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L’Iran et les houthistes, une alliance sans alignement

En riposte au bombardement de son consulat à Damas, l'Iran a lancé une attaque limitée contre Israël dans la nuit du 13 au 14 avril. Les houthistes yéménites y ont participé et (…)

En riposte au bombardement de son consulat à Damas, l'Iran a lancé une attaque limitée contre Israël dans la nuit du 13 au 14 avril. Les houthistes yéménites y ont participé et continuent à viser les navires de commerce « ennemis » en mer Rouge. Conscient de sa propre capacité de nuisance et de son inscription dans des enjeux locaux, le mouvement armé Ansar Allah n'est toutefois pas totalement aligné avec les intérêts de la République islamique.

Tiré d'Orient XXI. Cet article a initialement été publié par le Sana'a Center for Strategic Studies sous le titre « Iran's View of Houthi Attacks in the Red Sea : Protecting Gains and Limiting Costs », le 9 avril 2024. Traduit de l'anglais par Laurent Bonnefoy.

La guerre à Gaza a donné aux houthistes, dont le nom en arabe est Ansar Allah, l'occasion de consolider leur pouvoir au Yémen et d'étendre leur influence régionale. Pour atteindre leurs objectifs, ils ont lancé des dizaines d'attaques contre la navigation en mer Rouge. Sur le plan intérieur, cela leur a permis de mobiliser un fort sentiment propalestinien au sein de la population. Au niveau régional, le mouvement a pu s'affirmer comme une puissance émergente. Il a démontré sa capacité et sa volonté d'entraver la navigation dans l'un des principaux goulots d'étranglement du commerce mondial.

Pour comprendre les intérêts et les perceptions de l'Iran concernant la crise en mer Rouge, il est utile d'examiner son approche du Yémen avant l'opération du Hamas le 7 octobre. Pour les dirigeants de la République islamique, la montée en puissance des houthistes constitue une évolution indéniablement positive. Ces derniers sont certes confrontés à des obstacles au niveau national du fait de la situation économique difficile et du mécontentement croissant dans les régions sous leur autorité. Cependant, ils sont sortis de la guerre civile et de l'intervention menée par l'Arabie saoudite depuis neuf ans comme autorité gouvernante de facto dans le nord-ouest du pays, sans concurrent politique ni militaire. Le gouvernement internationalement reconnu reste d'ailleurs, quant à lui, faible et divisé.

Légitimer le pouvoir

Le montant exact du soutien financier de l'Iran au mouvement yéménite n'est pas connu, mais il ne dépasse probablement pas quelques centaines de millions de dollars par an depuis 2015. En fournissant aux houthistes des armes légères, des munitions et des pièces détachées pour des armes plus sophistiquées, tels des missiles et des drones, en plus de la formation et des renseignements nécessaires pour les utiliser, l'investissement limité de l'Iran lui a procuré des gains tout à fait significatifs (1). C'est en partie grâce à ce soutien que les houthistes sont devenus la puissance dominante au Yémen et un acteur clé de « l'axe de la résistance » — le réseau régional de groupes armés non étatiques guidé par Téhéran.

Le fait que les houthistes aient engagé une escalade militaire en mer Rouge permet à l'Iran de maximiser le rendement de son investissement au Yémen et ne modifie donc pas son calcul global. De son point de vue, la prochaine étape reste la légitimation du pouvoir des houthistes. C'est pourquoi Téhéran soutient un processus politique entre ces derniers et l'Arabie saoudite, dont la République islamique souhaite encourager le retrait. Si ce processus a été mis de côté pour l'instant, il ne fait aucun doute que Riyad souhaite toujours se sortir de sa guerre coûteuse au Yémen. Le résultat en sera inévitablement la consolidation du pouvoir des houthistes et non un processus de réconciliation nationale qui impliquerait une dilution du pouvoir du mouvement contrôlant actuellement Sanaa. Or, au vu de leurs récentes interventions, les houthistes seront en mesure d'obtenir encore plus de concessions de la part de Riyad lorsque les pourparlers finiront par reprendre.

Institutionalisation de« l'axe de résistance »

L'émergence des houthistes en tant qu'acteur régional puissant profite également à l'Iran au-delà des frontières du Yémen, en renforçant ses capacités de dissuasion et son aptitude à imposer des coûts à ses rivaux américains, israéliens et saoudiens. Elle indique qu'en plus du détroit d'Ormuz, l'Iran et ses partenaires peuvent perturber la navigation dans un autre point névralgique, le détroit de Bab Al-Mandeb, qui relie le golfe d'Aden à la mer Rouge, et par lequel transite environ 12 % du commerce maritime mondial.

La démonstration par les houthistes de leurs capacités régionales et l'intensification de leurs liens avec d'autres partenaires iraniens, en particulier le Hamas et le Hezbollah, confirment la tendance à l'institutionnalisation de « l'axe de la résistance ». Enfin, la capacité du mouvement yéménite à se positionner en tant que champion de la cause palestinienne renforce le récit porté par ces acteurs issus de différents coins du Proche-Orient. Les houthistes tirent ainsi parti d'une position véritablement populaire au Yémen et dans l'ensemble du monde arabe, au moment où leurs rivaux, forcément alignés sur les États-Unis, se montrent moins engagés dans la défense des droits des Palestiniens.

Un pari qui demeure audacieux

Malgré ces avancées, les récents événements survenus en mer Rouge présentent des risques pour l'Iran. Le principe dominant de la politique étrangère de la République islamique est d'éviter une confrontation directe avec les États-Unis, compte tenu de la grande asymétrie de puissance entre les deux pays. Le soutien apporté aux groupes armés non étatiques dans toute la région lui permet de repousser l'insécurité au-delà de ses propres frontières. Car ses dirigeants comprennent qu'en cas d'escalade majeure, les États-Unis ont en fin de compte la capacité de causer beaucoup plus de dégâts. C'est en partie la raison pour laquelle l'Iran a encouragé le Hezbollah à ne pas intensifier son conflit avec Israël, une retenue compatible avec les intérêts intérieurs actuels du parti libanais.

C'est dans ce contexte que la démesure des actions houthistes présente des risques pour l'Iran. Ceux-ci estiment à juste titre qu'aucun acteur au Yémen ne peut les défier. Non seulement ils peuvent résister à des frappes aériennes limitées de la part des États-Unis et du Royaume-Uni, mais ils peuvent aussi tirer profit de ces attaques sur le plan politique. En ce sens, leur tolérance au risque est plus élevée que celle de l'Iran, qui cherche davantage à éviter l'escalade. L'Iran est également conscient que le Hamas subit des dommages militaires importants et a perdu la capacité de gouverner la bande de Gaza. Ce sont-là deux leviers importants dans le jeu régional de Téhéran qui souhaite ainsi éviter que les houthistes ne subissent davantage de dommages au-delà des bombardements américano-britanniques.

Un calibrage minitieux

L'équilibre idéal pour la République islamique est une zone grise dans laquelle les houthistes, comme d'autres groupes armés pro-iraniens, provoquent l'Arabie saoudite, Israël et les États-Unis, et contribuent à les enliser dans des conflits aussi coûteux que possible. Pendant ce temps, « l'axe de la résistance » marque des points sur le plan rhétorique, renforçant sa popularité. Une telle mécanique permet à l'Iran de faire pression directement et indirectement sur ses rivaux et de leur imposer des coûts, tout en évitant une escalade qui lui serait coûteuse. C'est probablement la raison pour laquelle, comme l'ont suggéré de récents articles (2), l'Iran s'est efforcé de maîtriser certaines des milices qu'il soutient en Irak. Celles-ci avaient poussé le bouchon trop loin, augmentant le risque d'une nouvelle escalade.

Cet exercice de calibrage minutieux ravive l'ancien débat sur le niveau d'influence opérationnelle et stratégique que l'Iran exerce à l'égard des houthistes. Certains analystes considèrent ces derniers comme des mandataires et affirment que Téhéran, sans nécessairement les contrôler directement, exerce une influence majeure. Les récents événements plaident néanmoins en faveur d'un point de vue plus nuancé. Farouchement nationalistes tout en bénéficiant d'une aide iranienne importante, les houthistes sont devenus un acteur puissant de plus en plus indépendant. Il serait donc davantage judicieux de les qualifier de partenaires. Malgré quelques divergences, leurs intérêts sont pour la plupart alignés et ils collaborent étroitement dans une même quête.

L'objectif principal de la politique étrangère iranienne reste de limiter la marge de manœuvre des États-Unis en augmentant les coûts réels ou potentiels de leurs actions, de même qu'en les forçant à faire de mauvais choix et à adopter des politiques préjudiciables. C'est dans cette situation que l'Iran a contribué à pousser les États-Unis dans la mer Rouge. Washington se retrouve désormais empêtré dans la guerre au Yémen en bombardant les houthistes, avec des chances de succès limitées. Sachant qu'Israël est embourbé dans une guerre coûteuse à Gaza, et que les houthistes ont émergé comme une puissance régionale réalisant d'importants gains en termes de propagande, l'objectif de la République islamique est désormais de protéger les acquis de ses alliés tout en minimisant les pertes : effectives pour ce qui concerne le cas du Hamas, potentielles dans le cas des houthistes. L'équilibre demeure donc précaire.

Notes

1- Thomas Juneau, « How war in Yemen transformed the Iran-Houthi partnership », Studies in Conflict and Terrorism, vol. 47, n°3, 2023.

2- Susannah George, Dan Lamothe, Suzan Haidamous et Mustafa Salim, « Iran wary of wider war, urges its proxies to avoid provoking U.S. », The Washington Post, 18 février 2024.

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Nations unies - « Anatomie d’un génocide ». Le rapport de Francesca Albanese sur la situation à Gaza

16 avril 2024, par Francesca Albenese — , ,
Le 25 mars 2024, la rapporteuse spéciale de l'ONU présentait au Conseil des droits de l'homme un rapport mettant en évidence la dimension génocidaire de l'offensive israélienne (…)

Le 25 mars 2024, la rapporteuse spéciale de l'ONU présentait au Conseil des droits de l'homme un rapport mettant en évidence la dimension génocidaire de l'offensive israélienne sur Gaza. Dressant un tableau précis de la situation, elle appelle les États à mettre en œuvre un embargo sur les armes, à adopter des sanctions contre Israël afin d'imposer un cessez-le-feu et à déployer une présence internationale protectrice dans le territoire palestinien occupé.

Tiré de orientxxi
8 avril 2024

Par Francesca Albenese

26 mars 2024. Francesca Albanese, rapporteuse spéciale des Nations unies sur la situation des droits dans les territoires palestiniens, s'exprime lors d'une conférence de presse durant une session du Conseil des droits de l'homme de l'ONU, à Genève.
Fabrice COFFRINI/AFP

Dans son rapport de mars 2024 présenté devant le Conseil des droits de l'homme de l'Organisation des Nations unies (ONU), Francesca Albanese présente les actes et les intentions pouvant caractériser un génocide en cours à Gaza. La question d'un génocide réalisé par des moyens militaires est encore une fois posée, ainsi que celle de l'assistance militaire à Israël. En droit international, cette question n'est pas nouvelle dès lors qu'au Rwanda, la contribution de l'armée au génocide des Tutsi a déjà été attestée. Dans l'ex Yougoslavie, le massacre de Srebrenica, considéré comme acte de génocide, s'inscrivait également dans un contexte de conflit armé. S'agissant d'Israël, le blocus de Gaza exigeant l'emploi de la force militaire de l'État avait été présenté dès 2009 comme participant potentiellement d'un crime contre l'humanité (1). Et la Convention internationale sur la prévention et la répression du crime de génocide de 1948 énonce bien, dans son article I :

Les parties contractantes confirment que le génocide, qu'il soit commis en temps de paix ou en temps de guerre, est un crime du droit des gens, qu'elles s'engagent à prévenir et à punir.

Un contexte menaçant

Suite à la publication de ce rapport, un certain nombre d'États occidentaux ont relayé les accusations portées par Israël contre la personne de la rapporteuse spéciale. Le ministre des affaires étrangères et le ministre de l'intérieur israéliens estimaient en février 2024 que l'ONU devrait désavouer publiquement ses « propos antisémites » et la renvoyer définitivement (2). Et le Quai d'Orsay a cru bon d'affirmer pendant le point de presse du 26 mars 2024 que

Madame Albanese n'engage pas le système des Nations unies. Nous avons eu l'occasion par le passé de nous inquiéter de certaines de ses prises de positions publiques problématiques et de sa contestation du caractère antisémite des attaques terroristes du 7 octobre dernier.

