Recherche · Dossiers · Analyses
Toujours au devant

Les médias de gauche

Regroupement des médias critiques de gauche (RMCG)

Derniers articles

La Palestine, toujours au bord de la catastrophe

La deuxième phase de l'accord de cessez-le-feu devrait entrer en vigueur la semaine prochaine mais elle va probablement être repoussée par Israël. En effet, rompant ce qui (…)

La deuxième phase de l'accord de cessez-le-feu devrait entrer en vigueur la semaine prochaine mais elle va probablement être repoussée par Israël. En effet, rompant ce qui était prévu, Benyamin Nétanyahou et son cabinet ont suspendu jusqu'à nouvel ordre la libération des 600 PalestinienNEs prévue par les termes de l'accord.

Hebdo L'Anticapitaliste - 743 (27/02/2025)

Par Édouard Soulier

Le prétexte pour refuser la libération concerne « la mise en scène » du Hamas pour la libération des prisonnierEs israéliens. Les autorités israéliennes ont dénoncé un rituel dégradant – alors qu'il ressemble en tous points à ceux des précédentes libérations, la différence étant qu'un des prisonniers israéliens a embrassé sur le front de deux combattants avant d'être confié à la Croix-Rouge. Cette « provocation », selon les termes israéliens, a beaucoup ému les journaux internationaux, mais comme d'habitude beaucoup plus que les conditions dégradantes de libération des prisonnierEs palestinienNEs, très souvent mutiléEs, blesséEs, très amaigriEs avec la police israélienne empêchant les célébrations à coups de gaz lacrymogène.

La pression continue autour des libérations

Le Hamas a aussi, comme convenu, procédé au retour des cadavres de trois personnes de la famille Bibas. Le Hamas a indiqué que ces captifs avaient été tués par un bombardement en novembre 2023 – cela avait été annoncé déjà à l'époque d'ailleurs. Mais Israël a accusé le Hamas d'avoir délibérément tué « à mains nus » les otages. Cette version a également abondamment été relayés dans les médias occidentaux, comme si nous avions déjà oublié les mensonges sur les bébés décapités ou mis dans des fours.

Le jeu de pression continue de la part de la société israélienne et surtout de son gouvernement, avec le soutien explicite ou tacite des dirigeants impérialistes sur fond de reprise possible des bombardements, alors qu'il reste une 7e vague de libérations (sur 8) avant la phase 2 du cessez-le feu, dont on ne sait pas vraiment si elle va commencer ou pas puisque les négociations sont au point mort. Il est donc très possible que les bombardements reprennent malgré la pression des États-Unis. D'ailleurs, Trump a, semble-t-il, abandonné son plan de purification ethnique à Gaza. Il n'a pas les moyens politiques de pressurer les pays comme l'Égypte et la Jordanie d'accepter les PalestinienNEs au risque de leur propre stabilité à très court terme.

En Cisjordanie, la colonisation se poursuit

Pendant ce temps, dans la ville de Jénine, l'armée israélienne a déployé des chars pour la première fois en 23 ans. L'armée israélienne a aussi étendu son offensive dans le nord de la Cisjordanie dans la ville de Qabatiya. Les bulldozers israéliens ont immédiatement commencé à arracher les canalisations d'eau dans les rues. Le ministre israélien de la guerre a admis que les forces israéliennes avaient expulsé 40 000 PalestinienNEs de trois camps de réfugiéEs à Jénine et à Tulkarem, un chiffre rapporté par l'UNRWA il y a plusieurs semaines. Il a déclaré que les camps de réfugiéEs étaient désormais « vides de résidents » et que « les activités de l'UNRWA dans les camps ont également été arrêtées », affirmant qu'il avait donné l'ordre à l'armée israélienne de ne pas permettre aux résidentEs des camps de retourner chez eux pendant une année entière. « Nous ne reviendrons pas à la réalité du passé », a-t-il déclaré. « Nous continuerons à nettoyer les camps de réfugiés et les autres centres de terreur afin de démanteler les bataillons et l'infrastructure terroriste ». Il s'agit de purification ethnique et d'extension de la colonisation.

Israël ne veut pas la paix et reste confiant dans son impunité, notamment en Cisjordanie. C'est cette impunité qu'il faut, de notre côté, remettre en cause absolument car l'avenir du peuple palestinien dans son ensemble est en jeu.

Édouard Soulier

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Des femmes s’élèvent contre l’exploitation et l’impérialisme

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2025/03/FDO-March-1-scaled-e1741632754464-1024x503.jpg10 mars, par Comité de Montreal
Le samedi 8 mars a marqué la Journée internationale des femmes. Dans tout le pays et au-delà, des foules ont défilé et des manifestants ont attiré l'attention sur les problèmes (…)

Le samedi 8 mars a marqué la Journée internationale des femmes. Dans tout le pays et au-delà, des foules ont défilé et des manifestants ont attiré l'attention sur les problèmes des travailleuses au Canada et à l'étranger. L'Étoile du Nord s'est entretenue avec des militantes et des (…)

La Débrouille adopte un plan d’urgence pour maintenir ses services essentiels

10 mars, par Marc Simard
L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local Depuis quarante ans, La Débrouille oeuvre à la défense des droits des femmes cis et des personnes trans victimes de (…)

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local Depuis quarante ans, La Débrouille oeuvre à la défense des droits des femmes cis et des personnes trans victimes de violence entre partenaires intimes, ainsi que de leurs enfants. L’organisme offre des services d’aide, d’hébergement et (…)

Costa Rica et Mexique : jours de fête et d’action avec la Caravane Quetzalcóatl

10 mars, par Communiqué des réseaux
Communiqué de presse du Mouvement latino-américain de Culture vivante communautaire (MLCVC) Du 9 mars au 10 avril 2025, au Costa Rica et au Mexique, se déroulera la Caravane (…)

Communiqué de presse du Mouvement latino-américain de Culture vivante communautaire (MLCVC) Du 9 mars au 10 avril 2025, au Costa Rica et au Mexique, se déroulera la Caravane Quetzalcóatl du Mouvement latino-américain de Culture vivante communautaire (MLCVC). Cette initiative du MLCVC vise à (…)

Défis de collaboration entre villes et organismes communautaires

10 mars, par Ligue des droits et libertés

Retour à la table des matières Droits et libertés, automne 2024 / hiver 2025

Défis de collaboration entre villes et organismes communautaires

Caroline Toupin, Coordonnatrice, Réseau québécois de l’action communautaire autonome (RQ-ACA)

Que l’on pense aux pratiques policières visant à encadrer le droit de manifester, au contrôle de l’espace public régissant le droit de cité des personnes en situation d’itinérance, aux îlots de chaleur qui compromettent le droit à la santé et à un environnement sain, au transport en commun et au droit à la mobilité, ou encore à la construction de logements sociaux et au droit au logement, les villes et les municipalités jouent un rôle majeur en matière de droits humains. Dans un contexte politique prétendant à une décentralisation des interventions étatiques en matière de services de santé, sociaux et communautaires, ce rôle est appelé à augmenter. C’est le cas pour les villes et les municipalités, mais également pour les organismes communautaires. En effet, à mesure que les inégalités se creusent et que les besoins non-répondus de la population débordent des fissures béantes du réseau public (causé par des années d’austérité et des réformes néolibérales), l’action communautaire autonome (ACA) est amenée malgré elle à combler les lacunes des services publics. Positionné aux premières lignes du rapport entre l’appareil étatique et la population, le rôle joué par les gouvernements de proximité et les organismes communautaires dans la gestion des crises (sociale, sanitaire, climatique) sera tout autant décuplé. [caption id="attachment_20837" align="alignnone" width="470"] Crédit : Meaghan Johnston[/caption]

Collaboration nécessaire

Pour y faire face, la collaboration entre le milieu municipal et communautaire s’impose comme une nécessité dans les années à venir, pour garantir le respect des droits de tou-te-s. Cette relation, bien que prometteuse, présente des défis que nous devons surmonter. Nous nous trouvons à l’intersection de deux milieux aux nombreux points communs, mais où des préjugés tenaces subsistent de part et d’autre. Encore aujourd’hui, les organismes d’ACA sont souvent perçus, particulièrement lorsque la municipalité offre du soutien financier ou des ressources, comme de simples extensions des services municipaux. Cette perception erronée engendre des attentes inappropriées concernant le développement de services et conduit à des tentatives d’ingérence dans leurs orientations et approches. Cette vision compromet dangereusement l’autonomie des organismes, un ingrédient vital à leur agilité en temps de crise. Elle nuit également à la mission de transformation sociale des organismes et à leur capacité à défendre les droits des membres de leur communauté.

Trois exemples

L’exemple de Saint-Constant illustre parfaitement ces défis et les conséquences graves d’une incompréhension du rôle des organismes communautaires et de leur autonomie. En 2018, la Ville a pris la décision drastique de retirer son soutien financier à la Maison des Jeunes et de l’expulser de ses locaux après 25 ans de collaboration, créant ainsi un précédent alarmant. La Ville a tenté d’imposer des changements majeurs dans les services offerts par l’organisme et dans les clientèles desservies, allant jusqu’à essayer d’imposer une direction générale. Cette action a provoqué une vague d’indignation au sein du conseil d’administration, qui a cependant résisté à toutes tentatives d’ingérence, préférant perdre gros plutôt que son autonomie. Au lieu de laisser la communauté décider des services de sa Maison des Jeunes, le maire a créé un service similaire sous contrôle municipal. Cette décision a non seulement menacé l’existence de l’organisme, mais a également privé la communauté de St-Constant et ses jeunes de la créativité et de la vitalité essentielles qu’ils apportent à leur ville. Or, c’est le besoin qui crée un organisme d’ACA : dans ce cas-ci, le besoin des jeunes de se rassembler et de se doter d’un milieu de vie et d’un réseau de soutien à leur image. Et ce sont les personnes directement concernées qui exercent leur droit d’association en fondant un nouvel organisme. Avec l’exemple de Saint-Constant, l’intervention acharnée de la Ville pour le contrôle de la ressource a eu comme conséquence de saboter l’exercice du droit d’association des membres de l’organisme. Un autre exemple récent est celui de la maison Benoît Labre à Montréal, qui aide les personnes sans-abri depuis 70 ans. La ville veut déplacer son centre de jour à cause de plaintes du voisinage. On dit que la maison est trop près d’une école et qu’elle cause des problèmes de cohabitation avec les gens du quartier. Dans ce cas précis, la Ville s’approprie un pouvoir qu’elle n’a pas et s’ingère dans l’autonomie de l’organisme car la Maison Benoît Labre est propriétaire de son édifice. La maison Benoit Labre a été créée pour répondre aux besoins de sa communauté, par, pour et avec les personnes. Les interventions étatiques s’avèrent inappropriées pour garantir leur dignité et leur droit à la santé et à un logement. Le tollé soulevé par la Ville et les médias dans l’affaire fait craindre le pire pour les droits des personnes en situation d’itinérance et utilisatrices de drogues, alors que l’intolérance face à la détresse et la souffrance sociale alimentent le syndrome du pas dans ma cour, le déracinement des organismes communautaires et le déplacement des populations marginalisées. Même situation du côté de Lévis où l’achalandage trop élevé de l’organisme Le 55, un refuge pour personnes en situation d’itinérance, créé des enjeux de cohabitation avec les commerces. C’est pourquoi le maire de Lévis a négocié une entente avec le refuge pour une relocalisation et qu’il a ensuite fait voter un règlement interdisant aux ressources communautaires de s’installer dans le Vieux-Lévis. Le droit d’association des citoyennes et citoyens soucieux de répondre aux besoins de leur communauté par la création d’organismes communautaires est compromis de plein fouet.
Malgré ces défis, il existe des points communs significatifs entre le milieu municipal et le milieu communautaire, qui font de nous des alliés naturels. La proximité avec les citoyennes et les citoyens est l’un de ces atouts majeurs, favorisant la démocratie et une participation citoyenne active.

Défis et points communs

L’insuffisance chronique du financement public à la mission fragilise les organismes et exacerbe ces problématiques. Les organismes sont placés dans des rapports de force défavorables où ils sont trop souvent forcés d’accepter des conditions et des pressions indues qui compromettent leur indépendance, par crainte de se mettre à dos les élu-e-s municipaux et leurs équipes. Malgré ces défis, il existe des points communs significatifs entre le milieu municipal et le milieu communautaire, qui font de nous des alliés naturels. La proximité avec les citoyennes et les citoyens est l’un de ces atouts majeurs, favorisant la démocratie et une participation citoyenne active. L’exercice de la citoyenneté passe en grande partie par les rouages du filet communautaire, que la communauté a tissé pour faire face aux défis et aux crises. Les deux parties partagent un objectif commun fondamental : d’un côté, on parle de développement social, de l’autre, de transformation sociale. Bien que leurs approches puissent différer, leur engagement envers le bien-être de la communauté constitue un socle solide sur lequel nous devons construire les bases d’une collaboration plus forte et plus efficace. Le respect de l’autonomie des organismes communautaires et du droit d’association des citoyen-ne-s désireux d’en fonder de nouveaux, sont des éléments majeurs et centraux dans cette collaboration à construire. Cette autonomie et cette impulsion citoyenne garantissant la participation pleine et entière de la communauté dans la résolution des problèmes sociaux sont des catalyseurs d’innovations et d’agilité, deux éléments essentiels en temps de crises. Les municipalités, quant à elles, doivent faire face à la multiplication et l’intensification des effets de la crise socio écologique sur leurs communautés, souvent sans disposer des moyens nécessaires pour y répondre adéquatement. La collaboration entre le milieu municipal et le milieu communautaire n’est pas seulement souhaitable, elle est impérative. Elle nécessite un dialogue ouvert, honnête et un respect des autonomies respectives qui doivent cesser de s’opposer. Il s’agit là d’une des pièces maîtresses pour préserver un filet social robuste et démocratique, permettant à chaque partie de répondre aux besoins changeants de leurs communautés et en garantissant le respect des droits humains pour tou-te-s.

L’article Défis de collaboration entre villes et organismes communautaires est apparu en premier sur Ligue des droits et libertés.

Trump II : L’incarnation d’un Idéal-type (au sens wébérien du terme) de la quintessence abjecte et grotesque

10 mars, par Guylain Bernier, Yvan Perrier — ,
Photo : Cette illustration de Donald Trump a été réalisée par Asier Sanz. Il s'agit d'un assemblage-collage qui joue sur la paréidolie, c'est-à-dire cette tendance instinctive (…)

Photo : Cette illustration de Donald Trump a été réalisée par Asier Sanz. Il s'agit d'un assemblage-collage qui joue sur la paréidolie, c'est-à-dire cette tendance instinctive qui existe chez l'humain et qui consiste à voir ou à reconnaître des formes familières dans des paysages, des nuages ou des images vagues. https://asiersanz.com. Consulté le 8 mars 2025.

« C'était un temps déraisonnable (…) ». Louis Aragon.

Depuis que Trump II est de retour au Bureau ovale de la Maison-Blanche, tout se passe comme si, pour lui, le temps n'a pas la possibilité d'attendre. Il est pressé et il agit dans l'urgence du moment immédiat. Il multiplie les décrets. Comme l'écrivait jadis Vladimir Illitch Oulianov Lénine : en politique « [i]l y a des décennies où rien ne se passe ; et il y a des semaines où des décennies se produisent ». Trump II nous déroute. Il nous déstabilise. Il nous bouscule.

Il ne fait pas dans la dentelle. Il a des gestes brusques. Ses paroles sont brutales et menaçantes. Il a l'insulte généreuse à l'endroit de ses concurrentes et concurrents politiques. Il trompe délibérément autrui en feignant l'honnêteté. Dans l'affaire Stormy Daniels, il a été reconnu coupable de 34 chefs d'accusation. Dans la foulée de ce procès, qu'il a perdu, il s'est montré immédiatement après quérulent et habité par un esprit revanchard. Il veut semer en nous la crainte, l'inquiétude, la peur et le chaos. Il ne tient pas compte des limites inhérentes à l'exercice de ses fonctions. Il est un partisan acharné. Dans ses interventions, il donne l'impression qu'il est quasiment toujours en mode électoral. Il est ultranationaliste. Il se dit un inconditionnel de la loi et de l'ordre. Par contre, il a le pardon présidentiel facile pour ceux qui ont posé (ou poseront éventuellement) des gestes — même illégaux — en appui à sa cause. La vantardise ne l'étouffe pas. Il se croit omniscient et omnipotent. Il s'imagine tout permis. Il porte et cultive sur son chemin la violence verbale et encourage la résistance même violente et physique. On peut s'imaginer le voir dire, dans une même phrase, une chose et son contraire. Avec lui, c'est un peu le monde à l'envers. Exit la routine. Il a prouvé à certaines reprises qu'il est un personnage du type girouette. Quand il parle, il faut en prendre et en laisser. Devant un tel homme politique qui semble, à première vue, déraisonnable, irrationnel, clownesque, grotesque, hors-norme, se pose un certain nombre de questions dont en premier lieu celle-ci : quelle(s) étiquette(s) lui accoler ? Autrement dit, comment le saisir et le définir en un mot juste ou à l'aide d'un essaim de qualificatifs pertinents ?

Une première tentative de saisie par ordre alphabétique

Allons-y dans l'ordre alphabétique : arbitraire, autocrate, autoritaire, brimeur, corrompu, despote, dictateur, directif, dominateur, expansionniste, fabulateur, hégémonique, hypocrite, impérial, impérialiste, impérieux, incompétent, instable, jupitérien, machiavélique, manipulateur, mégalomane, menteur, mystificateur, mythomane, obscurantiste, oligarque, omnipotent, omnipuissant, ploutocrate, potentat, président empereur, président impérial, président ubuesque, satrape, souverain absolu, terreur, timocratique, tourmenteur, tyrannique, unilatéraliste, versatile, vexateur et quoi encore !

Or, toute médaille possède deux côtés. Malgré la facilité manichéenne, la tâche exige plus de rigueur, afin de reconnaître aussi certaines qualités au personnage. À ce titre, convenons ceci : actif, aime gagner, ambitieux, assurance (en démontre une), attaquant, calculateur, combatif, communicateur (ou égotisme), compétiteur, défenseur, entreprenant, estime de soi, fonceur, gestionnaire, père de famille, résilient, rêveur, riche, sens de la sécurité, téméraire, tenace, tient ses promesses, travailleur, visionnaire, pour en rester là. Il s'agit certes de qualités utiles pour réussir en affaires. Par contre, gérer un pays diffère du même acte à l'intérieur d'une entreprise. Car l'enrichissement n'est pas le seul but recherché : il faut savoir soutenir tous les membres de l'État et viser un environnement social et environnemental avantageux — pourtant n'est-ce pas aussi ce que toute entreprise aspire ? La critique envers l'homme derrière la présidence repose non seulement sur ses traits personnels souvent opposés à l'idéal du chef d'État espéré, mais sur sa vision même de ce qu'il doit représenter. À ce titre, on s'éloigne des valeurs de Marc Aurèle, qui décrivait l'homme de bien comme suit : être bon et simple, magnanime, prudent, résigné, réservé et véridique.

