Recherche · Dossiers · Analyses
Toujours au devant

Les médias de gauche

Regroupement des médias critiques de gauche (RMCG)

Derniers articles

Voyage dans l’univers rebelle

25 décembre 2024, par Chantal Ismé
Chantal Ismé, collaboration Réflexions sur le roman Souvenirs du futur du captif du phare de Z. Fall qui sera lancé ce samedi 28 décembre à 14h30 au 1710 rue Beaudry suite 210. (…)

Chantal Ismé, collaboration Réflexions sur le roman Souvenirs du futur du captif du phare de Z. Fall qui sera lancé ce samedi 28 décembre à 14h30 au 1710 rue Beaudry suite 210. Souvenirs du futur du captif du phare, titre paradoxal pour un roman fleuve d’environ 450 pages. La première de (…)

Comment Postes Canada a entravé la grève via Purolator

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2024/12/Unknown-1024x763.jpeg24 décembre 2024, par Southern Ontario Committee
Alors que les travailleurs de Postes Canada sont contraints de reprendre le travail, il devient clair que la société d'État a pris des mesures sournoises pour contourner la (…)

Alors que les travailleurs de Postes Canada sont contraints de reprendre le travail, il devient clair que la société d'État a pris des mesures sournoises pour contourner la grève. L'afflux soudain de fret et de colis des bureaux du gouvernement vers les grandes entreprises de messagerie telles (…)

Lutte et organisation autochtone face à la répression « Mejor represión, mejor organización »

23 décembre 2024, par Massi Belaid
Massi Belaïd, correspondant en stage Au Guatemala, la lutte paysanne continue de s’organiser face à la forte oppression exercée par les organisations criminelles et le pouvoir (…)

Massi Belaïd, correspondant en stage Au Guatemala, la lutte paysanne continue de s’organiser face à la forte oppression exercée par les organisations criminelles et le pouvoir judiciaire. Dans le cadre des Journées québécoises de la solidarité internationale (JQSI), une soirée solidaire a été (…)

Les syndicats de la C.-B. émettent un « décret chaud » pour soutenir des grévistes

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2024/12/PXL_20241219_181255399.MP_-1024x576.jpg22 décembre 2024, par West Coast Committee
Dix jours après le début d'une grève contentieuse au parc de stockage 2 de l'aéroport international de Vancouver (YVR), les travailleurs ont reçu un coup de pouce de la plus (…)

Dix jours après le début d'une grève contentieuse au parc de stockage 2 de l'aéroport international de Vancouver (YVR), les travailleurs ont reçu un coup de pouce de la plus grande centrale syndicale de la Colombie-Britannique, qui a émis un décret « chaud » sur le carburant stocké dans le parc. (…)

« Le pouvoir des migrants est économique »

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2024/12/title-1024x576.webp21 décembre 2024, par Comité de Montreal
Le 18 décembre, des groupes de défense des droits des migrants du Canada et d'ailleurs ont organisé des manifestations, des arrêts de travail et des conférences de presse pour (…)

Le 18 décembre, des groupes de défense des droits des migrants du Canada et d'ailleurs ont organisé des manifestations, des arrêts de travail et des conférences de presse pour protester contre des conditions juridiques et de travail hostiles. Ces actions coïncidaient avec la Journée (…)

Le Revenu minimum : une réponse à la pauvreté et aux inégalités

21 décembre 2024, par Marc Simard
L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local La Direction de la santé publique de la Gaspésie–les-Îles propose une mesure audacieuse pour lutter contre la pauvreté (…)

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local La Direction de la santé publique de la Gaspésie–les-Îles propose une mesure audacieuse pour lutter contre la pauvreté : offrir un revenu minimum garanti à la population de la Haute-Gaspésie. Ce programme vise à assurer à la population un (…)

Notes de lecture (Hiver 2024)

20 décembre 2024, par Rédaction

9782204148191_large.jpg?resize=379%2C589&ssl=1

Robert Leroux, Les deux universités, Paris, Éd. du Cerf, 2022,

Des essais de professeurs d’université annonçant gravement la mort de l’université sont publiés depuis au moins 70 ans et ce n’est pas près de s’arrêter, malgré le fait inconvenant que l’université soit toujours vivante. La crise du wokisme des dernières années a ravivé cette littérature du maquis départemental. Le sociologue de l’Université d’Ottawa Robert Leroux ajoute sa pierre à ce curieux édifice avec l’ouvrage Les deux universités. Le sous-titre nous renseigne sur le critère de démarcation : Postmodernisme, néo-féminisme, wokisme et autres doctrines contre la science. Dès l’introduction, on comprend que la lutte en est à ses derniers soubresauts, car le postmodernisme contrôle déjà l’essentiel de l’université. Ses résistants sont « de plus en plus minoritaires » (p. 12), la situation est « grave et désespérée », il n’est « pas exagéré » d’affirmer que l’université « est en ruines » (p. 14).

Le premier chapitre tente de préciser l’état des lieux. On y rencontre le « postmodernisme », jamais défini, mais appréhendé comme l’opposé de la science et de la raison. L’auteur cite des tenants de l’approche scientifique des sciences sociales comme Aron, Weber, et surtout Raymond Boudon avec qui il a déjà travaillé. Leroux invoque les intellectuels des décennies précédentes qui nous prévenaient de la mort de l’université pour appuyer ses critiques actuelles, sans considérer que leurs prédictions se sont toutes avérées fausses. Il affirme par exemple qu’on ne lit plus les « classiques », citant des références des années 1960 qui disaient la même chose, ou encore le fait que presque personne n’ose critiquer le postmodernisme, s’appuyant sur des critiques du postmodernisme de Leo Strauss et de Michael Oakeshott des années 1950.

L’élan se poursuit au second chapitre, où l’auteur s’attarde sur des sujets plus précis. La position « diversitaire », qui « se veut un rejet de la nature humaine et de la démocratie, de même qu’elle est anti-scientifique » est maintenant tellement dominante sur les campus que la majorité en est réduite au silence (p. 79). À cause de l’adoption de critères EDI (équité, diversité, inclusion), « les universités nord-américaines […] sont devenues des fourre-tout, des foutoirs, des repaires d’idéologues » (p. 90). Leroux se plaint de revues anti-scientifiques comme le Journal of Transgender Studies ou le Journal of African Studies qui ont comme point commun de ne pas exister (il y a eu brièvement un JAS dans les années 1980) (p. 90). Mais sa fougue se dirige surtout vers le personnel administratif et professoral. Les recteurs sont des profs ratés, la haute administration est constituée d’« idéologues soucieux de promouvoir l’étude de sujets à la mode afin de multiplier le nombre d’étudiants » (p. 87), le corps professoral en sciences sociales est homogène à gauche et ces profs sont incapables d’enseignement car ils n’ont pas de culture générale; bref, ce sont de futurs recteurs.

Le troisième chapitre porte sur « l’art du sophisme ». Exemple de sophisme démonté : « [L]es inégalités sont naturelles. L’idée selon laquelle le capitalisme, qui est ici considéré comme un phénomène naturel, est la source de toutes les inégalités, est donc fausse » (p. 105). Le sophisme domine le champ de la formation. Les étudiants gradués doivent « se réclamer » de Foucault et de Derrida « pour espérer obtenir un poste à l’université » (p. 109); on glisse ainsi rapidement du sophisme vers le postmodernisme, qui sera l’objet du reste du chapitre. Un professeur est ciblé : David Jaclin, chercheur sur les questions de l’« animalité » qui fait effectivement partie de la mouvance des critical studies. Leroux démolit les thèses et l’homme sur sept pages (p. 120-126), sans toutefois préciser qu’il s’agit d’un de ses collègues de département.

Au quatrième chapitre, on passe au « néo-féminisme », qui inclut les débats contemporains sur le genre. D’abord, c’est « la règle du nihilisme » (p. 138). Les idées de Judith Butler et consorts « triomphent sans partage dans nos universités » (p. 152). Leroux en a long à dire au sujet d’un numéro spécial sur le féminisme de la revue Sociologie et Sociétés en 1981, qui aurait selon lui « entaché » la réputation de la revue (p. 149). Il s’attarde également sur La domination masculine (Seuil, 1998) de Pierre Bourdieu, qu’il juge incompréhensible. À la fin, il cite le professeur américain Mike Adams, un critique du féminisme dont il apprécie l’« humour grinçant », mais qu’on aurait « forcé à prendre sa retraite » pour ses propos (p. 164-165). En fait, Adams est un personnage hautement controversé depuis longtemps. C’est un provocateur de droite populiste qui humiliait fréquemment ses propres étudiants et étudiantes sur les réseaux sociaux, et qui avait notamment comparé les mesures sanitaires pandémiques à l’esclavagisme.

Le dernier chapitre est une attaque en règle contre le wokisme, au cas où les quatre précédents n’avaient pas été assez clairs. Le mouvement woke « déteste notre monde, il souhaite non seulement le réformer, mais le détruire » (p. 193). C’est une « machine de guerre idéologique dont le but, plus ou moins explicite, est d’anéantir la raison, la logique et la vérité » (p. 195). L’auteur donne l’exemple de l’Université Princeton, où « on vient d’abolir les programmes d’études grecques et latines » (p. 194), sauf que les cours de grec et de latin sont toujours au programme, mais ils sont passés d’obligatoires à cours à option. Leroux s’en prend à l’« autochtonisation » des universités, exemplifiée entre autres par des jardins autochtones sur plusieurs campus, « preuve supplémentaire que les mauvaises idées, gangrenées par le politiquement correct, se répandent aussi rapidement qu’un microbe » (p. 202). Pour Leroux toutefois, le phénomène woke n’est pas nouveau; il perçoit une continuité des premières manifestations du postmodernisme jusqu’à aujourd’hui. Ce point le distingue de la plupart des anti-wokes, mais c’est bien le seul.

En effet, l’ouvrage est tout à fait conforme au genre anti-woke défilant constamment dans nos librairies. Il cite de nombreux ouvrages, mais quasiment jamais de sources primaires « wokes ». L’aspect le plus surprenant de l’ouvrage est peut-être ses 49 références à une obscure revue américaine, Academic Questions. Après recherche, il s’agit de la revue maison de la National Association of Scholars, un pastiche de droite populiste de la très officielle National Academy of Sciences. Contrairement à la seconde, la première a pour objectif de fournir aux médias des « experts » dans les débats courants qui vont présenter des positions climatosceptiques, antiavortement, anti-vaccin, etc.

Le mouvement anti-woke est un univers parallèle qui a atteint l’autonomie parfaite : un système de think tanks, de publications et d’experts qui peuvent désormais entièrement se citer les uns les autres pour prouver l’existence de cet univers. L’hégémonie woke à l’université n’existe pas, point. Voilà une vérité empirique plate, mais comment est-il possible qu’autant de professeurs se trompent ? Comment peut-on critiquer la vision farfelue du monde académique véhiculée dans Les deux universités, alors que ses thèses sont appuyées littéralement par des centaines de références qui disent la même chose ? Mais ces références sont rarement académiques. Les maisons d’édition universitaires et les revues savantes sérieuses ne s’intéressent pas à ce genre de truc. L’institution du savoir a malgré tout ses mécanismes de défense…

Par Learry Gagné, philosophe et chercheur indépendant

9782898330063_large.jpg?w=696&ssl=1

Catherine Dorion, Les têtes brûlées. Carnets d’espoir punk, Montréal, Lux, 2023

Plusieurs avaient hâte de lire le nouveau livre de cette « égérie sulfureuse de la gauche déjantée et féministe[1] ». Pour le souffre, on repassera. Mais pour le reste, l’égérie, la gauche, le féminisme et le caractère déjanté (devenu punk entretemps), tous les ingrédients sont là.

Les carnets sont structurés de façon chronologique, nous invitant à revivre le parcours politique de cette députée de Québec solidaire (QS), Catherine Dorion, depuis le Sommet des Amériques en 2001 jusqu’à ses adieux définitifs à la vie parlementaire en 2022. L’essai se subdivise en quatre sections principales, chacune insistant davantage sur une thématique précise, mais sans s’interdire la possibilité de réfléchir au-delà du thème prédominant. Le traitement des différents enjeux abordés adopte tantôt le mode du témoignage, tantôt un ton plus intellectuel, mobilisant alors des autrices et des auteurs reconnus dans leur discipline respective : sociologie, anthropologie, philosophie, etc.

La première section, la plus volumineuse, porte surtout sur la relation complexe et contradictoire que la députée artiste entretient avec l’univers médiatique. Elle nous offre ici l’une des démonstrations les plus fécondes de l’ouvrage, celle qui analyse la rationalité propre à la bulle médiatique dans laquelle est enfermée la colline Parlementaire. Cette bulle impose ses règles aux élu·e·s et au personnel politique, si bien qu’elle crée un univers désincarné, indépendant et autosuffisant. Même la députation solidaire doit se soumettre aux règles impitoyables de cette bulle, au risque d’y sacrifier sa créativité et son action politique émancipatrice.

On ne pourra pas dire qu’avant octobre 2018, Mme Dorion n’avait prévenu personne de ce qu’elle s’apprêtait à faire et du style qui serait le sien, advenant une victoire électorale de Québec solidaire dans la circonscription de Taschereau. Les carnets illustrent bien dans quelle mesure la citoyenne et militante a su miser sur son originalité et son talent artistique pour communiquer son message politique et soutenir les mobilisations autour de différentes causes, dont sa propre élection. Qu’à cela ne tienne, l’industrie médiatique montera en épingle la moindre fantaisie vestimentaire ou déclaration décapante de la jeune députée. Au point où celle-ci se met vite à dos la haute direction du parti, qui ne tolère pas d’être médiatiquement reléguée au second plan et qui estime que les écarts de Dorion lui volent la vedette.

La critique des médias est très détaillée et comprend une grande variété de dimensions. Les quelques pages dédiées à l’animateur André Arthur sont édifiantes. Elles montrent à quel point la vie de l’autrice, dès l’enfance, est marquée au fer rouge par certains dérapages radiophoniques, comme ceux dont le roi Arthur avait fait sa spécialité. L’hypertrophie du « commentariat », aux dépens de la recherche fouillée et rigoureuse de l’information, est également attaquée, ainsi que l’hégémonie des multinationales du numérique, qui non seulement aggravent la crise des médias, mais concentrent le capital, standardisent l’information et abrutissent les individus.

Peu à peu, on plonge dans la seconde thématique centrale de ce livre, l’aliénation par le travail et, plus globalement, par le désir de performance dans une société définie comme productiviste. La députée Dorion décrit avec brio le processus par lequel elle perd progressivement la souveraineté sur sa propre existence. Le caractère chronophage de la fonction de député est ciblé bien sûr, mais aussi le rythme effréné découlant de son désir d’être à la hauteur des attentes de tout le monde : ses concitoyens et concitoyennes, son caucus, le personnel parlementaire, ses ami·e·s et sa famille.

