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Inde : « Modi est affaibli, mais il ne renonce pas à son plan destructeur pour un Raj de mille ans »

Les Indiens qui aiment et apprécient leur Constitution - leurs droits, leur civilisation et leur fraternité - devront se préparer à un round plus décisif qui ne saurait tarder.
Tiré d'À l'encontre. Article publié sur le site The Wire le 6 juin 2024 ; traduction rédaction A l'Encontre le 7 juin 2024.
Les électeurs et électrices d'Inde ont fait pour la démocratie indienne ce que la commission électorale et le pouvoir judiciaire du pays n'ont pas réussi à faire : sanctionner et réprimander le Premier ministre Narendra Modi pour avoir cherché à monter les hindous et les musulmans les uns contre les autres, et pour ses liens privilégiés avec les grandes entreprises – dont les dons suspects ont alimenté les politiques gouvernementales qui ont accru les inégalités et la détresse.
Après dix ans au pouvoir [depuis le 26 mai 2014], Modi a perdu la majorité parlementaire dont jouissait son parti, le Bharatiya Janata Party [BJP-Parti indien du peuple, aile politique de l'organisation fascisante du Rashtriya Swayamsevak Sangh, RSS-Organisation volontaire nationale créée en 1925], et doit désormais diriger un gouvernement minoritaire avec le soutien de ses partenaires de coalition, dont certains sont notoirement inconstants. Le fait qu'il n'ait jamais dirigé de coalition réelle – et non théorique – ne va pas l'aider. Il y a trois ans, lorsque le parti indien sikh Shiromani Akali Dal l'a défié au sujet de ses lois agricoles controversées, Modi est resté impassible et ce sont les Akalis [Sikhs] qui ont dû se retirer de la coalition National Democratic Alliance (NDA). Mais des alliés – le Telugu Desam Party-TDP, présent dans l'Andhra Pradesh, 16 sièges, et le Janata Dal-United, présent dans le Bihar, 12 sièges – que les électeurs indiens lui ont maintenant donnés ne prendront pas tranquillement leur jhola (leurs bagages) et ne s'en iront pas. [En effet, ces deux partis alliés visent le poste de président de la Chambre basse ; les marchandages entre les partis de la coalition renvoient à l'époque antérieur à 2014]. Ils auront la capacité de renverser son gouvernement [1]].
Faisant bonne figure, Modi a salué le fait qu'il soit revenu au pouvoir pour la troisième fois comme un « exploit historique ». En réalité, ce résultat représente un revers personnel cuisant pour un homme tellement convaincu de son invincibilité qu'il avait commencé à revendiquer des origines divines. « Tant que ma mère était en vie », a-t-il déclaré lors d'un interview en pleine campagne électorale, « j'avais l'impression que j'étais peut-être né biologiquement. Mais après sa mort, en examinant toutes mes expériences, j'ai acquis la conviction que c'est Dieu qui m'a envoyé. L'énergie [que j'ai] ne vient pas d'un corps biologique. » L'électorat a fait redescendre sur terre ce messager de Dieu autoproclamé, avec un bruit mat.
La revendication de la divinité par Modi est d'ailleurs intervenue dans le même entretien où il a menti sur un discours électoral qu'il avait prononcé au début de la campagne. A Banswara [au sud dans le Rajasthan], il avait qualifié sans ambiguïté les musulmans de l'Inde d'« infiltrés » [ce qui implique leur exclusion] et de personnes qui ont « plus d'enfants ». Modi ne s'est pas contenté d'insulter les musulmans, il a tenté d'attiser les angoisses irrationnelles des électeurs hindous de l'Inde en leur montrant qu'il était le seul dirigeant capable d'empêcher l'opposition de saisir leurs biens et leurs avoirs et de les remettre aux musulmans.
Modi a ensuite répété cette accusation, avec des variations mineures, lors de chaque meeting. Son parti a créé de répugnantes vidéos d'animation destinées à effrayer les hindous pour qu'ils croient à cette affirmation absurde. Dans un autre entretien, il a déformé les conclusions douteuses d'une étude largement diffusée, réalisée par des chercheurs de son propre institut – publiée pour coïncider avec le discours électoral anti-musulman qu'il défendait – afin de convaincre les hindous que la population musulmane de l'Inde augmentait si rapidement que les hindous seraient bientôt submergés.
Pourquoi Modi est-il si obsédé par les musulmans ? Tout d'abord, cela fait partie de son ADN politique. Sa carrière a débuté au sein de l'organisation mère du BJP, le Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS), et s'est construite autour de la conviction du RSS selon laquelle l'Inde est une nation hindoue qui a été asservie par les musulmans pendant 800 ans. Modi soutient que les musulmans indiens d'aujourd'hui – qui constituent statistiquement l'une des cohortes les plus pauvres du pays – sont en fait « privilégiés » et jouissent de plus de droits et d'avantages que les hindous, et que l'Inde ne pourra pas atteindre la gloire tant qu'une « conciliation » face aux musulmans se poursuivra.
