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Après la démission d’Hasina, la lutte se poursuit au Bangladesh face à la vacance du pouvoir

27 août 2024, par Badrul Alam — , ,
Le 5 août, à 14h30, Sheikh Hasina a démissionné de son poste de Premier ministre et s'est enfuie en hélicoptère vers l'Inde avec une partie de ses forces spéciales de sécurité. (…)

Le 5 août, à 14h30, Sheikh Hasina a démissionné de son poste de Premier ministre et s'est enfuie en hélicoptère vers l'Inde avec une partie de ses forces spéciales de sécurité. Elle se trouve actuellement à Delhi et certains rapports indiquent qu'elle souhaite se rendre à Londres pour y obtenir l'asile politique, mais la Grande-Bretagne lui refuse l'entrée en raison des violations des droits de l'homme qu'elle a commises.

Tiré de Inprecor
9 août 2024

Par Badrul Alam

Le même jour, à 16 heures, le chef d'état-major de l'armée bangladaise, le général Waker-uz-Zaman, a déclaré à la télévision nationale que l'armée assumerait la responsabilité du maintien de l'ordre public. Il a ajouté qu'un gouvernement intérimaire serait formé pour gérer les affaires courantes du pays et a promis d'organiser rapidement des élections libres et équitables. Les chefs de l'armée ont rencontré le président, Mohammed Shahabuddin, dans la soirée et ont discuté de la formation du gouvernement intérimaire. Shahabuddin a également convoqué les dirigeants des différents partis politiques représentés au parlement, y compris le principal parti d'opposition, le Parti nationaliste du Bangladesh (BNP). Tous ont accepté de former un gouvernement intérimaire.

Cependant, les coordinateurs du mouvement étudiant anti-discrimination ont proposé de former un gouvernement intérimaire avec ceux qui ont dirigé le mouvement de masse. Ils ont déclaré qu'ils n'accepteraient aucune autre forme de gouvernement sans leur consentement, en particulier un gouvernement dirigé par l'armée. Ils ont souligné leur objectif primordial, qui est d'éliminer toute discrimination de la société. Les coordinateurs étudiants ont estimé qu'il restait encore beaucoup de travail à faire, même si Hasina est maintenant tombée, et ont exprimé leur intérêt à faire partie du gouvernement national intérimaire. Ils ont exhorté tous les étudiant.es et les autres personnes à défendre la révolution et à veiller à ce qu'aucune autre force réactionnaire ne profite du soulèvement.

En outre, ils ont proposé que le Dr Muhammad Eunus soit le chef du comité consultatif du gouvernement intérimaire. Bien que le régime de Hasina ait longtemps ciblé Eunus, ses politiques ne sont pas sans controverse. Il est bien connu pour son soutien au microcrédit pour résoudre les problèmes sociaux, et sa position est plus importante dans la sphère des ONG qu'au sein des communautés marginalisées. Certaines organisations et partis de gauche l'ont déjà critiqué comme étant l'atout de l'impérialisme américain.

Ainsi, malgré la démission d'Hasina, la lutte pour la vacance du pouvoir se poursuit au Bangladesh.

Néanmoins, le mouvement qui a débuté le 15 juillet avec l'assassinat de six étudiants à l'université de Dhaka et après la mort d'Abu Sayed, un étudiant en quatrième année d'anglais à l'université Begum Rokeya, abattu en plein jour par la police à Rangpur, a atteint un point culminant le 5 août.

Lors de son ultime jour de règne, l'autocrate a encore mordu, ses forces de sécurité ayant fait au moins 39 autres victimes. En fin de compte, la dictature n'a pas pu se maintenir face à la pression de millions d'étudiant.es et de citoyen.nes. Dans les derniers instants d'Hasina en tant que Premier ministre, les autorités de sécurité ont défié ses ordres et refusé d'abattre d'autres civils. Elles lui ont donné deux options : s'accrocher au pouvoir ou abandonner et s'enfuir. Elle a choisi de fuir le pays. Hasina a utilisé tous les outils de répression à sa disposition contre le peuple pour conserver le pouvoir, mais elle a finalement été vaincue.

Le mouvement des étudiant.es a commencé par la demande de réforme d'un système de quotas discriminatoire. Les mesures de plus en plus répressives prises par Hasina les ont contraints à élargir leurs revendications, notamment en demandant la démission de plusieurs responsables de la Ligue Awami et l'indemnisation des familles des personnes tuées ou blessées lors des manifestations. Les étudiant.es se sont engagé.es dans diverses actions, y compris la désobéissance civile. Hasina a qualifié les manifestants de « razakar » (traîtres à la lutte pour l'indépendance en 1971 qui ont collaboré avec les criminels de guerre pakistanais), ce qui a conduit les étudiant.es à intensifier leurs revendications et leur stratégie. Ils ont élaboré neuf revendications alors que Hasina a eu recours à une répression accrue. Plus tard, ils se sont concentrés sur une revendication clé - la démission d'Hasina - qu'ils ont obtenue avec succès.

L'autocrate avait également annoncé un couvre-feu total dans tout le pays le 18 juillet afin de réprimer le mouvement étudiant. Cependant, les étudiant.es et les masses ont ignoré le couvre-feu et ont continué à descendre dans la rue. Plus tard, le régime est allé encore plus loin en déclarant que les soldats tireraient sur les manifestant.es à vue. Cependant, toutes les mesures qu'ils ont prises ont été audacieusement brisées par les masses d'étudiant.es. Ils sont restés debout face aux balles de l'armée et de la police en offrant leur vie sans hésitation.

Depuis le 15 juillet, plus de 339 étudiants ont été tués par la police, selon un grand quotidien d'information. Mais, selon une enquête privée, le nombre de morts pourrait être encore plus élevé, se chiffrant à plusieurs milliers. Des milliers d'étudiant·es ont été blessé·es et torturé·es : certain.nes ont perdu la vue, d'autres ont des parties du corps mutilées.

En fin de compte, le dernier règne de Hasina a duré environ 16 ans. Son régime a été marqué par des violations généralisées des droits de l'homme, la corruption, le pillage des richesses de l'État, la disparition forcée d'activistes, des exécutions extrajudiciaires, l'organisation de fausses élections, etc. Elle devrait être jugée par des tribunaux internationaux pour ses violations des droits de l'homme et sa complicité dans le génocide.

Traduction pour ESSF de Pierre Rousset avec l'aide de DeepL.https://www.europe-solidaire.org/sp...

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À Gaza, la déshumanisation des Palestiniens par Israël atteint un nouveau sommet

L'armée israélienne a décidé de réduire les effectifs de l'unité Oketz, l'unité 7142, en amont de son annulation. L'unité pour les chiens et leurs dresseurs a souffert d'une (…)

L'armée israélienne a décidé de réduire les effectifs de l'unité Oketz, l'unité 7142, en amont de son annulation. L'unité pour les chiens et leurs dresseurs a souffert d'une pénurie ces derniers temps. Un grand nombre de chiens ont été tués dans la bande de Gaza, et il a donc été décidé d'utiliser des moyens moins coûteux et plus efficaces. Il s'avère que la nouvelle unité, à laquelle l'ordinateur de l'armée israélienne n'a pas encore donné de nom, donne les mêmes résultats opérationnels. Il n'est pas nécessaire de dresser les chiens pendant des mois, ni d'utiliser les muselières en fer qui ferment leurs mâchoires effrayantes, et leur nourriture sera également moins chère : au lieu de la coûteuse nourriture pour chiens Bonzo, les restes des rations de combat.

Tiré de France Palestine Solidarité. Article publié dans Haaretz. Photo : Israël utilise des chiens pour attaquer et abuser sexuellement les Palestiniens lors des raids et dans les prisons, 17 juillet 2024 @ Quds News Network

Les frais d'inhumation et de commémoration seront également annulés : les chiens Oketz étaient généralement enterrés dans le cadre de cérémonies militaires, avec des soldats en pleurs et des articles à faire pleurer en première page du bulletin d'information de l'armée, Yedioth Ahronoth. Les chiens de remplacement n'ont pas besoin d'être enterrés, leurs corps peuvent simplement être jetés. Les cérémonies commémoratives annuelles du 30 août pour les chiens peuvent également être supprimées. Les nouveaux chiens n'auront pas de monument. Les âmes sensibles des soldats qui les manipulent ne seront plus endommagées lorsqu'ils mourront.

Le projet pilote est en cours et il y a déjà un mort dans la nouvelle unité. Bientôt, l'armée israélienne exportera les connaissances qu'elle a acquises à d'autres armées dans le monde. En Ukraine, au Soudan, au Yémen et peut-être même au Niger, elles seront heureuses de s'en servir.

Selon la page Wikipédia consacrée à l'Oketz : "L'unité active un matériel de guerre unique, le chien, qui offre des avantages opérationnels uniques qui n'ont pas de substitut humain ou technologique". Oups, une erreur. Il n'y a peut-être pas de substitut technologique, mais un substitut humain a été trouvé. Le terme "humain" est bien sûr exagéré, mais l'armée israélienne dispose d'un nouveau type de chien, bon marché, obéissant et bien mieux entraîné, dont les vies valent moins.

Les nouveaux chiens de l'armée sont les habitants de la bande de Gaza. Pas tous, bien sûr, mais seulement ceux que l'éclaireur de l'armée choisit avec soin, parmi 2 millions de candidats ; les auditions ont lieu dans les camps de personnes déplacées. Il n'y a pas de restriction d'âge.

Les chasseurs de têtes de l'armée ont déjà trouvé des enfants et des personnes âgées, et il n'y a aucune restriction à l'activation de la nouvelle main-d'œuvre. Ils les utilisent et les jettent ensuite. Entre-temps, ils n'ont pas été formés aux missions d'attaque et à l'identification olfactive des explosifs, mais l'armée y travaille. Au moins, ils ne mordront pas les enfants palestiniens dans leur sommeil comme les anciens chiens des Baskerville.

Mardi, Haaretz a publié en première page la photo d'un des nouveaux chiens : un jeune habitant de Gaza menotté, vêtu de haillons qui étaient autrefois des uniformes, les yeux couverts d'un chiffon, le regard baissé, des soldats armés à ses côtés. Yaniv Kubovich, le correspondant militaire le plus courageux d'Israël, et Michael Hauser Tov ont révélé que l'armée utilise des civils palestiniens pour vérifier les tunnels à Gaza. "Nos vies sont plus importantes que les leurs", disent les commandants aux soldats, répétant ce qui est une évidence.

Ces nouveaux "chiens" sont envoyés menottés dans les tunnels. Des caméras sont attachées à leur corps, et l'on peut entendre le bruit de leur respiration effrayée.

Ils "nettoient" les puits, sont détenus dans des conditions pires que les chiens Oketz et leur activité s'est généralisée, systématisée. Al-Jazeera, boycottée en Israël pour "atteinte à la sécurité", a révélé le phénomène. L'armée l'a nié, comme d'habitude, avec ses mensonges. Deux reporters de Haaretz ont rapporté l'histoire complète mardi, et elle est terrifiante.

Certains soldats ont protesté à la vue des nouveaux "chiens", plusieurs courageux ont même témoigné auprès de Breaking the Silence. Mais la procédure, qui avait été expressément interdite par la Haute Cour de justice, a été adoptée à grande échelle dans l'armée. La prochaine fois que le public protestera contre le fait que Benjamin Netanyahu ignore les décisions de la Haute Cour, nous devrions nous rappeler que l'armée ignore aussi effrontément ses décisions.

Le processus de déshumanisation des Palestiniens a atteint un nouveau sommet. Haaretz a rapporté que le haut commandement de l'IDF était au courant de l'existence de la nouvelle unité. Pour l'armée, la vie d'un chien vaut plus que celle d'un Palestinien. Nous disposons à présent de la version officielle.

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Les femmes, particulièrement victimes de la guerre à Gaza

27 août 2024, par Maria João Guimarães — , , ,
L'expérience des femmes à Gaza reste l'une des histoires les moins racontées de cette guerre, nous a déclaré Juliette Touma, directrice de la communication de l'UNRWA (Office (…)

L'expérience des femmes à Gaza reste l'une des histoires les moins racontées de cette guerre, nous a déclaré Juliette Touma, directrice de la communication de l'UNRWA (Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient) [1].

Tiré de A l'Encontre
24 août 2024

Par Maria João Guimarães

Deir al-Balah, 16 août 2024.

Elles sont victimes des bombardements meurtriers, et cela dans un pourcentage élevé. Lorsque le nombre de morts a dépassé les 40 000 la semaine dernière, Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, a déclaré que la majorité d'entre eux étaient des femmes et des enfants. Selon les autorités sanitaires de Gaza, sur les 40 139 décès enregistrés (au 18 août), 20 573 étaient des hommes, 11 707 des femmes et dans 7859 cas, la répartition restait inconnue. Chez les adultes, la répartition était la suivante : 12 927 hommes, 5956 femmes, 10 627 enfants (moins de 18 ans) et 277 personnes âgées (là encore, dans 7859 cas, ces données n'étaient pas disponibles).

Elles subissent également, comme avant le 7 octobre, des actes de violence au sein de la famille, dans une société où elles sont subordonnées. « Bien sûr, elles m'ont aussi parlé de la violence de genre – des histoires, des histoires et encore des histoires », a déclaré Muhannad Hadi, relatant une réunion avec des femmes dans le territoire, ce qui l'a bouleversé.

Le fait d'être contraint à se déplacer implique des défis particuliers pour les femmes.

Au cours de la première phase de la guerre, des problèmes spécifiques ont été signalés, tels que l'accouchement en l'absence de maternité, parfois dans les camps de déplacés, ou le simple fait qu'il n'y ait pas de produits hygiéniques pour les menstruations. Ces problèmes continuent de se poser. Selon l'OMS, la bande de Gaza compte actuellement environ 50 000 femmes enceintes, dont 5500 devraient accoucher le mois prochain, 1400 d'entre elles devant subir une césarienne.

Les problèmes d'hygiène des femmes déplacées se poursuivent également. « Une femme m'a dit qu'elle avait eu ses règles cinq fois sans pouvoir se doucher une seule fois », a déclaré Muhannad Hadi dans un entretien diffusé sur le site web des Nations unies. « Imaginez le désespoir. Si une femme raconte une telle chose à un étranger, c'est qu'elle a atteint toutes ses limites », a commenté le fonctionnaire de l'ONU – sans parler même d'un homme, dans une société conservatrice et religieuse comme Gaza.

D'autres femmes lui ont montré leurs mains, où il a pu voir l'effet de la collecte constante de bois pour cuisiner, parce qu'il n'y a pas de combustible (Israël en restreint l'entrée, affirmant qu'il est utilisé par le Hamas).

Pour Muhannad Hadi, le thème récurrent qui revenait dans la conversation qu'il a eue avec un groupe de femmes âgées d'une vingtaine ou d'une trentaine d'années – « Elles pourraient être ma sœur ou ma femme », a-t-il précisé – était justement la protection de la vie privée. « Une femme m'a expliqué qu'elle avait deux jeunes filles. Pour les baigner, sa sœur les entoure d'un rideau, puis elle attend que la mère des filles revienne avec leurs vêtements propres. Parce que c'est tout ce qu'elles ont », a-t-elle déclaré.

90% de la population est déplacée

Les Nations unies estiment que le conflit a entraîné le déplacement contraint de 1,9 million de personnes, soit 90% de la population. De nombreuses personnes ont été déplacées à plusieurs reprises, emportant à chaque fois ce qu'elles pouvaient, au cours de longs voyages, parfois à pied, ce qui signifie que beaucoup de choses sont laissées derrière elles (et depuis le début de la guerre, il y a eu un automne, un hiver, un printemps et un été).

La journaliste Rita Baroud, qui a écrit un article [le 20 août] sur le site de The New Humanitarian, raconte qu'elle a déjà été obligée de déménager 12 fois. Une note dans le texte ajoute que depuis sa rédaction le 16 août, Rita Baroud a encore dû se déplacer suite aux ordres de l'armée israélienne pour que les civils quittent certaines parties de Deir al-Balah.