Elle déplore non seulement cette accélération frénétique typique de notre ère, mais aussi la perte de sens qui accompagne trop souvent une grande part des tâches professionnelles qu’elle doit accomplir. La joute partisane à l’Assemblée nationale l’inspire peu, y compris le travail en commission parlementaire, qui devrait pourtant être l’occasion de montrer publiquement la plus-value qu’un parti comme QS peut apporter au débat public et au processus législatif. À sa décharge, reconnaissons que notre parlement provincial (comme le fédéral d’ailleurs) est resté une institution conservatrice, engluée dans un régime britannique conçu d’abord pour préserver les intérêts des classes dominantes. Certaines des caractéristiques vieillottes du Salon bleu sont d’ailleurs mises en évidence dans ce livre, comme la dichotomie entre code vestimentaire strict pour les hommes et absence totale d’un tel code pour les femmes − l’arrivée de celles-ci à l’Assemblée nationale n’ayant pas été prévue, semble-t-il.

En définitive, l’addition de toutes ces aliénations, celles découlant du traitement médiatique, du travail parlementaire et de la discipline de parti, aura raison de la santé de Mme Dorion : santé physique d’abord, mais plus durablement, santé mentale. Ce dernier sujet s’avère être un fil conducteur du livre, permettant d’apprécier la gravité des défis que l’autrice a dû affronter. On pourrait même parler d’épreuves, notamment lorsqu’on découvre certains épisodes clés de sa vie familiale.

Inversement, et heureusement, le travail de circonscription a été stimulant et profitable. L’association locale de la circonscription de Taschereau est dépeinte comme très dynamique et semble avoir connu une existence riche et trépidante. La députée décrit entre autres comment elle et son équipe ont fait du « local de circo » une ruche pouvant accomplir une variété de mandats, allant du soutien aux luttes à l’animation sociopolitique et intellectuelle.

L’avant-dernière dernière section propose une critique du fonctionnement de l’appareil parlementaire de QS, ayant lui aussi sa propre rationalité − plus ou moins partagée par Dorion − et dont l’immense pouvoir peut compromettre le caractère démocratique du parti lui-même. La personnalité de Gabriel Nadeau-Dubois est au cœur de l’insatisfaction exprimée par la députée solidaire; sa manière d’assumer la fonction de co-porte-parole jouerait un rôle de premier plan dans la critique exprimée. On a envie de demander à l’autrice si le jour où il n’occupera plus ce poste, QS redeviendra à ses yeux un parti sain et attrayant.

Elle répond indirectement à cette question en invoquant la loi d’airain de l’oligarchie formulée par le politologue Robert Michels (p. 279), qui s’applique à QS comme aux autres formations. Dorion dénonce l’émergence d’une puissante bureaucratie qui présiderait aux destinées du courant solidaire. Au bout du compte, on s’interroge : cette loi implique-t-elle de jeter le bébé avec l’eau du bain ? Quelle action politique de gauche faut-il mettre de l’avant ? La forme parti demeure-t-elle pertinente ou doit-on au contraire miser sur autre chose que l’action partisane ? Quel bilan faire de l’évolution des forces de gauche au Québec ces 20 dernières années ? Quelles sont les perspectives pour les mouvements sociaux à la recherche d’une action politique émancipatrice ? Devraient-ils intégrer l’équation électorale à leur travail et si oui, comment ? Ces questions sont grosso modo esquivées.

Un autre angle mort de ce livre est la perspective de l’indépendance du Québec, pourtant le centre de gravité de l’engagement politique de Catherine Dorion. Celle-ci revient brièvement sur la création d’Option nationale (ON), début officiel de sa trajectoire de politicienne, avec sa candidature pour ON en 2012 dans Taschereau. La fusion d’ON et de QS est présentée comme une étape positive, mais est à peine effleurée. Quel bilan en faire aujourd’hui ? Et plus largement, le projet d’indépendance est-il encore fécond ? Quelle place devrait-il occuper dans l’action politique de gauche ?

La dernière section présente des hommages que la députée a reçus en fin de mandat et communique le bonheur qu’elle éprouve à l’approche de son retour à la vie civile. La grande qualité d’écriture de ce livre indique que la flamme qui anime Catherine Dorion est loin d’être éteinte et qu’une brillante nouvelle vie l’attend.

Par Philippe Boudreau, professeur de science politique au Collège Ahuntsic

IMPÉRIALISME, PASSÉ ET PRÉSENT (L') : SAUL,SAMIR: Amazon.ca: Livres

Samir Saul, L’impérialisme, passé et présent. Un essai, Paris, Les Indes savantes, 2023

Il ne faut pas se faire d’illusion : s’il est vrai, comme le disait Lénine, que « l’impérialisme est le stade suprême du capitalisme », le phénomène ne date pas de la modernité. Il puise sa source aussi loin qu’à l’aube des premières civilisations, au moment où les premiers regroupements humains se sédentarisent et délaissent progressivement la chasse et la cueillette pour pratiquer l’élevage et l’agriculture.

C’est le point de départ de l’analyse que fait Samir Saul du phénomène de l’impérialisme qui, selon l’acception qu’il privilégie, s’incarne de différentes manières selon les époques, les contextes sociopolitiques et économiques, les ressources naturelles disponibles, les aléas du climat et, aussi, quoique de façon plus ponctuelle, selon les croyances religieuses et les idéologies.

L’ouvrage est divisé en quatre parties, chacune correspondant à des époques précises de l’évolution de l’impérialisme. Pour mieux en comprendre les tenants et aboutissants, on pourrait cependant regrouper les différentes phases de ce phénomène de nature à la fois politique et économique en deux moments essentiels : 1) plus près de nous, l’impérialisme « post-colonial » (depuis 1945) avec la mainmise des États-Unis sur les affaires internationales et 2) l’impérialisme proprement « colonial », que l’auteur qualifie de « moderne » (Renaissance – XVIIIe siècle) ou de « contemporain » (XIXe – milieu XXe). Quant à la « préhistoire » de l’impérialisme (Antiquité gréco-romaine et ses prédécesseurs, Sumer, Babylone, Assyrie), on peut l’inscrire dans la période strictement « coloniale », non pas, évidemment, pour des raisons « historiques », mais pour des raisons « théoriques », dans la mesure où elle se rattache, en quelque sorte, au type d’impérialisme qui a précédé celui du capitalisme financier de notre époque alors que celui-ci se rattache à l’impérialisme de la modernité au moment de l’avènement du capitalisme, sa phase actuelle étant tout à fait inédite.

Ainsi, « l’impérialisme étant l’extraction à l’étranger d’avantages économiques par des moyens extraéconomiques[2] », il va sans dire qu’il est corrélatif à des rapports inégalitaires entre peuples et nations. Il prend appui sur une inégalité de fait (ou « naturelle ») et l’accentue par des pratiques de spoliation, d’extorsion, de colonisation qui vont se raffiner au fil du temps, devenant plus efficaces, systématiques, structurées, jusqu’à ce que les relations internationales deviennent des relations parfaitement intégrées dans des rapports de domination économique et, ultimement, financière. Déjà à Athènes, la nécessité d’élargir le champ d’action de la Cité au-delà des frontières délimitées par la première implantation va finir par se faire sentir : accroissement de la population, pauvreté des terres arables, dépendance des importations d’aliments de première nécessité, la ville va augmenter ses exportations en se spécialisant, ce qui va affecter les petits producteurs incapables de s’adapter à l’agriculture à grande échelle, les réduisant à la mendicité, au travail servile et à l’« exil », d’où les premières colonies de peuplement pour soulager la métropole de cette masse d’indigents et pour éviter les conflits sociaux.

Rome pousse un peu plus loin cette logique, mais dans un sens différent qui préfigure les impérialismes à l’ère moderne. La dynamique coloniale ne répond plus à un besoin vital de survie ou de première nécessité, mais bien à une politique « impériale » assumée, à une volonté de domination et d’expansion de la civilisation « romaine » aux limites des contrées « barbares ». Cette mégalomanie va causer la perte de l’Empire qui ne pourra plus répondre aux besoins toujours plus grands en esclaves, en ressources naturelles, en butins de guerre, en impôts : « Rome consomme beaucoup et produit peu » (p. 25). À partir de la fin de la guerre froide, les États-Unis vont se retrouver dans une situation semblable : leur productivisme à grande échelle qui les a hissés au sommet de la hiérarchie des pays développés va se muer en économie rentière avec des déficits commerciaux et de paiements faramineux, ainsi qu’une dette pharaonique qui, paradoxalement, sera financée par leur principal concurrent au statut de première économie mondiale : la Chine.

En fidélité à une approche « matérialiste » de l’histoire, Samir Saul place au centre de son analyse de l’impérialisme la question cruciale du développement des moyens de production, qui s’inscrit lui-même dans des rapports de production spécifiques à un moment déterminé de l’évolution des sociétés humaines, donc des relations entre forces productives et propriétaires de ces moyens de production à l’échelle internationale. Ceci est d’autant plus vrai que l’impérialisme, en tant que théorie et pratique délibérée, effectue un saut « qualitatif » au moment de l’émergence du capitalisme au tournant du XVIe siècle, à l’époque de ce que fut la Renaissance, non seulement celle de la culture des élites et de l’« humanisme » philosophique, mais aussi celle des techniques de navigation, des connaissances pratiques pour la maitrise des éléments, du savoir scientifique à ses balbutiements, en corrélation avec une nouvelle vision du monde qui se met en place.

De méditerranéens jusqu’à la fin du Moyen-Âge, les empires vont désormais se constituer à partir de la côte Atlantique en direction de l’Amérique et de l’Afrique, avec un prolongement en Asie du Sud-Est. Le XIXe siècle sera l’occasion d’un autre changement majeur dans les dynamiques impériales avec les deux industrialisations qui vont placer la Grande-Bretagne au rang incontesté de première puissance mondiale. Adviennent les deux grandes guerres du XXe siècle, qui ne sont rien d’autre que l’expression d’une volonté impérialiste « germanique » de détrôner l’Empire « britannique », échec monumental qui va entrainer avec lui toute l’Europe dans une totale dévastation, ouvrant grandes les portes aux États-Unis, puissance montante qui attendait son heure.

Encore une fois, l’impérialisme, comme phénomène à la fois politique, économique et même « culturel », échappe à une grille d’analyse qui serait par trop « naturaliste », ayant la prétention de pouvoir prédire ses développements ultérieurs à partir de ses comportements passés. L’avènement de l’impérialisme américain au sortir de la Deuxième Guerre mondiale est un bel exemple des bifurcations possibles de l’histoire des civilisations. Désormais, nul besoin de colonies de peuplement, de possessions territoriales d’outre-mer, de guerres coûteuses en argent et en hommes pour garder le contrôle sur le commerce international. La conjoncture est tellement favorable à l’Amérique que les pratiques coloniales usuelles en la matière deviennent « archaïques »; superpuissance capitaliste qui dépasse en influence toutes les autres réunies, et ce, malgré un ennemi d’importance, l’URSS, quoique d’un nouveau genre parce qu’« idéologique », les États-Unis vont envahir et contrôler le monde par la force de leur économie, le dollar se substituant à l’étalon-or comme monnaie de réserve internationale, ses multinationales dictant les politiques économiques de pays « souverains », sa puissance militaire, surtout depuis le démantèlement du Pacte de Varsovie, surpassant de loin celle des éventuels « compétiteurs ».

À la suite de cette longue et profonde investigation (très érudite et remarquablement articulée de la part de l’auteur) du phénomène de l’impérialisme à travers l’histoire, il serait tentant d’en déduire que cette propension à imposer sa loi, à accaparer terres, ressources, force de travail pour son seul profit et à développer des technologies, des moyens de coercition de plus en plus efficaces est consubstantielle à l’avènement de la civilisation, dans la mesure où l’économie de type agricole qui la caractérise s’accompagne nécessairement d’une complexification des structures socioéconomiques, d’une augmentation des besoins en nourriture, en infrastructures, en outillage, d’un élargissement de l’espace habité, cultivé, réservé à l’élevage et d’un accroissement de la population comme conséquence « logique » du passage d’un mode de vie nomade à un mode de vie sédentaire.

L’impérialisme, comme pratique et comme idéologie, s’est ancré de façon indélébile dans les relations internationales depuis la Mésopotamie, plusieurs millénaires av. J.-C. jusqu’à l’Empire américain au XXIe siècle; constitue-t-il pour autant un horizon indépassable de la vie en société ? Il faudrait un autre ouvrage, plus philosophique celui-là, pour apporter des éléments de réponse à cette terrible question. En attendant, voilà comment l’auteur pose le problème dans sa conclusion :

L’impérialisme est-il une nécessité ou un choix ? […] On ne connaît pas de période historique où elle [la voie de l’enrichissement relativement rapide et facile] n’a pas été empruntée. […] Pour une puissance qui perd ses ramifications impérialistes, une autre la remplace au pied levé. C’est dire que s’il n’y a pas nécessité d’impérialisme conformément à une logique inexorable, la permanence de l’impérialisme se vérifie empiriquement (p. 275-276).

Par Mario Charland, détenteur d’une maîtrise en philosophie de l’Université du Québec à Trois-Rivières


  1. Denise Bombardier, « La députée aux longues jambes », Journal de Montréal, 5 novembre 2019.
  2. L’impérialisme, p. 125 : « … l’usage de la force pour réussir et venir à bout des rivaux [en étant] une donnée constante ».

