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Projet de loi n° 81, Loi modifiant diverses dispositions en matière d’environnement : Le gouvernement refuse d’entendre les travailleurs et travailleuses

28 janvier, par Fédération des Travailleurs et des travailleuses du Québec (FTQ) — , ,
La Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) dénonce l'attitude du ministère de l'Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune (…)

La Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) dénonce l'attitude du ministère de l'Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs, qui a choisi d'exclure le mouvement syndical des Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 81, Loi modifiant diverses dispositions en matière d'environnement, qui débuteront ce mardi 28 janvier. Pourtant, le ministre Benoit Charrette, sans gêne, n'hésite pas à dérouler le tapis rouge pour entendre en commission parlementaire les acteurs patronaux et commerciaux, en levant le nez sur les travailleurs et travailleuses qui sont pourtant des acteurs importants dans ce dossier.

« Il est inconcevable que la FTQ ne soit pas entendue à cette commission. Ce projet de loi propose de modifier diverses dispositions en matière d'environnement, comme les évaluations environnementales, notamment dans le secteur industriel et énergétique ; deux secteurs où la FTQ est fortement représentée. Le message est clair : le ministre a un parti pris en faveur du patronat », déclare le secrétaire général de la FTQ, Denis Bolduc.

Aussi, la FTQ s'inquiète vivement de cette tendance du gouvernement de la CAQ d'octroyer de plus en plus de pouvoirs à ses différents ministères, tout en réduisant la participation et le poids de la société civile.

« Le ministre cherche à se donner le droit d'accélérer des projets sans s'assurer que la main-d'œuvre soit disponible, et sans avoir les évaluations nécessaires pour garantir que notre environnement ne subira pas de dommages irréversibles. N'a-t-on pas appris de nos erreurs avec le fiasco Northvolt ? », d'enchaîner le secrétaire général.

« La FTQ reconnaît que certaines modifications proposées dans le projet de loi n° 81 pourraient être bénéfiques, comme la mise à jour concernant la protection de la biodiversité et le pouvoir accru des municipalités dans le domaine de la réglementation et de l'évaluation environnementale. Toutefois, à quoi serviront ces mesures si le ministre de l'Environnement a le pouvoir de contourner ses propres règles, comme dans le dossier Northvolt », poursuit le secrétaire général.

« Ce projet de loi aurait pu être positif, mais les démarches de développement industriel et énergétique de la CAQ manquent de vision et ne favorisent que les entreprises. Les ambitions économiques ne devraient pas passer avant la protection de notre environnement et les intérêts des travailleurs et travailleuses du Québec », conclut le secrétaire général, Denis Bolduc.

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Hausse du prix des loyers : « La crise du logement est une préoccupation réelle »

28 janvier, par Maude Messier — , ,
La CSQ réagit vivement à la réaction de la ministre responsable de l'Habitation, France-Élaine Duranceau, quant à la hausse estimée du prix des loyers à 5,9 % pour 2025. « Il (…)

La CSQ réagit vivement à la réaction de la ministre responsable de l'Habitation, France-Élaine Duranceau, quant à la hausse estimée du prix des loyers à 5,9 % pour 2025. « Il faut plus de logements, nous en sommes aussi, mais ça ne se fera pas en claquant des doigts d'ici les prochaines semaines ! Une hausse anticipée de 5,9 %, c'est largement au-dessus de l'inflation », fait valoir le président de la CSQ, Éric Gingras.

Tiré de Ma CSQ.

La CSQ rappelle que la hausse du salaire minimum pour 2024 était de seulement 3,28 % alors que l'inflation, pour la même période de référence, se situait pourtant à 4,5 %. « Et aujourd'hui, sous prétexte que c'est une décision sous la responsabilité du Tribunal administratif du logement (TAL), il laisse aller des hausses à 5,9 %. Voyons donc ! Et pour les hausses des tarifs d'hydroélectricité qu'il a pourtant fait geler à 3 %, aussi en prétextant vouloir les maintenir près de l'inflation ? À un moment donné, il faut que les arguments se tiennent ! Là, c'est assez clair que les salaires n'augmenteront pas au même rythme que les prix des loyers et que cette hausse accentue l'inflation du logement locatif », dit Éric Gingras.
La crise du logement affecte inévitablement les plus pauvres, pour qui l'impact négatif à prévoir est évident, puisque l'on sait qu'ils ont tendance à déménager plus. Mais la CSQ insiste sur le fait que la question déborde maintenant de ce cadre habituel et affecte différentes strates socioéconomiques de la population.
« Et c'est notamment là que le gouvernement fait fausse route et démontre toute son incompréhension des enjeux connexes qui en découlent. La question de l'abordabilité du logement est à ce point importante et centrale dans le quotidien de nos membres qu'elle s'est traduite en orientation lors de notre dernier congrès en faveur de la mise en œuvre de plans d'action gouvernementaux devant comprendre un réinvestissement public massif pour créer et rénover des logements sociaux et un renforcement des protections des droits des locataires, notamment par un meilleur contrôle des loyers et une protection accrue contre les évictions », ajoute Éric Gingras.

« Autrement dit, la réaction de la ministre hier démontre non seulement un manque de sensibilité, mais surtout le peu de place accordée aux enjeux sociaux par le gouvernement, lesquels sont exacerbés dans le sillage de la crise du logement, l'itinérance, l'insécurité alimentaire et la violence conjugale, notamment. Et ça, contrairement à ce que semble penser le gouvernement, ça préoccupe la population, dont nos membres. »

Un épisode du balado de la CSQ, Prendre les devants, est justement consacré aux enjeux entourant la question du logement.

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Soins à domicile : la FIQ soumet ses recommandations

28 janvier, par Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) — , , ,
Appelée à participer à une consultation du MSSS sur la Politique nationale sur les soins et les services de soutien à domicile (SAD) au Québec, la FIQ a déposé un mémoire (…)

Appelée à participer à une consultation du MSSS sur la Politique nationale sur les soins et les services de soutien à domicile (SAD) au Québec, la FIQ a déposé un mémoire comprenant 8 recommandations pour adapter les soins et services aux besoins des personnes aînées. Celles-ci misent d'abord et avant tout sur une approche qui favorise le maintien de l'autonomie et de la santé des personnes aînées plutôt qu'une approche orientée vers l'hospitalo-centrisme.

Dans un contexte où le vieillissement et l'accroissement de la population demeure un défi important pour le réseau public de la santé, il apparaît clair que l'expertise et la connaissance des enjeux que possèdent les professionnelles en soins qui offrent des SAD doivent être entendues et mises à contribution.

Aujourd'hui, les vice-présidentes Françoise Ramel et Jérôme Rousseau participent aux auditions pour présenter nos recommandations orientées vers les thèmes prioritaires identifiés dans la consultation.

Voici les 8 recommandations qui ont été formulées par la Fédération :

1- Redonner aux CLSC leur vocation d'origine en matière de gestion et de prestation des soins et du soutien à domicile.

2- Planifier de manière durable et paritaire la main-d'œuvre nécessaire en soins et en soutien à domicile, notamment en prévoyant la présence d'infirmières praticiennes spécialisées.

3- Déterminer l'élargissement des pratiques professionnelles sur la base des compétences nécessaires aux soins sécuritaires et de qualité.

4- Consacrer une proportion fixe du PIB québécois aux soins à domicile.

5- Simplifier et clarifier le financement des soins à domicile afin d'obtenir une reddition de compte transparente et d'en tirer des données probantes.

6- Exclure la contribution de l'usager-ère de la politique nationale sur les soins à domicile.

7- Offrir aux patient-e-s l'ensemble des soins professionnels requis par leur condition.

8- Réduire la place occupée par les entreprises privées à but lucratif dans la dispensation du soutien à domicile et utiliser les économies pour offrir ces services à travers le réseau de la santé.

Consulter le mémoire de la FIQ.

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Loi 21 : La Cour suprême accepte d’entendre l’appel de la FAE

28 janvier, par Fédération autonome de l'enseignement (FAE) — , , ,
Prenant connaissance de l'annonce, ce matin, Mélanie Hubert, présidente, a déclaré que la FAE était « satisfaite » de la décision rendue par la Cour suprême. La FAE avait (…)

Prenant connaissance de l'annonce, ce matin, Mélanie Hubert, présidente, a déclaré que la FAE était « satisfaite » de la décision rendue par la Cour suprême. La FAE avait entamé cette démarche de contester des pans de la Loi 21 à l'hiver 2019. Plus précisément, la FAE conteste notamment deux éléments devant les tribunaux : l'opération de dénombrement orchestrée par le gouvernement Legault quelques mois avant l'adoption de cette loi, ainsi que la discrimination à l'embauche, la discrimination à l'emploi et le droit au travail.

Opération dénombrement

En novembre 2018, le ministère de l'Éducation de l'époque a fait parvenir aux directions d'établissements scolaires un sondage, lequel visait à obtenir des informations quant au port de « symboles religieux » par les employés ainsi que le nombre et la nature de demandes d'accommodements demandés pour les motifs religieux, linguistiques ou ethnoculturels. L'on cherchait à connaître le nombre exact d'enseignantes et d'enseignants portant des signes religieux. Les minorités religieuses, plus particulièrement les femmes musulmanes portant le voile, avaient ressenti un effet de stigmatisation à la suite de l'opération de dénombrement.

Discrimination à l'embauche, discrimination à l'emploi et droit au travail

Une portion de l'article 27 de la Loi 21, communément appelé « clause grand-père », vient restreindre, par son libellé, ce droit acquis de porter un signe religieux en précisant qu'il demeurera tant que l'enseignant exercera la même fonction au sein de la même commission scolaire. Ainsi, une personne enseignante qui souhaiterait accéder à de nouvelles fonctions (ex. poste de direction) ou irait travailler dans un autre centre de services scolaire perd ce droit. Or, du fait de sa mission, la FAE se doit de protéger tant le droit au travail que l'accès à ce dernier.

Pour des institutions laïques

Afin d'éviter toute confusion, amalgame ou désinformation, la FAE tient à rappeler qu'elle est en faveur de la laïcité de l'État et qu'elle dénonce et s'oppose à toutes les formes d'intégrisme ainsi que de prosélytisme.

Pour rappel, à la suite de l'arrêt de la Cour d'appel rendu en février 2024, concernant la contestation de la Loi sur la laïcité de l'État (Loi 21), la FAE a décidé d'en appeler de ce jugement. Ainsi, elle avait alors déposé une requête pour permission d'en appeler à la Cour suprême du Canada.

La FAE a non seulement la responsabilité de défendre les droits de ses membres, à plus forte raison leurs droits fondamentaux, elle a le devoir de le faire. Il faut se méfier de la distorsion qui est actuellement faite des chartes, canadienne et québécoise, et de la facilité avec laquelle les parlements suspendent nos droits fondamentaux en utilisant excessivement les clauses dérogatoires.

C'est quoi, les clauses dérogatoires ?

Les clauses dérogatoires (ou nonobstant) sont incluses dans l'une et l'autres des chartes des droits et libertés (art. 33 de la Charte canadienne et art.52 de la Charte québécoise) et permettent aux parlements, sous certaines conditions, de supplanter, de contourner ou de suspendre temporairement certains droits de l'une ou l'autre des chartes.

La FAE n'est pas contre l'utilisation des clauses dérogatoires. Elle souhaite néanmoins que leur utilisation soit balisée. Cette utilisation devrait être faite avec parcimonie et de manière exceptionnelle. Un parlement qui y recourt devrait pouvoir démontrer que son objectif est clair et urgent. Là est l'un des principaux écueils de la Loi 21.

Une situation qui dépasse le Québec... et la laïcité

Si, au départ, la FAE a entamé cette démarche pour, notamment, défendre le droit au travail de nos membres, la banalisation de l'utilisation de la clause dérogatoire par plusieurs parlements provinciaux nous donnent malheureusement raison d'être inquiets.

En effet, dans les dernières années au Canada, on a vu plusieurs cas de clauses dérogatoires utilisées sans avoir l'obligation de démontrer un objectif réel et urgent. Par exemple, le parlement ontarien a suspendu la liberté d'association en 2022, alors qu'en Saskatchewan, le parlement a invoqué la disposition de dérogation pour empêcher les enfants de moins de 16 ans de changer de prénom ou de pronom à l'école, sans le consentement de leurs parents.

Qui plus est, juste au sud de nos frontières, des états américains sont venus restreindre, voire dans certains cas interdire, le droit à l'avortement. Des personnes enseignantes risquent maintenant des mesures disciplinaires si elles affichent leur appartenance à la communauté LGBTQ2+, notamment en Floride, alors qu'on est aussi venu interdire, non seulement en Floride, mais aussi dans certains états, de parler des réalités LGBTQ2+ à l'école. Il est évident que le Québec ou le Canada ne sont pas à l'abri de tels reculs des droits fondamentaux. Il est primordial de demeurer vigilants.

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Les canadiens rejettent les menaces tarifaires de Trump : Nouveau sondage du CTC

28 janvier, par Congrès du travail du Canada (CTC) — , , ,
Un nouveau sondage commandé par le Congrès du travail du Canada (CTC) révèle queles Canadiens sont gravement préoccupés par les risques économiques et politiques que fait (…)

Un nouveau sondage commandé par le Congrès du travail du Canada (CTC) révèle queles Canadiens sont gravement préoccupés par les risques économiques et politiques que fait courir le président américain Donald Trump. Un sondage mené par GQR Canada entre le 13 et le 20 janvier 2025 auprès de 1 500 personnes éligibles à voter révèle qu'une majorité de Canadiens croient que les menaces tarifaires de 25 % annoncées par le président Trump sur les produits canadiens auraient un effet dévastateur sur les emplois, l'économie et les relations entre le Canada et les États-Unis.

« Les menaces irresponsables de Donald Trump constituent une attaque directe contre les travailleuses et travailleurs des deux côtés de la frontière », estime Bea Bruske, présidente du Congrès du travail du Canada. « Les Canadiens sont à juste titre alarmés et s'attendent à un leadership solide de la part de leurs gouvernements afin de protéger leurs emplois et défendre nos industries contre ces politiques néfastes. »

Huit Canadiens sur dix croient que les tarifs américains sur les produits canadiens augmenteront le coût de la vie, et neuf Canadiens sur dix croient qu'ils auront un impact défavorable sur les relations canado-américaines.

En réponse à ces menaces :

90 % des Canadiens appuient un plan d'investissement pour renforcer notre économie, soutenir les industries canadiennes et créer de bons emplois.

77 % croient que le gouvernement fédéral devrait exercer des représailles en imposant des tarifs douaniers sur les importations en provenance des États-Unis, et 75 % veulent que le Canada bloque l'accès des États-Unis aux ressources canadiennes comme l'électricité, le pétrole et le bois.

80 % veulent que le gouvernement appuie ceux qui seraient touchés par des pertes d'emploi.

Deux Canadiens sur trois rejettent l'idée d'une politique d'apaisement avec Trump.

« C'est un moment d'unité pour le Canada », déclare madame Bruske. « Les dirigeants politiques de tous les ordres de gouvernement et de tous les partis doivent être à l'écoute des Canadiens et comprendre que les gens s'attendent d'eux qu'ils restent unis pour défendre le Canada et les travailleuses et travailleurs canadiens. »

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La Diversité comme Pilier d’Innovation

28 janvier, par Diversité artistique Montréal (DAM) — , ,
Montréal, le Lundi 27 janvier 2025 — Il y a des moments dans l'histoire où le silence n'est pas une option. Aujourd'hui, face au retrait des programmes d'équité, de (…)

Montréal, le Lundi 27 janvier 2025 — Il y a des moments dans l'histoire où le silence n'est pas une option.

Aujourd'hui, face au retrait des programmes d'équité, de diversité et d'inclusion aux États-Unis, nous ne pouvons rester immobiles. Diversité artistique Montréal lance un appel à tous ceux qui croient en un avenir plus juste : la diversité est notre force, l'inclusion est notre chemin, et l'équité est notre défi commun.

À Montréal, nous savons que la richesse d'une société réside dans sa diversité. Cette ville, vibrante et cosmopolite, est une terre d'opportunités où près de 40 % de la population appartient à une minorité visible. Comme l'a si bien dit Martin Luther King, "L'injustice où qu'elle soit est une menace pour la justice partout dans le monde." Nous refusons de laisser l'élan du progrès s'éteindre. DAM s'engage à être un phare d'espoir, un lieu où chaque artiste, quelle que soit son origine, peut réaliser son potentiel.

Face à cette annonce internationale, nous appelons les artistes, les institutions et les partenaires culturels à s'unir pour redoubler d'efforts dans la défense des valeurs d'inclusion. DAM s'engage à renforcer ses programmes actuels de soutien aux artistes marginalisés, tout en développant de nouvelles initiatives pour créer des opportunités équitables pour tous.

Dans les mois à venir, nous lancerons une série d'ateliers et de résidences artistiques dédiés à la mise en valeur des talents issus de communautés diversifiées. Selon une étude de l'UNESCO, les industries culturelles et créatives représentent 3 % du PIB mondial et emploient près de 30 millions de personnes à travers le monde. En soutenant les artistes diversifiés, nous contribuons non seulement à l'équité, mais aussi à une économie culturelle florissante.

Alors que le monde fait face à des défis écologiques sans précédent, à une précarité croissante et à une concentration du pouvoir dans les mains de quelques-uns, il est impératif que nous choisissions l'unité et le partage. Nos réponses à ces crises doivent être collectives et inclusives. La diversité n'est pas seulement une richesse culturelle, c'est une solution indispensable pour imaginer un avenir durable et équitable. Ensemble, nous devons construire un monde où chaque individu peut prospérer, en s'appuyant sur des valeurs de solidarité, de collaboration et de respect mutuel.

Nous savons que des choix comme celui des États-Unis peuvent semer le doute, mais ils sont aussi une opportunité de prouver que nous pouvons faire mieux, ensemble. Montréal a l'occasion de se positionner comme un leader mondial en matière d'équité, diversité et inclusion. Nous invitons tous les acteurs de notre écosystème culturel à se joindre à nous pour amplifier les voix qui en ont le plus besoin.

Citations

"L'histoire nous observe, et nos actions d'aujourd'hui détermineront le monde que nous léguerons demain. Ensemble, faisons de Montréal un exemple d'inclusion, de justice et de créativité." — JIMMY PHILEMOND-MONTOUT, Directeur général de Diversité Artistique Montréal

"Quand d'autres ferment des portes, ouvrons davantage les nôtres. La diversité n'est pas seulement une valeur morale, c'est une source d'innovation et de prospérité pour toute notre société." — JIMMY PHILEMOND-MONTOUT

À propos de Diversité artistique Montréal

Diversité artistique Montréal est une organisation dédiée à la promotion de l'équité, de la diversité et de l'inclusion dans les arts et la culture. En collaborant avec des artistes, des institutions et des partenaires, nous nous engageons à bâtir un écosystème culturel qui reflète et valorise la richesse de notre société.

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La dérive autoritaire en Équateur

Le 8 décembre, quatre enfants d'origine africaine ont été arrêtés puis ont disparu à Guayaquil, le plus jeune n'ayant que 11 ans, alors qu'ils avaient quitté leur domicile pour (…)

Le 8 décembre, quatre enfants d'origine africaine ont été arrêtés puis ont disparu à Guayaquil, le plus jeune n'ayant que 11 ans, alors qu'ils avaient quitté leur domicile pour jouer au football. Dans la vidéo qui circule sur Internet, on peut voir comment au moins 10 soldats les ont fait monter dans une camionnette et les ont maltraités. Quinze jours plus tard, leurs corps ont été retrouvés brûlés près d'une caserne militaire.

9 janvier 2025 | tiré d'Inprecor Raúl Zibechi

Les tribunaux ont déclaré que les garçons avaient été victimes d'une « disparition forcée » et ont tenu l'État équatorien pour responsable. Il n'y avait aucune preuve qu'ils avaient commis des crimes, contrairement à ce que les autorités avaient déclaré. Les forces armées se contredisent. Elles ont d'abord affirmé qu'ils avaient été libérés dans de parfaites conditions. Ensuite, elles ont placé en détention 16 officiers en uniforme faisant l'objet d'une enquête du bureau du procureur général, responsable des événements.

Une campagne contre les enfants a été déclenchée en haut lieu : « Le 24 décembre, sur les réseaux sociaux et les groupes WhatsApp, des centaines de comptes, récemment créés et vraisemblablement faux, ont commencé une campagne de diffamation contre les mineurs, affirmant que leur disparition était nécessaire et qu'ils étaient liés à des groupes criminels » (« Infobae », 24/12/2024). Le gouvernement et les institutions publiques ont tenté de dissimuler les faits.

Le 31 décembre, le ministère public équatorien a confirmé que les quatre corps retrouvés correspondent au groupe d'enfants portés disparus le 8 décembre. Une vague d'indignation secoue le pays. L'Alliance des organisations pour les droits humains de l'Équateur a déclaré que cette affaire s'inscrivait « dans une pratique d'abus d'autorité et de force, de discrimination, de stigmatisation et de profilage racial » de la part des forces de sécurité de l'État.

La société équatorienne découvre qu'il s'agit d'une guerre contre ceux d'en bas, conséquence du racisme structurel et de la militarisation croissante du pays, un processus aussi récent qu'intense. L'état d'urgence est en vigueur en Équateur presque sans interruption depuis janvier, dans le cadre de la prétendue guerre contre le crime organisé, un argument avancé par le président Daniel Noboa, mais en réalité il s'agit de contenir les secteurs populaires.

Le collectif féministe et anti-prison Mujeres de Frente, qui travaille dans les prisons, affirme que l'Équateur est devenu « un État paramilitaire » dont l'épicentre se trouve dans les prisons. » Depuis 2015, l'État, par l'intermédiaire de la police, avec le soutien des grandes entreprises et de l'ambassade des États-Unis, a armé les prisonniers et les a “ organisés ” en groupes criminels pour faciliter le mode d'accumulation par dépossession au service des pouvoirs d'en haut. »

Ce à quoi nous devons répondre, c'est pourquoi un pays comme l'Équateur, qui était il y a encore cinq ans l'un des plus pacifiques et des plus stables du continent, a entamé cette dérive vers la militarisation et l'effondrement des institutions démocratiques. Je vois deux raisons principales : l'une géopolitique et l'autre intérieure, toutes deux liées entre elles.

L'Équateur est un acteur important de la géopolitique régionale. C'est le premier point décisif pour comprendre les raisons qui poussent les États-Unis, le Pentagone et le Commandement Sud à tisser des liens étroits avec le gouvernement Noboa. Un gouvernement rejeté par la population, qui n'est pas capable d'être gouverné par la légalité et la légitimité de ses actions. Ce gouvernement a obtenu la cession des îles Galápagos pour que les États-Unis y établissent une base militaire permanente, fournissant des installations pour le fonctionnement de la flotte et de la force aérienne du Commandement Sud. C'est la position géographique idéale pour répondre à la présence croissante de la Chine, qui a inauguré il y a quelques semaines le port de Chancay, dans le nord du Pérou, qui aspire à devenir un lien clé dans le commerce entre l'Asie et l'Amérique du Sud.

La deuxième question concerne la réaction des élites équatoriennes au soulèvement indigène et populaire de 2019. Cette action collective des peuples indigènes et des secteurs populaires a abouti à une victoire politique sur le gouvernement de Quito, un triomphe aux yeux de l'opinion publique, mais aussi à la défaite des forces de police, qui ont dû reculer face aux peuples organisés.

Pendant les treize jours du soulèvement, ils ont réussi à arrêter plus de 200 policiers, qui sont restés sous la garde des indigènes et de la population jusqu'à ce que leur libération soit négociée avec les organisations internationales de défense des droits humains. Il est clair qu'aucune classe dirigeante ne peut accepter une telle situation sans réagir violemment, comme l'ont fait plus tard les élites en créant un État paramilitaire lié au trafic de drogue.

Deux processus se combinent ici : la militarisation interne et l'alignement externe sur le Pentagone. La Maison Blanche a tout intérêt à avoir un gouvernement soumis en Amérique du Sud, tandis que les classes dirigeantes équatoriennes ont intérêt à la tutelle d'un allié capable de soutenir le militarisme interne tout en restant neutre face aux violations flagrantes des droits humains.

Enfin, la nouvelle réalité de la militarisation du pays pose un énorme défi aux forces sociales populaires, en particulier au mouvement indigène. Depuis son apparition publique dans les années 1980, la Conaie (Confédération des nationalités indigènes de l'Équateur) à toujours évolué dans un cadre démocratique, ses droits d'organisation et de manifestation ont toujours été respectés, bien qu'elle ait parfois été durement réprimée. La douzaine de soulèvements indigènes qui ont eu lieu depuis 1990 se sont soldés par des victoires ou des échecs, mais la Conaie a généralement été reconnue par l'État comme un interlocuteur légitime.

Aujourd'hui, il devra agir dans de nouvelles conditions, sous la pression du militarisme et de la société pour la sécurité et l'ordre. Les gouvernements ne permettront pas de nouveaux soulèvements, comme ceux qui, par le passé, ont modifié l'équilibre des pouvoirs dans le pays. Les mouvements d'en bas ne seront pas interdits mais étroitement contrôlés, leurs dirigeants surveillés et soumis à un chantage à la collaboration avec le système. Ils devront se réinventer pour faire face aux nouveaux défis.

Publié dans naiz le 5 janvier 2024

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Trump, l’Europe et la vertu outragée : malaise dans le suprémacisme impérial

28 janvier, par Thierry Labica — , ,
Trump annonce la couleur avec des déclarations de politique extérieure fracassantes : annexion du canal de Panama, colonisation pure et simple du Groenland et, pour le Canada, (…)

Trump annonce la couleur avec des déclarations de politique extérieure fracassantes : annexion du canal de Panama, colonisation pure et simple du Groenland et, pour le Canada, publication sur son réseau social d'une carte de l'Amérique du Nord intégralement recouverte de la bannière étoilée.

Hebdo L'Anticapitaliste - 737 (16/01/2025)

Par Thierry Labica

Comme inspiré par Netanyahou brandissant la carte d'un seul grand Israël devant l'assemblée générale de l'ONU, voici donc Trump, saison 2.

De vrais projets ?

Stratégie de l'imprévisibilité et de la menace généralisée ? Symptômes de sénescence d'un vieillard autoritaire se rêvant en maître d'empire ? On peut toujours spéculer sur les ressorts de telles provocations. Quelles que soient ses intentions ultimes en la matière, ce coup d'éclat fait entendre nombre de motifs familiers. En premier, l'agressivité viriliste, désormais marqueur privilégié de l'identité politique de la nouvelle extrême droite planétaire, de Trump à Duterte en passant par le bolsonarisme. Un autre motif est l'antiféminisme, celui déclaré de l'ex-­président sud-coréen (Yoon Suk Yol, maintenant déchu) en passant par celui du mouvement Vox en Espagne et la version française de « l'anti-wokisme ». De ce point de vue, ces sorties sont pleinement en cohérence avec les signaux adressés par Musk en direction des dirigeants de l'extrême droite européenne.

On y reconnaît aussi un signe de la très nette tendance à la concentration du pouvoir présidentiel américain, en cours depuis une quarantaine d'années. La posture de Trump n'en est à présent que la manifestation la plus caricaturale.

Retour à la tradition

Un registre un peu plus ancien encore : l'argument de la « sécurité nationale », dont ne dépendraient rien moins que le bon ordre et la liberté du monde, fait écho mot pour mot à celui des dirigeants américains à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Soucieux de pérenniser le déploiement d'ampleur inédite de bases militaires à travers le monde, ceux-là faisaient déjà de la « sécurité » la clé de toutes leurs justifications : au nom de la « sécurité », le Pacifique, débarrassé de la puissance japonaise défaite, avait vocation à devenir « notre lac » ; certains, et pas des moindres, se « foutaient de l'appellation choisie, dès lors que nous avons un contrôle absolu, incontesté de nos besoins en bases militaires ».

Les indignés

Le « meilleur » de toute cette affaire est ailleurs. On le doit avant tout au spectacle offert par des « partenaires européens » en plein émoi, en pleine « incompréhension » face au mépris affiché par l'allié, l'ami, le protecteur, emblème universel de « nos valeurs occidentales ». On apprend que la France et l'Allemagne officielles se sont montrées « catégoriques » : « Les frontières ne doivent pas être déplacées par la force ». Pour Scholz (chancelier allemand), au côté du président du Conseil européen (A. Costa) : « Le principe de l'inviolabilité des frontières s'applique à tous les pays, qu'ils soient à l'est ou à l'ouest ». « Ce principe ne peut et ne doit pas être ébranlé. » « Les États-Unis doivent appliquer les principes des Nation unies, tout le monde s'y tient et cela restera certainement ainsi. », selon un porte-parole du gouvernement allemand. Enfin, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, déclare que l'UE ne tolérerait pas une intervention militaire américaine : « Il n'est pas question que l'Union européenne laisse d'autres nations du monde, quelles qu'elles soient […], s'en prendre à ses frontières souveraines ». De son côté, Sophie Primas, porte-parole du gouvernement, a dénoncé « une forme d'impérialisme », carrément. Sens des valeurs, grands principes, ardente indignation : on tremble à la Maison Blanche, c'est sûr.

Sinistres menteurs

Il nous vient une petite question, en même temps qu'une nausée : s'agit-il bien là des mêmes dirigeants qui ont applaudi et activement contribué à plus d'une année de génocide israélien en Palestine, massivement armé par les États-unis de Biden-Harris, et ont laissé piétiner le droit international ? qui ont réprimé férocement toutes les solidarités en Allemagne, en France, en Grande-Bretagne ? Et dénié tout principe de souveraineté au Liban abandonné à la folie meurtrière sioniste ? Et qui laissent filer la guerre à travers le Moyen-Orient, comme si plus de trente années de carnages et d'échec abyssal ne suffisaient pas ? Les mêmes se livrent à présent aux grimaces sordides de la vertu outragée sur fond du racisme colonial qu'ils gardent en partage. L'hypocrisie ne tue pas, et c'est bien là leur chance.