Même s'il y a – ou s'il y avait – suffisamment d'eau potable, certaines femmes boivent le minimum pour ne pas avoir à aller aux toilettes, de peur d'être « harcelées, abusées ». Cela entraîne une augmentation des infections urinaires et nuit particulièrement aux femmes enceintes.

Dans les familles qui ont la chance d'avoir une tente – la plupart des abris ne sont pas des tentes, explique Muhannad Hadi – les familles trouvent un coin et font un trou dans le sol, qu'elles recouvrent d'une couverture. Les femmes s'en servent comme toilettes. Même si les familles dorment à côté.

Certaines femmes ont dit qu'elles aimeraient pouvoir faire une chose : se peigner. Elles ne le peuvent pas, car elles n'ont pas d'intimité. Dans la bande de Gaza, on estime qu'environ 90% des femmes se couvrent les cheveux. Les raisons ne sont pas seulement religieuses, le hijab sert aussi à éviter les regards indésirable. Les femmes ont l'occasion d'enlever leur foulard et de se coiffer lorsqu'elles se trouvent dans l'intimité de leur « foyer », avec leur famille, ce qui est impossible dans les abris tels que les écoles ou les cours d'hôpitaux.

« Une femme m'a dit qu'elle portait le même hijab depuis neuf mois », raconte Muhannad Hadi. Neuf mois, jour et nuit, le même hijab. Elle ne peut pas l'enlever.

Rita Baroud raconte qu'elle utilise une partie de l'eau qui lui reste après s'être brossé les dents pour s'enduire le visage le matin. Elle n'a pas de miroir, mais elle sait que « j'ai beaucoup changé. Ma peau est pleine d'acné et mes cheveux sont abîmés. J'ai perdu environ 12 kg. »

Shampoing : 29 euros

Le manque d'eau et de produits pour se laver les cheveux (selon le Washington Post, le savon coûte l'équivalent de plus de 11 euros à Deir al-Balah, dans le centre, où vivent de nombreuses personnes déplacées, et une bouteille de shampoing coûte 29 euros) est aggravé par la pénurie de peignes, a déclaré à Reuters [13 août] la pédiatre Lobna al-Azaiza.

Le conseil qu'elle leur donne ? Se couper les cheveux. Certaines femmes, comme la vidéaste et journaliste Bisan Owda [ses vidéos ont été partagées par ABC News, Le Monde, la BBC et Al-Jazeera], ont déjà publié des messages sur les réseaux sociaux, expliquant qu'elles ne peuvent pas garder leurs cheveux. De plus, elles craignent les poux, qui se répandent dans les abris surpeuplés, et sont donc nombreuses à se raser les cheveux et à raser ceux de leurs filles.

Muhannad Hadi a également déclaré qu'il avait été fortement impressionné par ce que lui avait dit l'une des femmes : « Je suis sûre d'une chose : je ne suis pas une femme – mais je ne sais pas ce que je suis. » (Article publié dans le quotidien Publico le 22 août 2024 ; traduction rédaction A l'Encontre)


[1] Laure Stephan, dans Le Monde du 19 août, a consacré un article sur la numérisation des documents administratifs en possession de l'UNRWA « avec l'ambition de retracer les arbres généalogiques de cinq générations de réfugiés ». Ce travail pose de suite la question du « sort des réfugiés palestiniens [qui] reste irrésolu : leur droit au retour ou à une compensation, inscrit dans la résolution 194 des Nations unies, votée en décembre 1948, demeure valide ». La campagne du gouvernement israélien contre l'UNRWA trouve là une de ses principales explications. Ceux qui se font complices de cette « campagne de propagande » s'associent – sous une forme ou une autre – à la politique des Netanyahou, Smotrich, Ben Gvir… Ils ne sont pas absents des cercles du pouvoir helvétiques. (Réd.)

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En Égypte, la vie terriblement précaire des Palestiniens qui ont fui Gaza

Laissés pour compte par les autorités locales, les Gazaouis qui ont réussi à entrer sur le territoire égyptien ne bénéficient pas du statut de réfugié et vivent dans des (…)

Laissés pour compte par les autorités locales, les Gazaouis qui ont réussi à entrer sur le territoire égyptien ne bénéficient pas du statut de réfugié et vivent dans des conditions très difficiles, raconte le magazine américain “Foreign Policy”.

Tiré de Courrier international. Publié à l'origine dans Foreigh policy.

L'Égypte a beau refuser d'accueillir des réfugiés en provenance de la bande de Gaza, plus de 100 000 Palestiniens ont trouvé refuge sur le sol égyptien depuis le début de l'offensive israélienne.

Khaled Shabir, 29 ans, en fait partie. Il est arrivé en Égypte en mars, quatre mois après le bombardement de sa maison à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, par l'armée israélienne. Ses parents sont morts dans le raid aérien ; lui a survécu avec plusieurs fractures, au pied, à la jambe et aux mains. Il a été transféré à l'hôpital puis dans un centre médical local.

Les Palestiniens dont la vie est en danger à cause de problèmes de santé peuvent obtenir un transfert médical gratuit pour l'Égypte. Mais Khaled Shabir a dû passer par les services, payants, de l'agence de voyages Hala, la seule à proposer un passage sécurisé de la bande de Gaza vers l'Égypte.

Hala, dont le propriétaire entretiendrait des liens privilégiés avec les autorités égyptiennes, facture entre 2 500 et 5 000 dollars [entre 2 200 et 4 500 euros] par personne le passage de la frontière, une somme énorme pour la plupart des Palestiniens. Khaled Shabir n'en avait pas les moyens mais, grâce à une campagne de financement participatif, il a réussi à réunir les 5 000 dollars nécessaires à son passage. “Les médecins de l'hôpital s'étaient pris de sympathie pour moi et ils ont renoncé aux honoraires de mes opérations.”

Un contexte égyptien tendu

Comme la plupart des Palestiniens récemment arrivés en Égypte, Khaled Shabir s'est retrouvé dans une position inconfortable. Officiellement, il n'a pas le statut de réfugié, et il n'a donc pas droit aux aides internationales, contrairement à ses concitoyens à Gaza.

Sur les huit Palestiniens vivant en Égypte interrogés pour cet article, aucun n'a reçu d'aide humanitaire des organisations internationales. Ces réfugiés clandestins dépendent donc de la bonne volonté des associations locales et risquent de se retrouver dans une situation de grande précarité.

Les Palestiniens en exil arrivent en Égypte dans un contexte tendu puisque le pays traverse actuellement sa pire crise économique depuis des décennies. Ces dernières années, l'inflation a atteint des records, les loyers et la nourriture ne cessent d'augmenter et des millions de personnes vivent dans la pauvreté.

Il est donc particulièrement difficile pour les Palestiniens de s'en sortir. La majorité des derniers arrivants n'ont pas de papiers officiels et ne peuvent donc pas inscrire leurs enfants dans les écoles, postuler pour des emplois, recevoir des soins médicaux ou bénéficier des aides de l'État.

À court d'argent

Même pour ceux qui ne sont pas à plaindre financièrement, la situation se complique à mesure qu'ils puisent dans leurs économies. Nagham, une étudiante en commerce de 23 ans, a quitté Gaza à la fin de janvier pour aller vivre chez des parents au Caire après la destruction de sa maison par l'armée israélienne.

Comme elle avait déjà un permis de séjour et était inscrite à l'université du Caire, Nagham n'a rien eu à débourser pour passer la frontière. Mais après son arrivée dans la capitale égyptienne, elle a dû vendre son alliance et d'autres bijoux afin de faire venir son mari. “Notre situation financière est actuellement très précaire”, dit-elle.

Kamel Mohamed a 23 ans. Il a quitté Gaza en avril et, selon lui, la majorité des étudiants qu'il connaît venus de Gaza sont à court d'argent, surtout après avoir payé les frais de passage de la frontière. Il essaie de décrocher une bourse pour étudier à l'université en Égypte ou dans d'autres pays arabes. Mais, pour l'instant, il ne reçoit rien des organisations internationales et dépend de la petite allocation mensuelle que lui octroient deux associations locales en Égypte.

“Invités” mais pas réfugiés

Le plus gros problème, c'est que ceux qui ont fui la bande de Gaza ne sont pas officiellement considérés comme des réfugiés. Ce qui veut dire que les deux principales agences onusiennes, le Haut-Commissariat pour les réfugiés et l'UNRWA, ne peuvent leur apporter aucune aide matérielle.

Le gouvernement égyptien refuse d'accorder un statut de réfugié aux Palestiniens depuis 1978, même s'il les appelle “nos invités” ou “nos frères”. Il s'oppose depuis longtemps à l'installation d'un bureau de l'UNRWA au Caire et à l'accueil de la population de Gaza sur son territoire, par crainte qu'ils ne viennent menacer la sécurité de la région et qu'Israël refuse le retour dans l'enclave des Palestiniens déplacés.

Mais, selon de nombreux spécialistes, l'Égypte a une obligation légale d'accueillir les réfugiés sur son sol. Pour l'instant, en l'absence de papiers officiels, la plupart des Palestiniens qui sont récemment arrivés de la bande de Gaza risquent d'être renvoyés chez eux.

Pour autant, le gouvernement égyptien prend en charge certains Palestiniens victimes de la guerre. Le ministre de la Santé, Khaled Abdel Ghaffar, a annoncé en mai que, depuis le début du conflit, environ 5 500 blessés avaient été évacués en Égypte pour recevoir des soins médicaux. Ces Palestiniens sont soignés aux frais du gouvernement égyptien. La procédure est cependant longue et compliquée.

“C'était un calvaire, ce voyage”, raconte Oum Qusai, qui a pu quitter Gaza pour que sa fille de 6 ans, Nour, soit opérée. La fillette avait perdu un œil lors du bombardement de sa maison en octobre. Après six mois passés à l'Hôpital européen de Gaza, Oum Qusai a finalement réussi à obtenir que sa fille soit transférée gratuitement en Égypte. Mais, comme elles n'avaient pas de passeport, elle a dû attendre avec la fillette et ses deux autres enfants pendant douze heures au poste-frontière de Rafah avant de pouvoir entrer en Égypte.

“Ils arrivent avec leurs vêtements pour tout bagage”

Une fois arrivés dans le pays, la plupart des Palestiniens soignés gratuitement n'ont pas le droit de quitter l'hôpital. Un grand nombre de ces patients, ainsi que les proches qui les accompagnent, disent se sentir prisonniers de ces hôpitaux, ils ne sont autorisés à sortir du bâtiment que s'ils retournent à Gaza. Des bénévoles égyptiens s'organisent pour apporter aux patients palestiniens de la nourriture, des médicaments et des vêtements. Ils se plaignent cependant de la lourdeur des démarches administratives à faire pour obtenir un droit de visite à cause des mesures de sécurité très strictes en vigueur dans ces hôpitaux.

En novembre, Sherif Mohyeldin, un chercheur égyptien, a lancé For the People, une association d'une soixantaine de membres qui vient en aide aux Palestiniens blessés et à leurs familles au Caire et à Alexandrie. Jusqu'à présent, et grâce aux dons, cette initiative a réussi à aider plus de 1 200 Palestiniens à payer leur nourriture et leurs loyers.

“Les gens arrivent avec leurs vêtements pour tout bagage, explique Sherif Mohyeldin. Ils souffrent beaucoup, sur le plan tant physique que psychologique.” L'association n'a pas encore trouvé de solutions pour les malades qui ont besoin d'une prothèse ou d'une chimiothérapie, des soins au coût faramineux, mais aussi pour les étudiants palestiniens, dont les frais de scolarité annuels dépassent les 4 000 dollars [3 600 euros].

Abdullah Abou Al-Aoun, 26 ans vient d'une famille aisée de Gaza, et lui aussi essaie d'aider ses concitoyens en Égypte. Sa famille possédait de nombreux bâtiments et deux restaurants à Gaza, tous bombardés par l'armée israélienne. Après avoir fui Gaza, il a ouvert un restaurant de chawarma au Caire grâce au passeport égyptien de sa mère et aux économies de sa famille. Il a embauché trois jeunes Gazaouis dans son nouveau restaurant et apporte une aide financière à d'autres familles palestiniennes installées au Caire.

  • “Les familles qui sont venues en Égypte se retrouvent sans rien.”

De nombreux Palestiniens savent qu'ils vont sans doute devoir rester encore plusieurs années en Égypte. “Ce qui m'inquiète le plus, c'est de ne pas savoir de quoi sera fait demain, avoue Nagham. Quand pourra-t-on retourner chez nous ? Et où allons-nous vivre, sous une tente ou dans les ruines de nos maisons ?”

Azza Guergues

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Stockage de données, IA… Comment Amazon, Microsoft et Google contribuent à l’effort de guerre israélien

Des données de renseignement collectées en masse à Gaza sont stockées par l'armée israélienne chez Amazon Web Services (AWS), le cloud d'Amazon, dévoile une enquête du média (…)

Des données de renseignement collectées en masse à Gaza sont stockées par l'armée israélienne chez Amazon Web Services (AWS), le cloud d'Amazon, dévoile une enquête du média israélien indépendant +972 Magazine. Mais le géant du e-commerce n'est pas le seul à collaborer avec Tsahal : Microsoft et Google sont également de la partie, via leurs services de cloud et leurs outils d'intelligence artificielle.

Tiré d'Europe solidaire sans frontière. Article publié à l'origine par +972 Magazine.« Selon trois sources du renseignement [israélien], la coopération de l'armée avec AWS est particulièrement étroite : le géant du cloud fournit à la direction du renseignement militaire israélien une ferme de serveurs qui est utilisée pour stocker des masses de données de renseignement qui aident l'armée dans la guerre », détaille +972 Magazine.

En effet, les quantités de données (notamment des milliards de fichiers audio) collectées par l'armée israélienne à Gaza sont telles qu'elles nécessitent l'espace « illimité » proposé par AWS pour pouvoir les stocker. Selon un témoignage, les militaires ayant besoin d'accéder aux données travaillent avec deux écrans, un branché sur leur propre base de données et un sur AWS. Ces données ont parfois été utilisées pour déclencher des frappes, tuant ou blessant des civils.

En 2021, le gouvernement israélien a signé un contrat avec Amazon et Google baptisé Projet Nimbus, afin de faciliter le transfert des données de ses administrations vers le cloud des deux entreprises –dont certains salariés ont protesté, voire démissionné dans la foulée. L'enquête de +972 Magazine dévoile que, depuis octobre 2023 et le début de l'offensive à Gaza, des unités de l'armée israélienne stockent des données classifiées chez Amazon et Google dans le cadre du Projet Nimbus, ainsi que chez Microsoft.

Transcription automatique et reconnaissance faciale
Pendant longtemps, Microsoft, via son service Azure, a en effet été le principal fournisseur cloud de Tsahal, jusqu'à ce qu'Amazon propose un meilleur prix. Alors que l'armée israélienne devait précédemment effacer les anciennes données de ses serveurs au fur et à mesure, elle peut désormais tout conserver, et agréger toutes ces informations pour (notamment) choisir les cibles de ses bombardements. Microsoft a également proposé à l'armée israélienne ses outils de reconnaissance faciale.

« Un autre avantage majeur [des] géants du cloud réside dans leurs capacités d'intelligence artificielle et dans les fermes de serveurs GPU qui les prennent en charge », poursuit le média. Amazon, Google et Microsoft proposent notamment de la transcription automatique des fichiers audio en texte, ce qui permet de libérer l'armée israélienne de cette tâche. Rappelons que Tsahal utilise l'IA pour déclencher des frappes très meurtrières, comme déjà dévoilé par +972 Magazine.

Amazon héberge déjà des données classifiées pour les services de renseignement britanniques et australiens ainsi que le Pentagone. Avec Google et Amazon, elle est aussi candidate au projet Sirius, un cloud extrêmement sécurisé destiné au ministère israélien de la défense, qui devrait accueillir des données encore plus sensibles.

