de l’actualité syrienne

21 janvier, par Élise Daniaud Oudeh, Firas Kontar — , ,
Depuis que la Syrie suscite à nouveau l'intérêt des médias français, certaines analyses diffusées sur les grandes chaînes de télévision ou de radio nous préoccupent, de par (…)

Depuis que la Syrie suscite à nouveau l'intérêt des médias français, certaines analyses diffusées sur les grandes chaînes de télévision ou de radio nous préoccupent, de par leur présentation parfois inexacte et partiale des faits. Ces discours, loin d'être anodins, ont eu des répercussions profondes.

Tiré du blogues des auteurs.

A Paris, le 15 janvier 2025

Le 8 Décembre 2024, une offensive éclair partie d'Alep a mis fin à 54 ans de règne de la sanglante dynastie Assad en seulement onze jours. Ce tournant historique constitue un événement majeur et inattendu dans l'histoire de la Syrie, meurtrie par des décennies de souffrance, de terreur et d'oppression.

Depuis que la Syrie suscite à nouveau l'intérêt des médias français, certaines analyses diffusées sur les grandes chaînes de télévision ou de radio nous préoccupent, de par leur présentation parfois inexacte et partiale des faits. Au fil des jours, une évolution favorable semble se dessiner, grâce à la ténacité des défenseurs des droits des Syriens et des Syriennes, des chercheurs spécialisés, et au travail des journalistes engagés sur le terrain, qui s'efforcent de faire entendre une lecture plus respectueuse des faits.

Toutefois, le traitement médiatique français de la libération de la Syrie reste encore affecté par des approches d'experts généralistes qui se refusent à prendre en compte les spécificités du pays, et marginalisent les voix et l'expertise des Syriens eux-mêmes, tout en reléguant la question des droits humains au second plan. Au cœur du problème, nous retrouvons notamment des comparaisons récurrentes avec les destins libyens, irakiens et afghans qui ne sont pas ancrées dans des faits concrets.

Ces discours, loin d'être anodins, ont eu des répercussions profondes. Depuis plusieurs années, des analyses géopolitiques justifiant l'application de la “realpolitik” ont causé des dégâts considérables. Elles ont contribué à déformer la perception de la Syrie en France, en Europe et aux États Unis, tant dans l'opinion publique qu'au sein des institutions politiques, menant à des décisions politiques dangereuses. Elles ont notamment favorisé l'émergence d'une solide tendance plaidant en faveur de la normalisation des relations diplomatiques avec le régime Assad, ainsi que de sa réhabilitation, notamment via des projets de reconstruction financés par l'ONU et l'UE, et ce malgré l'existence d'une documentation exhaustive des crimes commis par al-Assad depuis 2011.

Présentés comme la seule solution pragmatique, ces objectifs étaient pourtant des plus irréalistes, et leur mise en œuvre était concrètement impossible ; ceux qui connaissent la Syrie le savaient. Alors que la Syrie se dirige vers une transition où les Syriens appellent avant tout à obtenir justice et réparation, ces voix-là doivent se dissiper des ondes. De même, vouloir dévoiler la diversité des opinions propres aux Syriens est essentiel, mais ne doit pas servir ceux qui ont fait le choix d'être des soutiens du régime Assad, en France comme en Syrie. L'abattoir humain de Sednaya illustre la nature génocidaire de ce régime, que beaucoup ont voulu minimiser : leur donner aujourd'hui la parole est une insulte à la souffrance de ses victimes et de tous les Syriens.

Nous observons également une autre tendance inquiétante, consistant à projeter des prismes de lecture sensationnalistes sur des points complexes, telle que la nature et lesobjectifs du groupe islamiste “Hayat Tahrir al-Sham”, ou encore la problématique des minorités ethniques et religieuses. Ces interprétations essentialisent les citoyens syriens et leur révolution, et relèguent au second plan la diversité d'opinion du peuple, ainsi que son agentivité. Plus grave, elles reprennent également certains éléments de langage de Bachar al-Assad.

Les inquiétudes concernant l'avenir sont légitimes. Elles le sont d'autant plus que les Syriens, qui ne sont pas naïfs, seront les premiers à en pâtir. Elles ne doivent cependant pas occulter le présent en évinçant le bilan 13 ans de massacre et de 54 de tyrannie absolue sur la scène médiatique. Elles ne doivent pas non plus minimiser l'extraordinaire résilience et richesse du peuple syrien, dont nombreux sont prêts à s'investir pour reconstruire et rebâtir ce qui leur a été arraché.

Le poids d'HTS au cœur des médias, mais aussi des événements en Syrie, est notamment à reconsidérer : le principal événement de ces dernières semaines reste avant tout l'effondrement total et rapide du régime par une base loyaliste à l'agonie. Pendant qu'Assad criait victoire, le quotidien d'une grande majorité était celui d'une vie de misère et d'un État délabré qui ne répondait plus à leurs besoins, alimentant un sentiment de trahison ainsi que le ressentiment de ceux qu'on lui croyait fidèle.

Suite à ces 54 années de souffrances et à l'échec de la communauté internationale de tenir Bashar al-Assad responsable de ses crimes dès 2011, la Syrie et son peuple méritent désormais d'être considérés avec rigueur, intégrité intellectuelle et respect. Ce pays ne saurait être réduit ni à un simple objet d'enjeux géopolitiques régionaux, ni à des questions religieuses, ni au terrain de jeux de factions armées. Il s'agit avant tout d'une nation porteuse d'une histoire singulière et d'un peuple souverain, seul maître de sa libération et de son destin. C'est pourquoi nous demandons aux acteurs du monde médiatique français de donner la parole aux Syriennes et aux Syriens avant tout, ainsi qu'aux spécialistes du pays, et de porter leur voix. La Syrie traverse également des événements extraordinaires qu'il faut décrire avec justesse et précaution : sa perception actuelle par les peuples et les acteurs de la politique occidentale jouera également un rôle décisif dans son avenir.


Elise Daniaud Oudeh & Firas Kontar

Élise Daniaud Oudeh est doctorante en sciences politiques sur le discours officiel syrien et russe en Syrie à l'université LUISS « Guido Carli » et chercheuse associée à la « Mediterranean Platform » (SoG LUISS).

Firas Kontar est un militant des droits de l'homme franco-syrien, il a récemment publié Syrie, la révolution impossible (Editions Aldeia, 2023).

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Syrie : « {Nous ne pouvons pas rendre nos armes tant que les attaques contre les femmes et nos territoires se poursuivent} »

21 janvier, par Rohilat Afrin — , ,
Entretien avec la commandante en cheffe du YPJ, Rohilat Afrin Tiré de Entre les lignes et les mots https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/01/14/syrie-nous-ne-po

Entretien avec la commandante en cheffe du YPJ, Rohilat Afrin

Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/01/14/syrie-nous-ne-pouvons-pas-rendre-nos-armes-tant-que-les-attaques-contre-les-femmes-et-nos-territoires-se-poursuivent/?jetpack_skip_subscription_popup

Alors que tous les regards étaient tournés vers les forces dirigées par Hayʼat Tahrir al-Sham (HTS) balayant la Syrie d'Assad en ruines, l'Armée nationale syrienne (ANS) soutenue par la Turquie a lancé une attaque sur le nord et l'est de la Syrie (NES), s'emparant de Shehba et de Manbij aux Forces démocratiques syriennes (FDS). Aujourd'hui, la Turquie menace d'envahir la ville kurde de Kobané. Pendant ce temps, l'ANS tente de traverser l'Euphrate et d'empiéter davantage sur le NES, avec des affrontements féroces en cours dans la campagne de Manbij. Les unités féminines des YPJ – qui se sont fait connaître lors de leur combat contre ISIS à Kobané en 2014 – sont sur la ligne de front dans le cadre des FDS.

La commandante en cheffe des YPJ, Rohilat Afrin, a parlé au Rojava Information Center (RIC) de l'état de la guerre à Manbij, du cessez-le-feu qui n'a jamais existé, de la possibilité d'une invasion turque à Kobané, des relations entre le HTS et les FDS et de la possibilité pour les YPJ d'être intégrées dans l'armée syrienne.

La situation actuelle sur la ligne de front semble être restée plus ou moins inchangée ces derniers jours. Pouvez-vous expliquer brièvement l'état des combats ?

Il est évident qu'une guerre est menée contre notre région, comme en témoignent les combats qui se déroulent ici, notamment au barrage de Tishreen et au pont de Qereqozak. Cette situation de guerre est constante depuis l'effondrement du régime Baas et l'arrivée au pouvoir du gouvernement al-Jolani. La Turquie et l'ANS, soutenue par la Turquie, ont cherché à exploiter la vacance du pouvoir et à lancer une attaque contre notre région. Cela va à l'encontre des résultats que nous y avions obtenus. Ces attaques ne sont pas simplement des actions militaires, mais une tentative délibérée de détruire ce que nous avons construit ici. La Turquie et ses mercenaires poursuivent une politique de destruction et d'assujettissement par le biais de ces attaques.

Tishreen et Qereqozak sont les deux principales portes d'entrée de la NES. Elles sont stratégiquement importantes pour protéger Kobané, Tabqa, Raqqa et le reste de la NES en général. Cibler ces villes est lié à l'objectif de la Turquie de viser nos réalisations dans la région où les personnes ont été rassemblées. Une conscience collective a uni la population. Des années de travail ont été investies dans la construction de cette conscience au sein de la population. Ils sont déterminés à l'anéantir. Cette guerre vise à démanteler les valeurs établies dans cette région.

Nos combattantes sont actuellement engagées dans des combats avec l'ANS et se battent avec force. Ce que les gens devraient vraiment remarquer, c'est que la Turquie utilise sans cesse des drones et des avions de guerre, encourageant l'ANS à attaquer. La résistance de nos combattantes n'a pas été découragée. Sans la puissance aérienne de la Turquie, l'ANS serait facilement vaincue. En fait, le nombre de morts et de blessés dans leurs rangs est déjà élevé. Ils se sont retirés de certains points. Dans ces conditions, une confrontation majeure est en cours.

Un cessez-le-feu aurait été décrété à Manbij il y a quelques semaines. Cependant, des combats ont lieu tous les jours. N'y a-t-il donc jamais eu de cessez-le-feu ?

On ne peut pas parler de cessez-le-feu. En paroles, il y a eu un cessez-le-feu. En pratique, nous n'avons rien vu de tel. Lorsque le cessez-le-feu a été annoncé à Manbij, c'était sur la base de l'évacuation des personnes souhaitant fuir, des corps de nos combattantes tombées au combat et de nos blessées qui étaient entre leurs mains. Cependant, ce cessez-le-feu ne s'est pas concrétisé en raison des attaques lancées par l'ANS. Le cessez-le-feu n'a rien donné sur le terrain. Ce n'était que des paroles en l'air.

Ensuite, en tant que YPJ, YPG et SDF, nous voulions avancer à partir du barrage de Tishreen et de Qereqozak, pour progresser un peu, parce que nous étions sous un feu nourri. Il y a eu beaucoup d'attaques à la fois sur Tishreen et depuis l'axe de Deir Hafir. Nous avons donc repris quelques villages. Nous voulions en effet protéger le barrage et le pont. Dans ces conditions, on ne peut pas parler de cessez-le-feu.

L'ANS était ivre de succès en Syrie, puisqu'il a participé à l'avancée d'Idlib vers Damas. Les villes tombaient les unes après les autres. Ils pensaient qu'il en serait de même avec le pont de Qereqozak et le barrage de Tishreen. Aujourd'hui, ils sont psychologiquement et matériellement confrontés à des pertes, car ils ont dû faire face à la résistance de nos combattant·es. Sur les deux fronts, nos combattantes ont été fermes.

Quelle est la menace actuelle pour Kobané ?

Ce que j'ai dit précédemment est lié à la question de Kobané. De nombreuses menaces pèsent sur Kobané. En tant que ville, Kobané ne concerne pas seulement la NES. C'est une ville du monde entier, comme le montre la création de la « Journée mondiale de Kobané » en solidarité. La lutte qui s'est déroulée à Kobané a permis de vaincre une force telle qu'ISIS. Cette victoire massive remonte à une dizaine d'années. À l'époque, Erdogan observait la situation jour après jour, disant « Kobané tombera aujourd'hui » ou « Kobané tombera demain ». Mais Kobané a été libérée à force de volonté, de résistance et de détermination. C'est ainsi que Kobané est devenue célèbre dans le monde entier.

Kobané est confrontée à un grave danger. Lorsque nous disons cela, cela signifie qu'il y a un danger pour l'ensemble de la NES. La Turquie considère que Kobané est à l'origine de ce qui a été réalisé dans la région. La Turquie veut étendre son influence en Syrie. Dans ce contexte, elle menace la ville et veut l'occuper. En réalité, le danger qui pèse sur Kobané n'a jamais cessé. Il y a toujours eu des menaces. Ces menaces ont à leur tour suscité des réactions de solidarité : des femmes et des hommes politiques, des militant·es des droits des êtres humains et l'opinion publique mondiale, voire la Coalition, ont fait des déclarations s'opposant à la guerre contre la ville.

Si la Turquie devait s'emparer du barrage de Tishreen et du pont de Qereqozak, Tabqa, Raqqa, Kobane et toutes les régions de la NES seraient menacées. La politique – la guerre et la victoire – à Kobané concerne le monde entier, et pas seulement le NES. Nous sommes convaincu·es que Kobané bénéficiera d'un soutien et d'une solidarité extérieurs. Nous serons en mesure de la protéger. Mais la Turquie est déterminée à atteindre ses objectifs. Les FDS et les YPJ s'y opposent. Le combat qu'ils ont mené à Kobané [en 2014] a bouleversé le monde. Dans la période actuelle, nous adopterons la même position face à la Turquie et à l'ANS.

Comment appréciez-vous l'effervescence diplomatique autour de Damas, avec de nombreuses délégations venues rencontrer al-Jolani, y compris de Turquie ?

De nombreux États ont cherché à établir des relations avec le HTS depuis l'émergence du nouveau gouvernement d'al-Jolani. Des officiels turcs sont également venus à Damas, comme Hakan Fidan. Son objectif premier est d'anéantir l'administration autonome. La Turquie veut organiser la Syrie comme sa propre province, la contrôler, avoir une influence sur la Syrie. L'arrivée de Hakan Fidan à Damas l'a clairement montré. Il veut influencer le HTS.

Les etatsuniens sont-ils toujours à Kobané ? Et si la Turquie attaque Kobané, vous attendez-vous à une aide des Etats-Unis ?

Tout au long de la dernière phase, jusqu'au début des derniers développements, les Russes étaient présents à Manbij, Ayn Issa et Kobané. Les Etatsuniens n'y étaient pas présents. Avec le retrait récent des Russes, des patrouilles étasuniennes ont commencé à avoir lieu, mais elles n'ont de bases là-bas. Par ces patrouilles, les Etats-Unis disait « ous sommes là, nous aiderons à protéger la ville », envoyant ainsi le message de sa présence. Notre coopération avec la coalition a commencé avec la lutte contre ISIS. Si la Coalition dirigée par les États-Unis ne remplit pas son rôle, elle sera accusée de faire deux poids deux mesures. Si la Turquie attaque Kobané, peut-on s'attendre à ce que les États-Unis l'aident ? Matériellement, non. Mais d'une manière générale, par le soutien qu'ils affichent et par leur rencontre avec la Turquie, ils ont montré que leur position est que la question doit être résolue pacifiquement.

Même s'ils ne font que suivre leurs propres intérêts, ils ont empêché l'ouverture des portes à une invasion turque à Kobané. Une partie de leurs efforts diplomatiques montrent clairement qu'ils ont tenté de nous aider. Cependant, nous considérons que la Coalition a la responsabilité de mettre un terme aux combats et aux attaques aériennes actuels. D'une manière générale, nous ne nous attendons donc pas à un blocage concret d'une invasion terrestre, mais dans le contexte diplomatique, des efforts sont déployés pour l'empêcher, même s'ils ne sont pas suffisants.

Qu'en est-il de l'aide internationale de manière plus générale, en dehors de l'Amérique ? La dernière fois que Kobané a connu la guerre, c'était en 2014, lors de l'attaque d'ISIS. À l'époque, la solidarité internationale était importante. Cette fois-ci, la menace vient de la Turquie plutôt que d'ISIS. Vous attendez-vous à un soutien mondial similaire ?