Thierry Labica

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La Tech sur les chemins d’une contre-révolution

28 janvier, par Olivier Alexandre — , ,
D'Elon Musk à Pierre-Edouard Stérin, en passant par Emmanuel Macron : que s'est-il donc passé en France comme aux États-Unis pour que la Tech s'apparente à une révolution (…)

D'Elon Musk à Pierre-Edouard Stérin, en passant par Emmanuel Macron : que s'est-il donc passé en France comme aux États-Unis pour que la Tech s'apparente à une révolution conservatrice ? Pour analyser cette évolution, il faut suivre le chemin des différentes promesses du secteur, celles d'une société ouverte, fondées sur l'information, la désintermédiation, la dématérialisation et l'augmentation des richesses.

10 juillet 2024 | tiré d'AOC media
https://aoc.media/analyse/2024/07/09/la-tech-sur-les-chemins-dune-contre-revolution/ ?
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Sidération. C'était l'État dominant à San Francisco au soir de l'élection de Donald Trump le 8 novembre 2016. Le candidat Républicain s'était pendant des mois attiré les railleries des techies de la Bay area, pour la moitié nés dans un autre pays que les États-Unis, ayant l'habitude ne pas voter et se désintéressant le plus souvent de la vie politique locale, mais hautement diplômés et attachés à l'esprit scientifique.

Dans les mois précédents l'élection, les entrepreneurs et investisseurs mettaient quelques minutes de côté les actualités Tech au moment du déjeuner et dans les meetups de fin de journée pour se demander comment un tel personnage avait pu être investi. Des petits regroupements étaient organisées pour s'en moquer les soirs de débats présidentiels comme certains en avaient l'habitude pour leurs émissions de TV réalité préférées. Un même état de sidération s'est emparé de la French Tech aux soirs du résultat des élections européennes et au premier tour des législatives face à la montée électorale du Rassemblement national.

À Paris comme à San Francisco, la Tech se vit comme un secteur résolument progressiste. Les historiens et essayistes firent la part belle aux hippies, aux universitaires et aux hackers des années 1970-1980 dans le récit de ses origines[1]. Ce récit trouva une continuité dans le boom Internet des années 1990. Internet incarnait et réalisait la promesse libérale d'un monde sans guerre et sans crise économique[2]. En France, la thèse d'Henri Bourguinat triomphait : celle des 3D, désintermédiation, dérégulation et décloisonnement[3].

Bureaucraties et règlements étaient appelés à perdre du terrain au profit de l'information et de la libre entreprise. Aux États-Unis, Francis Fukuyama célébrait la fin de l'histoire et Al Gore invitait à s'engager sur les autoroutes de l'information. Grâce à Internet, le monde devait entrer dans une période de paix, de démocratie, marquée par un accroissement des connaissances et des richesses. La célébration du partage et de la contribution du Web 2.0 emboita le pas à cette promesse dans les années 2000. Les réseaux d'information devaient participer à l'avènement de sociétés ouvertes.

Contrairement à l'idée reçue d'une Tech tout entière libertarienne, cette vision explique l'affinité historique liant la Silicon Valley et le parti démocrate depuis les années 1990. Le secteur de la Tech a très majoritairement soutenu successivement les candidats Clinton en 1992 et 1996, Al Gore en 2000, John Kerry en 2004, Obama en 2008 et 2012, Clinton en 2016 et Biden en 2020. Les donations des salariés de grandes entreprises technologiques durant la campagne de 2012 l'illustrent : 91 % des donations des employés chez Apple au profit du candidat Obama, 97 % chez Google et 99 % chez Netflix[4].

Ce soutien n'est pas anodin alors que les big Tech ont détrôné l'industrie pétrolière comme premier financeur de la campagne présidentielle en 2016. En 2016, un seul diner de 20 convives organisé par la veuve de Steve Jobs avait permis à Hilary Clinton de repartir en campagne avec 20 millions de dollars. Eric Schmidt, ancien PD-G de Google, et Reid Hoffman, fondateur de LinkedIn, travaillent avec le parti Démocrate pour améliorer le ciblage électoral et la culture numérique de ses candidats depuis près de dix ans. L'arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche fut donc logiquement vécue comme une catastrophe dans le nord de la Californie.

À l'inverse, celle d'Emmanuel Macron en 2017 fut perçue comme un signe d'espoir. Le jeune candidat, déjà marqué par plusieurs voyages aux États-Unis, était venu présenter avec conviction sa vision aux entrepreneurs français de la région, à San Francisco, en janvier 2016 en tant que ministre de l'Économie. Deux ans plus tôt, en 2014, alors qu'il réfléchissait à la création d'une start-up offrant des services de formation, il y rencontra des fondateurs de start-ups aux cotés de Brigitte Macron et Xavier Niel[5]. Il repartit de la Silicon Valley fasciné par ce modèle organisé autour du travail, de la jeunesse et de l'innovation.

Cette fascination fut la pierre de touche d'un programme de politique notamment présenté lors de l'inauguration de la Station F en juin 2017. L'objectif était de transformer le pays en une terre d'entrepreneurs, en leur donnant les moyens de leurs ambitions. Il annonça en mars 2018 au Collège de France le déblocage d'1,5 milliard d'euros de crédits publics au profit de l'intelligence artificielle, comprenant 400 millions d'appels à projets et de défis d'innovation de rupture financé par le Fonds pour l'innovation et l'industrie de 10 milliards d'euros récemment mis en place.

À l'automne de la même année, la suppression de l'impôt sur la fortune (ISF) était inscrite dans la loi de finances de manière à favoriser l'investissement. Fin 2019, une mission était confiée au cabinet de conseil McKinsey au sein de la Caisse nationale d'assurance-vieillesse (Cnav) pour planifier la réforme des retraites. L'une des hypothèses de travail était de glisser d'un système par répartition à un système par capitalisation, à l'image de la Californie, où les fonds de pension constituent l'un des principaux partenaires des capitaux-risqueurs. Au niveau Européen, le Président Macron pressa l'avancée de projets de grands investissements à l'image du supercalculateur Jules Verne devant voir le jour en 2025.

La Tech semble très éloignée des préoccupations de l'électorat à la différence des guerres, du pouvoir d'achat ou de l'immigration. Elle est pourtant aujourd'hui la première des industries[6]. Or, après avoir tenue une ligne progressiste, elle semble ces dernières années basculer vers le conservatisme. En mars 2024, Elon Musk s'est entretenu avec l'ancien Président à Palm Beach (Floride) au début du mois de mars, et ses relations avec Biden n'ont cessé de se tendre. Il multiplie depuis les déclarations contre « l'immigration illégale et non-contrôlé », le « virus woke » ou encore les « médias traditionnels » coupables de biaiser l'information. Au début du mois de juin dernier, David Sachs (cofondateur de PayPal) et Chamath Palihapitiya (dont Facebook a fait la fortune en tant que l'un des premiers employés) ont invité Donald Trump dans la Silicon Valley pour une levée de fonds au profit de ce dernier. L'invitation avait valeur d'événement dans ce bastion progressiste[7]. Les organisateurs l'ont justifié par le fait que le candidat soit pro-business, favorable aux cryptomonnaies et aux baisses d'impôts.

En France, Otium Capital qui constitue un poids lourd de la French Tech, contrôlé par Pierre-Edouard Stérin, milliardaire catholique et conservateur, est devenu un des soutiens économiques les plus actifs du Rassemblement national[8]. Comme pour d'autres secteurs, l'objectif consiste à associer défense de valeurs traditionnelles avec la préservation d'un cadre réglementaire propice aux affaires[9]. Que s'est-il donc passé en France et aux États-Unis pour que la Tech s'apparente à une révolution conservatrice ? Il est possible d'analyser cette évolution en suivant le chemin des différentes promesses de la Tech, soit celles d'une société ouverte, fondées sur l'information, la désintermédiation, la dématérialisation et l'augmentation des richesses.

Pour mesurer l'écart de la Tech avec la promesse d'une société ouverte, il est commode de se référer à Peter Thiel qui comptait parmi les premiers soutiens du candidat Trump au sein de la Silicon Valley en 2015. L'entrepreneur-investisseur prédisait la victoire du « Lone Warrior » quand aucune élite intellectuelle du pays ne l'envisageait avec sérieux. Thiel est connu dans la Silicon Valley pour sa proximité au « Dark Enlightment », un mouvement qui considère que liberté et démocratie ne peuvent marcher de concert, la première devant primer sur la dernière. Il a cofondé en 2004 la société Palantir, une entreprise éditrice de deux logiciels dédiés à l'appariement et la visualisation de données : Palantir Gotham et Palantir Foundry. En 2015, le site d'information TechCrunch révélait que la firme avait comme principaux clients la CIA, la NSA, l'Air force, West Point et les US Marines[10].
Cette proximité entre armée et nouvelles technologies n'est pas une nouveauté. La seconde guerre mondiale puis la guerre froide profitèrent grandement au développement de l'informatique et de l'intelligence artificielle dans les régions de Boston et de San Francisco. Dans les années 1980, la Silicon Valley comptaient plusieurs centres de contrôle d'armement et de satellites de défense. La révolution Internet a fait oublier ce trait d'union liant le complexe militaro-industriel. Il est apparu avec netteté après le déclenchement de la guerre en Ukraine, au Moyen-Orient et l'ouverture de la crise taïwanaise.
Les cinq contrats militaires les plus importants attribués à Amazon, Microsoft et Alphabet entre 2019 et 2022 totalisaient près de 53 milliards de dollars[11]. Le projet Nimbus, un accord entre Google, Amazon et Israël datant de 2021 incluant des services de Cloud et d'intelligences artificielles (IA) prévoyaient des applications stratégiques. Les tensions entourant Taïwan entre les États-Unis et la Chine ont été également lues à travers le prisme de la guerre des semi-conducteurs[12].

Les grandes entreprises de la Tech restent pourtant sur le plan des services un gage de liberté et de sécurité, vers lequel se tournent encore aujourd'hui des développeurs ukrainiens, des opposants russes, chinois ou turcs. À partir d'une étude des mouvements sociaux du tournant des années 2010, Zeyneb Tufekçi a souligné que si Internet a permis de contourner efficacement la censure des médias aux États-Unis, en Égypte, en Turquie ou à Hong Kong, ce pouvoir de contrôle glissait des instances politiques vers les grandes plateformes. Ces dernières délimitent en effet le cadre communicationnel des rassemblements et restructurent le pouvoir des groupes militants autour des figures masculines du développeur et du data analyst[13].

Les développeurs du monde entier continuent d'envisager les services de la Silicon Valley comme un gage de liberté, notamment en raison de la prévalence des outils open source, souvent rapportés à une vision libertaire[14]. Mais depuis quelques années, des piliers du logiciel libre telles que GitHub (service d'hébergement et de gestion logiciel créé en 2008 et racheté 7,5 milliards de dollars en 2018 par Microsoft) et Red Hat (premier fournisseur mondial de logiciel libre, fondé en 1993 et racheté par IBM en 2018 pour 34 milliards de dollars) ont intégré le pôle propriétaire de la Tech.

Les salariés des grandes entreprises sont devenus les principaux contributeurs aux projets de logiciels libres, seul 15 % du code Linux continuant d'être produit par des bénévoles[15]. Microsoft, entreprise naguère haïe des hackers en raison de ses solutions fermées, voit son écosystème triompher à force de rachats et de partenariats (LinkedIn, OpenIA, Blizzard, Mistral AI, etc.). Ce renversement trouve son point d'origine à la fin des années 1990 quand l'entreprise fondée par Bill Gates acta que l'open source était l'inévitable chemin de la domination industrielle dans le secteur informatique.

Cette stratégie de l'écosystème hégémonique se retrouve aujourd'hui au cœur du déploiement des services de Meta, d'Apple, d'Amazon et d'Alphabet. L'accès aux « interfaces de programmation (API) premium » qui constituait l'un des cœurs du Web 2.0 se ferme ou se monnaye chèrement, de 1 500 à 5 000 dollars par an. Parallèlement, il en coûte entre 20 000 et 50 000 dollars de services de Cloud aux développeurs pour mettre sur pied une application Internet, mettant à mal la promesse de décloisonnement du web. Là où Internet devait faire triompher la désintermédiation, c'est le modèle d'entreprises capitalistes et leurs stratégies d'écosystème hégémoniques qui prédominent.

Le boom des IA renforce la domination des « Magnificent 7 » (les 7 mercenaires, surnom des anciens GAFAM rejoints par Tesla et Nvidia) dans un contexte où l'accès aux ressources s'avère plus cher et plus contraint. Le traitement de larges bases de données suppose en effet des GPU, des services de Cloud et le recrutement de « cerveaux » pour accompagner la supervision et la modélisation. Les grands modèles de fondations nécessitent pour cette raison des investissements conséquents : il en a couté plus de 79 millions de dollars à OpenIA pour entrainer Chat-GPT4 en 2023, plus de 191 millions de dollars à Alphabet pour Gemini-Ultra[16].

En détrônant les entreprises du pétrole, de l'électricité, de l'agro-alimentaire et de l'assurance, le secteur de la Tech a redéfini la question sociale.

Les coûts environnementaux de la Tech croissent d'autant, même si le secteur continue à s'accrocher à la promesse de dématérialisation. Amazon vise la neutralité carbone en 2040. Google déclarait l'avoir atteint en 2007. Microsoft ambitionne de capter plus de carbone qu'il n'en émet. Or, ces déclarations sont rendues possibles par l'achat massif de crédits carbone et les jeux de compensation via des projets eco-labelisés. Dans les faits, entre 2013 et 2020, la consommation d'énergie du secteur a augmenté de 50 %[17].

Dans son rapport annuel sur l'environnement publié en 2024, Google a concédé que l'émission de gaz à effets de serre de l'entreprise s'était accrue de 50 % sur les cinq dernières années[18]. Sam Alman alerte régulièrement sur la nécessité de développer massivement de nouvelles sources d'énergie pour couvrir des besoins exponentiels de consommation des IA. C'est 15 à 35 % de quantité d'eau supplémentaire que les big Tech ont utilisé chaque année depuis 2021. Aux États-Unis plusieurs voix se sont levées pour exiger l'encadrement de cette fuite en avant via notamment la proposition de loi « Artificial Intelligence Environmental Impacts Act ».

Mais ce type d'initiative participe à la crispation politique du secteur face à des cadres de régulation renforcés, aux États-Unis comme en Europe. Outre Atlantique, la multiplication des audiences au Sénat, les menaces de mise en application du Sherman Act (loi AntiTrust), les coups de semonce de la Security and Exchange Commission (autorité de surveillance des marchés) ou encore la pression exercée par le Federal Trade Commission Office of Technology (créé en 2023) agace et inquiète le secteur.

En Europe, le Règlement général sur la protection des données (2016), Digital Service Act (2022) et l'IA Act (2024) se traduisent dans les faits : 500 millions de dollars d'amende infligés à Google en 2021 faisant suite au 2,42 milliards exigés en 2017 pour violation des règles antitrust de l'Union européenne ; 1,2 milliard d'euros réclamés à Meta par la Data Protection Commission, l'autorité de contrôle irlandaise des données en juin 2023 ; 1,8 milliard d'euros d'amende pour Apple en mars 2024 pour abus de position dominante sur le marché de la distribution d'applications de diffusion de musique en continu.

Des enquêtes pour non-conformité contre Apple, Alphabet et Meta sont également en cours au titre du règlement sur les marchés numériques. Cette pression réglementaire pousse les grands noms de la Tech vers des positions défensives et droitières considérées comme plus favorables à leur industrie. Elle est d'ailleurs devenue depuis dix ans le principal lobby à Washington (90 millions investis en 2017 selon Fondapol) comme à Bruxelles (113 millions d'euros en lobbying en 2022 selon le LobbyControl et Corporate Europe Observatory).

Dans le même temps, le statut de l'information sur laquelle repose l'économie de la Tech a changé. Dans les années 1990, une information équivalait à un savoir et une connaissance. Or, l'actuelle révolution des IA se traduit par un appauvrissement de la qualité de l'information, sous diverses formes (hallucinations, deepfakes, erreurs, etc.). Les différentes mesures réalisées situent le taux d'erreur de Chat-GPT entre 30 et 45 % en fonction des pays, là où Wikipédia ne comptent en moyenne que 3,5 erreurs par page. Une récente étude de chercheurs de Google DeepMind concluait à la montée des fausses informations sur Internet, liées aux détournements d'images de personnes et la falsification de preuves[19]. Alors que 80 % de la désinformation à base d'image sur Internet est généré par des IA, la plupart de ces faux viserait à influencer l'opinion, à escroquer et à réaliser des profits[20].

Dans cet écosystème, la valeur des données est dissociée de leur qualité informationnelle : vraies ou fausses, opinions ou informations sourcées, photos authentiques ou truquées, chacune est susceptible de participer à la chaîne de valeur. Cette dynamique explique le changement de position de la Tech vis-à-vis du journalisme. Meta supprima Facebook News en 2023 sans égard pour les conséquences de cette décision sur l'économie des médias, la plateforme se réjouissant de disposer d'une large base d'entrainement.

Elon Musk déclarait au Cannes Lions de juin 2024 que chaque citoyen devait désormais faire entendre sa vérité, sans passer par le contrôle des journalistes. OpenIA a multiplié les accords avec des grands groupes de presse (l'agence Associated Press, News Corp, le groupe de presse allemand Axel Springer ou Le Monde) en déclarant en privé qu'il lui reviendra de choisir quelle information serait mise en valeur et exploitée par ses services.

Or, qu'ils s'agissent du journalisme ou d'autres secteurs, les entreprises de la Tech ont montré qu'elles étaient peu à même de donner suite aux mobilisations sociales qui les visaient. La fronde des chauffeurs Uber en Californie, les oppositions internes au contrats militaires passées par Microsoft et Alphabet, les tentatives régulières d'organisation syndicale dans les usines Tesla et les entrepôts d'Amazon, ou encore le Google Walkouts, quand près de la moitié des employés protestait contre les inégalités dont les femmes étaient victimes au sein de l'entreprise en 2018, furent résolu par la direction de ces entreprises d'une même façon : le licenciement des organisateurs et porte-voix de la mobilisation. Cette position trouve une forme de cohérence historique dès lors que l'on interroge le modèle social de la Tech.

En détrônant les entreprises du pétrole, de l'électricité, de l'agro-alimentaire et de l'assurance, le secteur de la Tech a redéfini la question sociale[21]. Au 19e siècle, la révolution de l'énergie et des transports s'était accompagnée de lois assurantielles visant à couvrir les risques et développer l'éducation dans les pays industriels. Dans la première moitié du 20e siècle, l'essor de l'automobile déboucha sur la mise en place du fordisme, un modèle social posant pour principe que les ouvriers travaillant durement à l'usine seraient payés en conséquence et pourraient accéder aux biens de consommation produits. Avec la Tech, la promesse héritée des années 1990 fut toute autre : de nouveaux acteurs (Amazon, Napster, Google, Facebook, etc.) libéraient l'information et donnaient à chacun et chacune les moyens de devenir entrepreneur.

La contrepartie du cadeau de la Silicon Valley fut la précarisation du droit et des conditions de travail. Le statut hyperprivilégié des employés des big Tech ont pris la direction inverse des travailleurs précaires des plateformes, non seulement dans les pays riches, mais aussi ceux des pays du Sud global mobilisés dans le cadre de contrats de crowd et d'outsourcing[22].

Les grandes entreprises de la Tech concentrent les richesses, travaillent à abaisser le niveau d'imposition, et n'ont de cesse d'optimiser fiscalement leurs opérations. Le tout sans proposer de système de redistribution au-delà de leurs bureaux, autre que le revenu minimum universel, une mesure qui trouve sa source chez les conseillers libéraux de Richard Nixon dans les années 1970[23]. Or, le secteur s'avère peu propice à employer. Il ne représente que 2 à 3 % de la population active en France comme aux États-Unis. Son modèle est pourtant devenu hégémonique.

En effet, les traitements algorithmiques, les services dématérialisés, les mesures de performance et les valeurs d'agilité, ont été hissés au rang de nouveaux standards professionnels au sein des grandes bureaucraties privées et publiques. Comme l'a montré la sociologue Clara Deville au sujet de l'accès au revenu de solidarité active (RSA) en zone rurale[24], les services de l'État ont été présentés au cours des années 2010 comme plus simples, plus efficaces et plus rapides. La mise en place d'outils numériques devait faciliter les démarches administratives.

Or, pour nombre de personnes, cette numérisation fut synonyme de fermetures des guichets et de difficultés accrues pour obtenir des rendez-vous. L'obtention du RSA, et l'accès de bien d'autres services, est devenue plus complexe pour les personnes reléguées géographiquement et socialement. La montée de l'extrême droite peut être ainsi lue comme l'envers d'une start-up Nation, pensée uniquement à partir des centres urbains et des catégories sociales privilégiées.

Ainsi donc, pour chaque promesse de la révolution Internet des années 1990 (société de l'information, désintermédiation, dématérialisation, enrichissement) correspond aujourd'hui une tendance inverse (désinformation, domination des big Tech, coûts environnementaux, croissance des inégalités). Ces évolutions expliquent son changement de cap politique, et interroge sur la direction que cette industrie prendra et fera prendre à l'avenir si elle continue d'ignorer sa portée sociale.

NDLR : Olivier Alexandre a récemment publié La Tech. Quand la Silicon Valley refait le monde aux éditions du Seuil

Olivier Alexandre
SOCIOLOGUE, CHERCHEUR AU CNRS

Notes

[1] Cf. Patrice Flichy, L'Imaginaire d'Internet, Paris, La Découverte, 2001Fred Turner, Aux sources de l'utopie numérique, Caen, C&F Editions, 2012 ; Benjamin Loveluck, Réseaux, libertés et contrôle. Une généalogie politique d'Internet, Paris, Armand Colin, 2015 ; Félix Treguer, L'utopie déchue, Paris, Fayard, 2019 ; Anne Bellon, L'État et la toile, Paris, La Dispute, 2023.

[2] Voir notamment Manuel Castells, L'Ère de l'information. La Société en réseaux, Paris, Fayard, 1998 et Yochai Benkler, The Wealth of Networks. How Social Production Transforms Markets and Freedom, New Haven (CO), Yale University Press, 2006.

[3] Henri Bourguinat, Michel Dupuy, Jérome Teïletche, Finance internationale, Paris, PUF, 1992.

[4] Nate Silver, « In Silicon Valley, Technology Talent Gap Threatens G.O.P. Campaigns », FiveThirtyEight, November 28th 2012.

[5] François Clémenceau, « Quand Emmanuel Macron découvrait l'Amérique à 29 ans », Journal du Dimanche, 22 avril 2018

[6] En 2023, le secteur information et technologie représente 4,5 % du PIB, 900 000 employés et 65 milliards d'euros en 2023. Aux États-Unis, le secteur représente près de 1.9 trilliards, soit 10 % du PIB (source : International Trade Administration).

[7] Voir Corine Lesnes, « En Californie, des milliardaires prennent parti pour Donald Trump », Le Monde, 18 juin 2024.

[8] En 2023, il a déployé près de 190 millions d'euros, là où la BPI a engagé au cours des dernières années 400 millions d'euros d'investissements et où Kima, le fonds de Xavier Niel, engage près de 20 millions d'euros par an.

[9] Théo Bourgeron, « Finance, énergies fossiles et Tech : ce patronat qui soutient l'extrême droite par intérêt », AOC, 5 juillet 2024.

[10] Matt Burns, « Leaked Palantir Doc Reveals Uses, Specific Functions And Key Clients », TechCrunch, January 11, 2015.

[11] Roberto J. Gonzalez, « How Big Tech and Silicon Valley are Transforming the Military-Industrial Complex », Watson Institute, April 17, 2024.

[12] Voir Chris Miller, La guerre des semi-conducteurs : Un conflit mondial pour une technologie, Paris, L'artilleur, 2024.

[13] Zyneb Tufekci, Twitter et les gaz lacrymogènes. Forces et fragilités de la contestation connectée, Caen, C&F Éditions, 2019.

[14] Voir notamment Gabriella Coleman, Gabriella Coleman, Coding Freedom : The Ethics and Aesthetics of Hacking, Princeton Princeton (NJ), University Press, 2013 et Sébastien Broca, Utopie du logiciel libre. Du bricolage informatique à la réinvention sociale, Neuvy-en-Champagne, Éd. Le passager clandestin, 2013.

[15] Laure Muselli, Fred Palier, Mathieu O'Neil, Stefano Zacchiroli, « Les employés des GAFAM, plus gros contributeurs du logiciel libre », Polytechnics Insights, 2021.

[16] Source : Stanford AI Index, May 2024.

[17] Voir notamment Mélodie Pitre, « Cloud carbon footprint : Do Amazon, Microsoft and Google have their head in the clouds ? », Carbone 4, 2 november 2022 et Nastasia Hadjadji, « L'insoutenable coût écologique du boom de l'IA », Reporterre, 4 juillet 2024.

[18] « Google environmental Report », 2024.

[19] Nahema Marshal and al., « Generative AI Misuse : A Taxonomy of Tactics and Insights from Real-World Data », Google DeepMind, July 6, 2024.

[20] Nahema Marshal and al., « Generative AI Misuse : A Taxonomy of Tactics and Insights from Real-World Data », Google DeepMind, July 6, 2024.

[20] Nicolas Dufour and al., « AMMEBA : A Large-Scale Survey and Dataset of Media-Based Misinformation In-The-Wild », May 21, 2024.

Sur la thématique des usages politiques de la désinformation, voir notamment Giuliano da Empoli, Les ingénieurs du chaos, Les États à la conquête de nos esprits, Paris, JC Lattès, 2019 ; David Colon, La guerre de l'information, Paris, Taillandier, 2023 ; David Chavalarias, « Minuit moins dix à l'horloge de Poutine. Jusque-là tout se passe comme prévu », 30 juin 2024.

[21] Pour une mise en perspective historique, voir notamment Jacques Donzelot, L'invention du social, Essai sur le déclin des passions politiques, Paris, Fayard, 1984 et Robert Castel, Les métamorphoses de la question sociale, Paris, Fayard, 1995.

[22] Voir notamment Antonio Casilli, En attendant les robots, Paris, Seuil, 2019 Sarah T. Roberts, Derrière les écrans. Les nettoyeurs du web à l'ombre des réseaux sociaux, Paris, La Découverte, 2020, et Kate Crawford, Contre-Atlas de l'intelligence artificielle, Paris, Zuma, 2021.

[23] Anton Jager and Daniel Zamora Vargas, Welfare for Markets : A Global History of Basic Income, Chicago, University of Chicago Press, 2023.

[24] Clara Deville, L'État social à distance. Dématérialisation et accès aux droits des classes populaires rurales, Paris, Éditions du Croquant, 2023.

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Le programme PAFI, vous connaissez ? PAFI pour programme d'aide financière à l'investissement.

Il est temps de mettre fin au programme d’exploitation des travailleurs et des travailleuses étrangèr.e.s

The Maple, le 13 janvier 2015 https://www.readthemaple.com/its-time-to-end-the-exploitative-foreign-worker-program/?ref=maple-digest-news-newsletter Les données publiées en (…)

The Maple, le 13 janvier 2015
https://www.readthemaple.com/its-time-to-end-the-exploitative-foreign-worker-program/?ref=maple-digest-news-newsletter

Les données publiées en ligne par le gouvernement du Canada montrent que le montant des amendes infligées aux employeur.e.s qui embauchent des travailleurs et travailleuses dans le cadre du Programme des travailleurs, travailleuses étranger.e.s temporaires (PTET) a augmenté de façon marquée en 2024.

Selon les données d'Immigration, Réfugié.e.s, et Citoyenneté Canada, le gouvernement du Canada a imposé 153 amendes aux entreprises qui emploient des travailleurs et travailleuses étranger.e.s temporaires au cours de la dernière année civile. Prises ensemble, ces sanctions pécuniaires ont totalisé $4,030,250, l'amende moyenne s'élevant à $26,341.

Il semble que cette tendance s'inscrit dans la continuité de celle observée ces dernières années, qui est celle de la hausse des amendes et des sanctions. Selon un reportage du Globe and Mail de mai 2024, 194 entreprises ont été pénalisées pour avoir enfreint les règles du PTET en 2023 et ont reçu des amendes totalisant $2,7 millions. Ainsi, bien que le nombre total d'amendes ait légèrement diminué en 2024, leur valeur monétaire a sensiblement augmenté.

De plus, la valeur moyenne des amendes augmente depuis plusieurs années. En 2023, l'amende moyenne était de $13,841, contre $11,606 en 2022, $9,761 en 2021 et $3,077 en 2020.

Les amendes peuvent varier considérablement en fonction de la nature et de l'ampleur des infractions et du dossier de conformité de l'entreprise. Par exemple, la plus petite pénalité infligée en 2024 était de $750, tandis que la plus élevée concernait une amende de $365,750 imposée en avril dernier à une entreprise de transformation de homards basée au Nouveau-Brunswick pour une série d'infractions, dont la plus grave incluait le fait de n'avoir pris des mesures contre des abus de toutes sortes. Dans ce cas, l'entreprise s'est également vu interdire l'embauche de travailleurs et de travailleuses par l'intermédiaire du PTET pendant deux ans.

Il semble que les interdictions imposées - dans presque tous les cas temporaires - aux employeur.e.s deviennent également plus nombreuses. En 2024 31 entreprises ont été temporairement exclues du PTET pour des périodes allant d'un à dix ans, tandis que dans un cas, une entreprise a été définitivement exclue. Cette entreprise, un vignoble en Colombie-Britannique, a également reçu une amende de $118,000 pour des infractions liées au fait de ne pas avoir empêché les abus sur le lieu de travail.

