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Le génocide de Gaza : la vie des femmes en ligne de mire

À l'occasion de la Journée internationale pour les droits des femme 2025, la revue Against the current met en lumière un rapport percutant sur l'impact des seize derniers mois de génocide sur les femmes palestiniennes.
Tiré de Inprecor
14 mars 2025
Par Against The Current
Un rapport saisissant a été publié par le Centre Mezan pour les droits humains Reproductive Health Under Genocide : La lutte des femmes palestiniennes à Gaza ». Il résume la guerre de 16 mois menée par Israël contre Gaza, au cours de laquelle 50 000 femmes enceintes ont été attaquées, et détaille l'impact sur leur santé et leur vie.
Le rapport « examine attentivement l'interruption quasi-totale des soins de santé maternelle directement, provoquée par la destruction par Israël des hôpitaux, des cliniques et des pharmacies, aggravée par le manque de fournitures médicales, d'équipement et d'électricité... Les sujets abordés comprennent les effets catastrophiques de la malnutrition sur les femmes enceintes et les femmes en post-partum, l'augmentation des naissances prématurées et les défis liés à l'accouchement pendant un génocide ».
Les détails proviennent de récits de première main, d'observations d'experts, d'entretiens et « d'expériences vécues par le personnel féminin d'Al Mezan à Gaza, qui ont à la fois enduré et documenté ces conditions ».
Les récits incluent Tahani Abdel Rahman, âgée de 40 ans et mère de famille du camp de réfugiés de Jabaliya, aujourd'hui détruit, qui a connu une grossesse môlaire (une tumeur qui se développe dans l'utérus à la suite d'une grossesse non viable) entraînant une douleur intense « pire que l'accouchement » et une intervention chirurgicale à l'hôpital al-Awda « dans une pièce aux fenêtres brisées ».
Lorsque la maladie est réapparue, elle a dû subir une nouvelle intervention chirurgicale d'urgence, sans anesthésie. Malgré la chimiothérapie et faute d'accès à des suppléments nutritionnels et à une IRM dont elle avait un besoin urgent, « je souffre de vertiges, d'anémie et de faiblesse », dit-elle. « Ma santé continue de se dégrader et je ne sais pas ce que l'avenir me réserve ».
Des conditions brutales
Le rapport fait état de femmes qui accouchent dans des conditions mettant leur vie en danger, qui subissent des césariennes sans anesthésie et qui accouchent dans des tentes aménagées dépourvues « d'équipement médical essentiel, de conditions sanitaires, de produits d'hygiène et d'intimité ».
Le Dr Taghreed Al-Emawi, obstétricien et gynécologue à l'hôpital Kemal Adwan - dont le directeur Hussam Abu-Safiyeh a été enlevé par les troupes israéliennes lorsqu'elles l'ont détruit - rapporte :
« J'ai prodigué des soins médicaux à des femmes enceintes dans l'école où j'avais trouvé refuge après la destruction de ma maison », en m'appuyant « sur les quelques outils de base que j'avais réussi à emporter avec moi... De nombreuses femmes enceintes ont dû se rendre à pied au centre médical pour accoucher, car la circulation des ambulances était interdite après 19 heures. Certaines femmes ont été blessées en chemin ».
Ce qui est étonnant, c'est à la fois les conditions indescriptibles auxquelles sont confrontées les femmes dans des infrastructures médicales détruites et la détermination du personnel médical à continuer à travailler sans se soucier de son propre bien-être - une autre indication de l'incapacité d'Israël à détruire la volonté de survie d'une société.
Selon le Fonds des Nations unies pour la population, en janvier 2025, environ 46 300 femmes enceintes à Gaza souffraient de faim sévère, tandis que ONU Femmes (www.unwomen.org) estimait que 557 000 femmes étaient en situation d'insécurité alimentaire extrême.
« La malnutrition fait que de plus en plus de femmes perdent du poids pendant leur grossesse, ce qui présente de graves risques pour la santé et la survie des mères et de leurs enfants à naître. De nombreux nouveau-nés sont mis au monde avec un poids inférieur à 2,5 kilogrammes (six livres)... Ces indicateurs soulignent l'impact sévère de la malnutrition sur la santé maternelle et infantile à Gaza ».
Le rapport demande une intervention internationale pour atteindre les objectifs suivants :
– Mettre fin aux hostilités et lever le siège de Gaza, rétablir la liberté de mouvement et l'accès à l'aide humanitaire.
– Protéger les établissements de santé et veiller à ce qu'ils puissent fournir des soins sans interférence ni ciblage.
– Garantir l'accès humanitaire aux fournitures médicales et autres ressources essentielles pour les femmes et leurs nouveau-nés.
– Rétablir les services de base en matière d'électricité, de carburant et d'eau pour les hôpitaux et les cliniques.
– Faire respecter le droit international, conformément aux recommandations de la Cour internationale de justice, afin de mettre fin à l'occupation illégale du territoire palestinien par Israël.
– Développer les activités de plaidoyer et de surveillance par les organes des Nations unies et les organisations internationales afin de documenter les violations.
– Soutenir le rétablissement à long terme de l'infrastructure sanitaire de Gaza, le soutien durable aux soins maternels et reproductifs, et les programmes visant à traiter les traumatismes psychologiques auxquels les femmes de Gaza sont confrontées.
Le 7 mars 2025
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Gaza : le Hamas veut faire la preuve de l’échec de Nétanyahou

Alors que la première phase du cessez-le-feu s'achève et que les négociations pour la deuxième piétinent, le mouvement islamiste fait preuve chaque jour de son implantation sur tout le territoire de l'enclave. Et veut démontrer l'échec du premier ministre israélien, qui promettait de l'éradiquer.
Tiré de Europe Solidaire Sans Frontières
25 février 2025
Par Gwenaëlle Lenoir
Mercredi 26 février, tard dans la nuit, un nouvel échange a eu lieu : quatre dépouilles d'otages israéliens morts dans la bande de Gaza ont été remises à Israël, via le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), et 602 prisonniers palestiniens ont quitté la prison d'Ofer pour retrouver leurs proches.
Ces 602 détenus auraient dû être libérés samedi 22 février, car le mouvement islamiste avait bien procédé, ce jour-là, à la libération de six Israéliens retenus dans la bande de Gaza. L'échange était prévu dans les modalités de la première phase du cessez-le-feu défini par l'accord signé le 15 janvier entre le mouvement islamiste et l'État hébreu sous l'égide des médiateurs qataris et égyptiens. C'était le septième de la sorte.
Mais Benyamin Nétanyahou a décidé de surseoir à l'élargissement des captifs palestiniens, au désespoir des familles qui les attendaient avec impatience.
Dans un communiqué, le premier ministre israélien a justifié sa décision, qui a risqué de faire capoter le cessez-le-feu et a gonflé la colère des familles des otages encore en captivité : « Au vu des violations répétées du Hamas, notamment les cérémonies qui humilient nos otages et l'exploitation cynique de nos otages à des fins de propagande, il a été décidé de reporter la libération des terroristes prévue hier jusqu'à ce que la libération des prochains otages soit assurée, et sans les cérémonies humiliantes. »
Un épisode, notamment, a fait bondir les autorités israéliennes le 22 février : sur l'estrade où ils sont contraints de monter avant d'être remis au CICR, un des captifs israéliens, Omar Shem Tov, souriant, embrasse le front d'un des militants armés et encagoulés du Hamas qui se tient à ses côtés, puis d'un deuxième – après qu'un des cameramen du Hamas lui a parlé.
De l'art de la communication
Le jeune Israélien, qui vient de passer cinq cent cinq jours retenu dans l'enclave palestinienne, affirmera le lendemain qu'il a été contraint par ses geôliers de faire ce geste. De nombreux commentateurs dans les médias arabes, eux, y voient la preuve de la « bienveillance » avec laquelle le Hamas traite les otages et de la « gratitude » que ces derniers lui vouent pour les avoir protégés pendant la guerre. Le quotidien israélien Haaretz énumèreplusieurs de ces réactions, soulignant que, pour les commentateurs, le Hamas a, le 22 février, gagné la guerre de la communication et détruit le narratif israélien.
Également odieuse aux yeux des autorités israéliennes, la vidéo de deux otages, crâne rasé, vêtus de pulls marron, contraints d'assister, depuis une voiture près de la scène, à la libération de leurs compagnons de captivité. Eux ne sont pas sur la liste des libérables du jour. Bouleversés, ils supplient le premier ministre de respecter les modalités du cessez-le-feu pour voir leur tour arriver.
C'est une démonstration de force et un épisode d'une guerre psychologique. Les libérations se déroulent dans toute la bande de Gaza, du nord au sud, en présence d'hommes armés nombreux, censés avoir été éliminés.
Leila Seurat, chercheuse
La séquence du 22 février, septième échange depuis l'entrée en vigueur du cessez-le-feu le 19 janvier, concentre à elle seule les éléments de communication du Hamas depuis la pause dans la guerre.
« Ici comme à chaque fois, c'est une démonstration de force et un épisode d'une guerre psychologique. Les libérations se déroulent dans toute la bande de Gaza, du nord au sud, en présence d'hommes armés nombreux, censés avoir été éliminés, décrypte Leila Seurat, chercheuse au Centre arabe de recherche et d'études politiques de Paris. Celles du 22 février ont eu lieu en deux endroits. Dans le camp de Nousseirat, dans le centre de la bande de Gaza, là où un commando a tué trois cents civils palestiniens pour essayer de récupérer des otages [en juin 2024, un commando israélien a tué 274 personnes dans une opération pour libérer quatre otages – ndlr], et à Rafah, dans le sud, où les Israéliens sont restés neuf mois et ont prétendument tué tous les chefs de katiba. »
En moins d'un mois, c'est devenu un rite. Sur une estrade, une table derrière laquelle un membre du Hamas et une déléguée du CICR signent des documents l'un après l'autre. Les otages y grimpent ensuite, « certificat » à la main, entourés d'hommes en armes, encagoulés, vêtus d'uniformes noirs ou kaki, les fronts ceints de bandeaux aux couleurs de leur faction.
Les captifs s'adressent au public, quelques mots en hébreu traduits presque simultanément en arabe, puis descendent et s'engouffrent dans les véhicules du CICR. Le tout est photographié, filmé, diffusé en direct, sur les canaux du Hamas et des autres factions palestiniennes, et sur des chaînes de télévision arabes.
Hors du déroulé, le décor est important. « À chaque fois, tout est pensé en termes de communication et de symbolique. Rien n'est laissé au hasard, reprend Leila Seurat. Ainsi les grosses voitures noires, lors des premières libérations, sont des véhicules israéliens rapportés dans Gaza le 7 octobre 2023. » Certains des fusils d'assaut arborés par les militants armés sont des Tavor, qui équipent l'armée israélienne.
À une occasion au moins, on voit des enfants vêtus de sweat-shirts arborant le triangle rouge à l'envers avec lequel, sur les vidéos, les combattants palestiniens désignent leurs cibles. Les images fourmillent de détails de ce type, glorifiant la valeur militaire et nationaliste du mouvement islamiste.
Les ruines apparaissent toujours dans le cadre. Les slogans, qui célèbrent les « combattants de la liberté » sont rédigés en arabe, hébreu et anglais. Une immense bâche est tendue derrière la scène, représentant une vue de Jérusalem, avec le dôme du Rocher et la mosquée Al-Aqsa au premier plan.
Le 15 février, la libération a lieu à Khan Younès, à proximité de la maison de Yahya Sinouar, chef du Hamas tué en octobre 2024. Sur une grande bannière flanquant l'estrade, un homme de dos est assis dans un fauteuil au milieu de gravats. Tout le monde reconnaît forcément la scène filmée par un drone israélien quelques instants avant sa mort et largement diffusée, où Sinouar, gravement blessé, essaie de chasser l'engin. Sur la banderole, il regarde en direction du dôme du Rocher qui apparaît à travers le mur détruit.
Montrer sa force, être présent partout
« La communication est à destination de deux publics, l'opinion palestinienne et l'opinion israélienne, en particulier les familles des otages. Le Hamas ne vise pas du tout le public occidental, ni aux États-Unis, ni en France, ni en Europe. Ils ne se préoccupent pas des réactions là-bas qui, à leurs yeux, ne pèsent pas, analyse Nicolas Dot-Pouillard, chercheur associé à l'Institut français du Proche-Orient. Le Hamas veut dire au public palestinien : “On est en position de force, on est capables de libérer de la façon dont nous l'entendons, et pas comme Israël le souhaite.” »
À l'opinion israélienne, qui se réunit sur la « place des otages » à Tel-Aviv pour suivre les libérations en direct, le Hamas envoie deux types de messages.
« Le Jihad islamique a diffusé une vidéo montrant un otage [Alexander Tourbanov, libéré le 15 février, vidéo visible ici– ndlr] en train de pêcher sur une plage, il s'agissait de dire : “Regardez, ils sont en bonne forme physique et mentale”, reprend Nicolas Dot-Pouillard. Mais il y a aussi la vidéo des deux otages observant depuis une voiture la libération de leurs compagnons. Là, c'est vraiment pour que les familles fassent pression, à un moment où le Hamas pense que Nétanyahou veut bloquer la suite de l'accord. »
Dans les mises en scène, le mouvement islamique déploie aussi des messages politiques internes. « Il veut montrer qu'il réussit l'unité palestinienne. À chaque libération, il invite par exemple des factions du Jihad islamique, de la branche armée du Fatah, du FPLP [Front populaire de libération de la Palestine – ndlr], des comités de résistance populaire, etc. », remarque encore Nicolas Dot-Pouillard.
« Ce qui se joue à chaque fois dans ces libérations, c'est de montrer qu'il y a une forme d'union nationale avec les autres branches armées présentes sur le terrain, qui avaient d'ailleurs elles-mêmes des otages », renchérit Leila Seurat.
L'unité nationale, autrement dit aussi la réconciliation entre le mouvement islamiste et le Fatah de Mahmoud Abbas, donc l'Autorité palestinienne, serpent de mer de la politique palestinienne depuis des décennies, constitue une demande forte dans l'opinion palestinienne.
Dans le nord de Gaza, ce sont eux qui ont les bulldozers, qui sont en train de déblayer ce qu'ils peuvent, de refaire les routes, de remettre en état des pompes à eau, ou bien les puits dans des quartiers.
Rami Abou Jamous, journaliste palestinien à Gaza
Celle-ci est prise à témoin : tout le monde devra encore compter avec le Hamas. Car loin d'être réduit à néant, contrairement au but de guerre affiché par les dirigeants de l'État hébreu, Benyamin Nétanyahou en tête, il est toujours bien là. Affaibli, sans doute, mais capable de peser militairement et politiquement.
« Avant le cessez-le-feu, il y avait un discours, en partie chez les Israéliens et les Américains, dans les médias occidentaux aussi, prétendant que le Hamas était si affaibli, après l'élimination de sa direction politique et militaire (Mohammed Deïf, Yahya Sinouar et d'autres) qu'il ne fonctionnait plus que par petites cellules séparées. Ses cellules ne communiquent plus entre elles, disait-on, décrypte Nicolas Dot-Pouillard. Ce discours avait un peu changé dans les semaines précédant le cessez-le-feu, car les actions militaires restaient efficaces et meurtrières pour les soldats israéliens. »
Et puis il a été rendu caduc par ce que l'on a vu dès le cessez-le-feu annoncé. Les brigades Ezzedine al-Qassam, branche armée du Hamas, ont défilé dans toute la bande de Gaza. La police s'est redéployée dans certains lieux, après avoir été systématiquement ciblée pendant les quinze mois de guerre. Le mouvement islamiste a réussi à organiser en quelques jours la libération d'otages en coordination avec le CICR, ce qui prouve que des interlocuteurs de haut niveau existent.
« Une autre preuve de l'existence d'une direction politique relativement centralisée dans la bande de Gaza se voit dans les négociations : elles ont lieu à l'extérieur, mais le oui ou le non final à un accord est donné par la branche intérieure, par la bande de Gaza »,souligne encore Nicolas Dot-Pouillard.
Services publics
Sur le terrain, les services sociaux du Hamas sont sortis de la discrétion que les frappes ciblées israéliennes leur imposaient. « On ne voyait pas les Ezzedine al-Qassam, mais on voyait les gens de l'administration. Seulement ils ne faisaient pas grand-chose, parce qu'ils étaient ciblés, même ceux qui s'occupaient du contrôle des prix, par exemple, raconte à Mediapart, depuis Deir al-Balah où il a été déplacé, le journaliste palestinien Rami Abou Jamous, auteur du « Journal de bord de Gaza » sur le site Orient XXI. Aujourd'hui, c'est complètement différent. Dans le nord de Gaza, ce sont eux qui ont les bulldozers, qui sont en train de déblayer ce qu'ils peuvent, de refaire les routes, de remettre en état des pompes à eau, ou bien les puits dans des quartiers. »
Bien que détesté par une bonne partie de la population, qui le rend responsable de l'anéantissement de la bande de Gaza, le Hamas reprend un travail de service public.
« Ils sont en train de préparer les camps de fortune, reprend Rami Abou Jamous. Ils nettoient des terrains, montent des tentes. Une fois cela fait, ils commencent à installer les toilettes, les douches et l'infrastructure de camp de fortune. Et puis ils nomment un responsable pour chaque camp, qui connaît les besoins des habitants et gère la distribution de l'aide, si elle arrive. Ils essaient aussi de fournir du fuel, pour les générateurs et les pompes à eau, car l'eau est le problème majeur dans le nord de la bande de Gaza. »
La délivrance des certificats de naissance ou de décès a repris, et la police rend visite à ceux qui ont été dénoncés pour avoir volé pendant la guerre.
C'est une reprise en pointillé, le cessez-le-feu est plus que fragile et rien ne garantit même que la deuxième phase, qui prévoit l'arrêt officiel des hostilités et le retrait complet de l'armée israélienne, ne commence, comme prévu, le 1er mars.
Quant à l'après, le plus grand flou règne, entre les plans délirants de Donald Trump, le mantra de Benyamin Nétanyahou – « ni Hamas, ni Abbas » – qui affirme le refus du gouvernement israélien de la gestion de la bande de Gaza par le Hamas et par l'Autorité palestinienne, et le plan égyptien qui doit être présenté dans les jours qui viennent.
Pour l'instant, le Hamas s'en tient à l'accord signé avec le Fatah, colonne vertébrale de l'Autorité palestinienne, et d'autres factions palestiniennes à Pékin en juillet 2024.
« Le Hamas et le Fatah sont d'accord pour un gouvernement de technocrates sans représentation officielle du Hamas, il y aura forcément des soutiens du Hamas qui y siégeront puisque les membres de ce gouvernement devront être approuvés par les factions, explique Leila Seurat. Il va donc jouer un rôle dans l'après-Gaza, c'est-à-dire dans la reconstruction. Et il veut rester comme une force armée et une force politique, sans forcément vouloir jouer ce rôle d'administrer des services publics et de s'occuper de la gestion quotidienne, que ce soit la santé ou l'éducation. »
Le Hamas avait promis qu'il n'organiserait aucune cérémonie publique pour la remise des dépouilles des Israéliens morts en captivité mercredi soir. De fait, il a respecté sa parole. Il est trop tôt pour savoir s'il a cédé à la pression de son opinion publique, ulcérée de voir la libération des prisonniers palestiniens reportée, ou s'il a décidé de changer sa communication.
Dans ce dernier cas, le mouvement trouvera certainement un autre mode de communication pour faire étalage de sa puissance. Le Proche-Orient est terre de symboles, et ses habitants ont l'art de les utiliser.
Gwenaelle Lenoir
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Palestine : Une attaque impérialiste contre l’ensemble du Moyen-Orient

