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Les investissements de l’université de Yale dans des entreprises vendant des armes à Israël violent la loi de l’État du Connecticut (É.-U), selon une plainte officielle.

1er avril, par Akela Lacy — , ,
Une plainte déposée auprès du procureur général du Connecticut indique que la fondation de Yale viole également ses propres politiques d'éthique en matière d'investissement. (…)

Une plainte déposée auprès du procureur général du Connecticut indique que la fondation de Yale viole également ses propres politiques d'éthique en matière d'investissement.

Par Akela Lacy, The Intercept, New York, 26 mars 2025, 10h38
https://theintercept.com/2025/03/26/yale-endowment-israel-weapons-divest/
➜ ➜ Traduction partielle avec Google+a.c.
Photo : Joe Buglewicz/Bloomberg via Getty Images
Une affiche appelant au désinvestissement sur un panneau près de l'Université Yale de New Haven, dans le Connecticut, le 23 avril 2024.

Les investissements de l'université Yale dans des fabricants d'armes weapons manufacturers violent la loi de l'État du Connecticut, affirment les organisateurs de l'université dans une plainte déposée mercredi auprès du procureur général du Connecticut, William Tong.

La plainte demande au procureur général d'enquêter sur le refus refusal de Yale de répondre aux appels des manifestants du campus campus protesters' calls à se désinvestir des fabricants et fournisseurs d'armes militaires, dans le contexte de la guerre israélienne contre Gaza.

« Des investissements financièrement prudents peuvent être inéligibles s'ils sont profondément incompatibles avec la mission et les objectifs de l'université », indique la plainte, citant la loi de l'État et les politiques d'investissement de l'université.

Des universités à travers le pays font l'objet de poursuites judiciaires lawsuits et de plaintes fédérales concernant leur gestion des manifestations contre la guerre. Il s'agit de la première plainte demandant une enquête d'État sur une université pour son refus de se désinvestir de l'industrie militaire liée à la guerre, selon les organisateurs.

Les organisateurs allèguent que les administrateurs de Yale ont manqué à leurs obligations fiduciaires en maintenant des investissements qui exposent le fonds de dotation de l'université à des profits provenant de fabricants et fournisseurs d'armes militaires contribuant aux crimes de guerre commis par Israël.

Bien que Yale Corporation, qui gère le fonds de dotation de l'université, ne divulgue pas la grande majorité de son fonds de dotation de 40,7 milliards de dollars, les organisateurs affirment qu'au moins 4 milliards de dollars sont liés à des fabricants et fournisseurs d'armes militaires. Les rares documents publics déposés auprès de la Securities and Exchange Commission (SEC) – 99,7 % du fonds de dotation de Yale n'étant pas rendus publics – montrent que l'université a investi plus de 110 000 dollars $110,000 dans des fabricants et fournisseurs d'armes militaires de l'armée israélienne, a rapporté le Yale Daily News l'année dernière. (...)

Les investissements comprennent de l'argent dans des fonds qui détiennent des actions de sociétés d'armement comme Raytheon,Boeing et Lockheed Martin.

La plainte allègue que ces investissements violent à la fois les obligations fiduciaires des investisseurs institutionnels décrites dans la loi de l'État et les propres politiques d'investissement de l'université, qui appellent au désinvestissement des entreprises qui « violent ou entravent l'application » du droit national et international. (Yale n'a pas immédiatement répondu à une demande de commentaire.)

Presque tous les États ont une loiexigeant que les institutions qui gèrent de l'argent pour des organisations à but non lucratif exonérées d'impôt doivent tenir compte de l'objectif de ces organisations caritatives dans leur décision d'investissement, ce qui signifie que l'esprit de ces choix doit être conforme à la compréhension générale de l'Internal Revenue Service selon laquelle la charitéfournit une aide aux personnes dans le besoin ou soutient le public. travail éducatif ou religieux.

La loi n'interdit pas explicitement les investissements dans une industrie spécifique comme la défense ou la fabrication d'armes, a déclaré l'avocat Ellis Carter.

« Les seules exceptions seraient si une restriction imposée par le donateur limite expressément certains investissements à l'égard d'un don particulier ou si l'université a adopté une politique interne intégrant des considérations éthiques, environnementales ou sociales dans sa stratégie d'investissement », a déclaré Carter.

Les directives d'investissement de Yale sont décrites dans « The Ethical Investor », un livre de 1972 écrit par un ancien professeur de la faculté de droit de Yale que le comité consultatif de dotation de l'université utilise pour guider son travail. L'Université de Yale a déjà interprété ses propres directivesd'investissement comme exigeant le désinvestissement des entreprises aidant au génocide ; violation du droit national, international et humanitaire ; ou de priver les élèves et les enseignants d'un environnement éducatif sûr, ont fait valoir les organisateurs. En 2021, Yale Corporation s'est désinvestie de deux grandes sociétés carcérales privées, CoreCivic et GEO Group.

« Les entreprises d'armement militaire développent, fabriquent et vendent des produits utilisés pour commettre des crimes de guerre et des violations du droit international, y compris la destruction d'écoles, d'universités, de professeurs, d'étudiants, de sites de préservation culturelle et de communautés entières palestiniennes », indique la plainte adressée au procureur général. « Étant donné que ces entreprises sont diamétralement opposées à la mission de l'Université, la prise en compte des objectifs caritatifs de Yale par un fiduciaire prudent et raisonnable interdirait à ces entreprises d'investir. »

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« Nous vivons dans une dictature fasciste »

1er avril, par Amy Goodman, Elie Mystal, Juan Gonzalez — , ,
"Ma réponse aux violations des multiples jugements par D. Trump, c'est que le peuple doit prendre les devants parce que les tribunaux ne le feront pas. Ils ne le peuvent pas. (…)

"Ma réponse aux violations des multiples jugements par D. Trump, c'est que le peuple doit prendre les devants parce que les tribunaux ne le feront pas. Ils ne le peuvent pas. Vous voulez que M. Khalil soit libéré ? Il faut aller à Jena et le libérer. C'est en quelque sorte ce qu'il faut (faire)."

Democracy Now, 19 mars 2025
Traduction et organisation du texte, Alexandra Cyr

Amy Goodman : (…) Le juge en chef de la Cour suprême a publié une rare déclaration qui critique le Président Trump et ses alliés.es pour leurs appels à la procédure de destitution contre des juges fédéraux qui ont émis des jugements contre le Président. Le juge en chef Roberts écrit : « Depuis plus de deux siècles il a été établi que la destitution n'est pas la réponse appropriée quand on est pas satisfait d'une réponse judiciaire. La procédure d'appel existe dans ces cas ».

La déclaration du juge en chef Robert est émise après que le Président Trump ait attaqué à plusieurs reprises un juge de district fédéral, le juge James Boasberg qui a ordonné à l'administration de cesser d'employer la loi sur les ennemis étrangers de 1798 pour expulser des immigrants.es. Cette loi n'a été employée que deux fois de toute l'histoire américaine et c'était en temps de guerre. Samedi, l'administration a ignoré le jugement du juge Boasberg de faire revenir aux États-Unis trois vols emportant des immigrants.es expulsés.es vers une prison à sécurité maximale du secteur privé au Salvador.

Dans une publication sur un réseau social, le Président Trump en a appelé de la destitution du juge Boasberg en le décrivant comme « un juge lunatique de la gauche radicale, un fauteur de troubles et un agitateur ». Mais pour vous donner une idée de ce juge, c'est lui qui avait ordonné la publication des courriels de Mme Hilary Clinton (durant la campagne présidentielle de 2016. N.d.t.).

Plusieurs des membres de l'administration Trump ont publiquement menacé de défier les jugements des tribunaux. Voici la déclaration de celui qu'on nomme le tsar des frontières, M. Tom Homan sur Fox News :

Tom Homan : Je suis fier de faire partie de cette administration. Nous n'arrêtons pas. Je n'ai rien à faire de ce que pensent les juges. Je me fiche de ce que pense la gauche. Nous sommes en route.

A.G. : Lundi sur les ondes de CNN, le conseiller à la Maison blanche, M. Stephen Miller, a déclaré que le juge Boasberg n'avait pas l'autorité de juger de (l'application) de la loi sur les ennemis étrangers de 1798. (…) Lundi au cours d'une audience le juge Boasberg a accusé l'administration d'adopter une approche telle que : « Nous n'en avons rien à faire, nous faisons ce que nous voulons ».

Tout cela survient alors que l'administration est face à de plus en plus de poursuites devant les tribunaux. Lundi, un autre juge a bloqué le bannissement des personnes transgenres dans les armées, décrété par le Président Trump. Un autre juge fédéral a statué que le démantèlement de l'USAID exécuté par Elon Musk violait la Constitution de plusieurs façons. Le Président a répondu sur les ondes de Fox News :

Président D. Trump : Nous allons faire appel. Nous sommes face à des juges voyous qui détruisent notre pays.

A.G : Comme les craintes d'une crise constitutionnelle augmentent, nous discuterons de la situation avec Elie Mystal correspondant du secteur justice sur The Nation. Son dernier article est intitulé : Trump is Trying to Create His Own Personal Legal Strike Force ». Il est aussi l'auteur d'un ouvrage qui sera publiédans quelque temps : Bad Law : Ten Popular Laws That Are Ruining America ».

Elie merci d'être de nouveau sur les ondes de Democracy Now ! Que se passe-t-il en ce moment avec ces attaques présidentielles contre les juges ?

Elie Mystal : Nous vivons dans une dictature fasciste. En ce moment c'est notre réalité. C'est ce que nous ressentons. Nous en sommes là. Ce n'est pas une crise constitutionnelle à venir, nous sommes en pleine crise constitutionnelle. (…) Comment pouvons-nous penser que nous sommes en démocratie, comment pouvons-nous nous dire dans une nation de droit si un seul homme, Donald Trump, peut défier les deux autres branches du gouvernement ? C'est ce dans quoi nous sommes. Et c'est ce que le Président a promis de faire et de fait, c'est ce qu'il fait.