L'abus des travailleurs et des travailleuses étranger.e.s temporaires n'est pas bien sûr chose nouvelle. Mais le nombre croissant de ces travailleurs et travailleuses vulnérables employé.e.s au Canada a rendu le problème encore plus répandu.

Alors que les entreprises se plaignaient d'une pénurie généralisée de main-d'œuvre après la pandémie, le gouvernement fédéral a réagi en assouplissant les règles régissant le PTET et d'autres programmes facilitant l'accès aux travailleurs et travailleuses immigrant.e.s et migrant.e.s.

Après les changements apportés au PTET en 2022, la plupart des employeur.e.s pourraient embaucher jusqu'à 20 % de leurs travailleurs et travailleuses comme migrant.e.s temporaires, contre 10 % auparavant. De plus, les employeur.e.s de sept secteurs identifiés comme connaissant d'importantes pénuries de main-d'œuvre, notamment la fabrication de produits alimentaires, les services de restauration et d'hébergement et la construction, pourraient embaucher jusqu'à 30 % de leur main-d'œuvre grâce au PTET.

Alors que le marché du travail commençait à s'affaiblir, les employeur.e.s ont intensifié leurs efforts pour embaucher des migrant.e.s temporaires, notamment dans la restauration rapide et la construction, mais aussi dans le secteur de la santé. À mesure que les employeur.e.s ont eu un meilleur accès aux travailleurs et travailleuses migrant.e.s temporaires vulnérables, le gouvernement a détecté davantage de cas d'abus.

Les expériences négatives des travailleurs et travailleuses migrant.e.s employé.e.s dans l'agriculture ont retenu l'attention des médias. Mais les abus dans le cadre du PTET s'étendent bien au-delà de ce seul secteur, comme le montre clairement l'examen des données du gouvernement.

Le gouvernement fédéral ayant à la fois élargi l'éventail des secteurs pouvant accéder aux travailleurs et travailleuses étranger.e.s temporaires et assoupli les règles imposées aux employeur.e.s qui cherchent à recruter ces travailleurs et travailleuses, l'exploitation et les abus des migrant.e.s ont désormais lieu dans davantage de secteurs de l'économie.

Le gouvernement libéral a pourtant fait preuve de grandes inconséquence et incohérence en ce qui concerne les travailleurs et travailleuses migrant.e.s temporaires. Après avoir déjà élargi le recours au PTET et à d'autres programmes de migration en réponse aux pressions exercées par les entreprises, le gouvernement a brusquement changé de cap l'an dernier et a indiqué qu'il allait limiter le nombre de travailleurs et trvailleuses temporaires.

Сette réorientation politique s'inscrit en partie dans un effort global visant à réduire la migration et l'immigration au Canada, qui faisait souvent des nouveaux immigrants, nouvelles immigrantes, des étudiants étrangers, étudiantes étrangères et des travailleurs et travailleuses migrant.e.s des boucs émissaires pour des problèmes, tels que la hausse des coûts du logement et le manque de ressources dans les services de santé. Pourtant, les nouvelles restrictions sur la migration de main-d'œuvre temporaire étaient également une réponse à une inquiétude généralisée concernant l'exploitation et les abus des travailleurs et travailleuses migrant.e.s temporaires.

Tout au long de la seconde moitié de 2024, l'attention s'est renouvelée sur les abus généralisés des migrant.e.s travaillant au Canada dans le cadre du PTET et d'autres programmes. En particulier, un rapport accablant du rapporteur spécial des Nations Unies sur les formes contemporaines d'esclavage, Tomoya Obokata, qui critiquait fortement le programme, a reçu une attention médiatique considérable.

Lorsque le gouvernement fédéral et les député.e.s conservateurs et conservatrices de l'opposition ont remis en question la caractérisation du PTET par le fonctionnaire de l'ONU comme « un terreau fertile pour les formes contemporaines d'esclavage », Obokata a maintenu ses commentaires, bien qu'il ait déclaré qu'il devait rassembler davantage de preuves avant de publier le rapport final.

Lorsque le rapport a été publié en juillet, sa principale recommandation – mettre fin au système de permis de travail fermés qui lie les travailleurs et travailleuses à des employeur.e.s particulier.e.s – a été largement ignorée.

Au lieu de cela, le débat s'est porté sur le nombre de travailleurs étrangers, travailleuses étrangères temporaires plutôt que sur la conception du programme et sur la manière dont il génère systématiquement des risques d'exploitation et d'abus.

Les permis de travail fermés laissent les travailleurs et travailleuses migrant.e.s temporaires entièrement dépendant.e.s des employeur.e.s pour le travail, le logement, l'accès aux soins de santé et de nombreux autres besoins. Une fois au Canada, ces travailleurs et travailleuses ne sont pas « libres » de changer d'emploi, mais sont plutôt lié.e.s à l'employeur.e qui les a embauché.e.s et a facilité leur entrée au pays. De plus, comme la perte d'emploi entraîne généralement l'expulsion, les travailleurs et travailleuses sont réticent.e.s à se plaindre des abus et des mauvais traitements. La structure même du programme, qui se concentre sur des permis fermés qui lient les travailleurs et travailleuses à des employeurs particuliers, employeures particulières, génère une vulnérabilité et un potentiel d'exploitation.

Dans ces circonstances, les inspections gouvernementales et l'application de la loi axée sur la dissuasion constituent la dernière ligne de défense, même si elles ne sont pas suffisantes.

Le fait que le gouvernement impose un plus grand nombre d'amendes d'une valeur monétaire plus substantielle est une mesure positive, bien qu'insuffisante. Comme le soulignent depuis longtemps les spécialistes de la conformité aux normes du travail, une dissuasion efficace nécessite des sanctions significatives. Pourtant, malgré les sanctions plus sévères mises en place ces dernières années, de nombreux cas de maltraitance des travailleurs et travailleuses restent probablement non détectés.

Les entreprises qui emploient des migrant.e.s dans le cadre de programmes de permis de travail fermés sont censées être inspectées pour s'assurer qu'elles respectent les règles du programme. Mais en réalité, les services d'inspection du gouvernement ne disposent tout simplement pas des ressources suffisantes pour détecter tous les cas de non-conformité et d'abus de la part des employeur.e.s.

De plus, les employeur.e.s sont souvent informés à l'avance des inspections et ont généralement la possibilité de corriger leurs actes répréhensibles afin de rester admissibles à participer au programme et à embaucher des migrant.e.s.

Même les employeur.e.s qui reçoivent des sanctions pécuniaires relativement importantes peuvent payer leurs amendes, s'engager à corriger les infractions passées et continuer à employer des migrant.e.s. Par exemple, une entreprise qui a été condamnée à une amende de 78,000 $ en mars de l'année dernière pour avoir enfreint les règles relatives au paiement (le gouvernement ne divulgue pas de détails précis sur les cas individuels) est désormais à nouveau autorisée à participer au PTET. En effet, 38 entreprises qui ont été sanctionnées par des amendes de différents montants en 2024 sont désormais autorisées à embaucher des travailleurs et travailleuses migrant.e.s.

En fin de compte, la seule façon de véritablement résoudre les problèmes au cœur du PTET est de supprimer le système de permis de travail fermé du programme. Lier les travailleurs et travailleuses à des employeur.e.s spécifiques est une forme de travail non libre qui génère l'exploitation, les mauvais traitements et les abus.

En outre, les travailleurs et les travailleuses en général ont intérêt à ce que ce système d'exploitation cesse. Permettre aux permis de travail fermés et au travail temporaire migrant de perdurer sous leur forme actuelle porte atteinte aux normes sociales de tous les travailleurs, toutes les travailleuses. Comme le dit si bien le vieux slogan syndical, une atteinte à l'un.e est une atteinte à tous et à toute.

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*« Elles ont choisi la voie de la révolte,...

28 janvier, par Christiane Blanchin — ,
*« Elles ont choisi la voie de la révolte, parfois au péril de leur vie. Pourquoi et comment ? ».* Je me permets de vous adresser quelques pages du livre « Elles ont désobéi (…)

Elles ont choisi la voie de la révolte, parfois au péril de leur vie. Pourquoi et comment ? ».*

Je me permets de vous adresser quelques pages du livre « Elles ont désobéi », paru en décembre dernier aux éditions Lapérouse. *« Ce livre raconte l'histoire de femmes qui se sont illustrées par leur désobéissance à un ordre établi. Une histoire qui continue de s'écrire aujourd'hui, avec plus de vigueur que jamais. »*

Contre l'oppression, contre l'injustice, pour la planète, pour exister en tant que femmes, pour le respect du corps des femmes, pour l'égalité des genres…

Carola Rackete, sauveteuse illégale en méditerranée, au secours des migrants

Angela Davis, féministe et grande figure des luttes contre les injustices raciales et sociales

Alessandra Horap, de l'ethnie Mundukuru, contre les projets de déforestation et d'extraction minière qui empoisonnent l'Amazonie

Sophie Scholl, militante allemande exhortant ses concitoyens à se lever contre Hitler et la barbarie nazie

Anna Politkowskaïa, dénonçant inlassablement le régime de Vladimir Poutine et de ses méthodes criminelles

Nawal el Saadawi, égyptienne, initiant la lutte contre la pratique de l'excision en Afrique

Ranjana Kumari contre la coutume de la dot - pour que naître femme en Inde ne soit plus une malédiction

Bobbi Gibb, première marathonienne - a contribué à balayer les préjugés sexistes dans le sport

Malala Yousafzai, défiant les talibans avec son « Journal d'une écolière pakistanaise » témoignant du régime de terreur infligé aux femmes

Leymah Gbowee, militante libérienne, qui par un combat pacifiste avec les femmes de son pays, a réussi à faire tomber un tyran et à mettre fin à quatorze ans de guerre civile

Et bien d'autres femmes célèbres ou moins connues … Gisèle Halimi, Greta Thunberg, Rosa Parks, Masha Amini, Marielle Franco … artistes, sportives, suffragettes, pirates, militantes MeToo, collectif Pussy Riot, guérilleras zapatistes, pionnières de l'écologie, … un hymne au courage, à la créativité et à l'engagement des femmes à travers le monde et au fil de l'Histoire. Une histoire qui continue de s'écrire aujourd'hui, avec plus de vigueur que jamais.

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Préface de l’ouvrage « Islam et Capitalisme » de Maxime Rodinson par Omar Benderra

28 janvier, par Omar Benderra — ,
Maxime Rodinson est l'auteur d'une double rupture idéologique et politique, d'une part avec l'orientalisme en tant que modalité spécifique aux cultures arabo-islamiques de (…)

Maxime Rodinson est l'auteur d'une double rupture idéologique et politique, d'une part avec l'orientalisme en tant que modalité spécifique aux cultures arabo-islamiques de l'anthropologie coloniale et d'autre part avec la théorie critique développée par les dogmes marxistes en vogue dans les années soixante et soixante-dix du siècle dernier. Islam et capitalisme est publié en 1966 dans un contexte mondial dominé par deux blocs politiques, celui de l'Ouest capitaliste dirigé par les États-Unis et celui de l'Est communiste piloté par l'URSS.

Table des matières

L'époque est aussi celle de l'émergence des pays du Tiers Monde dans le fil des guerres de libération et des indépendances des années 1950 et 1960. Les États arabes, pour la plupart récemment libérés de la férule coloniale française ou britannique, relevaient de cette catégorie intermédiaire et se situaient dans l'orbite de l'un ou l'autre des blocs géopolitiques concurrents. La rivalité planétaire entre les États-Unis et l'Union soviétique était propice à une confrontation intellectuelle riche et diversifiée entre théoriciens libéraux de différentes écoles et marxistes de courants parfois clairement antagoniques. Les débats sou- vent très vifs et les controverses soutenues ne se limitaient évidemment pas aux pays des deux blocs opposés et concernaient d'importantes catégories d'intellectuels, de chercheurs ou d'activistes du Tiers Monde.

Dogmatismes et principe de réalité

Cette période qui semble aujourd'hui fort lointaine a été marquée dans le monde arabe par des débats intenses et particulièrement animés entre économistes, sociologues et historiens autour des questions urgentes de l'édification des États postcoloniaux et du développement économique mais aussi de leurs histoires et de leurs formes d'organisation sociale. Dans ce florilège de publications concernant le monde arabe, y compris celles qui se paraient d'une caution académique, l'engagement politique l'emportait souvent sur la rigueur analytique. Les lignes de fractures entre ces diverses approches se caractérisaient par la primauté des convictions politiques et au respect discipliné de la ligne de leurs partis et relevaient pour l'essentiel d'une perspective occidentale, culturellement ethnocentrée, sur une civilisation étrangère.

C'est dans ce contexte d'affrontement idéologique intense, favorable aux réductions dogmatiques présentées comme vérités d'évidence, que Maxime Rodinson publie Islam et capitalisme, un livre-repère dont j'ai l'honneur de préfacer la réédition québécoise. En marxiste iconoclaste mais en universitaire rigoureux, Rodinson procède à un examen critique des thèses en présence et remet les pendules à l'heure du principe de réalité, par le développement d'un argumentaire systématiquement étayé. Sa démarche est fondée sur une indéniable rigueur scientifique, une connaissance encyclopédique des thèmes abordés et une réelle proximité avec les formations sociales appréhendées. Au-delà de l'économie et de la religion, ce que Maxime Rodinson éclaire précisément est un rapport occidental au monde musulman.

Le matérialisme historique dont se prévaut Maxime Rodinson est construit sur une démarche méthodique et largement inclusive, ne laissant pas de place à l'imprécision ni aux schématisations mécanistes, à la différence de nombre d'analystes se réclamant de l'héritage de Karl Marx, qui se risquaient à des considérations très incertaines, du « mode de production asiatique » aux « féodalités hydrauliques » en passant par les systèmes de relations interpersonnelles, pour décrire les sociétés et expliquer les retards socioéconomiques du monde arabo-musulman.

Le marxisme historiciste de Rodinson se démarque ainsi par sa volonté de comprendre le développement historique des sociétés musulmanes et de contextualiser les textes arabo- musulmans, ce qui le place en porte-à-faux avec les orientalistes, qui traitent le monde arabe comme une entité ontologiquement stable, mais aussi avec les staliniens, qui ont des modèles de développement très rigides.

Le colonialisme, matrice des régressions arabes

L'auteur est également en rupture avec les orientalistes qui tout en célébrant les avancées civilisationnelles observées dans leur lointain passé, attribuaient les stagnations et le recul des sociétés de cette région du monde à une religion obscurantiste. Pour nombre de ces observateurs, l'islam est la matrice de cultures archaïques, induisant des formes d'organisation figées et radicalement hostiles à toute évolution. Il ne faisait aucun doute pour beaucoup de ces experts ès islam que la religion portée par le Prophète Mohamed était l'obstacle fondamental à la modernisation économique et au progrès en général.

Pour Maxime Rodinson, ces interprétations fallacieuses masquent la réalité des effets de l'agression coloniale et de l'hégémonie impérialiste franco-britannique qui s'installe à la faveur de la dislocation de l'Empire Ottoman au cours du XIXe siècle et au début du XXe.

Pour l'historien et le sociologue, le retard des sociétés arabo-islamiques ne saurait être expliqué par de prétendus blocages culturels et une censure religieuse mais plutôt par les agressions multiformes et les occupations violentes dont elles ont été victimes. À mille lieues de cette reconnaissance de la responsabilité coloniale et dans une convergence apparemment paradoxale, les analyses du marxisme orthodoxe et davantage encore celles des orienta- listes ont pour commune caractéristique la formulation de représentations suprémacistes et essentialistes plus ou moins clairement exprimées dans une vision hiérarchique, assumée ou implicite, du monde.

Maxime Rodinson démontre que l'islam n'est en rien opposé au capitalisme (ou à une quelconque forme d'organisation économique a priori). Historiquement, les sociétés islamiques ont été largement façonnées par un capitalisme marchand pratiqué par le Prophète lui-même. Le commerce et la propriété privée n'ont jamais été, au contraire, remis en cause par l'islam. Ce sont bien les conditions sociopolitiques, somme de multiples facteurs, de la croissance démographique européenne à l'industrialisation de l'Angleterre en passant par les gigantesques pillages coloniaux inter alia, qui ont permis l'expansion dynamique du capitalisme occidental et qui, au contraire, ont joué en défaveur du développement économique du monde musulman, en détruisant les souverainetés des États qui le composaient et en cassant les dynamiques internes.

Ces conditions historiques ont permis l'invasion par vagues successives de vastes régions du monde par les puissances européennes, la destruction des sociétés locales, la dépossession et la clochardisation des populations autochtones. Ainsi, au bout de longues années de génocides et de spoliation de tous ordres, la narration élégiaque de la conquête de l'Algérie reprise notamment par une bonne partie de l'intelligentsia française a massivement scénarisé l'effroyable régression infligée aux sociétés indigènes, présentant leur immense misère comme un état naturel inhérent à une culture radicalement exotique, rétrograde, repliée et imperméable aux idées de progrès. L'apport « émancipateur » du colonialisme, issu de la « civilisation des Lumières » s'imposant de lui-même comme une nécessité, justifiant la « mission civilisatrice », fardeau que le colon blanc s'imposait très symboliquement, niant catégoriquement l'étendue de crimes imprescriptibles. Et c'est très exactement ce qui fut célébré en 1930 en grandes pompes républicaines et nationalistes lors du centenaire de la colonisation de l'Algérie.

Capitalisme, collectivisme ou économie socialiste de marché ?

La confrontation multiforme entre capitalisme et socialisme, extrêmement vive durant les années consécutives à la Seconde Guerre mondiale, s'est évaporée avec la disparition de l'Union soviétique en 1991 et l'échec avéré des diverses formes d'étatisation de l'économie. L'ensemble du monde arabe aujourd'hui est dirigé par des régimes de diverses natures mais unanimement libéraux et généralement peu efficaces. Mais de quel capitalisme s'agit-il ?

Si les économistes favorables à la collectivisation des moyens de production et au rôle de gestionnaire de l'État ne sont plus audibles, ceux qui prônent la dérégulation des marchés au nom du libéralisme n'ont pas gagné en crédibilité. De fait, le creusement vertigineux des inégalités par la concentration des richesses et la massification de la précarité dans les opulents pays industrialisés signe en effet les limites socialement et éthiquement destructrices du modèle. Au plan global, l'échec des politiques économiques libérales imposées par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale aux États défaillants illustre cruellement les limites d'une doxa antisociale imposée par les banques et les multinationales occidentales.

En contrepoint de ces échecs et crises à répétition, l'émergence extraordinairement rapide de la Chine au cours de ces vingt dernières années remet en cause les positionnements doctrinaires antérieurs. Pékin, en ouvrant son marché au secteur privé national et aux investissements étrangers, n'a pas abandonné pour autant ses instruments de souveraineté en termes de politique économique. La planification centrale ainsi que le contrôle strict des opérations bancaires et financières permettent au pouvoir central d'encadrer une dynamique de croissance soutenue sans précédent historique.

L'ordre du monde sous hégémonie occidentale est ainsi remis en cause par l'apparition d'un catalyseur global alternatif. Le capitalisme chinois sous la férule du Parti communiste explore un mode alternatif de commerce et de coopération avec le reste du monde sous des formes fort différentes de celles de l'Occident.

Pour autant, d'autres tentatives de maintenir autant que possible le rôle social de l'État tout en procédant à l'élimination des contraintes bureaucratiques au fonctionnement du marché ont bel et bien eu lieu. L'expérience brève et rapidement interrompue des Réformes en Algérie entre 1986 et 1991 était construite sur la nécessité du marché par l'ouverture à l'initia- tive privée tout en libérant la gestion des entreprises publiques des tutelles administratives. L'objectif des Réformateurs était de garantir le rôle de l'État en tant que régulateur dans le cadre institutionnel démocratique de l'État de droit. Mais très rapidement, les réformes, en éliminant les très opaques supervisions administratives, se sont heurtées aux intérêts du haut commandement de l'armée et de la police politique qui ont fini par casser définitivement cette dynamique en janvier 1992. La bourgeoisie militaire algérienne s'engagera quelques mois plus tard dans un contexte de violence inouïe dans la voie antisociale et antinationale de l'ajustement structurel sous tutelle du FMI.

L'impasse permanente du monde arabe

Les guerres et invasions occidentales, en Irak, en Syrie et en Libye expliquent en partie leurs impasses économiques mais l'image renvoyée par les économies des États arabes n'impressionne guère. De fait, si la manne des hydrocarbures venait brutalement à s'assécher, les opulents pays du Golfe persique s'effondreraient rapidement. Le libéralisme rentier des producteurs de pétrole, qui ne débouche jamais sur une économie industrielle, évolue, au mieux, vers un capitalisme d'intermédiation financière, uniquement susceptible d'abriter des hubs commerciaux et de services sans profondeur productive. L'illustration majeure de cette « modernisation » est celle des Émirats arabes unis, engagés dans un programme d'insertion active dans le marché global autour du commerce et des services adossés à une plateforme financière de recyclage de capitaux d'origine souvent non identifiable.

Le reste des économies du Machrek ou du Maghreb est en crise structurelle, à l'image de l'Égypte du maréchal Al-Sissi qui s'est très tôt, au milieu des années 1970, engagée dans une politique d'« Infitah », c'est-à-dire une politique d'ouverture des marchés et de privatisation. L'Égypte est plus que jamais dépendante des perfusions externes de ses bailleurs de fonds. Au bout d'un demi-siècle de politique libérale, l'économie égyptienne est sinistrée, écrasée par un endettement qui a massivement enrichi une classe compradore au détriment de l'immense majorité de la population qui survit dans des conditions épouvantables. À l'ouest du continuum arabo-musulman, le Royaume du Maroc, en dépit de législations très favorables, ne parvient pas à attirer les niveaux d'investissements qui lui permettraient de créer une base industrielle vitale et de répondre autant que possible à un écrasant chômage de masse. L'Algérie qui avait, au prix fort, construit les fondations d'une base industrielle substantielle l'a essentiellement bradée à vil prix en se soumettant aux diktats du FMI à la suite du coup d'État militaire du 11 janvier 1992. La non-gestion économique délibérée assumée par l'armée et la police politique a atteint des paroxysmes de gabegie et de corruption dans les années Bouteflika, privant le pays de ressources nécessaires à son développement, stérilisant durablement les capacités créatives et les compétences d'une jeunesse aujourd'hui sans perspectives.

L'échec économique des régimes arabes postindépendances

est d'autant plus cinglant que leurs pays disposaient pour certains de ressources et de moyens substantiels. Mais qu'il s'agisse de pays bénéficiant de ressources fossiles, pétrole et gaz, ou moins favorisés par la géologie, les performances économiques sont très en deçà des minima requis pour combler des retards considérables. Et c'est sous cet aspect que la démarche analytique de Maxime Rodinson, qui était conscient des limites de ces systèmes, s'avère encore pertinente. La caractéristique commune première des régimes arabes, quelle que soit leur forme ou nature, monarchie ou république, est leur caractère non démocratique et antipopulaire. Féodalités et dictatures militaires imposées par Londres ou Washington et soutenues par Paris, ces systèmes néocoloniaux de facto perpétuent la domination impérialiste et la misère de leurs peuples par l'inefficacité de leur gestion économique, leur corruption massive et le blocage de toute évolution. Ces autoritarismes qui écrasent leurs sociétés assurent l'insertion subalterne des économies arabes dans l'ordre mondial libéral et continuent de transférer les richesses vers l'Occident par les détournements et les malversations. Continuant en les renouvelant les modes de pillages instaurés par la domination coloniale directe. Ces systèmes de non-droit, derrière de vertueuses proclamations et la référence démagogique aux principes islamiques, empêchent le fonctionnement rationnel de leurs marchés internes, inter- disent le développement en organisant la captation privative des ressources publiques au profit de la caste au pouvoir et de ses protecteurs étrangers.

L'autoritarisme apatride contre le développement national

Maxime Rodinson, par sa lecture critique, déconstruit l'un des éléments constitutifs de la représentation occidentale du monde musulman en posant la question du rapport des superstructures culturelles et idéologiques à l'infrastructure économique. Et c'est bien à ce niveau que se situe encore le débat actuel dans un monde arabe qui depuis s'est profondément transformé. Dans les années 1960 et 1970, période de publication de son ouvrage, le choix d'un modèle de développement susceptible de permettre aux pays du Tiers Monde de rattraper leurs retards sur les pays industrialisés était au cœur des luttes politiques entre avocats du libre marché et partisans de la voie socialiste. Le socialisme, sous ses diverses déclinaisons, par administration directe de l'État ou par autogestion, était une hypothèse dont l'efficacité n'était pas encore remise en cause.

Dans le monde arabe, les pays qui avaient opté pour le socialisme, sous diverses significations, ont mis en avant les dimensions de justice sociale et de solidarité, nullement contradictoires avec le Coran et les textes de l'islam. De la même manière les autres pays arabes ayant opté pour le capitalisme justifiaient ce choix par la liberté de commerce dont le Prophète avait fait sa première profession. S'ils divergeaient en matière de choix économiques, ces systèmes politiques fort différents se retrouvaient tous dans l'autoritarisme : les uns et les autres n'ont pas réussi à construire des économies productives et viables. La religion musulmane n'a aucune part dans la faillite des gouvernances arabes, l'islam n'est en rien responsable des échecs de politique économique. Ce qui est clairement en cause est la dictature et la qualité désastreuse à tous égards de ses personnels cooptés dans les rangs d'un clientélisme de l'obéissance et de la soumission. À la différence de leurs homologues asiatiques dont le patriotisme ne peut être nié, les dictatures arabes sont des systèmes apatrides et prédateurs qui ne répondent à aucune règle, fondamentalement organisés autour de la corruption et de la fuite des capitaux, leur logique de fonctionnement est largement déconnectée des pays qu'ils dirigent.

Le tableau général qui s'impose à l'issue d'une analyse actualisée des économies du monde musulman laisse peu de place à l'incertitude s'agissant des gouvernances arabes héritières et continuatrices des tutelles coloniales. Il ressort que les régimes postindépendances ont, en traitant leurs peuples avec le même mépris, pour l'essentiel maintenu les conditions d'assujettissement installées par le colonialisme. Les habitants des États arabes aux indépendances circonscrites ne sont toujours pas des citoyens dans l'acception démocratique minimale du terme. L'impossibilité de mettre en place des structures politiques reconnues, légitimes et représentatives, a déterminé une situation permanente généralisée de non-droit. Les élites réelles sont marginalisées et éliminées des sphères de décision aboutissant de ce fait à une perte de confiance dans les représentants des pouvoirs et une démonétisation des institutions, à commencer par l'administration de la justice réduite à un service subalterne de l'exécutif. Aucune politique économique ne peut être valablement envisagée sans adhésion et confiance des acteurs sociaux à même de mobiliser les capacités de création de leurs sociétés.

Aujourd'hui comme hier, et en dépit de ce que prétendent les propagandistes de la guerre des civilisations, l'islam ne peut être incriminé dans l'échec socioéconomique du monde musulman. Les racines idéologiques des retards comme celles de tous les blocages sont à rechercher dans la réalité des structures sociales de pouvoir, dans l'identification des acteurs et de leurs alliances, internes ou externes et, in fine, dans la nature des enjeux économiques. Les peuples arabes, hier sous la botte coloniale, vivent aujourd'hui sous la férule de régimes soutenus par les ex-métropoles coloniales. L'une des illustrations les plus éloquentes de la soumission néocoloniale des États arabes est bien leur silence, ou même leur complicité pour certains, devant le génocide en cours à Gaza.

Maxime Rodinson a grandement contribué à situer les responsabilités des retards du monde arabo-islamique en écartant des théories mystifiantes et en imposant une démarche analytique à la fois savante, cohérente et limpide. La réédition d'Islam et capitalisme est plus que pertinente, elle est salutaire dans une période où les oligarchies atlantistes, par leurs médias, leurs maisons d'édition et leur ascendant sur les appareils d'État, accentuent un discours essentialiste et raciste visant à dresser les sociétés et les peuples les uns contre les autres. Il faut donc saluer le courage des universitaires, des chercheurs et des éditeurs qui reprennent et font connaitre les travaux d'un intellectuel qui incarnait l'éthique de l'engagement et l'esprit scientifique dans le respect de tous.

Omar Benderra – Algeria-Watch
Paris, 17 septembre 2024

* Omar Benderra est économiste et ancien président de banque publique. En exil en France depuis 1992, il est consultant indépendant, membre de l'association de défense des droits humains Algeria-Watch et a codirigé l'ouvrage collectif Hirak en Algérie. L'invention d'un soulèvement (La Fabrique, 2020).

Éditions de la rue Dorion
www.ruedorion.ca
1266, rue Dorion
Montréal, Qc
H2K 4A1

ChatGPT, une intelligence sans pensée, d’Hubert Krivine

28 janvier, par Benjamin Mussat — ,
Hubert Krivine, probablement pas le moins connu des lecteurs et lectrices de l'Anticapitaliste, sort un nouveau livre de vulgarisation et de débat scientifique sur ChatGPT. (…)

Hubert Krivine, probablement pas le moins connu des lecteurs et lectrices de l'Anticapitaliste, sort un nouveau livre de vulgarisation et de débat scientifique sur ChatGPT.

Hebdo L'Anticapitaliste - 738 (23/01/2025)
Éditions Cassini, 2025, 192 pages, 12 euros.

Sur la forme, c'est assez court : une centaine de pages. Et un effort particulier a été fait sur l'accessibilité, avec des sections plus compliquées pouvant être omises et signalées par la mise en page, le renvoi en annexes de certains points et la construction générale qui n'hésite pas à reprendre des idées pour faciliter la compréhension générale. Tous les détails ne sont pas nécessairement évidents, mais si on ne s'y arrête pas, ça se lit très bien.