 

Repenser les droits humains en Haïti

20 décembre 2024, par Ligue des droits et libertés

Retour à la table des matières Droits et libertés, automne 2024 / hiver 2025

Repenser les droits humains en Haïti

Frantz Voltaire, Président-fondateur du Centre international de documentation et d’information haïtienne, caribéenne et afro-canadienne

Parler des droits humains en Haïti en 2024 est une gageure1. Avant même d’analyser cette question, on est confronté à la nécessité de faire la preuve qu’il est possible d’en parler dans les conditions d’une violence aveugle des gangs armés, mais aussi de l’impuissance de l’État à assurer l’ordre. Comment en effet, aborder la question des droits dans un contexte où l’insécurité et l’impunité restent en tête de liste des préoccupations citoyennes ? Comment répondre à la violence meurtrière des gangs sans à la fois poser le problème de la sécurité, mais aussi celui de la réparation aux victimes ? Résoudre le problème de la sécurité est aussi une gageure pour des raisons complexes. La question sécuritaire est certes présente durant toute notre histoire de peuple. Une histoire née de la violence de l’esclavage où l’esclave n’était qu’un bien meuble. Une histoire de résistance et d’une révolution qui aura duré de 1791 à 1804, d’une révolution qui aura combattu des forces d’invasion anglaise, espagnole et française. De l’Indépendance d’Haïti en 1804 à l’occupation militaire américaine de 1915 à 1934, jusqu’à la dictature des Duvalier, la violence a été le fait d’un État qui niait les droits de la majorité de ses citoyen-ne-s. Depuis le tremblement de terre de 2010, ce sont surtout les gangs armés qui imposent une terreur aveugle et qui, aujourd’hui, contrôlent plus de 80 % du territoire de la capitale de Port-au-Prince. Cela survient dans le contexte particulier d’un pays où l’État n’a plus le monopole de la violence, et où les promesses de la communauté internationale d’aider la police nationale à rétablir même un semblant d’ordre se sont révélées vaines. La communauté internationale a joué un rôle absolument néfaste en Haïti, avec le choléra et un appui aux gouvernements illégitimes et le contrôle du système politique. Mais que dire du Canada ? Le Canada a joué un rôle particulièrement important dans la formation de la police nationale, la réforme de la justice et du système pénitentiaire. En ce sens, le Canada est aussi responsable de cet échec de l’appui international. Comment aujourd’hui répondre à la situation de terreur en Haïti, sans répondre au problème des gangs terroristes dans la capitale ? Il faut se rappeler que Hélène LaLime, la représentante du secrétaire général des Nations unies en Haïti, avait favorisé la coalition des gangs à Port-au-Prince. Voilà un autre exemple de la responsabilité de la communauté internationale dans la crise actuelle. Il faut souligner tout autant la responsabilité des pays du Core Group lors de la mise en place du gouvernement d’Ariel Henry après l’assassinat du président Jovenel Moïse. La violence reste alimentée par des armes et munitions venues de la Floride, de la Colombie et aussi de la République dominicaine. Sortir de la violence demandera d’importants moyens matériels, et la communauté internationale devra, en ce sens jouer, un rôle déterminant, en fournissant une importante aide à la reconstruction du pays. Mais, sortir de la violence et établir un État de droit demandera surtout la prise en compte des revendications citoyennes de justice et des réparations aux victimes. Il faudra mettre en place une assistance humanitaire, médicale et psychologique importante aux victimes ainsi que des réparations pécuniaires surtout pour les femmes victimes d’abus. Il faudra aussi mettre en place des programmes spéciaux de réinsertion pour les enfants victimes des gangs. Le défi sera non seulement de rétablir la sécurité, mais aussi de construire un système judiciaire qui mettra fin à l’impunité, avec l’appui des diasporas haïtiennes répondant aux aspirations de la population. Le Canada, en s’appuyant sur les positions de la diaspora haïtienne, pourrait jouer un rôle clé dans le renforcement d’un système judiciaire et électoral non corrompu et transparent. Un des défis majeurs sera de s’adresser aux problèmes des jeunes mobilisés par les gangs dans un pays où la plupart des centres carcéraux et de réadaptation ont été détruits. Pour sortir de la situation d’insécurité généralisée, la police nationale haïtienne devra être renforcée en excluant les corrompus au sein de l’institution. Comment parler de droits dans une situation où les institutions étatiques sont réduites à une peau de chagrin ? Comment combler les départs pour les États-Unis de plusieurs milliers de cadres dont plus d’un millier de policières et de policiers, de centaines d’ingénieur-e-s, de médecins et d’enseignant-e-s, tous incités par la politique migratoire mise en place par le gouvernement américain de Joe Biden en 2023 ? Comment reconstruire le pays sans l’apport de sa diaspora ? Durant  cette  période  de  transition, il faudra créer avec l’assistance de la diaspora haïtienne une commission de vérité, réparation, sécurité et justice pour établir les faits résultant de la terreur des gangs terroristes, de la corruption et des responsabilités de certains membres des élites politiques, policières, judiciaires et économiques dans cette violence. Cette commission devra apporter des pistes de réflexion sur les conséquences de la violence ; synthétiser les informations disponibles sur les conséquences médicales et psychologiques de la violence ; rassembler des témoignages et mettre en place un programme de réparations pour les victimes. De plus, cet organisme devra réaliser plusieurs actions : formuler des recommandations pour informer et protéger les droits humains ; proposer la création d’un tribunal spécial chargé de juger les crimes contre les droits humains ; assurer une assistance médicale aux victimes surtout les femmes et les enfants ; assurer la formation des professionnel-le-s de la santé : psychologues, psychiatres, infirmiers et infirmières, travailleuses et travailleurs — sociaux ; renforcer à l’échelle nationale les réseaux de défense des droits humains ; sensibiliser la population aux droits humains. L’une des exigences de la construction d’une société haïtienne respectueuse des droits humains sera de tenir compte des réparations des dommages infligés aux victimes, et aussi traduire devant un tribunal spécial les responsables des crimes commis. Les responsabilités sont multiples ; les réparations devront impliquer toutes les parties prenantes nationales comme internationales.
1 Les sources de cet article sont : Benjamin Fernandez, L’échec des Nations Unies, Le Monde diplomatique, Paris, janvier 2011. Haïti, Droit de l’homme et réhabilitation des victimes. Mission civile internationale en Haïti OEA/ONU. Imprimerie Deschamps, Claude Moïse, La question sécuritaire, CIDIHCA, Montréal, 2022. Ricardo Seintenfus, L’échec de l’aide internationale à Haïti : dilemmes et égarements, CIDIHCA, Montréal, 2015.

L’article Repenser les droits humains en Haïti est apparu en premier sur Ligue des droits et libertés.

Lutter contre l’ingérence sans bafouer les droits

20 décembre 2024, par Ligue des droits et libertés

Retour à la table des matières Droits et libertés, automne 2024 / hiver 2025

Lutter contre l’ingérence sans bafouer les droits

Tim McSorley, Coordonnateur national, Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles

Une traduction par Barbara Ulrich, traductrice Des inquiétudes entourant l’ingérence étrangère continuent à faire les manchettes au Québec et à travers le Canada, suscitant l’examen approfondi, la controverse et les appels à agir aussi rapidement que possible afin de remédier à ce que les agences nationales de sécurité ont nommé de façon hyperbolique une menace existentielle pour le Canada. Il y a de toute évidence des incidences d’ingérence étrangère qui soulèvent des préoccupations urgentes. À titre d’exemple, les révélations que les membres de la communauté Sikh au Canada ont été des cibles d’harcèlement, de violence et même de meurtre par des agent-e-s du gouvernement indien et d’autres menaces transnationales de répression envers des activistes de droits de la personne et leurs familles au Canada. Cependant, ce débat a été trop caractérisé par la xénophobie, le racisme, la partisanerie politique, la surenchère ainsi que la précipitation à promulguer de nouvelles lois sévères étendues. Certaines de ces lois auront non seulement des retombées significatives sur les droits humains au Canada, y compris la liberté d’expression et d’association, mais également sur la contestation et la dissidence, la coopération et la solidarité internationale, la liberté académique et la liberté de presse. Ceci est dû en grande partie à des renseignements secrets divulgués par des sources anonymes dont l’exactitude et la source soulèvent des questions de crédibilité. Une partie de ceux-ci a été examinée par l’Enquête publique sur l’ingérence étrangère, mais, puisque le rapport final tarde à se faire connaître, la crédibilité de ces fuites reste entière. [caption id="attachment_20767" align="alignnone" width="719"] Crédit : André Querry[/caption]

Des droits bafoués, encore une fois

Malgré ces questions restées en suspens, la réponse du gouvernement a été presque exclusivement axée sur l’octroi de nouveaux pouvoirs aux agences de sécurité nationales et dans la création de nouvelles infractions importantes, lesquelles entraîneront une réaction excessive et une hypersécurisation. Notre travail, depuis 2022, sur les incidences des lois sur la sécurité nationale et les luttes contre le terrorisme adoptées, témoigne de l’importance des définitions précises, des décisions basées sur des données probantes et des réponses qui sont nécessaires et proportionnelles. Faire défaut d’adhérer à ces principes mine inévitablement les droits humains aussi bien que l’engagement et la participation démocratique. Ceci aura pour conséquence la marginalisation d’une diversité de communautés et d’organismes, notamment ceux des populations racisées, autochtones ou immigrantes et celles et ceux qui sont engagés dans la contestation, la dissidence et la remise en question du statu quo.

Loi adoptée à toute vitesse

L’exemple le plus flagrant est l’adoption précipitée de la Loi C-70 — la Loi sur la lutte contre l’ingérence étrangère — au mois de juin 2024, qui a entériné des changements aux systèmes canadiens de justice criminelle et de sécurité nationale. Une loi d’une telle envergure aurait requis un examen approfondi. Cependant, dans la précipitation de légiférer sur les questions de l’ingérence étrangère aussi rapidement que possible, le projet de loi a été adopté par l’ensemble du processus législatif en moins de deux mois, presque du jamais vu. À cause de la brièveté surprenante consacrée à la période d’étude, plusieurs aspects de cette législation n’ont pas été soumis à un examen et, par conséquent, des champs de préoccupation n’ont pas été pris en considération. Moins de temps voulait dire que les expert-e-s et les organismes ayant des ressources limitées ont dû précipiter leur analyse du projet de loi, rendant la soumission de mémoires et d’amendements appropriés presque impossible. Même lorsque les parlementaires et les sénateurs et sénatrices ont reconnu certaines préoccupations, le refrain était que l’étude du projet de loi ne pouvait pas être retardée afin d’adopter les nouvelles règles avant une prochaine élection potentielle, ce qui pourrait arriver à tout moment sous un gouvernement minoritaire.

Pouvoirs sans lien avec l’ingérence

À titre d’exemple, la Loi C-70 a changé la Loi sur le Service canadien du rensei­ gnement de sécurité (Loi sur le SCRS) en créant de nouveaux mandats plus facilement accessibles pour des perquisitions ponctuelles et la collecte secrète de renseignements à l’extérieur du Canada. Ces nouveaux pouvoirs doivent être approuvés par les tribunaux, mais ceci se passe à huis clos. Cela constitue une victoire pour le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) qui, depuis des années, contrevient aux lois existantes régissant les mandats, notamment en dupant les tribunaux. Des seuils élevés pour l’obtention des mandats secrets sont l’une des principales façons dont nos droits garantis par la Charte des droits et libertés sont protégés ; le projet de loi C-70 les a affaiblis. Ceci n’est qu’un des multiples changements inscrits dans la Loi sur le SCRS, lesquels ne sont reliés qu’en partie à la lutte contre l’ingérence étrangère et pourront, en réalité, s’appliquer désormais à toute démarche de collecte de renseignements ou d’enquête qu’entreprend le SCRS. Des défenseur-e-s des droits humains, des organismes de développement international et de solidarité, des politicien-ne-s, des académiques, des syndicalistes, des activistes environnementaux, des défenseur-e-s des terres autochtones, des journalistes et beaucoup d’autres parties prenantes au Canada travaillent directement avec des contreparties internationales au jour le jour. Un grand nombre de ces collègues internationaux peuvent travailler pour ou représenter des gouvernements, des entreprises d’État ou des entreprises affiliées, des fondations, des institutions académiques ou des médias, ou travaillent pour des organismes multilatéraux composés de gouvernements étrangers. Ces partenariats internationaux sont incontournables, aidant à proposer de nouvelles perspectives, faisant des avancés en recherche et en politiques, partageant le travail de Canadien-ne-s à l’international et en aidant à bâtir la coopération et la solidarité internationale.
Moins de temps voulait dire que les experts et les organismes ayant des ressources limitées ont dû expédier leur analyse du projet de loi, rendant la soumission de mémoires et d’amendements appropriés presque impossible.

Des impacts négatifs sur les droits

Cependant, dans sa réponse aux allégations d’ingérence étrangère, le gouvernement fédéral a introduit des règles qui auront presque certainement un effet négatif sur la liberté d’association avec des collègues internationaux, la liberté d’expression et la capacité des Canadien-ne-s de manifester et de contester. La Loi C-70 a introduit des changements significatifs à la Loi sur la sécurité de l’information, qu’on appelle maintenant la Loi sur les ingérences étrangères et la sécurité de l’information1 (FISI). Il est alarmant de constater que la FISI prévoit des peines beaucoup plus sévères — jusqu’à l’emprisonnement à perpétuité — pour les infractions déjà prévues dans le Code criminel, notamment le harcèlement et l’intimidation, si elles sont commises sur l’ordre d’une entité étrangère, ou en collaboration ou pour son profit, ou, dans certains cas, avec un groupe terroriste2. Un autre article troublant de la FISI se lit comme suit :

20.4 (1) Commet un acte criminel quiconque, sur l’ordre d’une entité étrangère ou en collaboration avec elle, a une conduite subreptice ou trompeuse en vue d’influencer un processus politique ou gouvernemental, la gouvernance scolaire, l’exercice d’un devoir en lien avec un tel processus ou une telle gouvernance ou l’exercice d’un droit démocratique au Canada.

Pour des définitions claires

Le problème, ici, n’est pas qu’elle vise à protéger les processus démocratiques, mais plutôt la façon dont elle tente de le faire. L’exemple le plus flagrant est le terme, « en collaboration avec », un terme vague qui n’est pas défini dans la législation. Il peut facilement vouloir dire, par exemple, qu’une personne qui collabore avec un individu ou un organisme qui travaille pour ou étroitement avec une entité étrangère (y compris non seulement des gouvernements, mais aussi des organismes indépendants financés par le gouvernement, ou même des organismes multilatéraux) sur des questions d’intérêt mutuel et, par la suite, lesquels s’impliquent pour changer une politique pourrait être vue en violation de la loi même si aucune influence véritable n’a été exercée par une entité étrangère. Le gouvernement dit également que de telles activités d’influence seraient illégales uniquement si clandestines. Mais, si vous n’agissez pas sous l’influence d’une entité étrangère, vous pourriez facilement croire que ce n’est pas nécessaire de divulguer votre association publiquement — donnant lieu à une violation possible de cette loi. La définition de ce qui constitue un processus politique, la gouvernance scolaire et l’exercice d’un droit démocratique est également très vague. Même si le but de cette nouvelle loi est louable, sa formulation peut être une menace de graves répercussions à la liberté d’expression, protestation et manifestation. Par exemple, prenons les campements universitaires en solidarité avec les Palestinien-ne-s et contre le génocide israélien à Gaza. Une de leurs revendications principales demandait aux administrations universitaires, lesquelles sont des institutions de gouvernance scolaire — de désinvestir  des  manufacturiers d’armements qui fournissent l’armée israélienne. Il s’agit de toute évidence d’une demande légitime visant à influencer une politique universitaire ; plus spécifiquement, il pourrait y avoir des appels au retrait de certains membres de conseil d’administration ou pour des étudiant-e-s à faire campagne auprès des associations étudiantes sur cette question. Cependant, il y avait des allégations non-fondées et fallacieuses que ces campements et ces campagnes étaient soit financés, soit coordonnés avec des gouvernements étrangers. Sous la Loi C-70, les forces de police et les agences de renseignement canadiennes seraient alors justifiées d’enquêter sur ces activistes, et, s’ils découvrent qu’une association dans laquelle n’importe quel individu ou organisme serait affilié avec un gouvernement étranger, ils peuvent encourir des pénalités sérieuses. La même chose pourrait s’appliquer à celles et ceux qui luttent pour de meilleures conditions de travail, pour la justice environnementale, pour les droits autochtones et autres.

