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Israël-Palestine : La spirale génocidaire, la recherche d’un horizon progressiste et la solidarité internationale – Réflexions et débats – Partie II Catastrophe humanitaire, occupation, internationalisme et solidarité judéo-arabe

5 décembre 2023, par Pierre Rousset — , ,
La seconde partie de ce texte devait être écrite dans la foulée de la première [1]. Ce ne fut pas possible. Trois semaines plus tard, il n'est plus temps de reprendre le fil de (…)

La seconde partie de ce texte devait être écrite dans la foulée de la première [1]. Ce ne fut pas possible. Trois semaines plus tard, il n'est plus temps de reprendre le fil de l'exposé là où il s'était assez arbitrairement interrompu. Il faut repartir du présent, mais l'approche reste identique. La parole est longuement donnée aux actrices et acteurs les plus concernés (en Palestine, en Israël, à l'international). Le rapport entre internationalisme et solidarités judéo-arabes est exploré plus avant en vue de dessiner un possible horizon progressiste à une crise qui prend des dimensions apocalyptiques.

Tiré de Europe Solidaire Sans Frontières
28 novembre 2023

Par Pierre Rousset

Pour la première partie, cliquez ce lien :
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article685

Introduction à la partie II, 26 novembre 2023

Pour mémoire, j'avais été invité à présenter, le 21 octobre dernier, une contribution à un échange qui s'est tenu aux Philippines sous l'intitulé « Israel-Hamas conflict : an Online Forum » (« Conflit Israël-Hamas : un forum en ligne »), avec pour modératrices Yennah Torres, de Tripod/Mihands, et Cora Fabros, du International Peace Bureau (Bureau international de la Paix) [2]. Une autre invitée internationale, palestinienne, avait introduit, en début de session, la situation à Gaza et son arrière-plan historique, mais n'a pas pu rester au-delà. Les autres participant.es représentaient généralement des organisations actives à Mindanao.

Je devais présenter la situation en France vis-à-vis du conflit israélo-palestinien et les enjeux de la solidarité internationale. La version écrite de mon intervention au forum a été considérablement développée et elle n'a déjà été mise en ligne que pour moitié, traitant la question française, faisant le point de la situation à Gaza, en Israël, en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. Elle a été précédée d'une introduction abordant une série de questions de fond (dont la notion de crimes de guerre, la distinction entre civils et combattants, ou l'éthique militante).

Il est évidemment préférable d'avoir lu la première partie avant de s'attaquer à la seconde. Cependant, même dans ce cas, je ne peux pas présumer que la lectrice ou le lecteur va se rappeler tout ce qui y a déjà été écrit. Je me répéterais donc, parfois, à dessin. Quant à la situation, elle ne finit pas de s'aggraver et l'on va commencer par tenter de mesurer à quel point.

Je rappelle d'emblée que je n'ai pas de qualification particulière pour traiter du Moyen-Orient, même si cette question a nécessairement fait partie de mon histoire militante, vu la génération à laquelle j'appartiens. Un bref passage à Beyrouth durant la guerre civile ou la participation à un camp international de solidarité organisé par le Fatah en Jordanie ne font pas expertise.

Les principaux éléments d'analyse (et de ressentis) sont présentés par des Israélien.nes, des Palestinien.nes et des Arabes, des Juifs et Juives, des membres des mouvements de solidarité, des journalistes et chercheur.es… Elles et ils sont à nouveau longuement cité.es. Ce sont elles et ils qui donnent sa véritable substance à cette contribution, ce qui explique l'ordonnance un peu inhabituelle du texte, les citations étant usuellement bien plus brèves.

Le 7 octobre et Gaza – une onde de choc profonde et durable

Quel jour retiendra-t-on dorénavant pour dater les débuts de la crise en cours si ce n'est le 7 octobre 2023 ? La page du 7 octobre ne peut pas être tournée comme si elle n'avait qu'une importance éphémère. Un mois après, ce qui était une évidence se voit confirmer dans un texte assez remarquable écrit le 8 novembre 2023 par Haggai Matar.

Haggar Matar est israélien et l'on comprend qu'il ressente si profondément le choc du 7 octobre, cependant, le Hamas a aussi placé le mouvement palestinien et la région arabe à une brutale croisée des chemins dont les implications internationales sont encore difficiles à percevoir. De plus, Haggar Matar est le directeur exécutif du magazine +972, qui mène depuis 13 ans un combat pour la reconnaissance des droits de Palestiniens. Cette publication, considère-t-il, reste aujourd'hui encore « la principale voix médiatique » du mouvement où des « Palestiniens et [d]es Israéliens sont déjà en train de s'organiser et d'élaborer des stratégies pour mener le combat de leur vie. Cette terrible période mettra à l'épreuve l'humanité de tous ceux qui œuvrent pour un avenir meilleur sur cette terre ». Il constitue une « plateforme désespérément nécessaire où les journalistes et les militants palestiniens et israéliens peuvent rendre compte et analyser ce qui se passe, guidés par l'humanisme, l'égalité et la justice ».

A lire Haggar Matar, le 7 octobre apparaît comme un « événement global » de par son impact propre et parce qu'il a mis en lumière. Passons en revue, pour introduire une réflexion d'ensemble, les thématiques que relève Matar, quitte à y revenir ultérieurement plus en détail.

Un moment historique

« La vie de millions d'Israélien·nes et de Palestinien·nes a été bouleversée par les massacres commis par le Hamas en Israël ce jour-là, et par les massacres qu'Israël commet par la suite avec son assaut à grande échelle sur la bande de Gaza. Il est parfois difficile de reconnaître un moment historique lorsqu'on le vit, mais cette fois-ci, c'est clair : l'équilibre des forces a changé entre Israélien·nes et Palestinien·nes, et il changera le cours des événements à partir de maintenant. Un mois après le début de la guerre, il est temps de faire le point sur ce que nous savons qu'il est arrivé aux Israélien·nes, aux Palestinien·nes et à la gauche dans ce pays – et de faire quelques évaluations prudentes sur ce qui va suivre. »

Le 7 octobre

« Les atrocités commises par le Hamas dans le sud d'Israël en ce terrible samedi ont fait couler tellement d'encre, et tant de théories du complot et de fausses nouvelles ont proliféré, qu'il n'est pas inutile de nous rappeler quelques faits élémentaires. Ces faits ont été corroborés par de multiples sources indépendantes et journalistes, y compris des membres de l'équipe de +972 et de Local Call. Au cours d'une opération minutieuse et sans précédent, les militants du Hamas se sont échappés de la bande de Gaza assiégée, déjouant les plans de ce qui était considéré comme l'une des armées les plus puissantes et les plus sophistiquées de la région. (…) Ils ont tué environ 1 300 personnes, dont une majorité de civil·es. Le carnage a été brutal. (…) Environ 240 soldats et civil·es de tous âges, de 9 mois à plus de 80 ans, ont été enlevé·es à Gaza, et la plupart d'entre elles et eux y sont toujours détenu·es en tant qu'otages, sans lien avec le monde extérieur et sans que leurs familles aient la moindre idée de leur état. »

L'ébranlement

« Ces crimes de guerre, même s'ils ne sont pas sans contexte, sont totalement injustifiables. Ils ont ébranlé nombre d'entre nous, y compris moi-même, jusqu'au plus profond de nous-mêmes. La fausse idée que les Israélien·nes peuvent vivre en sécurité alors que les Palestinien·nes sont régulièrement tué·es dans le cadre d'un système brutal d'occupation, de siège et d'apartheid – une idée que le Premier ministre Benjamin Netanyahu a défendue et instillée en nous pendant ses longues années au pouvoir – s'est effondrée. »

Instabilité régionale

« Ce sentiment a été exacerbé par les vents de la guerre régionale et les attaques du Hezbollah contre les soldats et les civil·es israélien·nes dans le nord d'Israël, auxquelles Israël a répondu par ses propres frappes d'artillerie et de drones au Liban, tuant des combattants et des civil·es. Ce front supplémentaire a aggravé notre peur existentielle et le sentiment que nous, Israélien·nes et Palestinien·nes, ne sommes que des pions dans des luttes régionales et mondiales plus vastes (et ce n'est pas la première fois). »

L'État israélien, un hologramme

« L'effondrement de notre sentiment de sécurité est allé de pair avec la prise de conscience que l'État israélien tout entier n'est, en fait, rien de plus qu'un hologramme. L'armée, les services de secours, les services sociaux, etc. ont tous été dysfonctionnels. Les survivant·es israélien·nes, les personnes déplacées à l'intérieur du pays et les familles des otages se sont retrouvés sans personne vers qui se tourner, ce qui a poussé la société civile à intervenir pour combler le vide là où le gouvernement aurait dû se trouver. Des années de corruption politique nous ont laissés avec une coquille vide d'un État, sans aucun leadership à proprement parler. Pour les Israéliens, quelle que soit la manière dont nous sortons vainqueurs de la guerre, nous voulons nous assurer que rien de tel que le 7 octobre ne puisse se reproduire. »

Gaza

« Après avoir échoué sur tous les autres fronts, et avant même d'avoir repris le contrôle de toutes les zones occupées par le Hamas dans le sud du pays le 7 octobre, l'armée israélienne s'est immédiatement attelée à ce qu'elle sait faire de mieux : pilonner la bande de Gaza. Le chagrin, la douleur, le choc et la colère justifiés se sont traduits par un nouvel assaut militaire injustifiable et une campagne de punition collective contre les 2,3 millions de résident·es sans défense de la plus grande prison à ciel ouvert du monde – la pire que nous n'avons jamais vue. (…) Israël a coupé toute la population palestinienne de Gaza de l'électricité, de l'eau et du carburant, transformant une crise humanitaire déjà existante en une véritable catastrophe. [Elle] a ordonné l'évacuation de la moitié de la population – environ 1 million de personnes – du nord de la bande vers le sud, ainsi qu'une seconde évacuation de l'est vers l'ouest. (…) Les bombardements aériens incessants (…) ont jusqu'à présent tué plus de 10 000 Palestinien·nes en un mois seulement, ce qui constitue de loin le taux de mortalité le plus élevé que ce conflit ait jamais connu. La plupart de ces victimes sont des civil·es, dont plus de 4 000 enfants.(…) C'est sans compter les centaines, voire les milliers de corps, morts ou vivants, enterrés sous les décombres, que personne ne peut même commencer à fouiller. Les habitant·es palestinien·nes décrivent la puanteur de la mort qui s'empare de ce qui reste de certains quartiers détruits. Alors que nous, Israélien·nes, disposons de sirènes de roquettes, d'intercepteurs Iron Dome et d'abris, les habitant·es de Gaza n'ont rien de tout cela et n'ont aucun moyen de se protéger contre la pluie de bombes déversées sur toutes les parties de l'enclave assiégée. »

Gaza encagé. Crédit Photo. Wikimedia Commons

Cisjordanie, Israël « La guerre menée contre les Palestinien·nes ne se limite pas à Gaza. En Cisjordanie occupée, les colons, les soldats et un nombre croissant de milices mixtes – à tel point qu'il est impossible de les distinguer – ont considérablement intensifié leur campagne de nettoyage ethnique dans la zone C, les 60% du territoire occupé où se trouvent les colonies israéliennes et où l'armée exerce un contrôle total.(…) Les colons et les représentants du gouvernement s'efforcent d'étendre le territoire directement contrôlé par les colonies, ce qui reviendrait à expulser encore plus de Palestinien·nes vivant dans ces zones.(…) L'armée israélienne a arrêté plus d'un millier de Palestinien·nes accusés d'avoir des liens avec le Hamas, et des milliers de travailleurs/ travailleuses palestinien·nes de Gaza, qui avaient des permis de travail en Israël ou en Cisjordanie, ont été placé·es dans des camps d'internement dans des conditions très difficiles avant d'être expulsé·es vers Gaza à la fin de la semaine dernière. À l'intérieur d'Israël et de Jérusalem-Est occupée, les Palestinien·nes sont persécutés·e à la fois par les autorités et par l'opinion publique juive. Des centaines de citoyen·es palestinien·nes et quelques juifs /juives de gauche ont été arrêté·es ou détenu·es pendant de longues périodes, suspendu·es ou licencié·es, exclu·es des universités qu'elles et ils fréquentent en tant qu'étudiant·es ou professeur·es, et menacé·es de voir leur citoyenneté révoquée.(…) Tout cela a créé un sentiment de peur sans précédent parmi les citoyen·es palestinien·nes d'Israël, dont beaucoup parlent maintenant de cette période comme du « nouveau régime militaire », en référence au système draconien qui leur a été imposé de 1948 à 1966. »

Carte blanche « Les gouvernements occidentaux ont jusqu'à présent donné carte blanche à Israël pour commettre ces atrocités, faisant preuve d'un double standard entre la valeur des vies israéliennes et celle des vies palestiniennes – ce qui est en partie ce qui nous a amenés à cette situation en premier lieu. Nous ne voyons aucun remords pour le rôle que ces acteurs ont joué en réduisant au silence et en mettant à l'écart les Palestinien·nes et leurs allié·es au fil des ans, et en fermant toutes les voies diplomatiques et non violentes pour leur libération – des boycotts, désinvestissements et sanctions (BDS) à l'appel au Conseil de sécurité de l'ONU pour qu'il intervienne. »

Rayon de lumière

« Il existe des initiatives vraiment inspirantes de citoyen·es juifs/juives et palestinien·nes qui travaillent ensemble, se protègent mutuellement, signent des pétitions communes ou se portent volontaires pour aider les victimes, mais il s'agit malheureusement de petits rayons de lumière dans une tempête par ailleurs bien sombre. »

Une gauche brisée « Comme si tout ce qui se passe autour de nous n'était pas assez grave, nous assistons également à un moment douloureux pour la gauche en Israël-Palestine, ce qui conduit de nombreuses personnes autour de nous à se sentir encore plus désespérées et sans espoir. [N]ous voyons les deux communautés nationales qui nous entourent se replier sur elles-mêmes, avec des récits des événements du mois dernier qui s'éloignent rapidement et une confiance mutuelle en déclin. Cela laisse très seul·es celles et ceux d'entre nous qui s'engagent en faveur d'espaces partagés, d'une résistance partagée et d'un avenir commun fondé sur l'égalité. Il s'agit, à bien des égards, d'un microcosme condensé des dissensions qui ont émergé au sein de la gauche au niveau mondial au cours du mois dernier.(…) Ces tendances se développent au sein de deux communautés en proie à un chagrin, une peur et une anxiété bien réels, qui s'appuient toutes deux sur des traumatismes collectifs passés – l'Holocauste et la Nakba – dont les souvenirs sont ravivés par la rhétorique génocidaire des dirigeants du Hamas et du gouvernement israélien et, dans le cas palestinien, par les expulsions effectives et les discussions sur les plans visant à accroître encore les déplacements de population. Il va sans dire qu'en se réfugiant dans la chaleur et la protection de son groupe national ou ethnique, chaque partie réaffirme involontairement les craintes et les déceptions de l'autre, créant ainsi une dynamique destructrice d'escalade de la méfiance et du désespoir. »

La doctrine Nétanyahou « Netanyahou est fini. [Cependant, c'est] une raison supplémentaire pour laquelle [il] est si dangereux en ce moment, car il croit – à juste titre, dans l'état actuel des choses – que tant que la guerre se poursuit, personne ne se préoccupera de la politique de remplacement d'un Premier ministre.(…) Mais ce qui est bien plus important que Netanyahou lui-même, c'est la doctrine Netanyahou, qui est devenue le quasi-consensus de la politique israélo-juive. Selon cette doctrine, Israël a battu les Palestinien·nes, elles et ils ne sont plus un problème à affronter, nous pouvons « gérer » le conflit à feu doux et nous devrions concentrer notre attention sur d'autres questions. Tout au long de son règne quasi continu depuis 2009, cette perception a gagné les cœurs et les esprits des Israélien·nes, et la question de “quoi faire avec les Palestinien·nes“ – qui était la principale ligne de faille de la politique israélienne – a été presque entièrement retirée de l'ordre du jour, contribuant à l'orgueil démesuré qui a conduit l'armée à baisser sa garde autour de Gaza. Le mois dernier, le Hamas a décimé cette notion pour les années, voire les décennies à venir. »

Vers l'inconnu « La période actuelle est sombre et éprouvante pour celles et ceux d'entre nous qui se sont engagé·es à s'opposer à l'apartheid et à promouvoir une solution fondée sur la justice et l'égalité pour toutes et tous. D'une part, les acquis durement gagnés au cours de décennies de lutte commune ont été effacés par les massacres du Hamas, et il sera difficile de les récupérer. Notre mouvement est en plein désarroi et le désespoir est omniprésent. Des milliers de vies ont été perdues, des milliers d'autres risquent encore de périr, et les traumatismes collectifs que nous portons s'intensifient de jour en jour. D'un autre côté, une fois la guerre terminée, la société israélienne devra faire ses comptes, ce qui pourrait nous ouvrir de nouvelles opportunités à saisir. Une grande partie de ce pour quoi nous nous sommes battu·es deviendra de plus en plus pertinente, avec davantage de personnes localement et globalement désireuses de reconnaître que le système dans lequel nous vivons est injuste, insoutenable et n'offre à aucun·e d'entre nous une véritable sécurité. Nous devons redoubler d'efforts pour promouvoir un processus politique pacifique, avec pour objectif déclaré de mettre fin au siège et à l'occupation, de reconnaître le droit au retour des réfugié·es palestinien·nes et de trouver des solutions créatives pour concrétiser ce droit.