Dans ce contexte menaçant, la rapporteuse spéciale n'est pourtant pas isolée parmi les experts indépendants du Conseil des droits de l'homme de l'ONU, chargés de « mandats thématiques » ou de « mandats par pays ». Ils ont publié collectivement plusieurs déclarations relatives au risque de génocide depuis le début de l'offensive israélienne contemporaine. Très récemment, c'est le rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation, Michael Fakhri, qui a alerté sur la volonté délibérée d'infliger une famine à Gaza (3).

Créé en 1993 par la Commission des droits de l'homme (devenue Conseil des droits de l'homme), le mandat du rapporteur spécial sur les territoires palestiniens occupés (qui fait partie des « mandats par pays ») vise à y examiner la situation des droits humains et à formuler des recommandations à l'intention de l'ONU. Plusieurs intellectuels de grande envergure, tels les professeurs sud-africain John Dugard (2001-2008), américain Richard Falk (2008-2014) ou canadien Michael Lynk (2016-2022) se sont succédés dans ces fonctions. Ils ont progressivement avancé une réflexion sur l'apartheid et invité les États à saisir la Cour internationale de justice (CIJ) d'une demande d'avis sur la situation. Cette demande s'est concrétisée et a donné lieu aux audiences de la fin février 2024 devant la Cour. L'indépendance des experts du Conseil des droits de l'homme et la force de leurs rapports ont souvent suscité des oppositions. En décembre 2008, elles avaient culminé avec l'arrestation puis l'expulsion par Israël de Richard Falk (4).

La mise en cause par Israël des rapporteurs spéciaux sur les territoires palestiniens occupés accompagne désormais un discours israélien visant à discréditer l'ensemble de l'ONU, son Secrétaire général, voire même ses juges. On sait que l'UNRWA, l'agence de l'ONU dédiée aux réfugiés palestiniens, a aussi été spécifiquement ciblée, ce qui a conduit à fragiliser son fonctionnement et affaiblir encore la population de Gaza. Dans son rapport, Francesca Albanese appelle d'ailleurs les États à continuer d'assurer le financement de l'agence (§ 97, g).

L'UNRWA est en outre implicitement confortée par la dernière ordonnance de la CIJ, largement centrée sur la question de la famine. Privilégiant la voie terrestre d'acheminement de l'aide humanitaire, la Cour ordonne à Israël de

prendre toutes les mesures nécessaires et effectives pour veiller sans délai, en étroite collaboration avec l'Organisation des Nations unies, à ce que soit assurée, sans restriction et à grande échelle, la fourniture par toutes les parties intéressées des services de base et de l'aide humanitaire requis de toute urgence […] en particulier en accroissant la capacité et le nombre des points de passage terrestres et en maintenant ceux-ci ouverts aussi longtemps que nécessaire (5).

Dans la requête qu'il a récemment introduite devant la CIJ s'agissant de Gaza, le Nicaragua reproche à l'Allemagne, au titre de la complicité de génocide, la fourniture de matériels militaires à Israël, mais également la suspension de son financement de l'UNRWA. Les audiences se tiendront, dans cette autre affaire, en ce mois d'avril 2024.

« Des preuves exceptionnellement présentes »

L'offensive actuelle sur Gaza est considérée par Francesca Albanese comme pouvant caractériser trois des actes de génocide listés par la Convention de 1948 (article II, a), b), et c)) : le meurtre de membres du groupe, l'atteinte grave à leur intégrité physique ou mentale et la soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle.

Les éléments de fait sont précisément et utilement rappelés, avec notamment les chiffres considérables de plus de 30 000 morts, 12 000 disparus (sous les décombres) et 71 000 blessés graves (§§ 21-45). L'offensive israélienne s'illustre aussi par la souffrance infligée aux enfants, qui peut être interprétée comme un moyen de détruire le groupe ciblé (§ 33). Quant à l'intention de détruire le groupe, propre au crime de génocide, elle peut être directement prouvée au regard des déclarations de hauts responsables israéliens, parfaitement comprises sur le terrain (§§ 50-53). Ainsi, « des preuves directes de l'intention génocidaire sont exceptionnellement présentes ». Ceci est un élément essentiel à la qualification de génocide, qui dispense de recourir à des preuves circonstancielles. En effet, en l'absence de preuves directes, la jurisprudence internationale refuse généralement de qualifier un génocide lorsque les faits de violence peuvent être « raisonnablement expliqués » autrement que par une intention de détruire le groupe.

C'est dans ce contexte que le rapport de Francesca Albanese examine le « jargon » humanitaire (§ 60) employé par Israël afin de justifier ses opérations. On se trouve en présence d'un discours israélien flou, où la justification des attaques par les catégories du droit des conflits armés est désormais susceptible de brouiller l'identification de l'« intention de détruire » qui a été officiellement énoncée dans les premiers mois de l'offensive. Se référant explicitement à l'instance introduite devant la CIJ par l'Afrique du Sud, Francesca Albanese note : « Pour sa défense, Israël a affirmé que sa conduite est conforme au droit international humanitaire ». Mais en réalité, « Israël a invoqué ce droit comme un "camouflage humanitaire" afin de légitimer la violence génocidaire qu'il déploie à Gaza » (§ 7). C'est l'intérêt du travail de Francesca Albanese que de l'exposer et d'œuvrer à la déconstruction des prétentions légales d'Israël au titre du droit de la guerre.

Le « camouflage humanitaire »

La dernière partie du rapport est donc intitulée de manière significative « Camouflage humanitaire : déformer le droit de la guerre pour masquer l'intention génocidaire ». La rapporteuse y estime que

sur le terrain, cette déformation du droit de la guerre […] a changé un groupe national entier et son espace habité en une cible militaire pouvant être détruite, révélant une conduite des hostilités « éliminationniste ». Ceci a eu des effets dévastateurs, coûtant la vie à des milliers de civils palestiniens, détruisant la vie à Gaza et causant des dommages irréparables. S'illustre une ligne de conduite claire dont on ne peut déduire qu'une intention génocidaire (6).

Plusieurs notions du droit relatif à la conduite des hostilités tels qu'instrumentalisées par Israël sont précisément analysées : l'accusation d'utilisation de boucliers humains ou d'utilisation militaire d'installations médicales par l'adversaire (A et E), l'extension de la notion d'objectif militaire (B), l'exploitation de la notion de « dommages collatéraux » (C), les ordres d'évacuations et les désignations de zones sûres (D). L'exemple des évacuations paraît, avec le siège et le ciblage systématique des hôpitaux, assez spécifique de l'offensive en cours. S'agissant des ordres d'évacuation, on assiste à la transformation d'une exigence du droit de la guerre (les précautions avant l'attaque) en instrument de persécution et d'affaiblissement de la population. Ceci a d'ailleurs été rapidement compris par les organes de l'ONU, puisque la résolution de l'Assemblée générale du 26 octobre 2023 demandait l'annulation du premier ordre d'évacuation du nord de Gaza. Le thème de la perfidie (la conduite perfide étant une violation grave du droit de la guerre) apparaît ainsi dans les développements du rapport de Francesca Albanese, dès lors que les zones désignées comme sûres à l'intention des civils déplacés et les couloirs humanitaires permettant leurs déplacements ont fait l'objet de bombardement et d'attaques (§§ 79 et 81).

Le rapport vient donc utilement contrer une approche qui se manifeste déjà dans le travail du procureur de la Cour pénale internationale (CPI). Cette approche consiste à représenter l'offensive comme une opération militaire où l'armée israélienne s'efforcerait de respecter les exigences du droit de la guerre dans une situation complexe — mais finalement classique — de conflit urbain. Or, s'il était question de respecter ce droit relatif à la conduite des hostilités, la règle de précaution dans l'attaque devrait s'appliquer au regard de la configuration de l'espace dans lequel est conduite l'offensive, c'est-à-dire une zone restreinte, close, très densément peuplée, où les objectifs militaires sont essentiellement souterrains en raison même du blocus imposé depuis 2007. Selon cette règle :

ceux qui décident une attaque doivent […] s'abstenir de lancer une attaque dont on peut attendre qu'elle cause incidemment des pertes en vies humaines dans la population civile, des blessures aux personnes civiles, des dommages aux biens de caractère civil, ou une combinaison de ces pertes et dommages, qui seraient excessifs par rapport à l'avantage militaire concret et direct attendu (7).

Ajoutons qu'au regard des objectifs énoncés par les dirigeants israéliens, il serait aussi possible de convoquer la règle qui criminalise le simple fait de déclarer un refus de quartier (8).

Il convient en outre de ne pas oublier que le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes dont relève le peuple palestinien impose à l'État colonial ou occupant de favoriser l'émancipation, ce qui questionne le principe même de l'offensive israélienne. À cet égard, le rapport de Francesca Albanese s'inspire de travaux historiques récents pour rapprocher la situation des territoires occupés d'un colonialisme de peuplement (§ 12). La qualification du génocide doit certainement être appréhendée dans ce contexte, souligne Francesca Albanese, c'est-à-dire en situant l'offensive contemporaine dans une histoire de déplacement et d'effacement du peuple palestinien (rapport, §§ 10-14).

Notes

1. Voir le rapport de la Mission d'établissement des faits de l'ONU sur le conflit à Gaza, 25 septembre 2009, doc ONU A/HRC/12/48, §§ 1332-1335

2. The Times of Israël, 12 février 2024. S'agissant du dernier rapport, le porte-parole du département d'État des États-Unis, Matthew Miller, prétendait relever le 27 mars 2024 « l'historique de commentaires antisémites qu'elle a faits », Middle East Eye, 28 mars 2024

3. « UN food rights expert blasts rights council for turning blind eye as Israel ‘intentionally starves' Gaza », Michelle Langrand, Geneva Solution, 9 mars 2024.

4. Voir le rapport du 25 septembre 2009, doc. ONU A/64/328

5. CIJ, Ordonnance du 28 mars 2024, 2) a).

6. § 57

7. Protocole additionnel I aux Conventions de Genève, article 57 § 2 a) iii)

8. Statut de la CPI, articles 8 § 2 b) xxii et e) x)). Les éléments de ce crime, tels que précisés par l'Assemblée des États parties à la CPI, sont les suivants : « 1. L'auteur a déclaré qu'il n'y aurait pas de survivants ou ordonné qu'il n'y en ait pas 2. Cette déclaration ou cet ordre a été émis pour menacer un adversaire ou pour conduire les hostilités sur la base qu'il n'y aurait pas de survivants. 3. L'auteur était dans une position de commandement ou de contrôle effectif des forces qui lui étaient subordonnées auxquelles la déclaration ou l'ordre s'adressait […] ».

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Gaza : « Anatomie d’un génocide » 7 avril 2024

16 avril 2024, par Artistes pour la paix — , ,
La semaine dernière, la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les territoires palestiniens occupés, Francesca Albanese, a publié un rapport intitulé « Anatomie d'un (…)

La semaine dernière, la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les territoires palestiniens occupés, Francesca Albanese, a publié un rapport intitulé « Anatomie d'un génocide », car il existe des « motifs raisonnables de croire » que le seuil de perpétration d'un crime de génocide a été atteint.

Par les Artistes pour la Paix – P.J.
http://www.artistespourlapaix.org/gaza-anatomie-dun-genocide-7-avril-2024/

Wikipédia décrit ainsi madame Albanese : née en 1977, elle est nommée le 1er mai 2022 rapporteur spécial des Nations unies sur les territoires palestiniens, pour un mandat de trois ans. Dans son premier rapport, elle recommande que les États membres de l'ONU élaborent « un plan pour mettre fin à l'occupation coloniale israélienne et au régime d'apartheid ». Elle critique l'inaction sur cette question, décrivant les États-Unis comme « subjugués par le lobby juif » et l'Europe par un « sentiment de culpabilité à l'égard de l'Holocauste », arguant que tous deux « condamnent les opprimés » dans le conflit. Pendant la guerre Hamas-Tsahal, Francesca Albanese appelle à un cessez-le-feu immédiat, avertissant que « les Palestiniens courent le grave danger d'un nettoyage ethnique de masse, que la communauté internationale doit « prévenir et protéger les populations des crimes d'atrocité », et que « la responsabilité des crimes internationaux commis par les forces d'occupation israéliennes et le Hamas doit également être immédiatement recherchée ».