Pendant le siège de Kobané par ISIS, les actions de YPJ en tant que force féminine ont eu une résonance mondiale. Grâce à Kobané – et à la révolution du 19 juillet ici – des femmes silencieuses et sans défense ont trouvé leur voix, leur force et sont devenues des leaders. L'attitude du YPJ en 2014 en a fait un exemple à suivre dans le monde. Nous avons appris de toutes les expériences et de tous les défis que nous avons traversés pendant des années, en termes de renforcement des tactiques et des méthodes. Nous sommes convaincus que le YPJ – ainsi que les YPG et les FDS – seront en mesure de faire face à tout ce qui pourrait survenir. En tant qu'unités féminines, nous y croyons. Nous avons été victorieuses à Kobané. Cela a également démontré aux femmes du monde entier qu'une armée de femmes est nécessaire pour protéger les femmes. Grâce à cette protection, nous sommes en mesure de nous organiser. La lutte pour protéger nos territoires s'est poursuivie de la sorte. Comme je l'ai déjà dit, nous pensons que la guerre de Kobané était une guerre pour l'humanité, une guerre pour protéger toutes les femmes et toutes les terres. Nous sommes convaincues qu'un état d'alerte publique à l'échelle mondiale sera déclenché et que la solidarité sera assurée si Kobané est à nouveau attaquée.

Certains disent maintenant que les FDS devraient remettre leurs armes à une armée syrienne centrale et s'intégrer. Qu'est-ce que cela signifie pour le YPJ ?

L'intention du nouveau gouvernement – je ne parle pas de la population en général, mais du gouvernement en particulier – de faire cela est démontrée par le contenu de son approche envers les FDS. Ils veulent un Etat centralisé basé sur l'unification de l'armée, des institutions et aussi des mentalités. Ce qu'ils font circuler dans la presse et les médias, ainsi que les interviews qu'ils donnent, suggèrent que les FDS ne seront pas accepté dans sa forme actuelle et tel qu'il est.

Nous sommes attaquées. Il nous est donc impossible de déposer les armes. Les FDS sont une force qui a dix ans d'expérience dans la lutte contre ISIS. Au niveau international, elle est soutenue par la Coalition.

La Turquie refuse d'accepter l'administration autonome en tant que modèle et idée. La Turquie n'accepte pas non plus les FDS en tant qu'armée. Elle veut l'imposer au nouveau gouvernement. Cela signifie également que le YPJ n'est pas accepté – le YPJ, qui a combattu ISIS, a réalisé des gains significatifs, et est au cœur de l'Administration autonome.

Avec le nouveau gouvernement, les femmes devront intensifier leur lutte pour se défendre. Nous ne pouvons pas rendre nos armes alors que les attaques contre nous et nos territoires se poursuivent. Une telle chose ne peut se produire que par le biais d'accords et de pourparlers qui formalisent une Syrie démocratique dans laquelle les droits de toutes les femmes, de toutes les nationalités et de tous les peuples sont garantis et réalisés. Si ces conditions sont remplies, nous pourrons alors discuter de la question des armes.

L'état d'esprit qui règne au sein du nouveau gouvernement montre clairement qu'il n'y a pas de place pour les femmes – ou seulement une place où les femmes doivent accepter de se couvrir la tête et d'adopter un état d'esprit patriarcal. Pour éviter ce qui précède, il faudra beaucoup d'organisation et de lutte. Il s'agit là d'un grave danger que nous devons reconnaître. Les normes du nouveau gouvernement pour les femmes sont une menace pour l'existence, le rôle et la culture des femmes.

Au niveau mondial, pour la première fois, des femmes forment une armée, se protègent et se battent. Cette force armée indépendante a inspiré de nombreuses femmes – arabes, kurdes, assyriennes et internationales.

Le YPJ accepterait-il de faire partie de l'armée syrienne ?

À ce stade, on ne sait pas encore quelle sera l'issue de la situation. Il existe une multitude de facteurs qui ne sont pas encore clairs. La situation est complexe. Le nouveau gouvernement est en plein chaos, tant au niveau de ses institutions que de sa capacité à gouverner l'ensemble du pays. L'avenir reste incertain. Si – comme le souhaite la population et comme nous le souhaitons – la Syrie devient réellement une Syrie démocratique, politiquement, socialement, légalement ; si tous les efforts fournis et les réalisations obtenues au sein du SNE au cours des 12 dernières années sont reconnus, alors bien sûr, le YPJ peut faire partie de cette armée [l'armée syrienne]. En fait, YPJ peut servir de modèle aux femmes syriennes, en donnant l'exemple de l'autonomie et de l'autodéfense des femmes. Toutefois, comme indiqué précédemment, la nature précise de la situation reste incertaine. Il est impératif de comprendre que le champ d'application de cette question est vaste. Nos objectifs, nos positions et notre approche seront formulés sur cette base que j'ai expliquée. Ne pas suivre le mode de pensée actuel des HTS, selon lequel tout doit être centralisé. Si l'on adopte une approche qui englobe la diversité et qui est démocratique, alors le rôle du YPJ peut être discuté. La composition d'une armée de femmes syriennes peut être façonnée par le YPJ. Voilà ce que je peux dire à ce stade.

Rohilat Afrin & Rojava Information Centre
https://links.org.au/syria-we-cannot-hand-over-our-weapons-while-attacks-women-and-our-territories-continue-interview
Traduit avec DeepL.com (version gratuite)

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La lutte des Kurdes est au cœur de l’avenir de la Syrie

21 janvier, par Joseph Daher — , ,
Joseph Daher estime que les progressistes doivent construire une Syrie pluraliste qui reconnaisse les libertés des Kurdes Ces dernières semaines, l'armée nationale syrienne (…)

Joseph Daher estime que les progressistes doivent construire une Syrie pluraliste qui reconnaisse les libertés des Kurdes

Ces dernières semaines, l'armée nationale syrienne (ANS), avec le soutien des forces turques, a lancé des attaques meurtrières contre les zones contrôlées par l'Administration autonome du nord-est de la Syrie (AANES), dirigée par les Kurdes, et les Forces démocratiques syriennes (FDS). En effet, depuis sa création en 2017, l'ANS joue le rôle de supplétif de la Turquie en Syrie et bénéficie d'un financement, d'un entraînement et d'un soutien militaire de la part d'Ankara. Toutefois, le 23 décembre, les FDS ont mené une contre-offensive qui a contraint l'ANS à se retirer de plusieurs zones.

L'offensive militaire menée par l'ANS contre certaines zones habitées par les Kurdes et contrôlées par les FDS a commencé presque en même temps que l'offensive militaire qui a conduit à la chute du régime d'Assad. Les forces de l'ANS ont pris le contrôle des villes de Tell Rifat et de Manbej dans le nord de la Syrie, ce qui a entraîné le déplacement de plus de 150 000 civils et de nombreuses violations des droits de l'homme.

Suite à ces attaques, l'Armée nationale syrienne a poursuivi ses opérations militaires contre les FDS autour du barrage de Tishrin. Ce barrage fournit de l'électricité à une grande partie du nord-est de la Syrie qui se trouve sous l'autorité de l'AANES. Les FDS contrôlent ces installations depuis 2015, après en avoir éliminé Daëch avec l'aide des troupes américaines.

En outre, l'armée turque a bombardé la zone autour de Kobané, ce qui a entraîné des pertes civiles ; elle a notamment pris pour cible un entrepôt de céréales et gâté ainsi les 300 tonnes de blé qui y étaient stockées.

Les États-Unis ont tenté de négocier une trêve entre les FDS et la Turquie, mais Ankara a refusé denégocier un cessez-le-feu avec une « organisation terroriste ». La Turquie considère les Unités de protection du peuple (YPG) – qui constituent l'épine dorsale des FDS – comme le front syrien du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qu'elle considère comme un groupe terroriste.

Plusieurs manifestations ont été organisées dans les zones contrôlées par les FDS pour dénoncer les attaques menées par la Turquie. La population craint une répétition de l'invasion puis de l'occupation d'Afrin en 2018, qui a entraîné le déplacement forcé de centaines de civils (300 000 selon certaines estimations ), dont une grande majorité de Kurdes.

La dernière offensive soutenue par la Turquie est donc perçue par beaucoup comme une menace existentielle pour les Kurdes.

Le rôle destructeur de la Turquie en Syrie

Après la chute du régime Assad, la Turquie est devenue la principale puissance régionale active dans le pays. En apportant son soutien à Hayat Tahrir al-Cham (HTC), Ankara a consolidé son emprise sur la Syrie. Le principal objectif de la Turquie, outre le fait de procéder au retour forcé des réfugiés syriens et de retirer des avantages économiques de la phase de reconstruction, est de nier les aspirations des Kurdes à l'autonomie, et plus particulièrement de fragiliser l'AANES. Une telle évolution aurait un impact négatif sur les aspirations des Kurdes à l'autonomie en Turquie.

Le ministre turc des affaires étrangères, Hakan Fidan, a déclaré lors d'une conférence de presse conjointe avec le chef du HTC, Ahmed al-Charaa, que l'intégrité territoriale de la Syrie n'était « pas négociable » et que le PKK « n'avait pas sa place » dans le pays. Quelques jours plus tard, le président Erdogan a déclaré que les FDS « feront leurs adieux aux armes ou seront enterrées sur les terres syriennes ». L'armée turque n'a par ailleurs cessé de bombarder les civils et les infrastructures névralgiques du nord-est de la Syrie depuis la fin de l'année 2023.

Si HTC n'a participé à aucun affrontement militaire contre les FDS ces dernières semaines, l'organisation n'a pas pour autant exprimé son opposition aux attaques menées par la Turquie, bien au contraire. Mourhaf Abou Qasra, commandant de haut rang du HTC et ministre de la Défense nouvellement mis en place au sein du gouvernement de transition, a déclaré que« la Syrie ne sera pas divisée et il n'y aura pas de fédéralisme inch'Allah. Si Dieu le veut, toutes ces régions seront placées sous l'autorité de la Syrie ».

En outre, al-Charaa a déclaré à un journal turc que la Syrie établirait une relation stratégique avec la Turquie à l'avenir, ajoutant que « nous ne pouvons pas accepter que des territoires syriens soient utilisés pour menacer et déstabiliser aussi bien la Turquie que d'autres ».

Il a également déclaré que toutes les armes devaient passer sous le contrôle de l'État, y compris celles qui se trouvent dans les zones tenues par les FDS.

Par le passé, HTC a à maintes reprises apporté son soutien aux offensives turques contre les FDS.

Tout cela malgré le fait que les responsables des FDS aient déclaré vouloir négocier avec HTC. Le commandant des FDS, Mazloum Abdi, a fait savoir qu'il était favorable à la décentralisation de l'État et à l'auto-administration, mais pas au fédéralisme, tout en indiquant qu'il était ouvert à l'idée d'intégrer une future armée nationale syrienne (moyennant des garanties). Il a déclaré que les FDS n'étaient pas une extension du PKK et qu'elles étaient prêtes à renvoyer les combattants non syriens immédiatement après la conclusion d'une trêve.

Dans son dernier discours, al-Charaa a déclaréque des négociations étaient en cours avec les FDS pour trouver une solution à la crise dans le nord-est du pays et que le ministère syrien de la défense intégrerait les forces kurdes dans ses rangs.

La présence militaire américaine dans le nord-est est actuellement le principal obstacle à l'élimination totale par la Turquie des FDS dans cette zone. Cependant, l'arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche pourrait éventuellement conduire à un accord avec Ankara qui entraînerait le retrait des États-Unis. Cela donnerait le feu vert à une invasion turque aux conséquences désastreuses pour les civils, en particulier les Kurdes, et ce serait mettre fin à l'existence de l'Administration autonome du Nord et de l'Est de la Syrie (AANES).

Faiblesse de la solidarité

Il est peu probable que HTC soit disposé à répondre aux exigences des FDS et de l'AANES, surtout en ce qui concerne les droits nationaux des Kurdes. C'est que les régions du nord-est sont riches en ressources naturelles, en particulier le pétrole et l'agriculture, et qu'elles sont donc stratégiquement et symboliquement importantes.

En fin de compte, HTC n'est pas différent du Conseil national syrien et de la Coalition nationale des forces de l'opposition et de la révolution – les représentants officiels de l'opposition en exil, qui sont hostiles aux droits nationaux des Kurdes.

Plus généralement, tout comme pour Afrin en 2018, le principal problème est l'absence de toute manifestations organisées de solidarité, ou d'opposition, à l'offensive militaire menée par la Turquie contre les zones des FDS, et aux menaces qui pèsent sur les civils kurdes. C'est un enjeu considérable car il s'agit d'une nécessité politique pour l'avenir démocratique, progressiste et pluraliste de la Syrie.

La modification d'e cette situation serait un pas en avant dans la lutte contre la division ethnique entre Arabes et Kurdes. Il appartient aux forces progressistes et démocratiques de lutter contre le chauvinisme arabe afin que se crée une solidarité entre ces deux populations. Ce défi a été posé dès le début de la révolution syrienne en 2011 et devra être relevé si l'on veut que le peuple syrien puisse véritablement être libéré.

Il y a un besoin impérieux de revenir aux aspirations initiales du soulèvement pour la démocratie, la justice sociale et l'égalité-ce qui inclut le maintien de l'autodétermination kurde. Car si les FDS ou les YPG peuvent être critiquées pour leurs erreurs et leurs mesures de répression, ce ne sont pas elles qui constituent le principal obstacle à la solidarité entre Kurdes et Arabes. Au contraire, aujourd'hui, c'est le positionnement agressif des forces de l'opposition arabe en Syrie, ainsi que du HTC et de l'ANS .

La population kurde de Syrie fait l'objet de discriminations depuis la création de l'État en 1946. Les Kurdes ont souffert de l'interdiction de leur langue et de leurs manifestations culturelles, ont subi les politiques de colonisation arabe, ont été privés de leur nationalité et de leurs droits sociaux fondamentaux, et ont dû endurer le sous-développement dans les régions où ils étaient majoritaires.

Dans ce contexte, les forces progressistes doivent rechercher la collaboration entre les Arabes syriens et les Kurdes, y compris l'AANES. Car tout compte fait, l'AANES et ses institutions politiques représentent de larges pans de la population kurde et l'ont protégée contre des menaces locales et extérieures de toutes sortes.

Le soulèvement de 2011 a permis de faire émerger une dynamique nationale kurde de grande ampleur, sans précédent dans l'histoire de la Syrie. La question kurde soulève de nombreuses autres questions sur l'avenir du pays, notamment le possible développement d'une identité plurielle ne reposant pas uniquement sur l'arabité ou l'islam, ainsi que la nature de l'État et son modèle social. En définitive, ce sont autant de défis intrinsèquement associés à la recherche d'une véritable émancipation des classes populaires syriennes.

Joseph Daher
Source – New Arabs, 29 décembre 2024 :
https://www.newarab.com/opinion/kurdish-struggle-central-syrias-future
Traduit pour ESSF par Pierre Vandevoorde avec l'aide de DeepLpro.
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article73326

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Le peuple syrien s’est libéré des Assad mais leurs chantres campistes feignent de l’ignorer...*

21 janvier, par Yorgos Mitralias — , ,
*par Yorgos Mitralias* * Des milliers et des milliers des Syriens de tout âge qui dansent et qui s'embrassent, qui pleurent et qui chantent, qui brandissent le nouveau (…)

*par Yorgos Mitralias*

* Des milliers et des milliers des Syriens de tout âge qui dansent et qui
s'embrassent, qui pleurent et qui chantent, qui brandissent le nouveau
drapeau du pays et qui célèbrent la fin de la tyrannie, au centre des
villes syriennes mais aussi à Paris, à Istanbul et à Moscou, à Berlin ou à
Stockholm, partout de par le monde où se sont réfugiés, les presque 7
millions de Syriens chassés de leur pays depuis 2011. Et des milliers des
Syriens qui franchissent les frontières même à pied, et retournent dans
leur pays après un très long exil forcé. Mais aussi, des milliers de
Syriens qui cherchent leurs proches emprisonnés, torturés ou disparus dans
les geôles et dans les innombrables fosses communes du régime ! *

Ces terribles scènes de joie mais aussi d'indicible douleur humaine qui ne
peuvent que bouleverser et émouvoir profondément tout être humain tant soit
peu sensible, laissent pourtant de marbre ceux de par le monde -de droite
et d'extrême droite comme de gauche - qui ont peur et haïssent les révoltes
populaires et ne voient en elles que des « complots » des puissances plus
ou moins occultes. Faisant preuve d'une totale insensibilité, ceux-là
préfèrent ne rien dire de ces scènes de joie et de douleur du peuple syrien
en chair et en os. Pas un mot. Rien que des théories complotistes qui les
amènent à inventer actuellement une Syrie sans Syriens, où s'affrontent
uniquement des... intérêts géostratégiques étrangers. Exactement comme ils
avaient inventé et défendu hier une Syrie de rêve où le clan des Assad ne
massacrait pas ses sujets mais jouissait de leur soutien enthousiaste ! Et
ce faisant, ils se posent en négationnistes, *dignes successeurs et clones
de leurs si tristement célèbres ancêtres qui n'ont rien vu, les uns des
camps d'extermination nazis, et les autres des goulags staliniens !…*

Évidemment, ils ne voient rien parce qu'ils ne veulent pas voir ce qui
infirme leur vision du monde. Alors, ils remplacent la lutte de classes par
la lutte des camps impérialistes adverses, allant même jusqu'à découvrir
des vertus progressistes et...anti-impérialistes à l'un de ces camps non
moins barbare et impérialiste que l'autre ! Et comme ils veulent que leurs
actes soient conformes à leurs théories, ils deviennent les adorateurs et
les propagandistes de ces barbares et obscurantistes dictateurs
« anti-impérialistes » et n'hésitent pas à se mettre à leur service en
défendant leurs élucubrations réactionnaires et leurs crimes !