Mais la nouvelle réalité exigera quelques réalignements. Parallèlement à notre engagement en faveur de la pleine réalisation des droits de toutes et tous les Palestinien·nes, notre mouvement progressiste et antiapartheid devra être explicite quant aux droits collectifs des Juifs et Juives sur cette terre et veiller à ce que leur sécurité soit garantie, quelle que soit la solution trouvée. Nous devrons nous attaquer au Hamas et à sa place dans cette nouvelle réalité, en veillant à ce qu'il ne puisse plus commettre de telles attaques contre les Israélien·nes, tout comme nous insistons sur la sécurité des Palestinien·nes et leur protection contre l'agression de l'armée israélienne et des colons. Sans cela, il sera impossible d'aller de l'avant.

D'ici là, il y a deux appels extrêmement urgents sur lesquels nous devons concentrer nos efforts : la libération des otages civil·es et l'instauration d'un cessez-le-feu immédiat. Maintenant. » [3]

Un temps d'arrêt sur quelques questions politiques

Arrivé au bout de ce sombre tour d'horizon, il est bon de prendre pleinement en compte sa conclusion. Le Hamas (acronyme de Mouvement de la résistance islamique) est une organisation qui a connu d'importantes discontinuités au cours de son histoire. Parmi les grandes questions posées, la conception de son rôle et, aujourd'hui, les rapports (changeant ?) entre les représentations établies à l'étranger, la direction opérant à Gaza, son aile politique et sa branche militaire. Les massacres du 7 octobre n'ont pas de précédent réel. Les journalistes du Monde, Gilles Paris et Hélène Sallon, qui se sont attachés à documenter cette histoire [4], en concluent que « [l]es massacres perpétrés le 7 octobre constituent l'aboutissement d'un long processus scandé par trois inflexions majeures. D'abord tourné vers la prédication, le mouvement islamiste s'est imposé sur l'échiquier politique palestinien. Depuis le 7 octobre, son aile militaire est aux commandes.0 »

Le Hamas est aujourd'hui la principale organisation de la résistance palestinienne, mais ce n'est pas lui qui offrira un horizon émancipateur, les conditions d'une paix durable et d'un avenir solidaire à la crise actuelle. Nous y reviendrons plus en détail. Pour l'heure, je voudrais souligner les points suivants :

• Placer la question de la solidarité judéo-arabe au cœur de nos engagements internationalistes en défense du peuple palestinien ne se réduit pas à une position de principe. Elle s'incarne dans un soutien à celles et ceux, aux nombreuses organisations qui poursuivent ce combat en Palestine et en Israël, envers et à l'encontre des difficultés que l'on sait.

• Sur le plan international, d'importants mouvements assument positivement cet engagement, comme en France le Collectif national pour une Paix Juste et Durable entre Palestiniens et Israéliens (CNPJDPI) ou aux Etats-Unis (et au-delà) Jewish Voice for Peace. De fait, les initiatives affichant une volonté de solidarité intercommunautaire ou interconfessionnelle se sont multipliées depuis le 7 octobre et l'assaut contre Gaza.

• Ces mobilisations sont efficaces. Je me réfère ici à un texte du Palestinien Omar Barghouti, l'un des fondateurs du mouvement BDS (Boycott, Désinvestissement and Sanctions), à savoir le plus important mouvement international pour imposer des sanctions à l'encontre du régime israélien et pour mettre un terme aux complicités dont il bénéficie en Occident (et pas seulement) : « En période de carnage, d'agitation grégaire et de polarisation tribale, beaucoup peuvent considérer les principes éthiques comme une nuisance ou un luxe intellectuel. Je ne peux pas et je ne le ferai pas. Je ne désire rien de plus que voir la fin de toute violence en Palestine et partout ailleurs, et c'est précisément pourquoi je m'engage à lutter contre les causes profondes de la violence : l'oppression et l'injustice.

J'ai de cher.e.s ami.e.s et collègues dans le “camp de prisonnier.es“ de Gaza, comme l'appelait un jour l'ancien Premier ministre britannique David Cameron, un ghetto des temps modernes dont les 2,3 millions d'habitant.e.s sont pour la plupart des réfugié.e.s descendant.e.s de communautés qui ont été confrontées à des massacres et à un nettoyage ethnique planifié au cours des années de la Nakba à partir de 1948. Le blocus illégal imposé par Israël depuis 16 ans, aidé par les États-Unis, l'Europe et le régime égyptien, a transformé Gaza en une zone “invivable“, selon les Nations Unies (…).

« Une ligne importante, mais souvent manquée, de l'appel BDS [5], est celle qui appelait les personnes de conscience du monde entier “à faire pression sur vos États respectifs pour qu'ils imposent des embargos et des sanctions contre Israël“ et invitait “les Israélien.ne.s consciencieux.ses à soutenir cet appel, dans l'intérêt de la justice et d'une paix véritable“ (ndlr : à les rejoindre dans cette lutte). En effet, un nombre restreint, mais significatif, de juifs israéliens a rejoint le mouvement et joué un rôle important dans nos campagnes qui ont abouti à ce que des fonds d'investissement importants, des églises, des entreprises, des associations universitaires, des équipes sportives, des artistes, entre autres, cessent d'être complices des violations des droits de l'homme commises par Israël ou refusent d'être impliqués dans ces violations. » (…)

« Actuellement cependant, de nombreux gouvernements et médias occidentaux répètent une désinformation pernicieuse en affirmant que la dernière crise a commencé le 7 octobre par une attaque “non provoquée“ contre Israël. Qualifier l'incursion des groupes palestiniens de non provoquée n'est pas seulement contraire à l'éthique, c'est aussi un cliché raciste anti-palestinien typique qui nous considère comme des êtres humains relatifs qui ne méritent pas tous les droits de l'homme. Sinon, pourquoi la mort lente et implacable et la violence structurelle résultant du régime d'injustice d'Israël à notre encontre depuis 75 ans seraient-elles considérées comme invisibles ou indignes de condamnation et de responsabilité ? (…)

« Essayant de justifier sa décision d'imposer un « siège complet » à des millions de Palestinien.ne.s, le ministre israélien de la Guerre Yoav Gallant a déclaré : “Nous combattons des animaux humains et nous agissons en conséquence.“ Déplorant la perte de vies civiles des deux côtés, sans prendre parti pour les deux camps ni ignorer l'oppression vieille de plusieurs décennies, Jewish Voice for Peace aux États-Unis a condamné le racisme de Gallant en disant : “En tant que Juifs.ves, nous savons ce qui se passe lorsque les gens sont traités d'animaux. Nous pouvons et devons arrêter cela. « Plus jamais signifie plus jamais – pour personne“ (…)« Dans une telle situation de violence terrifiante, la cohérence morale est indispensable. Ceux.celles qui n'ont pas réussi à condamner la violence originelle et actuelle de l'oppression n'ont aucune position morale pour condamner les actes de violence illégaux ou immoraux commis par les opprimé.e.s. Plus important encore, l'obligation éthique la plus profonde à notre époque est d'agir pour mettre fin à la complicité. Ce n'est qu'ainsi que nous pourrons véritablement espérer mettre fin à l'oppression et à la violence. Comme beaucoup d'autres, les Palestinien.ne.s aiment et nous nous en soucions. Nous avons peur et nous osons. Nous espérons, et nous désespérons parfois. Mais par-dessus tout, nous aspirons à vivre dans un monde plus juste, sans hiérarchie des souffrances, sans hiérarchie des valeurs humaines, et où les droits et la dignité humaine de chacun.e sont chéris et respectés. » [6]

La démarche humaniste du mouvement BDS et d'Omar Barghouti constitue le fondement d'un combat internationaliste, c'est-à-dire tissant des liens de solidarité et de luttes entre les mouvements populaires et progressistes par-delà les frontières étatiques ou « tribales », pour reprendre son terme. Se contenter aujourd'hui de soutenir la Palestine sans dire un mot de la solidarité judéo-arabe, c'est afficher un internationalisme abstrait (ou un « campisme » de mauvais aloi).

Les résidents palestiniens d'Ein al-Rashrash emballent leurs biens et leurs matériaux de construction alors qu'ils fuient leurs maisons à la suite d'un pic de violence des colons israéliens pendant la guerre de Gaza, en Cisjordanie, le 18 octobre 2023. (Oren Ziv).

La spirale génocidaire

L'armée israélienne prétend toujours cibler des combattants du Hamas et ne recourir qu'à une violence proportionnée alors qu'elle détruit des quartiers entiers, d'incontestables crimes de guerre ! Selon les analystes (indépendants) du Guardian, l'étude « d'images satellites du nord de la bande de Gaza après d'intenses bombardements a permis d'identifier plus de 1 000 cratères visibles depuis l'espace dans un rayon d'environ 10 kilomètres carrés. » Par ailleurs, « Israël a annoncé qu'elle avait tiré plus de 8 000 munitions sur Gaza, touchant plus de 12 000 cibles. C'est plus que ce que les États-Unis ont utilisé en un an lors de leurs opérations en Afghanistan. » [7]

Avant que la libération d'otages ne prenne le devant, l'attention internationale a été largement focalisée sur l'hôpital Al-Shifa, le plus important de Gaza. Il n'y a aucune raison de croire à priori le Hamas ou l'armée israélienne qui font tous deux de la communication de guerre. Les « preuves » se fabriquent (où sont détruites) aisément, les « aveux » de prisonniers ne sauraient être pris en compte, les images (même si réelles) demandent à être interprétées… il est plutôt rassurant de voir qu'un otage blessé est hospitalisé en urgence !

Il n'y aurait rien de surprenant à ce que le Hamas ait utilisé des tunnels préexistants (servant à transporter des patients d'un service à l'autre) et en ait construit d'autres à des fins militaires, ni que l'armée israélienne ait échangées des tirs sans soucis des civils ou des soignants. J'ai simplement trouvé fort étrange la justification que les autorités israéliennes ont avancée pour exiger que l'hôpital soit évacué quel qu'en est le coût : la présence d'un poste de commandement majeur du Hamas dans les sous-bassement (à 50 m ?). Si cela avait été le cas, l'armée aurait tenté de le détruire et se serait justifiée après, ou sinon, se sachant découverte, il ne serait pas resté sur place, attendant d'être bombardé ! Dans tous les cas de figure, le maintien d'Al-Shifa sous pression est devenu un trompe-l'œil : l'arbre qui cache la forêt.

L'occupant israélien a effectivement détruit le système de santé à Gaza, la majorité des hôpitaux étant hors service et manquant de tout, les communications étant régulièrement coupées (ce qui interdit la coordination des secours), la population n'ayant plus accès à l'eau potable ou à une alimentation régulière… Je laisse longuement la parole à Catherine Russell, directrice générale de l'UNICEF, qui a témoigné le 22 novembre devant le Conseil de sécurité de l'ONU, témoignage publié sous le titre « La bande de Gaza est aujourd'hui l'endroit le plus dangereux au monde pour un enfant » :

« L'UNICEF salue […] l'accord restreint de cessez-le-feu. Nous sommes en mesure d'intensifier rapidement l'acheminement de l'aide humanitaire dont la population de Gaza a désespérément besoin, mais il faut bien sûr davantage de ressources pour répondre à des besoins qui ne cessent de croître. (…) [L]a guerre doit prendre fin et les meurtres et mutilations d'enfants doivent cesser immédiatement. [8] (…)

[J]e reviens tout juste d'un déplacement dans le sud du territoire où j'ai pu rencontrer des enfants, leurs familles et le personnel de l'UNICEF (…). Je suis hantée par ce que j'ai vu et entendu. [L'hôpital Nasser à Khan Yunis grouillait de monde. [Il] abrite des milliers de personnes déplacées à l'intérieur du pays. Elles dorment sur des couvertures, le long des couloirs et dans les parties communes (…). Dans le service de néonatalogie (…), j'ai vu de minuscules bébés s'accrocher à la vie dans des couveuses, tandis que les médecins s'inquiétaient de savoir comment ils pourraient faire fonctionner les machines sans carburant. [J]e me suis également entretenue avec une employée de l'UNICEF qui, bien qu'elle ait perdu 17 membres de sa propre famille élargie, travaille héroïquement pour permettre aux enfants et aux familles d'avoir accès à de l'eau potable et à des installations sanitaires. (…)

Le bilan pour les enfants de Gaza est sans précédent [Il]es représente[raient] 40 % des morts. Cette situation est sans précédent. Autrement dit, la bande de Gaza est aujourd'hui l'endroit le plus dangereux au monde pour un enfant. Nous recevons également des informations selon lesquelles plus de 1 200 enfants se trouvent encore sous les décombres des bâtiments bombardés ou sont portés disparus. (…) Il convient de noter que le nombre de morts dans la crise actuelle a largement dépassé le nombre total de morts au cours des escalades précédentes.

Les enfants en grande détresse psychologique Les enfants qui parviennent à survivre à la guerre risquent de voir leur vie irrémédiablement altérée par une exposition répétée à des événements traumatisants [qui] peuvent induire un stress toxique qui interfère avec leur développement physique et cognitif. Avant même cette dernière escalade, plus de 540 000 enfants de Gaza, soit la moitié de la population infantile, avaient été identifiés comme ayant besoin d'un soutien psychosocial et en santé mentale. Aujourd'hui, plus de 1,7 million de personnes, dont la moitié sont des enfants, sont déplacées. Nous sommes particulièrement préoccupés par [le nombre] d'enfants déplacés qui ont été séparés de leur famille le long des couloirs d'évacuation vers le sud, ou qui arrivent non accompagnés dans les hôpitaux pour des soins médicaux. [Particulièrement vulnérables], il est urgent de les identifier, de leur fournir des soins temporaires et de leur donner accès à des services de recherche et de réunification familiale.

La menace d'une crise nutritionnelle pèse sur Gaza. Outre les bombes, les roquettes et les tirs, les enfants de Gaza sont particulièrement menacés par des conditions de vie catastrophiques. Un million d'enfants – en fait, tous les enfants du territoire – souffrent aujourd'hui d'insécurité alimentaire et sont confrontés à ce qui pourrait bientôt devenir une crise nutritionnelle catastrophique. Nous prévoyons qu'au cours des prochains mois, l'émaciation, la forme de malnutrition la plus dangereuse pour la vie des enfants, pourrait augmenter de près de 30 % à Gaza.

Une tragédie sanitaire en passe de s'aggraver Parallèlement, la capacité de production d'eau a chuté à seulement 5 % de sa production normale, les familles et les enfants comptant sur trois litres ou moins d'eau par personne et par jour pour la consommation, la cuisine et l'hygiène. [L]e pompage de l'eau, le dessalement et le traitement des eaux usées ont tous cessé de fonctionner en raison du manque de carburant. Les services d'assainissement se sont effondrés. Ces conditions entraînent des épidémies qui peuvent mettre en danger la vie des plus vulnérables, comme les nouveau-nés, les enfants et les femmes, en particulier ceux qui souffrent de malnutrition. Nous constatons des cas d'infections diarrhéiques et respiratoires chez les enfants de moins de cinq ans. Nous craignons que la situation ne s'aggrave avec l'arrivée des températures hivernales plus froides.