Titulaire d'une licence en droit avec mention de l'Université de Pise et d'un master en droits de l'homme de l'université SOAS de Londres, elle termine son doctorat en droit international des réfugiés à la faculté de droit de l'université d'Amsterdam. Chercheuse affiliée à l'Institut pour l'étude des migrations internationales de l'université de Georgetown, conseillère principale sur les migrations et les déplacements forcés auprès de l'organisation à but non lucratif Arab Renaissance for Democracy and Development (ARDD) et chercheuse à l'Institut international d'études sociales de l'université Érasme de Rotterdam, elle rédige en 2020, avec Lex Takkenberg, l'ouvrage Palestinian Refugees in International Law. Francesca Albanese a travaillé pendant une décennie en tant qu'experte en droits de l'homme pour l'Organisation des Nations unies (ONU).

Journaliste, musicien, chef d'orchestre et écrivain juif, Jonathan Ofir a guidé notre lecture du rapport que les médias occidentaux camouflent, comme tout ce qui provient de l'ONU, ce que nous dénonçons sans relâche. Il est à noter que la rapporteuse condamne les crimes commis par le Hamas le 7 octobre en Israël, mais ils ont été commis en dehors de la zone géographique couverte par son mandat, comme le sont aussi la Cisjordanie et Jérusalem Est.

« Après cinq mois d'opérations militaires, Israël a détruit Gaza. Plus de 30 000 Palestiniens ont été tués, dont plus de 13 000 enfants. Plus de 12 000 personnes sont présumées mortes et 71 000 blessées, dont beaucoup ont subi des mutilations qui ont changé leur vie. Soixante-dix pour cent des zones résidentielles ont été détruites. Quatre-vingts pour cent de l'ensemble de la population a été déplacée de force. Des milliers de familles ont perdu des êtres chers ou ont été anéanties. Nombre d'entre eux n'ont pas pu enterrer et faire le deuil de leurs proches, contraints de laisser leurs corps en décomposition dans les maisons, dans la rue ou sous les décombres. Des milliers de personnes ont été arrêtées et systématiquement soumises à des traitements inhumains et dégradants. Le traumatisme collectif incalculable sera vécu pour les générations à venir. »

Albanese décrit les trois aspects essentiels du crime de génocide commis par Israël : le meurtre de membres d'un groupe spécifique de personnes, l'atteinte à leur intégrité physique ou mentale et la destruction volontaire de leurs conditions de vie. Le rapport comporte également une section consacrée à l'intention, qui recense une partie des innombrables déclarations génocidaires des dirigeants israéliens. Constituant presque la moitié du rapport (points 55-92, sur 97 points), se trouve une section consacrée au « camouflage humanitaire : déformer les lois de la guerre pour dissimuler l'intention génocidaire ». Cette section est subdivisée en cinq thèmes centraux :

1-Les boucliers humains et la logique du génocide.
2-Transformer l'ensemble de la bande de Gaza en « objectif militaire ».
3-Les tueries aveugles qualifiées de « dommages collatéraux ».
4-Les évacuations et les zones de sécurité.
5-La protection médicale.

Albanese démontre comment les trois principes centraux du droit international humanitaire – distinction, proportionnalité et précaution – ont été détournés par Israël dans le but de fournir un voile juridique à des actes illégaux et arbitraires. « Les attaques indiscriminées, qui ne distinguent pas les cibles militaires des personnes et des objets protégés, ne peuvent jamais être proportionnées et sont toujours illégales. Depuis le 7 octobre, les Palestiniens ont été « décivilisés » en utilisant des concepts du droit humanitaire international tels que les boucliers humains, les dommages collatéraux, les zones de sécurité, les évacuations et la protection médicale d'une manière si arbitraire et permissive qu'elle a vidé ces concepts de leur contenu normatif, subverti leur objectif de protection et érodé finalement la distinction entre les civils et les combattants dans les actions israéliennes à Gaza. (...) Les hauts responsables politiques et militaires d'Israël ont présenté systématiquement les civils comme des agents du Hamas, des « complices » ou des boucliers humains qui protègent le Hamas. Le droit international ne permet pas d'affirmer de manière générale qu'une force adverse utilise l'ensemble de la population comme boucliers humains en bloc. Cette accusation est donc un simple prétexte pour justifier le meurtre de civils sous le couvert d'une prétendue légalité, des meurtres perpétrés à une telle échelle que l'intention génocidaire ne peut faire de doute. »

Nettoyage ethnique des civils, déclarés « dommages collatéraux ».

Le droit international stipule que les attaques doivent être « strictement limitées » à des cibles qui « doivent offrir un avantage militaire certain ». Mais, note Albanese, « Israël a détourné cette règle pour ‘militariser' les objets civils et ce qui les entoure, justifiant ainsi leur destruction aveugle ». Ainsi, « la population civile de Gaza et les infrastructures sont considérées comme des obstacles situés au milieu, devant ou au-dessus des cibles [...et] Israël considère tout objet qui aurait été ou pourrait être utilisé militairement comme une cible légitime, de sorte que des quartiers entiers peuvent être rasés ou démolis sous une apparence de légalité ».

Israël cherche à dissimuler le ciblage à grande échelle des civils en les qualifiant de « dommages collatéraux ». « L'ordre d'évacuation massive du 13 octobre – lorsque 1,1 million de Palestiniens ont reçu l'ordre d'évacuer le nord de Gaza en 24 heures vers des ‘zones de sécurité' désignées par Israël dans le sud - [...], au lieu d'accroître la sécurité des civils, l'ampleur même des évacuations au milieu d'une campagne de bombardements intense et le système de zones de sécurité communiqué de manière désordonnée, ainsi que les coupures de communication prolongées, ont accru les niveaux de panique, les déplacements forcés et les tueries de masse. Lorsque les habitants du nord ont été évacués vers le sud, Israël a illégalement classé les habitants du nord de la bande de Gaza qui étaient restés (y compris les malades et les blessés) comme « boucliers humains » et « complices du terrorisme », transformant ainsi des centaines de milliers de civils en cibles militaires.

Et les zones de sécurité n'étaient pas sûres non plus : « L'effacement des protections civiles dans la zone évacuée a été combiné à un ciblage aveugle des personnes évacuées et des habitants des zones désignées comme sûres… Sur les quelque 500 bombes de 2 000 livres larguées par Israël au cours des six premières semaines d'hostilités, 42 % ont été déployées dans les zones désignées comme sûres dans les régions méridionales ». « En d'autres termes », résume Albanese, les « zones de sécurité » ont été « délibérément transformées en zones de massacres ».

Il s'agit d'un outil de nettoyage ethnique : « Le schéma des meurtres de civils qui ont été évacués vers le sud, associé aux déclarations de certains Israéliens de haut rang affirmant leur intention de déplacer de force les Palestiniens hors de Gaza et de les remplacer par des colons israéliens, permet de déduire raisonnablement que les ordres d'évacuation et les zones de sécurité ont été utilisés comme des outils génocidaires pour parvenir à un nettoyage ethnique.
»
« Les médias ont contesté les allégations d'Israël selon lesquelles le Hamas utilisait les hôpitaux comme boucliers, affirmant qu'il n'y avait aucune preuve que les pièces reliées à l'hôpital avaient été utilisées par le Hamas ; les bâtiments de l'hôpital (contrairement aux images 3D de l'armée israélienne) n'étaient pas reliés au réseau de tunnels. Que les accusations d'Israël concernant la protection de l'hôpital d'Al-Shifa soient vraies ou non – ce qui reste à prouver -, les civils dans les hôpitaux auraient dû être protégés et ne pas être soumis à un siège et à une attaque militaire ».

L'Organisation mondiale de la santé avait signalé à la mi-novembre qu'une « catastrophe de santé publique » se développait à Gaza, 26 des 35 hôpitaux n'étant plus opérationnels en raison des bombardements et du siège d'Israël. Deuxièmement, Israël savait que son opération militaire faisait un nombre important de blessés. Les traumatismes physiques constituent la principale cause de surmortalité à Gaza. Il était prévisible que la suspension forcée des services du plus grand hôpital de Gaza porterait gravement atteinte aux chances de survie des blessés, des malades chroniques et des nouveau-nés en couveuse. Par conséquent, en prenant pour cible l'hôpital Al-Shifa, Israël a sciemment condamné des milliers de malades et de personnes déplacées à des souffrances et à une mort qui auraient pu être évitées ».

Conclusions et recommandations du rapport

1- Constats : « La nature et l'ampleur écrasantes de l'assaut israélien sur Gaza et les
conditions de vie destructrices qu'il a infligées révèlent une intention de détruire physiquement les Palestiniens en tant que groupe. Israël a cherché à dissimuler sa conduite génocidaire des hostilités, en utilisant le droit humanitaire international pour couvrir ses crimes. En détournant les règles coutumières du droit international humanitaire, notamment la distinction, la proportionnalité et les précautions, Israël a de facto traité tout un groupe comme ‘terroriste' ou ‘soutenant le terrorisme', transformant ainsi tout et tout le monde en cible ou en dommage collatéral, donc éliminable ou destructible »
.
2- Historique : « Le génocide perpétré par Israël contre les Palestiniens de Gaza est une
escalade d'un processus d'effacement colonial d'un peuple autochtone qui remonte à loin. Depuis plus de sept décennies, Israël étouffe le peuple palestinien en tant que groupe – démographiquement, culturellement, économiquement et politiquement – en le déplaçant, en l'expropriant et en contrôlant ses terres et ses ressources. La Nakba en cours doit être arrêtée et réparée une fois pour toutes. C'est un impératif que l'on doit aux victimes de cette tragédie qui aurait pu être évitée, ainsi qu'aux générations futures de ce pays
».
3- Les deux derniers points (96-97) du rapport portent sur ce que la communauté
internationale peut et même doit faire, pour éviter ce génocide. « La rapporteuse exhorte les États membres à faire respecter l'interdiction du génocide conformément à leurs obligations auxquelles ils ne peuvent se soustraire. Israël et les États qui se sont rendus complices de ce que l'on peut raisonnablement considérer comme un génocide doivent rendre des comptes et indemniser le peuple palestinien à la hauteur de la destruction, de la mort et du préjudice infligés ».
Les moyens à disposition : les Artistes pour la Paix en ont appliqué les principaux en alertant la ministre des Affaires étrangères du Canada, Mélanie Joly :
Mettre en œuvre immédiatement un embargo sur les armes à destination d'Israël, ainsi que d'autres mesures économiques et politiques nécessaires pour garantir un cessez-le-feu immédiat et durable, y compris des sanctions.
Soutenir la plainte de l'Afrique du Sud auprès de la CIJ qui accuse Israël de génocide.
Garantir une « enquête approfondie, indépendante et transparente » sur les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité, y compris des missions d'enquête internationales, en saisissant la Cour pénale internationale et en appliquant la compétence universelle.
Qu'Israël et les autres États complices du génocide s'engagent à ne pas récidiver et à payer l'intégralité du coût de la reconstruction de Gaza.
S'attaquer aux causes profondes par l'intermédiaire des Nations unies, notamment en reconstituant le Comité spécial des Nations Unies contre l'apartheid.
À court terme, déployer « une présence internationale protectrice pour limiter la violence régulièrement utilisée contre les Palestiniens dans le territoire palestinien occupé ».
Garantir l'UNRWA, l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens qui a fait l'objet d'une campagne de propagande israélienne visant à empêcher son financement.

Enfin, Albanese appelle le Haut-Commissariat aux droits de l'homme à « intensifier ses efforts pour mettre fin aux atrocités actuelles à Gaza, notamment en promouvant et en appliquant avec précision le droit international, en particulier la Convention sur le génocide, dans le contexte de l'ensemble du territoire palestinien occupé ».

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Nouveau rapport : L’assassinat de Palestiniens affamés et le ciblage de camions d’aide constituent une politique israélienne délibérée visant à renforcer la famine dans la bande de Gaza

16 avril 2024, par Euro-Med Human Rights Monitor — , , , ,
Territoire palestinien - Un nouveau rapport de l'Observatoire Euro-Med des droits de l'homme intitulé "Tuer les Palestiniens affamés et cibler les convois humanitaires : Une (…)

Territoire palestinien - Un nouveau rapport de l'Observatoire Euro-Med des droits de l'homme intitulé "Tuer les Palestiniens affamés et cibler les convois humanitaires : Une politique israélienne délibérée pour renforcer la famine dans la bande de Gaza" révèle que 563 Palestiniens ont été tués et 1 523 autres blessés parce qu'Israël a pris pour cible des personnes qui attendaient de l'aide, des centres de distribution et des travailleurs chargés d'organiser, de protéger et de distribuer l'aide.