Alors ce n'est pas du tout surprenant qu'à la racine de leur dérive qui
fait d'eux des auxiliaires des dictateurs sanguinaires et réactionnaires,
se trouve le fait qu'ils ne croient pas en la capacité de ceux d'en bas de
se révolter et de faire des révolutions. C'est pourquoi *ils ne voient dans
les insurrections populaires que des « complots » et des manipulations des
masses ignares par les puissants* ! Comme par exemple dans le cas des
révoltes populaires du « *Printemps Arabe * », qu'ils réduisent à un...
« complot » des services américains. Ce qui les amène à proclamer que les
masses des opprimé*E*s ne sont, et ne peuvent être, que des simples
figurants de l'histoire. Et aussi et surtout, que seuls les tout puissants
services secrets impérialistes sont capables de faire l'histoire !
Manifestement, une telle profession de foi conspirationniste se situe aux
antipodes de l'affirmation de Marx que « *les hommes font leur propre
histoire* »...

Ce n'est donc pas un hasard que ce qui caractérise leur façon de penser le
monde actuel et d'agir en conséquence c'est* leur conception policière de
l'histoire.* C'est pourquoi leur première réaction face à un quelconque
mouvement populaire, c'est de se demander... « *qui est derrière lui ?* ».
Car il leur est impossible d'admettre que ceux d'en bas, les travailleurs,
les femmes, les jeunes ou les peuples opprimés puissent se révolter pour
prendre leur sort entre leurs mains, sans être manipulés par personne.
Voici d'ailleurs la raison qui explique -au moins en partie- leur aversion
pour les mouvements sociaux et altermondialistes qu'ils regardent toujours
avec suspicion, étant dans l'impossibilité de déceler... « qui est derrière
eux »…

Toutefois, force est de constater que leur conception policière de
l'histoire et leur insensibilité sont bien sélectives. Par exemple, ceux
qui d'habitude se disent antifascistes et n'hésitent pas de taxer de
« fascistes » ceux qui n'aiment pas (par exemple, le président Ukrainien
Zelensky), « oublient » et passent sous silence le fait -nullement
insignifiant- que l'organisateur du terrible appareil de répression du
régime des Assad a été *Aloïs Brunner,* le dirigeant nazi le plus recherché
après la chute du Troisième Reich. Bras droit d'*Adolf Eichman**n* et
qualifié -à juste titre- de “*boucher de Salonique*” par les très rares
survivants (seulement 4 % du total !) de la grande communauté juive de cette
ville appelée aussi “*J**érusalem des Balkans*”, Brunner qui a trouvé asile
à Damas auprès de *Hafez Assad* lequel l'a protégé bec et ongles jusqu'à sa
mort en 2010, a été un monstre sadique qui aimait torturer avec ses mains,
et a “enseigné” personnellement les pires tortures aux tortionnaires
syriens…

Les voilà donc maintenant, tous ces « amnésiques » complotistes et autres
compagnons de route du très sanguinaire et corrompu régime des Assad dont
ils « oubliaient » systématiquement les horreurs, qui font la fine bouche
devant les célébrations de peuple syrien enfin libéré de ses bourreaux.
Sans doute, c'est le comble de l'hypocrisie.(1) Oui, le peuple martyrisé de
Syrie aura un calvaire à surmonter. Mais, qui oserait prétendre que ceux,
la Russie de Poutine en tête, qui ont maintenu ce régime en vie en rasant
les villes syriennes et en massacrant par centaines de milliers leurs
habitants, ne soient pas les premiers et plus grands responsables de ses
malheurs d'hier et d'aujourd'hui ?

*Note*

*1.* Il a suffi que Deutsche Welle dénonce, preuves a l'appui, la diffusion
par Tik Tok de quelques photos et vidéos truqués des prisons de régime
syrien, pour que la plupart des grands médias grecs titrent que tout ce
qu'on raconte et montre sur les geôles-« boucheries » des Assad sont des
mensonges. Évidemment, ces médias grecs qui sympathisent depuis longtemps
avec Trump, Netanyahou et surtout avec M. Poutine, ont « oublié » de citer
la conclusion de l'enquête de DW. Le lecteur attentif comprendra le
pourquoi de cet « oubli » en lisant cette conclusion très instructive : « *La
diffusion de fausses informations sur les **atrocités **font
seulement les efforts visant à les documenter et à enquêter sur celles-ci,
mais elle entrave **également** que **leurs** auteurs **en * *soient tenus
pour responsables**. Une telle désinformation peut conduire à un phénomène
connu **sous le nom de déni des atrocités, où la crédibilité des
véritables violations des droits de l'homme est remise en question,
affaiblissant ainsi les efforts de justice et obscurcissant
la vérité".*Détail plus que éloquent qui montre que cette
« désinformation » fait, malheureusement, un tabac en Grèce* :* selon un
dernier sondage, les dirigeants étrangers les plus populaires en Grèce,
sont d'abord M. Poutine et ensuite M. Trump...

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L’Autorité palestinienne et l’achèvement du siège

21 janvier, par Gilbert Achcar — , ,
L'AP de Ramallah a décidé de compléter l'assaut lancé par les forces armées sionistes en Cisjordanie parallèlement à leur invasion de la bande de Gaza... Gilbert Achcar (…)

L'AP de Ramallah a décidé de compléter l'assaut lancé par les forces armées sionistes en Cisjordanie parallèlement à leur invasion de la bande de Gaza...

Gilbert Achcar
Professeur, SOAS, Université de Londres

Il était tout naturel que la guerre génocidaire lancée par Israël dans la bande de Gaza, à la suite de l'opération Déluge d'Al-Aqsa menée par le Hamas le 7 octobre 2023, s'accompagne d'un assaut contre la Cisjordanie. En effet, l'État sioniste vit dans l'opération du Hamas une occasion en or de s'en prendre au peuple palestinien dans les territoires qu'il a occupés en 1967, et ce afin d'achever la Nakba de 1948. Car, lorsqu'Israël occupa en 1967 les parties restantes de la Palestine sous mandat britannique entre le fleuve et la mer, il fut surpris par la résilience de la plupart des habitants et leur refus obstiné de fuir le champ de bataille, contrairement à ce qui s'était passé en 1948 lorsque les habitants des terres saisies par les forces sionistes avaient fui en grande majorité sans jamais être autorisés à revenir, devenant ainsi des réfugiés. Les habitants de Cisjordanie avaient tiré la leçon de cette expérience historique amère, tout comme les habitants de Gaza (en plus du fait que les conditions géographiques font de la fuite vers le Sinaï une aventure dangereuse).

C'est pourquoi Israël s'est abstenu jusqu'ici d'annexer les territoires occupés en 1967, à l'exception de Jérusalem-Est. Les gouvernements sionistes successifs ont discuté de divers plans pour déloger la population de Gaza et de la Cisjordanie dans le but d'achever leur mainmise sur toute la Palestine, entre le fleuve et la mer, en annexant les territoires de 1967 sans avoir à faire face au dilemme du sort des habitants autochtones. Comme il était hors de question pour l'État sioniste de leur accorder la citoyenneté israélienne comme il l'avait accordée à la minorité palestinienne restée dans les territoires saisis en 1948 – un geste qui lui permit d'afficher une prétention démocratique – le gouvernement sioniste qui supervisa la guerre de 1967 prépara également un plan B, connu sous le nom du ministre qui l'avait élaboré, Yigal Allon. Ce plan prévoyait le contrôle permanent des zones stratégiques dans les territoires nouvellement occupés, y compris la vallée du Jourdain, par le déploiement de bases militaires et de colonies de peuplement, et la restitution des zones à forte densité de population palestinienne à la tutelle du Royaume hachémite de Jordanie.

La glorieuse Intifada de 1988 mit fin à ce projet, le royaume hachémite ayant renoncé à la responsabilité de l'administration de la Cisjordanie, et ayant même abandonné la revendication de la récupérer en tant que territoire annexé au royaume en 1949. Cette décision était ostensiblement une concession au souhait des Palestiniens de jouir de leur propre autogouvernement, confirmé par le Conseil national palestinien tenu à Alger la même année, mais en réalité, elle était la conséquence de la conviction à laquelle était parvenue le royaume que l'exercice d'un contrôle sur le peuple palestinien dans les territoires de 1967 était devenu difficile et périlleux. C'est cette séquence d'événements qui convainquit les sionistes travaillistes, qui avaient agi conformément au plan Allon lorsqu'ils étaient au pouvoir, de remplacer le royaume hachémite par la direction d'Arafat de l'Organisation de libération de la Palestine après leur retour au gouvernement sous la direction de Yitzhak Rabin à l'été 1992.

Ce fut le préambule des négociations secrètes d'Oslo, auxquelles Yasser Arafat et Mahmoud Abbas participèrent derrière le dos d'autres membres de la direction palestinienne, et qui aboutirent aux fameux accords signés à la Maison Blanche, à Washington, en septembre 1993. Quant à l'objectif de ces accords, il était clair pour tous ceux qui ne se laissèrent pas berner par l'illusion que des miracles allaient se produire conduisant à « l'État palestinien indépendant » qu'Arafat avait promis. Le gouvernement sioniste s'était immédiatement appliqué à intensifier la colonisation dans les territoires de 1967, tout en confiant à ce qui fut appelé « Autorité nationale palestinienne » la tâche de réprimer toute tentative de rébellion ou de résistance au sein du peuple palestinien. C'est pour l'accomplissement de cette mission qu'Israël autorisa l'entrée de l'Armée de libération de la Palestine (composée de réfugiés palestiniens) dans les territoires de 1967 et sa mutation en force de police équipée d'armes légères, chargée de contrôler la population locale.

Lorsque les accords d'Oslo commencèrent à être mis en œuvre avec la cession de Gaza et de Jéricho à la nouvelle Autorité palestinienne (AP) à l'été 1994, cette dernière décida de prouver à l'occupant sa capacité à maîtriser son peuple en réprimant dans le sang une manifestation menée par le Hamas à Gaza à l'automne de la même année – un événement connu sous le nom de « massacre de la Mosquée de Palestine », qui fut l'inauguration la plus importante d'une série d'actions répressives menées par les forces de sécurité affiliées à l'AP, contre les mouvements islamiques en particulier. En vérité, il ne saurait y avoir d'Autorité « nationale » palestinienne aux côtés de l'État sioniste et avec son consentement, mais seulement une autorité affiliée à l'occupant, semblable au gouvernement de Vichy qui avait pris en charge l'administration de la partie du territoire français que l'Allemagne nazie n'avait pas directement occupée en 1940. Cette comparaison qu'Edward Saïd avait faite, dans sa critique des accords d'Oslo, avait provoqué la colère de la direction d'Arafat au point d'interdire les écrits du plus célèbre des intellectuels palestiniens dans les territoires sous sa supervision.

L'analogie de Saïd se trouva confirmée dans les faits, à la différence près que Yasser Arafat refusa de continuer à jouer le rôle du Maréchal Pétain à la tête du gouvernement de Vichy, après avoir réalisé que son rêve d'un « État indépendant » n'était rien d'autre qu'une illusion, et avoir compris la réalité des objectifs sionistes, bien qu'avec beaucoup de retard. Arafat dirigea l'Intifada d'Al-Aqsa qui commença à l'automne 2000, une attitude qui entraîna son décès quatre ans plus tard. Alors que la majorité du peuple palestinien s'était faite des illusions lorsque les accords d'Oslo furent annoncés et commencèrent à être mis en œuvre, en particulier en raison du prestige personnel dont jouissait Yasser Arafat, ces illusions s'étaient complètement dissipées lorsque Mahmoud Abbas lui succéda. Ce dernier est devenu un symbole de la corruption et de l'oppression inhérentes à l'AP de Ramallah au point que, sous sa direction, le Fatah, principale fraction de l'OLP, perdit les élections du Conseil législatif palestinien en 2006. La suite est connue : le Hamas remporta ces élections ; puis Mohammed Dahlan orchestra dans la bande de Gaza une tentative de subjugation du mouvement islamique en 2007 ; elle échoua, mais conduisit à la division des territoires de 1967 entre deux autorités palestiniennes rivales, celle de Mahmoud Abbas en Cisjordanie et celle du Hamas dans la bande de Gaza.

Depuis octobre dernier et la fin de la première année de la guerre génocidaire sioniste en cours contre Gaza, un spectacle ignominieux se déroule sous nos yeux en Cisjordanie. L'AP de Ramallah a décidé de compléter l'assaut lancé par les forces armées sionistes en Cisjordanie parallèlement à leur invasion de la bande de Gaza – l'assaut israélien le plus violent mené en Cisjordanie, avec utilisation de la force aérienne, depuis la répression de l'Intifada d'Al-Aqsa il y a plus de vingt ans. Comme à l'automne 1994, l'AP a lancé une attaque sanglante contre des groupes de jeunes armés, commençant dans la ville de Tubas puis culminant avec l'attaque en cours contre le camp de réfugiés de Jénine, où se trouve le Bataillon de Jénine, un groupe de jeunes combattants de la résistance contre l'occupation israélienne.

Dans son désir de convaincre les États-Unis et Israël de sa capacité de réprimer le peuple palestinien, ce qui implique nécessairement une imitation de ce que fait l'État sioniste, l'AP de Ramallah, tout en attaquant le camp de Jénine en même temps que les forces sionistes attaquaient le camp de Jabaliya dans la bande de Gaza, a jugé bon d'interdire la chaîne de télévision Al Jazeera sur son territoire, de la même manière qu'Israël l'avait interdite quelques mois auparavant. Face à ce spectacle ignominieux, nous sommes partagés entre le ressentiment envers une AP qui a sombré encore plus bas, et le mépris pour son illusion de parvenir à convaincre Donald Trump et Benjamin Netanyahu de sa capacité de jouer le rôle de gardienne de la grande prison dans laquelle ils veulent enfermer les habitants restants de Cisjordanie et de Gaza.

Traduit du texte original de ma tribune hebdomadaire dans le quotidien de langue arabe, Al-Quds al-Arabi, basé à Londres. Cet article est d'abord paru en ligne le 7 janvier. Vous pouvez librement le reproduire en indiquant la source avec le lien correspondant.

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Le retour au statu quo ante bellum : la paix, vraiment ?

Le récent cessez-le-feu conclu entre Israël et Gaza prélude-t-il à une paix durable, c'est-à-dire à la fin du conflit israélo-palestinien ou ne constitue-t-il qu'une trêve (…)

Le récent cessez-le-feu conclu entre Israël et Gaza prélude-t-il à une paix durable, c'est-à-dire à la fin du conflit israélo-palestinien ou ne constitue-t-il qu'une trêve entre les deux peuples ennemis ? Sa fragilité et sa complexité sont de mauvais augure pour la suite des choses.

photo Serge d'Ignazio

Tout d'abord, il ne concerne que les Gazaouis et les Israéliens. Il ne s'agit pas d'une traité de paix en bonne et due forme entre Israéliens et Palestiniens dans l'ensemble. La Cisjordanie et Jérusalem-Est n'entrent pas dans cet accord. Ces endroits constituent aux aussi une bombe à retardement étant donné l'expansionnisme israélien qui y sévit et l'occupation militaire qu'elle entraîne. La tension y monte chaque jour. Une insurrection palestinienne n'y est donc pas improbable, loin de là. Le front pourrait donc se déplacer de Gaza à la Cisjordanie.