Le 18e Congrès mondial de la Quatrième Internationale s'est tenu en Belgique du 23 au 28 février. La discussion, très large, a porté sur la situation internationale sous tous ses aspects, de la polycrise structurelle dans ses dimensions environnementale, économique, sociale et politique aux mouvements de résistance, en passant par la nécessité de construire et de renforcer notre propre Internationale.
Quatrième internationale
27 février 2025
18e Congrès Mondial - 2025
© Photothèque Rouge / Martin Noda / Hans Lucas.
Une résolution a été consacrée à la Palestine. Nous publions ici la résolution approuvée par le congrès par 116 voix pour, 3 contre, et 4 non-votes.
La guerre contre la Palestine ouvre un nouveau chapitre de l'histoire. Il s'agit d'un génocide mené par Israël avec le soutien actif des États-Unis et l'appui actif ou la complicité de nombreux autres États.
Sur les 2,4 millions de Palestinien·nes de Gaza, 1,9 million, soit 86 % de la population, ont été déplacé·es à l'intérieur du pays. Sur les plus de 47 000 mort·es qui ont été identifié·es, 40 % sont des femmes et des enfants, et la réalité du carnage se situe entre 200 000 et 300 000 mort·es, soit environ 15 % de la population de Gaza. Par le siège de la population du territoire sans nourriture ni soutien et ses nombreuses autres violations du droit international, le meurtre de centaines de journalistes, de médecins, le blocage de l'aide humanitaire, Israël démontre que son objectif est de reprendre un contrôle total de la bande de Gaza. Dans le même temps, 16 communautés palestiniennes ont été déplacées de force de Cisjordanie et 1 285 Palestinien·nes avaient été déplacé·es en juillet 2024.
Il s'agit d'une attaque et d'une menace contre tous les Palestinien·nes et la majorité des habitant·es du Moyen-Orient, qui a des implications majeures à la fois pour la région dans son ensemble et sur les rapports géopolitiques mondiaux.
Une guerre génocidaire de longue durée
Les attaques israéliennes sur Liban depuis septembre 2024 représentent une nouvelle étape dans la guerre : plusieurs milliers de personnes sont tuées par des attaques aveugles et des bombardements massifs, et des dizaines de milliers de personnes fuient le sud du pays. Le 27 septembre, l'assassinat du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, et de plusieurs de ses dirigeants, est venu compléter ce qui s'est avéré être une décapitation systématique de l'organisation après avoir saboté son réseau de communication.
Par la suite, l'objectif de l'attaque militaire et politique d'Israël s'est étendue de Gaza vers le sud du Liban – c'est-à-dire les régions de cet État où se trouve la base arrière du Hezbollah –, ainsi que les tentatives de réorientation de la propagande, qui présentent l'Iran comme la principale menace pour le monde soi-disant civilisé. En fait, Netanyahou mène des « incursions militaires limitées » dans cette région depuis novembre 2023.
Les actions de Biden ont révélé la profondeur de son hypocrisie : l'appel lancé le 26 septembre par les États-Unis et d'autres pays en faveur d'un cessez-le-feu de trois semaines entre l'État sioniste et le Hezbollah a rapidement laissé place à une déclaration de Biden saluant la disparition de Nasrallah, montrant clairement que son administration soutient aussi bien l'offensive israélienne au Sud-Liban qu'à Gaza. Le positionnement de « Genocide » Joe est une des causes de la défaite de Harris à l'élection présidentielle, car les Démocrates ont alors perdu le soutien d'une partie conséquente des populations racisé·es. L'arrivée de Trump a concordé avec une usure de l'armée israélienne et du pouvoir de Netanyahou, qui s'est vu imposer un échange de prisonniers dans le cadre du cessez-le-feu du 15 janvier 2025, à hauteur de 1 prisonnier israélien pour 30 palestinien·nes.
Mais le cessez-le-feu, s'il représente une pause dans l'horreur, n'a en rien freiné les volontés génocidaires des États-Unis et d'Israël : Trump a indiqué vouloir prendre possession de Gaza, la vider de sa population, en l'expulsant vers l'Égypte ou la Jordanie, tandis qu'Israël a intensifié ses attaques vers la Cisjordanie. Le ministre de la Défense israélien, Israël Katz, a déclaré :
« Nous avons déclaré la guerre au terrorisme palestinien en Cisjordanie ». « Une fois l'opération terminée, les forces de l'IDF [armée israélienne] resteront dans le camp de Jenine pour s'assurer que la terreur ne reviendra pas ».
Une guerre totale
Israël met donc en ?uvre une terreur de masse dans le cadre d'une guerre asymétrique, dans le but de réduire au silence toute dissidence politique, militante ou militaire. Cette guerre n'est pas la simple poursuite de la guerre d'apartheid et de colonisation qui dure depuis 75 ans et du nettoyage ethnique contre ceux qui habitaient la Palestine avant la création imposée de l'État d'Israël, il y a un saut qualitatif dans la volonté d'éradiquer le peuple palestinien, par la déshumanisation des Palestinien·nes et dans une logique suprémaciste, dans une trahison totale de la mémoire de la Shoah.
Le carnage actuel est aussi lié à la nature néo-fasciste du gouvernement Netanyahou. Très affaibli par des mois de protestations populaires contre son arrogance à l'égard du pouvoir judiciaire et les preuves évidentes de sa corruption, Netanyahou, qui a exploité l'extrême faiblesse de la gauche antisioniste, a saisi l'occasion de l'attaque sanglante du 7 octobre 2023 pour tenter de reprendre l'initiative et le contrôle de la situation interne. Elle poursuit la Nakba, hier en massacrant et en expulsant à Gaza, aujourd'hui en attaquant en Cisjordanie. L'objectif d'établir un Grand Israël – qui pourrait inclure le sud du Liban jusqu'au fleuve Litani –, les objectifs internes de la politique israélienne et la fuite en avant dans la guerre s'inscrivent dans la rhétorique du « choc des civilisations » mise en avant par les puissances occidentales, un discours qui correspond parfaitement à leurs besoins dans le contexte de la crise globale du système de domination impérialiste.
Netanyahou est aujourd'hui l'avant-garde de l'extrême droite mondiale, qui a mis au second plan son antisémitisme traditionnel au profit d'une offensive raciste et islamophobe globale. Nous assistons à l'émergence d'un nouvel ordre mondial dont la mission historique est de permettre des massacres de masse au profit de la domination des grandes puissances impérialistes sur le monde. L'arrivée de Trump au pouvoir permet une accélération gigantesque de ces orientations.
La répression des Palestinien·nes n'est pas due aux caprices d'un seul homme, mais à la logique des classes dirigeantes de l'État israélien, aux dépens du peuple palestinien.
Les intérêts impérialistes et les gouvernements arabes
Néanmoins, Israël n'agit pas seul. C'est la première fois depuis l'offensive contre l'Irak en 2003 que les États-Unis interviennent aussi directement. Leur soutien en armes et en dollars par millions à Israël est décisif dans la réalisation d'un massacre historique de civils. Il se développe avec le silence complice ou les protestations hypocrites des grandes puissances occidentales, les protestations tardives de la Chine ou le funambulisme de la Russie de Poutine. Les puissances impérialistes ignorent les différentes résolutions de l'ONU ou de la Cour pénale internationale, qui n'ont aucune influence sur les événements.
Quant à la plupart des gouvernements du monde arabe, leur logique de « normalisation » des relations avec Israël et d'invisibilisation de la cause palestinienne, qui prévalait avant le 7 octobre, rend pathétiques et tragiques leurs déclarations critiques sur le bombardement de Gaza, concédées sous la pression populaire. Pour des millions de personnes dans les pays arabophones et musulmans de la région, les régimes arabes sont clairement perçus comme collaborant avec Israël et les impérialistes. Cette politique les conduit, comme c'est le cas en Algérie, au Maroc, en Égypte et en Jordanie, à renforcer la répression contre leurs populations, car ils savent que toute mobilisation en solidarité avec la Palestine se transformerait inévitablement en protestation contre leurs gouvernements. Le fait qu'ils aient dénoncé le plan de Trump visant à faire de Gaza la « Côte d'azur » du Moyen-Orient s'explique par leur souci de défendre leurs propres intérêts et non par leur soutien au peuple palestinien.
La complicité de l'Autorité palestinienne avec l'État israélien est devenue de plus en plus évidente pour une grande partie de la population palestinienne.
Les bataillons pro-Assad en Syrie, le Hezbollah au Liban et les Houthis au Yémen, en rébellion contre un gouvernement contrôlé par l'Arabie Saoudite – toutes forces qui entretiennent des relations avec le régime théocratique et profondément répressif de l'Iran – prétendent agir dans l'intérêt du peuple palestinien, tout en essayant en réalité de faire progresser leurs propres intérêts. L'effondrement du régime honni de Bachar el-Assad en Syrie sont un soulagement pour des millions de Syrien·nes, mais les forces progressistes, en particulier les Kurdes et spécialement le Rojava, sont maintenant prises en étau entre l'impérialisme de la Turquie d'Erdogan et Israël.
Il s'agit donc d'une offensive coloniale et impérialiste à cibles multiples, avec une répression violente et l'encouragement de nouvelles colonies en Cisjordanie, de la disparition ou de l'exode massif des Palestinien·nes, des incursions militaires dans le sud-ouest de la Syrie, des bombardements sur les Houthis du Yémen, qui tentent de bloquer les manœuvres de la marine américaine et des navires marchands à l'entrée de la mer Rouge.
Ce que fait Israël n'est pas de l'autodéfense mais l'un des massacres les plus honteux de l'histoire récente, dénoncé à juste titre comme génocidaire par l'Afrique du Sud devant le Tribunal de La Haye. La tragédie en cours provoque des bouleversements politiques et idéologiques dans le monde entier. Il est de plus en plus difficile pour leurs alliés de défendre aussi bien les États-Unis qu'Israël.
Une solidarité sans précédent depuis plusieurs décennies
Le carnage à Gaza a un impact particulier sur la jeunesse périphérique du monde entier. Le mouvement de solidarité s'est heurté à une répression généralisée : les manifestations ont été interdites, les participants ont été réprimés et même emprisonnés. Des centaines de milliers de personnes ont manifesté, bloqué des usines d'armement et fait pression pour que les accords entre leurs pays et Israël soient rompus. Le mouvement a exercé une influence dans les milieux artistiques et le mouvement de boycott s'est répandu. Des millions de jeunes qui n'avaient pas connu les deux Intifada ont redécouvert cette lutte et se la sont appropriée. Les jeunes racisé·es des quartiers populaires, victimes de la montée de l'islamophobie, se sont identifié·es à la cause palestinienne.
Alors que les actions de soutien à cette cause sont rapidement accusées d'antisémitisme par ceux qui défendent les actions d'Israël, les jeunes humanistes juifs occidentaux ont montré une évolution de la conscience en développant une orientation non sioniste ou antisioniste, à contre-courant des réactions pro-israéliennes au 7 Octobre et organisent une mobilisation historique qui interpelle les pouvoirs en place aux États-Unis. Le mouvement a joué un rôle majeur dans le remplacement de « Joe le génocidaire » Biden par Kamala Harris.
La mobilisation est passée par plusieurs phases. Tout d'abord, dans les mois qui ont suivi le 7 octobre, il a été très difficile de faire face à la pression politique soutenant le pseudo « droit d'Israël à se défendre ». Ensuite, il y a eu de grandes mobilisations, avec un magnifique rebond lorsque les universités se sont mobilisées. Aujourd'hui, nous sommes confronté·es à une nouvelle situation avec l'extension de la guerre au Liban, qui fait suite à des attaques ciblées en Iran. La menace d'une guerre régionale est plus que jamais présente, et la fuite en avant dans la guerre que nous redoutions et annoncions semble en marche.
Il existe aussi en Israël une opposition au génocide et à la colonisation, avec un appel signé par 3600 personnalités demandant des sanctions contre Israël, des soldats refusant le service militaire, des députés du parti communiste israélien (juifs et arabes) suspendus du parlement pour avoir soutenu l'appel de l'Afrique du Sud contre le génocide à Gaza, des journalistes du quotidien Haaretz qui dénoncent les crimes israéliens à Gaza et la colonisation en Cisjordanie, des ONG comme B'Tselem qui défendent les prisonniers politiques palestiniens, etc. Certes, il s'agit d'une faible minorité, mais il faut faire connaître leur combat, étouffé par tant de propagande.
Nos actions pour la Palestine
Il est plus que jamais de notre responsabilité de construire un mouvement mondial de solidarité avec la Palestine. Ce mouvement doit être large et uni, revendiquer :
– l'arrêt des massacres et le retrait des troupes,
– la reconstruction de Gaza, par et pour les gazaouis, aux frais des puissances impérialistes, celles qui interviennent directement comme celles qui sont complices
– l'accès à l'aide humanitaire pour la population,
– la libération des prisonniers,
– l'arrêt total des déplacements et la garantie du droit.au retour des Palestinien-nes
– BDS (Boycott, désinvestissement, sanctions)
Toutes ces exigences humanitaires sont fondamentales. Pour cela, il faut multiplier les manifestations, les occupations et les boycotts, exiger la réquisition des entreprises qui collaborent au génocide, bloquer les ventes d'armes, interpeler les gouvernements pour qu'ils cessent tout lien, notamment commerciaux, et tout soutien à l'État génocidaire. Nous devons obtenir le soutien des syndicats et de la rue. Nous soutenons la formation de blocs juifs visibles en solidarité avec la Palestine. Nous visons à créer un maximum d'espace pour le débat démocratique au sein du mouvement.
Mais nous savons au fond que ce mouvement est aussi un mouvement anti-impérialiste, décolonial, anti-guerre, qu'il entre en résonnance avec la menace d'un monde chaotique où les relations entre les grandes puissances se règlent par les armes. Dans le cadre de ce mouvement, nous voulons affirmer la nécessité pour les peuples du monde, les classes populaires et les personnes racisées, de se soulever pour arracher le pouvoir aux criminels. Nous soutenons la résistance des peuples, armés ou non. Seule une mobilisation massive, notamment au Moyen-Orient, peut modifier le rapport de forces actuellement totalement déséquilibré et forcer les États et organisations à se mobiliser contre ce génocide.
Nous ne partageons pas le projet politique du Hamas ou du Hezbollah, ni leurs visions répressives et réactionnaires de la société. Cependant, étant donné le recul de la gauche dans la région et l'absence d'autres forces de résistance au colonialisme, ces organisations bénéficient d'un large soutien électoral et populaire, et sont de fait des outils de résistances reconnues, que ce soit dans la région ou par certains dans les mouvements de solidarité. Nous dénonçons la rhétorique des classes dirigeantes occidentales qui qualifient le peuple palestinien et ses organisations de « terroristes ». Pour Israël et ses alliés, le fait même de résister est une action terroriste. Pour nous, la violence des victimes découle de la violence des oppresseurs. Si nous ne soutenons pas politiquement le Hamas, nous soutenons son droit démocratique à exister, et nous exigeons le retrait du FPLP, du Hamas et du Hezbollah des listes d'organisations terroristes dressées notamment par les États-Unis et l'Union européenne.
En Palestine plus qu'ailleurs, la lutte victorieuse des exploité·es et des opprimé·es peut être la voie vers un monde plus juste. Nous réaffirmons la nécessité de démanteler l'État sioniste, en tant qu'« État pour les Juifs », et que seule une Palestine libre, démocratique, laïque et égalitaire, où tou·tes les Palestinien·nes dispersé-es pourraient retourner, et où chacun pourrait vivre, quelle que soit sa religion, dès lors qu'il accepte ce cadre décolonial, peut apporter une solution juste et pacifique aux populations de la région. Le rapport de forces nécessaire à la mise en place d'une telle solution, loin des mirages d'une Palestine limitée à des bantoustans, implique une mobilisation mondiale, et notamment régionale, pour stopper les impérialistes, les États-Unis en particulier.
Israël et les États-Unis sont isolés sur la scène internationale. La Palestine est soutenue par la majorité des classes populaires, à nous de transformer ce soutien en actions de masse !
Le 27 février 2025
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Colombie : décès d’un défenseur des droits humains et des territoires : James Gallegos