Camille Lemaître

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Les dilemmes du Hezbollah face à la guerre sur Gaza

Depuis le 7 octobre 2023, des escarmouches opposent l'armée israélienne au Hezbollah. En novembre 2023, le secrétaire général du mouvement Hassan Nasrallah, après un long (…)

Depuis le 7 octobre 2023, des escarmouches opposent l'armée israélienne au Hezbollah. En novembre 2023, le secrétaire général du mouvement Hassan Nasrallah, après un long silence était intervenu pour définir la stratégie de son organisation face à la guerre contre Gaza. Nous republions l'article publié à ce moment.

Tiré d'Orient XXI.
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Le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah a brisé le silence le 3 novembre. Celui dont on attendait la réaction depuis l'opération « Déluge d'Al-Aqsa » conduite par le Hamas le 7 octobre avait jusque-là laissé le cheikh Hachem Safieddine, président du conseil exécutif du Hezbollah et Naïm Qassem, le secrétaire général adjoint, s'exprimer sur la situation à Gaza et dans le sud du Liban. Dans une allocution très attendue, le secrétaire général du Hezbollah a tenu à clarifier son positionnement et sa stratégie. Rejetant les spéculations occidentales sur la participation iranienne, le leader du parti chiite libanais a précisé que l'opération découlait d'une « décision palestinienne à 100 % », dont il n'était lui-même pas au fait.

Sur l'ouverture d'un deuxième front à la frontière libanaise, objet de toutes les attentes, le « Sayyid » est resté assez énigmatique. Il a précisé que la milice était entrée en guerre depuis le 8 octobre pour soutenir son allié gazaoui, attirer vers le nord une partie de l'armée israélienne et ainsi alléger la pression sur Gaza. « Ce qui se passe à la frontière peut paraître modéré pour certains. Mais ce n'est pas le cas », a-t-il affirmé.

Le souvenir douloureux de 2006

Pour l'heure, les combats restent très localisés, avec des escarmouches, des infiltrations, des tirs sur des postes d'observation. Le parti de Nasrallah cible majoritairement les fermes de Chebaa, territoire libanais occupé militairement par les forces israéliennes depuis juin 1967. Malgré les morts recensés des deux côtés de la frontière libano-israélienne (56 du côté du Hezbollah et moins d'une dizaine parmi les Israéliens), les deux belligérants se cantonnent à des réponses très limitées, de manière à maintenir un équilibre de la dissuasion. Les villages frontaliers libanais et israéliens ont tout de même été évacués, tandis qu'Amnesty International accuse l'armée de Tel-Aviv d'utiliser délibérément du phosphore blanc sur des zones civiles et agricoles.

Certes, Nasrallah a prévenu : « Une escalade, sur le front [libanais], dépend de deux choses : l'évolution de la situation à Gaza, et le comportement de l'ennemi sioniste vis-à-vis du Liban ». Malgré les discours belliqueux, les dernières rencontres entre le cheikh Saleh Al-Arouri, chef adjoint du bureau politique du Hamas et Ziad Al-Nakhala, secrétaire général du Mouvement du djihad islamique en Palestine (MJIP), ainsi que les avertissements de la diplomatie iranienne, le Hezbollah doit prendre en compte la situation intérieure libanaise dans son positionnement. Des Forces libanaises de Samir Geagea au Parti socialiste progressiste de Taymour Joumblatt en passant par le Courant patriotique libre de Gebran Bassil et le premier ministre sortant Najib Mikati, toute la classe politique libanaise redoute l'embrasement et appelle ainsi la milice chiite à la responsabilité. Nabih Berri, président du Parlement libanais, dirigeant de Amal et allié du Hezbollah, sert d'intermédiaire entre ce dernier et les émissaires étrangers. Le leader du « Parti de Dieu » a d'ailleurs indiqué que les chancelleries arabes avaient pris contact avec lui depuis le début des hostilités à Gaza pour éviter une escalade régionale.

Indépendamment du consensus politique, le souvenir de la guerre de l'été 2006 est vif pour toute la société libanaise. En réponse à une opération spéciale du Hezbollah visant à prendre en otage des soldats israéliens à la frontière, l'armée israélienne avait bombardé tous les points vitaux du pays (les centrales d'électricité, les ponts, l'aéroport, les industries), paralysant son économie. Israël avait tiré plus de 3 000 obus par jour sur l'ensemble du Liban, y compris à Beyrouth. En plus de vouloir neutraliser les capacités militaires du mouvement chiite, le cabinet de sécurité mené par le premier ministre de l'époque Ehud Olmert entendait mettre en porte à faux le gouvernement libanais de Fouad Siniora, lui reprochant sa neutralité à l'égard du parti chiite.

Au-delà des pertes civiles importantes causées par les raids israéliens — environ 1 200 morts dont une majorité de civils et plus de 4 000 blessés —, le pays a connu l'exode de près d'un million de personnes et la reconstruction des bâtiments s'est élevée à plus de 2,8 milliards de dollars (2,62 milliards d'euros). À l'échelle du Proche-Orient, le Hezbollah est sorti auréolé de cette « victoire divine » sur les forces israéliennes, mais ce conflit a toutefois ravivé les fractures internes au sein de l'échiquier politique libanais, en particulier sur la question de l'arsenal militaire du groupe.

Aujourd'hui, et particulièrement depuis 2019, le Liban est dans une situation économique catastrophique et n'a plus de président depuis le départ de Michel Aoun il y a un an. Même si la majorité de la population soutient la cause palestinienne, l'ouverture d'un deuxième front contre Israël reste impopulaire, toutes confessions confondues.

Une intervention du Hezbollah rendrait de surcroît caduc l'accord de délimitation des frontières maritimes avec Israël. Signé le 27 octobre 2022, il permet au pays du Cèdre d'espérer des retombées économiques grâce aux forages du gaz offshore dans le champ de Cana au large de ses côtes.

Des relations qui remontent à 1992

Outre l'importance de l'équation libanaise, la relation avec le Hamas permet de comprendre la perception du conflit par le Hezbollah. Bien que faisant partie de « l'axe de la résistance » piloté par Téhéran, les deux partis islamistes ne sont pas pour autant alignés sur le même agenda politique et défendent avant tout des intérêts propres.

Le 10 avril 2023, alors que le chef du bureau politique du mouvement islamiste palestinien Ismaël Haniyeh se trouvait à Beyrouth, le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, en grande difficulté sur le plan interne, avait assuré qu'il ne « permettrait pas au Hamas terroriste de s'établir au Liban », et promis de « restaurer la sécurité » dans son pays en agissant « sur tous les fronts ». Hassan Nasrallah avait en effet promu dans un récent discours l'importance d'une « unité de fronts » contre Israël. Objet de tous les fantasmes, cette confédération de milices n'est pas pour autant structurée et ne forme pas de bloc homogène.

Après s'être immiscé activement dans la création du Hezbollah dans les années 1980, Téhéran s'intéresse aux différentes factions palestiniennes. Même si la République islamique ne participe pas à la création du Hamas en 1987, les Gardiens de la révolution vont, dès les années 1990, transmettre des armes et de l'argent au mouvement gazaoui. Une première délégation du mouvement va se rendre à Téhéran, en 1991, et y ouvrira un bureau politique. De surcroît, des combattants gazaouis vont être formés dans des camps en Iran ou au Liban.

Les premiers contacts officiels entre les milices islamistes remontent à 1992 et l'expulsion de centaines de Palestiniens du Hamas et du MJIP, dont Ismaël Haniyeh, vers le camp de Marj El-Zohour au Sud-Liban. Les relations se sont renforcées compte tenu de la fermeture des bureaux du parti islamiste en Jordanie en 1999. Khaled Mechaal, alors chef du Hamas de la bande de Gaza, prend ses quartiers à Damas. En 2000, le mouvement gazaoui ouvre un bureau à Beyrouth. Les différents groupuscules multiplient les contacts et coopèrent sous la houlette de Téhéran.

Une alliance en dents de scie

Mais cette relation va se détériorer avec les « printemps arabes » et, notamment, la révolution en Syrie. Si le MJIP s'aligne sur l'agenda politique de Téhéran dès 2012, Khaled Mechaal, devenu le chef du bureau politique du Hamas à l'étranger, quitte Damas pour Doha, soutien important des soulèvements arabes. Il prend officiellement fait et cause pour les insurgés syriens lors d'un discours en Turquie en septembre 2012. S'adressant personnellement au président turc Recep Tayyip Erdoğan, il le remercie pour son soutien au peuple syrien. L'ascension de Mohamed Morsi, membre des Frères musulmans en Égypte est venue renforcer leurs espoirs de parvenir à insuffler un vent révolutionnaire islamiste sunnite à l'échelle de la région. La même année, le cheikh Hamad Ben Khalifa Al-Thani est le premier chef d'État à se rendre à Gaza depuis que le Hamas en a pris le contrôle en 2007, et promet une aide de 400 millions de dollars (374 millions d'euros). À l'aune des changements régionaux de la nouvelle décennie, le Hamas passe davantage sous le giron qatari pour des raisons pragmatiques et idéologiques.

D'après certaines sources proches du Hezbollah et du gouvernement syrien, les brigades Ezzedine Al-Qassam, branche armée du Hamas, auraient participé de manière active à la guerre en Syrie aux côtés des rebelles et des djihadistes (1). Plusieurs miliciens auraient notamment supervisé l'entraînement de l'armée Khalid Ibn Al-Walid et de la brigade Al-Farouq avant des combats contre le Hezbollah et l'armée loyaliste syrienne lors de la bataille d'Al-Qusayr à la frontière libanaise en mai 2013. Ils auraient notamment partagé leur expertise en matière de construction de tunnels. La même année, le prêche de l'imam frériste Youssef Al-Qaradawi à la mosquée Al-Doha en présence de Khaled Mechaal provoque l'ire de Téhéran et du parti chiite libanais. Le cheikh égyptien qualifie la milice libanaise de « parti de Satan » et la République islamique d'« alliée du sionisme ». Résultat, l'Iran divise par deux son aide financière au Hamas et les bureaux du mouvement palestinien à Beyrouth sont fermés.

La radicalisation de l'opposition syrienne et la prise par l'organisation de l'État islamique (OEI) du plus grand camp palestinien de Syrie, Yarmouk, en 2015, poussent le Hamas à renouer avec Téhéran et le Hezbollah. La convergence des intérêts, à savoir la lutte contre Israël, prend le dessus sur les divergences passées. De surcroît, compte tenu de l'échec du camp frériste au Proche-Orient, de la Tunisie à l'Égypte en passant par la Turquie, le mouvement islamiste reprend finalement le chemin de Damas en octobre 2022, grâce à la médiation du parti d'Hassan Nasrallah. En somme, le parti chiite agit à la fois comme intermédiaire politique pour ressouder les liens de « l'axe de la résistance » et comme conseiller militaire auprès des autres milices.

Les deux groupes sont constamment en lien par le biais du bureau du Hamas de Beyrouth dirigé par Ali Barakeh, en exil dans la capitale libanaise depuis plusieurs années. Les leaders des factions palestiniennes ont leurs entrées à Beyrouth et coordonnent leurs actions. Néanmoins, le Hamas et le Hezbollah ne constituent pas pour autant les deux faces d'une même pièce : l'un opère selon un agenda palestinien bien précis tandis que l'autre fait partie intégrante de l'échiquier politique libanais.

Le scénario de l'ouverture d'un deuxième front par le Hezbollah dépendrait de plusieurs conditions. Par pragmatisme politique, celui-ci n'utilise pas tous ses leviers de pression contre l'armée israélienne, limite l'escalade de la violence et se cantonne, pour le moment, à un rôle d'appui et de conseiller militaire et stratégique auprès des différents groupes gazaouis. L'organisation d'Hassan Nasrallah tient surtout compte de l'opinion libanaise, farouchement opposée à l'extension du conflit. Mais les éventuelles pressions de Téhéran et l'évolution de la situation à Gaza pourraient changer la donne, donnant lieu à une augmentation des accrochages sur le front nord, à l'issue incertaine.

Notes

1- Voir Leila Seurat, Le Hamas et le monde, CNRS éditions, 2015.

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L’assassinat d’Ismaïl Haniyeh : Benyamin Netanyahou veut pousser l’Iran à entrer en guerre

27 août 2024, par Houshang Sepehr — , , ,
Le 31 juillet, il est environ deux heures du matin quand une explosion retentit dans nord de la capitale iranienne, Téhéran. Ismaïl Haniyeh, chef politique du Hamas, vient (…)

Le 31 juillet, il est environ deux heures du matin quand une explosion retentit dans nord de la capitale iranienne, Téhéran. Ismaïl Haniyeh, chef politique du Hamas, vient d'être assassiné. La victime était invitée par le régime pour assister à la cérémonie de d'investiture du nouveau président iranien, Massoud Pezeshkian. L'assassinat de Haniyeh est survenu au lendemain d'une frappe israélienne ayant tué un haut responsable militaire du Hezbollah, Fouad Shukr, près de Beyrouth.

Tiré d'Europe solidaire sans frontière.

Si Israël est resté silencieux, cet assassinat ciblé porte la marque des services secrets de l'État hébreu, habitués à traquer et à tuer les commanditaires des attaques sur son sol et ses citoyen.nes. « J'ai donné l'ordre au Mossad d'agir contre les chefs du Hamas où qu'ils se trouvent », avait prévenu Benyamin Netanyahou, au lendemain des attaques terroristes du 7 octobre. « Leurs heures sont comptées. Où qu'ils soient, ce sont des hommes morts », avait renchéri le ministre de la Défense, Yoav Gallant.

Selon l'agence de presse semi-officielle iranienne Fars, affiliée aux Corps des Gardiens de la Révolution Islamique (CGRI), Ismaïl Haniyeh, a été assassiné par un « projectile à courte portée » tiré de son lieu d'hébergement à Téhéran dans une opération que l'Iran impute à Israël, a annoncé samedi le Corps des Gardiens de la Révolution islamique (CGRI), le bras armé du régime.

« D'après les enquêtes et investigations, cette opération terroriste a été menée en tirant un projectile à courte portée avec une ogive d'environ 7 kilogrammes depuis l'extérieur du lieu d'hébergement d'invitées provoquant une forte explosion », ont-ils indiqué dans un communiqué publié par l'agence officielle Irna.

Mais le New York Times avance un autre scénario. Ce serait un engin explosif, placé depuis deux mois dans l'appartement, qui aurait tué le chef du Hamas et un de ses gardes du corps. La résidence, surveillée par les Gardiens de la révolution, aurait donc souffert d'une importante faille de sécurité. Les services de renseignements iraniens auraient, eux aussi, été incapables de prévenir un tel acte. Un véritable camouflet infligé à l'État théocratique.

Selon le média Axios, la bombe aurait été déclenchée par des agents du Mossad se trouvant sur le sol iranien. Ce n'est pas la première fois qu'Israël arrive à tuer des personnalités en Iran. De nombreux responsables du programme nucléaire iranien ont trouvé la mort dans des attentats à la bombe. L'Israël n'a jamais revendiqué ces assassinats.

L'assassinat d'Ismail Haniyeh, négociateur en chef et chef politique du Hamas, détruit la perspective d'un accord de cessez-le-feu imminent. Netanyahou s'est toujours opposé à un accord qui mettrait fin à la guerre. À cet égard, le journal israélien Haaretz a révélé que lors des précédents cycles de négociations, Netanyahu a activement et stratégiquement divulgué des informations sensibles aux médias à des moments critiques afin de saboter les négociations entre Israël et le Hamas.

Quels sont les objectifs poursuivis par Netanyahu en assassinant Ismail Haniyeh à ce moment et à ce lieu ?

Pourquoi Israël essaye-t'il d'entraîner l'Iran dans une guerre totale au Moyen-Orient alors qu'il n'a pas la capacité économique d'entrer dans cette guerre ?

Pour le régime de Téhéran c'est Israël qui était certainement derrière l'assassinat audacieux de Haniyeh. Le gouvernement israélien a délibérément placé l'Iran dans une position de honte face aux Palestiniens afin de maximiser la possibilité de représailles iraniennes. A noter que l'assassinat a eu lieu quelques heures seulement après l'investiture du nouveau président iranien, Massoud Pezeshkian.