Vulgarisation scientifique

Sur le fond, commençons par dire que ce n'est pas à charge contre ChatGPT, ou plutôt le modèle de lecture et de génération de texte qu'il représente et encore moins sur l'IA en général, mais « [une tentative] d'en définir les limites, même à contre-courant ». Une des forces du livre est d'éviter de se concentrer sur les aspects spectaculaires des réussites ou échecs de ChatGPt, une autre est d'être écrit par quelqu'un qui n'est pas un spécialiste et qui, outre son expérience de scientifique, a déjà beaucoup produit en vulgarisation (ou médiation) et en réflexion sur les sciences. Il va ainsi surtout poser de bonnes questions qui aident à comprendre à quoi nous avons affaire et aux limites importantes de ce modèle d'IA, par-delà les réussites et l'emballement qu'il génère.

Partant d'un problème qui semble peut-être éloigné du quotidien — la conception de théorie scientifique — mais éclaire bien le problème principal de l'IA : celle-ci repose sur l'utilisation d'un grand nombre de données (big data) et donc la production des réponses par induction à partir de ces données. Ce qui peut être utile à la science, mais va à l'encontre d'une grande partie des avancées de la science. Le nombre de données est à la fois trop important — ce qui amène de nombreux problèmes — et trop faible pour la « compréhension » de l'environnement. D'où la question de l'intelligence et de la pensée.

Quelle utilisation pour l'IA ?

Évitant les affirmations péremptoires sur ces sujets et en posant de bonnes questions, le livre permet d'envisager ces concepts dans leur diversité en gardant pour fil directeur la question de leur utilisation, des trop nombreuses données que constituent notre environnement et la préoccupation de créer « du neuf à partir du vieux ». Intéressant au-delà des problèmes de l'IA. Ainsi il aborde, par la bande, la question de l'intelligence des animaux non humains, poursuit sur les problèmes économiques et écologiques que pose le nombre de données et de sa croissance, et termine avec la nécessité de ces modèles d'IA et l'horizon de leurs progressions.

Pour celleux qui peuvent craindre la difficulté de lecture, une nouvelle fois l'attention portée à l'accessibilité est grande et une conclusion prend le temps de récapituler et nous permet d'apprécier les ­questions soulevées.

Benjamin Mussat

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Notre résistance, entreprise depuis des années

28 janvier, par Pierre Jasmin — ,
22 janvier – Pierre Jasmin https://www.artistespourlapaix.org/resistance-entreprise/ 1- Ce salut hitlérien du 20 janvier, couplé à une grimace de défiance à l'ordre (…)

22 janvier – Pierre Jasmin
https://www.artistespourlapaix.org/resistance-entreprise/

1- Ce salut hitlérien du 20 janvier, couplé à une grimace de défiance à l'ordre
établi, saluait la première mesure du président Trump qui fut de gracier l'immense majorité des complotistes du 6 janvier 2021 ayant envahi le Capitole pour tenter de renverser l'accession au pouvoir « démocratique » de Biden.

2- Les immigrants maltraités par Donald Trump dans tous ses discours de
campagne seront les cibles préférées du nouveau gouvernement américain.

3- Le pape appelle cela TURPITUDE et en fait la raison pour laquelle il n'a pas
accepté l'invitation de Macron à la réouverture de Notre-Dame-de-Paris, où il ne voulait pas être obligé de serrer la main à Donald Trump.

4- Une trêve fragilisée par Nétanyahou reconnu coupable, par le Tribunal
International de La Haye, de génocide contre la Palestine (aujourd'hui reconnue par 146 pays de l'ONU mais pas par le Canada !) permet néanmoins à quatre-vingt-dix Palestiniens et trois otages israéliens d'être libérés. Ils auraient dû être remis à l'UNRWA de l'ONU, ils sont heureusement saufs dans les mains du Croissant-Rouge.

5- Le froid de la météo nous fait oublier que selon les mots d'Antonio Guterres,
secrétaire général de l'ONU, notre planète est en feu en particulier à Los Angeles.

6- Le boycott des géants du numérique est entrepris avec le retrait de X (Elon
Musk) par le Collège des Médecins, les journaux encore à peu près respectables le Monde, The Guardian et Libération et les artistes Elton John et Barbra Streisand.

7- Le boycott d'Amazon antisyndical est bien entrepris au Québec,
malgré la bourde « jus d'orange » de mon oncle François Legault.

8- Méfiance accrue face aux opioïdes des pharmaceutiques.

9- PSPP fait de lui une Danielle Smith : « le Canada n'a pas été un bon voisin ».

10- Northvolt de M. Fitzgibbon fabriquera des batteries à 25% trop chères ?

11- Chrystia Freeland annulerait l'impôt sur les gains en capital, si elle devient
cheffe du parti conservateur 2.0, pardon, du parti libéral dont aucun candidat à la succession de Justin (ni lui-même) n'appelle à une solidarité avec le Mexique progressif de Claudia Sheinbaum (voir commentaire à notre dernier article (i).

12- L'ex-président de la Corée du Sud arrêté pour rébellion et abus de pouvoir ?

13- Le 23 décembre 2020, à la surprise générale, le président Trump, encore en
exercice, avait apposé son veto à un budget militaire en hausse « plaçant les intérêts de l'establishment de Washington au-dessus de ceux du peuple américain » et qui allait à l'encontre de ses « efforts pour ramener les troupes à la maison depuis l'Afghanistan, l'Allemagne et la Corée du Sud ». Quand réalisera-t-il sa promesse la plus spectaculaire et la plus urgente d'arrêter la guerre d'Ukraine ?

14- N'a-t-il fait que déplacer le génocide palestinien à Jénine en Cisjordanie ?

15- 217 policiers kényans arrivent en Haïti comme force de paix antigangs.

16- Le Nigéria rejoint le BRICS de la Chine et de la Russie. Le pays compterait
regagner son titre de 1ère économie d'Afrique en se soustrayant de l'influence du $, responsable de la baisse de ses recettes d'exportation, de l'augmentation du service de sa dette et de son inflation et d'une dépréciation de sa monnaie.

17- Cuba est à nouveau déclaré terroriste, comme le Venezuela.

18- La loi 21 sera débattue en Cour Suprême contre la majorité québécoise.

19- Trump congédie les fonctionnaires qui oeuvraient dignement pour la
diversité, l'équité et l'inclusion.

20- Les enseignants CPE veulent leur valeur être dignement rémunérée.

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Ci-joint la lettre que nous avons fait parvenir...

28 janvier, par Villes et régions innovantes (VRIc) — , ,
Ci-joint la lettre que nous avons fait parvenir hier après-midi au premier ministre du Québec. VRIc suggère au premier ministre, François Legault, de profiter de la relance (…)

Ci-joint la lettre que nous avons fait parvenir hier après-midi au premier
ministre du Québec.
VRIc suggère au premier ministre, François Legault, de profiter de la
relance des discussions pour le renouvellement du traité de libre-échange
entre le Canada, le Mexique et les États-Unis en 2026 *pour adopter quatre
mesures pour le développement de l'économie circulaire dans le cycle du
carbone au Québec.

M François Legault,
Premier ministre
835 bd René-Lévesque E 3e étage,
Québec, QC G1A 1B4
Sujet : Option Québec pour le traité de libre-échange Canada-États-Unis 2026.

Monsieur,
Face à la position du président Trump d'établir une barrière tarifaire de 25 % sur les produits canadiens, comme vous le dites, il faut garder la tête froide et examiner toutes les options.

Le Québec doit profiter de la réouverture des négociations du traité de libre-échange États-Unis, Mexique, Canada, en 2026, pour développer l'économie circulaire dans le cycle du carbone. Dans ce contexte, une des options à privilégier est celle d'une économie compatible avec l'urgence climatique.

Ainsi, quatre mesures devraient être prises.

• La première serait de déterminer le cadre de la négociation en fixant la barrière tarifaire
canadienne à 30 % pour les produits américains qui entrent au Canada si elle est maintenue à 25 % pour nos produits qui entrent aux États-Unis, soit un différentiel de 5 % en notre faveur. Ce différentiel est accepté par l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) lorsque les parties démontrent que l'entente est désavantageuse à l'égard de l'une des parties. Il s'agit du même différentiel qui existait avant les négociations de l'Accord de libre-échange de 1989.

• La deuxième serait de choisir les produits sur lesquels nos tarifs s'appliqueraient, comme les électroménagers (poêle, réfrigérateurs, lave-vaisselle, laveuse, sécheuse). Ces appareils, fabriqués aux États-Unis, possèdent une trace carbone supérieure à ceux produits au Québec.

• La troisième serait d'abolir la TPS et la TVQ sur les mêmes produits usagés, l'idée est d'orienter le pouvoir d'achat des consommateurs vers des entreprises québécoises qui traitent et vendent des produits usagés. Ces derniers possèdent une trace carbone moindre que les produits neufs produits aux États-Unis.

• La quatrième serait de faire en sorte que les municipalités, les ministères et les organismes gouvernementaux achètent des produits usagés. À la fin des négociations de ce nouveau traité de libre-échange, il faut s'assurer que le différentiel des tarifs est de 5 % en faveur du Canada. Ce résultat équivaut à la taxe carbone à la frontière de l'Union
2 européenne. Ainsi, et particulièrement pour le Québec, nous serions assurés du décollage de l'économie circulaire dans le cycle du carbone, seule économie conciliable avec l'urgence climatique. Notre relation avec notre voisin est souvent comparée à celle d'un éléphant dans le même lit qu'une souris. Aujourd'hui, il y a un élément plus gros qui domine les bêtes : le réchauffement du climat.

Mahamadou Sissoko
Président

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Millionnaires dans la rue ! Millionnaires dans la rue !

28 janvier, par Jean-François Delisle — , ,
Les différentes strates des classes dominantes, c'est-à-dire financières et économiques, ne sont plus tout à fait sur la même longueur d'ondes, si tant est qu'elles l'aient (…)

Les différentes strates des classes dominantes, c'est-à-dire financières et économiques, ne sont plus tout à fait sur la même longueur d'ondes, si tant est qu'elles l'aient jamais été. Mais cette fois-ci, des divisions inédites apparaissent dans leurs rangs. Elles remettent en question le trumpisme et ce, dans un milieu (celui de la finance) reconnu pour sa grande discrétion.

En effet, rappelons que voici peu de temps, des millionnaires ont dénoncé publiquement le groupe des multimilliardaires qui entourent Donald Trump. En substance, ils redoutent que le régime Trump ne tourne le dos à un capitalisme "libéral et démocratique" au profit d'un modèle plus autoritaire, à la russe ou à la chinoise. Ils jettent donc un regard critique sur la "révolution conservatrice" qui s'amorce sous l'administration Trump.

Il peut être intéressant tout d'abord d'examiner succinctement les membres de l'entourage Trump. Les fortunes qu'ils possèdent donnent le tournis :

1- Elon Musk (pressenti pour diriger le Département de l'efficacité gouvernementale), propriétaire de Tesla : 434 milliards. Il joue un rôle de proche conseiller de Trump.

2- Jeff Bezos, propriétaire d'Amazon : 239 milliards.

3- Mark Zuckerberg, qui possède Meta : 212 milliards.

4- Sundar Pichai (google) : 63 milliards. Le "p'tit dernier", le "pauvre" du groupe. Pourquoi ne pas organiser une collecte en sa faveur ?

Passons maintenant à un niveau inférieur des capitalistes, celui des simples millionnaires Deux tiers de ceux-ci provenant de 22 pays (y compris des États-Unis) jugent que l'influence des ullrariches présentent une menace pour la stabilité mondiale. Ils appréhendent que cette concentration de richesse n'entraîne un nationalisme identitaire et que le capitalisme extrême ne rompe avec l'État de droit et la libre concurrence. 70% des millionnaires et même certains milliardaires appuient même une augmentation des impôts pour les multimilliardaires, et ils s'affirment prêts à faire leur part dans cet effort fiscal.
On peut en conclure, même avec toutes les nuances que cette affirmation nécessite, que la classe dirigeante financière mondiale se fragmente et que des capitalistes s'alarment de l'extrême concentration de la richesse aux mains de quelques-uns, sans doute par crainte de troubles sociaux et de la fragilisation du système économique qui a permis leur réussite.

En effet, le capitalisme libre-échangiste et mondialisé s'essouffle, vu les ravages sociaux qu'il a déjà causés et les déceptions qu'il a provoquées au sein des populations.
Il y a quelque chose d'ironique dans cette division qui se fait jour au sein des grands capitalistes financiers. Une frange d'entre eux estiment que le système va trop loin en mettant en lumière l'indécente richesse de la strate la plus élevée et l'influence politique qu'elle a conquise avec Donald Trump. Elle veut sauver le système en limitant ses abus les plus criants.

Cette montée de l'esprit critique peut rassurer jusqu'à un certain point, mais elle ne garantit nullement, du moins à court terme, un recul du trumpisme. Le "national-capitalisme" s'implantera-t-il durablement ou ne s'agit-il que d'un phénomène passager ? Chose certaine, même s'il devait s'affaiblir au fil des ans, il aura disposé du temps nécessaire pour infliger beaucoup de dégâts tant aux États-Unis mêmes qu'au Canada et au Québec.

À lire les dénonciations de millionnaires du trumpisme, il faut croire que la forme de capitalisme extrême et renfermé qui est sa marque de commerce ne convient pas à tout le monde, et pas seulement aux travailleurs.

Dans les manifs de protestation qui se produiront, verra-t-on quelques-uns de ces richards défiler dans la rue, pancartes à la main ?

Jean-François Delisle

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Conférence exceptionnelle à Paris pour souligner l’histoire du mois des noirs

28 janvier, par Smith Prinvil — , ,
« Ensemble, célébrons la richesse et la diversité des cultures noires, rendons hommage à leur histoire et inspirons les générations futures à poursuivre le chemin vers une (…)

« Ensemble, célébrons la richesse et la diversité des cultures noires, rendons hommage à leur histoire et inspirons les générations futures à poursuivre le chemin vers une société plus juste et inclusive » a déclaré le diplomate Maguet Delva en prélude des activités visant à célébrer le mois de l'histoire des noirs.

À l'occasion de la célébration du mois de l'histoire des Noirs, une conférence historique et culturelle se tiendra à Paris le 8 février 2025, mettant à l'honneur un sujet d'une portée universelle : « La Révolution Haïtienne et les Origines de la Diplomatie Haïtienne ».
Cet événement s'inscrit dans le cadre des initiatives visant à reconnaître et célébrer les contributions des peuples noirs à l'histoire mondiale. La Révolution haïtienne (1791-1804), pierre angulaire de la lutte contre l'esclavage et pour l'émancipation, sera au cœur des discussions. En s'appuyant sur des faits historiques, cette conférence mettra en lumière l'impact de cet événement révolutionnaire sur les mouvements d'indépendance, ainsi que sur la création des premières stratégies diplomatiques haïtiennes.

Selon Maguet Delva, diplomate, journaliste et écrivain, l'un des initiateurs de cet événement, ce sera un moment de réflexion et de partage. Cette activité réunira des experts en histoire et relations internationales, des historiens spécialisés dans la révolution haïtienne, des chercheurs en diplomatie et droits des peuples comme Bourhis Mariotti, Jocelyn belfort doctorant, Patrick Cauvin.

Ces intervenants-es analyseront comment Haïti, en tant que première république noire indépendante, a joué un rôle central dans la reconfiguration des relations internationales à l'époque.Cet événement, accessible au grand public, permettra également de mieux comprendre les contributions majeures de la diaspora noire et de réfléchir à l'héritage culturel et politique de cette période fondatrice.

Voulant justifier le choix d'un tel sujet, Maguet Delva, l'une des figures emblématiques de la diplomatie haïtienne en France, a souligné que la révolution haïtienne est exceptionnelle parce qu'elle est la seule révolution d'esclaves ayant mené à la création d'un État indépendant.

La Révolution d'esclaves en Haïti souligne t-il nous enseigne que la justice et la liberté ne se négocient pas, même dans un contexte hostile. La diplomatie haïtienne a montré qu'un petit État pouvait jouer un rôle moral et stratégique dans un monde dominé par des grandes puissances. Aujourd'hui encore, Haïti reste un rappel que les droits humains et la souveraineté nationale sont des combats universels.

Cet acte de grandeur marque un tournant dans l'histoire en affirmant que la liberté et l'égalité ne sont pas des principes réservés à un seul groupe, mais des droits universels. Elle a non seulement mis fin à l'esclavage dans la colonie de Saint-Domingue, mais elle a aussi défié les grandes puissances esclavagistes de l'époque, comme la France, l'Angleterre, et l'Espagne.

Le diplomate haïtien, fondateur du Regroupement des Archives Diplomatiques et des Documentations de la République d'Haïti en France (RADRH) a rappelé pour dire que la diplomatie haïtienne a commencé à prendre forme dès la proclamation de l'indépendance en 1804. Jean-Jacques Dessalines, le premier chef d'État haïtien, comprenait que la survie d'Haïti en tant que nation indépendante dépendait de sa reconnaissance par les autres puissances. Cependant, les grandes nations esclavagistes, comme les États-Unis et les pays européens, étaient hostiles à l'idée d'un État dirigé par d'anciens esclaves. Cela a forcé donc Haïti à développer une diplomatie pragmatique et résiliente pour protéger sa souveraineté et s'intégrer dans le concert des nations.

La diplomatie haïtienne a posé les bases d'une solidarité entre les peuples opprimés. En soutenant les luttes pour l'indépendance en Amérique latine et en servant de refuge pour les esclaves en fuite, Haïti a prouvé son rôle en tant que symbole d'émancipation. Cependant, la dette de 1825 imposée par la France en échange d'une reconnaissance officielle a lourdement pesé sur l'économie haïtienne et limité son influence diplomatique à long terme. Malgré ces défis, Haïti est resté un exemple de résilience et de courage sur la scène internationale.

Cet événement annuel de grande envergure se veut être une opportunité unique d'éduquer, d'unir et de sensibiliser autour de l'histoire, de la culture et des luttes pour l'égalité et la justice sociale.Proposant un programme diversifié conçu pour inspirer et engager les communautés, cette journée n'est pas seulement un moment pour regarder en arrière, mais aussi une invitation à agir pour un avenir plus inclusif.

À rappeler que le mois de l'histoire des Noirs (Black History Month) est célébré chaque année en février en France, aux États-Unis et au Canada, et en octobre dans certains pays comme le Royaume-Uni. Cette célébration met en lumière les contributions, les réalisations, les cultures et l'histoire des communautés noires à travers le monde, tout en rappelant les luttes pour l'égalité et la justice.

Cette journée offre une opportunité précieuse de rendre hommage aux contributions, à la résilience et aux luttes des communautés noires à travers le monde. Pourtant, il reste un défi crucial : sensibiliser toutes les communautés à l'importance de cette commémoration et engager un dialogue collectif autour de la diversité, de l'égalité et de l'inclusion.
De Martin Luther King à Aimé Césaire, de Rosa Parks à Nelson Mandela, ces personnalités ont façonné l'histoire mondiale et inspiré des générations. Mais cette célébration ne se limite pas à l'évocation des grands noms : elle permet également de reconnaître les contributions quotidiennes des membres de ces communautés dans divers domaines, tels que l'art, la science, l'économie et le sport.

Il est important de souligner que l'histoire des communautés noires est indissociable de l'histoire universelle. En sensibilisant les communautés à cette célébration, on contribue à bâtir un monde où la diversité est non seulement acceptée, mais célébrée comme une richesse inestimable. Chacun de nous a un rôle à jouer pour que cet héritage ne soit pas oublié, mais transmis avec fierté et respect.

Smith PRINVIL

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Vers une théorie matérialiste de la transitude

28 janvier, par Jonathan Louli — ,
Nous publions une recension du livre de Pauline Clochec : Après l'identité. Transitude & féminisme (Hystériques & AssociéEs, 2023). Tiré de la revue Contretemps 20 (…)

Nous publions une recension du livre de Pauline Clochec : Après l'identité. Transitude & féminisme (Hystériques & AssociéEs, 2023).

Tiré de la revue Contretemps
20 décembre 2024

Par Jonathan Louli

Pauline Clochec est maîtresse de conférence en philosophie à l'Université de Picardie. Autrice d'une thèse sur le « jeune Marx » sous la direction d'Emmanuel Renault soutenue en 2018, elle travaille depuis plusieurs années sur la philosophie allemande, et a publié plusieurs traductions de Marx et Engels aux Éditions sociales, ainsi que l'introduction à Feuerbach : Pour lire l'Essence du christianisme, dans la même maison d'édition.

Plus récemment, elle s'est intéressée aux rapports entre féminismes et matérialismes, et a notamment co-dirigé dans la maison d'édition Hystériques & AssociéEs l'ouvrage collectif Matérialismes trans en 2021. Avec les auteur·rice·s ayant participé à ce travail collectif, Pauline Clochec est donc actuellement l'une des principales voix de l'analyse féministe matérialiste appliquée à la « transitude », notion définie et explicitée dans son nouveau livre Après l'identité. Transitude & féminisme.

Ce livre rassemble quatre conférences données entre 2018 et 2021 dans des contextes au croisement entre militantisme et sphère académique. L'intention qui les parcourt, comme le restitue l'introduction, est de définir la transitude en tant qu'ensemble de pratiques concrètes de passage d'un sexe à un autre, ou comme « tentative pour ne pas intégrer une catégorie sexuée existante, dans le cas de la non-binarité » (p.175).

L'idée de l'autrice est donc d'appréhender la transitude dans son « effectivité » et non comme un état purement intérieur ou identitaire. La perspective matérialiste revendiquée s'oppose donc aux théories psychologisantes de la transitude, ainsi qu'aux théories queer. L'objet du livre est de définir et développer cette perspective matérialiste, et d'argumenter en quoi, malgré leur utilité par le passé, les théories identitaires et subjectivistes de la transitude doivent désormais être dépassées.

L'actualité de cette théorie peut aisément se lire dans l'affirmation de l'autrice, à la fin de l'introduction, selon laquelle ces textes ont un « objectif politique » et féministe, à savoir contribuer à la « lutte pour l'autonomie corporelle » des femmes et des personnes trans, contre les nouveaux essentialismes et la montée de l'extrême-droite (p. 10-12). Les deux chapitres composant la première partie du livre déploient l'opposition entre la perspective matérialiste et les théories queer, tout en indiquant des pistes pour les luttes. Les deux chapitres composant la seconde partie illustrent les luttes à travers des controverses liées aux savoirs et manières de penser la transitude.

Dans le premier chapitre est exposée l'opposition entre la perspective matérialiste et les théories queer. Cette opposition s'articule autour de la définition du concept de genre. La conception matérialiste traite du genre – au singulier – entendu comme un système de domination et d'exploitation hétérosexiste [1].

La conception queer quant à elle critique la binarité des genres – au pluriel – qu'il s'agirait de subvertir par la « prolifération » des identités fondées dans les individus. Selon Clochec, cette approche queer a deux limites : elle n'opère qu'une émancipation individuelle donc quelque peu « illusoire » (p. 20), qui en tout cas ne perturbe pas les structures de l'ordre établi – dans la mesure où les personnes restent traitées selon le « sexe perçu » par la société.

Pour l'autrice, les luttes trans doivent donc être collectives et dirigées contre le système hétéronormé et patriarcal. En effet, c'est bien lui qui entrave l'existence des personnes trans à travers ses dispositifs de contrôle des corps, et en générant sexisme et cisexisme – c'est-à-dire des dynamiques structurelles d'oppression des femmes et des personnes trans. Dans la perspective matérialiste de Clochec, on lutte donc moins contre ce contrôle patriarcal des corps en transitionnant qu'en s'intégrant aux luttes collectives féministes.

L'autrice poursuit la description de cette opposition entre matérialismes et théories queer dans le deuxième chapitre, autour de la notion d'identité. Elle y fait observer que voir la transitude comme découlant d'identités de genre (comme le font les théories de la « transidentité »), tend à la délégitimer, à la rendre moins tangible, et ouvre ainsi la voie à des discours transphobes. Les théories de la « transidentité » occultent en effet la réalité pratique, corporelle et sociale de la transitude. À ce titre elles ne semblent plus politiquement pertinentes – contrairement à une époque récente où leur émergence a permis de contrer l'hégémonie des discours médicaux.

Plusieurs problèmes apparaissent désormais du fait que les théories découlant de la « transidentité » fondent la transitude sur un pur « ressenti » (p. 36). Tout d'abord, ce sont largement les difficultés économiques, administratives, les discriminations et autres dominations qui objectivement rappellent aux personnes concernées qu'elles sont « trans ». En outre, réduire la transitude à une identité l'assimile à l'imagination des personnes et occulte son objectivité sociale et corporelle.

C'est pour cette raison que les luttes des personnes trans ne sont pas des revendications identitaires mais bien des luttes contre le patriarcat : car « l'assignation » sexuelle apposée par la société fait généralement peu de cas de l'identité subjective que veut se donner la personne, qui se trouve malgré elle intégrée à une « classe de sexe » [2]. Afin de garantir les moyens du « libre accès à son corps » (p. 49), c'est donc précisément contre ce qui produit les assignations sexuelles, contre les discriminations et dominations, contre la masculinité oppressive, que doivent être dirigées les luttes – et non vers une prolifération d' « archipels d'identités » (p. 46) qui ne doivent en tout cas pas être en eux-mêmes leurs propres fins.

Dans la perspective matérialiste, être trans étant avant tout « une condition sociale et corporelle » (p. 56), si l'on doit parler d'identité, c'est donc surtout au sens d'une appartenance collective – en d'autres termes : d'une « conscience de classe » de sexe (p.57), impliquant la lutte pour des conditions d'existence.

Après avoir donné des idées et des perspectives pour les luttes dans les deux premiers chapitres, Pauline Clochec consacre le troisième chapitre à une illustration possible de ces luttes, à travers la « rivalité » entre les « savoirs trans » et les savoirs médicaux (p. 61), en se centrant plus spécifiquement sur le cas des traitements hormonaux de substitution (THS).

Après avoir rappelé que la relation entre le corps médical et les personnes trans en demande de transition n'est pas « typique », l'autrice présente l' « opposition entre deux prétentions à l'expertise » (p. 66) entre personnes concernées et corps médical, quant aux conditions d'accès et aux contenus des traitements hormonaux de substitution. Ce conflit se cristallise autour de trois points.

Tout d'abord, il faut un diagnostic psychiatrique pour y avoir accès. Ensuite, le corps médical a tendance à dramatiser la prise de ces THS et refuse les prises « expérimentales » (les tâtonnements à travers lesquelles les personnes peuvent expérimenter les effets des traitements). Enfin, les dosages prescrits étant standards, ils ne correspondent pas toujours aux multiples usages et besoins des personnes.

En outre, les populations trans elles-mêmes peuvent apparaître divisées sur cette question des THS, car elles n'ont pas les mêmes « buts » dans leurs prises de ces traitements, elles n'en apprécient pas les effets de la même manière, et elles ont des « conditions de santé » variables qui influent le rapport aux traitements.

Pour surmonter ces tensions et divisions, les savoirs produits et partagés dans la « communauté » trans devraient être mieux reconnus socialement, ce qui leur éviterait d'avoir à passer par le « contentieux », le conflit, avec le corps médical voire avec l'État. C'est ainsi que la communauté trans peut permettre à l'individu d'accéder à une certaine autonomie qui lui est refusée en dehors d'elle.

Le dernier chapitre, le plus dense, replace dans une perspective historique l'émergence des trois « paradigmes » dominants à travers lesquels a été pensé le changement de sexe. Cette perspective historique permet de comprendre non seulement les controverses telles que celles autour de l'expertise sur les traitements hormonaux de substitution, mais aussi celles qui opposent les théories queer (identitaires) et matérialistes.

Une large partie du XXe siècle est marquée par la diffusion du « paradigme transvestite », qui a émergé avec les travaux du médecin allemand Magnus Hirschfeld à partir de 1910. Celui-ci est le premier à considérer les demandes de changement de sexe de ses patient·e·s comme non « délirantes », mais comme émanant d'une « tendance » naturelle. Considérant qu'il n'y avait donc pas à aller à l'encontre de cette tendance, Hirschfeld a été parmi les premiers médecins à proposer des chirurgies de transition, dès les années 1920.

Ce paradigme infuse durant l'entre-deux-guerres, et est repris notamment par le sexologue américain Harry Benjamin dans les années 1950. Chez celui-ci, les différences de sexe sont plus naturalisées, et le souhait de changer de sexe est donc attribué à une causalité psychologique. C'est ainsi qu'émerge et se diffuse le paradigme de la « transexualité » ou « transexualisme ». Ce paradigme, qui se présente comme un « concept clinique », a une forte influence jusqu'à la fin du XXe siècle. Il considère le « transexualisme » comme un « écart » ressenti entre un « sexe physique » et un « sexe psychologique » (construits d'après des « stéréotypes sexistes », précise Clochec) (p. 97-103).

La conséquence de cette psychologisation est que le corps médical s'arroge la responsabilité de distinguer, à travers une évaluation psychiatrique, les « vrais » et les « pseudo » trans. L'apport de ce paradigme s'avère donc ambivalent puisque d'une part il a pu faire progresser la prise en charge des demandes de changement de sexe, mais il l'a fait à travers un protocole réducteur basé sur des critères finalement peu scientifiques, obligeant les personnes à ruser pour le contourner.

Ces insuffisances ont engendré l'évolution du paradigme transexualiste, d'autant plus fortement que celui-ci croise les théories queer dans le dernier quart du XXe siècle. Ces dernières conceptualisent la transitude comme une « expérience privée et intérieure » (p.116), restant ainsi sur un terrain psychologisant. Ce paradigme « transgenre » ou de la « transidentité » est donc aisément assimilé par les professionnels de santé, généralement enclins à psychologiser le changement de sexe.

Ainsi, paradoxalement, malgré certains progrès dans la prise en charge des demandes de changement de sexe (notamment le recul de l'idée que celles-ci émanent d'une pathologie…), le corps médical conditionne encore actuellement cette prise en charge au diagnostic psychologique d'une « dysphorie » de genre (un peu à la manière des tenants du vieux paradigme transexualiste qui cherchaient à distinguer les « vrais » et « pseudo » trans).