Mais il y a une deuxième raison à la récente recrudescence de ses déclarations anti-musulmanes. Lorsque vous abordez une élection sans avoir grand-chose à montrer en termes de réalisations concrètes – le chômage [42,3% des diplômés indiens de moins de 25 ans étaient au chômage en 2021-22, or les personnes de moins de 35 ans constituent 66% de la population] et le désespoir rural sont généralisés et 800 millions d'Indiens subsistent grâce aux céréales gratuites que leur fournit le gouvernement –, il est utile de détourner l'attention des électeurs à grand renfort de dénigrement des musulmans. C'est ce qu'ont fait Modi et son parti.
C'est un secret de Polichinelle que de faire campagne pour obtenir des voix en faisant appel directement ou indirectement à la religion est illégal en vertu de notre loi électorale (l'histoire du pays est séculariste) et peut entraîner l'interdiction pour un politicien de se présenter à une élection pendant six ans. Cependant, Modi a bien calculé que les trois commissaires électoraux chargés de faire appliquer cette loi (et qu'il a triés sur le volet pour ce travail) ne diraient rien [2]. Lorsque des citoyens se sont adressés à la Haute Cour de Delhi pour demander à la Commission électorale de porter plainte contre Modi pour ses discours haineux, ils ont été renvoyés en leur disant qu'ils devaient faire confiance à la Commission électorale (CE). Cette dernière n'a bien sûr rien fait, et lorsqu'on a demandé au commissaire général aux élections (après la fin du scrutin) pourquoi il n'avait pas agi, il a répondu que les tribunaux avaient rejeté les requêtes qui demandaient à la CE d'agir.
Les tribunaux et la Commission électorale se sont peut-être renvoyé la balle et n'ont rien fait, mais au grand dam de Modi, un nombre suffisant d'électeurs hindous ont vu clair dans son jeu et ont décidé qu'ils n'allaient pas troquer leurs préoccupations pour le présent contre les affrontements civils que Modi, le premier ministre, cherchait manifestement à provoquer. Dans l'Uttar Pradesh et le Maharashtra, la part de voix du BJP s'est effondrée. Même Ayodhya [Uttar Pradesh], qui occupe une place particulière dans la politique chauvine de Modi [3], a décidé de le laisser tomber. Au Rajasthan et dans l'Haryana, les électeurs ruraux en colère contre les politiques anti-agriculteurs de Modi ont soutenu l'opposition. Dans toute l'Inde, pas moins de 22 ministres en exercice, soit environ un quart de son cabinet ministériel, ont perdu leur siège.
Grâce à un champ de bataille électoral biaisé par le pouvoir financier du BJP, à l'esprit partisan des grands médias et à sa propre volonté d'utiliser la coercition de l'Etat contre l'opposition, Modi est parvenu à limiter ses pertes et à franchir la ligne d'arrivée en boitillant, avec l'aide d'une coalition.
Le samedi 8 juin, Modi prêtera serment pour la troisième fois. Le fait qu'il ait été affaibli est une bonne nouvelle pour la démocratie indienne, mais dans la mesure où il ne s'est pas laissé abattre, on peut se demander quelles seront ses priorités cette fois-ci.
Ses déboires électoraux signifient-ils qu'il ne sera plus en mesure de poursuivre son programme chauviniste hindou ? Devra-t-il désormais relâcher ses efforts pour étouffer la dissidence et porter atteinte à la liberté de la presse ? Décidera-t-il qu'il est temps d'être moins complaisant envers les grandes entreprises ? Ou pourrait-il en fait redoubler d'efforts pour réaliser son programme actuel ?
Un ami turc me rappelle que les choses peuvent devenir particulièrement dangereuses lorsqu'un homme fort se sent plus faible. C'est ce qui s'est passé avec Recep Tayyip Erdogan en Turquie et il n'y a aucune raison de s'attendre à ce que Modi soit différent. Au cours de son second mandat, Modi a commencé à serrer la vis aux médias numériques indiens, qui ont jusqu'à présent réussi à fonctionner et à atteindre des millions de lecteurs et de téléspectateurs malgré les menaces et le harcèlement qui ont transformé les médias traditionnels indiens en une honte nationale. Au cours de son troisième mandat, Modi sera probablement plus agressif dans son utilisation de la loi contre les médias. De même, il tentera une fois de plus d'utiliser les agences gouvernementales chargées de faire respecter la loi pour paralyser l'opposition en s'en prenant à des dirigeants individuels.
Si Modi poursuit sur la voie qu'il a empruntée jusqu'à présent, il appartiendra à ses partenaires de coalition et au pouvoir judiciaire d'intervenir. Le fait que Modi soit « numériquement » [majorité relative] vulnérable augmente la probabilité qu'il soit confronté à une certaine résistance de la part de ces secteurs, mais rien ne garantit qu'il en sera ainsi.
Au cours de ses deux premiers mandats, Modi a utilisé le soutien et la bonne volonté des puissances étrangères, en particulier des Etats-Unis et de l'Europe, comme un amplificateur de force pour se renforcer politiquement. Cela non plus ne va pas nécessairement changer. De retour au pouvoir, il ne manquera pas de profiter des possibilités commerciales offertes aux entreprises occidentales et du fossé qui se creuse entre les Etats-Unis et la Chine pour dissiper les réticences suscitées par son islamophobie ouverte et ses tendances autoritaires.