L'ancien chef adjoint du Conseil de sécurité nationale d'Israël a également souligné que Benjamin Netanyahu veut déclencher une guerre plus large et y entraîner les États-Unis. Bien qu'Israël paierait un lourd tribut si l'Iran entrait dans une guerre à grande échelle au Moyen-Orient, le déclenchement de la guerre et l'escalade des conflits en Israël serviraient les intérêts de Netanyahu de diverses manières. Dans ce qui suit, nous verrons pourquoi Netanyahu a bénéficié de l'assassinat d'Ismail Haniyeh.

Les six objectifs d'Israël en assassinant Haniyeh

- Premier objectif : l'assassinat de Haniyeh, détruirait la perspective d'un accord de cessez-le-feu imminent.

Netanyahou s'est toujours opposé à un accord qui mettrait fin à la guerre à Gaza. À cet égard, le journal israélien Haaretz a révélé que lors des précédents cycles de négociations, Netanyahu avait activement et stratégiquement divulgué des informations sensibles aux médias à des moments critiques afin de saboter les négociations entre l'Israël et le Hamas.

Joe Biden, le président des États-Unis d'Amérique, en réponse à une question sur la question de savoir si Netanyahu prolongerait la guerre pour le bien de sa vie politique, a répondu : « Il y a de nombreuses raisons de conclure que oui ». Netanyahu sait que l'accord sur les otages israéliens avec le Hamas ferait s'effondrer son gouvernement et mettrait fin à son règne de Premier ministre. Il est également probable que s'il était condamné par la justice israélienne, cela signifierait une réactivation de son procès pour corruption, qui pourrait le conduire en prison. C'est pourquoi le négociateur Netanyahou est réticent à conclure les négociations, et tente de parvenir à une impasse par tous les moyens.

- Deuxième objectif : l'assassinat de Haniyeh, risque d'affaiblir Kamala Harris si elle remporte l'élection présidentielle américaine.

Alors que l'administration Biden a toujours accusé le Hamas d'avoir empêché la conclusion d'un accord, des indications semblent montrer que Harris pourrait adopter une approche différente en ce qui concerne Israël et le Hamas, et rendre possible un accord entre eux. Après une visite à Washington la semaine dernière, Kamala Harris a déclaré : « Comme je l'ai dit au Premier ministre Netanyahu, le moment est venu pour cet accord d'être conclu. »

- Troisième objectif : l'assassinat d'Ismaïl Haniyeh, a également affecté les négociations potentielles entre les États-Unis et l'Iran.

L'élection de Massoud Pezeshkian, avait fait de la reprise des négociations du JCPOA1 et de la détente des relations étrangères, le centre de sa politique étrangère dans les débats électoraux. Bien que cela ait pu ouvrir une petite fenêtre pour la relance de la diplomatie, l'escalade de la tension provoquée par cet assassinat a gravement affaibli la perspective de construire un consensus à Téhéran en faveur de telles négociations. Cette idée d'affaiblissement est renforcée par le fait que certains responsables politiques iraniens pensent qu'Israël a assassiné Haniyeh avec le soutien de l'administration Biden. L'ambassadeur d'Iran aux Nations unies a également écrit dans une lettre au président du Conseil de sécurité des Nations unies que l'attaque « n'aurait pas pu avoir lieu sans l'autorisation et le soutien des services de renseignement des États-Unis ».

- Quatrième objectif : étant donné l'opposition de longue date d'Israël à l'amélioration des relations américano-iraniennes, il est très peu probable l'assassinat de Haniyeh lors de l'investiture de Pezeshian soit une coïncidence.

C'est exactement au moment où un présidant partisan de rapprochement avec pays occidentaux est investi que Netanyahu a cherché à forcer les États-Unis à entrer en guerre avec l'Iran. Bien que l'accent des États-Unis ait été mis davantage sur le programme nucléaire iranien, le désir d'Israël d'une attaque directe des États-Unis contre l'Iran est un secret de polichinelle.

Il faut rappeler que le rapprochement du présidant Obama avec l'Iran en 2015 a déplacé l'équilibre des forces régionales loin des États du Golfe et d'Israël, et a bouleversé l'équilibre des forces entre l'Iran et Israël. Pour le régime iranien l'un d'objectifs de JCPOA était d'être censé augmenter les capacités d'armement conventionnel de l'Iran en allégeant les sanctions contre l'Iran dans l'accord nucléaire promis par Obama. JCPOA a autrefois joué un rôle essentiel à la création de la ceinture de sécurité des pays dits de l'Axe de la Résistance (Iran, Syrie, et Liban), qui était censée protéger ces pays des attaques israéliennes.

- Cinquième objectif : Israël a pendant des années cité les divisions entre les diverses factions palestiniennes comme un obstacle majeur aux pourparlers de paix.

La semaine dernière via les efforts de la Chine, un accord a été conclu sur la formation d'un gouvernement d'unité nationale pour gouverner Gaza après la guerre. Ismail Haniyeh a joué un rôle important dans la conclusion de cet accord de Pékin signé par toutes les factions palestiniennes, du Fatah au Hamas.

Le soutien des pays de “l'Axe de la Résistance” à la cause palestinienne est purement verbal. Et pendant ce temps là, Israël a eu les mains libres pour assassiner Haniyeh afin de tenter :

d'empêcher la paix avec les Palestiniens,

de mener dans une impasse la poursuite des négociations avec Yahya Sinwar à Gaza pour l'échange de prisonniers,

de contrôler avec l'aide de la coalition menée par les Etats-Unis, les représailles probables de l'Iran et ses alliés.

- Sixième objectif : l'assassinat d'Ismail Haniyeh par Israël est destiné à provoquer une réponse iranienne, qui pourrait facilement dégénérer en une guerre plus large et engager les États-Unis au Moyen-Orient plus que jamais.

En avril, l'administration Biden a redoublé ses efforts pour contrôler les conséquences de lancements de missiles iraniens contre Israël après la destruction du consulat iranien à Damas, afin d'empêcher une escalade incontrôlable des tensions au Moyen-Orient.

Mais cette fois, à la veille des élections présidentielles américaines, l'administration Biden ne peut pas empêcher de manière décisive le Moyen-Orient de sombrer dans la guerre totale, à moins qu'elle ne veuille tracer des lignes rouges publiques contre Netanyahu. Cela pourrait viser le soutien électoral des démocrates, et Biden préfère qu'Israël fasse ce qu'il veut pour se défendre.

Tout de suite après l'assassinat, des dizaines d'officiers de haut rang des renseignements, ainsi que des responsables de la sécurité ont été arrêtés, sous l'accusation d'être des espions ennemis. Seulement deux semaines avant l'assassinat le ministre des renseignements s'est vanté d'éradiquer tous les nids d'espions dans l'ensemble du pays.

Dans cette situation le régime mène une guerre verbale virulente contre Israël pour sauver la face devant une telle humiliation.

« Israël a commis une « erreur stratégique » qui va lui « coûter cher » en tuant la semaine dernière à Téhéran le chef politique du Hamas Ismaïl Haniyeh », a déclaré le 8 octobre à l'AFP le ministre iranien des Affaires étrangères par intérim Ali Bagheri, après une réunion extraordinaire de l'Organisation de la coopération islamique (OCI). Il a accusé Israël - qui n'a pas commenté la mort d'Ismaïl Haniyeh - de vouloir « étendre la guerre » dans la région, tout en jugeant qu'il n'a « ni la capacité ni la force » pour combattre l'Iran.

Dans une lettre adressée au nouveau chef du Hamas, Yahya Sinwar, le général Esmail Ghaani a présenté ses condoléances à Yahya Sinwar pour le martyre de l'ancien chef du Bureau politique du Hamas. « Il ne fait aucun doute que le sang du martyr Haniyeh influencera la dure vengeance du régime sioniste par la République islamique ».

La récente visite de Netanyahu aux États-Unis a montré qu'il est peu probable que les États-Unis se laissent entraîner dans une guerre directe avec l'Iran.

Il est par contre probable que l'Iran réponde à la terreur sur son propre sol par un renouvelement de sa dissuasion défensive envers Israël. Mais la probabilité que l'Iran entre délibérément dans une guerre à grande échelle est nulle étant donnée la faiblesse de son infrastructure économique et de longues années de sanctions économiques.
Vu le degré très élevée de détestation du pouvoir iranien par son propre peuple, un défaite militaire mènerait sans aucun doute à un chute du régime. Et comme dans tous les régimes dictatoriaux, sauvegarder et conserver le pouvoir politique vient avant toutes autres considérations.

Le 13 août 2024

Note

1 - Accord de Vienne sur le nucléaire iranien (Joint Comprehensive Plan of Action - JCPOA), signé le 14 juillet 2015 par les parties suivantes : l'Iran, les pays du P5+1 (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies — les États-Unis, la Russie, la Chine, la France et le Royaume-Uni — auxquels s'ajoute l'Allemagne. Cet accord imposait des restrictions à l'activité nucléaire iranienne en échange d'un allègement des sanctions. Les négociations sur le nucléaire sont actuellement dans l'impasse après, en 2018, le retrait unilatéral des États-Unis qui ont réimposé de sévères sanctions économiques à Téhéran.

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Extrême droite : la résistible ascension

26 août 2024, par La France insoumise — , ,
23 août 2024 https://www.youtube.com/watch?v=ZEMmSey4boU&t=3623s Vendredi 23 août à 13h30, discussion autour du livre : Extrême droite : la résistible ascension, publié (…)

23 août 2024
https://www.youtube.com/watch?v=ZEMmSey4boU&t=3623s

Vendredi 23 août à 13h30, discussion autour du livre : Extrême droite : la résistible ascension, publié aux Éditions Amsterdam.

Avec Johann Chapoutot, historien spécialiste du nazisme, Ugo Palheta, sociologue, spécialiste de l'extrême droite et Clémence Guetté, Vice-présidente LFI-NFP de l'Assemblée nationale, co-présidente de l'Institut La Boétie.

BOLSHEVIK WOMEN – Femmes, pouvoir et révolution en Union soviétique

26 août 2024, par Archives Révolutionnaires
L’article qui suit présente, de manière détaillée, l’ouvrage de l’historienne Barbara Evans Clements, Bolshevik Women. À l’encontre du mythe d’une tradition marxiste aveugle à (…)

L’article qui suit présente, de manière détaillée, l’ouvrage de l’historienne Barbara Evans Clements, Bolshevik Women. À l’encontre du mythe d’une tradition marxiste aveugle à la question des femmes ou d’un processus révolutionnaire dont elles auraient été exclues, l’ouvrage met en valeur la participation extrêmement active des femmes à la Révolution russe. En soulignant les apports pratiques et théoriques des militantes bolchéviques dès le début du XXe siècle, Evans Clements participe aussi à la remise en cause d’un certain narratif qui fait de la « découverte » des interconnexions entre les oppressions de classe et de genre un phénomène récent. Nous souhaitions rendre compte de la richesse de cette œuvre et rendre accessible les points saillants de cette solide contribution, qui n’est actuellement disponible qu’en anglais.

Le livre de Barbara Evans Clements, Bolshevik Women[1], fait le récit de toutes ces militantes russes, qui, avant 1921, ont rejoint la fraction bolchévique du Parti ouvrier social-démocrate de Russie (POSDR). Autrice de deux autres ouvrages portant sur l’histoire des femmes en URSS, Bolshevik feminist: the life of Aleksandra Kollontai (1979) et Daughters of revolution: a history of women in the USSR (1994), Evans Clements enseigne l’histoire à l’université d’Akron.

À la jonction entre l’étude historique et le portrait sociologique, Bolshevik Women s’appuie sur une base de données contenant des informations sur 545 bolshevichki[2] pour brosser un portrait de l’engagement des militantes au sein du parti tout au long du XXe siècle. L’ouvrage examine les raisons pour lesquelles ces femmes sont devenues des révolutionnaires, le travail qu’elles ont accompli dans la clandestinité avant 1917, leur participation à la révolution et à la guerre civile ainsi que leur contribution à la construction de l’URSS. Nuancée et précise, l’étude montre que les bolshevichki ont joué un rôle important, notamment en tant que propagandistes, oratrices, organisatrices, fonctionnaires et dirigeantes d’opérations clandestines ou militaires. Elle décrit aussi l’effort remarquable fait par plusieurs d’entre elles pour mettre sur pied un programme général d’émancipation des femmes. L’ouvrage révèle les défis auxquels les militantes ont été confrontées, entre autres celui de concilier leur travail révolutionnaire, exigeant et chronophage, avec leur rôle de mère ou leur vie amoureuse. En nous racontant l’Union soviétique telle que l’ont vécue les militantes bolchéviques, l’œuvre retrace l’évolution de la place des femmes dans cette société ainsi que les rapports entre militantisme, pouvoir et genre en URSS.

L’autrice a utilisé des mémoires, biographies, articles de journaux et archives, notamment de la Société des anciens bolchéviques, pour enrichir son étude des premières militantes du parti. Quelques portraits plus personnalisés nous permettent, tout au long du livre, de suivre les trajectoires de personnalités plus connues comme Alexandra Kollontai, Inessa Armand, Elena Stassova, Rosalia Zemliachka, Konkordia Samoïlova, Ievguenia Bosch, Klavdiya Nikolaïeva et Aleksandra Artioukhina[3]. La vie de ces militantes est particulièrement bien documentée, car la plupart d’entre elles ont occupé des postes importants au sein du gouvernement soviétique après 1917.

De gauche à droite : Nadejda Kroupskaïa en 1890 ; Rosalia Zemliatchka au début des années 1900 ; Sofia Nikolaïevna en 1895. Images domaine public.

Qui rejoint le parti et pourquoi ?

Une révolutionnaire est dure, tenace et, si nécessaire, sans pitié. Elle est également diligente, rationnelle et peu sentimentale. Elle est membre à part entière d’un mouvement égalitaire ; sa place dans le mouvement, elle l’a gagnée en étant prête à se sacrifier complètement pour ses objectifs. Sa loyauté première n’est pas envers elle-même, sa famille ou envers les autres femmes. Sa loyauté va à ses camarades, au mouvement révolutionnaire et au projet de transformation sociale[4].

Bolchevik Women, 19

L’ouvrage débute par la période prérévolutionnaire, alors que le parti, illégal, lutte contre l’autocratie tsariste. Il explore les conditions et les limites de l’engagement des femmes au sein des milieux révolutionnaires, puis rend compte des raisons qui ont poussé certaines d’entre elles à devenir marxistes. Au tournant du XXe siècle, les militantes bolchéviques sont pour beaucoup issues des classes moyennes, tandis que leurs camarades sont majoritairement d’origine ouvrière, un phénomène qu’on retrouve aussi chez les différents groupes radicaux en Russie. La précarité, les responsabilités familiales ainsi que les notions sexistes réservant la politique aux hommes sont des obstacles plus difficiles à franchir pour les femmes ouvrières que pour leurs homologues plus éduquées des milieux plus aisés[5]. Malgré ces obstacles, il reste qu’entre 1890 et 1910, la Russie compte « plus de femmes radicales que n’importe quel autre pays d’Europe[6] ». C’est après 1917 et durant la guerre civile que les prolétaires et les paysannes rejoignent en masse les rangs des bolchéviques. Dans une Russie en plein bouleversement révolutionnaire, ces jeunes femmes se politisent rapidement. Elles participent aux réunions des clubs ouvriers ou rejoignent les rangs du Komsomol, l’organisation de la jeunesse communiste, avant de devenir membres à part entière du parti et de militer dans ses différents secteurs.