Tiré de France Palestine Solidarité. Photo : La famine est imminente à Gaza © UNRWA.

Selon le rapport, entre le 11 janvier et le 23 mars 2024, 256 personnes ont été tuées dans la zone du rond-point du Koweït, dans le sud-est de la ville de Gaza, 230 personnes dans la rue Al-Rashid, dans le sud-ouest de la ville, et 21 personnes en raison du ciblage des centres de distribution d'aide. La documentation montre également que 41 officiers de police et membres du Comité de protection du peuple, chargés de superviser la distribution de l'aide, ont été tués, ainsi que 12 travailleurs de la distribution de l'aide, dont deux de l'UNRWA.

Le rapport conclut que les politiques d'Israël et les punitions collectives qu'il impose à la bande de Gaza visent directement et explicitement à affamer l'ensemble de la population palestinienne de la bande. La politique israélienne de privation délibérée de nourriture n'est pas seulement une tentative de nettoyage ethnique de l'enclave et une arme de guerre apparente - un crime de guerre en soi - mais elle vise à exposer les civils palestiniens au risque d'une mort réelle. Ces actions sont une composante essentielle du génocide qu'Israël commet contre la population de la bande de Gaza depuis le 7 octobre 2023.

L'utilisation de la famine comme arme a été une décision politique officielle dès le premier jour de la guerre, comme l'a déclaré le ministre israélien de la défense, et a été mise en œuvre par étapes intégrées, notamment en renforçant le siège et en fermant les points de passage frontaliers, en empêchant l'entrée des marchandises commerciales, en détruisant tous les éléments de la production locale et les sources de nourriture, en augmentant la dépendance de la population de la bande de Gaza à l'égard de l'aide humanitaire et en faisant de celle-ci sa principale source de nourriture.

Israël a été un obstacle majeur à l'entrée de l'aide humanitaire dans la bande de Gaza, ciblant l'aide dans les installations de stockage et de distribution ainsi que dans les camions. Il a également pris pour cible les personnes qui attendent l'aide et celles qui sont chargées de la distribuer. Toutes ces actions ont été menées de manière régulière et sévère.

Elles ont empêché les Palestiniens de la bande de Gaza de recevoir de l'aide, ne serait-ce que dans la mesure nécessaire pour apaiser leur faim ou réduire le risque qu'ils en meurent.

En outre, le fait qu'Israël prenne pour cible le personnel chargé de superviser et de sécuriser la distribution de l'aide, ainsi que son refus de coopérer avec les organisations internationales, ont conduit à un état persistant de chaos et de conflit interne. Ces actions, associées aux tentatives d'Israël de dissoudre l'UNRWA, la principale organisation internationale responsable de l'introduction et de la distribution de l'aide humanitaire dans la bande de Gaza, ont exacerbé la situation, aggravant encore la famine dans la bande.

Le rapport indique que si Israël a autorisé une partie de l'aide à entrer dans la bande de Gaza, il a imposé des restrictions sur la quantité d'aide, le type d'aide et les lieux d'entrée, et a pris pour cible les civils affamés qui attendent l'aide humanitaire et ceux qui travaillent à la distribuer, à la sécuriser et à la protéger.

Selon le rapport, Israël a également recours à la famine, aux restrictions de l'aide et à l'assassinat de personnes affamées dans le cadre de ses déplacements forcés de Palestiniens dans la bande de Gaza, en particulier dans le nord de la bande de Gaza. En conséquence, la famine s'est répandue dans le nord de la bande de Gaza, où presque toutes les réserves de nourriture ont été épuisées sur les marchés, ce qui a entraîné une augmentation du nombre de décès dus à la famine, à la malnutrition, à la déshydratation et aux maladies connexes, en particulier chez les enfants et les nourrissons.

Au milieu d'attaques, de raids et de bombardements aériens, terrestres et maritimes intenses - au cours desquels l'armée israélienne a utilisé des milliers de tonnes d'explosifs - l'armée israélienne a méthodiquement commencé à cibler tous les aspects de la vie dans la bande de Gaza et n'a pas cessé de le faire. Elle a notamment bombardé des moulins, des boulangeries, des épiceries, des magasins et des marchés, détruit des cultures et des terres agricoles, tué du bétail et pris pour cible des bateaux et du matériel de pêche, des réservoirs d'eau et leurs extensions. En d'autres termes, les 2,3 millions d'habitants de la bande de Gaza, dont la moitié sont des enfants, sont totalement privés d'accès aux ressources alimentaires et à l'eau potable, ce qui les prive de leur capacité, déjà limitée, à produire de la nourriture localement. Cette décision intervient dans un contexte de fermeture complète des points de passage, qui ont été fermés pendant des semaines avant d'être partiellement rouverts dans des conditions israéliennes difficiles le 21 octobre, à la suite d'une pression internationale.

Le rapport comprend sept parties : La première traite du nombre de victimes des convois d'aide humanitaire, tandis que la deuxième passe en revue les crimes les plus marquants impliquant le ciblage de civils affamés en attente d'aide humanitaire. La troisième examine le ciblage israélien des centres de distribution d'aide humanitaire, tandis que la quatrième fait la lumière sur les crimes liés au ciblage des convois d'aide humanitaire. Le cinquième traite du ciblage des travailleurs distribuant l'aide humanitaire, le sixième met en lumière le ciblage des personnes chargées de sécuriser et de protéger l'aide humanitaire, et le septième traite des tentatives d'Israël de se soustraire à sa responsabilité dans les massacres. Le rapport présente également une série de conclusions et de recommandations.

Le rapport d'Euro-Med Monitor conclut en soulignant l'importance de faciliter l'entrée de l'aide humanitaire nécessaire dans la bande de Gaza sans délai afin d'empêcher la famine de s'y propager. Il souligne qu'Israël, en tant que puissance occupante, a la responsabilité première de fournir de la nourriture, des fournitures médicales et d'autres produits de première nécessité aux habitants de la bande de Gaza, conformément au droit international.

Le rapport exhorte également la communauté internationale à remplir ses obligations juridiques et morales envers les habitants de la bande de Gaza, en veillant à ce que le droit international et les arrêts de la Cour internationale de justice soient respectés et appliqués, et à mettre un terme au génocide que la Cour a déclaré probable à Gaza en janvier et qui dure depuis près de six mois. Il appelle à une pression internationale immédiate sur Israël pour qu'il arrête sa campagne de famine contre la population de la bande de Gaza, à la levée complète du siège de la bande de Gaza et à la mise en place de mécanismes appropriés pour garantir l'arrivée sûre, efficace et rapide de l'aide humanitaire.

Le rapport demande également l'ouverture d'une enquête indépendante sur l'assassinat de personnes affamées, en particulier sur les massacres horribles dont Israël a tenté de se soustraire à la responsabilité.

Traduction : AFPS

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Les colons israéliens se déchaînent dans les villages de Cisjordanie, tuent deux personnes et en blessent des dizaines d’autres

Les colons israéliens se sont déchaînés pendant deux jours dans la région située au nord-est de Ramallah, lorsqu'un adolescent a été porté disparu vendredi. Ils ont brûlé des (…)

Les colons israéliens se sont déchaînés pendant deux jours dans la région située au nord-est de Ramallah, lorsqu'un adolescent a été porté disparu vendredi. Ils ont brûlé des dizaines de maisons et tué deux Palestiniens, tout en bloquant une dizaine de villages.

Tiré de France Palestine Solidarité. Photo : L'armée israélienne scelle l'entrée du village d'Al-Mughayir, nord-est de Ramallah, empêchant les Palestiniens d'entrer ou sortir, 14 avril 2024 © Quds News Network. Article publié à l'origine dans Mondoweiss.

Les colons israéliens ont tué deux Palestiniens depuis vendredi, lors d'une série d'attaques contre des villages palestiniens dans la région à l'est de Ramallah. Les deux martyrs ont été identifiés comme étant Jihad Abu Alia, 25 ans, du village d'al-Mughayyir, et Omar Hamed, 17 ans, du village de Beitin.

Ces attaques font suite à la disparition d'un jeune colon israélien de 14 ans, vendredi midi, près d'al-Mughayyir, au nord-est de Ramallah.

Les forces israéliennes ont lancé une campagne de recherche dans la région qui s'est poursuivie toute la nuit, bloquant les entrées des villages et tirant des fusées éclairantes tout en faisant voler des drones et des hélicoptères. L'adolescent disparu a été retrouvé mort samedi dans une zone vallonnée entre les villages de Douma et d'al-Mughayyir.

Les attaques des colons, qui ont commencé peu après l'annonce de la disparition de l'adolescent, ont principalement visé al-Mughayyir et se sont ensuite étendues aux villages de Beitin, Sinjel et Douma, le long de la ligne orientale du centre de la Cisjordanie, entre le nord-est de Ramallah et le sud-est de Naplouse.

"Les colons ont commencé à attaquer le village par centaines vers 11 heures du matin, complètement sortis de nulle part ", a déclaré à Mondoweiss Muslim Dawabsheh, résident et responsable des médias à la municipalité de Douma.

"J'ai estimé, à première vue, qu'au moins 600 colons étaient entrés par l'entrée du village, beaucoup portant des armes à feu, et ils ont commencé à tirer, tandis que certains attaquaient les maisons et tentaient d'y mettre le feu ", a décrit Dawabsheh.

"Un homme s'est précipité hors de sa maison pour tenter d'arrêter les colons, mais ceux-ci l'ont poignardé à l'épaule à plusieurs reprises, tandis que d'autres colons ont empêché les camions de pompiers d'entrer dans le village pendant trois heures", a expliqué M. Dawabsheh.

"Un autre groupe de résidents s'est précipité vers une maison où des femmes et des enfants étaient pris au piège et où des colons se trouvaient dans la cour pour briser les fenêtres, mais les colons ont ouvert le feu sur eux et les ont empêchés de s'approcher", a-t-il poursuivi.

"L'attaque a duré huit heures et les colons se sont retirés vers 19 heures. Pendant tout ce temps, l'armée d'occupation était postée sur la route principale et ne faisait que regarder", a-t-il noté.

"J'ai personnellement dénombré 21 maisons et au moins 30 voitures brûlées. Quatre personnes ont été blessées par balle et six par arme blanche, toutes des blessures moyennes", a-t-il ajouté.

En 2015, des colons israéliens ont envahi le village de Douma au cours d'une nuit d'incendie criminel, incendiant deux maisons et tuant Ali Dawabsheh, un enfant de 18 mois. Les parents d'Ali, Riham et Saad Dawabsheh, sont morts de leurs brûlures quelques semaines plus tard, laissant leur fils Ahmad, âgé de 5 ans, seul survivant de la famille.

À Mughayyir, les colons ont attaqué la ville à deux reprises, tuant un habitant du village. Bashir Abu Mousa, habitant de Mughayyir et témoin oculaire, a déclaré à Mondoweiss que "des colons sont arrivés vendredi midi par dizaines de la colonie de Shilo, en haut de la colline. Ils ont d'abord attaqué les fermiers dans la plaine à l'extérieur du village".

"Ils ont ensuite commencé à voler le bétail d'une baraque et lorsque la propriétaire, une femme, a tenté de défendre ses moutons, un colon lui a tiré une balle dans la jambe. Ils se sont ensuite dirigés vers le village", a déclaré M. Abu Mousa.

"Pendant six heures, les colons ont attaqué les gens dans leurs maisons. Un jeune homme, Jihad Abu Alia, qui tentait de défendre sa maison en jetant des pierres depuis son toit, a été tué par un colon", a-t-il ajouté.

"Samedi, les colons sont revenus et ont fait la même chose pendant trois heures, et ils ont même arrêté un camion de pompiers qui tentait d'atteindre des maisons en feu et les ont également incendiées", a-t-il détaillé. "Au total, les colons ont tué un jeune homme à Douma et blessé une cinquantaine de personnes, la plupart aux membres inférieurs, et ont brûlé huit maisons et cinq baraques à bestiaux", a-t-il ajouté.

Pendant ce temps, les colons israéliens ont bloqué plusieurs routes dans l'est de la région de Ramallah, isolant une dizaine de villages de la ville de Ramallah. Des colons auraient attaqué des voitures palestiniennes à coups de pierres, obligeant les transports publics à s'arrêter pendant la majeure partie de la journée de samedi.

Les attaques des colons israéliens contre les zones rurales palestiniennes se sont multipliées depuis le 7 octobre. Selon la campagne palestinienne Stop The Wall, quelque 25 communautés rurales palestiniennes ont été complètement dépeuplées par les colons israéliens.