Les risques pour la santé publique à Gaza sont aggravés par la cessation quasi totale des activités du système de soins de santé. Plus des deux tiers des hôpitaux ne fonctionnent plus en raison du manque de carburant et d'eau, ou parce qu'ils ont subi des dommages considérables lors des attaques. (…) Les patients des hôpitaux sont blessés, tués ou meurent à cause du manque de médicaments et de soins.

Les hôpitaux et les écoles doivent être épargnés. Les hôpitaux ne doivent jamais être attaqués ou réquisitionnés par les belligérants. Et comme des milliers de personnes déplacées ont trouvé refuge dans les établissements de santé de Gaza, je ne saurais trop insister sur ce point. (…) Toutefois, même ces espaces, où les enfants et les familles ont cherché refuge après avoir fui leurs maisons, ont été attaqués. (…)

Les reliques de cette guerre constitueront un danger pour de longues années Dans tout l'État de Palestine et en Israël, les parties au conflit commettent de manière flagrante de graves violations à l'encontre des enfants – notamment des meurtres, des mutilations, des enlèvements, des attaques contre des écoles et des hôpitaux, et le refus de l'accès à l'aide humanitaire. Mais à Gaza, les conséquences de la violence perpétrée contre les enfants ont été catastrophiques, aveugles et disproportionnées. Et lorsque la guerre prendra fin, la contamination des sols par des résidus explosifs sera sans précédent (…) – une menace mortelle pour les enfants qui pourrait durer des décennies.

Les civils et le personnel humanitaire doivent être protégés en toutes circonstances À l'intérieur de Gaza, la guerre a également causé le plus grand nombre de pertes humaines parmi le personnel onusien, avec plus de 100 membres du personnel de l'UNRWA tués. Ces derniers jours, une collègue de l'OMS, son bébé de 6 mois, son mari et ses deux frères ont été tués.

Excellences, pour que les enfants puissent survivre, pour que les travailleurs humanitaires puissent rester et agir efficacement, les pauses humanitaires ne sont tout simplement pas suffisantes. L'UNICEF demande un cessez-le-feu humanitaire urgent pour mettre fin immédiatement à ce massacre. (…)

L'appel de l'UNICEF

Nous réitérons également notre appel aux parties prenantes pour qu'elles respectent immédiatement et pleinement le droit international humanitaire et les droits de l'homme, y compris les principes de nécessité, de distinction, de précaution et de proportionnalité.

Nous leur demandons d'aller au-delà de ce que le droit exigede protéger les enfants et les infrastructures civiles dont ils dépendent, et de libérer immédiatement et sans condition tous les otages civils détenus dans la bande de Gaza, en particulier les enfants.

Nous appelons les parties à respecter la résolution 2712 et à fournir un accès humanitaire sûr et sans restriction à la bande de Gaza et à l'intérieur de celle-ci, y compris dans le nord. Les belligérants doivent permettre l'entrée immédiate des fournitures vitales, y compris le carburant, nécessaire au transport par camion, au dessalement et au pompage de l'eau, ainsi qu'à la production de farine. Nous devons être autorisés à acheminer des fournitures essentielles WASH, des bâches, des tentes et des poteaux. (…)

La destruction de Gaza et le meurtre de civils n'apporteront ni la paix ni la sécurité dans la région. Les habitants de cette région méritent la paix. Seule une solution politique négociée – qui donne la priorité aux droits et au bien-être des générations actuelles et futures d'enfants israéliens et palestiniens – peut la garantir.

J'exhorte les parties à répondre à cet appel, en commençant par un cessez-le-feu humanitaire, première étape sur la voie d'une paix durable. Et je vous demande instamment, en tant que membres du Conseil de sécurité, de faire tout ce qui est en votre pouvoir pour mettre fin à cette catastrophe pour les enfants.
Merci.
» [9]

© UNICEF/Eyad El Baba Des bébés de l'hôpital Al-Shifa sont préparés à être évacués.

Tous les témoignages convergent : jamais la situation à Gaza n'a été aussi dramatique, jamais une offensive de l'armée israélienne n'a été aussi destructive. Jamais la « Doctrine Dahiya » n'a été mise en œuvre de façon aussi implacable.

Cette doctrine, explique notamment René Backman, de Mediapart, a été formulée en 2006 par le général Gadi Eizenkot, actuel membre du gouvernement Netanyahou au titre de ministre sans portefeuille. Elle tient son nom d'un quartier chiite de Beyrout, Dahiya, bastion du Hezbollah, qui a été rasé par l'aviation israélienne. Elle promeut « une stratégie de guerre totale qui ne distingue pas les cibles civiles des cibles militaires et ignore délibérément le principe de proportionnalité de la force, fondements du droit de la guerre. ». Ainsi, « [s]pécialiste du “ combat asymétrique en milieu urbain“ », Eizenkot donnait la priorité à la puissance de destruction sur la précision des frappes. « Ce qui est arrivé à Dahiya », expliquait-il en 2008, « arrivera à toutes les localités qui serviront de bases à des tirs contre Israël. Nous ferons un usage de la force disproportionné contre ces zones et y causerons de grands dommages et destructions. Ce n'est pas une recommandation, c'est un plan, et il a déjà été approuvé. »

« Face à un déclenchement d'hostilités, l'armée doit agir immédiatement, de manière décisive, avec une force disproportionnée, par rapport aux actions de l'ennemi et à la menace qu'il constitue », a précisé l'un de ses subordonnés, le colonel Gabriel Siboni, exposant la doctrine au nom de l'Institut national israélien des études de sécurité (INSS). « Une telle réplique, ajoutait-il, « a pour but d'infliger des dégâts et des pertes considérables, de porter la punition à un niveau tel qu'il exigera un processus de reconstruction long et coûteux. » [10]

Comme le note Haggai Matar, « Selon les Nations unies, plus de 45% des maisons de la bande de Gaza ont été détruites ou gravement endommagées par les attaques israéliennes. (…) Alors que les nouvelles et les images de la destruction et de la mort sont là pour le monde entier, le public israélien n'en voit et n'en pense pas grand-chose. Les médias israéliens dominants se concentrent exclusivement sur les massacres du 7 octobre, et pas du tout sur celles et ceux qui se déroulent actuellement en notre nom. Au lieu de cela, nous continuons à entendre des concours sans fin de rhétorique génocidaire, avec des commentateurs et des politiciens israéliens qui parlent d'“aplatir“ Gaza, de bombarder Gaza, de nettoyer ethniquement Gaza, de combattre des “animaux humains“, et ainsi de suite. » [11]

Colonialisme de peuplement, suprémacisme juif et apartheid

Le gouvernement Netanyahou veut franchir un pas de plus dans l'affirmation du suprémacisme juif en Palestine qu'a décrit et dénonce B'Tselem :

« Le régime israélien, qui contrôle tout le territoire entre le Jourdain et la Méditerranée, cherche à faire avancer et à cimenter la suprématie juive dans toute la région. À cette fin, il a divisé la région en plusieurs unités, chacune dotée d'un ensemble différent de droits pour les Palestiniens — toujours inférieurs aux droits des Juifs. Dans le cadre de cette politique, les Palestiniens se voient refuser de nombreux droits, dont le droit à l'autodétermination. Cette politique est mise en œuvre de plusieurs façons. Israël moule la démographie et l'espace par des lois et des ordonnances qui permettent à tout Juif dans le monde ou à sa famille d'obtenir la citoyenneté israélienne, mais dénie presque complètement cette possibilité aux Palestiniens. Il a physiquement reconstruit la région entière en s'emparant de millions de dunams de terre et en établissant des communautés réservées aux Juifs, tout en repoussant les Palestiniens vers des petites enclaves. Le déplacement est contraint par des restrictions sur les sujets palestiniens, et le régime politique exclut des millions de Palestiniens de la participation aux processus qui déterminent leur vie et leur avenir, tout en les maintenant sous occupation militaire. Un régime qui utilise lois, pratiques et violence organisée pour cimenter la suprématie d'un groupe sur un autre est un régime d'apartheid. L'apartheid israélien qui promeut la suprématie des Juifs sur les Palestiniens n'est pas né en un seul jour, ni d'un seul discours. C'est un processus qui est graduellement devenu plus institutionnalisé et plus explicite, avec des mécanismes introduits au cours du temps dans la loi et dans la pratique pour promouvoir la suprématie juive. Ces mesures accumulées, leur omniprésence dans la législation et la pratique politique, et le soutien public et judiciaire qu'elles reçoivent — tout cela forme la base de notre conclusion : la barre pour qualifier le régime israélien d'apartheid a été atteinte. » [12]

Ces cartes, déjà publiées dans la première partie de cette contribution, montrent que nous atteignons aujourd'hui le point d'aboutissement de ce processus.

Un cran de plus dans ce processus et Gaza comme la Cisjordanie disparaissent de la carte. Le rêve de Netanyahou. Il n'est pas certain qu'il se réalise sous cette forme « chimiquement pur » : l'Etat des Juifs, souverain de la rive méditerranéenne au fleuve Jourdain. Une partie de l'establishment israélien et de la classe politique états-unienne s'oppose à ce jusqu'auboutisme militaire dont les conséquences peuvent être profondes en Israël même et dans la région arabe, bloquant la reprise de la normalisation diplomatique que l'attaque du Hamas a retardée. Mais, comme l'a noté Julien Salingue en mai dernier (avant le 7 octobre donc) :

« En refusant de concéder le moindre droit aux PalestinienEs tout en poursuivant son expansion coloniale, l'État d'Israël a petit à petit, paradoxalement et dans une certaine mesure, inversé la tendance à la fragmentation qui était à l'œuvre depuis plusieurs décennies. De fait, il existe aujourd'hui un seul État entre la Méditerranée et le Jourdain, avec entre autres un seul système économique (déséquilibré, mais unifié), une seule monnaie, des infrastructures communes (routes, eau, électricité…), deux langues, l'arabe et l'hébreu, qui sont déjà celles de l'État d'Israël, etc. Un seul État, mais, en son sein, une population privée de ses droits nationaux et démocratiques sur des bases ethnonationales, soit une situation qui peut être qualifiée de régime d'apartheid ». [13]

Depuis le 7 octobre, le nombre de voix qui dénoncent la menace génocidaire se multiplie. Le terme de génocide est utilisé dans des acceptations plus ou moins restreintes, plus ou moins juridiques. L'augmentation brutale des décès à Gaza sous les bombardements et les décombres, ainsi que la mort lente de milliers d'autres personnes qu'annonce la situation sanitaire catastrophique provoquée par le blocus, ou encore l'appel sans fard à poursuivre jusqu'à son terme la politique d'épuration ethnique lancé par des dirigeants de l'extrême droite religieuse israélienne, justifient ces alertes. La question s'inscrit dans l'histoire longue de la colonisation.

Ainsi, pour l'historien israélo-britannique Avi Shlaim, « Les dirigeants israéliens diabolisent le peuple palestinien, ce qui constitue un préalable à l'épuration ethnique et au génocide (…). Il qualifie l'opposition des dirigeants occidentaux à un cessez-le-feu de “mandat de génocide“ et les accuse de “complicité dans les crimes de guerre d'Israël“. Avec la déclaration Balfour de 1917 et son mandat ultérieur sur la Palestine, la Grande-Bretagne a commis ce que Shlaim appelle “le péché originel“ en “volant la Palestine aux Palestiniens et en la donnant aux sionistes“.

Après la création d'Israël en 1947, les États-Unis en sont devenus les “auxiliaires“, explique M. Shlaim. “Le problème du soutien américain à Israël est qu'il est inconditionnel. Il n'est pas conditionné au respect des droits de l'homme des Palestiniens ou au respect du droit international. Pour Israël, le prix de ses violations est nul. C'est pourquoi Israël s'en tire, littéralement, par le meurtre, et aujourd'hui littéralement par le meurtre de masse, parce que l'Amérique ne lui demande pas de comptes“. [14]

Pour Gilbert Achcar, « Le scénario du Grand Israël est celui qui séduit le plus Benjamin Netanyahu et ses acolytes de l'extrême droite israélienne. Le parti Likoud est l'héritier de l'extrême droite sioniste, connue sous le nom de sionisme révisionniste, dont les branches armées ont perpétré le massacre de Deir Yassin, le meurtre de masse de Palestiniens le plus infâme perpétré en 1948, au milieu de ce que les Arabes appellent la Nakba (catastrophe). (…)

Lors de son récent discours à l'Assemblée générale des Nations Unies à New York, deux semaines seulement avant le 7 octobre, Netanyahu a brandi une carte du Moyen-Orient montrant un Grand Israël incluant Gaza et la Cisjordanie. Ce qui est encore plus pertinent dans le cadre de la nouvelle guerre de Gaza est le fait – à peine mentionné dans les médias internationaux – que Netanyahu avait démissionné du cabinet israélien dirigé par Sharon en 2005 pour protester contre la décision de ce dernier d'évacuer Gaza. (Sharon avait succédé à Netanyahu à la tête du Likoud en 1999, après la défaite électorale de ce dernier face au Parti travailliste alors dirigé par Ehud Barak. Il avait ensuite réussi à remporter les élections suivantes, en 2003, et avait offert le ministère des finances à Netanyahu).(…)

Le Grand Israël n'est cependant pas une ambition unanime des dirigeants israéliens – même après le 7 octobre. Il bénéficie de quelque soutien aux États-Unis, dans l'extrême droite du Parti républicain et parmi les sionistes chrétiens. Mais cette idée n'est certainement pas soutenue par la majeure partie de l'establishment américain de la politique étrangère, et en particulier par les Démocrates. L'administration Biden – connue pour avoir peu de sympathie pour Netanyahu, qui en 2012 a ouvertement soutenu le Républicain Mitt Romney à la présidence contre Barack Obama (et Biden, son vice-président) – s'en tient à la perspective, créée par les accords d'Oslo, d'un État palestinien croupion, pouvant fournir un alibi pour marginaliser la cause palestinienne et ouvrir la voie au développement des liens et de la collaboration entre Israël et les États arabes.(…)
L'indication la plus claire à ce jour qu'une partie de l'establishment militaro-politique israélien est d'accord avec l'administration Biden a été fournie par Ehud Barak, ancien chef d'état-major général des forces armées israéliennes et ancien premier ministre [qui] a peaufiné le scénario d'Oslo dans une interview accordée à The Economist.(…)

En fin de compte, les deux scénarios – le Grand Israël et Oslo – reposent sur la capacité d'Israël à détruire le Hamas à un degré suffisant pour l'empêcher de contrôler Gaza. » (15)

Les résidents palestiniens de Khirbet Zanuta emballent leurs biens et les matériaux de leur maison alors qu'ils fuient leur domicile à la suite d'un pic de violence des colons israéliens pendant la guerre de Gaza, en Cisjordanie, le 1er novembre 2023. (Oren Ziv).

Craig Mokhiber était le directeur du bureau de New York du Haut-Commissariat aux Droits Humains (HCDH) de l'ONU. Il a annoncé sa démission le 28 octobre dans une lettre adressée au Haut Commissaire : « Je vous écris à un moment de grande angoisse pour le monde, y compris pour beaucoup de nos collègues. Une fois de plus, nous assistons à un génocide qui se déroule sous nos yeux, et l'organisation que nous servons semble impuissante à l'arrêter. J'ai enquêté sur les droits humains en Palestine depuis les années 1980, j'ai vécu à Gaza en tant que conseiller de l'ONU pour les droits humains dans les années 1990, j'ai effectué plusieurs missions de défense des droits humains dans le pays avant et depuis et cette situation m'est profondément personnelle. J'ai également travaillé dans ces salles lors des génocides contre les tutsis, contre les musulmans bosniaques, contre les yézidis et contre les rohingyas. Dans chaque cas, lorsque la poussière est retombée sur les horreurs perpétrées contre des populations civiles sans défense, il est devenu douloureusement clair que nous avions manqué à notre devoir de répondre aux impératifs de prévention des atrocités de masse, de protection des personnes vulnérables et d'obligation de rendre des comptes aux auteurs de ces actes. Il en a été de même avec les vagues successives de meurtres et de persécutions contre les palestiniens tout au long de l'existence de l'ONU.