Plusieurs militantes sont attirées par le marxisme en raison de sa critique du patriarcat, qui le différencie d’autres mouvements radicaux russes de l’époque. Les œuvres de Friedrich Engels, L’Origine de la famille, de la propriété privée et de l’État (1884), et d’Auguste Bebel, La femme et le socialisme (1891), sont parmi les premières œuvres révolutionnaires à traiter de l’histoire de domination masculine et des moyens pour la renverser. Ces textes soulignent que les inégalités entre hommes et femmes résultent de rapports sociaux et non d’une infériorité biologique ou psychologique des femmes. Ils situent l’origine de ces inégalités dans l’établissement de la propriété privée et l’émergence ultérieure de la société de classe, qui a remplacé la famille matrilinéaire des sociétés « communistes primitives » par un ordre patriarcal où les hommes contrôlent les moyens de production. Dans cette société, la femme est reléguée au statut de possession et on exige d’elle (et seulement d’elle) une monogamie sans faille, puisque celle-ci garantit la transmission du patrimoine masculin aux enfants légitimes du père. Selon Bebel et Engels, l’abolition de la propriété privée supprimerait les fondements matériels du patriarcat et rendrait possible l’intégration des femmes en tant que citoyennes à part entière dans la société. Dans la vision utopique de Bebel, sous le socialisme :

toutes les coutumes qui prescrivent la subordination des femmes [seraient] remplacées par la croyance en l’égalité complète des sexes. Les femmes travailleraient dans le domaine de leur choix, le ménage et l’éducation des enfants seraient pris en charge par des institutions communautaires, et les enfants grandiraient sans savoir qu’il existe des différences importantes entre les garçons et les filles[7].

Pour la tradition marxiste, la transformation radicale de la société a comme corollaire l’émancipation des femmes, un projet alléchant pour de nombreuses jeunes femmes russes désireuses de bouleverser un ordre qui maintient leur infériorité légale et économique.

Rejoindre les bolchéviques, c’est aussi rejoindre une faction révolutionnaire particulièrement résolue, dont l’éthique personnelle est fondée sur la твердость (tverdost, la dureté, la fermeté). Pour les militantes, la tverdost revêt une signification particulière, car elle s’oppose à la faiblesse, la sentimentalité et la frivolité, des traits considérés comme « universellement féminins » dans l’Europe des XIXe et XXe siècles, et utilisés pour justifier la position subalterne des femmes en société. En mettant de l’avant leur maîtrise de soi, leur rationalité et leur sens du devoir, les militantes affichent des qualités alors associées aux hommes. Elles affirment ainsi leur égalité intrinsèque avec ces derniers. Inessa Armand illustre le contraste entre la tverdost des militantes bolchéviques et les notions conventionnelles de la féminité lorsqu’elle décrit les réactions de ses camarades à son égard : « Lorsque nous t’avons rencontrée, tu nous as semblé si douce, si fragile et si faible, mais il s’avère que tu es de fer[8] ».

En rejoignant les rangs des révolutionnaires, les militantes sont amenées à vivre de nouvelles expériences en dehors du cadre traditionnel du foyer. Au sein de l’underground révolutionnaire, elles s’engagent dans la propagande auprès de divers secteurs de la population, veillent à maintenir la communication entre les cellules par des messages codés ou organisent des réunions et des actions clandestines. Durant l’année 1917, elles haranguent les foules avec des discours révolutionnaires, prennent part aux manifestations et font de l’agitation en milieu ouvrier. Au cours de la guerre civile (1917-1921), elles suivent des cours d’éducation politique, distribuent des journaux, collectent des dons pour l’effort de guerre, prodiguent des soins aux soldats blessés ou participent à diverses corvées. Plusieurs militantes partent aussi au front. Là, elles sont nombreuses à occuper le poste nouvellement créé de « responsable politique[9] », dont la tâche est d’expliquer les enjeux politiques de la guerre civile aux soldats. Si quelques communistes sont froissés par la place que prennent ces femmes dans les structures militaires, ce sont les armées blanches qui expriment leur plus vive indignation face au rôle de premier plan des militantes bolchéviques au front. Pour les contre-révolutionnaires, rien n’évoque autant la destruction de la civilisation qu’une femme armée d’un fusil, soutenue par ses camarades masculins prêts à lui obéir[10].

Tout cet univers de sens, de l’underground moscovite au front ukrainien, nous est présenté à travers les nombreux portraits de vie que propose l’ouvrage. Nous sommes amenés à comprendre le parcours de ces femmes, dont plusieurs anonymes, et leur choix de rejoindre les bolchéviques. À certains moments, Evans Clements présente un panorama de l’activité des militantes aux quatre coins du pays : « À la fin de l’été 1920, tandis que Samoïlova sillonne l’Ukraine, Bosch récupère à Moscou, Zemliachka terrorise la Crimée, Stasova s’installe à Tbilissi, et Inessa et Kollontai travaillent au Jenotdel, l’Armée rouge gagne la guerre civile[11] ». L’autrice arrive à bâtir un récit qui immerge le lectorat dans l’univers – politique, physique et mental – de ces partisanes, permettant de s’approprier le sens des actions de chacune.

De gauche à droite : Inessa Armand en 1916, Aleksandra Artioukhina avant 1917, Elena Stasova vers 1920, Alexandra Kollontaï vers 1920, Ievguenia Bosch en 1911 et Maria Ilinitchna Oulianova, soeur cadette de Lénine, vers 1911.

Le « féminisme bolchévique » : Rabotnitsa et le Jenotdel

Ces bolshevichki ne considéraient pas les coutumes patriarcales et la position secondaire des femmes dans le monde du travail comme de simples conséquences malheureuses du système de propriété auxquelles il faudrait remédier dans un avenir indéterminé ; à leurs yeux, il s’agissait de préoccupations centrales, d’injustices fondamentales qui devaient figurer en bonne place dans la liste des méfaits du capitalisme. Elles ne voulaient pas que les femmes prolétaires souffrent et restent immobiles jusqu’à ce que la révolution arrive. Au contraire, malgré les doutes et la désapprobation que cela suscitait chez les sociaux-démocrates plus conventionnels, elles se sont efforcées de rallier les femmes au mouvement révolutionnaire.

Bolchevik Women, 107.

L’ouvrage met en valeur le « féminisme bolchévique », développé par les militantes. Rejetant le « féminisme bourgeois » qu’elles jugent réformiste et reflétant les aspirations des femmes des classes dominantes, les militantes bolchéviques inventent leur propre « féminisme » révolutionnaire, basé sur les doctrines socialistes et centré sur les besoins des femmes des classes populaires.

Préoccupées par leur survie au jour le jour, disposant de peu de ressources sociales et ayant peu d’occasions de se politiser, les ouvrières constituent un groupe que les révolutionnaires ont initialement énormément de difficulté à rejoindre. La plupart des ménagères, quant à elles, sont ouvertement hostiles à l’activité politique de leurs proches, l’arrestation de leur mari pouvant s’avérer catastrophique pour elles et leurs enfants. Malgré ces difficultés, quelques militantes décident de prendre les choses en main : en 1913, Konkordiya Samoïlova organise un premier rassemblement pour la Journée des femmes, une action d’envergure s’adressant directement aux femmes du prolétariat. Puis, le journal du parti, la Pravda, fait paraître dans ses colonnes une chronique régulière traitant de la vie des ouvrières. Le 8 mars 1914, c’est le premier numéro d’un journal spécifiquement adressé aux ouvrières, Rabotnitsa (La Travailleuse), qui voit le jour[12]. Seulement sept numéros paraissent avant que le journal soit définitivement interdit par les autorités. La feuille est toutefois réactivée après la révolution[13]. Plus militant, le Rabotnitsa de 1917 laisse la place à plusieurs lettres d’opinion ou d’articles soutenant le principe du salaire égal pour un travail égal, critiquant les propositions de licenciement des femmes mariées formulées par certains syndicats ou dénonçant le harcèlement sexuel des ouvrières sur leurs lieux de travail. Dans un numéro de juin, Mme Boretskaia, qui se présente comme une rabotnitsa, écrit que les ouvriers « sont pour l’égalité des droits en paroles, mais lorsqu’il faut agir, il s’avère qu’une poule n’est pas un oiseau et une baba [une « bonne-femme » n.d.l.r.] n’est pas un être humain[14] ». Rabotnitsa fait aussi campagne contre l’alcoolisme et la violence conjugale, alors endémiques en Russie. Une rubrique sur le code juridique invite les femmes vivant avec des conjoints violents à divorcer, un droit nouvellement acquis avec la révolution de 1917. Liant la transformation de la vie matérielle et la transformation des consciences, les rédactrices de Rabotnitsa font la promotion des expériences de réorganisation de la vie familiale comme les appartements communaux, de l’établissement de services tels les crèches et les cafétérias, ou des fermes collectives gérées par les femmes[15]. Dynamique, créatif et affirmatif, ce « féminisme bolchévique » se popularise au cours des années 1920, notamment grâce à l’intervention des militantes dans la presse. Les sujets abordés par le journal surprennent par leur modernité, traitant de situations qui ont encore cours un siècle plus tard, comme la violence conjugale, le harcèlement sexuel ou des difficultés, pour les femmes en lutte, d’obtenir le soutien actif de leurs camarades masculins.

À gauche : affiche du Jenotdel encourageant les femmes à fonder des coopératives paysanes (1918). À droite : un numéro de 1923 du magasine Rabotnitsa (La Travailleuse). Images domaine public.

Malgré l’obtention de certains droits formels importants suite à la révolution, de nombreuses Soviétiques continuent de faire face à des difficultés matérielles, puisque la guerre civile et les troubles politiques laissent des régions entières dévastées. Plusieurs reprochent au nouveau pouvoir de n’avoir pas considérablement amélioré leurs conditions de vie. C’est pour cultiver l’appui des femmes des classes populaires au nouveau gouvernement que le parti autorise, en 1919, la création du Département du travail parmi les femmes, plus connu sous l’acronyme Jenotdel. D’abord dirigé par Inessa Armand, puis Sofia Smidovich (1922-24), Klavdiya Nikolaïeva (1924-25) et Aleksandra Artioukhina (1925-30), le Jenotdel devient rapidement le porte-voix des revendications féminines en URSS. Les animatrices du Jenotdel sillonnent les routes de Russie, donnant des conférences qui attirent des milliers d’auditrices, tandis que le département soutient la création de crèches et de cantines sur les lieux de travail et encourage la mise en place de coopératives d’achats ou de fermes collectives. Pour de nombreuses femmes du peuple, le Jenotdel constitue leur premier lieu de formation technique et politique[16]. Les dirigeantes du département forment également des zhenskii aktiv, des cadres réparties dans tout le système soviétique dont la tâche est de s’assurer que les politiques mises en œuvre répondent aux besoins des paysannes et des ouvrières[17].

Le nouveau gouvernement compte quelques femmes importantes. En tant que commissaire à la protection sociale, Alexandra Kollontaï est la première femme à occuper un poste de ministre dans un gouvernement européen. Loin de n’être qu’un symbole, la position lui est octroyée principalement en raison de son expérience, elle qui avait déjà produit une étude approfondie sur l’état des soins maternels et infantiles en Europe. Kollontaï est l’une des architectes de la médecine socialisée soviétique. Son influence a été déterminante dans la réforme du droit civil (notamment sur la question du mariage) et du droit du travail (dans l’élaboration de lois pour protéger la santé des travailleuses)[18]. Vera Lebedeva, gynécologue-obstétricienne et militante bolchévique, dirige l’Institut pour la protection de la maternité et de l’enfance dès 1918. Elle met en place un réseau de crèches et d’écoles maternelles dotées d’un pédiatre qui peut conseiller les parents et prodiguer des soins, dans l’objectif de réduire la mortalité infantile, encore très importante à l’époque. Nadejda Kroupskaïa, quant à elle, est au cœur de l’élaboration d’un programme national d’éducation aux adultes. Bref, de nombreuses militantes participent à la construction du système socialiste durant les années de la guerre civile. En outre, la présence même de femmes au sein des institutions constitue déjà une petite révolution en soi, les postes administratifs sous le tsarisme étant fermés aux personnes issues des rangs inférieurs de la société et, bien sûr, à toutes les femmes[19].

L’ouvrage, s’il traite des aspects politiques de l’engagement des militantes, laisse aussi entrevoir ses dimensions plus personnelles, notamment son caractère éreintant. Le sous-développement de la Russie et six ans de guerre laissent le pays exsangue. Les militant·e·s, tout comme la population en général, sont mal nourri·e·s et vivent dans des conditions précaires. Travaillant douze heures à quatorze heures par jour dans des conditions difficiles, la plupart des militant·e·s contractent des maladies graves ou succombent à la dépression, et nombre d’entre eux et elles perdent la vie en menant leur travail politique bien avant les années 1930[20].

À gauche : Alexandra Kollontai et les déléguées à la Conférence de Bakou (1920). À droite : Kollontaï dans ses fonctions de Commissaire à la protection sociale (1918). Images domaine public.

Transformations, stagnations et reculs

Pour chaque Kollontaï qui déplorait les changements au sein du parti, il se trouvait beaucoup de femmes plus jeunes qui pensaient que tout ce que la Russie avait fait si rapidement – l’ouverture de l’éducation aux couches populaires, la promotion de la classe ouvrière et des paysans à des postes d’autorité, l’assaut contre l’influence de l’Église et des coutumes traditionnelles, la création d’idées artistiques radicalement nouvelles – montrait que l’URSS conduisait le monde vers un avenir d’abondance et de justice.

Bolchevik Women, 244.

Malgré le dynamisme du « féminisme bolchévique » et l’immense avancée des femmes russes en termes de droits formels après 1917, la période de la guerre civile se caractérise par une certaine stagnation du statut des femmes au sein du parti. D’une part, la centralisation et la militarisation de celui-ci, rendues nécessaires par les exigences de la guerre, favorisent les réseaux informels masculins. D’autre part, l’afflux massif de nouveaux et nouvelles militant·e·s transforme l’univers du parti. Un monde de différence sépare en effet les communistes de la première heure, versé·e·s dans les théories progressistes européennes et marqué·e·s par les valeurs de l’intelligentsia russe, et les nouvelles recrues de l’Armée rouge, fraîchement sorti·e·s des villages paysans où un homme qui bat sa femme constitue un fait banal[21].

La décennie 1930, quant à elle, est marquée par la fin de la NEP[22], la collectivisation de l’agriculture et l’industrialisation. Elle s’accompagne d’une transformation importante des idées entourant le rôle des femmes et la structure familiale. Les idées d’amour libre, de destruction de la famille bourgeoise, de vie communautaire ou de prise en charge collective des enfants proposées par des militantes comme Kollontaï sont désavouées par le parti à la fin des années 1920. De plus, plusieurs de ces idées s’avèrent assez impopulaires auprès de la population soviétique, déjà confrontée à d’importants bouleversements sociaux depuis le début du siècle[23]. La nouvelle famille soviétique qui se développe dans les années 1930 est une famille nucléaire ; le couple est composé de conjoints liés par l’amour, le respect mutuel et la fidélité. Si ce modèle rompt avec la famille russe traditionnelle, élargie et explicitement patriarcale, il reste finalement très proche de l’idéal bourgeois de la famille qui existe ailleurs en Europe (modèle né, et c’est un fait à noter, en même temps que la société industrielle). La femme soviétique des années 1930 est une citoyenne, une mère et une travailleuse. Elle participe à la production, mais peut aussi trouver son bonheur dans le soin qu’elle prodigue à sa famille. Son rôle patriotique, elle le joue, entre autres, en inculquant des valeurs communistes à ses enfants. Au contraire de l’intransigeante bolshevichka, la mère de famille soviétique est chaleureuse et maternelle[24].

Le projet minier Pouzzolan Dalhousie : Enjeux, impacts et controverses

25 août 2024, par Marc Simard
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Les catastrophes « naturelles » au Canada

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L’article Les catastrophes « naturelles » au Canada est apparu en premier sur L'Étoile du Nord.

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Les travailleurs de l’hôtel à l’aéroport de Vancouver gagnent gros contre des propriétaires milliardaires

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Premier objectif de sociofinancement atteint pour l’Étoile du Nord !

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Grâce à vous, le premier objectif de la campagne de sociofinancement de l'Étoile du Nord a été atteint. Notre média pourra ainsi passer à la vitesse supérieure et engager un (…)

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22 août 2024, par Marc Simard
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Le génocide palestinien à l’écran

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Éclairage sur l’appropriation et l’appréciation culturelle

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Projet de terres rares de métaux Torngat à Sept-Îles : Sisur oppose une fin de non-recevoir et invite la population à se prononcer

20 août 2024, par Marc Fafard, Sept-Îles sans uranium — , ,
Le groupe Sept-Iles Sans Uranium (SISUR) oppose une fin de non-recevoir au projet Strange lake de Torngat minerals. Selon les dires du promoteur, 18 000 tonnes d'uranium (…)

Le groupe Sept-Iles Sans Uranium (SISUR) oppose une fin de non-recevoir au projet Strange lake de Torngat minerals.