Une deuxième tentative d'ordre un peu plus descriptive

Trump II s'autocongratule abondamment et ne cesse de s'autogratifier d'une manière indécente. Il annonce, à l'avance, qu'il jugera comme étant « illégitime », tout contrôle de ses décisions officielles par les juges de la Cour suprême américaine. Maintenant qu'il est investi du pouvoir, il nous annonce, sans ambages, qu'il entend l'exercer sans contrôle. Il prétend qu'il n'y a aucune limite à son pouvoir de décider dans le cadre de ses fonctions officielles. C'est donc dire qu'il s'imagine, en tant que président des USA, détenir la souveraineté absolue. À la tête de la nation réputée être la plus puissante sur la Terre, il se croit le plus grand maître du monde qui commande le respect et l'admiration de la part de toutes et de tous. Il joue à la loi du plus fort. Sa devise semble être : homo homini lupus est (l'homme est un loup pour l'homme), comme l'a bien dit Plaute. Il n'y a, pour lui, que les USA pour aspirer à la domination et à la suprématie mondiale. Nulle ou nul n'est ou n'a été plus grand ou grandiose que lui jusqu'à maintenant et même, nous précise-t-il, dans l'avenir. Il rebaptise des lieux et des espaces géographiques. Il n'accepte pas d'être désobéi par les étudiantes et les étudiants qui oseront ou osent contester ou remettre en question ses décisions. Il brime l'accès à l'information aux journalistes qui refusent d'adhérer à sa novlangue. Les termes comme « équité », « femme », « trauma », « inégalité » lui posent problème. De plus, signe qu'il n'hésite pas à abuser de son autorité, il soumet les professionnelLEs de l'information et les scientifiques à l'emploi du gouvernement soit à toute une nouvelle série de difficultés inutiles, soit à l'autocensure. Il est à la recherche d'honneurs et réserve, pour les plus riches, les postes qu'il a à pourvoir autour de lui. Il est à ses propres yeux l'incarnation de l'éminentissime. Il souffle le chaud et le froid. Quand il s'adresse aux membres du Congrès, aux juges de la Cour suprême des USA et au petit groupe sélect de l'état-major de l'armée américaine, il faut porter une attention très particulière à ce qu'il dit et à ce qu'il ne dit pas. Il évoque un avenir radieux et débordant de richesses pour son pays, mais il passe sous silence l'appauvrissement qu'il répand et qu'il parsème sur son chemin par ses politiques économiques douteuses et improvisées qui font l'objet d'une dénonciation en règle par les courtiers de Wall Street. Il est, par conséquent, très sélectif dans sa description de l'impact de ses politiques sur une grande partie de sa population. Il gomme la réalité et il la décrit comme correspondant à l'atteinte de sommets indépassables. Il change fréquemment d'opinion, tout en étant capable de nier avoir soutenu la chose opposée. Hors de sa pensée et de ses décrets, point de vérité. Il ne cesse de répéter des faussetés. Les Fake news, qu'il proclame et qu'il répète ad nauseam, sont vérités à ses yeux. Il veut vassaliser et instrumentaliser tout ce qu'il considère comme inférieur à lui. Il s'attaque à ses alliés d'hier et également avec certains de ses plus importants pays voisins qui commercent avec les USA. Il considère que son pays est économiquement exploité et maltraité par ceux avec qui il fait affaire. Il n'a pas, selon lui, à tenir compte du point de vue des autres ni de celui des instances internationales. Il fait fi des traités signés par lui et ses prédécesseurs ainsi que du cadre juridique et constitutionnel qu'il a pourtant juré s'engager à respecter. Il a des ambitions d'annexion et de conquête territoriale. Il annonce qu'il veut étendre les frontières de son pays au-delà des limites actuelles et que pour ce faire, il n'hésitera pas à recourir à la force. Sa politique extérieure vise à la fois une domination et un contrôle d'autres territoires comme le Canada, le canal de Panama et le Groenland. Au sujet de ce dernier pays, il a même précisé : « One way or Another I'm gonna get you…. » Il ne croît pas dans la science. Au pire, il veut la réduire au silence ; au mieux, il veut la censurer. Il s'oppose à la diffusion de données sur l'environnement, la discrimination, etc.. Est-il nécessaire d'ajouter qu'il veut gouverner avec une autorité arbitraire, absolue et surtout sans partage. Il traite ses secrétaires d'État comme de simples conseillers qui doivent s'en remettre à lui avant de décider quoi que ce soit d'important ou de majeur pour la nation américaine. Il n'aime pas être contredit et il impose à l'autre sa vision des choses, même si cela va à l'encontre des faits. Tout au long de sa campagne électorale, il a caché des choses importantes aux électrices et aux électeurs de son pays. L'État fédéral semble être sa chose à lui, sa business qui lui appartient. Il a même décidé d'en faire ce qu'il voulait. Il a confié à Elon Musk le mandat de réduire à néant certains départements et certaines agences gouvernementales. Il est au poste de commande et il n'admet ni résistance et surtout ni réplique de la part de ses collaboratrices et collaborateurs, de ses adversaires et de ses ennemiEs. Il coupe les subsides aux gouverneurs des États fédérés qui ne partagent pas ses vues ou qui ne font pas assez sa promotion. Il n'hésite pas à diminuer, à ridiculiser et à maltraiter celles et ceux qui peuvent s'opposer à lui. Il a un caractère dominateur. De plus, il ne donne pas l'impression d'être en mesure de contrôler certains de ses comportements excessifs. Il a manifestement la folie des grandeurs. Il occupe tristement une fonction pour laquelle il n'existe aucune qualification à la base et il n'a pas démontré qu'il détenait une expertise quelconque en vue de mettre de l'avant des politiques qui vont favoriser l'amélioration des conditions de vie et d'existence du plus grand nombre de citoyennes américaines et de citoyens américains. Il s'est entouré de personnes qui ne semblent pas avoir les compétences requises et adéquates pour juger ou décider de ce qui correspond réellement à l'intérêt général. Il est en ce sens à la fois à la tête d'un gouvernement corrompu et entouré de personnes incompétentes. Il agit sur les autres par des moyens détournés en vue de les amener à ce qu'il souhaite. Le bilan qu'il dresse de ses actions est trompeur et démesurément exagéré. Il raconte n'importe quoi en présentant le tout comme étant conforme aux données factuelles réelles et, nous finissons par nous imaginer qu'il croit, dur comme fer, à ses fabulations, à ses récits imaginaires qu'il invente et qu'il improvise. Il donne accès au pouvoir exécutif et, par conséquent, au Bien commun (lire ici la Caisse commune), à une poignée de richissimes Happy few qui proviennent de la Silicon Valley. Il se conduit en homme puissant qui mène grand train. L'image qu'il projette de lui-même est celle d'une espèce de « Prince du bâton ». Il cherche à se faire craindre par toutes et tous. Il a transformé le Parti républicain en une association MAGA. Voilà, en résumé, quelques-unes des choses qui nous sont passées par la tête lors de son allocution devant le Congrès, mardi le 4 mars 2025. « Rien ne peut arrêter le rêve américain », s'est-il exclamé pour son premier grand discours depuis son assermentation, et ce après avoir lancé, en quelques semaines, une charge sans précédent contre les institutions américaines et l'ordre mondial. De fait, depuis janvier dernier, le président Trump II a signé des décrets qui ont eu pour effet d'annuler des politiques en faveur du climat. Il a mis fin au programme de diversité, d'équité et d'inclusion. Il a fait sortir les USA de l'Organisation Mondiale de la Santé. Au-delà de s'en prendre à ses fonctionnaires, il s'en prend également aux scientifiques et à la recherche, car ses politiques s'accompagnent de la suppression de très nombreuses données et de très nombreux travaux. C'est une véritable purge qui est en cours présentement aux USA et une vague d'obscurantisme s'abat sur la science. Depuis janvier dernier, Trump II mène incontestablement une fronde envers certaines disciplines scientifiques et la coopération internationale. Il ne croit pas dans les inégalités sociales (notamment vis-à-vis des questions de genre et de diversité) ni dans l'existence d'enjeux environnementaux en lien avec les changements climatiques. Le tout en conformité avec des recommandations inscrites dans le « Project 2025 » élaborées par la Heritage Fondation. C'est ce groupe qui inspire également le saccage de la fonction publique entrepris par le nouveau département de l'Efficacité gouvernementale (DOGE) piloté par le milliardaire Elon Musk. Que s'est-il donc passé, au cours des dernières décennies, pour en arriver à ce résultat décevant et déconcertant, bref à ce renversement de perspective ?

Les illusions de la démocratie libérale

Il y a probablement eu un trop grand nombre de personnes qui ont cru (et qui continuent à croire) naïvement ou en toute sincérité dans les mensonges de la démocratie libérale qui s'est mise en place dans les pays occidentaux au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale.

Expliquons-nous.

Commençons par mentionner que le XXe siècle a été un siècle de grands tumultes sur la scène politique et économique. Il y a eu les deux grands conflits mondiaux (1914-1918 et 1939-1945) et plusieurs crises économiques (1929 à 1939 ; 1957-1958 ; 1960-1961 ; 1970 ; 1974-1975 ; 1982-1983 ; les nombreux et fréquents ralentissements économiques des années quatre-vingt-dix qui ont été accompagnés d'une longue et interminable crise des finances publiques1). Durant la première moitié du XXe siècle, il y a eu une exacerbation des contradictions politiques et l'arrivée de partis politiques autoritaires, dans les années vingt et trente, en Italie (le fascisme) et en Allemagne (le nazisme). Il s'est produit dans certains pays européens des soulèvements ouvriers majeurs (en Autriche [Vienne la rouge], en Allemagne [la révolte spartakiste de Berlin en 1919], en Italie [occupation des usines et mise en place des conseils ouvriers en 1920], en Angleterre [la grève générale de 1926], etc.) ainsi que des révolutions prolétariennes (en Russie en 1917 et en Hongrie en 1919) annonciatrices, sur le plan du discours idéologique, de l'émancipation de l'humanité qui s'est accompagnée en URSS du Goulag et, par les membres de la nomenklatura au pouvoir, d'une lutte à finir avec la dissidence.

Au sein des pays industrialisés de l'Europe de l'Ouest, de l'Amérique du Nord et du Japon, la vie politique va connaître, dès le lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, de grandes mutations. Nous allons assister à l'émergence d'une démocratie libérale qu'on peut qualifier de pluraliste et de représentative. Les pays occidentaux vont entrer dans l'ère de la politique-spectacle2, alors que la vie politique va se professionnaliser et les partis politiques vont traiter l'électorat comme une clientèle à séduire. Mais la joute politique que se livrent dès lors les partis se déroule dans la logique de l'alternance gouvernementale, sans véritable alternative politique. Les citoyennes et les citoyens constatent qu'entre les grands partis traditionnels, c'est « bonnet blanc, blanc bonnet ». Ceci va avoir pour effet de contribuer grandement à développer le cynisme et l'indifférence d'une frange importante de la population envers les affaires publiques. Certes, le droit de vote, dans les démocraties occidentales, va devenir universel et être accordé aux citoyennes et aux citoyens de 18 ans et plus. Pour ce qui est de l'exercice du pouvoir, la vaste majorité n'aura pas voix au chapitre.

Bref, le modèle de la démocratie libérale représentative et pluraliste qui prend forme et qui se répand dans les pays capitalistes développés, au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, s'accompagne d'une universalisation du droit de vote et de la transformation des partis politiques en organisations permanentes au sein desquelles nous retrouvons principalement des professionnelLEs de la politique. Ces deux phénomènes ont pour effet de brouiller les cartes de la représentation politique. Plus la politique se massifie et moins le peuple est souverain. Certains auteurs (Robert Michels et Moisei Ostrogorski3) ont conclu à l'impossibilité pratique d'un gouvernement par le peuple. Au mieux, le peuple peut choisir, via une élection, des représentantEs appeléEs à gouverner en son nom. Mais l'idée d'un marché libre ou libéral occasionne des difficultés. Ce qui oblige les gouvernements à envisager des règles ou des mesures pour tenter de limiter les crises économiques et les déficits commerciaux. De là est apparu le planisme, qui sert donc à planifier les budgets étatiques, les visées du marché, en plus d'orienter les politiques de façon à assurer une protection nationale — ce qui nous éloigne du marché libre.

La professionnalisation de la vie politique et parlementaire entraîne la disparition, dans le processus démocratique, de celles et ceux qui comprennent le moins la vie politique. Ceci permet aux dirigeantEs du gouvernement et des partis politiques de diriger avec le moins d'entraves possible. Le rôle du peuple se limite strictement à voter et non pas à être partie prenante du processus décisionnel.

La démocratie libérale pluraliste et représentative correspond tout au plus à une simple procédure : une méthode de sélection du personnel spécialisé dans l'art du gouvernement. La scène politique, lors d'une élection, prend la forme d'un marché dominé par les grands partis politiques en compétition pour obtenir le plus grand nombre de voix. À l'ère de la démocratie représentative pluraliste, les partis politiques traditionnels sont à la recherche des votes de la majorité silencieuse. Pour obtenir des voix, ils font des promesses mirobolantes qu'ils savent qu'ils ne pourront tenir. En politique comme dans le monde de la publicité, c'est le règne du look, du paraître et de la séduction qui l'emporte. Voilà pourquoi nous avançons que la vie politique, dans ce que nous appelons les démocraties libérales occidentales, s'est métamorphosée, à travers le temps, en politique-spectacle. Cette politique fonctionne au simulacre, à l'illusion et aux gros mensonges. La lutte entre les protagonistes et porte-parole des partis politiques s'est exacerbée avec le temps. Elle va devenir, à partir de la crise de la fin des années soixante-dix du siècle dernier, plus clivante et davantage polarisée. Attardons-nous sur quelques-unes des grandes mutations du dernier quart de siècle à aujourd'hui.

Sur les grandes mutations du dernier quart du XXe siècle jusqu'à aujourd'hui

Du milieu des années soixante-dix jusqu'à aujourd'hui, nous avons assisté, dans les pays capitalistes occidentaux et les démocraties libérales, à une transformation progressive du capitalisme et du pouvoir politique. Nous avons été à partir de ce moment et jusqu'à tout récemment confrontés à des institutions qui ont permis une nouvelle forme d'autorégulation du marché mondial. Les dirigeants politiques et les acteurs privés de la Commission trilatérale — organisation créée en 1973 — ont jeté les bases de nouvelles règles de l'économie de marché dans les supposées « ingouvernables démocraties ». La classe politique, pour sa part, a adopté les règles du jeu souhaitées par les barons du capitalisme oeuvrant sur la scène mondiale. Ces nouvelles règles, qui ont été par la suite sanctionnées dans le cadre de traités dits de libre-échange et de règlements adoptés par l'Organisation mondiale du commerce et de Grands sommets des chefs (G-5, G-7, G-8, G-20 et des Sommets de Seattle en 1999 et de Québec en 2002, etc.), n'ont pas été sans conséquences économiques, sociales et politiques majeures pour la majorité de la population.

L'érosion de l'État-nation et régression de la démocratie

Les nouvelles règles du jeu issues de ces organisations à caractère économique et de ces sommets entre dirigeants politiques ont eu pour effet d'éroder certains pouvoirs de l'État. Le pouvoir politique s'est montré incapable de maîtriser la dynamique de la vie économique. Constatons-le : les organisations qui, en dernière analyse, exercent le contrôle du marché mondial sont de nature technobureaucratique et les représentantEs des grandes entreprises ont un accès direct aux décideurEUSEs de ces organisations. Nous avons toutes et tous été à même de constater que jusqu'à tout récemment, le développement du marché mondial a découlé d'une stratégie politique qui a été définie dans des institutions comme le Fonds monétaire international (le FMI), la Banque mondiale, le G7, l'accord de libre-échange nord-américain, etc.. L'État-nation a cessé de faire le poids devant ces institutions politiques internationales réunissant une simple poignée de dirigeantEs des pays les plus développés de trois continents. Nous avons assisté, au cours des cinquante dernières années, soit de 1975 à aujourd'hui, à une véritable régression démocratique qui a profité principalement aux grands acteurs de la mondialisation (les administrateurs des entreprises transnationales, les banquiers de Wall Street, les membres des groupes sélects en provenance de la Silicon Valley : GAFA(M) et NATU4).

Il importe d'ajouter que le primat du marché mondial qui entraîne l'érosion des pouvoirs de l'État national a également eu pour effet d'encourager, à partir du début des années quatre-vingt du siècle dernier, le démantèlement du Welfare State. La nouvelle figure étatique qui s'est mise en place à l'heure du néolibéralisme ou du rétrolibéralisme est maintenant attaquée frontalement par Trump II et Musk (l'agence DOGE). Des années quatre-vingt jusqu'à aujourd'hui, il a été surtout question de privatisations, de dérèglementations, d'ouverture aux capitaux étrangers. Maintenant, aux USA et ailleurs dans certains pays, une contre-révolution réactionnaire est en cours. Une contre-révolution inspirée par les super chefs autoritaires que sont les Trump (USA), Milei (Argentine), Meloni (Italie) et Orban (Hongrie). Or, il importe ici de mettre un mot sur ce qui a accompagné la néo-libéralisation occidentale, c'est-à-dire un néoconservatisme favorable à un État autoritaire. Philip Allmendinger (2002, p. 102) mentionne d'ailleurs ceci : « Les libéraux ont besoin d'un État fort pour contenir la dissidence et surveiller le marché. Les conservateurs ont besoin du potentiel de richesse matérielle offert par le marché afin de justifier un État plus autoritaire5 ». Ainsi, les USA actuels poursuivent dans cette lignée débutée par les Thatcher et Reagan de ce monde.

La transformation de la société

La vaste majorité — pour ne pas dire la quasi-totalité — des sociologues s'entendent sur le constat que nous ne vivons plus dans la société industrielle qui s'est développée à partir du milieu du XIXe siècle. Pour saisir les transformations survenues progressivement depuis la Deuxième Guerre mondiale, certains utilisent le concept de société post-industrielle, d'autres ont proposé celui de société de l'information (c'est-à-dire Hytech). Dans une société de ce type, les organisations de la classe ouvrière ont soit été démantelées, soit rendues illégales. Certaines ont été transformées en véritable caricature électoraliste — pensons ici à l'euro communisme — ou bureaucratisées et rigidement encadrées par un dispositif juridique qui restreint la portée des revendications syndicales et salariales dans un cadre limité et routinier. Dans le monde complexe d'aujourd'hui, il ne semble plus y avoir, à gauche, d'acteurs centraux capables de formuler un projet de société mobilisateur et utopique. La lutte pour le progrès social, jadis fondée sur l'utopie socialiste, est remplacée aujourd'hui par des luttes pour la reconnaissance de droits particuliers (les droits à la non-discrimination et les droits à l'égalité). Peut-être est-ce en raison des dérives communistes perçues et de la montée du totalitarisme vantant d'ailleurs des visées socialistes. Peu importe, à l'heure actuelle, il s'agit ici de constater l'impossibilité de la gauche à dégager, comme au XIXe et une partie du XXe siècle, de grandes solidarités d'inspiration progressiste visant la transformation sociale. C'est plutôt, plus récemment, à droite et chez les ultra-droitistes que l'utopie contre-révolutionnaire s'est enracinée et développée. Toujours dans cette idée de la liberté, dont le néolibéralisme semble incapable de lui donner sa véritable valeur.

La gauche socialiste, la sociale-démocratie, le syndicalisme révolutionnaire ou le syndicalisme de combat sont maintenant des forces sociales et politiques quasi absentes ou complètement absentes de l'arène sociale et de la scène politique partisane. Comment interpréter ce phénomène ? Minimalement, de deux façons : on peut, dans une perspective tautologique, le considérer comme le syndrome de l'absence d'un véritable projet politique de transformation sociale ; on peut aussi considérer ce vide comme l'expression ou le résultat d'une transformation majeure du champ politique lui-même.

Sur les transformations du champ politique dans les démocraties libérales occidentales

Pour résumer en quelques mots autour de cette transformation de la forme et du contenu de l'action politique, disons que nous avons assisté à une remise en question frontale par les forces rétrolibérales — c'est-à-dire néolibérales et maintenant ultralibérales — du modèle politique qui s'est imposé un peu partout en Occident au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale : le modèle de la démocratie sociale ou le modèle de la démocratie représentative parlementaire associée au Welfare State.

Ce modèle de démocratie sociale représentative parlementaire correspondait grosso modo aux caractéristiques suivantes :

• La scène politique est réputée être le lieu où les membres d'une société ont la possibilité de définir leur avenir à travers une dynamique de conflit.
• L'État est la figure centrale du pouvoir : sa conquête est l'enjeu fondamental de l'action politique.
• Les institutions représentatives (parlementaires) sont le théâtre où se répercutent les conflits et les oppositions relativement au changement social et politique.
• Le processus électoral est un mode d'accès privilégié à la compétition politique pour l'exercice du pouvoir d'État.
• Les groupes d'intérêts sont au cœur des pratiques de pression et de mobilisation qui expriment les revendications et les aspirations des groupes identifiés à la société civile.
• Les partis sont les agents centraux de la lutte pour le pouvoir d'État.

Dans la foulée des réformes engendrées par les exigences de la mondialisation néolibérale, c'est ce modèle politique qui a fait l'objet d'un processus d'effritement et de dépassement. Mais, n'allons pas trop vite. Du lendemain de la Deuxième Guerre jusqu'à la crise des années soixante-dix et quatre-vingt, l'action partisane politique s'est fondée sur le culte du changement. En règle générale, la quasi-totalité des partis politiques partageait la volonté de croire et de faire croire qu'ils étaient porteurs d'un projet crédible et distinct de transformation sociale et que leur action s'inscrivait dans une lutte pour le changement visant plus d'égalité.

Or, ce modèle politique construit sur la valorisation du changement est entré en crise dès lors que le projet de transformation de la société, centré sur les idéaux d'égalité sociale, a commencé à être remis en question. En effet, quelque part à partir du tournant des années soixante-dix, les thématiques du changement et du progrès social s'amenuisent. Le socialisme n'apparaît plus comme cet avenir pensable annoncé par les figures de proue du marxisme et du socialisme démocratique. On observe en même temps que les grandes réformes économiques, sociales et culturelles ont sombré dans la routine bureaucratique. Les promesses d'une participation effective des citoyennes et des citoyens à la vie collective ne sont pas réalisées. Et cela n'est pas surprenant, car exiger l'égalité suppose une plus grande intervention de l'État dans tous les rouages de l'activité du travail, en particulier. Autrement dit, il s'agit d'imposer des règles, de bureaucratiser en quelque sorte l'accès et le développement de cette activité. Plus de droits pour les uns équivaut à plus de contraintes pour les autres, d'où une perte de liberté. Cette perception suppose aussi une forme de discrimination, dans le sens où le transfert de la richesse vers l'aide aux autres reviendrait à faire des travailleuses et des travailleurs des pourvoyeuses et des pourvoyeurs au maintien de personnes qui profiteraient alors du système dit « égalitaire ».

Ici et là, des voix se sont élevées pour commencer à s'attaquer à la notion même de progrès social en dénonçant les effets destructeurs du productivisme — pensons ici au rapport intitulé Halte à la croissance —, pendant que d'autres voix ont décidé de remettre en question certaines politiques associées à « l'État-providence ». Avec la crise des années soixante-dix et quatre-vingt, nous avons assisté, à gauche, à la perte de l'espoir de transformer le monde, alors que les visions de l'avenir sont devenues de plus en plus pessimistes. Contrairement aux promesses d'une croissance continue et ininterrompue, le futur désormais allait prendre l'allure de la régression sociale, de l'austérité, du chômage et de la précarisation du travail.

Cet effritement des perspectives progressistes a eu pour effet de créer un vide politique alimenté toujours par l'impression que les institutions de la démocratie représentative ne correspondaient qu'à des scènes formelles habitées par des spécialistes qui font quotidiennement la preuve de leur incapacité à esquisser un avenir vraisemblable. Un vide politique qui se nourrit d'un scepticisme envers un jeu politique qui ne vaut pas la peine d'être joué complètement. Ce scepticisme a pris tantôt la forme d'un absentéisme lors des élections ; tantôt s'est-il manifesté, à gauche, par une chute du militantisme politique et un désinvestissement des groupes d'action collective. Justement parce que les visées communes ne sont point valorisées par ce système, parce que l'individualisme domine. Le néolibéralisme considère l'individu comme un être d'échange et non comme un être social. Ainsi, tout mouvement de revendications axé sur le collectif — militantisme, mouvement social et syndicalisme — est dépeint comme un acte improductif, irrationnel, voire même exercé par des individus chialeurs et frustrés de ne pas avoir autant de succès que les autres.

Comment en sommes-nous arrivés à ce moment de la « tyrannie de la minorité » ?

Car, il faut le dire d'entrée de jeu ici, Trump II a beau se vanter d'avoir été choisi par une majorité des membres du Collège électoral, il n'y a qu'une minorité d'électrices et d'électeurs qui ont voté pour lui. Par un étrange paradoxe, les chialeuses et chialeurs de la gauche, ainsi caractériséEs par la frange trumpiste, sont repousséEs pour faire entendre celles et ceux de la droite, voire plutôt de l'ultradroite. Nous voilà donc maintenant au centre même de cette ère tant redoutée par Tocqueville : l'ère de la tyrannie de la minorité.

Marie-Paul Rouleau6 a excellemment bien synthétisé le cheminement par lequel les USA en sont arrivés là. Il faut démarrer le tout avec la déchéance qui a affligé le Parti républicain au lendemain du passage désastreux de l'inique Richard Nixon qui s'imaginait, parce que président, qu'il était au-dessus des lois. Il a fallu Ronald Reagan pour lancer le mouvement d'une contre-révolution néoconservatrice visant moins d'État (la dérèglementation tous azimuts), la multiplication des traités de libre-échange, la lutte prioritaire à l'inflation au détriment du chômage et, last but not least, l'affaiblissement du mouvement syndical. C'est dans ce cadre partisan et néolibéral qu'une autre figure de proue politique républicaine ambitieuse verra le jour : Newt Gingrich pour qui la vie politique est une arène partisane au sein de laquelle s'affrontent des forces politiques opposées et clivées à souhait. Comme l'écrit Marie-Paul Rouleau :

« Pour Newt Gingrich, les républicains ne sont pas assez méchants, « nasty ». La prochaine génération doit comprendre que la politique est une guerre coupe-gorge. Pendant la campagne de 1990, un document encourage les candidats à « parler comme Newt » en utilisant des mots vindicatifs contre les démocrates : « anti-enfants », « malade », « détruire », « radical » ».