En effet, les causes du conflit perdurent : tant que le gouvernement israélien, peu importe sa couleur politique considérera la Palestine comme la "Judée-Samarie" et continuera d'y multiplier les colonies de peuplement, illégales au regard du droit international, sauf les 20% du territoire contrôlé par la faiblarde "Autorité palestinienne" aux pouvoirs très limités de Mahmoud Abbas, il se heurtera inévitablement à une forte résistance de la population occupée.

Avec la récente trêve, on est loin du compte. Si la Cisjordanie s'embrase, l'accord de cessez-le-feu actuel à Gaza ne risque-t-il pas de s'effondrer ? Après tout, les Gazaouis sont des Palestiniens eux aussi ; certains vivent dans des camps de réfugiés au coeur de l'enclave. Leurs grands-parents et arrière grands-parents avaient fui les attaques sionistes en 1947-1948. La direction du Hamas céderait sans doute aussi à la tentation d'appuyer les frères et soeurs cisjordaniens.

Tant que les gouvernements occidentaux ne reconnaîtront pas sans ambiguïté le droit à l'autodétermination des Palestiniens et Palestiniennes, qu'ils soumettront ce droit à des négociations hasardeuses entre les deux parties concernées, la plus forte (Israël) et la la plus faible (les Palestiniens) sans supervision de l'ONU qu'ils n'adopteront pas des mesures de rétorsion sur Tel-Aviv pour que son gouvernement rende la Cisjordanie et Jérusalem-Est aux Palestiniens, le conflit va perdurer. Dans cette optique, le sionisme intraitable de la plupart des classes politiques occidentales, surtout l'américaine, fait partie du problème et non de la solution. Le noeud de ce problème réside précisément dans la tentative obstinée d'imposer aux Palestiniens une paix à rabais.

La résolution du conflit israélo-palestinien représente un point de départ vers une paix durable au Proche-Orient et non un aboutissement.

Jean-François Delisle

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Notre revue de presse sur le Moyen-Orient : le Hamas encore debout, Trump à la manoeuvre !!!

Le Hamas est « affaibli, isolé mais toujours debout », remarque le New York Times, le 16 janvier, au lendemain de l'annonce d'un prochain accord de cessez le feu entre Israël (…)

Le Hamas est « affaibli, isolé mais toujours debout », remarque le New York Times, le 16 janvier, au lendemain de l'annonce d'un prochain accord de cessez le feu entre Israël et le mouvement islamiste palestinien.

Tiré de MondAfrique.

Le quotidien new Yorkais estime en effet que, en dépit de l'assassinat de ses principaux dirigeants ainsi que ceux de la branche armée du mouvement et la mort de milliers de ses combattants sous les bombardements israéliens, le Hamas reste « la force palestinienne dominante à Gaza, continue à régner en maître dans les camps de personnes déplacées et n'a pas été contraint à la reddition ». Le Hamas n'a pas « hissé le drapeau blanc », souligne le journal.

Le New York Times précise que, même si de nombreux Palestiniens ont critiqué la décision du mouvement de lancer l'attaque du 7 octobre 2022 qui a provoqué la mort de dizaines de milliers de personnes et a réduit Gaza à un champ de ruines, le Hamas » a fait face à relativement peu d'agitations populaires ».

La réponse disproportionnée d'Israël aux attaques du 7 octobre aurait-elle donc été menée en vain ? « Si l'accord à plusieurs niveaux [entre le mouvement islamiste palestinien et l'Etat Hébreu] porte ses fruits, le Hamas pourrait bien être en mesure de réimposer sa poigne de fer sur Gaza, ou tout au moins de maintenir un rôle décisif sur ce territoire », analyse le New York Times, qui donne du poids à cette prédiction en citant l'analyste Ibrahim Madhoun, considéré comme proche du mouvement : ce dernier estime en effet que « le Hamas va rester partout présent dans Gaza et ignorer son influence reviendrait à enterrer sa tête dans le sable »…

« Si le Hamas a perdu beaucoup d'hommes, il en a aussi recruté beaucoup durant cette année et demi durant ces quinze mois de conflit… » Le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken

Les Palestiniens se réjouissent du cessez le feu entre Israël et le Hamas … jusqu'à un certain point

Le Washington Post relativise la bonne nouvelle, citant un Gazaoui éploré : « La joie de certains me brise le coeur car, au fond, que nous reste-t-il ? », s'interroge Mohammed Abu Alkas, un responsable marketing de 32 ans vivant avec 33 autres personnes dans un immeuble en partie effondrée de la ville de Nuseirat, au centre de Gaza (1)

Interviewé sur son lieu de résidence, Mohammed Abu Alkas porte toujours la même paire de jeans troué qu'il avait lors du début des bombardements et a été blessé une fois avec sa mère lors d'une explosion. Jeudi dernier, une bombe qui a pulvérisé un immeuble voisin du sien a projeté des lambeaux de corps humains chez lui, « une jambe et des morceaux de visage », détaille le quotidien de la capitale des Etats-Unis. Et de citer encore Abu Alkas : « Jusqu'au bout la mort aura frappé ».

Le Financial Times de Londres s'avère, pour sa part, un peu plus positif que son collègue américain, préférant insister sur les raisons de se réjouir à la veille de l'application du cessez le feu.

« Les gens sont très heureux », confie ainsi Shifa Al Ghazali, une mère de quatre enfants résidente de Gaza ville, qui a perdu son mari, sa mère et deux oncles depuis le début de la guerre.

« En dépit de ma douleur et de ma peine, je suis optimiste », ose pour sa part la femme d'affaires gazaouie Nida Aita, qui ajoute : » Même si on a tout perdu, je pense qu'il est temps que ce torrent de sang se tarisse « . Celle qui vit sous une tente dans un camp de déplacés et qui a dû déménager 14 fois parvient à se réjouir de pouvoir bientôt rentrer chez elle et « vivre dans les ruines » de son immeuble.

Haaretz, le grand quotidien de la gauche libérale israélienne, affirme que l'accord entre le Hamas et l'état hébreu n'aurait pas pu être signé sans Steve Witkoff, l'envoyé spécial de Donald Trump au Proche Orient

» Une grande partie des raisons de la percée [diplomatique] de la semaine dernière est à mettre au crédit de Witkoff », écrit Haaretz, soulignant » l'habileté démontré par Witkoff qui est parvenu à faire pression sur le premier ministre Benjamin Netanyahou, amenant ce dernier à accepter des compromis qu'aucun envoyé du président américain Joseph Biden n'avait réussi à lui arracher ces quinzes derniers mois ».

Le quotidien israélien prend certes la précaution de rappeler que les négociations avec les intermédiaires qataris et Israël ont été, côté américain, l'œuvre conjointe de l'envoyé de Trump et de son homologue pour les affaires moyen orientales de l'administration Biden, Brett Mac Gurk. Mais, en dépit de l'auto satisfaction affichée sur ce tournant diplomatique au Proche orient par le président américain sortant dans son allocution de départ, jeudi, Haaretz s'interroge tout de même sur cette incapacité de Biden à faire plier le premier ministre israélien : le fait que Witkoff ait réussi, en un seul meeting avec Netanyahou, début janvier. « ce que les officiels envoyés par Biden se sont montrés incapables de faire en plus d'un an pose de sérieuses questions, celle de savoir si l'administration américaine sortante a bien fait tout ce qu'elle pouvait pour pousser Israël [ au compromis], remarque non sans une certaine perfidie ce journal qui est l'honneur de la presse israélienne.

Le Financial Times met lui aussi l'accent sur l'incapacité de Joe Biden à forcer Netanyahu au compromis pour parvenir à un cessez le feu à Gaza

Dans un éditorial de son édition du vendredi 17 janvier, le grand quotidien britannique souligne que c'est bien grâce à Donald Trump qu'un « deal a pu être trouvé », une réussite qui met du même coup en lumière l'impuissance de l'administration américaine sortante « : « Tout cela pose la question de savoir pourquoi les Etats-Unis n'ont pas pu trouver un accord vers un cessez le feu plus tôt »… Certes, ajoute le « FT », « cet accord en plusieurs temps est basé sur les propositions que Joe Biden avait approuvées en mai 2024. Mais son administration n'a jamais réussi à convaincre le premier ministre israélien de prendre les mesures nécessaires [vers la conclusion d'un accord] « ; et le quotidien de regretter que le président Biden ait toujours préféré » d'accuser le Hamas d'être le responsable de l'impasse » dans laquelle se sont fourvoyées durant des mois les négociations.

The Washington Post évoque le fait qu'un « deal » secret a bien été passé entre l'Italie et l'Iran pour assurer la libération de la journaliste italienne Cecilia Sala

Rome a en effet relâché, dimanche 12 janvier, un ingénieur iranien recherché par les Etats-Unis et arrêté un plus tôt à Milan, une libération qui est intervenue trois jours après la libération de Mlle Sala, qui avait, elle, été appréhendée le 13 décembre sous un prétexte fallacieux par le régime des Mollahs alors qu'elle faisait un reportage en Iran avec un visa en règle.

Si l'Iran nie tout lien entre ces deux affaires, le quotidien américain remarque que tout cela ne relève pas de la coïncidence : la première ministre italienne Giorgia Meloni était « sous pression pour obtenir la libération de la journaliste » et a reconnu » que l'élargissement de Cécilia Sala a été obtenu grâce à des efforts diplomatiques intenses » entre Rome, Téhéran et Washington.

L'ingénieur iranien, Mohammed Abidini, était accusé par les Etats-Unis d'avoir fourni des composants à des drones iraniens qui, lors d'une frappe en Jordanie en janvier 2024, avaient occasionné la mort de plusieurs soldats américains.


(1) Selon les autorités sanitaires du Hamas, 46 600 Gazaouis ont été tués depuis le 7 octobre 2022, tandis que, au terme de l'accord qui devrait entrer en vigueur dimanche 19 janvier, 33 otages israéliens et plus d'un millier de prisonniers palestiniens en Israël devraient être libérés.

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90 prisonnières palestiniennes libérées dans le cadre de l’accord de cessez-le feu

L'armée israélienne a libéré tôt ce matin 90 prisonnier·es palestinien·nes, en échange des 3 prisonnières israéliennes libérées quelques heures plus tôt par le Hamas. Tiré (…)

L'armée israélienne a libéré tôt ce matin 90 prisonnier·es palestinien·nes, en échange des 3 prisonnières israéliennes libérées quelques heures plus tôt par le Hamas.

Tiré d'Agence médias Palestine.

Il s'agit des premier·es prisonnier·es libéré·es dans le cadre de la première phase de l'accord de cessez-le-feu entré en vigueur dimanche. Sept heures après la libération par le Hamas de trois prisonnières israéliennes, les autorités israéliennes ont libéré 69 femmes et 21 adolescents (dont certains n'avaient que 12 ans) tous et toutes originaires de Cisjordanie et de Jérusalem occupées.

Plus tôt dimanche, la police israélienne avait perquisitionné plusieurs domiciles appartenant aux familles des détenu·es allant être libéré·es, et avertit leurs proches d'éviter les rassemblements et de ne pas brandir de drapeaux palestiniens, menaçant d'annuler leur libération.

Les médias locaux affirmaient également pendant la journée que la police interdirait les rassemblements, mais cela n'a pas empêcher des centaines de personnes de se rassembler pour venir accueillir les ancien·nes détenu·es.

« Nous sommes venu·es ici pour être témoins et ressentir les émotions, tout comme les familles des prisonnier·es qui sont libéré·es aujourd'hui », explique Amanda Abu Sharkh, 23 ans, originaire de Ramallah. « Tous·tes les prisonnier·es aujourd'hui font partie de notre famille. Ils et elles font partie de nous, même si ce ne sont pas des parents de sang. »

Khalida Jarrar, méconnaissable, parmi les libéré·es

Parmi les détenues libérées se trouve Khalida Jarrar, militante des droits humains et figure emblématique du féminisme palestinien. Arrêtée en décembre 2023 et incarcérée au titre de la « détention administrative », elle était emprisonnée sans chef d'accusation ni procès. De nombreux·ses acteur·ices des droits humains avaient dénoncé un emprisonnement politique, car la militante venait de publier un rapport accablant sur les conditions de détention dans les prisons israéliennes, et l'agravation de celles-ci depuis le 7 octobre 2023.

Universitaire et chercheuse à l'Université de Birzeit, élue au Conseil Législatif Palestinien lors des élections de 2006, Khalida Jarrar avait déjà été emprisonnée à trois reprises, pour une durée totale de près de 6 ans.

Depuis le mois d'août dernier, Khalida Jarrar était placée à l'isolement, soit dans une cellule de 1,5 sur 2 mètres, sans aération ni fenêtre. Sa cellule comprenait une très petite salle d'eau avec des toilettes et une douche. La militante détenue manquait cruellement de produits d'hygiène personnelle et de vêtements, et n'a accès qu'à des quantités très limitées d'eau. En outre, la nourriture fournie était de mauvaise qualité et en très petites quantités.

Des photographies montrent son visage transformé par ces derniers mois d'incarcération, démontrant la brutalité des conditions d'enfermement. Il faut noter que Jarrar, agée de 62 ans, souffre de problèmes de santé et qu'elle a besoin d'un régime alimentaire spécial, que l'administration pénitentiaire israélienne a refusé de prendre en compte.

La négligence médicale fait partie des nombreux traitements abusifs dénoncés par les organismes de défenses des droits humains et des droits des prisonniers. La semaine dernière, la mort du prisonnier Moataz Mahmoud Abu Zneid, 35 ans, qui souffrait de graves problèmes de santé mais n'avait pas reçu de soins médicaux jusqu'à ce qu'il tombe dans le coma le 6 janvier, était annoncée.

Son décès portait le nombre connu de prisonniers morts en détention à 55 depuis le début de la campagne génocidaire d'Israël à Gaza. Les prisonnier·es libéré·es au cours des derniers mois témoignent de conditions dégradantes et de traitements violents. Plusieurs rapports ont dénoncé des cas de sous-alimentation, d'insalubrité, de violences physiques et verbales, de torture, d'agressions sexuelles et de viol.

La rapporteuse spéciale des nations unies sur la torture a salué dans un communiqué l'accord de cessez-le-feu à Gaza. Elle a ensuite souligné les préoccupations concernant le traitement des Palestinien·nes détenu·es par Israël, appelant à un traitement humain, à la libération des personnes détenues arbitrairement et à l'ouverture d'enquêtes sur les allégations de torture : « Toutes les allégations doivent faire l'objet d'une enquête approfondie, les responsables doivent rendre des comptes et toutes les victimes de la torture doivent bénéficier de la justice et d'une aide à la réadaptation. »

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Le génocide israélien à Gaza et « l’effondrement moral et éthique » selon le professeur Omer Bartov

21 janvier, par Nermeen Shaikh, Omer Bartov — , , , ,
Le professeur Bartov est un spécialiste des génocides et de l'holocauste. Il enseigne à l'Université Brown aux États-Unis. Il est un enseignant israélo-américain que le Musée (…)

Le professeur Bartov est un spécialiste des génocides et de l'holocauste. Il enseigne à l'Université Brown aux États-Unis. Il est un enseignant israélo-américain que le Musée du Mémorial de l'holocauste a décrit comme le leader des spécialistes mondiaux sur les génocides.

Democracy Now, 30 décembre 2024
Traduction, Alexandra Cyr

photo Serge d'Ignazio

Nermeen Shaikh : Pendant que 2024 va vers la fin, nous recevons plus de détails d'information de la part du ministère de la santé de Gaza. Il confirme que depuis le 7 octobre 2023, 108,000 Palestiniens.nes ont été blessés.es dans des attaques israéliennes. Plus de 45,500 ont été tués.es mais en réalité cest beaucoup plus que cela. Pendant ce temps, les représentants.es de Gaza continuent à accuser Israël de bloquer délibérément l'aide et l'UNRWA a avisé que la « famine approche » à Gaza où la population fait face à une grande insécurité alimentaire.

Cela se passe alors que des milliers de protestataires israéliens.nes demandent au gouvernement Netanyahu de mettre fin à cette guerre, de déclarer une cessez-le-feu et de ramener les otages encore aux mains du Hamas, au pays.

Notre prochaine invité, le professeur Omer Bartov, soutien qu'Israël mène une combinaison « d'actions génocidaires, de nettoyage ethnique et d'annexion de la bande de Gaza ». (…) Il est allé récemment en Israël et en est revenu ce mois-ci.