Les Indiens respirent mieux aujourd'hui, convaincus qu'ils ont réussi à ramener la démocratie indienne qui était au bord du gouffre. Ils savent également qu'il ne faudra pas longtemps à Modi pour revenir à ses options divinement programmées. Le soutien à la politique antimusulmane du BJP a peut-être atteint son apogée dans le nord et l'ouest de l'Inde, mais Modi tient à étendre sa portée au sud et à l'est. Cet homme se targue d'avoir un plan millénaire pour l'Inde – une variante techno-corporatiste de la vision destructrice du RSS – et il ne l'abandonnera pas si facilement. Les électeurs indiens ont porté un coup fatal à cette vision, mais la vérité est que Modi est de retour. Les Indiens qui aiment et apprécient leur Constitution – leurs droits, leur civilisation et leur fraternité – devront se préparer à un round plus décisif qui ne saurait tarder. Chale chalo [Continue, allez], comme l'a écrit Faiz à propos de la recherche d'une nouvelle aube, ki voh manzil abhi nahin aayi [cette destination n'est pas encore atteinte]. Un port sûr est encore loin.
• Siddharth Varadarajan, éditeur de The Wire, a enseigné à New York University et à Berkeley.
Notes
[1] Le BJP, qui a bénéficié d'une forte majorité lors des deux mandats précédents, n'a obtenu que 240 sièges (perte de 63 sièges), loin des 272 nécessaires pour former un gouvernement à part entière. La coalition NDA a remporté 293 sièges sur les 543 que compte la chambre basse du Parlement. L'alliance INDIA-Indian National Developmental Inclusive Alliance – qui comporte 26 partis – est menée par le parti du Congrès nationale de Rahul Gandhi, 99 sièges, gain de 47 sièges. Elle a obtenu 236 sièges, plus que prévu, avec des gains majoritaires régionaux dans des Etats tels que l'Uttar Pradesh, le Maharashtra et le West Bengal. (Réd.)
[2] A la veille des élections, début mars, « le gouvernement indien a annoncé la mise en œuvre d'une loi stigmatisante à l'égard des musulmans, en leur refusant des droits accordés aux autres religions. Cette réforme dite de la citoyenneté avait été adoptée par le Parlement, en décembre 2019, mais n'avait jamais été appliquée. Elle avait alors suscité la plus grande mobilisation à travers le pays, et trois mois de manifestations qui s'étaient terminées dans le sang, avec des pogroms antimusulmans déclenchés par des fanatiques hindous dans le nord de Delhi. Cinquante-trois personnes avaient péri. » (Le Monde, 13 mars 2024) Cette loi introduit un critère religieux dans l'obtention de la nationalité. (Réd.)
[3] Ville de l'Uttar Pradesh où se trouve le temple de Ram – 7e avatar du dieu Vishnou – inauguré par Modi le 22 janvier 2024, temple qui prend la place d'une mosquée historique, dans le but selon Modi de stimuler le « nationalisme culturel hindou ». (Réd.)
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Avec les slogans « brûlez Shuafat » et « aplatissez Gaza », la Marche des drapeaux de Jérusalem illustre la banalisation d’une politique

La marche annuelle des drapeaux du « Jour de Jérusalem » est depuis longtemps connue pour sa démonstration ouverte de la suprématie juive. Chaque année, pour célébrer l'occupation par Israël de Jérusalem-Est en 1967 et le maintien de son contrôle sur la ville, des dizaines de milliers de Juifs israéliens, jeunes pour la plupart, se déchaînent dans la vieille ville, harcèlent et attaquent les résidents palestiniens et crient des slogans racistes, le tout sous la protection de la police.
Tiré d'À l'encontre.
Toutefois, si par le passé on pouvait dire que seuls certains des participants se livraient à de tels comportements, cette année, ces agissements sont devenus la norme. Encouragés par la guerre de vengeance brutale de leur gouvernement contre la bande de Gaza, presque tous les participants qui se sont rassemblés à la porte de Damas [qui mène à la vieille ville de Jérusalem] avant la marche d'hier après-midi ont participé à la provocation.
Parmi les chants les plus populaires, citons « Que votre village brûle », « Shuafat est en feu » [quartier de Jérusalem-Est à population majoritairement palestinienne], « Mahomet est mort » et la chanson génocidaire de la « vengeance », qui reprend une injonction biblique dirigée contre les Palestiniens : « Que leur nom soit effacé ». Le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, et le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, sont tous deux arrivés à la porte de Damas avec leurs gardes du corps vers la fin des festivités et se sont joints avec joie aux fêtards qui chantaient et dansaient. [S'était jointe à eux la ministre des Transports, membre du parti Likoud, Miri Regev.]
Parallèlement aux chants, certains participants portaient des drapeaux du groupe suprématiste juif Lehava [1], ainsi que des pancartes sur lesquelles on pouvait lire « Une balle dans la tête de chaque terroriste » et « Kahane avait raison » [2]. Quelques-uns ont fait explicitement référence à l'assaut israélien en cours sur Gaza, appelant à « raser Rafah » et portant le drapeau de Gush Katif – le bloc de colonies israéliennes qui a été évacué de Gaza dans le cadre du « désengagement » de 2005 et que de nombreux membres de la droite israélienne espèrent voir se reconstruire. Certains brandissaient des pancartes représentant les otages toujours détenus par le Hamas à Gaza.