Nous échouons à nouveau. En tant qu'avocat spécialisé dans les droits humains, avec plus de trente ans d'expérience dans ce domaine, je sais bien que le concept de génocide a souvent fait l'objet d'abus politiques. Mais le massacre actuel du peuple palestinien, ancré dans une idéologie coloniale ethnique et nationaliste, dans la continuité de décennies de persécution et d'épuration systématique, entièrement fondée sur leur statut d'arabes, et associé à des déclarations d'intention explicites de la part des leaders du gouvernement et de l'armée israélienne, ne laisse aucune place au doute ou au débat.(…)
[Malgré ces], circonstances, [l]e pouvoir de protection du conseil de sécurité a de nouveau été bloqué par l'intransigeance des États-Unis, le secrétaire général est attaqué pour les protestations les plus légères et nos mécanismes de défense des droits humains font l'objet d'attaques calomnieuses soutenues de la part d'un réseau organisé d'impunité en ligne. (…) [N]ous n'avons pas relevé le défi. Le pouvoir de protection du conseil de sécurité a de nouveau été bloqué par l'intransigeance des États-Unis, le secrétaire général est attaqué pour les protestations les plus légères et nos mécanismes de défense des droits humains font l'objet d'attaques calomnieuses soutenues de la part d'un réseau organisé d'impunité en ligne.

La voie de l'expiation est claire. Nous avons beaucoup à apprendre de la position de principe adoptée ces derniers jours dans des villes du monde entier, où des masses de personnes s'élèvent contre le génocide, même au risque d'être battues et arrêtées. Les palestiniens et leurs alliés, les défenseurs des droits humains de tous bords, les organisations chrétiennes et musulmanes et les voix juives progressistes qui disent « pas en notre nom », montrent tous la voie. Il ne nous reste plus qu'à les suivre.

Vendredi 27 Octobre 2023, à quelques rues d'ici, la gare Grand Central de New York a été complètement envahie par des milliers de défenseurs juifs des droits humains solidaires du peuple palestinien et exigeant la fin de la tyrannie israélienne, beaucoup d'entre eux risquant d'être arrêtés. Ce faisant, ils ont éliminé en un instant l'argument de propagande de la hasbara israélienne et le vieux tropisme antisémite selon lequel Israël représente en quelque sorte le peuple juif. Ce n'est pas le cas et, en tant que tel, Israël est seul responsable de ses crimes. Sur ce point, il convient de répéter (… ») que la critique des violations des droits humains par Israël n'est pas antisémite, pas plus que la critique des violations saoudiennes n'est islamophobe, que la critique des violations du Myanmar n'est antibouddhiste et que la critique des violations indiennes n'est contre les hindous.(…)

Je trouve également de l'espoir dans les parties de l'ONU qui ont refusé de compromettre les principes de l'organisation en matière de droits humains, en dépit des énormes pressions exercées en ce sens. Nos rapporteurs spéciaux indépendants, nos commissions d'enquête et nos experts des organes de traités, ainsi que la majorité des membres de notre personnel, ont continué à défendre les droits humains du peuple palestinien, alors même que d'autres parties de l'ONU, même au plus haut niveau, ont honteusement courbé l'échine devant le pouvoir. En tant que gardien des normes et des standards en matière de droits humains, le HCDH a le devoir particulier de défendre ces normes. Notre tâche, je crois, est de faire entendre notre voix, du secrétaire général à la dernière recrue de l'ONU, et horizontalement dans l'ensemble du système de l'ONU, en insistant sur le fait que les droits humains du peuple palestinien ne font l'objet d'aucun débat, d'aucune négociation ni d'aucun compromis, où que ce soit sous le drapeau bleu. » [16]

Le 7 octobre, civils, militaires et crimes de guerre

Si le Hamas s'était contenté d'attaquer casernes, commissariats, milices armées et de se retirer avec des prisonniers de guerre (à savoir des soldats), il est probable que le gouvernement Netanyahou aurait « riposté » de la même façon dévastatrice qu'il l'a fait, saisissant l'occasion de mettre en œuvre une nouvelle étape de sa politique d'épuration ethnique. Le Hamas aurait, pour sa part, réalisé ce qui devait bien faire partie de ses principaux objectifs : remettre la question palestinienne durablement sur le devant de la scène, bloquer la finalisation du processus de normalisation diplomatique des régimes arabes avec Israël (l'Arabie saoudite s'y engageant) et s'imposer comme un interlocuteur incontournable dans le jeu diplomatique, susciter une vague de solidarité dans la région, reprendre la main face à la concurrence d'autres mouvements à Gaza où son impopularité croissait, renforcer son implantation en Cisjordanie... Pour tout cela, il n'était nul besoin de massacrer des civils.

L'ONU elle-même a reconnu le droit des Palestiniens à se défendre, y compris sous forme armée. Le Hamas ne possède pas des missiles de précision lui permettant, s'il le voulait, de limiter au minimum le nombre de victimes civiles de ses bombardements (à la différence d'Israël). Il mène une guerre du faible au fort dans un environnement géographique qui lui interdit de déployer des guérillas dans des régions montagnardes peu peuplées. Il ne va pas aligner ses unités combattantes sur la plage ! Alors, il s'est enterré. Difficile de lui reprocher. Mais le 7 octobre, il avait le choix : s'en tenir aux cibles militaires ou pas.

Deux poids deux mesures ? La définition des crimes de guerre est précise. Cibler intentionnellement des personnes non armées en fait partie.

Nous dénonçons, à juste raison, les « deux poids deux mesures ». Les puissances occidentales dénoncent le « terrorisme » du Hamas, mais se gardent de dénoncer le « terrorisme d'Etat » d'Israël à Gaza. Toutes les grandes puissances ont d'ailleurs elles-mêmes commis ou couvert, dans un conflit ou un autre, de tels crimes visant à terroriser des populations en vue, notamment, d'imposer un « changement de régime ».

Cependant, pour que cette critique soit valide, nous ne devons pas reproduire nous-mêmes une posture « deux poids deux mesures », en nous taisant sur les crimes que des Etats ou des mouvements opposés aux Etats-Unis commettent. Le Hamas a bel et bien commis un crime de guerre d'envergure le 7 octobre dernier en s'attaquant à des civils de toutes générations et en les prenant en otages (de bébés à des personnes fort âgées) – elles et ils constituent la majorité des quelque 1200 personnes qui ont trouvé la mort. Les attaquants ont aussi assassiné de façon indiscriminée des Arabes, des migrant.es étrangers et des militant.es de la solidarité propalestinienne dont il connaissait parfaitement la présence sur place, comme Vivian Silver, 74 ans, particulièrement active dans la défense des Bédouins vivant dans le désert du Néguev. [17]

Vivian Silver a fondé et travaillé sur plusieurs initiatives visant à rassembler les Israéliens juifs et les Palestiniens (médias sociaux).

Les combattants du Hamas ont aussi commis des viols sur lesquels trop d'organisations progressistes se taisent. Certes, l'armée israélienne et ses services secrets ont fait du viol de Palestiniennes une politique de terreur, mais les crimes sexuels de l'un n'excusent pas ceux de l'autre.

Voici une déclaration publiée à ce sujet en France par des féministes internationalistes, antiracistes et anticolonialistes qui me paraît importante tant par son contenu que par le poids représentatif des signataires :

Nous sommes choquées et émues face à la violence qui se déploie en Palestine/Israël depuis le 7 octobre.

Nous refusons la déshumanisation des Palestiniens et Palestiniennes. Les bombardements meurtriers et les déplacements forcés que subissent les habitant·es de la bande de Gaza depuis plus d'un mois ont des conséquences tragiques : aujourd'hui, plus de 11 000 personnes ont été tuées par l'armée israélienne.

Parmi elles, les femmes et les enfants constituent la majorité des victimes selon l'ONU. Plus d'1,5 million de Gazaoui·es ont été jetées sur la route d'un exil sans issue alors que la bande de Gaza est fermée à double tour. Plus d'eau, plus de carburant, plus de nourriture, plus de médicaments. Et les bombes qui continuent de pleuvoir.

Le 7 octobre aussi la violence s'est exercée de manière déshumanisante et genrée : les habitantes des kibboutz comme les participantes à la rave ont subi viols, humiliations et mises à mort...

Comme dans toutes les guerres, les femmes sont des victimes singulières. A Gaza, aujourd'hui, 50 000 femmes sont enceintes selon l'ONU Femmes. Plus de 10% d'entre elles sont à moins d'un mois de leur accouchement. Lorsque l'on opère encore Gaza, on le fait à vif : les hôpitaux sont ciblés par les bombardements de l'armée israélienne et les stocks d'antidouleurs ou d'anesthésiants sont épuisés depuis longtemps. Les co

Haaretz : La prochaine surprise d’Israël viendra de la Cisjordanie

La prochaine surprise n'en sera pas une. Elle sera peut-être moins meurtrière que la précédente, le 7 octobre, mais son prix sera élevé. Lorsqu'elle nous tombera dessus, nous (…)

La prochaine surprise n'en sera pas une. Elle sera peut-être moins meurtrière que la précédente, le 7 octobre, mais son prix sera élevé. Lorsqu'elle nous tombera dessus, nous laissant abasourdis par la brutalité de l'ennemi, personne ne pourra prétendre qu'il ne savait pas qu'elle allait arriver.

Tiré de France Palestine Solidarité. Photo : attaque de colons à Qusra, village du sud de Naplouse le 11 octobre 2023. Un commando de colons lourdement armés, équipés de fusils d'assaut M-16, ont pénétré dans le village et tiré à vue sur tous les palestiniens qu'ils ont pu voir. Source : Bt'selem

La prochaine surprise n'en sera pas une. Elle sera peut-être moins meurtrière que la précédente, le 7 octobre, mais son prix sera élevé. Lorsqu'elle nous tombera dessus, nous laissant abasourdis par la brutalité de l'ennemi, personne ne pourra prétendre qu'il ne savait pas qu'elle allait arriver.

L'armée ne pourra pas le faire, parce qu'elle a constamment lancé des avertissements, mais n'a pas bougé le petit doigt pour l'empêcher. La responsabilité des Forces de défense israéliennes (FDI) sera donc tout aussi grande que lors du massacre dans le sud, et tout aussi importante que celle des colons et des politiciens qui les empêchent prétendument d'agir.

La prochaine cocotte-minute qui va nous exploser à la figure est en train de bouillir en Cisjordanie. Les FDI le savent ; ses commandants ne cessent de nous mettre en garde à ce sujet. Il s'agit d'avertissements hypocrites et moralisateurs destinés à couvrir les arrières de l'armée. Ces avertissements sont éhontés, car les FDI, avec leurs propres mains et leurs propres soldats, attisent le feu tout autant que les colons.

Prétendre que nous pourrions nous retrouver à nous battre sur un autre front uniquement à cause des colons est un mensonge et une duplicité. Si l'armée israélienne l'avait voulu, elle aurait pu agir immédiatement pour apaiser les tensions. Si elle l'avait voulu, elle aurait agi contre les colons, comme une armée normale est tenue de le faire à l'égard des milices locales et des groupes armés.

Les ennemis d'Israël en Cisjordanie sont notamment les colons, et les FDI ne font rien pour les arrêter. Ses soldats participent activement aux pogroms, maltraitant de manière scandaleuse les habitants - les photographiant et les humiliant, les tuant et les arrêtant, détruisant les mémoriaux, comme celui de Yasser Arafat à Tulkarem, et arrachant des milliers de personnes à leur lit. Tout cela jette de l'huile sur le feu et fait monter la tension.

Des soldats revanchards, envieux de leurs compatriotes de Gaza, se déchaînent dans les territoires occupés, le doigt léger et enthousiaste sur la gâchette. Près de 200 Palestiniens y ont été tués depuis le début de la guerre, et personne ne les arrête. Aucun commandant régional, commandant de division ou commandant sur le terrain n'arrête le déchaînement. Il est difficile de croire qu'ils sont également paralysés par la peur des colons. Après tout, ils sont considérés comme courageux.

Les colons sont en extase. L'odeur du sang et de la destruction qui monte de Gaza les incite à se déchaîner comme jamais auparavant. Plus besoin de contes de fées sur les loups solitaires ou les mauvaises graines. L'entreprise de colonisation, avec son cortège de fonctionnaires politiques et de financements, ne se bat pas contre les pogroms qui en émanent. La guerre est leur jour de paie, leur grande chance.

Sous le couvert de la guerre et de la brutalité du Hamas, ils ont saisi l'occasion de chasser le plus grand nombre possible de Palestiniens de leurs villages - en particulier les plus pauvres et les plus petits - avant la grande expulsion qui aura lieu après la prochaine guerre, ou celle qui suivra.

Cette semaine, j'ai visité le no man's land dans le sud des collines d'Hébron. Les choses n'ont jamais ressemblé à cela auparavant. Chaque colon est désormais membre d'une "équipe de sécurité". Chaque "équipe de sécurité" est une milice armée et sauvage qui a le droit de maltraiter les éleveurs et les agriculteurs et de les expulser.

Seize villages de Cisjordanie ont déjà été abandonnés et l'expulsion se poursuit à plein régime. Pour l'essentiel, les FDI n'existent pas. Israël, qui ne s'est jamais intéressé à ce qui se passe en Cisjordanie, n'en entendra certainement plus parler. Les médias internationaux s'y intéressent de près et comprennent où cela mène.

Derrière tout cela, on retrouve la même arrogance israélienne qui a permis la surprise du 7 octobre. La vie des Palestiniens est considérée comme moins que rien. S'occuper de leur sort et de l'occupation est considéré comme une nuisance obsessionnelle. L'idée dominante est que si nous l'ignorons, les étoiles s'aligneront d'une manière ou d'une autre.

Ce qui se passe en Cisjordanie reflète une situation incroyable. Même après le 7 octobre, Israël n'a rien appris. Si le désastre actuel dans le sud nous est tombé dessus après des années de siège, de déni et d'indifférence, le prochain tombera parce qu'après son prédécesseur, Israël n'a pas pris au sérieux les avertissements, les menaces et la gravité de la situation.

La Cisjordanie gémit de douleur et personne en Israël n'écoute son appel à l'aide. Les colons se déchaînent et personne en Israël n'essaie de les arrêter. Jusqu'où les Palestiniens peuvent-ils aller ? Israël devra payer la facture quoi qu'il arrive. Ce sera froid ou chaud, mais très sanglant dans les deux cas.Traduction : AFPS

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Les syndicats américains et la guerre Israël-Gaza

Le mouvement syndical américain est confronté à la question controversée de l'attitude à adopter face à la guerre entre Israël et Gaza. Hebdo L'Anticapitaliste - 685 (…)

Le mouvement syndical américain est confronté à la question controversée de l'attitude à adopter face à la guerre entre Israël et Gaza.

Hebdo L'Anticapitaliste - 685 (30/11/2023)

Par Dan La Botz
traduction Henri Wilno

Crédit Photo
DR

Alors que la direction de l'AFL-CIO, la plus grande fédération syndicale du pays, s'est ralliée au président Biden et au Parti démocrate, qui soutiennent Israël et ne demandent qu'une pause humanitaire dans les combats, certains syndicats locaux se sont prononcés en faveur d'un cessez-le-feu, s'opposent au financement d'Israël par les États-Unis et dénoncent la politique d'apartheid que pratique Israël.

Des stratégies différentes pour l'AFL-CIO et les syndicats enseignants

Le 11 octobre, l'AFL-CIO a publié une déclaration condamnant le Hamas et son terrorisme, mais ne mentionnant pas les attaques israéliennes contre Gaza. Elle a toutefois exprimé son inquiétude « face à la crise humanitaire émergente qui affecte les Palestiniens à Gaza et dans toute la région ». Enfin, elle a appelé « à une résolution rapide du conflit actuel pour mettre fin à l'effusion de sang de civils innocents et pour promouvoir une paix juste et durable entre Israéliens et Palestiniens ». L'AFL-CIO a rappelé à ses syndicats affiliés qu'ils ne pouvaient pas prendre position sur les questions israélo-palestiniennes, car seule la direction de l'AFL-CIO a le droit de s'exprimer sur les questions de politique étrangère.