Professeur Bartov, soyez à nouveau le bienvenu sur Democracy Now. Pouvez-vous commencer par nous expliquer pourquoi vous pensez qu'un génocide est en marche à Gaza ?

Omer Bartov : Merci de votre invitation. (…) Comme vous devez le savoir, déjà en novembre 2023, j'ai publié une opinion dans le New York Times où j'écrivais que je croyais que les Forces de défense israéliennes (FDI) menaient des actions qui s'apparentaient à des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité. Mais, je n'étais pas convaincu que les preuves étaient suffisantes pour parler de génocide. J'ai changé d'avis aux environs de mai 2024, quand la FDI a décidé, malgré l'opposition des États-Unis, d'envahir Rafa, la seule portion de la Bande de Gaza qui ne l'avait pas été. Il y avait là, environ un million de Palestiniens.nes qui avaient été déplacés.es plusieurs fois antérieurement. La FDI les a déplacés.es une fois de plus vers la plage, vers la zone de Mawasi où il n'y avait pas d'infrastructures adéquates du tout, seulement un camp de tentes le long de la plage et elle a procédé à la démolition de l'essentiel de Rafa.

C'est à ce moment-là que j'ai commencé à examiner toute l'opération en commençant par les déclarations faites par des dirigeants.es politiques et militaires israéliens.nes détenant une autorité d'exécution dès le début de la guerre les 7-8-9 octobre 2023. Ces déclarations affirmaient la volonté d'éliminer Gaza, de la détruire et que personne ne pouvait échapper à cette décision etc. etc. Il est devenu évident à ce moment-là, qu'il y avait une tentative systématique de rendre Gaza invivable et d'y détruire toutes les institutions qui rendent possibles la résistance d'un groupe non seulement physiquement mais aussi culturellement avec son identité et sa mémoire collective. Cela veut dire la destruction systématique des universités, des écoles, des mosquées, des musées et bien sûr des maisons et des infrastructures. Donc, ce qu'on pouvait voir alors c'était ce qu'on peut qualifier de destruction totale du milieu urbain, une tentative de détruire les centres urbains, de les détruire matériellement, de tuer les membres des institutions d'enseignement, des écoles, des professeurs.es d'université etc. Alors, la population qui a été déplacée tant de fois comme je vous l'ai dit plus tôt, dont un grand nombre a été soit tué, blessé ou affaibli ne pourra jamais se rétablir comme groupe dans cet endroit. C'est la dérive généralisée.

Mais, en octobre de cette année, un an après le début de la guerre, l'armée israélienne a commencé une opération dans le nord de Gaza, au nord de ce qu'on nomme le Corridor Nerzarim. En fait ce n'est pas un corridor, c'est une espèce de boite d'environ 5 milles de large sur 5 milles de long. Il s'agit de vider tout ce qui est au nord de ce corridor de sa population. C'est un plan qui a été mis de l'avant par un général retraité, M. Giora Eiland à la télévision israélienne quelques mois au paravent. Il s'agit de forcer toute la population à s'en aller par l'action militaire, par la famine en la privant de nourriture et d'eau. De fait, la majorité de cette population a été déplacée. Cette dernière attaque contre l'hôpital dont vous parliez plus tôt (dans l'émission), n'est qu'un pas de plus pour arriver à rendre cette zone libre de toute population.

Un ancien chef de cabinet du ministre de la défense, lui-même faucon en cette matière, a qualifié ce genre d'opération de nettoyage ethnique dans les médias israéliens. Mais, le nettoyage ethnique implique que vous déplacez une population, un groupe ethnique particulier d'un endroit où vous ne voulez pas qu'elle soit, vers un autre où elle sera au moins protégée de ces attaques. Mais, évidemment à Gaza, quand vous déplacez des gens d'un endroit à un autre prétendument sécurisé … il n'y a pas de ces dites zones sécurisées, ces personnes ne sont pas en sécurité et sont constamment soumises à des attaques. C'est ce qui fait que ces soit disant nettoyages ethniques font partie d'opérations génocidaires.

En ce moment, les médias israéliens traitent avec une certaine insistance la situation dans la portion nord de Gaza. Comme elle a été rasée et vidée de sa population, des groupes de colons attendent de l'autre côté de la clôture pour y entrer et démarrer une aire de colonisation avec le projet de l'occuper totalement. Et lorsqu'ils en seront là, après que l'armée les aura autorisés à entrer, je ne vois aucun mécanisme en Israël proprement dit, et même internationalement bien franchement, qui pourrait les en faire sortir. Ce serait donc le commencement d'une annexion rampante et de recolonisation puisque la zone aurait été vidée complètement de sa population palestinienne.

N.S. : Professeur Bartov je veux que vous nous parliez des facilitateurs de cette situation que vous appelé » génocide ». La semaine dernière la chroniqueuse Nesrine Malik publiait dans le Guardian sa chronique intitulée : Un consensus émerge : Israël commet en ce moment un génocide à Gaza. Que faisons-nous ? Elle condamne ce qu'elle appelle la complicité de l'Occident dans ce qui se passe actuellement à Gaza. Elle souligne : « Actuellement, les Palestiniens.nes sont en danger de mourir deux fois. Physiquement, et ensuite moralement parce les puissants.es restreignent les règles qui définissent le monde tel que nous le connaissons. En refusant la désignation de génocide et de nettoyage ethnique, en ne s'en occupant pas, les alliés d'Israël imposent au monde une adaptation après laquelle il sera possible de simplement accepter que les droits ne sont plus consacrés par l'humanité mais sont laissés aux mains de ceux et celles qui décident qui est humain ou non ». Professeur Bartov pouvez-vous répondre à cette opinion ? Comme vous dites qu'un génocide est en cours à Gaza, il ne serait pas possible sans la complicité et l'implication directe des pouvoirs occidentaux en particulier celui des États-Unis. Donc, en ce sens, mais aussi par association, ils sont aussi coupables de génocide ?

O.B. : (…) Je vais commencer par dire premièrement et par-dessus tout, que la population qui est la plus responsable de ce que fait Israël en ce moment, est la population israélienne. Il y a une profonde complicité entre cette population dont les partis d'opposition, avec ce que fait son gouvernement en le soutenant. Nous pouvons donc en parler.

Mais, bien sûr, Israël ne pourrait pas poursuivre son programme envers Gaza sans le soutien total particulièrement américain mais aussi européen dont l'Allemagne au premier chef mais aussi de beaucoup d'autres dont la France et le Royaume Uni. L'administration Biden aurait pu mettre fin à cette guerre aussi tôt qu'en novembre ou décembre 2023. Israël est incapable mener de telles opérations à cette échelle, sans l'aide constante des États-Unis qui lui fournit une énorme quantité de munitions sur une base quotidienne ; des tanks, des obus, et des intercepteurs de roquettes. Tout cela arrive en masse depuis les États-Unis au prix actuel d'environ 20 mille milliards de dollars des impôts des Américains.es. Si l'administration américaine avait dit à B. Netanyahu en décembre 2023 : « Vous arrêtez ça ou vous aller vous retrouver seul », il se serait arrêté parce que c'était simplement impossible qu'il continue seul. Mais ça n'a pas été fait.

Évidemment nous en voyons le résultat : premièrement, une destruction massive de Gaza. Ensuite c'est tout l'édifice des lois internationales mises en place dans la foulée de la deuxième guerre mondiale et l'holocauste, avec le Tribunal de Nuremberg en 1948 et les accords de Genève de 1949 et maintenant le Statut de Rome, en vue de prévenir la commission de génocides. Tout cet appareil est privé de son sens si un pays comme Israël, soutenu par ses alliés occidentaux, peut agir en toute impunité. Donc, des pays voyous dans le monde pourront conclure que si Israël le fait pourquoi-pas eux ? En ce sens, nous sommes face à un effondrement moral et éthique total dans les pays précis qui se disent protecteurs des droits civiques, de la démocratie, des droits humains dans le monde. Et une partie de cette catastrophe qui se passe maintenant va avoir de bien plus importantes ramifications dans le futur.

N.S. : Professeur, vous étiez en Israël le mois dernier. Vous avez parlé à bon nombre de personnes. Quelle est leur perception de Gaza selon vous ? Est-ce qu'il y a des critiques en ce moment ? Est-ce qu'elles sont plus vastes, évidentes par rapport aux actions d'Israël à Gaza qu'elles n'étaient plus tôt cette année, à l'été quand vous y étiez ou l'an dernier ?

O.B. : Oui, j'étais en Israël en juin 2024. Quand je parlais avec les gens à ce moment-là, pour la plupart des libéraux conventionnels ou de la gauche et que je mentionnais ce qui se passait à Gaza, je faisais face à une énorme réticence à juste en parler. Ces personnes étaient complètement envahies par le traumatisme et la peine suite à l'attaque du Hamas le 7 octobre précédent. 900 civils.es et plusieurs centaines de soldats.es y ont été tués.es.

Cette fois, quand j'étais en Israël le mois dernier, j'ai senti que plus de gens étaient au fait de ce qui se passe à Gaza même si la télévision israélienne, qui est encore totalement bloquée, ne donne volontairement aucune information sur Gaza. Tous ses reportages sont construits sur ce que lui transmet l'armée. Mais il y a eu des reportages dans les journaux et beaucoup sur les réseaux sociaux. Donc plus de gens je pense, sont au courant de ce qui se passe là-bas.

Mais quelle est leur réaction à cela ? Je crois comprendre que le sentiment de résignation, de désespoir et de découragement sont grandissants dans ce cercle mais qu'on pourrait espérer qu'il devienne l'opposition principale aux politiques du gouvernement d'extrême droite.

N.S. : Professeur Bartov, je suis désolée mais nous devons nous arrêter maintenant.

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Palestine. En Cisjordanie, la brutalité des colons en roue libre

Si Gaza reprend sa respiration au lendemain du cessez-le-feu, le cauchemar continue dans les campagnes et les bourgs de Cisjordanie : des centaines de morts, des milliers (…)

Si Gaza reprend sa respiration au lendemain du cessez-le-feu, le cauchemar continue dans les campagnes et les bourgs de Cisjordanie : des centaines de morts, des milliers d'agressions, des pillages sévères. Le harcèlement de colons grisés par l'impunité est terrible. Rencontres, en ce début 2025, en compagnie d'une délégation de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), avec des Palestiniens victimes de la volonté israélienne d'annexion. Mais qui refusent de s'avouer vaincus.

Tiré d'Orient XXI.

Orient XXI remercie ici la FIDH pour nous avoir proposé de l'accompagner en Palestine, et pour le travail d'information et de terrain qu'elle mène sur les sujets de droit international et humain. De notre envoyé spécial en Palestine.

En ces premiers jours de 2025, je parcours les routes de Palestine au pas de charge. Enfin, certaines routes. À côté du réseau traditionnel aux tracés antiques, comme souvent au Proche-Orient, les routes réservées aux colons transpercent le paysage, surélevées, grillagées, vidéosurveillées. Menaçantes, nombreuses et rapides, ces voies prioritaires rendent l'apartheid pratique, comme une application de transport. Ce paysage palestinien fragmenté, gravement altéré par la colonisation, les blocs de béton, les tourbillons de poussière, les traces de destructions, je le connais, je l'ai parcouru maintes fois ces dernières années. Pourquoi la Palestine semble plus moche, sale, triste qu'au printemps dernier. L'injustice y crève les yeux, étouffe comme le souffle de l'enfer. Ces voies de la discrimination sont laides. Elles sont un des signes qu'en Palestine tout s'enfonce dans l'inacceptable. L'indifférence du monde devrait donner à pleurer, si cela servait à soulager ma colère.

Les faits ne laissent aucun répit. Exécutions sommaires, passages à tabac, incendies de maison, destructions de fermes, saccages de terre, arrestations arbitraires… Responsables de cette rengaine quotidienne : des colons organisés en milices armées par le gouvernement et des soldats acteurs de la répression, complices des horreurs des dits-colons. Ce qui se déroule dans les profondeurs de la Palestine est « de pire en pire ». Tout le monde me le dit.

Pour la délégation de la FIDH que j'accompagne, la diplomatie de l'accolade est le signe de partage et de solidarité. Celles et ceux que l'on rencontre se forcent à sourire mais ont envie de hurler. « Comment vous-dites déjà ? Pénible [en français] », tente de plaisanter un homme dont le regard a perdu toute confiance, tandis qu'il étreint nos mains.

Cinq attaques par jour en moyenne

Les colons israéliens partagent les idéaux de l'extrême droite suprémaciste et religieuse mondiale. Ils combattent les Arabes, ce qui revient à chasser les Palestiniens (musulmans et chrétiens) de Cisjordanie. Pauvres, riches, paysans, bourgeois, citadins, ruraux. Les milices des colons ne font « plus de quartier », c'est leur mot d'ordre général. Ils auraient tort de se gêner, puisqu'ils sont encouragés par deux des plus puissants ministres de Benyamin Nétanyahou, Itamar Ben Gvir — qui a quitté la coalition gouvernementale suite à l'accord de cessez-le-feu à Gaza — et Bezalel Smotrich, eux-mêmes colons, comme onze des 29 ministres de l'actuel gouvernement. Un permis de massacrer délivré par des ministres, rabbins et généraux, dans une Sainte Trinité mortifère.

Entre le 7 octobre 2023 et le 7 octobre 2024, 1 654 attaques contre des civils palestiniens, perpétrées par des colons, ont été répertoriées dans les territoires palestiniens, soit presque cinq par jour, selon l'OCHA, le bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires. Résultat : 722 Palestiniens ont été tués « dans le contexte de l'occupation » sur la même période à Jérusalem-Est et dans les territoires, précise l'organisme onusien (1).

Certains Palestiniens, notamment à Jénine, ont quant à eux été tués par la police palestinienne, gangrenée par une complicité sécuritaire avec Israël qui écœure les Palestiniens. « Aidez-nous à nous débarrasser du Hamas et du Fatah », supplie un bourgeois de Ramallah. Des Palestiniens les jugent comme des pions dans les mains d'Israël, prêts à les sacrifier pour leurs intérêts idéologiques et économiques. « Et nous, on compte les disparus, on n'arrive même plus à dresser les listes de nos morts, déplore un Palestinien. On est des parias, les oubliés de l'humanité. » Un homme, croisé à Bethléem, n'a pas envie de parler de ses 18 ans passés en prison. Il y a plus de 5 000 prisonniers politiques palestiniens détenus par Israël. Selon l'ONG Addameer, on comptait 3 376 détenus administratifs au 7 janvier 2025 contre « seulement » 1 264 en septembre 2023.

Les Palestiniens tout le temps observés

En outre, les territoires sont quasi bouclés. L'UNRWA, l'agence onusienne en charge des réfugiés, a été mise hors circuit par Israël. Un scandale politique et humanitaire de plus. Sa petite permanence à l'entrée du camp Ayda, à Bethléem, est fermée pour une durée indéterminée. Non loin de là, l'hôtel de Banksy prend la poussière. Seuls le hall et le petit musée de l'Occupation sont ouverts, mais personne n'y passe plus, les bobos australiens se sont évanouis. Ils débarquaient couverts de lin en Uber Berline et descendaient des cocktails sur la terrasse face au mur. Mais au moins ils venaient. Comme les pèlerins, totalement absents ces temps-ci, après le long coup d'arrêt du Covid. Bethléem se meure en sourdine et des malheureux vendent de misérables souvenirs aux rares étrangers de passage.

Un homme du camp d'Ayda, très sympathique, affable, d'une courtoisie répandue en Palestine, sourit tristement. Pour lui, la Palestine ne répond pas à la brutalité de l'occupant. « Depuis le début de la guerre à Gaza, on est bien obligés de se poser des questions sur notre mobilisation. On est trop faibles face à l'armée israélienne. Jeter des pierres sur des soldats n'est pas suffisant. » Il pense que les jeunes de Naplouse et de Jénine ont eu raison, les gens du Hamas aussi. Le temps des armes est venu. De plus en plus de Palestiniens s'interrogent.

Les colons, eux, ne doutent pas. Ils ont les armes, et s'en servent. Tous comme les soldats.

L'homme raconte la mort d'un enfant palestinien le 10 novembre 2023, dans la rue, devant tout le monde, transpercé par la balle d'un sniper. Les soldats ont embarqué le cadavre du garçon et l'ont rendu le lendemain à son père. Un peu plus loin, dans un repli du mur de séparation qui longe le camp, une base militaire israélienne, avec en permanence une vingtaine de soldats, nous observe. Ici, les Palestiniens sont tout le temps observés. Le jour venu d'un nouveau départ, qu'exigent les colons messianiques et leurs ministres, d'une nouvelle Nakba qui semble presque écrite, l'armée saura où trouver les valises pour accélérer le mouvement.