Cette manière de faire la politique va donner, lors des élections de mi-mandat en 1994, une majorité républicaine au Congrès. Une première depuis 40 ans. Suivra la création du Tea Party (Tax enough Already) qui fait bien entendu référence à la fameuse révolte du Tea Party de 1773. Un regroupement politique qui fédère principalement des hommes blancs qui possèdent une arme et qui étaient convaincus que Barak Obama mettait de l'avant des politiques socialistes. Ce mouvement attirait également de fervents évangélistes. Ce Tea Party sera le noyau à partir duquel Donald Trump constituera son mouvement MAGA (Make America Great Again) qui regroupe principalement des américaines et des américains qui :

« se sentent dépossédés de leur pays, de leur identité, de leurs valeurs traditionnelles qu'ils estiment menacées par l'immigration, le féminisme, la sexualité plurielle. Ils veulent retrouver « leur » Amérique. Ils souhaitent la fin de l'immigration illégale, sont contre l'avortement et la restriction des armes à feu. Ils estiment que les emplois des Américains ont été vendus à l'étranger. Ils voient en Donald Trump un président capable de détrôner l'établissement qui les a trahis. Ils applaudissent son effronterie, son instinct de confrontation. » (Rouleau, Marie-Paul, 2024, 26 octobre).

N'est-ce pas cela que Donald Trump leur a minimalement promis tout au long de la campagne présidentielle de 2024 et qu'il semble continuer à radoter, même devant le parterre du Congrès le mardi 4 mars 2025 ? Sans oublier les promesses d'une croissance économique inédite et encore plus : allez sur Mars et plus loin encore.

L'objectif que Trump II semble poursuivre dans le cadre de ce deuxième mandat vise probablement à identifier un réel qu'il ne faut pas voir, qu'il faut cacher. Bref, produire de l'ignorance dans toutes ses dimensions qui lèvent le voile sur l'existence d'inégalités sociales et circonscrivent l'ampleur de certains problèmes en vue de ne pas avoir à adopter des politiques susceptibles de régler ces problèmes. Rien ne doit limiter les affaires ici. Trump II dessine le paysage des thématiques ou des objets du réel qui n'ont aucune importance pour lui et ses oligarques ploutocrates. Arrive avec lui et son nouveau mandat la production et la généralisation de l'ignorance. L'argent du Trésor public doit servir à la réalisation des projets de développement économique qui vont maintenir l'économie américaine à la pole position. Ce qui devrait permettre, à Trump II, de présenter un jour un budget équilibré.

Que reste-t-il de la démocratie aux USA ?

Trump II poursuit donc sa guerre contre ce qu'il nomme « l'État profond ». À grand renfort de décrets et de limogeages, le 47e président étend son emprise, quitte à entraver, à sa face même, le principe de séparation des pouvoirs. Un mois après le retour des républicains à la Maison-Blanche, ici et là, en ce moment, certaines personnes se posent la question suivante : que reste-t-il de la démocratie aux USA ? Ces personnes devraient plutôt se poser la question suivante : à quoi correspondait réellement, depuis sa fondation, la démocratie aux USA ? Cette démocratie qui a, tout au long de son existence, d'abord protégé les intérêts des nouveaux riches et a servi à réprimer les forces progressistes. Cette démocratie qui a inventé un Collège électoral pour éviter que le peuple élise une personne qui agirait à l'encontre de certains intérêts. Deviner lesquels ?

Des philosophes grecs de l'Antiquité nous avons oublié que l'histoire est faite de régimes politiques purs et corrompus et qu'elle est également un cycle. Chez Aristote la monarchie peut se transformer en tyrannie, l'aristocratie en oligarchie et la république en démocratie (en dictature de la majorité votante). Chez Polybe, le cycle est un peu plus complexe. Qu'on en juge par ce qui suit :

«

On doit donc dire qu'il y a six sortes de constitutions, les trois déjà mentionnées (la royauté, l'aristocratie, la démocratie G.B. et Y.P.), dont tout le monde parle, et trois autres qui leur sont liées par nature, à savoir la monarchie, l'oligarchie, l'ochlocratie (Gouvernement de la foule ou de la populace G.B. et Y.P.). La première à se former, par un processus spontané et naturel, est la monarchie ; elle est suivie par la royauté, qui naît d'elle par un processus d'aménagement et de perfectionnement. La royauté se change en la forme mauvaise qui lui est liée par nature, c'est-à-dire en tyrannie ; et la chute de ce régime engendre à son tour l'aristocratie. Puis quand la nature a fait dégénérer celle-ci en oligarchie, et que la masse en colère a puni les crimes des dirigeants, alors naît le régime populaire. Puis enfin les excès et les illégalités de ce régime produisent avec le temps, pour compléter la série, l'ochlocratie. On constatera de la façon la plus nette, pour cette question, qu'elle se présente vraiment comme je viens de le dire, si l'on s'intéresse à l'origine, au devenir et aux changements qui sont naturels dans chaque cas. Seul celui qui aura vu comment chacun des types est engendré naturellement sera capable de voir aussi quand, comment, où se produiront de nouveau le développement, la maturité, la transformation ainsi que la fin de chaque régime […]. Voilà le cycle complet des régimes, voilà l'ordre naturel, en fonction de quoi les systèmes politiques changent et se transforment jusqu'à revenir à leur état initial. Quand on a bien compris cela, il se pourra sans doute qu'on commette des erreurs de date en parlant de l'avenir d'un régime, mais on se trompera rarement sur le degré de développement ou de décadence qu'a atteint chaque régime ou sur son futur point de transformation, à condition d'émettre un jugement dépourvu d'animosité ou de jalousie7 ».

Terminons la présente partie avec une citation de Thucydide qui écrit ceci au sujet de la démocratie : « Ce gouvernement portait le nom de démocratie, en réalité c'était le gouvernement d'un seul homme8 ». N'est-ce pas ce que nous pouvons tristement constater aux USA depuis janvier dernier ?

Conclusion

Tout au long du siècle dernier et du premier quart du présent siècle, il y a des personnes qui ont rédigé l'histoire avec des lunettes roses. Des épisodes répressifs entiers ont été occultés ou passés sous silence dans divers manuels d'histoire. L'élimination de la présence autochtone sur de vastes terres allant d'est en ouest du pays ; l'intervention répressive dramatique des militants ouvriers qui revendiquaient la journée de travail de 8 heures à Haymarket Square à Chicago en 1886 ; des agents de la police privée qui ont pourchassé, réprimé et éliminé les leaders Wobbies (l'organisation syndicale Industrial Workers of the World) ; des agents du FBI qui ont également traqué et combattu des communistes ainsi que des militantes et des militants du mouvement Black Panther Party. Il y a également eu les lynchages organisés par le Ku Klux Klan — lynchages tolérés par les autorités policières et de certains membres de la classe dirigeante. N'oublions pas, dans cette douloureuse énumération, les effets de la Loi Taft-Hartley et du Mc Cartisme, à savoir cette chasse aux sorcières frénétique qui avait pour principal objectif, dans le contexte des premières années de la guerre froide, la neutralisation, l'expulsion du pays, la perte du gagne-pain, la condamnation à mort des communistes ou de personnes présumées communistes, etc..

Nous avons lu des versions épurées de l'histoire. Versions rédigées dans un cadre manichéen où le monde se divisait en deux : les bons occidentaux des pays du bloc de l'Ouest et les méchants communistes des pays du bloc de l'Est. Rien sur la haine de l'adversaire et de l'élimination de l'ennemi de l'intérieur. Ces tristes histoires d'extinction et d'exclusion ont été gommées, passées sous silence. Mais la politique, c'est aussi une lutte pour la conquête et l'exercice du pouvoir. Une lutte parfois sans merci contre celles et ceux qui s'opposent et qui veulent jeter les bases d'un monde un peu plus égalitaire, plus juste, accueillant, tolérant et inclusif. Un monde qui accepte la diversité et qui met en place des mesures d'équité. Un monde respectueux de l'autre, dans sa différence — assumée et affichée — et qui se montre également tolérant à l'égard des multiples identités.

Dans notre énumération au sujet de Trump II nous avons délibérément évité, à ce moment-ci, d'y inclure le mot « fasciste ». Nous n'en sommes pas là. Sauf que certains faits et gestes de Trump II et de l'agence DOGE correspondent incontestablement à du néofascisme, c'est-à-dire à une sorte d'autoritarisme tyrannique d'une oligarchie constituée de ploutocrates complètement déjantés et décomplexés. Les sbires d'Elon Musk agissent violemment. Ils intimident des chercheuses et chercheurs. Ils mettent la clef dans la porte de centres de recherche et réduisent à la tronçonneuse les effectifs de plusieurs agences et départements gouvernementaux. Les coupes qu'ils effectuent sont bêtes et aveugles. Des scientifiques vivent maintenant dans la crainte et ne jouissent plus de leur liberté de pensée et de parole.

Dans certains pays, c'est donc maintenant la droite radicale qui mène le bal et impose son nouvel agenda qui a pour effet de tourner la page sur le néolibéralisme. Nous sommes incontestablement dans l'ère que certaines et certains qualifient d'illébérale. Une démocratie élective sans libéralisme constitutionnel et où le pouvoir politique s'avère hautement centralisé et concentré dans les mains d'une ou d'un leader. Autrement dit, un néoconservatisme a pris le dessus sur le libéralisme renouvelé, afin de le verser dans l'ultra-libéralité. Ses exécutantes et exécutants commencent à mettre en place un dispositif qui aura pour effet de restreindre le droit de vote dans le but avoué d'éviter et d'empêcher l'alternance gouvernementale9. Un gouvernement qui applique des politiques illébérales s'affiche comme étant anti-wokisme, anti-immigration, anti-liberté de pensée et de parole et anti-scientifique. Ce type de gouvernement veut aller plus loin que de ramener l'État à ses strictes fonctions régaliennes. Il se propose d'effectuer un « grand bond en arrière » en mettant de l'avant des coupes drastiques dans certaines fonctions essentielles de l'État (comme la fiscalité et la perception de la taxation), la recherche scientifique et de nombreux programmes sociaux et mesures culturelles. C'est ainsi que les membres de l'ultradroite radicale veulent imposer aux USA, sous la férule de Trump II, un nouveau mode de vie qui correspond à du néodarwinisme économique et du sadisme social, à un néoconservatisme comme jamais vu. Bref, en trois mots : un temps déraisonnable.

Guylain Bernier
Yvan Perrier
7 et 8 mars 2025
20h30

Notes
1. Mentionnons ici qu'il y a eu ensuite les crises de 2008 et celle qui a accompagné la pandémie en 2020.
2. Schwartzenberg, Roger-Gérard. 1992. L'État spectacle. Paris : Garnier-Flammarion, 318 p.
3.Michels, Robert. 2009. Les partis politiques. Bruxelles : Éditions de l'Université de Bruxelles, 271 p. ; Ostrogorski, Moisie. 1993. La démocratie et les partis politiques. Paris : Fayard, 768 p
4. Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft, Netflix, Air BNB, Tesla et Uber.
5.Traduction libre de : « Liberals need a strong state to contait dissent and police the market. Conservatives need the potential for material wealth offered through the market to justify a more authoritarian state » (Allmendinger, Philip. 2002. Planning Theory. Houdmills and New York : Palgrave, p. 102).
6. Rouleau, Marie-Paul. 2024. « Comment le « Make America Great Again” est devenu le MAGA » Le Devoir, 26 octobre 2024.
https://www.ledevoir.com/monde/etats-unis/822470/comment-make-america-great-again-est-devenu-maga?. Consulté le 7 mars 2025.
7.Polybe. 1977. Histoires. Paris : Les Belles lettres, p. 71-80.
8.Thucydide. 1966. Histoire de la guerre du Péloponnèse. Tome I. Paris : GF-Flammarion, p. 151 (II : chap. LXVI).
9. Voir à ce sujet l'article de Élisabeth Vallet. 2025. « Le grand bond en arrière ». Le Devoir. 1er et 2 mars 2025, p. A6.

Références

Achcar, Gilbert. 2025. « « America First » et le grand chambardement des relations internationales ». ESSF Europe Solidaire Sans Frontières. https://europe-solidaire.org/spip.php?article73859&fbclid=IwY2xjawI3AhpleHRuA2FlbQIxMAABHWrkG5807VRoX5kNz0-8rM0r6cYoQNKWn4OUTShCmypuDNSPvVe1cmLhmw_aem_mvbCeROoNYlVqrNMiW8GXA. Consulté le 7 mars 2025.

Agence France-Presse. 2025. « La Cour suprême rétablit l'ordre à l'administration Trump de payer 2 G$ d'aides gelés ». Radio-Canada. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2145679/cour-supreme-ordre-administration-trump-payer-aide-gelee. Consulté le 7 mars 2025.

Agence France-Presse. 2025. « Donald Trump menace les écoles « qui permettent des manifestations illégales » ». La Presse. https://www.lapresse.ca/international/etats-unis/2025-03-04/fin-du-financement-federal/donald-trump-menace-les-ecoles-qui-permettent-des-manifestations-illegales.php. Consulté le 7 mars 2025.

Allmendinger, Philip. 2002. Planning Theory. Houdmills and New York : Palgrave, 346 p.

Bustinduy, Pablo. 2025. « La démocratie contre les ultra-riches ». Le Grand Continent. https://legrandcontinent.eu/fr/2025/02/27/la-democratie-contre-les-ultra-riches/. Consulté le 7 mars 2025.

Deglise, Fabien. 2024. « Le projet 2025 au cœur du prochain gouvernement de Donald Trump ». Le Devoir, 22 novembre 2024. https://www.ledevoir.com/monde/etats-unis/824218/analyse-projet-2025-coeur-prochain-gouvernement-donald-trump?. Consulté le 7 mars 2025.

Levasseur, Carol. 2006. Incertitude, pouvoir et résistances : les enjeux du politique dans la modernité. Québec : PUL, 433 p.

Michels, Robert. 2009. Les partis politiques. Bruxelles : Éditions de l'Université de Bruxelles, 271 p.

Monod, Jean-Claude. 2021. « Avatars de l'autoritarisme ». https://shs.cairn.info/revue-critique-2021-6-page-512?lang=fr.  Cairn – Info : Sciences humaines & sociales. https://shs.cairn.info/revue-critique-2021-6-page-512?lang=fr. Consulté le 7 mars 2025.

Morel, Yves. 2024. « De nouveaux types de dictature qui attestent le retour de la prévalence de la Realpolitik ». Politique magazine. https://politiquemagazine.fr/civilisation/de-nouveaux-types-de-dictature-qui-attestent-le-retour-de-la-prevalence-de-la-realpolitik-2/.  Consulté le 7 mars 2025.

Naughtie, Andrew. 2024. « Qui sont les principaux alliés de Donald Trump en Europe ». Euronews. https://fr.euronews.com/2024/09/17/qui-sont-les-principaux-allies-de-donald-trump-en-europe.  Consulté le 7 mars 2025.

Ostrogorski, Moisie. 1993. La démocratie et les partis politiques. Paris : Fayard, 768 p.

Perrin, André. 2017. « Démocratie, tyrannie des minorités, paradoxes de la majorité ». Mezetule. https://www.mezetulle.fr/democratie-tyrannie-des-minorites-paradoxes-de-la-majorite/. Consulté le 7 mars 2024.

Polybe. 1977. Histoires. Paris : Les Belles lettres, p. 71-80.

Rouleau, Marie-Paul. 2024. « Comment le « Make America Great Again” est devenu le MAGA ». Le Devoir, 26 octobre 2024. https://www.ledevoir.com/monde/etats-unis/822470/comment-make-america-great-again-est-devenu-maga?. Consulté le 7 mars 2025.

Sans auteur. 2024. « Les États-Unis seront-ils contrôlés par une clique de milliardaires ? Le risque de glissement vers une oligarchie est réel ». Université Laval : Salle de presse.
https://salledepresse.ulaval.ca/2024/12/16/les-etats-unis-seront-ils-controles-par-une-clique-de-milliardaires-le-risque-de-glissement-vers-une-oligarchie-est-reel-498fb51c-2448-422d-8472-ef8777697b2c. Consulté le 7 mars 2025.

Schwartzenberg, Roger-Gérard. 1992. L'État spectacle. Paris : Garnier-Flammarion, 318 p.

Thucydide. 1966. Histoire de la guerre du Péloponnèse. Tome I. Paris : GF-Flammarion, p. 151 (II : chap. LXVI).

Tocqueville, Alexis. 2010. De la démocratie en Amérique. Tomes 1 et 2. Paris : Flammarion, 413 p. et 414 p.

Vallet, Élisabeth. 2025. « Le grand bond en arrière ». Le Devoir. 1er et 2 mars 2025, p. A6.

Zinn, Howard. 2006. Une histoire populaire des États-Unis : De 1492 à nos jours. Montréal : Lux éditeur, 812 p.

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Un 8 mars en silence contre l’administration Trump

10 mars, par Nicolas De Bellefeuille
Nicolas de Bellefeuille, correspondant en stage C’est au coin des rues Sainte-Catherine et Stanley, que le collectif Mères au front a donné rendez-vous à la population (…)

Nicolas de Bellefeuille, correspondant en stage C’est au coin des rues Sainte-Catherine et Stanley, que le collectif Mères au front a donné rendez-vous à la population montréalaise, dans le cadre de la journée internationale des droits des femmes. Vêtues de rouge, en partie ou en totalité, Laure (…)

Croissance internationale de la privatisation de la santé, sans démonstration de son efficacité !

8 mars, par Emma Soares
Colloque Tout sauf santé – compte rendu de l’atelier comprendre la privatisation à l’international par Emma Soares, correspondante en stage. Suite à l’élan progressiste de (…)

Colloque Tout sauf santé – compte rendu de l’atelier comprendre la privatisation à l’international par Emma Soares, correspondante en stage. Suite à l’élan progressiste de l’après-guerre et huit décennies d’États providences en Europe, on observe un recul dangereux des droits à la santé des (…)

Blocage des livraisons dans cinq entrepôts d’Intelcom au Québec

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2025/03/Still-2025-03-08-120904_1.43.2-1-e1741471556954-1024x478.png8 mars, par Comité de Montreal
Dans un effort coordonné par l'organisation Alliance Ouvrière, des travailleurs et des militants ont bloqué ce matin les livraisons dans cinq entrepôts d'Intelcom du Québec, à (…)

Dans un effort coordonné par l'organisation Alliance Ouvrière, des travailleurs et des militants ont bloqué ce matin les livraisons dans cinq entrepôts d'Intelcom du Québec, à Montréal, Québec, Gatineau et Joliette. Intelcom est le principal sous-traitant pour les livraisons d'Amazon dans la (…)

Quelle riposte féministe face à la montée de l’extrême droite ?

8 mars, par Océane Leroux-Maurais
Océane Leroux-Maurais, collaboration spéciale et adjointe à la direction de Katalizo Quand le vent tourne à droite, dressons nos voiles à gauche — c’est sous ce titre que la (…)

Océane Leroux-Maurais, collaboration spéciale et adjointe à la direction de Katalizo Quand le vent tourne à droite, dressons nos voiles à gauche — c’est sous ce titre que la Fédération des femmes du Québec (FFQ) a présenté un panel lors de son Assemblée générale politique, le 22 février dernier. (…)

Honduras : confirmation du co-auteur du meurtre de Berta Cáceres et de sa condamnation à 30 ans

8 mars, par Rédaction-coordination JdA-PA
Nous partageons une publication du Comité pour les droits humains en Amérique latine provenant du Conseil des organisations populaires et indigènes du Honduras (COPINH) sur la (…)

Nous partageons une publication du Comité pour les droits humains en Amérique latine provenant du Conseil des organisations populaires et indigènes du Honduras (COPINH) sur la victoire de la sentence finale pour le coauteur de l’assassinat de Berta Cáceres, le 9 février 2025. La Cour Suprême de (…)

Un cinéaste réfléchit sur les révolutionnaires Jose Maria Sison et Julie de Lima

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2025/03/470239456_122199888878198583_8780084443159354784_n-e1741391800822-1024x457.jpg8 mars, par West Coast Committee
Le titre principal du film de Malcolm Guy, Mon ami le terroriste, vise à ridiculiser l'étiquette de terroriste accolée à Jose Maria Sison, le révolutionnaire qui, en 1968, a (…)

Le titre principal du film de Malcolm Guy, Mon ami le terroriste, vise à ridiculiser l'étiquette de terroriste accolée à Jose Maria Sison, le révolutionnaire qui, en 1968, a refondé le parti communiste des Philippines et lancé une guérilla qui se poursuit 56 ans plus tard. S'adressant à L'Étoile (…)

8 mars : une journée engagée pour les droits des femmes

6 mars, par Marc Simard
L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local Le 8 mars 2025, à l’occasion de la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes, le Comité élargi 8 mars (…)

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local Le 8 mars 2025, à l’occasion de la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes, le Comité élargi 8 mars de Rimouski-Neigette convie la population à une journée de mobilisation féministe. Gratuit et ouvert à toutes et tous, (…)

Les États-Unis et la paix totale en Colombie : un conflit de priorités

6 mars, par Isabel Cortés
Isabel Cortés, collaboration spéciale La politique de paix totale du président colombien Gustavo Petro traverse une période critique. Avec le retour de Donald Trump à la (…)

Isabel Cortés, collaboration spéciale La politique de paix totale du président colombien Gustavo Petro traverse une période critique. Avec le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, la pression des États-Unis sur la Colombie s’est intensifiée, et la récente demande d’extradition de Geovany (…)

La transition écologique, ça concerne tout le monde !

6 mars, par Ligue des droits et libertés

Retour à la table des matières Droits et libertés, automne 2024 / hiver 2025

La transition écologique, ça concerne tout le monde !

