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Viens écouter Jean-Luc Mélenchon lors de la conférence organisée par la LFI-NUPES Montréal
Mardi 15 avril 2025
de 19:00 à 21:30
Où : Université McGill - Pavillon Leacock
855 Rue Sherbrooke Ouest Montréal, QC H3A 2T7

Black like Mao. Chine rouge et révolution noire (Partie II)
L’article qui suit est la deuxième partie de l’article de Robin Kelly et Betsy Esch, Black like Mao. Chine rouge et révolution noire, publié pour la première fois en 1999 dans la revue Souls. Le texte explore l’impact de la Révolution chinoise sur les mouvements radicaux afro-américains du 20e siècle, des groupes d’autodéfense armée de Robert Williams à la poésie marxiste-léniniste d’Amiri Baraka. La traduction originale de l’article provient de la revue Période. On peut lire la première partie de l’article ici : Black like Mao. Chine rouge et révolution noire (Partie I)
The Black Nation
Sur la question de la libération des Noirs, cependant, la plupart des organisations maoïstes américaines fondées entre le début et le milieu des années 1970 furent influencées par Staline plutôt que par Mao. Les Noirs aux États-Unis n’étaient pas simplement des prolétaires à la peau noire, ils formaient une nation, ou, comme l’a dit Staline, « une communauté constante créée historiquement sur la base des communautés de langue, de territoire, de vie économique et psychique et qui s’exprime par une culture commune[1]. » Les groupes anti-révisionnistes qui adoptaient la définition de la nation de Staline, tels que le Communist Labor Party (CLP) et la October League, firent revivre la position du vieux Parti communiste selon laquelle les Africains-Américains des États de la Black Belt du Sud constituaient une nation et avaient le droit de se séparer s’ils le souhaitaient. D’autre part, des groupes comme le Progressive Labor – qui avait auparavant défendu le « nationalisme révolutionnaire » – se rapprochèrent d’une position rejetant toute forme de nationalisme au moment de la Révolution culturelle.
Parmi les mouvements anti-révisionnistes, Le CLP était peut-être le partisan le plus constant de l’autodétermination des Noirs. Fondé en 1968, en grande partie par des Africains-Américains et des Latinos, les racines du CLP remontent au Provisional Organizing Committee (POC). Cette organisation était elle-même un produit de la division de 1956 dans le CPUSA qui avait conduit à la création de Hammer Steel et du Progressive Labor Movement. Ravagé par une décennie de divisions internes, le POC était devenu une organisation constituée essentiellement de Noirs et de Portoricains divisée entre New York et Los Angeles. En 1968, les dirigeants de New York exclurent leurs camarades de Los Angeles pour avoir, entre autres, refusé de dénoncer Staline et Mao. Le groupe de Los Angeles, en grande partie sous l’influence du marxiste noir chevronné Nelson Peery, fonda la même année la California Communist League et commença à recruter de jeunes ouvriers et des intellectuels radicaux noirs et hispaniques. La maison de Peery au sud du centre de Los Angeles était déjà devenue une sorte de lieu de rassemblement pour les jeunes radicaux noirs après le soulèvement de Watts ; Peery forma de petits groupes informels pour étudier l’histoire, l’économie politique et les œuvres classiques de la pensée marxiste-léniniste-maoïste et accueillit des militants de tout bord, allant des Black Panthers aux étudiants militants de la California State University à Los Angeles et du L.A. Community College. La California Communist League fusionna par la suite avec un groupe de militants du SDS qui se faisaient appeler la Marxist-Leninist Workers Association et fonda la Communist League en 1970. Deux ans plus tard, le groupe changea une nouvelle fois de nom pour devenir le Communist Labor Party[2].
À l’exception peut-être du long essai de Harry Haywood « Towards a Revolutionary Position on the Negro Question » (publié pour la première fois en 1957 et qui circula jusque dans les années 1960-1970)[3], aucun plaidoyer pour l’autodétermination ne fut plus lu dans les milieux marxistes-léninistes-maoïstes de l’époque que la brochure de Nelson Peery The Negro National Colonial Question (1972). Peery fut vivement critiqué pour avoir défendu l’usage du terme « Negro », une position difficile à tenir au sein du mouvement du Black Power. Mais Peery avait un bon argument : l’identité nationale n’était pas une question de couleur. Selon lui, la nation noire (Negro Nation) était une communauté constante créée historiquement et ayant sa propre culture, sa propre langue (ou plutôt dialecte), son propre territoire – les États de la Black Belt et les régions environnantes, c’est-à-dire essentiellement les treize États confédérés. Dans la mesure où les sudistes blancs partageaient un territoire commun avec les Africain-Américains, et, selon lui, une langue et une culture communes, ils étaient également considérés comme faisant partie de la nation noire. Plus précisément, les sudistes blancs constituaient la « minorité anglo-américaine » à l’intérieur de cette nation noire. Comme en témoignaient la musique soul, les negro-spirituals et le rock-and-roll, le Sud avait été le lieu d’émergence d’une culture hybride ayant de fortes racines africaines que les contes populaires sur les esclaves et les turbans des femmes rendaient manifestes. Peery citait Jimi Hendrix et Sly and the Family Stone, ainsi que les imitateurs blancs Al Jolson, Elvis Presley et Tom Jones, comme des exemples d’une culture partagée. Il percevait même la présence de la culture « soul » dans « la coutume de manger des pieds de cochon, des os du collier, divers types de haricots et des boyaux [qui] sont tous associés à la région du Sud, en particulier avec la nation noire[4] ».
L’intégration par Peery des Blancs du Sud dans la nation noire fut un coup de génie, d’autant plus que l’un de de ses objectifs était de déstabiliser les catégories raciales. Sa confiance dans la définition stalinienne de la nation affaiblissait cependant son argument. Au moment même où la migration de masse et l’urbanisation rétrécissait la part de la population noire dans le Sud rural, Peery insistait sur le fait que la terre natale des Noirs était la Black Belt. Il essaya même de prouver qu’il existait encore dans la Black Belt une paysannerie noire et un prolétariat rural stable. Dans la mesure où la question de la terre était la base sur laquelle s’était construite sa compréhension de l’autodétermination, il finit par en dire très peu sur la nationalisation de l’industrie et la production socialisée. Il pouvait ainsi écrire en 1972 que « la question coloniale et nationale noire ne peut être résolue qu’en redonnant la terre à ceux qui l’ont travaillé depuis des siècles. Dans la nation noire, cette redistribution des terres exigera une combinaison de fermes d’État et d’entreprises coopératives afin de répondre au mieux aux besoins de la population dans les conditions de l’agriculture moderne mécanisée[5] ».

Le parti communiste (marxiste-léniniste) (CP[ML]) promut également une version de la thèse de la Black Belt héritée de son incarnation passée au sein de l’October League. Le CP(ML) fut le fruit de la fusion en 1972 de l’October League[6], principalement basée à Los Angeles, et la Georgia Communist League. Nombre de ses membres fondateurs venaient du Revolutionary Youth Movement (une fraction au sein du SDS), dont quelques reliquats de la Vieille gauche comme Harry Haywood et Otis Hyde. La présence de Haywood dans le CP(ML) est significative car il est considéré comme l’un des premiers architectes de la thèse de la Black Belt, formulée lors du Sixième Congrès de l’Internationale communiste en 1928. Dans sa formulation actualisée par le CP(ML), les Africains-Américains avaient le droit de se séparer de « leur patrie historique dans la Black Belt du Sud[7]. » Mais les membres du CP(ML) ajoutèrent que la reconnaissance du droit à l’autodétermination ne signifiait pas que la séparation était la solution la plus appropriée. Ils introduisirent également l’idée de l’autonomie régionale (c’est-à-dire que les concentrations urbaines d’Afro-Américains pouvaient également exercer l’autodétermination dans leurs propres communautés) et élargirent le slogan de l’autodétermination aux Chicanos, Portoricains, Américains d’origine asiatique, Autochtones et populations indigènes dans les colonies des États-Unis (dans les îles du Pacifique, à Hawaii et en Alaska, etc.). Ils sélectionnaient scrupuleusement les types de mouvements nationalistes qu’ils étaient prêts à soutenir, ne promettant de donner leur appui qu’au nationalisme révolutionnaire et non au nationalisme réactionnaire.
La Revolutionary Union, une émanation de la Bay Area Revolutionary Union (BARU) fondée en 1969 avec le soutien d’anciens membres du CPUSA qui avaient visité la Chine, adopta la position selon laquelle les Noirs constituaient « une nation opprimée d’un type nouveau[8]. » Dans la mesure où les Noirs étaient principalement des ouvriers concentrés dans les zones industrielles urbaines (ce que la BARU appelait une « structure déformée de classe »), le groupe pensait que l’autodétermination ne devait pas prendre la forme de la séparation, mais devait plutôt être réalisée à travers la lutte contre la discrimination, l’exploitation et les répressions policières dans les centres urbains. En 1975, lorsque la Revolutionary Union devint le Revolutionary Communist Party (RCP), elle continua à soutenir l’idée que les Noirs constituaient une nation d’un nouveau type, mais commença également à défendre « le droit des Noirs à rejoindre et à revendiquer leur territoire d’origine[9]. » Il n’est pas étonnant que ces deux lignes contradictoires aient été sources de confusion, ce qui contraignit les dirigeants de la RCP à adopter une position intenable en défendant le droit à l’autodétermination sans le prôner. Deux ans plus tard, ils abandonnèrent complètement le droit à l’autodétermination et, comme le PLP, firent la guerre à toute forme de nationalisme « étroit ».
Contrairement aux organisations à tendance maoïste mentionnées ci-dessus, la Revolutionary Communist League (RCL) – fondée et dirigée par Amiri Baraka – émana directement des mouvements nationalistes-culturels de la fin des années 1960. Pour comprendre les positions changeantes de la RCL (et de ses précurseurs) à l’égard de la libération des Noirs, il faut en revenir à 1966, l’année où Baraka fonda la Spirit House à Newark, dans le New Jersey, avec l’aide de militants locaux et d’autres avec lesquels il avait travaillé au Black Arts Repertory Theater de Harlem. Si les artistes de la Spirit House étaient dès le début impliqués dans la politique locale, les violences policières contre Baraka et d’autres militants pendant le soulèvement de Newark de 1967 les politisa plus encore. Après le soulèvement, ils participèrent à l’organisation d’une conférence du Black Power à Newark qui attira plusieurs dirigeants nationaux noirs, dont Stokely Carmichael, H. Rap Brown et Huey P. Newton du Black Panther Party, ainsi qu’Imari Obadele de la Republic of New Africa (en partie une émanation du Revolutionary Action Movement). Peu de temps après, la Spirit House forma la base du Committee for a Unified Newark (CFUN), une nouvelle organisation composée des United Brothers, de la Black Community Defense and Development, et des Sisters of Black Culture. Outre le fait qu’il put attirer des nationalistes noirs, des Noirs musulmans et même quelques Marxistes-Léninistes-Maoïstes, le CFUN portait la marque de la US Organization de Ron Karenga. En effet, le CFUN adopta la version du nationalisme culturel de Karenga et travailla en étroite collaboration avec lui. Même si des tensions apparurent entre Karenga et certains des militants de Newark en raison de son attitude envers les femmes et de la structure de direction trop centralisée que le CFUN avait emprunté à la US Organization, le mouvement continua à se développer. En 1970, Baraka renomma le CFUN le Congress of African Peoples (CAP) ; il le transforma en une organisation nationale, et, lors du congrès inaugural, rompit avec Karenga. Les dirigeants du CAP critiquèrent vivement le nationalisme culturel de Karenga et firent adopter des résolutions qui reflétaient un virage à gauche – dont une proposition visant à lever des fonds pour aider à construire le chemin de fer entre la Tanzanie et la Zambie[10].
Plusieurs facteurs contribuèrent au virage à gauche de Baraka pendant cette période. L’un d’eux est lié à la douloureuse expérience qu’il fit des limites des politiciens noirs de la « petite bourgeoisie ». Après avoir joué un rôle central dans l’élection de Kenneth Gibson en 1970, le premier maire noir de Newark, Baraka fut le témoin de l’augmentation des répressions policières (incluant des agressions contre les manifestants du CAP) et de l’incapacité de Gibson à tenir la promesse qu’il avait faite à la communauté africaine-américaine. Se sentant trahi et désabusé, Baraka se sépara de Gibson en 1974, sans pour autant abandonner entièrement l’idée d’un processus électoral. Le rôle qu’il joua dans l’organisation de la première National Black Political Assembly en 1972 lui redonna foi dans le pouvoir des politiques noires indépendantes et dans la force potentielle d’un front noir uni[11].

Le coordinateur régional de la côte Est du CLP, William Watkins, exerça une influence importante sur Baraka. Né et élevé à Harlem, Watkins faisait partie d’un groupe d’étudiants radicaux noirs de la California State University à Los Angeles qui contribua à la fondation de la Communist League. En 1974, il fit la connaissance de Baraka. « On passait des heures dans son bureau, se rappelle Watkins, à débattre des fondamentaux – comme la plus-value ». Pendant environ trois mois, Baraka rencontra régulièrement Watkins qui lui enseignait les fondamentaux de l’économie politique et tâchait de lui montrer les limites du nationalisme culturel. Ces rencontres jouèrent certainement un rôle dans le changement de cap à gauche de Baraka. Mais quand Watkins et Nelson Perry demandèrent à Baraka de rejoindre le CLP, il refusa. Bien qu’il devînt sensible à la pensée marxiste-léniniste-maoïste, il n’était pas prêt à rejoindre une organisation multiraciale. La lutte noire était prioritaire[12].
L’origine la plus évidente de la radicalisation de Baraka se situait en Afrique. Tout comme son premier tournant à gauche après 1960 avait été suscité par la révolution cubaine, la lutte dans le Sud de l’Afrique suscita son second tournant à gauche post-1970. L’événement clé fut la création du African Liberation Support Committee en 1971. Celui-ci émanait d’un groupe de nationalistes noirs dirigé par Owusu Sadaukai, directeur de la Malcom X Liberation University à Greensboro, en Caroline du Nord, qui se rendit au Mozambique sous l’égide du Front de Libération du Mozambique (FRELIMO). Le président du FRELIMO, Samora Machel (qui était par pure coïncidence en Chine au même moment que Huey Newton) et d’autres militants convainquirent Sadaukai et ses collègues que le rôle le plus utile que les Africains-Américains pouvaient jouer en soutien à l’anticolonialisme était de défier le capitalisme américain de l’intérieur et de faire connaître la vérité au sujet de la guerre juste du FRELIMO contre la domination portugaise.
L’African Liberation Support Committee (ALSC) reflétait l’orientation radicale des mouvements de libération en Afrique lusophone. Le 27 mai 1972 (date anniversaire de la fondation de l’Organisation of African Unity), l’ALSC participa à la première manifestation du African Liberation Day (ALD), réunissant environ 30 000 manifestants rien qu’à Washington, D.C., et environ 30 000 de plus à travers le reste des États-Unis. Le comité de coordination du ALD comptait des représentants de plusieurs organisations noires de gauche, y compris la Youth Organization for Black Unity (YOBU), le All-African people’s Revolutionary Party (AAPRP), mené par Stokely Carmichael [Kwame Toure], la Pan-African People’s organization, et le Black Workers Congress à tendance maoïste[13]. L’ALSC réunit un si large éventail de militants noirs qu’il devint l’arène de débats portant sur la création d’un programme noir radical. Bien que la plupart des organisateurs de l’ALSC fussent profondément anti-impérialistes, le nombre de marxistes noirs aux postes de direction devint un point de discorde. Outre Sadaukai, qui allait continuer à jouer un rôle majeur dans Revolutionary Workers League (MWL) d’orientation maoïste, les principaux dirigeants de l’ALSC étaient Nelson Johnson (futur dirigeant du Communist Workers Party) et Abdul Alkalimat (un brillant écrivain et membre fondateur de la Revolutionary Union).
Dès 1973, des divisions se créèrent au sein de l’ALSC. Les querelles internes et le sectarisme s’avérèrent trop difficile à gérer pour l’ALSC et la politique étrangère chinoise le mit en crise pour de bon. Le soutien de la Chine à UNITA lors de la guerre civile angolaise de 1975, de même que l’argument du premier ministre adjoint Li Xian-Nian selon lequel le dialogue avec l’Afrique du Sud valait mieux que l’insurrection armée, placèrent les maoïstes noirs de l’ALSC dans une position délicate. En l’espace de trois ans, l’ALSC s’effondra complètement, mettant malencontreusement un terme à l’organisation anti-impérialiste sans doute la plus dynamique de la décennie.
Néanmoins, l’expérience de Baraka au sein de l’ALSC modifia profondément ses perspectives. Comme il le rappelle dans son autobiographie, au moment de la première manifestation du Africain Liberation Day en 1972, il était en train de « faire un tournant de gauche et lisait Nkrumah, Cabral et Mao. » Dans les deux années qui suivirent, il en appela les membres du CAP à examiner « l’expérience révolutionnaire internationale [à savoir les révolutions russe et chinoise] et à l’appliquer à la révolution africaine[14]. » Leurs programmes de cours s’élargirentpour inclure des œuvres telles que les Quatre essais de philosophie de Mao et les Fondements du léninisme et l’Histoire du Parti communiste bolchevik de l’URSS de Staline[15]. En 1976, le CAP s’était défait de tous les vestiges de nationalisme ; il changea son nom en Revolutionary Communist League (RCL), et chercha à se refondre en un mouvement multiracial marxiste-léniniste-maoïste. Afin sans doute d’atteindre une stabilité idéologique en tant que mouvement anti-révisionniste, le RCL s’engagea dans la noble voie de la résurrection de la thèse de la Black Belt. En 1977, le RCL publia un article intitulé « The Black Nation[16] » qui analysait les mouvements de libération noire d’un point de vue marxiste-léniniste-maoïste et concluait que le peuple noir dans le Sud et dans les grandes villes composaient une nation disposant d’un droit fondamental à l’autodétermination. Bien que rejetant « l’intégration bourgeoise », l’essai affirmait que la lutte pour le pouvoir politique noir était un élément majeur dans le combat pour l’autodétermination.
En tant qu’artiste profondément ancré dans le mouvement artistique noir, Baraka a constamment construit sa vision de la culture et de la politique à partir des contradictions de la vie noire dans un contexte capitaliste, impérialiste et raciste. Pour Baraka, comme pour beaucoup de ceux que l’on a évoqués ici, ce n’était pas simplement une question de nationalisme étroit. Au contraire, comprendre la place de l’oppression raciale et de la révolution noire dans le contexte capitaliste et impérialiste était essentiel pour le futur de l’humanité. Dans la tradition de Du Bois, Fanon et Cruse, Baraka insistait sur le fait que le prolétariat noir (donc colonial) était l’avant-garde de la révolution mondiale, « non en raison d’un quelconque chauvinisme mystique mais à cause de notre place dans l’histoire objective […]. Nous sommes l’avant garde parce que nous sommes les bas-fonds et quand nous nous lèverons, tout ce qui sera au-dessus de nous s’effondrera[17] . » De plus, malgré son immersion dans la littérature marxiste-léniniste-maoïste, son propre travail culturel suggère qu’il avait conscience, comme la plupart des radicaux noirs, que la question de savoir si le peuple noir constituait ou pas une nation ne serait pas résolue par la lecture de Lénine ou Staline, ni par la résurrection de M. N. Roy. Si jamais elle pouvait l’être, la bataille aurait lieu, pour le meilleur ou pour le pire, sur le terrain de la culture. Bien que le mouvement artistique noir ait été le moteur essentiel de la révolution culturelle noire aux États-Unis, il est difficile d’imaginer à quoi aurait ressemblé cette révolution sans la Chine. Les radicaux noirs prirent par les cornes la Grande Révolution culturelle prolétarienne et la remodelèrent à leur image.


La Grande Révolution culturelle prolétarienne (noire)
Il n’existe pas, dans la réalité, d’art pour l’art, d’art au-dessus des classes, ni d’art qui se développe en dehors de la politique ou indépendamment d’elle.
Mao Zedong, « Interventions aux causeries sur la littérature et l’art à Yen’an », (Mai 1942)[18]
Moins d’un an après le début de la Révolution culturelle, Robert Williams publia un article dans le Crusader intitulé « Reconstitute Afro-American Art to Remold Black Souls » (Reconstruire l’art africain-américain pour remodeler les âmes noires). Tandis que l’appel de Mao pour une révolution culturelle impliquait de se débarrasser des vestiges (culturels et autres) de l’ancien ordre, Williams – à l’instar du mouvement artistique noir aux États-Unis – parlait de purger la culture noire de la « mentalité d’esclave ». Bien qu’il ait adopté quelques éléments de langage du manifeste du Parti communiste chinois (CCP) (la « Décision du Comité central du Parti communiste chinois sur la Grande Révolution culturelle prolétarienne », publiée le 12 août 1966, dans la Peking Review), Williams chercha dans son article à s’inspirer de l’idée plutôt que de l’idéologie de la Révolution culturelle. Comme Mao, il appela les artistes noirs à se débarrasser des chaînes des anciennes traditions et à mettre l’art au service de la révolution et d’elle seule :
L’artiste africain-américain doit faire un effort conscient et résolu pour reconstruire nos représentations artistiques, pour remodeler une âme noire et révolutionnaire, fière d’elle-même. […] Il doit créer une théorie et une direction nouvelles pour préparer notre peuple à une lutte acharnée, sanglante et prolongée contre la tyrannie et l’exploitation racistes. L’art noir doit servir au mieux le peuple noir. Il doit devenir une puissante arme dans l’arsenal de la révolution noire[19].
Les dirigeants du RAM se mirent d’accord. En 1967, circula un document interne du RAM, intitulé Some questions concerning the present period, qui en appelait à une révolution culturelle noire totale aux États-Unis, dont l’objectif était de détruire les mœurs, les attitudes, les manières, les coutumes, les modes de vie et les habitudes de l’oppression blanche. Cela impliquait la formation d’une nouvelle culture révolutionnaire. Cela signifiait également la fin des cheveux traités, du blanchiment de la peau et autres vestiges de la culture dominante. En effet, la révolution n’avait pas seulement pour cible les bourgeois noirs intégrés mais aussi les barbiers et les esthéticiennes.
La promotion consciente de l’art comme arme de la libération noire n’a rien de nouveau : elle remonte au moins à la frange de gauche de la Harlem Renaissance, si ce n’est plus tôt. Le mouvement des arts noirs aux États-Unis – tout comme pratiquement tous les mouvements de libération nationale contemporains – prit cette idée très au sérieux. Fanon n’a pas manqué d’évoquer cette dimension dans Les Damnés de la Terre dont la traduction anglaise s’est répandue comme une trainée de poudre à son époque[20]. Mais c’est la Révolution culturelle chinoise qui joua le rôle le plus important. Après tout, beaucoup sinon la majorité des nationalistes noirs connaissaient bien la Chine et avaient lu Mao. Même s’ils ne reconnaissaient pas de manière explicite l’influence des idées maoïstes sur la nécessité d’un art révolutionnaire et sur celle de la nature prolongée de la révolution culturelle, les parallèles sont frappants. Considérons le manifeste de 1968 de Ron [Maulana] Karenga « Black Cultural Nationalism ». D’abord publié dans Negro Digest, l’essai tire plusieurs de ses idées des « Interventions aux causeries sur la littérature et l’art à Yen’an » de Mao. Comme Mao, Karenga insistait sur le fait que tout art doit être jugé selon deux critères – « artistique » et « social » (« politique »); que l’art révolutionnaire doit être destiné aux masses et qu’il « doit être fonctionnel, c’est-à-dire utile, puisque nous ne pouvons pas accepter la fausse doctrine de “l’art pour l’art” » comme le dit Karenga lui-même. L’influence du maoïsme directement perceptible à travers les efforts de Karenga pour façonner une culture révolutionnaire alternative. En effet, les sept principes de Kwanzaa (la fête africaine-américaine inventée par Karenga et célébrée pour la première fois en 1967), à savoir l’unité, l’autodétermination, la responsabilité et le travail collectifs, l’économie collective (socialisme), la créativité, le but, et même la foi sont tout aussi compatibles avec les idées de Mao qu’avec la culture « traditionnelle » africaine[21]. Ce n’est sans doute pas une coïncidence si ces sept principes furent le fondement de la célèbre Déclaration d’Arusha de 1964 en Tanzanie sous la présidence de Julius Nyerere – la Tanzanie étant l’allié le plus précoce et le plus important de la Chine en Afrique.
Bien que la dette de Karenga envers Mao soit passée inaperçue, le Progressive Labor Party en prit note. Le journal du PLP, The Challenge, se livra à une virulente critique de l’ensemble du mouvement des arts noirs et de ses théoriciens intitulée « [LeRoi] Jones-Karenga Hustle: Cultural “Rebels” Foul Us Up », qui caractérisait Karenga de « pseudo-intellectuel » qui a « minutieusement lu les interventions sur la littérature et l’art de Mao ». « Le nationalisme culturel », poursuit l’article, « ne vénère pas seulement les aspects les plus réactionnaires de l’histoire africaine. Il va même jusqu’à mesurer l’engagement révolutionnaire de tel ou tel par sa tenue vestimentaire ! Cela fait partie de la “conscience noire”[22]. »
Bien sûr, la révolution est devenue une sorte d’art, ou plus précisément un style bien défini. Qu’ils s’habillent en Afro et en dashiki ou en veste en cuir et béret, la plupart des révolutionnaires noirs des États-Unis développèrent leurs propres critères esthétiques. Dans le monde de l’édition, le « Petit Livre rouge » de Mao eut un impact phénoménal sur les styles littéraires dans les cercles radicaux noirs. L’idée qu’un livre de format poche de citations concises et d’aphorismes pouvaient couvrir un si large éventail de sujets, incluant le comportement éthique, la pensée et la pratique révolutionnaires, le développement économique et la philosophie, attira beaucoup de militants noirs indépendamment de leurs allégeances politiques. Le « Petit Livre rouge » engendra une industrie artisanale de livres miniatures de citations expressément adressés aux militants noirs. The Black Book, publié par Earl Ofari Hutchinson (avec l’aide de Judy Davis) en est un parfait exemple[23]. Publié par le Radical Education Project (aux alentours de 1970), The Black Book comprend une compilation de courtes citations de W.E.B Dubois, Malcom X, et Franz Fanon qui couvrent un large éventail de questions relatives à la révolution nationale et mondiale. Les similitudes avec les Citations du Président Mao Tsé-Toung sont frappantes. Les chapitres ont notamment pour titre « La culture et l’art noir », « La politique », « L’impérialisme », « Le socialisme », « Le capitalisme », « La jeunesse », « Le Tiers-Monde », « L’Afrique », « Au sujet de l’Amérique » et « L’unité noire ». L’introduction d’Ofari place la lutte noire dans un contexte global et revendique une éthique révolutionnaire et « l’unification spirituelle et physique du Tiers-Monde ». Ofari ajoute que « la vraie Blackness est un style de vie collectif, un ensemble de valeurs collectives et une perspective commune sur le monde » qui va au-delà de nos différentes expériences en Occident. The Black Book n’était pas conçu comme une défense nationalisme noir contre les incursions du maoïsme. Au contraire, Ofari conclut en disant que « partout les combattants de la liberté continuent de lire le livre rouge, mais placent à ses côtés le LIVRE NOIR de la révolution. Pour gagner la bataille à venir, les deux sont nécessaires ».
Un autre texte populaire dans cette tradition était Axioms of Kwame Nkrumah: Freedom Figthers Edition, qui parut en 1969 – un an après que les Chinese Foreign Languages Press eurent publié la version anglaise des Citations du Président Mao Tsé-Toung[24]. Relié en cuir noir et couvert de dorures, il débute par une phrase inscrite sur le frontispice qui souligne l’importance de la volonté révolutionnaire : « le secret de la vie est de n’avoir peur de rien ». Si l’on fait abstraction du fait qu’ils se concentrent sur l’Afrique, les chapitres sont pratiquement impossibles à distinguer du « Petit Livre rouge ». Les sujets abordés incluent « La révolution africaine », « L’armée », « Le Black Power », « Le capitalisme », « L’impérialisme », « La milice populaire », « Le peuple », « La propagande », « Le socialisme » et « Les femmes ». La plupart des citations sont vagues ou échouent à être autre chose que des slogans (« La bêtise intellectuelle la plus ignoble jamais inventée par l’homme est celle de l’infériorité et de la supériorité raciales », ou encore : « un révolutionnaire n’échoue que s’il renonce »)[25]. Un grand nombre des idées de Nkrumah auraient cependant pu être celles de Mao, en particulier les citations traitant de l’utilité de la mobilisation populaire, de la relation dialectique entre la pensée et l’action et les questions relatives à la guerre, à la paix et à l’impérialisme.