Embarquez avec nous !
Retour à la table des matières Droits et libertés, automne 2024 / hiver 2025
Embarquez avec nous !
COMITÉ MOBILITÉ DE LA TABLE DES GROUPES DE FEMMES DE MONTRÉAL
Au Québec, les femmes en situation de handicap dépendent plus des transports collectifs que les autres femmes ou encore, les hommes en situation de handicap1. Pourtant, leurs expériences sont souvent ignorées lors des réflexions sur ces services. Face à ce constat, les membres de la Table des groupes de femmes de Montréal (TGFM) ont lancé une recherche-action en 2023 pour inclure ces femmes dans les décisions sur la mobilité durable. Ce projet a engagé 10 expertes du vécu, qui ont tenu des journaux de bord, participé à des balades exploratoires et contribué à l’analyse. Plus de 150 femmes y ont aussi participé via un sondage et des groupes de discussion. La mobilité est un droit essentiel à la participation sociale des mères, travailleuses, étudiantes, proches aidantes et militantes en situation de handicap. L’article 15 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec garantit l’accès aux transports et aux lieux publics sans discrimination. Les témoignages recueillis dans le cadre de notre recherche-action soulignent que ces droits sont encore souvent bafoués, compromettant la capacité de ces femmes à se déplacer de façon autonome et sécuritaire à bord des transports collectifs. Cet article dévoile quelques enjeux clés qui sont présentés plus en détail dans notre rapport de recherche2. [caption id="attachment_20889" align="alignnone" width="458"]
Les transports collectifs
D’abord, le service de transport adapté complique considérablement la conciliation entre travail, famille et vie sociale des personnes qui en dépendent.
À Montréal, les transports collectifs comprennent d’abord le transport en commun régulier (autobus, métros, trains) qui fonctionne selon des horaires fixes et est, en principe, accessible à tout le monde. Il y a ensuite le transport adapté qui pallie les obstacles du réseau régulier en offrant, sur réservation, des véhicules, itinéraires et accompagnements adaptés aux besoins individuels des personnes ayant une incapacité qui affecte grandement leur mobilité. L’offre est complétée par les navettes qui offrent des trajets pour faciliter des déplacements ciblés (par exemple, aéroport ou traverse du fleuve). Parmi les répondant-e-s de notre sondage, 67 % jugent que le transport adapté est accessible et sécuritaire, contre seulement 28 % pour les autobus, métros et trains et 16 % pour les navettes fluviales. Dans le même ordre d’idées, 2 répondant-e-s sur 3 considèrent le transport adapté sécuritaire, et le personnel et les client-e-s bienveillant-e-s, alors que moins de la moitié évalue positivement le personnel et les client-e-s du transport en commun. Malgré cette meilleure perception du transport adapté, ce service ne parvient pas à offrir des déplacements équitables et sécuritaires.Mirages du transport adapté
D’abord, le service de transport adapté complique considérablement la conciliation entre travail, famille et vie sociale des personnes qui en dépendent. Pour ne nommer que quelques irritants logistiques, les réservations ne peuvent pas se faire à la dernière minute. L’accompagnement, crucial pour le sentiment de sécurité, est contraignant tout comme le nombre de sacs permis, ce qui complique la possibilité de faire son épicerie. En raison des retards et des jumelages, un trajet peut prendre plus de deux heures pour parcourir quelques kilomètres. L’insécurité est un problème. Les espaces d’attente sont souvent hostiles : peu de bancs, d’éclairage et d’accès à des toilettes. En hiver, la neige et le froid aggravent ces conditions. En été, les travaux et les piétonnisations compliquent l’embarquement et le débarquement. Les témoignages révèlent des comportements dangereux du personnel ou des gestes non consentis, notamment lors de l’attache de la ceinture de sécurité, ainsi que des remarques intrusives et sexistes. Des cas d’agressions physiques, sexuelles et psychologiques ont été vécus à bord des véhicules. Surtout, les expertes du vécu expriment une faible confiance envers le système de plainte en raison de l’absence de suivi et de changements constatés. Le transport adapté est précaire. Dans les dernières années, en plus des réductions de service dues aux conditions météorologiques, d’autres ont été établies en raison de la pandémie et en raison de problèmes de main-d’œuvre et de financement en août 2022. Les réductions incluent la limitation des trajets hors de l’île de Montréal, la permission exclusive des déplacements liés aux études, au travail et à la santé et la suspension des accompagnements. Ces restrictions portent atteinte au droit à la mobilité notamment de celles qui n’ont pas d’alternatives de transport.Inaccessible et non sécuritaire
[caption id="attachment_20890" align="alignright" width="237"]
Environ 1 répondant-e sur 3 considère qu’il est impossible de se déplacer de manière sécuritaire pour être parent, proche aidant-e, étudiant-e, occuper un emploi ou s’impliquer dans sa communauté.
Les expertes du vécu soulignent les retombées positives de ces aménagements et équipements qui les incitent à utiliser le réseau régulier lorsque possible. Toutefois, les ascenseurs, escaliers mécaniques et rampes d’accès sont souvent hors service, rendant certains trajets impraticables. Les mesures d’urgence ne sont pas universellement accessibles. En effet, les messages d’urgence sont communiqués uniquement à l’oral, il faut parfois évacuer à une station de métro sans ascenseur et les navettes sont rarement accessibles. Enfin, des obstacles saisonniers compliquent l’accès au réseau : des itinéraires détournés en raison de travaux ou de piétonnisation, ainsi que des risques de chute dus à une mauvaise gestion du déneigement ou des chantiers de construction. L’accessibilité ne dépend pas uniquement des infrastructures. De nombreux témoignages révèlent des manques de civisme, comme le fait de s’asseoir sur des sièges réservés ou de ne pas offrir d’aide ou de le faire de façon inadéquate (par ex., sans demander le consentement). Plusieurs ont également subi du harcèlement de rue (par ex., regards, commentaires, attouchements ou menaces envers elles, iels ou leur chien d’assistance). C’est pourquoi il est essentiel de mener des actions de sensibilisation et de formation pour changer les attitudes et comportements du personnel et de la clientèle dans les transports en commun.Des impacts profonds
[caption id="attachment_20891" align="alignright" width="228"]
Pour une mobilité durable, inclusive et sécuritaire
Pour la TGFM, cette recherche-action est un outil de défense collective des droits. Parmi les initiatives visant à faire connaître les résultats, la TGFM a conçu une exposition qui présente une série de photos évocatrices des expertes du vécu accompagnées de textes exprimant leurs revendications pour la mobilité à Montréal. Ces témoignages démontrent que les enjeux de mobilité touchent profondément le quotidien de personnes réelles. Il est urgent de repenser les pratiques, les comportements et la planification des services publics pour garantir une mobilité durable, inclusive et sécuritaire à Montréal et partout au Québec. L’exposition photo se déplacera, selon la demande, dans différents milieux et événements pour susciter ces réflexions.1 Office des personnes handicapées du Québec, Les femmes avec incapacité au Québec, un portrait statistique de leurs conditions de vie et de leur participation sociale, 2021. En ligne : https://cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/adm/org/ophq/Statistiques/femmes-incapacite.pdf 2 En ligne : https://www.tgfm.org/fr/nos-publications/143 3 Article 67 de la Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale. 4 S. Baillargeon, Le programme pour l’accessibilité du métro à l’arrêt, Le Devoir, 11 mai 2024. En ligne : https://www.ledevoir.com/societe/transports-urbanisme/812712/transport-commun-programme-accessibilite-metro-arret 5 A. Tessier et coll., The impact of transportation on the employment of people with disabilities: a scoping review, Transport Reviews, 2023. En ligne : https://doi.org/10.1080/01441647.2023.2229031
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Adam Smith, l’antidote ultime au capitalisme