Entretien avec Nadia Lemieux, Chargée de projet, Collectivité ZéN Québec Propos recueillis par Elisabeth Dupuis, Responsable des communications, Ligue des droits et libertés Les changements climatiques touchent directement les municipalités, des plus petites aux plus populeuses, qui font de plus en plus face à des événements extrêmes causant des dommages considérables aux infrastructures et mettant en danger les populations. Les effets visibles des changements climatiques étant souvent d’ordre matériel, plusieurs municipalités se concentrent davantage sur des transformations d’ordre technique comme les mesures d’adaptation aux changements climatiques. Un aspect rarement abordé par les municipalités est celui de la justice sociale en tant que pilier d’une transition écologique réussie, qui « suppose que l’on revoie en profondeur plusieurs pans de l’activité humaine, particulièrement le modèle économique, les modes de production et de consommation1 ». Cette proposition représente une voie déterminante à saisir par les collectivités et par les municipalités. Les mobilisations citoyennes sont au cœur de ce mouvement pour une transition écologique porteuse de justice sociale. Elles s’incarnent à travers différents groupes et coalitions de la société civile et développent des initiatives porteuses d’avenir. [caption id="attachment_20841" align="alignright" width="339"] Crédit : Engrenage Saint-Roch[/caption]

Des mobilisations citoyennes

Le Front commun pour la transition énergétique (FCTÉ), composé de plus de 90 membres à l’échelle du Québec, incluant la Ligue des droits et libertés, a lancé le projet Collectivités Zéro Émission Nette (ZéN) dans la foulée de l’élaboration d’une feuille de route pour la transition du Québec vers la carboneutralité appelant à la création de communautés résilientes. Depuis 2021, huit Collectivités ZéN se sont implantées à travers le Québec à des échelles locale ou régionale (Québec, Lachine, Laval, Saguenay–Lac-Saint-Jean, Outaouais, Ahuntsic-Cartierville, Gaspésie, Rimouski), s’appuyant sur une démarche de coconstruction et d’innovation sociale. Ces projets collectifs sont accompagnés par le FCTÉ, mais portés par des organisations locales, dont des organismes communautaires, des groupes citoyens et parfois des institutions. « Le but du projet est de rassembler, mailler et accompagner le maximum d’organisations d’un territoire, pour mettre en œuvre, de façon concertée, une transition menant à la justice sociale et au respect des limites planétaires, incluant la carboneutralité2 ». Il s’agit d’une réelle transformation systémique touchant tous les aspects de la vie sociale qui est visée.

En complémentarité

L’action des Collectivités ZéN est à la fois différente et complémentaire d’une planification de la transition par une ville ou par une municipalité régionale de comté (MRC). Elle s’appuie sur une démarche ascendante de coconstruction qui implique que plusieurs membres de la collectivité travaillent activement à la planification au lieu d’être uniquement consultés dans un processus piloté par un acteur municipal ou encore, gouvernemental. Dans une optique d’innovation sociale, les Collectivités ZéN contribuent à créer ensemble un imaginaire positif du futur qui soit rassembleur et engageant. Pour ce faire, elles sont soutenues par le milieu de la recherche, à travers l’accompagnement du projet Chemins de transition de l’Université de Montréal. Une méthodologie éprouvée permet de coconstruire, avec des citoyen-ne-s rassemblé-e-s lors d’ateliers, une vision citoyenne du futur. À Québec, par exemple, une vingtaine d’ateliers d’exploration du futur a permis de rejoindre près de 200 personnes pour élaborer une vision du futur de la ville. Cette vision, qui sert de phare à la transition, aborde des thématiques aussi variées que le pouvoir d’agir collectif, les milieux de vie, le modèle économique et le tissu social. Lorsque la vision est coconstruite, elle s’ancre davantage dans la communauté et suscite une forte mobilisation citoyenne autour de projets communs. Les municipalités peuvent ensuite intégrer ces visions dans leur propre planification en matière d’action climatique ou de transition.
Si plusieurs municipalités ou MRC sont proactives sur le plan de l’adaptation aux changements climatiques, les aspects de justice sociale sont encore trop peu pris en compte dans le contexte de leur transition écologique.
[caption id="attachment_20842" align="alignnone" width="731"] Crédit : Peggy Henry[/caption]

Des décisions de la base

Pour lutter efficacement contre les changements climatiques, Nadia de la Collectivité ZéN de Québec considère que le leadership se doit d’être partagé entre les municipalités et les populations. La ville est évidemment un acteur majeur, car elle dispose de leviers et de compétences pouvant avoir un impact direct sur l’atteinte de la résilience d’une collectivité ; pensons notamment au transport, à l’aménagement du territoire ou à l’habitation. Ainsi, la ville possède des pouvoirs, une force de frappe importante et des fonds qui pourraient servir à soutenir et encourager plus adéquatement les initiatives et les projets qui émergent de l’action citoyenne, par exemple pour protéger les milieux naturels ou renforcer l’autonomie locale dans les quartiers. Les décisions concernant les changements à mener doivent naître des populations directement concernées par les transformations de leurs milieux de vie. Dès le début, elles doivent participer à la planification de la transition socioécologique et faire partie de toutes les étapes de sa mise en œuvre. En ce sens, Nadia relève un manque de pouvoir d’agir des citoyen-ne-s en général, qui disposent de peu d’accès aux sphères décisionnelles les concernant. Les Collectivités ZéN sont des exemples de nouveaux espaces de dialogue et de travail collectif visant à renforcer le pouvoir d’agir des citoyen-ne-s et des différents acteurs locaux concernés par les transformations à venir. Il arrive souvent que les villes préconisent une logique de sensibilisation, d’éducation ou de communication cherchant à changer le comportement des citoyen-ne-s. Cette approche nuit à l’obtention d’une réelle adhésion aux actions en faveur de la transition écologique, car elle n’est pas en adéquation avec le renforcement du pouvoir d’agir des citoyen-ne-s. Une participation concrète aux transformations exige que les citoyen-ne-s fassent valoir leurs réalités et besoins et mettent de l’avant leur propre vision pour leur quartier. Le soutien des villes est nécessaire pour permettre aux diverses initiatives de se déployer pleinement. Des niches de transition socioécologiques, par exemple des espaces collectifs ou des tiers lieux, sont des lieux d’expérimentation, de solidarité, d’inclusion, où de nouvelles façons d’être ensemble se dessinent. D’autres projets porteurs peuvent avoir une approche entrepreneuriale qui veut le bien-être collectif plutôt que l’enrichissement. À travers le Québec, de telles initiatives se créent et s’inspirent mutuellement, ce qui fait émerger un mouvement plus large et renforce la résilience des communautés.

Plus qu’un défi technique

Les villes doivent s’extirper du discours expert, purement technique de la lutte aux changements climatiques et de l’adaptation, car la transition n’est pas un simple défi technique. Ce sont des changements structurants, à tous les niveaux, nécessaires pour appréhender la transition écologique. Prenons l’exemple d’un plan de verdissement d’un quartier proposé par une municipalité qui se limiterait au nombre d’arbres à planter. Les Collectivités ZéN considèrent que l’apport de la population aux solutions de ce type permet d’aller au-delà des considérations sur un nombre d’arbres optimal. En impliquant les citoyen-ne-s dans des espaces de dialogue pour qu’ils et elles expriment leurs besoins concrets, une politique de verdissement a le potentiel d’améliorer concrètement les conditions de vie et l’équité au sein des quartiers. L’exemple du projet en verdissement de L’Engrenage Saint-Roch est éloquent. Le quartier Saint-Roch est l’un des quartiers de Québec avec le taux de canopée le plus faible et où se trouvent plusieurs îlots de chaleur. L’organisme, travaillant auprès des personnes à faible revenu et des personnes en situation d’itinérance, pilote le projet Verdir Saint-Roch, financé par la ville, pour favoriser « la création de lieux communs et d’initiatives d’aménagement durable3 ». Ce projet a impliqué les personnes de la communauté dans tout le processus, de la plantation à l’entretien. Ce projet est une alternative aux habituelles plantations dans des bacs de la ville, parfois laissés à l’abandon après quelque temps, car il renforce l’autonomie des participant-e-s.

Leadership de la ville

Si de nombreux groupes sur le terrain et citoyen-ne-s sont déjà engagés et convaincus de l’importance d’agir, ils peuvent aussi vivre un certain découragement. Un climat d’impuissance peut s’installer face à d’autres acteurs du territoire, comme les grandes entreprises, pour qui le business as usual se poursuit. Dès lors, les citoyen-ne-s ont des attentes par rapport à la ville : elle doit mettre à profit ses leviers politiques et réglementaires pour amener les entreprises et la grande industrie à réduire leurs impacts environnementaux et à s’impliquer davantage dans la transition socioécologique. Bien souvent, la ville se trouve en porte-à-faux avec, d’un côté, le développement économique et la recherche de nouvelles recettes fiscales et, de l’autre, les impératifs de la transformation socioécologique. Le pouvoir d’agir de la base, malgré les efforts qui visent à le renforcer, continue de se buter au pouvoir et aux actions des acteurs très influents. Dans une optique de justice environnementale, la ville doit reconnaître que certains groupes sont plus affectés que d’autres par les impacts des crises environnementales, d’autant plus que ces groupes sont ceux qui y contribuent le moins. Pour Nadia, dans le but de renforcer le pouvoir d’agir, il est nécessaire que la ville accorde une place importante à ces groupes traditionnellement exclus des espaces décisionnels. La ville peut travailler plus étroitement avec les organismes communautaires intervenant auprès des personnes marginalisées afin de prendre en considération leur réalité dès la planification. Dans le cadre des plans d’adaptation aux changements climatiques, les Directions de santé publique s’impliquent proactivement pour identifier les bulles de vulnérabilité de différentes populations, et pour éviter de renforcer certaines inégalités sociales.
[la ville] doit mettre à profit ses leviers politiques et réglementaires pour amener les entreprises et la grande industrie à réduire leurs impacts environnementaux et à s’impliquer davantage dans la transition socioécologique.

Réelle participation citoyenne

Il arrive que des villes s’étonnent de l’opposition citoyenne à des projets dits positifs sur le plan de l’adaptation aux changements climatiques ; elles oublient que les citoyen-ne-s sont mis, souvent, devant le fait accompli. Il arrive que l’information soit publiée dans les médias plutôt qu’à travers des séances d’information ou de consultation à la ville. Il faut se rappeler que les villes axent leurs démarches sur l’atteinte de l’acceptabilité sociale, un concept qui, selon la Ligue des droits et libertés et le Regroupement québécois des groupes écologistes, est du ressort du « marketing enrobé dans un langage qui lui donne un vernis social progressiste4 ». La participation citoyenne à la prise de décisions est l’un des trois piliers du droit à un environnement sain, avec l’accès à l’information et l’accès à la justice. Il faut comprendre que « le droit à un environnement sain est un droit humain, universel, inaliénable, interdépendant et indissociable des autres droits humains. Pour qu’il soit respecté, plusieurs conditions démocratiques5 » doivent être réunies en plus des éléments environnementaux comme la qualité de l’eau ou de l’air, par exemple. Cela dit, une réelle participation citoyenne requiert que les personnes fassent partie des transformations, avec un réel pouvoir d’agir. Pour y arriver, une décentralisation du pouvoir doit être envisagée. À Québec, les conseils de quartier pourraient être renforcés en ce sens. Pour le moment, leur rôle réside dans la consultation citoyenne, mais ultimement ces instances pourraient détenir plus de pouvoir. En revanche, cette restriction de pouvoir n’a pas empêché un conseil de quartier de se mobiliser, de défendre les droits des populations locales et de s’exprimer dans l’espace public sur les enjeux de la qualité de l’air à Québec. Les Collectivités ZéN espèrent que les villes prennent acte de leurs travaux, comme leurs visions du futur, qui illustrent des consensus grandissants en matière de transformations systémiques à opérer. La légitimité de la démarche vient de la coconstruction avec des groupes citoyens et des organismes locaux. Les villes ont tout intérêt à tenir compte des perspectives qui émergent de la société civile et des initiatives citoyennes, qui défrichent déjà le chemin vers le monde de demain.
1 En ligne : https://www.pourlatransitionenergetique.org/les-criteres-dune-transition-energetique-porteuse-de-justice-sociale/ 2 En ligne : https://www.pourlatransitionenergetique.org/le-projet-collectivite-zen/ 3 En ligne : https://www.engrenagestroch.org/projets/verdir-saint-roch/ 4 Ligue des droits et libertés, Le droit à un environnement sain : trois piliers démocratiques à défendre, Montréal, Québec, 2024. 5 Ibid.

L’article La transition écologique, ça concerne tout le monde ! est apparu en premier sur Ligue des droits et libertés.

Trudeau utiliserait la querelle des tarifs pour « rester au pouvoir » ?

6 mars, par Yvan Perrier — , ,
Le président des USA, Donald Trump, a ou aurait accusé Justin Trudeau d'utiliser la querelle autour des tarifs douaniers pour s'accrocher ou rester au pouvoir. C'est vraiment (…)

Le président des USA, Donald Trump, a ou aurait accusé Justin Trudeau d'utiliser la querelle autour des tarifs douaniers pour s'accrocher ou rester au pouvoir. C'est vraiment du n'importe quoi. Chaque jour Trump confirme que la politique active est un champ d'activité pour lequel il n'existe aucun critère de qualification à la base. N'importe qui peut se présenter à un poste de représentante-représentant du peuple et devenir ensuite chefFE du pouvoir exécutif. Dans un contexte de poly-crises comme celles que nous connaissons (écologie, guerres, répartition de la richesse, etc…) c'est affligeant de voir et de constater qu'il en est ainsi.

Yvan Perrier
5 mars 2025
20h15

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

L’oligarchie canadienne soutient le nettoyage ethnique de la Cisjordanie

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2025/03/bds-protest.jpg6 mars, par West Coast Committee
Une invasion dévastatrice d'Israël—avec l'aide de l'Autorité palestinienne (AP)—a déplacé plus de 40 000 Palestiniens de Cisjordanie, les privant de leurs maisons et de leurs (…)

Une invasion dévastatrice d'Israël—avec l'aide de l'Autorité palestinienne (AP)—a déplacé plus de 40 000 Palestiniens de Cisjordanie, les privant de leurs maisons et de leurs moyens de subsistance. L'invasion a été lancée dès le début du cessez-le-feu à Gaza. Le gouvernement canadien et les (…)

Trump, la droite radicale et la gauche au Québec

5 mars, par Nicolas De Bellefeuille
Nicolas de Bellefeuille, correspondant en stage Le 21 février dernier s’est tenu un panel organisé par le réseau Révolution écosocialiste, avec pour sujet une question qui a (…)

Nicolas de Bellefeuille, correspondant en stage Le 21 février dernier s’est tenu un panel organisé par le réseau Révolution écosocialiste, avec pour sujet une question qui a alimenté bon nombre de réponses ; comment la gauche québécoise envisage-t-elle la bataille avec l’extrême droite ? Amir (…)

Le masculinisme, ou l’illusion d’une cause

5 mars, par Lina Al Khatib
Lina Al Khatib, correspondante En perspective de la Journée internationale pour les droits des femmes , un retour sur la dernière conférence de l’Université populaire (UPop) de (…)

Lina Al Khatib, correspondante En perspective de la Journée internationale pour les droits des femmes , un retour sur la dernière conférence de l’Université populaire (UPop) de Montréal est nécessaire. Animée par la sociologue Mélissa Blais et le politologue Francis Dupuis-Déri, cette rencontre (…)

Fonds publics à la carte

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2025/03/trumpelonfr.webp4 mars, par L'Étoile du Nord
L’article Fonds publics à la carte est apparu en premier sur L'Étoile du Nord.

L’article Fonds publics à la carte est apparu en premier sur L'Étoile du Nord.

Amphibie : un balado sur l’écologie queer

4 mars, par Marc Simard
L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local Le balado Amphibie se donne pour mission de traduire, vulgariser et mettre en récit les recherches issues du domaine (…)

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local Le balado Amphibie se donne pour mission de traduire, vulgariser et mettre en récit les recherches issues du domaine de l’écologie queer. Il s’agit d’un projet à la croisée des disciplines, combinant des dimensions littéraires, sonores, (…)

Trump, Poutine et la guerre en Ukraine : le réveil douloureux de l’Europe face à la montée du fascisme mondial

Depuis quelques semaines, et plus encore ces derniers jours, un état de paralysie semble s'être emparé du paysage politique européen. Pourtant, Trump, Poutine et d'autres (…)

Depuis quelques semaines, et plus encore ces derniers jours, un état de paralysie semble s'être emparé du paysage politique européen. Pourtant, Trump, Poutine et d'autres dirigeants d'extrême droite n'ont jamais caché leurs ambitions. Ils les ont ouvertement énoncées pendant des années, sans prétention. Il faut le dire clairement : leur projet est fasciste.

27 février 2025 | tiré d'International View Point
https://internationalviewpoint.org/spip.php?article8872

Un régime fasciste est en train de s'installer aux États-Unis. En Russie, il est déjà en place depuis trois ans – une réalité que beaucoup ont préféré nier, s'accrochant à l'illusion d'un retour en douceur à la normale, à un statu quo qui n'a été perçu que comme temporairement perturbé par la guerre de la Russie contre l'Ukraine.

Le même statu quo qui a permis à l'Union européenne – l'Allemagne en premier lieu – de continuer à importer des hydrocarbures russes bon marché tout en exportant des produits haut de gamme vers la Chine et les États-Unis. Un monde si confortable que les Ukrainiens, dans leur résistance obstinée, ne sont devenus rien de plus qu'une nuisance. Si seulement ils avaient accepté de vivre sous l'occupation d'un régime qui viole, tue et torture à grande échelle, peut-être aurions-nous pu continuer à prospérer indéfiniment... Une illusion aussi naïve que cynique.

Alors que l'Europe occidentale a mis de côté ses investissements dans la défense, la Russie, quant à elle, a utilisé ses revenus énergétiques pour moderniser son appareil militaire. L'annexion de la Crimée en 2014 et ses nombreuses opérations d'influence à travers l'Europe – y compris des crimes et des assassinats – sont restées pratiquement impunies. En 2022, lorsque la Russie a envahi l'Ukraine, le système européen de prospérité et de stabilité, construit sur la corruption morale, s'est effondré.

Pourtant, les dirigeants européens se sont accrochés à cette illusion, limitant leur capacité à imposer des sanctions rapides et efficaces contre la Russie et retardant l'aide à l'Ukraine à un moment critique – alors qu'elle avait la meilleure chance de modifier l'équilibre des forces sur le champ de bataille. Cette hésitation a permis à la Russie de s'emparer de territoires et de renforcer ses positions, ce qui a considérablement rendu les contre-offensives de l'Ukraine nettement plus coûteuses.

Après avoir concentré tous nos efforts sur la fermeture des yeux sur la réalité, nous nous trouvons maintenant abasourdis par une situation où tous nos points de référence se sont effondrés en quelques semaines. Le discours de J.D. Vance à Munich en est un exemple frappant.

J.D. Vance a été très clair : son ennemi n'est pas Vladimir Poutine, avec qui la nouvelle administration américaine partage de nombreuses affinités idéologiques. Son véritable ennemi, c'est l'Europe, ce sont tous ceux qui résistent à l'ordre qu'il cherche à imposer. Le même homme qui prône la construction de murs pour empêcher les migrants d'entrer veut aussi interdire les « barrières » contre l'extrême droite en Europe. Comme The Guardian l'a décrit avec justesse, il s'agissait d'un appel aux armes pour que les forces populistes de droite prennent le pouvoir à travers l'Europe, avec la promesse que le « nouveau shérif en ville » les aiderait à le faire. Rien ne doit résister à leur marche triomphale.

Les déclarations soulignant la nécessité urgente pour les pays européens d'augmenter radicalement et rapidement leurs dépenses militaires sont, malheureusement, correctes

Pourtant, il existe des obstacles à cet assaut contre l'Europe. La première ligne de défense est la société civile européenne, ses institutions démocratiques. Mais il y a un autre rempart : l'effort de millions d'Ukrainiens qui, depuis trois ans, se battent pour arrêter la montée du fascisme russe.

Cette barrière pourrait s'effondrer à tout moment, tandis que l'Europe continue de regarder, hochant la tête en signe de reconnaissance passive, sans voir que les mêmes eaux troubles s'infiltrent déjà de l'intérieur.

La répression contre les migrants, l'institutionnalisation de la misogynie et de l'homophobie, le déni du changement climatique, l'exploitation impitoyable des personnes et de la nature, la liquidation de l'Ukraine, l'expulsion des Palestiniens – ce sont les piliers du nouvel ordre émergent, qui prend déjà forme. À présent, cela devrait être clair comme le jour : abandonner les victimes d'une agression militaire – tout comme nous l'avons fait avec les Palestiniens et nous nous préparons maintenant à le faire avec les Ukrainiens – revient à donner carte blanche aux autocrates pour imposer leur domination par la force brute.

Il s'agit d'une équation simple que toute personne rationnelle devrait être capable de saisir. Il est donc d'autant plus perplexe que les actions de Donald Trump et celles de son administration aient apparemment choqué les Européens. Après tout, il a clairement indiqué à plusieurs reprises que c'était exactement ainsi qu'il avait l'intention d'agir. Ce qui est vraiment surprenant, ce n'est pas Trump lui-même, mais plutôt le manque de préparation et de prévoyance stratégique des Européens.

Les déclarations soulignant la nécessité urgente pour les pays européens d'augmenter radicalement et rapidement leurs dépenses militaires sont, malheureusement, correctes. Selon le Financial Times, les dépenses militaires de la Russie ont maintenant dépassé les budgets de défense combinés de tous les pays européens. D'ici 2025, Moscou allouera encore plus de fonds à la guerre – 7,5 % de son PIB, soit près de 40 % du budget national.

C'est l'un des avantages des régimes autoritaires sur les démocraties : ils peuvent mobiliser rapidement des ressources humaines et économiques pour la guerre, en imposant des mesures coercitives sans craindre une opposition de masse. Un État autoritaire, dont la population a été imprégnée d'une idéologie capitaliste tardive de cynisme et d'individualisme – comme c'est le cas en Russie – peut pousser cette logique encore plus loin. Pourtant, l'Europe semble aveugle à une autre réalité fondamentale des régimes autoritaires : une fois qu'un autocrate s'est lancé dans une guerre d'expansion, il ne peut pas simplement s'arrêter. La survie de son régime devient inséparablement liée à la guerre, qui finit par consumer toute la structure du pouvoir.

Les dirigeants européens, à l'instar d'Emmanuel Macron et d'Olaf Scholz, qui parlent aujourd'hui de la nécessité très réelle de renforcer la défense de l'Europe, sont les mêmes qui ont ouvert la voie à cette crise. Ils condamnent les abus de pouvoir sur la scène internationale tout en tolérant la logique darwinienne au sein de leurs propres sociétés – soutenant un système où les plus puissants continuent de dominer les plus vulnérables. Cette contradiction affaiblit leur crédibilité et alimente une méfiance croissante à l'égard des institutions démocratiques. Une telle incohérence crée un terrain fertile pour la montée des mouvements fascistes, qui capitalisent sur ces fractures pour mobiliser un électorat désabusé.

L'aggravation des inégalités, le sentiment croissant d'injustice et la perception d'une élite politique déconnectée de la réalité affaiblissent leur légitimité. Une société qui se sent abandonnée ou ignorée aura du mal à soutenir les engagements internationaux, même lorsqu'elle défend des principes fondamentaux tels que la défense des droits et de la souveraineté.