Cependant, l'objectif principal des participants n'était pas Gaza, mais plutôt le Mont du Temple/Haram al-Sharif. La journée a commencé par l'ascension de plus d'un millier de Juifs sur ce site sacré pour les juifs et les musulmans, administré conjointement par la police israélienne et le waqf islamique [fondation composé de la monarchie jordanienne, avec intégration en 2019 de responsables de l'Autorité palestinienne]. Nombre de manifestants portaient des drapeaux israéliens et certains ont violé le « statu quo » de longue date du site en se livrant à des actes de prière.
Ils étaient menés par des militants qui aspirent non seulement à permettre aux Juifs de prier sur le site, mais aussi à reconstruire un temple juif sur le site de la mosquée Al-Aqsa et du dôme du Rocher. Lors de la marche, un groupe de jeunes portait des T-shirts représentant le Dôme du Rocher en train d'être démoli.
A l'exception de l'arrestation d'une poignée de manifestants qui ont attaqué des journalistes, la police – dont le chef de la police et plusieurs hauts gradés – n'a rien fait pour empêcher ou punir les provocations. Cette absence d'intervention était particulièrement flagrante compte tenu de la répression qui a suivi le 7 octobre et qui a vu la police arrêter et inculper des centaines de citoyens palestiniens pour avoir exprimé leur opposition à la guerre à Gaza, que ce soit sur les réseaux sociaux ou dans le cadre de petites manifestations non violentes.
Ce double standard est ancré dans la politique du gouvernement israélien : ce qui compte, ce n'est pas le contenu du discours, mais la personne qui le prononce. Ainsi, alors que des Palestiniens sont arrêtés pour des messages sur les réseaux sociaux, des Juifs ont toute latitude pour célébrer la Journée de Jérusalem en agressant des Palestiniens et en appelant à leur mort.
Journalistes attaqués
Les violences ont commencé vers 13 heures. A ce moment-là, la police avait déjà dégagé une route à travers le quartier musulman de la vieille ville en forçant les résidents palestiniens à rentrer chez eux et les propriétaires de magasins palestiniens à fermer leur commerce.
Par conséquent, les seules cibles restantes vers lesquelles les premiers participants pouvaient diriger leur rage étaient quelques journalistes qui étaient déjà arrivés pour couvrir la marche. Le journaliste palestinien Saif Kwasmi a été agressé par la foule, tandis que le journaliste de Haaretz, Nir Hasson, a également été mis à terre et a reçu des coups de pied. Au lieu d'arrêter les manifestants, la police a arrêté et interrogé Kwasmi, accusé d'incitation à la violence.
La plupart des journalistes n'ont pas pu s'approcher aussi près des manifestants. Avant l'arrivée du gros de la foule, la police a contraint tous les journalistes à se réfugier dans un petit enclos donnant sur la porte de Damas ; selon les responsables de la police, permettre aux journalistes d'accompagner les participants à travers la vieille ville aurait été une provocation dangereuse, compte tenu de l'hostilité des manifestants à l'égard des médias.
Après plusieurs heures et de nombreux appels au bureau du chef de la police, les journalistes ont été autorisés à se déplacer parmi les manifestants, mais seulement après avoir été avertis qu'ils le faisaient à leurs risques et périls. A ce moment-là, les manifestants avaient déjà jeté de nombreuses bouteilles en plastique dans la zone de presse et insulté les journalistes.
Peu avant la fin de ces « cérémonies », Ben Gvir est arrivé à la porte de Damas. Entouré d'un important dispositif de sécurité qui a empêché les journalistes de s'approcher et de poser des questions, le ministre a profité de l'occasion pour déclarer qu'il rejetait totalement le délicat statu quo religieux sur le Mont du Temple/Haram al-Sharif, qui stipule depuis longtemps que les Juifs ont le droit de visiter le site, mais pas d'y prier.
« Je suis revenu ici pour envoyer un message au Hamas et à toutes les maisons de Gaza et du Liban : Jérusalem est à nous. La porte de Damas est à nous. Le mont du Temple est à nous », a-t-il proclamé. « Aujourd'hui, conformément à ma politique, les Juifs sont entrés librement dans la vieille ville et les Juifs ont prié librement sur le mont du Temple. Nous le disons de la manière la plus simple qui soit : ceci est à nous. »
Lors des précédentes marches de la Journée de Jérusalem, Ben-Gvir n'était qu'un participant parmi d'autres. Aujourd'hui, il est le ministre responsable de la police, chargé de sécuriser la marche et de faciliter l'ascension des Juifs vers l'enceinte d'Al-Aqsa. Bien que le Premier ministre Benyamin Netanyahou ait pris ses distances avec l'intention déclarée de Ben-Gvir de bouleverser le statu quo, c'est en fin de compte le ministre de la Sécurité nationale qui applique la politique.