Thierry C. Pauchant, Adam Smith, l'antidote ultime au capitalisme, Dunod, 2023, 191 pages.
En écrivant Adam Smith, l'antidote au capitalisme, Thierry C. Pauchant s'est lancé dans un exercice courageux. Il est admis depuis longtemps que Smith est l'un des fondateurs du capitalisme, et cela principalement avec son principe de la main invisible du marché, revendiqué par tous les économistes libéraux et ultralibéraux. Pour cette raison, ce philosophe est aussi considéré comme l'un des adversaires à combattre pour les progressistes.
Erreur, nous dit Thierry Pauchant, longtemps professeur à HEC Montréal, et très critique de notre système économique qui engendre d'abyssales injustices. Il faut relire Smith dans le texte, selon lui, le considérer sous un regard nouveau. Un examen minutieux de ses écrits nous permet de constater à quel point la pensée de Smith a été déformée par les penseurs de l'école néo-classique en économie. L'auteur parle même d'un « hold up intellectuel ». Les écrits de Smith ont aussi été négligés par les progressistes qui auraient intérêt à y plonger pour y découvrir de nouvelles inspirations dans la défense de leurs idées.
Pauchant démontre d'abord à quel point le concept de « main invisible du marché » occupe une place restreinte dans l'ensemble de l'œuvre du philosophe. Ces mots, « répétés trois fois, ne représentent que 0,000 004 % de ses écrits » et sont en plus utilisés dans des contextes différents. Ce sont des successeurs, notamment Friedrich Hayek, qui ont vu l'utilité de cette théorie pour les intérêts qu'ils défendent, qui l'ont mise de l'avant, alors que Pauchant en montre toute la fausseté.
L'essentiel de la démarche de l'auteur est surtout d'expliquer une réflexion sur l'économie et la société beaucoup plus complexe qu'on ne le dit trop souvent. Il situe l'une des origines de la pensée de Smith chez les stoïciens, plus précisément chez Cicéron, dont il rappelle la notion d'oikos, soit la gestion responsable de l'économie domestique, qui doit aussi se reconduire jusqu'à une gestion tout aussi responsable de l'État. La pensée de Smith est aussi profondément implantée dans le siècle des Lumières, une époque déchirée entre l'espoir et le désespoir, mais aussi enthousiasmée par une recherche scientifique multidisciplinaire que Smith a très bien intégrée.
Le visage de Smith révélé par la lecture attentive de Thierry Pauchant est celui d'un homme empathique, préoccupé par la sollicitude. Cohérent envers lui-même, il défend les services publics et la redistribution par une fiscalité progressive, et prône ainsi un clair interventionnisme de l'État, contrairement à ce qu'on lui a fait dire. Il se préoccupe du sort des travailleurs et travailleuses. Il se demande « comment une société serait-elle heureuse et florissante si la plupart des membres étaient pauvres et misérables ? » Il dénonce les compagnies par action dirigées sans la diligence qu'on porte naturellement à l'argent qui nous appartient.
Sachant qu'il doit vaincre un scepticisme relié à la réputation posthume du penseur, Pauchant s'appuie dans tout le livre sur des citations longues et nombreuses. Ce soutien systématique de Smith par lui-même rend ce livre très convaincant et le met à l'abri d'une réfutation qui ne serait pas au moins aussi solidement appuyée.
La pensée de Smith mène directement au capabilisme, une approche défendue avec passion par l'auteur. Inspirés par Smith, l'économiste indien Amartya Sen et la philosophe étasunienne Martha Nussbaum ont défendu cette approche qui cherche à rendre les personnes capables de réaliser « ce à quoi elles attribuent de la valeur ». Le capabilisme vise donc une grande émancipation de tous les individus, dans un contexte où les avancées des un·es ne se font pas aux dépens des autres. Ainsi, toustes profitent d'une meilleure éducation, d'un environnement sain, d'un système de santé accessible et efficace, d'une production culturelle stimulante, entre autres.
Pauchant donne comme exemple d'approche capabiliste les objectifs de développement durable de l'ONU — dont il admet cependant qu'ils ne sont pas parfaits. Il est important de spécifier qu'on ne parle pas ici de l'usage strictement environnementaliste qu'on a fait de ce mot, et vivement dénoncé par l'auteur. Il ne s'agit donc pas de justifier de façon perverse la croissance économique en faisant croire qu'elle puisse se faire sans dommages environnementaux, mais bien d'améliorer de façon significative la vie d'un très grand nombre de personnes en leur donnant ce qui est nécessaire pour vivre dignement.
Selon Pauchant, cette approche nécessite d'importants changements de société et est incompatible avec le capitalisme. Saisissons ainsi toute l'ironie de la chose, ce qui nous renvoie au titre de l'ouvrage : Adam Smith, selon plusieurs le grand théoricien du capitalisme, a surtout inscrit dans sa pensée ce qu'il faut pour miner le système auquel on l'associe faussement.
Il faut donc lire cet excellent essai de Thierry Pauchant, qui vient ébranler de grandes convictions, et qui a en plus le mérite de présenter ses idées avec clarté et un grand souci d'être bien compris.

Motifs raisonnables. Dix ans d’affiches politiques

Clément de Gaulejac, Motifs raisonnables. Dix ans d'affiches politiques, Écosociété, 2023, 235 pages.
Durant la grève étudiante de 2012, il est certain que vous avez croisé une affiche créée par Clément de Gaujelac, dont les satires inspirées de l'actualité ont abondamment circulé sur les différents réseaux sociaux. Certaines ont été imprimées et affichées aux murs de Montréal ou apposées sur des pancartes pendant les manifestations. Depuis, de Gaujelac a poursuivi son œuvre de mises en scène de l'actualité et des personnes politiques qui la créent. Une image valant mille mots, l'artiste réussit à rendre compte du ridicule des gens qui nous gouvernent en illustrations simples, mais poignantes de véracité.
Ce livre regroupe l'ensemble des prises de parole artistiques de Clément de Gaujelac sur l'actualité de 2012 à 2022, pas moins de 300 affiches. Grève étudiante, mais aussi gouvernement Couillard et ses coupes austères, gouvernement Harper et ses idées de grandeur nationaliste, Parti québécois et ses dérives identitaires, élection du bouffon en chef Donald Trump, crise climatique, François Legault et son gouvernement déconnecté, gestion de la pandémie de COVID, etc. L'artiste n'a pas chômé compte tenu des enjeux politiques qui se multiplient et se complexifient. Vu comme un travail d'archivage, l'ouvrage nous permet de replonger avec ironie au cœur des événements politiques marquants ayant eu lieu au Québec et au Canada depuis les dix dernières années. Chaque affiche est accolée à une description de l'événement qui y est représenté puisque celle-ci ne prend un sens que mise en relation avec l'actualité qu'elle décortique. De plus, avec humilité et transparence, l'ouvrage offre un éclairage sur la démarche de l'artiste qui souhaite avant tout se réapproprier les discours médiatiques pour remettre en scène les événements discutés à partir de sa propre subjectivité.
Ainsi, bien au-delà d'un simple retour nostalgique sur la grève étudiante de 2012, cet ouvrage retrace les décisions politiques qui ont influencé nos vies et qui continuent, dans bien des cas, à affecter notre quotidien. L'humour dans la façon dont l'artiste explique les événements et l'introspection qu'il nous livre concernant sa propre démarche nous permettent de revisiter ces événements sous un nouvel angle et apportent un peu de légèreté à une actualité qui, bien souvent, est déprimante d'inégalités et de discrimination.