La répression contre les migrants, l'institutionnalisation de la misogynie et de l'homophobie, le déni du changement climatique, l'exploitation impitoyable des personnes et de la nature, la liquidation de l'Ukraine, l'expulsion des Palestiniens – ce sont les piliers du nouvel ordre émergent, qui prend déjà forme

Les populistes exploitent ce mécontentement en alimentant l'idée que les gouvernements sacrifient les intérêts nationaux au profit de causes prétendument lointaines, comme le soutien à l'Ukraine. Des personnalités politiques comme Jean-Luc Mélenchon en France et Sahra Wagenknecht en Allemagne dénoncent l'injustice sociale tout en adoptant la loi du plus fort sur la scène internationale, justifiant les violations commises par des régimes autoritaires comme la Russie. Leur positionnement opportuniste, motivé par des calculs électoraux, enlève toute crédibilité à leur rhétorique. Pourtant, il est impossible de séparer la justice sociale nationale des politiques internationales d'un pays. Une société qui tolère, voire encourage, le cynisme et la domination sur la scène mondiale normalisera inévitablement ces mêmes dynamiques dans ses relations sociales internes – et vice versa.

Une société plus juste et plus cohésive est mieux équipée pour soutenir les engagements internationaux et les budgets de défense – dont la nécessité est désormais indéniable. Des politiques de redistribution efficaces et urgentes sont essentielles pour restaurer la confiance des citoyens. Ainsi, l'aide que les pays européens peuvent apporter à l'Ukraine ne se limite pas à une aide militaire ou économique ; Il s'agit également de résoudre leur propre crise interne de légitimité. Cependant, il faut le répéter encore et encore : l'aide qui compte vraiment pour chaque Ukrainien est l'aide militaire. C'est la condition la plus cruciale pour la survie de l'Ukraine en tant que société, ainsi que pour chacun de ses habitants.

Beaucoup, en particulier en Allemagne, expriment des inquiétudes quant à l'influence de l'extrême droite en Ukraine. Pourtant, rien n'alimente plus l'extrémisme qu'un « accord de paix » injuste imposé à une victime d'agression contre sa volonté. Aucune situation n'est plus radicalisante qu'une occupation militaire associée à une oppression systématique et brutale. Si l'Ukraine est forcée d'accepter une paix dictée par la Russie, la frustration et l'injustice accumulées serviront de carburant aux mouvements radicaux, qui prospéreront aux dépens des forces modérées et progressistes. L'histoire regorge d'exemples d'accords de paix imposés qui ont donné naissance à des monstres – des organisations terroristes nées du désespoir et du ressentiment.

Trump déclare ouvertement sa volonté de négocier sans égard pour le gouvernement ukrainien ou son peuple. Ce faisant, il s'aligne entièrement sur l'agenda du Kremlin et légitime rétroactivement l'agression russe. Pire encore, en refusant d'appeler cette invasion pour ce qu'elle est vraiment – une guerre d'agression illégale, accompagnée de violations flagrantes du droit international et de crimes de guerre documentés – il envoie un message profondément dangereux. Il renforce l'idée que de telles politiques expansionnistes peuvent non seulement être tolérées, mais même récompensées. Taïwan, les Philippines, les États baltes, la Moldavie et l'Arménie doivent maintenant se préparer à être les prochains sur la liste. Dans ce contexte, il est impératif d'adopter une position ferme et sans équivoque : aucune négociation ne peut avoir lieu aux dépens du peuple ukrainien, et encore moins sans son consentement.

Le temps des lamentations est révolu. Le moment est venu d'agir. Car un jour, quand la poussière retombera et que le brouillard se lèvera, nous nous demanderons inévitablement avec horreur : comment avons-nous pu être si passifs, si aveugles, si indifférents face à ce désastre imminent ?

******

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Des débats à poursuivre et à approfondir face à la montée de la droite

4 mars 2025 | Presse_gauche_2017 Les intervenant-es présent-es à cette rencontre soulignent l'importance des défis auxquels doit faire face la gauche québécoise confrontée (…)

4 mars 2025 | Presse_gauche_2017

Les intervenant-es présent-es à cette rencontre soulignent l'importance des défis auxquels doit faire face la gauche québécoise confrontée à la montée de la droite et de l'extrême droite et la nécessité d'esquisser les perspectives communes.


Le panel tire des conclusions des débats de cette soirée. Une des principales, c'est qu'il faut multiplier les rencontres dans les prochains mois pour dégager des perspectives d'actions unitaires face à la montée de la droite. Il faut aussi mieux définir le projet de société proposé par la gauche face à la nouvelle situation.

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Politique étrangère de Trump 2 : le détricotage renforcé du multilatéralisme

4 mars, par Frédéric Ramel — , ,
La nouvelle séquence de Trump ravive son néo-souverainisme, centré sur la réaffirmation des prérogatives américaines et la remise en question de la coopération multilatérale. (…)

La nouvelle séquence de Trump ravive son néo-souverainisme, centré sur la réaffirmation des prérogatives américaines et la remise en question de la coopération multilatérale. Quels sont les effets de cette politique sur le multilatéralisme et le système des Nations Unies ? De l'ONU à l'OTAN, en passant par la diplomatie des clubs, les menaces sur leur existence et leurs esprits sont bien réelles.

26 février 2025 | tiré d'Europe solidaires sans frontières
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article73762

Lors de son premier mandat, Donald Trump s'inspire du président Jackson (1829-1837) jusqu'à placer un de ses portraits à la Maison Blanche. Il trouve dans cette figure qui n'appartient pas à la génération des « pères fondateurs » et qui s'imposa lors de sa première victoire électorale sur l'un des représentants de la dynastie des Adams, un modèle de populisme ainsi qu'un défenseur d'une conception ethnoculturelle de la nation à l'origine de la première « déportation » d'une nation amérindienne.

Par ailleurs, comme tout jacksonien, Donald Trump ne fut pas tant exaspéré par ses ennemis que par ses alliés, à l'instar des tensions majeures qui se sont manifestées avec les États membres de l'Alliance Atlantique. Au début de ce deuxième mandat, les références à des figures présidentielles antérieures se sont diversifiées. Donald Trump convoque William McKinley (1897-1901) et sa politique active d'acquisition territoriale ; Theodore Roosevelt (1901-1909) et sa politique impérialiste affichée ; ainsi que Ronald Reagan (1981-1989) qui, lui aussi prêta serment dans la rotonde du Capitole, et dont l'ambition fut de rétablir la grandeur des Etats-Unis notamment par la supériorité technologique du pays.

Par ailleurs, la nouvelle séquence Trump s'ouvre avec une réactivation des positions expansionnistes adoptées au cours du XIXe siècle avec pour épicentre le continent américain. Reprise par la force du Canal de Panama, inclusion du Canada en tant que membre des États-Unis d'Amérique réactivent la doctrine Monroe ayant pour finalité d'éviter toute intrusion de la part d'acteurs tiers au sein du continent. Étendu à d'autres territoires comme le Groenland, un tel expansionnisme s'enracine dans la « destinée manifeste », cette idée également déployée au XIXe siècle selon laquelle les États-Unis sont voués « à s'étendre sur le territoire donné par la Providence » selon l'expression originelle de John O'Sullivan en 1845. Le nouveau locataire de la Maison Blanche veut « poursuivre » cette destinée « jusque dans les étoiles, en envoyant des astronautes américains planter la bannière étoilée sur Mars ».

Mais une constance se manifeste entre les deux administrations, renvoyant à l'ADN de la politique étrangère cultivée par Trump : son néo-souverainisme. Celui-ci se traduit par une réaffirmation des prérogatives souveraines des États-Unis sans aucune conscience des limitations d'une part, et dans une volonté affichée de détruire les principes mêmes de la coopération multilatérale d'autre part. Toutes les organisations intergouvernementales deviennent ainsi des cibles privilégiées dont la nouvelle administration cherche à torpiller l'esprit : ce « multilateral way of life » qui serait, aux yeux de Donald Trump, le produit d'élites mondialisées hostiles aux intérêts des États-Unis.

Certains analystes perçoivent derrière une telle dénonciation la fin de l'exceptionnalisme américain ayant pour visée la projection de ses valeurs dans le monde. Il est vrai que cet exceptionnalisme extraverti à l'origine d'un ordre international libéral fait l'objet de mise à distance tout comme dans le premier mandat. En effet, Trump pulvérise cette convergence bipartisane entre Républicains et Démocrates ayant contribué à asseoir la politique étrangère des États-Unis depuis des décennies. Cela ne signifie pas, néanmoins, la disparition d'une certaine exceptionnalité fondée sur l'apologie de la puissance des États-Unis. Quelles sont alors les conséquences de cette politique néo-souverainiste sur le multilatéralisme et, plus largement, le système des Nations Unies depuis la deuxième investiture de Donald Trump ?

Détruire l'héritage d'Obama. Tel était le fil rouge de la politique multilatérale de l'administration Trump 1. Outre les retraits de l'Accord de Paris sur le climat ou encore de l'Unesco, une telle politique a paralysé une partie des activités de l'Organisation mondiale du commerce. En refusant de nommer des juges au sein de l'Organe de règlement des différends, elle enraya l'activité contentieuse de l'organisation. Avec une Alliance Atlantique considérée à la fois comme obsolète et inégalitaire eu égard aux contributions des États-Unis, l'administration Trump 1 causa également de l'émoi au sein de l'Otan.

Dans l'esprit des alliés, ce fut l'intérêt même de Washington pour le sort du vieux continent qui interrogea. Un moment symbolique fut particulièrement révélateur : la cérémonie d'inauguration du nouveau Quartier Général de l'Otan à Bruxelles en 2017. Le président apporta en guise de présents des fragments des tours jumelles du World Trade Center effondrés après les attentats suicides du 11 septembre 2001 mais ne fit aucune allusion au fameux article 5 du Pacte Atlantique stipulant que les alliés se protégeront mutuellement en cas d'attaque armée. Un article mobilisé une seule fois depuis la fin de la guerre froide ; à savoir après le 11 septembre 2001 pour exprimer la solidarité stratégique de l'ensemble des alliés avec les États-Unis.

Détricoter le multilatéralisme de façon radicale. Avec son second mandat, les salves adoptées par l'administration Trump 2 se font plus organisées, plus systématiques, plus directives, plus immédiates. Le président fait montre d'un exceptionnalisme totalement délié de cet esprit du tissage qui caractérise la coopération multilatérale. À l'échelle régionale, la hausse des droits de douane envers le Canada et le Mexique remet en question l'Accord Canada États-Unis Mexique entré en vigueur en 2020 et remplaçant l'Accord de Libre-Echange Nord-Américain. Certes, les réactions ne se sont pas faîtes attendre : mesures de réciprocité ou encore négociations relatives à la question migratoire pour contrecarrer l'action unilatérale de la nouvelle administration. Toujours est-il que le mouvement néo-souverainiste s'engage dès les premiers jours de la présidence sur le sol même du continent américain.

À l'échelle universelle, il décide de quitter l'Organisation mondiale de la santé, ou à nouveau des Accords de Paris, une sortie effective dans un an, ce qui oblige les États-Unis à mettre en œuvre les engagements de la précédente administration Biden pendant cette période de transition. Elise Stefanik nommée à la tête de la mission diplomatique des États-Unis à l'ONU adopte un discours plus qu'acerbe à l'endroit de l'organisation, que ce soit sur le plan financier ou bien en ce qui concerne les actions entreprises en son nom.

Quant à la Cour pénale internationale et les mandats d'arrêt prononcés à l'encontre du Premier ministre israélien et de son ministre de la Défense, la position de Trump 2 s'inscrit dans le prolongement de l'IIlegetimate court Couteraction Act prévoyant « des sanctions contre employés et associés de la CPI si elle enquêtait ou poursuivant certains individus, y compris des forces armées d'alliés ou partenaires des Etats-Unis ». Le décret signé le 6 février, prévoit le gel des avoirs détenus aux États-Unis par les dirigeants, employés et agents de la Cour, ainsi que par leurs familles et tout personne considérée comme ayant apporté son aide aux travaux d'enquête et de la juridiction. Ces personnes se voient également interdire l'entrée sur le sol des États-Unis.

À nouveau, ce mouvement néo-souverainiste s'enclenche immédiatement après la prise de fonction. Il y a là une véritable volonté d'impulser le plus rapidement possible un démontage des formes multilatérales existantes. À cet esprit multilatéral, Trump substitue la logique du bilatéral comme essence même de la politique étrangère. Cette logique de transaction directe, sans intermédiaire et esprit de collégialité sous le giron d'organisations intergouvernementales, torpille le système des Nations Unies. Déjà fort critiqué pour ses carences de représentativité, d'efficacité mais aussi de légitimité, celui-ci est encore plus fragilisé par les coups de butoir assénés par la nouvelle administration Trump. Certes, d'autres États comme la Chine profiteront de ce désinvestissement pour impulser leur propre agenda et infléchir les directions prises par les Nations Unies selon leurs propres priorités. Mais comment aspirer à l'universalité sans un État membre comme les États-Unis ? Les appels à une deuxième Charte des Nations Unies formulés par une coalition d'ONG et notamment le Global Governance Forum soutenu par l'Inde et l'Afrique du Sud par exemple peuvent-ils être entendus à la Maison Blanche alors que la réforme de l'organisation est plus que nécessaire ?

La promotion d'un multilatéralisme solidaire voire sa défense constitue l'un des enjeux les plus saillants de cette séquence diplomatique qui s'ouvre

Parmi les organisations multilatérales les plus exposées à ces menaces pour leur propre existence, le sort de l'Otan doit être considéré. Trump continuera de faire pression sur les États européens membres afin qu'ils élèvent leur budget de défense à 5 % de leur PIB alors que la dynamique résultant de la guerre entre la Russie et l'Ukraine les avait déjà amenés à se rapprocher des 2 %. Envisager de sortir définitivement de l'Alliance se révèle toutefois bien plus aléatoire. Rare initiative bipartisane de la précédente législature, le Congrès a adopté une procédure qui prévoit une information de six mois avant d'entreprendre tout plan de retrait par la présidence, ainsi qu'une majorité qualifiée – les deux tiers du Sénat – pour rendre tout départ effectif.

Malgré cet élément dissuasif concernant une éventuelle sortie de l'Otan, d'autres indices sont révélateurs d'un manque d'appétence de l'administration pour le multilatéralisme, y compris le plus souple. La nouvelle administration se désintéresse de la diplomatie de club, c'est-à-dire des enceintes multilatérales qui ne sont pas celles des organisations intergouvernementales en tant que telles. Le G7 et le G20 au tout premier plan ne sont pas considérés comme des lieux de dialogue pertinents par Trump. Alors qu'ils ont été des espaces de discussion ouverte et non contraignante au sein desquels les différentes administrations trouvaient une ressource pour leur propre diplomatie, le nouveau président leur tourne ostensiblement le dos à l'instar des relations dégradées avec l'Afrique du Sud actuelle présidente du G20 et ce, alors même que les États-Unis doivent assurer la présidence en 2026, ce qui oblige à une coordination renforcée.

Ainsi, Marco Rubio, le nouveau Secrétaire d'État, a déclaré boycotter la réunion des Ministres du forum prévue fin février, prétextant la soi-disant « politique antiaméricaine » de l'Afrique du Sud mais aussi les questions foncières suite à une nouvelle loi adoptée permettant à l'État sud-africain d'exproprier des terres sans compensation lorsqu'elles sont considérées comme inutilisées ou abandonnées. La nouvelle administration l'interprète comme une atteinte aux droits des propriétaires qui sont essentiellement de minorité blanche dans le pays.

À ce diagnostic du détricotage flagrant, s'ajoute une tendance particulièrement préoccupante pour une certaine tradition multilatérale. Le multilatéralisme peut présenter plusieurs formes comme en attestent les initiatives des émergents et notamment celles de la Chine, parallèlement au système des Nations Unies. Mais il en est une qui repose sur des valeurs de solidarité, de liberté et plus largement de référence aux droits humains. Cette tradition établit un lien étroit entre sa substance – améliorer les conditions d'existence des individus et des peuples face à des enjeux mondiaux auxquels nous sommes toutes et tous confrontés d'une manière ou d'une autre –, et les moyens – cultiver la coopération, la discussion, la délibération collégiale. Ce multilatéralisme trouve dans les puissances moyennes démocratiques l'un de ses piliers les plus conséquents.

À l'heure où ce multilatéralisme fait l'objet d'inventaire et doit nécessairement être réformé, il ne faudrait pas que ce multilatéralisme disparaisse dans les reliques de l'histoire. Ce multilatéralisme est de plus en plus contesté par les États du « Sud global ». Trump se veut le fossoyeur de ce multilatéralisme. Qui pourrait alors se faire l'avocat d'une ONU renouvelée, et de cette conception multilatérale ? Depuis 1994 et la fin de l'implication états-unienne au sein de la Mission des Nations Unies en Somalie, les États-Unis cultivent un multilatéralisme sélectif. Avec Trump 2, un autre danger se donne à voir : un refus sans appel du multilatéralisme solidaire et des valeurs qui en font la sève.

La promotion d'un tel multilatéralisme voire tout simplement sa défense constitue l'un des enjeux les plus saillants de cette séquence diplomatique qui s'ouvre avec la mise en place de la nouvelle administration, d'autant plus si celle-ci parvient à nouer des alliances avec d'autres gouvernements nationalistes et néo-souverainistes alignés avec cette conception radicale. Celle qui privilégie la représentation d'un globe objet de conquêtes et d'exploitation sans limites, et non d'une planète à préserver comme habitat du vivant.

Frédéric Ramel
Politiste

Ce texte, publié en partenariat avec l'Association française de science politique, est issu de son webinaire Poli(cri)tique.
P.-S.

• AOC, mercredi 26 février 2025 :
https://aoc.media/analyse/2025/02/25/politique-etrangere-de-trump-2-le-decricotage-renforce-du-multilateralisme/?loggedin=true

• Frédéric Ramel. Politiste, Professeur des universités en Science politique à Sciences Po Paris, chercheur au CERI.

******

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Haïti : Dette et souveraineté alimentaire, l’impossible cohabitation

4 mars, par Jean-Pierre Ricot, Peterson Derolus — , ,
La souveraineté alimentaire a été toujours au cœur des luttes décoloniales ayant abouti à l'indépendance d'Haïti. Les captifs réduits en esclavage se sont clairement fixés des (…)

La souveraineté alimentaire a été toujours au cœur des luttes décoloniales ayant abouti à l'indépendance d'Haïti. Les captifs réduits en esclavage se sont clairement fixés des objectifs visant à éliminer le système colonial pour le remplacer par des structures agraires capables d'assurer la souveraineté alimentaire du pays, en posant les bases de nouveaux rapports sociaux de production, avec la construction d'un « État haïtien ». 220 années après, la réalité alimentaire en Haïti est accablante et le rêve des captifs libérés n'est toujours pas traduit en réalité.

7 février 2025 | tiré du site du CADTM | Photo : Haïti, Jlanghurst, Wikimedia Commons, CC, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Mountainous_Farming_Plots_Haiti.jpg
https://www.cadtm.org/Haiti-Dette-et-souverainete-alimentaire-l-impossible-cohabitation

"Durant l'occupation militaire étasunienne de 1915, plus de 50.000 paysan·nes haïtien·nes furent dépossédé·es et expulsé·es dans la région Nord, impliquant la migration de plus de 300 000 Haïtien·nes"

Selon la CNSA (2024), pour la période de mars à juin 2024, près de 5 millions de personnes (50% de la population analysée) sont en situation d'insécurité alimentaire aigue et par conséquent ont besoin d'une action urgente pour combler leurs déficits de consommation alimentaire et protéger leurs moyens d'existence. Aussi, la prévalence de l'insécurité alimentaire projetée a augmenté de 45 à 50% par rapport à la période d'août 2023 à février 2024. Ces données, bien sûr, devraient être prises avec des pincettes. Cependant, comment interpréter et comprendre la réalité d'Haïti aujourd'hui en matière de souveraineté alimentaire ? Comment en est-on arrivé là, de l'autosuffisance alimentaire à la grande dépendance ? Quelle incidence le système dette a sur les politiques publiques capables de favoriser l'atteinte de l'objectif de la souveraineté alimentaire ? Comment les mouvements sociaux, particulièrement la classe paysanne, luttent-ils pour y arriver ?

Dans ce travail, nous tentons de démontrer que la situation alimentaire d'Haïti n'est pas le fruit d'un hasard, mais plutôt le résultat d'un projet néocolonial, assorti d'un ensemble de politiques imposées au pays par les puissances impériales et leurs institutions, bien aidées par l'État en Haïti [1]. Plusieurs éléments historiques ayant hypothéqué la mise en place des politiques publiques favorables à la souveraineté alimentaire peuvent être soulignés dont l'accaparement des terres de plaine par les grands généraux, la poursuite de la production de denrées d'exportation, la triple rançon de l'indépendance [dette France, taxes, vente de denrée à moitié prix). La volonté des grands généraux de l'indépendance de reproduire le même système colonial de production de denrées pour l'exportation, donc la continuité du drainage des ressources de la nouvelle nation vers les grandes métropoles ; la rançon de l'indépendance (faussement appelée Dette de l'indépendance) exigée par la France à Haïti pour indemniser les colons et bénéficier de la reconnaissance d'une indépendance acquise au prix d'un génocide humain perpétré durant plus de quatre siècles ; le drainage de la force de travail et les richesses créées par les paysan·nes haïtien·nes, obligé·es de vendre leur production à moitié prix, comme injonction du néocolonialisme.

Agriculture paysanne familiale, agrobusiness : deux projets en lutte depuis 1804

"La dette écologique qu'accusent les puissances impérialistes envers Haïti est énorme et doit être obligatoirement faire l'objet de réparation"

Dès la proclamation de l'indépendance d'Haïti le 1er janvier 1804, deux visions antagoniques s'affrontaient : celle favorisant la grande propriété et celle préconisant la petite propriété foncière. La prise en otage de l'État par les créoles et les Généraux, surtout après l'assassinat de Dessalines a hypothéqué la mise en place des politiques publiques favorables à la souveraineté alimentaire en accaparant les terres de plaine dans l'objectif de poursuivre la production de denrées d'exportation. « L'État en Haïti » attribuait de grands domaines sous forme de dons aux Généraux et de petites domaines aux officiers subalternes de l'armée. Cette dynamique a conduit à l'émergence d'une bourgeoisie foncière qui, à l'instar des colons, deviennent propriétaires des moyens de production avec la possibilité de s'enrichir rapidement et de jouir de tous les privilèges. La masse des cultivateurs étaient considérée comme la force de travail sur les grands domaines. Ainsi, la société s´est divisée en deux groupes sociaux : d'un côté, la masse de travailleur·euses agricoles dont les conditions de travail et de vie rappellent pour la plupart celles des anciens captif·ves esclavisé·es ; de l'autre côté, les détenteurs des moyens de production, généralement des dirigeants militaro-politiques absentéistes.