C'est donc bien la dimension « subjectiviste » et psychologisante du paradigme « transgenre » ou de la « transidentité » qui fait perdurer la « tutelle médicale » (p.119-120). Selon Pauline Clochec, le traitement des demandes de changement de sexe ne doit pas être encadré et discriminé par une expertise sur ses causalités hypothétiques, mais être soumis à un consentement éclairé des personnes.

Du point de vue pragmatique (manières de répondre aux demandes de changement de sexe) et du point de vue théorique (face aux errements des théories psychologisantes), le changement de sexe doit donc être pensé comme une « transexuation », c'est-à-dire comme un simple « passage » d'un sexe à un autre (ou à une catégorie non-binaire) d'après des « pratiques » concrètes et une « trajectoire » (p.127-128).

En conclusion de son livre, Clochec synthétise son propos et propose certaines perspectives pour l'élargir. Elle rappelle qu'une « théorie post-identitaire de la transitude » est nécessaire pour dépasser les insuffisances des théories psychologisantes, et parce qu'elle permet de penser celle-ci comme une forme effective de sexuation physique et sociale. Plus précisément, penser en termes de transexuation indique l'aspect « temporaire » de la transitude : elle n'est logiquement pas une identité permanente. Fixer les personnes trans dans une identité singulière tend à conforter les idéologies basées sur la dualité des sexes, et apparaît discriminant puisque le sexe d'arrivée est minoré.

Ce n'est pas le changement de sexe en lui-même mais bien les oppressions sociales qui « assignent à la transitude comme à un stigmate » (p.137). Le paradigme « transgenre » ou de la « transidentité » a certes eu son utilité politique à une certaine époque : d'une part pour contrer l'hégémonie des discours psychiatriques, d'autre part pour fonder des revendications des populations trans dans une période de « reflux des luttes sociales » (p.138) à la fin du XXe siècle.

Cependant, avec le renforcement des mouvements féministes au début du XXIe siècle, ce paradigme identitaire n'est plus complètement opérant puisque les pratiques militantes trans s'orientent davantage vers les problématiques socio-économiques et sur l'action collective. Les théories matérialistes, qui s'appuient sur les paradigmes identitaires tout en les dépassant, impliquent plusieurs perspectives. Du point de vue théorique, elles incitent à penser la transitude en termes de « trajectoire de sexuation », dans son effectivité et sa réalité sociale et corporelle.

Du point de vue politique, elles incitent à « ne plus penser le genre comme une propriété individuelle mais comme un rapport social » (p.140) ce qui implique une articulation avec les luttes féministes opposées au système patriarcal. En outre, les perspectives matérialistes amènent à considérer que c'est l'appartenance à une classe de sexe qui, en s'articulant avec les autres rapports de domination (race, classe sociale…), détermine concrètement l'existence des personnes (plutôt que leur identité subjective). Enfin, en termes cliniques, le consentement informé doit remplacer le diagnostic médical dans la réponse aux demandes de changement de sexe.

Alors que la condition des personnes concernées par la transitude fait fréquemment polémique, dans les débats médiatiques autant que dans les mouvements féministes, l'ouvrage de Pauline Clochec et les travaux menés avec ses collègues et camarades semblent proprement salutaires.

D'abord parce que l'écriture de Clochec est d'une grande clarté et la forme de son discours est souvent didactique, ce qui rend ses sujets très abordables, même pour des lecteur·rice·s qui les pratiquent peu. Ensuite, parce que la perspective matérialiste appliquée à la transitude semble particulièrement innovante et permet de dépasser nombre d'apories des paradigmes passés (et récupérés, voire stéréotypés par des discours carrément transphobes). Enfin, parce que la perspective adoptée n'est pas pure spéculation, mais a largement de quoi nourrir les mouvements féministes, qu'elle invite d'ailleurs à rejoindre. Un livre de lutte et de réflexion, en tous points éclairant.

*

Illustration : Photothèque rouge / Martin Noda / Hans Lucas.

Notes

[1] Sur la dimension de l'exploitation des femmes par le capitalisme patriarcal, voir Silvia Federici, Morgane Kuehni, Maud Simonet et Morgane Merteuil, Travail gratuit et grèves féministes (coordonné et introduit par Soline Blanchard, Sébastien Chauvin, Nils Kapferer, Sabine Kradolfer, Morgane Kuehni, Frédérique Leresche), Genève, Entremonde, coll. « A6 », 2020, 108 p., post. Charlène Calderaro ; voir ma note de lecture à l'adresse suivante : https://www.jlouli.fr/greves-feministes-contre-lexploitation-des-femmes-par-le-capitalisme-patriarcal/

[2] Dans la perspective du féminisme matérialiste, la notion de « classes de sexe » renvoie à l'idée qu'un rapport social de domination oppose structurellement la classe des personnes assignées au sexe masculin et la classe des personnes assignées au sexe féminin. Dans la perspective du matérialisme trans, cette notion est utilisée dans : Emmanuel Beaubatie (2021). Transfuges de sexe. Passer les frontières du genre. Paris : La Découverte, 192 pages, dont on peut lire des extraits sur Contretemps : https://www.contretemps.eu/transidentites-transfuge-sexe/

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Des jeunes femmes mènent la « révolution du bâton lumineux » pour renverser le président antiféministe de la Corée du Sud

28 janvier, par Hawon Jung — , ,
Yoon Suk Yeol a accédé au pouvoir en courtisant les antiféministes. Maintenant, les jeunes femmes vont être sa perte. Tiré de The Nation (…)

Yoon Suk Yeol a accédé au pouvoir en courtisant les antiféministes. Maintenant, les jeunes femmes vont être sa perte.

Tiré de The Nation
https://www.thenation.com/article/world/south-korea-feminist-movement-light-stick-revolution-yoon-suk-yeol/
27 décembre 2024

Des manifestants agitent des bâtons lumineux lors d'une manifestation réclamant la démission du président Yoon Suk Yeol devant l'Assemblée nationale de Séoul, le 10 décembre 2024.

Pendant des semaines, Lee Ha-Jin est sorti par un temps glacial pour rejoindre les centaines de milliers de Sud-Coréens dans les rues appelant à l'éviction du président Yoon Suk Yeol après sa déclaration de la loi martiale. Le plus souvent, l'enseignante de 29 ans a déclaré qu'elle était entourée d'autres jeunes femmes comme elle : « Tant de femmes, y compris moi-même, attendent un moment comme celui-ci depuis longtemps, parce que nous en avions tellement marre de toute cette haine à notre égard au cours des deux dernières années. »

Depuis que Yoon a pris le pouvoir sur une plateforme antiféministe en 2022, Lee a déclaré qu'elle avait vu la misogynie en ligne et le barrage d'attaques contre les droits des femmes augmenter. Aujourd'hui, les jeunes femmes se mobilisent pour faire tomber Yoon ; ils alimentent les manifestations de masse qui ont poussé les législateurs à voter en faveur de sa destitution le 14 décembre. Agitant des bâtons lumineux K-pop qui transforment les rues en une mer de couleurs mouvantes, les femmes dans la vingtaine et la trentaine sont devenues un symbole de solidarité civique et des défenseures de la démocratie contre l'autoritarisme et la misogynie.

Dans le même temps, la chute de Yoon sert d'avertissement sur la montée du populisme antiféministe dans de nombreuses régions du monde : un politicien qui rejette délibérément les droits des femmes est exactement le type de leader qui pourrait un jour menacer la démocratie d'une nation.

À Washington, l'administration Biden a félicité Yoon pour avoir adopté une position plus dure envers la Chine et la Corée du Nord et pour avoir noué des liens plus étroits avec le Japon, l'ancien dirigeant colonial de la Corée. La performance de Yoon chantant « American Pie » à la Maison Blanche lors de sa visite d'État l'année dernière charmé l'establishment de Washington. Kurt Campbell, le secrétaire d'État adjoint américain, a même déclaré que Yoon méritaient le prix Nobel de la paix ainsi que le Premier ministre japonais Fumio Kishida pour le renforcement des liens entre les deux principaux alliés des États-Unis en Asie.

Mais dans son pays, Yoon était un dirigeant impopulaire dont la cote de popularité était bien inférieure à celle de ses prédécesseurs. Yoon, un ancien procureur sans expérience politique préalable, a fait l'objet de critiques constantes pour son style de gouvernement combatif, ses erreurs de politique intérieure, son mépris pour les droits des minorités sociales et les allégations de corruption contre la première dame. La politique de Yoon concernant les femmes, en particulier, a suscité l'inquiétude avant même qu'il n'entre en fonction. Au cours de son Campagne présidentielle, il a promis de démanteler le ministère de l'Égalité des sexes du pays, bien que la Corée du Sud ait l'un des pires bilans en matière de droits des femmes dans le monde industrialisé.

Depuis trois décennies, la Corée du Sud a le plus grand écart de rémunérationentre les sexes parmi les pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques. Il s'est également toujours classé comme Le pire endroit avec une économie avancée d'être une femme qui travaille. Mais Yoon a nié l'existence d'un sexisme structurel, a blâmé le féminisme pour les faibles taux de natalité du pays et a promis de punir plus sévèrement les femmes qui font de fausses allégations d'agression sexuelle. Les promesses ont fait écho aux cris de ralliement de la « manosphère » coréenne – une constellation de forums Internet populaires auprès des jeunes hommes et où la misogynie est répandue.

Après la victoire de Yoon aux élections avec l'énorme soutien des jeunes hommes, l'égalité des sexes est devenue un sujet tabou dans la vie publique et les gains réalisés par le passé pour les femmes ont été réalisésattaqué.

Sous Yoon, le gouvernement a décidé de Supprimer le terme « l'égalité des sexes » et les références aux minorités sexuelles dans les nouveaux manuels scolaires. Les bureaux de l'État qui s'occupaient auparavant des politiques en faveur des femmes ou de l'égalité des sexes se sont rebaptisés responsables de la « famille » ou des « enfants », se concentrant uniquement sur les femmes en tant que mères. Les budgets publics destinés à aider les victimes de violence ou de discrimination sexistes ou à enseigner aux enfants leurs droits sexuels ont été considérablement réduits, voire supprimés. Yoon n'a pas pu démanteler le ministère de l'Égalité des sexes en raison de l'opposition des législateurs, mais le ministère a perdu de l'influence, Yoon laissant le poste de ministre vacant pendant près d'un an.

Le gouvernement et le parti de Yoon ne se sont pas contentés de s'en prendre aux femmes. Militants des droits des personnes handicapées exiger un meilleur accès aux transports publics a fait l'objet d'une répression de plus en plus violente de la part des autorités, ainsi que d'une condamnation en ligne après qu'un ancien dirigeant du parti de Yoon a qualifié leurs manifestations de « non civilisées ». La police et les procureurs ont sévèrement réprimé les syndicats qui réclamaient de meilleures conditions de travail, tandis que le parti de Yoon préconisé de moins rémunérer les travailleurs migrants que le salaire minimum. Alors que Yoon a déclaré la guerre aux « fausses nouvelles », le nombre de poursuites en diffamation intentées par des responsables de l'administration et des politiciens contre des journalistes critiques poussèrent, envoyant le classement mondial du pays en matière de liberté de la presse plongeant.

La commission des droits de l'homme de la Corée du Sud est maintenant dirigée par un ancien procureur conservateur qui s'oppose, entre autres, à l'interdiction de la discrimination fondée sur des caractéristiques telles que le sexe, le handicap ou l'orientation sexuelle – une idée précédemment soutenue par sa propre commission. Il affirme qu'une loi anti-discrimination porterait atteinte à « la liberté d'expression » de critiquer l'homosexualité et déclencherait une « révolution communiste ». Entre-temps, en seulement un an, les bibliothèques des écoles publiques ont supprimé plus de 2 500 livres sur l'éducation sexuelle, l'égalité des sexes ou le féminisme, y compris un roman de la lauréate du prix Nobel Han Kang et une biographie de Ruth Bader Ginsburg – en réponse aux campagnes croissantes de groupes conservateurs visant à interdire de tels livres pour des raisons telles que la « promotion de l'homosexualité ».

Dans ce contexte, Yoon a décrété la loi martiale, qui, selon lui, visait à endiguer les « forces pro-Corée du Nord et anti-étatiques » – un terme utilisé par les dictateurs militaires des années 1960 aux années 1980 pour réprimer la dissidence politique. Selon la déclaration de la loi martiale de Yoon – la première imposée dans le pays depuis plus de quatre décennies – toutes les activités politiques, y compris les manifestations de rue, étaient interdites et l'armée contrôlait les médias. Mais les législateurs de l'opposition ont affronté des soldats armés, escaladé des murs et sont entrés dans le bâtiment de l'Assemblée nationale au milieu de la nuit pour voter contre la loi martiale. Dans une remarquable démonstration de solidarité civique et de courage, des milliers de citoyens, dont beaucoup se souviennent de la brutalité du régime militaire, se sont également précipités au parlement et ont empêché les troupes d'entrer dans l'enceinte. Six heures après son annonce, Yoon a levé la loi martiale, mais, poussées par des jeunes femmes comme Lee, les manifestations de rue exigeant son éviction se poursuivent.

« J'avais tellement de colère et de frustration refoulées à propos de toutes les attaques contre les femmes, les minorités sociales et notre démocratie déchaînées ces dernières années, et j'ai senti que l'occasion de faire entendre ma voix était enfin venue », a déclaré Lee. « Je devais juste être là quoi qu'il arrive, et je pense que beaucoup d'autres femmes ont probablement ressenti la même chose. »

De multiples analyses montrent que les femmes d'une vingtaine d'années constituent le groupe démographique le plus important lors des récents rassemblements anti-Yoon. Lorsque plus de 400 000 manifestants se sont rassemblés près du parlement lors du vote de destitution de Yoon le 14 décembre, des adolescentes et des femmes dans la vingtaine et la trentaine ont compté Plus de 35 % de la foule, bien plus nombreux que leurs pairs masculins, qui représentaient environ 10 %. Agitant des bâtons lumineux de différentes couleurs et formes qui représentent leurs stars préférées de la K-pop, les jeunes femmes, rejointes par d'autres participantes, ont chanté, dansé et scandé à l'unisson « impeachment Yoon Suk Yeol ! » au rythme des chansons de K-pop, transformant les manifestations enDes rallyes musicaux tapageurs.
Ils étaient prêts à se mobiliser. Les fandoms de K-pop sont francs et très organisés, motivés par le sens de la communauté parmi les jeunes fans féminines. Ces dernières années, les jeunes femmes ont également mené de nombreuses manifestations de masse, que ce soit pour dépénaliser l'avortement ou pour condamner les crimes généralisés de pornographie espionnée.

« Les manifestations de rue font naturellement partie de ma vie depuis quelques années », m'a dit Shim Eun-Hye, une employée de bureau de 31 ans. Elle avait déjà participé à plusieurs rassemblements pour condamner les crimes pornographiques truqués et les meurtres très médiatisés de femmes par des partenaires ou des collègues. « Donc, pour moi et beaucoup de mes amis, il n'y avait aucun doute que nous devrions sortir pour évincer Yoon. »

Leur présence a dynamisé les manifestations, qui ont maintenant été surnommées la « révolution du bâton lumineux » à la suite des manifestations de masse de la « révolution des bougies » qui ont conduit à la destitution de la présidente Park Geun-Hye en 2017.

Contrairement aux rassemblements précédents qui se concentraient sur les dirigeants politiques, les récentes manifestations visaient à soutenir les femmes, les minorités sexuelles, les personnes handicapées, les agriculteurs, les migrants et les cols bleus. Lorsque la police a empêché des dizaines d'agriculteurs ruraux sur des tracteurs d'entrer à Séoul pour participer à des rassemblements anti-Yoon, des milliers de manifestants, pour la plupart des jeunes femmes, se sont joints à l'affrontement de rue et ont manifesté contre ce qu'ils considéraient comme une réponse policière musclée. La solidarité avec les agriculteurs – et l'attention qu'elle a suscitée de la part des législateurs et des journalistes – a poussé les autorités à bouger, permettant aux tracteurs de se diriger vers le bureau de Yoon au milieu des acclamations de la foule agitant des bâtons lumineux.

« Nous savons maintenant que notre indifférence face au désespoir des minorités nous reviendra comme une lame de couteau menaçant nos propres vies », a déclaré Kim Je-Na, une femme d'une vingtaine d'années, sur la scène près du parlement lors d'une récente manifestation, suscitant les acclamations de la foule. « Ici, sur cette place, nous apprendrons à nous unir, à lutter ensemble et à former une solidarité les uns avec les autres. »

Lorsque la motion de destitution de Yoon a été adoptée par le Parlement,la foule à l'extérieur éclater en chantant « Into the New World » est une chanson du groupe de K-pop Girls' Generation qui est devenue un hymne de protestation en Corée du Sud. Lee et sa sœur, agitant leurs bâtons lumineux, ont chanté : « N'attendez pas un miracle particulier. La route cahoteuse qui s'offre à nous est un avenir et un défi inconnus... Mais nous ne pouvons pas abandonner.

Yoon, suspendu de ses fonctions, reste provocateur, jurant de « se battre jusqu'au bout », tandis que la Cour constitutionnelle délibère pour savoir s'il doit être démis de ses fonctions ou réintégré pour une période pouvant aller jusqu'à six mois. Pour justifier son recours à la loi martiale, Yoon a répété Allégations non fondées sur la compromission du système électoral du pays, faisant écho aux théories du complot poussées par d'autres personnalités de droite comme Donald Trump ou l'ancien dirigeant brésilien Jair Bolsonaro. (La nuit de la loi martiale, des soldats armés ont brièvement fait irruption au siège de la commission électorale sud-coréenne une mission de saisir des serveurs informatiques et d'arrêter des fonctionnaires électoraux). Désormais retranché à sa résidence, Yoon a refusé de se conformer à une citation à comparaître devant les procureurs pour être interrogé sur des allégations d'insurrection.

Mais le public n'est pas du côté de Yoon. Dans des enquêtes récentes, 70 pour cent des Sud-Coréens ont déclaré que Yoon devrait être immédiatement arrêté et75 pour centa déclaré que Yoon devrait être destitué. Alors que la Cour constitutionnelle entamait des démarches officielles pour examiner le cas de Yoon, des centaines de milliers de personnes se sont à nouveau rassemblées près du tribunal le 21 décembre, appelant à l'arrestation de Yoon et à sa destitution.

« Les jeunes femmes sont toujours descendues dans la rue chaque fois que notre démocratie était menacée », a déclaré Lee, qui a également assisté à de nombreuses manifestations aux chandelles de 2016-2017. « Je reviendrai toujours ici... jusqu'à ce que notre démocratie soit restaurée.

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L’asservissement des employées de maison révèle la logique brutale des chaînes de soins mondiales

28 janvier, par Ishara Rangani Wijayamuni — , , ,
« Parfois, je n'ai même pas le temps d'aller aux toilettes. Les jours très chargés, je porte des couches. C'est le côté pathétique de ce travail domestique rémunéré ». Tiré (…)

« Parfois, je n'ai même pas le temps d'aller aux toilettes. Les jours très chargés, je porte des couches. C'est le côté pathétique de ce travail domestique rémunéré ».

Tiré de Entre les lignes et les mots

Ce témoignage est tiré de l'un des six entretiens semi-structurés menés en 2023 avec des femmes sri-lankaises travaillant comme employées de maison au Koweït. Depuis les réformes de laissez-faire de 1977, le Sri Lanka est devenu un important exportateur de main-d'œuvre vers les pays du Conseil de coopération du Golfe. Une part importante de cette main-d'œuvre est constituée de femmes qui émigrent en tant qu'employées de maison, contribuant ainsi de manière substantielle aux revenus du Sri Lanka. Ces travailleuses sont souvent confrontées à de graves difficultés sociales et physiques dans les pays de destination en raison des inégalités mondiales et de la violence structurelle inhérente aux systèmes de soins transnationaux, en particulier l'exclusion violente imposée par le système de la Kafala.

De nombreuses femmes, parfaitement conscientes des conditions de travail épouvantables dans la région du Golfe, émigrent à plusieurs reprises pour assurer le bien-être de leur famille. Ces migrations répétées entraînent des crises reproductives extrêmes, tant au niveau domestique qu'au niveau du corps, ce qui leur donne l'impression d'être asservies. Cet article montre comment diverses forces systémiques au sein des chaînes de soins mondiales aggravent leur crise de reproduction sociale et contribuent à la dévalorisation de leur travail et de leur personne.

La fuite comme seule option

La pauvreté, la faim et la violence sexiste poussent les femmes sri-lankaises à émigrer, utilisant le travail de soins transnational comme moyen d'échapper aux difficultés économiques et à la violence. Aucune des personnes interrogées ne considère sa migration comme une option parmi d'autres pour surmonter les difficultés économiques ; elles la considèrent plutôt comme leur seul choix viable. Bien qu'elles aient tenté de rester au Sri Lanka en acceptant des emplois dans l'industrie de l'habillement ou en créant de petites entreprises telles que des ateliers de couture ou de culture de champignons, elles ont été contraintes d'émigrer en raison du manque de soutien du gouvernement aux petites entreprises et de l'inflation récente. Les participantes reprochent au gouvernement sri-lankais de considérer les femmes pauvres comme une simple source de revenus étrangers, convenant uniquement à un travail de soins à l'étranger, plutôt que comme des citoyennes pouvant contribuer au marché du travail national tout en restant dans leur pays d'origine.

Le coût du travail domestique

Dans l'espoir d'échapper à leurs difficultés, les travailleuses domestiques émigrent souvent au Moyen-Orient, où le système de la Kafala est en place. Dans le cadre de ce système, le travail est fortement marchandisé, car l'État accorde aux parrains les pleins pouvoirs sur l'emploi des travailleuses migrantes, y compris la prise en charge de toutes les dépenses et la fourniture d'un logement. Le système de la Kafala crée une dépendance qui engendre un important déséquilibre des pouvoirs, permettant aux employeurs non seulement de contrôler et d'exploiter les conditions de travail, mais aussi d'exercer un contrôle sur le corps des employées (par des violences sexuelles et physiques), sur leurs comportements (en les surveillant à l'aide de caméras) et sur leurs émotions (par des insultes verbales et des réprimandes).

Une personne interrogée a rapporté que la femme de son employeur lui avait brûlé la main pour la punir d'avoir accidentellement brûlé une robe. Une autre a raconté avoir tenté de se suicider en sautant du toit parce qu'elle ne pouvait plus supporter la violence physique et sexuelle de son employeur. Certaines personnes interrogées ont décrit le manque d'accès à la nourriture et aux besoins d'hygiène de base, tandis que d'autres n'étaient autorisées à manger que les restes. Un employeur a compté avec précision les œufs et les mangues, et a mesuré le jus et le lait avant de quitter la maison pour s'assurer que la travailleuse domestique ne puisse pas consommer la nourriture de l'employeur.

Les récits concernant le manque de temps pour les soins personnels, y compris l'impossibilité de prendre un bain, d'utiliser les toilettes, de se reposer ou de dormir, en raison des longues heures de travail (14 à 20 heures par jour), illustrent encore la crise de reproduction sociale que les travailleuses domestiques subissent physiquement. Une personne interrogée a expliqué qu'elle travaillait de 3h30 du matin à 12h30 ou 1h00 du matin le lendemain, la plupart du temps sans véritable pause, puis qu'elle se lavait rapidement avant de remettre son uniforme. Elle a expliqué qu'elle n'avait jamais dormi sans son uniforme depuis qu'elle avait commencé à travailler dans le ménage actuel. Le fait qu'elle remette son uniforme avant de dormir juste pour gagner 10 à 15 minutes de repos supplémentaires symbolise l'extrême crise de reproduction sociale que subissent ces travailleuses. Une autre personne interrogée, qui a laissé sa fille de deux ans au Sri Lanka, a commencé à allaiter alors qu'elle s'occupait de l'enfant de son employeur. Son employeur l'a emmenée chez un médecin au Koweït pour qu'il supprime la lactation et qu'elle puisse travailler sans difficulté. Cet incident illustre la marchandisation du travail de soins, qui permet aux employeurs de contrôler le corps des travailleuses domestiques et leurs besoins en matière de reproduction sociale.

Cette recherche identifie la crise de la reproduction sociale à deux niveaux. Au niveau des ménages, les femmes migrantes fournissent un travail essentiel pour soutenir la reproduction sociale dans les pays d'accueil, ce qui crée une crise des soins dans leur pays d'origine en raison du déficit de soins qui en résulte. Au niveau personnel, les travailleuses domestiques luttent pour satisfaire leurs propres besoins de reproduction sociale. Cette double charge se manifeste par une crise de la reproduction sociale.

Les racines de la crise de la reproduction sociale

Le travail de reproduction sociale a traditionnellement été relégué aux femmes dans les différents systèmes de production. Toutefois, dans le système capitaliste, la séparation spatiale de la reproduction et de la production a entraîné une division sexuée du travail, associant principalement les femmes au travail domestique et reproductif. Cette division renforce les inégalités entre les sphères en dévalorisant le travail de soins. Les sphères de la production et de la reproduction fonctionnent selon des règles et des hiérarchies distinctes, ce qui crée des disparités en termes de conditions de travail, d'avantages, de liberté personnelle et d'engagement social. Ainsi, le travail de soins, principalement effectué par les femmes dans la sphère domestique, devient essentiel mais invisible.

La dévalorisation des soins et du travail domestique est encore exacerbée par la féminisation de la migration. De nombreux pays en développement encouragent le travail de soins dévalorisé et transnational dans des conditions précaires comme stratégie pour surmonter la pauvreté, le chômage et les problèmes de dette extérieure causés par l'ajustement structurel et les politiques de libre marché. Les gouvernements tirent profit de la migration des femmes en allégeant la pression du chômage, tandis que les transferts de fonds des travailleuses contribuent de manière significative au développement économique. Cependant, la séparation géographique des travailleuses domestiques migrantes de leur famille entraîne un déficit de soins au sein de leur propre foyer, ce qui conduit en fin de compte à une crise de reproduction sociale.

Au niveau corporel, l'épuisement et la lutte pour satisfaire leurs propres besoins de reproduction sociale que les travailleuses domestiques migrantes endurent dans les pays de destination reflètent les racines du capitalisme et du patriarcat. Les longues heures de travail sans pause, les heures supplémentaires non rémunérées et les mauvaises conditions de travail sont les produits d'un système capitaliste qui privilégie les profits au détriment du bien-être des travailleuses. Cette exploitation illustre la manière dont le capitalisme utilise les femmes du Sud comme source de main-d'œuvre bon marché, les considérant comme une armée de réserve prête à occuper des emplois dévalorisés dans les pays développés.

Cette dynamique met en évidence la manière dont les inégalités mondiales exploitent les femmes de couleur, renforçant les disparités économiques et raciales, tandis que le patriarcat et le capitalisme obligent ces femmes à donner la priorité aux soins des autres, négligeant ainsi leurs propres besoins de reproduction sociale en raison de leur incapacité à s'occuper physiquement de leurs propres enfants. Les femmes migrantes et leurs enfants portent le fardeau émotionnel de la séparation géographique – les femmes ne pouvant pas s'occuper de leur propre famille et les enfants ne pouvant pas recevoir les soins dont ils ont besoin.

Les travailleuses se défendent

Bien que les travailleuses domestiques migrantes soient constamment confrontées à des charges quotidiennes dues à la violence structurelle inhérente au travail de soins, elles défient constamment ces forces et dynamiques de pouvoir grâce à leur capacité d'action et à leur résilience. Une personne interrogée a décrit comment elle s'est opposée à la tentative du fils adulte de son employeur de la frapper en entamant une grève et en refusant de travailler jusqu'à ce que la femme de l'employeur promette que de telles situations ne se reproduiraient plus.

Les récits révèlent comment les travailleuse organisent leur résistance par diverses méthodes, notamment en guidant les nouvelles migrantes via WhatsApp, en enseignant l'arabe, en partageant des histoires, en motivant d'autres travailleuses domestiques et en discutant de leurs problèmes lors de sessions TikTok en direct. Les actes significatifs d'action collective au-delà de leurs luttes quotidiennes isolées comprennent l'établissement de réseaux de soutien social et la prise de contact avec des figures d'autorité, telles que des politicien·nes, par le biais de sessions TikTok en direct pour sensibiliser à leurs problèmes.

Bien que les travailleuses domestiques migrantes restent prises au piège d'une crise de reproduction sociale extrême, le gouvernement sri-lankais a activement encouragé la migration pendant la crise économique actuelle en assouplissant les restrictions précédemment imposées aux travailleuses. Cette approche est considérée comme une stratégie de survie, utilisant effectivement les corps des femmes comme des « solutions rapides » pour faire face à la crise économique. Ces amendements gouvernementaux soulignent une fois de plus l'impact disproportionné des politiques néolibérales liées au capitalisme sur les femmes. Ils soulignent la coercition exercée sur les femmes du Sud pour qu'elles émigrent afin d'occuper des emplois précaires et mal rémunérés, comme le travail de soins dans les pays plus riches.

Ishara Rangani Wijayamuni
Ishara Rangani Wijayamuni est titulaire d'un master en économie politique mondiale et développement de l'université de Kassel. Son mémoire de maîtrise portait sur l'exclusion sociale des travailleuses domestiques migrantes sri-lankaises, en s'appuyant sur les chaînes de soins mondiales et la théorie de la reproduction sociale pour analyser les impacts socio-économiques plus larges de la migration et de l'inégalité entre les hommes et les femmes.

https://globallabourcolumn.org/2024/12/16/domestic-workers-bondage-exposes-the-brutal-logic-of-global-care-chains/
Traduit avec DeepL.com (version gratuite)

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Emploi, bébé, égalité : l’initiative sur le congé familial n’est pas la solution !