En ce qui concerne la question de la culture, la plupart des groupes maoïstes et antirévisionnistes aux États-Unis étaient moins concernés par la création d’une nouvelle culture révolutionnaire que par la destruction des vestiges de l’ancienne et le combat contre ce qu’ils considéraient être une culture commerciale bourgeoise rétrograde. À cet égard, ils allaient dans le sens de la Grande Révolution culturelle prolétarienne. Dans une passionnante critique du film Superfly publié par le journal du CP(ML) The Call, l’auteur saisit l’opportunité de critiquer le rôle de la contre-culture ainsi que celui des capitalistes dans la promotion de la prise de drogues au sein de la communauté noire. « Quand je regarde toutes les personnes qui meurent d’overdose autour de moi, se font tuer dans des fusillades qui les opposent, sont broyés par des accidents de travail alors qu’ils sont déjà écrasés par le labeur, il devient évident que la dope fait autant de ravages que n’importe quel policier armé. » Pourquoi un film destiné à la population noire glorifie-t-il la culture de la drogue ? Parce que « les impérialistes connaissent la dure réalité – si tu planes à cause de la drogue, tu n’auras pas le temps de penser à la révolution – tu es trop préoccupé par le lieu où tu pourras te procurer la prochaine dose ! » La critique introduit également un peu d’histoire de la Chine :
Les Britanniques ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour faire en sorte que les chinois soient dépendants [de l’opium]. Il était habituel que les ouvriers se voient verser une partie de leur salaire en opium, provoquant une addiction encore plus rapide. Il n’y avait que la révolution qui pût mettre fin à cette misère. Afin de se réapproprier leur pays et transformer leur société en une autre qui serait véritablement au service du peuple, il fallait cesser de trouver un échappatoire dans la drogue[26].
Les critiques maoïstes ne se limitaient pas aux aspects les plus réactionnaires de la culture commerciale de masse. Le mouvement des arts noirs – un mouvement qui, ironiquement, incluait des personnalités très inspirées par les événements en Chine et à Cuba – fut scruté à la loupe par la gauche antirévisionniste. Des groupes tels que le PLP et le CP(ML), malgré leurs nombreuses divergences au sujet de la question nationale, s’accordaient sur le fait que le mouvement des arts noirs, par son attirance pour la culture africaine était malavisé, pour ne pas dire contre-révolutionnaire. Le PLP rejetait les nationalistes culturels noirs comme étant de petits hommes d’affaires bourgeois qui vendaient les aspects les plus rétrogrades de la culture africaine au peuple et « exploit[ai]ent les femmes noires – tout cela au nom de la “culture africaine” et de la “révolution”. » Ce même éditorialiste du PLP reprocha au mouvement des arts noirs d’ « enseigner les reines, les rois et les “empires” africains. Il n’y a pas d’approche de classe – aucune indication sur le fait que ces rois, etc., s’opposaient au peuple africain[27]. » De la même façon, un éditorial de 1973 de The Call critiquait le mouvement des arts noirs parce qu’il « délégitimait les aspirations nationales authentiques de la population noire aux États-Unis et […] et substituait une contre-culture africaine à la lutte anti-impérialiste[28]».
Bien que ces attaques fussent excessives, notamment parce qu’elles mettaient dans un même panier toute un ensemble d’artistes aux projets très différents, une poignée d’artistes noirs en était venue aux mêmes conclusions au sujet de la direction du mouvement des arts noirs. Pour le romancier John Oliver Killens, la révolution culturelle chinoise avait offert un modèle pour transformer le nationalisme culturel noir en une force révolutionnaire. À la suite de ses voyages en Chine dans les années 1970, Killens publia un essai important dans The Black World louant la révolution culturelle qui avait, selon lui, connu un succès retentissant. En fait, il s’était clairement rendu en Chine pour découvrir pourquoi la révolution chinoise avait réussi « alors que [leur] propre révolution culturelle noire, si ardente dans les années 1960, semblait dépérir[29]» Au moment où il était prêt à rentrer aux États-Unis, il parvint à plusieurs conclusions relatives aux limites de la révolution culturelle noire et à la force du modèle maoïste. Premièrement, il reconnut que toutes les révolutions couronnées de succès sont continues – permanentes et prolongées. Deuxièmement, le militantisme culturel et le militantisme politique ne sont pas pour lui des stratégies de libération différentes mais deux faces d’une même pièce. La révolution culturelle et la révolution politique vont de pair. Troisièmement, un mouvement révolutionnaire doit être indépendant, il doit créer des institutions culturelles autonomes. Bien sûr, la plupart des nationalistes radicaux noirs dans le mouvement des arts noirs s’en étaient rendu compte par eux-mêmes et l’article de Killens renforça seulement ces enseignements. Toutefois, la Chine apprit également à Killens quelque chose à laquelle peu de militants masculins du mouvement faisaient attention à l’époque: « Les femmes portent la moitié du ciel. » Dans certaines fractions militantes centrales de la révolution culturelle noire, il était littéralement demandé aux femmes de « rester assises à l’arrière du bus. […] C’est une pensée rétrograde qui a produit des divisions. De nombreuses femmes allèrent battre le pavé et rejoignirent le mouvement de libération des femmes. Certains des frères semblaient contrariés et surpris, mais c’est nous qui les avons conduites à cela[30]. »
Amiri Baraka représenta l’autre principale critique noire et inspirée par le maoïsme du mouvement des arts noirs, alors qu’il était lui-même une figure essentielle de la révolution culturelle noire et l’une des premières cibles des critiques maoïstes. En tant que fondateur et dirigeant du CAP et plus tard de la RCL, Baraka fit davantage qu’une critique, il bâtit un mouvement qui tentait de faire la synthèse entre les innovations stylistiques et esthétiques du mouvement des arts noirs et la pensée marxiste-léniniste-maoïste. Tout comme sa trajectoire du monde des beatniks à la conférence de Bandung, la transformation de Baraka de nationaliste culturel en communiste engagé donne un aperçu de l’impact de Mao sur le radicalisme noir aux États-Unis. Plus que tout autre maoïste ou antirévisionniste, Baraka et les membres de la RCL symbolisaient l’effort le plus conscient et le plus soutenu pour transférer la Grande révolution culturelle prolétarienne dans les quartiers défavorisés des États-Unis et la transformer de telle manière qu’elle touche la classe ouvrière.

Battre les droites
Alors que la droite et l'extrême droite gagnent du terrain ici comme ailleurs, la solidarité internationale entre les forces progressistes s'avère plus essentielle que jamais.
Pour en discuter, Ruba Ghazal, porte-parole de Québec solidaire, et Jean-Luc Mélenchon, fondateur de La France insoumise et président de l'Institut La Boétie, tiendront une conférence publique le 16 avril prochain à la Maison Théâtre.
Cette rencontre unique sera l'occasion d'échanger sur les stratégies de résistance à la montée des droites, des deux côtés de l'Atlantique.
Mercredi 16 avril, 18h30 Maison Théâtre (245 Rue Ontario E, Montréal)
Ouverture des portes à 18h
Je m'inscris
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Un pour tous, et tous contre Amazon : la solidarité internationale face à la crise

Les poubelles... débordent !
En supplément du dossier de notre revue papier, Ramon Vitesse nous fait quelques recommandations ordurières.
Musique
Guérilla Poubelle : Power trio DIY punk rock français de puis 2003. Parmi leur enregistrements on trouve Punk= existentialisme et La nausée (Guérilla Asso).
The Cramps : Le provocateur groupe psychobilly punk (1975-2009) joue notamment l'emblématique Garbageman !
Les Ordures Ioniques : Groupe punk québécois qui… Se saoûlage.
BD
Derf Backderf : Trashed et L'Année des ordures (Ça et Là – 2015 et 2021) Un style robuste et un humour tordu pour narrer un emploi étudiant de vidangeur.
André-Philippe Côté : Baptiste le clochard (Station T, 2022) Mémorables comics trips d'un clochard philosophe vivant dans une poubelle…
Album jeunesse
Pierre Grosz et Rémi Saillard : La bonne idée de monsieur Johnson (La Cabane Bleue, 2022) Le gardien d'une décharge publique entreprend de reverdir les montagnes de déchets accumulés tout près de New-York. Inspiré d'une histoire vraie et d'un parc qui lui survit !
Joan Sénéchal et Yves Dumont : Opération mange-gardiens – non au gaspillage alimentaire (Isatis, 2023) Un bouquin pour les activistes de tout âges !
Essai
Lucie Taïeb : Freshkills (Édition Varia, 2019) Une réflexion critique à partir du parc « écologique » qui escamote la décharge Fresh Kills (1948-2001) sur Staten Island N-Y.
Olivier Linot et Daniel Simon : Le cheval au service de la ville (Écosociété, 2014) L'expérience d'hippomobilité initiée à Trouville-sur-Mer (France) ; d'abord pour la collecte sélective des déchets.
Estelle Richard : Pour en finir avec le gaspillage alimentaire (Écosociété, 2021)
Simon Paré-Poupart : Ordures ! Journal d'un vidangeur (Lux Éditeur, 2024) Tout ce que nous souhaiterions ignorer quant à notre production pléthorique de déchets - directement du camion par un vidangeur !
Illustration : Ramon Vitesse
Des salles de classe à la prison : Trump intensifie sa croisade contre la protestation universitaire
Le cynisme ma bouée

Les travailleuses contre l’État néolibéral : entrevue avec Camille Robert
Camille Robert est historienne, chercheuse postdoctorale à l’Université Concordia et chargée de cours à l’Université du Québec à Montréal. Depuis plusieurs années, ses recherches portent sur l’histoire syndicale, les luttes des travailleuses du secteur public et les mobilisations féministes. Elle a notamment publié le livre Toutes les femmes sont d’abord ménagères. Histoire d’un combat féministe pour la reconnaissance du travail ménager (Éditions Somme toute, 2017) et codirigé l’ouvrage Travail invisible. Portraits d’une lutte féministe inachevée (Éditions du Remue-ménage, 2018). Camille Robert est aussi membre des comités de rédaction des revues Labour / Le travail et Histoire engagée. Sa thèse s’intitule Les travailleuses de l’éducation et de la santé face au tournant néolibéral de l’État québécois (1980-1989). Le collectif Archives Révolutionnaires s’est entretenu avec elle afin de mieux saisir la restructuration économique des années 1980 et son impact sur les travailleuses du secteur public, ainsi que sur leurs courageuses luttes. Alors que l’austérité fait son retour au Québec et que la droite radicale s’impose un peu partout, il est essentiel d’étudier les résistances passées au néolibéralisme pour s’en inspirer et développer une stratégie ouvrière victorieuse.
Entrevue réalisée par Alexis Lafleur-Paiement



Alexis Lafleur-Paiement : D’abord, voudrais-tu me parler de la manière dont le néolibéralisme s’est imposé mondialement au tournant des années 1970-1980, et présenter ses caractéristiques principales ?
Camille Robert : Pour une introduction sur le sujet, je recommanderais le livre de David Harvey, un géographe marxiste qui a écrit une Brève histoire du néolibéralisme. C’est un bon ouvrage pour comprendre comment s’est déployé le néolibéralisme à l’échelle internationale. En fait, les idées néolibérales émergent dès les années 1940, avec la formation de la Société du Mont-Pèlerin qui a regroupé les penseurs néolibéraux à partir de 1947. Mais c’est surtout dans les années 1970 qu’on voit leurs idées s’imposer davantage, dans la foulée de critiques du modèle de l’État-providence et d’une reconfiguration majeure des rapports de force.
Harvey souligne qu’il y a eu de premières expériences néolibérales, par exemple au Chili après le coup d’État du 11 septembre 1973. Celui-ci est à inscrire dans une restructuration néolibérale mondiale, où on voit des gouvernements socialistes ou défendant les intérêts des travailleuses et des travailleurs être remplacés de force par des régimes autoritaires qui mettent en place des programmes antisociaux. Quand on réfléchit aux débuts du néolibéralisme, il faut aussi considérer ces événements, et pas seulement regarder l’Angleterre de Margaret Thatcher ou les États-Unis de Ronald Reagan.
Plus concrètement, je dirais que le néolibéralisme se présente d’abord comme une remise en question de l’État-providence. Rappelons que ce dernier s’était mis en place dans le cadre d’un régime d’accumulation fordiste, caractérisé par une croissance de la productivité, une augmentation de la consommation et par l’intervention de l’État comme régulateur des tensions entre le capital et le travail. L’État-providence a émergé à partir des années 1930-1940 et s’est consolidé après la Deuxième Guerre mondiale aux États-Unis, au Canada, en Angleterre et en France, notamment. L’après-guerre correspond aussi à une période d’avancées importantes pour le mouvement syndical qui obtient généralement des rehaussements salariaux et de meilleures conditions d’emploi. En parallèle, l’État met en place divers services publics et des programmes sociaux universels qui visent à combler, en partie, les revendications ouvrières et à réduire les conflits de travail. Il y a un certain apaisement des tensions entre capital et travail, mais ça ne veut pas dire qu’il n’y a plus de conflits et que tout va bien ! Il y a tout de même plusieurs grèves et d’importants mouvements de revendications.
Dès les années 1960-1970, on commence toutefois à voir un essoufflement du régime d’accumulation fordiste et une baisse du taux de profit des entreprises. La productivité stagne et le secteur industriel connaît des difficultés importantes, ce qui entraîne de premières fermetures et délocalisations d’usines. Puis arrivent des périodes de forte inflation consécutives aux chocs pétroliers des années 1970, entraînant une instabilité économique. Les mesures de protection sociale qui étaient offertes par les États – comme l’assurance-chômage – ou les protections garanties par les conventions collectives – notamment l’indexation des salaires pour protéger le pouvoir d’achat des syndiqué·es pendant les périodes d’inflation –, tout ça commence à être considéré comme trop coûteux par les élites politiques et économiques. Le modèle de l’emploi permanent à temps complet, avec des mesures de protection garanties, représente désormais une contrainte du point de vue patronal.
Progressivement, les mesures keynésiennes liées à l’État-providence sont jugées inefficaces pour redresser l’économie. En contrepartie, les « solutions » néolibérales gagnent en importance, particulièrement à partir des années 1980. David Harvey présente la « néolibéralisation », ou la transition néolibérale, comme un projet politique qui vise à recréer des conditions propices à l’accumulation du capital et à rétablir le pouvoir des élites économiques. Entre les années 1940 et 1970, il y a eu un très relatif (et bref) équilibre dans les rapports de force entre le patronat et les syndicats ; le tournant néolibéral cherche donc à remettre en question ce compromis, au profit des élites politiques et économiques.
Dans leur excellent livre La nouvelle raison du monde, les chercheurs Pierre Dardot et Christian Laval mentionnent que le néolibéralisme n’est pas nécessairement un projet concerté, mais plutôt une série de réactions qui se sont progressivement imposées comme nouvelle norme. Ces actions ne sont pas le fait d’un seul groupe, mais de plusieurs acteurs. Ainsi, le patronat, les autorités financières, les politiciens, les actionnaires ont peu à peu consolidé la rationalité néolibérale, notamment à travers des dynamiques d’affrontement et de répression. On constate d’ailleurs que les dispositifs disciplinaires ont contribué au renforcement des politiques néolibérales, que ce soit par l’autorité des marchés financiers qui ont poussé les États à réduire leurs dépenses sociales, ou avec les lois spéciales contre les syndicats, réduisant leur rapport de force et leur capacité de revendication. On voit finalement que le néolibéralisme, ce n’est pas un processus naturel, mais plutôt un nouveau paradigme qui a été imposé de façon brutale à plusieurs moments. Ce processus a été long et parfois violent, pour éventuellement faire advenir une nouvelle norme… ou une nouvelle rationalité qui s’impose tant aux individus qu’aux institutions et aux États, comme l’avancent Dardot et Laval.


Pour continuer dans le même sens, pourrais-tu me parler de la manière dont le néolibéralisme s’est implanté au Canada, surtout au Québec ?
Au Québec, ça s’est fait assez progressivement. C’est difficile de fixer un moment ou une année qui marquerait le début du tournant néolibéral. Après avoir consulté plusieurs livres et articles sur le sujet, je dirais qu’il n’y a pas vraiment de consensus sur quand le néolibéralisme aurait « débuté » au Québec. Certains auteurs affirment que ça commence avec le deuxième mandat de Robert Bourassa en 1985, alors que circulent des discours ouvertement en faveur de la privatisation et de la déréglementation. Pour d’autres personnes, le néolibéralisme arrive dans les années 1990 avec le projet de « déficit zéro » de Lucien Bouchard. Mais avec mes recherches en archives, je peux dire qu’on voit des signes de l’arrivée du néolibéralisme dès la fin des années 1970. À l’époque, le gouvernement péquiste commence à tenir un discours en faveur d’un « dégraissage de l’État ». Certains services publics sont considérés comme étant inefficaces et coûtant trop cher.
Dans le secteur hospitalier, il y a d’importantes vagues de compressions budgétaires à ce moment. Le ministère des Affaires sociales (aujourd’hui le ministère de la Santé et des Services sociaux) impose par exemple des plans de redressement budgétaire à partir de 1977-1978. Chaque hôpital doit soumettre au ministère un plan détaillé pour se conformer aux compressions demandées. En pratique, ça implique des coupures de milliers de postes, des réductions de services et des déplacements de patientèle, puisque des départements sont fermés dans certains hôpitaux et transférés ailleurs. Évidemment, les syndicats s’y opposent de façon assez vigoureuse. Il y a même certains gestionnaires d’hôpitaux qui refusent carrément de mettre en application les compressions budgétaires – et qui sont éventuellement menacés de congédiement par le ministre des Affaires sociales. On voit qu’à la fin des années 1970, il y a des tensions concernant les ressources qui sont allouées aux soins de santé, et qu’il y a déjà des affrontements.
Au même moment, on voit aussi une volonté du gouvernement de réduire les salaires des employé·es du secteur public pour les ramener au même niveau que ceux du secteur privé. Il faut rappeler que dans les années 1970, il y avait une volonté, de la part des syndicats, que le secteur public serve de « locomotive » pour améliorer globalement les conditions de toutes les travailleuses et de tous les travailleurs. L’idée, c’était qu’en rehaussant les salaires et les conditions dans le secteur public, ça aurait un effet d’entraînement sur le secteur privé, que ça créerait une pression à la hausse sur le plan salarial. Certains gains issus des grèves du front commun ont eu des retombées positives sur d’autres catégories de travailleuses et de travailleurs, par exemple en matière de congés de maternité. Mais à la fin des années 1970, le gouvernement péquiste veut renverser cette tendance ; il soutient que les employé·es du secteur public gagnent trop cher et qu’il faudrait ramener leur salaire au niveau du secteur privé. Cette posture vise à la fois à réduire l’engagement de l’État-employeur et à limiter, dans le secteur privé, les pressions en vue d’une amélioration des conditions d’emploi.
En 1978, le Conseil du trésor publie deux études où les salaires du secteur public sont comparés à ceux du secteur privé, prétendument pour montrer comment les employé·es de l’État sont privilégié·es. Déjà à l’époque, certaines lacunes surgissent puisque 60 % des emplois dans le secteur public n’ont pas d’équivalent dans le secteur privé, surtout en santé et en éducation. Finalement, le gouvernement compare une minorité d’emplois pour affirmer que tous les salarié·es du secteur public gagneraient 16 % de plus que dans le secteur privé. Cet argumentaire gouvernemental, qui mise sur l’antagonisme public / privé, se construit à partir de la fin des années 1970 et s’amplifie au début des années 1980, dans un contexte de crise des finances publiques. Le gouvernement continue dans la même lignée en prétendant que les employé·es du secteur public sont des « gras dur », des privilégié·es, des gens qui conservent une sécurité d’emploi et qui bénéficient de bonnes conditions de travail en pleine crise économique… alors qu’en pratique, il y a beaucoup de précarité dans le secteur public. Mais le gouvernement cherche quand même à créer une opposition entre les travailleuses et travailleurs du secteur public, et ceux du secteur privé.
Au cours de la période 1981-1983, ces tensions se consolident de manière très évidente. À ce moment, il y a une récession économique globale et le Québec traverse une crise des finances publiques. Le chômage, l’inflation et les taux d’intérêt augmentent considérablement. Ce contexte représente un terreau fertile pour le déploiement du néolibéralisme. Si certains signes étaient présents auparavant, on constate une intensification des réformes, des discours et des mesures disciplinaires à caractère néolibéral au début des années 1980.
Sur le plan budgétaire, le secteur public est soumis à une « opération austérité » en 1981, qui vise à retrancher un milliard de dollars dans l’ensemble des ministères. Au même moment, la fiscalité des particuliers et des entreprises est allégée. Le sommet économique de 1982 représente un autre moment marquant : René Lévesque, devant un important déficit budgétaire, envisage ouvertement de réduire les salaires dans le secteur public… ce qui sera ensuite fait par une loi spéciale. Les représentants du gouvernement insistent sur la nécessité d’améliorer la productivité, la mobilité et la flexibilité des salarié·es de l’État. Les négociations du front commun de 1982-1983 seront donc assez difficiles. Alors que le gouvernement doit négocier avec ses employé·es, il mène une importante campagne médiatique contre les syndicats, avant d’imposer les conditions de travail par décret. La répression de la grève du personnel enseignant sera aussi très dure, mais on y reviendra. En résumé, le gouvernement péquiste, de façon assez claire, tente de « résoudre » la crise par l’imposition de mesures néolibérales. On peut donc avancer que le néolibéralisme émerge à la fin des années 1970, mais se consolide au cours des années 1980.

Avant qu’on parle plus en détail du conflit de 1982-1983, pourrais-tu me dire un mot sur la réaction des syndicats face aux premières mesures néolibérales, parce que les centrales syndicales étaient alors très proches du Parti québécois au pouvoir. Comment les syndicats ont réagi en 1980, 1981, 1982, avant qu’il y ait un conflit ouvert ?
Effectivement, il y avait des liens assez étroits entre le Parti québécois et les syndicats. Le PQ, lorsqu’il s’est fait élire, affirmait avoir un préjugé favorable envers les travailleurs. Et c’est vrai qu’il y a eu quelques mesures progressistes lors du premier mandat, comme la loi anti-scabs, mais la lune de miel n’a pas duré longtemps. Les choses se sont compliquées lors du front commun de 1979, où les syndicats du secteur public avaient mis beaucoup de pression sur le gouvernement. En vue du référendum sur la souveraineté, le gouvernement péquiste ne voulait pas qu’il y ait une crise sociale, alors il a offert quelques concessions pour maintenir la paix sociale. Mais il y a une rancœur qui est restée à l’endroit des syndicats, et le gouvernement tentera ensuite de revenir sur les conditions négociées pour la convention collective de 1979-1982.
Selon mes recherches en archives et les entrevues que j’ai menées, je dirais que de 1981 à 1983, il y a eu une cassure par rapport aux liens qu’il y avait entre le PQ et les syndiqué·es. Beaucoup de péquistes qui étaient dans les rangs des syndicats, qui occupaient des fonctions syndicales, ont vécu une grande désillusion politique. Plusieurs d’entre eux ont quitté le milieu syndical, surtout après la répression de la grève de 1983. Cette rupture, ce bris de confiance, a eu un effet très déstabilisateur sur la vie militante à l’interne. Pour les personnes qui étaient plus marxistes ou socialistes, qui avaient déjà une approche plus critique à l’égard du Parti québécois, ce n’était pas une surprise, le choc n’était pas si grand. Mais pour les gens qui étaient péquistes, ça été extrêmement difficile, particulièrement pour ceux qui venaient des rangs de l’enseignement, où la grève a été le plus durement réprimée. Il y a vraiment une… cassure. Quarante ans plus tard, les gens s’en souviennent très clairement. Beaucoup d’enseignantes et d’enseignants n’ont plus jamais voté pour le Parti québécois et ont déchiré leur carte de membre. Ça vraiment été une rupture entre le Parti québécois et les syndicats.