Avec l'assassinat de Jihad Abu Alia et d'Omar Hamed, le nombre de Palestiniens tués par les forces israéliennes ou les colons en Cisjordanie occupée depuis le 7 octobre s'élève à 465.

Traduction : AFPS

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Etats-Unis. Elon Musk et Jeff Bezos veulent vider de sa substance la loi sur les relations de travail datant de 1935

16 avril 2024, par John Nichols — , ,
Elon Musk déteste les syndicats, avec une ardeur intense qui l'a rendu délirant. Fin novembre, lors d'un sommet du New York Times DealBook, où les aspirants-riches se (…)

Elon Musk déteste les syndicats, avec une ardeur intense qui l'a rendu délirant. Fin novembre, lors d'un sommet du New York Times DealBook, où les aspirants-riches se réunissent pour recevoir les conseils des vrais riches, le PDG de Tesla a expliqué : « Je ne suis pas d'accord avec le principe des syndicats… Je n'aime tout simplement pas ce qui crée une sorte de situation de système féodal de seigneurs et de paysans [impliquant des obligations mutuelles]. » Dans la même échange, Musk – un méga-milliardaire qui, en 2018, a menacé de supprimer les options d'achat d'actions des travailleurs de Tesla s'ils s'organisaient pour exercer leurs droits de négociation collective – a déclaré : « Je pense que les syndicats essaient naturellement de créer de la négativité au sein d'une entreprise. »

11 avril 2024 | tiré du site alencontre.org
https://alencontre.org/ameriques/americnord/usa/etats-unis-elon-musk-et-jeff-bezos-veulent-vider-de-sa-substance-la-loi-sur-les-relations-de-travail-datant-de-1935.html

Lorsque le deuxième homme le plus riche du monde se plaint que le fait de donner aux salariés la possibilité de s'exprimer sur leur lieu de travail engendre de la négativité et « une sorte de relations de type féodal », nous sommes vraiment de l'autre côté du miroir. (Voir le nouveau reportage de Bryce Covert sur le racisme, le sexisme et d'autres abus sur le lieu de travail qui sévissent dans les usines de Tesla, dans The Nation du 9 avril 2024).

Mais Musk est loin d'être le premier industriel milliardaire à péter les plombs à l'idée de devoir traiter les travailleurs et travailleuses avec le respect qu'exige la loi. Malheureusement, ce milliardaire ne se contente pas de fulminer. Il est désormais devant la justice pour contester la législation du New Deal qui a créé le National Labor Relations Board-NLRB (Conseil national des relations de travail), avec une action en justice opportunément engagée avant que le NLRB n'adresse à sa société SpaceX, fin mars, une plainte pour pratiques déloyales de travail. Si Musk parvient à ses fins, ce projet visant à vider de sa substance le National Labor Relations Act de 1935 pourrait déstabiliser un large éventail d'agences fédérales chargées de l'application des lois régissant un ensemble allant de la sécurité sur le lieu de travail aux conditions environnementales.

« C'est une menace sérieuse, très sérieuse », a déclaré Sara Nelson, présidente internationale de l'Association of Flight Attendants-CWA [syndicat représentant les agents de bord, membres des Communications Workers of America, affiliés à l'AFL-CIO] à The Nation. Ce qui la rend si sérieuse, c'est la stratégie juridique de Musk, qui s'appuie sur la même logique de pensée que celle qui anime les mémos de la Federalist Society [organisation de droite conservatrice qui préconise une interprétation rigoriste et originaliste de la Constitution] et les plans de campagne de Donald Trump et de Steve Bannon pour la « déconstruction de l'Etat administratif ». La stratégie de Musk a bénéficié du soutien juridique d'autres entreprises milliardaires briseuses de syndicats, dont Amazon de Jeff Bezos, Starbucks et Trader Joe's [chaîne de supermarchés].

Dans plusieurs affaires judiciaires, les avocats d'Elon Musk ont fait valoir que le NLRB – l'agence fédérale indépendante qui (pour citer l'agence elle-même) « protège les droits de la plupart des employés du secteur privé à s'associer, avec ou sans syndicat, pour améliorer leurs salaires et leurs conditions de travail » – n'a pas le pouvoir de contrôler ses manœuvres antisyndicales. La plus sérieuse de ces contestations, une plainte déposée au Texas au début de l'année par les avocats de SpaceX, affirme que les procédures d'application du NLRB violent le droit constitutionnel de l'entreprise à un procès avec jury [procédure judiciaire dans laquelle le jury prend une décision ou établit des conclusions de fait]. L'action en justice affirme également que les restrictions relatives à la révocation des membres du conseil d'administration et des juges administratifs du NLRB – qui les préservent de toute interférence politique en cas de changement d'administration – violent la disposition de la Constitution relative à la séparation des pouvoirs.

La constitutionnalité du National Labor Relations Act a déjà été contestée par le passé et les tribunaux ont généralement ignoré les arguments spécieux des employeurs antisyndicaux. Comme le rappelle l'ancien secrétaire au travail Robert Reich, dans la plus célèbre de ces décisions – l'arrêt rendu en 1937 par la Cour suprême des Etats-Unis dans l'affaire NLRB vs Jones & Laughlin Steel Corp. – le président de la Cour suprême, Charles Evans Hughes, candidat républicain à l'élection présidentielle contre Woodrow Wilson, a estimé que le Congrès avait le pouvoir constitutionnel d'approuver la loi et d'établir le NRLB pour en faire respecter les dispositions. Aujourd'hui, ajoute Robert Reich, « les barons du négoce des temps modernes, Jeff Bezos et Elon Musk, veulent que la Cour suprême revienne sur sa décision de 1937 et ramène l'Amérique à une époque où les travailleurs n'avaient pas encore le droit de se syndiquer ».

Musk et Bezos pourraient être considérés comme des morts en sursis qui reprennent des batailles perdues depuis longtemps contre Franklin D. Roosevelt (FDR) et le New Deal, si ce n'est que Charles Evans Hughes a été remplacé par un juge comme Samuel Alito, un zélateur antisyndical qui ne cache pas sa détermination à renverser les protections des travailleurs et de leurs syndicats. La Cour suprême moderne a déjà sapé les syndicats qui représentent les travailleurs du secteur public, notamment avec l'arrêt Janus vs American Federation of State, County, and Municipal Employees de 2018 [jurisprudence du droit du travail concernant le droit des syndicats à percevoir des cotisations auprès de non-membres afin de pouvoir conduire matériellement des négociations collectives]. Quelqu'un doute-t-il sérieusement que la majorité de la Cour suprême actuelle souhaite rendre plus difficile pour les travailleurs du secteur privé de s'organiser, de négocier et de s'engager politiquement ? Sara Nelson n'a pas de doute à ce sujet. Elle indique que Samuel Alito [nommé par George W. Bush en 2006] « construit le dossier pour cela depuis des années ». Depuis 2012, lorsqu'il a rédigé l'opinion majoritaire dans l'affaire Knox vs Service Employees International Union, Samue Alito a établi un modèle de plaidoyer qui suggère que lui – et probablement ses collègues conservateurs – sont à la recherche d'affaires susceptibles d'affaiblir un mouvement syndical qui se réaffirme.

Musk et Bezos sont animé d'une animosité anti-syndicale et disposent des ressources des milliardaires pour mener cette bataille juridique pendant des années, et potentiellement pour l'amener devant la Cour suprême. Ils pourraient se heurter à un tribunal de première instance ou à une division parmi les conservateurs de la Cour suprême. Mais le démocrate Mark Pocan, coprésident du Congressional Labor Caucus et l'un des rares membres de syndicats cotisants à la Chambre des représentants, déclare : « Il s'agit d'une menace énorme, car Musk et Bezos […] tentent de passer par les tribunaux plutôt que par le processus législatif. S'ils y parviennent, ils pourraient causer des dommages incroyables aux droits des travailleurs. »

Si la Cour suprême devait invalider la loi nationale sur les relations de travail, affirme Mark Pocan, un Congrès motivé pourrait promulguer de nouvelles protections pour les travailleurs et travailleuses et pour les syndicats, et le Sénat pourrait combler les sièges devenus vacants des juges par des juges favorables aux travailleurs. Mais pour cela, il faudrait que les démocrates favorables aux travailleurs contrôlent la Chambre des représentants, le Sénat et la présidence. « C'est une raison supplémentaire pour laquelle les élections de 2024 sont importantes », explique Mark Pocan. « Si nous n'avons pas de membres du Congrès prêts à rédiger des règles qui protègent les travailleurs et des membres du Sénat prêts à confirmer les juges qui respectent les droits des travailleurs, ces milliardaires pourraient arriver à leurs fins. » (Article publié dans The Nation le 9 avril 2024 ; traduction rédaction A l'Encontre)

John Nichols est correspondant pour The Nation. Son dernier ouvrage, coécrit avec le sénateur Bernie Sanders, est le best-seller du New York Times intitulé It's OK to Be Angry About Capitalism (C'est normal d'être en colère contre le capitalisme).

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Etats-Unis-Palestine. Le plus grand organisme médical des Etats-Unis restera-t-il silencieux après la destruction d’Al-Shifa ?

Le 25 mars, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté une résolution pour un cessez-le-feu immédiat à Gaza pour le mois de Ramadan. Maintenant que le président Joe (…)

Le 25 mars, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté une résolution pour un cessez-le-feu immédiat à Gaza pour le mois de Ramadan. Maintenant que le président Joe Biden aurait dit au Premier ministre Benyamin Netanyahou qu'il souhaitait un « cessez-le-feu immédiat », l'Association médicale américaine (AMA-American Medical Association) va-t-elle enfin soutenir un appel à un cessez-le-feu permanent et à la fourniture immédiate d'une aide humanitaire et médicale aux milliers de blessés, y compris aux travailleurs de la santé à Gaza ?

9 avril 2024 | tiré du site alencontre.org | Photo : L'hôpital Al-Shifa, 2 avril 2024.
https://alencontre.org/ameriques/americnord/usa/etats-unis-palestine-le-plus-grand-organisme-medical-des-etats-unis-restera-t-il-silencieux-apres-la-destruction-dal-shifa.html

L'AMA est l'organisme médical le plus important et le plus puissant des Etats-Unis. Elle est « engagée dans des domaines précis d'activité internationale », sous la direction du Bureau des relations internationales. Par exemple, l'AMA travaille avec d'autres pays pour comprendre comment ils structurent leurs systèmes de soins de santé et s'attaquent à des problèmes tels que la pénurie de médecins et les disparités en matière de santé. Cependant, depuis le 7 octobre, l'AMA est restée silencieuse face aux demandes des médecins qui réclament un cessez-le-feu permanent et une condamnation des attaques contre les structures de santé et de l'assassinat de centaines de travailleurs de la santé à Gaza.

Dans une déclaration de novembre prônant la neutralité médicale, l'AMA a ignoré un certain nombre de ses politiques existantes qui lui permettent de défendre les travailleurs et travailleuses de la santé. L'une de ces positions politiques condamne par exemple « le ciblage militaire des établissements et du personnel de santé et l'utilisation du non-respect des services médicaux comme arme de guerre, par quelque partie que ce soit, où et quand cela se produit ».

Selon la mise à jour de la situation d'urgence de l'Organisation mondiale de la santé du 2 avril, Israël a mené 435 attaques contre des structures sanitaires à Gaza, ciblant les hôpitaux et les travailleurs et travailleuses de la santé (médecins, infirmières et personnel paramédical) et laissant 28% des hôpitaux partiellement fonctionnels et seulement 30% des centres de soins primaires fonctionnels. En outre, 722 travailleurs de la santé ont été tués, 902 blessés lors d'attaques et 118 travailleurs de la santé ont été détenus ou arrêtés.