Amy, vous avez diffusé le clip où le Président s'exprime, vous avez mentionné la déclaration du juge John Roberts et vous avez correctement pointé du doigt qu'il s'exprime rarement. Arrêtons-nous sur ce qu'il dit. C'est la déclaration la plus faible qu'il pouvait faire. Il tourne autour du pot en laçant ses jolis mots comme : « n'entreprenez pas de procédure de destitution contre les juges fédéraux. C'est mal » Il ne dit rien à propos des violations flagrantes des jugements des tribunaux par le Président Trump. Il ne dit absolument rien à ce sujet.

Encore une fois, (le juge) Roberts n'est pas votre ami. Il ne vient pas nous aider. Je pense qu'il est aussi effrayé par D. Trump que le reste du gouvernement. (…) Je ne connais pas de définition de la dictature fasciste que celle dans laquelle nous nous retrouvons en ce moment.

Juan Gonzalez (D.N.) : Elie, il y a une différence qualitative entre la situation actuelle et les confrontations antérieures entre l'exécutif et les tribunaux. Il faut remonter à 1800, quand il y a eu une fameuse bataille entre le Président Andrew Jackson et la Cour suprême à propos de la relative souveraineté des peuples amérindiens. Et F.D. Roosevelt a aussi eu ses conflits avec la Cour. Mais, comme vous le dites se sont une multitude de juges partout dans le pays qui émettent des jugements contre l'administration Trump. Qu'elle est, selon vous, la différence entre ce qui se passe maintenant et ces batailles historiques ?

E.M. : Donc, en ce moment, l'administration Trump s'exprime directement ; vous venez tout juste de diffuser (la déclaration) de ce dépravé de Stephen Miller qui déclare directement que les juges fédéraux n'ont pas autorité sur cette administration. C'était premièrement. C'est la coupure la plus profonde avec le passé. Ils ne prétendent même pas reconnaitre le pouvoir du système judiciaire fédéral à restreindre ou contrôler cette administration. (…)

Deuxièmement, si vous étudiez ces exemples historiques, pour la plupart il est question de financement militaire. (…) Andrew Jackson dit que les juges ont ainsi jugé pour l'empêcher d'aller de l'avant avec sa politique contre les amérindiens. C'était un génocide. Et Teddy Roosevelt avait expédié la Marine à mi-chemin dans le Pacifique. Il déclare quelque chose qui ressemble à : « Congrès, je suis sûr que vous allez les financer pour qu'ils reviennent n'est-ce pas » ? Il est question d'une branche exécutive exerçant sont large contrôle. Le commandant en chef exerce un large contrôle sur les militaires américains.nes. (…) Ici, il ne s'agit pas d'une situation militaire.

Les fonds de USAID lui ont été attribués par le Congrès. (On lui coupe son financement pour que les fonds reviennent au gouvernement et le juge ordonne que cela cesse). Que dit D. Trump ? « Non je ne le ferai pas, absolument pas ».

Un autre juge ordonne : « Ramenez ces avions et leurs passagers ». Trump déclare : « Non je ne ferai pas ça non plus ». C'est clairement de l'autoritarisme. Clairement, un homme, les caprices d'un seul homme contrôlent le pays. Et comme vous l'avez diffusé, sont tsar des frontières déclare littéralement qu'il ne respectera pas les jugements de cours. Stephen Miller dit cela aussi. D. Trump le dit. C'est ce qui diffère du passé.

Si qui que ce soit pense que c'est équivalent, je veux rappeler que je suis assez vieux pour me souvenir quand la Cour suprême a, inconstitutionnellement à mon avis, rendu l'avortement illégal. Je suis assez vieux pour me rappeler que le Président Biden n'est pas allé au Texas et dire quelque chose comme : « L'avortement pour toutes » ! D'accord ? Non il a respecté le jugement ridicule de la Cour suprême quant au droit des femmes de choisir. Alors, je voudrais seulement faire la comparaison entre la retenue de J. Biden quant aux jugements et ce que nous voyons de la part de l'administration Trump.

J.G. : Je voulais aussi vous demander (votre opinion) à propos de du détournement du Département de la justice en armement même s'il (D. TRump) prétend que c'est ce qu'on a fait antérieurement contre lui. Lors de son discours dans le Great Hall de ce département, il a déclaré : « À titre de chef de l'application de la loi dans notre pays, je vais insister et exiger complète et totale responsabilité pour tout ce qui s'est passé de mal et d'abusif antérieurement ». Il était avec le directeur du FBI, Kash Patel et la ministre de la justice, Mme Pam Bondi, tous deux en service.

E.M. : Oui et encore une fois, c'est D. Trump faisant ce qu'il avait promis de faire. C'est un dictateur agissant comme un dictateur n'est-ce pas ? C'est un homme qui prend personnellement le contrôle de l'appareil d'application de la loi aux États-Unis pour que ses membres attaquent ses ennemis.es politiques. C'est ce qu'il a promis de faire. Je suis surpris que les gens en soient surpris. Que pensiez-vous que cet homme allait faire ? Suivre la loi ? Il a même promis de faire cela. Alors, pourquoi les gens sont-ils surpris qu'il ne le fasse pas maintenant ?

Il est allé au Département de la justice (…), historiquement il est censé y avoir un mur de séparation entre ce Département et le Président des États-Unis. Revenons encore à J. Biden, il n'aurait pas contacté Merrick Garland (ministre de la justice d'alors n.d.t.) pour lui demander s'il faisait quelque chose à propos des personnes qui ont attaqué le Capitole le 6 janvier.

Mais, mettons cela de côté. Le Président Trump est allé au Département de la justice pour déclarer, annoncer, confirmer qu'il a l'intention d'utiliser ce Département pour attaquer ses ennemis.es politiques, spécialement les avocats.es. Il a énuméré plusieurs d'entre eux et elles durant son discours, Jack Smith, Andrew Weissmannn, Norm Eisen spécifiant que cette tâche reviendrait aux avocats.es du Département (…). Ils et elles travaillent pour lui, pas pour le peuple américain. Il a rendu cela très clair. Les avocats.es de ce département vont, à sa demande, poursuivre les avocats.es qu'il croit s'opposer à lui. C'était le clou de son discours au Département de la justice.

Et qu'à fait Mme Bondi ? Qu'à fait M. Patel ? Ils se sont assis là et ont applaudi. Ils ont applaudi comme le flagorneur et la flagorneuse qu'ils sont. Et nous pouvons prendre pour acquis que les demandes illégales faites par le Président de poursuivre des avocats.es qu'il croit s'opposer à lui, seront exécutées.

Durant ce discours, à un moment donné il dit : « Sur CNN et MSDNC, on dit 97,6% de mauvaises choses contre moi ». C'est de l'exact D. Trump normal. Mais politiquement et légalement, il dit que vous pourriez poursuivre le média parce qu'il écrit de mauvaises choses contre vous. Encore une fois, si ça n'est pas de l'autoritarisme, de la dictature, du fascisme je ne comprends pas ce que ces mots veulent dire.

A.G. : Elie, je voulais connaitre votre opinion à propos des jugements de cours que l'administration défie clairement. Il y a le cas des prisonniers transférés dans une prison super maximum au Salvador alors que le juge a directement interdit cette opération en ordonnant : « Ramenez ces avions ». Il y en avait encore un sur le tarmac. Aussi le cas de la docteure Rasha Alawieh, professeure à Brown University spécialiste du rein. Un juge a statué qu'elle ne devait pas être expulsée, elle l'a été quand même. Pouvez-vous nous faire part de votre opinion à propos de ces cas et celui de Mahmoud Khalil qui se qualifie de prisonnier politique comme vous le savez. Il est détenu dans une prison de la police des frontières (ICE), à Jena en Louisiane. Il a protesté contre le soutien américain à Israël dans sa guerre à Gaza. Pouvez-vous nous parler de tout cela ?

E.M. : Amy, après son élection (D.Trump), le 5 novembre dernier, on m'a dit que les tribunaux allaient nous sauver, allaient le modérer, qu'ils seraient notre dernier gardien qui préviendrait une dictature militaire. Et j'ai répondu que ce ne serait pas le cas, parce que les tribunaux ne peuvent (concrètement) faire respecter leurs décisions. C'est l'exécutif qui voit à le faire. Et quand vous avez un exécutif comme celui de D. Trump, prêt à ignorer ces jugements il n'y a rien que les tribunaux puissent faire.

Donc, une partie de ma réponse sera de me retourner vers mes interlocuteurs qui m'ont répété pendant des mois que les tribunaux allaient nous sauver. Qu'est-il advenu jusqu'à maintenant ? Quel est votre plan maintenant ? Quand les tribunaux ont émis des jugements que D. Trump ignore, quel est le plan B ? Parce que le plan A qui disait que les tribunaux allaient nous sauver ne fonctionnera jamais.

Ma réponse aux violations des multiples jugements par D. Trump, c'est que le peuple doit prendre les devants parce que les tribunaux ne le feront pas. Ils ne le peuvent pas. Vous voulez que M. Khalil soit libéré ? Il faut aller à Jena et le libérer. C'est en quelque sorte ce qu'il faut (faire). Ce n'est pas parce qu'un.e juge va l'écrire sur une feuille de papier que ça va arriver. D. Trump va tout simplement l'ignorer. Nous l'avons vu quand ces Vénézuliens ont été expulsés illégalement après qu'un juge eut ordonné que les avions devaient revenir (aux États-Unis). Et aussi avec la docteure, qu'il a aussi expulsée en disant que ça c'était « fait trop vite » pour que les tribunaux aient eu le temps de juger.

Et encore une fois, je vais revenir au juge en chef Roberts, qui n'a rien dit à ce sujet. D'accord ? Et tout cet écran de fumée que représente « Oh ! Je ne destitue pas mes juges » ! Il n'a rien dit à propos du Président Trump qui refuse de faire revenir les avions tel qu'ordonné par un jugement de cour. C'est le genre de fascisme sous lequel nous vivons. C'est comme ça que je me sens mes amis.es.

A.G. : Merci beaucoup E. Mystal d'avoir été avec nous.