Panique à l’université. Rectitude politique, wokes et autres menaces imaginaires

Francis Dupuis-Déri, Panique à l'université. Rectitude politique, wokes et autres menaces imaginaires, Lux Éditeur, 2022, 328 pages.
Vous n'en pouvez plus qu'on vous demande si votre récent cours a été annulé par une bande de vilains activistes progressistes ? Entendre Bock-Côté se plaindre encore du prétendu totalitarisme woke vous donne la nausée ?
Le récent opus de Francis Dupuis-Déri est une contribution autant jouissive à lire qu'essentielle au débat public sur la question de l'état actuel des universités. Jouissive, car l'argumentation, doublée d'un riche travail de recherche et d'une écriture incisive, frappe juste ; essentielle, car Dupuis-Déri remet les pendules à l'heure d'une manière convaincante : il n'y a pas de crise du « wokisme » au sein des universités. Non, les professeur·es ne sont pas menacé·es par de dangereux ayatollahs du progressisme, la recherche financée ne se concentre pas que dans les études culturelles, et le savoir qu'on y enseigne ne verse pas dans le dogmatisme.
Au contraire, et par le biais d'une argumentation basée sur la surenchère d'exemples, Dupuis-Déri montre que l'objectif des polémistes réactionnaires est « d'agiter l'opinion publique par une amplification du sentiment de menace qui entretient la panique morale (p. 140) ». Et agitation, il y a. L'essai de Dupuis-Déri se divise en chapitres ayant chacun pour thème une facette de la façon dont le discours réactionnaire manipule le débat public pour imposer le thème d'une guerre culturelle où l'université serait le terrain de bataille : utiliser un vocabulaire piégé et limitant la portée du débat, faire apparaître comme neuf le poncif petit-bourgeois et conservateur répété depuis plusieurs décennies de la décadence de la culture, amplifier à l'extrême la réalité pour mieux cacher la violence montante de l'extrême droite, carrément créer de faux enjeux, ou déformer la réalité en manipulant les faits. Voilà autant de stratégies discursives employées par les thuriféraires à la mode de la réaction.
Dupuis-Déri montre bien en outre comment nos nouvelles vigies dénoncent chez les « wokes » exactement leurs valeurs. Ainsi, « bien plus que les wokes, ce sont leurs détracteurs qui rêvent d'une […] société sans division fondamentale et en appellent à une “unité sociale” qui se traduirait par une identification du “peuple” à l'État-nation (p. 147). » Pour ceux qui aiment apparaître comme des icônes dandy d'une contre-critique dénonçant les scories de la gauche, Dupuis-Déri montre comment la figure de « dissident » de ces mondains très fâchés est mensongère et qu'ils discourent plutôt comme des clowns.
La très grande force de l'essai de Dupuis-Déri réside toutefois dans sa démonstration que la polémique réactionnaire et le poncif de la guerre culturelle paient. Un chapitre entier est consacré à l'industrie de l'opinion et expose les liens culturels, médiatiques et politiques entre les États-Unis, le Québec et la France. « Les flux sur le marché transnational des idées reproduisent peu ou prou la géopolitique postcoloniale, ce qui confirme l'importance des dynamiques de pouvoir et des rapports de force dans la production, la diffusion et la consommation des idées (p. 245) » : c'est tout un réseau aux branchements multiples qui se déploient et se renforcent dans l'objectif d'imposer une trame narrative conservatrice qui fait des revendications progressistes un bouc émissaire, engrangeant ainsi d'importantes richesses et rendant normales des idées nauséabondes et violentes.
L'essai de Dupuis-Déri est, au final, une lecture nécessaire pour renverser le discours culturel de la droite, et un doigt d'honneur bien senti contre cette dernière : c'est bien contre elle qu'il faudra défendre l'Université.

Anarchisme occulte

Erica Lagalisse, Anarchisme occulte, Les éditions du remue-ménage, 2022, 218 pages.
S'il a un format universitaire, particulièrement avec son entrelacs de recherches et de références citées en continu, dans le travail de Lagalisse, qu'on ne s'y trompe pas, se trouve également, ou peut-être plus encore, le fait d'une militante anarchiste. Mieux, d'une militante sagace qui se fiche des idées reçues, même reconnues anarchistes, pour ne jamais hésiter à nous entraîner dans les coulisses ou l'arrière-scène afin de décrypter d'autres types de pouvoir — entre autres le fait que les hommes y ont autrement plus d'écoute… Pour ma part, la première partie du livre, qui remonte le cours des racines souvent entrecroisées de l'anarchisme et des mouvements révolutionnaires anciens avec « l'illumination » ou, attention ça va faire mal, la « religion purifiée », m'a complètement scié. Depuis une dizaine d'années, l'autrice place au cœur de ses recherches les questions très peu glamour des « théories du complot » qui permettent de mieux comprendre les questions d'appropriation culturelle et des mécanismes mettant hors jeu ce qui, par exemple, pourrait être lié à l'enchantement ou à des savoirs traditionnels. La mise au ban des « sorcières » et de leur connaissance des plantes et d'une certaine médecine tient notamment de ce type de démystification des pouvoirs de domination imposée par les médecins. Passionnants, les travaux de Lagalisse mènent vers la réhabilitation du commérage comme prise de parole essentielle ; par-delà nos institutions révolutionnaires qui l'écartent lors de la formalisation idéologique. Remue-ménage ne dit-on pas !!!

Tout inclus

François Grisé, Tout inclus, Atelier 10, 2021. Tome 1, 122 pages ; Tome 2, 120 pages.
Il y a des pièces qui deviennent des livres avec plus d'aisance que d'autres : c'est le cas de Tout inclus, tomes 1 et 2, de François Grisé. Grâce aux sections « à propos de la pièce », « mot des dramaturges », « mot de l'auteur », postfaces et autres photos de la pièce mise en scène, on se sent habilement pris·e en charge par les éditeur·rices. La forme documentaire est d'ailleurs particulièrement propice à l'expérience de lecture : on est presque dans l'essai. À la suite d'une statistique ou de la conclusion d'un·e intervenant·e, on a tout le loisir de relire deux fois le passage du texte pour mieux le comprendre. Cependant, à ce sujet, quelque chose me titille. Le théâtre et la BD documentaires présentent-ils toujours leurs intervenant·es de la même façon ? Typiquement, le nom de l'expert·e y est énoncé, suivi de son âge et de sa profession : « (Au public) Jacques Nantel, soixante-trois ans, professeur émérite de marketing au HEC. » Loin d'être une formule fautive ou désagréable, je crains toutefois que cette pratique ne devienne rapidement éculée si elle continue d'être employée telle que telle.
Autrement, je ne saurais trop insister sur la pertinence d'aborder le devenir vieux et le devenir vieille dans une œuvre théâtrale. D'emblée, le choix du titre empreint de douce ironie − le tout inclus des résidences pour aîné·es versus celui des vacances idéalisées par beaucoup − met la table à un ton relativement irrévérencieux. L'auteur ne va pas jusqu'à traiter les élu·es en poste de criminel·les envers les personnes âgées, mais il ne mâche pas ses mots, ce qui est rassurant sur la charge critique de l'œuvre. Dans le premier tome, Grisé s'amuse davantage avec la langue que dans le deuxième : la correspondance, voire l'oxymore, entre Val-d'Or et l'âge d'or coule de source et il est particulièrement plaisant d'avoir les propos rapportés des résident·es de la RPA qui s'expriment comme le faisait mon grand-père : « C'est ben d'valeur », « Avoir de l'ouvrage », « Un foyer pour personnes âgées ». Finalement, je demeure positivement impressionnée par la mise en abime permise par le théâtre documentaire. Comme il est intéressant d'avoir accès au processus en train de se faire de l'artiste : ses écueils, ses joies, ses questions sans réponses !
Bref, on voit sans effort la plus-value que ce texte incarne en tant que livre, tout en ne manquant pas de se taper sur les doigts de ne pas s'être présenté·e au théâtre en personne quand c'était le temps ! À quand de nouvelles représentations ?

Chocolaté. Le goût amer de la culture du cacao

Samy Manga, Chocolaté. Le goût amer de la culture du cacao, Écosociété, 2023, 136 pages.
L'écrivain, ethnomusicien, artiste et militant écologiste camerounais — aussi co-auteur d'Opinion poétique (L'Harmattan, 2020) avec Caroline Despont — compose avec ce livre exalté une combinaison explicite englobant une écriture poétique forte, le personnage d'un enfant qui sert de porte-voix à la transmission de la mémoire vernaculaire sans jamais dérougir d'une conscientisation fondamentale à la lutte contre l'envahisseur. Lutte oh combien inégale et emblématique d'un capitalisme « indestructible » ; envers les requins du cacao qui asservissent les cultivateurs, devrait-on dire les damnés, de cet or vert nommé cacao. Cette lecture donne à régurgiter ce chocolat bon au goût, mais fabuleusement dégueulasse : les multinationales du cacao constituent de véritables hydres, les écrans de fumée multiples brouillent invariablement la compréhension d'état de fait qui ne change pas d'un iota malgré tous les protocoles et toutes les belles promesses… Pire, dire une chose et faire le contraire passe même avec une facilité déconcertante !!! Manga pose pourtant la voix de l'enfant qui questionne son grand-père sur leur indigence persistante tandis que les blancs repartent inexorablement avec leurs précieuses fèves de cacao. De chocolat engagé et équitable, il n'en existe point — esclavagisme (entre autres des enfants), pesticides délétères, déforestation ravageuse (80 % des forêts de la Côte d'Ivoire ont été rasées en 50 ans !), asservissement et même endettement pour une matière première dont les Africain·es ne verront jamais la couleur des millions et des milliards récoltés périlleusement. En 2012, le prix du cacao payé aux producteurs a baissé de 20 % ! Les chiffres seront toujours trop stériles pour ressentir la plaie abyssale : « Vaste soleil noir des horizons amputés, je suis le cultivateur aguerri du PIB mondial confisqué, nous sommes ce riche continent braqué par cinq cents supplices imparables appartenant à cent fauves capitalistes du même nom et par sa mondialisation pourrie. ».