Israël continue de bloquer l'aide des Nations unies à Gaza et d'empêcher l'acheminement de fournitures essentielles, notamment de nourriture et de matériel médical. En l'absence d'installations de soins de santé pleinement opérationnelles, on estime à 8000 le nombre de patients qui doivent être évacués de Gaza pour des raisons médicales, dont 6000 patients souffrant de traumatismes. La classification intégrée des phases de la sécurité alimentaire (Integrated Food Security Phase Classification), une norme scientifique internationalement reconnue et une initiative multipartenaires qui détermine la gravité et l'ampleur de l'insécurité alimentaire aiguë et chronique et de la malnutrition dans un pays, a récemment mis en garde contre l'imminence d'une famine à Gaza, avec des conséquences immédiates et à long terme sur la santé [voir sur ce site l'article publié le 26 mars 2024]. L'Organisation mondiale de la santé a déjà signalé que 28 enfants étaient morts de malnutrition. Alex De Waal, directeur exécutif de la World Peace Foundation, a déclaré : « Nous sommes sur le point d'assister à Gaza à la famine la plus intense depuis la Seconde Guerre mondiale. »

***

Après deux semaines d'opérations intensives sur Al-Shifa, le plus grand hôpital du nord de Gaza, Israël a laissé lundi l'établissement dans un état de ruine effroyable, avec des centaines de corps, y compris ceux du personnel médical, éparpillés dans l'hôpital. « Il n'est plus en mesure de fonctionner comme un hôpital, sous quelque forme que ce soit… Détruire Al Shifa, c'est arracher le cœur du système de santé », a déclaré Margaret Harris, la représentante de l'OMS.

« Si l'on veut supprimer le système de santé, on en supprime le cœur battant [l'hôpital Al Shifa] », a déclaré Tanya Haj-Hassan, pédiatre spécialisée dans les soins intensifs à Gaza. Le 1er avril, des frappes aériennes israéliennes ont tué sept travailleurs humanitaires de la World Central Kitchen, lors d'une attaque ciblée, en plein milieu de la famine provoquée par l'homme (voir sur ce site l'article d'Amira Hass).

Israël s'en prend au cœur battant de Gaza.

L'AMA a toujours soutenu la neutralité médicale ; cependant, en avril 2022, la déclaration de l'AMA était très différente en réponse aux attaques russes sur les travailleurs et travailleuses de la santé en Ukraine : « L'AMA est indignée par l'assaut brutal de l'armée russe en Ukraine, et nous nous joignons à l'Association médicale mondiale et à nos autres partenaires internationaux pour demander un cessez-le-feu immédiat et la fin de toutes les attaques contre les travailleurs et les installations de santé. » En outre, l'AMA a publié un document d'orientation politique sur l'aide humanitaire et médicale à l'Ukraine afin d'améliorer les résultats pour les personnes touchées par la guerre.

La fondation de l'AMA a fourni une aide de 100 000 dollars à l'Ukraine en 2022, « pour fournir des fournitures médicales indispensables, telles que des médicaments, des kits d'hygiène et des EPI de base, ainsi que du personnel de santé dans certaines des régions les plus durement touchées ».

Pourquoi l'AMA ne s'indigne-t-elle pas de la même manière des attaques menées depuis des décennies par Israël contre le système de santé de Gaza ou des restrictions systématiques imposées par Israël à l'entrée et à la distribution de l'aide humanitaire, de l'eau potable et de l'électricité ? L'AMA accorde-t-elle plus d'importance aux vies ukrainiennes qu'aux vies palestiniennes ? Pourquoi l'AMA utilise-t-elle une approche à deux vitesses pour « ne pas faire de tort » (Do No Harm) [1] ? L'hypocrisie de l'AMA dans son application de la « neutralité médicale » est honteuse et ne représente pas la communauté médicale qu'elle prétend représenter.

Healthcare Workers for Palestine, un groupe de professionnels de la santé solidaires du peuple palestinien et dénonçant la violence israélienne, manifeste depuis octobre dans tout le pays et à Chicago devant le bâtiment de l'AMA pour exiger que l'AMA se joigne à d'autres organisations sanitaires et humanitaires, dont Médecins sans frontières et l'Organisation mondiale de la santé, pour réclamer un cessez-le-feu permanent à Gaza et fournir une aide humanitaire immédiate. Ils ont appelé et transmis des données aux personnels de la santé pour qu'ils demandent un cessez-le-feu à l'AMA ; ils ont organisé des séances d'information sur le thème « Do No Harm : l'apartheid médical en Palestine » ; et ils ont rédigé des déclarations de solidarité. L'AMA a répondu par le silence, et le silence est synonyme de complicité.

Bien que la neutralité médicale soit cruciale pour les professions de santé, nous avons un impératif moral, en tant que professionnels de santé, de nous engager dans l'activisme politique face à une longue histoire de violation des droits de l'homme, de récits déshumanisants, de génocide et de crimes de guerre commis par Israël. Un récent article d'opinion publié dans le British Medical Journal (BMJ, 2 avril 2024) par des membres de Health Justice Initiative et du People's Health Movement a exhorté la communauté mondiale de la santé à demander un cessez-le-feu immédiat et une aide humanitaire sans restriction à Gaza. « Si nous restons silencieux, les inégalités que nous sommes censés combattre dans notre travail seront exacerbées – et cela ne fera que rendre la communauté mondiale de la santé complice de la souffrance de la population de Gaza », affirment Fatima Hassan et ses collègues.

J'exhorte l'AMA et les autres professions de santé, telles que l'American Nurses Association et l'American Psychological Association, à rompre leur silence complice et à appliquer leurs principes moraux et éthiques pour défendre l'humanité et lutter pour la sécurité, la dignité et les droits du peuple palestinien. J'invite tous les professionnels de la santé à faire de même. (Article publié sur le site Truthout le 9 avril 2024 ; traduction rédaction A l'Encontre)

Sarah Abboud est professeure adjointe à la University of Illinois Chicago College of Nursing.


[1] La formule « Do no harm » – ne pas faire de tort, ne pas nuire – renvoie de la part de l'aide humanitaire à un essai de monitorage de leurs activités ayant pour but d'éviter d'aggraver le climat d'instabilité et de violence. (Réd.)

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Manifestation de solidarité avec la Palestine à Québec

9 avril 2024, par PTAG — , ,
Le 7 avril dernier, plusieurs centaines de personnes se sont réunies devant l'Assemblée nationale à Québec pour dénoncer les attaques génocidaires contre le peuple palestinien (…)

Le 7 avril dernier, plusieurs centaines de personnes se sont réunies devant l'Assemblée nationale à Québec pour dénoncer les attaques génocidaires contre le peuple palestinien de Gaza. Elles ont scandé des slogans dénonçant la complicité du gouvernement canadien et du gouvernement du Québec et ont demandé que ces gouvernements exigent un cessez-le-feu immédiat. Les manifestant-e-s se sont ensuite dirigé-e-s vers le consulat américain pour dénoncer sa complicité des États-Unis dans les massacres de l'armée israélienne.

Nous présentons ci-dessous, la prise de parole faite à l 'ouverture de la manifestation qui a rappellée les revendications de cette importante mobilisation et la diversité des appuis à cette dernière.

Nous publions également,à la suggestion de Serge Roy, l'intervention de Jesse Greener de Voix Juives indépendantes [1] lors du passage de la manifestation devant le consulat des États-Unis.


À la manifestation Tout le monde dans la rue pour la Palestine le 7 avril 2024 à Québec j'ai été impressionné par le discours de Jesse Greener de Voix Juives Indépendantes. Le discours a été prononcé devant le consulat des États-Unis sur la rue de la Terrasse-Dufferin dans le Vieux-Québec. Plus de 500 personnes ont participé à la manifestation partie de l'Assemblée nationale. Le discours a soulevé les appuis des manifestantes et manifestants. Je vous invite à lire la transcription de cette prise de parole convainquante.

Serge Roy, militant de Québec


Intervention de Jesse Greener de Voix Juives Indépendantes SOLIDARITÉ AVEC LE PEUPLE PALESTIEN

Je vous apporte des salutations de Voix Juives indépendantes, l'organisation la plus grande de personnes juives progressistes au Canada.

Aujourd'hui je dirai quelques mots sur le Sionisme, d'une perspective juive progressiste.
D'abord, c'est quoi le Sionisme ? Au fond, c'est une idéologie politique. Plus précisément, il s'agit d'un mouvement nationaliste apparu au 19eme siècle pour établir un pays pour des juifs en Palestine.
C'est bien connu qu'on n'a pas besoin d'être juif, pour être Sioniste. Par exemple, nous sommes devant le consulat américain. Les États-Unis sont dirigés par Joe Biden, le Sioniste le plus puissant sur la planète. Geonocide Joe, comme il est appelé, est bien connu pour avoir dit que, si Israël n'existait pas, les États-Unis devraient l'inventer.

L'histoire n'est pas trop différente ici au Canada. Notre système économique, notre industrie intellectuelle, etc. sont profondément connecté avec ceux d'Israël. Donc, même si les Canadien-ne-s critiquent le génocide israélien, son militarisme, son nationalisme, ses droits inégaux qui favorisent sa population juive blanche, le Canada reste un pays Sioniste.

On comprend tout cela. Mais il y a un autre point sur la question du Sionisme qui a besoin d'être dit. Beaucoup de juifs ne sont pas Sioniste. Par exemple, je ne suis pas moi-même sioniste.
Informellement, mon organisation Voix Juives Indépendantes a été aussi anti-Sioniste. Mais, je suis heureux de vous le dire, en janvier dernier, nous avons officiellement annoncé que Voix juives indépendantes est une organisation anti-sioniste.

Avec cela, nous nous joignons à d'autres organisations juives populaires comme Jewish Voices for Peace aux États-Unis. On peut dire clairement qu'on est en opposition à la suprématie religieuse et raciale de l'état israélien. Et qu'on s'oppose à l'occupation des terres palestiniennes et le traitement odieux de ces peuples. En effet, nous voyons clairement que le Sionisme constitue les racines qui poussent le fascisme militaire croissant en Israël actuellement.

Dernièrement, j'ai dit quelques mots sur des effets invisibles du Sionisme. Comme beaucoup d'entre vous le savez, la pâque juive s'approche. C'est un temp pour réfléchir sur les injustices dans le monde, passé et présent. Nous racontons des histoires des juifs anciens fuyant l'esclavage d'Égypte ; et les attaques qu'ils ont subies quand ils ont été les plus vulnérables. Pour notre famille et tant d'autres, c'est le moment de relier ces leçons aux luttes actuelles pour réaliser l'égalité et la libération auxquelles les gens sont encore confrontés.

De telles réflexions font partie intégrante de la tradition juive de la discussion et du débat. Elles contribuent également à maintenir notre culture dynamique et moderne.

Malgré tout cela, je viens d'apprendre que ma famille a été bannie de notre synagogue pour le Séder de pâque juive cette année à cause de notre participation dans les manifestations comme celle d'aujourd'hui. En effet, c'est dû à une influence Israélienne dans notre synagogue qui ne veut pas que les participants soient en notre présence. Ils sont inquiets des juives et des juifs qui voient que le génocide istraélien démontre clairement que l'histoire de pâque juive est directement liée aux luttes des Palestiniens d'aujourd'hui pour survivre.

Il semble peut-être que c'est une ironie que notre synagogue ait été colonisée par les influences de l'état israélien. Mais encore, une fois, sionisme n'a aucun rapport avec judaïsme, ou la culture juive. Et c'est pourquoi les juifs doivent aussi y résister.

Et pour résister au sionisme, nous devons regarder qui le soutient. Ce sont les pays de l'ouest comme les États-Unis, le Canada et l'Allemagne qui ont poussé le sionisme à ses limites.

Donc, à Joe Biden et Justin Trudeau, les Juifs progressistes disent cessez de nous utiliser, nous les Juifs et notre culture comme des boucliers humains pour vos objectifs politiques, militaristes et économiques. On dit d'arrêter d'armer Israël et commencez dès maintenant à le forcer à un cessez-le-feu !

Au nom de ma famille et de Voix juives indépendantes on vous remercie pour l'invitation à vous adresser la parole aujourd'hui.

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[1] Voix juives indépendantes Canada (VJI) est une organisation issue de la base ancrée dans la tradition juive qui s'oppose à toute forme de racisme et qui promeut la justice et la paix pour tous en Israël-Palestine. VJI dispose de comités locaux actifs partout au Canada, dans les villes et sur les campus universitaires.

Les militants et militants de gauche du monde entier se rassemblent autour de Boris Kagarlitsky et appellent à la libération de tous les prisonniers politiques russes opposés à la guerre.