Surveillance accrue à prévoir

Il est important de ne pas attiser la peur, et ce n’est pas prévu que ces accusations soient imminentes d’aucune façon – mais elles sont absolument plausibles sous ces nouvelles lois. Malgré les assurances du gouvernement, nous ne savons tout simplement pas comment elles seront appliquées. Cependant, aussi longtemps que cette possibilité existe, elles peuvent mener à une surveillance accrue, aux menaces de représailles et, enfin, à un effet paralysant sur la liberté d’expression et autres droits humains. Les préoccupations entourant « en collaboration avec » s’étendent également à la nouvelle Loi sur l’influence étrangère et la transparence3 (LTR), créant un Commissaire à l’influence étrangère et à la transparence et le très attendu Registre de l’influence étrangère et de la transparence. Le nouveau registre exigera que les individus et les organismes s’inscrivent au registre si sous la direction de ou en association avec un commettant étranger : communique avec un-e titulaire de charge publique ; communique ou diffuse de l’information reliée au processus politique ou gouvernemental ; ou distribue de l’argent, des objets de valeur ou offre un service ou l’utilisation d’un lieu. L’obligation de s’enregistrer est plus étendue que le processus décrit ci-dessus, car un commettant étranger est défini plus vaguement qu’une « entité étrangère » et comprend l’engagement d’une manière beaucoup plus élargie que pour des changements de politiques. Les pénalités sont beaucoup moins sévères et incluent des options de fournir aux individus des avis avant de formuler de telles accusations. Cependant, l’obligation de s’inscrire dans un registre « d’influence étrangère » lorsque l’on agit simplement en association avec un commettant étranger soulève des préoccupations similaires. Tout groupement au Canada qui peut travailler avec un État étranger ou organisme affilié — même s’il n’agit pas au nom de cet organisme étranger — devrait inscrire  publiquement  qu’il  agit  sous « l’influence étrangère. » Ceci a soulevé des préoccupations sérieuses dans d’autres pays. Aux États-Unis, par exemple, une loi similaire d’enregistrement a mené a des enquêtes non-fondées4 d’organismes environnementaux et à l’obligation d’au moins un organisme national d’environnement réputé de s’inscrire à titre « d’agent étranger. » Nous pouvons nous attendre à des résultats semblables au Canada, paralysant la libre expression, la libre association et la capacité de travailler avec des partenaires internationaux sur des causes sociales importantes.
La même chose [enquêter] pourrait s’appliquer à ceux et celles qui luttent pour de meilleures conditions de travail, pour la justice environnementale, pour les droits autochtones et autres.

La liberté d’expression sous pression

Finalement, la Loi C-70 a élargi les délits existants de sabotage sous le Code criminel pour inclure le délit d’ingérence dans une nouvelle catégorie étendue « d’infrastructure essentielle », qui comprend le transport, l’approvisionnement alimentaire, les activités gouvernementales, l’infrastructure financière, ou toute autre infrastructure prescrite par règlement. N’importe lequel de ceux-ci peut, à un moment donné, faire l’objet d’une manifestation ou subir les répercussions d’une manifestation qui pourrait perturber leurs activités. Bien que la nouvelle loi prévoie une exclusion pour les revendications, les manifestations d’un désaccord ou les protestations, cela s’applique uniquement si les individus n’ont pas l’intention de causer du tort. Cela laisse une grande marge de manœuvre d’interpréter « l’intention » de la protestation. Par exemple, les défenseur-e-s des territoires autochtones ont créé des blocus des chemins de fer et des routes dans le cadre d’actes de désobéissance civile avec le but avoué de perturber l’activité économique afin de mettre de la pression sur des responsables gouvernementaux. Sachant que cette action pourrait, théoriquement, créer du tort, il ne serait pas farfelu d’imaginer que le gouvernement pourrait utiliser une telle loi pour criminaliser ces protestations avec une peine pouvant aller jusqu’à 10 ans. Il n’y a pas de doute que le public canadien pourrait mettre en question leur participation dans des activités de protestation puisque celles-ci pourraient être vues comme un crime plus sérieux de sabotage. Au cours des prochains mois, le gouvernement établira les règlements et nommera le Commissaire à la transparence en matière d’influence étrangère, ayant une incidence sur la manière dont ces lois seront interprétées et mises en œuvre. Il est essentiel que le public et les groupements de société civile demeurent vigilants et poursuivent leur pression sur le gouvernement afin de ne pas sacrifier les droits humains au nom de combattre l’ingérence étrangère.
1 En ligne : https://laws-lois.justice.gc.ca/PDF/O-5.pdf 2 Ibid.  3 En ligne : https://laws-lois.justice.gc.ca/fra/lois/F-29.2/ 4 Nick Robinson, The regulation of foreign funding of nonprofits in a democracy, International Center for Not-for-Profit Law, février 2024. En ligne : https://www.icnl.org/wp-content/uploads/Regulation-of-Foreign-Funding-of-Nonprofits-Feb-2024-author-version.pdf

L’article Lutter contre l’ingérence sans bafouer les droits est apparu en premier sur Ligue des droits et libertés.

Imaginer une ville des droits humains

20 décembre 2024, par Ligue des droits et libertés

Retour à la table des matières Droits et libertés, automne 2024 / hiver 2025

Imaginer une ville des droits humains

Diane Lamoureux, Professeure émérite, Université Laval, membre du comité de rédaction et membre du CA de la Ligue des droits et libertés

Il y aura des élections municipales un peu partout au Québec en 2025. Pour évaluer les propositions des candidat-e-s à cette occasion, quoi de mieux que d’imaginer ce que pourrait être une ville où les droits humains sont pris au sérieux et qui est organisée autour des principes de liberté, d’égalité et de solidarité. Dans le contexte de la crise écologique, un premier élément est la reconnaissance effective du droit à un environnement sain. Car la dégradation de l’environnement menace la possibilité même d’existence de la vie humaine sur l’ensemble de la planète et dans les villes en particulier. Plusieurs éléments peuvent contribuer à un environnement sain : la réduction de la pollution due aux transports, pas simplement en remplaçant les voitures individuelles à essence par des voitures électriques, mais en développant de meilleurs transports collectifs et en changeant l’échelle à laquelle nous vivons dans les milieux urbains ; une meilleure répartition des services et des infrastructures collectives, ce qui permet des modes de transport actif ; le développement d’un réseau de transport en commun efficace, financièrement et physiquement accessible, à l’échelle des municipalités, mais aussi entre celles-ci ; la réduction des îlots de chaleur par une meilleure répartition des espaces verts et de la canopée, par la réduction des surfaces minéralisées comme les stationnements, et par une transformation des normes de construction. Un autre aspect du droit à l’environnement sain, c’est l’accès physique et monétaire à une alimentation saine et en quantité suffisante. À cet égard, les villes doivent prévenir les déserts alimentaires. Elles peuvent cependant faire plus, en permettant la récupération alimentaire auprès des grandes surfaces, en favorisant les initiatives de partage alimentaire (par exemple, en fournissant des locaux à des cuisines collectives), en augmentant le nombre de jardins collectifs. Un deuxième élément tout aussi central, c’est la reconnaissance que le logement est un droit et non une marchandise. On est loin de cet idéal aujourd’hui si on tient compte du nombre croissant de personnes itinérantes ou sans abri, de la situation des personnes qui doivent vivre dans des logements insalubres ou mal adaptés à leurs besoins, ou encore celle des femmes qui doivent vivre dans un climat de violence conjugale faute de ressources adéquates pour se loger. Ceci implique un parc immobilier diversifié qui corresponde aux besoins réels de la population, et des quartiers qui favorisent une véritable mixité sociale. En effet, avoir une place à soi est fondamental pour pouvoir développer le sens de sa propre dignité et nouer des relations épanouissantes avec les autres. C’est aussi un élément crucial pour la participation politique et sociale. Une caractéristique fondamentale des villes par rapport à d’autres milieux de vie, c’est leur formidable pluralité. On y retrouve une diversité de classes, d’origines ethniques, de genres, de sexualités, de religions, de capacités physiques, de cultures. Plutôt que de considérer cette diversité comme une source de problèmes ou encore comme des occasions d’inégalité et de discrimination, il faut plutôt y voir un enrichissement collectif. Pour cela, il faut développer une saine curiosité pour ces différences plutôt qu’enfermer les citoyen-ne-s dans des ghettos de personnes qui se ressemblent (les algorithmes des réseaux sociaux s’en chargent un peu trop). Le rôle des parcs et des places publiques est à cet égard déterminant. Encore faut-il qu’ils soient accessibles et non privatisés par la festivalite consumériste. Ils doivent également être aménagés pour permettre aux personnes vivant avec un handicap d’en profiter. Il est aussi nécessaire de maximiser la liberté individuelle et collective. Promouvoir une différence épanouissante, c’est laisser l’espace essentiel au développement d’une identité individuelle qui n’est pas entravée par des restrictions communautaires, ou par les divers mouvements …phobes. La diversité urbaine permet d’observer des choix de vie qui ne sont pas toujours valorisés dans nos milieux d’origine. Les administrations municipales ont donc une responsabilité particulière en ce qui concerne la lutte aux divers types de discrimination et elles doivent jouer un rôle actif dans la promotion de la tolérance et de la cohabitation. Si les villes ont peu de leviers pour réduire les inégalités socioéconomiques ou ethnoraciales, elles peuvent, par leur politique d’habitation, faire en sorte qu’il n’y ait pas de ghettos. Elles peuvent également veiller à répartir les équipements collectifs comme les parcs, les lieux de pratique sportive, les équipements culturels et à les rendre accessibles physiquement et financièrement. Elles peuvent également utiliser leur statut d’employeur pour promouvoir l’accès à l’égalité en emploi. Les villes doivent également promouvoir le développement de liens concrets entre personnes différentes qui peuvent être unies par des intérêts communs comme la danse, le chant, la pratique d’un sport ou d’un hobby. Cela permet de surmonter la méfiance envers des gens différents de nous. Les villes doivent également devenir des lieux de vie démocratique où l’avenir collectif doit être façonné par celles et ceux qui y vivent. Cela va bien au-delà de l’élection périodique de représentant-e-s à un conseil municipal ou encore d’une période de questions ouverte au public lors de leurs réunions. Cela implique, au minimum, une possibilité de participation directe et effective concernant l’aménagement du territoire, les équipements collectifs et les transports publics. Cela implique également une valorisation du travail des organismes communautaires, qui ne doivent pas être perçus uniquement comme des dispensateurs de services, mais comme des acteurs d’amélioration de la participation citoyenne, et qui doivent être soutenus dans ce rôle. La sécurité ne doit pas dépendre principalement des corps policiers mais du sentiment de partage d’un espace collectif que l’on veut protéger parce que l’on s’y reconnaît et qu’il contribue à notre bien-être. Une attention particulière doit être portée à la sécurité des personnes les plus vulnérables, comme celles vivant avec un handicap physique ou mental, les personnes âgées et les enfants. Il va de soi qu’une ville qui prend au sérieux les droits humains interdit à son corps policier toute pratique de profilage social, racial ou en fonction de l’identité de genre ou de l’orientation sexuelle. Une ville des droits humains ne doit pas traquer les migrant-e-s qui n’ont pas les bons papiers. Elle doit au contraire leur permettre de vivre en toute sécurité et leur permettre d’échapper au travail esclavagisé ou aux marchands de sommeil et ainsi de contribuer pleinement au développement de la ville dans laquelle elles et ils vivent. Bref, promouvoir et développer une culture des droits humains doit dépasser le niveau de l’énonciation des principes dans une charte ( ce qui a quand même quelques avantages ). Cela implique d’être à l’affût des discriminations que pourraient induire les diverses politiques publiques dans tous les domaines. Cela entraîne également l’obligation de développer une culture antidiscriminatoire dans les diverses administrations municipales et de faire en sorte que les citoyen-ne-s dans leur diversité puissent se côtoyer et interagir dans les villes et les quartiers qui sont leur milieu de vie partagé. Cela nécessite aussi de prévoir des recours effectifs et accessibles en cas de discrimination. Certains de ces éléments sont traités de façon plus approfondie dans ce dossier. Lucie Lamarche aborde la question de l’arrimage au droit international pour aller au-delà des vœux pieux, alors que Benoît Fratte et David Robitaille analysent les pouvoirs dévolus aux villes et leur impact potentiel sur les droits humains. Diverses facettes des enjeux liés à l’itinérance sont  abordées  par  Michel Parazelli et le Regroupement des organismes en hébergement pour les personnes migrantes. Les obstacles à la mobilité des femmes en situation de handicap sont analysés par la Table de concertation des groupes de femmes et un bref portrait de la situation sur l’accès à l’égalité à l’emploi dans les municipalités des personnes en situation de handicap est dressé par Elisabeth Dupuis. La participation citoyenne fait l’objet des réflexions d’Elsa Mondésir Villefort. Caroline Toupin traite de l’apport de l’action communautaire autonome, tandis que les Collectivités ZéN nous parlent de la nécessaire transition écologique. Bonne lecture!  

L’article Imaginer une ville des droits humains est apparu en premier sur Ligue des droits et libertés.