Le Jour de Jérusalem était autrefois un événement exceptionnel, où le racisme et la suprématie juive qui ont toujours existé au sein de la société israélienne étaient exposés aux yeux de tous. Mais aujourd'hui, alors que la vengeance de l'armée à Gaza se poursuit avec le soutien actif de la plupart des Israéliens, que la violence des militaires et des colons s'intensifie en Cisjordanie et que des campagnes sont menées pour persécuter et réduire au silence les dissidents à l'intérieur de la ligne verte, la Marche des drapeaux n'est plus qu'un exemple de plus de la façon dont Israël a banalisé l'extrémisme. (Article publié par le site israélien +972 le 6 juin 2024 ; traduction rédaction A l'Encontre)
Oren Ziv est photojournaliste et reporter pour le site israélien en hébreu Local Call – qui est conjoint avec +972. Il est membre fondateur du collectif de photographes Activestills.
Notes
[1] Il s'oppose par exemple aux mariages entre Juifs et non-Juifs, en particulier des mariages des femmes juives avec des hommes arabes, exerce sa violence contre les Palestiniens et les demandeurs d'asile africains. (Réd.)
[2] Meir Kahane a fondé l'organisation Jewish Defense League aux Etats-Unis et le parti Kach d'extrême droite en Israël, interdit en 1994, qualifié d'organisation terroriste. Le Kach soutient une colonisation massive en Cisjordanie et dans la bande de Gaza avec une dimension de sionisme religieux. Kahane fut élu en 1984 à la Knesset – suite à trois échecs – après avoir profité de la « permissivité » des structures politiques et juridiques de l'Etat d'Israël, qui ne prendra des mesures pour disqualifier le parti Kach qu'après son élection. Kahane sera assassiné aux Etats-Unis en novembre 1990. (Réd.)
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Le projet israélien de reconstruction de Gaza

Les hommes d'affaires israéliens proches du Premier ministre Benjamin Netanyahu ont élaboré un plan baptisé « Gaza 2035 » pour reconstruire le territoire israélien en un centre commercial et industriel régional qui exploiterait le gaz naturel palestinien et une main d'œuvre bon marché
Tiré de MondAfrique.
Des documents publiés en ligne présentent la vision d'après-guerre du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu pour la bande de Gaza, connue sous le nom de « Gaza 2035 », a rapporté le Jerusalem Post du 3 mai. Ce plan implique de maintenir Gaza à long terme sous contrôle israélien, de réaliser des investissements majeurs pour reconstruire l'enclave dévastée « à partir de rien » avec l'aide des pays du Golfe, de transformer Gaza en un centre régional de commerce et d'énergie, et d'exploiter la main-d'œuvre palestinienne bon marché et le gaz naturel. Tout cela au profit des intérêts commerciaux israéliens.
Le document qualifie Gaza d'« avant-poste iranien » qui « sabote les chaînes d'approvisionnement émergentes », affirmant par euphémisme que cela « contrecarre tout espoir d'avenir pour le peuple palestinien ».
Selon le document, le plan comprend trois étapes
La première étape devrait durer 12 mois et verra Israël créer des « zones de sécurité libres du contrôle du Hamas » à Gaza, en commençant d'abord par le nord et en se déplaçant vers le sud.
Les Palestiniens de Gaza géreraient les zones de sécurité sous la supervision d'une coalition d'États arabes chargée de fournir l'aide humanitaire.
La deuxième étape durerait cinq à dix ans. L'armée israélienne conserverait le contrôle de la bande, tandis que les États arabes seraient responsables de la reconstruction sous l'égide de la nouvelle Autorité de réhabilitation de Gaza (GRA), les Palestiniens gérant les zones de sécurité.
Les efforts de reconstruction impliqueront de « reconstruire à partir de rien » et de concevoir de nouvelles villes selon une conception et une planification modernes. Cela implique que l'armée israélienne continue de détruire une grande partie, sinon la totalité, de Gaza.
La troisième étape verrait les Palestiniens « s'autogouverner » dans une bande de Gaza démilitarisée tandis qu'Israël conserverait le droit d'agir contre les « menaces à la sécurité ».
Une main d'oeuvre bon marché
La dernière étape, note le Jerusalem Post, serait que les Palestiniens « gèrent pleinement Gaza de manière indépendante » et adhèrent aux Accords d'Abraham, un accord liant plusieurs États arabes à Israël. Le Jerusalem Post affirme que le plan bénéficierait aux Palestiniens de Gaza en leur offrant des opportunités d'emploi et une éventuelle « autonomie » – sous le contrôle continu d'Israël.De nombreux responsables politiques israéliens ont appelé à l'expulsion forcée des 2,3 millions d'habitants de Gaza vers l'Égypte ou l'Europe. Mais le plan prévoit apparemment que certains restent à Gaza comme source de main d'œuvre bon marché.
Le Jerusalem Post affirme que le plan bénéficierait aux États du Golfe en leur offrant « des pactes défensifs avec les États-Unis et un accès sans entrave aux ports méditerranéens de Gaza par le biais de chemins de fer et de pipelines ».
Le plan vise à faire de Gaza un port industriel important sur la Méditerranée, facilitant l'exportation des marchandises gazaouies, du pétrole saoudien et d'autres matières premières du Golfe.

Le plan prévoit également la création d'une vaste zone de libre-échange comprenant Gaza et s'étendant de la ville israélienne de Sderot à Al-Arish, sur la côte égyptienne, ce qui bénéficierait aux intérêts commerciaux des trois pays. Israël exploiterait les gisements de gaz naturel au large de Gaza pour fournir l'énergie nécessaire à la fabrication industrielle. Israël bloque depuis des décennies le développement de gisements qui appartiennent légalement aux Palestiniens.