Néanmoins, un certain nombre de syndicats locaux, en particulier des syndicats d'enseignants, ont adopté des résolutions en faveur d'un cessez-le-feu. La Fédération des enseignants de Minneapolis (MFT) a adopté le 25 octobre une résolution qui contient position ferme sur diverses questions liées à la guerre : « La MFT déplore la perte de vies innocentes en Israël et en Palestine occupée. Nous rejetons catégoriquement la violence contre tous les civils, qu'ils soient israéliens ou palestiniens. Nous appelons donc à un cessez-le-feu immédiat pour permettre à l'aide humanitaire d'entrer à Gaza et pour désamorcer le conflit. En tant qu'Américains, nous condamnons également le rôle que joue notre gouvernement en soutenant le système d'occupation et d'apartheid israélien, qui est à l'origine du conflit israélo-palestinien ». Le MFT a également appelé à l'abrogation de la législation de l'État contre BDS (boycott, désinvestissement, sanction).

En réponse, le Conseil des relations de la communauté juive du Minnesota et du Dakota a envoyé à la commission scolaire locale une lettre signée par 800 personnes condamnant la résolution de la MFT comme étant « antisémite ». Certains parents juifs du district ont condamné la résolution de la MFT pour avoir encouragé un antisémitisme qui mettrait leurs enfants en danger.

L'Oakland Education Association (OEA), un autre syndicat d'enseignants, a adopté une résolution appelant à la solidarité avec la Palestine et condamnant « l'État génocidaire et d'apartheid d'Israël ». Elle a ensuite publié sur les réseaux sociaux une déclaration selon laquelle le syndicat « soutient sans équivoque la libération de la Palestine ». La résolution stipule que l'OEA distribuera du matériel pédagogique aux enseignants pour qu'ils l'utilisent en classe afin de faire des cours sur la libération de la Palestine.

Pression des associations prio-israéliennes

En réaction, les sections d'Oakland de l'American Jewish Committee, de l'Anti-Defamation League et du Jewish Community Relations Council ont dénoncé les positions de l'OEA sur Israël et la Palestine, accusant le syndicat d'être antisémite et d'encourager le terrorisme du Hamas. Le syndicat a alors réagi en publiant une déclaration plus modérée disant : « En tant que syndicalistes, nous sommes touchés par les appels à la solidarité lancés par des civils en Israël et en Palestine. Nous nous engageons à poursuivre la discussion au sein de notre syndicat dans le cadre de nos procédures démocratiques. Notre syndicat condamne sans équivoque l'antisémitisme et l'islamophobie. Nous demandons la libération des otages détenus par le Hamas. Nous pleurons la perte de vies humaines et nous joignons notre voix à celle d'un collectif de plus en plus nombreux qui réclame un cessez-le-feu ».

Ces organisations pro-israéliennes qui veulent faire pression sur les syndicats ne représentent pas l'ensemble des juifs américains qui sont nombreux à participer aux manifestations pour un cessez-le-feu.

Certains militants syndicaux veulent aller plus loin que de simples déclarations. Labor Notes, le centre d'éducation ouvrière, a organisé une discussion entre plusieurs responsables syndicaux locaux et des militants de base sur la manière d'organiser le soutien à la Palestine. Les participants ont discuté de l'adoption de résolutions, du co-parrainage de rassemblements et de manifestations, du refus de manipuler des cargaisons militaires et de l'organisation d'actions de l'emploi parmi les travailleurs impliqués dans l'expédition de matériels militaires.

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Henry Kissinger : un criminel de guerre est mort

5 décembre 2023, par René Rojas, Bhaskar Sunkara et Jonah Walters — , ,
Aux États-Unis, l'un des bouchers les plus prolifiques du XXe siècle est mort comme il a vécu : aimé des riches et des puissants, quelle que soit leur affiliation partisane. (…)

Aux États-Unis, l'un des bouchers les plus prolifiques du XXe siècle est mort comme il a vécu : aimé des riches et des puissants, quelle que soit leur affiliation partisane.

Tiré de Contretemps
4 décembre 2023

Par René Rojas, Bhaskar Sunkara et Jonah Walters

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Henry Kissinger est mort. Les médias ont déjà commencé à produire des dénonciations enflammées autant que des souvenirs chaleureux. Aucun autre personnage de l'histoire états-unienne du XXe siècle n'est peut-être aussi clivant, aussi violemment vilipendé par les uns que vénéré par les autres.

Pourtant, il y a un point sur lequel nous pouvons tous être d'accord : Kissinger n'a pas laissé un cadavre immaculé. Les nécrologies peuvent le décrire comme affable, professoral, voire charismatique. Mais personne, pas même les encenseurs professionnels comme Niall Ferguson, n'osera faire l'éloge de ce titan déchu en le qualifiant de « sexy ».

Les temps ont bien changé.

À l'époque où Kissinger était conseiller à la sécurité nationale, Women's Wear Daily publiait un portrait accrocheur du jeune homme d'État, le décrivant comme « le sex-symbol de l'administration Nixon ». En 1969, selon le portrait, Kissinger s'était rendu à une fête réunissant des personnalités de Washington avec une enveloppe portant la mention « Top Secret » glissée sous son bras. Les autres invités ayant du mal à contenir leur curiosité, Kissinger avait détourné leurs questions par une boutade : l'enveloppe contenait son exemplaire du dernier magazine Playboy. (Hugh Hefner [fondateur et propriétaire du magazine de charme états-unien] avait apparemment trouvé cela très drôle et avait ensuite veillé à ce que le conseiller à la sécurité nationale reçoive un abonnement gratuit).

En réalité, l'enveloppe contenait un brouillon du discours sur la « majorité silencieuse » de Nixon, un discours désormais célèbre qui visait à tracer une ligne de démarcation nette entre la décadence morale des libéraux anti-guerre et la realpolitik inflexible de Nixon.

Dans les années 1970, alors qu'il organisait des bombardements illégaux au Laos et au Cambodge et permettait le génocide au Timor oriental et au Pakistan oriental, Kissinger était connu des membres de la haute société du Beltway comme le « playboy de l'aile occidentale ». Il aimait se faire photographier, et les photographes le lui rendaient. Il figurait en bonne place dans la presse people, en particulier lorsque ses liaisons avec des femmes célèbres étaient rendues publiques – comme la fois où l'actrice Jill St. John et lui ont déclenché par inadvertance l'alarme de son hôtel particulier hollywoodien, tard dans la nuit, alors qu'iels faisaient une escapade dans sa piscine (« Je lui enseignais les échecs », expliquera plus tard Kissinger).

Pendant que Kissinger fréquentait la jet-set de Washington, lui et le président – un couple si soudé qu'Isaiah Berlin les avait baptisés « Nixonger » – étaient occupés à créer une image politique fondée sur leur mépris supposé pour l'élite libérale, dont la moralité décadente, selon eux, ne pouvait conduire qu'à la paralysie. Kissinger dédaignait certainement le mouvement anti-guerre, dénigrant les manifestants en les qualifiant de « jeunes universitaires de la classe moyenne supérieure » et avertissant : « Les gens qui crient “Le pouvoir au peuple” ne seront pas ceux qui prendront le contrôle de ce pays au moment de l'épreuve de force ». Il méprisait également les femmes : « Pour moi, les femmes ne sont rien de plus qu'un passe-temps, un hobby. Personne ne consacre trop de temps à un passe-temps ». Mais il est incontestable que Kissinger avait un penchant pour le libéralisme doré de la haute société, les fêtes exclusives, les dîners au bifteck et les feux des projecteurs.

Et, ne l'oublions pas, la haute société l'aimait en retour. Gloria Steinem, une compagne de table occasionnelle, disait de Kissinger qu'il était « le seul homme intéressant de l'administration Nixon ». La chroniqueuse Joyce Haber le décrivait comme « mondain, plein d'humour, sophistiqué et désinvolte avec les femmes ». Hefner le considérait comme un ami et affirma un jour dans la presse qu'un sondage effectué auprès de ses mannequins révélait que Kissinger était l'homme le plus désiré pour les rendez-vous au manoir Playboy.

Cet engouement n'a pas été limité aux années 1970. Lorsque Kissinger a fêté ses 90 ans en 2013, son anniversaire tapis rouge a été célébré par une foule de gauche comme de droite comprenant Michael Bloomberg, Roger Ailes, Barbara Walters, et même le « vétéran de la paix » John Kerry, ainsi que quelque 300 autres célébrités. Un article du Women's Wear Daily – qui a prolongé sa couverture de Kissinger dans le nouveau millénaire – rapporte que Bill Clinton et John McCain ont fait des discours d'anniversaire dans une salle de bal décorée de chinoiseries, pour plaire à l'invité d'honneur de la soirée. (McCain, qui a passé plus de cinq ans comme prisonnier de guerre, a décrit sa « merveilleuse affection » pour Kissinger, « en raison de la guerre du Vietnam, qui a eu un impact énorme sur nos vies à tous les deux »). Kissinger lui-même est ensuite monté sur scène, où il a « rappelé aux invités le rythme de l'histoire » et a profité de l'occasion pour prêcher l'évangile de sa cause préférée : le bipartisme.

Les dons de Kissinger pour le bipartisme étaient bien connus. (Les républicains Condoleezza Rice et Donald Rumsfeld étaient présents en début de soirée, et plus tard dans la nuit, la démocrate Hillary Clinton est entrée par une porte de service, les bras ouverts, en demandant : « Prêts pour le deuxième round ? ») Au cours de la soirée, McCain s'est extasié sur Kissinger : « Il a été consultant et conseiller de tous les présidents, républicains et démocrates, depuis Nixon ». Le sénateur McCain s'exprimait probablement au nom de toutes les personnes présentes dans la salle de bal lorsqu'il a ajouté : « Je ne connais pas de personne plus respectée dans le monde qu'Henry Kissinger ».

En fait, une grande partie du monde déteste Henry Kissinger. L'ancien secrétaire d'État a même évité de se rendre dans plusieurs pays de peur d'être arrêté et accusé de crimes de guerre. En 2002, par exemple, un tribunal chilien exigeait qu'il réponde à des questions sur son rôle dans le coup d'État de 1973 dans ce pays. En 2001, un juge français envoyait des policiers dans la chambre d'hôtel parisienne de Kissinger pour lui signifier une demande formelle d'interrogatoire sur ce même coup d'État, au cours duquel plusieurs citoyens français ont disparu. (Apparemment imperturbable, l'homme d'État devenu consultant privé a alors prévenu le Département d'État états-unien et s'est envolé pour l'Italie). À peu près au même moment, il annulait un voyage au Brésil après que des rumeurs eurent commencé à circuler selon lesquelles il allait être détenu et contraint de répondre à des questions sur son rôle dans l'opération Condor, le projet des années 1970 qui unissait les dictatures sud-américaines pour faire disparaître les opposants en exil des unes et des autres. Un juge argentin enquêtant sur l'opération avait déjà désigné Kissinger comme l'un des « accusés ou suspects » potentiels d'une future inculpation criminelle.

Mais aux États-Unis, Kissinger était intouchable. Là, l'un des bouchers les plus prolifiques du XXe siècle est mort comme il a vécu, aimé des riches et des puissants, quelle que soit leur affiliation partisane. La raison de l'attrait bipartisan de Kissinger est simple : il était l'un des principaux stratèges de l'empire du capital états-unien à un moment critique du développement de cet empire.

Il n'est pas étonnant que l'establishment politique ait considéré Kissinger comme un atout et non comme une aberration. Il incarnait ce que les deux partis au pouvoir ont en commun : l'engagement à maintenir le capitalisme et la détermination à assurer des conditions favorables aux investisseurs états-uniens dans la plus grande partie possible du monde. Nullement honteux et inhibé, Kissinger a su guider l'empire états-unien à travers une période dangereuse de l'histoire mondiale, où l'ascension des États-Unis vers la domination mondiale semblait en effet parfois sur le point de s'effondrer.

Auparavant, la politique de préservation du capitalisme avait été une affaire relativement simple. Les rivalités entre les puissances capitalistes avancées conduisaient périodiquement à des guerres spectaculaires, qui établissaient des hiérarchies entre les nations capitalistes mais ne perturbaient guère la marche en avant du capital dans le monde. (En outre, parce qu'elles étaient si destructrices, ces conflagrations offraient régulièrement l'occasion de relancer l'investissement, ce qui permettait de retarder les crises de surproduction endémiques au développement capitaliste).

Il est vrai qu'à mesure que les métropoles capitalistes affirmaient leur contrôle sur les territoires dont elles s'emparaient à travers le monde, l'impérialisme s'est heurté à l'opposition massive des opprimés. Des mouvements anticoloniaux sont apparus pour contester les conditions du développement mondial partout où le colonialisme était établi, mais, à quelques exceptions notables près, ces mouvements n'ont pas réussi à repousser les agressives puissances impériales. Même lorsque les luttes anticoloniales étaient couronnées de succès, secouer les chaînes d'une puissance impériale signifiait souvent s'exposer à l'invasion d'une autre – dans les Amériques, par exemple, le retrait des Espagnols de leurs colonies d'outre-mer a porté les États-Unis à assumer le rôle de nouvel hegemon régional au tournant du XXe siècle, affirmant leur domination sur des lieux, comme Porto Rico, que les dirigeants états-uniens considéraient comme « foreign in a domestic sense » [expression difficilement traduisible]. Tout au long de cette période, le colonialisme – comme le capitalisme – a souvent semblé en grande partie indestructible.

Mais après la Seconde Guerre mondiale, l'axe de la politique mondiale changea.

Lorsque la fumée s'était finalement dispersée au-dessus de l'Europe, elle révéla un monde que les élites ne reconnaissaient pratiquement plus. Londres était en ruine. L'Allemagne était en pièces détachées, partagée par deux de ses rivaux. Le Japon avait été annexé par les États-Unis pour être reconstruit à leur image. L'Union soviétique avait développé une économie industrielle à une vitesse inégalée et disposait désormais d'un véritable poids géopolitique. Les États-Unis, quant à eux, allaient supplanter en quelques générations la Grande-Bretagne en tant que puissance militaire et économique sans rivale sur la scène mondiale.

Mais surtout, la Seconde Guerre mondiale a envoyé un signal clair aux peuples du monde colonisé : le colonialisme n'était pas viable. La domination de l'Europe était à l'agonie. Une période historique caractérisée par des guerres entre les puissances du premier monde (ou du Nord Global) céda la place à une période de conflits anticoloniaux soutenus dans le tiers monde (ou le Sud Global).

Les États-Unis, qui avaient émergé de la Seconde Guerre mondiale en tant que nouvel hegemon mondial, auraient été les perdants de tout réalignement mondial limitant la libre circulation des capitaux d'investissement états-uniens. Dans ce contexte, le pays a assumé un nouveau rôle géopolitique. Dans la période qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, l'ère de Kissinger, les États-Unis sont devenus les garants du système capitaliste mondial.

Mais assurer la santé du système dans son ensemble n'a pas toujours consisté à assurer la domination des entreprises états-uniennes. L'État états-unien devait plutôt administrer un ordre mondial propice au développement et à l'épanouissement d'une classe capitaliste internationale. Les États-Unis sont devenus le principal architecte du capitalisme atlantique d'après-guerre, un régime commercial qui lia les intérêts économiques de l'Europe occidentale et du Japon aux stratégies des entreprises états-uniennes. En d'autres termes, pour préserver un ordre capitaliste mondial qui défendait avant tout l'économie états-unienne – plutôt que les entreprises états-uniennes –, les États-Unis devaient favoriser le développement capitaliste de leurs rivaux. Cela signifiait générer de nouveaux centres capitalistes, comme le Japon, et faciliter le rétablissement d'économies européennes saines.