Parlant de cette cassure, peux-tu me décrire le conflit de travail dans le secteur public en 1982-1983, et me parler de la répression qu’ont subie les travailleuses ?
Pour commencer, il y a un élément que j’aimerais partager, je pense que ça vaut la peine de le souligner. Au départ, je voulais centrer mon projet de thèse sur les grèves. Puis, en faisant des entrevues, je me suis rendu compte qu’à part pour les femmes qui avaient été très impliquées syndicalement, les grèves n’avaient pas été aussi marquantes que je l’avais anticipé. C’est-à-dire que plusieurs travailleuses n’en gardaient pas nécessairement beaucoup de souvenirs. C’est surtout la dégradation de leurs conditions d’emploi au quotidien qui les avait marquées. J’ai donc revu la structure de mon projet. Les grèves sont importantes, mais peut-être pas autant que ce que l’historiographie syndicale a laissé croire. Ça m’a motivée à remettre en question le narratif de l’époque, notamment en relativisant l’idée selon laquelle les années 1980 étaient essentiellement marquées par des défaites, par des reculs et par la perte de combativité du mouvement syndical. On en reparlera.
Pour répondre plus directement à ta question, au sujet du conflit de 1982-1983, je reviens à ce que je mentionnais un peu plus tôt. En avril 1982, il y a un sommet économique à Québec où les centrales syndicales sont conviées. Des représentants du patronat sont aussi présents. À ce moment, le gouvernement annonce qu’il y a un manque à gagner de 700 millions de dollars dans les finances publiques et « consulte », entre guillemets, différents acteurs pour trouver comment résoudre cette crise des finances. Évidemment, la réduction des salaires dans le secteur public est l’une des solutions évoquées, à laquelle s’opposent assez fermement les syndicats. Mais ceux-ci sont prêts à négocier, et même à rouvrir les conventions collectives à certaines conditions, notamment que le gouvernement s’engage à ne pas décréter de façon unilatérale les conditions de travail, ni à modifier les régimes de retraite.
En juin 1982, quelques semaines après le sommet économique, le gouvernement adopte trois lois spéciales. D’abord, le projet de loi 68 modifie unilatéralement les régimes de retraite, ce qui a pour effet de réduire la contribution du gouvernement. Ensuite, il y a le projet de loi 70 qui prolonge la durée des conventions collectives durant trois mois, soit les trois premiers mois de 1983, et qui impose des réductions salariales pouvant atteindre 20 % durant cette période. C’est donc un cinquième du salaire de milliers d’employé·es du secteur public qui est coupé au début de l’année 1983, dans un contexte économique extrêmement difficile pour les ménages. Enfin, le projet de loi 72 remplace le Conseil sur le maintien des services de santé et des services sociaux par le Conseil des services essentiels. En pratique, le gouvernement s’octroie un pouvoir discrétionnaire pour déterminer les services à maintenir en cas de grève, ce qui va avoir des effets sur la portée des conflits dans le secteur hospitalier. Et ces trois lois spéciales sont adoptées pendant les négociations avec les employé·es du secteur public, laissant donc très peu de marge de manœuvre pour les syndicats.
Le 10 novembre 1982, il y a une première journée de grève « illégale » du front commun et le gouvernement réplique avec de nombreuses sanctions. Puis, le 11 décembre 1982, il adopte le projet de loi 105 qui met fin aux négociations et fixe par décret les conditions d’emploi des salarié·es de l’État jusqu’en décembre 1985. Les décrets prévoient plusieurs reculs dans les conditions de travail non seulement sur le plan salarial, mais aussi par rapport à la tâche et à l’autonomie professionnelle. Par exemple, dans le milieu scolaire, il a un alourdissement de la charge de travail avec l’augmentation du nombre d’heures d’enseignement, ou encore le retrait de l’encadrement en matière de ratio enseignante / élèves. Dans le secteur de la santé, plusieurs mesures des décrets facilitent les abolitions et la flexibilisation des postes. La structure de l’emploi est considérablement fragilisée.
C’est évidemment un choc pour le front commun. Malgré la suspension du droit de grève, le personnel enseignant des cégeps et des écoles entre en grève générale illimitée les 26 et 27 janvier 1983. Certains syndicats de la santé et des services sociaux concluent quelques ententes sectorielles, ce qui évite des grèves dans le secteur hospitalier. Assez rapidement, les enseignantes et les enseignants se trouvent donc isolé·es et dans une posture de désobéissance qui est difficile à tenir. Le contexte social et politique est extrêmement tendu. En comparaison, si on regarde la dernière grève des enseignantes en 2023 au Québec, la population appuyait en majorité les revendications des syndicats. Mais pendant la grève de 1983, tout le discours gouvernemental contre les employé·es du secteur public soi-disant privilégié·es, et l’opposition avec le secteur privé, ça fonctionne. Il n’y a pas de mouvement d’appui large derrière les syndicats qui désobéissent. Donc c’est loin d’être évident. Il y a des gens qui essaient de rentrer au travail et de franchir les lignes de piquetage, il y a des affrontements devant les écoles.
Après trois semaines de grève, le 16 février 1983, le gouvernement adopte la loi 111 qui force la reprise du travail sous peine de sanctions extrêmement sévères. Les travailleuses et les travailleurs risquent une perte de trois années d’ancienneté et de deux jours de salaire pour chaque jour de grève. La loi suspend aussi la présomption d’innocence et inverse le fardeau de la preuve en cas de désobéissance. C’est une répression majeure, qui est inédite à l’époque. Pendant quelques jours, les syndicats tentent de la défier, ce qui expose les grévistes à des amendes et à des congédiements.
Finalement, les syndicats de l’enseignement décident de rentrer au travail le lundi 21 février 1983. Par cette trêve, ils espèrent renégocier et renverser certaines dispositions des décrets. Après une conciliation, quelques aménagements mineurs sont apportés, mais dans l’ensemble, les conditions de travail sont imposées de façon unilatérale par le gouvernement. Comme je t’expliquais, c’est un coup extrêmement difficile pour les centrales syndicales et pour le front commun en général. D’ailleurs, lors des grèves suivantes, il n’y aura pas de front commun et les centrales syndicales négocient de façon séparée. Ce n’est donc pas un « happy ending », mais les syndiqué·es n’arrêteront pas pour autant de se battre. Il y a plusieurs luttes très importantes au cours des années suivantes.

Maintenant qu’on a parlé des restructurations économiques du néolibéralisme et de son imposition par le pouvoir politique au Québec, j’aimerais qu’on discute de la manière dont ces mesures ont affecté les travailleuses et les travailleurs. Dans ta thèse, tu parles d’une taylorisation du travail dans le secteur public, j’ai trouvé que c’était une manière intéressante d’aborder la question. À l’aide de ce terme ou d’autres qui te semblent pertinents, voudrais-tu décrire comment l’imposition du néolibéralisme se réalise concrètement, notamment en éducation et dans la santé ?
Dans le secteur de l’éducation, plusieurs choses se passent en même temps. Au-delà d’une taylorisation, je dirais qu’on assiste surtout à une précarisation de l’emploi, à un alourdissement de la charge de travail, à une complexification de la tâche et à des attaques contre l’autonomie professionnelle. Dès la fin des années 1970, il y a une baisse démographique qui fait en sorte qu’il y a moins d’élèves, et donc, qu’on a besoin de moins d’enseignantes. Une certaine précarité commence à s’installer, mais elle sera ensuite surtout le résultat de l’alourdissement de la tâche qui vient avec les décrets, imposés à partir de 1983. C’est-à-dire que si on augmente le nombre d’élèves par classe, ou encore le nombre de groupes des enseignantes du secondaire, ça crée un « surplus » de personnel qui se trouve ensuite réaffecté à d’autres tâches, ou encore maintenu dans une situation de précarité. Les enseignantes ou les professionnel·les qui commencent leur carrière pendant cette période peuvent connaître une dizaine d’années de précarité, avec des remplacements de plus ou moins longue durée, avant d’avoir une certaine stabilité.
Au début des années 1980, c’est aussi la mise en œuvre des premières politiques d’intégration des élèves en difficulté d’adaptation et d’apprentissage. Les fondements sont légitimes, c’est-à-dire qu’on ne veut plus que les élèves en difficulté soient marginalisés, exclus ou connaissent un parcours scolaire à part ; on veut qu’ils aient un parcours scolaire le plus « normal » possible. Par contre, c’est implanté en pleine vague de compressions budgétaires. Certains groupes d’adaptation scolaire sont fermés de façon précipitée pour faire des économies. Évidemment, pour les commissions scolaires, ça coûte moins cher que les élèves en difficulté soient dans une classe régulière, avec des ratios de 26 ou 27 élèves par classe, plutôt que dans un groupe spécial où ils sont environ 12 ou 13. Cette intégration entraîne une complexification de la tâche pour les enseignantes qui, au début des années 1980, ne reçoivent pas, ou très peu, de formation pour accompagner les élèves en difficulté. Au même moment, des ressources se font couper, par exemple en orthopédagogie. C’est donc une situation difficile, autant pour les enseignantes que pour les élèves et leurs parents.
À partir de 1982, il y a aussi une refonte des programmes pédagogiques et des méthodes d’évaluation. La pédagogie par objectifs, qui est imposée par le ministère de l’Éducation, vise une évaluation qui est beaucoup plus serrée, plus précise, et qui est donc plus exigeante pour les enseignantes. Les décrets retirent également certaines clauses qui garantissaient une consultation et une autonomie des enseignantes en matière d’outils d’évaluation et de méthodes pédagogiques. C’est certain que l’intégration des élèves en difficulté ou le nouveau régime pédagogique, ce ne sont pas des mesures néolibérales en soi, mais si on les situe dans leur contexte plus large – compressions budgétaires, précarisation, réduction des ressources, décret des conditions d’emploi –, on constate que ça complexifie et ça alourdit la charge de travail de façon importante. D’une certaine façon, l’État peut forcer une plus grande « productivité » chez les enseignantes en leur imposant un plus grand nombre d’élèves – dont les besoins sont plus complexes – et plus d’heures d’enseignement.
Dans le secteur de la santé, il y a aussi une précarisation de l’emploi assez majeure. Beaucoup de postes à temps plein sont abolis au profit de postes à temps partiel, occasionnels ou sur appel. Alors qu’au début des années 1980, on avait une majorité de postes à temps complet dans le secteur hospitalier, à la fin de la décennie, on a une majorité de postes à temps partiel ou occasionnels. Il y a vraiment un basculement. Les équipes soignantes sont de plus en plus instables parce qu’il y a plus de roulement et plus de remplacements, et il y a moins de gens qui sont là de façon permanente. Sur le plan de la charge de travail au quotidien, ça devient beaucoup plus complexe parce qu’il y a moins de stabilité et de prévisibilité. Quand il y a des patients avec des problèmes qui sont plus lourds, le personnel expérimenté doit les prendre en charge, alors que les infirmières ou les préposées qui sont là en remplacement ne peuvent pas nécessairement assurer ce travail complexe.
Dans les hôpitaux, on observe plusieurs mesures de privatisation, de sous-traitance, de taylorisation et de rationalisation du travail. Les services auxiliaires comme la buanderie, l’entretien ménager ou les services alimentaires, sont particulièrement touchés. À partir des années 1980, il y a beaucoup de sous-traitance dans les buanderies. Plutôt que le linge d’hôpital soit nettoyé dans chaque établissement, des appels d’offre sont lancés et ce travail est désormais réalisé dans des centres externes, par des entreprises privées ou par d’autres hôpitaux. On met en compétition les fournisseurs pour réduire les coûts, quitte à diminuer la qualité du travail et les conditions des employé·es. Dans certains cas, ce sont même des prisons qui reçoivent des contrats de buanderie, et donc les prisonniers font ce travail à moindre coût et avec peu d’équipement et de protection face aux risques de contact avec le linge d’hôpital contaminé.
Du côté de l’entretien ménager, certaines administrations hospitalières engagent des firmes externes pour observer et évaluer les préposé·es à l’entretien, puis leur imposer une séquence de gestes pour accélérer leur cadence et nettoyer plus d’espace en moins de temps. Certains outils de travail plus lourds ou plus difficiles à manier sont imposés pour accroître le rythme de travail et la productivité. Dans les services alimentaires, plus d’aliments sont préparés à l’externe, congelés, puis envoyés à l’hôpital, plutôt que d’être apprêtés sur place. Quelques hôpitaux décident d’octroyer des contrats de sous-traitance pour les services de cafétéria ou de casse-croûte. On assume que les hôpitaux sont restés des établissements publics, mais à l’interne, il y a beaucoup de privatisation et de sous-traitance qui s’est faite depuis les années 1980. Il y a même un hôpital qui a été acheté par la firme Lavalin en 1986, c’est toute une histoire.
Certaines techniques « taylorisantes » ont été imposées, par exemple ce que les préposé·es aux bénéficiaires appelaient le système « car wash ». Avec ce système, les patient·es qui avaient besoin d’être lavé·es, par exemple des personnes non autonomes ou en hôpital psychiatrique, passaient par une espèce de « chaîne de montage ». Plutôt que ce soit une seule personne préposée qui lave le patient du début à la fin, il y avait un préposé qui déshabillait, l’autre qui lavait, l’autre qui séchait, l’autre qui rhabillait. C’était comme une chaîne de montage, amenant une déshumanisation dans les services auprès des bénéficiaires. Dans les hôpitaux psychiatriques, les gens qui étaient déjà vulnérables, qui avaient déjà un lien fragile avec les préposé·es, ont vécu ça très durement. C’est déshumanisant, ça brise la confiance et ça ne donne pas un soin de qualité. Cette pratique a évidemment été dénoncée et contestée par les syndicats. Comme je disais plus tôt, on connaît relativement bien les grèves et les lois spéciales des années 1980, mais c’est fondamental de voir ce qui se passe à l’intérieur des écoles et à l’intérieur des hôpitaux. C’est ça qui permet de comprendre l’impact et la violence des réformes néolibérales dans le quotidien des gens, et de voir leurs résistances aussi.
« Dans les années 1980, il y a une crise de la reproduction sociale qui découle de la transition néolibérale. C’est-à-dire que face à un désengagement de l’État dans la prise en charge de certaines responsabilités sociales, les individus, les familles et les communautés sont de moins en moins aptes à répondre à leurs besoins en matière de soins, d’éducation et de soutien.
Les femmes, en particulier, se retrouvent prises en étau entre la nécessité économique de travailler à temps plein, l’absence de sécurité d’emploi, l’accroissement de leurs responsabilités et le manque de services pour les décharger de leur fardeau domestique. Mais cette situation de crise met encore plus de l’avant la nécessité de lutter pour avoir accès à des garderies et à des congés de maternité ou des congés parentaux ; de lutter pour que le travail des femmes cesse d’être dévalué. Les contradictions amènent des luttes, c’est important de le souligner. »

Je pense que tu as raison, parce que même si les grèves sont des moments révélateurs, c’est dans le quotidien qu’on saisit les restructurations et leur portée. En ce sens, je voulais te demander, comme tu as procédé à beaucoup d’entrevues, qu’est-ce que les travailleuses enseignantes ou infirmières se rappellent de la décennie ? Comment elles ont vécu cette restructuration du travail ? Puis comment elles y ont résisté ?
C’est sûr que ça été des années extrêmement difficiles. Dans la mémoire syndicale et dans les publications sur le sujet, il y a cette idée que les luttes des années 1960-1970 avaient réussi à amener une certaine stabilité d’emploi et des conditions salariales plus intéressantes, et que dans les années 1980, finalement, il y a vraiment un ressac antisyndical. Il y a effectivement un « backclash ». Le gouvernement du Parti québécois se retourne contre les travailleuses et les travailleurs, mais c’est aussi tout le climat social qui se transforme. Le modèle de l’État-providence est remis en question. La propagande contre les syndicats et contre les employé·es du secteur public est très présente. C’était des années extrêmement difficiles. Pour les femmes qui travaillaient ou luttaient déjà, elles ont vécu les années 1980 comme un recul. Celles qui ont commencé leur carrière pendant cette période ont connu des années de précarité avant d’aspirer à une certaine sécurité d’emploi.
Mais ce que j’ai constaté aussi, c’est que les années 1980 ont été assez déterminantes pour les femmes dans le mouvement syndical. Et ça, c’est quelque chose dont les historiens du syndicalisme, comme Jacques Rouillard, ne parlent pas beaucoup. Dans plusieurs publications, les années 1970 sont souvent idéalisées comme une sorte d’âge d’or du syndicalisme, avec les fronts communs et des grèves majeures. Mais les femmes sont pratiquement absentes des directions syndicales. Quand on pense au front commun de 1972, on voit surtout les trois chefs syndicaux, Marcel Pepin, Louis Laberge et Yvon Charbonneau. On connaît bien certaines figures comme Michel Chartrand ou Norbert Rodrigue, mais les femmes qui forment la majorité des employé·es du secteur public, elles sont pratiquement invisibles. Certes, il y a des comités syndicaux de condition féminine qui sont créés à partir de 1973, mais c’est surtout dans les années 1980 que les revendications des femmes auront plus de visibilité dans le mouvement syndical. Comme une participante à mon étude a expliqué, durant cette période, il fallait non seulement lutter pour conserver des acquis, mais il fallait aussi se battre pour aller chercher de nouveaux gains pour les femmes, comme des congés de maternité, l’accès aux garderies ou l’équité salariale.
La décennie 1980 n’apporte pas que des reculs dans le mouvement syndical ; c’est aussi un moment crucial pour l’entrée des femmes dans certains postes de pouvoir syndicaux et pour l’avancement des revendications féministes. Par exemple, la négociation de 1989 a été très importante en ce qui concerne l’équité salariale. C’est aussi pendant cette période que l’accès aux congés de maternité est élargi, notamment pour les employées à statut précaire. Le leadership syndical se transforme également. L’arrivée de Monique Simard comme vice-présidente de la CSN, en 1983, est assez déterminante. En 1987, les trois fédérations d’infirmières fusionnent pour créer la FIIQ et la nouvelle présidente, Diane Lavallée, va jouer un rôle important dans les négociations suivantes. En 1988, Lorraine Pagé est élue à la tête de la CEQ et devient la première femme présidente d’une centrale syndicale au Québec. C’est donc un changement significatif par rapport aux années 1970, où les chefs syndicaux étaient tous des hommes. À la fin des années 1980, on voit au contraire des femmes qui tiennent tête au gouvernement et qui dénoncent les réformes néolibérales et leur impact sur les femmes. Et il y a beaucoup à dénoncer, car les conséquences sont nombreuses ; pas seulement pour les travailleuses du secteur public, mais aussi pour toutes les femmes en tant qu’utilisatrices des services publics et comme principales bénéficiaires des politiques sociales de l’État.
Par exemple, si le gouvernement coupe les soins à domicile, ce sont des femmes qui s’occupent des personnes vulnérables à la maison. Si le gouvernement n’investit pas dans les garderies, ce sont encore les femmes qui se retrouvent avec des services de mauvaise qualité ou qui sont inaccessibles. Quand on observe les luttes des femmes durant cette décennie, on se rend compte que c’est vraiment une période intéressante pour ça. C’est une période où les femmes ont été très combatives, très mobilisées. Si on regarde la grève des infirmières en 1989, ça prenait du courage pour défier la loi 160 [Loi assurant le maintien des services essentiels dans le secteur de la santé et des services sociaux] qui était en vigueur : les grévistes s’exposaient à la perte de deux ans d’ancienneté par jour de grève. Pour que les infirmières s’engagent dans un conflit comme ça, il leur fallait de la combativité. Autrement dit, c’est vrai que les années 1980 sont marquées par les attaques du patronat et de l’État, mais c’est aussi une période de luttes et de courage des femmes, une époque de revendications féministes très fortes.

La tension monte entre les travailleuses en CPE et le gouvernement

Des perspectives de la gauche écosocialiste et écoféministe
La nouvelle période est caractérisée par la prise du pouvoir par des partis d'extrême droite dans différentes parties du monde, dont celle du parti de Donald Trump aux États-Unis. Cette situation pose une série de défis à la gauche écosocialiste et écofémiste et à l'ensemble de la gauche politique et sociale dans le monde, au Canada et au Québec. Québec solidaire est également confronté à ces défis et doit élaborer un programme, des stratégies et des actions pour y faire face. Pour ce faire, il est important que s'ouvre un large débat dans la gauche politique et sociale, et plus particulièrement au sein de Québec solidaire.
A. La nouvelle situation politique et les fondements de la nécessité d'une orientation écosocialiste
Notre projet politique doit s'inscrire dans une situation politique singulière. Un des éléments essentiels de la conjoncture politique est la victoire de Trump et les nouvelles orientations qu'il met de l'avant : a) des menaces de s'approprier le Groenland et le canal de Panama par une intervention militaire ; b) la multiplication des tarifs contre la Chine et contre des alliés, comme l'Europe et le Canada ; c) la défense des énergies fossiles contribuant à approfondir la crise climatique ; d) une offensive généralisée contre l'État social et les classes ouvrières et populaires des États-Unis et de l'ensemble des pays impérialistes ; e) des mesures favorisant la concentration de la richesse et le démantèlement des services publics ; f) le soutien aux partis d'extrême droite du monde ; g) la consolidation des politiques de prédation des ressources naturelles jusqu'à la remise en cause radicale des relations internationales marquées par le droit ; h) la militarisation des économies et la préparation à des guerres avec les puissances impérialistes concurrentes.
Comme l'écrit Romaric Godin : « Soyons clairs : les États-Unis ne deviennent pas impérialistes avec Trump, mais cet impérialisme change de nature. Il ne laisse plus la place à l'illusion de la souveraineté, il ne s'embarrasse pas de contreparties. Ce que cherche la nouvelle administration, c'est une vassalisation complète où les intérêts économiques des États-Unis seraient sanctuarisés. C'est un impérialisme de prédation. »(Le monde diplomatique, janvier 2025)
La présence d'un parti néofasciste à la tête de la plus grande puissance impérialiste, voisine du Canada, va avoir un impact majeur sur la politique canadienne et sur la politique québécoise. Déjà, les élections fédérales sont déterminées par la question de ce qui rendra possible une résistance aux politiques et aux pressions de Trump sur la politique canadienne. Son gouvernement menace le Canada de tarifs douaniers importants. Il pousse le Canada à fermer hermétiquement ses frontières et à adopter une politique migratoire d'expulsion des migrant-es et des sans-papiers. Il cherche à amener le gouvernement canadien à augmenter son budget militaire. Il a déjà amené le gouvernement libéral à promettre de lever toute restriction au développement de l'industrie pétrolière et gazière. Toutes ces pressions visent à soumettre les politiques du Canada aux intérêts du capital américain.
La politique québécoise sera également impactée par ces politiques et ces pressions. Legault se dit déjà d'accord pour se rendre aux demandes de Trump en ce qui concerne la politique migratoire. La politique de croissance de la production d'énergie et d'extraction minière du gouvernement de la CAQ ne pourra que renforcer la crise climatique. La perspective de souveraineté sera également impactée par les positions que prendra l'administration Trump à cet égard. Où mènera la volonté du PQ de ne pas heurter l'impérialisme de son voisin ? Comment sera posée la perspective de la souveraineté et d'un éventuel référendum dans un tel contexte ? Nous devons approfondir nos discussions à ce niveau.
B. Pour une stratégie écosocialiste et écoféministe de rupture avec la domination capitaliste
La stratégie que la gauche écosocialiste et écoféministe doit défendre s'oppose à une stratégie électoraliste pour la construction d'un parti de gouvernement se voulant réaliste. La stratégie écosocialiste vise à construire le pouvoir dans la société par le renforcement de l'expression démocratique, de la combativité et de l'unité des différents mouvements sociaux antisystémiques.
La ligne de rupture que nous proposons, tant à la gauche sociale qu'à Québec solidaire, vise à rallier une majorité populaire. C'est celle de la lutte pour la mise en route d'un Québec indépendant qui nécessitera :
• la remise en question de l'exploitation de nos ressources naturelles et de notre énergie par des multinationales étrangères ;
• la planification démocratique de nos choix d'investissements pour une transition écologique juste et véritable qui s'oppose au capitalisme vert des gouvernements en place, favorise une décroissance dans l'utilisation des énergies et des ressources et une production centrée sur les besoins et le bien-vivre ;
• la mise en place d'institutions politiques d'un Québec indépendant dépassant la démocratie représentative, ce qui se fera dans le cadre de l'élection d'une constituante visant l'établissement d'une république sociale ;
• la lutte pour une société écoféministe assurant la fin de la domination patriarcale ;
• le développement de nos services publics contrôlés par les usagers et les usagères et les personnes qui y travaillent ;
• le refus de laisser dans la marge des secteurs de la société privés de droits, comme ceux des travailleurs et travailleuses temporaires et des sans-papiers ;
• la liberté de circulation et d'installation de toutes les personnes migrantes ;
• l'éradication du racisme systémique qui touche tant les peuples autochtones que les autres secteurs racisés de la population ;
• une politique linguistique qui défend l'usage du français comme langue commune, mais qui refuse de faire des personnes immigrantes la cause du manque d'attractivité de la langue française ;
• le rejet d'une laïcité identitaire qui essentialise la réalité de la nation et
• la promotion d'un altermondialisme anti-impérialiste et antimilitariste visant l'émancipation des peuples.
C. Pour concrétiser ces perspectives stratégiques
Afin de rendre concrètes ces perspectives, nous devons travailler à l'atteinte d'objectifs politiques centraux s'articulant comme suit :
• Donner la priorité à l'intervention dans les mouvements sociaux comme forces essentielles de transformation sociale et d'émancipation.
• Construire une gauche écosocialiste dans les mouvements sociaux – des ailes gauches des mouvements autour de perspectives précises – mouvement syndical, mouvement écologiste, mouvement féministe et mouvement des jeunes.
• Proposer des orientations précises dans les débats au sein de Québec solidaire pour contrer les perspectives de recentrage du parti, ce qui implique l'élaboration de tout un éventail de propositions (au niveau du programme, de la plate-forme, de campagnes et d'initiatives militantes).
En mettant le cap sur cette orientation et pour atteindre ces objectifs, les médiations organisationnelles qui s'imposent sont les suivantes :
• Appuyer résolument les mobilisations sociales en cours et favoriser leur convergence dans un front uni des luttes contre l'antisyndicalisme, notamment le projet de loi 89, l'austérité et l'extrême droite (voir la résolution du Comité d'action politique provisoire intersyndical au 22e Conseil national de Québec solidaire).
• Faire connaître publiquement les débats qui traversent la gauche politique en tenant des assemblées publiques tenues sur une base régulière en collaboration avec des militant-es de la gauche sociale.
• Regrouper la gauche radicale au sein de Québec solidaire autour de cette lutte programmatique et de la défense de différentes initiatives.
La gauche écosocialiste et écoféministe vise à construire un regroupement de la gauche politique et de la gauche sociale des différents mouvements sociaux. Elle va également proposer une telle orientation à Québec solidaire. Ces perspectives visent à répondre aux défis de la nouvelle période.
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Élections canadiennes : quand les partis parlent dans le vide
J'avoue ma frustration : dans cette campagne électorale, aucun parti ne s'adresse à moi.
Leurs messages se perdent dans une masse éthérée, impersonnels, enfermés dans des slogans stériles et un langage qui fuit la réalité de la rue. Autour de moi, les gens répètent comme un mantra : "Ils se ressemblent tous". Et ils n'ont pas tort. Mêmes costumes, mêmes gestes de courtoisie vide, même défense du système. Les différences sont minimes, comme si le jeu politique consistait à se fondre dans le décor et à laisser les couleurs parler à leur place : bleu, rouge, orange, vert.
Les oranges et les verts - soi-disant progressistes - ont opté pour un ton poli, presque complaisant.
Cette obsession de préserver les apparences m'inquiète quand le monde brûle :
Gaza : plus d'un an et demi de génocide, avec des familles entières qui voient mourir les leurs jour après jour.
Trump : une guerre économique qui menace de laisser des milliers de Canadiens sans emploi.
La crise : emplois précaires, salaires insuffisants, expulsions, vies brisées par un système qui rejette les gens.
Face à la peur et à la frustration populaire, les partis de gauche (orange et vert) persistent à céder du terrain aux rouges libéraux, comme si le respect des élites valait plus que la justice.
Je parle avec mes voisins, avec des travailleurs, avec ceux qui souffrent : ils fuient les partis comme la peste. Pourquoi ? Parce qu'ici règne un consensus tacite de paix sociale, une fiction où le conflit est balayé sous le tapis. Les rues pourraient brûler par nécessité, mais eux continueraient à parler d'"unité" et de "dialogue".
Nous - ceux qui vivons au quotidien dans le conflit - n'avons pas notre place dans ce récit. Ceux qui craignent l'expulsion, qui pleurent les morts de Gaza, du Soudan ou du Congo, qui survivent avec trois jobs et n'arrivent toujours pas à joindre les deux bouts. Pour nous, il n'y a pas de discours.
S'ils voulaient vraiment nous parler, les partis devraient :
Descendre dans la rue : soutenir nos luttes par des actes, pas par des prospectus.
Apprendre notre langage : abandonner le jargon politique et parler clairement, sans filtre.
Se salir les mains : faire partie de notre réalité, pas être des touristes de la souffrance d'autrui.
Un jour, les oranges et les verts comprendront pourquoi ils ne gagnent jamais : nous avons besoin de souris qui défendent les souris, pas de chats déguisés. Je voterai orange, oui, mais mes voisins - crevés et dégoûtés - ne feront même pas l'effort de les distinguer. Et qui pourrait leur en vouloir, quand même les couleurs semblent se dissoudre dans le même brouillard.
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La dimension humaine oubliée