Le 14 juin dernier, le SSP a lancé un sondage auprès de ses membres afin de mieux connaitre le vécu des parents travaillant dans les services publics et parapublics. Nous nous (…)

Le 14 juin dernier, le SSP a lancé un sondage auprès de ses membres afin de mieux connaitre le vécu des parents travaillant dans les services publics et parapublics. Nous nous sommes intéressées à la période qui va de l'annonce de la grossesse ou de l'adoption jusqu'au retour en emploi, ou pas. Nous avons aussi voulu savoir comment cela se passe pour le père/l'autre parent. Le résultat confirme que la politique familiale de la Suisse reste largement insuffisante.

Tiré de Entre les lignes et les mots

Mardi 17 décembre 2024
de : Commission fédérative féministe du SSP (Le SSP est le syndicat des secteurs public et parapublic.)

Eric Roset

Il y a un grand besoin d'agir ! Nous avons donc élaboré 14 recommandations pour améliorer la situation des parents salariés, en particulier des mères.A lire ici.

La Commission féministe du SSP s'oppose à toute idée de supprimer, au nom d'une égalité abstraite, le congé maternité, spécifique aux mères, comme veut le faire l'initiative pour le congé familial. Cette proposition remet en cause un droit que les femmes de ce pays ont obtenu de haute lutte.

Les résultats du sondage

1684 personnes ont répondu au questionnaire. Les trois quarts des personnes ayant répondu au questionnaire sont des mères d'un ou plusieurs enfants. Les résultats montrent que les employeurs ne respectent pas leurs obligations légales dans de nombreux cas : 48% des femmes n'ont reçu aucune information concernant leurs droits, notamment tout ce qui concerne la protection de leur santé et ce malgré dispositions légales claires en la matière. 80% des travailleuses enceinte ont été arrêtés pendant la grossesse. Cela montre que l'exigence de rester en emploi jusqu'à l'accouchement n'est pas réaliste, en particulier pour des raisons médicales.

Dans le secteur public et subventionné, le congé maternité est en général de 16 semaines et peut aller jusqu'à 20 semaines. De nombreuses mères prolongent le congé, le plus souvent à leur frais, en prenant des vacances, des heures supplémentaires ou un congé non payé. Concernant le père/autre parent, seul un sur dix a pris un congé plus long que deux semaines. 85% des mères reviennent après le congé maternité, mais un peu plus d'une sur dix (12%) a dû accepter des conditions non souhaitées. 15% ne reviennent pas principalement parce qu'elles n'ont pas pu réduire leur taux d'activité, ont vécu une situation difficile, voire une rupture de contrat de travail. Les résultats montrent aussi que le droit à allaiter sur le lieu de travail, n'est pas respecté : seule une minorité a bénéficié d'un local d'allaitement, moins d'un tiers des pauses allaitement, alors que ces dispositions sont prévues par la loi.

Nos principales recommandations

La Commission féministe du SSP a élaboré 14 recommandations : parmi celles-ci, certaines font écho au débat actuel sur un congé familial. Pour nous, l'égalité passe par la reconnaissance de la grossesse, de l'accouchement, du post-partum et de l'allaitement, car ces événements ont des effets physiques et psychiques sur la mère. Pendant la grossesse, il est primordial de protéger la santé des travailleuses enceintes. Or la majorité des employeurs ne respecte pas les normes légales, ce qui doit changer. Nous demandons un congé prénatal de 4 semaines. A la naissance du bébé, la mère et le père ne sont pas dans une situation identique. Nous demandons un congé maternité de 24 semaines, une année dans les secteurs à travail continu, comme la santé. Nous sommes évidemment favorables à un congé paternité/autre parent plus long et nous demandons un congé paternité/autre parent de 12 semaines. Nous voulons aussi reconnaître toutes les formes de parentalité. Nous demandons un congé adoption ou d'accueil de 36 semaines à partager entre les parents, et ce pour toutes les formes de parentalité.

Non à la suppression du congé maternité

Une alliance interpartis a lancé il y a deux semaines un projet d'initiative pour un congé familial qui prévoit 18 semaines pour chacun des deux parents. La Commission féministe du SSP est opposée à ce projet car il supprime le congé maternité. Le vécu, l'expérience physique et psychique des mères enceintes et accouchées sont ainsi effacés. Les 36 semaines annoncées, sont calculées y compris le congé maternité et paternité/autre parents actuels, respectivement de 14 et 2 semaines. En clair, les mères n'auraient au maximum que 4 semaines de plus, alors que les pères/autres parents auront 16 semaines de plus. C'est injuste et inadéquat. Le texte d'initiative est dangereux, car il inscrit les 18 semaines par parent uniquement dans les dispositions transitoires et pour une période de 10 ans après l'entrée en vigueur. Et après ? Le congé adoption/d'accueil n'est quant à lui pas mentionné.

Pour nous, une initiative doit préserver le droit actuel et renforcer de manière proportionné le congé maternité et paternité, ainsi que reconnaître toutes les formes de parentalité.

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La lutte contre les licenciements dans l’industrie est une lutte écologiste

28 janvier, par AmiEs de la terre, CGT Total Grandpuits , Extinction Rebellion, Soulèvement de la terre — ,
« Nous pouvons dessiner une autre issue à la crise écologique et sociale, en socialisant sans rachat les usines sous le contrôle des travailleurs, afin de lancer leur (…)

« Nous pouvons dessiner une autre issue à la crise écologique et sociale, en socialisant sans rachat les usines sous le contrôle des travailleurs, afin de lancer leur reconversion écologique entre les mains des travailleurs et des habitants. »

Tiré de Entre les lignes et les mots

Face aux licenciements dans l'industrie, la CGT Total Grandpuits, les Soulèvements de la terre, Extinction rébellion et les Amis de la Terre appellent à « stopper l'offensive des patrons qui cherchent à faire payer aux travailleurs les prix de la crise économique et écologique ».

Vencorex, Arcelor Mittal, Michelin, Auchan, Airbus, Valeo, mais également de nombreux secteur du public… Depuis le début de l'automne, les annonces de plans de licenciements massifs et de fermetures de sites se multiplient sur le territoire. D'après la CGT, 300 000 emplois pourraient être menacés, notamment dans les secteurs de la chimie, la métallurgie et le commerce.

Pendant trop longtemps, écologie et emplois ont été opposés artificiellement par ceux qui avaient tout intérêt à convaincre les travailleurs que les écologistes voulaient fermer leurs usines, seul moyen pour eux de nourrir leur famille, et les écologistes que les travailleurs étaient responsables ou complices de la pollution et des ravages environnementaux. Comble du cynisme, l'écologie a même été utilisée par le patronat pour justifier les licenciements, comme à la raffinerie Total de Grandpuits, où 700 emplois ont été supprimés en 2021 sous couvert d'une hypocrite reconversion « verte » du site, ou actuellement chez Stellantis, où l'usine de Poissy est destinée à devenir un « green campus » du géant de l'automobile.

Face aux licenciements qui se multiplient, jetant des milliers de travailleurs et leurs familles dans la précarité et la souffrance, pendant que les ravages environnementaux s'approfondissent, il est temps d'en finir une bonne fois pour toute cette opposition organisée par les patrons. Ce sont les mêmes qui licencient en masse et qui ravagent le monde, exposant au passage les travailleurs et leur santé au pire des pollutions. Le cas de l'usine Solvay de Salindres, dans le Gard, en est une illustration évidente : après avoir dégradé la santé des travailleurs et l'environnement à coup de polluants éternels pendant des décennies, l'usine ferme en prétextant des normes environnementales trop contraignantes, laissant les travailleurs sur le carreau et les environs de l'usine durablement polluée.

C'est pourquoi la lutte contre les licenciements est aussi une lutte écologiste. Pour stopper l'offensive des patrons qui cherchent à faire payer aux travailleurs les prix de la crise économique et écologique, il faut aujourd'hui se battre au côté du monde du travail et notamment des grèves qui émergent dans différentes entreprises pour interdire tout licenciement. Il est évident que face à la crise écologique, nous ne pouvons pas continuer à produire comme nous le faisons actuellement. Mais il est tout aussi évident que les plans du patronat nous mènent dans une impasse catastrophique sur le plan écologique, et social. Nous pouvons dessiner une autre issue à la crise écologique et sociale, en socialisant sans rachat les usines condamnées à fermer sous le contrôle des travailleurs, afin de lancer leur reconversion écologique entre les mains de ceux qui en ont l'intérêt : les travailleurs et les habitants.

Face à un gouvernement et à un patronat radicalisés qui ont réprimé durement écolos comme travailleurs dans la dernière période, une telle chose ne tombera pas du ciel : elle ne pourra être que le résultat d'une lutte d'ensemble du monde du travail et du mouvement écolo. Une perspective à construire dès maintenant à partir d'un travail d'alliances locales et d'une mobilisation conjointe.

Signataires :

CGT Total Grandpuits
Les Soulèvements de la Terre
Les Amis de la Terre
Extinction Rebellion
https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/231224/la-lutte-contre-les-licenciements-dans-l-industrie-est-une-lutte-ecologiste

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Inde : Les syndicats paysans lancent une campagne pour garantir un prix minimum légal

28 janvier, par Vía Campesina — , ,
Le 7 janvier, en réponse à un appel lancé par le Syndicat Bhartiya Kisan (BKU), des syndicats paysans dans plusieurs états ont mené un effort coordonné à l'échelle nationale (…)

Le 7 janvier, en réponse à un appel lancé par le Syndicat Bhartiya Kisan (BKU), des syndicats paysans dans plusieurs états ont mené un effort coordonné à l'échelle nationale pour soumettre les mémorandums des paysan·nes aux différents sièges administratifs des districts, énumérant une série de demandes concernant les producteurs·rices à petite échelle dans le pays. La lettre a également été soumise au Président de l'Inde, lui demandant une action immédiate sur une série de problèmes critiques affectant les paysan·nes du pays.

Tiré de Entre les lignes et les mots

Dans une déclaration publiée sur sa page Facebook officielle, le BKU a souligné qu'en dépit de deux décennies de mobilisations nationales, le gouvernement n'a pas réussi à mettre en place un prix minimum de soutien garanti légalement, qui soit au moins 50 % au-dessus du coût global de production. Le syndicat a souligné que cette demande de longue date reste sans réponse, même alors qu'un dirigeant syndical paysan prominent est en grève de la faim depuis plus d'un mois pour obtenir une garantie légale pour le prix minimum de soutien. Le BKU a exprimé sa solidarité avec la personne en grève de la faim et a appelé de manière urgente le gouvernement à traiter cette question.

En plus de la demande de prix minimum de soutien, des préoccupations ont été soulevées concernant le retard accumulé dans les paiements de la canne à sucre, ce qui a aggravé la crise financière des familles rurales de paysan·nes. Les syndicats ont également appelé à un allègement global des prêts agricoles pour soulager le fardeau croissant de la dette rurale.

Les syndicats plaident pour que les gouvernements des états adoptent des législations soutenant les coopératives paysannes, les micro, petites et moyennes entreprises (PME) grâce à des prêts soutenus par le secteur public et des initiatives d'approvisionnement. Ils exigent également un soutien accru pour les producteurs·rices à petite échelle afin de les aider à commercialiser leurs biens efficacement.

Les syndicats ont aussi appelé à des amendements urgents de la politique semencière du pays, exprimant leur préoccupation face à l'utilisation croissante de pesticides nuisibles, qu'ils avertissent pourraient poser de graves risques pour la santé publique. Ils ont également demandé au gouvernement de rendre les équipements agricoles et les articles connexes exempts de la taxe sur les biens et services et d'imposer un interdit sur les semences génétiquement modifiées en Inde.

Cette publication est également disponible en English.

https://viacampesina.org/fr/inde-les-syndicats-paysans-lancent-une-campagne-pour-garantir-un-prix-minimum-legal/a

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Le continuum raciste

28 janvier, par Aurélia Michel — , ,
À l'heure de la montée des partis xénophobes et des défilés pronazis en Europe et outre-Atlantique, il est crucial de prendre conscience du continuum de la violence raciste (…)

À l'heure de la montée des partis xénophobes et des défilés pronazis en Europe et outre-Atlantique, il est crucial de prendre conscience du continuum de la violence raciste dans nos sociétés, des remarques et blagues racistes aux violations des droits. Ce concept de continuum peut aider à construire une stratégie politique fondée sur l'antiracisme.

8 janvier 2025 | tiré de la lettre d'AOC media

En mai 2020, la mort de George Floyd, étranglé par un policier à Minneapolis, suscitait une réaction simultanée sur cinq continents qui affirmait d'une manière inédite la réalité et la centralité du racisme dans un monde marqué par l'esclavage et la colonisation. Dans la foulée de ces manifestations, le débat sur l'antiracisme a progressé d'un coup, poussé par l'éclairage brutal des violences policières sur les conséquences directes du racisme.

Qui aurait pu prédire que quatre ans après, nous en serions à devoir espérer qu'en France, un parti ouvertement raciste, xénophobe et antisémite n'arrive au pouvoir par les urnes, ou encore à devoir constater que l'épouvantail du grotesque Donald Trump n'effraie pas la moitié de l'électorat d'une des plus grandes démocraties, bien au contraire ? Moins encore, nous pensions que l'on pourrait recenser dans toute l'Europe défilés pronazis, « ratonnades » et canaux télévisés ouvertement dédiés à l'insulte et l'intimidation raciale.

Ce backlash, prévisible car tous les mouvements d'émancipation le suscitent, déprimant et dangereux pour les populations qu'il expose, a déterminé le débat sur les stratégies de la gauche et plus largement de l'antiracisme – qui de fait ne se confondent pas. Ainsi, de nombreuses initiatives se sont succédées pour se confronter à la question du vote populaire pour le RN et de sa motivation raciste, partagées essentiellement entre deux pistes.

Les premières insistent sur la collusion entre sentiment d'aliénation par les structures capitalistes et expressions racistes, voire envisagent le vote RN comme une conséquence de l'exploitation de classe dont il faudrait déjouer les mécanismes, c'est-à-dire centrer la lutte contre le grand capital et les classes dominantes. Les secondes ne renoncent pas à la dimension accusatoire et morale de la dénonciation des actes et attitudes racistes en pointant le danger de banalisation et le risque que représenterait l'ouverture de ces digues, consubstantielles à l'antifascisme, pour les individus et groupes menacés.

Ce débat fut évidemment au cœur des enjeux électoraux du fameux front républicain pendant les récentes élections nationales, front républicain qui a suscité avant tout, comme certains l'avaient prédit, une alliance de la droite et de l'extrême droite telle celle qui gouverne la France depuis juillet 2024. C'est en effet une question stratégique cruciale. Face à la déferlante historique de l'extrême droite populiste qui traverse toutes les démocraties à l'occidentale, comment voter ? Sur qui taper ? Avec qui s'allier ? À quoi sert de dénoncer les expressions populaires du racisme si on finit par soutenir par le vote la reconduction des pouvoirs qui le produisent ? D'un autre côté, la priorité n'est-elle pas d'endiguer la violence raciste et les dommages concrets qui peuvent s'abattre sur les personnes ? Dilemme.

Comme souvent en la matière, il est utile regarder du côté des outils du féminisme dont les progrès sont plus rapides et les acquis plus consensuels que ceux, timides, de l'antiracisme en France. Notamment, le concept de continuum de violence en matière sexiste et sexuelle, formalisé dans la théorie féministe depuis les années 1980 et introduit dans le débat public français à l'occasion du mouvement MeToo, permet de qualifier et de cartographier la solidarité des mécanismes sexistes de dévalorisation des femmes, dont les aspects parfois tendres ou bienveillants sont à articuler au risque pour les femmes d'être exposées à une violence physique voire mortelle.

À cette occasion, tout le monde a pu constater que la dénonciation des structures sexistes et de leurs manifestations banalisées ne consiste en aucun cas à renoncer à la protection contre le viol, l'inceste ou les violences sur conjoint, à l'appui des législations existantes. De la même manière, nous pouvons mettre en évidence un continuum de violence raciste entre les insultes, les agressions, les appels à la haine ouvertement assumés par des individus, des groupes ou des médias, qui tombent sous le coup de la loi, aux gestes banals et clichés intériorisés qui circulent encore largement dans la société française.

Comme pour le continuum sexiste, il est crucial d'être lucide sur les mécanismes qui « autorisent » les entorses au droit ou à la bienséance

Dans ce domaine, ce sont les attitudes des élites, et plus largement celles des bourgeoisies dont elles sont issues, qui le disent le mieux. Ainsi cette interview de Geoffroy Roux de Bézieux, alors patron du Medef, au lendemain de la mort du jeune Nahel à Nanterre en juillet 2023, qui prétend qu'en « Seine-Saint-Denis, le premier employeur est le trafic de drogue » et se plaint que « ces gens qui travaillent de manière informelle » « refusent des emplois, de sécurité privée par exemple » ou dans le BTP. Ainsi cette scène récente où l'on voit Emmanuel Macron, qui se rêvait sans doute en héros, les manches retroussées en plein marasme après le passage du cyclone Chido à Mayotte, qui crie sur une femme en train d'exprimer les revendications des habitants et finit l'empoigner brutalement pour la faire taire.

Ce que le continuum raciste retrace est précisément le reste actif de la dimension coloniale de notre société, que la gestion gouvernementale des territoires d'outremer, cet héritage insolvable de l'empire colonial français, rend particulièrement visible.

Que ce soit le classement sans suite de la plainte dans l'affaire du chlordécone en Martinique, la gestion policière des revendications liées à la vie chère, le traitement judiciaire d'exception des manifestations en Nouvelle-Calédonie qui se traduit par la détention arbitraire en métropole du leader du mouvement, toutes entorses et distorsions du droit sont permises par l'idée que la République est indivisible, sauf là où s'appliquent des « des dispositions particulières[1] » – c'est d'ailleurs aussi l'expression « particulière » qui désignait pudiquement l'institution de l'esclavage aux États-Unis. Dernière en date, la nomination de Manuel Valls au ministère de l'outremer, un personnage plus que grillé c'est-à-dire sans réelle force politique et dont le parcours s'est illustré par des propos racistes et une gestion policière brutale du conflit social, dit tout le mépris que le nouveau Premier ministre réserve aux populations ultramarines.

Comme pour le continuum sexiste, il est crucial d'être lucide sur les mécanismes qui « autorisent » les entorses au droit ou à la bienséance, telles les mauvaises blagues potaches du président Macron révélées par un récent reportage du Monde. Ces entorses désignent des dominations qui expliquent les pulsions violentes dont les mouvements populistes, bolsonaristes, trumpistes ou autres, offrent le lamentable spectacle et constituent de réelles menaces physiques. Nous pouvons déplacer le curseur de l'indignation, mais cela ne changera pas le diagnostic : la structure raciste, c'est-à-dire coloniale et post-esclavagiste, des dispositifs de pouvoir.

Ce concept de continuum pourrait aider, en retour, à construire une stratégie politique fondée sur l'antiracisme qui consiste à défaire ces dispositifs ou, pour le moins, à détourner leurs effets : un continuum antiraciste qui, au lieu de construire une alternative entre les bourgs et les tours, articulerait, sur une gradation de la radicalité politique vers le progressisme bon ton, les enjeux d'un démantèlement de ces structures coloniales et raciales.

Ce continuum antiraciste pourrait être une boussole politique en pointant la continuité de la tolérance de la violence infligée aux corps et aux âmes palestiniennes avec celle subie par les populations africaines prises dans les désastres de la post-colonialité, ou encore celle quotidienne des naufrages mortels en Méditerranée, non pas comme une réaction uniquement morale, urgente et indignée, mais comme une question posée frontalement à l'ordre du monde, à notre marché de l'emploi et du logement, à l'application de nos politiques sociales, à l'accès aux droits civils dans nos démocraties, ou encore à la structure de notre consommation et la répartition géographique des risques socio-environnementaux qu'elle implique, par exemple lorsque se négocie le traité du Mercosur.

Il faut un continuum antiraciste comme boussole pour imaginer les formes de justice et de gouvernement capables d'affronter les défis environnementaux, géopolitiques, sanitaires et migratoires qui sont aujourd'hui bien dessinés. Il faut un continuum antiraciste pour admettre que les droits sociaux, politiques et civils tout comme les politiques publiques ne peuvent plus être contenues ni promises dans la nationalité, avec les exclusions que cette dernière suppose voire encourage.

Il nous faut désormais des institutions et des mécanismes de redistribution du pouvoir qui dépassent la notion de souveraineté territoriale ou d'égalité des « egos », dont la définition est toujours piégeuse, pour prendre en compte sérieusement les régimes de codépendance, de responsabilité entre les générations et entre les territoires, et souhaiter, avec les mots de Kaoutar Harchi, pour les êtres – qu'ils soient adultes ou pas, citoyens, humains ou non – « qu'ils ne soient qu'à eux-mêmes ».

Il nous faut construire le continuum antiraciste pour sortir de la colonialité qui est insidieusement inscrite dans notre modèle anthropologique issu des révolutions du XVIIIe siècle. Tout simplement parce que, du fait des dérèglements climatiques qui nous attendent, qu'on le regrette ou non, ce modèle n'est plus adapté aux conditions de notre subsistance.

Aurélia Michel

Historienne, Maîtresse de conférence à l'université Paris-Diderot

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Trump : le programme anti-écologique des ultraconservateurs

28 janvier, par Edward Maille — , ,
Donald Trump, investi président des États-Unis ce 20 janvier, veut augmenter la production d'énergies fossiles et réduire les moyens gouvernementaux de protection de (…)

Donald Trump, investi président des États-Unis ce 20 janvier, veut augmenter la production d'énergies fossiles et réduire les moyens gouvernementaux de protection de l'environnement.

Tiré de Reporterre
22 janvier 2025

Par Edward Maille

Donald Trump à un meeting de victoire la veille de son investiture officielle, le 19 janvier 2025 à Washington DC. - © Jim WATSON / AFP

Le souvenir de la première présidence de Donald Trump a de quoi inquiéter. Le milliardaire avait retiré les États-Unis de l'Accord de Paris sur le climat. Il avait détricoté, annulé ou diminué 125 règles et politiques environnementales, selon le Washington Post, avec des conséquences dramatiques.

L'abrogation de régulations pour limiter la pollution durant son mandat avait causé 22 000 morts supplémentaires en 2019, indique une étude publiée dans The Lancet. Son investiture ce 20 janvier comme 47ᵉ président des États-Unis laisse donc craindre, à nouveau, le pire pour l'environnement.

Pour son second mandat, Donald Trump a affirmé vouloir réduire, voire supprimer, le financement de l'Agence de protection de l'environnement (EPA). Avec ses 18 000 employés, elle met en application les régulations environnementales et veille à leur respect. Son affaiblissement provoquerait une détérioration de la qualité de l'air, de l'eau et des sols.

Le poids des ultraconservateurs

Un groupe de réflexion ultraconservateur, The Heritage Fondation, a publié un programme de 900 pages, Project 2025, pour le retour au pouvoir du milliardaire — même si celui-ci nie toute implication. 150 de ces pages sont dédiées à l'environnement et annonce une attaque systématique contre les garde-fous institutionnels du pays.

Le projet suggère des coupes budgétaires, mais aussi un effacement des lois environnementales, comme l'Endangered Species Act pour les espèces protégées ou le Clean Air Act sur la qualité de l'air. Le projet vilipende l'agence National Oceanic and Atmospheric Administration, estimant qu'elle participe à « l'alarme sur le changement climatique ». Cette agence joue un rôle majeur dans la recherche scientifique sur le climat.

Signe que l'inquiétude se propage, depuis la réélection de Trump, plusieurs organisations scientifiques se sont mises à archiver des données publiques, notamment des bases de données fédérales, craignant qu'elles ne soient supprimées par la nouvelle administration.

Faire exploser les forages sur les terres fédérales

Autre source à venir de pollutions supplémentaires, Donald Trump veut accroître les forages pétroliers et gaziers sur les terres fédérales (propriétés du gouvernement). Ces espaces sont gérés par différentes agences, comme le Bureau of Land Management. L'agence protège une partie des terres et administre en même temps des locations de terrains à des entreprises d'énergies fossiles ou d'extractions minières.

« C'est un équilibre, explique Michael Carroll, directeur de campagne pour le Bureau of Land Management au sein de l'organisation The Wilderness Society (Association pour la vie sauvage). Pendant le premier mandat de Donald Trump, la balance penchait nettement du côté du développement des mines et de l'extraction de pétrole et de gaz, au détriment de la protection de l'environnement. C'est une menace pour les “joyaux de la couronne” du pays, c'est-à-dire nos espaces naturels, pour randonner, camper, ou pêcher », s'inquiète-t-il.

Le pétrole provenant de terres et d'espaces maritimes détenus par le gouvernement représente près d'un quart de la production totale du pays, et 11 % de la production de gaz naturel. Même si ces terres ont connu un « record de projets pétroliers et gaziers avec Joe Biden », la situation risque d'empirer avec le nouveau président.

Éloignement drastique des objectifs climatiques

Deuxième risque pour le climat avec l'arrivée de Trump au pouvoir : ne pas atteindre les objectifs nationaux de réduction de gaz à effet de serre. Le magnat de l'immobilier souhaite abroger les politiques climatiques de Joe Biden. Celui-ci a mis en place des mesures ambitieuses, notamment grâce à la loi de réduction de l'inflation — Inflation Reduction Act —, dont le coût est désormais estimé à 1 045 milliards de dollars sur dix ans, selon le Penn Wharton Budget Model.

Son objectif est d'encourager la transition vers des énergies vertes, avec des subventions et déduction d'impôts, et pour le développement de véhicules électriques et d'usines de batteries. « L'inflation Reduction Act est une loi. Donc pour la changer, il faudrait un vote du Congrès. Je ne pense pas qu'il y aura assez de voix [même si la majorité au Congrès est Républicaine]. Car une grande partie de l'argent est envoyée dans des États et circonscriptions dirigées par des Républicains », estime la directrice de l'Initiative pour la sécurité énergétique et sur le climat à la Brookings Institution, Samantha Gross.

Le Démocrate avait fixé comme objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 50 à 52 % d'ici 2030, par rapport à l'année 2005. Selon des projections de l'organisation environnementale America is all in, les politiques actuelles permettraient seulement une réduction de 39 %. Des mesures supplémentaires sont donc nécessaires, mais la réélection de Trump, et la quasi-certitude d'absence de politiques climatiques supplémentaires, compromettent cet objectif.

Une production de pétrole déjà très haute

Donald Trump a promis une « domination énergétique ». Soit l'indépendance énergétique couplée à un renforcement du pouvoir géopolitique étasunien grâce aux exportations. Il souhaite une baisse des régulations pour les entreprises d'énergies fossiles.

Mais si Trump ne cesse de répéter que Biden a freiné la production de gaz et de pétrole, c'est faux. L'extraction et la production de pétrole ont atteint des recordspendant la présidence de Joe Biden. Le pays est le premier producteur mondial. Pas dit, donc, que le républicain puisse faire mieux.

« Un gouvernement dirigé par des milliardaires du secteur des énergies fossiles, c'est un gros problème »

« Toutes les entreprises de pétrole et de gaz prennent des décisions en fonction de leurs intérêts, de leurs ressources, de leur situation financière et des prévisions du marché, dit Samantha Gross. Donald Trump peut mettre à disposition plus de terrains fédéraux et réduire les régulations pour l'extraction, mais je ne pense pas que ces deux facteurs soient les principaux déterminants. »

C'est plutôt au niveau politique que le soutien des entreprises de gaz et de pétrole au président pendant sa campagne inquiète. « On perd du terrain dans la lutte contre le pouvoir des industries d'énergies fossiles, s'inquiète Collin Rees, directeur de campagne chez Oil Change International. Quand on a un gouvernement dirigé par des milliardaires du secteur des énergies fossiles, c'est évident qu'on a un gros problème. »

La justice, dernier rempart ?

Face à ces perspectives, les associations et ONG peuvent essayer d'obtenir des victoires à l'échelle locale, mais aussi juridique. Les tribunaux ont vu ces dernières années de nombreux dossiers arriver, offrant autant de victoires écologiques que de bonds en arrière. En juin dernier, une décision de la Cour suprême mettait fin à la doctrine Chevron, avec comme potentielles conséquences l'affaiblissement du rôle des agences gouvernementales pour protéger l'environnement.

Le président nomme les juges fédéraux, ensuite confirmés par le Sénat. De la même manière que Joe Biden a nommé des juges libéraux, dont l'interprétation du droit peut s'apparenter aux politiques des Démocrates, Donald Trump pourrait nommer des juges conservateurs moins enclins à statuer en faveur de l'environnement.

« Pendant le mandat de Joe Biden, on a vu de nombreuses industries porter plainte dans des États comme le Kentucky ou le Texas, pour avoir un jugement plus favorable par un juge nommé par Donald Trump, explique Kym Meyer, directrice des litiges au Southern Environmental Law Center. Mais pour remettre en cause les mesures de Donald Trump, on ira porter plainte auprès de juges plus justes et impartiaux. »

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50 ans de la Loi Veil : réhabilitons les femmes condamnées pour avortement

Nous, militantes, chercheuses, élu.es, demandons la réhabilitation des femmes injustement condamnées pour avortement. Nous ne pouvons les oublier Tiré de Entre les lignes (…)

Nous, militantes, chercheuses, élu.es, demandons la réhabilitation des femmes injustement condamnées pour avortement.

Nous ne pouvons les oublier

Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/01/20/50-ans-de-la-loi-veil-rehabilitons-les-femmes-condamnees-pour-avortement/?jetpack_skip_subscription_popup

Cinquante ans après l'adoption de la loi Veil, avorter n'est plus un débat en France, c'est un droit fondamental, reconnu par la Constitution. Ces cinquante années de mouvements victorieux pour l'émancipation paraissent courts à l'échelle de l'Histoire de la répression patriarcale qui s'est exercée continûment contre les femmes qui ont eu recours à l'avortement. Nous ne pouvons oublier celles qui ont souffert, celles qui sont mortes des suites d'avortement clandestin et plus encore, celles qui ont été condamnées par des lois iniques. Nous, militantes, chercheuses, élu.es, demandons la réhabilitation des femmes injustement condamnées pour avortement.