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États-Unis – Effondrement constitutionnel

1er avril, par Aziz Rana — , ,
Pour les constitutionnalistes, le retour au pouvoir de Trump a créé un véritable vertige. La violation systématique des procédures légales et des normes constitutionnelles (…)

Pour les constitutionnalistes, le retour au pouvoir de Trump a créé un véritable vertige. La violation systématique des procédures légales et des normes constitutionnelles établies s'est déroulée à un rythme effréné, donnant lieu à plus d'une centaine de procédures judiciaires, un chiffre qui ne cesse d'augmenter.

25 mars 2025 | tiré du site Entre les lignes entre les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/03/25/etats-unis-effondrement-constitutionnel/#more-92147

Trump a émis une avalanche de décrets qui violent explicitement les lois du Congrès ainsi que le contenu de la Constitution, sur tous les sujets, du refus de la citoyenneté par le droit du sol à la lutte contre les mesures d'inclusion fondées sur la race, le sexe et l'orientation sexuelle, en passant par la dissolution d'agences gouvernementales établies par la loi. Parallèlement, Elon Musk s'est vanté de vouloir prendre le contrôle du gouvernement fédéral, dans le but de privatiser « tout ce qui peut raisonnablement l'être » en procédant à des licenciements massifs, à la vente d'actifs publics (dont « 443 propriétés fédérales », auxquelles pourraient s'ajouter d'innombrables œuvres d'art appartenant au domaine public) et au démantèlement de services essentiels : le tout en violation des dispositions du Congrès et de la Constitution interdisant aux citoyens non confirmés par le Sénat d'effectuer des tâches dévolues aux hauts fonctionnaires.

Ces éléments ont conduit certains commentateurs à établir des analogies entre ce qui se passe aux États-Unis et la situation de la Russie post-soviétique dans les années 1990. Cette période a connu la privatisation quasi complète de l'État russe et une redistribution massive des richesses entre les mains d'un petit nombre de kleptocrates, à l'abri de toute sanction, à l'exception de celles que leurs rivalités pouvaient les amener à s'imposer mutuellement. Mais il existe peut-être un lien plus profond avec l'histoire de la Russie : le système constitutionnel américain du XXe siècle s'est forgé et a trouvé son sens dans son antagonisme avec l'Union soviétique. Les principes fondamentaux américains, qui allient le concept de l'égalité raciale à un État-providence limité, se sont consolidés au cours de trois décennies décisives, du New Deal des années 1930 à la Seconde Guerre mondiale, en passant par la guerre froide et la révolution des droits civiques des années 1960.

De nos jours, l'Union soviétique a disparu depuis longtemps. Et maintenant, Trump (un milliardaire élu), Musk (un milliardaire non élu et bien plus riche) et une petite coterie de fidèles cherchent à provoquer l'effondrement de ce modèle constitutionnel américain en concurrence avec le leur. Leur action ne permet pas de savoir ce qui est à venir. Mais elle modifie fondamentalement le terrain sur lequel la gauche américaine intervient et nécessitera un mode d'opposition politique que le pays n'a pas connu depuis les années qui ont porté Roosevelt au pouvoir.

*

Pour comprendre ce qui se passe, il est nécessaire de saisir le fondement de l'ordre constitutionnelaméricain. Celui-ci comprend une série de composantes idéologiques et institutionnelles qui correspondent à ce que le sociologue suédois Gunnar Myrdal a qualifié en 1944 de « credo américain », à savoir l'idée que les États-Unis incarnaient la promesse d'une liberté égale pour toutes et tous. À une époque de rivalité planétaire avec l'Union soviétique dans un monde en voie de décolonisation, les élites nationales se sont explicitement ralliées à ce credo constitutionnel. Ses éléments constitutifs consistaient notamment en une compréhension de la Constitution comme étant fondée sur l'élimination progressive des inégalités raciales, sur la base des principes de la lutte contre la discrimination ; une conception antitotalitaire des libertés civiles et des droits à la liberté d'expression ; une défense du capitalisme de marché, partiellement contrebalancée par un État de droit et de protection sociale constitutionnellement établi ; l'acceptation de contrôles et de contrepoids institutionnels, avec les tribunaux fédéraux, en particulier la Cour suprême, en tant qu'arbitre ultime de la loi ; et un attachement à la suprématie mondiale des États-Unis organisée par un pouvoir présidentiel fort.

Tout cela montre clairement que ce n'est pas seulement le progressisme racial qui est attaqué. Les collaborateurs de Trump déchaînent le pouvoir présidentiel de manière à exploiter les tensions internes du système pour faire s'effondrer les dispositions constitutionnelles qui en constituent le fondement. Nous pouvons le constater avec les décisions de Trump de suspendre l'octroi de fonds, de retirer les habilitations de sécurité, d'interdire les discours « pro-diversité » ou d'expulser et peut-être même de traduire en justice des individus pour cause de participation à des manifestations. Bien sûr, l'ordre établi du milieu du XXe siècle a toujours connu des pratiques maccarthystes et n'a pas tenu ses promesses d'intégration, que ce soit par l'internement des Japonais ou les violations des droits pendant la « guerre contre le terrorisme ». Pourtant, après le déclin de la « peur du rouge » des années 1950, le maccarthysme, en tant que projet visant à attiser la peur généralisée, a été considéré par les élites politiques comme fondamentalement « anti-américain » et inconstitutionnel.

Ces pratiques répressives n'ont jamais disparu, mais elles étaient généralement réservées à des groupes défavorisés relativement circonscrits, tels que les radicaux noirs ou les critiques arabes et musulmans de la politique étrangère américaine (en particulier d'origine palestinienne). Ainsi, le soutien de Biden à la répression des manifestations contre la guerre à Gaza s'inscrit dans cette histoire houleuse de la période qui a suivi les années de la « peur du rouge ». En revanche, l'administration Trump, s'appuyant sur les dispositions sécuritaires de l'ère McCarthy et même des années 1790, a commencé à instrumentaliser l'action militante en faveur de la Palestine pour réprimer de manière radicale la liberté d'expression des citoyens non américains. Elle utilise également cette action militante, ainsi que les programmes universitaires et les mesures mises en place par les institutions autour de la diversité, de l'équité et de l'inclusion (DEI), comme prétextes pour porter un coup sans précédent à l'autonomie interne et à la liberté académique des universités. Cette attaque s'inscrit dans le cadre d'une offensive plus large contre la liberté d'organisation du centre et de la gauche américains, qui vise actuellement les cabinets d'avocats proches du Parti démocrate et pourrait bientôt s'étendre aux groupes de la société civile et aux plateformes de collecte de fonds.

Le détournement du pouvoir présidentiel effectué par les représentant.e.s de Trump en vue de démanteler l'appareil administratif de l'État, et peut-être aussi les grandes avancées sociales du milieu du XXe siècle, s'opère de manière similaire. Il pousse à l'instabilité l'équilibre constitutionnel établi entre capitalisme et régulation, pouvoir présidentiel et pouvoir judiciaire, de telle sorte que l'ordre ancien est de plus en plus difficile à maintenir. La pratique constitutionnelle américaine a toujours fait preuve d'un dualisme classique. Le pacte du milieu du siècle était régi à la fois par une Cour suprême à l'autorité impériale et par une présidence à l'autorité tout aussi impériale. Concrètement, l'attachement commun de l'élite à la domination mondiale des États-Unis signifiait que les tribunaux s'en remettaient au président pour les questions de sécurité nationale, ce qui permettait aux présidents de jouir d'un pouvoir de coercition extraordinaire à l'étranger ou aux frontières et d'agir dans le domaine des affaires étrangères comme un législateur quasiment incontrôlé.

Cette forme de déférence était le résultat d'une série de décisions de justice datant de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre froide, dans lesquelles les juges s'abstenaient largement d'exiger des comptes sur les pratiques sécuritaires, telles que les extraditions de communistes ou le déclenchement de la guerre du Vietnam. Cela ne signifiait pas que les tribunaux ne contrôlaient jamais l'action de l'exécutif en matière d'affaires étrangères, mais que ces rares moments de contrôle s'inscrivaient dans un contexte de permissivité générale. Cette attitude de déférence « là-bas » s'est combinée à l'exercice par les tribunaux de contrôles étendus sur des questions considérées comme nationales, au point que le pouvoir judiciaire fédéral a effectivement fait office d'organe décisionnel dont les décisions finales vis-à-vis des autres instances du pouvoir étaient acceptées sans discussion. Cet équilibre a persisté parce que tant les tribunaux que les présidents ont largement accepté cette répartition des compétences entre affaires étrangères et affaires intérieures.

Mais à mesure que le pouvoir judiciaire fédéral américain devenait de plus en plus conservateur, la relation entre la présidence et le pouvoir judiciaire a pris une nouvelle dimension. Dans le domaine domestique, les tribunaux ont commencé à utiliser ce vaste pouvoir décisionnel pour s'attaquer à la réglementation économique, et ce, en élargissant le pouvoir présidentiel à l'intérieur même du pays. Pendant des décennies, des avocats conservateurs ont élaboré des arguments juridiques pour expliquer pourquoi les agences créées par voie législative constituaient une menace pour un « exécutif unitaire », c'est-à-dire le pouvoir intérieur du président de déterminer du fonctionnement de l'exécutif, indépendamment des directives législatives. Les décisions récentes des tribunaux n'ont peut-être pas démantelé les agences existantes. Mais elles ont eu deux effets : elles ont donné aux juges plus de pouvoir sur les procédures et les décisions des agences, sapant ainsi des acquis réglementaires établis de longue date. Et elles ont remis en question la possibilité qu'une législation inspirée du New Deal puisse limiter le pouvoir présidentiel de décision unilatérale en matière de fonction publique. En effet, la jurisprudence conservatrice sapait silencieusement les fondements de l'État administratif du milieu du siècle, donnant aux juges de droite un plus grand pouvoir pour affaiblir les agences et aux futurs présidents de droite un plus grand pouvoir pour faire de même.