La politique sexuelle de la viande
« Les batteurs de femmes ont souvent employé l'absence de viande comme prétexte pour leurs gestes brutaux. Ce n'est pas le fait que les femmes ne servent pas de chair qui constitue le motif de la violence perpétrée à leur endroit. Les hommes dominateurs l'utilisent, comme ils le font d'autres facteurs, à titre d'excuse pour leur violence. Mais puisque les « vrais » hommes mangent de la viande, les agresseurs disposent d'un symbole culturel duquel tirer parti afin de détourner l'attention de leur besoin de contrôle. »
La politique sexuelle de la viande
Parution le 1 avril 2025 au Québec
Dans ce livre culte publié en 1990 aux États-Unis, Carol J. Adams propose une analyse percutante de l'intersection entre virilité et exploitation animale. Elle montre que la domination patriarcale repose autant sur le massacre des animaux que sur le contrôle et l'objectivation du corps des femmes.
Ses analyses littéraires, sociologiques, historiques et médiatiques permettent d'élaborer la thèse du « référent absent » et de révéler les structures communes du sexisme, du racisme et du spécisme. Insistant sans détour sur la nécessité de la convergence des luttes, l'autrice nous rappelle qu'il est « plus que temps de nous pencher sur la politique sexuelle de la viande, car elle n'est pas séparée des autres questions urgentes de notre époque ».
Comment combattre l'oppression des femmes et des groupes minorisés si nous sommes incapables d'admettre la violence du régime carné ? Trente-cinq après sa parution originale, ce classique est toujours aussi pertinent.
« Le lien entre domination et consommation de chair ne relève pas du hasard. Depuis des décennies, toute avancée féministe s'accompagne d'une résistance cherchant à réaffirmer un ordre hiérarchique traditionnel – et la viande n'en est qu'un symbole parmi d'autres. »
Extrait de la préface par Élise Desaulniers
CAROL J. ADAMS est militante féministe végane, chercheuse indépendantes et autrices de nombreux essais et articles. Son ouvrage le plus célèbre est sans contredit La politique sexuelle de la viande. Traduit dans plusieurs langues et maintes fois réédité, l'essai célèbre cette année, son 35ᵉ anniversaire.
ÉLISE DESAULNIERS est directrice générale de la Fondation Dépendances Montréal. De 2017 à 2022, elle a été directrice générale de la SPCA de Montréal. Elle est également chercheuse indépendante et l'autrice des essais Je mange avec ma tête (Stanké, 2011), Vache à lait (Stanké, 2013) et Le défi végane 21 jours (Trécarré, 2016) traduits en plusieurs langues et adaptés pour la France. En 2019, elle a publié avec Patricia Martin Tables véganes (Trécarré) qui s'est mérité le Taste Awards d'or du meilleur livre de recettes au Canada (cuisine régionale et culturelle).
Pour marquer la parution des nouvelles éditions francophones de La politique sexuelle de la viande, Élise Desaulniers, éditrice à L'Amorce et préfacière de l'édition québécoise, a pris l'initiative d'inviter Carol J. Adams, autrice de l'ouvrage, et Nora Bouazzouni, préfacière de l'édition française, à partager leurs perspectives. Ces trois voix féministes et véganes, issues de différents horizons, explorent les interconnexions entre patriarcat, carnisme et contrôle des corps. Dans cet échange informel, nourri par une actualité brûlante, elles abordent les stratégies réactionnaires visant à restreindre les droits des femmes et les luttes antispécistes, ainsi que la montée des discours masculinistes et carnistes, et envisagent ensemble des pistes de résistance.
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Québec solidaire doit refuser de se taire durant la campagne électorale fédérale
Le Cahier de propositions en direction du 22e Conseil national devant se tenir les 5 et 6 avril 2025, rappelait la posture traditionnelle du parti : Il est proposé qu'en prévision des prochaines sélections fédérales et des élections générales qui se tiendront à l'automne :
a) Les instances de Québec solidaire (Comité de coordination national, comités de coordination régionaux et locaux, Aile parlementaire, etc.) n'appuient directement ou indirectement aucun parti ou candidature ;
b) Que ce devoir d'impartialité s'applique également aux personnes élues des instances nationales de Québec solidaire ainsi qu'aux porte-parole des instances locales et régionales ;
c) Qu'aucune ressource humaine, logistique, informationnelle ou financière de Québec solidaire et de ses instances ne soit mise à la disposition d'un parti politique fédéral ;
d) Que les autres membres de Québec solidaire, sur une base individuelle, soient invités à soutenir le parti qui représente le mieux leurs valeurs en s'engageant à y défendre les principes et le projet de société de Québec solidaire ;
e) Que Québec solidaire et ses instances profitent de la campagne fédérale pour inviter les partis fédéraux à se positionner sur différents enjeux en accord avec le programme de Québec solidaire.
Le document ajoutait également : « Il est à noter que, si les élections fédérales sont déclenchées avant le 5 avril 2025, le Comité de coordination national reconduira la posture choisie en 2019 et la communiquera aux associations. » Comme les élections fédérales ont été déclenchées avant le 5 avril 2025, le Cahier de synthèse, publié le 25 mars 2025, faisait remarquer que « la posture du parti relative aux élections fédérales ne figure plus à l'ordre du jour ».
Pourtant, il aurait été utile de discuter des élections fédérales et de discuter et de préciser les nécessaires positionnements sur les différents enjeux dans le cadre de cette campagne électorale, comme l'invité le point e) de la proposition traditionnelle du parti. Au lieu de cela, on a mis de côté ces importantes discussions politiques et Québec solidaire se cantonnant dans son rôle de parti provincial gardant le silence sur l'action de l'État fédéral au Québec. Mais, il n'est pas trop tard pour sortir de cet apolitisme et pour préparer des interventions d'un parti indépendantiste véritable dans le cadre de la campagne électorale actuelle.
Sans remettre en question la posture visant à ne pas prendre position envers un parti lors des prochaines élections fédérales, il apparaît nécessaire que Québec solidaire se prononce sur des enjeux essentiels. Ces prises de position se situent dans le cadre de la défense de l'indépendance du Québec et en solidarité avec la classe ouvrière du Reste du Canada et avec les Premières Nations.
Pour actualiser le point e) et agir politiquement comme un parti indépendantiste dans le cadre de cette campagne, Québec solidaire devrait intervenir pour défendre les principes suivants :
• L'opposition au développement des énergies fossiles et le refus de la construction de pipelines ou de gazoducs.
• Le refus d'abolir les privilèges fiscaux des plus riches et l'affirmation de la nécessité de réformer la fiscalité pour la rendre plus juste et plus redistributive.
• L'opposition à l'augmentation de l'inflation et la revendication d'un contrôle des prix des aliments et des logements.
• La dénonciation de toute remise en question du droit à l'avortement.
• L'exigence de l'éradication des discriminations raciales et la proclamation du droit à l'autodétermination du Québec et des Premières Nations.
• Le refus de l'augmentation des budgets militaires aux dépens des dépenses sociales
• La fin de toute collaboration avec l'administration Trump sur le contrôle des frontières et l'ouverture à la circulation et à l'installation des personnes migrantes.
• La proclamation que c'est par l'indépendance articulée à un projet de société égalitaire que le Québec pourra le mieux défendre les intérêts de la majorité populaire, sa culture et la langue française contre les projets impérialistes de domination économique, politique et culturelle.
• La nécessaire alliance de la majorité populaire du Québec avec les classes ouvrières et populaires du ROC et les nations autochtones.
En intervenant sur ses propres bases, Québec solidaire ferait la preuve qu'il est un véritable parti indépendantiste qui sait lier son projet national d'en finir avec le fédéralisme oppresseur à son projet d'émancipation sociale.
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Une comparaison qui ne trompe pas : Le trumpisme en nazisme de notre temps !
Malheureusement, la triste réalité est que, grâce surtout à Trump et ses plus proches collaborateurs*, le spectre de Hitler plane de nouveau sur l'Europe et le monde !* L'évènement est de taille car imprévu et n'entrant pas dans les calculs de tous ceux (médias, gouvernants, experts et autres « politologues ») qui nous assuraient que leur système avait appris la leçon et était désormais immunisé contre de telles… « folies ».
Cependant, le fait est que même les plus hésitants et incrédules d'eux commencent -enfin- à admettre cette triste réalité et à en parler. On ne peut que s'écrier mieux vaut tard que jamais. Toutefois, la confusion persiste : Trump est-il fasciste seulement parce qu'il prend des poses qui rappellent Mussolini ? Et Musk parce qu'il fait le salut nazi ? Évidemment, tous ces comportements ne sont pas à négliger, mais qualifier quelqu'un de fasciste ou de néonazi est une chose pleine d'implications trop importantes, et demande beaucoup plus que des références aux comportements et aux signes extérieurs de l'intéressé.
Alors, force est de constater que la meilleure preuve du fascisme de Trump et de ses amis, est celle offerte par leurs actes, par ce qu'ils sont en train de faire depuis qu'ils se sont installés à la Maison Blanche. Car, on s'empresse de dire que ce que le triumvirat de Trump, Musk et Vance fait depuis deux mois fait penser à ce qu'ont fait… Hitler, Goering et Goebbels durant leurs deux premiers mois au pouvoir. Et voilà tout de suite de quoi il s'agit à l'aide de l'excellent et tellement utile livre *« Le monde nazi 1919-1945 »(1)* dont les auteurs Johann Chapoutot, Christian Ingrao et Nicolas Patin nous avertissent opportunément que les nazis de 1933 ne sont pas encore les nazis génocidaires qu'ils sont devenus pas la suite, ils ne sont pas encore * « les ordonnateurs de Treblinka et de Birkenau, les concepteurs de Auschwitz…Ce sont des gens fréquentables ».* Alors, ayant cet avertissement préalable bien en tête, comparons ce qui est comparable, les deux premiers mois au pouvoir de Trump et de Hitler.
Tout d'abord, il y a cet extrême empressement, commun à Trump et à Hitler, à frapper simultanément vite et fort sur tous les fronts, afin de créer des faits accomplis et ne pas laisser aux adversaires le temps de s'organiser.
Chez Trump on a une avalanche (plusieurs centaines) des décrets signés et exhibés fièrement par lui-même. Dans le cas de Hitler, on a « *une pluie de décrets-lois qui s'abat sur l'Allemagne* ». Dans les deux cas, on constate le même souci des autocrates de « *mettre au pas* » leurs sociétés, de ne pas leur laisser le temps de comprendre ce qui leur arrive. Et également dans les deux cas, on a ces avalanches de décrets qui transforment déjà radicalement les deux pays au temps record de deux mois (!), à l'initiative du seul chef, et sans que le conseil de ministres se réunisse plus d'une fois en 60 jours ! Et tout ça en violant souvent allégrement toute légalité y inclue celle des constitutions…
Mais, qui sont ceux qui, en toute priorité, se trouvent dans le viseur de ces centaines de décrets-lois tant de Trump que de Hitler ? C'est l'État et ses fonctionnaires qu'il faut purger en masse, par centaines de milliers ! Pourquoi ? Mais, pour éliminer ceux qui sont des « ennemis", les juifs et les « marxistes » et autres gens de gauche pour les nazis. Ou ceux dont l'objet de leur activité professionnelle (changement climatique, genre, droits et libertés démocratiques, sécurité sociale, minorités, humanitaire, …) est jugé incompatible avec le trumpisme. Et aussi, pour mettre au pas les restants, et surtout pour terroriser et paralyser tous les autres, en créant et en propageant un climat de peur et d'insécurité générale !
Si cette véritable purge des fonctionnaires occupe une place de choix dans le projet plus qu'autoritaire des deux autocrates, il faut avouer que Trump et ses fidèles « innovent » et ne suivent pas à la lettre l'exemple des nazis allemands quand ils n'attaquent pas seulement les enseignants mais aussi l'éducation en tant que telle, allant jusqu'à faire disparaître le ministère de l'éducation ! De même avec la recherche et les sciences en général, qui ne sont pas du goût du trumpisme, lequel leur préfère ostensiblement les références…bibliques. *C'est le côté obscurantiste, rustre, inculte et aussi religieux intégriste du trumpisme (et aussi, de Trump lui-même)* qui le différencie des nazis lesquels préféraient endoctriner et embrigader plutôt que licencier les universitaires. C'est d'ailleurs pourquoi les rangs des SS étaient pleins, au moins jusqu'en 1943, de jeunes avocats, juristes, diplômés en sciences et même d'universitaires…
Si Trump se montre tout autant que Hitler empressé de « normaliser » l'armée, les services et les polices, force est de constater qu'il le fait beaucoup plus brutalement que le dictateur allemand. Là où le Führer allemand choisit d'amadouer ses généraux, se limitant à destituer ceux dans la police qui sont très marqués à gauche, Trump préfère purger tout de suite tout l'état-major et l'ensemble des directions des services secrets et du FBI !
D'autre part, à distance de 90 ans, tant le trumpisme que le national-socialisme ont attaqué, en toute priorité et avec la même brutalité, les juges et la justice de leurs pays, foulant aux pieds la séparation des pouvoirs. Mais, là où Hitler a procédé à une grande purge éliminant d'un coup les juges « non-aryens », Trump se limite pour l'instant à attaquer verbalement, mais avec une rare violence, les juges qui lui résistent, toute en destituant ou contraignant à démissionner des dizaines de procureurs et offrant à des milliers d'employés du département de justice des compensations s'ils se décident de démissionner.
Une autre priorité de ces deux régimes liberticides est leur empressement de se retirer des organisations internationales. Hitler l'a fait tout de suite en faisant sortir l'Allemagne nazie de la Société des Nations, tandis que, pour l'instant, Trump préfère retirer son pays de plusieurs traités et organisations internationales (climat, santé, droits humains…), pendant que son bras droit Elon Musk annonce que les Etats-Unis attendent le moment propice pour se retirer de l'ONU et de l'OTAN…
Mais, encore plus révélatrice des affinités électives de deux régimes, est leur *commune haine viscérale pour les droits et les libertés démocratiques* les plus élémentaires, dont la liberté d'expression. C'est ainsi qu'une fois au pouvoir, Trump et Hitler ont attaqué frontalement et en toute priorité les médias, Hitler en occupant leurs locaux, en saisissant leurs rotatives et en licenciant leurs journalistes, et Trump en interdisant à plusieurs d'entre eux l'accès à l'information et en menaçant ouvertement de faire disparaître les autres s'ils ne se soumettent pas à ses désirs.
Tout cela étant dit, *ce qui unit le plus Hitler, Trump et leurs acolytes est leur commun délire raciste ! *Le racisme principalement anti-juif et « accessoirement » anti-gitan et anti-homosexuel pour Hitler, et le racisme principalement anti-migrant et « accessoirement » anti-homosexuel, anti-trans et misogyne pour Trump. C'est ainsi que les juifs pour l'un et les migrants pour l'autre servent de parfaits boucs émissaires pour tous les maux, vrais ou imaginaires, de nos sociétés. Et cela afin de dédouaner d'avance les chefs et leurs régimes de leurs échecs et de leurs responsabilités, mais aussi afin d'offrir les victimes juifs ou migrants de ce racisme d'État en pâture à la base raciste et suprématiste de ces deux régimes. Détail éloquent : Nos gouvernants pourfendeurs du racisme de Trump et de Hitler, refusent d'accueillir les juifs chassés par l'un et les migrants chassés par l'autre. Évidemment, à la grande satisfaction de deux tyrans qui, tout en dénonçant, pour une fois à juste titre, l'hypocrisie de nos libéraux occidentaux…se sentent avoir les mains libres pour déporter et enfermer dans des camps jadis les juifs, et maintenant les migrants.
Et pour terminer, comment ne pas penser que Trump s'inspire de l'exemple hitlérien quand on le voit faire du Canada son… Autriche auquel il veut imposer son…Anschluss, pour l'annexer et le transformer, « par tous les moyens », en 51e état des Etats-Unis d'Amérique ? Ou aussi, quand il remplace le tristement célèbre *lebensraum* (espace vital) hitlérien par ses propres « besoins de la sécurité nationale » des Etats-Unis pour « justifier » ses prétentions sur le Panama ou le Groenland, lesquelles d'ailleurs n'ont rien à envier à celles de Hitler sur la Tchécoslovaquie ou la Pologne ?
Et enfin, que dire du véritable guet-apens tendu à la Maison Blanche au Président Ukrainien Volodymyr Zelensky par Trump et Vance, lequel ressemble comme deux gouttes d'eau à celui tendu en 1939, à la chancellerie de Berlin, au Président de la Tchécoslovaquie *Emil Hacha *par Hitler et Goering ? La seule différence est que tandis que *Zelensky* a résisté aux menaces et à l'humiliation, le pauvre Hacha terrorisé et au bord de la crise cardiaque, a cédé, signant la fin de son pays…
Conclusion : depuis deux mois, tout se fait à la Maison Blanche comme si Trump suivait presque à la lettre les conseils d'un manuel d'action qu'aurait ecrit Hitler lui-meme. C'est d'ailleurs pourquoi ceux qui persistent à nier que Trump, Vance, Musk et leurs amis sont des fascistes pur-sang, font penser de plus en plus à tous ceux qui en 1939, persistaient à dire que « son Excellence le Chancelier Hitler » était peut-être un peu trop remuant mais qu'il allait se calmer, parce qu'en réalité, il ne voulait que la paix. On connaît la suite…
*Notes*
*1.**Le Monde nazi 1919-1945*, p.626, edit.Tallandier
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La gauche approuve l’impartialité de la justice !
Les Politiques véreux ont un faible pour l'abus du Pouvoir et ses mannes étourdissantes. Comme Sarkozy, Marine le Pen a succombé à la force de sa position et mangé dans le râtelier des « Ripoux » sur le dos des Européens (es). La figure de proue de l'Extrême Droite a été condamnée à 5 ans d'inéligibilité pour détournement de fonds publics.
De Paris, Omar HADDADOU
Des élus (es) du Peuple se figurant au-dessus de la Loi, se calent les joues jusqu'à l'asphyxie, par la magouille !
La torgnole infligée par la Juge Bénédicte de Pertuis, 63 ans, menacée de mort, selon l'AFP, par des Ultras de l'Extrême Droite, a fait le tour du monde. L'Eurodéputée et ancienne cheffe du Parti, Marine le Pen, n'a pas dérogé au cérémonial des Politiques hors caste, imbus (es) de leur Pouvoir et leur Liberté à extorquer l'argent du contribuable.
Piquer dans la caisse est devenu une Religion pour certains Députés (es) improbes ! La République avance avec ses panaches surfaits et ses souillures aspergées à l'eau bénite. La Gauche et ses Elus (es) en lutte contre les inconduites indécentes et gloutonneries financières de l'extrême Droite, ont contribué à la mise à nu de ces dérives politicofinancière. Des témoignages relayés par les médias publics et privés n'ont cessé de débusquer le train de vie fastueux de Marine le Pen, son entourage et sa famille politique.
Epaulée par la Bourgeoisie, les magnats de l'Industrie française et les médias, Marine le Pen, à l'instar de Sarkozy ( 2 avocats véreux ) est convaincue de ne pas y laisser ses plumes dans ce procès.
C'est avec condescendance qu'elle a quitté la salle d'audience du Tribunal Correctionnel de Paris, ce lundi 31 mars 2025, après l'annonce du jugement. La Cheffe de file du Rassemblement national a été condamnée à une peine de 4 ans de prison dont 2 fermes et 5 ans d'inéligibilité avec application immédiate, ainsi que 100 000 euros d'amende, au procès des assistants parlementaires du Front national.
L'immédiateté de l'application l'empêche de se présenter pour la quatrième fois au Elections présidentielles de 2027. Le Parti est condamné pour avoir profité de plusieurs millions d'euros du Parlement européen en vue de financer son parti le Rassemblement National (RN).
Il est de tradition que les partis politiques français piochent dans la caisse. Mais au niveau européen les dépenses sont très encadrées. D'où la sentence à l'encontre de l'élue qui doit se battre en faisant appel au plus tôt (trop tard selon les Juristes) pour la suspension de l'exécution. Sonnée, Marine le Pen ne s'avoue toutefois pas vaincue et s'en prend à la Justice : « Il tentent d'empêcher par tous les moyens mon accession à l'Elysée. C'est un jour funeste. Je ne vais pas me laisser éliminer. L'Etat de Droit a totalement été violé par la décision judiciaire dans des pratiques réservées aux régimes autoritaires », a-t-elle déclaré. Et le Président du RN, Jordan Bardella, de lui emboiter le pas, se dit « sous le choc d'une décision brutale et antidémocratique ».
Selon un sondage, 57% des Français (es) jugent cette décision normale au vu des faits reprochés. La Gauche a rappelé à ce titre la souveraineté de la Justice. Pour le Député socialiste, Emmanuel Grégoire, l'institution n'a fait qu'appliquer la loi : « Il y a un principe de séparation des pouvoirs. Les Juges sont formés (es) pour porter un jugement et à aucun moment on ne peut s'exonérer du respect de la Loi sous prétexte de légitimité démocratique. Ça n'existe pas ! » Puis son collègue Jérôme Guedj de préciser : « Le problème démocratique, ça a commencé par un détournement de Fonds publics et le non-respect d'une Loi ». Dans la même trajectoire, Alexis Corbière, Député écologiste et social, pointe : « Je rappelle que le RN est une force politique qui se fait connaître dans tous les débats pour que la Loi soit sévère. La Loi est appliquée et s'appliquera à tous et toutes ».
Jean Luc Mélenchon, voyant l'horizon de la Gauche se dégager à pas comptés, reste droit dans ses bottes en déclarant humblement : « LFI battra dans les urnes, le Rassemblement National ! »
Le Pouvoir politique opère des morales et des magies, celles de se nourrir de ses infamies !
O.H
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Donald Trump sème le chaos dans les sciences du climat
Travaux censurés, scientifiques empêchés, données inaccessibles... La purge de Donald Trump dans les sciences affecte les chercheurs français et leurs études. Les climatologues craignent de ne plus pouvoir travailler.
25 mars 2025 | tiré du site reporterre.net
https://reporterre.net/Donald-Trump-seme-le-chaos-dans-les-sciences-du-climat
C'est un cataclysme qui n'en finit pas de déferler sur la communauté mondiale des climatologues. Les attaques massives menées par le président étasunien Donald Trump contre les sciences dites « de la durabilité », dont celles du climat, ont des conséquences pour la recherche partout dans le monde. En France, de nombreux chercheurs oscillent entre sidération et craintes pour l'avenir.
« La situation m'affecte au niveau personnel : je connais très bien nos collègues aux États-Unis avec qui nous collaborons étroitement sur les cyclones tropicaux et leur lien avec le changement climatique. Ce sont les plus grands spécialistes du sujet, je me suis formé en interagissant avec eux », témoigne Davide Faranda, climatologue, chercheur au CNRS à l'Institut Pierre-Simon Laplace. « Ils sont sous le choc et travaillent dans une situation chaotique. Les menaces de fermetures de programmes ou de licenciements les empêchent de planifier quoi que ce soit. »
Les scientifiques les plus précaires, doctorants ou postdoctorants notamment, comptent parmi les plus menacés par les coupes budgétaires. Mais aucune institution n'est à l'abri, pas même les plus emblématiques : l'Observatoire du Mauna Loa, à Hawaï, qui mesure le CO2 dans l'atmosphère depuis 1958, est sur la sellette. Le gouvernement étasunien envisagerait de fermer en août prochain le bureau qui le gère sur place, selon une note fédérale récupérée par le New York Times.
« Mauna Loa est un site historique, pionnier. C'est celui qui a mis en évidence la hausse du taux de CO2 dans l'atmosphère. Le symbole serait extrêmement douloureux pour les climatologues, c'est comme si on arrêtait de financer le Louvre en France », souligne le climatologue Robert Vautard, coprésident du groupe de travail 1 du Giec, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat.
Sauver la continuité des mesures climatiques
Perdre les capacités d'observer le climat est ce que redoutent le plus les climatologues, tant l'ensemble des sciences du climat dépendent des observations. Elles sont indispensables pour vérifier et améliorer les modèles qui projettent les scénarios climatiques du futur, mais aussi pour comprendre les zones d'ombre restantes sur l'évolution de plusieurs sous-systèmes climatiques, dans un contexte de réchauffement qui ne fait qu'accélérer.
« La continuité des données d'observation est très importante. Même un trou de quelques années peut être dommageable, dit Robert Vautard. Imaginons par exemple que nous n'ayons pas les données des anomalies des années 2023 et 2024, qui ont pulvérisé les records de température : elles sont primordiales pour mieux comprendre les évolutions en cours. »
Or, pour observer l'ensemble du globe, la collaboration internationale est indispensable. Et les États-Unis ont toujours été un acteur majeur en la matière. C'est le cas, par exemple, dans l'observation des océans. Ceux-ci ont jusqu'à présent absorbé plus de 90 % de la chaleur générée par le changement climatique, et la compréhension de leurs mécanismes de régulation constitue un front de science crucial pour la climatologie.
« On préfère ne pas penser au scénario du pire »
Le programme international Argo, qui a permis le déploiement de 4 000 flotteurs sur l'ensemble des océans, récoltant des données abondamment citées dans les rapports du Giec, est ainsi financé à plus de 50 % par les États-Unis. Au travers, entre autres, de l'Agence étasunienne d'observation océanique et atmosphérique (NOAA).
Lorsque celle-ci a reçu l'ordre de Washington de couper tout contact avec ses collègues internationaux, dont ceux de l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer), les craintes d'une perte d'accès aux données et d'une baisse des financements de la flotte Argo ont été exprimées par le PDG de l'Ifremer.
« Pour l'instant, nous n'avons pas été impactés directement, rassure Claire Gourcuff, responsable scientifique de Euro-Argo, la partie européenne du projet qui finance le quart des 4 000 flotteurs. C'est une des forces d'Argo : les observations sont partagées avec toutes les équipes dans le monde, via deux centres qui centralisent toutes les données, l'un aux États-Unis et l'autre en France. »
Les données continuent — pour l'heure — de circuler, mais quid du renouvellement des flotteurs, dont la durée de vie n'excède pas 5 à 7 ans ? Les Européens, qui gèrent de nombreux flotteurs en Atlantique, pourraient difficilement combler un retrait étasunien du Pacifique. Perdre une partie du réseau de flotteurs serait d'autant plus dommageable que, avant le séisme Trump, l'ambition était au contraire d'augmenter le nombre et la performance des flotteurs, pour répondre aux interrogations des océanographes et des climatologues.
« On préfère ne pas penser au scénario du pire, dit Claire Gourcuff. Pour l'instant, on n'a pas trop de retours de nos collègues américains. Nous en saurons sans doute plus lors de la réunion scientifique annuelle d'Argo qui se tiendra à San Diego, en Californie, en avril. En attendant, tout fonctionne toujours très bien pour Argo. »