Cependant, le projet de la grande plantation n'a pas pu se réaliser en raison de plusieurs facteurs. D'abord, le projet fait face à la résistance constante de la masse des travailleur·euses. Ensuite, le manque de financement, étant donné l'isolement dont Haïti a été l'objet par les puissances esclavagistes, suite à l'indépendance. Les grands propriétaires, face à ses obstacles, ont recouru à différents modes d'exploitation des parcelles. Entre autres modes, on considère : le métayage, l'affermage, l'usufruit, deux-moitiés (où la récolte est divisée en deux parties : 50% pour le propriétaire et 50% pour les cultivateur·ices) etc. Ce nouveau régime, qualifié de semi-féodal provoquait l´indignation chez les cultivateurs. Certains se lançaient dans des mouvements de résistance contre l'État, assiégé par les féodaux, pour la répartition des terres.

La prise en otage de l'État par les créoles et l'accaparement des terres agricoles n'a pas mis fin au projet de la petite exploitation, de l'agriculture paysanne familiale et du projet de la souveraineté alimentaire. Non seulement les paysans et paysannes continuaient à produire différentes qualités de denrées, mais l'espace de la petite exploitation augmentait, car pendant tout le XIXe siècle, ils se livraient à des combats sans relâche pour la réforme agraire. Certaines terres agricoles, appartenant à des « grandons » absentéistes, ont été occupées par les paysan·nes. Parfois, ces paysan·nes s'armaient pour revendiquer leur droit à la propriété et à une vie meilleure. Des soulèvements et mouvements paysans, dirigés notamment par des figures comme Acaau et Goman entre 1843 et 1848, ont même réussi à renverser certains gouvernements, à l'instar de celui de Boyer. Tout l'élan de la lutte paysanne pour la petite exploitation, la polyculture et la souveraineté alimentaire en Haïti a subi un contrecoup avec l'occupation états-unienne de 1915 qui impliquait la pénétration du capital yankee dans l'agriculture, au détriment de l'économie nationale.

L'occupation Etats-Unienne de 1915 : Projet anti-paysan, anti-souveraineté alimentaire en Haïti

Si pendant tout le long du XIXe siècle, le projet de la petite exploitation ou de la souveraineté alimentaire résistait contre le projet de la classe dominante, l'occupation militaire états-unienne de 1915 marque un tournant décisif anti-paysan·ne, anti-souveraineté alimentaire en rétablissant le pouvoir de l'« État en Haïti » centralisé, organisé autour des grandes villes, en cassant l'élan du mouvement paysan revendicatif comme les « cacos », les « Piquets » et en provoquant l'accaparement des terres agricoles au profit des compagnies multinationales. En effet, durant l'occupation militaire du territoire haïtien par les États-Unis (1915-1934), alors que les différentes constitutions de la République ont interdit aux étrangers d'avoir des propriétés privées, en particulier des terres, dans le pays, les occupants ont rédigé une nouvelle Constitution en 1918, octroyant le droit de propriété aux Étrangers ; De là a commencé un processus violents d'accaparement et d'expulsion des paysan·nes des terres pour l'implantation d'entreprises transnationales étatsuniennes, telles que la HASCO, SHADA, McDonald's, Plantation Dauphin, entre autres. Des expériences qui ont servi à saper toutes les bases de la mise en place de politiques publiques pouvant garantir la souveraineté alimentaire du pays.

Les occupants ont détruit un ensemble d'expériences alternatives en cours dans la paysannerie afin de faciliter la pénétration du capital étatsunien, plusieurs dispositions légales furent prises tout au long de l'occupation. La première mesure prise par les occupants fut l'imposition, sous la pointe de la baïonnette, de la Constitution de 1918, rédigée par l'occupant, et qui à travers son Article 5 annule l'interdiction aux étrangers d'être propriétaires, en particulier de la terre. Outre les mesures prises dans la nouvelle Constitution imposée, les occupants vont faire voter la Loi du 22 décembre 1922, qui autorisait l'affermage des terres de l'État pour une période de 9 à 30 ans, renouvelable aux personnes ou compagnies qui auraient fait la preuve de leur capacité financière, la Loi du 20 février 1924 autorisait l'affermage des terres inoccupées et la vente de propriétés de l'État et la loi du 16 février 1924, qui régissait le droit de propriété immobilière pour les étrangers et les sociétés immobilières ; la Loi 6 juin 1924, sur la vérification des titres de propriété ; la Loi du 1er février 1926, complétée par celle du 27 juillet 1927, autorisait l'État à récupérer, s'il le jugeait nécessaire, les terres louées en accordant au fermier déplacé un délai de 8 à 40 jours pour vider les lieux (Castor, 1988).

" L'occupation militaire étasunienne a contribué à la destruction d'entre 20 et 35% de la couverture boisée dans le pays"

Tous ces dispositifs juridico-administratifs ont contribué à la déduction entre 20 et 35% de la couverture boisée dans le pays ; ce qui fait que les États-Unis se placent au deuxième rang des prédateurs de la biodiversité et de l'écosystème en Haïti, derrière la colonisation espagnole qui a détruit plus de 50%, tenant compte qu'au débarquement du funeste Christophe Colomb, l'île accusait une couverture végétale à plus de 90%. Ainsi, la dette écologique qu'accusent les puissances impérialistes envers Haïti est énorme et doit être obligatoirement faire l'objet de réparation. Cependant, cette réparation n'interviendra que dans la dynamique de lutte contre le néocolonialisme, contre la capitalisme et l'extractivisme. De même, durant l'occupation militaire de 1915, plus de 50.000 paysan·nes haïtien·nes ont été dépossédé·nes et expulsé·nes dans le Nord impliquant la migration de plus 300.000 Haïtien·nes (Castor, 1988).

La désoccupation militaire du pays en 1934 n'a pas mis fin à l'orientation anti-paysanne de « l'État en Haïti » et les accaparements des terres agricoles en Haïti. Bien au contraire, ce projet a même été renforcé pendant la deuxième guerre impérialiste communément appelé « guerre mondiale ». Par exemple, pour cultiver un type d'hévéa appelée « crystoptegia glandiflora », considérée comme « fibre stratégique », utilisée dans la fabrication de cordes destinées à la marine étasunienne, l' « État en Haïti » accordait à la Société Haïtiano-Américaine de Développement Agricole (SHADA) 133 400 hectares de terres agricoles, dont 58 400 consacrées à la production de sisal, et 75 000 à l'exploitation du bois de construction (Gilbert, 2016). Cette expérience a non seulement réduit la capacité agricole du pays, principalement en raison du remplacement des cultures vivrières par le sisal, mais a aussi contribué à l'accumulation d´une dette extérieure estimée à environ 60% de son budget annuel.

En dépit de cette expérience préjudiciable au pays, en 1944 et 1955, l'Etat en Haïti a signé deux conventions minières avec la Reynold´s Mining Corporation et la Société d'Exploitation et de Développement Économique et Naturel (SEDREN). L'étendue totale de terre occupée par la compagnie Reynold's reste encore inconnu. Cependant, selon les données disponibles, la propriété de la compagnie s'étalait sur sept (7) localités (Chassereau, Sainte Croix, Sainte/Croix extension, Crescent, Desmarets, Berquin, Ensemble) s'étendant sur environ 908,18 hectares de terres (Pierre, 2017). Quant à la SEDREN, la superficie de sa concession était estimée à 115 000 hectares. Pour s'approprier cet espace, la compagnie a exproprié les paysans et paysannes qui habitaient ces zones durant plusieurs décennies. Les terres autrefois dédiées à l'agriculture ont été préposées à d'autres usages. Cette transformation a conduit à une réduction de l'espace cultivable et de la production agricole dans ces zones, et, par conséquent, a entrainé la perte de l´autosuffisance alimentaire du pays, avec des conséquences néfastes sur les communautés. Les terres utilisées n'ont jamais été réhabilitées et sont devenues aujourd'hui des terres arides.

Politique de libéralisation commerciale : Aggravation de la situation d'insécurité alimentaire en Haïti

"Durant l'occupation militaire étasunienne de 1915, plus de 50.000 paysan·nes haïtien·nes ont été dépossédé·nes et expulsé·nes dans le Nord impliquant la migration de plus 300.000 Haïtien·nes"

Jusqu'au début des années 1980, Haïti a été presqu'autosuffisant en matière de d'alimentation. Le massacre des cochons créoles, considérés comme carnet d'épargne des familles paysannes, entre (1980-1982) et l'imposition des politiques néolibérales à partir de 1983, vont porter un coup fatal aux structures et politiques économiques et sociales dans le pays. La libéralisation commerciale, à travers le dumping dans les produits agricoles vont déstructurer l'économie paysanne et imposer à l'Etat en Haïti un ensemble de politiques économiques, créant des monopoles avec comme conséquences l'inaccessibilité des populations aux droits économiques, sociaux et culturels.

Durant la dernière décennie, surtout avec l'arrivée au pouvoir du PHTK (Parti Haïtien Tèt Kale), imposé au pays par ce que l'on appelle faussement la « communauté internationale », la réalité socioéconomique du pays n'a pas cessé de détériorer. En effet le tremblement de terre de 2010 va servir de prétexte aux acteurs internationaux pour expérimenter un ensemble de stratégies politique, économique et sociale qui va augmenter non seulement le niveau de d'ingérence dans les affaires internes du pays, mais aussi aggraver la situation socioéconomique des couches majoritaires. Le Plan Stratégique pour le Développement d'Haïti (PSDH), rédigé et imposé à Haïti par les institutions financières internationales contribue grande à l'extraversion de l'économie haïtienne, en favorisant des politiques extractivistes, comme les zones franches agricoles, les zones franches industrielles, l'exploitation minière. En même temps, l'État prend un certain nombre de décisions économiques qui dégradent un peu plus les conditions de vie des populations, soit en augmentant drastiquement le coût de l'essence, la suppression des subventions sociales, des mesures économiques et monétaires aggravant un peu plus le niveau de l'inflation.

Aujourd'hui, selon les chiffres publiés par l'IHSI (Institut Haïtien de Statistiques et d'informatique), l'inflation en rythme mensuel atteint plus de 23%. En même temps, la CNSA (Coordination Nationale pour la sécurité alimentaire), évalue à plus de 5,6 millions le nombre d'individus en situation d'insécurité alimentaire, dont une grande partie est représentée par des paysan·nes, des femmes et des enfants. Donc, s'il faut chercher les causes ayant entrainer Haïti dans cette situation, il y a lieu de considérer non seulement les éléments historiques, mais aussi les projets politiques qui se construisent autour de la paysannerie haïtienne, qui vont se faire sentir sur les masses populaires.

Néocolonialisme, capitalisme, extractivisme : une association criminogène contre la souveraineté alimentaire

"Jusqu'au début des années 1980, Haïti a été presqu'autosuffisant en matière de d'alimentation"

Comment interpréter les bonnes notes attribuées par les institutions financières internationales au gouvernement illégitime et illégal en Haïti sur les indicateurs macroéconomiques, alors que la situation de la population haïtienne ne cesse de détériorer ? La réalité est que derrière tout cela se cache un ensemble d'accords liés, entre autres, à l'élargissement de la Compagnie de Développement Industriel (CODEVI) du Grupo M, appartenant à un entrepreneur dominicain, le renforcement du Parc Industriel de Caracol (PIC), la mise en place de zones franches agroindustrielles, telle que AGRITRANS, des contrats liés à l'exploitation minière (or, carbonate de calcium, iridium, argent, pétrole, entre autres) avec des compagnies étatsuniennes, canadiennes telles que la Unigold, VCS Mining et autres. En quelque sorte, on assiste à la mise en place de politiques publiques néocoloniales dont les objectifs fondamentaux sont de faciliter le captage d'énormes ressources du pays avec pour effet une généralisation de la pauvreté et un endettement massif. Ces différents types d'investissements occasionnent des accaparements de terres agricoles, occupées par des paysan·nes depuis des lustres, hypothéquant ainsi les possibilités pour le pays à définir des politiques publiques capables de contribuer à la souveraineté alimentaire.

"Le système Dette est intrinsèquement lié au système alimentaire mondial"

La réalité alimentaire en Haïti n'est pas étrangère à la division internationale du travail, aux impacts des accords de libéralisation commerciale, à la structuration du système alimentaire mondial. Elle est le produit des politiques néolibérales (en particulier la libéralisation commerciale) imposées par les institutions financières internationales avec comme corollaire la déstructuration de l'économie paysanne, créant ainsi une armée de main-d'œuvre à bon marché, pour les économies régionales, en particulier en République Dominicaine, qui connaît une explosion d'investissements directs étrangers, et l'entrée de capitaux massifs dans son économie, bien que déconnectés de la réalité globale des masses populaires dans ce pays.

Ainsi, ces politiques mettent à mal les structures agraires en Haïti, créant des monopoles, où quelques familles contrôlent le commerce import/export, et à travers le dumping réduisent les capacités productives des exploitations agricoles. La déstructuration de l'économie paysanne crée des poches de pauvreté extrême, et ce sont les paysan·nes producteur·ices qui paient le plus lourd fardeau. Ainsi est favorisée l'entrée d'ONG internationales dans les communautés paysannes pour consolider le marché de l'aide alimentaire dont l'objectif central est le renforcement de la dépendance alimentaire du pays vis-à-vis de l'extérieur.

Souveraineté alimentaire, un objectif politique lié aux revendications paysannes

« Pour seules réponses à la crise alimentaire, la Banque mondiale, l'organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), le Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (CGIAR) et les « conglomérats philanthropiques » proposent d'accélérer l'expansion des biotechnologies, de relancer la Révolution verte, de réintroduire le prêt conditionnel de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, et de recomposer le pouvoir aujourd'hui fragmenté de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en concluant le « cycle du développement » des négociations commerciales de Doha. Ces institutions ont reçu du grand capital un mandat clair pour alléger la faim, atténuer les troubles sociaux et réduire le nombre total des paysans producteurs dans le monde – sans pour autant devoir réformer la structure du système alimentaire mondial »

[2]

Le système Dette est intrinsèquement lié au système alimentaire mondial. C'est un tout cohérent dans la logique capitaliste qui vise forcément à maintenir les pays du Sud dans un dépendance accrue vis-à-vis de l'aide internationale en renforçant le rôle joué par les institutions financières internationales dans la définition et l'orientation des politiques publiques, en particulier agricoles dans ces pays.

Les travaux du Comité Interministériel pour l'Aménagement du Territoire (CIAT) [3], financé en grande partie par la communauté internationale, particulièrement la France, le Canada, la BID, entre autres, contribuent à répandre l'idée de la nécessité d'une réduction du nombre d'exploitations paysannes, donc du nombre de paysans et paysannes s'adonnant à la production agricole, dans l'objectif d'organiser le marché foncier dans le pays. Autant dire un changement structurel à caractère politique dans la structure agraire haïtienne. Ce qui est de nature à favoriser le système alimentaire mondial, en hypothéquant de manière durable les possibilités d'arriver à la souveraineté alimentaire.

Dette, budget national et politiques néocoloniales

"On assiste à la mise en place de politiques publiques néocoloniales dont les objectifs fondamentaux sont de faciliter le captage d'énormes ressources du pays avec pour effet une généralisation de la pauvreté et un endettement massif"

La dépendance alimentaire actuelle en Haïti est intrinsèquement liée à la question de la dette. Cette dernière est utilisé par les puissances coloniales capitalistes comme levier de destruction du secteur agricole haïtien, en imposant et renforçant la libéralisation commerciale. En effet, dans les années 1825, sur la pointe des baïonnettes, la France, ancienne métropole, impose à la première république noire une rançon, appelle abusivement dette de l'indépendance. Pour le paiement de cette dette odieuse, nombreuses sont les terres agricoles qui ont été sacrifiées par les dirigeants politiques pour répondre à cette exigence. C'est sur la base du rachat de la dette que les grandes entreprises multinationales états-uniennes ont envahi les espaces agricoles haïtiens. La destruction des espaces agricoles, des écosystèmes pour assurer le déploiement du capital, va avoir des impacts considérables sur l'autosuffisance alimentaire du pays. Le processus d'endettement d'Haïti va aussi entrainer une dépendance accrue de l'économie du pays par rapports aux institutions financières internationales, comme la Banque Mondiale, le Fonds Monétaire Internationale, le soumettant à des conditionnalités, telles que la réduction des dépenses publiques et la promotion de certains projets environnementicides comme l'exploitation minière, les zones franches touristiques ou industrielles, l'agro-industrie, la privatisation des entreprises stratégiques du pays afin de dégager de la trésorerie pour pouvoir rembourser la dette.

Comme nous le montrent les tableaux ci-dessous, tirés des lois des finances pour les exercices 2021-2022, et 2022-2023, de plus en plus de fonds publics sont alloués au paiement du service de la dette, alors que de moins en moins de crédits budgétaires sont vont au secteur de production pour aborder de manière holistique le problème non seulement de la dépendance alimentaire, mais aussi de respecter l'identité culinaire du pays et ainsi garantir la souveraineté alimentaire.

Le service de la dette externe d'Haïti n'a cessé de croître durant les dernières années, représentant en moyenne jusqu'à 20% du budget national entre 2011 et 2023. Si l'on tient compte de la dette d'Haïti envers le Venezuela, malgré les diverses annulations dont avait bénéficié le pays, en termes de solidarité de la part du pays frère, l'utilisation qu'avaient fait les dirigeants de ces fonds, empreintes de corruption de dilapidation, hypothèque de manière pérenne l'économie nationale.

Durant la même période (2011-2023), on constate une réduction drastique des services publics, une absence caractérisée de l'Etat dans la fourniture des services de base, la disparition de subventions de produits essentiels tels que le carburant, dont le prix a augmenté entre 2018 et 2023 à plus de 400%, sous les injonctions des institutions financières internationales (FMI / BM), comme préalable à des aides au gouvernement haïtien. De ce fait, la combinaison entre augmentation du service de la dette externe et la réduction, voire annulation, de toute subvention de services sociaux au profit de la population, crée un mélange criminogène, occasionnant une paupérisation massive de la majorité de la population, avec plus de la moitié en situation de crise alimentaire, si l'on pourrait se fier aux chiffres de la Coordination Nationale pour la Sécurité Alimentaire (CNSA).

"Dans les années 1825, sur la pointe des baïonnettes, la France, ancienne métropole, impose à la première république noire une rançon, appelle abusivement dette de l'indépendance. Pour le paiement de cette dette odieuse, nombreuses sont les terres agricoles qui ont été sacrifiées par les dirigeants politiques pour répondre à cette exigence"

En dépit des mouvements de protestation des masses populaires, l'aggravation des conditions de vie de la grande majorité de la population, la déstructuration de l'économie, particulièrement l'économie paysanne, la quasi disparition de ce que l'on appelle la « classe moyenne », comme conséquences des mesures d'austérité appliqué par le gouvernement illégitime, placé à la tête du pays par le Core Group, téléguidé par les pays néocoloniaux (Etats-Unis, France, Canada, l'Union Européenne), les institutions financières internationales continuent à féliciter les autorités en place pour avoir créé les conditions nécessaires au renforcement de la division internationale du travail en Haïti et le déploiement du capital transnational à travers des projets de zones franches industrielles, zones franches agricoles, l'exploitation des mines, avec comme corollaire, les accaparements massifs de terres agricoles. Un secteur agricole déjà en proie aux conséquences du désordre climatique, l'absence de politique agricole, la dépaysannisation du milieu rural, un service de la dette externe représentant parfois plus de 3 fois le montant accordé au secteur agricole, il va sans dire que la souveraineté alimentaire apparaît comme un vœu pieux.

Alors que l'insécurité alimentaire bat son plein et menace près de la moitié des populations ; malgré les efforts menés par les paysans/nes producteurs/rices pour maintenir une part importance de la consommation locale (près de 40%), depuis plus de trois décennies, les gouvernements en Haïti, à travers les lois des finances ne consacrent qu'entre 4 et 8% du budget national au secteur agricole. Qui pis est, près de 60% du budget du Ministère de l'Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural (MARNDR) sont consacrés au paiement de salaires de fonctionnaires. Du même coup, l' « État en Haïti » prend des mesures pour favoriser le développement de l'agrobusiness, à travers le Code des investissements :

Article 2 [4]
L'État accorde des garanties générales à tous les investisseurs. Dans le cadre du présent Code, il définit les conditions et les formes générales d'incitations offertes en Haïti, à certains types d'investissements susceptibles d'accroître la compétitivité des secteurs jugés prioritaires ou d'importance stratégique et ceci, en raison de leurs apports respectifs à la valeur ajoutée, à la création d'emplois durables, au renouvellement de l'équipement national de production ; à la croissance économique ; à la réduction du déficit de la balance des paiements et à la formation de la main-d'œuvre nationale.

Cela va sans dire que la recherche de la souveraineté alimentaire du pays, la réalité des populations vivant cette insécurité ne fait pas partie des objectifs fixés dans la recherche de ces investissements, l'agriculture industrielle tournée vers l'extérieur étant le leit motiv dans ce secteur :

Article 30 [5]
Sont considérés comme investissements dans l'agriculture ceux réalisés, entre autres,
dans :
1. la pêche en haute mer ;
2. l'aquaculture sur une base industrielle ; l'élevage industriel ;
3. l'horticulture sur une base « bio » ou non (fruits et légumes, plantes ornementales et médicinales, fleurs, thé, épices, etc.
4. la sylviculture.

En analysant les documents élaborés par le gouvernement en Haïti entre 2010 et 2011, intitulés : « Politique de développement agricole 2010-2025 (Mars 2011)”, et « Plan national d'investissements agricoles (Mai 2010) représentant en quelque sorte la politique publique devant guider les actions gouvernementales durant cette période, il faut considérer deux aspects de ce travail. D'abord, les documents sont liés au PDNA (Post-Disaster Needs Assessment) et au Plan Stratégique pour le Développement d'Haïti (PSDH) qui ont été élaborés et imposés par des institutions internationales dans l'objectif d'utiliser le territoire haïtien comme espace de l'expansion du capital en crise ; ensuite, à bien des égards, les documents ne sont qu'un ramassis de propositions liées aux programmes des ONG d'aide alimentaire dans le pays, sans aucune corrélation avec les revendications [6] des paysannes et paysans haïtiens.

" La combinaison entre augmentation du service de la dette externe et la réduction, voire annulation, de toute subvention de services sociaux au profit de la population, crée un mélange criminogène"

Loin de questionner les structures agraires, et de considérer les différentes dimensions de la souveraineté alimentaire, en particulier la dimension politique pour remettre en cause le système alimentaire et surtout les relations de production dans le pays et au niveau international, les documents du MARNDR ne font que renforcer la dépendance du pays et consolider la prépondérance des acteurs du système alimentaire dans la perversion des alternatives engagées par les acteurs paysans, en particulier les réseaux, organisations et mouvements paysans.