9 avril 2024, par Andrea Levy — , ,
Le célèbre sociologue et dissident russe a été emprisonné le 13 février pour une durée de cinq ans sur la base d'accusations de 'justification du terrorisme' forgées de toutes (…)

Le célèbre sociologue et dissident russe a été emprisonné le 13 février pour une durée de cinq ans sur la base d'accusations de 'justification du terrorisme' forgées de toutes pièces

25 mars 2024 | tiré de Canadian Dimension | Photo : Boris Kagarlitzki (deuxième à partir de la droite) comparaît lors d'une audience de son procès. Photo avec l'aimable autorisation de TASS.
https://canadiandimension.com/articles/view/leftists-worldwide-rally-around-boris-kagarlitsky-call-for-liberation-of-all-russian-anti-war-political-prisoners

Boris Kagarlitsky, intellectuel et dissident russe de renom, publiera un nouveau livre ce mois-ci chez Pluto Press. Intitulé The Long Retreat : Strategies to Reverse the Decline of the Left, il aborde des questions épineuses : pourquoi la gauche est elle aussi faible historiquement au niveau mondial et que faire. Au grand dam de ses nombreux amis et camarades du monde entier, Kagarlitsky ne fêtera pas le lancement du livre avec eux, car il est actuellement incarcéré dans une prison russe pour son opposition à l'invasion russe de l'Ukraine.

Il a d'abord été arrêté par le Service fédéral de sécurité (FSB) en juillet 2023 sous l'accusation ridicule de "justification du terrorisme" pour des remarques désinvoltes et humoristiques qu'il avait faites en ligne neuf mois plus tôt à propos de l'explosion d'une bombe par les forces ukrainiennes sur un pont en Crimée. « Malheureusement, le Léviathan n'a pas le sens de l'humour », a ironisé Kagarlitsky dans un article écrit pour Portside après sa libération quelque peu inattendue six mois plus tard, assortie d'une amende, d'une interdiction d'enseigner et de diverses restrictions à sa liberté d'expression. Les procureurs, pour leur part, ont rapidement démontré leur sinistre détermination à réprimer le fauteur de troubles. Arguant que la peine de Kagarlitsky était "injuste en raison de sa trop grande clémence", ils ont fait appel devant un tribunal militaire russe en février, affirmant faussement qu'il n'avait pas coopéré avec le tribunal ni payé l'amende initiale. Le 13 février 2024, ce tribunal fantoche l'a reconnu coupable et l'a condamné à cinq ans d'emprisonnement dans une colonie pénitentiaire.

À la suite de ce jugement bidon, la famille, les amis et les connaissances en Russie et dans le monde entier se sont rassemblés, comme ils l'avaient fait après sa précédente arrestation, et ont lancé une campagne de solidarité internationale appelant à la libération de Kagarlitsky et de tous les prisonniers politiques russes. L'un des principaux outils de cette campagne est une pétition qui a été traduite dans près de 20 langues, dont le russe et l'ukrainien. Les signataires constituent la « crème » de la gauche mondiale, incluant des personnalités aussi connues que l'ancien leader du Parti travailliste britannique Jeremy Corbyn, l'autrice Naomi Klein, le leader de La France Insoumise Jean-Luc Mélenchon, l'économiste Yanis Varoufakis et le philosophe Slavoj Žižek, ainsi que des dirigeantEs et des représentantEs éluEs de partis de gauche et progressistes, de même que des milliers d'intellectuels et de militantEs du Nord et du Sud, de l'Australie à l'Argentine, du Royaume-Uni à l'Afrique du Sud, et de l'Allemagne au Brésil, sans oublier de Moscou à Kiev. La pétition a recueilli plus de 13 500 signatures dans 45 pays depuis son lancement à la mi-mars.

Au Canada, des personnalités aussi connues que Judy Rebick, Greg Albo et Sam Gindin ont déjà apposé leur signature , tandis qu'au Québec, le leader parlementaire de Québec Solidaire Gabriel Nadeau Dubois a également signé la pétition, tout comme Jan Simpson, la présidente nationale du Syndicat des Travailleurs et Travailleuses des Postes, qui représente plus de 60 000 travailleurs et travailleuses.

L'objectif de la campagne de solidarité internationale avec Boris Kagarlitsky est de lancer un appel aux forces de gauche et démocratiques à travers le monde afin d'exiger l'arrêt de la campagne de Poutine visant à réduire au silence les voix qui en Russie, non seulement s'opposent à la guerre en Ukraine, mais rapportent également les graves problèmes qui s'accumulent en Russie à la suite de cette guerre. Comme le souligne la déclaration de la campagne, « sans l'attention de la communauté internationale, les prisonniers politiques russes opposés à la guerre seront laissés seuls face à un gouvernement qui les condamne non seulement à l'emprisonnement, mais aussi à la possibilité de la mort ». Les conditions de vie dans les centres de détention et les colonies pénitentiaires russes sont inférieures aux normes et représentent un danger pour la santé des prisonniers, comme Kagarlitsky en a déjà fait l'expérience lors de son précédent séjour à la prison de Syktyvkar, dans la République des Komis.

Une dissidence qui ne se dément pas

Bien entendu, ce n'est pas la première fois que Kagarlitsky est arrêté et emprisonné ; ce n'est même pas la première fois qu'il est arrêté alors qu'un nouveau livre se profile à l'horizon. Alors Rédacteur en chef du journal samizdat Levy Povorot (Left Turn) de 1978 à 1982, il a été arrêté sous la direction de Youri Andropov pour "activités antisoviétiques" quelques jours seulement après avoir achevé le manuscrit de son livre sur les intellectuels soviétiques, qui a été traduit en anglais et publié en 1988 sous le titre The Thinking Reed (Le roseau qui pense). L'ouvrage a été internationalement acclamé et a remporté le prix Deutscher Memorial, décerné chaque année pour des écrits exceptionnels à propos ou de tradition marxiste. L'année passée en prison en 1982 n'a pas réussi à étouffer ni son engagement en faveur de la justice et de la démocratie socialiste, ni son courage. Il a été arrêté une nouvelle fois en 1993 pour son opposition au coup d'État de Boris Eltsine et tabassé par les forces de sécurité de ce dernier.

Quelque trente ans plus tard, Kagarlitsky est redevenu une cible de l'État russe. En 2021, il a passé dix jours en détention administrative pour avoir incité la population à protester contre les élections frauduleuses à la Douma d'État, qui avaient conféré une large victoire au parti au pouvoir, Russie Unie, que Poutine a aidé à fonder et qui lui restait fidèle. Mais c'est la condamnation publique par Kagarlitsky de l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022 qui a réellement provoqué l'ire du régime. En tant que fondateur et rédacteur en chef de Rabkor ( Correspondant ouvrier), un site web et une chaîne YouTube de gauche, il avait pris publiquement, avec les autres membres de l'équipe de Rabkor, une position très ferme contre la guerre. Au nom de Rabkor, il avait signé une résolution adoptée par la « Table ronde des forces de gauche contre la guerre », qui dénonçait l'invasion comme l'expression des « ambitions malsaines en matière de politique étrangère d'un cercle restreint de personnes à la tête du pays, et comme un moyen de détourner l'attention des échecs du gouvernement russe en matière de politique intérieure ».

Kagarlitsky a d'abord été puni en étant qualifié d'« agent étranger », une tactique déployée aussi contre des dizaines de médias indépendants, de journalistes, d'artistes et d'organisations nationales et étrangères de toutes sortes jugées hostiles aux intérêts du Kremlin. Mais il a refusé d'être réduit au silence et des représailles plus sévères étaient à prévoir.

Boris Kagarlitsky lors de manifestations contre les élections à Moscou, en 2012. Avec l'aimable autorisation de Boris Kagarlitsky/Facebook.

Le politologue et sociologue russe Grigory Yudin est membre du comité de solidarité internationale de Boris Kagarlitsky. Il connaît, pour l'avoir subie , la brutalité que le régime réserve aux dissidents. Le 24 février 2022, il avait participé à une manifestation contre l'invasion de l'Ukraine et avait été battu par la police jusqu'à en perdre connaissance. Dans une interview récente, il faisait remarquer que « le prix de la protestation en Russie est de plus en plus élevé ».

Interrogé sur la campagne de solidarité avec Kagarlitsky, Yudin m'a dit que : « Boris est à la fois un penseur important et un militant courageux qui, par sa personne, révèle la cruauté du régime néolibéral peut-être le plus brutal de la planète à l'heure actuelle. Humilié, stigmatisé par l'État comme ‘extrémiste' et ‘agent étranger' (l'équivalent russe de ‘traître'), condamné à cinq ans de prison à l'âge de 65 ans et jeté dans une cellule surpeuplée, il demeure fidèle à ses principes et à ses convictions ».

« Se battre pour sa liberté est une opportunité importante pour la gauche mondiale dans cette terrible guerre qui fait rage en Europe et qui menace de s'intensifier », a poursuivi Yudin. « Si nous parvenons à libérer Boris, nous aurons des moyens de pression pour arrêter cette guerre et façonner l'ordre mondial d'après-guerre dans l'intérêt des peuples, et non des élites guerrières. Il s'agit clairement d'une situation d'unification de la gauche mondiale qui est sous le choc, à la fois fragmentée et désorientée par cette guerre impériale ».

Il faut noter que bien qu'il ait été un critique ferme et courageux de la guerre, Kagarlitsky n'est pas une figure incontestée de la gauche en ce qui a trait à l'évolution de ses opinions sur les relations entre la Russie et l'Ukraine. De nombreux Ukrainiens de gauche, par exemple, se méfient de Kagarlitsky en raison de son soutien antérieur à la présence russe à Donetsk, Luhansk et en Crimée, bien qu'ils se félicitent de son opposition à l'invasion massive en cours et reconnaissent l'importance d'un mouvement anti-guerre russe pour contrecarrer les ambitions de Poutine. Andrej Movchan en est un bon exemple. Dans son article pour Open Democracy, il appelle à la solidarité internationale avec Kagarlitsky malgré le soutien antérieur de ce dernier à l'annexion de la Crimée par la Russie en 2014 et aux mouvements séparatistes pro-russes au Donbass, ce que Movchan reconnaît comme procédant de l'opinion de Kagarlitsky selon laquelle il y avait des éléments progressistes ‘anti-impérialistes' à l'œuvre dans cette région. Movchan poursuit en reconnaissant que « Kagarlitsky a peut-être un jour soutenu des sections de la gauche patriotique russe qui aspirent à l'expansion territoriale. Mais aucun autre personnage de gauche aussi connu n'a fait plus pour inculquer à des milliers de Russes une vision compréhensible : le régime de Poutine est criminel, l'invasion de l'Ukraine est criminelle, rien ne la justifie et il faut s'y opposer ».

Kagarlitsky a également des détracteurs parmi ceux qui, à gauche, lui reprochent, entre autres, d'avoir sous-estimé le rôle des États-Unis et de l'OTAN dans la précipitation du conflit actuel.
Cependant, quelles que soient les divergences d'opinion avec Kagarlitsky qui peuvent persister dans certains milieux, l'ensemble de l'opinion de gauche s'accorde à dire qu'il est une victime de la campagne impitoyable de répression politique déclenchée par Vladimir Poutine pour calmer et étouffer l'opposition à la guerre – une campagne qui s'intensifie à mesure que l'appétit du public russe pour le conflit diminue.

Persécution croissante des militants et militantes pacifistes et critiques du Kremlin

Bien entendu, Kagarlitsky est loin d'être le seul à être emprisonné pour des délits de pensée et d'expression. Selon l'ONG russe de défense des droits de la personne OVD-Info, entre le 24 février 2022 et le 22 janvier 2024, 19 850 personnes ont été placées en détention pour avoir pris position contre la guerre. En 2023, OVD-Info a également signalé une augmentation du nombre de peines de prison infligées à des manifestants et des manifestantes anti-guerre, ainsi qu'une augmentation de la peine moyenne pour les cas d'opposition à la guerre, qui est passée de 36 mois en 2022 à 77 mois en 2023.

En tant que principal vecteur de critique de la guerre et, plus généralement, de ‘l'autocratie néolibérale' de Poutine (pour reprendre les termes de Kagarlitsky), la gauche en Russie est soumise à une répression sans précédent. De nombreuses organisations ont été fermées et des militants et militantes ont été emprisonnéEs pour divers motifs fallacieux.

Comme le souligne un éditorial sur le site du parti EuropeanLeft, il est "évident que les accusations criminelles contre Boris Kagarlitsky constituent une attaque contre l'ensemble du mouvement de gauche ». Mais comme le rappelle un pamphlet publié en russe et en français par un groupe d'émigrés politiques russes et les rédacteurs de la Tribune des Travailleurs en France, les grands médias se sont concentrés presque exclusivement sur Alexeï Navalny et divers critiques libéraux du régime de Poutine, ignorant essentiellement les nombreux intellectuels et activistes de gauche qui ont fait l'objet d'une répression sévère.