La menace des destructions numériques
Les craintes des chercheurs ne concernent pas seulement les nombreuses collaborations autour de l'observation de la Terre. L'étage supérieur, celui des simulations climatiques, est également touché. La construction de modèles dépend de l'accès aux données climatiques.
Les climatologues redoutent que les serveurs où celles-ci sont stockées soient victimes « d'autodafés numériques », de suppressions radicales similaires à celles orchestrées par l'administration Trump dans le domaine de la santé.
« La communauté internationale est en train de se préparer à une éventuelle fermeture des serveurs aux États-Unis. La volonté des collègues américains de répliquer la quasi-totalité des données vers le Royaume-Uni ou Paris démontre qu'il y a une vraie crainte que ces données soient perdues », pointe Roland Séférian, modélisateur du climat au Centre national de recherches météorologiques (CNRM).
Manifestation « Debout pour les sciences » à Paris, en solidarité avec les scientifiques étasuniens, le 7 mars 2025. © Hervé Chatel / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
Comme pour les observations, la logique de collaborations internationales est à la fois source de vulnérabilité aux soubresauts étasuniens et source de résilience, car tout ne dépend pas de ce qui se passe outre-Atlantique.
« Pour produire les nombreux modèles climatiques figurant dans les synthèses du Giec, il y a quatre groupes de modélisateurs aux États-Unis, sept en Europe, trois en Chine et de nombreux autres ailleurs dans le monde. Les États-Unis sont leaders, avec de très gros moyens de calcul. L'évolution en cours est bien évidemment dramatique, mais si un ou plusieurs groupes américains étaient empêchés, la production de modèles ne s'effondrerait pas non plus », tempère Roland Séférian.
Observations, échanges et sauvegardes des données, modélisations… L'omniprésence des États-Unis en climatologie leur confère logiquement une place de choix au sein du Giec. À titre d'exemple, sur les 842 auteurs du 6e rapport du Giec (excepté la synthèse finale), publié en 2021 et 2022, 91 travaillaient aux États-Unis, soit plus de 10 %.
Il s'agit, en outre, souvent de scientifiques expérimentés et jouant un rôle important dans le difficile travail de synthèse et d'écriture des rapports du Giec. À l'instar de Katherine Calvin, scientifique en chef à la Nasa et coprésidente du groupe de travail 3 du Giec depuis 2023, licenciée par Donald Trump et empêchée, ainsi que toute son équipe, de se rendre à une réunion de travail du Giec à Hangzhou, en Chine, en février dernier.
Combler les trous… jusqu'à quand ?
Comme souvent, depuis des mois, l'incertitude règne. « Il n'y avait aucun délégué des États-Unis à Hangzhou, mais nous n'avons eu aucune explication officielle. Nous n'avons aucune information suggérant un retrait des États-Unis du Giec », précise Robert Vautard.
Sur le moment, l'absence de l'équipe support étasunienne, qui devait organiser le travail du groupe 3, a été compensée par la solidarité des autres équipes. Pour la suite, les États-Unis permettront-ils à leurs chercheurs de contribuer aux prochains travaux du Giec ?
« Ma crainte est que, si aucun auteur du rapport n'a été validé par les États-Unis, cela leur serve d'argument pour contester la validité de son contenu, voire pour amoindrir la portée du consensus scientifique », dit Roland Séférian.
À défaut de savoir de quoi l'avenir sera fait, chacun continue autant que possible son travail de recherche. Et en appelle au sursaut international. « Nous sommes nombreux à être passés par les États-Unis pour nous former. Plein de collègues vont être au chômage là-bas et pourraient contribuer à la recherche en Europe ou en Asie, mais il faudrait le budget pour cela », plaide sans trop y croire Davide Faranda.
D'autant que l'Europe, avec le programme satellitaire Copernicus qui fournit de précieuses données climatiques, pourrait prendre une part de leadership en cas de réorientation massive de la Nasa en dehors des sciences du climat.
« Je ne suis pas sûr que l'Europe, seule, pourrait combler les trous. Et puis, on ne remplace pas des bateaux qui placent des flotteurs dans l'océan ou des stations de mesures atmosphériques facilement, cela prend du temps », dit Davide Faranda.
La NOAA pourrait prochainement licencier plus de 1 000 autres salariés, annonçait le 21 mars le site d'information Axios, après une première vague quasi similaire en février. Face à un gouvernement étasunien autoritariste et qui s'émancipe de plus en plus du cadre budgétaire supposément défini par le Congrès, le chaos pour la climatologie ne fait sans doute que commencer.
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Le Parti de gauche est dominé par un pacifisme et un anti-impérialisme déconnectés de la réalité
Le parti de gauche (Die Linke) hésite encore à tirer les conséquences nécessaires de l'agression russe contre l'Ukraine. Car une partie du parti sympathise avec les positions de politique étrangère d'un Donald Trump.
13 mars 2025 | tiré du site Europe solidaire sans frontières
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article74177
On aimerait se réjouir que le parti de gauche ait réussi, contre toute attente, à entrer au prochain Bundestag. Avec près de neuf pour cent des votes secondaires, et même six mandats directs. On aimerait s'en réjouir, car l'évolution vers la droite a désormais touché tous les grands partis, les positions de la CDU/CSU sont à peine distinguables de celles de l'AfD sur de nombreux points, et même le SPD et les Verts leur parlent dans le sens quand il s'agit de migration. Face à ce concert consensuel de mépris humain dirigé par l'AfD, il faut une objection de gauche au Parlement, ne serait-ce que pour préserver le souvenir que d'autres positions sont envisageables. Mais la joie ne veut pas venir.
Certes, Heidi Reichinnek, en tant que candidate principale du parti de gauche, a prononcé un discours antifasciste fulminant lorsque Friedrich Merz a fait passer son soi-disant plan en cinq points « pour des frontières sûres et la fin de l'immigration illégale » au Bundestag avec les voix de l'AfD. Avec une impressionnante verve, Reichinnek a opposé à cette motion sa demande de solidarité et de « droits de l'homme pour tous ». Dommage seulement que son parti ne formule de telles revendications bien sonnantes que dans un contexte de politique intérieure, où il continue d'essayer d'occuper le vaste champ de la prévoyance étatique et de la responsabilité sociale, que les sociaux-démocrates, autrefois responsables de ce domaine, ont abandonné il y a des décennies.
Une caractéristique essentielle de cet anti-impérialisme est l'idée que derrière chaque développement au niveau international se cache un plan géostratégique perfide, délibérément camouflé par les médias locaux en complicité intellectuelle.
En matière de politique étrangère, en revanche, on préfère s'en tenir à des constructions idéologiques datant de la guerre froide. Il y a d'une part ce pacifisme impuissant, comme aime à le présenter le président du parti Jan van Aken, lorsque dans des interviews, il condamne certes l'agression russe, mais rejette néanmoins l'aide en armement pour l'Ukraine et transfigure Xi Jinping, l'allié de Vladimir Poutine, en un potentiel artisan d'une « paix juste ». D'autre part, il y a un anti-impérialisme jamais surmonté qui fait obstacle avec une telle inébranlabilité même à la compréhension la plus fondamentale de la situation mondiale en rapide évolution que les interprétations des événements du passé récent et très récent doivent presque inévitablement faire fausse route.
Une caractéristique essentielle de cet anti-impérialisme est l'idée que derrière chaque développement au niveau international se cache un plan géostratégique perfide, délibérément camouflé par les médias locaux en complicité intellectuelle. Les auteurs et bénéficiaires de tous les conflits ainsi encouragés ne sont jamais la Chine ou la Russie, mais toujours les États-Unis, l'OTAN, « l'Occident ».
Anti-impérialisme de gauche, mythes conspirationnistes de droite, absurdités du type terre plate
Si avec cette vision obstruée, on se trompe une fois de manière tout à fait évidente et indéniable, comme dans le cas de l'invasion de l'Ukraine par Poutine, que l'on considérait jusqu'au jour de l'invasion comme une chimère créée par la propagande occidentale, on passe simplement au niveau de conspiration inférieur, selon lequel Poutine a été forcé à cette démarche par l'OTAN.
On passe sous silence à quel point surtout l'Allemagne et la France s'étaient toujours opposées à l'adhésion des États post-soviétiques à l'OTAN, de sorte que l'adhésion de l'Ukraine n'était même plus en discussion. Et oui, conspiration - le terme est choisi délibérément. Car structurellement, les fantômes de l'anti-impérialisme de gauche se distinguent à peine des mythes conspirationnistes de droite ou des absurdités du type terre plate. Il y a toujours une « presse mensongère », qui manipule « le peuple » sur ordre de forces globalistes sinistres (que l'on peut volontiers imaginer comme une caricature antisémite du Stürmer). L'ennemi est toujours à l'ouest.
Ce que les gens de gauche comme de droite n'aiment en revanche pas faire, c'est critiquer offensivement certains régimes autoritaires. Peu importe la brutalité avec laquelle ils traitent leur propre population, les responsables de tous les dysfonctionnements mondiaux sont toujours ces démocraties libérales dans lesquelles les droits de l'homme, la liberté d'opinion et de presse sont au moins postulés comme valeurs fondamentales.
La Chine et la Russie sont peu critiquées
Car tout comme de nombreux extrémistes de droite, la gauche anti-impérialiste place fondamentalement le « droit des peuples à l'autodétermination » (et donc la prétention au pouvoir même du dictateur le plus sanguinaire) au-dessus des droits de l'homme universels, que « l'Occident » n'a de toute façon inventés que pour justifier ses guerres. La différence essentielle entre la gauche et la droite ne réside que dans leur rapport au capitalisme. La droite moderne n'a généralement pas de problème avec cela, la gauche plutôt, du moins lorsqu'il se présente sous une forme démocratique. Le fait que, par exemple, la Chine et la Russie, bien qu'étant elles-mêmes des parties intégrantes de l'ordre mondial capitaliste, soient peu critiquées, suggère que la gauche allemande a moins de difficultés avec le capitalisme en soi qu'avec la démocratie libérale.
Heidi Reichinnek et ses collègues du comité directeur du parti de gauche, qui aiment à discourir vaguement sur le « socialisme démocratique », contesteraient certainement tout cela. Et pourtant, ils ne sont manifestement pas capables (ou désireux ?) de traduire leurs revendications de solidarité et de droits de l'homme pour tous en une politique étrangère adaptée à notre époque. C'est après tout un fait difficile à nier que l'Ukraine perdra la guerre contre la Russie si les livraisons d'armes cessent. Et que les États-Unis sont désormais gouvernés par un groupe de joueurs libertaires de droite et favorables à Poutine, qui tentent actuellement d'abolir à une vitesse fulgurante tout ce qui qualifie encore le pays de république démocratique sur le plan intérieur, tout en essayant de promouvoir le même développement en Europe, est également difficile à ignorer.
Néanmoins, la décision du comité directeur du parti du 1er mars, dans laquelle il annonce vouloir approuver au Bundestag une levée de l'absurde frein à l'endettement allemand, ne parle que de soutien civil financier à l'Ukraine et d'une illusoire « initiative diplomatique avec la Chine et d'autres États BRICS ». Le parti de gauche n'a-t-il donc encore rien perçu de la situation mondiale qui évolue de manière très menaçante et de la situation précaire de l'Europe en son sein ? Était-on simplement trop concentré sur la politique intérieure pendant la campagne électorale, mais se réveillera-t-on bientôt ? Improbable.
Le prochain volte-face dans le pays des merveilles anti-impérialiste des faits alternatifs
Tout comme la direction du parti a tout fait pour empêcher Sahra Wagenknecht de quitter le parti, et a participé en 2022 à opposer des thèmes sociaux de politique intérieure à la solidarité de politique étrangère avec l'Ukraine attaquée, elle tente encore de simplement ne pas trancher certains sujets conflictuels. Car tous les anti-impérialistes et poutinistes obstinés n'ont pas quitté le parti de gauche pour le BSW. Et si l'on ne veut pas encore sombrer dans l'insignifiance, il semble à la direction du parti qu'il faut bien garder ensemble ce « tas en fermentation » (comme Alexander Gauland a un jour qualifié son AfD).
Sur les médias sociaux, il apparaît clairement que de nombreux membres et sympathisants du parti ont depuis longtemps effectué le prochain volte-face profondément dans le pays des merveilles anti-impérialiste des faits alternatifs : ici, les États-Unis ne sont soudainement plus l'ennemi éternel, au contraire. Selon eux, seul l'establishment démocratique libéral serait vraiment mauvais, qui avec son agressif blabla de valeurs sous les présidents Barack Obama et Joe Biden aurait poussé la Russie à la guerre et serait maintenant tout à fait à raison chassé au diable par Donald Trump.
En conséquence, la raillerie sur les médias sociaux a été enthousiaste lorsque Trump et son vice-président J. D. Vance ont récemment réprimandé publiquement le président ukrainien Volodymyr Zelensky à la Maison Blanche. La différence entre les contributions dont les auteurs sont attribuables à l'environnement du parti de gauche et celles des partisans de l'AfD ou du BSW était souvent uniquement reconnaissable au fait que les premiers aiment prétendre qu'ils parlent ainsi également au nom de la « classe ouvrière ukrainienne recrutée de force » (Ingar Solty, Fondation Rosa-Luxemburg), qui se porterait certainement beaucoup mieux sous un régime de terreur établi dans leur pays par Poutine que sous le président démocratiquement élu Zelensky.
Les Ukrainiens ne peuvent probablement espérer à nouveau la solidarité du parti de gauche que lorsqu'ils viendront dans le pays en tant que réfugiés après une victoire de Poutine et deviendront ainsi un sujet de politique intérieure.
En ce qui concerne maintenant la solidarité du parti de gauche et sa revendication de droits de l'homme pour tous : les Ukrainiens ne peuvent probablement l'espérer à nouveau que lorsqu'ils viendront dans le pays en tant que réfugiés après une victoire de Poutine et deviendront ainsi un sujet de politique intérieure. Si cette solidarité les aidera alors est une autre question. Cela dépend de si l'UE réussit encore à préserver sa constitution d'État de droit, ou si ses États membres aspirent à suivre l'exemple américain vers une variante fasciste libertaire de droite, qui s'oriente en politique intérieure comme extérieure uniquement sur le droit du plus fort.
Poutine, Trump et l'AfD sont d'accord sur cette intention. Ce que le parti de gauche ou aussi la gauche allemande dans son ensemble espèrent des autocraties impériales, des hommes de pouvoir libertaires de droite et de leur suite, reste leur secret.
Markus Liske
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P.-S.
Jungle World
Traduit pour l'ESSF par Adam Novak
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Ruba Ghazal dénonce le gouvernement de la CAQ comme le lobbyiste en chef de Stablex
Toute la nuit qui a précédé l'adoption de la loi bâillon sur Stablex, les député-e-s de Québec solidaire se sont relayés pour dénoncer l'adoption de cette loi antienvironnementale. (PTAG)
Mme Ghazal : Merci. Merci, Mme la Présidente. Mme la Présidente, pourquoi est-ce qu'on est ici aujourd'hui ? Pourquoi est-ce qu'on a passé toute la nuit ici à l'Assemblée nationale ? Pourquoi est-ce qu'on n'est pas dans nos familles, avec nos enfants, nos conjoints, nos conjointes ? Pourquoi est-ce qu'on n'est pas dans notre comté, avec nos citoyens et citoyennes ? On n'est pas ici malheureusement... on n'a pas passé toute la nuit ici pour trouver des solutions à la crise du logement, alors que les locataires font face à des augmentations de loyer historiques. On n'a pas passé la nuit, ici, à l'Assemblée nationale, pour régler la crise de l'itinérance, qui est devenue une véritable crise humanitaire. On n'a pas passé la nuit ici à travailler fort pour trouver des solutions pour mettre fin à la faim dans les écoles, alors qu'un enfant sur cinq, un enfant sur cinq arrive à l'école le ventre vide. Dans une société riche comme la nôtre, c'est inacceptable. Si on a passé la nuit ici, c'est encore moins pour aider les gens qui ont de la misère à avoir des soins dans notre système de santé public qui est amoché puis qui doivent se serrer la ceinture pour aller au privé. Mme la Présidente, malheureusement, on n'a pas passé toute la nuit ici à travailler à l'Assemblée nationale pour améliorer la vie des gens, pour prendre soin du monde, pour faire notre travail d'élu, celui pourquoi les gens nous ont élus. Non, Mme la Présidente, on est ici parce que la CAQ a décidé de se mettre à plat ventre devant une entreprise étrangère américaine. On a passé la nuit ici à l'Assemblée nationale parce que la CAQ a décidé de faire une loi sur mesure pour faciliter la vie à Stablex. C'est quoi Stablex ? C'est une entreprise américaine qui enfouit des déchets dangereux à Blainville. Puis, Stablex, ce qu'ils ont demandé... ils ont pris le téléphone puis ils ont demandé à la CAQ d'engrandir leur terrain pour pouvoir enfouir plus de déchets dangereux, dont une bonne partie vient des États-Unis de Trump. Pourtant, Mme la Présidente, tout le monde, tout le monde a dit non. Le BAPE a dit non. La ville de Blainville a dit non au projet de Stablex. Les municipalités, l'UPA, les scientifiques, les groupes écologistes, les citoyens et citoyennes, la société civile en entier a dit non au projet de Stablex. Mais la CAQ, elle, elle a décidé que c'était une bonne idée de saccager notre environnement pour qu'une entreprise américaine puisse faire des économies. La CAQ a décidé de plier au chantage de cette entreprise. Tout le long on a vu comment ce gouvernement-là se comportait, comment la CAQ s'est comportée face à Stablex. C'est à croire s'ils sont devenus le lobby de cette entreprise de l'Arizona.
Voilà pourquoi on n'est pas dans nos familles, on n'est pas avec nos citoyens et nos citoyennes, dans nos comtés. Pourquoi est-ce qu'on est ici, on a passé toute une partie de la soirée hier, de la nuit, et qu'on est ici ensemble aujourd'hui à faire adopter un projet de loi sous le bâillon parce que la CAQ a décidé d'avoir ce projet de loi qui va à l'encontre du bien commun et de l'intérêt collectif, contrairement à ce que le premier ministre avait dit.
Moi, je trouve ça scandaleux, Mme la Présidente. Je trouve ça honteux. C'est indigne. Ça me gêne d'être ici puis de travailler pour... pas pour les citoyens et citoyennes, mais pour répondre au désir de la CAQ de plier au chantage de cette entreprise. Puis je comprends les Québécois et Québécoises, puis il y a des citoyens et citoyennes aussi qui ont passé la nuit avec nous, qui sont en colère, qui sont indignés. Je comprends leur indignation puis je la partage. Ce n'est pas pour ça que moi, je fais de la politique. Ce n'est pas pour ça que mes collègues, ici, de Québec solidaire font de la politique. Ce n'est pas pour ça qu'on met notre temps, qu'on fait des sacrifices personnels sur nos heures de sommeil, dans nos vies personnelles, pour rester ici pour travailler sur un projet de loi fait sur mesure pour cette compagnie étrangère. Ce n'est pas pour céder au chantage de cette entreprise-là. Je trouve ça honteux. Je trouve ça gênant. Puis je sais que les Québécois et Québécoises sont indignés.
Le leader du gouvernement l'a dit : On ne sera pas populaires, on ne sera pas populaires face à la population. Moi, c'est très rare que j'ai vu aussi peu de fierté dans les yeux des membres du gouvernement, dans les yeux des élus de la CAQ lors de l'adoption d'un projet de loi. D'habitude, ils sont beaucoup plus fiers puis ils applaudissent. Pas cette fois. Puis je comprends. Je comprends qu'ils soient gênés. Je comprends qu'ils aient un petit peu honte, avec raison. Il n'y a pas de quoi d'être fier.
Je veux parler d'un élément dont on a peut-être un peu moins parlé. L'entreprise de Stablex, et le gouvernement nous l'a dit, j'ai entendu le ministre de l'Environnement aussi le dire, elle a un procédé qui est écologique, qui est mieux qu'une façon de traiter les déchets dangereux de façon plus écologique. C'est une solution écologique. C'est comme ça que Stablex aussi se présente. Parce que les entreprises, des organismes qui génèrent, qui produisent des déchets dangereux, bien, on veut s'assurer qu'elles puissent en disposer d'une façon qui protège l'environnement et non pas de les mettre n'importe comment. Puis Stablex est supposée être une solution écologique. C'est le marketing que fait l'entreprise. C'est une solution qui date des années 80. Moi, j'ai envie de questionner cette façon-là de faire. Est-ce que c'est le cas ? Est-ce que c'est vraiment une solution écologique à nos déchets dangereux ?
Il y a un groupe de citoyens de Blainville, soutenu par Mères au front et le biologiste bien connu Daniel Green, qui ont détecté des niveaux élevés de nombreux polluants qui peuvent affecter l'environnement. Ils sont allés... des citoyens et citoyennes qui sont allés chercher des échantillons dans les cours d'eau proches du terrain de Stablex, où est-ce qu'elle opère depuis des nombreuses années. Et ils ont vu des dépassements très nombreux pour les contaminants dans les cours d'eau qui sont autour.
Normalement, ce genre de travail là devrait être fait par le ministère de l'Environnement. Est-ce qu'il est fait ? Quand on regarde les rapports que Stablex envoie au ministère de l'Environnement, parce qu'elle doit prendre des échantillons... Moi, c'est un travail que j'ai fait dans les entreprises privées quand... où j'ai travaillé pendant une quinzaine d'années, normalement, on a un permis, on doit faire prendre des échantillons, envoyer ça au ministère de l'Environnement, qui, après ça, va dire si c'est bon ou pas. Puis, des fois, il y a des inspecteurs qui viennent, qui viennent dans l'usine pour prendre des échantillons. Mais, en ce moment, on a l'impression que tout est vert. Tous les rapports que l'entreprise donne au ministère de l'Environnement, tout est beau, tous les contaminants sont beaux. Mais où sont pris les échantillons ? Est-ce que c'est pris à des endroits vraiment stratégiques où est-ce qu'on est sûrs qu'il n'y a pas de contaminants qui se retrouvent dans l'environnement ? Comment ça se fait que les échantillons qui sont pris par les citoyens et citoyennes, il y a des dépassements ?
Moi, j'aimerais ça que le ministère de l'Environnement investigue beaucoup plus. J'ai été porteuse du dossier de l'environnement avant mes collègues, avant que... le collègue député d'Hochelaga-Maisonneuve, pendant longtemps. Et, une des premières questions que je posais au ministre de l'Environnement, c'était : Il y a combien d'inspecteurs ? Est-ce que les inspecteurs et inspectrices du ministère de l'Environnement vont vraiment faire des visites-surprises dans les entreprises pour prendre des échantillons ou est-ce qu'ils viennent accompagnés des représentants de l'entreprise qui leur dit : Voilà où est-ce que vous pouvez prendre des échantillons ? Est-ce qu'ils viennent par surprise, par hasard, prendre des échantillons au bon endroit. C'est des questions très, très importantes et c'est une question dont on n'a pas répondu. Le projet de loi, il va passer sous le bâillon puisqu'ils sont majoritaires, même s'ils ont honte, là. Je ne pense pas qu'ils vont avoir des belles photos qui vont être prises après l'adoption de ce projet de loi, mais ça va être fait. Ça va être un fait passé, malheureusement, ils nous l'ont passé sur la gorge. Mais, après, l'histoire n'est pas finie, les contaminants, ils vont se retrouver encore dans l'environnement. Je ne suis pas sûre, là, que tout est vert, tout est beau, parce que la compagnie dit que tout est beau, tout est vert. On va se retrouver avec l'enfouissement jusqu'en... 2067. Puis pourquoi je pose la question ? Parce qu'avec l'austérité je ne suis pas sûre que le gouvernement, il est en train d'embaucher plus d'inspecteurs, inspectrices.
Des fois, il y a des inspections qui sont faites au téléphone par des stagiaires au ministère de l'Environnement. Puis je vais faire référence à un livre que j'ai lu il y a quelques années de Louis-Gilles Francoeur, qui a été longtemps au Devoir, qui a été aussi au BAPE. Ça s'appelle La caution verte. J'invite d'ailleurs, je ne sais pas si le ministre de l'Environnement l'a lu, je l'invite à le lire. La caution verte, le désengagement de l'État québécois en environnement. Il parle précisément de cette question-là, où est-ce qu'on s'est beaucoup fiés sur les entreprises, tout ce qu'elles nous disent, c'est elles-mêmes qui font des rapports. Il n'y a plus de police verte alors qu'on en a besoin. On a besoin d'une police verte, on a besoin d'équipes d'experts au ministère de l'Environnement qui vont vérifier : Est-ce que, dans les opérations de l'entreprise, est-ce qu'on est sûr qu'il n'y a pas des contaminants qui vont se retrouver dans l'environnement ? Ce n'est pas normal que ce soient les citoyennes et les citoyens qui portent sur leurs épaules ces mesures-là. Et on ne peut pas se fier uniquement sur l'entreprise, sur ses représentants.
Je vous le dis, moi, j'ai travaillé en entreprise, je faisais ce genre de rapport là. On faisait des rapports, des inspections nous-mêmes, des échantillons nous-mêmes. J'avais des fichiers Excel sur les contaminants, que ce soit pour l'air, que ce soit pour l'eau, et on envoyait ça aux inspecteurs, au ministère de l'Environnement. En 15 ans de carrière, en 15 ans de carrière, j'ai eu, savez-vous combien de visites-surprises j'ai eues du ministère de l'Environnement, et j'ai travaillé dans de nombreuses entreprises, savez-vous combien, Mme la Présidente ? Une seule fois, une seule visite-surprise d'un inspecteur du ministère de l'Environnement, qui est venu prendre un échantillon, qui nous a dit : Où sont les endroits, où est-ce qu'on prend des échantillons pour l'eau avant de jeter ça dans les égouts ? Une seule fois. Tout le reste du temps, le ministère de l'Environnement se fiait à ce que l'entreprise disait. Bien, c'est la même chose aussi avec Stablex. Si on fait une demande d'accès à l'information, on va voir que tous les rapports sont au vert, tout est beau, mais qu'est-ce qui nous assure que c'est le cas ?
Il y a aussi une autre question. C'est une solution environnementale pour la gestion de nos déchets dangereux, mais est-ce qu'il y a d'autres solutions ? Parce que cette entreprise-là, avec ses investisseurs qui vient de l'Arizona, même s'ils ont eu une loi sur mesure, ils pourraient, un jour, décider qu'eux ça ne les intéresse plus, ils ne font plus d'argent, puis de fermer quand même, là, malgré le projet de loi fait sur mesure, passé sous le bâillon par le gouvernement de la CAQ. Qu'est-ce qu'on va faire après ça avec les déchets dangereux ? La CAQ a fait adopter... va faire adopter, malheureusement, dans quelques heures, ce projet de loi, parce qu'elle a peur que la compagnie ferme. Et, si la compagnie ferme, qu'est-ce qu'on va faire avec ces déchets dangereux ? Même si le projet de loi est adopté, il y a une autre chose aussi qui devrait être faite, et le gouvernement a refusé, alors que la députée de Sherbrooke n'a pas arrêté de le proposer, il faut qu'il y ait une caractérisation de : C'est quoi, les déchets dangereux qu'on produit ? Combien ? Le rapport du BAPE l'a dit : On ne le sait pas.