Nuits de barbarie

Malgré ses multiples fronts, cette armée a renforcé sa présence dans les territoires. Elle n'a nulle intention de « cesser-le-feu » en Cisjordanie. Elle reprend en main les checkpoints et multiplient les patrouilles, et laisse circuler les vendredis des hordes d'adolescents colons de 16 ans et moins. Ils disposent de cocktails Molotov et de gourdins. Les plus âgés qui les encadrent ont des armes. Ils boivent de l'alcool et attaquent dans l'ivresse, hurlant à la mort dans leurs nuits de barbarie. Ces instants effrayants sont saisis par les caméras de surveillance installées par l'ONG B'tselem et d'autres organisations des droits humains, comme Al-Haq.

Une victime, un bédouin, montre ses plaies encore purulentes infligées par des colons quatre jours plus tôt, vendredi 4 janvier 2025. Khaled Najjar, 71 ans, a l'allure épuisée d'un vieillard mais le regard pétillant. Il dénude son ventre, dévoilant une énorme boule noire. Il vit dans un hameau de Masafer Yatta, là même où a été tourné No Other Land. Au milieu de la nuit, les colons l'ont arraché à sa maison, qui avait été démolie par l'armée à plusieurs reprises. « Ils étaient trois au quatre, ils m'ont jeté au sol et ont commencé à me battre. » Ils avaient au préalable détruit la caméra d'observation installée par B'tselem.

Khaled a passé deux jours à l'hôpital, et ce n'est pas la première fois. « Je ne compte plus les fois où j'ai été blessé, j'ai passé des mois à l'hôpital. » Non loin, Bassel Adra, l'un des coréalisateurs de No Other Land, soupire. « Cela n'a pas commencé avec le 7 octobre, mais le harcèlement des colons est de pis en pis. Les autorités ne font rien pour le faire cesser. » Il est beau, triste, sympathique : ses combats sont là, sous nos yeux.

Face à nous, à quelques centaines de mètres, se trouve la colonie, anciennement « poste avancé », de Regavim. Et sur une autre hauteur, tout près de la maison de Khaled Najjar, un kiosque à musique a été édifié. Sur cette position dominante, les colons se retrouvent avant de passer à l'attaque, mettent la musique à fond, boivent, chantent et dansent.

À Jérusalem, les mêmes colons et leurs amis dansent parfois dans la rue, devant la gare Centrale, accompagnés de leur musique pop biblique et guerrière. Un passant, hors de lui, les traite de « fascistes ». Sa colère glisse sur la foule. Le tramway, un autre symbole de la colonisation (2), file dans la nuit. Il est à peine 23h, il ne transporte que de jeunes hommes pieux, farfadets farouches d'un autre temps, des gens parfois patibulaires, parfois juste fatigués, mais tous armés. Il y a aussi des soldat.e.s en armes qui soupirent les yeux au ciel. Rien ne va pour eux. Tout messianique qu'il soit, le bidasse israélien n'ignore pas que son destin est de finir en chair à canon. Des généraux et des rabbins nationaux-religieux hystériques lui disent toute la journée « Meurs pour Dieu et la patrie ! ». Le malheur des Palestiniens ne compte pas. Ou, pour être plus près de la vérité, ils s'en félicitent.

Ben Gvir et Smotrich ont la haute main sur les affaires militaires, civiles et financières des territoires occupés palestiniens (3). Ces proconsuls ricanent de leurs volontés meurtrières sur des télévisions de propagande, ébahis de voir à quel point les « alliés » d'Israël les laissent tranquilles. En outre, des rabbins les bénissent. Le « plus de quartier », c'est eux, repris par des milliers de personnes armées par Ben Gvir et Smotrich. Ils méritent l'un et l'autre la Cour pénale internationale (CPI) pour leurs appels répétés aux meurtres et aux pillages. Ces gens suivent leurs méfaits depuis leurs limousines blindées et climatisées, sillonnant des routes réservées. Leur vision du monde est en train d'anéantir la Palestine, sa douceur un peu brumeuse, les vapeurs de la Mer morte.

« On reconstruira »

Tous les Palestiniens ne vivent pas dans le dénuement des bédouins du sud. Turmus Ayya, un gros bourg de 3 000 résidents environ, au nord de Ramallah, a la caractéristique d'être peuplé à 80 % de Palestiniens ayant la nationalité américaine. Fortune faite aux États-Unis, ils reviennent et se bâtissent de gigantesques maisons entourées de précieux jardins tirés au cordeau. Parfois, ils financent une mosquée aussi chic qu'une synagogue de Beverly Hills. L'un d'eux, très élégant avec son blouson en daim et son pantalon à plis, a travaillé comme avocat en Californie. « Je suis revenu pour m'installer mais aussi pour résister », affirme-t-il avec sa courtoisie old fashion.

Il nous entraîne sur les hauteurs de la localité. On grimpe au cœur de la Palestine ancestrale, faite de champs d'oliviers tortueux et d'herbes folles incrustées entre les pierres. Deux jours avant notre passage, le 6 janvier 2025, un pavillon d'été construit au sommet d'une colline était incendié par les colons. Jouissant d'une vue magnifique, cette bâtisse récente de vastes dimensions faisait face à la colonie de Shilo, établie en 1979 sur des terres confisquées à Turmus Ayya, et qui compte 5 000 habitants. « On se retrouvait dans cette maison pour des occasions spéciales, avec de quoi s'amuser pour tout le monde », raconte le Palestino-américain. Il n'a pas besoin de grands discours pour afficher sa détermination : « On reconstruira. »

Cela ne sera pas forcément simple. Il n'ignore pas qu'en contrebas, dans la vallée, les bâtiments de Shilo s'étendent, s'approchent des merveilleux petits palais de Turmus Ayya. Plus de quarante maisons y ont été attaquées et parfois incendiées ces derniers mois.

Beita, convoitée par les colons

Sur la route de Naplouse, je retrouve Beita, où je me suis déjà rendu au printemps 2022. La population s'opposait frontalement aux colons qui, chaque vendredi, venaient les harceler. Quand une nouvelle colonie, Eyvatar, sur le mont Sabih, avait commencé à s'implanter près de Beita en 2021, les habitants s'étaient soulevés. Il y avait eu dix morts au cours de manifestations. Les colons d'Eyvatar avaient été évacués, mais sont revenus en 2022.

Avec 12 500 habitants, Beita est une commune aux contours compliqués, avec de nombreux vallons fertiles comptant des points d'eau qui attisent les convoitises des colons. Une dizaine de colonies, de tailles diverses, entourent Beita. Et depuis le 7 octobre, les affrontements sont incessants, et ont fait plus d'une dizaine de victimes. Sur une hauteur de Beita, Aysenur Ezgi Eygi, militante américano-turque, a été tuée par un sniper de l'armée le 6 septembre 2024. La jeune femme de 26 ans manifestait contre les colons. Ici aussi, « tout s'est aggravé depuis le 7 octobre », dit un habitant. Les morts, les destructions, le harcèlement.

Mosad Soufan a le malheur d'avoir sa ferme de Beita située à flanc de coteau, en contrebas de la colonie en pleine expansion de Yitzhar. À quelques mètres de ses fenêtres, une route neuve monte à la colonie, impeccable trait de velours presque fictionnel dans ce rude paysage. Pour aller à sa rencontre, on a dû monter un chemin pierreux, déplacer de lourdes pierres que les colons venaient de déposer pour isoler Mosad et sa famille. « Ils étaient là il y a deux heures, et ils nous observent », explique-t-il. Mosad raconte ensuite les nombreuses avanies subies par sa famille depuis des années. Il montre sur son téléphone les captures d'écran d'un groupe de colons qui se qualifient de « chasseurs de nazis ». Ils ont mis une cible sur son visage. Son chien, sympathique bâtard aux fines jambes, arrive en se traînant, abattu. « Les colons ont tenté de l'empoisonner, il y a deux jours », dit Mosad, s'excusant presque de tant de brutalité. Sur l'horizon orangé du crépuscule, nombre de lumières sont autant de promesses que de menaces. Mosad les connaît. C'est bientôt l'heure de se boucler pour la nuit. Jusqu'à la prochaine alerte.

Notes

1- De nombreuses données sont disponibles sur le site de la plateforme des ONG pour la Palestine, qui a collecté des données pour cet article.

2- NDLR. Le réseau de tramway construit à Jérusalem par Israël relie de manière illégale Jérusalem-Ouest aux colonies israéliennes implantées sur les terres palestiniennes de Jérusalem-Est. Deux entreprises françaises sont impliquées dans son développement : Alstom et Engis rail.

3- Lire à ce propos cet article qui pointe le coût des hausses des ressources des colonies : Pascal Brunel, « Israël : le financement des colonies de Cisjordanie déclenche une polémique », Les Échos, 28 novembre 2023.

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Medine Mamedoğlu : Le journalisme au milieu de la violence étatiquo-masculine

21 janvier, par Medine Mamedoğlu — , ,
TURQUIE / KURDISTAN – Les nombreux défis que pose le fait d'être kurde, femme et journaliste – que mes collègues femmes comprendront très bien – n'ont pas diminué au cours des (…)

TURQUIE / KURDISTAN – Les nombreux défis que pose le fait d'être kurde, femme et journaliste – que mes collègues femmes comprendront très bien – n'ont pas diminué au cours des dix dernières années.

Tiré de Entre les lignes et les mots

Depuis de nombreuses années, la profession de journaliste est en proie à d'intenses violations des droits de l'homme et à des pressions, tant en Turquie qu'au Kurdistan. En période de troubles politiques, de crises économiques et de guerre, des dizaines de journalistes qui ont embrassé le rôle et la mission que la profession implique ont été assassinés, emprisonnés ou soumis à la torture. Ces pressions, qui ont atteint leur apogée dans les années 1990, perdurent encore aujourd'hui, même après 30 ans.

Des milliers de journalistes qui continuent leur travail en ajoutant l'éthique et la conscience aux principes traditionnels de QQOQCCP* subissent encore aujourd'hui ces pressions. La presse libre est en première ligne de cette lutte. Tout en essayant de porter à l'attention du public les violations et les tortures subies par la population, les travailleurs de la presse libre, qui ont été systématiquement pris pour cible par les pouvoirs en place à l'époque, ont été soit soumis à un harcèlement judiciaire, soit contraints de quitter le terrain sous la menace lorsqu'ils ont révélé la vérité au public. Des journalistes comme Ape Musa (Musa Anter), Hafız Akdemir et bien d'autres ont été assassinés simplement parce qu'ils exerçaient cette profession. Quand on regarde en arrière, on constate que les méthodes utilisées pour réprimer les journalistes aujourd'hui sont les mêmes qu'il y a 30 ans. Malgré le passage du temps, rien n'a changé dans ce pays. Comme les journalistes dont nous avons hérité, nous continuons à nous battre. Dans cette lutte, nous avançons sur le chemin en donnant la priorité à la vérité sans discrimination fondée sur la race, la langue, la religion ou le sexe. Les paroles et le travail de ceux qui ont payé le prix pour que ces vérités ne restent pas dans l'ombre continuent de guider notre chemin aujourd'hui.

Il n'est pas surprenant que nous ayons vécu une histoire semblable à celle que j'ai décrite en lisant, en écoutant ou en regardant. En fonction du climat politique du pays, les politiques du gouvernement envers les journalistes et la presse libre changent constamment. Alors que ces cycles se répètent depuis des années, les journalistes ciblés par la censure et le harcèlement judiciaire continuent d'écrire et de documenter malgré tout. Je suis l'une des femmes journalistes qui perpétuent cette tradition aux côtés de centaines de mes collègues dans mon domaine. J'ai commencé à travailler chez JINHA, la première agence de presse féminine au monde, en novembre 2015, alors que j'étais étudiante à l'université, à l'âge de 18 ans. Comme j'ai commencé pendant une période d'intense activité, je n'ai pratiquement pas passé de temps au bureau. Pendant cette période, j'ai suivi de près les processus de conflit à Sur et les mouvements sociaux à Amed. Lorsque j'ai commencé ma carrière, j'ai vécu, vu et écrit sur des choses que je n'aurais jamais pu imaginer dans mes rêves les plus fous. Chaque reportage que j'ai écrit, chaque photo que j'ai prise et chaque personne dont j'ai écouté l'histoire m'accompagnent désormais comme une partie de mon expérience.

Être une femme journaliste sur le terrain

En plus des défis que représente le métier de journaliste, les pressions auxquelles nous sommes confrontées en tant que femmes journalistes kurdes au Kurdistan sont bien plus intenses. Les nombreuses difficultés qui accompagnent le fait d'être kurde, d'être une femme et d'être journaliste – que mes collègues femmes ne comprendront que trop bien – n'ont pas diminué, même après dix ans. Les politiques oppressives visant à la fois les femmes et le peuple kurde dans ce pays nous affectent à chaque étape de notre travail sur le terrain. Cette réalité n'est pas différente pour des milliers de femmes journalistes comme moi qui travaillent sur le terrain. Au début de ma carrière de journaliste de terrain, j'ai été témoin et victime directe de la violence des hommes, de l'État et du système judiciaire.

Pour donner un exemple récent, après la nomination d'un administrateur à la municipalité de Batman, notre collègue Pelşin Çetinkaya, qui couvrait les événements de la ville, a été arrêtée alors qu'elle avait déclaré à plusieurs reprises qu'elle était journaliste. Elle a été agressée et insultée. Le même jour, nous avons également été empêchées de faire notre travail et menacées par la police.

Ce mois de novembre marquera mes neuf ans de carrière. Malgré toutes les pressions, les violences et les menaces auxquelles nous avons été confrontées pendant cette période, nous avons continué à écrire. Nous avons documenté et rapporté les violations et les injustices auxquelles est confronté le peuple kurde, dont le sort a été largement ignoré par l'opinion publique, dans toutes les régions où nous avons été présents.

Dans cette ère de politique répétitive, les politiques visant le public n'ont malheureusement pas changé, tout comme les pressions exercées sur la presse n'ont pas changé. Les mêmes personnes dont les villages ont été incendiés hier (…) sont aujourd'hui confrontées à des politiques d'écocide et de dépeuplement. Les journalistes qui ont été assassinés hier pour avoir écrit la vérité sont aujourd'hui emprisonnés pour les informations qu'ils écrivent.

Grandir à une époque où ces politiques demeurent inchangées et assumer la responsabilité de la vérité est pour nous une expérience honorable. Dans les moments où nous nous sentons mis au défi, épuisés ou désespérés, nous puisons une force renouvelée dans les luttes du passé. Car nous savons tous très bien que si nous n'écrivons pas, personne ne le fera. C'est pourquoi écouter et documenter les expériences de chaque femme, enfant, prisonnier et arbre – chaque être vivant – dans cette région est devenu pour nous plus qu'un simple métier. C'est parce que nous ne vivons pas dans une région normale et que nous ne traversons pas une période normale.

Impunité

Le prix à payer pour écrire la vérité et dénoncer la torture à notre époque est l'emprisonnement et un harcèlement judiciaire sans fin. Cependant, avant d'aborder le sujet des procédures judiciaires, j'aimerais partager quelques exemples de violences d'État masculines auxquelles j'ai été confrontée en travaillant sur le terrain, comme je l'ai déjà souligné. Alors que j'avais un appareil photo à la main et une carte de presse autour du cou, j'ai été agressée par des agents des forces de l'ordre lors de nombreuses manifestations et événements auxquels j'ai participé. Quelle coïncidence (!), ma première rencontre avec cette violence a eu lieu lors des célébrations de la Journée internationale des femmes en 2016. J'ai été agressée par deux policiers, puis j'ai failli être arrêtée pour avoir pris des photos de deux jeunes femmes qui étaient torturées et détenues de force.

Durant cette période, à un poste de contrôle de police dans le district de Sur où des affrontements faisaient rage, j'ai été soumise au harcèlement et à une fouille corporelle par une policière. À Sur encore, malgré un contrôle d'identité (GBT), j'ai été soumise à des violences verbales et physiques de la part de quatre policiers. Aujourd'hui, les femmes de cette région sont confrontées à de telles violences presque quotidiennement. Pour ceux qui lisent ces récits, ce que j'ai vécu peut paraître anormal ; au début, cela m'a semblé aussi anormal. Mais ces pratiques de torture, normalisées et systématisées par l'impunité, n'ont jamais cessé un instant. Le 8 mars 2017, j'ai de nouveau été confrontée à la même violence lors du tournage. Ce processus s'est ensuite poursuivi avec des enquêtes.