Le Jerusalem Post ajoute que le plan incluait une proposition visant à fabriquer des voitures électriques dans la zone de libre-échange et à compléter cette proposition par une « fabrication chinoise bon marché », suggérant en outre que la main-d'œuvre palestinienne bon marché de Gaza serait essentielle à la proposition.
L'imprimatur du New York Times
Les intérêts commerciaux israéliens en bénéficieraient probablement le plus. Le New York Times (NYT) rapportait également que le plan pour Gaza avait été élaboré en novembre par un « groupe d'hommes d'affaires, pour la plupart israéliens, dont certains sont proches de M. Netanyahu ».Le New York Times ajoutait que le plan était « à l'étude aux plus hauts niveaux du gouvernement israélien ».
Tout projet israélien pour Gaza d'après-guerre devrait également répondre aux exigences de la communauté religieuse d'extrême droite israélienne, qui exige la colonisation de Gaza et la construction de colonies juives après la guerre.
Le ministre du Logement et de la Construction, Yitzhak Goldknopf, chef du parti ultra-orthodoxe Judaïsme unifié de la Torah, a publié le 14 mai un message vidéo approuvant une marche de protestation exigeant la reprise de la colonisation israélienne dans la bande de Gaza.
« Il est très important de s'identifier à cette marche et ensuite de participer au rassemblement de masse à Sderot », dit-il.
Selon ses organisateurs, les participants viendront de tout le pays. La manifestation est soutenue notamment par la députée d'extrême droite Limor Son Har-Melech du parti Otzma Yehudit,
La journaliste Vanessa Beeley conclut que le plan « Gaza 2035 » comprend effectivement l'expulsion des Palestiniens et la construction de colonies juives. Pour elle, il a probablement été échafaudé plus tôt que l'affirme le New York Times. Elle ajoute : « Ce qui est certain, c'est que ce plan est dans les tuyaux entre les sionistes et les États-Unis depuis peut-être des décennies et qu'il n'est mis en œuvre que maintenant, avec l'exploitation par Israël des événements du 7 octobre pour sécuriser la Nakba II à Gaza, tout en accroissant la présence sioniste dans ce qui reste de la Palestine dans les territoires occupés.
*Source : The Cradle
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L’ombre de la Nakba plane sur Ghaza : Les Ghazaouis plusieurs fois déplacés

Les habitants de l'enclave palestinienne, bombardée huit mois durant, vivent au rythme des déplacements forcés, dictés par les opérations militaires des forces sionistes. Depuis huit mois, plus de deux millions de Ghazaouis ont été déplacés à plusieurs reprises à cause de la guerre barbare et sanglante que mène Israël contre eux. Poussés vers le Sud jusqu'à Rafah, beaucoup d'entre eux ont fui ces dernières semaines vers une « zone humanitaire élargie » plus au Nord, avant de voir certaines de ces zones dites « sécuritaires » bombardées à leur tour.
Tiré d'El Watan.
La journaliste Doaa Chahine, correspondante pour le site panarabe Raseef22, raconte avoir été déplacée neuf fois, allant du camp de Jabaliya, dans le nord de Ghaza, jusqu'à Rafah, avant de remonter vers le camp de Nuseirat, au centre de l'enclave. En mai, elle a survécu à des frappes israéliennes qui ont détruit l'endroit où elle s'était réfugiée.
De même, Marah Mahdi, une autre journaliste, raconte à +972 Magazine avoir été déplacée onze fois avec sa famille. Le 21 octobre, huit jours après que l'armée israélienne a demandé à plus d'un million de Ghazaouis vivant au nord du Wadi Ghaza d'évacuer vers le sud de l'enclave, Marah Mahdi et sa famille ont quitté la ville de Ghaza, fuyant avec seulement leurs vêtements, quelques papiers essentiels et de la nourriture.
Ils ont trouvé refuge dans une école de Nuseirat, rapidement devenue dangereuse à cause des frappes aériennes israéliennes. Ils se sont alors dirigés vers Deir El Balah, espérant y trouver un semblant de sécurité, puis ont continué vers le sud, à Rafah, où ils se sont installés en novembre.
Comme Marah Mahdi, plus de la moitié de la population de Ghaza s'est entassée à Rafah ces derniers mois, vivant dans des camps de tentes surpeuplés dans des conditions humanitaires désastreuses, jusqu'à l'invasion de Rafah il y a près d'un mois, qui a poussé des centaines de milliers de Palestiniens à fuir à nouveau.
Aujourd'hui, plusieurs secteurs de Rafah et de la zone humanitaire d'El Mawasi, adjacente à la grande ville du sud de Ghaza, se sont vidés de leurs habitants, ne laissant que ceux qui n'ont pas les moyens de se déplacer. La plupart des abris de l'UNRWA à Rafah ont été évacués, forçant les personnes déplacées à se diriger vers Khan Younès et Deir Al Balah.
Selon Oxfam, plus des deux tiers de la population de Ghaza se trouvent désormais entassés dans une zone de 69 km², soit moins d'un cinquième de la bande de Ghaza.