Mme la Présidente, on a fait un travail incroyable. Je veux au premier... premièrement, remercier chaleureusement et féliciter le courage de ma collègue, la députée de Sherbrooke, qui a travaillé sans relâche, sans relâche sur ce dossier-là depuis le début. Je veux remercier aussi les députés qui ont participé, de Québec solidaire, tous les députés aussi des oppositions, qui ont travaillé pour contrer ce projet de loi. Et je veux donner aussi... remercier, de façon chaleureuse et très...Un gros, gros, gros merci pour tous les employés, les directions dans nos équipes qui ont travaillé toute la nuit. Ils n'ont pas fait ça pour Stablex. Si on a eu ce courage-là, si nos travailleurs, dans notre formation politique, ont eu ce courage-là de travailler toute la nuit, sans relâche, c'est pour protéger le bien commun, c'est pour protéger l'intérêt collectif, pour protéger l'environnement. C'est ça qui donne un sens à notre travail. Le premier ministre m'a parlé de courage, ce que la CAQ fait n'est pas courageux. Et c'est la raison pour laquelle il n'y a pas de fierté dans les yeux des députés .de la CAQ en ce moment. Il n'y a pas de fierté à adopter ce projet de loi là, puis je les comprends, mais nous, on est fiers du travail qu'on a fait. On a fait tout ce qu'on a pu pour barrer le chemin de la CAQ qui s'est plié devant une compagnie, une entreprise étrangère américaine, pour enfouir des déchets dangereux, dont une bonne partie vient des déchets de Trump. Nous, on a été mus par ce courage-là. Nos travailleurs, travailleuses ont été mus par ce courage-là. Et on va continuer, Mme la Présidente. Merci.
Transciption : Secrétariat de l'Assemblée nationale
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Le cas Trump | Livre à paraître 8 avril | Enquête inédite pour voir derrière l’écran de fumée | Alain Roy
Vous pensez connaître Donald Trump ? C'est pire que ça. À l'approche de son 100e jour au pouvoir, voici une enquête inédite et glaçante qui aborde toutes les facettes – biographique, psychologique et politique – d'un président qui ambitionne de devenir le Poutine de l'Amérique. Et ce
parallèle est à prendre très au sérieux.
L'essai *Le cas Trump - Portrait d'un imposteur*, de l'essayiste Alain Roy, paraîtra en librairie le 8 avril prochain.
En bref : Après son livre *Les déclinistes*, qui a connu un succès critique unanime, Alain Roy revient avec un ouvrage qui nous fait voir derrière l'écran de fumée de Trump et qui attache tous les fils d'un chaos dont on peine à faire sens. À notre connaissance, aucun livre aux États-Unis ou
ailleurs n'offre une vue d'ensemble aussi complète et éclairante du personnage.
Citation :
« *Si Donald Trump peut nous paraître imprévisible, c'est parce
que nous ne cernons pas assez clairement d'où il vient et ce qui le motive.
Lorsqu'on le cerne plus clairement, Donald Trump ne devient pas moins
inquiétant ; mais nous savons un peu mieux à quoi nous attendre et comment
lui faire face.* » - Alain Roy
*À propos du livre*
Si nous avons l'impression de baigner dans la tête de Donald Trump tant il occupe l'espace médiatique avec ses sautes d'humeur quotidiennes, nous peinons à faire sens de ses décisions. Or considérant que la politique américaine a rarement, voire jamais, été réduite à ce point aux aléas de la personnalité du président, il devient crucial de le comprendre. Tel est l'objectif de ce livre : regarder derrière l'écran de fumée, attacher tous les fils et décoder le personnage. À notre connaissance, aucun livre aux États-Unis ou ailleurs n'offre une vue d'ensemble aussi complète.
Qui est donc Donald Trump ? Qu'est-ce qui motive la quête de pouvoir de cet homme que sa propre nièce, psychologue clinicienne, a décrit comme le plus dangereux du monde, et son proche conseiller comme un Hitler américain ?
S'appuyant sur une abondante documentation et sa participation à un rallye trumpiste, Alain Roy offre un portrait saisissant du playboy ayant dilapidé l'immense fortune dont il a hérité de son père. Contrairement à l'image d'homme d'affaires à succès qu'il a projeté tout au long de sa vie et que la téléréalité est venue cristalliser, Trump a fait faillite à maintes reprises. Objet de risée de la part des élites, il s'est fabriqué une identité de « gagnant » pour cacher ses failles et sa honte, jusqu'à se hisser à la tête de la Maison-Blanche. Mais que se passe-t-il lorsque le réel se confronte aux mensonges de l'imposteur ? Jusqu'où peuvent aller sa rage et ses désirs de vengeance ? Alors que s'agite autour de lui une extrême droite triomphante et décomplexée, ses penchants agressifs et transgressifs forment un cocktail explosif.
À travers les prismes du mensonge, de la faille narcissique et de la dangerosité, Alain Roy plonge au cœur de la psyché de Donald Trump afin de cerner la nature de cette figure politique à la fois grotesque et malfaisante, qui force le monde entier à jouer dans un très mauvais film.
*À propos de l'auteur*
Alain Roy est directeur de la revue L'Inconvénient. Il est l'auteur de nombreux livres (roman, nouvelles, essais) et lauréat du Prix du gouverneur général 2012 pour sa traduction de la biographie de Glenn Gould. Il a entre autres publié *Les déclinistes. Ou le délire du « grand remplacement »* (Écosociété, 2023) et *Le cas Trump *(Écosociété, 2025).
Bonjour
Votre article pourrait être publié si elle est en conformité avec les valeurs de Presse toi à gauche.
Nous défendons : l'écosocialisme, la démocratie participative, le partage de la richesse, le socialisme démocratique, le féminisme, les luttes contre toutes discriminations, l'internationalisme, les luttes pour l'indépendance et le droit à l'autodétermination et les luttes pour l'écologie.
Dans ce cadre nous demeurons une presse ouverte et inclusive.
Nous sommes une presse alternative qui fonctionne sur le bénévolat. Nos articles sont tous fournis gratuitement.
Vous pouvez nous faire parvenir l'article à la même adresse.
Merci de vouloir collaborer avec nous
ginette
rédaction Presse toi à gauche
À bas l’impérialisme américain ! Vive la démocratie américaine !
Beaucoup d'Occidentaux sont victimes d'un dédoublement de personnalité politique à l'égard des États-Unis et de leur suprématie mondiale ; à gauche surtout, en particulier parmi la gauche social-démocrate. Une bonne partie d'entre elle s'est longtemps dit d'accord avec les communistes sur le capitalisme et l'impérialisme américains tout en affirmant cependant son attachement à la démocratie politique mais soutenant cependant partager leur volonté d'égalitarisme social. Cette orientation se reflétait dans les slogans des deux groupes qui attaquaient tous les deux le capitalisme à des degrés divers, les sociaux-démocrates pour le réformer, les communistes pour l'abattre ; ces derniers adoptaient une analyse beaucoup plus "classiste" que les sociaux-démocrates, qui eux, y apportaient bien des nuances et des bémols.
Les marxistes-léninistes présentaient le système représentatif comme une imposture destinée à manipuler les masses populaires. Malgré des divergences parfois aigues entre sociaux-démocrates et marxistes, beaucoup de ces militants et militantes s'entendaient pour condamner la suprématie des États-Unis dans le monde. Toutefois, ces dernières années déjà, l'audience des groupes et groupuscules communistes occidentaux a subi de sérieux reculs dans des milieux qui, auparavant prêtaient oreille à, leurs thèses. Les principaux partis sociaux-démocrates pour leur part se sont discrédités en raison de leurs compromissions avec le rétrolibéralisme.
Voilà pourtant que tout à coup, avec l'arrivée à la Maison-Blanche de Donald Trump, tout le monde s'alarme à grands cris de la menace qu'il fait peser sur le système libéralo-électoral américain et sur le commerce international. À droite comme à gauche, on crie au meurtre en dénonçant l'arbitraire et la brutalité trumpistes. Par réaction, on se montre soudainement bien plus attaché qu'on ne le pensait à ce système que certains qualifiaient hier encore de tromperie visant à assurer le pouvoir des nantis sur le prolétariat. Alors qu'on parlait d'intoxication idéologique de la part de classe dominante sur le peuple, aujourd'hui on hurle pour condamner les atteintes du trumpisme aux libertés fondamentales qui n'étaient pourtant censées être qu'une imposture, selon les gauchistes.
Il faudrait définir plus précisément les termes du problème et l'attitude qu'il convient d'adopter pour se positionner face à lui. Dictature du prolétariat ou démocratie électorale et libéralisme ? La suprématie sans compromis du capitalisme ou une autre proposition, mitoyenne, voulant sauvegarder le système électoral tout en prônant des mesures de redistribution économique poussée ? On redécouvre aussi les vertus du système représentatif. "L'électoralisme" et les libertés, toutes formelles soient-elles, ont soudain meilleure presse dans les milieux de gauche qui forment un arc-en-ciel entre les "réalistes", les pragmatiques d'une part, et les plus radicaux de l'autre, dont certains flirtent encore avec le marxisme-léninisme.
Il faudra que la gauche, ou plutôt les gauches se redéfinissent et renouvellent leurs points de repère idéologiques. Le trumpisme en présente peut-être enfin l'occasion.
Jean-François Delisle
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Hold-up ! – Force et honneur à la désobéissance civile et à la révolte !
René Descartes déclara : « Je pense donc je suis. », Albert Camus ajouta : « Je me révolte donc nous sommes. » et je complèterai, bien humblement : « Nous sommes donc nous vaincrons. »
Il est interdit de maitriser son destin
Maîtriser son propre destin et aspirer à un meilleur cadre de vie pour soi et les siens et choisir de vivre et de s'épanouir dans une société juste et égalitaire : voici un singulier exercice d'imagination qui peut s'avérer utopiste et surtout tellement présomptueux.
Il est interdit de chercher le bonheur
Déception et perte de temps précieux, voilà essentiellement ce qui résulte de cette stérile quête perdue d'avance d'un pseudo-bonheur romantique ou philosophique. À ce que l'on sache, aucune étude n'a jamais établi qu'il faille être heureux pour être productif.
Il est interdit de rêver
Que d'attitudes franchement volages et de pensées chimériques engendrées par ces vaines rêvasseries et ces doucereux petits pelletages de nuages suaves. On ne vous l'a pas pourtant bien inculqué sur les bancs d'école que seuls les riches détiennent le droit et les idiots le temps de rêver.
Il est interdit de se plaindre
Depuis fort longtemps et particulièrement depuis l'avènement des sociétés chrétiennes, la souffrance s'est toujours avérée une expérience enrichissante et salvatrice pour toute personne éprouvée.
Il est interdit de manger à sa faim
En fait, à voir la taille de certaines personnes, il n'y a rien de plus sain que de contrôler ses fringales passagères et chasser ses habitudes alimentaires malsaines qui s'avèrent coûteuses en absentéisme en plus de grignoter les profits des entreprises. Prenez donc exemple sur les populations du tiers-monde (trois-quarts monde) où l'on y observe pourtant moins d'obésité.
Il est interdit de partager
Aux yeux des diligents dirigeants, le partage du moindre gain risque d'entraîner l'irréparable au sein des obligés actionnaires et provoquer des bouleversements à hauts risques pour la saine compétitivité et le rayonnement des entreprises. Nous ne devons jamais perdre de vue que la sauvegarde de ces dernières s'avère certes laborieuse, mais ô combien salvatrice pour l'actionnariat et capitale à l'équilibre et au bon fonctionnement de l'économie.
Il est interdit d'exercer un travail de son choix
Veuillez prendre note qu'en aucun cas vous ne devez ignorer que détenir un emploi si nul soit-il à vos yeux, selon votre égoïste et incompétente évaluation, représente néanmoins un immense privilège accordé à la classe laborieuse. D'ailleurs, pensez-y bien car un privilège ne constitue en rien un droit et il peut vous être retirer …
Il est interdit de caresser des projets
Habituellement et grâce à un peu de bonne volonté, l'être humain parvient aisément à chasser ces caprices éphémères et à se passer de ces envies de réaliser des projets aux lendemains souvent incertains et hypothétiquement gratifiants. La société a pourtant tellement de beaux projets construits d'avance pour vous.
II est interdit de se battre pour la paix
Les conflits et les guerres incarnent depuis des millénaires le moteur principal de l'histoire seul capable de générer de la richesse au bénéfice des nations dominantes et de leurs censitaires. Ces conflits favorisent le maintien du capital des nantis, des argentiers et armuriers, des géants du commerce, de l'industrie et de la finance, des marchands de jeux et de rêves, des créateurs de mensonges et des boutiquiers de la propagande du bien-être.
Il est interdit de manifester
Les fondements initiaux du modèle démocratique occidental commandent à toute personne ou à tout groupe de personnes de bien vouloir se fondre à la majorité silencieuse. Et, en aucun temps et pour aucune raison, de ne point troubler la gouvernance et l'ordre établi. Surtout, de ne jamais franchir délibérément les périmètres de sécurité barbelés érigés par les poseurs de barrières et surveillés par les gardiens du pouvoir. D'ailleurs, ne l'oubliez pas, ce pouvoir est souverain et il détient tous les droits et privilèges. Ainsi, il élabore les constitutions, promulgue les chartes, les lois et les mesures de guerre. Il gouverne secrètement ou publiquement par décrets pour son bon plaisir et à l'occasion pour le bien commun, mais toujours dans l'intérêt des ami.e.s du pouvoir … Ô enfants de la Patrie enchaînés à l'arbitraire payroll de la société marchande, pris dans les tourbillons des spas de vos illusions et tétanisés par votre anxiété et lobotomisés dans vos aspirations, souvenez-vous – n'est-ce pas la devise oubliée d'un Québec oublié – que même si on piétine vos droits et vole vos destinées, il est tout de même recommandé de courber l'échine, d'abaisser vos mains et d'annoncer votre parcours de vie et de manifestation. Cela est certes juste et bon pour l'image … Mais, surtout essentiel pour votre propre sécurité.
Il est interdit de contester
Halte-là citoyens et citoyennes de la plèbe ! Ce sont là des comportements rebelles, subversifs et dignes de fieffés terroristes. La contestation porte atteinte à la survie politique des régimes en dérogeant aux dogmes libertariens et en perturbant l'expansion des économies et des zones franches et de libre-échange. En définitive, seule la pensée unique doit être autorisée puisqu'elle souscrit au fonctionnement optimal des régimes et assure leur croissance et leur indispensable stabilité.
Il est interdit de réviser sa citoyenneté
Au nom de la mondialisation, de la sauvegarde des capitaux et du mieux-être des acteurs privilégiés du système, le rôle d'agent économique des citoyens et des citoyennes doit demeurer leur unique prérogative reconnue par les autorités. Ces mêmes autorités agissant sous les bienveillants hospices de l'OMC, du FMI, des banques et des agences de crédit dont les notations confortent les marchés, réconfortent les transnationales et leurs besogneux actionnaires. Elles « maaloxent » également l'anxiété des consciences de ces Merlin enchanteurs du pouvoir et des malins encanteurs de la haute finance. Toutefois, il subsiste une dérogation inscrite dans le Petit livre rouge du néolibéralisme intitulé : « Les Pensées de NÉO ». Cette lénifiante dérogation stipule qu'il est à la fois légitimement et légalement permis de mourir pour son bien-être et celui du système. En effet, cela apparaît socialement acceptable de s'y conformer et parfaitement en accord avec les valeurs du régime. Cependant, cette dérogation spéciale ne peut être accordée qu'en périodes inflationnistes de fusion ou d'acquisition et ne doit pas avoir lieu avant la 17e heure GMT … Pourquoi donc ? Parce que cela perturberait la production en réduisant ainsi les bénéfices et propageant une fort mauvaise image qui laisserait présumer d'une certaine faiblesse de la part d'un patronat pourtant toujours diligent envers sa classe laborieuse. En terminant, veuillez surtout ne pas oublier qu'on vous paie pour travailler et que ce n'est pas le travail qui tue, mais c'est plutôt vous-même qui vous tuez au travail … En conséquence, il nous est donc légalement permis de déclarer officiellement que vous êtes ainsi les seules personnes véritablement responsables de tout ce qui pourrait vous advenir sur les lieux du travail.
Il est interdit de défendre la liberté
Pour la masse, l'impératif ultime se doit de résider dans la ferme obligation de soutenir et bien servir le système en place avant tout. De le faire au moindre coût et dans les meilleurs délais possibles et tout en conservant en tête l'obligation de laisser choir ses bons sentiments dans un grand mouchoir de poche écologique. Le bon peuple a aussi l'obligation d'accrocher sa dissidence, si vertueuse soit-elle, au vestiaire de la bonté et de l'empathie et de ranger ses convictions au plus profond de sa boîte à lunch.
Et vlan dans les dents ma gang de … dixit le pouvoir !
La désobéissance civile au banc des accusé.e.s et au ban de la société
Bien des nations sont pourtant venues au monde ainsi – les États-Unis, la France, Haïti et l'Inde – et d'autres ont survécu ou retrouvée vie – la Pologne, l'Ukraine – grâce à des actions de désobéissance civile avec pour rempart des actions directes et des révoltes légitimes pour contrer les infamies des régimes autoritaires et même de ceux déclarés démocratiques en invoquant « la défense de nécessité ». Chez-nous, pensons au traitement inique réservé aux activistes qui ont escaladé le pont Jacques-Cartier et ceux et celles membres du collectif écologiste Antigone qui ont bloqué le terminal pétrolierValero ou la poursuite et la condamnation insensée de 665 millions de dollars US infligée à Greenpeace aux États-Unis – en appui aux membres de la tribu Sioux de Standing Rock – par le groupe Energy Transfer. Dans ce cas-ci, nous sommes à mon sens en présence d'une réelle et scandaleuse poursuite-bâillon. Sans oublier l'organisation écologiste Just Stop Oil au Royaume-Uni qui a vu ses militant.e.s emprisonné.e.s et soumis.e.s à de fortes amendes. En contrepartie, leurs actions d'éclat ont tout de même entraîné la création d'une politique gouvernementale ce qui en soi constitue une belle victoire, malgré un lourd tribu, que l'on peut attribuer à ces actions de désobéissance civile. En effet, ces actions ont permis des modifications législatives en plus d'alerter et de sensibiliser l'opinion publique aux questions environnementales qui sont d'une importance capitale pour l'humanité et pour la planète. Et comme le déclare si bien Amnesty International : « Il est temps que le monde freine la cupidité des entreprises qui détruisent notre planète et nuisent à tous ses habitant.e.s. ».
Malheureusement, toutes ces manœuvres d'intimidation judiciaire risquent de produire un dramatique effet boule de neige comportant des impacts sérieux et mettant en péril l'existence d'organismes et d'organisations. Comment ? En voulant les réduire au silence et en les épuisant psychologiquement et financièrement. Et surtout, en leur imposant par surcroit une forme insidieuse de censure dans les débats publics et en limitant le droit d'association, de réunion pacifique, de mobilisation citoyenne ainsi que l'essentiel travail terrain – ne serait-ce que pour concevoir et distribuer des tracts au nom de la liberté d'information – des citoyens et citoyennes ainsi que des organisations militantes de divers horizons.
Le sale culte de l'Or noir « sale »
Précisons que le Canada est le seul pays du G7 dont les émissions de GES ont augmenté depuis 1990. Plus grave encore, il vient tout juste d'approuver un autre prêt de 20 milliards de dollars pour l'oléoduc Trans-Mountain (TMX) pour un faramineux montant total de 50 milliards de dollars de l'argent des contribuables injecté dans ce projet ! Avec un beau gros chèque aux pollueurs : quelle sacré belle façon de lutter contre les difficultés économiques et les catastrophes climatiques qui nous assaillent déjà de toutes parts et qui « maintenant » sans l'ombre d'un doute ne vont aller qu'en s'accentuant … Et pourtant, que de projets bénéfiques, essentiels et structurants pour la population nous pourrions réaliser avec une telle somme ! Quel affreux et sale scandale ! Merci mon beau Ô Canada …
Les invasions barbares
Malheureusement, depuis le nouveau millénaire, de vieux démons sont réapparus pour s'emparer d'un nombre grandissant de gouvernements pour les pousser dans une nouvelle ère d'aveuglement volontaire, de fanatisme, de racisme, d'intolérance idéologique, de violations des droits et de sanctions imposées aux États et ciblant également certaines communautés de la société. Notons également que les changements dramatiques, brutaux, imprévisibles et même haineux de paradigme qui surviennent actuellement dans le monde et notamment au sud de « notre frontière protégée » risquent d'accentuer l'anxiété et la peur, la censure, de semer l'incompréhension, faire germer la discorde et entraîner une déferlante de vagues à la fois de crise et de révolte avec pour réponse aveugle un déchainement de violents épisodes de chantage et de répression. Surtout depuis la montée incessante de la droite radicale fasciste qui en train de semer à tous vents les germes de la bêtise humaine, de la haine et de l'intolérance dans les esprits et chez bon nombre de gouvernements du monde entier. Sans compter le dangereux pingouin-empereur-président-psychopathe-fou – et fou que de lui-même –, ce Trump gravement atteint du syndrome de Caligula dont la morale était : « Si le trésor a de l'importance, alors la vie humaine n'en a pas. » et qui apparaît maintenant littéralement boulonné au siège capitonné du bureau ovale muni de son stylo plume feutre cracheur de décrets – Ô grand malheur ! Serait-ce un Mont-Blanc fabriqué à Hambourg en Allemagne ou un Wing Sung provenant de Guangzhou en Chine… et non pas des USA ? – scotché dans sa main droite et de son lourd poignard tarifaire dans la gauche et en scandaleuse compagnie de sa coterie de frénétiques faucons et insensibles vassaux oligarques issus des complexes tehnologico-industriel et de l'IA. Force est d'admettre que nous subissons présentement une inédite, intempestive et inattendue forme d'invasions barbares. Puisque cette fois-ci les invectives et les attaques à la fois traîtresses et frontales proviennent plutôt de l'intérieur même de nos rangs et menacent de destruction massive les tourelles des remparts de la civilisation.
Vive la désobéissance civile et la révolte !
Mais ces terribles bouleversements orchestrés, ces attaques répétés à la démocratie, ces soubresauts d'autoritarisme violemment affichés au frontispice des pages de la déraison et ces affronts à la liberté d'expression et à nos droits fondamentaux ne doivent pas empêcher la société civile de s'exprimer, de s'indigner et d'agir. Au contraire, la société civile doit manifester sa légitime et essentielle opposition aux injustices, aux dénis de droit et aux errances funestes des nouveaux et dangereux régimes issus de la droite radicale fasciste qui est en train de scrupuleusement de répandre son venin idéologique dans les esprits et au sein de nombreuses formations politiques dans le monde. L'humanité est en péril car un immense chaos géopolitique et climatique frappe de plus en plus fort à ses portes. Nous vivons présentement en situation d'extrême urgence et ne perdons surtout pas de vue que des organismes, des organisations, des institutions et des populations entières courent de grands dangers et vont souffrir davantage et que les enjeux en cause sont multiples, complexes, cruciaux et mondiaux et dont leurs résolutions ou non seront déterminantes pour l'avenir.
« L'histoire d'aujourd'hui nous force à dire que la révolte est l'une des dimensions essentielles de l'homme. Elle est notre réalité … La révolte est souvent légitime, elle est l'expression la plus pure de la liberté et semble revêtir le visage de l'espoir. » Albert Camus
Vers la libération !
À l'évidence, le monde actuel s'enlise dans les marécages boueux de la fuite en avant et de la bêtise et s'éloigne de plus en plus de la paix en tentant d'emprunter les sentiers barbelés de la radicalisation et minés de la militarisation. Cependant, nous ne devons pas commettre l'erreur de plier l'échine et de nous retrancher derrière les barricades de la peur et du silence et de dissimuler nos convictions profondes sous les nuages sombres de la capitulation. Nous devons plutôt ouvrir tous ensemble toutes grandes ces portes de la libération pour empêcher le monde de se fractionner et de penser intimement et collectivement que cette libération n'a rien d'utopique. Bien au contraire. Nous devons nous révolter et manifester haut et fort notre opposition pour mieux affronter et contrer ce péril qui nous assaille de toutes parts et défendre avec force et conviction nos valeurs universelles et faire cesser au nom de la dignité, de la justice et de la paix cet outrageant hold-up de nos droits et libertés. Il y va de nos vies et de celles de nos enfants !
« … l'adjectif « utopique » ne désigne plus ce qui n'a pas de place, dans l'univers historique, mais plutôt ce à quoi la puissance des sociétés établies interdit de voir le jour. » Herbert Marcuse
(À titre d'exemple, pensons à la Palestine qui revendique « depuis 78 ans » déjà son indépendance politique et sa souveraineté sur son territoire.)
Gaétan Roberge
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29 mars 1987 - 29 mars 2025 : Qu’en est-il du respect de la Constitution haïtienne ?
Chaque 29 mars, Haïti marque l'anniversaire de la Constitution de 1987, adoptée par référendum dans un contexte de renouveau démocratique après la chute de la dictature des Duvalier. Conçue comme un rempart contre l'autoritarisme et une garantie des libertés fondamentales, cette Constitution devait symboliser un nouvel élan vers un État de droit et une gouvernance transparente. Trente-huit ans plus tard, la question se pose : ce texte a-t-il réellement été respecté, ou a-t-il été vidé de sa substance par des pratiques politiques contraires à ses principes fondamentaux ?
La Constitution de 1987 a été perçue comme un espoir de rupture avec les abus du passé. Elle instaurait un système présidentiel limité, des contre-pouvoirs pour éviter la concentration excessive de l'autorité et un ensemble de droits et libertés pour les citoyens. Pourtant, dès les premières années, des tentatives de modification et de contournement ont affaibli l'application de ses principes.
L'instabilité politique chronique a souvent entraîné des dérives, avec des gouvernements utilisant des stratagèmes divers pour contourner les exigences constitutionnelles. Les décrets gouvernementaux en période de vacance parlementaire, les reports électoraux récurrents et les manipulations pour prolonger des mandats en sont des exemples frappants.
Le respect de la Constitution haïtienne est à géométrie variable. Les articles garantissant les droits fondamentaux des citoyens, notamment en matière de justice, d'éducation et de conditions de vie dignes, restent largement inappliqués. Par contre, certains articles sont invoqués avec zèle lorsqu'ils servent les intérêts des gouvernants ou des groupes d'influence.