Et donc, tout comme dans d'autres domaines, les décrets de Trump – démantelant unilatéralement les institutions fédérales au mépris des lois du Congrès ou des injonctions des tribunaux – exploitent les faiblesses du système constitutionnel. Comme ceux qui entourent Trump ne le savent que trop bien, une fois les agences fermées, le personnel licencié et les bâtiments vendus, il sera extrêmement difficile de reconstituer le cadre administratif antérieur. Ces dernières années avaient peut-être été ponctuées par des agressions judiciaires conservatrices de faible envergure contre les agences fédérales, soutenues par l'application au coup par coup de certaines théories en matière de pouvoir exécutif. Aujourd'hui, Trump et son équipe s'emparent de ces théories et appliquent la force brute d'un président impérial sans limites – que l'on a déjà pu voir à l'œuvre lors d'interventions à l'étranger – au fonctionnement quotidien de la gestion des affaires publiques nationales. C'est l'autoritarisme planétaire qui s'installe chez nous.

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Comment les États-Unis en sont-ils arrivés là ? Tout d'abord, il est essentiel de comprendre que les institutions juridiques et politiques américaines sont notoirement antidémocratiques. Elles sont organisées autour d'un système étatique qui accorde la représentation sur une base géographique plutôt qu'à des individus, et qui comprend de nombreux mécanismes de veto qui réduisent le caractère décisif du vote. Cette fragmentation est obtenue par le biais du Collège électoral, du Sénat, de la structure et du processus de nomination de la magistrature fédérale, ainsi que de la marge de manœuvre des États pour redécouper les circonscriptions, limiter le droit de vote ou faire obstacle aux programmes nationaux d'intérêt général. Comme nous l'avons vu, ce n'est que dans les circonstances extraordinaires du milieu du XXe siècle que l'État-providence limité et le « libéralisme racial » issus du New Deal ont été intégrés à la Constitution. Cela a nécessité un degré remarquablement élevé d'organisation et de mobilisation des travailleurs dans le contexte de la Grande Dépression. Et plus tard, cela s'est nourri du spectre de l'Union soviétique, de sorte que les élites politiques étaient prêtes à rechercher un compromis entre les partis afin de mettre en œuvre des réformes dans le domaine de la discrimination raciale, considérées par le centre-gauche comme par le centre-droit comme un impératif de sécurité nationale.

Mais à mesure que la guerre froide s'est atténuée et, surtout après l'effondrement de l'Union soviétique, la droite, de plus en plus enhardie, a été moins contrainte de respecter le pacte constitutionnel du milieu du siècle. Celui-ci a toujours suscité l'opposition virulente de l'ethno-nationalisme américain, une force puissante et persistante dans la vie collective, qui n'a pas disparu après les avancées des droits civiques des années 1960. Alors que nous avons tendance à nous concentrer sur la manière dont la guerre froide a entraîné aux États-Unis la répression violente des socialistes et autres militants de gauche, la perception du besoin de faire front commun contre l'Union soviétique a également incité les responsables politiques de droite à endiguer l'extrême droite, notamment en se livrant à une subtile chorégraphie avec le nationalisme blanc américain, à l'aide de « signaux codés » pour signifier leur sympathie tout en s'abstenant de cautionner explicitement certaines prises de position idéologiques.

Cependant, une fois l'URSS disparue, nous avons assisté à l'émergence progressive d'une droite réactionnaire prête à rompre tous les accords économiques et raciaux existants. Stratégiquement, la droite s'est concentrée sur le recours aux outils qui permettent d'exercer un pouvoir minoritaire dans l'ordre constitutionnel existant, avec ou sans majorité électorale. Au fil du temps, les avantages institutionnels de la représentation étatique lui ont permis de s'emparer de la Cour suprême, du Sénat et même de la présidence à deux reprises, malgré la perte de la majorité électorale. Plus fondamentalement, elle a instauré au sein de l'appareil du Parti républicain et de sa base électorale une culture qui considérait la démocratie multiraciale comme une menace quasi existentielle.

Dans le même temps, l'ordre constitutionnel souffrait du poids de ses propres limites idéologiques et institutionnelles. Les deux dernières décennies ont été marquées par une série de crises sociales – dont la plus importante a été l'effondrement financier et ses répercussions en cascade – qui ont mis en évidence la nécessité d'un renouvellement constitutionnel. Pourtant, les politiciens des années 2000 et 2010, qu'il s'agisse de Bush et McCain ou d'Obama, des Clinton et de Biden, étaient tributaires de l'ancien pacte, axé sur le caractère exemplaire des institutions américaines, la foi dans le libéralisme de marché, la valeur morale de l'interventionnisme mondial et la nécessité de réformes raciales mineures. Le problème, bien sûr, était que ces engagements avaient contribué à générer nombre des problèmes endémiques du pays et qu'ils ne pouvaient certainement pas les résoudre maintenant.

Pendant ce temps, la nature sclérosée du système constitutionnel impliquait que même lorsque les Démocrates contrôlaient les leviers du gouvernement, il devenait presque impossible de s'attaquer à ces questions. Sans le soutien populaire de l'époque du New Deal ou l'engagement bipartite en faveur du progressisme racial, pratiquement toute initiative démocratique significative était vouée à l'échec. Même si elle était adoptée par la Chambre des représentants, il fallait, avec le recours à l'obstruction systématique, obtenir soixante voix sur cent au Sénat. Mais le Sénat, en raison de la surreprésentation des zones rurales et des petites agglomérations, penchait déjà massivement en faveur de la minorité républicaine. Pour les démocrates, obtenir soixante voix signifiait donc remporter une supermajorité par-dessus une supermajorité. Les outils qui avaient forgé le pacte constitutionnel de la Déclaration d'indépendance n'étaient plus opérationnels, et l'impasse qui en résultait intensifiait la désaffection politique généralisée.

Il en a résulté un ensemble de circonstances presque idéales pour l'ascension et maintenant le retour de Trump. La préservation d'un ordre constitutionnel rigide issu du XXe siècle, bien après le moment historique qui l'a engendré, a non seulement empêché les réformes nécessaires et attisé la frustration à l'égard des présidents en exercice, mais elle a également permis à Trump d'accéder à la présidence en 2016 sans l'emporter au suffrage universel, puis de restructurer la Cour suprême selon des orientations complètement en décalage avec l'opinion publique. Lorsque Trump a tenté de contester le résultat des élections de 2020, les institutions en place ont rendu extrêmement difficile l'imposition de sanctions à son encontre, que ce soit par une procédure de destitution, des poursuites judiciaires ou son exclusion des futurs scrutins. En réalité, les institutions elles-mêmes n'avaient jamais effectué le travail essentiel de facilitation des réformes ou de prévention des crises de succession ; elles avaient toujours reposé sur un degré élevé de cohésion culturelle de l'élite, que ce soit au début de la République ou à l'époque des droits civiques pendant la guerre froide. Et maintenant, cette cohésion n'existait plus du tout.

Les défaillances de la Cour suprême, que les élites du milieu du siècle avaient conçue pour inculquer des valeurs communes et contenir les conflits, l'illustrent parfaitement. La Cour, presque ouvertement partisane, a joué un rôle crucial dans cette crise, depuis les mesures visant à supprimer la voix des électeurs de droite jusqu'à l'immunité quasi totale accordée à Trump après ses tentatives de faire annuler les élections de 2020. Et avant cela, ce sont ses décisions qui ont ouvert les vannes de l'argent des grands groupes pour le financement des campagnes électorales. Résultat : aujourd'hui, quelqu'un comme Musk peut utiliser sa fortune illimitée pour à lui seul bouleverser les motivations électorales des responsables politiques, en particulier au sein du Parti républicain, puisque les dépenses engagées lors de sa campagne pour les primaires lui permettent de neutraliser à volonté les ennemis qu'il a ciblés.

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Trump est donc bien placé pour tenter de démanteler l'ordre constitutionnel des États-Unis. Contrairement à peut-être toute autre personnalité politique de l'histoire américaine moderne, y compris Roosevelt dans les années 1930, il jouit d'une capacité remarquable à imposer la discipline de parti aux responsables républicains, un pouvoir que le compte en banque de Musk ne fait qu'amplifier. Trump n'est peut-être pas en mesure de garantir l'élection d'un candidat qu'il soutient, mais ses liens avec sa base électorale signifient que les candidats qui n'ont pas sa faveur seront presque certainement écartés. En outre, il semble motivé par des griefs mesquins et un désir personnel de vengeance ; d'où l'importance qu'il accorde à l'amnistie de ses partisans et à la chasse à quiconque aurait précédemment tenté de s'n prendre à lui. Ce faisant, il a fait de la loyauté personnelle une valeur sacrée et a permis à ses partisans les plus zélés d'exercer une influence politique significative. Il en résulte un second mandat dominé par des idéologues d'extrême droite comme Russell Vought du Project 2025, ou Ed Martin, aujourd'hui au ministère de la Justice, qui sont bien moins motivés par des calculs électoraux que le responsable républicain typique.

De même, Musk semble avoir pour priorité l'accroissement de son pouvoir et son enrichissement personnel, et sa démarche est motivée par l'objectif connexe d'éliminer les contraintes que l'État fédéral impose aux entreprises privées. Ses initiatives visant à licencier en masse les fonctionnaires fédéraux sont révélatrices à cet égard. Bien que le New Deal n'ait jamais systématiquement cherché à limiter l'arbitraire de l'employeur dans le secteur privé, il a instauré des protections au niveau fédéral qui ont restreint le pouvoir des employeurs par rapport à ce qui se faisait ailleurs. L'objectif de Musk est de mettre fin à cette contrainte et de subordonner tous les emplois, publics ou privés, aux diktats des employeurs. Bien qu'il s'agisse clairement d'objectifs anciens de la droite, Musk agit également de manière indirectement motivée par des calculs électoraux. Pour Musk, le parti semble surtout être un outil utile pour libérer les entreprises du contrôle démocratique.

Cette conjonction de facteurs a suscité une volonté d'aller bien au-delà des limites qui ont traditionnellement freiné les républicains par le passé. Pourtant, l'administration est confrontée à des vents contraires non négligeables. Pour commencer, malgré l'idée d'un mandat évoquée par Trump, il reste historiquement impopulaire, n'ayant pas réussi à obtenir 50% des voix lors des élections de novembre. Sa victoire a été fondamentalement obtenue par défaut, en raison du rejet du président sortant lors d'un scrutin où la participation a été plus faible qu'en 2020. Et malgré les discours des Républicains selon lesquels Trump tient ses promesses électorales, la vérité est qu'il a nié vouloir mettre en œuvre des éléments clés de cette rupture constitutionnelle lors de sa campagne électorale, déclarant lors du premier débat : « Je n'ai rien à voir avec le Projet 2025 ». Pour de nombreux électeurs, Trump était considéré en 2024 comme un « modéré » et peu attaché à une idéologie particulière, une perception qui a favorisé sa campagne.