Du naturalisme antique à l’écologie contemporaine

20 décembre 2024, par Ligue des droits et libertés

Retour à la table des matières Droits et libertés, automne 2024 / hiver 2025

Du naturalisme antique à l’écologie contemporaine

Catherine Guindon, enseignante au Cégep de Saint-Laurent 

[caption id="attachment_20763" align="alignright" width="279"] Laurence Hanson-Løve, L’idée écologique et la philosophie, publié aux Éditions Écosociété à Montréal, 2024, 140 pages.[/caption] Dans cet essai L’idée écologique et la philosophie, la thèse pourrait se comprendre ainsi : la position en surplomb de l’être humain face à la nature est issue d’une conception trouvant son origine dans le christianisme latin ainsi que dans les balbutiements de la science moderne, avec Descartes notamment. Mais en Occident, cette philosophie de la maîtrise de l’environnement n’était partagée ni par les philosophes de l’Antiquité ni par de nombreux philosophes modernes ou contemporains, et elle semble même n’avoir jamais été prépondérante dans les cultures non-occidentales. Nos préoccupations actuelles en matière d’écologie sont donc compatibles avec un large pan de l’histoire des idées philosophiques, qu’elles soient occidentales ou non. Les philosophies de l’Antiquité grecque proposent une vision naturaliste, c’est-à-dire qu’elles expliquent la nature par elle-même. Lorsque l’on se penche sur la conception antique de la place de l’être humain dans le cosmos, nous dit l’autrice, on remarque une sensibilité particulière face aux dangers de l’hubris, c’est-à-dire la démesure quant aux pouvoirs de l’être humain. À titre d’exemples, on peut penser à l’appel à l’humilité chez Socrate, et à la juste mesure et la prudence chez Aristote. Les stoïciens, quant à eux, insistent sur l’importance de vivre en harmonie avec la nature, celle-ci étant entièrement rationnelle et l’être humain n’étant qu’une petite parcelle du grand tout. C’est avec le christianisme latin naissant que l’on constate un changement de paradigme. Les récits de la Bible sont interprétés comme réduisant les choses terrestres à des réalités corruptibles, exception faite de l’âme humaine, dotée d’une grâce divine. Puis, au 17e siècle, les scientifiques de la révolution copernicienne viendront justifier et parachever le paradigme chrétien en affirmant un fossé infranchissable entre nature et progrès humain1. Avec Descartes, l’être humain, doté d’une rationalité scientifique, est vu « comme maître et possesseur de la nature ». L’animal, quant à lui, est relégué au rôle de machine sans âme, incapable de pensée ou de sensibilité. Toutefois, certains philosophes, dès l’époque de Descartes, se sont distanciés de cette vision anthropocentrique et dépréciative de la nature et des êtres vivants. Par exemple, pour Spinoza, la nature est une totalité vivante qui est investie par Dieu et dont l’être humain n’est qu’un « mode » soumis aux lois naturelles. L’être humain n’occupe donc pas de position éminente dans le monde. Puis, au siècle des Lumières, un mouvement plus large de réhabilitation de la nature se déploie. On peut penser à Rousseau, qui refusera de considérer l’être humain comme supérieur au reste de la nature. Le 19e siècle est marqué par les découvertes de Darwin, qui permettent de comprendre comment l’humain et le reste des animaux ne font partie que d’un seul arbre. Au même moment, des philosophes américains dits « transcendentalistes », comme Henry David Thoreau, célèbrent la nature, libre et égalitaire, l’opposant à la société corrompue et hiérarchisante. L’ouvrage se poursuit avec un aperçu des penseurs de l’écologie au 20e siècle, pensons aux Américains John Muir, fondateur américain du Sierra Club et pour qui la nature a une valeur spirituelle, ou encore Aldo Leopold, philosophe affirmant le « droit biotique » des animaux et des plantes. Arne Nasse, penseur de l’écologie profonde, se réclame de Spinoza et soutient l’idée que la nature et les êtres qu’elle abrite ont une valeur intrinsèque. Hans Jonas, quant à lui, réfléchit sur la responsabilité de l’être humain vis-à-vis la nature, qui a été fragilisée par notre pouvoir technologique. Enfin, l’autrice fait un parcours de la pensée écologique contemporaine. Elle présente divers mouvements qui joignent la défense de l’environnement à une critique du mode de production capitaliste, de la consommation effrénée et du technosolutionnisme. Des écoféministes comme l’Indienne Vandana Shiva dénoncent l’assujettissement des femmes, des peuples colonisés et de la nature au profit d’un colonialisme patriarcal. Des philosophes tels que Bruno Latour souhaite l’établissement de politiques qui tiendraient compte des intérêts de tous les vivants. Ce dernier imagine même un parlement dans lequel les objets inertes, les plantes et les animaux non humains seraient représentés par des scientifiques. Dominique Bourg, quant à lui, imagine une « Chambre du futur » qui représenterait politiquement les intérêts des générations à venir. Peter Singer, pour sa part, récuse toute forme de spécisme, c’est-à-dire de discrimination fondée sur l’espèce, et invite à un « mouvement de libération animale ». Dans son ouvrage, Laurence Hanson-Løve nous donne un aperçu de la pensée d’un très grand nombre de conceptions philosophiques dont nous ne pouvons rendre compte de façon exhaustive. On n’y retrouve pas une analyse très pointue de ces dernières, mais ce panorama constitue un très bon point de départ pour quiconque souhaite s’initier à la philosophie de l’environnement. En parcourant l’histoire du statut ontologique de l’être humain face au reste de la nature, on constate que la philosophie contemporaine de l’environnement est, au fond, en continuité avec la sagesse des Anciens et celle des cultures non occidentales, qui n’ont généralement pas affirmé de distinction entre nature et culture. C’est donc à un esprit de prudence et d’humilité, un peu à la manière des Grecs et de leur condamnation de l’hubris, que nous invite Laurence Hanson-Løve. On ne peut qu’être d’accord avec elle, à l’heure critique où les bouleversements climatiques mettent en péril les droits humains — et plus particulièrement ceux de certains peuples vulnérables —, ainsi que les intérêts des animaux non humains.
1 Ici, l’autrice reprend les propos de Philippe Descola dans Par-delà nature et culture, Paris, Gallimard,

L’article Du naturalisme antique à l’écologie contemporaine est apparu en premier sur Ligue des droits et libertés.

30 ans de lutte pour les droits et libertés à Québec

20 décembre 2024, par Ligue des droits et libertés

Retour à la table des matières Droits et libertés, automne 2024 / hiver 2025

30 ans de lutte pour les droits et libertés à Québec

Sophie Marois, membre du CA, Ligue des droits et libertés — section Québec Josyanne Proteau, coordonnatrice, Ligue des droits et libertés — section Québec

photo_archive_ldl_qc_20241216 Depuis 1963, la Ligue des droits et libertés (LDL) œuvre à faire connaître, à défendre et à promouvoir l’universalité, l’indivisibilité et l’interdépendance des droits reconnus dans la Charte internationale des droits de l’homme. Au fil de sa longue histoire, la LDL a vu naître et disparaître plusieurs comités régionaux au gré des mobilisations locales. Les années 1970 et 1980 ont été particulièrement prolifiques à cet égard : des comités régionaux ont été actifs sur la Côte-Nord, en Estrie, à Québec, au Saguenay-Lac-Saint-Jean et à Thetford-Mines. On connaît cependant peu de choses des activités du comité qui a été actif à Québec au cours de ces années.

Fondation de la section de Québec

C’est en décembre 19941 qu’un groupe de citoyen-ne-s engagé-e-s dans la défense des droits de la personne fonde la section de Québec de la Ligue des droits et libertés (LDL-Qc). La section est créée sous la forme d’un organisme à part entière, mais qui demeure affilié à la LDL et qui poursuit la même mission que l’organisme national. Convaincu que les droits et libertés doivent être défendus sur tous les fronts, y compris à l’échelle locale, le groupe fondateur œuvre à la création d’une section active, spécifiquement enracinée dans la société civile de Québec. Dès ses débuts, la LDL-Qc compte sur des liens forts avec plusieurs acteurs et se mobilise autour des enjeux de justice sociale à Québec. Ce sont notamment ces liens avec les milieux syndicaux, dont ceux de l’enseignement, qui ouvriront la voie à une spécialisation de la section de Québec dans l’éducation aux droits et libertés auprès des jeunes.

Démocratie municipale

L’un des premiers axes d’action de la LDL-Qc est celui de la démocratie municipale. Grâce à ses premières subventions, elle organise des événements pour encourager la participation citoyenne et la démocratie locale. En 1997-1998, des forums bimensuels à la bibliothèque Gabrielle-Roy rassemblent des résident-e-s, des journalistes et des professeur-e-s pour discuter de la démocratisation  des  institutions  politiques. Réunissant régulièrement une centaine de personnes, ces débats publics augmentent la visibilité de l’organisme. Dans les années qui suivent, la LDL-Qc promeut activement une vision démocratique de la politique municipale, plaçant les citoyen-ne-s au cœur du pouvoir décisionnel. [caption id="attachment_20749" align="alignnone" width="542"] Oeuvre de Wartin Pantois à laquelle la LDL-Qc a eu le plaisir de participer en 2021. Crédit : Wartin.[/caption]

Éducation aux droits

La section de Québec se distingue dès la fin des années 1990 par un fort engagement envers l’éducation aux droits, particulièrement auprès des jeunes. De grandes tournées d’éducation aux droits et libertés permettent de rencontrer des milliers d’élèves du primaire et du secondaire. Le premier sujet abordé par ces ateliers éducatifs concerne les droits des jeunes face à la police, dans un contexte où l’application d’une politique tolérance zéro par la Ville de Québec entraîne plusieurs interventions policières ciblant les jeunes. Au cours des décennies suivantes, les ateliers d’éducation aux droits se renouvellent et explorent des thématiques telles que la discrimination, le sexisme et le racisme, l’accueil des immigrant-e-s, les droits économiques et sociaux, la justice pénale et le droit à la vie privée. Certains de ces ateliers ont été retravaillés au fil du temps et sont offerts encore aujourd’hui par l’équipe d’animation de la section de Québec, dont ceux portant sur la justice pénale, le droit à la vie privée et le racisme systémique. Au début des années 2000, la LDL-Qc lance une émission de radio nommée Droits devant, sur les ondes de la radio communautaire CKRL 89,1. L’émission s’intéresse aux enjeux liés à l’état des droits tant à l’échelle locale, avec des épisodes sur le droit au logement2 et l’itinérance dans la ville de Québec, qu’à l’échelle internationale, en présentant des thématiques comme la démocratie au Congo, le développement international et les violations de droits au Tibet.

Altermondialisme

Les années 2000 marquent une ouverture de la LDL-Qc aux enjeux internationaux, notamment à la suite du Sommet des Amériques et du 11 septembre 2001. En avril 2001, plusieurs membres participent à l’important mouvement d’opposition à la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA) en vue de la tenue du Sommet des Amériques à Québec3. Au cours du Sommet, le comité de surveillance des libertés civiles de la LDL mène une mission d’observation indépendante et constate une imposante répression policière4, laquelle inclut des arrestations de masse et l’utilisation d’armes dangereuses contre les manifestant-e-s, causant des centaines de blessé-e-s. Cette période représente un moment important de renforcement des liens entre les organismes communautaires et les milieux militants de Québec, qui se réunissent autour de luttes altermondialistes et antimilitaristes. Dans ce contexte, la LDL-Qc prend part à de nombreuses mobilisations portant sur la solidarité internationale et les alternatives au néolibéralisme, la surveillance et la protection du droit à la vie privée, ainsi que la démilitarisation des conflits géopolitiques. En 2003, des militant-e-s de Québec participent notamment aux mobilisations historiques contre la guerre en Irak, rejoignant des manifestations à Montréal, mais aussi dans la capitale nationale5. [caption id="attachment_20754" align="alignright" width="216"] Organisé par la LDL-Qc et plusieurs organismes communautaires de Québec, le Forum sur le Parvis a permis aux citoyennes et citoyens d’occuper le parvis de l’église Saint-Roch le 18 avril 2012.[/caption]

Vivre-ensemble et antiracisme

Au cours des années 2000, la LDL-Qc intensifie ses efforts contre le racisme et pour la défense des droits des personnes migrantes. Elle prend part activement aux débats publics lors de la Commission Bouchard-Taylor (2007-2008) et milite contre les discriminations raciales dans l’accès à l’emploi. La LDL-Qc s’engage également dans les campagnes contre les propos haineux diffusés sur les ondes de certaines radios privées de Québec, surnommées radios-poubelles. Au cours des années 2010, des projets développés avec des stagiaires permettent à l’organisme d’approfondir ses connaissances sur les crimes haineux, l’extrême droite et le profilage racial à Québec. La lutte contre le racisme devient progressivement un axe transversal à la LDL-Qc. La section de Québec participe notamment aux mobilisations contre le projet de loi 21 sur la laïcité, au mouvement Black Lives Matter, à la Coordination des actions contre le racisme à Québec, aux marches de solidarité avec les personnes migrantes et aux commémorations de l’attentat au Centre culturel islamique de Québec, en plus de soutenir la création du Collectif de lutte et d’action contre le racisme (CLAR) à l’automne 2021. À compter de 2020, c’est principalement la question du profilage racial par le Service de police de la Ville de Québec (SPVQ) qui occupe l’organisme. La LDL-Qc s’engage dans un projet de recherche pour documenter la situation et réalise plusieurs interventions dans les médias pour dénoncer les pratiques du SPVQ.

Judiciarisation et profilage

[caption id="attachment_20753" align="alignright" width="228"] Guide publié en 2013 pour outiller toute personne ou tout groupe qui choisit de ne pas se taire devant les attaques des radios-poubelles[/caption] La judiciarisation des personnes marginalisées, en particulier les jeunes, les travailleuses du sexe et les personnes en situation d’itinérance, constitue un autre axe d’action majeur de l’organisme. En collaboration avec des groupes locaux, la LDL-Qc tient, entre 2010 et 2018, plusieurs forums publics et activités de sensibilisation, notamment pour favoriser le vivre ensemble et dénoncer le profilage social. Les règlements municipaux discriminatoires, les interpellations abusives, les violences policières ou l’emprisonnement pour non-paiement d’amendes sont tous dénoncés. Entre autres activités, la LDL-Qc convie les citoyen-ne-s à des séances de flânage sur le parvis de l’église Saint-Roch pour dénoncer le règlement municipal interdisant de flâner, vagabonder ou dormir dans un lieu public, ou organise une marche pour demander des services  publics  adaptés  aux  personnes marginalisées en collaboration avec des personnes en situation d’itinérance. En 2015, un projet pilote de la LDL-Qc mène à la fondation de la Clinique Droit de cité, un organisme dédié à l’accompagnement juridique et à la défense collective des droits des personnes judiciarisées. Depuis 2018, la LDL-Qc est également partenaire de l’Observatoire des profilages, contribuant ainsi à documenter et à dénoncer les pratiques de profilage social, politique et racial. La section de Québec s’engage aussi en 2023 aux côtés de la LDL nationale dans sa campagne Les interpellations policières au Québec : une pratique à interdire pour réclamer l’arrêt de la pratique arbitraire des contrôles d’identité arbitraires ou street check.

Défense du droit de manifester

La défense du droit de manifester à Québec devient un sujet d’importance pour la LDL-Qc dans le contexte des mobilisations étudiantes de 2012 et de l’adoption d’un règlement municipal obligeant les manifestant-e-s à fournir l’itinéraire de leur manifestation (article 19.2 du règlement 1091). Plusieurs groupes communautaires de Québec, dont la LDL-Qc, co-fondent alors la Coalition pour le droit de manifester, encore active à ce jour. La coalition mène une longue campagne médiatique et juridique contre l’article 19.2, qui aboutit à son abrogation en 2023, puis à son remplacement par un nouveau règlement qui continue de restreindre le droit de manifester. La coalition n’a donc pas terminé de mobiliser autour de cet enjeu ! Parallèlement, la LDL et la section de Québec entreprennent plusieurs initiatives pour promouvoir et défendre le droit de manifester, dont un forum6, des outils de vulgarisation, une campagne de valorisation des manifestations intitulée Manifester m’a permis7, et le dépôt d’une plainte collective auprès de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) à la suite des arrestations massives lors d’une manifestation en 20128. De manière continue, une veille du droit de manifester dans la ville de Québec est assurée par la LDL-Qc, que ce soit à l’occasion du G7 en 20189 ou plus récemment, de manifestations en solidarité avec la Palestine10.

Femmes d’ici et d’ailleurs égales en droits

La création, en 2018, du comité Femmes d’ici et d’ailleurs égales en droits (FIAÉD) permet à la LDL-Qc de s’enraciner davantage  dans  les  luttes  féministes et antiracistes à Québec et au-delà. Initialement soutenu par un financement du Secrétariat à la condition féminine, ce comité réunit des femmes racisées autour d’un projet d’autonomisation féministe axé sur la défense collective des droits. Le comité collabore régulièrement avec le Regroupement des groupes de femmes de la Capitale nationale (RGF-CN) ainsi qu’avec d’autres organismes communautaires, dont le Service de référence en périnatalité pour les femmes immigrantes de Québec et le Mois de l’Histoire des Noir-e-s. Plusieurs événements sont organisés chaque année pour créer des espaces d’échange et promouvoir le droit à l’égalité, dont des ateliers-conférences, des cercles de parole, des expositions artistiques et des activités de sensibilisation. Le comité participe aussi à des projets de radio et de baladodiffusion11, et ses membres prennent fréquemment la parole en public, notamment par la rédaction de lettres ouvertes12, pour valoriser l’apport des femmes migrantes à la lutte pour l’égalité des droits et libertés.