Le vide : mode d’emploi. Aphorismes de la vie dans les ruines

Anne Archet, Le vide : mode d'emploi. Aphorismes de la vie dans les ruines, Lux Éditeur, 2022, 160 pages.
Avec ce dernier opus, celle qui se présente (humblement ?) dès la première page comme une « stratégie discursive » vient (ironiquement ?) consolider sa place dans le champ littéraire québécois. Anne Archet n'en est pas à son premier rodéo. Et tout le plaisir est pour nous !
« Bien que tous les aphorismes contenus dans Le vide : mode d'emploi ne soient pas équivalents en termes d'efficacité selon moi, l'écrivaine fantôme maîtrise cette forme avec brio. Ça se lit d'un trait. Après avoir exploré l'intime avec Le carnet écarlate (Remue-ménage, 2014) et Amants (Remue-ménage, 2017), la voici maintenant les deux pieds dans la sphère publique. Anne Archet anarchiste brille dans toute sa splendeur, car elle prend à bras-le-corps l'odieux de l'accaparement des richesses par une infime fraction de la population avec cynisme, humour et beaucoup d'intelligence, en ne lésinant pas sur le sérieux de la chose : « Je crois qu'il faut cesser de dire “environnement” et commencer à dire “survie de l'espèce humaine”. Ce serait rigolo d'entendre les politicien-ne-s dire “la survie de l'espèce humaine est importante, mais pas aux dépens de l'économie” dans les campagnes électorales » (p. 14) ou encore : « Toutes les libertés que vous chérissez ont pour origine une émeute. Embrassez un casseur, pas la police. » (p. 29) Ça fait du bien de ne pas arrondir les angles, pour une fois, parce que oui, l'heure est grave.
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Les inégalités dans l’angle mort de la transition écologique : un enjeu de mobilité

Participation citoyenne et villes, quel avenir ?
Retour à la table des matières Droits et libertés, automne 2024 / hiver 2025
Participation citoyenne et villes, quel avenir ?
Elsa Mondésir Villefort, Conseillère en participation citoyenne et membre du CA de la Ligue des droits et libertés
Depuis les dernières élections de 2021, on assiste à une situation exceptionnelle alors qu’un nombre record d’élu-e-s ont pris la décision de quitter la scène municipale. En réaction à cette situation alarmante, un projet de loi a été déposé le 10 avril 2024 par la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest. Adoptée en juin 2024, la loi 24 (projet de loi 57), qui vise essentiellement à protéger les élu-e-s et à favoriser l’exercice sans entraves de leurs fonctions ne pourra pourtant pas, à elle seule, mettre un frein aux démissions dont nous sommes témoins. La démocratie municipale, déjà en crise et fragilisée, fait l’objet de plusieurs débats soulevant des questions importantes concernant la participation des citoyen-ne-s aux affaires politiques et publiques, participation qui est inévitablement affectée par l’arrivée de cette loi. Bien que les actrices et acteurs du milieu municipal soient confrontés à un climat particulièrement difficile, les élu-e-s détiennent toujours les clefs du pouvoir. Hocine Ouendi, un jeune Montréalais résidant de l’arrondissement d’Anjou, en est l’exemple parfait. Le 4 octobre 2022, il s’est présenté au conseil d’arrondissement pour exercer son droit de prendre part aux débats relatifs aux décisions qui le concernent. Le maire d’arrondissement lui a fait comprendre qu’un jeune de son âge n’avait pas la légitimité de prendre la parole et qu’il aurait plutôt dû être représenté par un adulte1. L’incident a conduit la Ville de Montréal à émettre une déclaration rappelant l’obligation de répondre, dans le respect, aux questions soumises par la population2. Hocine Ouendi n’est pas seulement venu avec une question, mais aussi avec des pistes de solution pour pallier une problématique vécue par plusieurs jeunes, soit l’accès aux installations publiques de l’arrondissement. C’est pourtant à un déni de son droit de participer à la vie politique qu’il s’est heurté, laissant l’enjeu qui lui tenait à cœur sombrer dans l’oubli. Cet événement est représentatif des nombreux obstacles auxquels plusieurs groupes marginalisés font face. En donnant des leviers supplémentaires aux villes et aux municipalités pour encadrer le débat public à travers la loi 24, on met en danger le droit des citoyen-ne-s d’accéder à des espaces sécuritaires favorisant leur participation. La responsabilité de préserver et de soutenir la capacité d’agir des populations doit être au cœur des stratégies à mettre en place. Sans l’établissement de processus de participation qui informent adéquatement les citoyen-ne-s, les accompagnent et encouragent une prise de parole et d’actions, il ne sera pas possible pour les villes de prendre des décisions éclairées, durables et représentatives des nombreuses réalités vécues. Dans ce cas spécifique, la déclaration de la Ville de Montréal conserve un caractère symbolique qui n’a, dans les faits, redonné aucun pouvoir à Hocine Ouendi. Au contraire, une plainte portée par sa famille à la Commission municipale du Québec a été rejetée alors qu’elle dénonçait les manquements graves de l’élu3. Même si ce n’est pas son objectif annoncé, la nouvelle loi n’est pas à l’abri d’une instrumentalisation ayant pour conséquence de limiter l’engagement citoyen.Ces personnes, qui ne sont pas majoritairement en position d’autorité dans la société, peuvent faire face à différents obstacles qui entravent leur participation, et elles n’ont pas les mécanismes nécessaires pour protéger leur droit de participer aux affaires publiques.
Pour une saine démocratie dans les villes
Si les probabilités de croiser Justin Trudeau ou François Legault un samedi matin en faisant son épicerie sont pratiquement nulles pour le commun des mortels, la situation n’est pas la même au niveau municipal. Certaines municipalités au Québec ne comptent qu’une poignée d’habitant-e-s (moins de 1000), ce qui peut rendre les dynamiques dans les espaces de participation citoyenne plus difficiles comme les membres de la communauté côtoient les élu-e-s quotidiennement. En 2017, la loi 13 (projet de loi 122) visant principalement à reconnaître que les municipalités sont des gouvernements de proximité et à augmenter à ce titre leur autonomie et leurs pouvoirs a été adoptée. Cette nouvelle reconnaissance est venue contribuer à la réflexion sur la participation publique des citoyen-ne-s en mentionnant, notamment, le besoin que toutes et tous soient « consultés en amont des prises de décision » ainsi que la nécessité d’avoir une « présence active des élus dans le processus de consultation » (article 80.3). Cette proximité fait la force du monde municipal qui bénéficie d’un contact privilégié avec la population, ce qui rend le milieu plus aligné sur les réels besoins des gens qui y vivent. Le revers de la médaille fait toutefois en sorte que les mésententes entre les acteurs et les actrices d’une communauté peuvent prendre une place prépondérante dans l’espace public. Entre 2021 et 2024, un élu sur dix a démissionné de son rôle avec un taux de départ record dans les plus petites communautés4. L’importance de mettre en place des outils pour contrer l’intimidation et le harcèlement dans le milieu municipal n’est pas contestée, mais on peut questionner si la cible est réellement la bonne lorsqu’on consulte certains éléments de la loi 24. La Ligue des droits et libertés (LDL), le Mouvement d’éducation populaire et d’action communautaire du Québec (MÉPACQ) et le Regroupement des organismes en défense collective des droits (RODCD) se sont prononcés à maintes reprises sur le dossier : certaines mesures de la loi ouvrent la porte aux dérives et menacent plusieurs libertés constitutionnelles (libertés d’expression, d’opinion et d’association). Les cas de citoyen-ne-s se sentant muselés dans l’exercice de leur droit de participer sont nombreux à travers le Québec. Joan Hamel, citoyenne de Trois-Rivières, a reçu une lettre d’un huissier en 2023 après avoir fait un commentaire sur Facebook, alors que la Ville vivait une situation particulièrement tendue en lien avec l’expansion d’un parc industriel. La Ville prétendait que son commentaire contrevenait à la Politique sur la prévention de la violence dans les interactions avec le personnel de la Ville de Trois-Rivières. La lettre stipulait qu’une récidive pouvait entraîner une amende. Le justificatif derrière cette intervention a été critiqué, d’autant plus que cela s’est produit alors qu’un dialogue important avait été entamé autour de la situation de l’expansion du parc5. En mettant l’accent sur le besoin d’encadrer les interventions des citoyen-ne-s, la nécessité de naviguer dans des zones de tension et de débattre d’enjeux polarisants est gravement menacée. La solution ne se trouve pas dans un passe-droit offert aux citoyen-ne-s qui ne seraient jamais imputables de leurs actions, mais elle ne peut pas non plus se retrouver sur un terrain où les règles du jeu sont redéfinies pour protéger un acteur au détriment de ceux et celles auxquels il est redevable et qu’il est censé représenter. D’ailleurs, restreindre la prise de parole affecte nécessairement les personnes aux intersections de plusieurs oppressions et dont l’existence même suscite le débat. Ces personnes, qui ne sont pas majoritairement en position d’autorité dans la société, peuvent faire face à différents obstacles qui entravent leur participation, et elles n’ont pas les mécanismes nécessaires pour protéger leur droit de participer aux affaires publiques.Mieux protéger les droits humains
La ville appartient à celles et ceux qui l’habitent. Pour protéger toutes les personnes concernées, une réflexion s’impose sur les faiblesses et les défis qui rendent difficile la participation au Québec, peu importe de quel côté du pouvoir nous nous retrouvons. Il est impératif de s’interroger sur ce qui menace notre démocratie ainsi que sur les réels maux de société dont le climat actuel est le symptôme : opacité des institutions et des prises de décision, discriminations, sentiment d’impuissance des citoyen-ne-s, désinformation, manque d’éducation à la démocratie et bien plus. Il existe un fossé majeur entre la personne citoyenne et le monde politique. En tant que gouvernement de proximité, le palier municipal est un espace de choix pour expérimenter, innover et redéfinir les espaces de participation citoyenne tels qu’on les connaît. Les villes sont plus que jamais concernées par les enjeux de l’heure qu’il s’agisse d’immigration, de culture, de changements climatiques, de transformation du tissu social, etc. Nous aurons besoin d’avoir beaucoup plus de voix au chapitre pour faire face aux défis émergents. Il faut rester vigilant-e-s face à la situation actuelle et s’accorder sur le fait que les reculs au droit de participer aux affaires publiques et politiques ne peuvent pas faire partie de la solution.
1 Arrondissement Anjou. Séance du conseil d’arrondissement et séance liée au Budget et au PDI 4 octobre 2022. [vidéo] (à partir de 23 h). En ligne : https://www.youtube.com/live/EUcnRe_parU 2 En ligne : https://www.lapresse.ca/actualites/grand-montreal/2022-10-24/propos-discriminatoires-envers-un-adolescent/le-maire-d-anjou-blame-par-le-conseil-municipal-de-montreal.php 3 En ligne : https://www.lapresse.ca/actualites/2023-08-18/propos-cassants-envers-un-adolescent/la-plainte-contre-le-maire-d-anjou-rejetee.php 4 En ligne : https://www.lesoleil.com/actualites/politique/2024/01/23/pres-dun-elu-municipal-sur-dix-a-demissionne-depuis-les-elections-de-2021-WPG3WACNKJFJVJNAPL5JNAHUDE/ 5 En ligne ; https://www.lapresse.ca/contexte/le-prix-de-nos-incivilites/2023-09-10/proteger-les-employes-museler-les-citoyens.php 6 Haut-Commissariat des droits de l’homme. Directives à l’intention des États sur la mise en œuvre effective du droit de participer aux affaires publiques : 4, 2018. En ligne :https://www.ohchr.org/sites/default/files/Documents/Issues/PublicAffairs/GuidelinesRightParticipatePublicAffairs_web_FR.pdf
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Lancement de la campagne « Sortons la Caisse des crimes en Palestine »

28 février 2025
En ligne, les 17 et 18 mars 2025
CLIQUEZ ICI POUR VOUS INSCRIRE
Israël viole l'accord de cessez-le-feu à Gaza et se prépare à y reprendre ses bombardements. Israël intensifie aussi sa campagne de nettoyage ethnique en Cisjordanie et refuse de se retirer du sud du Liban. Nous nous devons d'agir !
C'est dans ce contexte que la Coalition du Québec URGENCE Palestine lancera en mars la campagne « Sortons la Caisse des crimes en Palestine ». Notre objectif : faire pression sur la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) pour qu'elle cesse d'investir dans des entreprises impliquées dans le génocide du peuple palestinien et la colonisation de la Palestine.
Le webinaire de lancement de la campagne se tiendra en ligne. Deux séances sont prévues.
>> Lundi, 17 mars 2025, 12 h (midi) à 13 h 30
>> Mardi, 18 mars 2025, 18 h 30 à 20 h
Événement Facebook 17 mars
Événement Facebook 18 mars
DÉROULEMENT
Mot de bienvenue et historique des démarches menées auprès de la CDPQ (10 min.)
Élargir la lutte pour le désinvestissement : Pourquoi cibler la CDPQ ? Présentation de Benoît Allard, membre du collectif Désinvestir pour la Palestine (20 min.)
Dévoilement du site web de la campagne « Sortons la Caisse des crimes en Palestine » (15 min.)
Présentation des éléments actuels du plan d'action et du matériel de mobilisation (15 min.)
Période de questions et échanges (30 min.)
Plusieurs d'entre-vous le savent : le « bas de laine des Québébois.es » investit 14,2 milliards de dollars dans 87 entreprises complices du génocide et de l'apartheid israélien (au 31 décembre 2023).
Deux exemples d'entreprises :
Lockheed Martin, la plus grande entreprise militaire au monde, qui fournit la majorité des avions de chasse de l'armée israélienne ;
WSP Global, une firme de génie-conseil basée à Montréal, qui supervise l'expansion du train léger de Jérusalem vers les colonies illégales de Jérusalem-Est.
La CDPQ investit dans ces entreprises. Concrètement, cela signifie que les Québécois.es financent et profitent de la souffrance du peuple palestinien. Nous exigeons que cela cesse !
Lors du webinaire de lancement, nous ferons la lumière sur l'implication de la CDPQ dans le génocide et l'occupation et nous poserons les bases d'une campagne panquébécoise (impliquant organisations et individus) que nous espérons la plus large possible.
Pour vous inscrire au webinaire de lancement de la campagne, merci de remplir ce formulaire.
Nous vous invitons aussi à faire circuler cette information dans vos réseaux pour susciter un maximum d'inscriptions (individuelles ou d'organisations).
Les Québécois.es ont sorti la caisse du carbone, sortons-la maintenant des crimes en Palestine !
La Coalition du Québec URGENCE Palestine
CLIQUEZ ICI POUR VOUS INSCRIRE
Résultats financiers 2024 de la CDPQ – Pas d'investissements complices des crimes contre le peuple palestinien !
Du nettoyage ethnique au génocide (1967-2025)
La dissolution du PKK annonce-t-elle la fin de la lutte des Kurdes ?
L’histoire occultée de la Palestine face à un siècle de colonialisme
RDC : le combat pour les droits humains de Caritas Bukavu en temps de guerre