S'il dispose sans doute d'une base de soutien puissante, celle-ci reste minoritaire. Ce projet d'extrême droite ne bénéficie d'aucun soutien majoritaire, même de loin. En effet, la vision dérégulatrice de l'ère néolibérale a perdu de plus en plus de terrain au cours de la dernière décennie. Sa mise en œuvre dans une version extrême n'est viable qu'à court terme en raison de la discipline que Trump et Musk peuvent imposer au parti.

Mais l'horloge tourne, à la fois en raison de l'âge de Trump et de la limite de deux mandats (le narcissisme du président fait qu'il ne semble pas s'intéresser à la question de sa succession). De fait, l'une des conséquences probables à moyen terme de l'offensive trumpiste pourrait être le succès des Démocrates aux élections de mi-mandat de 2026 et un retour des Démocrates à la Maison Blanche en 2028, compte tenu de la prédominance du sentiment d'opposition au président sortant. Tant que les élections aux États-Unis restent plus ou moins équitables, il n'y a pas de chemin clairement tracé pour permettre à Trump, Vought, Musk, Martin et d'autres de consolider un nouvel ordre constitutionnel qui remplacerait l'ancien. C'est peut-être l'une des raisons pour lesquelles les trumpistes s'efforcent de mobiliser la machinerie étatique pour attaquer l'infrastructure institutionnelle du Parti démocrate : ses avocats, sa capacité à mobiliser les électeurs et ses réseaux d'ONG. Outre la punition des opposants à Trump, l'un des objectifs pourrait être de restreindre la force électorale démocrate sur le modèle des mesures de suppression des électeurs prises dans les années 2010 mais dont l'efficacité a finalement été limitée. S'il est trop tôt pour prédire l'issue de cette opération, il est clair que la base trumpiste n'est de loin pas assez importante pour rendre possible la répétition de telles opérations lors d'élections libres.

Cela ne veut toutefois pas dire que les effets potentiels de l'offensive en cours contre l'ordre constitutionnel existant sont à négliger. Si Vought et Musk parviennent à démanteler une grande partie de l'appareil étatique de réglementation et de protection sociale, il sera probablement impossible de le reconstituer sous sa forme antérieure. Compte tenu du contrôle de la Cour suprême par les trumpistes, on peut donc imaginer un résultat contrasté où certaines des mesures de l'administration seront finalement jugées inconstitutionnelles tandis que d'autres seront maintenues. Bien que ce résultat puisse suffire à satisfaire les centristes qui estimeraient alors que l'ordre ancien reste en place, la situation réelle sera néanmoins celle d'une compétence réglementaire considérablement réduite ainsi que d'un démantèlement plus poussé des réformes raciales et des droits fondamentaux des ressortissants étrangers. Élément crucial, alors que les principes fondamentaux de l'égalité raciale et des libertés civiles étaient autrefois inscrits dans un pacte partagé par les plus hautes sphères dirigeantes, ils pourraient désormais bien être remis en question à chaque échéance électorale.

Un tel résultat montre à quel point l'offensive constitutionnelle de Trump est fondamentalement une offensive culturelle dirigée contre les convictions fondamentales forgées au cours du XXe siècle. La politique d'extrême droite aux États-Unis épouse une conception ethnonationaliste ouverte d'essence chrétienne, doublée d'un individualisme forcené et cupide. Faire passer de telles idées pour normales s'inscrit dans une stratégie politique d'ensemble. Ceci est visible dans les vidéos réalisées ou promues par la Maison Blanche, qui se délectent de cruauté envers les immigrants ou transforment le nettoyage ethnique des Palestiniens en une plaisanterie sur les tours Trump à Gaza.

Effectivement, les coups portés à l'État administratif et aux universités s'inscrivent dans cette volonté de refonder la vie en société selon les valeurs de l'extrême droite. Même après une privatisation à grande échelle, l'État trumpiste aurait encore un rôle à jouer, mais en tant que lieu de pouvoir coercitif contre ceux qui sont perçus comme des ennemis et les éléments extérieurs, et en tant que source de subventions frauduleuses pour les kleptocrates de l'intérieur. L'université trumpiste aurait également sa fonction, mais en tant que moteur néolibéral encore plus extrême pour le retour sur investissement, en relation avec la promotion d'une culture de la « civilisation occidentale ».

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Quelles implications pour la gauche ? Une réponse courante aux agissements de Trump a été de se rassembler autour de la Constitution et même de croire que les tribunaux sauveront le pays. On le voit dans l'idée que, en refusant de se conformer aux décisions de justice, Trump a déclenché une « crise constitutionnelle » ou une « mise à l'épreuve de sa résistance » – ce qui implique que tout pourrait encore revenir à la normale tant que les responsables écoutent les juges. Contre ce raisonnement, nous devons rappeler que c'est le système constitutionnel qui a ouvert la voie à l'ascension, au retour et à l'offensive actuelle de Trump. Compte tenu de la mainmise de la droite sur la magistrature fédérale, tout regain de confiance dans les juges n'est que le reflet du désir des Démocrates de convaincre suffisamment de bons Républicains de revenir à la raison et de désavouer Trump : un plan qui a échoué à plusieurs reprises.

Ce n'est pas en raison d'une confiance de principe dans les juges ou les normes constitutionnelles qu'il faut s'opposer à la violation des décisions de justice par Trump. La paralysie du système constitutionnel, aggravée par un mécanisme d'amendement impossible à mettre en œuvre, a fait que nombre des acquis démocratiques du pays, de la Reconstruction au New Deal, ont eux-mêmes nécessité un certain degré de transgression des règles. Les grands mouvements sociaux du passé, de l'abolition des esclavages aux droits civiques, en passant par le droit du travail et le droit de vote des femmes, ont appelé à défier les décisions de justice injustes qui ont maintenu l'esclavage, la ségrégation et la privation des droits civiques, ou criminalisé la syndicalisation. Compte tenu du contrôle actuel de la droite sur les tribunaux, la gauche pourrait se retrouver dans une situation similaire dans les années à venir, et appeler à la désobéissance civile à l'autorité judiciaire.

La gauche devrait néanmoins soutenir fermement les actions en justice et dénoncer le mépris de Trump pour les tribunaux, mais pour des raisons différentes. Ces actions sont un moyen, bien que limité, de protéger les plus déshérités contre une violence débridée. Et plus généralement, le mépris de Trump témoigne de l'acceptation générale de l'impunité par l'administration, qu'il s'agisse de tentatives de remise en cause du résultat des élections, de corruption massive, de licenciements arbitraires ou de représailles contre des opposant.e.s politiques. Aucun système démocratique, libéral ou socialiste, ne peut fonctionner si une clique puissante peut systématiquement s'exonérer de la loi tout en utilisant les rouages de l'État pour répandre la peur et l'intimidation.

L'exemple du New Deal rappelle également à la gauche américaine la nécessité de construire une base populaire capable d'imposer des changements significatifs dans l'ordre constitutionnel. Même avant l'agression actuelle de Trump, cet ordre avait échoué en tant que mécanisme permettant de résoudre les crises interconnectées de notre époque : économique, écologique, raciale. Toute perspective réelle de changement positif exigera une majorité solide, même si elle est inférieure aux très fortes majorités que nous avons connues dans la première moitié du XXe siècle. C'est une condition préalable essentielle pour que la gauche puisse rompre avec les règles, mais au nom de la démocratie.

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Il est certainement envisageable que la faiblesse des Démocrates conduise à une nouvelle victoire républicaine lors des prochaines élections. Cependant, si les Démocrates se retrouvent au pouvoir, leur victoire pourrait s'avérer aussi creuse que celle de Trump : une victoire par défaut, remportée par un.e candidat.e parce que non sortant.e. S'ils parviendront peut-être à stopper les pires éléments de l'extrême droite américaine à court terme, en l'absence de véritables transformations au sein du parti lui-même, ils ne feront que reproduire le cycle de la désaffection à l'égard des sortant.e.s.

Malheureusement, rien dans le Parti démocrate actuel ne suggère qu'il comprenne la tâche que cela implique, ou qu'il soit capable de se comporter comme une opposition organisée et coordonnée. La récente défection de Chuck Schumer, le chef de la minorité au Sénat, qui n'a pas soutenu la direction élue du parti dans ses démarches visant à empêcher Trump d'obtenir l'adoption d'un budget, témoigne d'un manque de cohérence et de courage internes. L'appareil et les dirigeant.e s démocrates semblent prendre des décisions en fonction de leurs objectifs électoraux immédiats, sans tenir compte du contexte politique plus large. Alors que Trump et ses partisans agissent comme une avant-garde, la hiérarchie démocrate a été tellement façonnée par les règles de l'ancien pacte constitutionnel qu'elle semble manifestement incapable de s'en écarter.

Il en résulte une possible ouverture pour la gauche américaine. Alors que les démocrates centristes tentent en vain de maintenir l'ancien ordre constitutionnel et que l'extrême droite ne parvient pas à le remplacer par autre chose que la prédation et la xénophobie, le rôle des forces socialistes démocratiques pourrait être de proposer un autre choix crédible. Un telle initiative devra prendre de multiples formes. Elle nécessitera de défendre les personnes particulièrement vulnérables aux attaques de Trump, parmi lesquelles les non-citoyens, les personnes transgenres et les militants des droits des Palestiniens. Les politiciens et les commentateurs centristes ont fait preuve d'une volonté manifeste de mettre de côté tous ces groupes, en partie par pure suspicion idéologique, en partie par pur opportunisme électoral. Mais il est une leçon qu'a apprise depuis longtemps l'opposition politique confrontée à des régimes autoritaires, que ce soit dans le Sud des États-Unis à l'époque de la ségrégation ou ailleurs, et c'est que la volonté de défendre ses principes est un moyen essentiel d'instaurer la confiance et la solidarité entre les mouvements, y compris en période électorale. Cela implique de prendre des risques, même lorsque cela n'est pas dans l'intérêt immédiat du parti. Et l'incapacité de nombreux Démocrates à agir ainsi, c'est ce qui ouvre la voie aux formations de gauche.