Au lendemain du tremblement de terre du 6 février 2023, qui a provoqué des dégâts considérables, j'ai travaillé dans des dizaines de villes. En particulier à Maraş et à Malatya, nos interviews ont souvent été entravées par la police. À Maraş, par exemple, alors que nous enregistrions avec deux collègues journalistes les réactions des citoyens qui disaient : « L'État n'était pas là », un policier a d'abord réprimandé les citoyens, puis a tenté de soulever une foule contre nous.

Violence numérique systématique

Pendant cette période, j'ai été la cible d'insultes et de menaces intenses sur les réseaux sociaux pour avoir dénoncé la négligence entourant ces événements. La violence des médias numériques a ajouté aux pressions auxquelles je faisais face sur le terrain. Pour les reportages que j'ai préparés pendant mes trois mois environ dans la zone du tremblement de terre, une enquête a été ouverte contre moi en février pour « diffusion publique d'informations trompeuses ». Je n'ai pas été informée de cette enquête, ni convoqué pour faire une déclaration. Je n'ai appris l'existence du mandat de comparution forcée que lorsque je me suis rendu dans un commissariat de police pour une plainte pour disparition, après quoi j'ai fait une déclaration au bureau du procureur.

Environ un an après cette enquête, après les élections locales du 31 mars, les mêmes menaces et tortures ont refait surface à Van, où un administrateur devait être nommé. J'ai reçu de violentes menaces de mort sur les réseaux sociaux pour avoir partagé des images d'un jeune homme de Hakkâri torturé par les forces de l'ordre pour avoir protesté contre ces actions. Le lendemain de ces menaces, alors que je couvrais une manifestation d'avocats à Van contre la confiscation des mandats des élus, j'ai été torturée et arrêtée alors que je tenais une caméra et portais une carte de presse autour du cou. Bien que j'aie déclaré à plusieurs reprises que j'étais journaliste, les forces de l'ordre ont essayé de briser ma caméra pour effacer les images de torture que j'avais enregistrées. Lorsque j'ai refusé de remettre ma caméra, j'ai été soumis à la fois à des violences physiques et à des insultes. Après avoir arraché ma carte de presse de mon cou, ils m'ont menottée dans le dos et m'ont arrêtée. L'enquête que nous avions ouverte concernant cet incident a été classée sans suite au motif que l'« intervention était proportionnée ».

Plusieurs mois après cet événement, un reportage que j'avais publié sur un incendie dans les districts de Mazıdağı et Çınar, qui avait fait 15 morts, a fait l'objet d'une autre enquête à la suite d'une dénonciation anonyme. Dans ce reportage, où je n'ai ni commenté ni modifié quoi que ce soit, je me suis contentée de partager une vidéo dans laquelle un citoyen disait la vérité. Néanmoins, une enquête a été ouverte contre moi le mois dernier. Les allégations dans les trois enquêtes étaient liées aux reportages et aux vidéos d'actualité que j'avais préparés. Si certaines ont été lancées sur la base de dénonciations, d'autres découlent de rapports de la Division de la cybercriminalité. Deux de ces enquêtes ont finalement été classées sans suite.

Bien que je dise que les contenus que je partage relèvent de mes activités professionnelles, je continue à subir le même harcèlement dans de nombreux reportages qui concernent le public. Sur les réseaux sociaux en particulier, une vague systématique de violence numérique se poursuit sans relâche, de la part d'un groupe incapable de digérer la vérité. Cette violence, qui commence dès que nous prononçons les mots « kurde », « femme » ou « droits », reste incontrôlée car elle est renforcée par l'impunité. De nombreuses plaintes pénales que nous avons déposées auprès de nos avocats contre des individus qui ont ouvertement proféré des menaces de mort, des insultes et partagé des images d'armes sur des comptes publics ont été rejetées au motif qu'« il n'y a pas de preuve concrète ». La justice, qui considère nos reportages comme une menace et ouvre des enquêtes contre nous, ne parvient pas à trouver de preuves concrètes contre des individus qui nous menacent ouvertement de mort sous leur vrai nom.

Il est évident que la seule enquête restante aboutira au même résultat. Un journaliste est contraint de faire une déclaration et d'être jugé simplement pour avoir rapporté l'actualité. Au-delà de ces harcèlements judiciaires, les obstacles auxquels nous sommes confrontés sur le terrain restent les mêmes pour les journalistes de Diyarbakır et de la région. Lors des interventions ou des détentions, les forces de l'ordre empêchent les journalistes d'enregistrer des images en utilisant des boucliers. Si les journalistes s'y opposent, on leur dit : « C'est l'ordre reçu ». Pourtant, aucun document n'est fourni pour clarifier qui a donné cet ordre. Les forces de l'ordre, agissant de manière éhontée, non seulement nous empêchent de faire notre travail, mais prennent également des mesures contre nous ou font usage de la force si nous résistons à cette obstruction.

Être la voix de ceux qui ne sont pas entendus…

Dans cette région, je me concentre souvent sur des sujets liés aux femmes, aux questions de genre, à l'écologie et aux droits des enfants. Dans les reportages sur les violences faites aux femmes et les féminicides, je suis fréquemment victime d'insultes et de menaces de la part des hommes auteurs ou de leurs proches. Cette violence se poursuit souvent lors des procès pour féminicides que je suis. De même, les hommes auteurs de ces actes dénoncés dans nos reportages sur le terrain tirent leur force de la politique d'impunité et persistent à menacer les femmes journalistes.

Cette situation ne fait pas exception dans les cas où les auteurs ne sont pas des hommes mais des entreprises. Les entreprises responsables de la destruction écologique nous empêchent parfois de filmer ou nous empêchent d'atteindre les communautés qui protestent contre elles. En bref, que ce soit sur le terrain ou sur les plateformes numériques, la violence de l'État masculin nous confronte dans tous les espaces où nous accordons la priorité aux intérêts publics et nous efforçons d'amplifier la voix des citoyens. Nous savons bien pourquoi cette pression est exercée. Elle est le produit d'un système qui cherche à intimider, à réduire au silence et à construire ses propres médias, dans le but de supprimer la dénonciation des violations et des crises. Ils tentent d'atteindre cet objectif en réduisant au silence les journalistes.

Malgré toutes ces pressions, ma foi dans l'écriture et le journalisme reste inébranlable. Quoi qu'il arrive, nous continuerons à être sur le terrain pour les droits des femmes et des enfants, pour les droits des prisonniers torturés et pour les droits de tous les êtres vivants – et surtout pour être la voix de ceux qui ne sont pas entendus. Malgré les accusations simplistes et les tactiques d'intimidation, nous resterons ici aux côtés de nos collègues femmes et de toutes les femmes qui luttent pour la justice dans tous les domaines de la vie.

Par Medine Mamedoğlu, journaliste travaillant à l'agence de presse des femmes du Moyen-Orient (NuJINHA). Elle a débuté sa carrière à l'agence de presse Jin (JINHA) en novembre 2015. Elle a travaillé chez Gazete Şûjin et Jinnews après la fermeture de l'agence par un décret.

*QQOQCCP (pour « Qui ? Quoi ? Où ? Quand ? Comment ? Combien ? Pourquoi »), concept notamment utilisé en journalisme

Cet article a été produit avec le soutien financier du Centre de journalisme et des médias internationaux (OsloMet-JMIC) de l'Université métropolitaine d'Oslo.

https://kurdistan-au-feminin.fr/2024/12/22/medine-mamedoglu-journalisme-au-milieu-de-la-violence-etatiquo-masculine/

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Au cinéma—« Mon ami le terroriste », ou l’humanisation des ennemis politiques

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2025/01/YTTdKrPkhsmfu6ABMLUuQuqKUkdRL5d6CQJPEPm0-Copy-e1737308727265.jpeg20 janvier, par Comité de Montreal
Mon ami le terroriste: Une histoire d'amour et de révolution (2024) est un documentaire sans précédent sur le courage, le sacrifice… et le karaoké. Il raconte la vie de feu (…)

Mon ami le terroriste: Une histoire d'amour et de révolution (2024) est un documentaire sans précédent sur le courage, le sacrifice… et le karaoké. Il raconte la vie de feu Jose Maria Sison, affectueusement connu sous le nom de JoMa, et de sa femme et partenaire de révolution depuis 63 ans, (…)

Comptes rendus de lecture du mardi 21 janvier 2025

20 janvier, par Bruno Marquis — , ,
Faire que ! Alain Deneault Mes nombreuses critiques des livres d'Alain Deneault ont toujours été élogieuses, mais soulevaient l'idée qu'ils gagneraient à être vulgarisés. Je (…)

Faire que !
Alain Deneault

Mes nombreuses critiques des livres d'Alain Deneault ont toujours été élogieuses, mais soulevaient l'idée qu'ils gagneraient à être vulgarisés. Je m'en repens aujourd'hui : nous y perdrions beaucoup – et pour quels gains illusoires ? - quant à la profondeur et la sagacité de ses analyses et de ses vues. Dans « Faire que ! », essai sur « l'engagement à l'ère de l'inouï », l'auteur aborde la question « quoi faire ? », que nous nous posons tous devant l'étendue des défis en présence en matière d'environnement, mais il le fait en déplaçant progressivement la question vers un mode d'action - « faire que » - quant à ce que nous devons faire et que nous serons d'ailleurs amenés à faire pour changer la donne… en cette ère de l'inouï. Un bouquin, à mon sens, d'un grand intérêt, qui nous fait découvrir et redécouvrir encore une fois une foule d'idées et d'auteurs, et qui se termine sur une note, je dois le dire, plutôt stimulante.

Extrait :

La vie deviendra plus dure, mais plus significative. On se découvrira des talents qu'on ignorait, et les mettra à des fins plus pertinentes que celles d'un influenceur sur internet. On appellera « biorégion » l'ensemble qui naîtra de la nécessité, dans un moment où il faudra réapprendre à s'organiser à une échelle sensible. Dans les villes, appelées tendanciellement à se dépeupler, les bio quartiers pourront en être le pendant, avec leurs politiques d'agriculture urbaine et de concentrations de services. La biorégion n'est pas un projet, mais le lieu à partir duquel des projets émergent, la suite à donner à une situation - la contraction de la pensée politique à l'échelle régionale - qui sera, elle, impérative.

Les Thibault
Roger Martin du Gard

« Les Thibault » est une œuvre magistrale, en huit volumes, qui couvre l'époque de 1904 à 1940. C'est l'un des meilleurs romans de la première moitié du dernier siècle et l'un des plus beaux qu'il m'ait été donné de lire. Il tourne autour de deux familles, les familles Thibault et Fontanin, et de deux frères que tout oppose, Antoine et Jacques Thibault. Le premier, l'aîné, est un médecin sûr de lui, à l'esprit rationnel et conformiste ; le second, son cadet de neuf ans, est un idéaliste, en révolte contre les valeurs de la société bourgeoise, qui deviendra militant socialiste et tentera d'empêcher la guerre. Une œuvre d'une grande valeur historique et sociale et une œuvre prémonitoire à bien des égards.

Extrait :

C'était vrai. Contre toute attente, cette nuit de voyage avait été mieux que bonne : libératrice. Seul dans son compartiment, il avait pu s'allonger, s'endormir presque aussitôt ; et il ne s'était éveillé qu'à Culoz, reposé, plein d'ardeur, exceptionnellement heureux même, comme délivré d'il ne savait quoi. A la portière, en respirant à larges traits l'air matinal, tandis que le premier soleil achevait de dissiper au fond des vallées les ouates laissées par la nuit, il s'était penché sur lui-même, cherchant à s'expliquer cette joie intérieure, dont, ce matin, il se trouvait comblé. « Fini, s'était-il dit, de se débattre dans la confusion des idées, des doctrines ; un but précis s'offre enfin l'action directe contre la guerre ! » Certes, l'heure était grave ; décisive, sans doute. Mais, lorsqu'il faisait le bilan des impressions qu'il rapportait de Paris, la fermeté de la position du socialisme français, l'accord des chefs, réalisé autour de Jaurès et soutenu par sa combativité optimiste, la soudure qui semblait se faire entre l'activité des syndicats et celle du Parti, tout contribuait à accroître sa confiance dans la force invincible de l'Internationale.

Dissident - Pierre Vallières (1938-1998)
Daniel Samson-Legault

Nous sommes redevables à Daniel Samson-Legault d'avoir écrit une biographie aussi fouillée de ce brillant intellectuel que fut Pierre Vallières près de vingt ans après sa mort. Même si l'auteur de « Nègres blancs d'Amérique » a beaucoup écrit, qu'il a été une figure marquante de notre histoire dans les années 1960 et 1970 et qu'il s'est investi dans une foule de projets au cours de sa vie, nombre de ses proches étaient disparus aussi – dont Charles Gagnon et Michel Chartrand – lorsque l'auteur a repris son projet de biographie. Mais le travail de moine de Samson-Legault, ses recherches et ses très nombreuses rencontres et entrevues avec des personnes de l'entourage de Vallières lui ont permis de pallier ce passage du temps et de nous livrer une très belle et bonne biographie de Vallières. La préface d'Amir Kadhir, qu'on dirait écrite sur un coin de table, hâtivement, est probablement le seul aspect décevant du livre.

Extrait :

Pour les deux représentations, ce soir, la salle est comble avec 700 personnes, et on doit en refuser au moins une centaine d'autres, qui repartent piteuses. Les journalistes ont été invités pour la deuxième, prévue pour 21 h 30, mais qui commence à 22 heures pour se terminer vers minuit et demi. Les télévisions de Radio-Canada et de CBC filment. Le spectacle a commencé par la lecture, par le « juge » Lionel Villeneuve, d'un extrait du compte rendu du procès de Pierre Vallières, personnifié par Robert Gadouas, suivi d'un appel de chacun des prisonniers politiques. C'est un succès éclatant.

Odyssée Lumpen
Alberto Prunetti
Traduit de l'italien

« Odyssée Lumpen » est un beau roman qui nous fait redécouvrir la face cachée du monde, celle de l'exploitation sans scrupule d'une partie de la population. Le narrateur a quitté sa Toscane natale, diplôme à la main, dans l'espoir de trouver mieux en Angleterre. Mais il déchante assez vite, passant à Bristol d'un boulot mal payé à un autre, comme pizzaiolo et nettoyeur de toilettes dans un centre commercial, avec des conditions de travail exécrables, exploité et sans cesse surveillé et harcelé par ses patrons. Un récit sur le lumpenprolétariat, sur les déclassés et les exploités des temps modernes, qui nous fait sourire par moment, mais jamais d'un sourire de mépris. Ce qu'il nous fait plutôt haïr, c'est ce mode d'exploitation capitaliste profondément méprisant et inhumain.

Extrait :

Depuis des siècles les chercheurs et les critiques essaient de déchiffrer les secrets de Shakespeare. Il suffirait d'entrer dans un pub ouvrier le vendredi soir et le mystère serait élucidé. Orgueil, Peur, Vengeance, Jalousie. Entre le comptoir et les chiottes de n'importe quel pub anglais, on trouve bien plus que tout ce dont rêve votre philosophie.

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Où va la gauche française ?

20 janvier, par Édouard de Guise
Édouard de Guise, correspondant à Paris Entre tensions idéologiques, ambitions présidentielles et crises internes, la gauche française tente de se réinventer. Face à une (…)

Édouard de Guise, correspondant à Paris Entre tensions idéologiques, ambitions présidentielles et crises internes, la gauche française tente de se réinventer. Face à une dissolution surprise et un paysage politique fragmenté, les alliances paraissent fragiles, mais des dynamiques de (…)

Pour la révolution mondiale – 10 affiches de l’OSPAAAL (1968-1976)

20 janvier, par Archives Révolutionnaires
L’Organisation de la solidarité des peuples d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine (OSPAAAL) est une organisation anti-impérialiste cubaine, fondée le 12 janvier 1966 suite à (…)

L’Organisation de la solidarité des peuples d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine (OSPAAAL) est une organisation anti-impérialiste cubaine, fondée le 12 janvier 1966 suite à la Conférence tricontinentale. Pendant plus d’un demi-siècle, jusqu’à la fermeture de ses locaux en 2019, l’OSPAAAL a joué un rôle de liaison entre les mouvements de libération sur trois continents, dans une perspective anti-impérialiste et socialiste.