Or, comme nous le savons, les métropoles européennes étaient en train de se séparer rapidement de leurs colonies. Les mouvements de libération nationale menaçaient les intérêts fondamentaux que les États-Unis s'étaient engagés à protéger, perturbant le marché mondial unifié que le pays voulait coordonner. La promotion des intérêts états-uniens acquiert alors une dimension géopolitique plus large. L'élite au pouvoir à Washington s'est engagée à vaincre les bravades à l'hégémonie capitaliste partout dans le monde. À cette fin, l'État états-unien chargé de la sécurité nationale a déployé toute une série de moyens : soutien militaire aux régimes réactionnaires, sanctions économiques, ingérence dans les élections, coercition, manipulation commerciale, commerce tactique d'armes et, dans certains cas, intervention militaire directe.

Tout au long de sa carrière, ce qui a le plus inquiété Kissinger, c'est la possibilité que les pays subordonnés puissent agir de leur propre chef pour créer une autre sphère d'influence et de commerce. Les États-Unis n'ont pas hésité à mettre un terme à ce type d'initiatives indépendantes lorsqu'elles ont vu le jour. Si un pays résistait à la voie qui lui était tracée par les conditions du développement capitaliste mondial, les États-uniens l'obligeaient à se soumettre. La défiance ne pouvait tout simplement pas être tolérée – pas avec autant de richesses et de pouvoir politique en jeu. De son vivant, Kissinger était cette politique. Il en comprenait les objectifs et les exigences stratégiques mieux que quiconque au sein de la classe dirigeante états-unienne.

Les politiques spécifiques menées par Kissinger visaient donc moins à promouvoir les profits des entreprises états-uniennes qu'à garantir des conditions saines pour le capital dans son ensemble. Il s'agit là d'un point important, fréquemment négligé dans les études simplistes de l'empire états-unien. Trop souvent, la gauche radicale suppose qu'il existe un lien direct entre les intérêts de certaines entreprises états-uniennes à l'étranger et les actions des États-Unis. Dans certains cas, cette hypothèse peut être confirmée par l'histoire – comme l'élimination par l'armée états-unienne, en 1954, du réformateur social guatémaltèque Jacobo Árbenz, entreprise en partie en réponse au lobbying de la United Fruit Company.

Mais dans d'autres cas, en particulier ceux que nous rencontrons dans les enchevêtrements épineux de la carrière de Kissinger, cette hypothèse obscurcit plus qu'elle ne révèle. Après le coup d'état contre Salvador Allende au Chili, par exemple, l'administration Nixon n'a pas fait pression sur ses alliés de la junte de droite pour qu'ils restituent aux sociétés états-uniennes Kennecott et Anaconda les mines précédemment nationalisées. La restitution des biens confisqués aux entreprises états-uniennes n'était pas grand-chose. L'objectif principal de Nixonger était atteint au moment où Allende a été chassé du pouvoir : la voie démocratique du Chili vers le socialisme ne menaçait plus de générer une alternative systémique au capitalisme dans la région.

Contrairement à l'idée répandue, la vérification de l'expansionnisme soviétique n'était guère un facteur important de la politique étrangère états-unienne pendant la guerre froide. Les plans états-uniens visant à soutenir le capitalisme international par la force avaient été décidés dès 1943, alors qu'il n'était pas encore certain que les Soviétiques survivraient à la guerre. Et même au début de la guerre froide, l'Union soviétique n'avait ni la volonté ni la capacité de s'étendre au-delà de ses satellites régionaux. Les mesures prises par Staline pour stabiliser le « socialisme dans un seul pays » se sont révélées être une stratégie défensive, et la Russie s'est engagée dans la voie de la détente comme étant le meilleur moyen d'assurer sa pérennité, se contentant d'un cercle d'États tampons pour la protéger des invasions occidentales. C'est pourquoi une génération de militants de gauche en Amérique latine, en Asie et en Europe (demandez aux Grecs) interprète la prétendue « guerre froide » comme une série de trahisons par Moscou des mouvements de libération dans le monde entier. Malgré les déclarations publiques de Kissinger en faveur de la « civilisation de marché occidentale », la menace de l'expansion soviétique n'a été utilisée dans la politique étrangère états-unienne que comme un outil rhétorique.

Il est donc compréhensible que le format de l'économie mondiale n'ait pas changé de façon spectaculaire après la chute de l'Union soviétique. La néolibéralisation des années 1990 représentait une intensification du programme mondial que les États-Unis et leurs alliés avaient poursuivi depuis le début. Aujourd'hui, l'État états-unien continue à jouer son rôle de garant mondial du capitalisme de libre marché, même lorsque les gouvernements du tiers monde, craignant les répercussions géopolitiques, se livrent à des contorsions politiques pour éviter de s'opposer frontalement au capital états-unien. Par exemple, à partir de 2002, Washington a commencé à soutenir les efforts visant à renverser le président de gauche du Venezuela, Hugo Chávez, alors même que les géants pétroliers états-uniens continuaient à forer à Maracaibo et que le brut vénézuélien continuait d'affluer à Houston et dans le New Jersey.

La doctrine Kissinger persiste aujourd'hui : si des pays souverains refusent d'être intégrés dans des projets états-uniens plus vastes, l'État états-unien chargé de la sécurité nationale agira rapidement pour porter atteinte à leur souveraineté. C'est la routine pour l'empire états-unien, quel que soit l'avatar du parti qui siège à la Maison Blanche – et Kissinger, de son vivant, a été l'un des principaux gardiens de ce statu quo.

Henry Kissinger est enfin mort. Dire qu'il était une mauvaise personne frise le cliché, mais c'est néanmoins un fait. Et maintenant, enfin, il est parti.

Cependant, notre soulagement collectif ne doit pas nous détourner d'une évaluation plus profonde. En fin de compte, Kissinger doit être rejeté pour plus que son approbation unique de l'atrocité au nom de la puissance états-unienne. En tant que progressistes et socialistes, nous devons aller au-delà de la vision de Kissinger comme un prince sordide de l'ombre impérialiste, une figure qui ne peut être affrontée que de manière litigieuse, dans le froid glacial d'une salle d'audience imaginaire. Sa froideur révoltante et son mépris désinvolte pour ses conséquences souvent génocidaires ne doivent pas nous empêcher de le voir tel qu'il était : une incarnation des politiques officielles des États-Unis.

En montrant que le comportement de Kissinger fait partie intégrante de l'expansionnisme états-unien en général, nous espérons formuler une critique politique et morale de la politique étrangère états-unienne – une politique étrangère qui subvertit systématiquement les ambitions populaires et sape la souveraineté pour défendre les élites, qu'elles soient étrangères ou nationales.

La mort de Kissinger a débarrassé le monde d'un gérant homicide de la puissance états-unienne, et nous avons l'intention de danser sur sa tombe. Nous avons préparé un livre pour cette occasion, un catalogue des sombres réalisations de Kissinger au cours d'une longue carrière de carnage public. Dans ce livre, certains des meilleurs historiens radicaux du monde divisent en épisodes digestes la longue histoire de l'ascension états-unienne dans la seconde moitié du vingtième siècle.

À un moment donné, l'historien Gerald Horne raconte que Kissinger a failli se noyer alors qu'il faisait du canoë sous la plus grande cascade du monde. C'est une histoire amusante, d'autant plus revigorante que nous savons que le temps a finalement accompli ce que les chutes Victoria n'ont pas réussi à faire il y a tant de décennies. Mais évitons de nous réjouir trop vite, et rappelons-nous que l'État de la sécurité nationale états-unien qui l'a engendré est toujours bel et bien vivant.

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Gaza : comprendre aujourd’hui en regardant hier

La trêve est suspendue. En seulement 24 heures, les bombardements ont fait 700 victimes de plus à Gaza. Surtout, encore une fois, enfants, femmes et vieillards. Ovide (…)

La trêve est suspendue. En seulement 24 heures, les bombardements ont fait 700 victimes de plus à Gaza. Surtout, encore une fois, enfants, femmes et vieillards.

Ovide Bastien, professeur retraité du Collège Dawson

Israël, disent les uns, est en train de commettre un génocide. Non, disent les autres, Israël ne fait que se défendre à la suite du massacre du 7 octobre. Impossible d'éviter les dommages collatéraux lorsque le Hamas n'hésite pas à utiliser enfants et femmes comme boucliers humains. Et ce, dans une des régions les plus densément peuplés du monde.
Au lieu de tenter de me prononcer sur un débat qui fait rage présentement, je vais rappeler quelques conclusions de l'enquête que menait les Nations unies à la suite de l'invasion de Gaza par Israël du 27 décembre 2008 au 18 janvier 2009.1 Lectrices et lecteurs pourront décider si ces conclusions facilitent leur compréhension du conflit actuel.

Le blocus qu'impose Israël sur la bande de Gaza depuis 2005 constitue, affirme ce rapport, « une punition collective infligée intentionnellement par le gouvernement d'Israël à la population ». Ses effets sont on ne peut plus dévastateurs : « l'économie de Gaza est épuisée, le secteur de la santé assiégé et la population dépend de l'aide humanitaire pour survivre et mener sa vie quotidienne. Hommes, femmes et enfants souffrent psychologiquement d'une pauvreté, d'une insécurité et d'un sentiment d'impuissance qui durent depuis longtemps. »

« Plusieurs mesures adoptées par Israël en Cisjordanie pendant et après les opérations militaires à Gaza, » poursuit le rapport, « renforcent également le contrôle d'Israël sur la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, et illustrent une convergence d'objectifs avec les opérations militaires à Gaza. Ces mesures comprennent une augmentation des expropriations foncières, des démolitions de maisons, des ordres de démolition et des permis de construire dans les colonies, des restrictions d'accès et de mouvement plus importantes et plus formelles pour les Palestiniens, de nouvelles procédures plus strictes pour les résidents de la bande de Gaza afin de changer leur résidence pour la Cisjordanie. »

Après avoir rappelé que l'invasion faisait 1,400 victimes à Gaza en trois semaines, le rapport affirme que « les actes des forces israéliennes et les paroles des dirigeants militaires et politiques avant et pendant les opérations indiquent que cela provient d'une politique délibérée de force disproportionnée visant non pas l'ennemi, mais (...) la population civile. »

« Le moment choisi pour la première attaque israélienne, à 11h30 un jour de semaine, alors que les enfants rentraient de l'école et que les rues de Gaza étaient bondées de personnes vaquant à leurs occupations quotidiennes, semble avoir été calculé pour créer la plus grande perturbation et une panique généralisée au sein de la population civile », souligne le rapport. « L'absence répétée de distinction entre combattants et civils semble provenir de directives délibérées données aux soldats, comme l'ont décrit certains d'entre eux, et non de défaillances occasionnelles. » L'attaque était « délibérément disproportionnée et destinée à punir, humilier et terroriser une population civile, à diminuer radicalement sa capacité économique locale à travailler et à subvenir à ses besoins, et à lui imposer un sentiment de dépendance et de vulnérabilité de plus en plus fort. »

« Nous avons entendu de nombreux témoignages d'employés d'ONG, de médecins, d'ambulanciers, de journalistes et d'observateurs des droits de l'homme qui, au plus fort des opérations militaires, ont risqué leur vie pour venir en aide aux personnes dans le besoin. Ils ont souvent fait part de leur angoisse de devoir choisir entre rester près de leur famille ou continuer à travailler pour aider d'autres personnes dans le besoin, en étant souvent coupés des nouvelles concernant la sécurité ou l'endroit où se trouvent les membres de leur famille. »

« Les preuves que nous avons recueillies montrent clairement que la destruction des installations d'approvisionnement en nourriture, des systèmes d'assainissement de l'eau, des usines de béton et des maisons d'habitation provenait d'une politique délibérée et systématique de la part des forces armées israéliennes, » affirme le rapport.
Nous avons découvert « plusieurs incidents au cours desquels les forces armées israéliennes ont utilisé des résidents palestiniens locaux pour pénétrer dans des maisons susceptibles d'être piégées ou d'abriter des combattants ennemis. » Autrement dit, on les a utilisés comme « boucliers humains »
.

« Nous avons constaté de nombreux cas d'attaques délibérées contre des civils et des biens civils (individus, familles entières, maisons, mosquées) en violation du principe fondamental de distinction du droit international humanitaire, faisant des morts et des blessés graves. »
« Israël a essentiellement violé son obligation de permettre le libre passage de tous les envois de matériel médical et hospitalier, de nourriture et de vêtements nécessaires pour répondre aux besoins humanitaires urgents de la population civile dans le contexte des opérations militaires, » affirme le rapport.

« Le tir d'obus au phosphore blanc sur le complexe de l'UNRWA dans la ville de Gaza est l'un de ces cas où les précautions n'ont pas été prises dans le choix des armes et des méthodes d'attaque et où ces faits ont été aggravés par un mépris insouciant des conséquences. L'attaque intentionnelle de l'hôpital Al Quds à l'aide d'obus d'artillerie hautement explosifs et l'utilisation de phosphore blanc à l'intérieur et autour de l'hôpital ont également violé les articles 18 et 19 de la quatrième convention de Genève. En ce qui concerne l'attaque contre l'hôpital Al Wafa, nous avons constaté une violation des mêmes dispositions... »

« Les pratiques dures et illégales de l'occupation, » souligne le rapport, « loin d'étouffer la résistance, l'alimentent, y compris dans ses manifestations violentes. Nous croyons que la fin de l'occupation est une condition préalable au retour d'une vie digne pour les Palestiniens, ainsi qu'au développement et à une solution pacifique au conflit. »

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Le SPGQ reporte à 2024 l’utilisation de moyens de pression

4 décembre 2023, par Yvan Perrier — , ,
Dernière heure Nous apprenons à l'instant que le SPGQ aurait décidé, lors de sa réunion du 29 novembre avec les représentants du Secrétariat du Conseil du trésor (SCT) et de (…)

Dernière heure

Nous apprenons à l'instant que le SPGQ aurait décidé, lors de sa réunion du 29 novembre avec les représentants du Secrétariat du Conseil du trésor (SCT) et de madame Sonia Lebel, de réduire certaines demandes sectorielles du SPGQ pour son unité fonction publique. De plus, le comité de négociation aurait décidé de s'engager « à utiliser de manière judicieuse et mesurée » les moyens de pression et de reporter par conséquent à 2024 l'utilisation des moyens de pression.

Yvan Perrier
4 décembre 2023
11h23 AM
yvan_perrier@hotmail.com

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La « French touch »

4 décembre 2023, par Marc Simard
En septembre, je soulignais l’enchantement réel que j’avais vécu cet été en traversant la France du nord au sud. C’étaient les fleurs du bouquet. Voici le pot. À Paris, (…)

En septembre, je soulignais l’enchantement réel que j’avais vécu cet été en traversant la France du nord au sud. C’étaient les fleurs du bouquet. Voici le pot. À Paris, Bordeaux, Lyon ou dans presque toutes les grandes villes françaises, le Québécois sera, plus tôt que tard, heurté par des (...)

COP28 : un autre « COP d’épée » dans l’eau

4 décembre 2023, par Jérémy Bouchez
Au-delà de l'affront que représente la COP28 dans la lutte aux dérèglements climatiques, ne serait-il pas grand temps de sortir d'une forme de climatocentrisme pour étendre la (…)

Au-delà de l'affront que représente la COP28 dans la lutte aux dérèglements climatiques, ne serait-il pas grand temps de sortir d'une forme de climatocentrisme pour étendre la prise de conscience au caractère foncièrement destructeur et inégal du système capitaliste technocentré? L’article (...)

« Pourquoi la population civile de Gaza paie toujours la folie meurtrière ? » Ziad Medoukh

4 décembre 2023, par Rédaction-coordination JdA-PA
Ziad Medoukh, professeur de français dans les universités de Gaza Quel que soit le statut de cette opération militaire israélienne contre les personnes civiles palestiniennes (…)

Ziad Medoukh, professeur de français dans les universités de Gaza Quel que soit le statut de cette opération militaire israélienne contre les personnes civiles palestiniennes de Gaza — qui entre dans sa troisième semaine — le bilan est très lourd.1Les hôpitaux sont débordés et manquent de (...)