Deuxièmement, la gauche doit mettre en place des structures qui puissent jeter les bases de changements transformateurs, tant au niveau de la Constitution que de la société dans son ensemble. Cela implique de protéger et de développer les institutions porteuses de sens – syndicats de travailleurs et de locataires, formations politiques de toutes sortes, lieux de liberté académique et d'autonomisation des travailleurs dans les universités, pour n'en citer que quelques-unes – qui intègrent les valeurs de démocratie et de solidarité dans la vie quotidienne. Prenons l'exemple des partis politiques. Aux États-Unis comme dans d'autres régions du monde, les partis ont longtemps joué le rôle de communautés sociales, proposant toute une gamme de services et de dispositifs et intégrant les individus dans leur environnement social au sens large. Mais aux États-Unis, le parti n'est pas une véritable organisation qui repose sur l'adhésion de ses membres, et encore moins une communauté sociale. Il s'agit exclusivement d'un moyen pour les élites liées à l'appareil officiel de se présenter aux élections et d'exercer des fonctions officielles. Les Américain.e.s interagissent rarement avec le parti, sauf pendant la période électorale, lorsque des sommes considérables sont dépensées au profit des futur.e.s élu.e.s.

Kamala Harris a réussi à récolter plus d'un milliard de dollars malgré sa défaite. Imaginez qu'un parti ait plutôt utilisé ses vastes ressources pour créer des structures au niveau local. Bien sûr, il existe des règles électorales fédérales aux États-Unis visant à limiter l'achat direct de votes, même si ces règles ont grandement facilité la tâche des entreprises et des milliardaires qui ont pu faire exactement la même chose. Mais cela n'empêche pas de réfléchir de manière créative à l'infrastructure communautaire plus large dans laquelle un parti s'inscrit. Les Black Panthers ont sans aucun doute commis de nombreuses erreurs stratégiques, voire éthiques, mais ils se considéraient comme une formation d'opposition ancrée dans la société civile. Parmi leurs réalisations concrètes les plus durables, on peut citer la fourniture de services à certaines des personnes les plus marginalisées du pays (petits-déjeuners pour les enfants, dispensaires, ambulances, vêtements, services de bus, soutien aux prisonniers et centres éducatifs). Il s'agissait de réponses à un besoin social réel, qui s'inscrivait dans une démarche d'intégration des populations locales au cadre organisationnel du parti. Ils cherchaient à créer, selon les termes de l'historien du populisme Lawrence Goodwyn, une « culture du mouvement » en opposition à celle qui prévalait.

C'est une leçon que la gauche pourrait retenir, compte tenu des initiatives parallèles de l'extrême droite en vue d'établir l'hégémonie de sa propre culture d'opposition. Si le succès électoral de Trump est dû en partie à la capacité de l'extrême droite à créer un univers façonné autour de sa personnalité, la gauche doit élaborer un projet qui fasse contrepoids. Son objectif devrait être de transformer le monde tel que les gens le vivent au quotidien à travers la médiation assurée par ses propres institutions : au travail, à l'école, dans leurs quartiers. Elle devrait contester la réalité à ce niveau élémentaire.

Le problème, bien évidemment, est que le terrain politique actuel – façonné par le long processus d'étouffement du travail et par la richesse et le pouvoir de la classe milliardaire – est très hostile. Les militants de gauche, à l'intérieur comme à l'extérieur du Parti démocrate, sont aussi constamment attaqués par leurs adversaires centristes, plus puissants et mieux coordonnés, qu'il s'agisse des manœuvres visant à faire échouer les campagnes présidentielles de Sanders ou de la répression des manifestations sur les campus en faveur de Gaza. La bataille se mène sur un terrain difficile. Mais le fait est que ni le centre ni l'extrême droite ne peuvent offrir une issue à la décadence institutionnelle de l'Amérique. Il fut une époque où, aux États-Unis et ailleurs, un univers culturel de gauche existait, et il n'y a pas d'autre solution que de le reconstruire.

Aziz Rana

Source – Sidecar. NLR. 21 mars 2025 :
https://newleftreview.org/sidecar/posts/constitutional-collapse
Traduit pour ESSF par Pierre Vandevoorde avec l'aide de DeepLpro.
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article74155

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Trump, la science et la création d’ignorance

1er avril, par Joelle Palmieri — , ,
Trump donne du fil à retordre aux scientifiques. C'est dans l'ordre des choses d'un fanatique, dont les alliés, les évangélistes et les propriétaires du numérique, se frottent (…)

Trump donne du fil à retordre aux scientifiques. C'est dans l'ordre des choses d'un fanatique, dont les alliés, les évangélistes et les propriétaires du numérique, se frottent les mains. Leur but : éradiquer tout ce qui leur nuit, consolider une base disciplinée, et pour se faire créer de l'ignorance. La science est bousculée mais ses disciples empruntent-iels les bonnes stratégies ?

26 mars 2025 | tiré du site Entre les lignes entre les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/03/26/trump-la-science-et-la-creation-dignorance/

Le nouveau gouvernement Trump s'en prend aux scientifiques. À peine deux mois après son investiture, le président états-unien a licencié des dizaines de milliers de chercheureuses, réduit les subventions allouées à la recherche, arrêté la collecte de données scientifiques et plus précisément celles portant sur l'environnement ou le climat mais aussi sur les discriminations sociales (race, classe, sexe), limité le droit à manifester sur les campus. Robert Proctor évoque une « guerre contre la science » [1]. Cette offensive ultraconservatrice participe, selon le professeur d'histoire des sciences, à « un âge d'or de l'ignorance ». Elle est facilitée par les soutiens les plus actifs du président, le très important mouvement chrétien évangélique qui essaime un imaginaire pauvre, complotiste, climato-septique, antiféministe, masculiniste, raciste. Se rallient sans sourciller à cette mouvance, les propriétaires du numérique, dont Bezos (Amazon), Zuckerberg (Meta), Musk (X, Tesla, Space X), toujours animés par la course aux technologies, la conquête de l'espace et la quête de profit financier rapide.

Asseoir un pouvoir souverain

La guerre contre les sciences et les scientifiques n'est pas nouvelle. Celle-ci connaît deux piliers concomitants et imbriqués. La première raison pour créer de l'ignorance est idéologique. Trump et ses alliés du capitalisme entendent éliminer tout ce qui leur nuit. Ce parti pris rappelle des périodes et des choix politiques délétères qui ont fini par échouer. Proctor mentionne le nazisme et sa « peur de moindre influence extérieure sur son monde ». On peut aussi mobiliser une brochette de dictateurs, Pinochet et Franco en tête, qui ont, dès leur coup d'État, mené une chasse aux intellectuel·les. Trump fait penser à d'autres homologues élus, et en particulier à Mahmoud Ahmadinejad, président de la République islamique d'Iran de 2005 à 2013, qui s'est fait élire en promettant de mettre l'argent du pétrole sur la table des démunis. Il a en fait suivi l'exemple de ses aînés pour mieux asseoir ses populisme et clientélisme religieux, dans son cas l'islam. Cela est passé par le nettoyage des universités des intellectuel·les dit « libéraux », la fermeture de journaux prisés par les étudiant·es et les milieux intellectuels et l'amplification de la censure (interdiction de publication de livres et de production de films) [2]. Dans tous les cas, l'objectif finalement banal de ces dirigeants est de barrer la route aux opposant·es en lutte contre le capitalisme, les discriminations et les violences, et de consolider un pouvoir souverain sur une population passive, voulu suiviste et docile. Assise sur un masculinisme politique et sur un alignement plus ou moins affirmé aux thèses de l'extrême-droite, la virtuosité de leurs agressions verbales et réelles se mesure à la production de violences épistémiques (expressions, imaginaires, représentations et descriptions de savoirs et connaissances) et par ricochet à la production d'ignorance.

Accélérer la société de l'ignorance

La deuxième raison pour créer de l'ignorance est techno-politique. Trump suit sans sourciller son club de milliardaires issus du numérique, des hommes blancs hétérosexuels riches diplômés, aux ambitions financières et technologiques internationales. Tous sont issus de la contre-culture nord-américaine, dont ils ont adopté la branche antipolitique : se méfier à tout crin de l'État et rejeter le politique. Pourtant tous ont convolé en noces avec les États qui depuis la naissance du secteur sous-traitent les politiques d'éducation, de santé, de transports, etc. Cette collaboration permanente s'illustre aux États-Unis mais aussi en dehors [3]. Pour seul exemple, Macron rencontrait Musk le 3 décembre 2022 à la Nouvelle-Orléans qui un mois plus tard apportait son soutien à la très contestée réforme des retraites [4]. Par l'intermédiaire des réseaux sociaux, des moteurs de recherche, des plateformes de diffusion audiovisuelles ou de communication en ligne, des applications de suivi d'activités sportives ou culturelles, de l'intelligence artificielle, etc. de nouvelles épistémès s'insinuent dans les esprits des utilisateurices que nous sommes au point de nous abêtir. Par exemple, dans notre très grande majorité, nous nous adaptons sans mot dire et continuellement aux changements que le propriétaire du numérique impose comme une mise à jour de sécurité ou logicielle. Nous nous soumettons à ces incises permanentes par souci de confort tandis que lui augmente sa capacité de concurrence commerciale [5]. Nous adoptons son langage, le like, le tweet, les story, les trolls, les threads. Nous modifions nos comportements. Parfois de mauvaise grâce, nous nous plions aux normes imposées par les logiciels que nous utilisons, alors que nous n'avons absolument pas été consulté·es dans leur création. En fait, tous les jours, nous empruntons un sens unique à très grande vitesse, celui mis en place par une poignée d'hommes qui nous interdisent d'aller dans un autre sens. Nous en arrivons à ne plus nous croiser ni à faire demi-tour tant rester entre nous nous rassure. Nous nous suivons, nous engouffrons dans un tunnel, cet entre soi qui nous conforte dans nos idées ou alimente nos seuls points de vue. Notre esprit critique se développe moins car nos pensées s'échangent de plus en plus sans contradiction avec d'autres. Petit à petit, nos pensées sont bouleversées : elles s'occidentalisent, se libéralisent, se sexualisent, se racisent.