Selon l'ONU, plus d'un million de Ghazaouis - soit près de la moitié de la population totale de Ghaza - ont été déplacés au cours du mois dernier. Une grande partie d'entre eux se trouvent désormais à Khan Younès, une ville de ruines dont de nombreux quartiers sont pratiquement méconnaissables, et à Deir El Balah, toutes deux intégrées dans une « zone humanitaire élargie ».
Depuis l'invasion terrestre israélienne de Rafah, moins de 100 000 personnes, sur les quelque 1,3 million de personnes originaires de Rafah ou ayant cherché refuge dans cette région, y restent encore.
Les organisations humanitaires ont averti que les zones de Ghaza où Israël a ordonné l'évacuation des habitants de Rafah manquent d'infrastructures et de besoins essentiels de survie. Et même ces zones, décrites comme « sûres », ont été bombardées ces derniers jours, y compris une récente frappe meurtrière sur une école de l'ONU transformée en refuge dans le camp de réfugiés de Nuseirat, au centre de Ghaza, qui a tué au moins 33 personnes, selon les responsables médicaux de Ghaza.
Les familles, déjà déplacées plusieurs fois, sont de nouveau en mouvement en raison des opérations militaires sionistes et des ordres d'évacuation israéliens. Les conditions de vie dans la région d'El Mawasi sont catastrophiques.
Oxfam rapporte que 500 000 personnes partagent 121 latrines, soit environ 4130 personnes par toilette. Une enquête alimentaire menée en mai par le Nutrition Cluster révèle que 85% des enfants n'ont pas mangé pendant une journée entière au moins une fois dans les trois jours précédant l'enquête, avec une diversité alimentaire en déclin.
Entre le 28 mai et le 1er juin, seulement 232 camions d'aide humanitaire ont pu entrer via le passage de Karem Abu Salem, une réduction significative par rapport à la période précédant l'opération militaire à Rafah. L'UNRWA demeure la plus grande agence des Nations unies opérant via ce point de passage, la majorité de l'aide étant constituée de farine et de produits alimentaires.
Selon l'OMS, des défis persistent pour augmenter le flux d'aide. Durant la période couverte par ce rapport, 60 camions de l'OMS étaient prêts à entrer à Ghaza depuis l'Egypte, soulignant le besoin urgent d'ouvrir les passages pour toutes les fournitures humanitaires, pas seulement médicales.
L'OMS estime que plus de 10 000 personnes nécessitent un transport urgent hors de Ghaza pour traitement, mais ne peuvent le faire depuis la fermeture du passage de Rafah le 6 mai. L'OMS a averti que davantage de Ghazaouis mourront si des évacuations médicales d'urgence ne sont pas autorisées.
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Israël tue plus de 200 Palestiniens pour sauver 4 otages ; les États-Unis auraient participé à l’opération

Au moins 210 Palestiniens ont été tués et 400 autres blessés dans le centre de la bande de Gaza dimanche après que les forces israéliennes ont mené une « opération de récupération » pour libérer quatre captifs. Les informations faisant état de l'implication des États-Unis dans cette opération ont suscité de fortes condamnations.
Tiré de France Palestine Solidarité. Photo : Frappes israéliennes massives sur le camp de réfugiés de Nuseirat, 8 juin 2024 © Quds News Network.
Au moins 210 Palestiniens ont été tués et des centaines d'autres blessés samedi dans le centre de la bande de Gaza, lors d'une opération militaire qu'Israël qualifie d'« héroïque » pour récupérer quatre Israéliens détenus à Gaza.
Les médias palestiniens ont fait état de bombardements intenses en début d'après-midi, heure locale, dans plusieurs zones de Nuseirat et de Deir al-Balah, dans le centre de la bande de Gaza. Des images vidéo du marché principal du camp de réfugiés de Nuseirat montrent des foules de civils palestiniens fuyant sous le bruit des tirs d'artillerie lourde.
Le journaliste d'Al Jazeera Anas al-Sharif a rapporté que les forces israéliennes ont « infiltré » le camp de réfugiés de Nuseirat dans des camions déguisés en camions d'aide humanitaire.
Le bureau des médias du gouvernement de Gaza a déclaré dans un communiqué que les forces israéliennes avaient lancé une « attaque brutale sans précédent sur le camp de réfugiés de Nuseirat », visant directement les civils, et que les ambulances et les équipes de la défense civile n'avaient pas pu atteindre la zone et évacuer les blessés en raison de l'intensité des bombardements.
Le bureau des médias a ajouté que, selon son décompte, au moins 210 Palestiniens ont été massacrés et environ 400 autres ont été blessés au cours de l'opération israélienne.
Des vidéos publiées sur les réseaux sociaux ont montré des dizaines de corps d'hommes, de femmes et d'enfants gisant dans les rues de la zone de Nuseirat, ainsi que des civils blessés et ensanglantés transportés d'urgence à l'hôpital des Martyrs d'Al-Aqsa à Deir al-Balah.
Al Jazeera a cité le Dr Tanya Haj-Hassan, de Médecins sans frontières, qui a déclaré que le service des urgences de l'hôpital Al-Aqsa « est un véritable bain de sang… On dirait un abattoir ».