Henry Kissinger et les séductions du pouvoir

4 décembre 2023, par Rédaction-coordination JdA-PA
David Skidmore via Iowa Capital Dispatch1 Si, comme l’a confié un jour Henry Kissinger, le pouvoir est l’aphrodisiaque par excellence, peu d’hommes se sont abandonnés plus (…)

David Skidmore via Iowa Capital Dispatch1 Si, comme l’a confié un jour Henry Kissinger, le pouvoir est l’aphrodisiaque par excellence, peu d’hommes se sont abandonnés plus pleinement et plus ouvertement à ses séductions que cet homme d’État le plus célèbre (et le plus décrié) des États-Unis. (...)

Des grèves nationales forcent la fermeture d’une mine canadienne au Panama

3 décembre 2023, par International
Plus d'un mois de manifestations de masse, de blocages et de grèves ont contraint le gouvernement panaméen à entamer la fermeture de la mine de cuivre Cobre Panamá. Cette mine (…)

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Cinq cents pour les travailleurs, 8 millions de dollars pour le PDG

2 décembre 2023, par The North Star
Près de 100 travailleurs de la chaine d'épicerie Pete's Frootique d'Halifax, propriété de Sobeys, ont lancé une grève le 18 novembre pour réclamer des salaires plus équitables. (…)

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La CAQ se soucie des enfants (mais pas trop, quand même)

2 décembre 2023, par L'Étoile du Nord
Et voilà. Malgré tous les efforts faits par la CAQ pour se donner des airs de gouvernement conciliant et à l'écoute durant la crise de la COVID-19, c'est fini. Nous sommes de (…)

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Pourquoi le gouvernement Legault dit-il NON à un programme de parrainage des francophones et francotropes des Amériques ?

1er décembre 2023, par Communiqué des réseaux
Concertation haïtienne pour les migrant.e.s (CHPM) La Concertation haïtienne pour les migrant.e.s (CHPM) demande au gouvernement de la CAQ de revenir sur sa décision d’exclure (…)

Concertation haïtienne pour les migrant.e.s (CHPM) La Concertation haïtienne pour les migrant.e.s (CHPM) demande au gouvernement de la CAQ de revenir sur sa décision d’exclure du programme spécial de parrainage humanitaire, des personnes qui seront prises en charge par leurs répondant.e.s, des (...)

Le scandale de la guerre d’Israël contre les hôpitaux

1er décembre 2023, par Moustafa Barghouti
Ce qui s’est passé à l’hôpital Al-Shifa de Gaza ne peut qu’être qualifié de scandale. L’armée israélienne a faussement présenté l’hôpital Al-Shifa comme le centre de la (…)

Ce qui s’est passé à l’hôpital Al-Shifa de Gaza ne peut qu’être qualifié de scandale. L’armée israélienne a faussement présenté l’hôpital Al-Shifa comme le centre de la direction du Hamas. Le gouvernement israélien a affirmé qu’Al-Shifa était utilisé comme entrepôt d’armes et d’explosifs, que (...)

Cultiver l’abondance, semer la solidarité

1er décembre 2023, par Marc Simard
L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local La Ferme citoyenne de La Matanie achève sa production 2023 de manière éclatante, marquée par deux chiffres (…)

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local La Ferme citoyenne de La Matanie achève sa production 2023 de manière éclatante, marquée par deux chiffres impressionnants : une récolte de 20 tonnes de légumes et la distribution de 1 866 paniers de solidarité. C’est donc mission (...)
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Institution frontalière ou droit aux droits

1er décembre 2023, par Revue Droits et libertés
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Institution frontalière ou droit aux droits

Mouloud Idir, Secteur Vivre ensemble, Centre justice et foi

Retour à la table des matières Revue Droits et libertés, printemps / été 2023

La frontière est généralement pensée comme étant aux confins de l’État, alors qu’elle est surtout au cœur d’enjeux politiques déterminants. Il faut donc tout faire pour que la question frontalière ne soit pas hors d’atteinte d’une interrogation politique quant au caractère discrétionnaire des contrôles. Ce qui, par voie de conséquence, pose la question politique des possibilités de son franchissement dans une perspective d’élargissement des droits et d’extension de l’ordre démocratique.

Roxham comme miroir

Il est urgent de réfléchir collectivement à l’enjeu de plus en plus central du passage des frontières dans une perspective démocratique. L’arrivée de personnes migrantes à la frontière canado-étasunienne, notamment par le chemin Roxham, s’inscrit dans une histoire commune qui se déroule aux frontières devenues le lieu de cristallisation de luttes politiques et citoyennes. La frontière est aussi le miroir d’inégalités et de fractures globales importantes. Sur la frontière, les États se livrent à une mise en spectacle1 qui vise à faire croire que des segments de la population sont préférentiellement protégés face à des abuseuses et abuseurs et à un envahissement, dont les références à une capacité d’accueil prétendument limitée représentent la plus courante euphémisation. Nous ne comptons plus les discours démagogiques et hostiles autour de la tragédie se déroulant au chemin Roxham. Sans parler des discours partisans et lâches qui ont conduit à la fermeture du chemin, qui véhiculent des valeurs de méfiance, de repli identitaire et surtout d’indifférence au sort des personnes qui y risquent leur vie. Pensons à la mort dramatique de Friztnel Richard en décembre 2022 : ce demandeur d’asile, Haïtien d’origine, tentait désespérément de rejoindre pour Noël sa famille aux États-Unis, un soir de tempête hivernale. Ces discours visent à accuser les personnes migrantes de leur destin, au lieu de s’attaquer à la cause : l’Entente sur les tiers pays sûrs, qui contraint leur liberté de mouvement. Seule l’abolition d’un tel dispositif permettrait aux personnes qui ont besoin de protection de se présenter à tous les points frontaliers réguliers. Le gouvernement Trudeau fait le pari calculateur de laisser les tribunaux trancher ce qu’il ne peut faire devant l’édiction impériale étasunienne. Par ailleurs, aussi présent à notre esprit soit-il, le chemin Roxham n’est qu’une illustrationparmid’autresd’unphénomène mondial. Pour nous, ce lieu évoque d’autres lignes frontalières : Lampedusa, Calais, Vintimille, Ouistreham, Arizona, Manus et Nauru, où des personnes exilées et en situation d’errance sont confrontées à la réalité d’une politique migratoire visant leur exclusion. Fort heureusement, des citoyen-ne-s décident de combiner leur aide à celle des personnes migrantes entre elles, une sorte de communion dans la solidarité mutuelle, et cela malgré les tentatives de criminalisation des autorités. Dans cet esprit, nous faisons ici le pari de dire, dans le prolongement, notamment, des réflexions proposées il y a vingt ans par le philosophe Étienne Balibar, que « la démocratisation des frontières, institutions essentielles à l’existence des États, mais profondément porteuses de dynamiques antidémocratiques, ne peut provenir que du développement de la réciprocité dans l’organisation de leur franchissement et de leur protection2 ». Car ce régime international des frontières « demeure radicalement anti-démocratique aussi longtemps qu’il est purement discrétionnaire, qu’aucune possibilité n’existe pour les usager-ère-s des frontières, individuellement et collectivement, d’en négocier le mode d’administration3 », les règles de franchissement ou leur traversée. Il est désormais impératif de nous emparer de cette question et de la passer au crible d’un test démocratique de nos institutions.

Les frontières de la démocratie

On peut dire ici que le respect du caractère illimité de la démocratie appelle une remise en cause du régime international des frontières. À ses frontières, la démocratie se heurte à un paradoxe : la liberté individuelle de mouvement s’y confronte à la logique étatique qui se juge souveraine dans ses politiques d’admission. Si l’institution frontalière n’est pas animée par un mouvement de démocratisation constante, qui passe notamment par la discussion critique des exclusions qu’elle pratique – et dont l’aiguillon est ici l’exigence d’hospitalité –, elle menace sans cesse de s’écrouler. Ce qui nécessite d´aller au-delà des textes de droits dont nous disposons en donnant corps à un droit de l’hospitalité, dont le principe est que les personnes migrantes (et celles qui s’en solidarisent) peuvent obliger l’État souverain lui-même, de façon à ce que leur dignité et leur sécurité ne soient pas systématiquement bafouées. Le principe des principes, c’est que ces personnes doivent avoir le droit de leur côté et doivent pouvoir jouir de droits opposables aux lois et règlements étatiques. Une politique d’hospitalité ainsi rapportée à la démocratie et réinscrite dans le mode de fonctionnement propre à son régime ne consisterait pas, comme le suggère Martin Deleixhe4, en une ouverture pure et simple des frontières, mais en une ouverture inconditionnelle à leur remise en cause. Cela passe nécessairement par la recherche d’affinités électives entre l’hospitalité et la démocratie. C’est en ce sens qu’une telle perspective peut permettre de disposer de la question de la violence et de l’inégalité constitutive inscrite au cœur des dispositifs frontaliers. Elle peut y parvenir en faisant en sorte que la pratique de l’hospitalité irrigue et organise la vie citoyenne de telle façon qu’elle ouvre la communauté politique sur son extérieur et en modifie donc sans cesse la composition et l’identité. Ainsi, la démocratie est comprise comme une pratique politique indéterminée et potentiellement ouverte à l’accueil de la contingence – ici par le biais de la question migratoire. Elle s’appuie sur le caractère précaire et historique de tout régime politique, mais aussi sur le caractère toujours inachevé du peuple démocratique qui compose la cité. De ce point de vue, la production étatique de situations de crise aux frontières correspond d’abord et avant tout à la mise en scène des limites inhérentes à une gouvernance impériale, coloniale, raciale et genrée de la mobilité humaine internationale, contraire à l’esprit démocratique. Ne perdons pas de vue que les luttes aux frontières sont d’abord celles de personnes qui se constituent en sujets politiques actifs. Ces personnes font preuve d’inventivité et sont animées d’un puissant désir de liberté, préfigurant des formes inédites de gestes d’entraide que l’on pourrait qualifier de pratiques de communs mobiles5. Leur manière d’être sujets, actrices et acteurs de leur vie redessine, renouvelle et reconfigure sans cesse notre entendement du politique. Par-delà les appels à la solidarité et les efforts bienveillants pour pallier les violences frontalières au quotidien, la migration telle qu’elle se joue sur le chemin Roxham et ailleurs nous appelle à repenser radicalement ce que sont et surtout ce que pourraient être nos collectivités et nos institutions, à la lumière d’une conception de l’hospitalité reflétant d’abord celle que les personnes migrantes vivent entre elles.

Sortir la frontière du seul œil de l’État

En somme, cette attention portée à une analyse politique et démocratique du fait migratoire s’inscrit à nos yeux dans une vision de citoyenneté active6 (traduite en actes) et non seulement statutaire. Elle permet de tenir compte de l’enjeu de l’exclusion dans l’analyse politique du fait migratoire : à savoir de porter une attention à celles et ceux que le déni de droit prive des conditions matérielles de l’existence et des formes de reconnaissance qui font la dignité d’être humain. Cela n’est pas seulement un critère théorique servant à mesurer le degré de proximité des modèles historiques de démocratie ou de citoyenneté par rapport à leur forme idéale : ce regard sur les exclusions inscrites au cœur des dispositifs frontaliers est une façon de se confronter à la réalité de l’extrême violence dans l’histoire des sociétés contemporaines – dont font partie les frontières – au cœur de leur quotidienneté. Cette déconstruction de la conception juridique de la citoyenneté par la pratique de la citoyenneté nous paraît fondamentale pour penser l’enjeu de la migration dans une optique plus démocratique et plus égalitaire. Schématiquement, la citoyenneté se réfère à deux situations distinctes, bien qu’intrinsèquement liées. D’une part, la citoyenneté peut être un statut juridique. Elle définit alors la situation d’une personne qui est incluse dans la communauté politique, autrement dit de celle ou celui qui est formellement autorisé à prendre part à la vie politique de la communauté. D’autre part, la citoyenneté est une activité politique : elle est la production, par le biais de l’engagement individuel et collectif, y compris le plaidoyer militant, la défense et l’énonciation de droits et l’assistance hospitalière, d’une forme de mise en commun de la vie humaine, c’est-à-dire d’un espace public de la discussion égalitaire. Un tel point de vue s’inspire de la formule d’Hannah Arendt du droit à avoir des droits. Ce que les années 1930 nous ont enseigné, c’est que les droits fondamentaux, appelons-les les droits humains, avaient eux-mêmes besoin d’être protégés et que cette protection ne pouvait venir que de la communauté créée par une pratique des droits de la citoyenne ou du citoyen vécu comme un engagement politique inconditionnel et irréductible au statut. Dans ce cadre, la citoyenneté n’appartient en droit à personne, puisqu’elle n’est que le fruit d’une volonté et d’une participation créatrice. Dans cette perspective, le droit de participer à l’élaboration de la norme de la vie commune, tout comme le droit d’entrée sur le territoire, a comme fondement le fait de se saisir politiquement de son destin et de refuser l’inacceptable d’une situation. Il n’est attribué par aucune entité politique surplombante et souveraine. Ceci préfigure un cadre politique dans lequel les droits et libertés reconnus aux individus n’émanent pas d’un pouvoir transcendant, mais plus fondamentalement de la convention des citoyen-ne-s7. C’est le propre des luttes aux frontières que de redéfinir les termes de la convention pouvant permettre l’entrée et l’inclusion dans une communauté politique. Il en résulte que l’on peut à tout le moins plaider que la dimension trop coercitive, discrétionnaire et arbitraire qui préside aux pratiques des contrôles frontaliers doit être justifiée auprès des personnes sur lesquelles ses règles s’exercent (surtout les plus fragiles d’entre elles) par la mise sur pied de mécanismes qui en soumettent les règles au principe démocratique et à la délibération8.

Le caractère incrémental des droits

Nous disons que les règles du franchissement des frontières et leur justification ne peuvent, par souci de fidélité au principe démocratique, se soustraire à la participation effective aux délibérations démocratiques des personnes soumises à la dureté de leurs lois de fonctionnement. On peut dès lors dire que cette requête d’une démocratisation des frontières n’est pas sans effets politiques et pratiques d’importance. Mais la portée démocratique de ce plaidoyer est ici redoublée politiquement.
Le fait de s’attarder aux règles du franchissement des frontières est de nature politique et non pas technique ou simplement administrative (comme en use l’État) car il en va de notre façon de concevoir la démocratie.
Cette conception est ambivalente et peut paraître contradictoire, car ce plaidoyer pour la démocratisation des frontières participe d’un redoublement du contrôle qu’elle prend pour cible : au contrôle des frontières et donc des mouvements de populations par l’État, elle ajoute un contrôle de l’État par le peuple et les groupes sociaux. Elle fait donc sortir l’enjeu frontalier du cadre de l’État pour celui de la politique et du débat sur le juste et l’injuste. En contestant la loi souveraine au nom du principe démocratique9, on montre le caractère politique et incrémental des droits et on fait progresser la construction démocratique, tout en en soulignant le caractère inachevé et sans cesse perfectible.
  1. Mouloud Idir, Fracturer le régime international des frontières. Pour une politique de la liberté de mouvement Entretien avec Nicholas De Genova, dans, Mouloud Idir, Chedly Belkhodja, Elodie Ekobena (dir.) (Dé)passer le régime international des frontières. L’hospitalité en actes, Montréal, Éditions du secteur Vivre ensemble, 2023.
  2. Etienne Balibar, Nous, citoyens d’Europe ? Les frontières, l’État, le peuple, Paris, La Découverte, 2001, 91.
  3. Étienne Balibar, L’Europe, l’Amérique, la Réflexions sur la médiation européenne, Paris, La Découverte, 2005, p. 171.
  4. Martin Deleixhe, Aux bords de la démocratie. Contrôle des frontières et politique de l’hospitalité, Paris, Classiques Garnier, 2016.
  5. Dimitris Papadopoulos, Vassilis Tsianos. After citizenship : autonomy of migration, organisational ontology and mobile commons, Citizenship Studies, Vol.17, No 2, 2013, pp.178-196
  6. Engin Isin, Greg M. Nielsen (dir.), Acts of Citizenship, Chicago, University of Chicago Press, 2008.
  7. Etienne Balibar, Nous, citoyens d’Europe? Les frontières, l’État, le peuple, Paris, La Découverte, 2001, p. 251. Balibar précise que la notion du citoyen doit se saisir à partir d’une référence originaire à l’insurrection (comme dans le cas français) ou au droit de résistance (comme dans le cas étasunien), en bref, au pouvoir constituant qui exprime une capacité collective de « constituer l’État » ou l’espace public. D’où le lien entre l’idée de citoyenneté et celle d’égalité.
  8. Ces mécanismes devraient par principe regrouper normalement aussi bien les collectifs auto-constitués de personnes migrantes, les individus désireux de migrer ou des représentant-e-s formels des personnes migrantes, voire des diplomates des États, des organisations de la société civile et des organisations de défense des droits, des communautés religieuses, etc. Certes, la question de la représentation opportune de personnes soumises à la coercition de la frontière n’est pas aisée et ne trouve pas de réponse définitive et satisfaisante. Mais y réfléchir est déjà un avancement, ne serait-ce que par la pensée et en élargissant le registre du dicible en la matière.
  9. Il en découle que la question démocratique peut dès lors être afférente à la question de la traversée des frontières, celle de leur franchissement, et de tout ce qui se joue, à ce franchissement, en termes d’identité, de souveraineté, de nationalité, de citoyenneté et de gouvernementalité.