Dirigeants politiques et propriétaires du numérique construisent ainsi depuis les années 1990 une société de l'ignorance dont nous acceptons les règles. Michel Foucault avait évoqué la société disciplinaire [6], organisée autour d'institutions d'enfermement (usines, hôpitaux, écoles, prisons). Gilles Deleuze avait parlé des autoroutes de la société de contrôle [7] : celleux qui les empruntent sont confronté·es à des normalisations qu'ielles acceptent volontiers pour avancer plus vite alors qu'elles sont des formes de pouvoir. Désormais, les « autoroutes de l'information » [8] nous contraignent à une constante surveillance, susceptible d'être suspendue par décision discrétionnaire, sans que nous ayons aucune prise sur les raisons qui la motivent. Finalement, sur ces autoroutes, où les relations de pouvoir sont invisibilisées [9] et où les réalités complexes et les connaissances associées sont dépréciées [10], nous diminuons nos connaissances.

Rompre avec l'agnotologie des sciences

Proctor a bien raison de souligner cet « âge d'or de l'ignorance ». Malheureusement, nous vivons un paradoxe car une grande partie de la science dite dure, celle, en plus des sciences humaines, qui est fortement attaquée par Trump, produit de la connaissance tout en créant de l'ignorance délibérée, ce que le professeur d'histoire des sciences appelle l'agnotologie. Cette situation rend le développement d'une nouvelle épistémologie du soin, de l'éducation, de la recherche, du climat… très difficile. Prenons un exemple. La médecine produit de l'agnotologie de genre et de race [11], notamment parce que le système de santé français est fortement empreint de paternalisme, d'essentialisme mais aussi d'histoire de l'esclavage, de la colonisation et de l'après-colonisation.

Commençons par l'agnotologie de genre. En pratiquant majoritairement ses essais cliniques sur les hommes, en sous-orientant les diagnostics des pathologies chez les femmes [12], et plus globalement en n'intégrant pas le genre dans la santé, la médecine maltraite les femmes. La recherche médicale continue de se concentrer sur le contrôle de leurs corps en tant que personnes dédiées à la reproduction sexuelle [13] et à la gestion de la vie quotidienne (éducation, santé, alimentation des ménages) si bien qu'elle continue à les réduire à leur essence féminine, qui connaîtrait des troubles liés à leurs chromosomes, leurs hormones, leur cycle, leurs humeurs.

De fait, les médecin·es expérimentent des traitements sur des personnes qu'ils considèrent d'emblée soumises, en adoptant une posture de père (de mineur·es civiques) ou de maître (d'esclaves) [14]. Rappelons que pendant la colonisation, les médecins, très majoritairement des hommes, ont par leurs rapports médicaux, leurs essais sur les situations sanitaires des colonies ou encore dans leurs mémoires, dépassé le cadre de la pratique médicale pour jouer un rôle majeur dans l'entreprise coloniale de création de dépendance [15]. Aujourd'hui, Ils perpétuent en particulier l'idée que le corps noir est plus immunisé, plus fort, plus endurant que celui des Blanc·hes [16] tout en renvoyant « le nègre » à l'état d'animal dont le corps doit être bridé et l'esprit domestiqué [17]. De la même façon, avec le syndrome méditerranéen, un stéréotype bien ancré dans la profession, des médecin·es considèrent que les personnes, et plus particulièrement les femmes, nord-africaines ou noires vivant autour de la Méditerranée, exagèrent leurs symptômes et leurs douleurs [18]. De nombreux faits d'actualité en témoignent. L'ensemble construit une agnotologie de race.

La médecine peut alors représenter l'exégèse de cette science qui met volontairement ses piliers – patriarcat, esclavage, colonisation – sous le tapis. Alors, comment soutenir les scientifiques et les espaces de transmission des savoirs dominants ? Comment les aider à transformer la pédagogie à mettre en place dans les enseignements scientifiques ? Comment les soutenir efficacement dans la lutte contre les assauts religieux, technicistes, idéologiques ultraréactionnaires ? En les incitant à balayer devant leur porte.

Joelle Palmieri, 23 mars 2025

Notes

[1] Hervé Morin et Nathaniel Herzberg, « Robert Proctor, historien des sciences : « Nous vivons un âge d'or de l'ignorance », Le Monde, 9 mars 2025,
https://www.lemonde.fr/sciences/article/2025/03/09/robert-proctor-historien-des-sciences-nous-vivons-un-age-d-or-de-l-ignorance_6577603_1650684.html
[2] Mohammad-Reza Djalili, « L'Iran d'Ahmadinejad : évolutions internes et politique étrangère », Politique étrangère, Printemps (1), 2007, 27-38.
[3] Alexandra Saemmer et Sophie Jehel (dir.), Éducation critique aux médias et à l'information en contexte numérique, Presses de l'ENSSIB, 2020.
[4] Sophie Cazaux, « Elon Musk apporte un soutien inattendu a la réforme des retraites du gouvernement », BFM patrimoine, 21 janvier 2023,
https://www.bfmtv.com/economie/patrimoine/retraite/elon-musk-apporte-un-soutien-inattendu-a-la-reforme-des-retraites-du-gouvernement_AN-202301210053.html.
[5] Jules Naudet, « Le numérique restructure le social – Entretien avec Roberta R. Katz », La vie des idées, Dossier : Faut-il avoir peur de la révolution numérique ?, 8 juin 2022,
https://laviedesidees.fr/Le-numerique-restructure-le-social.html.
[6] Michel Foucault, Construction politiques : savoirs, pouvoirs et biopolitique, Liège, Centre Franco Basaglia, 2012.
[7] Gilles Deleuze, « Post-scriptum sur les sociétés de contrôle », L ‘autre journal, n°1, mai 1990.
[8] Cette terminologie, utilisée pour la première fois en 1993 par le sénateur Al Gore, alors vice-président des États-Unis, va entrer dans les discours et rapports pour qualifier les réseaux de communication et leur importance pour la croissance économique de tous les pays.
[9] Fred Turner, L'usage de l'art – de Burning Man à Facebook, art, technologie et management dans la Silicon Valley, Paris, C&F Éditions, 2020.
[10] Edgar Morin, La méthode 4. Les idées, Paris, Le Seuil, coll. Essais, 1991.
[11] Joelle Palmieri, « Agnotologie de genre de la médecine : l'exemple de la douleur », in « La santé : un immense enjeu », Paris : Éditions du Croquant, collection Les débats de l'ITS, n° 15, mai 2024.
[12] Danielle Bousquet, Geneviève Couraud, Gilles Lazimi et Margaux Collet, « La santé et l'accès aux soins : une urgence pour les femmes en situation de précarité », Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, Rapport n° 2017-05-29-SAN-O27 publié le 29 mai 2017.
[13] Paola Tabet, La Construction sociale de l'inégalité des sexes. Des outils et des corps, Paris-Montréal : L'Harmattan (« Bibliothèque du féminisme »), 1998, 206 p.
[14] Grégoire Chamayou, « L'expérimentation coloniale », Les corps vils, sous la direction de Grégoire Chamayou, Paris, La Découverte, 2014, p. 341-384.
[15] Malek Bouyahia, « Genre, sexualité et médecine coloniale. Impensés de l'identité ‘indigène' », Cahiers du Genre, vol. 50, no. 1, 2011, p. 91-110.
[16] Delphine Peiretti-Courtis, Corps noirs et médecins blancs : La fabrique du préjugé racial, XIXe-XXe siècles, Paris, La Découverte, La Découverte, 2021.
[17] Achille Mbembé, Critique de la raison nègre, Paris, La Découverte, 2013.
[18] Isabelle Lévy, « La douleur : signification, expression, syndrome méditerranéen », Revue internationale de soins palliatifs, vol. 28, n° 4, 2013, p. 215-219.

https://joellepalmieri.org/2025/03/23/trump-la-science-et-la-creation-dignorance/

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Budget 2025 du Québec—Aides pour les patrons, coupes pour les autres

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Crise ou transformation ? Revisiter l’exceptionnalisme migratoire québécois

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La question migratoire occupe une place de plus en plus centrale dans le débat public québécois. Le Québec se distingue par son autonomie dans la sélection et l’installation des personnes immigrantes, l’importance accordée à la langue française et sa propre approche de l’accueil. Pourtant, les profondes transformations récentes des politiques et des discours sur la migration interrogent cette singularité. Cette introduction situe le Québec dans son rapport à l’immigration permanente et à la migration temporaire sous deux angles : d’abord dans le contexte de l’exceptionnalisme migratoire canadien; ensuite, dans un contexte propre à la province en mettant en lumière ses particularités tout en les confrontant à d’autres sociétés. Nous soutenons que ce qui distingue le Québec du reste du Canada ne réside pas tant dans ses dynamiques migratoires que dans les cadres d’interprétation qui les accompagnent. Plus largement, nous mettons en avant l’importance de renforcer le lien entre recherche et débat public informé en proposant, au sein de ce numéro, des contributions qui analysent les transformations en cours, les rapports de force qui les façonnent et la redéfinition du modèle québécois d’(im)migration.

Le Québec face au dilemme de l’immigration

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Cet article explore le dilemme de l’immigration au Québec, en mettant en lumière son évolution historique et son impact sur la politique contemporaine. Je retrace d’abord la manière dont le Québec a acquis ses pouvoirs en immigration, les circonstances et parties prenantes qui ont permis cette transformation, ainsi que les effets de ces avancées sur son rapport à la migration. J’explore ensuite comment la reconfiguration du système partisan québécois a redéfini ce dilemme. L’arrivée de la CAQ au pouvoir en 2018 a marqué une rupture avec le consensus sur l’immigration des élites québécoises. Plus généralement, je mets en avant un tournant identitaire dans le discours des élites où la protection de la langue, de l’identité et des valeurs québécoises prend une place centrale. Cette transformation soulève une question plus large : le contrôle accru de l’immigration constitue-t-il un rempart pour un nationalisme progressif et inclusif ou marque-t-il désormais un glissement vers une conception plus restrictive de l’identité québécoise?