Il y a lieu aussi de considérer le document de politique publique élaboré par la Coordination Nationale pour la Sécurité alimentaire intitulé « Politiques et Stratégies nationales de Sécurité et Souveraineté Alimentaire et Nutritionnelle en Haïti (PSNSSANH) » qui, en fait, représente un pas important dans la définition des politiques publiques en la matière. C'est un document qui a été adopté en Conseil des Ministres au cours de l'année 2021. Malgré les belles propositions incluses dans le document qui a pris en compte certaines des revendications paysannes exprimées dans les Cahiers de revendications paysannes [7], il n'en demeure pas moins vrai que le cadre défini pour l'application de ces mesures reste attaché au système alimentaire mondial, dont les objectifs n'est autre que la promotion de la sécurité alimentaire, encadré par les politiques néolibérales. Autant dire que le document porte en lui-même les contradictions qui l'empêche d'atteindre ses objectifs.

Face à un système alimentaire mondial qui prouve ses limites, voire son incapacité, à apporter les réponses à la crise mondiale, la souveraineté alimentaire s'impose aujourd'hui comme l'alternative pour construire de nouveaux rapports de force au niveau mondial qui suppose une transformation des institutions financières internationales, le dépassement du système-dette qui représente l'une des causes majeures de la pauvreté, en particulier de la faim, dans le monde. Face aux destructions et aux impacts des politiques néocoloniales sur l'espace haïtien et les conditions de vie des populations, la dette écologique qu'accusent les puissances impérialistes envers Haïti est énorme et doit être obligatoirement faire l'objet de réparation. Cependant, cette réparation n'interviendra que dans la dynamique de lutte contre le néocolonialisme, contre la capitalisme et l'extractivisme.

Malgré ces grands coups portés à l'agriculture haïtienne, cette dernière résiste. Elle contribue, pour une large part à la demande interne jusque dans les années 1970-80 ; aujourd'hui encore, malgré l'absence de l'État, les paysans.nes arrivent à couvrir près de 40% de la demande locale. Les institutions financières internationales (le système capitaliste), la bourgeoisie compradore en Haïti se sont toutes liguées pour casser la résistance du pays en matière de système alimentaire, d'autosuffisance alimentaire, mettant en place une stratégie de destruction de l'économie haïtienne en particulier l'économie paysanne, à commencer par le massacre des porcs créoles au début des années '80, alors que ces animaux constituaient l'essence même de l'épargne paysan et participaient du développement et la vulgarisation des techniques agroécologiques. Ensuite, la libéralisation commerciale, en utilisant le dumping comme élément essentiel de désarticulation des structures de production, l'imposition par les institutions financières internationales du paiement d'une dette odieuse et illégitime, utilisée par les pouvoirs à l'encontre des populations, et une augmentation de la part du budget national allouée au paiement de cette dette. Ces politiques découragent les paysans, détruisent l'agriculture et renforcent la dépendance alimentaire du pays. Pendant ces dernières années, surtout après la publication du rapport Collier, les terres agricoles du pays sont systématiquement menacées par les projets de zones franches industrielles, des industries de transformation d'huiles essentielles en particulier le vétiver, entre autres ; cela induit une urbanisation anarchique et le passage d'une économie de production à une économie de service de basses gammes.

Mouvements sociaux populaires haïtiens en lutte pour la souveraineté alimentaire

Le mouvement social populaire haïtien n'est pas spectateur du processus de destruction des espaces agricoles par les mega-projets qui induisent une dépendance alimentaire accrue. Le mouvement populaire haïtien, la classe paysanne sont en lutte constante contre les politiques économiques extractivistes anti-paysans.nes, anti-souveraineté alimentaire, imposées par les institutions de Breton woods, en particulier à travers le mécanisme de la dette externe. D'ailleurs, les actions de dénonciation, de mobilisations contre les politiques la libéralisation commerciale, en particulier la ZLEA (Zone de Libre Echange des Amériques), les APE (Accord de Partenariat Économique), le processus d'élaboration des Cahiers de revendications paysannes ont contraint l'État à travers le document Politiques et Stratégies nationales de Souveraineté et Sécurité Alimentaires et nutritionnelle en Haïti (PSNSSANH) à reconnaitre que celle-ci contribue à notre situation alimentaire actuelle. Toutefois, ce document, dans ces stratégies, ne prend pas en compte les causes réelles du processus de la dépendance alimentaire du pays. Ces stratégies non seulement ne prennent pas en compte la question agraire comme élément fondamental du problème alimentaire, mais aussi, elles sont aux antipodes des revendications de la classe paysanne comme : définir et mettre en œuvre une politique agraire et foncière qui permet à toutes et à tous sans discrimination, femmes et hommes, jeunes et vieux, mais surtout aux paysans et paysannes de jouir de leurs droits souverains sur les ressources naturelles comme le stipule la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Paysans.nes et Autres Personnes Travaillant dans le Milieu Rural (UNDROP), adaptée en 2018, sous l'impulsion de la Via Campesina.

Le mouvement social populaire haïtienne, plus particulièrement la classe paysanne a élaboré des cahiers de revendications paysannes. Dans ce document, il est posé clairement la problématique agraire comme élément essentiel pour atteindre la souveraineté alimentaire, une réforme agraire intégrale.

A côté du plaidoyer que mènent les mouvements sociaux populaires haïtiens, diverses initiatives de développement d'expériences agroécologiques à travers le pays voient le jour. Il s'agit pour les organisations et mouvements paysans d'expérimenter des stratégies visant la souveraineté alimentaire des communautés qui, malgré leurs limites, montrent l'importance d'une politique agricole prenant en compte ces expériences et les revendications paysannes. Des expériences développées par la Plateforme Haïtienne de Plaidoyer pour un Développement Alternatif (PAPDA), dans la région Nord et Sud du pays, celles en cours avec Tèt Kole Ti Peyizan Ayisyen (TK) ou le Mouvman Peyizan Papaye (MPP) sont porteuses non seulement en ce qui a trait à la restructuration de l'économie et des communautés paysannes, à la régénération des écosystèmes, à la mitigation des effets du désordre climatique, mais aussi et surtout à la contribution à l'autosuffisance alimentaire.

Tout compte fait, les cahiers de revendications paysannes sont de véritables outils de lutte pour la souveraineté alimentaire en Haïti. Toutefois, seul un État populaire, anti-capitaliste, anti-néocolonial, souverain, est capable de répondre à ces revendications. En ce sens, le projet de la souveraineté alimentaire implique la fondation ou la restauration de l'État haïtien en lieu et place de l'« État en Haïti », pour pourvoir s'inscrire dans la décolonialisation des rapports avec le capitalisme, et ainsi renverser le système-dette, tout en insistant sur la nécessité pour les pays colonialistes de réparer les torts causés aux peuples par le système néocolonial. Tout processus d'émancipation des peuples passe d'abord par l'abolition du système-dette qui est la nouvelle version du colonialisme, la mort du système capitaliste et la construction de nouveaux modèles de rapports sociaux de production au niveau mondial.

C'est pourquoi, le mouvement populaire haïtien, le mouvement paysan se battent sans relâche contre la domination, contre les modèles économiques capitalistes néolibérales, néocoloniales, contre les mécanismes d'endettement, contre les projets extractivistes.

La lutte pour la souveraineté alimentaire est intrinsèquement liée à la lutte pour la vie pour l'autodétermination des peuples, et la construction du buen vivir, cela doit obligatoirement passer par la construction d'un projet politique qui prend en compte les revendications fondamentales des populations haïtiennes.

Références bibliographiques

CASIMIR, Jean : Genèse de l'État haïtien, 1804-1859, livre paru sous la direction de Michel Hector et Laënec Hurbon, 2009, ISBN : 978-99994-52-01-4
CNSA, Politiques et Stratégies nationales de Souveraineté et Sécurité Alimentaires et nutritionnelle en Haïti (PSNSSANH), septembre 2020
HOLT-GIMÉNEZ, Eric : De la crise alimentaire à la souveraineté alimentaire, le défi des mouvements sociaux, ALTERNATIVES SUD, Vol. 17-2010 / 37)
PAPDA, Kaye revandikasyon òganizasyon peyizan ak peyizán Ayisyen yo, Me 2018, ISBN : 978-99970-73-91-4
PERCHELET, Sophie, Haïti, entre colonisation, dette et domination, 2 siècles de luttes pour la liberté, Ed. CADTM, Octobre 2010, ISBN : 978-2-930443-15-7
CASTOR, Suzy, L'occupation américaine d'Haïti, une publication du CRESFED, Port-au-Prince, 1988

Notes

[1] Ici, on prête le concept développé par le professeur Jean Casimir dans : Genèse de l'État haïtien, 1804-1859, livre paru sous la direction de Michel Hector et Laënec Hurbon, 2009.
[2] Eric Holt-Giménez : De la crise alimentaire à la souveraineté alimentaire, le défi des mouvements sociaux, ALTERNATIVES SUD, Vol. 17-2010 / 37)
[3] http://www.ciat.gouv.ht
[4] Loi portant sur le code des investissements modifiant le décret du 30 octobre 1989
relatif au Code des Investissements, Journal LE MONITEUR, Spécial No. 4, Mardi 26 novembre 2002
[5] Ibid.
[6] PAPDA, Cahier national des revendications des organisations paysannes, 2018
[7] Op. cit

Auteur.e
Jean-Pierre Ricot
Social worker and program director of the Platform to Advocate Alternative Development in Haiti (PAPDA)

******

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Les écosocialistes appellent à de vraies solutions à la crise climatique

La conférence lance une stratégie pour construire un mouvement de masse pour répondre à l'urgence climatique créée par le capitalisme Rapport de la Conférence sur (…)

La conférence lance une stratégie pour construire un mouvement de masse pour répondre à l'urgence climatique créée par le capitalisme

Rapport de la Conférence sur l'écosocialisme 2024
15 janvier 2025

Le 7 décembre 2024, plus de 150 personnes se sont réunies à l'Université de Londres South Bank, dont certaines se sont jointes en ligne pour discuter et construire un mouvement écosocialiste international.

L'année 2024 a été marquée par une nouvelle accélération de la crise environnementale.

L'environnement que l'humanité partage continue d'être attaqué sur terre, en mer et dans les airs par une économie capitaliste mondiale et des industries de combustibles fossiles bien établies, quel que soit le coût pour le monde naturel.

La Conférence sur l'écosocialisme a eu lieu deux semaines seulement après que la COP29 en Azerbaïdjan a vu l'accord d'un accord de financement climatique désespérément inadéquat, laissant les pays les plus pauvres faire face et s'adapter aux dommages importants causés par l'urgence climatique avec un soutien minimal des pays les plus riches.

Suite à la popularité et au succès de la Conférence sur l'écosocialisme de 2023, qui s'est tenue entièrement en plénière, nous avons voulu élargir la participation à la conférence de cette année.

L'écosocialisme interagit avec une myriade de questions sociales, environnementales et de justice, qui devraient toutes être abordées. Nous avons donc structuré la journée de manière à donner aux participant-es plus de variété et de choix dans les sujets abordés, ainsi qu'à ce que chaque session soit hybride afin que les gens puissent y assister en ligne.

La séance plénière d'ouverture a donné le ton de la journée. Au nom du comité d'organisation, Simon Hannah a défini un cadre pour les discussions de la journée, en insistant particulièrement sur le lien entre la lutte contre la montée de l'extrême droite et la nécessité de promouvoir et de développer une alternative écosocialiste. Jess Spear de Rise in Ireland nous a rejoints en ligne et, en plus de parler de l'intersection de différents points de basculement dans une spirale calamiteuse, a examiné pourquoi le Parti vert en Irlande avait obtenu de si mauvais résultats lors des récentes élections, alors qu'il avait été en coalition avec le Fianna Fáil et le Fine Gael, et avait ainsi perdu sa crédibilité en tant qu'alternative radicale. Asad Rehman, de War on Want, a résisté à l'idée de se concentrer uniquement sur ce qui s'était passé et ce qui ne s'était pas passé lors de la COP29 à Bakou, et a souligné les développements récents dans différentes parties du Sud, tels que la crise financière sri-lankaise et les manifestations de masse qui ont suivi le défaut de paiement de sa dette extérieure en 2022, qui ont ébranlé les récits politiques dominants.

Au cours de la deuxième session, les participants ont pu choisir parmi trois sujets différents, chacun se déroulant dans son propre amphithéâtre avec un lien zoom hybride pour les participants en ligne.

Simon Hannah a présenté certains des principaux sujets dans son nouveau livre Reclaiming The Future : A Beginners Guide to Planning the Economy, sur la façon dont la propriété sociale et la démocratie économique participative pourraient créer une économie plus durable. Il s'est concentré sur l'élimination de la production à des fins lucratives et sur la façon dont cela peut conduire à une relation plus durable avec la nature. Eric Meier, co-fondateur de l'INDEP – le Réseau international pour la planification économique démocratique, a donné un aperçu de l'évolution historique et récente du discours sur la planification économique. Il a conclu en disant que la question de savoir si une planification économique démocratique est possible est fondamentalement résolue par un oui retentissant et que ce que nous devons aborder et pour lesquels nous devons lutter, ce sont des questions concernant sa forme institutionnelle, le rôle de la technologie et la manière dont elle peut être stratégiquement intégrée dans les campagnes et les programmes.

Démantèlement du colonialisme vert : Hamza Hamouchene, un militant algérien basé à Londres, a été le premier à parler des effets injustes de la classe capitaliste du Nord sur le Sud, citant les recherches de son livre le plus récent, Démantèlement du colonialisme vert. Natalie Trevino, théoricienne critique interdisciplinaire de l'exploration spatiale, a parlé de l'histoire coloniale de l'exploration spatiale et de la façon dont ses dirigeants actuels vendent l'idée fausse que la colonisation de la Lune est notre ticket pour résoudre la crise climatique.

La solidarité ouvrière et le documentaire de GKN : Shaun Dey de Reel News a présenté en avant-première son documentaire sur l'occupation de l'usine GKN. Le documentaire a montré comment, face à la menace de licenciements massifs, les travailleurs de l'automobile de GKN à Florence ont occupé leur usine pour sauver des emplois et construire des technologies vertes. Après le documentaire, nous avons entendu Em Wright, qui fait partie du Worker Climate Project, qui met en relation et responsabilise les syndicalistes qui luttent contre les questions climatiques et une transition juste sur leur lieu de travail. La discussion qui a suivi a porté sur les éléments pratiques de l'organisation syndicale et sur la manière dont celle-ci interagit avec la lutte de classe au sens large ainsi qu'avec des campagnes spécifiques, telles que la précarité énergétique. La session a discuté des défis auxquels sont confrontés des projets tels que l'occupation de GKN, qui pourraient être caractérisés comme des « îlots de socialisme » toujours forcés de fonctionner dans le capitalisme (c'est-à-dire que l'usine GKN doit toujours créer un surplus et des bénéfices pour survivre).

Le déjeuner a été offert dans l'espace d'exposition, où un certain nombre d'organisations de soutien avaient leurs stands. Après le déjeuner, les participant-es avaient le choix d'assister à l'une des deux discussions suivantes :

Lutte contre l'extrême droite et les théories du complot : Richard Hames (de son vrai nom Sam Moore) co-auteur de The Rise of Ecofascism : Climate Change and the Far Right. Richard a parlé de différentes tendances à l'extrême droite, d'approches différentes de l'environnement – non seulement le négationnisme que nous connaissons très bien, mais aussi des approches qui, par exemple, blâment les migrants ou les approches « woke » et cherchent à promouvoir le capitalisme vert. Alex Heffron, un agriculteur et écrivain du sud du Pays de Galles, a présenté un argument très intéressant sur la façon dont les politiques vertes sont considérées comme une menace par certains agriculteurs, ce qui peut les pousser dans les bras de l'extrême droite négationniste du climat. Alex a parlé de la façon dont nous pourrions développer des politiques écosocialistes pour les agriculteurs qui reconnaissent la nature précaire de l'agriculture pour les agriculteurs les plus pauvres et s'attaquent aux énormes patrons de l'agro-industrie et de la chaîne d'approvisionnement (comme les supermarchés).

Construire des mouvements écosocialistes : La session a examiné la formation d'un mouvement écosocialiste sous différents angles. Nous avons entendu parler de l'importance d'intégrer le modèle social du handicap ; le rôle que peuvent jouer les syndicats dans la construction du mouvement ; et la situation internationale, en mettant l'accent sur l'articulation des luttes dans le monde avec leurs défis et préoccupations particuliers. La discussion qui a suivi a été constructive et critique, avec un débat sur les modèles de compréhension du handicap en tant qu'oppression, sur les limites des directions syndicales et sur les difficultés à surmonter les intérêts acquis du noyau impérial.

La journée s'est terminée par une session de conférences sur la stratégie pour discuter de la construction de mouvements écosocialistes. La session a lancé un réseau d'action écosocialiste axé sur l'activité dans les mouvements ouvriers et environnementaux pour faire campagne pour qu'ils construisent une campagne de masse pour faire face à l'urgence climatique.

Will McMahon – l'un des co-organisateurs de la conférence – a déclaré : « J'ai pensé que la conférence a été un grand succès et j'ai hâte de construire le Réseau d'action écosocialiste au cours de l'année prochaine afin que nous puissions diffuser ces idées radicales dans le monde entier ».

Terry Conway, de la communauté unie de Hackney et Islington, qui a parrainé et envoyé des délégués à l'événement, a déclaré : « La Conférence sur l'écosocialisme 24 a été confrontée aux dures réalités politiques et a examiné comment nous pouvons transformer notre planète pour faire face à la crise environnementale. Mais en rassemblant les gens pour discuter de l'urgence causée par le capitalisme rampant et de la manière de faire campagne pour des alternatives écosocialistes, cela a également apporté un message d'espoir. »

Paris Wilder, co-organisateur de la conférence, a déclaré : « Les mouvements environnementaux du monde entier exigent des gouvernements qu'ils agissent, mais hésitent à remettre en question le système sous-jacent qui a donné naissance au changement climatique : le capitalisme. »

Simon Hannah, secrétaire adjoint de la section de Lambeth UNISON, dont la section syndicale a aidé à parrainer la conférence, a déclaré : « Les discussions ont été formidables et il a été utile de réfléchir à des campagnes locales ainsi qu'à des débats politiques plus larges comme la réforme ou la révolution pour sauver la planète. Nous construirons le mouvement écosocialiste tout au long de l'année 2025 dans le but d'une grande action autour de la COP30 plus tard dans l'année. »

Le communiqué du comité d'organisation de la conférence doit être publié prochainement. L'objectif général à la fin de la conférence était le suivant :

  • Des réformes progressives ne suffisent pas, nous avons besoin d'un changement systémique radical.
  • Les campagnes doivent à la fois remettre en question la logique de marché gaspilleuse du capitalisme et en même temps lutter contre le changement climatique.
  • L'écosocialisme devrait s'efforcer de révolutionner la façon dont nous utilisons et pensons aux ressources – comme les campagnes pour des transports publics gratuits, les campagnes sous propriété publique.
  • Agir en solidarité avec les réfugiés et les immigrants et ceux qui sont forcés de se déplacer alors que les conditions climatiques leur rendent la vie impossible.

La déclaration finale basée sur le projet soumis par le comité d'organisation et amendé par les personnes présentes à la conférence est en ligne ici.

par Simon Hannah

******

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

IVe Internationale : « Il s’agit d’un Manifeste écosocialiste, un Manifeste du marxisme révolutionnaire d’aujourd’hui »

Entretien. La IVe internationale qui tient son congrès en février 2025 discutera de « Rompre avec la croissance capitaliste, pour une alternative écosocialiste » autour d'un (…)

Entretien. La IVe internationale qui tient son congrès en février 2025 discutera de « Rompre avec la croissance capitaliste, pour une alternative écosocialiste » autour d'un Manifeste du marxisme révolutionnaire à l'ère de la destruction écologique et sociale. Nous avons demandé à Christine Poupin de nous en dire plus sur ce manifeste.

Hebdo L'Anticapitaliste - 743 (27/02/2025)

Comment a germé l'idée de ce manifeste, et comment a-t-il été élaboré ?

En juin 2018, lors d'une réunion du Bureau, un camarade a dit que nous devrions travailler à un projet de société future. J'ai rarement vu une proposition emporter une telle adhésion. Le manque d'un horizon enthousiasmant est si criant que cette proposition est apparue comme une évidence, et le chantier s'est ouvert. Le Comité international de 2019 a discuté d'une « Proposition pour un débat programmatique » et a décidé de poursuivre largement et publiquement le débat. Courant 2020, trois commissions — sur l'écologie, les questions LGBTIQ et l'oppression des femmes et le féminisme — ont produit chacune une contribution sur le type de société que nous voulons. Un groupe de travail s'est ensuite constitué pour s'atteler au travail de rédaction. Premier plan, premières rédactions des différentes parties, échanges avec des scientifiques… Un travail de plusieurs mois débouche sur une première « Contribution à l'élaboration d'un programme écosocialiste dans le cadre de la nécessaire réduction de la production matérielle globale » qui est adoptée comme base de travail par le Comité international de février 2022. C'est désormais un texte global dans lequel « le monde pour lequel nous nous battons » occupe une place importante. Le travail se poursuit — rapport en octobre 2023, changement de plan, changement de titre… — pour aboutir à une version « provisoirement définitive » adoptée par le Comité international de février 2024. C'est cette version qui, traduite en français, anglais, castillan, arabe, portugais… est discutée dans les différentes sections. Discussions qui donnent lieu à de nombreux amendements, apportant précisions, nuances, compléments. Un nouveau travail d'enrichissement du document aboutit au texte qui est soumis au vote du Congrès mondial de février 2025.

À partir de là, le Manifeste entame une nouvelle vie, publique, car nous souhaitons qu'il soit largement débattu bien au-delà des rangs de la Quatrième internationale.

Quelle est l'importance d'un tel texte, et quel est son objectif pour la IVe Internationale ?

Je pense que ce texte est très important pour la IVe Internationale, et au-delà. Juste une première précision : ce n'est pas un texte « écolo ». Nous avons déjà adopté des textes importants sur l'écologie au 15e congrès en 2003 avec « Écologie et socialisme » et au dernier congrès en 2018 avec « La destruction capitalisme de l'environnement et l'alternative écosocialiste ». Là, c'est autre chose ; c'est véritablement un Manifeste écosocialiste, un Manifeste du marxisme révolutionnaire d'aujourd'hui. Dire « aujourd'hui », cela signifie dans une situation qui est surdéterminée par la menace de cataclysme que le bouleversement climatique fait peser sur l'humanité. Et cela conditionne notre programme, notre projet.

Dès l'intro, le texte donne le cadre et le niveau de l'enjeu. Notre époque est celle d'une double crise historique : la crise de l'alternative socialiste face à la crise multiforme de la « civilisation » capitaliste. L'objectif est bien de contribuer à répondre à cette crise de l'alternative. D'y contribuer à partir des acquis historiques de notre courant, marxiste, révolutionnaire, antibureaucratique et de ses actualisations inspirées des luttes sociales et écologiques, et des réflexions critiques anticapitalistes qui se développent dans le monde.