Signez la pétition avec notre formulaire

Réparer une injustice historique

Jusqu'en 1975 et la loi Veil, les femmes ayant recours à l'avortement sont poursuivies, jugées, condamnées ou socialement ostracisées pour avoir pratiqué des avortements en application de l'article 317 du Code pénal de 1810. Déjà réprimé sous l'ancien régime, d'après les sources judiciaires de l'époque contemporaine, on trouve par exemple 1 020 condamnations entre 1826 et 1880, 715 entre 1881 et 1909. Après la Première Guerre mondiale, dans une France hantée par l'idée de dépopulation, toute femme « qui se serait procurée l'avortement à elle-même » risque de 6 mois à 2 ans de prison, et de 100 à 2 000 Francs d'amende.

Mais c'est surtout pendant le régime de Vichy que la répression s'intensifie : l'avortement redevient un crime passible de peine de mort et les condamnations de femmes avortées sont multipliées par 7 dans la période charnière de 1940-1943. En 1946, 5 151 affaires d'avortements clandestins sont encore jugées par les tribunaux, plus encore que sous Vichy. La condamnation des avortements perdure largement après la Seconde Guerre mondiale jusqu'à l'amnistie de 1974.

Réhabiliter ces femmes avortées, c'est reconnaître qu'elles ont été condamnées injustement. Il s'agit de restaurer leur dignité mais aussi de leur redonner une digne place dans l'Histoire des femmes et de leurs droits.

Sur le modèle de la proposition de loi votée par le Sénat le 22 novembre 2023 et l'Assemblée nationale le 6 mars 2024 visant à reconnaître la responsabilité de la Nation dans les condamnations pour homosexualité entre 1942 et 1982, une commission indépendante pourrait être chargée de la reconnaissance et de la réparation, matérielle ou symbolique, des femmes injustement condamnées pour avortement.

La mémoire pour changer l'histoire des femmes

A l'heure toutefois où 40% des femmes dans le monde vivent dans un pays qui restreint ou interdit leur droit à l'IVG, à l'heure où elles sont 47 000 à mourir parce qu'on leur refuse un avortement sûr, à l'heure enfin où ce droit recule drastiquement aux Etats-Unis, la réhabilitation que nous demandons est un geste politique fort, dans la continuité de la constitutionnalisation de mars 2024.

Réhabiliter et obtenir réparation pour les femmes condamnées, c'est aussi déconstruire les stigmates qui entourent encore trop souvent l'avortement et écrire un autre récit de l'avortement. Il ne s'agit pas seulement d'un acte médical, mais d'un choix éminemment politique, social et personnel dont aucune femme n'aurait dû se sentir coupable.

Avorter, c'est tout simplement décider pour soi. Parfois un choix, parfois la seule solution. Face aux opposants toujours plus nombreux de la liberté des femmes, la France doit continuer d'affirmer haut et fort que l'avortement est un droit fondamental et inaliénable, une condition essentielle à l'égalité entre les sexes.

En cette année de commémoration, nous appelons à l'adoption d'une loi pour réhabiliter et obtenir réparation pour les femmes condamnées pour avortement avant 1975.

Signez la pétition avec notre formulaire

Premier.es signataires
Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des Femmes
Annie Ernaux, écrivaine
Michelle Perrot, historienne
Christelle Taraud, historienne
Claudine Monteil, historienne
Xavière Gauthier, écrivaine
Bibia Pavard, historienne
Michelle Zancarini-Fournel, historienne
Florence Rochefort, historienne
Julie Gayet, actrice
Maria Cornaz Bassoli, avocate
Suzy Rojtman, co-fondatrice du Collectif féministe contre le Viol
Sarah Durocher, présidente du Planning familial
Chantal Birman, sage-femme
Anna Mouglalis, actrice
Laurence Rossignol, sénatrice
Hussein Bourgi, sénateur
Laure Calamy, actrice
Françoise Picq, historienne
Maria Cornaz Bassoli, présidente de Choisir la cause des femmes
Clémentine Galey, podcasteuse
Stéphanie Hennette-Vauchez, professeure de droit

https://fondationdesfemmes.org/petitions/rehabilitation-avortement/

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La Cour interaméricaine des droits de l’homme fait avancer la justice reproductive avec la décision en faveur de Beatriz et de sa famille

Le 20 décembre 2024, la Cour interaméricaine des droits de l'hommea condamné l'État salvadorien dans le cadre de l'affaire de Beatriz et autres c. Le Salvador. Beatriz était (…)

Le 20 décembre 2024, la Cour interaméricaine des droits de l'hommea condamné l'État salvadorien dans le cadre de l'affaire de Beatriz et autres c. Le Salvador. Beatriz
était une jeune femme et mère salvadorienne qui a vécu une grossesse qui mettait gravement en danger sa santé et dont le fœtus n'était pas viable. Contre sa volonté expresse, les autorités salvadoriennes l'ont privée de la possibilité de mettre un terme à la grossesse en 2013.

tiré de Entre les lignes et les mots

« Ce jugement est un hommage sincère et attendu de longue date à la mémoire de Beatriz et au combat que sa mère Delmy et sa famille ont mené avec des dizaines d'organisations et de réseaux féministes. Grâce à son combat, nous avons un socle de protection juridique plus solide pour la santé reproductive, ce qui est une avancée très positive dans un contexte de tensions régressives dans la région, particulièrement au Salvador », a déclaré Ana Piquer, directrice pour les Amériques à Amnesty International.

Après des années d'une mobilisation féministe en soutien à Beatriz et de sa famille, la Cour interaméricaine des droits de l'homme a enfin conclu que le Salvador avait bafoué les droits de Beatriz à la santé, à la protection judiciaire et à la vie privée, ainsi que le droit de Beatriz et de sa famille à l'intégrité personnelle. La Cour a également reconnu que l'absence de protocoles de prise en charge des grossesses à haut risque, dans un contexte d'interdiction totale de l'avortement, a empêché les autorités d'offrir un traitement médical adapté et en temps opportun à Beatriz, qui a alors été soumise à des violences obstétricales. La Cour a ainsi ordonné à l'État salvadorien d'adopter les mesures réglementaires nécessaires pour la prise en charge des grossesses mettant en danger la vie et la santé des femmes.

« Il s'agit d'une avancée historique, mais ce n'est pas la fin du combat. Amnesty International continuera de soutenir Delmy, sa famille et les personnes qui les accompagnent jusqu'à s'assurer que ce que Beatriz a subi ne se reproduise jamais au Salvador et sur l'ensemble du continent. Toute femme et personne enceinte a le droit à l'avortement, en particulier dans des cas comme celui de Beatriz, lorsque sa vie et sa santé sont menacées », a déclaré Ana Piquer.

La Cour interaméricaine des droits de l'homme a ordonné à l'État de fournir des soins de santé complets à la famille de Beatriz, de fournir une formation en matière de santé maternelle au personnel médical, aux représentant·e·s de l'État et aux magistrat·e·s, et d'adopter les mesures réglementaires nécessaires pour assurer la sécurité juridique dans les cas de grossesse à haut risque. L'État salvadorien devra se conformer à cette décision dans les plus brefs délais et rendre compte des avancées dans un an.

Cette condamnation de la Cour interaméricaine des droits de l'homme est également un appel aux autres États de l'hémisphère, particulièrement ceux qui maintiennent une interdiction totale de l'avortement.

https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2024/12/el-salvador-iacthr-advances-reproductive-justice-with-ruling-in-favor-of-beatriz-and-her-family/
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Rapport de décembre 2024 : Statistiques choquantes sur les exécutions de femmes en Iran

Alors que la peine de mort a été abolie dans de nombreux pays du monde, dans la dictature théocratique iranienne, les exécutions ne sont pas simplement une forme de punition ; (…)

Alors que la peine de mort a été abolie dans de nombreux pays du monde, dans la dictature théocratique iranienne, les exécutions ne sont pas simplement une forme de punition ; elles constituent un outil stratégique permettant à un régime illégitime de maintenir son emprise sur le pouvoir.

Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/01/02/rapport-de-decembre-2024-statistiques-choquantes-sur-les-executions-de-femmes-en-iran/?jetpack_skip_subscription_popup

Télécharger le rapport

Au cours des quatre dernières décennies, les exécutions en Iran ont visé un large éventail d'individus, y compris des dissidents politiques, des minorités ethniques telles que les Kurdes, les Baloutches, les Turkmènes et les Arabes, ainsi que des adeptes de diverses religions.

Amnesty International a indiqué l'année dernière que 74% des exécutions dans le monde en 2023 avaient eu lieu en Iran. En 2024, le nombre d'exécutions dans le pays a augmenté de 15% par rapport à l'année précédente, passant de 850 en 2023 à 997 en 2024, y compris l'exécution de 8 prisonniers politiques.

Le régime clérical n'utilise pas les exécutions pour punir les délinquants ou les criminels, mais plutôt comme un moyen d'instiller la peur dans la société et d'assurer sa survie. Par conséquent, le régime détient non seulement le taux d'exécution par habitant le plus élevé au monde, mais aussi le triste record du plus grand nombre de femmes exécutées dans le monde.

Le premier exécuteur de femmes au monde

Sur les 997 personnes exécutées en Iran en 2024, 34 étaient des femmes. À première vue, la présence de 34 femmes sur près d'un millier d'exécutions ne semble pas particulièrement élevée. Cependant, il est important de considérer qu'aucun autre pays n'exécute ne serait-ce qu'un dixième de ce nombre de femmes.

En outre, compte tenu du rôle maternel des femmes, même l'emprisonnement dans d'autres pays est souvent remplacé par des peines alternatives afin de s'assurer que leurs enfants ne sont pas laissés sans personne pour s'occuper d'eux. Pourtant, en Iran, non seulement des milliers de femmes sont emprisonnées, mais chaque année, certaines d'entre elles sont exécutées, laissant leurs enfants orphelins.

Comparaison statistique des exécutions de femmes en Iran

Selon les données compiléespar la Commission des femmes du Conseil national de la Résistance iranienne, au moins 263 femmes ont été exécutées en Iran depuis 2007.

De 2013 à 2020, soit une période de huit ans, au moins 120 femmes ont été exécutées dans le pays, avec une moyenne annuelle de 15 exécutions. Cependant, en 2024, avec 34 femmes exécutées, le nombre a plus que doublé cette moyenne, marquant une augmentation profondément alarmante.

Depuis l'arrivée au pouvoir d'Ebrahim Raïssi en 2021, le nombre d'exécutions, y compris celles de femmes, n'a cessé d'augmenter. Après la mort de Raïssi, le 19 mai 2023, et l'arrivée au pouvoir de Massoud Pezechkian en août 2023, cette tendance à la hausse s'est encore accélérée.

Sur les 34 femmes exécutées en 2024, 23, soit près de 68%, l'ont été après la mort de Raïssi et pendant le mandat de Pezeshkian. Ce nombre, survenu en seulement sept mois, est 1,5 fois supérieur à la moyenne annuelle de 15 femmes.

Cela fait une moyenne mensuelle de 3,3 femmes exécutées pendant cette période. Le 8 octobre 2024, Pezechkian a ouvertement défendu les exécutions. En comparaison, pendant les 34 mois de la présidence de Raïssi, 63 femmes ont été exécutées, soit une moyenne de 1,85 femme par mois.


Condamnations à mort

Selon des documents divulgués par le Conseil national de la résistance iranienne, plus de 5 000 prisonniers en Iran sont actuellement dans le couloir de la mort. Si ces condamnations sont prononcées sous divers prétextes, elles visent avant tout à préserver le régime clérical, ce qui les classe dans la catégorie des exécutions politiques.

L'année dernière, 2 prisonnières politiques kurdes, Pakhshan Azizi et Varisha Moradi, ont été condamnées à mort. Une militante syndicale,Sharifeh Mohammadi, a également été condamnée à mort, mais son jugement a été annulé par la suite.

En outre, le pouvoir judiciaire du régime a condamné à mort 9 prisonniers politiques accusés d'appartenir à l'Organisation des moudjahidines du peuple iranien.

La campagne « Non aux exécutions »

Depuis février 2024, les prisonniers politiques de la prison de Qezel Hessar à Karadj ont lancé une campagne intitulée « Non aux mardis des exécutions » pour protester contre le nombre croissant d'exécutions en Iran.

Le mardi 30 janvier 2024, un groupe de prisonniers de la prison de Qezel Hesar a annoncé la campagne en déclarant :

« Pour nous faire entendre, nous entamerons une grève de la faim tous les mardis. Nous avons choisi le mardi parce que c'est souvent le dernier jour de vie de nos codétenus qui sont transférés à l'isolement dans les jours précédents ».

Par le biais de la campagne « Non aux mardis de l'exécution », ces prisonniers ont cherché à attirer davantage l'attention nationale et internationale sur la violation flagrante du droit à la vie et sur les exécutions généralisées en Iran.

À ce jour, ils ont entamé une grève de la faim depuis 48 semaines, et 28 prisons se sont jointes au mouvement. Les quartiers des femmes de la prison d'Evin et de la prison de Lakan à Racht ont joué un rôle de premier plan dans cette campagne. Des femmes et des hommes courageux chantent en solidarité :
« Unies, déterminées, jusqu'à l'abolition de la peine de mort, nous tiendrons jusqu'au bout. Nous resterons debout jusqu'à la fin »

Soutien mondial à la campagne « Non aux mardis de l'exécution »

Le 10 décembre, Journée internationale des droits de l'Homme, il a été annoncé que plus de 3 000 anciens dirigeants mondiaux, chefs d'État, ministres, ambassadeurs, députés de différents pays, fonctionnaires des Nations unies, experts en droits de l'Homme, lauréats du prix Nobel et ONG avaient signé une déclaration appelant à l'arrêt des exécutions en Iran. Cette annonce a coïncidé avec la 46e semaine de la campagne « Non aux mardis de l'exécution ».

En outre, 581 maires de France ont exprimé leur profonde inquiétude face à l'augmentation alarmante du nombre d'exécutions sous le mandat du président Massoud Pezechkian, un taux nettement plus élevé que les années précédentes, et ont demandé l'arrêt immédiat des exécutions en Iran.

En solidarité avec la campagne « Non aux exécutions en Iran », la municipalité du 17e arrondissement de Paris a déployé une bannière présentant des images de prisonniers politiques condamnés à mort. La banderole mettait en avant Pakhshan Azizi et Varisha Moradi, 2 prisonnières politiques kurdes condamnées à mort, ainsi que les photos de 9 sympathisants de l'Organisation des Moudjahidines du Peuple Iranien (OMPI) qui risquent également d'être exécutés. La banderole demandait qu'il soit mis fin aux condamnations à mort inhumaines de ces combattants de la liberté.

Depuis 46 ans, le régime iranien se maintient en détruisant systématiquement les droits de l'Homme et en recourant aux exécutions et aux massacres comme outils de répression. En revanche, la Résistance iranienne met l'accent sur l'abolition de la peine de mort depuis plus de deux décennies. L'abolition des exécutions est un élément clé du plan en 10 pointsproposé par Mme Maryam Radjavi. La campagne « Non aux exécutions », à l'intérieur et à l'extérieur de l'Iran, fait partie de ce mouvement plus large : Non à la pendaison quotidienne des mineurs, non à l'exécution des femmes, non au règne des potences.

La communauté internationale doit isoler le régime clérical et demander des comptes à ses dirigeants pour 46 ans de crimes contre l'humanité, de génocide et de crimes de guerre. La Résistance iranienne exige que les relations diplomatiques et commerciales avec le régime soient conditionnées à l'arrêt des exécutions et de la torture, ainsi qu'à la fin de l'impunité pour les dirigeants du régime.

Le régime doit permettre à une délégation d'enquête internationale de visiter les prisons iraniennes et de rencontrer les prisonniers, en particulier les prisonniers politiques.

https://wncri.org/fr/2024/12/31/les-executions-de-femmes-iran/

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Des femmes « plus féministes » mais des hommes plus « sensibles » aux discours masculinistes…

Le Haut Conseil à l'Égalité (HCE) alerte, dans son rapport annuel sur l'état du sexisme en France, publié ce lundi 20 janvier, sur la recrudescence des comportements et des (…)

Le Haut Conseil à l'Égalité (HCE) alerte, dans son rapport annuel sur l'état du sexisme en France, publié ce lundi 20 janvier, sur la recrudescence des comportements et des discours sexistes à l'encontre des femmes au sein de la société. « Les femmes sont plus féministes et les hommes plus masculinistes », résume Bérangère Couillard, présidente du HCE.

Tiré de l'Humanité
https://www.humanite.fr/feminisme/feminisme/des-femmes-plus-feministes-mais-des-hommes-plus-sensibles-aux-discours-masculinistes-le-sexisme-encore-loin-detre-eradique-selon-le-h
Publié le 20 janvier 2025
photo : © Olivia Bonnamour/Middle East Images/ABACAPRESS.COM

Tom Demars-Granja

Une manifestation appelée par des organisations féministes deux jours avant la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, à Paris, le 23 novembre 2024.

La victoire contre le patriarcat est loin d'être acquise. Au contraire, le dernier rapport annuelsur l'état du sexisme en France, publié lundi 20 janvier par le Haut Conseil à l'Égalité (HCE), fait état d'un gouffre toujours plus béant entre l'émergence à grande échelle d'idées féministes et le retour en force des discours masculinistes.

Selon ce rapport 2025, la « polarisation » croît entre des femmes « plus féministes » et des hommes sensibles à des discours réactionnaires. Point alarmant de l'enquête du HCE, ce phénomène touche particulièrement la jeunesse. « Les femmes sont plus féministes et les hommes plus masculinistes », résume ainsi Bérangère Couillard, présidente du HCE.

« Tous les hommes portent une part de responsabilité »

Deux exemples récents montrent notamment cette fracture, selon le Conseil à l'Égalité. L'élection présidentielle aux États-Unis, tout d'abord, dont les résultats illustrent la puissance des cercles masculinistes sur les champs politiques et médiatiques locaux, également à l'œuvre de ce côté de l'Atlantique. 45 % des jeunes électeurs ont ainsi voté pour le président réélu Donald Trump – antiféministe revendiqué et condamné pour agression sexuelle -, quand 72 % des jeunes électrices ont soutenu la candidate démocrate, Kamala Harris.

Le procès des viols de Mazan – où 51 hommes ont été condamnés pour des viols sur Gisèle Pelicot -, ensuite, a aidé à une « prise de conscience », selon le HCE. Pour 65 % des Français, cette affaire illustre le fait que « tous les hommes portent une part de responsabilité » en matière de violences sexistes et sexuelles (VSS). De plus, environ neuf Français sur dix « considèrent que les hommes ont un rôle à jouer dans la prévention et la lutte contre le sexisme », selon le rapport annuel du Haut Conseil à l'Égalité.

Concernant la situation globale dans l'hexagone, six Français sur dix estiment qu'il est difficile d'être une femme. C'est le cas de 86 % des femmes âgées de 25 à 34 ans et de 66 % des jeunes hommes, selon un baromètre réalisé en octobre 2024, auprès d'un échantillon représentatif de 3 200 Français de 15 ans et plus. Cependant, 45 % des hommes de moins de 35 ans – et un quart des Français – jugent qu'il est difficile d'être un homme. Une idée qui progresse chez les jeunes hommes, signale le baromètre du HCE.

35 % des femmes ont eu un rapport sexuel sans consentement

De plus, le rapport rappelle que les femmes sont confrontées quotidiennement au sexisme. 86 % d'entre elles ont déjà vécu une situation sexiste et neuf sur dix ont adopté des stratégies d'évitement du sexisme au quotidien. Lesinégalités de traitemententre les hommes et les femmes sont largement citées dans le monde du travail (76 %), dans la rue et les transports (71 %) dans le monde politique (70 %), dans la vie de famille (62 %) et dans les médias (48 %).

Alors qu'une commission parlementaire publie mardi un rapport surl'inscription du consentement dans la définition du viol, 35 % des femmes indiquent avoir eu un rapport sexuel sans consentement, face à l'insistance du partenaire. Trois quarts des Français jugent importants la prévention et la lutte contre le sexisme. Et neuf sur dix sont favorables à un programme à l'école pour comprendre la sexualité et prévenir les violences de genre.

Proposition à laquelle le HCE se rallie et dont l'organisme recommande la mise en place. Une position qui prend le contre-pied des récentes attaques coordonnées de la droite et de l'extrême droiteà l'encontre de l'éducation à la vie affective et sexuelle dans les établissements scolaires.

Le Haut Conseil à l'Égalité (HCE) préconise enfin de développer des « budgets sensibles au genre ». L'objectif de ces enveloppes serait de permettre l'analyse, tant au niveau national, que régional ou communal, ce qui est dépensé pour les garçons et les hommes d'une part, pour les filles et les femmes d'autre part. De quoi permettre d'« ajuster les politiques publiques », elles aussi gangrenées par des réflexes sexistes.

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Vieillir en féministe

L'invisibilisation des femmes vieillissantes commence tôt, parfois dès 40 ans dans certaines activités culturelles. Après leur prise de retraite ou si elles connaissent des (…)

L'invisibilisation des femmes vieillissantes commence tôt, parfois dès 40 ans dans certaines activités culturelles. Après leur prise de retraite ou si elles connaissent des problèmes de santé, l'invisibilisation est quasi totale dans la société mais aussi dans les groupes féministes. Seules y échappent des femmes qui poursuivent longtemps une activité politique ou féministe et intellectuelle médiatisée.

Tiré de Entre les lignes et les mots

(Création du groupe « Les Vieilleuses » dans OLF 34)

Comme d'habitude les hommes restent plus visibles, ils sont pourtant moins nombreux et vivent moins longtemps. Cette situation est variable selon les territoires, dans la ruralité elle est accentuée, beaucoup de femmes vieillissent isolées, pauvres, leurs rôles et leurs apports oubliés. La disparition des vieilles s'entend et se lit constamment puisque la vieillesse, que ce soit dans les associations qui en traitent, dans les caisses de retraite, les journaux et les annonces gouvernementales, se décline au masculin « Les vieux » ! au mieux « les personnes âgées ». Vieilles nous-mêmes et prenant conscience de ce phénomène et de cette injustice nous avons créé à Montpellier un groupe féministe « Les Vieilleuses » et avons inscrit notre action dans le partage et la transmission dans l'association OLF34 (Osez le Féminisme) dont nous partageons les valeurs.

L'action de Thérèse Clerc avec les Babayagas1 a déjà éveillé les consciences sur la nécessité et le bonheur possible de l'entraide, du partage, de la collectivité dans le respect de l ‘individualité, de la sororité entre vieilles partageant une structure adaptée de logements accessibles. Oui, les vieilles sont plus souvent que les hommes seules, plus pauvres et subissant des pertes d'autonomie puisque vieillissant plus longtemps.

Les groupes féministes commencent timidement à prendre en compte les problèmes des effets de la combinaison du sexisme et de l'âgisme sur les femmes. Par exemple dans la liste des exigences des associations féministes pour les candidats et candidates aux dernières élections législatives on lit deux propositions : « la prise en compte de tous les âges et de toutes les étapes de la vie dans la santé des femmes » et « prévoir un plan d'action stratégique pour les familles monoparentales, les femmes retraitées, les personnes en grande vulnérabilité et les femmes vivant en milieu rural ».

Ce n'est pas suffisant, il faut aller plus loin et étudier tous les aspects du problème. C'est à partir de nos discussions, débats, préparation de nos actions à Montpellier, que j'ai écrit les réflexions qui suivent. Je reste seule responsable des opinions émises ici. Ma question de départ a été : qu'est-ce que vieillir en féministe ? Une fois quelques réponses proposées, – je ne prétends pas à l'exhaustivité -, je présente les vulnérabilités en particulier économiques qui se construisent tout au long de la vie des femmes et qui aboutissent à des situations difficiles à la vieillesse. J'observe des inégalités inacceptables, la poursuite de l'assignation au care accompagnée de la non prise en compte de l'apport des femmes dans la famille et dans la société.

Pour les féministes lutter contre l'âgisme est nécessaire. Il y a lieu, certes, de bâtir une société inclusive, plus juste évidemment, et plus respectueuses de l'expérience des ancien·nes et de leur dignité.

Mais cela ne suffit pas. Pas plus que les femmes (plus de la moitié de l'humanité), les vieilles ne sont une catégorie ou une minorité à traiter à part, elles sont des femmes qui du fait de leur naissance et de leur vie dans des sociétés sexistes, vont avoir un vieillissement différencié de celui des hommes. Elles vont connaître des aggravations de ces inégalités par le fait même des assignations qu'elles ont supportées et des apports à la famille et à la société non reconnus et dévalorisés au profit du système capitaliste et du système patriarcal. La domination masculine inscrit toutes les femmes, les vieilles comprises, dans des rapports d'appropriation, d'oppression, de violences, dans des assignations de rôles et de tâches qui infériorisent les femmes, réduisent leur indépendance et construisent des inégalités profondes et tenaces malgré les progrès dans les droits des femmes que nous avons obtenus dans un pays comme la France, progrès que nous savons fragiles.

I-Vieillir en féministe c'est D'abord vieillir

Qu'est-ce que vieillir ? à partir de quel âge ? Sur le plan physiologique le vieillissement commence à 25 ans.

On ne vieillit peut-être pas de la même façon et avec les mêmes ressentis, selon la vie menée, les charges assumées, les travaux réalisés et la profession, l'état de santé, selon la classe sociale, l'activité intellectuelle, le sexe, l'appartenance ethnique ou l'origine géographique.

Pour les statisticien·nes, la vieillesse commence souvent à 60 ans. En France et au 1er janvier 2024 sur 68 millions d'habitants il y avait 18 millions de plus de 60 ans et 6,5 millions de plus de 75 ans. En 2030 il y aura 20 millions de personnes âgées (plus de 60 ans) et en 2060, 24 millions. Cette évolution démographique accompagnée par une baisse de la natalité produit des enjeux et des défis très importants et sensibles pour la vie politique et sociale. Le vieillissement de la population peut entrainer des réactions négatives contre les vieilles et les vieux devenu·es « trop encombrant·es », à la fois trop riches et trop coûteux (maltraitances, réduction drastique des retraites à prévoir ! etc.), des remises en question de la liberté des femmes (contraception, avortement, obligation d'enfanter) et de l'égalité F/H (renforcement des assignations et de la domination masculine). Certaines de ces régressions sont déjà pensées et mises en place dans des pays où la démocratie est mise à mal.

Vieillir c'est très souvent se heurter à l'âgisme qui touche tout le monde mais certainement avec des degrés différents selon la classe sociale et le sexe. L'âgisme est la division et la catégorisation selon l'âge d'une population accompagnées de traitements différenciés qui produisent de l'injustice, des préjudices, des violences. Comme l'écrit Florence Fortin-Braud2 : « tout comme le racisme et le sexisme, c'est un ensemble de stéréotypes, d'attitudes et de comportements qui peuvent conduire à des discriminations fondées sur l'âge ». Elle cite par ailleurs un rapport de l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé) sur l'âgisme en 20213 : 1 personne sur 2 dans le monde aurait des attitudes âgistes, ce qui aurait des conséquences négatives sur la santé physique et mentale des personnes qui en sont victimes.

L'âgisme peut prendre deux formes caricaturales : la condescendance ou la violence directe. La condescendance est une forme de « mise à part » en célébrant la « sagesse » de la vieillesse mais aussi la fragilité, la faiblesse des « vieux » (on lit extrêmement rarement « vielles et vieux ») ce qui peut aboutir à une infantilisation paternaliste (« alors ma petite mamie, comment ça va aujourd'hui ?). La violence directe c'est le dénigrement systématiquement les vieilles et les vieux, des insultes souvent ou des comportements d'impatience dans les lieux publics (pourquoi sont-iels dehors, trop lent·es etc.), l'affirmation qu'iels coûtent trop cher à la société et qu'iels prennent des ressources aux jeunes ou qu'iels sont trop riches… Sont alors oubliées les aides diverses des parent·es aux enfant·es et petit·es enfant·es, leurs impôts qui financent l'éducation des plus jeunes et tout simplement leur humanité. La violence c'est subir les mauvais traitements souvent liés à la dépendance et à la mauvaise gestion des EHPAD. Les femmes beaucoup plus nombreuses que les hommes en situation de dépendance et dans les établissements, sont les plus exposées à cette violence. Elles en ont subi une autre durant toute leur vie, le sexisme.

Vieillir en féministe c'est vieillir en femme :

– C'est vieillir en plusieurs étapes qui apparaissent ou s'étalent sur plusieurs années
La vie est remplie de moments plus ou moins importants, de phases, d'étapes plus ou moins conscientisées sur le moment mais souvent découvertes après-coup.

Certes nous vieillissons à partir de l'âge de 25 ans mais certains passages, certains seuils sont plus célébrés que d'autres, plus vécus dans l'inquiétude parfois l'angoisse selon le sexe, les difficultés des couples, la situation professionnelle, et certainement d'autres facteurs, classe et racialisation…

Mais à quel moment peut-on parler de vieillesse surtout si les personnes de plus de 60 ans à la retraite ou pas gardent un taux d'activité élevé et des pratiques de loisirs ou autres intenses ?

Le ressenti du vieillissement n'arrive pas au même moment pour chaque individu·e ; ressenti propre (ralentissement des rythmes, moindres désirs ou changements dans les désirs, prises de distance etc.) et regard des autres donnent l'alerte.

Pour les femmes le vieillissement a un impact largement fabriqué par la structure sociale de domination masculine :

40 ans, la ménopause, un divorce, le départ des enfants de la maison, la retraite, ces étapes qui sont des moments forts – et souvent difficiles à vivre – de l'effet du genre et des assignations des femmes à la séduction et aux soins des autres :

40 ans, sonnette d'alarme pour celles qui voudraient un enfant, premières rides à cacher, premiers cheveux blancs à teindre, mise en question de leur travail dans certaines branches (cinéma par exemple), dévalorisation produite par le regard masculin et la marchandisation des corps et autour des corps.