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Les questions migratoires occupent désormais une place centrale dans les débats politiques au Québec, marquant une rupture avec leur statut historiquement marginal. Cette politisation s’inscrit dans une tendance globale et se manifeste par une saillance accrue des thèmes liés à l’immigration ainsi qu’une polarisation idéologique marquée. Depuis l’érosion du consensus interpartisan établi en 1991 avec l’Accord Canada-Québec, les partis politiques québécois adoptent des positions divergentes sur l’immigration, rompant avec le consensus pro-immigration des décennies précédentes. Cette nouvelle ère se caractérise par des seuils d’immigration réduits, un recours croissant à l’immigration temporaire et des réformes restrictives dans plusieurs domaines. En parallèle, les discours simplifiés et souvent polémiques amplifient les stéréotypes et creusent le fossé entre les politiques, les réalités de terrain, et les expériences des citoyen·nes. Cette politisation met en péril le sentiment d’appartenance des personnes immigrantes et menace la capacité du Québec à se projeter comme une terre d’accueil durable et inclusive, pouvant renforcer des divisions à long terme dans la société québécoise.

Long, complexe et précarisant : obtenir la résidence permanente à partir du Québec

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Cet article analyse l’évolution des stéréotypes associés aux communautés italiennes et haïtiennes au Québec depuis 1900, en mettant en lumière comment ces représentations ont évolué en fonction des transformations des lois canadiennes et québécoises sur l’immigration, ainsi que des changements sociaux, économiques et politiques dans la province. En examinant les processus historiques et les contextes spécifiques, il démontre que ces stéréotypes ne sont pas seulement des reflets des dynamiques migratoires, mais aussi des constructions sociales qui ont été façonnées par les rapports de pouvoir et les luttes d’intégration. À travers l’étude de ces deux groupes, l’article explore comment les défis d’intégration se répercutent sur la perception de ces communautés dans la société québécoise, soulignant les enjeux de racisme, de classe et de culture. L’argument central repose sur l’idée que les stéréotypes, tout en évoluant, persistent sous différentes formes, et que leur déconstruction nécessite une compréhension historique des processus migratoires et des politiques d’accueil.

La régionalisation de l’immigration au Québec. Au-delà des « postes vacants »

1er avril, par Chedly Belkhodja
Depuis quelques années, la régionalisation de l’immigration connaît un nouvel élan au Québec. Il suffit de se promener aujourd’hui dans nombreuse villes du Québec pour (…)

Depuis quelques années, la régionalisation de l’immigration connaît un nouvel élan au Québec. Il suffit de se promener aujourd’hui dans nombreuse villes du Québec pour s’apercevoir que la présence immigrante fait maintenant partie de la réalité quotidienne. Dans cet article, je propose de dépasser la logique économique du phénomène migratoire, celle des « postes vacants », pour s’intéresser à une dimension plus sociologique de la régionalisation de l’immigration, celle qui s’inscrit dans une lecture du territoire québécois. Je mets en avant une réflexion autour de l’importance qu’une nouvelle géographie de l’immigration peut signifier pour le développement et l’épanouissement de villes et régions situées en dehors des grands centres.

L’immigration, un enjeu municipal au Québec ?

1er avril, par David Carpentier
Les municipalités québécoises jouent un rôle crucial, mais souvent sous-estimé, dans l’accueil, l’insertion et l’inclusion des personnes immigrantes et des minorités (…)

Les municipalités québécoises jouent un rôle crucial, mais souvent sous-estimé, dans l’accueil, l’insertion et l’inclusion des personnes immigrantes et des minorités ethnoculturelles. Ce texte examine l’intervention croissante des municipalités dans ces domaines en répondant à quatre questions clés: pourquoi leur rôle mérite-t-il une attention particulière, quelles sont leurs responsabilités, quelles actions concrètes mènent-elles et quels défis rencontrent-elles? Face au transfert de responsabilités du gouvernement provincial et à l’urgence de répondre aux besoins locaux, plusieurs villes ont adopté des approches structurées pour bâtir des collectivités ouvertes et inclusives. Dans ce contexte, elles doivent concilier leur autonomie limitée avec les contraintes institutionnelles pour surmonter les défis liés à l’immigration. Loin d’être de simples exécutantes ou des relais du provincial, les municipalités doivent être reconnues de facto comme de véritables gouvernements de proximité, avec un potentiel encore à exploiter.

Le Programme des travailleurs étrangers temporaires au Québec. Les leçons du secteur agricole pour l’industrie de la construction

1er avril, par Lucio Castracani
Au cours des dernières années, le Québec a connu une augmentation significative du recours au Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTÉT), accompagnée d’une (…)

Au cours des dernières années, le Québec a connu une augmentation significative du recours au Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTÉT), accompagnée d’une diversification accrue des secteurs d’emploi qui en bénéficient. Dans cet article, j’examine l’intégration récente du PTÉT dans l’industrie de la construction et la compare à son utilisation plus ancienne et bien établie dans le secteur agricole. Cette analyse vise à comprendre comment l’expérience accumulée dans le domaine agricole depuis les années 1990 peut éclairer les enjeux liés à la mise en œuvre du programme dans le secteur de la construction. Je m’intéresse particulièrement aux facteurs ayant favorisé l’embauche de la main-d’œuvre migrante temporaire, au-delà du discours dominant sur la « pénurie de main-d’œuvre ». Je mets en évidence le fait que le PTÉT a permis de fournir une main-d’œuvre vulnérable, davantage exposée à des formes d’abus qui ne sont pas toujours sanctionnées de façon adéquate, en recréant des conditions de travail similaires à celles recherchées dans le cadre des délocalisations à l’étranger. Enfin, j’explore la question de la défense des droits de la main-d’œuvre migrante temporaire dans ces deux industries, en examinant les défis auxquels sont confrontées les associations syndicales.

Migration inc. : les intermédiaires privés qui font tourner les rouages de la migration de travail temporaire au Québec

1er avril, par Mylène Coderre
Au cours des dernières années, la croissance du nombre de travailleur·euses migrant·es temporaires au Québec a favorisé le développement d’une infrastructure migratoire (…)

Au cours des dernières années, la croissance du nombre de travailleur·euses migrant·es temporaires au Québec a favorisé le développement d’une infrastructure migratoire commerciale facilitant l’organisation de la migration de travail temporaire. Cette infrastructure se compose de divers intermédiaires privés, tels que les agences de recrutement et les consultants en immigration. Dans cet article, je propose une réflexion sur les rôles et pratiques de ces intermédiaires dans les processus migratoires contemporains. Je décortique leurs multiples fonctions et lieux d’opération et explique comment leurs pratiques contribuent à façonner les précarités et opportunités dans les expériences des personnes migrantes. En insistant sur les champs d’action et les effets des pratiques d’intermédiation, je souhaite mettre en évidence le pouvoir qu’exercent les intermédiaires dans la gouvernance et la gestion de la migration de travail temporaire.

L’accueil des personnes déplacées ukrainiennes au Québec

1er avril, par Adèle Garnier
Cet article aborde l’accueil des personnes déplacées ukrainiennes au Québec ayant fui l’invasion et agression russe de 2022. Alors que le Canada accueille la deuxième plus (…)

Cet article aborde l’accueil des personnes déplacées ukrainiennes au Québec ayant fui l’invasion et agression russe de 2022. Alors que le Canada accueille la deuxième plus grande diaspora ukrainienne au monde, un statut migratoire temporaire novateur a été créé par le gouvernement fédéral pour admettre les déplacé·es ukrainien·nes et leur donner accès aux services d’établissement – ce qui n’est pas le cas pour les autres migrant·es temporaires. Le Québec s’est rapidement mobilisé pour soutenir les Ukrainien·nes. Dans la province, qui gère ses services d’établissement de manière autonome, les migrant·es temporaires étaient déjà éligibles aux services d’établissement depuis 2020. Les déplacé·es ukrainien·nes du Québec ont un profil démographique et socioéconomique similaire à ceux du reste du Canada. Au niveau local, ils font face aux mêmes défis qu’ailleurs au pays, par exemple l’inégale densité de la diaspora ukrainienne et des services de première ligne, mais aussi à des défis spécifiques tels que le rôle de la maîtrise du français dans l’admissibilité à la résidence permanente.

La « nouvelle vague » d’immigration française à Montréal vue à travers quelques commerces

1er avril, par Lynn Fattal, Chedly Belkhodja
Depuis le début des années 2000, l’immigration française vers le Québec, surtout à Montréal, connaît une forte augmentation. Dans cet article, nous présentons une facette de la (…)

Depuis le début des années 2000, l’immigration française vers le Québec, surtout à Montréal, connaît une forte augmentation. Dans cet article, nous présentons une facette de la « nouvelle vague » d’immigration française à Montréal, soit l’ouverture de nouveaux commerces à destination des ressortissant·es français·es. À travers des entreprises comme Snatch (restaurant de tacos français), Top Discount (épicerie spécialisée en produits français), Double Menton et Saucisson (bistro français), nous explorons leurs répercussions économiques et socioculturelles sur la vie montréalaise. Cette facette de l’immigration française au Québec illustre comment ces mobilités transforment les paysages urbains et culturels tout en reflétant des aspirations à une qualité de vie différente. En parallèle, cette dynamique pose également des questions sur l’évolution de Montréal comme foyer de l’immigration française, particulièrement le Plateau Mont-Royal.

La peau plus douce que celle d’une noyée (extraits)

1er avril, par Laurence Bertrand

Les patineurs

1er avril, par Antoine Bustros

Le temps avance

1er avril, par André-Guy Robert

Deux œuvres picturales

1er avril, par Danielle Lauzon

Extraits choisis

1er avril, par Rafael Patiño Góez; Jean-Pierre Pelletier

Suite de poèmes (extraits)

1er avril, par Jorge Palma; Jean-Pierre Pelletier

Noir fuchsia

1er avril, par Joanne Rochette

Deux poèmes

1er avril, par Flora Diraison

Nos églises sur papier

1er avril, par Marco Geoffroy

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