Diversité sexuelle et de genre

En 2021, la LDL-Qc se mobilise sur la question des discriminations basées sur l’expression de genre et l’orientation sexuelle. Un projet est développé en partenariat avec le Groupe régional d’intervention sociale de Québec (GRIS-Québec) et mène à la création de capsules informatives, d’un épisode de balado et d’un lexique sur la diversité sexuelle et la pluralité des genres. Ces ressources abordent les droits des personnes LQBTQIA+ ainsi que les différentes formes de discrimination auxquelles elles peuvent être confrontées, notamment dans le champ de la santé et des services sociaux. L’épisode de balado Entre droits et discriminations : diversité sexuelle et pluralité des genres, réalisé avec la radio communautaire CKIA-FM et le GRIS-Québec, est disponible sur la plateforme Spotify13. La deuxième édition du Lexique sur la diversité sexuelle et la pluralité des gen­ res, mise à jour avec la collaboration de Marie-Philippe Drouin, a été distribuée en plus de 1 000 exemplaires14.

Droit à la scolarisation

En 2021, des militant-e-s de Québec se rassemblent à la LDL-Qc pour agir face à l’exclusion scolaire que vivent plusieurs élèves en situation de handicap ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (HDAA). Depuis, le comité pour le droit à la scolarisation est l’un des comités les plus actifs de l’organisme. Il documente les moments de perte d’accès à l’école que vivent des élèves HDAA, mobilise les acteurs sociaux, parents et militant-e-s et travaille à la construction d’un discours et d’outils de vulgarisation sur ce sujet. Ses membres sont très actif-ve-s dans l’espace public et multiplient les conférences, articles et lettres ouvertes afin de visibiliser cet enjeu et de revendiquer le respect des droits des élèves HDAA. Récemment, le comité a co-organisé un colloque à l’UQAM portant sur cette thématique, qui a permis de jeter les bases d’un réseau d’organismes, de chercheurs, de chercheuses et de militant-e-s préoccupé-e-s par cette question15.

Une voix essentielle pour les droits humains à Québec

Depuis trois décennies, la section de Québec de la Ligue des droits et libertés œuvre sans relâche pour défendre et promouvoir les droits de la personne. En célébrant ce 30e anniversaire, rendons hommage à toutes celles et tous ceux qui ont contribué à cette mission essentielle. Que l’avenir soit marqué par une continuité de cette lutte collective pour une société plus juste et équitable !  
1 Cet article a été rédigé à partir des archives de la LDL-Qc et du rapport La Ligue des droits et libertés Section Québec : 20 ans d’implication sociale et de protection des droits et libertés, rédigé en 2014 à l’occasion du 20e anniversaire de l’organisme par Pier-Luc Castonguay et Charles-Alex 2 Émissions Droits devant, CKRL 1, Québec, 2004 à 2007. 3 Archives photos et une analyse du Sommet : Pierre Bourdieu, Le Sommet des peuples de Québec, Inter, 80, 14–15, 2001. En ligne : https://www.erudit.org/fr/revues/inter/2001-n80-inter1113746/46060ac.pdf 4 Rapport du comité de surveillance des libertés En ligne : https://liguedesdroitsqc.org/wp-content/uploads/2016/04/rap-2001-06-14-sommet_des_ameriques-1.pdf 5 Vingt ans après l’invasion de l’Irak, que reste-t-il du mouvement antiguerre ?, Radio-Canada, 16 mars 2023. En ligne : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1963674/manifestation-guerre-quebec-irak 6 Extraits du En ligne : https://liguedesdroitsqc.org/forum-droit-de-manifester/ 7 Capsules de la campagne Manifester m’a En ligne : http://liguedesdroitsqc.org/manifester-ma-permis/?fbclid=IwY2xjawF3keJleHRuA2FlbQIxMAABHay-UhDeRaTeL3aNQXuq oysi0t0Gl9DekfBhE-emgWorhgPYchLjhHu6Gw_aem_zMBla055SdKo7tsvmr_fUQ 8 Arrêtés pour un carré rouge, Le Devoir, 4 juillet En ligne : https://www.ledevoir.com/societe/444238/profilage-politique-contre-les-carres-rouges? 9 Ligue des droits et libertés, Manifester sous intimidation – Rapport de mission d’observation du G7, 2018. En ligne : https://liguedesdroits.ca/manifester-intimidation-rapport-de-mission-dobservation-g7/ 10 Ligue des droits et libertés - section Québec, Communiqué – Démantèlement d’un campement étudiant à l’UL : La LDL-Qc dénonce la répression du droit de manifester, 2024. En ligne : https://liguedesdroitsqc.org/communique-demantelement-dun-campement-etudiant-a-lul-la-ldl-qc-denonce-la-repression-du-droit-de-manifester/ 11 Projet balado La part de nous qui est restée à la frontière. En ligne : https://open.spotify.com/show/5rUuXUYkaMY6ROOij7qu1f 12 Empêcher les demandeurs d’asile de bénéficier des services de garde est indigne du Québec, Le Soleil, 4 mars En ligne : https://www.lesoleil.com/opinions/point-de-vue/2024/03/04/empecher-les-demandeurs-dasile-de-beneficier-des-services-de-garde-est-indigne-du-quebec- UZETT2Q3A5HVZAA4JRZYRJVABM/ 13 Ligue des droits et libertés - section Québec, Entre droits et discriminations:     diversité sexuelle et pluralité des genres, En ligne : https://open.spotify.com/episode/38ZXLYCmMbj7ILCIwOZU93?si=V_qA4ch0Qh-AdUX_B9Je-w 14 Ligue des droits et libertés - section Québec, Lexique sur la diversité sexuelle et la pluralité des genres, 2e édition, Québec, En ligne : http://liguedesdroitsqc.org/wp-content/uploads/2022/10/Lexique-2e-Ed.pdf 15 Le colloque À l’école de l’abandon : droits et bris de droits des élèves HDAA en situation de déscolarisation » a lieu lors de l’édition 2024 du Congrès des sciences humaines, tenu à l’Université du Québec à Montréal.

L’article 30 ans de lutte pour les droits et libertés à Québec est apparu en premier sur Ligue des droits et libertés.

Indignation à Oaxaca devant l’appropriation culturelle et la gentrification

20 décembre 2024, par Alexy Kalam
Montage par Axel Rivera Alexy Kalam, collaborateur établi au Mexique. Depuis que les autorités exploitent son potentiel en tant que destination touristique, Oaxaca subit un (…)

Montage par Axel Rivera Alexy Kalam, collaborateur établi au Mexique. Depuis que les autorités exploitent son potentiel en tant que destination touristique, Oaxaca subit un processus de gentrification qui expulse sa population et commercialise ses traditions. La résistance à cette dépossession (…)

Fentanyl : Trump cible les banques canadiennes

20 décembre 2024, par Par Pierre Dubuc
Le blanchiment d’argent, plus important que le contrôle des frontières

Le blanchiment d’argent, plus important que le contrôle des frontières

La problématique des prisons pour femmes

20 décembre 2024, par Par Marie-Claude Girard
L’exemple de Mohamed Al Ballouz

L’exemple de Mohamed Al Ballouz

Débat sur la monnaie québécoise

20 décembre 2024, par Par Germain Dallaire
Compte-rendu de la rencontre du 11 décembre

Compte-rendu de la rencontre du 11 décembre

Interdire les prières de rue : pas au nom de la laïcité

20 décembre 2024, par Par Daniel Baril
Le premier ministre François Legault doit être rappelé à l’ordre

Le premier ministre François Legault doit être rappelé à l’ordre

Lettre—« Assez c’est assez, SAAQ, entendez mon cri »

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2024/11/SAAQ-building-e1730654424419-1024x576.jpeg19 décembre 2024, par Comité de Montreal
Cette lettre a été écrite par un accidenté de la route, suite à notre série d'articles sur le sujet. Il a requis l'anonymat. Ma vie n'est plus la même depuis que j'ai été tué (…)

Cette lettre a été écrite par un accidenté de la route, suite à notre série d'articles sur le sujet. Il a requis l'anonymat. Ma vie n'est plus la même depuis que j'ai été tué dans un accident automobile en 2007. Me voilà l'ombre de qui j'ai jadis été. Je suis un fantôme dans mon corps blessé. La (…)

Presse-toi à gauche prend une pause

19 décembre 2024, par Presse-toi à gauche — , ,
À toutes nos lectrices et tous nos lecteurs, voici le temps de prendre une pause salutaire et réparatrice en cette fin d'année. Nous serons de retour le 21 janvier prochain. (…)

À toutes nos lectrices et tous nos lecteurs, voici le temps de prendre une pause salutaire et réparatrice en cette fin d'année. Nous serons de retour le 21 janvier prochain. D'ici là, l'équipe de PTAG vous souhaite du repos, des rencontres intéressantes et des découvertes enrichissantes. Nous nous souhaitons aussi de faire le plein d'énergie pour relever les défis que la droite et la classe dominante nous fera à la rentrée. Nous ferons les mises à jour quotidiennes de la section "Communiqués" comme à l'habitude, question de rester en contact avec le monde.

Vous pouvez dans cet intervalle réfléchir à une éventuelle implication dans le travail de publier un média comme PTAG. Faire un don, rédiger une chronique ou une nouvelle, faire un reportage vidéo ou une entrevue avec quelqu'un qui marque les luttes dans votre milieu sont autant de façons de participer à cette entreprise. Pour rester en contact, vous pouvez aussi vous inscrire à la lettre hebdomadaire si ce n'est pas déjà fait.

Encore une fois, nous vous souhaitons une excellente fin d'année et nous nous retrouverons en 2025 pour renforcer la solidarité avec la Palestine, l'Ukraine et le Soudan, entre autres, et pour soutenir les luttes contre la droite et ses extrêmes, ainsi que contre les offensives patronales qui se profilent à l'horizon. Nous nous engageons à faire connaître les analyses des défis qui nous attendent et les réponses à y apporter.

******

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

La 4e Fête des semences de La Pocatière : une célébration sous le thème Cultivez le Patrimoine

19 décembre 2024, par Marc Simard
L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local Les passionné.es d’horticulture et d’agriculture durable ont rendez-vous à l’Institut de technologie agroalimentaire (…)

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local Les passionné.es d’horticulture et d’agriculture durable ont rendez-vous à l’Institut de technologie agroalimentaire du Québec (ITAQ) pour la 4e édition de la Fête des semences de La Pocatière. Cet événement festif et gratuit, organisé (…)

Michel Seymour : pourquoi la gauche devrait s’intéresser au nationalisme ?

18 décembre 2024, par Amélie Kermel
Amélie Kermel, correspondante en stage Pour Michel Seymour, « le nationalisme est une doctrine faisant la promotion du droit des peuples à affirmer leur autorité sur un (…)

Amélie Kermel, correspondante en stage Pour Michel Seymour, « le nationalisme est une doctrine faisant la promotion du droit des peuples à affirmer leur autorité sur un territoire ». Le 2 décembre dernier, Michel Seymour, philosophe canadien et professeur retraité en philosophie de l’Université (…)

Prendre parole : Extraits d’une réflexion sur Transformer le silence en paroles et en actes d’Audre Lorde

18 décembre 2024, par Marc Simard
Audre Lorde, dans son discours Transformer le silence en paroles et en actes, donné en 1977 et retranscrit dans son recueil Sister Outsider, aborde l’importance de la parole et (…)

Audre Lorde, dans son discours Transformer le silence en paroles et en actes, donné en 1977 et retranscrit dans son recueil Sister Outsider, aborde l’importance de la parole et des actes afin de briser le silence. Nous gardons souvent le silence, par peur ou par honte. Cela s’applique à (…)

Voix juives indépendantes se tient aux côtés du peuple syrien

18 décembre 2024, par Voix juives indépendantes — , ,
tiré du site VJI https://www.ijvcanada.org/fr/voix-juives-independantes-se-tient-aux-cotes-du-peuple-syrien/ 12 Décembre 2024 IJV Canada Après la chute soudaine et (…)

tiré du site VJI
https://www.ijvcanada.org/fr/voix-juives-independantes-se-tient-aux-cotes-du-peuple-syrien/
12 Décembre 2024 IJV Canada

Après la chute soudaine et inattendue du régime d'Assad en Syrie, nous nous trouvons à un carrefour pour la justice et la libération dans toute la région. Nous avons assisté à la libération massive de prisonniers politiques, à la réunion de familles avec leurs proches longtemps détenus dans des conditions horribles, et à des rues inondées de syrien.ne.s de retour chez eux après des années d'exil forcé. L'effondrement du régime d'Assad ouvre la voie à de nouvelles possibilités, mais il nous rappelle aussi les dangers qui nous guettent.

Israël a lancé une invasion du plateau du Golan afin d'étendre son occupation illégale à de nouveaux territoires et mène une campagne de bombardements à travers le pays destinée à détruire les moyens de défense de la Syrie. Selon Al-Jazeera, « Israël a attaqué la Syrie plus de 400 fois et, malgré les objections des Nations Unies, a lancé une incursion militaire dans la zone tampon qui sépare les deux pays depuis 1974 ». La colonisation continue et croissante du Golan syrien par Israël et sa campagne génocidaire à Gaza font partie d'un système de domination plus large qui étouffe la région.

Pourtant, les images du peuple syrien se libérant de la prison effroyable et terrorisante de Sednaya nous rappellent que la libération n'est pas seulement un rêve, c'est une nécessité. Ceux qui cherchent à exploiter ce moment, que ce soit pour asseoir l'influence occidentale dans la région, consolider le pouvoir sectaire ou renforcer l'occupation sioniste, ne peuvent pas être laissés dérailler les aspirations des syrien.ne.s ordinaires à un avenir libéré de la tyrannie.

De la Syrie à la Palestine, en passant par le Liban et au-delà, ce moment exige que nous réimaginions un avenir de libération collective, enraciné dans la justice et le démantèlement de toutes les formes d'oppression. En cette période de grand espoir et d'incertitude, nous nous tenons aux côtés du peuple syrien dans l'espoir qu'il puisse se construire un avenir dans la liberté.

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Le programme PAFI, vous connaissez ? PAFI pour programme d'aide financière à l'investissement.

La conquête de la Palestine (extrait) – Rachad Antonius

18 décembre 2024, par Archives Révolutionnaires
Archives Révolutionnaires : Nous avons le plaisir de reproduire ici la conclusion de l’ouvrage La conquête de la Palestine du sociologue Rachad Antonius venant de paraître chez (…)

Archives Révolutionnaires : Nous avons le plaisir de reproduire ici la conclusion de l’ouvrage La conquête de la Palestine du sociologue Rachad Antonius venant de paraître chez Écosociété (2024). Sous-titré De Balfour à Gaza, une guerre de cent ans, le livre remonte à l’origine de la fondation de l’État hébreu – né d’une « triple illégalité » – et revient sur la centralité du rapport colonial dans la compréhension du conflit qui sévit en Palestine. Par ce regard historique sobre et informé, Antonius donne l’heure juste en repartant des racines du génocide en cours. Sa raison profonde est l’appropriation territoriale de la Palestine.