Selon les dires du promoteur, 18 000 tonnes d'uranium seraient potentiellement entreposées sur le site envisagé dans le parc industriel pour la durée du projet, à courte distance de la rivière du Vieux-Poste et de la source d'eau potable de la ville de Sept-Iles.
SISUR déplore également la campagne de séduction déployée actuellement par le promoteur et rappelle que le gouvernement du Québec a émis un moratoire sur toute activité d'exploration et d'exploitation d'uranium sur tout le territoire québécois, effectif depuis le 3 mars 2014.

Le groupe invite les citoyens à se prononcer massivement pendant la phase préparatoire du BAPE, laquelle se termine le 3 juillet.

« Les Septiliens ont montré plus d'une fois qu'ils s'opposaient à l'extraction de l'uranium. Le moratoire part d'ici. Le projet dont on parle va générer des déchets radioactifs qui vont polluer nos écosystèmes pour des centaines d'années », explique Marc Fafard, porte-parole de SISUR.

« Je suis convaincu que nos concitoyennes et concitoyens, une fois bien informés et sensibilisés aux impacts potentiels, vont prendre la mesure du danger. »

Marc Fafard
Porte-parole SISUR

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Refusons le statut de « porteurs d’eau » en protégeant nos cours d’eau

20 août 2024, par Pierre Prud'homme — , ,
De passage à Québec en 1861, l'écrivain anglais Anthony Trollope fut le premier à employer l'expression « porteurs d'eau »en parlant des Canadiens français auxquels il (…)

De passage à Québec en 1861, l'écrivain anglais Anthony Trollope fut le premier à employer l'expression « porteurs d'eau »en parlant des Canadiens français auxquels il prédisait un avenir peu reluisant.

L'expression s'est creusé un nid dans le langage populaire pour évoquer un état de misère et de soumission, mais les Québécois et Québécoises, au cours de leur histoire, ont refusé cet état de fait et ont fait mentir les propos de M. Trollope en se levant à maintes reprises contre les conditions qui leur étaient imposées.

Lorsqu'en pleine période de vacances, nos gouvernements permettent à l'entreprise Minerai de fer Québec, filiale de la minière australienne Champion Iron, de détruire pas moins de 37 cours d'eau en y déversant des centaines de millions de tonnes de résidus miniers durant les prochaines années, à l'évidence, nous devons poursuivre nos efforts d'affranchissement de cette soumission et redoubler d'ardeur.

Alors qu'une solution alternative s'avérait possible – déverser ces débris dans la vaste fosse de la mine à ciel ouvert du lac Bloom, près de Fermont – , nos gouvernements ont plié l'échine en acceptant la proposition très intéressée de l'entreprise. Ils lui permettent d'empiéter sur la propriété collective que sont les cours d'eau, affectant ainsi non seulement la santé de ces derniers, mais aussi celle de la faune, de la flore et des populations qui s'y abreuvent.

Les cours d'eau relèvent du bien commun. Ils ne doivent pas être bradés au profit d'intérêts privés, mais appellent plutôt une gestion responsable de la part de tous et de chacun, et surtout de nos gouvernements.

Alors que l'eau constitue un enjeu majeur de la crise climatique que nous traversons, il nous revient de reconnaître la noblesse des« porteurs d'eau » que sont nos cours d'eau car ils contribuent au déploiement de toutes les formes de vie qui assurent notre propre bien-être et celui des générations qui nous suivent.

Pierre Prud'homme
Laval, Qc
21 juillet 2024

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Comment les philosophes ont-ils pensé la place de l’humain dans son environnement ? Des philosophes grecs aux écoféministes, un voyage captivant au cœur des fondements philosophiques de l’écologie

20 août 2024, par Les Éditions Écosociété — , ,
À l'heure du péril écologique, renouer avec la clairvoyance, la prudence et l'esprit de responsabilité des plus grands philosophes, de Aristote et Épicure à Hans Jonas et (…)

À l'heure du péril écologique, renouer avec la clairvoyance, la prudence et l'esprit de responsabilité des plus grands philosophes, de Aristote et Épicure à Hans Jonas et Günther Anders, est devenu notre impératif et notre espérance.

À propos du livre

Pour de nombreux philosophes contemporains, la maîtrise de la nature est devenue la source des multiples crises auxquelles nous sommes confrontés. Mais il n'en a pas toujours été ainsi. Ils sont même plusieurs à avoir applaudi et encouragé cette maîtrise au fil du temps, en séparant artificiellement « nature » et « culture ». Pourtant, dès ses origines, en tant que recherche de la vérité et de la sagesse et par sa condamnation de la démesure, la philosophie fut doublement concernée par l'idée écologique.

Dans ce captivant voyage, Laurence Hansen-Løve remonte aux fondements philosophiques de l'écologie. Elle montre l'importance des pensées antiques de la sagesse contre l'hubris et de la représentation critique de la nature qu'ont formulée nombre de philosophes à travers les âges (Aristote, Spinoza, Rousseau, Thoreau, etc.). Un périple qui nous conduit jusqu'à nos jours, avec l'essor de pensées résolument écologistes comme l'écologie politique (Ellul, Charbonneau, Gorz, Næss, etc.), l'écoféminisme (d'Eaubonne, Starhawk, etc.) ou la communauté terrestre (Mbembe).

À l'heure du péril écologique, renouer avec la clairvoyance, la prudence et l'esprit de responsabilité des plus grands philosophes, de Aristote et Épicure à Hans Jonas et Günther Anders, est devenu notre impératif et notre espérance. Grâce à l'apport des philosophies matérialistes mais aussi animistes ou panthéistes inspirées de penseurs de tous les continents, la philosophie écologique contemporaine a partiellement renoué avec la sagesse des Anciens. Celle qui nous invite à envisager la nature avec affection, considération et bienveillance.

À propos de l'autrice

Laurence Hansen-Løve est professeure agrégée de philosophie et autrice de nombreux ouvrages, dont Planète en ébullition (Écosociété, 2022), La violence. Faut-il désespérer de l'humanité ? (Du retour, 2020) et Cours particulier de Philosophie. Questions pour le temps présent (Belin, 2006). Elle a aussi codirigé, avec Laurence Devillairs, Ce que la philosophie doit aux femmes (Robert Laffont, 2024).

Action-éclair contre les féminicides

20 août 2024, par RGF-CN — , ,
Bonjour chères membres, Linda Salagan a été tuée le 29 juillet à Lachine. Ève Chachaï a été tuée le 14 août à Chicoutimi. Deux féminicides de plus. Le RGF-CN appelle à (…)

Bonjour chères membres,

  • Linda Salagan a été tuée le 29 juillet à Lachine.
  • Ève Chachaï a été tuée le 14 août à Chicoutimi.

Deux féminicides de plus.

Le RGF-CN appelle à un rassemblement le jeudi 22 août de 12h15 à 12h45 devant aux coins des boulevards Charest et de la Couronne afin de dénoncer et visibiliser les féminicides.

Habillez-vous en noir. PAS UNE DE PLUS !

L'action-éclair contre les féminicides est en non-mixité inclusive. Bienvenues aux femmes et aux personnes trans.

Le RGF-CN appelle à se rassembler tous les jeudis suivant un féminicide. Suivez la page Facebook.

L'équipe du RGF-CN,

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La Caisse de dépôt et de placement du Québec et la guerre à Gaza : Ajouter l’insulte à l’injure

20 août 2024, par Diane Lamoureux — , ,
Le 7 août dernier, la Caisse de dépôt et de placement rencontrait une délégation du Collectif du Québec URGENCE Palestine. Ceci faisait suite à une lettre que nous leur avions (…)

Le 7 août dernier, la Caisse de dépôt et de placement rencontrait une délégation du Collectif du Québec URGENCE Palestine. Ceci faisait suite à une lettre que nous leur avions envoyée le 2 juillet dernier, appuyée alors par 58 organisations et soutenue depuis par plus d'une centaine.

Dans cette lettre, la Coalition demandait que la Caisse abandonne ses investissements de $14,2 milliards dans 87 compagnies dont certaines activités les rendent légalement complices de la colonisation israélienne (dénoncée entretemps par l'avis de la Cour internationale de justice), de violations de droits humains, de crimes de guerre ou même de génocide.

Cette rencontre a été particulièrement décevante pour la coalition puisque le mandat de nos interlocutrices se limitait à écouter et à rapporter à leur hiérarchie. En fait, on nous laissait sous-entendre que la CDPQ, malgré sa prétention à respecter les « plus hauts standards éthiques » (nous attendons toujours la description de ces standards que nous leur avons expressément demandée), se préoccupait plus de sauver la face que de respecter les droits humains.

Nous en avons eu la confirmation par un article du journal Les Affaires qui annonçait, le 12 août, que la Caisse s'apprêtait à injecter un montant supplémentaire de $158 millions dans WSP Global, une entreprise dont elle est l'actionnaire majoritaire. Pourtant nous leur avions démontré clairement, dans notre présentation du 7 août, que WSP, est maitre d'œuvre du projet d'expansion du métro léger de Jérusalem, un projet qui consolide l'annexion illégale de Jérusalem-Est par Israël. Même si cet investissement n'est pas destiné au projet, pourquoi soutenir une entreprise qui viole allègrement le droit international humanitaire ?

Le « bas de laine » des Québécois.es sera encore plus entaché du sang du peuple palestinien. Qu'attendent les syndicats (dont plusieurs ont signé la lettre du Collectif) pour demander que les Fonds de retraite des travailleurs.euses ne servent pas à participer à une entreprise coloniale et génocidaire ? D'autres fonds d'investissements et d'autres fonds de retraite dans le monde l'on déjà fait, sans que leurs rendements ne soient affectés.

La politique de la Caisse s'inscrit dans la logique du gouvernement Legault de soutien inconditionnel à Israël. Car n'oublions pas que la ministre des Relations internationale et de la francophonie piaffe d'impatience d'aller couper le ruban rouge du Bureau du Québec à Tel Aviv, une cérémonie qu'elle a dû reporter au moins deux fois. Entretemps, le responsable de ce Bureau a toujours pour mandat de faire des affaires avec des partenaires israéliens. Contre toute logique (et toute décence), Martine Biron s'entête à maintenir ce Bureau, malgré l'avis contraire de 74 organisations de la société civile québécoise, montrant bien que, pour ce gouvernement, les profits valent plus que les vies humaines.

La mobilisation doit se poursuivre pour faire stopper l'assaut génocidaire israélien à Gaza et empêcher que le gouvernement Netanyahou ne mette toute la région à feu et à sang avec la complicité des États-Unis et du Canada. Nous devons faire en sorte que les gouvernements canadien et québécois prennent enfin des sanctions contre Israël, ce qui implique minimalement l'arrêt de l'envoi de matériel militaire, l'arrêt des investissements de la CDPQ dans des entreprises liées à la colonisation illégale israélienne du Territoire palestinien occupé ou à l'entreprise génocidaire d'Israël à Gaza et la fermeture du Bureau du Québec à Tel Aviv. À plus long terme, il faudrait également revoir sinon récuser l'Accord de libre-échange Canada-Israël.

Diane Lamoureux

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Conjoncture politique et les tâches qui en découlent

20 août 2024, par Bernard Rioux, Ginette Lewis — ,
Ce texte a été produit dans le cadre des débats sur la conjoncture en cours dans l'organisation Révolution écosocialiste. 1. Une situation internationale chaotique Le (…)

Ce texte a été produit dans le cadre des débats sur la conjoncture en cours dans l'organisation Révolution écosocialiste.

1. Une situation internationale chaotique

Le capitalisme mondial a engendré de multiples crises. Il y a d'abord l'effondrement de l'économie mondiale. Celle-ci est de plus en plus incapable de satisfaire aux besoins élémentaires de la population, particulièrement à celle du Sud global.

La catastrophe climatique n'est plus une perspective d'avenir, elle frappe déjà dans toutes les régions du monde, même si ce sont les pays les plus pauvres qui en subissent d'abord les effets. Les périodes de canicule, les inondations destructrices, les ouragans et les tornades, les feux de forêt deviennent de plus en plus nombreux et graves. Cela affecte directement la production alimentaire qui est de plus en plus difficile.

Une économie mondiale de moins en moins capable de répondre aux besoins élémentaires de la population et de la crise climatique provoque des migrations importantes de la population, particulièrement dans les zones frappées par la guerre. Les migrations se sont d'abord faites sur un axe SUD-SUD, mais cela est appelé à changer, car les zones tropicales du globe vont voir leur habitabilité diminuer considérablement face à l'intrication des crises économique et climatique. Les migrations vers les pays du Nord ont commencé à se développer. La classe dominante a répondu aux conséquences de ses politiques de prédation, à la fois la mobilisation d'une main-d'œuvre immigrée et sans droits, mais choisie, et le blocage de l'immigration de demandeur-euses d'asile ou de réfugié-es climatiques, en dressant des murs à leurs frontières. Les différents États impérialistes nourrissent les sentiments d'insécurité et les préjugés xénophobes pour justifier leurs politiques. Cela crée un terrain pour la remontée de l'extrême droite qui fait son beurre du rejet des personnes migrantes, qui défend la notion de préférence nationale et qui va jusqu'à proposer la « remigration », soit l'expulsion massive d'une partie de la population. Aux États-Unis et en Europe, de telles politiques sont déjà à l'ordre du jour.

Dans une situation de pénurie des ressources, on voit l'augmentation des guerres dans différentes régions, surtout celles où est contestée la prédation des ressources par différentes puissances impérialistes. C'est ainsi que nous sommes entrés dans une période d'exacerbation des rivalités impérialistes entre les États-Unis, la Chine et la Russie et la formation de blocs rivaux prêts à en découdre pour défendre leurs intérêts.

La crise climatique, la chute de la biodiversité, les pollutions diverses et la destruction de la vie animale ont détérioré les différents écosystèmes et crée les conditions pour la réapparition de maladies et de zoonoses.

Nous n'avons pas connu une telle période de crise, de conflits, de guerres, d'instabilité politique et de révoltes depuis des décennies. Nous sommes dans une période marquée par le chaos où nombre de repères ont disparu. Tout cela constitue un défi et une chance pour une gauche internationale et un mouvement ouvrier qui souffrent encore des conséquences de plusieurs décennies de défaites et de reculs. Des soulèvements populaires se sont multipliés du Moyen-Orient à l'Europe, de l'Inde à l'Amérique du Sud. Mais ces soulèvements, souvent très durement réprimés, ne sont pas parvenus à construire les instruments politiques capables de se poser comme une alternative au pouvoir de la classe dominante.

2. La politique de Trudeau, usure du gouvernement et maintien de l'avance du Parti conservateur du Canada dans les sondages

Le gouvernement Trudeau étant minoritaire, il doit compter sur le maintien de l'alliance avec le Nouveau Parti Démocratique et lui faire certaines concessions mineures (soins de santé, soins dentaires, aide au logement), ou certaines promesses de concessions pour aider ce parti à prétendre apporter des acquis à la majorité populaire. Le NPD continue de s'engoncer dans le rôle de soutien au PLC et il ne profite pas au niveau des intentions de vote de cette inféodation.

Le gouvernement Trudeau subit l'usure du pouvoir, car il en est déjà à son troisième mandat et il s'avère incapable de faire de face aux crises qui frappent le Canada, comme l'ensemble du monde. L'inflation diminue le pouvoir d'achat de la majorité ; la crise du logement s'approfondit tant au niveau de l'accès à des logements décents qu'au niveau de l'explosion des prix ; l'accès aux services de santé et à la qualité des soins médicaux continue de se détériorer. Lors du dépôt de son dernier budget, le gouvernement Trudeau a lancé une série d'initiatives sur ces terrains, ce qui l'amène à occuper les champs de compétence des provinces, sans que ces manœuvres débouchent sur des transformations réelles et visibles par la population. Il est incapable de dépasser le mécontentement populaire et il se heurte aux prérogatives des provinces.