Nous sommes convaincuEs que la révolution est plus que jamais nécessaire, non seulement pour mettre fin à l'exploitation, aux oppressions, à la domination du capital sur nos vies, mais aussi pour « tirer le frein d'urgence » et sauver l'humanité d'une catastrophe écologique sans précédent dans l'histoire humaine. Mais nous sommes aussi convaincuEs aussi qu'il ne suffit pas de dire « une seule solution la révolution » (même si c'est vrai !)… Nous avons besoin de mieux comprendre le monde et les multiples crises qui le secouent, et sur cette base de construire un programme de revendications à partir des besoins et des exigences des exploitéEs et des oppriméEs, un programme qui inévitablement pose la question du pouvoir, qui dirige ? qui possède ? Un programme pour aider à agir, car nous savons que c'est dans l'action, dans l'auto-organisation que se construisent l'envie, la force et la conscience de pouvoir changer le monde.

Dans notre vocabulaire, on appelle cela la démarche de transition. Rien que de très classique ! Mais elle doit absolument être réactualisée dans son contenu pour répondre aux menaces et aux défis globaux posés par la crise écologique.

L'existence de ce manifeste exprime-t-il un changement de période, au sens léniniste, et/ou un changement de paradigme politique pour la IVe Internationale ?

Deux fois oui ! Le monde est à un moment de bascule. Comme le dit notre camarade Daniel Tanuro : « Il est trop tard pour éviter la catastrophe, il s'agit d'empêcher qu'elle se transforme en cataclysme. L'enjeu est la soutenabilité physique de l'espèce humaine sur la seule planète vivable du système solaire ».

Le bouleversement écologique n'est pas une manifestation parmi d'autres de la crise historique du capitalisme. Il est au cœur des contradictions insurmontables de ce système, qu'il aggrave tout en étant aggravé par ces contradictions.

Il ne s'agit donc plus seulement d'intégrer l'écologie dans quelques chapitres de notre ­programme mais de faire du respect des équilibres écologiques de la planète son fil conducteur.

Nous utilisons le terme « écosocialisme » depuis longtemps déjà, mais nous avons besoin d'en tirer toutes les implications. La décroissance de la consommation globale d'énergie, donc la décroissance de la production matérielle et des transports, est une contrainte physique incontournable. La décroissance n'est ni un programme ni un projet de société, mais une décroissance juste, tenant compte des responsabilités différenciées et des conséquences inégales, doit imprégner notre programme, tout notre programme.

Il s'agit aussi d'intégrer pleinement les apports du féminisme sur la place de la reproduction sociale et de mettre le soin aux humains et au vivant au centre. L'obligation de rompre avec le tout-productivisme, qui a imprégné et imprègne encore le mouvement ouvrier, a aussi des implications stratégiques. Nous devons partir des luttes écosociales existantes, pour gagner la participation des salariéEs et les arracher à l'hégémonie productiviste du capital, ce qui est un enjeu décisif. Ainsi, les luttes antiproductivistes et contre toutes les oppressions ne sont pas à côté des luttes contre l'exploitation mais font partie de la lutte des classes vivante. Tel est le sens de ce projet de Manifeste. Faire vraiment de l'écosocialisme notre programme.

Propos recueillis par la rédaction

L’Espagne : exception étonnante et modèle pour le Québec ?

4 mars, par Ovide Bastien — ,
Donald Trump retourne à leur pays des millions d'immigrant-es, les qualifiant souvent de simples violeurs, criminels, etc. La CAQ et le PQ veulent limiter davantage (…)

Donald Trump retourne à leur pays des millions d'immigrant-es, les qualifiant souvent de simples violeurs, criminels, etc. La CAQ et le PQ veulent limiter davantage l'immigration, celle-ci, disent-ils, accentuant la crise du logement et contribuant au déclin du français au Québec. Le président argentin, devenu l'étoile montante de l'extrême-droite au niveau international, dénonce, au récent Sommet de Davos, ce fléau qu'est devenu la migration massive fruit, dit-il, de la fausse mauvaise conscience de l'Occident qui se perçoit erronément comme étant la racine de tous les maux dans le monde ! Les partis de centre-gauche en Europe se voient de plus en plus chasser du pouvoir, tandis que la droite radicale étend son influence en alimentant les inquiétudes liées à l'immigration et à la stagnation économique.

Le gouvernement de coalition dirigé par les socialistes en Espagne constitue cependant une exception étonnante à cette triste tendance que nous observons de jour en jour.

The Economist affirme qu'en 2024 l'Espagne est l'économie la plus dynamique de l'Union européenne et une des plus performantes au monde. Et un facteur clé contribuant à cela est précisément ce qui la démarque de ses voisins la France, l'Allemagne et l'Italie : sa grande ouverture en matière d'immigration.

En octobre 2024, le premier ministre espagnol, Pedro Sánchez, affirmait au parlement qu'il fallait choisir entre un pays ouvert et prospère et un pays fermé et pauvre{}. C'est aussi simple que cela, insistait-il. Tout au long de l'histoire, le mouvement migratoire a été l'un des grands moteurs du développement des nations, tandis que la haine et la xénophobie ont été - et continuent d'être - le plus grand destructeur de nations. L'essentiel est de bien gérer la migration.

Dans un pays où le taux de natalité est l'un des plus bas de l'UE, poursuivait-il, l'immigration n'est pas seulement une question d'humanité. C'est le seul moyen réaliste de faire croître l'économie et de maintenir l'État-providence.

En 2024, plus de 400 000 postes vacants en Espagne ont été pourvus par des migrant-es et des personnes ayant la double nationalité et à partir de 2025, on prévoit d'offrir des permis de résidence et de travail à 900 000 migrant-es sans papiers.

L'économie espagnole a progressé de 3,2 % en 2024, affirme la correspondante du Guardian Ashifa Kassam. Ce chiffre dépasse de loin la contraction de 0,2 % de l'Allemagne, la croissance de 1,1 % de la France et celle de 0,5 % de l'Italie. Ce chiffre est également supérieur à celui de la Grande-Bretagne, dont le PIB total a augmenté de 0,9 % l'année dernière, et à celui des Pays-Bas, qui a progressé de 0,8.

Certes, le tourisme contribue énormément, comme c'est le cas en France et en Italie, à la création d'emplois dans les hôtels, les restaurants et autres services. Cependant, si l'Espagne a tant profité du nombre record de touristes qu'elle accueillait en 2024 – 94 millions –, réussissant à ramener son taux de chômage au niveau le plus bas depuis 2008, c'est parce qu'elle a su montrer une grande ouverture à l'immigration. Ce sont les migrant-es qui comblaient les lacunes d'un marché du travail où la population en âge de travailler vieillit.

Javier Díaz-Giménez, professeur d'économie à IESE Business School de Barcelone, souligne d'autres facteurs qui, à son avis, ont contribué au succès de l'économie espagnole.

D'une part, l'Espagne jouit d'une abondance d'énergies renouvelables éoliennes et solaires, ce qui a permis de maintenir l'énergie à un prix relativement bas. D'autre part, l'Espagne a puisé dans les fonds de relance Covid de l'UE pour soutenir l'économie et a même osé encourir un déficit en 2024 pour effectuer des dépenses publiques record, consacrant surtout celles-ci à la modernisation des infrastructures vitales et aux investissements verts, y compris les zones urbaines à faibles émissions et les subventions pour les petites entreprises.

Le gouvernement de Pedro Sánchez a fait augmenter le salaire minimum en Espagne de plus de 50% depuis son arrivée au pouvoir en 2018.

Comme le note María Ramírez dans le Guardian, toutes les données économiques en Espagne ne sont pas cependant roses.

L'Espagne est toujours confrontée à une faible productivité, à une dépendance excessive à l'égard du secteur public et à des salaires bas (le PIB par habitant n'a pas augmenté autant que le PIB), même si elle s'est améliorée dans ces domaines également, » affirme Ramírez. « Le tourisme, bien que moteur de l'économie, a exacerbé la pénurie de logements et alimenté une réaction brutale contre les visiteurs, les plateformes de location à court terme et les fonds d'investissement poussant les habitants à quitter les centres-villes.

L'immigration a accentué la pression sur les logements abordables, la demande dépassant l'offre à mesure que la population augmente, » poursuit-elle. « Certains politiciens accusent les riches acheteurs vénézuéliens et colombiens d'être responsables de la hausse des prix dans les quartiers les plus chers de Madrid. Les immigrés les plus pauvres, en particulier ceux originaires des pays d'Afrique du Nord, continuent d'être victimes de discrimination et d'exploitation de la part d'employeurs ou de propriétaires peu scrupuleux et criminels. Pendant ce temps, les politiciens régionaux et nationaux sont souvent pris dans des conflits concernant le logement des mineurs immigrés qui sont arrivés seuls en Espagne.

Tout cela étant reconnu, l'Espagne représente peut-être un modèle à suivre pour le Québec où il existe une abondance d'énergie propre et peu coûteuse.

Augmenter le salaire minimum. Avoir le courage d'effectuer des investissements massifs dans les infrastructures publiques, incluant dans ces secteurs si importants, à la fois sur le plan humain et économique, que sont la santé et l'éducation. Accélérer de façon radicale la transition à l'énergie verte. Ne pas couper mais plutôt augmenter les budgets permettant aux immigrant-es d'apprendre le français. Et ne pas craindre, comme l'a fait Pedro Sánchez, d'augmenter le déficit pour réaliser tout cela.

Voilà un modèle que pourrait suivre le Québec dans la conjoncture actuelle.

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Le programme PAFI, vous connaissez ? PAFI pour programme d'aide financière à l'investissement.

Sans virus.www.avast.com

Les pannes du REM : Le ver est dans la pomme

4 mars, par Germain Dallaire, Martine Ouellet — ,
Le REM est gratuit cette semaine. Les usagers réguliers qui ont déjà payé leur passe mensuelle doivent l'avaler de travers celle-là. Comme s'ils en n'avaient pas déjà assez de (…)

Le REM est gratuit cette semaine. Les usagers réguliers qui ont déjà payé leur passe mensuelle doivent l'avaler de travers celle-là. Comme s'ils en n'avaient pas déjà assez de subir les multiples pannes, voilà que la CPDQ infra se paie une campagne de marketing cheap sur leur dos. Un chausson avec ça ?

Privatisation sournoise

Les problèmes du REM sont tout sauf imprévisibles. Ils sont le résultat d'un mélange des genres. On ne peut servir deux maîtres en même temps : soit c'est la maximisation du rendement financier, soit c'est le bien commun. Dans le cas du REM, le projet de transport en commun électrifié sert depuis le début à masquer une gigantesque mécanique de transfert d'argent de la population vers le secteur financier. C'est une forme de privatisation extrêmement sournoise.

Quelques données de base bien connues permettent de camper le décor. La CPDQ infra possède un contrat de 99 ans avec le gouvernement qui fera qu'à son échéance, nous aurons payé trois fois le prix de cette infrastructure. En plus de cela, le gouvernement lui garantit un rendement de près de 8% par année avec l'argent des contribuables. Comme si cela n'était pas assez, le REM a cannibalisé la ligne publique de train de banlieue la plus rentable.

Oublions l'argument à l'effet que le REM permet de créer des emplois ici. Particulièrement depuis le passage de Michael Sabia, les investissements de la Caisse sont grandement tournés vers l'étranger. La vocation de la Caisse qui était de soutenir l'économie québécoise, n'est plus qu'un vague souvenir. Un fait concernant le REM l'illustre parfaitement : la Caisse est actionnaire à 17% d'Alstom qui elle, a choisi de faire construire les wagons du REM… en Inde. C'est tout dire…

Les services publics comme vache à lait de la haute finance

Il faut le dire haut et fort, la conception financière du REM est d'abord et avant tout celle d'une machine à accaparer le fric des contribuables. À cet égard, il a fait des p'tits puisqu'après l'avoir conçu, Michael Sabia est allé mettre en place la Banque d'infrastructure Canadienne (BIC) qui permet à des grands fonds d'investissement tels Black Rock de financer des infrastructures publiques avec à la clé… un rendement annuel garanti avec l'argent des contribuables. C'est retors à souhait.
Aujourd'hui, Michael Sabia est à la tête d'Hydro-Québec. Depuis son arrivée, on voit se multiplier les grands projets éoliens qui, pour se donner un vernis d'acceptabilité sociale, s'associent à des communautés autochtones et des MRC malgré que l'opérateur soit privé. Ces MRC ou Conseils de bande ont des budgets annuels de quelques millions et embarquent dans des projets qui, pour certains, dépassent les milliards d'investissement. Qui donc les financera ? Poser la question c'est y répondre. Michael Sabia a pensé à tout. Nous sommes à l'ère des services publics servant de vache à lait à la haute finance. Les usagers du REM en paient actuellement le gros prix.

Martine Ouellet
Cheffe de Climat Québec

Germain Dallaire
Syndicaliste

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Ils auraient dû nous écouter au sujet du libre-échange

4 mars, par Judy Rebick — ,
Il y a près de 40 ans, la gauche mettait en garde contre les conséquences d'un ancrage économique du Canada aux États-Unis. L'élection de Donald Trump montre à quel point ces (…)

Il y a près de 40 ans, la gauche mettait en garde contre les conséquences d'un ancrage économique du Canada aux États-Unis. L'élection de Donald Trump montre à quel point ces avertissements étaient justes.

Article publié dans rabble.ca, le 30 janvier 2025 et traduit par Ovide Bastien

C'est réconfortant mais en même temps douloureux de constater que c'est la gauche qui a mis en garde contre les dangers de l'intégration économique avec les États-Unis il y a plusieurs décennies.

En 1987, une large coalition d'organisations se formait pour lutter contre l'accord de libre-échange conclu par le Premier ministre Brian Mulroney avec les États-Unis. Conscients que l'intégration à l'économie américaine entraînerait des pertes d'emplois et une diminution de l'autonomie politique, celle-ci invitait un large éventail de groupes à se joindre à Pro-Canada, qui est devenu le Réseau Action Canada. Les syndicats, les églises, l'Assemblée des Premières Nations, le tout nouveau Conseil des Canadiens et le Comité d'action national sur le statut de la femme s'unissaient au-delà de leurs divergences pour s'opposer conjointement au libre-échange.

L'accord de libre-échange avec les États-Unis marquait le début de la mise en œuvre du néo-libéralisme au Canada. Ronald Reagan et Margaret Thatcher avaient déjà effectué ce virage aux États-Unis et en Angleterre, mais le Canada restait alors un pays plus social-démocrate. Brian Mulroney entreprenait de changer cela.

Lorsque je me suis engagée, les coprésidents étaient Maude Barlow, présidente du Conseil des Canadiens et ancienne libérale, et Tony Clarke, qui était à l'époque un cadre supérieur de la Conférence des évêques catholiques. Nous étions alors en pleine lutte pour le droit à l'avortement et nous sommes parvenus à former une coalition contre le libre-échange en même temps que nous nous battions dans les rues pour l'avortement. Il s'agissait d'une coalition extraordinairement diversifiée qui comprenait des nationalistes qui estimaient que le Canada était déjà trop dépendant des États-Unis, des syndicalistes qui s'inquiétaient surtout des pertes d'emploi dans le secteur manufacturier, des féministes qui se concentraient sur les pertes d'emploi des femmes et sur la pression à la baisse qui s'exercerait sur nos programmes sociaux, et je pense qu'il est juste de dire qu'à l'époque, aucun des groupes non autochtones n'était très au fait des questions autochtones. Les divisions entre les syndicats internationaux et nationaux étaient très profondes, mais ils parvenaient à surmonter celles-ci afin de s'unir contre le libre-échange.

Nous avons dit à l'époque - et nous avons aujourd'hui raison - que l'intégration de notre économie dans celle d'une superpuissance dix fois plus grande que la nôtre était une erreur. Dans les années 1970, l'industrie manufacturière représentait près de 25 % de notre PIB, aujourd'hui elle n'en représente plus que 10 % », me confiait récemment Maude. « Ne vous méprenez pas, les menaces tarifaires du président Donald Trump concernent en réalité les ressources du Canada, en particulier les minéraux rares et l'eau. (1)

Marjorie Cohen, une économiste féministe qui faisait partie de la commission de l'emploi du Comité national d'action sur le statut des femmes (CNA), démontrait dans sa recherche que non seulement des emplois féminins, par exemple dans l'industrie textile, seraient perdus, mais aussi que des pressions seraient exercées pour que nous réduisions nos programmes sociaux afin de nous aligner sur les États-Unis. Le CNA, la plus grande coalition féministe de l'époque, participait activement à la lutte contre le libre-échange dès le début. La Coalition contre le libre-échange de Toronto, qui a précédé l'AED, se réunissait souvent dans les bureaux du CNA à Toronto.

Il était plus facile de former une coalition à l'époque, à la fois parce qu'il y avait plus d'organisations nationales, que les syndicats étaient plus militants et que Maude Barlow était brillante pour gérer les différences à la table des négociations. Mais les différences étaient également plus importantes. L'une des plus grandes divisions était entre les syndicats du Congrès du travail du Canada, qui comprenaient de nombreux syndicats américains, comme les Travailleurs canadiens de l'automobile, qui se sont ensuite séparés du syndicat américain et sont devenus Unifor, et un mouvement syndical strictement canadien organisé par des progressistes du Québec et du Canada anglais qui ne voulaient pas faire partie des grands syndicats américains. Mais nous étions aussi un peu plus enthousiastes à l'idée de grands débats, dont beaucoup ont eu lieu mais sans jamais faire éclater la coalition. Nous étions tous opposés au libre-échange, car nous savions qu'il nous rendrait trop dépendants des États-Unis à tous les niveaux.

L'élection de 1988 est devenue l'élection du libre-échange parce que c'était de loin la question dominante. Lors du débat des chefs en 1988, John Turner, alors leader des libéraux, déclarait :

Nous avons construit un pays à l'est, à l'ouest et au nord. Nous l'avons construit sur une infrastructure qui a délibérément résisté à la pression continentale des États-Unis. Nous l'avons fait pendant 120 ans. D'un seul trait de plume, vous avez renversé cette situation, vous nous avez jetés dans l'influence nord-sud des États-Unis et vous nous réduirez, j'en suis sûr, à une colonie des États-Unis, car lorsque les leviers économiques disparaissent, l'indépendance politique s'effond aussi forcément.

Les libéraux et les néo-démocrates étant opposés au libre-échange, nous avons obtenu une majorité de voix contre l'accord de libre-échange lors des élections de 1988. Cependant, les conservateurs, qui eux y étaient favorables, ont remporté les elections en raison de notre système électoral antidémocratique.

Lorsque les libéraux sont arrivés au pouvoir en 1994, Mulroney venait de signer l'ALENA, qui incluait le Mexique dans l'accord de libre-échange. Les libéraux ont soutenu l'ALENA alors qu'ils s'étaient opposés au libre-échange en 1988.

La coalition que nous avons formée contre le libre-échange s'est transformée, dix ans plus tard, en mouvement antimondialisation.

Les syndicats et les jeunes militants se sont mobilisés dans le monde entier contre les institutions de la mondialisation des entreprises. Ils ont fait valoir que ces institutions retiraient du pouvoir à l'État-nation. Si la cible de la mondialisation des entreprises était bonne, les États-nations du Nord ont conservé leur pouvoir. Aujourd'hui, nous voyons un président d'extrême droite qui semble vouloir faire voler en éclats le système actuel du capitalisme international pour satisfaire sa propre quête de pouvoir et les intérêts de ses amis milliardaires. Et comme nous le voyons aux États-Unis et dans les pays européens où des gouvernements d'extrême droite sont arrivés au pouvoir, nous ne pouvons pas vraiment compter sur le gouvernement pour nous sortir de cette crise.

Il ne fait aucun doute que le capitalisme néolibéral est en crise, cela se combine avec la crise de la gouvernance mondiale due à l'insistance de la plupart des gouvernements occidentaux à soutenir Israël en dépit des accusations de génocide portées par les tribunaux internationaux. Nous traversons la pire crise mondiale depuis les années 1930. Nous vivons une époque révolutionnaire, mais je crains que, comme en Allemagne et en Italie dans les années 1930, ce ne soient les fascistes et l'extrême droite qui en profitent étant donné l'énorme faiblesse de la gauche.

Avec la transformation rapide du système économique en ce que l'économiste grec Yanis Varoufakis appelle le techno-féodalisme, la gauche a été laissée pour compte, incapable d'envisager un avenir différent qui pourrait assurer une vie décente à chacun et divisée par des politiques puristes et, au Canada, par la capacité du gouvernement de Justin Trudeau à coopter la plus grande partie de l'opposition provenant des ONG.

Maintenant que notre économie est tellement intégrée à l'économie américaine, les tarifs douaniers de Trump pourraient être catastrophiques à la fois pour les travailleuses et travailleurs canadiens et américains. Jim Stanford, qui a participé au mouvement antimondialisation en tant que chercheur pour les Travailleurs canadiens de l'automobile, aujourd'hui Unifor, rédige présentement des articles importants sur la façon dont le Canada pourrait résister aux tarifs douaniers.

Les premiers ministres, le cabinet fédéral et l'actuel premier ministre Justin Trudeau – qui très bientôt ne le sera plus – organisent des réunions d'urgence et consultent un comité spécial composé de représentants des entreprises et des syndicats.

Mais nous ne pouvons pas compter sur le gouvernement, quel qu'il soit, pour résister aux changements préconisés par Trump.

Nous avons besoin d'une autre coalition intersectorielle de groupes qui peuvent s'organiser contre la montée du fascisme aux États-Unis et peut-être ici au Canada. Et d'une vision de ce à quoi l'avenir devrait ressembler. Le Green New Deal était un bon début, mais nous avons besoin de plus.

(1) Note du traducteur, Ovide Bastien. Maude Barlow laisse entendre ici que ce serait l'accord de libre-échange qui aurait contribué à cette énorme baisse de l'industrie manufacturière canadienne. Lectrices et lecteurs peuvent donc soupçonner que la baisse au Canada amenait une hausse de l'industrie manufacturière aux Etats-Unis. Cependant, la situation est plus complexe que cela, car dans ce même laps de temps – de 1970 à aujourd'hui – l'industrie manufacturière états-unienne connaissait une baisse tout aussi prononcée que celle du Canada.

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Le programme PAFI, vous connaissez ? PAFI pour programme d'aide financière à l'investissement.

Sans virus.www.avast.com

7444 résultat(s).
Regroupement des médias critiques de gauche (RMCG)

gauche.media

Gauche.media est un fil en continu des publications paraissant sur les sites des médias membres du Regroupement des médias critiques de gauche (RMCG). Le Regroupement rassemble des publications écrites, imprimées ou numériques, qui partagent une même sensibilité politique progressiste. Il vise à encourager les contacts entre les médias de gauche en offrant un lieu de discussion, de partage et de mise en commun de nos pratiques.

En savoir plus

Membres