CONCLUSION
Une des dernières guerres coloniales

Extraits de La Conquête de la Palestine. De Balfour à Gaza, une guerre de cent ans. Écosociété, 2024

– Rachad Antonius

Dans la première partie de cet ouvrage, nous avons raconté l’histoire de la conquête de la Palestine, qui a commencé comme un projet de « foyer national » pour les Juifs sur la terre de Palestine. Le sentiment de constituer un peuple reste la prérogative des premiers concernés. C’est le fait de vouloir réaliser les ambitions nationales de ce peuple sur une terre déjà habitée par un autre peuple qui est à la racine du conflit actuel.

Dans une première phase, les conditions concrètes préparant la création du futur État israélien ont été patiemment mises en place avec le parrainage de la Grande-Bretagne, face à une société palestinienne incapable de s’y opposer de façon efficace. Dans une deuxième phase, le projet a été poursuivi par la guerre et l’occupation, entraînant ce qui était inévitable : l’épuration ethnique de la Palestine, pour faire place aux nouveaux venus qui ne voulaient pas s’intégrer à la société existante, mais souhaitaient créer leur propre État et leur propre identité nationale. La troisième phase a été celle de la consolidation d’un système de dépossession des habitants autochtones et de l’intensification de la conquête de la Palestine sous couvert de processus de paix.  

Devant la Cour internationale de justice, la juriste de renommée mondiale Me Monique Chemillier-Gendreau a souligné en ces termes la triple illégalité du contrôle israélien sur le territoire palestinien :

Il résulte de ces constats, comme votre Cour ne manquera pas de le confirmer, que l’occupation par Israël du territoire palestinien est frappée d’une triple illégalité. Elle est illégale à sa source pour être en infraction à l’interdiction de l’emploi de la force. Elle est illégale par les moyens déployés, lesquels sont constitutifs de violations systématiques du droit humanitaire et des droits de l’Homme. Elle est illégale par son objectif, celui-ci étant de procéder à l’annexion des territoires palestiniens, privant ainsi le peuple de Palestine de son droit fondamental à disposer de lui-même[1].

La troisième phase de la stratégie israélienne, celle du processus diplomatique d’Oslo, a été absolument cruciale pour la légitimation de cette entreprise de conquête sous couvert de processus de paix. C’est ce qui a permis aux puissances occidentales d’appuyer l’occupation par tous les moyens possibles (économiques, diplomatiques, militaires), tout en prétendant mettre en place un processus dit « de paix » dans lequel il n’a jamais été question d’appliquer intégralement la Résolution 242 adoptée en 1967. Rappelons que celle-ci exigeait d’Israël un retrait complet de ce qui restait de la Palestine, soit 22 % seulement du territoire sous Mandat britannique.

Se déroulant hors du cadre de l’ONU, le processus d’Oslo a autorisé Israël à violer encore plus ouvertement la Résolution 242, tout en la reconnaissant sur papier. Cela a permis à l’État hébreu de consolider sa présence dans les territoires occupés et d’en faire un atout dans les rondes successives de négociations. Le mécanisme pour le faire a été de fragmenter le territoire de la Cisjordanie en trois zones (A, B et C), Israël ayant les mains libres dans la zone C qui comprend 60 % de la Cisjordanie.

Pour les Palestiniens, l’acceptation de la Résolution 242 était déjà le résultat d’un énorme compromis. Car si elle demandait le retrait d’Israël des territoires occupés depuis 1967, elle supposait du même coup la reconnaissance d’Israël par les Palestiniens sur les 78 % du territoire dont ceux-ci avaient été chassés. Les Israéliens et les Américains ont donc fait comme si les 78 % appartenaient d’office à Israël et qu’on commençait une toute nouvelle négociation dont l’objet était les 22 % restants, sur lesquels les Palestiniens se devaient d’être « raisonnables » et de faire de nouveaux compromis – comme si les compromis déjà consentis n’existaient pas. Les pressions sur la partie la plus faible sont plus faciles à exercer dans le cadre de négociations bilatérales que dans le cadre d’une conférence internationale sous l’égide de l’ONU, dans laquelle le droit international reste la référence ultime pour contrer les effets du rapport de force brut.

Sur le terrain, l’interpénétration des zones occupées par les colons juifs et de celles habitées par les Palestiniens était désormais telle qu’il aurait été difficile de séparer géographiquement les deux communautés. À défaut de pouvoir expulser encore plus de Palestiniens, la solution d’Israël a été de permettre aux Palestiniens de vivre dans un territoire sous contrôle israélien et d’y maintenir un système d’apartheid en bonne et due forme, afin de ne pas altérer le caractère juif de l’État par l’inclusion de trop de non-Juifs comme citoyens ayant des droits égaux.

Pour établir un minimum de justice, l’alternative à ce système d’apartheid aurait consisté à envisager la création d’un seul État démocratique, au grand dam des forces israéliennes pro-occupation. Une variante de l’État unique et démocratique aurait pu être une confédération binationale comprenant deux composantes, l’une juive et l’autre arabe non juive. Cette dernière option reçoit cependant encore trop peu d’appuis pour être considérée sérieusement dans les tractations diplomatiques internationales, même si elle est discutée dans plusieurs milieux associatifs[2].

On peut considérer l’occupation des territoires occupés (Gaza et la Cisjordanie, incluant Jérusalem-Est) comme une des dernières guerres coloniales. Israël continue de construire des logements destinés exclusivement aux Juifs en plein cœur de la Cisjordanie occupée et des centaines de colonies juives de peuplement, reliées entre elles par un circuit de routes interdites aux Palestiniens, sont installées illégalement sur les terres qui leur ont été confisquées. Même l’ancien président américain Jimmy Carter avait fini par voir qu’il s’agissait d’une forme d’apartheid, intitulant son dernier livre Palestine : la paix, pas l’apartheid[3]. Il faut croire que les élites politiques en poste dans les pays occidentaux ne sont pas encore arrivées à ce degré de discernement.

Revenir à l’histoire

Ce voyage que nous avons fait dans l’histoire nous a permis d’en faire un autre, cette fois dans le dédale des arguments et contre-arguments autour la question palestinienne. Car c’est l’ensemble des événements survenus depuis le début du XXe siècle qui permet de donner du sens au comportement actuel des acteurs politiques, à la stratégie de la puissance occupante et aux moyens de résistance des victimes. La prise en compte de ce contexte historique, trop souvent oublié ou alors déformé, permet d’interpréter les événements actuels autrement que dans le cadre du discours dominant et d’attribuer une autre signification aux catastrophes politiques et humanitaires qui se déroulent sous nos yeux. Cela entraîne généralement un positionnement différent de celui des gouvernements occidentaux.

Revenir à l’histoire, donc. Mais on pourrait arguer que, tant qu’à revenir à l’histoire, pourquoi ne pas prendre le temps long comme référence ? Qu’en est-il du sentiment des Juifs que cette terre leur appartient, puisqu’ils estiment que c’était celle de leurs ancêtres il y a deux mille ans ? Ce sentiment d’une majorité de Juifs n’est dénué de fondement. Mais quel est son statut dans l’approche historique du conflit et dans le positionnement que des tierces parties peuvent adopter face aux enjeux politiques et éthiques qui en découlent ? Constitue-t-il une justification pour que les habitants contemporains de la Palestine soient expulsés de leurs maisons au profit d’immigrants européens ? Nous croyons que non. L’histoire ancienne peut servir de facteur explicatif. Mais s’y replonger nous permet de voir comment celle-ci a été manipulée pour mobiliser des volontés politiques.   

L’historien israélien Shlomo Sand a montré, à l’aide d’un vaste répertoire de méthodes de recherches historiques, qu’il était impossible que la majorité des Juifs contemporains soient les descendants des Juifs qui vivaient en Palestine il y a vingt siècles. Que des conversions au judaïsme de groupes entiers ont eu lieu à divers moments de l’histoire, qui font que l’argument de l’héritage historique de la terre ne tient plus. Et même si c’était vrai, on pourrait néanmoins reconnaître aux humains vivant aujourd’hui des droits qui ne peuvent être supprimés au nom de la distribution géographique des groupes ethnoculturels d’il y a deux mille ans. On peut montrer qu’il n’y a aucune continuité entre les forces politiques qui étaient existantes alors et celles qui existent aujourd’hui.

Par contre, la continuité entre ce qui s’est passé au début du XXe siècle et ce qui se passe maintenant est facilement vérifiable. Ce sont les mêmes regroupements humains, les mêmes institutions, les mêmes stratégies à long terme qui sont opérantes. Les vainqueurs d’aujourd’hui sont les descendants directs de ceux qui se sont alliés à la Grande-Bretagne autour de la Première Guerre mondiale et qui ont graduellement pris le contrôle de la Palestine. Et les victimes d’aujourd’hui sont les descendants directs des groupes exclus par le Mandat britannique, puis expulsés de leurs foyers en 1948.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, et pour éviter que le jeu des rapports de pouvoir bruts n’entraîne des violences et des destructions encore plus graves que celles qui avaient résulté des deux grandes guerres mondiales, les grandes puissances ont établi les principes devant servir de garde-fous dans les relations internationales. Le droit international a déterminé ce qu’il est permis de faire et ce qui est interdit dans les conflits politiques. Même si cela n’a pas empêché des guerres sauvages et des génocides de se produire, ces principes de droit international ont eu un effet modérateur sur les violences permises, tant de façon dissuasive que de façon punitive.

Mais pas en ce qui concerne Israël. Nous avons montré que non seulement ses politiques dans les territoires occupés violent les principes du droit international, mais qu’elles ont aussi été directement appuyées par les grandes puissances par divers moyens diplomatiques, politiques et économiques. Depuis les accords d’Oslo de 1993, les politiques de prise de contrôle du territoire de la Palestine se poursuivent sous couvert d’un processus de paix interminable qui tourne à vide. Comme si la poursuite du processus était une fin en soi, sans égard à ses résultats.

Trahir ses propres principes

La relation étroite qui s’est établie et consolidée au fil des ans entre le projet sioniste et la politique occidentale est complexe, mais on peut voir aujourd’hui certaines de ses conséquences. Qui a instrumentalisé l’autre ? Est-ce les puissances coloniales, avec la Grande-Bretagne en première ligne, qui ont poussé les sionistes à occuper la Palestine au début du XXe siècle pour servir leurs intérêts stratégiques et pour tenter, du même coup, de se débarasser des Juifs européens ? Ou bien est-ce les sionistes qui ont poussé la Grande-Bretagne à les appuyer, contre le courant britannique qui préférait maintenir de bons liens avec les Arabes ? Et dans les cinquante dernières années, est-ce les AIPAC (American Israeli Public Affairs Committees) qui ont réussi à influencer les élites américaines, vulnérables à leurs pressions, pour qu’elles appuient les politiques israéliennes ? Ou au contraire, est-ce que ces élites américaines utilisent Israël pour réaliser leur stratégie au Moyen-Orient, en comptant sur un agent local sur qui on pourrait rejeter la responsabilité en cas d’excès ou de dérapages ?

Quoi qu’il en soit, on peut dire que le mouvement sioniste n’a pu préparer la conquête de la Palestine que grâce à la collaboration étroite de la Grande-Bretagne et de la Ligue des Nations ; qu’Israël n’a pu être établi que grâce à l’appui indéfectible des puissances occidentales durant la période 1947-1949 ; que la mainmise d’Israël sur la Cisjordanie n’a pu se renforcer que grâce au jeu cynique auquel se sont prêtées les puissances occidentales, en faisant passer le processus diplomatique des accords d’Oslo pour un processus « de paix ». Et finalement, que le massacre commencé en octobre 2023 à la suite de l’attaque du Hamas n’a pu se poursuivre pendant des mois qu’à cause de deux mensonges répétés ad nauseam par les élites occidentales, à savoir qu’Israël est en situation de légitime défense et que s’il y a tant de civils qui meurent, c’est la faute du Hamas qui les utilise comme boucliers humains, et non pas la faute de ceux qui larguent les bombes.

Pour qu’une telle situation soit possible, il a fallu que ces puissances occidentales, essentiellement le noyau dur de l’OTAN, trahissent leurs propres principes et que leurs médias contribuent activement à construire des représentations falsifiées de ce qui se passe sur le terrain. Ainsi, l’objectif de défendre les actions de l’occupant israélien à tout prix ont entraîné la violation de principes éthiques fondamentaux et l’anéantissement de la capacité des grands médias à jouer un rôle d’information et de critique du discours officiel.

Un monstre à l’image du passé colonial de l’Occident

Ces événements vont à contre-courant d’une tendance historique lourde, celle de la décolonisation. Il ne s’agit pas de nier le passé colonial de nombreuses sociétés occidentales, mais de prendre acte des changements en cours. Alors que la tendance est à la remise en question des rapports coloniaux, à la reconnaissance des torts passés, à la réparation et à la réconciliation, la politique des pays occidentaux envers le Moyen-Orient, et en particulier envers la Palestine, est carrément une politique coloniale.

La violence coloniale que nous observons en ce XXIe siècle est digne des politiques mises en œuvre au XIXe. Les discours des membres les plus puissants du gouvernement israélien expriment une haine décomplexée de l’« Arabe » ou du « Palestinien », accompagnée d’un discours qui réduit ces derniers à des non-humains et qui cherche à justifier leur annihilation. Israël apparaît alors comme un monstre dont la défense nécessite que soient minées les valeurs autour desquelles un nouvel ordre mondial tente, plutôt mal d’ailleurs, de se recentrer. Le massacre opéré par Israël est justifié par des députés et des ministres canadiens qui s’identifient totalement au projet d’appropriation de la Palestine. Le conflit au Proche-Orient n’est plus une affaire étrangère pour les puissances occidentales : c’est devenu une affaire de politique intérieure.       

L’Occident a engendré un monstre à son image coloniale… mais avec 150 ans de retard. Les politiques qui avaient au cours au XIXe siècle dans les colonies, et qui ont comporté elles aussi des génocides, ont été mises à l’ordre du jour en Palestine. Au sein des élites, le lobby pro-occupation israélienne a gangréné les systèmes politiques[4]. Ce monstre ronge l’Occident de l’intérieur car il l’oblige, pour l’appuyer, à tricher tant sur la vérité historique que sur les grands principes de droit qui guident supposément ses politiques.

Un double gouffre

Dans ce processus, un double gouffre s’est créé: entre les pays du Nord et ceux du Sud, d’abord, mais aussi entre les élites des pays occidentaux et les secteurs les plus engagés de leurs sociétés civiles.

C’est le diplomate français Dominique de Villepin qui a attiré l’attention sur le premier gouffre, dans ses nombreuses interventions médiatiques dès le début du conflit en octobre 2023[5]. Mais il n’est pas le seul à le voir. De nombreux commentateurs de ce Sud Global ont eux aussi vu ce gouffre s’approfondir entre les pays occidentaux et le reste du monde. La donne politique a changé: tant les gouvernements du Sud que les sociétés civiles constatent la politique du deux poids, deux mesures de l’Occident, et ils ne la tolèrent plus. C’est la crédibilité politique et morale de l’Occident tout entier qui a été remise en cause à mesure que les massacres se poursuivaient avec l’appui direct des États-Unis et de certains pays européens, et l’appui tacite des autres. Les gouvernements des pays occidentaux ne réalisent pas encore le prix qu’il y aura à payer pour leurs positions dans ce conflit.