Au niveau de la lutte à la crise climatique, les GES continuent d'augmenter et l'écart entre les prétentions de ses discours et les politiques réelles du gouvernement minent de plus en plus sa crédibilité sur ce terrain. Après avoir acheté pour des milliards de dollars l'entreprise Trans Mountain afin d'augmenter les capacités d'exportation du pétrole extrait des sables bitumineux, il maintient son soutien financier et politique à l'exploitation des énergies fossiles. L'imposition d'une taxe carbone dans les provinces qui n'ont pas de bourse du carbone a soulevé l'ire des gouvernements conservateurs provinciaux. En somme, cette politique de soutien à la définition comme État pétrolier tout en avançant une politique d'écoblanchiment, ne fait que manifester son inconséquence sur ce terrain et mécontente tant les secteurs climatosceptiques que les secteurs sensibles à la protection de l'environnement.

Au niveau de sa politique internationale, Trudeau s'aligne sur la politique de l'administration américaine. C'est ainsi, que dans un premier temps, il a soutenu l'offensive meurtrière de l'État sioniste contre la bande de Gaza. Mais, la réalité des actes génocidaires à Gaza, l'a obligé à tergiverser. S'il a ainsi refusé de reconnaître la réalité du génocide de l'État israélien contre la population de Gaza et d'accepter clairement et ouvertement la condamnation de Netanyahu comme responsable de crimes de guerre par la Cour Internationale de Justice, il a enfin demandé un cessez-le-feu et rappelé la nécessité d'une solution à deux états pour régler la question palestinienne. Ces tergiversations ont provoqué des divisions au sein du gouvernement et du PLC. Face au Parti conservateur de Polievre qui a maintenu un soutien indéfectible à l'État d'Israël, y compris dans ses actes génocidaires, le PLC est apparu comme un allié manquant de détermination face au soutien à l'État d'Israël.

Le Parti conservateur du Canada défend un conservatisme de plus en plus populiste et réactionnaire, inspiré par la politique américaine. Il refuse de reconnaître l'urgence de la crise climatique. Poilievre défend le développement de l'exploitation des hydrocarbures ; il se présente comme le défenseur des transports individuels et l'opposant au développement du transport public. De plus, il n'a strictement rien à proposer pour faire face à la crise climatique. Il soutient tous les plans et aventures de l'impérialisme américain et particulièrement le développement de sa rhétorique contre le gouvernement chinois.

Il se contente d'une politique qui surfe sur les préjugés contre l'immigration, sur un conservatisme social, tout en évitant de reprendre la lutte contre le droit à l'avortement, qui se heurterait trop frontalement au soutien au droit à l'avortement dans la population canadienne et particulièrement au Québec. Il tente de renforcer et de développer sa base par une politique démagogique et populiste (le gros bon sens) … en comptant sur l'usure du pouvoir. Il parvient ainsi à ramasser les dividendes de la montée de l'extrême droite dans le monde.

Le tassement à droite du champ politique au Canada, comme ailleurs dans la plupart des pays impérialistes, lui permet de maintenir une avance considérable (10 à 20 points) dans les différents sondages sur les intentions de vote. Tant et si bien que le leadership de Justin Trudeau commence à être discuté sur la scène publique.

Le Bloc québécois joue la carte nationaliste. Le refus de respecter les champs de compétence du Québec par Ottawa lui permet de se présenter comme le seul défenseur réel des intérêts du Québec au fédéral. Il se fait également le relais des discours anti-immigration de la CAQ comme du PQ, ce qui lui permet de consolider sa base électorale dans les secteurs influencés par le nationalisme conservateur. Il a réussi jusqu'ici à empêcher la percée du Parti conservateur, si ce n'est dans certaines régions du Québec. Il maintient donc un important soutien électoral qui le place au premier rang des partis fédéraux au Québec.

La prochaine échéance électorale (au printemps ou à l'automne 2025) risque de déboucher sur la prise du pouvoir par le Parti conservateur du Canada, même si rien n'est jamais joué et que la volatilité de l'électorat peut provoquer encore des surprises. Il reste que face à la montée du PCC, l'échéance électorale va poser des défis majeurs à la gauche et à QS en particulier. Le soutien au NPD (qui a été la cinquième roue du carrosse libéral) ou au Bloc québécois (qui n'a pris aucune distance face au gouvernement de la CAQ), n'offre pas de perspectives cohérentes pour la gauche indépendantiste.

3. La politique caquiste : une politique anti-populaire, antiécologiste, antiféministe qui commence à délégitimer ce gouvernement et à abaisser son soutien auprès de la population

La politique économique du gouvernement Legault s'articule autour d'une politique industrielle qui vise à attirer des multinationales manufacturières en leur offrant de l'électricité à faible coût, de généreuses subventions et l'accès à des ressources minières. Il refuse de réformer la loi des mines marquée par le free mining, alors que le Québec connaît une véritable prolifération de claims miniers, ce qui annonce un véritable pillage de nos ressources pour satisfaire les multinationales, ainsi que l'aggravation de la pollution des terres et des eaux du Québec. Cela est d'autant plus alarmant que le gouvernement a tendance à permettre à des entreprises polluantes de ne pas tenir compte des normes environnementales et de mettre de l'avant des projets qui leur permettent d'éviter des études du BAPE. L'exemple de Northvolt en est un éloquent. Le ministre de l'Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs se fait davantage l'accompagnateur des entreprises pour éviter leurs obligations environnementales. Il est prompt à balayer du revers de la main les propositions écologiques des citoyens et des citoyennes des différentes régions et des institutions qui les représentent. Il s'est même fait le représentant de l'industrie forestière dans le dossier de la biodiversité en s'attaquant aux propositions visant à protéger le caribou forestier.

Ses investissements dans l'éolien, soit public avec Hydro-Québec, soit privé en ouvrant la possibilité de production énergétique à des entreprises privées, est exemplaire à cet égard. Il s'agit d'inscrire le Québec comme fournisseur de marchandises pouvant alimenter les entreprises américaines, particulièrement dans le domaine de l'automobile. Ce modèle économique refuse de reconnaître l'urgence climatique. Il s'inscrit dans la logique croissanciste, où décroissance, sobriété et économie d'énergie ne tiennent aucune place significative. Au niveau du transport, cette politique vise le maintien de l'auto solo et l'électrification du parc automobile, ce qui ne résoudra pas les dépenses importantes de ressources et d'énergie et qui nécessitera d'importants investissements dans les infrastructures routières. Les investissements dans les transports publics sont moins importants que ceux dans le transport individuel ; la surconsommation et le gaspillage demeurent très importants à ce niveau.

Si ces capitaux publics imposants sont mobilisés pour le développement de son modèle économique prédateur et écocidaire, ils ne sont pas disponibles pour des investissements massifs dans le secteur public, que ce soit au niveau du système de santé ou du système d'éducation. Au lieu de faire ces investissements, le gouvernement Legault privatise des pans entiers du système de santé. Après avoir fait la promotion des cliniques privées, il cherche maintenant à mettre en place des hôpitaux privés. Il s'affaire aussi à centraliser le système de santé dans une agence privée dont il a confié les rênes à des administrateurs et administratrices qui viennent du privé. L'éducation est également sous-financée et la part des écoles privées dans le réseau continue de se développer. À la mi-décembre 2023, Québec avait proposé des augmentations salariales de 9 % sur une période de cinq ans, tout en demandant aux travailleuses et travailleurs de la fonction publique de « faire preuve de flexibilité ». Son intransigeance face aux revendications des travailleuses et des travailleurs du secteur public (éducation et santé) s'est brisée face à l'intensité de la mobilisation et a amené son gouvernement à faire des concessions salariales aux salarié-es les moins bien rémunéré-es.

Le gouvernement de la CAQ encourage le développement des inégalités et refuse de prendre des mesures pour contrer l'inflation. La hausse du salaire minimum est si faible qu'elle ne permet nullement de répondre à la montée des prix, particulièrement dans le secteur de l'alimentation.

Il laisse la responsabilité de l'offre de logements dans les mains des entrepreneurs-euses immobiliers qui préfèrent construire des logements coûteux qui leur rapportent gros, plutôt que des logements répondant aux besoins de la majorité de la population. Le gouvernement ne prend aucune mesure contre les évictions faites par des grands propriétaires immobiliers et laisse ces derniers hausser le prix des logements sans frein ni plafond. Il refuse de reconnaître qu'un logement est un droit social et qu'il est nécessaire de démarchandiser la production de logements et de les offrir à bas coûts.

Pour masquer les conséquences sociales de ces différentes politiques et pour chercher à construire une rente électorale, le gouvernement de la CAQ, et particulièrement le premier ministre du Québec, cherche à faire peser sur les épaules de la population migrante la responsabilité de tous les maux de la société québécoise : crise du logement, accès difficile de la population aux services de santé, d'éducation et de garderie, développement de l'itinérance et détérioration de la santé mentale de la population. Cette démagogie est relayée par le Parti québécois et le Bloc québécois.

Non seulement le gouvernement de la CAQ développe une telle démagogie contre les personnes migrantes, mais il fait campagne pour la diminution par le gouvernement fédéral de l'accueil de réfugié-es. Il demande le transfert de pouvoir vers le Québec pour pouvoir bloquer les possibilités de regroupement familial. Il appelle à la diminution du nombre de migrant-es temporaires, alors que ce sont ces politiques qui ont favorisé la venue d'une main-d'œuvre corvéable et exploitable à merci.

Le gouvernement Legault n'hésite pas à nier l'existence du racisme systémique présent dans la société québécoise, vécu particulièrement par les populations autochtones.

4. Redéfinition des rapports de force entre les partis politiques québécois…

Le gouvernement de la CAQ connaît un recul profond. La population est de moins en moins dupe des politiques et des promesses du gouvernement de la CAQ. Ce dernier est d'ailleurs passé en seconde place dans les sondages d‘intentions de vote, et cela depuis des mois maintenant. Si ses promesses, que ce soient celles qui concernent le troisième lien à Québec, l'amélioration de l'accès au service de santé ou la présence de ressources enseignantes suffisantes dans le système scolaire ne se concrétisent pas, cela minera de plus en plus la crédibilité et le soutien à ce parti et à ses député-es.

Le PQ connaît une remontée : il se maintient à plus de 30% dans les sondages, en avance sur la CAQ. Comme parti d'opposition, il peut se dédouaner de toutes les difficultés vécues actuellement par la majorité populaire. La direction de Paul St-Pierre Plamondon (PSPP) a décidé de redéfinir le champ politique autour de la polarisation fédéralisme contre indépendantisme en mettant de l'avant la tenue d'un référendum sur l'indépendance du Québec dans un premier mandat et en stigmatisant l'inefficacité du positionnement de la CAQ sur un autonomisme incapable d'arracher des gains significatifs au gouvernement fédéral quant à ce qui a trait aux augmentations de transfert en santé et à la protection face à la centralisation du gouvernement fédéral qui n'hésite pas à occuper les champs de compétences du Québec.

Ce sont là d'habiles manœuvres sur un fond de nationalisme identitaire et régressif. Pour PSPP, l'indépendance s'identifie à la souveraineté-association, le gouvernement canadien y étant présenté comme un futur partenaire consentant. Plus, s'il propose la mise sur pied d'une armée québécoise, il n'hésite pas à affirmer qu'un Québec indépendant serait membre de l'OTAN et de NORAD, car « on va toujours demeurer loyal envers les intérêts géopolitiques de l'Amérique du Nord, notamment sur le plan des ressources et de la défense. »(Jérome Labbé, Radio-Canada, 18 octobre 2023)

Qu'est-ce que cela veut dire ? Dépenser 2% du budget du Québec sur l'armement pour satisfaire aux demandes de l'OTAN ? Défendre des politiques de libre-échange qui répondent d'abord aux besoins des États-Unis ? Produire plus d'électricité pour les besoins de l'industrie américaine comme s'apprête à le faire le gouvernement Legault ? Il cherchera bien sûr à conserver un vernis social et démocratique en disant appuyer le tournant écologique, mais sans aucune critique de fond cependant du modèle de développement proposé par la CAQ.

Le PQ se reconstruit dans un Québec où le nationalisme identitaire occupe une place de plus en plus importante. Pour le PQ, la défense de la nation québécoise passe par la baisse des quotas d'immigration et par la lutte pour l'homogénéité culturelle. Le refus du PQ de reconnaître la réalité de l'islamophobie et du racisme systémique, contre les Noir-es et les peuples autochtones notamment, démontre que le PQ refuse de comprendre les voies de la construction du Québec comme société multinationale et pluriculturelle.

Le Parti libéral du Québec peut profiter de cette repolarisation du champ politique autour de la question nationale pour se reconstruire. Les gouvernements Charest et Couillard, par leurs politiques néolibérales, les coupures massives qu'ils ont effectué dans les services publics, la répression et la criminalisation des mouvements sociaux et leur fédéralisme complètement à-plat-ventriste face au gouvernement fédéral, au mépris de la défense du moindre droit national du Québec, a conduit à une défaite catastrophique, qui l'a réduit pour l'essentiel à la région montréalaise et à la communauté anglophone qui lui ont permis de garder son statut d'opposition officielle à l'Assemblée nationale. Sa minorisation dans la population francophone a été telle que différents sondages ont révélé qu'il se maintenait entre 5 et 10% des intentions de vote dans les circonscriptions majoritairement francophones.
La polarisation du champ politique lui permettra sans doute de se présenter comme le seul défenseur conséquent du fédéralisme canadien, mais il devra surmonter sa crise de direction et être de capable de définir un fédéralisme coopératif dans le cadre d'une probable prise du pouvoir par le Parti conservateur du Canada en 2025. Rien ne dit qu'il sera capable de relever ces défis. Il veut déjà se présenter comme le meilleur défenseur des intérêts du patronat.

La direction de Québec solidaire propose une stratégie de recentrage inspirée par un électoralisme à courte vue. Pourquoi la direction de QS a-t-elle mis l'indépendance en marge de son discours durant la dernière campagne électorale ? Pourquoi a-t-elle refusé d'inclure la nécessité d'une nationalisation / socialisation des richesses naturelles, minières et forestières, dans sa plate-forme électorale ? Pourquoi n'a-t-elle pas cherché à préciser les conditions du développement d'une aspiration à l'élection d'une constituante dans la population du Québec ? Pourquoi a-t-elle ciblé les citoyen-nes et leur consommation avec la taxe sur les VUS au lieu de viser directement les grandes entreprises et leur volonté de continuer à utiliser les énergies fossiles et à produire des véhicules énergivores ? Pourquoi a-t-elle accepté de rentrer dans la logique des quotas d'immigration ? La réponse essentielle à l'ensemble de ces questions, c'est qu'elle a cherché non pas à poser la nécessité d'une société en rupture avec la société capitaliste actuelle, mais à se présenter comme une alternative gouvernementale qui pouvait aspirer à devenir à court terme l'opposition officielle. Cette stratégie a fait la preuve de son inefficacité. Québec solidaire est entré dans une période de stagnation. Pour imposer ses vues, la direction a rapetissé l'expression démocratique des membres du parti. Les démissions de la députée Catherine Dorion et de la porte parole féminine, Émilise Lessard-Therrien, ont été des symptômes du grippage démocratique et du recul des sensibilités féministes au sein du parti. Les débats autour de la reformulation du programme du parti et des statuts vont être l'expression d'un débat sur l'avenir de l'orientation fondamentale de Québec solidaire, soit celle d'un parti électoraliste et social-libéral soit celle d'un parti de rupture avec le capitalisme.

L'un et l'autre cherchera à reprendre les circonscriptions ravies par Québec solidaire au fil des ans, soit cinq au PLQ et sept au PQ. Ce n'est pas avec une stratégie encore plus réformiste que le parti pourra se défendre sur ces deux fronts. QS n'aura d'autre choix que d'affirmer sa singularité de parti de rupture sociale et écologique et de lier intimement l'indépendance du Québec à son projet social. Pour faire face à l'échéance électorale, QS a besoin d'un programme qui fait une critique radicale des politiques du gouvernement de la CAQ et se démarque clairement de la politique péquiste tant sur le terrain social que climatique et au niveau de sa conception de la stratégie pour l'indépendance.