À terme, l’engagement de Carney envers le statu quo néolibéral ne fera qu’affaiblir le Canada

La souveraineté est devenue l'enjeu le plus important des prochaines élections fédérales. La réponse de notre pays aux menaces d'annexion de notre voisin du sud a supplanté tout le reste. Les postures agressives du président Trump, y compris ses menaces tarifaires, ses insultes publiques et son bellicisme général, ont bouleversé le paysage politique canadien. Le chef du Parti conservateur, Pierre Poilievre, a perdu son élan, transformant ce qui semblait être une victoire facile pour les Conservateurs en une véritable compétition politique. Le plus grand bénéficiaire de ce tumulte est le Parti libéral et son nouveau chef, le premier ministre Mark Carney.
10 mars 2025 | tiré de Canadian dimension
https://canadiandimension.com/articles/view/i-read-mark-carneys-book-so-you-dont-have-to
Alors que les menaces américaines envahissent la conscience publique, les Canadien-nes réfléchissent à ce que pourrait signifier une éventuelle victoire libérale. Carney pourrait être responsable de bien plus que du maintien de l'indépendance nationale. Il se positionne pour gouverner un Canada libre et indépendant, et ses décisions pourraient façonner nos vies pour les années à venir.
Heureusement, nous n'avons pas besoin de nous fier à la documentation de campagne pour discerner la vision de Carney pour l'avenir. Les décennies qu'il a passées dans le secteur privé et la fonction publique, ainsi que son livre de 2021, Value(s) : Building a Better World for All, offrent un aperçu de l'imagination politique de banquier central qui serait le premier ministre.
La carrière de Carney se situe des deux côtés du fossé entre le privé et le public. Il a fait ses armes au sein de certaines des sociétés financières les plus prédatrices de l'industrie, et a passé des années à travailler à la division des services bancaires d'investissement de Goldman Sachs Canada et chez le géant de l'investissement immobilier Brookfield Asset Management. Lorsqu'il est passé dans le secteur public en 2004, il s'est joint au ministère fédéral des Finances, où il a orchestré la vente de milliards de dollars d'actifs publics.
En 2008, dans la foulée de la Grande Récession, M. Carney est promu à la direction de la Banque du Canada. En 2013, il a traversé l'Atlantique et est devenu gouverneur de la Banque d'Angleterre. Voyant de quel côté le vent soufflait, Carney s'est forgé la réputation d'un ardent défenseur d'un système monétaire bien réglementé qui privilégie la faible inflation et la stabilité du marché.
En tant que banquier central des deux côtés de l'Atlantique, Carney a fait sa part pour maintenir un statu quo à faible friction adapté aux intérêts à long terme des grandes entreprises. Il écrit avec fierté sur ses réalisations et il croit fermement à la solidité fondamentale de notre système économique et au rôle que jouent les banques centrales en tant que force stabilisatrice en son sein.
M. Carney a quitté la Banque d'Angleterre en 2020 et a rejoint les Nations Unies où il a occupé le poste d'envoyé spécial pour l'action et le financement du climat. Il parle et écrit avec passion sur l'environnement. Il croit en la réalité du changement climatique d'origine humaine et aux risques qu'il pose pour la vie sur cette planète. Pour Carney, le changement climatique est essentiellement un problème d'ingénierie, qui peut et doit être résolu par l'innovation technologique encouragée par des incitations commerciales. Il affirme que les investisseurs sont déjà en train de se désinvestir des entreprises destructrices de l'environnement et de se réorienter vers le capitalisme vert : « Un nouveau système financier durable est en train de se construire. Il finance les initiatives et les innovations du secteur privé. M. Carney croit que le rôle du gouvernement dans la lutte contre le changement climatique devrait être de soutenir une transition du marché qui est censée être déjà établie. « La meilleure approche, dit M. Carney, est une taxe sur le carbone progressive et sans incidence sur les revenus. » Il va même jusqu'à dire : « Le cadre fédéral canadien de tarification du carbone est un modèle pour d'autres. »
Bien qu'il se soit depuis distancié de cette réponse à la dégradation du climat, la réponse limitée de Carney au réchauffement climatique est emblématique de son approche de la politique en général. Il croit vraiment que le statu quo n'a besoin que de quelques ajustements à la marge et que tout ira bien.
Carney nomme librement les défauts inhérents au capitalisme néolibéral : catastrophe environnementale, formation d'oligopoles, marchés de plus en plus turbulents, échanges inégaux, niveaux historiques mondiaux d'inégalité des revenus. Il est également capable d'articuler leurs effets destructeurs sur la vie des individus et sur le tissu social au sens large. Mais ses solutions sont incapables de s'attaquer à la racine du problème.
Lorsqu'il parle d'inégalité des richesses, il évite de parler de l'élimination des échappatoires fiscales et de l'augmentation des impôts des riches – en fait, il préconise une réduction des impôts sur les soi-disant start-ups. Lorsqu'il parle de stagnation des revenus, il ne parle pas de l'augmentation du salaire minimum et de l'augmentation du pouvoir des syndicats. Lorsqu'il parle de la délabrement des infrastructures sociales, il n'a rien à dire sur l'augmentation des dépenses publiques dans les domaines de la santé et de l'éducation. Lorsqu'il parle des dangers d'un marché dominé par des oligopoles, il refuse de parler de l'utilisation du pouvoir de l'État pour démanteler les grandes entreprises qui ont adopté des comportements de prix abusifs et de recherche de rente.
Au lieu de cela, il préconise des solutions politiques conçues pour maintenir et étendre le pouvoir et la richesse des ultra-riches. M. Carney souhaite que davantage d'argent public soit versé au secteur privé. Il croit que l'État devrait financer les entreprises immobilières et technologiques, que le Canada devrait « utiliser les investissements gouvernementaux à la fois pour soutenir l'activité économique à court terme et pour construire le capital physique, numérique et naturel dont nous avons besoin ».
Il estime que le pouvoir de l'État devrait être utilisé pour soutenir les petites et moyennes entreprises, ou PME, afin de stimuler l'innovation et de créer une prospérité générale. Mais là aussi, il y a un oubli politique choquant. Carney ne fait aucune mention de la législation antitrust qui serait nécessaire pour empêcher les PME prospères d'être absorbées par des mastodontes nationaux et internationaux.
Pour Carney, l'idée que les grandes entreprises prennent de l'ampleur n'est pas une source d'inquiétude. « Il n'est peut-être pas à la mode de soutenir la création de richesse, mais c'est essentiel si nous voulons relever nos nombreux défis. » De son point de vue, le problème n'est pas l'accumulation de richesse, le problème est que les gens qui ont accumulé cette richesse se comportent mal.
Comme le suggère le titre de Value(s), la réponse de Carney aux excès du capitalisme est une réprimande morale. Il estime que « les individus et leurs entreprises doivent retrouver leur sens de la solidarité et de la responsabilité vis-à-vis du système. Plus largement, en basant la valorisation sur les valeurs de la société, nous pouvons créer des plates-formes de prospérité. » C'est le cœur de sa vision d'un monde meilleur. Il croit sincèrement qu'il est possible de créer un néolibéralisme éthiquement responsable.
En fin de compte, Carney n'a aucun intérêt à contester le pouvoir de l'oligarchie corporative ; Au lieu de cela, il veut utiliser les incitations du marché pour encourager les oligarques à agir de manière prosociale. Il croit que les excès du capitalisme peuvent être maîtrisés en créant les bonnes mesures, les bonnes mesures et les bons points de repère. M. Carney présente des évaluations environnementales, sociales et de gouvernance (ou ESG) conçues pour donner aux entreprises la possibilité de se tenir responsables de leurs indicateurs clés de performance socialement et écologiquement responsables. Il veut rendre visibles les externalités négatives du capitalisme afin que les investisseurs puissent avoir la possibilité de prendre des décisions fondées sur des valeurs quant à l'endroit où ils placent leur argent. Il aime les B-corps et les entreprises en mission. Il croit sincèrement que ces exercices de blanchiment de l'éthique sont capables d'entraîner un véritable changement, malgré le fait que ces mesures de gouvernance d'entreprise existent depuis des décennies et que la polycrise n'a fait que s'accélérer.
Carney regarde droit dans les yeux les catastrophes en expansion et en multiplication du capitalisme tardif et reste inébranlable dans sa conviction que les changements structurels sont inutiles. Il voit un monde au bord du gouffre et ne veut rien faire d'autre que de bricoler les subtilités de la politique publique. Cela ne devrait pas nous surprendre. La carrière de Carney est définie par de petits ajustements ; Une augmentation de 0,5 % des taux d'intérêt, une reformulation de la réglementation des prêts – ces ajustements fins pourraient remplir le rôle d'un banquier central, mais pour un Premier ministre, ce bricolage n'est pas suffisant.
La vision de Carney pour l'avenir du Canada est celle d'une oligarchie d'oligarques mieux élevés. D'un néolibéralisme avec des « valeurs ». Un capitalisme qui fait le choix d'être raisonnable et responsable. Une technocratie d'entreprise qui résout la double crise de la baisse du niveau de vie et de la catastrophe environnementale sans ralentir l'accumulation de capital.
« Pour construire un avenir meilleur, nous avons besoin d'entreprises imprégnées de raison d'être et motivées par le profit », écrit Carney. « Leurs activités produiront une valeur partagée qui profitera aux actionnaires ainsi qu'aux employés, aux clients, aux fournisseurs et à la communauté au sens large. »
C'est à la fois insuffisant et impossible.
Le Canada a besoin d'un premier ministre capable de reprendre le pouvoir aux forces du capital et d'exercer ce pouvoir dans l'intérêt des citoyen-nes. Nous devons taxer les riches, supprimer les échappatoires fiscales, emprisonner les fraudeurs fiscaux, introduire des plafonds de richesse, nationaliser les entreprises prédatrices, mettre fin à la propriété de nos médias par des fonds spéculatifs et des milliardaires, et insister sur la propriété publique des industries et des ressources clés. Nous avons besoin d'un premier ministre qui utilisera ces revenus accrus pour réinvestir radicalement dans la santé, l'éducation, le logement social, les soins aux aînés et le développement économique.
L'engagement de Carney à consolider le statu quo néolibéral ne fera que miner le Canada à long terme – et lorsqu'il aura terminé, nous serons encore plus vulnérables aux démagogues d'extrême droite comme Pierre Poilievre.
Le Canada mérite mieux.
James Hardwick est un écrivain et un défenseur de la communauté. Il a plus de dix ans d'expérience au service d'adultes en situation de pauvreté et d'itinérance au sein de diverses ONG à travers le pays.
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De la naissance du sionisme à la Nakba (1897-1949)
Première d'une série de cinq soirées d'information sur les racines du génocide à Gaza, sous le thème « Palestine : une histoire qui n'a pas commencé le 7 octobre 2023 », organisées par la Coalition du Québec URGENCE Palestine.
THÈMES ABORDÉS : La naissance du mouvement sioniste. Les débuts de la colonisation juive en Palestine. La montée du nationalisme arabe. La déclaration Balfour. Les conflits entre nationalismes juif et arabe. La Shoah. Le plan de partition de la Palestine. La Nakba, le plan Daleth et son exécution. La création de l'État d'Israël et la Première Guerre israélo-arabe. L'escalade des opérations de nettoyage ethnique. La Nakba, première étape du processus de nettoyage ethnique de la Palestine.
Avec Yakov Rabkin et Dyala Hamzah.
Animation : Diane Lamoureux.
Yakov Rabkin est professeur émérite d'histoire à l'Université de Montréal. Ses travaux sur l'histoire du judaïsme, du sionisme et d'Israël, traduits dans de nombreuses langues, en ont fait une autorité dans ce domaine. Ses ouvrages récents sont : Israël et la Palestine — rejets de la colonisation sioniste au nom de judaïsme ; judaïsme, islam et modernités ; comprendre l'État d'Israël.
Dyala Hamzah, descendante de survivant.es de la Nakba, est professeure d'histoire du monde arabe contemporain à l'Université de Montréal, et cofondatrice de Maison Palestine. Engagée dans la vie syndicale et le mouvement de solidarité avec la Palestine, elle milite notamment au sein des réseaux Campus Québec Palestine (CQP) et Faculty for Palestine (F4P).
Diane Lamoureux est professeure émérite de science politique à l'Université Laval et militante de la Coalition du Québec URGENCE Palestine.
00:00 Mot de présentation par Diane Lamoureux
06:43 Yakov Rabkin : Le projet sioniste comme projet colonial
41:33 Dyala Hamzah : La Nakba comme processus plutôt que comme évènement
1:17:40 Période de questions et réponses

Le choix des mots La démocratie sans l’agora ? Sans nous ?