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Dénonçons la guerre génocidaire menée par le gouvernement israélien - Solidarité avec le peuple palestinien

1er décembre 2023, par Révolution écosocialiste — ,
Face à la guerre génocidaire menée actuellement par Israël contre le peuple palestinien à Gaza, Révolution écosocialiste prend une position claire. 22 novembre 2023 Nous (…)

Face à la guerre génocidaire menée actuellement par Israël contre le peuple palestinien à Gaza, Révolution écosocialiste prend une position claire.

22 novembre 2023

Nous demandons :

• un cessez-le-feu immédiat ;
• la libération immédiate de tous les otages ;
• le retrait des troupes israéliennes des territoires palestiniens occupés ;
• le rétablissement total des convois humanitaires notamment de denrées, de matériel, de pétrole, etc. ;
• une rupture des relations du Canada avec Israël ;
• la dénonciation de la guerre d'Israël devant la Cour Pénale Internationale ;
• la poursuite du gouvernement israélien pour le génocide planifié contre le peuple palestinien ;
• la dénonciation des puissances occidentales, y compris le Canada, fournissant de l'armement à Israël ;
• l'abandon de l'ouverture d'un bureau du Québec à Tel-Aviv.

Pourquoi cette déclaration ?

Nous ne cautionnons aucun crime de guerre. Les enlèvements et les meurtres touchant les populations civiles, notamment les femmes et les enfants, doivent être dénoncés.
Nous déplorons la montée des sentiments et des actes islamophobes et antisémites résultant de cette guerre, tout en dénonçant l'équation mensongère qui associe toute critique des actions du gouvernement israélien ou du sionisme en général à l'antisémitisme.

Nous reconnaissons toutefois que le conflit israélo-palestinien est une guerre coloniale menée par l'État d'Israël et ne se joue pas à forces égales. Israël possède la plus importante armée, la plus moderne et la mieux équipée de cette région du monde. En plus d'être un état militarisé, Israël bénéficie de l'appui inconditionnel des principaux gouvernements européens et nord-américains dont le Canada.

Israël est aussi, depuis sa création en 1948, un État qui, pour s'installer, s'est accaparé les terres du peuple Palestinien. Provoquant alors la première grande déportation de population palestinienne dont une partie vit toujours dans des camps de personnes réfugiées.

Et enfin, cet État, en isolant depuis 15 ans la population palestinienne dans le territoire de Gaza et en morcelant les autres territoires palestiniens de la Cisjordanie, agit comme État d'apartheid. En fait les Gazaoui-e-s subissent des coupures de courant et d'eau, la privation de la liberté de circuler et connaissent des difficultés d'approvisionnement. Les colonies juives, avec la complicité de l'armée israélienne, accaparent des parties croissantes de la Cisjordanie.

Ce bafouement des droits du peuple palestinien a été plusieurs fois dénoncé par l'ONU. Mais Israël en fait fi avec la complicité des puissances occidentales. Toute cette situation de violence, de mépris des droits, dure depuis trop longtemps dans un silence complice de la communauté internationale.
Et c'est précisément cette situation qui est à l'origine du conflit actuel. La lutte du peuple palestinien, dans ce contexte est une lutte pour l'autodétermination, droit que nous soutenons en respectant le droit international et les conventions afférentes.

Pour que les Palestiniens et les Palestiniennes puissent continuer leurs luttes, il faut développer la solidarité internationale, dénoncer l'ingérence des puissances occidentales dont les États-Unis et continuer notre appui à toute lutte anticoloniale. Il nous faut aussi les appuyer à travers la campagne BDS (boycott, désinvestissements et sanctions) et faire connaître la résistance héroïque du peuple palestinien. Finalement, nous dénonçons toute forme de censure de la solidarité avec la Palestine, censure que beaucoup de militantes et militants vivent dans leur propre pays.

Solidarité avec le peuple palestinien !

Écrivez-nous à info@ecosocialisme.ca

Pour un collectif écosocialiste et écoféministe

1er décembre 2023, par Révolution écosocialiste — , ,
L'écosocialisme et l'écoféminisme peuvent offrir à Québec solidaire des idées clés favorisant la cohésion sur le plan des orientations, une plus grande clarté stratégique et (…)

L'écosocialisme et l'écoféminisme peuvent offrir à Québec solidaire des idées clés favorisant la cohésion sur le plan des orientations, une plus grande clarté stratégique et des balises pour notre fonctionnement interne. Cette perspective est à la fois enracinée dans l'histoire du parti, son programme et ses statuts et différente des discours et de certaines pratiques prédominantes dans le parti présentement. Lesquelles sont davantage inspirées par la social-démocratie et la manière traditionnelle de concevoir l'action politique.

Comme collectif, nous comptons mettre nos idées de l'avant par divers moyens, incluant des activités de formation et d'échange, des publications et la participation aux débats du parti à différents niveaux.

Orientations

Le capitalisme ne sera jamais vert, inclusif, post-colonial ou égalitaire. Ce système est indissociable de l'exploitation, de l'oppression et du pillage. Selon les lieux et les époques, ce sont les formes d'exploitation, d'oppression et de pillage qui varient, mais la logique du capital reste la même : toujours plus, toujours plus vite, sans égard pour la nature, les corps, les cultures et les sociétés.

L'idée du dépassement du capitalisme, présente dans le programme de Québec solidaire depuis 2011, n'est pas un simple souhait, c'est une nécessité vitale. Pour réaliser notre projet de société, il va falloir trouver le chemin vers une économie autogérée, démocratique, décentralisée, mise au service des humains et respectueuse des limites écologiques.

Le féminisme intersectionnel est aussi une idée clé au cœur du programme. Le projet de société solidaire sera réalisé par et pour les femmes, en solidarité avec toutes les personnes marginalisées, avec la valorisation du soin des personnes (le care) à la base de notre vision de l'économie.

Stratégie

Une telle transformation sociale ne peut pas se réaliser par la simple formation d'un gouvernement, aussi bien intentionné soit-il. En plus de gagner les élections, il va falloir gagner l'adhésion de la majorité de la population à un projet dont la réalisation ne sera possible que par leur engagement actif et autonome.

De plus, la formation d'un gouvernement solidaire n'est concevable que sur la base de mobilisations sans précédent de l'ensemble des mouvements sociaux, en conjonction avec la croissance du parti. Celui-ci étant l'expression concentrée de la volonté populaire de transformation sociale, économique et politique. Bref, avant de « prendre le pouvoir », il faut commencer à changer la société. Le parti de la rue doit être priorisé entre les élections pour rendre possible le succès du parti des urnes.

Pour que notre projet solidaire se réalise, il faudra aussi gagner l'indépendance du Québec. Ce qui demande, en pratique, la remise en question de l'État colonial et capitaliste canadien, en solidarité avec les peuples autochtones et les forces progressistes du reste du Canada. Ce projet politique est aussi forcément international face à un capitalisme extractiviste et patriarcal globalisé.

Organisation

De quel type de parti avons-nous besoin pour mener à bien ce projet politique pour le moins ambitieux ? D'abord, un parti enraciné dans les secteurs mobilisés de la population et les luttes sociales. Bien entendu, un parti qui incarne toute la diversité de la population et est actif partout au Québec. Ensuite, un parti qui fonctionne de la manière la plus démocratique possible, avec des structures horizontales, participatives, paritaires et décentralisées. Aussi, un parti dont les structures de base sont tournées vers l'extérieur afin de maximiser notre apport collectif au développement des mouvements et au succès des luttes.

Ce n'est que par cet enracinement et cette démocratie participative que nous pourrons collectivement résister aux pressions à la “normalisation” de ce parti pas comme les autres dès maintenant, de même qu'aux pressions encore plus féroces pour la “normalisation” d'un éventuel gouvernement solidaire.

Dans un tel parti, la formation sur les enjeux politiques et les débats sur la stratégie et le positionnement du parti dans la conjoncture sont essentiels. C'est d'abord à ces tâches que nous comptons consacrer les énergies de ce nouveau collectif.

(signatures)
Laura Avalos, Pontiac
Katharine Beeman, Mercier
Sébastien Bouchard, Jean-Lesage
Susan Caldwell, Rosemont
Louise Constantin, Verdun
André Doucet, Lafontaine
Jonathan Durand Folco, Hull
André Frappier, Maurice Richard
Daryl Hubert, Saint-Henri-Sainte-Anne
Hassoun Karam, Viau
Ginette Lewis, Jean-Lesage
David Mandel, Notre-Dame-de-Grace
Lucie Mayer, Prévost
Gérard Pollender, Sherbrooke
Roger Rashi, Laurier-Dorion
Benoit Renaud, Hull
Bernard Rioux, Jean-Lesage
Maïka Sondarjee, Hull
Jessica Squires, Hull

En hommage à Yolande Geadah — 1950-2023. Témoignages livrés durant la cérémonie du 31 août 2023

30 novembre 2023, par Amélie Nguyen, Fréda Thélusma, Annick Desgranges, Lise Pomerleau, Katina Binette

Trouver des portes de sortie : à partir des futurités noires

30 novembre 2023, par Kharoll-Ann Souffrant, Chloé Savoie-Bernard

Afrofuturisme et féminisme : culture pop, culture de résistance

30 novembre 2023, par Caroline Keisha Foray
Cet article explore la futurité noire à travers l’Afrofuturisme. En contestant le droit futur d’exister et les conditions d’existence pour les communautés noires, l’article (…)

Cet article explore la futurité noire à travers l’Afrofuturisme. En contestant le droit futur d’exister et les conditions d’existence pour les communautés noires, l’article propose des réflexions sur le pouvoir de l’imagination et de la résistance par les arts. Ancré dans les théories critiques et féministes noires, l’article aborde la subversion, la réappropriation et la resignification à travers l’œuvre de Janelle Monáe.

Aller vers le futur lorsque la mémoire demande de rester. Octavia Butler et l’histofuturisme : vers une actualisation québéco-caribéenne

30 novembre 2023, par Léa Murat-Ingles
L’histofuturisme, branche de l’afrofuturisme et de la science-fiction, est une démarche de recherche-création littéraire inventée par l’écrivaine étatsunienne Octavia Butler, (…)

L’histofuturisme, branche de l’afrofuturisme et de la science-fiction, est une démarche de recherche-création littéraire inventée par l’écrivaine étatsunienne Octavia Butler, dont l’œuvre est considérée comme l’une des plus importantes de l’afrofuturisme des États-Unis. Les spéculations afrofuturistes et histofuturistes permettent d’appréhender l’avenir des communautés afrodescendantes dans un monde à l’étrangeté grandissante, en tentant de prédire comment des formes de dominations coloniales pourraient être combattues ou renouvelées par la science et les technologies, tout en mettant en valeur la continuité historique de leur incidence sur plusieurs générations issues de communautés marginalisées en Occident. Réinvestir des archives afrodescendantes dans un récit afrofuturiste peut mener à la découverte de nouvelles significations à une mémoire familiale et communautaire, et à souligner ses silences sociohistoriques, tel que décrits par Michel-Rolph Trouillot dans son essai Silencing the Past. Or, travailler avec les archives afrodescendantes n’est pas sans défis, puisqu’elles témoignent d’une violence sans précédent, requérant ainsi à la fois un courage et une discrétion de la part des chercheur·euses et auteur·ices  qui les sollicitent dans leurs travaux. Au Québec, un tel afrofuturisme est attendu avec impatience, et semble se développer précautionneusement, avec des œuvres comme La respiration du ciel de l’autrice martinico-québécoise Mélodie Joseph, le premier roman d’afrofantasy québécois paru au printemps 2023.

Les fantômes des esclaves nous murmurent à l’oreille : pas de futur sans reconnaissance du passé

30 novembre 2023, par Tamara Thermitus
Comme le disait James Baldwin, « L’histoire n’est pas le passé, c’est le présent. Nous portons notre histoire en nous. »  Ainsi, l’esclavage est inscrit dans l’ADN des corps (…)

Comme le disait James Baldwin, « L’histoire n’est pas le passé, c’est le présent. Nous portons notre histoire en nous. »  Ainsi, l’esclavage est inscrit dans l’ADN des corps noirs, il fait partie de leur histoire.

Ayant commencé sa vie d’artiste sous le nom de SAMO (Same Old Shit) patronyme illustrant les traumatismes du racisme marquant les âmes noires. Cet éternel jeune homme nous interpelle : comment parler du futur, lorsqu’on ne peut se débarrasser des fantômes du passé ?

En me fondant sur la Critical Race Theory, approche qui prend notamment en compte l’expérience du racisme anti-noir, j’analyserai certaines œuvres cruciales de Basquiat, porteuses de récits, pour appréhender la société. Ces œuvres nous parlent toujours en faisant de Basquiat un prophète.

Dans Water-Worshipper, (1984), il expose l’esclavage et rompt le silence en exposant les séquelles sociales écrasantes et implacables.

Et comment ignorer sa clairvoyance alors qu’il nous parle dans Defacment?(1983) de Michael Stewart qui est une illustration des traitements des corps noirs, cette œuvre nous parle aujourd’hui des noirs assassinés, de George Floyd. 

Ce que nous enseigne Basquiat : pas de futur sans reconnaissance du passé.

ETHEREALITY

30 novembre 2023, par Kantarama Gahigiri
Retranscription libre du film ETHEREALITY de Kantarama Gahigiri, dialogue entre la réalisatrice et l’astronaute, entrecoupé de témoignages recueillis dans une épicerie-café (…)

Retranscription libre du film ETHEREALITY de Kantarama Gahigiri,

dialogue entre la réalisatrice et l’astronaute,

entrecoupé de témoignages recueillis dans une épicerie-café africaine à Winterthur, en Suisse.

ETHEREALITY est un film qui évoque l’insaisissable ou l’impondérable partie de soi qu’on laisse derrière en partant, en quittant son pays. C'est une exploration poétique qui parle d’immigration, tissant un fil documentaire entre les portraits de femmes et d’hommes afro-descendants qui se retrouvent en Suisse et l’histoire d’un astronaute qui revient sur terre. Il s’agit alors pour tous d’un combat quotidien pour rester digne malgré les circonstances, retrouver le lien, rester humains.

Les thèmes de l'identité, de l'appartenance et de la souveraineté qui sont traités ici sont au cœur du travail de Kantarama Gahigiri. ETHEREALITY les aborde et la confronte à l’histoire de son propre vécu, en tant qu’afro-descendante, naviguant entre la Suisse et le Rwanda.

Party

30 novembre 2023, par David Yesaya
Nouvelle

Nouvelle

Mawonay, Nan Ginen, elatriye : la création d’espaces alternatifs de continuation et de réinvention identitaire

30 novembre 2023, par Kay Thellot
Comment le fait de replonger dans les approches intersectionnelles, décoloniales et postcoloniales peut offrir des solutions par, pour et avec les communautés noires? Si, pour (…)

Comment le fait de replonger dans les approches intersectionnelles, décoloniales et postcoloniales peut offrir des solutions par, pour et avec les communautés noires? Si, pour reprendre les mots d’Ingrid LaFleur, l’afrofuturisme représente une façon « d’envisager le futur par la lorgnette de la culture noire », comment ce futur est-il lié à la libération ?

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