50 ans, la ménopause, perte de valeur massive puisque plus de potentiel procréateur, angoisses pour certaines, mieux-être pour d'autres, libération ou mal-être par effet de la ménopause, perte éventuelle de l'emploi …

L'âge de la retraite peut être pour les femmes comme pour les hommes l'entrée dans une phase de jubilation (Espagne)4. Ce peut être aussi un moment angoissant et difficile pour les couples qui doivent partager plus régulièrement le même espace (nombreux divorces à ce moment-là). Ce peut être vécu comme l'entrée dans la vieillesse et renforcer l'invisibilisation des femmes.

La vieillesse n'est-elle pas définie pour les femmes surtout par la perte de désirabilité, d'attractivité pour les hommes (modèles et canons de la séduction construits avec la chosification des femmes) ? Le vécu est certainement différent selon l'orientation sexuelle. et des études sur cette différence seraient intéressantes.

L'âgisme est beaucoup plus violent pour les femmes que pour les hommes puisqu'il est combiné avec le sexisme : l'injonction du « bien vieillir » (soins esthétiques, impératifs de bonne forme etc.) pèse davantage sur elles. Tous les jours apparaissent sur l'écran de nos ordinateurs ou téléphones des publicités, des annonces sexistes du style « les hommes supplient les femmes de combler leurs rides de telle ou telle manière », ou encore « vous avez connu cette actrice jeune voyez comment elle est ou voyez son visage aujourd'hui » etc.

La disqualification sociale des vieilles est assise sur la perte des deux éléments de leur appropriation par les hommes : procréation et usage sexuel de leur corps. Elle donne lieu à des discriminations et à des comportements paternalistes, sexistes. A partir d'un certain âge les femmes deviendraient invisibles pour les hommes comme le dit Yann Moix à propos des quinquagénaires5 : « Non, ça ne me dégoute pas, ça ne me viendrait pas à l'idée. Elles sont invisibles ». Cependant toute femme offerte est bonne à prendre comme nous l'avons, hélas, constaté pour Gisèle Pélicot. Plus de 80 hommes l'ont violée alors qu'elle était sédatée et offerte par son mari. Cette violence masculine a duré 10 ans et a commencé alors que la victime avait 60 ans.

Vieillir ne protège pas des violences sexistes et sexuelles, un risque souvent aggravé par la dépendance mais les violences exercées par les hommes sur les femmes âgées restent un tabou comme le rappelle Eliane Viennot6 en précisant que même du côté des sociologues souvent féministes qui se sont chargées des enquêtes sur les violences subies par les femmes les plus de 59 ans ou les plus de 69 ans sont oubliées.

En 2024, 34% des féminicides ont concerné des femmes entre 60 et 89 ans. Et logiquement un tiers des auteurs de féminicide sont âgés de plus de 60 ans. « On note une surreprésentation de cette tranche d'âge, de l'ordre de trois fois plus que dans ce qu'on peut qualifier d'homicides classiques », remarquait Michel Lavaud, directeur du service d'information et de communication de la police nationale (Sicop) en 2017. En 2018 : 41 des hommes ayant tué leur conjointe ou ex-conjointe avaient plus de 60 ans. Et parmi eux, 1 étaient octogénaires voire nonagénaires. S'ajoutent les tentatives d'homicides et les violences conjugales qui ont souvent commencé bien avant le vieillissement. Le risque de féminicides est donc élevé avec le vieillissement du couple hétérosexuel et en particulier si les femmes concernées sont en mauvaise santé. Il arrive que le conjoint ne le supporte pas et élimine la charge !

– Vieillir en femme c'est vieillir plus longtemps que les hommes, un avantage modéré par le risque de vieillir plus longtemps avec des problèmes de santé, en perte d'autonomie, plus seule voire très isolée et plus pauvre.

Pour ce dernier problème, il faut préciser que l'écart entre les hommes et les femmes en termes de taux de pauvreté est apparemment faible : 8,4% pour les femmes, contre 7,8% pour les hommes7. Ce résultat n'a rien d'étonnant puisque l'Insee mesure les revenus disponibles à l'échelle des ménages, non sur la base des revenus des femmes d'un côté, des hommes de l'autre. On considère que les membres d'un ménage partagent leurs ressources. Une femme sans revenu qui vit avec un cadre qui touche 5 000 euros par mois n'est pas considérée comme pauvre. Le fait que les femmes sont plus souvent au foyer ou travaillant à temps partiel, et que leurs rémunérations sont en moyenne plus faibles, appauvrit autant les femmes que leurs conjoints, puisque leurs revenus sont partagés pour l'institution statistique. En réalité, pour l'essentiel, cet écart vient des faibles niveaux de vie des familles monoparentales, essentiellement constituées de femmes seules avec enfant·e·s. Il faut exiger des statistiques individualisées et genrées.

En France les plus pauvres sont les jeunes, les femmes en monoparentalité et les enfants de familles monoparentales. Ce qui est un scandale. Et ce n'est pas en accroissant la pauvreté de vieilles que l'on corrigera la pauvreté des jeunes.

Du côté des plus âgé·es le taux de pauvreté plus faible, 12,7%8 pour les plus de 65 ans, que pour les jeunes, 19,8% pour les 18 à 24 ans, s'explique par des allocations et des compensations versées aux plus âgé·es à la prise de retraite. Et cette situation explique aussi que les parent·es et grands parent·es aient à aider, lorsqu'iels le peuvent, les enfant·es et petit·es enfant·es. A plus de 64 ans le taux de pauvreté des femmes est de 8,9% contre 7,5% pour les hommes. L'écart s'accroit avec l'âge puisque les retraites et revenus de femmes plus âgées sont plus faibles du fait de leur veuvage.

Les inégalités femme-homme en santé persistent en France. Alors que les femmes vivent en moyenne 6 ans de plus que les hommes, il est démontré qu'elles sont en moins bonne santé. La santé des femmes fait encore l'objet d'une attention moins grande que pour celle des hommes ; la pauvreté des femmes vieilles les empêche d'accéder à certains soins.

Le plus long vieillissement des femmes les expose davantage que les hommes à des situations de dégradation de la santé physique et mentale, à des situations de dépendance et des vies en institutions de soins. A 65 ans les hommes peuvent espérer vivre 10,5 ans en bonne santé, sans incapacité, les femmes, 12 ans9. C'est un avantage mais comme les femmes vieillissent plus longtemps, elles seront aussi plus longtemps en situation de dépendance.

C'est alors que vieillir devient une affaire de femmes10. En effet se retrouvent dans la même problématique du grand vieillissement les femmes âgées dépendantes en EHPAD ou restant chez elles, les aidantes plus nombreuses et plus investies que les aidants, qui souvent sont en emploi et sont amenées à sacrifier leur carrière pour aider un·e proche et les soignantes, là aussi majoritaires à occuper des emplois difficiles, pénibles et sous-payés (aides-soignantes et infirmières notamment).

Vieillir en femme c'est donc aussi vieillir avec des charges lourdes de « care ». La durée de vie augmentant il est de plus en plus souvent nécessaire de prendre soin des parents, parfois du conjoint ou de la conjointe en même temps que des petits-enfants. Le « care » est une activité de haute valeur humaine et indispensable au vivre ensemble. Mais déviriliser le monde ne serait-ce pas partager les soins aux autres de façon égale entre les femmes et les hommes ?

Vieillir en féministe :

C'est donc dénoncer ces inégalités, ces discriminations, ces violences envers les femmes et poursuivre notre lutte contre le patriarcat. C'est revendiquer et appliquer l'égalité entre les femmes et les hommes à tout âge, c'est lutter à la fois contre l'âgisme et le sexisme.

C'est sortir de la jauge masculine, c'est refuser l'invisibilisation des femmes vieillissantes et des vieilles et l'effacement de leurs compétences après la retraite ; c'est faire valoir l'apport des femmes dont celles des vieilles dans la famille, les associations etc. C'est en finir avec un calcul de l'enrichissement national basé sur l'invisibilisation des charges et des apports des femmes. C'est exiger une valorisation des emplois d'éducation, de soins, d'accompagnement des plus vulnérables essentiels pour l'humanité, la justice, la dignité et le bien-être

C'est soutenir les actions sur le matrimoine, c'est utiliser la langue inclusive. C'est maintenir une solidarité intergénérationnelle pour renforcer notre lutte contre le patriarcat.

Et c'est donc vouloir transmettre nos combats, nos attentes, nos réussites et nos échecs, nos bonheurs de militantes et témoigner de notre vécu.

C'est lutter entre autres contre la persistante inégalité des femmes et leur appauvrissement dans le couple hétérosexuel11, et les risques économiques qu'elles encourent, en particulier au moment d'un divorce et après, à la retraite, à l'occasion d'un veuvage.

II-Inégalités économiques femmes-hommes de la jeunesse à la vieillesse

– Les inégalités f-h en termes de revenu et de patrimoine.

Elles persistent et ont tendance à s'accroître en ce qui concerne l'accumulation patrimoniale. Le travail de Céline Bessière et Sybille Gollac12 dans « le genre du capital » (sous-titre : comment la famille reproduit les inégalités) est remarquable. Il s'appuie à la fois sur des statistiques, des études de cas familiaux (héritages, divorces, veuvages) et des enquêtes chez les notaires, les avocat·es et les Juges aux affaires familiales JAF). Elles montrent comment le genre joue dans l'enrichissement ou l'appauvrissement, comment encore le fils ainé est privilégié dans les successions familiales surtout lorsqu'il y a un patrimoine « professionnel » malgré une loi égalitaire, comment les hommes s'en sortent mieux dans les partages et charges lors d'un divorce et comment les inégalités entre les nanti·es et les moins nanti·es pèsent et s'accroissent dans des moments charnières de la vie.

La famille est une unité d'analyse incrustée dans un nombre de catégories de l'Etat comme le « ménage » de la statistique publique, « le foyer fiscal » de l'administration des impôts ou la « communauté » et l'« indivision » du code civil. Elle masque les inégalités qui existent entre ses membres. « Ménage et foyer constituent un cache-sexe, un cache-misère de la pauvreté des femmes » et particulièrement de ce qu'on appelle les familles monoparentales c'est-à-dire pour l'essentiel des familles où la mère est seule à assumer les enfants. La monoparentalité est un phénomène principalement féminin, avec les femmes à la tête de 8 familles monoparentales sur 10.

La déclaration fiscale commune des revenus rendue obligatoire, en France, pour les couples mariés et pacsés et qui favorise celle ou celui qui gagne le plus – donc la plupart du temps l'hommes dans les ménages – doit être remise en question.

Mais nous savons que les régimes matrimoniaux ou la fiscalité ne suffiront pas à combattre les inégalités F/H. Celles-ci se construisent très tôt et augmentent pendant le mariage. Titiou Lecoq13 dans « le couple et l'argent » écrit : « l'argent des hommes sert souvent à se constituer un patrimoine, alors que celui des femmes est invisibilisé parce qu'il passe dans les dépenses du quotidien comme les courses ».

Les inégalités de revenus F/H et la plus grande pauvreté des femmes sont induites déjà dans les représentations et attentes parentales différenciées quant à leur progéniture femelle ou mâle. L'éducation encore aujourd'hui martèle aux filles qu'elles sont vouées aux enfants et à la famille (on ne leur dit pas au ménage et à la vaisselle mais c'est tout comme). Les représentations et stéréotypes jouent un grand rôle dans les orientations scolaires et professionnelles malgré les potentiels de réussite des femmes dans tous les domaines. En France, les difficultés des filles dans l'apprentissage des mathématiques au niveau du primaire grandissent apprend-on aujourd'hui. Pourquoi ?

Un article du CEREQ14 (centre d'études et de recherches sur les qualifications) nous apprend que la double ségrégation professionnelle persiste : la ségrégation horizontale, aux hommes les métiers d'hommes et aux femmes les métiers dits de femmes et la ségrégation verticale, les hommes sont mieux payés. Par exemple, toutes choses égales par ailleurs et à diplôme de l'enseignement supérieur identique, les femmes ont significativement moins de chances d'être cadres. Trois ans après leur sortie de formation initiale et à niveau de spécialité et de formation identiques, les filles ont toujours moins de chances que les garçons d'être en emploi, notamment, parce que tandis que les jeunes mères ont moins de probabilité que les femmes sans enfants d'avoir un emploi, devenir père accroît les possibilités d'être employé. Quant aux choix des métiers ça ne bouge pas ! au niveau CAP-BEP, dans les filières industrielles il y a quatre garçons pour une fille et bien sûr en « Santé-social » il y a un garçon pour neuf filles. L'assignation des filles aux soins, à l'éducation, s'est renforcée ces dernières années. La dévalorisation de ces métiers, pourtant essentiels à toute vie humaine et sociale, et donc de bas salaires, fragilisent la place des femmes dans la société et leur indépendance et sont une injustice inacceptable.

En plus des orientations, des assignations, de l'organisation du travail en économie de marché et des discriminations, la vie de famille fait le reste : maternités et arrêts du travail ou congés parentaux non partagés, temps partiel choisi et surtout non choisi, carrière hachée, plus courte, disparition du mari et père, etc. Nous ne devons cesser d'alerter les plus jeunes sur ces facteurs qui appauvrissent les femmes et réduisent drastiquement leur autonomie et indépendance. De plus la dépendance accroit la vulnérabilité aux violences dans le couple.

Osez le Féminisme insiste avec raison sur les violences économiques dans le couple mais les réduire c'est passer par une plus grande indépendance financière des femmes et une détermination à la conquérir.

– Trois moments dans la vie sociale et familiale révèlent particulièrement ces inégalités, appauvrissent davantage les femmes et font payer cher la non prise en compte de leur travail gratuit.

Le divorce : dans « Le genre du capital », il est montré comment les femmes en sortent perdantes dans la plupart des cas puisque, d'une part n'est pas pris en compte, ou si peu, leur apport gratuit alors que leurs revenus du travail extérieur sont inférieurs ou inexistants, et d'autre part, dans le cas où il y a un patrimoine, le mari s'en sort mieux grâce aux conseils des avocat·es et des notaires (profession à majorité masculine). Souvent les femmes n'ont pas suivi cet aspect de la vie de couple et ne savent pas exactement ce qu'il y a à partager…

Le régime matrimonial a une importance dans les résultats du divorce. Les prestations compensatoires, elles, ont été drastiquement réduites par une loi de 2000 (majorité socialiste à l'assemblée) et le champ d'application est réduit aux couples les plus fortunés (voir « Le genre du capital »).

Rappelons qu'il y a de plus en plus de divorces après l'âge de 50 ans et après la retraite.

Le veuvage arrive le plus souvent dans la phase de vieillissement, c'est-à-dire au moment de la réduction des revenus par la prise de retraite, en particulier pour les femmes, mais aussi, pour une partie des couples, avec une accumulation patrimoniale et des économies (c'est ce que l'on reproche aux « vieux », d'être trop riches… de leur travail et économies passées). S'ajoutent les divorces et remariages et les enfants de plusieurs unions qui vont impacter la situation du veuf et de la veuve et encore plus fragiliser les veuves sur le plan économique.

La pension de réversion qui consiste à verser une partie de la retraite d'une personne décédée à son, sa conjoint·e survivant·e a une fonction compensatoire (perte de niveau de vie). Les veuves sont en première ligne de cette réversion puisque les hommes meurent plus tôt que les femmes. 90% des bénéficiaires des pensions de réversion sont des femmes.

Mais la pension de réversion est divisée entre les ex époux·ses et veuf·ves au prorata de la durée du mariage :

Une de mes amies polonaises a épousé il y a quelques années un fonctionnaire français déjà marié et divorcé précédemment, avec trois enfants. Il décède il a quelque mois, elle reçoit l'usufruit de la maison achetée en France. A la vente la valeur sera partagée entre elle et les trois enfants selon la loi (part réservataire dans le droit français, protection des héritiers directs). La retraite polonaise de cette amie est très faible surtout au regard du pouvoir d'achat de la monnaie polonaise. Elle ne peut donc poursuivre sa vie en France que si elle reçoit une pension de réversion. Le mari recevait 4000 euros de pension, la moitié à reverser est 2000, somme à partager en deux entre la veuve et la première épouse (logique indemnitaire) parce que les durées du mariage ont été égales, soit 1000 euros. Elle n'est pas parmi les plus démunies. mais S. me disait : depuis que R est mort je dépense par mois le double de la pension de réversion, je ne pourrai donc pas tenir longtemps. Il faudra vendre la maison (lui reviendront 25%) et que je vive seulement en Pologne. Je l'ai aidée à suivre son dossier et dans les relations avec les institutions françaises ! Nulle part, évidement je n'ai constaté qu'avait été prise en compte de façon visible dans le partage son apport non rémunéré : c‘est elle qui s'est occupée entièrement des travaux et de l'aménagement de la maison, des plantations et de leur entretien en plus des tâches assignées du ménage… plus, entre autres, son accompagnement et ses soins pendant trois ans de maladie de son mari.

Sauf pour les fonctionnaires (mais ça risque de changer !) les pensions de réversion sont soumises à des conditions de revenus donc ont aussi une logique alimentaire.

Par ailleurs, la corrélation entre veuvage et propriété de la résidence principale est négative pour les femmes15.

La retraite

A rappeler aux jeunes : La situation économique des retraitées reflète toutes les inégalités auxquelles elles ont été confrontées au cours de leur carrière et de leur vie (éducation par exemple). Dans le couple, les femmes généralement contribuent au maintien au travail et à la carrière du mari. Par exemple, la plupart du temps lorsqu'il y a mutation et changement de lieu du travail du mari, elles suivent et mettent leur propre emploi ou carrière en berne. Elles contribuent à la carrière du mari par le fait qu'elles se chargent du fonctionnement du « foyer » et le libèrent de la charge physique, la charge mentale, – temps économisé – ce qui leur permet un plus grand investissement au travail extérieur. L'arrivée d'un enfant accentue le déséquilibre du partage des tâches domestiques entre hommes et femmes, les ajustements touchant essentiellement les femmes : ce sont elles qui s'éloignent du marché du travail, elles aussi qui prennent davantage en charge les tâches domestiques.

Il est donc logique, étant donné le système, que les retraites des femmes soient inférieures à celles des hommes mais c'est profondément injuste !

Pour les 65 ans et plus, les femmes touchent en moyenne une retraite de droits directs de 39% inférieure à ce que touchent les hommes (INSEE). Avec les droits dérivés (pension de réversion) les femmes touchent 24% de moins que les hommes.

C'est dans les pays (sauf le Danemark) les plus riches (richesse mesurée par le PIB par habitant) que l'on trouve les plus grands écarts de pension au détriment des femmes écrivent les successeuses de Gisèle Halimi de « Choisir la cause des femmes » dans « Le meilleur de l'Europe pour les femmes ». « Paradoxalement, ajoute Choisir, ces pays ont été aussi les premiers Etats membres de la CEE en 1957 et les premiers à mettre en œuvre des politiques européennes d'égalité salariale entre les femmes et les hommes. La prospérité d'un pays profite-t-il aux femmes ? »

L'exploitation du travail domestique des femmes est une des clés de voute de la prospérité du capitalisme. La combinaison des deux systèmes économique et patriarcal crée l'exploitation des femmes dans le couple et en dehors du couple par des emplois peu valorisés et peu rémunérés. Ce qui pose la question de la compensation après-coup.

« Si la pension de réversion, comme la prestation compensatoire en cas de divorce, constitue une forme de reconnaissance du lien entre travail domestique des conjointes et carrière professionnelle des hommes, elle constitue aussi une forme très dégradée et incertaine de reconnaissance de ce travail » (Le genre du capital page 201).

Quant au système des retraites et le projet de réforme actuel, en France, des féministes mettent en garde en dénonçant l'aggravation des inégalités de pension entre hommes et femmes qu'engendrerait un système de retraite par points16. La situation est la suivante : les femmes sont contraintes de partir en moyenne plus tard à la retraite que les hommes, elles subissent plus souvent la décote du fait de carrières trop courtes. Leur pension est, plus souvent que celle des hommes, rehaussée par le dispositif de minimum de pension. Dans un système par points qui privilégie la logique d'individualisation chère au libéralisme économique, la pension doit refléter au plus près la somme des cotisations versées au long de la vie active. En prenant en compte toute la carrière au lieu des 25 dernières années pour le régime général (une précédente réforme avait déjà augmenté le nombre d'années prises en compte), les pensions vont baisser pour toutes celles et tous ceux qui ont eu des carrières heurtées, d'abord les femmes. Chaque période non travaillée fait perdre des points. Les rédactrices de l'article cité donnent l'exemple des systèmes AGIRC et ARRCO, des systèmes de complémentaires à points dans lesquels l'écart de pension entre femmes et hommes est respectivement de 59% en moins pour les femmes et 39%, écart supérieur donc au régime général17.

La réforme Delevoye prévoit aussi la régression des pensions de réversion qui seraient supprimées pour les personnes divorcées ou remariées. Cette réversion constitue aujourd'hui en moyenne le quart de la pension des femmes.

L'écart des revenus entre les femmes et les hommes est le plus important dans le couple, il est quatre à cinq fois moins important entre femmes et hommes vivant seul·es. En tant que féministes nous devons rappeler que la conjugalité hétérosexuelle entérine et accroît les inégalités.

En plus des changements profonds à opérer encore sur les représentations et les stéréotypes dès l'enfance et la poursuite des politiques de réduction des inégalités au travail il faut bien voir que la conjugalité avec l'absence du partage des tâches et les enfants bloquent le progrès et entretiennent l'injustice envers les femmes. Ces dernières contribuant au maintien de la situation par leurs choix, leur trop faible investissement dans la construction de leur indépendance, comportements liés au formatage dès la petite enfance et au fait qu'une fois les enfants arrivés il faut bien s'en occuper. Il y a quelques années une de mes étudiantes déclarait au cours d'échanges sur les inégalités au travail entre femmes et hommes : « mais, madame, les femmes ont le droit de ne pas travailler » !

Cependant on ne peut en conclure qu'il faut en finir avec le couple hétérosexuel (certes il faut s'en méfier !) et la procréation, qu'il faut en finir avec les comportements d'attention à l'autre et de soin, les activités d'éducation et d'entretien. Le renouvellement de la population est nécessaire à toute société (à moins d'un suicide collectif) et avoir un ou des enfants fait partie des libertés fondamentales. Tout ce qui crée du lien, de l'attention à l'autre, de la convivialité, de l'écoute etc. est bien plus nécessaire aux individus et aux sociétés et positif que la violence, le virilisme et la guerre. Mais comment imposer ce point de vue, comment changer de système ?

Les féministes réclament des politiques à combiner et à activer :

La prévention est un des éléments essentiels de la conquête de l'égalité et de la réduction des violences mais peu organisée, mal financée, elle est le parent pauvre de l'action publique parce que politiquement ou plutôt électoralement peu payante. Ces effets ne sont pas immédiatement visibles et sont à long terme. Le changement des représentations (valence différentielle des sexes et assignations) et des comportements attendus (masculin-agressif et féminin passif) doit se travailler très tôt dans les crèches et les écoles et dans la surveillance des réseaux sociaux et des productions s'adressant aux enfants. Comme pour la santé, la prévention des comportements sexistes et racistes est très insuffisante en France, l'exemple en est la grande difficulté pour organiser et diffuser l'éducation à la vie affective et sexuelle à l'Education nationale…

Le taux d'activité des femmes est actuellement de 8 points inférieur à celui des hommes. Eliminer les obstacles au travail des femmes suppose une politique publique volontariste et intégrale :

Une politique de justice vis-à-vis des mères isolées avec enfants (la pauvreté des enfants dans ces familles est très fréquente et importante). Le cumul des charges familiales et des emplois peu rémunérés fragilisent particulièrement les femmes en monoparentalité et impacte leur vieillissement à la fois sur le plan de la santé et de la retraite.

Changer le travail, les conditions de travail horaires, organisation, contenus, normes d'évaluation etc.), travailler sur les temps dans les villes, sur l'urbanisation et l'organisation de l'espace rural et urbain, sur l'habitat et la mise en commun de services de gestion de la vie matérielle etc.

Inciter, – peut-on « forcer » ? -, au partage des tâches et des charges parentales : rendre le congé parental partagé obligatoire par exemple, impliquer les pères dans les soins aux enfants dès leur naissance… mais ne pas leur donner de droits sur les enfants s'ils n'assument pas leur paternité totalement et évidemment s'ils commettent des violences sur eux, sur la mère, et sur les autres.

Développer des services publics de qualité autour de l'enfance et de sa protection : l'éducation d'un·e enfant·e, son développement, sa protection, concernent toute la société et si chacun, chacune doit contribuer, il faut aller chercher la plus forte contribution dans la sphère qui profite de l'exploitation des femmes, le capital et ses propriétaires, tant que le système capitaliste perdurera. Les financeurs des crèches, Départements, Mairies, entreprises se plaignent souvent du coup des crèches, mais par rapport à quoi ? personne ne calcule et publie ce qu'est le coût pour une mère de s'occuper de son enfant en arrêtant de travailler, disparition du salaire et travail gratuit 24h sur 24h alors qu'en crèche il faut une personne qualifiée pour six enfants pendant 8h maximum.

Avec un plus grand nombre d'équipements publics et de services de qualité, les grand-mères seront moins mobilisées par la garde de leurs petits-enfants, pourront davantage choisir les moments passés avec et pour eux, les femmes moins assignées à l'éducation des enfants, plus libres dans leurs activités choisies et engagements sociaux… Des progrès qui doivent être accompagnés par des changements profonds du côté des hommes et la remise en question de leur domination.

Exiger une politique publique de la Vieillesse respectant la dignité de toutes et tous et hors de la marchandisation éhontée de ce moment de la vie.

Voici donc comment nous voulons faire en sorte que le vieillissement et les conditions de vie des femmes vieilles cessent d'être un impensé. Nous voulons une langue inclusive. Nous voulons transmettre notre expérience des engagements et luttes féministes, participer jusqu'au bout à la construction d'un monde d'égalité et de solidarité, lutter encore et encore pour éradiquer la violence masculine.

La vieillesse peut être un moment comme les autres avec ses bas et ses hauts. Mais il peut être aussi le moment d'une plus grande liberté, le moment ou les apprentissages et les moments difficiles comme heureux enrichissent, permettent le recul ouvrant de nouvelles perspectives, de nouvelles rencontres, de nouveaux possibles dans les choix, les projets de vie. Vieillir c'est aussi continuer à jouir des bonheurs du féminisme et de la sororité.

Mais aujourd'hui virilisme, masculinisme, guerres, remise en question de la démocratie, montée des fascismes, démesure dans les ambitions masculines pour le pouvoir et dans le mensonge, capitalisme débridé, mépris des riches, persistance des diktats religieux contre les femmes, absence de politiques volontaristes et adaptées pour lutter contre le changement climatique… nous fait vivre dans une période de grand danger pour l'égalité, la liberté, le progrès social, la paix et tout simplement la possibilité de vivre sur cette planète.

Vieillir en féministe c'est aussi continuer à combattre toutes les dominations et les violences, et le capitalisme mondialisé.

Geneviève Duché, Janvier 2025

Nous rejoindre par : vieilleuses-olf34@orange.fr

1 La maison des Babayagas est une création originale de résidence pour femmes âgées située à Montreuil en Seine-Saint-Denis. Ce projet a été porté par trois femmes : Thérèse Clerc, militante féministe française, qui en est l'initiatrice, Monique Bragard et Suzanne Gouëffic.

2 Dans son livre « Vieillir, une affaire de femmes, préfacé par Laurence Rossignol, Ed. Berger-Levrault, octobre 2024, page 75.

3 L'âgisme, un enjeu mondial, OMS, mars 2021.

4 Des études sur le ressenti par les femmes et par les hommes à ce moment-là seraient intéressantes.

5 Article de Marie-Claire du 4 janvier 2019 cité par Eliane Viennot dans son article « Et si on parlait de l'âge de Gisèle Pélicot ? » Libération, 6 novembre 2024.

6 Libération, 6 novembre 2024.

7 Selon les données 2022 de l'Insee au seuil de pauvreté de 50 % du niveau de vie médian.

8 Avec un seuil de pauvreté à 60% du niveau de vie médian.

9 Direction de la Recherche, des Etudes, de l'Evaluation, des Statistiques en Santé, Social (DREES), 2023.

10 Comme l'analyse Florence Fortin-Braud dans son livre « Vieillir une affaire de femmes ? Ed. Berger-Levrault, 2024.

11 Lire aussi le livre « Le prix à payer, ce que le couple hétéro coûte aux femmes » de Lucile Quillet, Les liens qui libèrent, 2022

12 Le genre du Capital, comment la famille reproduit les inégalités, La découverte, 2020.

13 Le couple et l'argent, pourquoi les hommes sont plus riches que les femmes. L'Iconoclaste, 2022.

14 Inégalités de genre en début de vie active, un bilan décourageant par Vanessa Di Paola, Dominique Epiphane et Julio del Amo, Bref n°442, Juillet 2023. Commenté par Gilles Raveaud, Charlie Hebdo du 13/03/2024.

15 INSEE, enquête patrimoine 2015.

16 « La réforme des retraites pénalisera encore plus les femmes », un collectif de 16 femmes, syndicalistes, féministes, économistes. Le Monde, 29 novembre 2019.

17 Tribune féministe, Le Monde, Novembre 2019.

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Regroupement des médias critiques de gauche (RMCG)

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Gauche.media est un fil en continu des publications paraissant sur les sites des médias membres du Regroupement des médias critiques de gauche (RMCG). Le Regroupement rassemble des publications écrites, imprimées ou numériques, qui partagent une même sensibilité politique progressiste. Il vise à encourager les contacts entre les médias de gauche en offrant un lieu de discussion, de partage et de mise en commun de nos pratiques.

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