(Ce texte a d'abord été publié dans l'édition de mars du journal Ski-se-Dit.) S'il est un terme détourné de son sens original et galvaudé de nos jours, c'est bien le terme « démocratie » avec tous ses dérivés.
Les sans-voix que nous sommes se le voient répété sans cesse, dans un continuum politique et médiatique ahurissant, contre toute évidence. Sans surprise, il s'est retrouvé par exemple 106 fois dans les pages du quotidien Le Devoir seulement en janvier 2025.
Souvenons-nous que dans l'ancienne Athènes on entendait par « démocratie » le gouvernement direct du peuple assemblé à l'agora pour débattre, puis proposer des lois et les voter. Cette démocratie d'alors n'était bien sûr pas parfaite, puisqu'elle excluait de cette participation citoyenne les femmes, les esclaves et les métèques, mais elle correspondait bien à cette définition de gouvernement par le peuple. Il n'était alors pas question de se choisir collectivement un représentant pour penser, débattre, puis proposer et voter des lois à notre place en nous excluant de fait de cette prérogative.
« Démocratie représentative » est un oxymoron, c'est-à-dire qu'il y a contradiction dans les termes ! La démocratie ne peut s'exercer que directement, elle ne peut être représentative. Elle doit s'exercer directement, comme le faisait le peuple d'Athènes, comme le faisaient aussi au Moyen Âge les hommes et les femmes des villages encore hors de portée des monarchies, comme nous l'explique Francis Dupuis-Déri dans son ouvrage « Démocratie – Histoire politique d'un mot », et comme le faisaient aussi autour d'un calumet les peuples autochtones à l'arrivée des Européens, comme l'ont rapporté les « Relations des jésuites ».
Il faut rappeler qu'après la disparition des pouvoirs monarchiques, les pères fondateurs des républiques étaient au XVIIIe et XIXe siècles totalement opposés à la démocratie, démocratie qu'ils méprisaient parce qu'elle aurait accordé au peuple le pouvoir de décision. Ils considéraient de ce fait le système représentatif comme un système antidémocratique nécessaire, éloignant efficacement le peuple du pouvoir. Des personnages politiques comme le premier premier ministre canadien John A. Macdonald, et le premier président des États-Unis Georges Washington dénigraient la démocratie et ils le faisaient probablement avec cette même hargne avec laquelle on dénigrera le communisme aux États-Unis à l'époque du maccarthysme.
L'emploi du mot démocratie pour désigner le suffrage n'apparaît que plus tard, vers le milieu ou la fin du XIXe siècle, le mot étant alors devenu inoffensif et plutôt positif pour des populations ayant assumé depuis belle lurette, dans l'impuissance, leur mise à l'écart. Des intellectuels de service se sont ensuite servilement appliqués à différencier la « démocratie directe », en fait la démocratie tout court, de la « démocratie représentative », cette détestable contrefaçon de la démocratie.
La beauté de la démocratie, la vraie, voyez-vous, c'est qu'en mettant tous les citoyens et citoyennes sur le même pied, en les regroupant tous, disons-le de façon figurative, autour d'une même table, pour débattre, décider, proposer et voter des lois qui les concernent, en partageant le pouvoir en somme, jusqu'à sa dissolution, ils développent leur empathie les uns pour les autres et finissent par mettre en place une société égalitaire et pacifiste, fondée sur de meilleures relations humaines où l'être s'impose sur l'avoir, et en mesure de faire face aux graves défis environnementaux et sociaux auxquels nous sommes actuellement confrontés.
Le mot démocratie est aujourd'hui vidé de son sens. Nous le savons tous, dans le fin fond, sans avoir le courage de l'admettre…
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Milei manœuvre, contourne le Sénat et nomme les juges de la Cour suprême par décret

Le président argentin Javier Milei a nommé par décret deux juges à la Cour suprême. Cette décision, officialisée mardi 25, a ouvert une nouvelle crise au sein du gouvernement ultra-libéral, déjà fragilisé par le scandale des crypto-monnaies $Libra.
27 février 2025
Les noms ont été choisis par le président à titre temporaire pendant les vacances parlementaires, qui reprennent le samedi 1er, au motif que le Sénat « a choisi de rester silencieux » en n'analysant pas les nominations faites par Milei en mai 2024.
Comme au Brésil, les candidats à la Cour suprême doivent être approuvés par la chambre haute. Toutefois, dans le cas de l'Argentine, la Constitution prévoit une nomination « en commission » jusqu'à la fin de la législature suivante, pendant les vacances du Congrès....
Ses détracteurs estiment toutefois que ce mécanisme ne devrait être utilisé que dans des cas exceptionnels, et non comme un moyen de contourner la résistance du Congrès.
L'organisation internationale Human Rights Watch a critiqué l'action de Milei comme étant « l'une des plus graves atteintes à l'indépendance de la Cour suprême en Argentine depuis le retour de la démocratie ». Alors que la crise s'amplifie, l'affaire a atteint la Cour suprême elle-même, qui doit analyser la légalité de la manœuvre.
Le groupe péroniste au Sénat a rejeté le décret. « Il s'agit d'une manœuvre qui viole clairement ce qui est établi dans la Constitution nationale et les réglementations en vigueur », indique la note.
Le dernier président argentin à avoir nommé des juges à la Cour par décret « sur commission » est Mauricio Macri (2015-2019), cinq jours après avoir pris ses fonctions de président, lorsqu'il a nommé Horacio Rosatti et Carlos Rosenkrantz par cet instrument. Cependant, la controverse suscitée par cette décision, avec les critiques d'une grande partie de l'opposition et des constitutionnalistes, a conduit Macri à faire marche arrière sur cette mesure. Six mois plus tard, le Sénat a approuvé les deux candidats, qui ont ensuite rejoint la Cour suprême.
Les candidats de Milei
Milei a décidé de nommer l'avocat Manuel García Mansilla et le juge fédéral Ariel Lijo. Le décret est « destiné à normaliser le fonctionnement de la plus haute juridiction », a déclaré le gouvernement. Actuellement, la Cour suprême est composée de trois des cinq juges nécessaires en raison du départ de deux membres en 2021 et 2024.
Les nominations de Lijo et de García Mansilla se sont heurtées à la résistance de l'opposition péroniste et d'autres partis qui soutiennent habituellement les propositions du gouvernement au Congrès.
Lijo est considéré comme particulièrement controversé, car il est accusé de retarder les enquêtes sur la corruption impliquant des hommes d'affaires et des hommes politiques. Actuellement, plus de 10 actions de corruption, dont beaucoup impliquent des politiciens de haut rang, font l'objet d'un rapport.
Le collège des avocats de la ville de Buenos Aires déclare qu'il a été « mis en cause à plusieurs reprises pour mauvaise exécution de ses fonctions et pour avoir agi de manière irrégulière et lente dans des affaires de corruption ».
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L’entreprise de Trump et Rumble accusent le ministre de la Cour suprême fédérale du Brésil, Alexandre de Moraes de censure illégale et autoritaire

Trump Media & Technology Group, qui appartient au président des États-Unis, et la plateforme Rumble ont déposé une plainte conjointe mercredi (19 février) devant le tribunal américain contre le ministre de la Cour suprême fédérale du Brésil (STF), Alexandre de Moraes. L'accusation est que le ministre aurait censuré illégalement le droit sur les réseaux sociaux, selon Conexão Política.
21 février 2025
La poursuite a été déposée devant un tribunal fédéral de Tampa, une ville américaine de l'État de Floride. L'action intervient un jour après que le bureau du procureur général (PGR) a envoyé une plainte officielle contre l'ancien président Jair Bolsonaro (PL), pour son implication présumée dans la planification d'un coup d'État, dans lequel le ministre Moraes est rapporteur de l'affaire.
Les entreprises accusent le ministre d'avoir censuré le discours politique aux États-Unis, lorsqu'il a ordonné le retrait du profil du journaliste Allan dos Santos, sur Rumble, qui est décrit comme un « dissident politique, conservateur brésilien, basé aux États-Unis, commentateur et blogueur, connu pour avoir fondé des médias critiques du STF ». Les deux entreprises comprennent que suivre l'ordre du ministre Moraes viole la Constitution américaine et viole la liberté d'expression, garantie par le 1er amendement.
Rumble ajoute que permettre à un juge de la Cour suprême d'imposer des restrictions à un utilisateur aux États-Unis viole la souveraineté nationale américaine et les principes démocratiques fondamentaux. Dans la poursuite, Rumble et la société de médias de Trump soutiennent que les ordonnances d'un juge brésilien représentent un abus de compétence alors qu'il tente d'imposer des règles étrangères à une plateforme basée aux États-Unis.
La poursuite cite également que les décisions du juge font partie d'un effort de censure politique et que les restrictions imposées par le ministre font référence à « un utilisateur spécifique, connu politiquement » – peut-être une référence à l'ancien président Jair Bolsonaro ou à ses alliés.
Le patron de Rumble, Chris Pavlovski, a commenté que le procès contre Moraes est une « bataille historique pour la liberté d'expression à l'ère numérique ». Il avait déjà critiqué publiquement le ministre lors d'une audition à la commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants des États-Unis, dénonçant les pratiques de censure au Brésil.
Sur le réseau X (anciennement Twitter), Pavlovski a directement défié Moraes, déclarant qu'il ne se conformerait pas à ses ordres, car ils sont illégaux aux États-Unis. « Nous nous engageons à protéger la liberté d'expression et ne nous laisserons pas intimider par la censure autoritaire », a déclaré l'exécutif.
Le juge Alexandre de Moraes, de la Cour suprême fédérale (STF), a déterminé jeudi (20) que le réseau social Rumble doit nommer un représentant légal au Brésil. Le délai doit être respecté soit dans les 48 heures. Si la décision n'est pas respectée, la chaîne peut être suspendue dans le pays et condamnée à payer une amende, a rapporté l'Agência Brasil.
La décision a été prise après que le ministre a constaté que l'entreprise n'avait pas de représentant dans le pays. Selon les documents contenus dans les dossiers, les avocats de l'entreprise ont démissionné du mandat de représentation et de nouveaux représentants n'ont pas été nommés.
« Le système juridique brésilien prévoit donc la nécessité pour les entreprises qui gèrent des services Internet au Brésil d'avoir leur siège social sur le territoire national, ainsi que de se conformer aux décisions judiciaires qui déterminent le retrait de contenus illicites générés par des tiers, selon les termes des dispositions précédemment indiquées, sous peine de responsabilité personnelle », a décidé le ministre.
La délibération du ministre a été faite dans le cadre du processus au cours duquel l'arrestation et l'extradition du blogueur Allan dos Santos, accusé d'avoir diffusé des appels aux attaques contre les ministres de la Cour, a été demandée. Il vit actuellement aux États-Unis.
Le bureau du procureur général (AGU) a informé qu'il défendrait Alexandre de Moraes. Dans ce cas, la défense sera faite par une firme qui sera embauchée par l'agence aux États-Unis.
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Au Brésil, le gouvernement tente de légiférer pour contenir le pouvoir des réseaux sociaux en partant du principe que ce qui est interdit dans la vie ne devrait pas rester impuni en ligne (diffamation, appel au meurtre,...). Pendant la tentative de coup d'état de Jair Bolsonaro, Allan Do Santos a utilisé son blogue pour propager des mensonges et promouvoir l'assassinat du président Lula, du vice-président et du ministre de la Cour suprême fédérale. Mis en accusation, il a fui aux État-Unis.
gauche.media
Gauche.media est un fil en continu des publications paraissant sur les sites des médias membres du Regroupement des médias critiques de gauche (RMCG). Le Regroupement rassemble des publications écrites, imprimées ou numériques, qui partagent une même sensibilité politique progressiste. Il vise à encourager les contacts entre les médias de gauche en offrant un lieu de discussion, de partage et de mise en commun de nos pratiques.