L’autre gouffre a été rendu visible par les mobilisations sans précédent du mois d’avril 2024 sur les campus universitaires américains d’abord, puis ailleurs dans le monde. Dans des mouvements faisant penser aux protestations contre la guerre du Vietnam dans les années 1960, les sociétés civiles dans les pays occidentaux se mobilisent (timidement, pour le moment, mais cela pourrait changer) contre les politiques de leur gouvernement. La police a beau intervenir de façon musclée, les manifestants occupent ces campus universitaires et demandent la fin des collaborations scientifiques avec des institutions israéliennes, ainsi que la fin des investissements en Israël. Mais contrairement à la guerre du Vietnam, les journalistes n’ont pas encore déterré toutes les falsifications et tous les mensonges sur lesquels l’appui à Israël s’est construit au fil des ans.

Face aux impasses, quelles pistes de sortie ?

À l’heure d’écrire ces lignes, il n’est pas encore clair si le projet de provoquer une nouvelle Nakba, plus cruelle que la première, va réussir. Car l’horreur continue, et l’appui de l’Occident à Israël aussi. Le rapport de force n’est pas favorable à une solution juste. Va-t-il changer ?

Pour les Palestiniens de Gaza, il n’y a aucune solution à court terme en vue. Leur détermination à rester sur la terre, à tenir bon, se heurte à l’urgence de survivre physiquement. Ceux et celles qui peuvent partir partiront. Déjà, le nord de Gaza a été vidé, et les Israéliens et certains de leurs alliés américains font déjà des plans d’aménagement de ce territoire vidé de ses habitants[6]. S’ils obtiennent d’Israël un cessez-le-feu qui permettra aux habitants de Gaza de survivre, les gouvernements occidentaux claironneront qu’ils ont évité une catastrophe humanitaire et demanderont aux Gazaouis qui veulent retrouver leurs foyers de ne pas exagérer et d’accepter leur exil en disant merci. Comme ils l’ont fait en 1949, après le cessez-le-feu et les divers accords d’armistice. Et si les Palestiniens revendiquent le retour dans leurs foyers, on les accusera de ne pas reconnaître Israël et de vouloir le détruire…

En ignorant le droit international, Israël et ses alliés occidentaux envoient un message très fort aux Palestiniens : vous n’obtiendrez pas justice par les moyens pacifiques. Ne comptez pas sur nous pour vous aider. Toute tentative de résister militairement sera punie avec une sévérité maximale. Alors, écrasez-vous totalement si vous ne voulez pas mourir.

Il ne restera aux Palestiniens qu’à accepter leur défaite, à moins qu’ils ne finissent par réussir à changer le rapport de force de façon violente. Dans les deux cas, l’avenir ne serait pas très reluisant, car cela ferait traîner le conflit, avec ses violences et ses drames humanitaires, pour encore des décennies. Sauf si…

Sauf si les sociétés civiles dans le monde occidental arrivent à faire changer les politiques de leurs gouvernements et obtiennent de leur part un réel engagement à trouver une solution décente, c’est-à-dire une solution qui permette aux Palestiniens de vivre en paix dans un État qui a les attributs d’un État national, établi sur l’ensemble des territoires présentement occupés. Sauf si les peuples du Sud mettent tout leur poids dans la balance pour que la donne change de façon radicale. Sauf si les protestations contre Netanyahou en Israël s’étendent aux politiques d’occupation dans leur ensemble, afin d’établir une paix véritable avec les Palestiniens. Sauf si les mouvements juifs antisionistes à travers le monde parviennent à faire valoir l’éthique du judaïsme et à convaincre les communautés juives de la diaspora que la politique israélienne n’est pas dans leur intérêt. Seules ces conditions, peu probables dans l’immédiat, mais possibles à moyen terme, permettront d’en arriver à une solution décente et d’éviter des catastrophes encore plus coûteuses tant pour les Palestiniens que pour les Israéliens.


Notes

[1] La triple illégalité de l’occupation israélienne du territoire palestinien, plaidoirie de Monique Chemillier-Gendreau, Cour internationale de justice, La Haye, le 26 février 2024.

[2] Cette solution est examinée en détail par Ghada Karmi dans « Israël-Palestine, la solution: un État », Paris, La Fabrique, 2022. Elle est aussi activement étudiée par le biais de simulations impliquant des personnalités publiques israliennes et palestiniennes, effectuées par l’organisation Israeli Palestinian Confederation(<ipconfederation.org/>), fondée par Joseph Avesar.

[3] Jimmy Carter, Palestine : la paix, pas l’apartheid, Paris, Éditions de l’Archipel, 2007.

[4] Rappelons ici les analyses de Mearsheimer et Walt mentionnées précédemment.

[5] Voir par exemple son entrevue avec Apolline de Malherbe sur les ondes de BFMTV le 27 octobre 2023. dailymotion.com/video/x8p4tqk

[6] Patrick Wintour, « Jared Kushner says Gaza’s « waterfront property could be very valuable » », The Guardian, 19 mars 2024.

Un piquet de solidarité paralyse un dépôt de Postes Canada en C.-B.

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2024/12/image-e1734479180941-1024x534.jpeg17 décembre 2024, par West Coast Committee
Un piquet de grève de solidarité a entraîné la fermeture de la troisième plus grande installation de traitement de Postes Canada aujourd'hui, près de l'aéroport de Vancouver (…)

Un piquet de grève de solidarité a entraîné la fermeture de la troisième plus grande installation de traitement de Postes Canada aujourd'hui, près de l'aéroport de Vancouver L’article Un piquet de solidarité paralyse un dépôt de Postes Canada en C.-B. est apparu en premier sur L'Étoile du (…)

Un piquet de solidarité paralyse un dépôt de Postes Canada en C.-B.

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2024/12/image-e1734479180941-1024x534.jpeg17 décembre 2024, par West Coast Committee
Un piquet de grève de solidarité a entraîné la fermeture de la troisième plus grande installation de traitement de Postes Canada aujourd'hui, près de l'aéroport de Vancouver (…)

Un piquet de grève de solidarité a entraîné la fermeture de la troisième plus grande installation de traitement de Postes Canada aujourd'hui, près de l'aéroport de Vancouver L’article Un piquet de solidarité paralyse un dépôt de Postes Canada en C.-B. est apparu en premier sur L'Étoile du (…)

L’avenir du Centre justice et foi : entre tristesse et sentiment de gâchis

17 décembre 2024, par Collectif — , ,
À l'approche des fêtes, l'équipe de la revue Relations avait pour habitude d'inviter ses lecteurs et ses lectrices à offrir un abonnement-cadeau. Elle proposait des promotions (…)

À l'approche des fêtes, l'équipe de la revue Relations avait pour habitude d'inviter ses lecteurs et ses lectrices à offrir un abonnement-cadeau. Elle proposait des promotions spéciales pour les inciter à le faire et organisait des tirages de livres ou d'œuvres d'art créés par des auteurs, des autrices ou des artistes proches de la revue. Code promo : Noël.

Élisabeth Garant, ex-directrice du Centre justice et foi (CJF) ;
Jacques Grenier, Deirdre Meintel et Jean-Claude Ravet, chercheur·es-associé·es au CJF ;
Denise Couture et Louis Rousseau, représentant·es du comité de rédaction de Relations ;
Chedly Belkhodja, Mélanie Ederer, André Jacob et Neal Santamaria, représentant·es du comité d'orientation du secteur Vivre ensemble du CJF.

Ce ne sera pas le cas cette année. La revue Relations est suspendue depuis mars 2024, comme on le sait, de même que l'ensemble des activités du Centre justice et foi (CJF) qui la publiait. Depuis des mois, alors que le débat public est saturé de discours et de décisions politiques ciblant les personnes migrantes et fragilisant leurs droits, nous ressentons aussi la mise au silence du secteur Vivre ensemble du CJF comme une perte immense. Nous trouvons difficilement ailleurs la même qualité d'analyse pour soutenir et mobiliser notre engagement. Et nous ne comprenons pas que les quelques membres restants du conseil d'administration (CA) du CJF ne manifestent aucun intérêt pour ce volet de réflexion qui avait pourtant été jugé prioritaire dès la fondation du CJF, il y a 40 ans, grâce à un discernement qui s'est révélé d'une grande justesse.

Ce manque d'intérêt est clairement ressorti lors de deux rencontres qui se sont déroulées dans la semaine du 25 novembre dernier, alors que le CA se décidait finalement à convoquer les employé·es qu'il avait mis·es à pied temporairement, les chercheur·es associé·es du Centre ainsi que les membres du comité de rédaction de Relations et du comité d'orientation du secteur Vivre ensemble, qui demandaient pourtant à être entendu·es depuis des mois.

Un lien d'emploi rompu

Le hic, c'est que ces rencontres se sont tenues seulement après que le lien d'emploi avec le personnel mis à pied soit officiellement rompu ! En effet, une entente confidentielle a été conclue récemment avec chacun·e. Ayant perdu confiance dans le CA et dans les jésuites en autorité pour relancer le centre social pour lequel les membres du personnel avaient donné le meilleur de leurs compétences, chacun·e s'est résolu·e à négocier, avec tristesse, une entente confidentielle ayant pour conséquence de mettre fin au lien d'emploi.

Le CA « consultait » donc ses ex-employé·es ; certain·es sont allé·es leur parler une dernière fois. Il n'y a plus d'équipe. Toute l'expertise au cœur de la renommée de Relations et du CJF des dernières années est perdue. S'il y a une relance un jour, ce sera sans elle. Et avec quelle direction ? La question se pose, puisque tel que mentionné dans une lettre ouverte publiée en septembre[1] <https://soutenonslesemployesducjf.o...> , il a été confirmé que la nouvelle directrice, Isabelle Lemelin, quitte ses fonctions. Le CA a aussi perdu plusieurs de ses membres au fil de cette crise.

Malgré cette situation aberrante, où les personnes employées et collaboratrices, tenues à l'écart depuis huit mois, étaient appelées à donner leur avis sur un plan de relance préparé sans elles, nous avons été nombreux et nombreuses à tenter de profiter de cette invitation pour pouvoir enfin avoir une discussion franche avec le CA.

Disons que tant sur les raisons qui ont conduit à tout ce gâchis que sur les options qui s'offraient pourtant aux responsables du Centre pour éviter pareille crise, nous ne nous entendrons jamais. Et bien sûr, personne d'entre nous n'a participé à ces rencontres pour donner son avis sur l'ébauche de plan de relance présentée – nous avons d'ailleurs exigé qu'il ne soit jamais prétendu que nous avons été consulté·es à ce sujet. Le fait est que personne ne conçoit comment on peut décemment présenter un plan si maigre, en ayant pris de surcroît autant de temps, sans avoir impliqué aucune des personnes détenant l'expertise sur Relations et sur le CJF dans le processus de réflexion. Passons outre sur la consultation-bidon faite par courriel en juin dernier, que plusieurs ont boycotté ou utilisé pour décrier la situation.

Relancer ? Peut-être, mais sous de nouveaux noms

C'est sans ménagement qu'on nous a confirmé que nous ne faisions pas partie de l'avenir et que le comité de rédaction de Relations serait aboli, de même que le secteur Vivre ensemble. Le CA du CJF et les Jésuites du Canada dévoileront leur plan quand bon leur semblera, mais ces informations faisaient déjà partie de la rumeur et il est clair pour nous que ledit plan ne respecte pas la mission de la revue Relations et du CJF. Nous avons donc insisté sur la nécessité qu'ils prennent leur temps et relancent éventuellement ce qu'ils veulent, mais en ayant la décence de ne plus utiliser les noms de Centre justice et foi et de revue Relations pour leur nouveau projet. L'injustice causée au CJF, à Relations et au personnel forme un lit de cendres sur lequel il n'est tout simplement plus possible de rebâtir un projet ayant la justice sociale, le discernement, la pensée critique, l'ouverture à l'Autre et une spiritualité engagée au cœur de sa mission.

[1] <https://soutenonslesemployesducjf.o...> Lire Catherine Caron et 20 cosignataires, « Cap sur 10 mois d'arrêt au Centre justice et foi et à « Relations » ? <https://www.ledevoir.com/opinion/id...> », Le Devoir, 25 septembre 2024.

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Le programme PAFI, vous connaissez ? PAFI pour programme d'aide financière à l'investissement.

La MRC de Rimouski-Neigette et son Plan Climat : entre ambition et opportunité manquée

17 décembre 2024, par Marc Simard
L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local La MRC de Rimouski-Neigette a récemment entrepris un projet crucial : l’élaboration d’un plan climat. Cette initiative (…)

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local La MRC de Rimouski-Neigette a récemment entrepris un projet crucial : l’élaboration d’un plan climat. Cette initiative mérite d’être saluée, car les gouvernements locaux, tels que les municipalités et les MRC, jouent un rôle central dans (…)

L’État s’attaque aux travailleurs, disent des postiers lors d’une manifestation

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2024/12/8d5a9466-854a-4d50-9ccf-ff31f3a6c3fc-e1734460164266-1024x541.jpg17 décembre 2024, par Southern Ontario Committee
Les postiers ont ainsi manifesté leur indignation face à l'ordre de retour au travail devant les bureaux de Chrystia Freeland. L’article L’État s’attaque aux travailleurs, (…)

Les postiers ont ainsi manifesté leur indignation face à l'ordre de retour au travail devant les bureaux de Chrystia Freeland. L’article L’État s’attaque aux travailleurs, disent des postiers lors d’une manifestation est apparu en premier sur L'Étoile du Nord.

L’État s’attaque aux travailleurs, disent des postiers lors d’une manifestation

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2024/12/8d5a9466-854a-4d50-9ccf-ff31f3a6c3fc-e1734460164266-1024x541.jpg17 décembre 2024, par Southern Ontario Committee
Les postiers ont ainsi manifesté leur indignation face à l'ordre de retour au travail devant les bureaux de Chrystia Freeland. L’article L’État s’attaque aux travailleurs, (…)

Les postiers ont ainsi manifesté leur indignation face à l'ordre de retour au travail devant les bureaux de Chrystia Freeland. L’article L’État s’attaque aux travailleurs, disent des postiers lors d’une manifestation est apparu en premier sur L'Étoile du Nord.
6638 résultat(s).
Regroupement des médias critiques de gauche (RMCG)

gauche.media

Gauche.media est un fil en continu des publications paraissant sur les sites des médias membres du Regroupement des médias critiques de gauche (RMCG). Le Regroupement rassemble des publications écrites, imprimées ou numériques, qui partagent une même sensibilité politique progressiste. Il vise à encourager les contacts entre les médias de gauche en offrant un lieu de discussion, de partage et de mise en commun de nos pratiques.

En savoir plus

Membres