La Conférence tricontinentale se tient du 3 au 15 janvier 1966 à La Havane (Cuba). Elle rassemble 500 représentants issus de divers mouvements de libération provenant de 82 nations distinctes. Elle se situe dans le prolongement de la Conférence de Bandung (1955) et de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (1966), deux événements clés qui ont contribué à l’émergence du mouvement des non-alignés, c’est-à-dire des pays qui ne soutiennent ni les États-Unis ni l’URSS. La Tricontinentale vise à unir les mouvements de libération africains, asiatiques et latino-américains afin d’établir une structure de solidarité internationale orientée vers la révolution communiste mondiale. Il s’agit alors d’un des plus importants rassemblements anti-impérialistes à travers le monde. Contrairement à la conférence de Bandung, la Tricontinentale est plus claire dans son intention de s’opposer au capitalisme et soutient ouvertement le socialisme. Durant cette conférence, les délégués adoptent diverses résolutions, comme soutenir la révolution cubaine, demander la fermeture des bases militaires étrangères, promouvoir le désarmement nucléaire et militer contre l’apartheid en Afrique du Sud. Une résolution commune identifie l’impérialisme américain comme l’ennemi commun des peuples en lutte. La conférence aboutit également à une condamnation de l’impérialisme, du colonialisme et du néo-colonialisme, ainsi qu’à la création de l’OSPAAAL.

Entre les années 1960 et 1980, dans un climat de tensions croissantes dû à la guerre froide, l’OSPAAAL s’impose rapidement comme un foyer d’idées révolutionnaires. L’organisation devient la voix des mouvements de résistance contre la domination coloniale à l’échelle mondiale. Grâce à la coopération au sein de l’OSPAAAL, les nouveaux États indépendants peuvent sortir de leur isolement, développer des stratégies économiques et soutenir activement les luttes, qu’elles soient violentes ou pacifiques, sur trois continents.

Pour faire passer son message anti-capitaliste et anti-impérialiste, l’OSPAAAL mise sur son magazine Tricontinental, imprimé à près de 30 000 exemplaires et diffusé dans plus de 80 pays. Elle utilise aussi l’art, notamment à travers des films, mais surtout par la création d’affiches. Les artistes associés à l’OSPAAAL conçoivent des œuvres en soutien aux luttes de libération dans le monde entier, qui se distinguent par leur style visuel audacieux.

Sur le site web de l’OSPAAAL, on peut découvrir une collection d’affiches originales réalisées par divers artistes depuis les années 1960 jusqu’à aujourd’hui. Nous mettons en avant ici dix affiches de solidarité internationale.


Semaine internationale de solidarité avec le Viêt Nam (13 au 19 mars)

René Mederos, 1970

Semaine internationale de solidarité avec l’Amérique latine (19 au 25 avril)

Asela M. Pérez Bolondo, 1970

Journée de Solidarité Mondiale avec la Lutte du Peuple de Palestine (15 mai)

Gladys Acosta, vers 1975

Journée de solidarité avec le peuple d’Afrique du Sud (26 juin)

Berta Abelénda, 1968

Journée de solidarité mondiale avec la Révolution cubaine (26 juillet)

Alberto Ortiz de Zarate, 1975

Solidarité avec le peuple afro-américain (18 août 1968)

Lázaro Abreu / Illustration par Emory Douglas, 1968

Journée de solidarité avec les peuples de Guinée-Bissau et du Cap-Vert (3 août)

Berta Abelénda Fernández, 1968

Journée de solidarité mondiale avec la lutte du peuple portoricain (23 septembre)

Rolando Córdova Cabeza, 1976

Journée de solidarité avec le peuple du Laos (12 octobre)

Rafael Zarza, 1969

Journée de Solidarité avec le peuple du Venezuela (21 novembre)

Faustino Pérez, 1969

Une propriétaire harcèle ses locataires âgés pour les expulser

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2025/01/PXL_20250116_155050355-scaled-e1737217314931-1024x599.jpg18 janvier, par Comité de Montreal
Alors qu'une résidence privée pour ainés à Montreal est en train d'expulser illégalement tous ses résidents, une coalition d'organisations de défense des locataires et de (…)

Alors qu'une résidence privée pour ainés à Montreal est en train d'expulser illégalement tous ses résidents, une coalition d'organisations de défense des locataires et de membres de la communauté s'est réunie jeudi passé pour dénoncer ces abus. Les militants et les résidents ont fait état de (…)

Les libéraux choisissent un nouveau tête

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2025/01/trryudeeea3-3-1024x1024.jpg17 janvier, par L'Étoile du Nord
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Les libéraux choisissent un nouveau chef

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2025/01/trryudeeea3-3-1024x1024.jpg17 janvier, par L'Étoile du Nord
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2024 au Québec—Accélération marquée de l’effritement du filet social

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2024/02/409062380_1073857707367086_8742915920655994196_n-1-e1737078502307-1024x491.png17 janvier, par Comité de Montreal
Le gouvernement caquiste de François Legault n'a pas chaumé en 2024. Celui-ci a utilisé sa supermajorité à l'Assemblée nationale pour continuer à adopter des politiques (…)

Le gouvernement caquiste de François Legault n'a pas chaumé en 2024. Celui-ci a utilisé sa supermajorité à l'Assemblée nationale pour continuer à adopter des politiques dénoncées autant par les syndicats, que les organismes communautaires et que les groupes militants. Ceux-ci affirment que (…)

Finalement un cessez-le-feu à Gaza, mais tiendra-t-il ?

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2025/01/Fars_Photo_of_Destruction_in_Gaza_Strip_during_2023_War_18-e1737135428222-1024x554.jpg17 janvier, par Comité de Montreal
Même si de moins en moins de personnes y croyaient, Israël et le Hamas ont annoncé un cessez-le-feu hier. Celui-ci devrait prendre effet dimanche. Depuis l’annonce, l’armée (…)

Même si de moins en moins de personnes y croyaient, Israël et le Hamas ont annoncé un cessez-le-feu hier. Celui-ci devrait prendre effet dimanche. Depuis l’annonce, l’armée israélienne aurait intensifié ses attaques et aurait déjà tué environ 116 personnes. Pendant ce temps, le gouvernement (…)

Plan d’urgence contre le privé en santé et services sociaux

17 janvier, par Confédération des syndicats nationaux (CSN) — , ,
Pétition Un réseau de la santé et des services sociaux (RSSS) gratuit est central dans notre conception d'une société équitable et qui prend soin de tout le monde. Nous (…)

Pétition

Un réseau de la santé et des services sociaux (RSSS) gratuit est central dans notre conception d'une société équitable et qui prend soin de tout le monde. Nous vivons actuellement au Québec, un vaste processus de privatisation de notre RSSS, accéléré par le gouvernement caquiste de François Legault et du ministre de la Santé et des Services sociaux Christian Dubé. La CSN, par l'entremise de sa campagne Pour un réseau Vraiment public demande un RSSS plus démocratique, décentralisé, déprivatisé et qui met au centre de ses préoccupations des réponses adéquates aux problèmes reliés aux principaux déterminants de la santé.

Lors de son rassemblement, qui a regroupé près de 4000 personnes à Trois-Rivières, le 23 novembre dernier, la CSN a présenté trois mesures rapides que le gouvernement doit prendre afin de freiner l'érosion du RSSS :

Mettre fin à l'exode des médecins vers le secteur privé ;

Cesser d'octroyer des permis de cliniques privées à but lucratif ;

Décréter un moratoire sur tous les projets de privatisation du travail et des tâches effectués par le personnel du réseau public.

Ces trois mesures peuvent se réaliser dès maintenant si la volonté politique est au rendez-vous. La CSN donne au gouvernement jusqu'au 1er mai 2025, soit la Journée internationale des travailleuses et des travailleurs, pour mettre en place ce plan d'urgence.

La présente pétition vise à envoyer un message clair au gouvernement du Québec en lui rappelant que la population exige des engagements concrets et immédiats pour notre RSSS public.

Pour chaque signature, la CSN fera suivre une carte postale au ministre de la Santé et des Services sociaux. Des activités régionales seront aussi organisées pour livrer le message à d'autres élu-es de la CAQ.

En signant cette pétition, vous acceptez de recevoir de l'information de la CSN et de ses organisations affiliées.

Voici le lien pour passer à l'action : https://urls.fr/a19nBT

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FElon Musk

17 janvier, par Par Michel Rioux
Un felon - félon en français - est un traître à son maître

Un felon - félon en français - est un traître à son maître

PLC : Incohérence et échec d'une politique climatique

17 janvier, par Par Monique Pauzé
Le bilan catastrophique des libéraux en matière d'environnement

Le bilan catastrophique des libéraux en matière d'environnement

Le CISO fête ses 50 ans

17 janvier, par Par Luc Allaire
Il a été fondé à la suite de la Conférence internationale de solidarité ouvrière présidée par Michel Chartrand

Il a été fondé à la suite de la Conférence internationale de solidarité ouvrière présidée par Michel Chartrand

Toutes les vies se valent-elles vraiment ?

16 janvier, par Ligue des droits et libertés

Retour à la table des matières Droits et libertés, automne 2024 / hiver 2025

Toutes les vies se valent-elles vraiment ?

CHRISTIAN DJOKO KAMGAIN, PhD, Chargé de cours à l’ÉNAP, Membre du CA de la Ligue des droits et libertés - section de Québec

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, ce cri, « Plus jamais ça », s’est élevé dans le ciel brûlé de l’humanité comme une prière adressée aux abysses de notre propre cruauté. Ce slogan, simple en apparence, portait l’espoir fragile d’un renouveau, le désir universel de panser les plaies d’un monde défiguré. Mais plus de 70 ans se sont écoulés, et l’on peut se demander si ces fleurs d’idéaux ont produit autre chose que des fruits amers. Les promesses n’ont-elles été que de pâles fleurs sur le sol aride de nos illusions ? L’a-t-on nourrie de mots, cette terre, ou a-t-on simplement replanté les racines des mêmes divisions empoisonnées ? En scrutant le regard que porte cette communauté sur l’Ukraine d’un côté, et sur les cicatrices ouvertes du Moyen-Orient ou de l’Afrique de l’autre, n’assistons-nous pas plus que jamais à l’effritement du pacte fondateur ? J’emploie le nous, mais est-ce vraiment Nous ? Ne sommes-nous pas conduits à soupçonner que ce « Plus jamais ça » pourrait en réalité signifier : « Plus jamais ça pour ceux et celles dont la peau est blanche » ? Les édifices juridiques internationaux, ces architectures imposantes d’un droit façonné par les leçons de l’horreur, se dressent encore, mais que valent-ils vraiment ? Ne sont-ils que des statues d’argile élevées au nom d’une justice que l’on ne sert que par intermittence ? Derrière le vernis des conventions et des lois, derrière les mots qui se veulent universels, la promesse s’effrite : toutes les vies se valent-elles vraiment, ou avons-nous, en silence, désigné des vies plus précieuses que d’autres ? Ce pacte tacite nous entraîne-t-il sur la pente d’un nouvel oubli, où les vies humaines ne sont que des pions, repliés au gré des intérêts du jour, dans un jeu sans fin où seuls les souvenirs de l’horreur retentissent, mais sans jamais arrêter la main de ceux qui rejouent l’échiquier du monde ?

Se dissocier de son époque, c’est avoir le courage de nommer ces vies marginalisées et tuables [...]

Humanisme à géométrie variable

Lutter pour que toutes les vies comptent, c’est avoir le courage de nommer et de défendre en particulier celles qui, dans la hiérarchie implicite des valeurs humaines, comptent objectivement le moins. Derrière les déclarations humanistes universelles se dissimulent bien souvent des structures d’injustice qui, loin de les combattre, les perpétuent sous couvert de neutralité bienveillante. Comme une horloge brisée qui échoue à indiquer l’heure juste, ces discours d’égalité universelle masquent les déséquilibres profonds qui organisent le monde. Certains lieux, comme l’est du Congo ou la bande de Gaza, fonctionnent comme des hétérotopies au sens foucaldien : des espaces qui, bien qu’ancrés dans le monde réel, incarnent des contradictions intenses et une vérité parallèle sur la conscience occidentale. Ces lieux de « marginalité violente », où les vies, piégées dans une cage de fer et de feu, semblent peser moins que d’autres sur l’échelle de la valeur humaine universelle. Ils se dressent comme des miroirs inversés de l’humanisme occidental : ce qu’il condamne avec véhémence dans un contexte, il le facilite ou l’ignore dans un autre. Dans ces espaces autres, où l’horreur et l’indifférence coexistent, la promesse d’égalité se fissure, exposant des hiérarchies tacites. En fait, derrière la force apparente de ses principes, l’occident tergiverse, hésite, et parfois recule, incapable de surmonter ses propres contradictions morales et politiques. Plus largement, l’inaction coupable de nombreux pays occidentaux devant le crâne éclaté d’un enfant palestinien1, leur silence devant les injonctions de la Cour internationale de justice ou les avertissements de la Cour pénale internationale, indiquent plus que jamais que leur prétendu humanisme universel multiséculaire n’est très souvent qu’un voile pudique qui, lorsqu’il n’occulte pas l’autre (Enrique Dussel), dissimule une indifférence sélective.

Ces discours d’égalité universelle masquent les déséquilibres profonds qui organisent le monde.

Exemplifions cette triste réalité par un autre cas : les réactions mondiales aux crises des réfugiés. Quand des millions de personnes fuient des conflits au Moyen-Orient ou en Afrique, elles se heurtent aux murs de l’indifférence ou à la xénophobie institutionnelle des pays occidentaux, et la Méditerranée devient le symbole d’une honte collective et d’une frontière mortifère. En revanche, l’accueil réservé aux réfugiés d’Ukraine illustre une empathie différenciée qui traduit une hiérarchisation implicite des vies. Au cœur de cette logique, disais-je plus haut, les vies racisées se voient accorder une valeur inférieure. Elles sont réduites au rang de murmures, étouffés par le vacarme des priorités géopolitiques et économiques, où la xénophobie et le racisme les relèguent à des notes de bas de page dans l’histoire humaine. Ce contraste n’est pas le fruit du hasard, mais le symptôme d’une xénophobie structurelle et de la « violence atmosphérique du racisme » dont parlait Frantz Fanon : une violence imperceptible, mais présente, qui se déploie dans les imaginaires collectifs façonnés par des siècles de colonialisme et de suprématie blanche.

S’en dissocier

« On n’est pas responsable de son temps, mais de ne pas s’en dissocier », affirmait Guy Hocquenghem en 1986. Se dissocier de son époque, c’est avoir le courage de nommer ces vies marginalisées et tuables, de désigner cette part du monde où, selon les mots poignants de Sony Labou Tansi, « la vie et la mort racontent la même histoire sans serrure, [avec] un trousseau de morts mêlés aux vivants ». C’est lever le voile sur une vérité inconfortable, mais nécessaire : derrière le masque de l’humanisme se dresse une hiérarchie invisible, mais omniprésente, qui dicte silencieusement quelles souffrances méritent notre compassion et quelles morts peuvent être ignorées. Cette hiérarchie secrète, soutenue par un égalitarisme de façade aux accents kantiens, trahit la promesse fondamentale de l’humanité : reconnaître et défendre chaque vie, surtout celles systématiquement rejetées dans l’ombre, dévalorisées ou tuées dans l’indifférence. Se dissocier de cette fausse neutralité, c’est également s’engager. Dans le contexte actuel, l’engagement des forces progressistes doit se transformer en une flamme ardente qui éclaire les zones d’ombre de notre conscience collective et consume les illusions de l’égalitarisme superficiel. Tel un jardinier qui prend soin des plantes les plus fragiles pour assurer la prospérité de tout le jardin, nous devons orienter notre attention et nos efforts vers ceux et celles qui incarnent la vulnérabilité et portent le fardeau des injustices historiques. Cet engagement implique de reconnaître et de contester les hétérotopies modernes de l’oppression – ces espaces où l’existence même semble soumise à un statut précaire, où l’indifférence coloniale persiste, transformant certaines vies en objets du déni collectif. Il ne s’agit pas simplement de tolérer l’existence de ces espaces autres, mais de se mobiliser sans relâche pour les faire émerger au cœur de notre conscience sociale et politique. Ce n’est qu’en prenant en charge cette responsabilité que nous pourrons espérer bâtir un monde où chaque vie compte réellement, et où l’égalité entre toutes les vies n’est plus un idéal distant, mais une réalité tangible et vécue.
1 Selon une étude d’OXFAM, entre 2023 et 2024, « plus de 6 000 femmes et 11 000 enfants ont été tués à Gaza par l’armée israélienne ». En ligne : https://oxfam.qc.ca/un-an-conflit-gaza/

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