5. Des mouvements sociaux sont traversés par des débats stratégiques importants

Le mouvement syndical a connu une série de mobilisations sans pareil des travailleuses et travailleurs du secteur public québécois. Les gains et les améliorations aux conditions de travail obtenus auraient été impossibles sans cette mobilisation exemplaire et sans l'appui de la population. Mais dans l'ensemble, le mouvement syndical s'est avéré incapable d'améliorer les conditions de travail et à faire reculer la précarité et la surcharge de travail vécues dans le secteur, ce qui aurait nécessité un réinvestissement massif et la planification d'une hausse significative du nombre des travailleuses et travailleurs de ces secteurs. Le mouvement syndical est miné par les politiques de privatisation dans le secteur de la santé et défendu par le renforcement de la précarité des différents personnels.

La réforme en santé et sécurité du travail a diminué le pouvoir syndical sur ce terrain. La nouvelle loi a été condamnée unanimement par le mouvement syndical ; mais elle a été imposée. Si elle étend finalement les droits en prévention à tous les secteurs de l'économie, elle réduit les pouvoirs, déjà très limités, que l'ancien régime accordait aux travailleurs et travailleuses. Elle réduit le temps de libération des représentant-es en santé-sécurité ce qui existait avant dans les quelques secteurs où la loi avait été appliquée.

Le mouvement syndical a été incapable de s'opposer à l'adoption de la Loi modifiant l'encadrement de la main-d'œuvre dans l'industrie de la construction (r-20). L'embauche des travailleurs et travailleuses des régions n'est plus protégée. La polyvalence des métiers a été imposée. Tous les amendements proposés par les organisations syndicales du secteur ont été rejetés. L'ensemble des propositions patronales ont été reprises.

Le mouvement syndical fait face à de nouveaux défis. Une partie de plus en plus importante du prolétariat est composée de travailleurs et travailleuses migrant-es sans droits, ce qui rend plus difficile leur organisation, sans parler des migrant-es sans statut qui n'ont pas de perspective de régularisation. De plus, l'extrême droite se renforce et cela préoccupe les organisations syndicales. La FTQ a d'ailleurs organisé une rencontre de réflexion sur la nécessité de passer à l'action contre l'extrême droite. (https://www.pressegauche.org/Passer-a-l-action-61843)
Pourtant, les directions des différentes centrales appellent au dialogue social. Lors de son bilan de rencontre avec le premier ministre Legault, le premier mai 2022, avant l'affrontement du Front commun, le président de la FTQ, Daniel Boyer, a affirmé avoir remarqué une ouverture du premier ministre au « dialogue social » qu'il n'avait pas autant perçue avant. (Lia Lévesque, 29 avr. 2022, Lia Lévesque La Presse Canadienne ). Même après la lutte du secteur public, l'ouverture du dialogue social est encore à l'ordre du jour.

Mais si les directions restent sur une orientation de concertation avec le gouvernement et le patronat et que le mouvement syndical est traversé par des orientations contradictoires, il existe également une orientation qui prône un syndicalisme de combat ou de transformation sociale, même si cette dernière demeure minoritaire. Différentes tentatives de regrouper la gauche syndicale ont vu le jour, même si elles sont restées minoritaires.

Plusieurs questionnements traversent les mouvements de femmes actuellement ; intersectionnalité, écoféminisme, prostitution pornographie, queer et trans. Les réponses se font difficiles. Mais ces tempêtes d'idées ne peuvent expliquer à elles seules l'état de désorganisation, de paralysie, de démission des organisations féministes. D'autres facteurs jouent, comme le manque de financement et conséquemment, de structuration, le pouvoir des femmes et entre femmes, les conflits intergénérationnels. La Fédération des femmes du Québec et l'R des Centres de femmes, les deux regroupements de femmes les plus connus, vivent cette crise actuellement et mettent en branle des moyens pour s'en sortir.

Tout cela se jouant dans un contexte de montée de l'extrême droite où les droits des femmes risquent d'être remis en question, que ce soit en Europe, en Argentine ou plus près de nous aux États-Unis, autour de l'avortement et, au Canada, sous un gouvernement conservateur. Les politiques gouvernementales doivent donc être scrutées à la loupe. Cela crée évidemment une pression additionnelle sur les organisations.

Le gouvernement Legault vient intensifier les débats avec le refus de reconnaître le racisme systémique et le Principe de Joyce ; il se refuse donc à reconnaître les revendications des femmes autochtones et la surexploitation des femmes racisées rendues pourtant visibles durant la pandémie. Les « anges gardiens » de monsieur Legault sont en fait majoritairement des femmes racisées. Ce même refus de reconnaître le racisme systémique lui permet de tout mettre sur le dos de l'immigration : crise de la santé, crise du logement, crise du travail, crise de l'itinérance. Crises dont les femmes subissent des conséquences graves.

Ce même gouvernement Legault refuse aussi de voir l'importance de la santé dans le bien-vivre d'une société en centralisant davantage la structuration du réseau et surtout en privatisant les services. Ce qui là aussi aura des conséquences graves sur la situation des femmes et surtout des femmes pauvres. Les travailleuses du secteur public, majoritaires à 75% dans la main-d'œuvre, goûtent aussi aux médecines du gouvernement caquiste. La dernière négociation du secteur public a permis aux plus bas salarié-es de faire un rattrapage salarial, mais l'indexation des salaires est loin de garantir le niveau de vie des gens. Les revendications sur l'organisation du travail n'ont pas fait l'unanimité. Les infirmières en savent quelque chose, elles dont la négociation ne réussit pas à se conclure.

Les politiques caquistes en matière d'environnement ne peuvent que faire augmenter l'écoanxiété. Elles s'axent uniquement sur la satisfaction des multinationales et des entreprises, que ce soit en fourniture d'énergie électrique à bas prix, en généreuses subventions, en outrepassant les lois environnementales actuelles et en promesses de toutes sortes. Tout cela au détriment d'une société pour le bien-vivre axée sur l'humain comme le revendique le mouvement des femmes, plutôt que sur le profit.

Les perspectives suivantes peuvent être esquissées. Tous les cinq ans, la Marche Mondiale des Femmes rappelle la nécessité d'agir mondialement, ensemble, entre le 8 mars 2025 Journée Internationale des femmes et le 17 octobre, Journée pour l'élimination de la pauvreté.

« Les Actions internationales, tous les 5 ans, sont des moments pour réaffirmer notre identité en tant que mouvement. Être « en marche » exprime l'idée de bouger et avancer librement, sans contrainte, et exprime la force des femmes organisées collectivement dans des associations, groupes et mouvements ; femmes avec diverses expériences, cultures politiques, ethnicités, mais avec un objectif commun, soit de surmonter l'ordre en place qui est injuste et qui cause violence et pauvreté. Notre solidarité internationale constitue également une partie de notre identité, ainsi que l'attention portée à ce qui arrive à nos sœurs dans d'autres parties du monde ». (Marche mondiale des femmes| Coordination du Québec de la Marche mondiale des femmes (CQMMF)

C'est autour de thématiques comme : « Nous continuerons à marcher contre les guerres et le capital, pour la souveraineté populaire et le bien-vivre » (Tiré du site Capiré La force féministe de la 13e Rencontre internationale de la MMF - Capire (capiremov.org) ) que les femmes à travers le monde, en 2025, vont marcher.

Ces perspectives d'action vont aider à unifier les militantes du mouvement des femmes en mettant tout le monde à la tâche autour d'un projet commun.

Cette action mondiale aura pour effet de remettre de l'avant la solidarité internationale, mais aussi les revendications féministes dans leur ensemble. Et, espérons-le, cela permettra le renforcement du mouvement des femmes au Québec.

Le mouvement écologiste et de lutte aux changements climatiques a connu une remontée après l'éclipse qu'il a connu sous l'effet de la COVID. Le mouvement s'est orienté vers une résistance à l'implantation du projet de croissance verte du gouvernement de la CAQ. C'est ainsi qu'a été publié le Manifeste pour un avenir énergétique juste et viable autour des 14 revendications suivantes : pour une énergie publique sous contrôle démocratique ; pour un débat sur l'énergie au Québec ; pour une nouvelle politique énergétique au Québec ; pour une planification intégrée des ressources ; pour des mesures qui favorisent la réduction des demandes en énergie ; pour des plans contraignants visant une sortie graduelle et prévisible, mais rapide, des énergies fossiles ; contre le principe du pollueur payé ; contre la privatisation totale ou partielle d'Hydro-Québec ; pour la sauvegarde et le renforcement des pouvoirs de la Régie de l'énergie ; pour une transition juste pour les travailleurs et travailleuses ; contre une augmentation des tarifs d'électricité qui accentuerait la précarité et risquerait de ralentir la transition énergétique ; pour la protection du territoire ; pour la reconnaissance des droits des peuples autochtones ; et pour le consentement des populations locales. Ce manifeste a été soutenu par nombre d'organisations environnementales, syndicales et populaires.

Ce sont les organisations des populations locales qui ont été au centre des mobilisations (avec les municipalités et les MRC) qui se sont opposées à l'installation du projet Northvolt et des projets de parcs éoliens sur les terres agricoles et contre le mépris du gouvernement de la CAQ de leurs revendications. Le mouvement syndical, particulièrement le SCFP-Hydro, a mené campagne contre la privatisation d'Hydro-Québec.

Mais le mouvement écologiste et de luttes aux changements climatiques est traversé par de nombreux débats stratégiques. Les travailleurs et travailleuses pour la justice climatique, qui regroupe des militant-es syndicaux en provenance particulièrement du syndicalisme enseignant cégépien a publié un manifeste qui proclame que « le syndicalisme doit devenir un écosyndicalisme : il doit défendre, bien plus que des salaires et des congés, des conditions de travail qui enrichissent et régénèrent notre milieu de vie. C'est en nous appuyant sur nos syndicats que nous pourrons contrer le ravage. Nous avons le pouvoir de sonner l'alarme et de forcer l'arrêt de la machine. Par notre intelligence démocratique, par nos actions de mobilisation, par la solidarité que nous bâtissons, par notre pouvoir de grève, nous pouvons renverser la vapeur. Les carburants fossiles sont aujourd'hui la principale menace à la préservation de l'humanité, mais aussi de l'ensemble du vivant. Il faut s'en libérer. La crise écologique ne se résoudra pas en achetant une voiture électrique. Ce sont les transports publics qu'il faut déployer partout, c'est le chauffage au gaz qu'il faut détrôner, ce sont nos manières d'habiter, de produire et de manger qu'il faut révolutionner. Le réchauffement climatique n'est plus une éventualité, c'est une réalité. Nous revendiquons la sortie des énergies fossiles d'ici 2030. » Ce regroupement travaille à créer les conditions politiques et organisationnelles de possibles grèves pour le climat. Ce travail en est à ses débuts, mais constitue une perspective essentielle pour construire le rapport de force nécessaire à bloquer les projets de croissance “verte”.

Des noyaux militants se sont intéressés à la théorie écologique, à l'analyse des luttes écologiques et à leur stratégie. Ce sont des groupes comme Polémos, de l'IRIS, de Rage climatique, de Travailleuses et travailleurs pour la justice climatique (TJC) et de Mob6600. Ils développent une réflexion qui leur permet d'esquisser la possibilité d'un monde « post-croissance ».

Mais tout un autre pan du mouvement écologiste reste engoncé dans la possibilité d'une croissance verte, de la nécessité de larges alliances avec des secteurs verts du patronat, de limiter leur stratégie à une politique de pression sur le gouvernement. Il y aurait même un « momentum mondial pour une relance solidaire, prospère et verte », soutient le G15+ qui serait la démonstration d'un mouvement d'ensemble dans la lutte aux changements climatiques. Fondé en mars 2020, par quinze leaders issus des domaines sociaux, syndicaux, environnementaux et d'affaires défendant des « mesures pour une relance, solidaire, prospère et verte, le G15+ regroupe le Conseil du patronat du Québec, la Fédération des chambres de commerce du Québec, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, la Fondation David Suzuki, Équiterre, Vivre en ville, le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement, le Chantier de l'économie sociale et bien d'autres. (G15+, Contribution aux initiatives de relance du gouvernement du Québec, Cahier de propositions - recommandations et fiches-projets, juillet 2020, https://www.g15plus.quebec/ )

Les postulats qui fondent leur action peuvent être résumés ainsi : la crise climatique est une occasion économique à saisir. Il faut mobiliser les capitaux pour investir dans les énergies renouvelables. L'économie québécoise doit prendre le tournant vert qui lui permettra de répondre aux besoins mondiaux de décarbonisation. Les gouvernements doivent aider les entreprises à prendre ce tournant.

Les revendications de la coalition G15+ sont complètement en phase avec le Plan pour une Économie verte de la CAQ : a) faire de la croissance verte une priorité et multiplier pour ce faire les occasions d'investissements rentables ; b) utiliser les impôts ou les taxes de la population pour aider les entreprises à passer à des technologies vertes et développer leurs capacités concurrentielles sur le marché mondial ; c) définir une énergie fossile comme le gaz naturel comme une énergie de transition et accepter la perspective du bouquet énergétique ; d) inscrire l'action gouvernementale dans une logique de croissance verte combinant réindustrialisation pour certains biens stratégiques et expansion des exportations sur le marché international ; e) viser une souveraineté alimentaire, mais sans remettre en question une industrie agro-exportatrice centrée sur la production carnée et utilisant des entrants qui, comme les pesticides, sont dévastateurs sur le plan écologique.

Les débats stratégiques dans le mouvement écologiste sont donc à l'ordre du jour.

Le mouvement antiraciste et de solidarité internationale s'est développé autour des mobilisations des peuples autochtones contre la négation par le gouvernement de la CAQ de l'existence du racisme systémique et pour dénoncer la politique de soutien au gouvernement israélien du gouvernement Trudeau dans son offensive et sa politique génocidaire contre le peuple palestinien de Gaza. La complicité du gouvernement de la CAQ à ce niveau a également été dénoncée. Les campements établis sur les campus universitaires sont à la pointe de ces mobilisations.

6. La défense d'une stratégie écosocialiste et écoféministe dans le cadre de la conjoncture actuelle.

La stratégie que nous défendons n'est pas une stratégie électoraliste alternative pour la construction d'un parti de gouvernement, mais bien celle d'une stratégie visant à construire le pouvoir dans la société par le renforcement de l'expression démocratique, de la combativité et de l'unité des différents mouvements sociaux antisystémiques.

La ligne de rupture que nous proposons pour rallier une majorité populaire, c'est celle défendant une société plurinationale et pluriculturelle qui nécessitera :

a) la remise en question de l'exploitation de nos ressources naturelles et de notre énergie par des multinationales étrangères ;

b) la planification démocratique de nos choix d'investissements pour une transition écologique véritable ;

c) la mise en place d'institutions politiques dépassant le strict cadre de la démocratie représentative. Ce qui se fera dans le cadre de l'élection d'une constituante visant l'établissement d'une république sociale ;

d) la lutte pour une société écoféministe assurant l'égalité de genre ;

e) le développement de nos services publics contrôlés par les usagers et les usagères et les personnes qui y travaillent ;

f) le refus de l'existence de secteurs de la société privés de droits, comme ceux des travailleurs et travailleuses temporaires et des sans-papiers ;

g) la liberté de circulation et d'installation de toutes les personnes migrantes ;

h) l'éradication du racisme systémique qui touche tant les peuples autochtones que les autres secteurs racisés de la population ;

i) une politique linguistique qui défend l'usage du français comme langue commune, mais qui refuse de faire des personnes immigrantes la cause du manque d'attractivité de la langue française et enfin :

k) le rejet d'une laïcité identitaire qui essentialise la réalité de la nation.

Ce ne sont là, rapidement esquissés, que certains axes, parmi d'autres, qu'il faudra préciser pour l'indépendance que nous voulons. C'est autour de ces axes programmatiques que nous voulons construire un Québec indépendant et solidaire.

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