L'indépendance du pouvoir judiciaire, prévue par la Constitution, est restée une utopie. La nomination de juges et la gestion des institutions judiciaires sont fréquemment soumises à des influences politiques, rendant l'application de la loi partiale et inéquitable.
Face à ces dérives, des voix s'élèvent régulièrement pour une refonte de la Constitution. Certains prétendent qu'elle est inadaptée aux réalités du pays et qu'une nouvelle version plus pragmatique est nécessaire. D'autres, en revanche, soulignent que le véritable problème n'est pas la Constitution elle-même, mais plutôt l'absence de volonté politique pour la respecter et la faire appliquer dans son intégralité.
L'avenir du respect de la Constitution haïtienne repose donc sur la capacité des acteurs politiques et de la société civile à en faire un véritable outil de gouvernance, plutôt qu'un texte manipulable au gré des intérêts personnels. Ce 29 mars 2025 doit être une occasion de réflexion collective sur la place du droit dans la construction d'un État moderne et d'une société juste et équilibrée.
Le respect de la Constitution ne doit pas être une option, mais une obligation pour tous, au service d'un avenir stable et prospère pour Haïti.
Smith PRINVIL
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« Celui qui lutte peut perdre mais celui qui ne lutte pas a déjà perdu »
Dans Étincelles écosocialistes, paru aux éditions Amsterdam en 2024, le sociologue et philosophe marxiste et écosocialiste Michael Löwy rassemble l'essentiel de ses textes récents sur la théorie et la pratique de l'écosocialisme, mouvement et projet politique international à l'émergence duquel il a particulièrement contribué, comme théoricien en co-signant par exemple le Manifeste écosocialiste international de 2001 ou en publiant l'ouvrage de référence Ecosocialisme : l'alternative radicale à la catastrophe écologique capitaliste (Mille et Une Nuits, 2014) et comme militant, notamment dans le cadre de la Quatrième Internationale.
Dans cet entretien avec Alexis Cukier, philosophe et membre de la rédaction de Contretemps, Michael Löwy revient sur la signification théorique et la portée politique du projet écosocialiste, en s'appuyant sur une analyse des luttes sociales et écologiques dans le monde, notamment en Amérique latine, qu'il analyse comme des résistances au capitalisme et au néofascisme écocides, comme des jalons vers une société alternative, et comme des raisons d'espérer que soit actionné à temps le frein d'urgence de la révolution écologique et sociale.
19 mars 2025 | tiré de la revue contretemps.
https://www.contretemps.eu/etincelles-ecosocialistes-entretien-michael-lowy/
Alexis Cukier : Etincelles écosocialistes rassemble des textes de nature et d'objets différents, sur divers auteurs de la théorie marxiste et de l'écologie politique (notamment Walter Benjamin, André Gorz, Joel Kovel, John Bellamy Foster), les luttes écologiques et sociales en particulier au Brésil, des phénomènes spécifiques comme la publicité ou le surréalisme, et sur des propositions politiques comme la décroissance…mais il me semble que l'écosocialisme est plus qu'un fil directeur, c'est un vrai point de vue sur la totalité.
Voici donc deux questions pour commencer : quelle est la spécificité de ton approche de l'écosocialisme, est-ce par exemple la démocratie sur laquelle tu insistes particulièrement ? et dans quel contexte de réception et discussion sur l'écosocialisme le livre s'inscrit-il ?
Michael Löwy : J'insiste sur la démocratie, en effet, mais je pense que ce n'est pas un thème qui est polémique chez les écosocialistes. Il y a un certain consensus : si la planification écologique n'est pas démocratique, elle ne peut pas avoir lieu. Je pense qu'il y a une dynamique positive, un intérêt croissant pour l'écosocialisme partout dans le monde, notamment en France mais aussi aux Etats-Unis, en Amérique latine.
Mon livre est un recueil de textes, mais en effet il y a une cohérence : je pense qu'il est important de convaincre la gauche, les marxistes, les communistes, que l'écologie est décisive – que l'on ne peut plus penser le projet socialiste et le projet communiste sans l'écologie d'une façon centrale. Et de convaincre les écologistes qu'on ne peut pas confronter la crise sans les instruments du marxisme et sans une perspective socialiste, une perspective communiste. C'est cela l'objectif. Et c'est pour cela que mon travail cherche à faire connaître ces discussions, expériences de lutte, en rapport au marxisme. Nous sommes plusieurs à essayer de le faire, des camarades de la Quatrième Internationale, mais pas seulement, qui essayons de faire avancer les idées écosocialistes.
AC : Dans le débat académique, le terme d'écomarxisme (ou marxisme écologique) s'est installé, autour d'auteurs comme John Bellamy Foster ou Kohei Saito. Que penses-tu des théories de ces auteurs ? Dans le livre, tu discutes notamment de l'œuvre de Foster, en soulignant ses apports et aspects positifs, et en proposant une critique, assez discrète, du fait qu'il sous-estime le caractère productiviste de certains passages des Grundrisse de Marx. On pourrait être beaucoup plus critique de cette tendance apologétique chez Foster…
D'où ma question : comment estimes-tu le rôle qu'il joue dans les débats autour du marxisme et de l'écologie, et de l'écosocialisme ?
ML : Je trouve que John Bellamy Foster joue un rôle très positif. Le fait d'avoir mis en route l'écomarxisme, d'avoir commencé à développer une réflexion sérieuse sur les aspects écologiques de la pensée de Marx, a été très important pour aider les marxistes d'aujourd'hui à prendre au sérieux l'écologie.
J'ajouterais que ce que Foster et autres écomarxistes écrivent sur le rôle du capitalisme dans la crise écologique, la nécessité d'une révolution écologique et d'une alternative écosocialiste – c'est au moins aussi important que leurs travaux sur Marx. Et c'est la raison pour laquelle j'ai un avis fondamentalement positif à propos du travail qu'ils font. Mais j'ai aussi quelques critiques.
Concernant Bellamy Foster, effectivement, je pense qu'il a une présentation un peu trop lisse de Marx et d'Engels, comme si il y avait, dès le début, dès la thèse de doctorat de Marx jusqu'à ses derniers écrits, une continuité de préoccupations écologiques. Il a eu le mérite d'avoir mis en relief des aspects de Marx qui étaient sous-estimés ou ignorés, autour de la problématique de la rupture du métabolisme notamment. Il a joué un rôle très positif pour convaincre les marxistes que l'écologie, ce n'est pas quelque chose d'extérieur au marxisme ou d'hostile, mais quelque chose qu'on trouve déjà dans une certaine mesure chez Marx.
Mais je pense qu'il est allé un peu trop loin, parce qu'il y a certains écrits de Marx qui restent encore marqués par le productivisme qui était l'idéologie dominante de son époque. Et surtout la question écologique n'avait pas du tout au XIXᵉ siècle l'importance qu'elle a au XXe siècle – le problème commençait seulement à apparaître. On voyait les premiers signes de destruction de l'environnement par le capitalisme. Mais aujourd'hui, c'est devenu une question de vie ou de mort pour l'humanité. Donc un changement très radical, un changement décisif. Et il est tout à fait normal que pour Marx et Engels, la question écologique n'était pas centrale.
Je rappelle toujours que Marx et Engels n'ont pas écrit un seul livre sur la question écologique, même pas un seul article ou un seul chapitre du Capital. Mais c'est normal parce qu'à leur époque, ce n'était pas encore une question brûlante, au sens propre et au sens figuré. Donc il ne s'agit pas pour moi de critiquer Marx ou de le dénoncer, mais de reconnaître les limites qui sont celles de sa période. Et en même temps, c'est vrai que Marx et Engels ont eu l'intuition de cette contradiction, de cette rupture métabolique. Donc c'est important de sauver ce moment écologique chez Marx. Mais il ne faut pas surestimer l'importance et la cohérence de ce moment au sein de l'œuvre de Marx.
C'est ma principale critique à Bellamy Foster, qui est un ami, et dont je respecte le travail. J'insiste : l'apport de Bellamy Foster n'est pas seulement de relire Marx mais de penser en termes marxistes les problèmes écologiques contemporains. Il a écrit un livre sur la révolution écologique qui est très important.[1] Et il a transformé la Monthly Review qui était une des principales revues de la gauche américaine en une revue éco-marxiste, c'est très important aussi.
AC : Et que penses-tu des derniers ouvrages de Kohei Saito ?
ML : Kohei Saito aussi a joué un rôle très important, très positif. Il a l'avantage sur Bellamy Foster d'avoir analysé la pensée de Marx non comme un système cohérent du début à la fin, mais comme une pensée en mouvement, qui au début reste marquée par une vision productiviste. C'est évident dans le Manifeste communiste qui parle du capitalisme qui a réussi à dompter la nature, etc. Mais aussi de certains passages des Grundrisse qui celèbrent « la mission civilisatrice du capitalisme ».
Saito montre que c'est à partir des années 1860, avec la lecture de Liebig notamment, qu'il y a une prise de conscience chez Marx, de l'épuisement de la fertilité de la terre, de la rupture du métabolisme et aussi, dans une certaine mesure, du problème écologique plus généralement. Cet apport de Saïto, qui consiste à montrer le mouvement de la pensée de Marx, est important. Et je pense que c'est important aussi de montrer que le marxisme, après Marx aussi, est également une pensée en mouvement, qui ne se limite pas à répéter ce que Marx a dit, mais a toujours été obligé à affronter des problèmes nouveaux comme l'impérialisme, le fascisme, le stalinisme et maintenant la crise écologique.
La critique que je fais à Kohei Saito, qui est aussi un ami, quelqu'un que j'aime bien, c'est que, à la fin de son dernier livre, il essaie de démontrer que Marx était déjà pour la décroissance[2]. Helas, ça ne colle pas… Dans un autre livre antérieur, il terminait en disant que pour Marx, le problème écologique était le problème le plus important du capitalisme. Cela n'était pas possible à son époque, de même que Marx ne pouvait pas vraiment penser la décroissance. La question ne se posait pas à son époque. Donc là, je ne suis pas d'accord.
Dans le livre traduit en français, Moins ! La décroissance est une philosophie (2024), la section sur Marx est bonne, sauf cette conclusion qui affirme qu'il était partisan de la décroissance. Je trouve que la proposition de Saïto d'un communisme de la décroissance est une excellente idée. Sauf qu'elle ne se trouve pas chez Marx ! Ce qui n'empêche pas que ce soit une très bonne idée.
AC : En lisant le livre, la présence du concept de réification, et plus largement de la pensée de Georg Lukács, m'a paru remarquable. C'est le cas par exemple des très intéressants articles sur la publicité, ou sur le surréalisme. Je connais tes travaux sur Lukács, sur Max Weber, mais je n'avais pas vu le rapport avec l'écosocialisme. Comment ferais-tu le lien entre la thématique « marxo-wébérienne » de la réification, et l'écologie ?
ML : Le concept de réification, je pense que c'est un des très grands apports de Lukács, et aussi de Lucien Goldmann qui a continué dans cette lignée. Cela permet de comprendre comment tout devient marchandise et la logique marchande domine tout dans la société capitaliste, non seulement l'économie directement, mais aussi la politique, la culture, la religion, l'art…Tout devient marchandise, tout devient une chose qu'on vend, qu'on achète. Les rapports entre les êtres humains deviennent chosifiés, réifiés.
Je pense que c'est un instrument conceptuel fondamental pour comprendre le capitalisme. Et évidemment, cela conduit au rapport à la nature, qui est, elle aussi, complètement chosifiée. La nature est vue uniquement comme un ensemble de choses qui doivent devenir des marchandises. Ce sont des matières premières pour la marchandise. Donc il y a dans le capitalisme une logique de chosification, de marchandisation, de réification de la nature. On pourrait en effet développer une critique Lukácsienne du capitalisme dans son rapport à la nature – ce que je n'ai pas vraiment fait dans le livre, sauf ici ou là, de façon limitée. Mais cela pourrait être une démarche à développer.
Ce n'est pas seulement le concept de réification qu'on peut reprendre de Lukács, mais aussi la méthode, et particulièrement la catégorie de totalité. C'est très important. Lukács a écrit dans Histoire et conscience de classe que ce qui distingue le marxisme de la science bourgeoise, ce n'est pas la prédominance de l'économie, c'est la catégorie dialectique de la totalité. Et c'est très important pour comprendre le problème écologique. On ne peut pas se limiter à l'analyse économique. Il faut voir les choses comme une totalité où il y a l'économie, la politique, la culture, la société, la lutte des classes, c'est une totalité. Et la crise écologique, c'est une totalité, qui concerne toute la vie des humains. Je pense que la catégorie de la totalité est fondamentale. Il y a beaucoup d'apports de Lukács qui sont importants pour la méthode marxiste.
Cela dit, il est vrai que Lukács n'a pas de réflexion sur l'écologie, ou très peu. Il y a un texte de lui où il y a quelques pistes, qui s'appelle Chvostismus und Dialektik (« Dialectique et Spontanéité », on devrait dire plutôt « Dialectique ou Suivisme »). Ce texte de 1925 qu'on a découvert récemment était inédit du vivant de Lukács. C'est une réponse aux critiques d'Histoire et conscience de classe (1923). On y trouve une discussion sur le rapport à la nature, une polémique contre certains marxistes qui ont une vision totalement acritique du rapport de l'industrie et de la technologie à la nature. Donc il y a une piste, mais qui n'est pas vraiment développée par Lukács.
En tout cas, je pense que l'idée de faire une analyse de la crise écologique à la lumière du concept de réification est une bonne idée.
AC : Une des questions qui m'est venue en te lisant concerne la place des expériences de reconversion écologique du travail portée par les travailleurs et travailleuses, ouvrier.e.s, paysan.ne.s et dans d'autres secteurs qui cherchent à rediriger leurs activités pour les décarboner, les dépolluer, répondre à des besoins fondamentaux des êtres humains ou les inscrire dans les cycles de la nature.
Dans le livre, il y a des exemples, notamment l'alliance entre mouvement indigène, paysan et syndical, autour des Seringueiros et de Chico Mendes. Mais il y a une insistance plus grande sur la réduction du temps de travail afin de libérer du temps pour des activités démocratiques et écologiques. Il me semble qu'il faut arriver à tenir les deux, réduction du temps de travail et luttes éco-syndicalistes, pour le dire ainsi. Comment articules-tu ces deux enjeux ?
ML : Il est vrai que dans mon livre, je ne parle pas beaucoup des expériences syndicales de luttes ouvrières écologiques. Mais j'ai publié un recueil de textes avec mon ami Daniel Tanuro sur les luttes socio-écologiques[3] et qui sont effectivement très importantes. Dans le livre on trouve des luttes paysannes, mais aussi des luttes ouvrières, de luttes syndicales. Donc dans cet autre livre, on parle de ces expériences. Mais c'est vrai que dans Étincelles écosocialistes, je n'en parle pas beaucoup.
En même temps, il faut dire que les secteurs en lutte aujourd'hui sur des questions socio-écologiques sont avant tout, par exemple en Amérique latine, les indigènes et les paysans ainsi que, un peu partout dans le monde, les femmes et les jeunes. Ce sont elles et eux qui sont vraiment les premières et les premiers à s'engager massivement dans des luttes, dans les mobilisations. C'est dans le travail du soin (care), effectué par des femmes essentiellement, qu'on trouve le plus de sensibilité aux thèmes écologiques, tandis que le mouvement ouvrier traditionnel, mâle, plus syndicalisé dans l'ensemble, est très en retard, et souvent encore prisonnier du productivisme et surtout du chantage à l'emploi.
On voit cela dramatiquement aujourd'hui, par exemple dans l'industrie automobile, qui est en crise parce que les automobiles se vendent moins bien. Les gens cherchent d'autres moyens de transport et les ouvriers se trouvent au chômage. Que faire ? Ce n'est pas très facile de proposer une reconversion à une usine automobile. Qu'est-ce qu'ils vont faire : produire des trottinettes, des bicyclettes ? Il n'y a rien d'impossible, mais ce n'est pas évident… Donc c'est une vraie difficulté et je n'ai pas de solution simple pour ça.
Mais effectivement, il y a des expériences positives de reconversion écologique au sens large. Notamment des usines en faillite où il y a des expériences intéressantes et il faut en parler, il faut les rendre populaires, il faut les donner comme exemple. Je suis d'accord que c'est très important. Et donc je trouve par exemple que le fait que, en France, un syndicat comme la CGT a fait quelques pas envers l'écologie, même s'il y a eu deux pas en avant et un pas en arrière, c'est quand même très important. Donc c'est une bataille qu'il faut mener.
En même temps, il faut reconnaître qu'aujourd'hui ceux qui sont à l'avant-garde dans les luttes écologiques, ce sont les paysans, les indigènes, les femmes, notamment dans le Tiers-Monde. Et la jeunesse, les mouvements autour de Greta Thunberg. Mais si le mouvement ouvrier ne se rallie pas à un projet écosocialiste, on ne pourra jamais gagner, c'est évident.
AC : Tu viens de mentionner la jeunesse et Greta Thunberg, et je voulais te poser une question sur la nouvelle génération de mouvements écologistes, et notamment les Soulèvements de la Terre.
Je pense que se joue là quelque chose de très important, porteur d'espoir, y compris en termes de renouvellement des pratiques militantes et de la culture politique, plus horizontale et plus dans le faire. On voit là aussi des alliances entre les jeunes et les paysans, notamment la Confédération paysanne, par exemple dans la lutte contre les mégabassines. Et c'était déjà le cas en fait à la ZAD de Notre-Dames-des-Landes, il y avait déjà des rencontres et alliances avec les mondes du travail. On voit aussi qu'émerge à partir de ces expériences une vraie élaboration stratégique.
Comment vois-tu le mouvement de la jeunesse écologiste qui a émergé au niveau international autour de Greta Thunberg, d'une part, et les Soulèvements de la Terre en France, d'autre part ?
ML : Je pense que ce sont deux expériences très importantes. La mobilisation internationale de la jeunesse que Greta Thunberg a réussi à lancer est très radicale, avec le mot d'ordre « changeons le système, pas le climat ». On y trouve une dynamique anticapitaliste. Je pense que c'est vraiment un mouvement formidable, qui connaît des hauts et des bas, évidemment, mais c'est un mouvement formidable.
Et puis effectivement, il y a les Soulèvements de la Terre, que je n'ai pas pris en compte parce qu'à l'époque où j'écrivais les textes du livre, ça n'existait pas encore ou ça a commencé à paraître, mais effectivement aujourd'hui c'est l'expérience socio-écologique la plus importante en France. Il y avait déjà eu Notre-Dame-des-Landes, en effet, où le syndicat CGT local s'était engagé. C'était déjà quelque chose de très important. Mais les Soulèvements de la Terre, c'est vraiment quelque chose de très positif. C'est formidable la façon dont ils ont réussi à rassembler des gens venus d'horizons très divers. Et, comme tu le dis, de façon massive et très combative.
Evidemment, ils ont été victimes d'une répression inouïe et d'une brutalité criminelle de la part de l'Etat, de Macron. Mais la tentative de dissoudre le mouvement a raté, et il est toujours là, très actif. Je pense que c'est un mouvement qui a beaucoup d'avenir. Et c'est un des grands espoirs aujourd'hui en France et en Europe, les Soulèvements de la terre. C'est très important. S'il y a une réédition élargie de mon livre, il faudra absolument que j'inclue un chapitre sur les Soulèvements de la Terre.
C'est évident qu'il faut aller dans cette direction, construire des mobilisations qui soient capables de travailler à cette convergence entre le social et l'écologique, entre le mouvement écologique et la jeunesse, etc. Avec les ONG, Attac, le mouvement social et syndical, la Confédération paysanne notamment, les jeunes…ces convergences concrètes, c'est la bonne stratégie pour avancer, j'en suis tout à fait convaincu.
C'est le thème du livre sur les luttes socio-écologique qu'on a publié avec Tanuro. C'est le seul espoir qu'on puisse changer le rapport de force qui est pour le moment nous est très défavorable : travailler à cette convergence entre le social et l'écologie qui est plus facile, même en France, autour des questions comme l'eau et la terre, et plus difficile au niveau des usines. Mais il faut y aller aussi. Si on n'arrive pas à débloquer la convergence au niveau du travail et des entreprises, on ne pourra pas avancer.
Je veux donner un exemple d'une convergence qui s'est esquissée mais qui n'a pas vraiment réussi, autour du fret ferroviaire. C'est une question fondamentale pour les cheminots, évidemment, parce que le gouvernement est en train de démanteler le fret. Mais c'est aussi une question écologique fondamentale parce que du point de vue des émissions de CO2, il faut en finir avec le tout-camion. C'est un désastre écologique. Le tout-camion est un désastre social, y compris pour les camionneurs, avec les accidents notamment. Il faut en finir avec ça et le seul espoir, c'est le fret.
Donc c'est une lutte écologique aussi. Or il y a eu une déclaration commune il y a quelques mois, d'Attac et de quelques ONG écologistes avec les cheminots, mais ça n'a pas vraiment embrayé dans une vraie mobilisation comme par exemple Les soulèvements de la Terre. Il faut qu'on puisse mobiliser les syndicats et les mouvements écologistes autour des questions comme le fret ferroviaire.
AC : En ce qui concerne les convergences et alliances, nous avons évoqué tout à l'heure les seringueiros, et je voulais revenir sur le chapitre « Au Brésil : le combat de Chico Mendes », en te posant deux questions. D'abord, comment présenterais-tu l'importance des luttes sociales et écologiques latino-américaines pour l'histoire du développement du mouvement écosocialiste au niveau international ? Et aujourd'hui, après Bolsonaro notamment, comment vois-tu la dynamique au Brésil, les possibilités pour l'avenir ?
ML : D'abord il faut dire qu'en effet, en Amérique latine, il y a des expériences très intéressantes de lutte socio-écologique, notamment indigènes et paysannes. On voit cela un peu partout, au Pérou, au Mexique et au Brésil, où il existe un mouvement social très important, peut-être le mouvement social le plus important en Amérique latine : le mouvement des paysans sans terre, le MST. Et il y a un formidable mouvement féministe, par exemple au Chili, c'est le mouvement des femmes qui est à l'avant-garde
Au Brésil, le MST organise des centaines de milliers de paysans. Il mène un combat depuis des années pour la réforme agraire, mais il ne se limite pas à lutter pour faire pression sur le gouvernement, il commence à mettre sur pied concrètement une réforme agraire sur le terrain. Il le fait en occupant des fermes improductives, en occupant des terres, en établissant des communautés paysannes ou des coopératives un peu partout dans le Brésil. Or ce mouvement a fait, il y a une vingtaine d'années, un tournant écologique.
Au début, ça ne les intéressait pas tellement, mais depuis 20 ans, ils ont fait un vrai tournant écologique, qui s'accentue depuis. Là où se trouvent les occupations, leurs coopératives, leurs fermes, ils ont fait un tournant vers la production bio. Et aujourd'hui, ils sont devenus par exemple le plus grand producteur de riz bio au Brésil. Or le riz, c'est la base de la nourriture des Brésiliens avec les haricots noirs. Donc cette expérience est très importante. C'est vraiment une expérience sociale et écologique de masse, avec un mouvement qui est très politique.
La plupart des militant.e.s, des cadres du MST, sont marxistes. Et ils ont une école de formation formidable, où je suis allé avec ma compagne, plusieurs fois, qui s'appelle l'École Nationale Florestan Fernandes, du nom d'un sociologue marxiste très connu. C'est une école où ils forment leurs cadres, leurs militant.e.s, mais aussi des militant.e.s d'autres mouvements sociaux, de toute l'Amérique latine et même du monde entier. C'est vraiment une école de formation marxiste, locale, nationale, latino-américaine et mondiale. Et là aussi, ils commencent à parler d'écologie et d'écosocialisme. C'est quelque chose de très important.
Plus généralement, en Amérique latine, on a ces mobilisations socio-écologiques des paysan.ne.s, des indigènes, qui sont très combatives. Et puis on voit apparaître aussi, mais à une moindre échelle évidemment, un intérêt pour l'écosocialisme, comme ce fut le cas par exemple d'Hugo Blanco, un des grands dirigeants paysans et indigènes de l'Amérique latine, au Pérou, et au Mexique où il est récemment décédé. Il avait l'habitude de dire « Nous les indigènes, nous pratiquons l'écosocialisme depuis cinq siècles ».
Et il y a quelque chose de vrai. Les indigènes ont un rapport à la nature, à la fois communautaire et collectif, qui se caractérise aussi par le respect pour l'eau, la terre, les arbres, la nature. Cela fait partie de leur culture, de leur spiritualité. Donc il y a vraiment une contradiction de leur culture avec le capitalisme, avec la logique réifiée du capitalisme. Il y a non seulement dans ces luttes indigènes et paysannes une question vitale, par exemple défendre l'eau contre l'empoisonnement, mais il y a aussi, disons, une « affinité négative » entre l'esprit indigène et l'esprit du capitalisme.
La question décisive, dans ce domaine, c'est évidemment l'avenir de l'Amazonie. Elle concerne tout d'abord les populations locales, les indigènes, les paysan.ne.s qui habitent là-bas et qui veulent protéger la forêt contre la logique destructive massive du capitalisme, sous la forme d'entreprises minières, notamment d'extraction d'or, qui sont des gangs criminels qui essaient de trouver l'or mais en empoisonnant les rivières avec du mercure. Et surtout contre l'agrobusiness qui détruit la forêt pour remplacer les arbres par les pâturages ou des champs de soja.
Au Brésil, l'agrobusiness est une puissance énorme, ils contrôlent la moitié du Parlement, et aussi les gouvernements locaux. Donc il y a un combat décisif pour sauver l'Amazonie où sont engagés en première ligne les indigènes, les communautés paysannes locales, avec le soutien d'une partie de la gauche, d'une partie importante de l'Église, et évidemment des écosocialistes et des anticapitalistes.
C'est une bataille fondamentale qui concerne évidemment les populations locales, mais aussi l'ensemble du Brésil, parce que c'est de l'Amazonie que viennent les rivières de pluie sans lesquelles le sud du Brésil serait désertifié. Et il concerne aussi toute la planète, parce que l'Amazonie est un des derniers grands puits de charbon qui absorbe une partie importante du CO2. Si l'Amazonie est détruite ou si elle devient une savane, ce qui est un danger très réel si on continue avec les incendies et les destructions, alors le changement climatique deviendra incontrôlable.
Donc c'est une affaire qui concerne tout le monde, qui nous concerne tous, non seulement les indigènes, les Brésiliens mais aussi toute l'humanité. Dans cette bataille très importante, le gouvernement Lula a apporté certaines améliorations, évidemment, par rapport à Bolsonaro qui avait mis en œuvre une dynamique totalement destructrice. Mais on est encore loin du compte.