Ils soulignent que « Tout citoyen se revendiquant de positions politiques progressistes, les militants, les travailleurs, les syndicalistes sont persécutés par le régime de Poutine, de même qu'il persécute certains militants de l'opposition bourgeoise et des partisans d'un ‘ capitalisme à l'occidentale' » (ma traduction).

Outre Kagarlitsky, la brochure présente plusieurs autres prisonniers et prisonnières politiques, tels que le mathématicien anarchiste Azat Miftakhov, qui a été accusé de ‘hooliganisme' pour avoir brisé une fenêtre dans un bureau local du parti Russie Unie et condamné à une peine de six ans qu'il a purgée dans une colonie pénitentiaire. Miftakhov a ensuite été arrêté à nouveau et accusé de ‘justifier le terrorisme' pour des commentaires qu'il aurait faits à des codétenus. Le 28 mars 2024, il a été emprisonné pour une nouvelle période de quatre ans.

Une autre des nombreuses dissidentes persécutées est l'artiste et musicienne Aleksandra (Sasha) Skochilenko, qui a protesté contre l'invasion de l'Ukraine par la Russie sur les médias sociaux, par le biais de la musique ‘Jams for Peace', et en remplaçant les étiquettes de prix des supermarchés par des autocollants contenant des informations sur ce que l'armée russe faisait à Marioupol. Skochilenko a été arrêtée en avril 2022 et accusée, en vertu de l'article 207.3 du Code pénal, d'avoir sciemment diffusé de fausses informations sur l'utilisation des forces armées de la Fédération de Russie. Elle a été condamnée à sept ans d'emprisonnement dans une colonie pénitentiaire.

Il y a aussi Darya Polyudova, fondatrice du mouvement Résistance de gauche et critique du Kremlin, qui s'est ouvertement opposée à la guerre contre l'Ukraine et à l'annexion de la Crimée. Elle a d'abord gouté à la répression de l'État en raison de son soutien aux mouvements d'indépendance régionale en 2014, lorsqu'elle a été condamnée à deux ans dans une colonie pénitentiaire pour ‘incitation publique au séparatisme'. Elle a été de nouveau arrêtée en 2020, cette fois pour incitation au séparatisme et ‘justification publique du terrorisme par le biais d'Internet'. En mai 2021, elle a été condamnée à six ans de prison. Apparemment, cela n'a pas suffi aux autorités ; en 2021, le FSB l'a inculpée pour "avoir organisé une communauté extrémiste" et, un an plus tard, elle a été condamnée à neuf ans d'emprisonnement dans une colonie pénitentiaire.

Dans une interview accordée à Green Left, la fille de Kagarlitsky, Ksenia, a réitéré ce que son père avait écrit en avril 2023 (dans Canadian Dimension, en l'occurrence) : « Si nous voulons mettre fin à la persécution politique en Russie et dans d'autres pays du monde, nous devons nous battre pour tout le monde ».

La campagne de solidarité internationale pour Boris Kagarlitsky vise à construire un tel rapport de force, qu'il devienne impossible pour les personnages politiques qui dialoguent avec le gouvernement russe de l'ignorer, ce qui permettrait de faire pression pour la libération de Kagarlitsky (son appel devrait être entendu au début du mois de mai). La campagne vise également à attirer l'attention sur le sort des hommes et des femmes prisonniers politiques russes, dont la grande majorité est incarcérée sur la base d'accusations sans fondement.

Kagarlitsky lui-même a récemment été transféré du centre de détention provisoire de Moscou, où il partageait une cellule avec 15 autres hommes, au centre de détention n° 12 de Zelenograd. Sa première lettre, publiée par Rabkor et traduite par Renfrey Clarke, témoigne de son courage inébranlable et de son sens de l'ironie. Il y pose son regard de sociologue sur la vie carcérale. Un autre livre est peut-être en préparation. Espérons que la campagne de solidarité internationale Boris Kagarlitsky contribuera à ce qu'il le termine en tant qu'homme libre.

Toutes les personnes qui veulent soutenir Boris Kagarlitsky en signant la pétition peut la trouver sur freeboris.info et change.org.
Andrea Levy est rédactrice-coordonnatrice de la revue Canadian Dimension et membre du Comité de solidarité internationale pour Boris Kagarlitsky.
Traduction : Canadian Dimension - Presse-toi à gauche

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Russie. Vers une conscription militaire record avant une nouvelle offensive en Ukraine

9 avril 2024, par Sasha Yaropolskaya — , , , ,
Après la lune de miel des élections présidentielles, le régime de Poutine annonce une nouvelle phase de conscription militaire ce printemps, une des plus ambitieuses des dix (…)

Après la lune de miel des élections présidentielles, le régime de Poutine annonce une nouvelle phase de conscription militaire ce printemps, une des plus ambitieuses des dix dernières années.

2 avril 2024 | tiré de Révolution permanente
https://www.revolutionpermanente.fr/Russie-Vers-une-conscription-militaire-record-a-l-aune-d-une-nouvelle-offensive-en-Ukraine

Tous les ans, au printemps et en automne, est organisée une conscription pour le service militaire obligatoire en Russie. Traditionnellement, ce sont les les hommes de l'âge de 18 à 27 ans qui sont concernés. Cependant, début 2024, le plafond de l'âge de conscription a été relevé jusqu'à 30 ans, et l'objectif fixé pour ce printemps est un des plus élevés de la dernière décennie : 150 000 hommes. Il est facile de voir pourquoi. Dans les conditions de la guerre avec l'Ukraine, les enjeux de cette conscription sont plus importants car au cours de ces deux dernières années la Russie a subi de lourdes pertes et cherche constamment à renforcer ses effectifs sur le front et à l'arrière.

Le régime de Poutine a déjà mené une première vague massive de « mobilisation partielle » en 2022, soumettant les civils russes à un entraînement militaire rapide et superficiel et les envoyant directement au front, une approche qui a montré par la suite son inefficacité. Il a également cherché à mobiliser les prisonniers des colonies pénitentiaires avec la promesse de libération conditionnelle à ceux qui signaient un contrat avec le Ministère de la défense les obligeant à combattre jusqu'à la fin de « l'opération militaire spéciale ». Quant au service militaire obligatoire, le régime lance activement des poursuites pénales contre tous ceux qui tentent de l'esquiver. En 2022, 1.121 personnes ont été condamnés pour désertion au service militaire, avec des peines allant jusqu'à deux ans d'emprisonnement.

La conscription peut servir le front

Les jeunes hommes conscrits ne seront pas envoyés directement au front, assure l'État major russe. Mais en réalité, vers la fin de leur conscription, ces soldats pourront faire face à l'intimidation et aux diverses pressions de leurs supérieurs cherchant à leur faire signer des contrats avec le Ministère de la défense pour les envoyer au front. Même avant de signer de tels contrats, une partie des soldats conscrits sera affectée dans les régions frontalières de Belgorod et Kursk qui subissent des bombardements de l'armée ukrainienne et même des incursions terrestres de certaines unités. Dans ce sens, la conscription militaire présente des enjeux de vie et de mort pour les hommes concernés.

Selon les informations du média russe Verstka, qui s'appuie sur ses sources au sein de l'administration du président, le Kremlin prévoit également une nouvelle vague de mobilisation militaire cherchant à enrôler au front plus de 300 000 hommes. Il s'agira du recrutement des réservistes, des étudiants des universités militaires et des soldats conscrits que la hiérarchie va pressuriser jusqu'à la signature des contrats. Le régime espère rassembler un nombre suffisant d'hommes par ces canaux afin d'éviter une nouvelle chasse à l'homme massive sur le modèle de la mobilisation partielle de 2022, qui a provoqué à la fois des actes terroristes contre les bureaux de recrutement militaire mais aussi l'exode de dizaines de milliers de travailleurs qualifiés vers les pays d'Europe, du Caucase et d'Asie Centrale. Deux semaines après les élections présidentielles marquées par les manifestations et l'attentat sanglant du Crocus City Hall, le régime ne souhaite pas secouer la barque davantage, tant qu'il a le choix.

Guerre en Ukraine : quels sont les objectifs de Poutine en 2024 ?

A quoi se prépare au juste le régime de Poutine ? Après l'échec de la contre-offensive ukrainienne en 2023 et le début d'une nouvelle offensive russe en octobre 2023, la Russie a réussi à capturer environ 518 kilomètres carrés du territoire ukrainien, selon le Telegraph. L'armée russe a notamment pris la ville d'Avdiivka, poussant un millier de soldats ukrainiens à reculer de cette position. Après ces maigres succès, la Russie se préparerait, selon The Economist et les affirmations du président ukrainien Zelensky, à une grande offensive en mai-juin qui serait la plus ambitieuse depuis la tentative de blitzkrieg en février 2022. Si ces déclarations se confirment, on pourrait faire quelques hypothèses sur l'opportunité du moment actuel pour une nouvelle offensive russe.

Il y a d'abord la fatigue de la guerre du côté ukrainien où l'effet de « l'union sacrée » au nom de la défense de la patrie s'est épuisé après deux ans de privations de guerre et les nombreuses défaites au front. Les volontaires pleins d'enthousiasme patriotique sont rares de ces jours en Ukraine et des centaines de jeunes hommes cherchent plutôt activement à fuir la conscription militaire obligatoire. Le soutien financier et militaire apporté à l'Ukraine au début de la guerre a été considérable avec les États-Unis qui ont accompli au cours de ces deux dernières années le plus grand investissement extérieur depuis le Plan Marshall en 1948. Mais aujourd'hui, la Maison Blanche de Biden est plongée dans une véritable crise politique avec le parti Républicain bloquant activement tout projet législatif de nouvel envoi d'armes à l'Ukraine. Le probable retour au pouvoir de Donald Trump en novembre, qui prône une politique extérieure isolationniste, ne présage rien de bon pour l'Ukraine entièrement dépendante du soutien occidental pour ses besoins militaires. Face à cette faiblesse états-unienne, les États européens se sont engagés à un soutien plus actif à l'Ukraine : le Royaume-Uni, l'Allemagne et la France ont signé les garanties de sécurité avec le pays et l'Union Européenne a envoyé un paquet significatif d'aide militaire au début d'année. Mais ces efforts peuvent ne pas suffire pour remplacer le rôle qu'ont joué les États-Unis dans ce conflit. Et c'est de cette brèche-là que tente de se saisir Poutine.

À bas la boucherie de la guerre !

La guerre de mouvement que livrait l'armée russe en février 2022 sur l'ensemble du front ukrainien a révélé d'énormes limites militaires et logistiques de l'armée russe. S'appuyant sur les informations incomplètes voire fausses venant de ses officiers, sergents et généraux, l'État-major de Poutine a perdu des dizaines de milliers de soldats professionnels dans des offensives peu réfléchies. Depuis que la Russie est passée à la défensive, le front est alimenté par les recrues civiles et issues du système pénitentiaire russe mais aussi par un flux de volontaires qui signent des contrats avec le Ministère de la défense en espérant améliorer leurs conditions économiques, l'armée étant le seul secteur de l'économie qui paie des salaires élevés aux hommes sans études supérieures.

Forcés ou volontaires, tous ces hommes sont envoyés à une mort quasi certaine dans la guerre des tranchées où leur courage ou combativité individuelles ne comptent pas pour grand-chose face aux drones low-cost ukrainiens qui les tuent tous les jours par centaines. Ces hommes servent de chair à canon à leur commandement, qui est prêt à sacrifier leurs vies massivement pour conquérir des positions sans importance stratégique comme Bakhmout ou Avdiivka. Loin de la propagande nationaliste chauvine du régime de Poutine promettant la gloire aux soldats, ce sont ces morts absurdes et privées de sens qui montrent vraiment ce qu'est la guerre au 21ème siècle.

C'est pourquoi la conscription militaire obligatoire en Russie est une véritable tragédie, tout comme elle l'est du côté ukrainien. L'État fait le tour de ses territoires, ciblant en particulier les Républiques nationales et les régions rurales, il sévit sur sa jeunesse, la sacrifiant sur l'autel de cette guerre sanglante et profondément réactionnaire. Ceux qui ne vont pas mourir dans la boue des tranchées resteront mutilés, physiquement ou psychologiquement, à vie, avec une génération entière qui sera marquée, comme après les guerres d'Afghanistan et de Tchétchénie, par le trouble du stress post-traumatique. Deux ans après le début de la guerre, il est évident que la seule véritable manière de mettre fin à ce massacre ne sera pas un cessez-le-feu temporaire décidé par le haut, mais une révolte des classes populaires russes et ukrainiennes contre leurs dirigeants et contre les puissances impérialistes qui rendent possible cette boucherie.

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