Il y a notamment un affrontement maintenant autour du projet d'exploitation de pétrole dans l'embouchure de l'Amazone…car à cet endroit, dans la mer, il y a du pétrole, apparemment de grandes quantités, même si on ne sait pas exactement. Et donc il y a une discussion pour savoir si on va exploiter ce pétrole en haute mer ou pas, avec un danger évident : s'il y a un problème comme c'est arrivé au golfe du Mexique, cela inonderait l'Amazonie de pétrole, avec des conséquences dramatiques pour l'environnement. Sans parler du fait que ce pétrole va être exploité, brûlé et contribuer au changement climatique. Donc il y a un débat, y compris au sein du gouvernement de Lula. Cela va dépendre du rapport de force dans la société. C'est une bataille très importante.
Je reviens pour finir à la partie de ta question sur l'écosocialisme en Amérique latine. Son développement est inégal selon les pays. Au Brésil, il existe un réseau écosocialiste depuis quelques années déjà, avec des militant.e.s venu.e.s de tous les horizons de la gauche, de tous les partis de la gauche radicale. C'est un acquis très important. Ils organisent des activités, ils ont publié un manifeste, certain.e.s de leurs militant.e.s sont dans le gouvernement, au ministère de l'écologie. Donc ils ont une certaine influence, limitée, bien sûr, mais l'existence d'un réseau brésilien écosocialiste est un acquis important. Il y a aussi un réseau en Argentine qui a organisé un colloque écosocialiste international à Buenos Aires, en 2024. Et il y a aussi d'autres initiatives, moins développées, qui existent dans d'autres pays.
AC : Tu as parlé de l'agrobusiness et de Bolsonaro…il faut parler de la question du rapport entre écocide et extrême droite ou néofacisme. Nous sommes quelques jours après l'investiture de Trump, dont la formule « drill baby drill » exprime bien le projet extractiviste débridé. On voit partout l'alliance entre néofascistes et néolibéraux, au service d'un projet extractiviste et productiviste très dur, qui passe aussi par la répression des mouvements écologistes.
Comment vois-tu cette montée du néofascisme d'un point de vue écosocialiste ? Est-ce que tu reprends ce terme, parfois employé récemment pour parler des rapports entre écologie et extrême droite, d'écofascisme ?
ML : Je n'utilise pas le terme écofascisme, dont je pense qu'il introduit de la confusion. Les fascistes ne sont pas écologistes, la plupart sont ouvertement négationnistes en ce qui concerne le climat. Quelques-uns essaient maladroitement de jouer un peu avec l'écologie dans un registre nationaliste, mais c'est vide. Le Rassemblement national est un bon exemple : ils essaient de peindre un tout petit peu en vert leur drapeau brun, mais cela n'a aucune consistance. Donc je pense que l'écofascisme est une fausse piste. Par contre nous sommes vraiment confrontés à un fascisme anti-écologique, à 200 % écocide.
Les exemples que tu as cités sont parlants : chez Trump, il y a un refus total de l'écologie, et le même vaut pour Milei et Bolsonaro. Tous ces gens sont complètement aveugles à la crise écologique. Ils font comme si elle n'existait pas et défendent de manière acharnée le pétrole, le charbon et toutes les offensives destructrices de la nature. C'est bien sûr extrêmement inquiétant. C'est notamment le cas de Trump, parce que les dégâts qu'il peut provoquer aux Etats-Unis sont à une échelle infiniment plus grande que Milei en Argentine ou même Bolsonaro au Brésil.
Mais aux Etats-Unis on peut craindre le pire : quatre années de Trump avec l'exploitation intensive du pétrole partout, cette menace d'invasion du Groenland, etc. C'est extrêmement dangereux, extrêmement inquiétant, et bien sûr un développement très négatif du point de vue du combat contre le changement climatique. C'est vraiment un pas en arrière gigantesque.
Mais ça ne sert à rien de se lamenter, il faut organiser la résistance ! Il faut organiser la résistance partout où ces gouvernements néo-fascistes se sont installés. Je dis néo-fascisme parce que ce n'est plus le fascisme des années 1930, ce ne sont pas des Etats totalitaires avec des bandes en uniformes qui défilent, ou la Gestapo… c'est une autre forme, totalement alignée sur le néolibéralisme extrême. Dans le cas de Milei, c'est une espèce d'anarcho-libéral-fascisme, c'est très différent du corporatisme nationaliste du fascisme classique.
Mais il y a des traits communs qui sont le nationalisme, la haine de la gauche, le racisme, la recherche du bouc émissaire responsable de tous les maux. C'étaient les juifs pour les nazis. Ce sont les mexicains pour Trump, ce sont les musulmans en Europe. Cette logique du bouc émissaire est typique de la logique fasciste. De même que le culte du chef, du sauveur : Trump, Bolsonaro… qu'on a appelé au Brésil le Messie. Et Trump se dit envoyé par Dieu. Donc il y a des éléments en commun avec le fascisme classique, mais c'est quand même une forme nouvelle.
Et une de ces caractéristiques nouvelles, c'est justement cette dynamique antiécologique, de destruction forcenée de la nature, d'exploitation à fond des énergies fossiles avec des conséquences dramatiques. Il faut organiser la résistance partout, en partant de secteurs qui sont mobilisés. Le mouvement des femmes, la jeunesse, des secteurs du mouvement paysan, certains courants syndicaux, les écologistes, la gauche… Il faut lutter. Il n'y a pas d'autres moyens que de résister, de lutter. Et il y des possibilités.
Même aux Etats-Unis, par exemple, il y a des Etats qui sont gouvernés par les démocrates, ce n'est pas formidable pour nous, écologistes, mais c'est quand même un peu mieux. Donc ces Etats comme la Californie vont essayer de résister à la politique de Trump jusqu'à un certain point. Mais bien sûr je compte surtout sur les mouvements sociaux. Ces jours-ci, il se passe des choses intéressantes, en termes d'auto-organisation aux Etats Unis : des écoles, des églises, qui déclarent qu'ils vont empêcher les déportations des migrants. Et il y aura aussi des résistances concernant l'écologie.
N'oublions pas qu'il y a eu le grand mouvement contre le pipeline Keystone aux Etats Unis avec la participation notamment des indigènes, les Sioux, soutenus par certains courants syndicaux, par la gauche, par les écologistes. Ils ont réussi à bloquer le pipeline. Donc il y aura des luttes. C'est le seul espoir.
AC : Venons-en à une dernière question, pour finir par de l'espoir, du positif. Une des forces de l'écosocialisme est d'aborder de front la question du projet de société alternative, écologiste, communiste, égalitaire, féministe, antiraciste, internationaliste…Dans le livre cela apparaît nettement dans les derniers textes, et notamment autour de la question de la décroissance écosocialiste, au sujet de laquelle tu as écrit plusieurs textes récemment.
Tu as aussi participé à la rédaction d'un Manifeste de la Quatrième Internationale proposant un programme de transition écosocialiste[4], écrit par des militant.e.s écosocialistes de plusieurs pays. Il y est question des luttes qui articulent questions sociales et écologiques, mais aussi d'un projet écosocialiste, de planification démocratique et d'autogestion, de nouvelles institutions.
Pourrais-tu nous expliquer ce que tu entends par décroissance écosocialiste, et à partir de là développer tes arguments sur l'écosocialisme comme projet de société désirable ?
ML : Oui nous pensons, je pense et mes camarades aussi, qu'il ne suffit pas d'être anticapitaliste, il faut proposer une alternative, sinon on n'est pas crédible. Et cette alternative, c'est l'écosocialisme, c'est le projet, pas simplement de changer les rapports de propriété, mais d'une nouvelle civilisation fondée sur d'autres valeurs et d'autres formes de production et de consommation, une autre façon de vivre.
C'est un projet très ambitieux, dont certains axes sont ceux classiques du socialisme, comme la propriété collective des moyens de production, l'autogestion et la planification démocratique, mais maintenant avec un contenu écologique qui n'était pas tellement présent dans le passé. Et évidemment, ce projet, cette nouvelle civilisation, ne va pas se faire d'un jour à l'autre. Il y aura un processus de transition, le Manifeste que tu as mentionné pense une transition entre le capitalisme et l'écosocialisme.
Bien sûr, l'écosocialisme n'existera jamais si on ne commence pas la lutte pour l'écosocialisme ici et maintenant. Il ne s'agit pas d'attendre que les conditions soient mûres pour agir. Parfois on nous critique en nous disant : « votre projet écosocialiste est bien gentil, mais on ne peut pas attendre, il y a une urgence sur la question écologique, il faut agir dès maintenant ».
Mais nous ne proposons pas du tout d'attendre que la conscience soit mûre pour la révolution mondiale, ce n'est pas du tout cela. Il faut agir ici et maintenant, même pour de petites choses, de petites victoires qui ralentissent la vitesse de la course à l'abîme. Pour reprendre cet exemple, si on peut arrive à sauver le fret ferroviaire en France, ce n'est pas l'écosocialisme, mais c'est un pas très important dans ce combat. Donc il faut commencer la lutte ici et maintenant.
En ce qui concerne la question de la décroissance, il faut dire que jusqu'à il y a quelques années, nous étions assez réservés envers la décroissance, pour deux raisons. Premièrement, certains des partisans de la décroissance ne parlaient pas du capitalisme. Leur ennemi, c'était la croissance en général. Comme s'il pouvait y avoir un capitalisme décroissant. Et puis deuxièmement, nous pensons que la décroissance en soi n'est pas une alternative de société, cela ne dit pas quelle société on veut.
Mais en même temps, nous avons été de plus en plus convaincus que les courants de la décroissance avaient raison de dire qu'on ne peut pas affronter la crise écologique sans une décroissance de la production matérielle. D'abord parce qu'il faut réduire la consommation d'énergie de façon très substantielle, parce que les énergies renouvelables ne peuvent pas totalement remplacer les énergies fossiles. Même les énergies renouvelables demandent des matières premières, des minerais, qui n'existent pas à l'infini…Donc il faut réduire la consommation d'énergie, réduire la production matérielle. On ne peut pas continuer avec cette accumulation.
Donc l'idée de décroissance, nous la trouvons légitime. Mais il faut que ce soit une décroissance anticapitaliste, sans aucune illusion sur la possibilité d'un capitalisme décroissant. Et il faut l'associer à un projet de société qui est l'écosocialisme. C'est pour cela que nous parlons de décroissance écosocialiste. Et heureusement, une partie du mouvement décroissant va aussi dans cette direction, anticapitaliste d'abord, et même pour certains écosocialiste. C'est pour cela que nous avons publié l'année dernière une déclaration commune entre quelques écosocialiste, moi compris, et quelques théoriciens de la décroissance. Sur le mot d'ordre : pour une décroissance écosocialiste.
Donc nous avons intégré, moi et mes camarades, la décroissance dans notre conception de ce qu'est l'écosocialisme, parce que nous sommes convaincus qu'il faut réduire la production matérielle. Alors évidemment, les anti-écologistes disent « Ah, vous voulez affamer les gens ? Vous voulez que les gens ne puissent plus manger, qu'ils ne puissent plus habiter, qu'ils ne puissent pas se transporter ? Vous êtes pour l'écologie punitive ! ». C'est le discours de la droite. Mais pour nous, les écosocialistes, qu'est-ce que la décroissance signifie plus précisément ?
Je dirais, tout d'abord, en finir avec l'obsolescence programmée qui est inhérente au capitalisme. Parce que les produits sont faits pour ne pas être durables. Je donne toujours cet exemple : ma grand-mère avait un frigo qui durait 40 années. Mais pour le capitaliste qui produit le frigo, c'est une très mauvaise affaire…s'il vend un frigo tous les 40 ans, c'est un désastre. Donc il faut qu'il puisse vendre un frigo tous les quatre ans, et il produit des frigos qui, après quatre années, ne marchent plus. C'est la logique du capitalisme, et l'obsolescence programmée est inhérente à la logique du capitalisme. C'est rationnel pour le capitaliste : il faut produire des marchandises qui deviennent obsolètes le plus vite possible.
Il faut mentionner aussi l'obsolescence par la mode. C'est un autre truc : le téléphone portable qui a toujours un nouveau gadget, dont il faut acheter le nouveau modèle. C'est inhérent au capitalisme et cela produit un gaspillage monstrueux, aussi parce qu'on ne peut plus réparer les objets : l'ordinateur qui a un problème, on ne peut pas le réparer, on ne peut même pas l'ouvrir, il faut le jeter et en acheter un autre, tout nouveau. C'est la logique du système et c'est un gaspillage énorme. Donc si on en finit avec l'obsolescence programmée, si on ne produit que des produits durables et réparables, on ferait déjà un pas énorme en direction de la décroissance, en réduisant donc la production de biens rien que par la suppression de l'obsolescence programmée.
Ensuite, il y a aussi la suppression des biens et services inutiles. Il y a une quantité astronomique de biens inutiles et/ou nuisibles. Bien entendu, ce n'est pas le bureau politique qui va décider de ce qui est utile et inutile, c'est aux gens de le faire, démocratiquement. Mais il est évident qu'il y a une quantité de biens qui sont inutiles, et aussi de services totalement inutiles. L'exemple le plus évident est la publicité. A quoi sert la publicité ? C'est nécessaire au capitalisme, mais dans une société rationnelle, la publicité serait totalement inutile. Et c'est un gaspillage énorme d'énergie, de matières premières, de papier, de force de travail. Donc il faut supprimer la publicité. On pourrait multiplier les exemples. Il ne s'agit pas d'une « écologie punitive », mais d'éliminer des choses qui sont totalement inutiles.
Ensuite, il y a des questions qui sont plus compliquées, par exemple celle de la voiture. Il ne s'agit pas de supprimer la voiture : elle a une utilité sociale, mais il s'agit de réduire substantiellement sa place dans toute la société, y compris l'idéologie, la culture, le mode de vie construit autour de la voiture. Tu ne peux pas exister sans voiture. Aux Etats-Unis, la carte d'identité, c'est le permis de conduire, qui remplace la carte d'identité. Si tu n'as pas de voiture, tu n'as pas d'identité, tu n'existes pas.
Donc il faut en finir évidemment avec cette civilisation de la voiture et organiser les villes autrement pour qu'il y ait de la place pour les piétons, pour les bicyclettes et pour les transports publics gratuits. Tout cela réduira beaucoup la place de la voiture, mais on ne va pas supprimer la voiture, ça serait d'arbitraire. Un autre exemple compliqué, c'est la viande.
La viande est un désastre sanitaire : c'est une source de maladies cardiaques. Et c'est un désastre environnemental, parce que sa production, l'élevage, surtout dans les pays du Sud comme le Brésil, détruit les forêts. Et aussi parce que l'élevage produit du méthane qui est un des gaz à effet de serre les plus dangereux. Donc il faut impérativement, du point de vue écologique et du point de vue de la santé publique, réduire la consommation de viande.
Il faut mentionner aussi la souffrance des animaux, c'est un autre argument. Je ne mettrai pas en première place. Je sais que mes amis véganes mettent en première place la souffrance des animaux, et je le respecte, mais je ne mettrai pas en première place parce qu'il y a d'autres animaux qui mangent des animaux, les tigres et les loups mangent aussi d'autres animaux, on ne va pas criminaliser cela. La souffrance des animaux est un argument respectable, mais je mettrais en première place l'argument écologique et l'argument de santé publique, pour dire qu'il faut réduire la consommation de viande, c'est impératif.
Cela étant dit, on ne va pas le faire par décret, on ne va pas rationner, il faut convaincre les gens qu'il faut réduire la consommation de la viande. Il faut mener un combat politique à l'intérieur de la gauche, et notamment en France où le parti communiste fait l'apologie du bifteck français. Il faut mener un combat, qui est difficile parce qu'il y a des habitudes, une culture de la viande, et tout un secteur économique qui dépend de la viande, depuis les éleveurs jusqu'aux bouchers, etc. Donc il faut leur trouver des alternatives, et ce combat n'est pas facile, mais il faut le mener. Réduire la consommation de viande fait partie de la décroissance.
Donc voilà ce qu'est la décroissance pour nous. Moi et mes camarades, nous assumons la décroissance comme un des vecteurs essentiels du projet écosocialiste.
Alors on pourrait dire : tout cela, c'est très bien, mais quel est le rapport de force ? On a Trump. On a tous les fascistes anti-écologistes au pouvoir. Et l'écosocialisme, est quand même encore un mouvement assez minoritaire. Evidemment, il ne faut pas entretenir un optimisme béat. Et effectivement, le rapport de force n'est pas très favorable. Mais il faut éviter de tomber dans le fatalisme pessimiste – par exemple celui des collapsologues qui disent que la catastrophe écologique est inévitable, qu'il faut se préparer pour survivre, etc.
Je suis totalement opposé à cela pour deux raisons. D'abord, si la catastrophe écologique a vraiment lieu, je ne sais pas si on pourra survivre. Et deuxièmement, la bataille n'est pas perdue. Nous pouvons résister et nous pouvons lutter. Je termine avec une citation attribuée à Brecht, que j'aime beaucoup, et qui dit : « Celui qui lutte peut perdre, mais celui qui ne lutte pas a déjà perdu ».
Notes
[1] John Bellamy Foster, The Ecological Revolution. Making Peace with the Planet, Monthly Review Press, 2009.
[2] Kohei Saito, Moins ! La décroissance est une philosophie, Paris, Seuil, 2024.
[3] Michael Löwy et Daniel Tanuro (dir.), Luttes sociales et écologiques dans le monde. Allier le rouge et le vert, Paris, Textuel, 2021.
[4] Projet de « Manifeste du marxisme révolutionnaire à l'ère de la destruction écologique et sociale du capitalisme », en ligne : https://fourth.international/fr/comite-international/866/604
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Le Québec appelle à la résistance et à la solidarité face aux menaces de l’administration Trump
Un collectif de citoyennes et de citoyens québécois de toutes allégeances lance aujourd'hui un appel à la résistance et à la solidarité afin de faire front commun contre les récentes menaces économiques, culturelles et politiques provenant de l'administration Trump.
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Face aux tarifs douaniers injustifiés imposés par les États-Unis et au chantage politique visant à affaiblir la souveraineté économique, numérique, démocratique et culturelle du Québec et du Canada, ce collectif affirme haut et fort qu'il est hors de question de céder aux pressions américaines ou d'envisager toute forme d'annexion aux États-Unis.
Un grand rassemblement aura lieu le 6 avril à 13 h 30 au pied du Mont-Royal, près de la statue de Georges-Étienne Cartier, afin d'exprimer notre solidarité et notre résistance face aux menaces de l'administration Trump.
« Nous sommes profondément attachés aux valeurs démocratiques, culturelles et sociales développées par notre société au fil du temps », souligne le collectif dans une déclaration qui a été signée par plusieurs centaines de personnalités publiques québécoises. « Il est impensable pour nous de reculer sur des enjeux aussi fondamentaux que l'égalité des sexes, les droits des femmes, le droit à l'avortement, l'équité salariale, les droits des personnes LGBTQ+, la lutte contre la discrimination raciale ou encore la préservation de notre système universel de santé et de nos services éducatifs accessibles », rappelle Alain Saulnier, porte-parole du collectif.
Le collectif dénonce vivement l'idée d'importer au Québec et au Canada un modèle américain qui aggrave les inégalités économiques et sociales, compromet les acquis sociaux essentiels, encourage le port d'armes, envisage la réinstauration de la peine de mort ou néglige la lutte contre les changements climatiques.
La protection de la langue française, de la culture québécoise ainsi que des cultures autochtones constitue également une priorité essentielle. Le collectif réaffirme ainsi la nécessité de résister aux géants américains du web et à leur influence croissante.
« Nous lançons un appel à nous unir et à résister face aux pressions exercées par le président Trump et son administration », poursuit Alain Saulnier. « Nous invitons la société civile, les représentants patronaux, syndicaux, communautaires, féministes, environnementaux et culturels à faire front commun pour défendre notre autonomie, notre diversité culturelle et nos acquis sociaux. »
Cette solidarité dépasse les frontières du Québec. Le collectif appelle aussi les Canadiennes et Canadiens des autres provinces à manifester la même détermination. Finalement, nous devrons, au courant des mois et années à venir, approfondir nos liens avec les citoyennes et citoyens américains qui subissent eux aussi les conséquences néfastes des politiques de l'administration Trump et travailler ensemble pour mettre en échec les visées autoritaires de cette administration.
« Face à une menace commune, nous devons nous tenir debout ensemble », conclut le collectif. « Le temps presse, c'est maintenant à nous de jouer. »
Plusieurs centaines de personnes ont déjà signé la déclaration. Notamment : Alain Saulnier, Christine Beaulieu, Christine St-Pierre, Liza Frulla, Louise Beaudoin, Yvon Deschamps, Jacques Godbout, Caroline Senneville (Présidente de la CSN), Éric Gingras (Président de la Centrale des syndicats du Québec / CSQ), Tania Kontoyanni (Présidente de l'Union des Artistes), Alain Saladzius, Alain Vadeboncoeur, Alex Norris, Anaïs Barbeau-Lavalette, Anaïs Larocque, Anne-Marie Cadieux, Ariane Charbonneau, Catherine Durand, Clément Duhaime, Deneault Alain, Destiny Tchehouali, Dominique Legault, Françoise David, Fred Pellerin, Guylaine Tremblay, Jean-Robert Bisaillon, Jean-Robert Choquet, Joanne Liu, Jonathan Durand Folco, Laure Waridel, Lorraine Pintal, Louise Caouette Laberge, Louise Sicuro, Maka Koto, Mariana Gianelli, Michel Lacombe, Michel Rivard, Michelle Chanonat, Monique Simard, Normand Baillargeon, Pierre Trudel, Ségolène Roederer, Simon Brault, Agnès Gruda, André Bélisle, André Noël, Annick Charette, Ariane Roy, Benoit McGinnis, Boucar Diouf, Camil Bouchard, Céline Bonnier, Christian Bégin, Christian Vanasse, Claude Desrosiers, Claude Legault, Claude Meunier, Dominic Champagne, Edith Butler, Édith Cochrane, Emmanuel Bilodeau, Ève Déziel, François Avard, François Delorme, François Girard, Geneviève Rochette, Geoffrey Gaquère (Directeur artistique et codirecteur général du TNM), Isabelle Vincent, Jacqueline Lemay, Janine Krieber, Jean-François Lépine, Jean-François Nadeau, Jean-Sébastien Fournier, Julie Le Breton, Lana Carbonneau, Léa Clermont-Dion, Lise Aubut, Lizann Demers, Lou Vincent Desrosiers, Louise Harel, Louise Richer, Luc Ferrandez, Mani Soleymanlou, Manon Barbeau, Marie Malavoy, Marie-Josée Lacroix, Marie-Pier Boisvert, Marion Dove, Martin Viau, Mélissa Dion, Michel Désautels, Mireille Elchacar (Mères au front), Mona Greenbaum (Fondatrice de la Coalition des familles LGBT+), Monique Savoie, Morgane Gelly, Myriam Perraton Lambert, Pascale Cormier, Patrice Michaud, Paule Baillargeon, Philippe Poullaouec-Gonidec, Pier Paquette, Pierre Curzi, Pierre Martin, Pierre-Michel Tremblay, Rachida Azdouz, Rémi Bourget, René Richard Cyr, Robin Aubert, Salam Yazbeck, Vincent Graton.
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L’Union fait l’avenir : Lancement des États généraux du syndicalisme
C'est avec grande fierté que le coup d'envoi a été donné aux États généraux du syndicalisme. Avec pour thème « L'union fait l'avenir », les neuf principales organisations syndicales québécoises – l'APTS, la CSN, la CSD, la CSQ, la FAE, la FIQ, la FTQ, le SFPQ et le SPGQ – se réunissent afin de réfléchir ensemble aux défis qui attendent les travailleuses et les travailleurs pour les prochaines années, avec en trame de fond un climat social, économique et politique en ébullition, notamment des attaques au droit de grève avec le projet de loi n° 89.
Le mouvement syndical québécois est à un tournant décisif. Les neuf principales organisations syndicales québécoises unissent leurs forces pour amorcer une réflexion collective dans le cadre des États généraux du syndicalisme, une démarche sans précédent au Québec.
Au cœur de cette démarche : une conversation profonde et honnête sur notre avenir collectif, des discussions sur la modernisation des approches syndicales pour mieux répondre aux attentes des travailleuses et des travailleurs et pour renforcer leur pouvoir d'action face aux nouvelles réalités du monde du travail.
Le syndicalisme, ce sont des visages, des voix et des réalités qui méritent d'être entendus. Cette démarche proactive cherche à revitaliser le mouvement syndical, assurer une plus grande justice sociale et bâtir un avenir où les travailleuses et les travailleurs pourront collectivement prendre leur place.
Un engagement pour l'avenir du syndicalisme
« Nos organisations veulent moderniser leurs approches pour mieux répondre aux attentes variées des travailleuses et travailleurs. Depuis toujours, le syndicalisme est une force de changement. À travers luttes et revendications, nous avons façonné le Québec et obtenu des acquis précieux pour l'ensemble de la société. Aujourd'hui, les défis s'accumulent, mais nos valeurs demeurent solides. Avec cette démarche inédite, nous voulons renforcer notre action collective et bâtir un avenir plus juste et solidaire », ont déclaré conjointement les présidences des neuf organisations syndicales : Robert Comeau (APTS), Luc Vachon (CSD), Caroline Senneville (CSN), Éric Gingras (CSQ), Mélanie Hubert (FAE), Julie Bouchard (FIQ), Magali Picard (FTQ), Christian Daigle (SFPQ) et Guillaume Bouvrette (SPGQ).
Un dialogue ouvert sur des enjeux majeurs
Les États généraux permettront d'examiner plusieurs questions essentielles liées à l'avenir du syndicalisme québécois. Ils porteront sur la place du syndicalisme dans la société et son rôle dans l'amélioration du bien-être collectif, ainsi que sur la capacité des syndicats à mobiliser leurs membres et à accroître leur rapport de force. L'évolution des relations intersyndicales sera également abordée, de même que le modèle québécois en relations de travail ainsi que la représentativité et le sentiment d'appartenance des membres. Enfin, les discussions porteront sur les façons de lever les obstacles à la participation des groupes historiquement discriminés afin d'assurer une plus grande inclusion au sein du mouvement syndical.
Un processus en trois grandes étapes
Cette initiative intersyndicale s'étendra sur plus d'un an et demi et comprendra :
1- une période de consultation des travailleuses et travailleurs, ainsi que de spécialistes du monde du travail et de la société civile, en 2025 pour recueillir leurs perspectives ;
2- un colloque au printemps 2026 pour discuter des résultats des consultations et identifier des pistes de solution ;
3- un grand événement au début de 2027 pour clore les États généraux et présenter les conclusions de cette démarche collective.
En engageant un dialogue sans précédent, ces neuf organisations syndicales québécoises souhaitent poser les fondations d'un syndicalisme solide, plus inclusif et adapté aux réalités de demain.
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