« Les images et les vidéos que j'ai reçues montrent des patients gisant partout dans des mares de sang… leurs membres ont été arrachés », a-t-elle déclaré à Al Jazeera, ajoutant : « C'est à cela que ressemble un massacre ».
Alors que le bilan des victimes dans le centre de la bande de Gaza ne cesse de s'alourdir, des informations israéliennes font état de quatre captifs israéliens qui auraient été récupérés lors de l'opération et transférés en Israël.
Les quatre captifs ont été identifiés comme étant Noa Argamani, 26 ans, Almog Meir Jan, 21 ans, Andrey Kozlov, 27 ans, et Shlomi Ziv, 40 ans. Ils auraient été capturés le 7 octobre au festival de musique Nova, dans le sud d'Israël, près de la frontière avec Gaza.
Selon les médias israéliens, les quatre captifs ont été trouvés en bonne santé et ont été transférés dans un hôpital en Israël où ils ont retrouvé leurs familles. Un membre des forces spéciales israéliennes a été tué au cours de l'attaque.
Le journal israélien Haaretz a cité le porte-parole de l'armée israélienne, Daniel Hagari, qui a déclaré que les captifs avaient été « secourus sous les tirs et que, pendant l'opération, les FDI avaient attaqué depuis l'air, la mer et la terre dans les zones de Nuseirat et de Deir al-Balah, au centre de la bande de Gaza ».
Les familles des prisonniers israéliens ont tenu une conférence de presse samedi après-midi en réaction à cette nouvelle. Les parents des quatre captifs récupérés samedi ont fait l'éloge de l'armée israélienne et du gouvernement. Certains parents des captifs encore détenus à Gaza ont demandé la fin de la guerre et un échange de prisonniers afin d'obtenir la libération de ceux qui sont encore détenus à Gaza.
Samedi soir, heure locale, le porte-parole des Brigades Qassam, Abu Obeida, a déclaré que « les premiers à être blessés par [l'armée israélienne] sont ses prisonniers », précisant que si certains captifs ont été récupérés au cours de l'opération, un certain nombre d'autres captifs israéliens auraient été tués. Le gouvernement et l'armée israéliens n'ont pas commenté les informations selon lesquelles des captifs israéliens auraient été tués au cours de l'opération.
Il y aurait 120 prisonniers toujours détenus dans la bande de Gaza, dont 43 auraient été tués depuis octobre par les forces israéliennes elles-mêmes.
Sur sa chaîne officielle Telegram, le Hamas a déclaré que la libération des quatre captifs « ne changera pas l'échec stratégique de l'armée israélienne dans la bande de Gaza » et que « la résistance détient toujours un plus grand nombre de captifs et peut l'augmenter ».
Implication des États-Unis dans le massacre de Nuseirat
Alors que les informations sur l'ampleur du massacre dans le centre de Gaza et sur les célébrations en Israël à l'occasion de la récupération des quatre captifs affluent, des rapports font état d'une implication présumée des États-Unis dans l'opération.
Axios, citant un fonctionnaire de l'administration américaine, a rapporté que « la cellule américaine des otages en Israël a soutenu l'effort de sauvetage des quatre otages ».
Le conseiller à la sécurité nationale des États-Unis, Jake Sullivan, a déclaré à propos de l'opération : « Les États-Unis soutiennent tous les efforts visant à obtenir la libération des otages encore détenus par le Hamas, y compris des citoyens américains. Cela passe par des négociations en cours ou par d'autres moyens ».
Certains rapports affirment que des forces américaines ont participé à l'opération sur le terrain et que les camions d'aide humanitaire qui auraient été utilisés pour dissimuler l'entrée des forces spéciales à Nuseirat sont partis de l'embarcadère prétendument humanitaire construit par les États-Unis au large de la côte de Gaza.
Des vidéos circulant sur les réseaux sociaux ont montré les hélicoptères utilisés dans l'opération d'évacuation des prisonniers israéliens décollant des environs de la jetée américaine construite au large de la côte de Gaza pour acheminer « l'aide humanitaire indispensable » à Gaza.
Cette jetée de 230 millions de dollars, achevée le mois dernier, a suscité de vives critiques de la part de groupes de défense des droits et de militants qui estiment qu'elle ne permettra pas d'acheminer l'aide de manière efficace.
L'implication présumée des États-Unis dans les attaques menées samedi au centre de Gaza et l'utilisation de la jetée dans le cadre de l'opération ont suscité de vives critiques et une vive indignation sur Internet.
En réponse à ces informations, le mouvement Hamas a déclaré qu'elles prouvaient « une fois de plus » que Washington était « complice et complètement impliqué dans les crimes de guerre perpétrés » à Gaza.
Traduction : Chronique de Palestine
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Guerre à Gaza : crépuscule des illusions autour du droit international

La guerre à Gaza n'est pas le crépuscule du droit international, mais plutôt de deux grandes illusions - non nécessairement connexes - qu'alimente le discours dominant dans l'opinion publique sur le droit international : l'idéalisme porté par le courant objectiviste du fondement du droit international ; ainsi que l'illusion de la « supériorité morale de l'Occident ».
Tiré du blogue de l'auteur.
Depuis le début de l'offensive israélienne sur la bande de Gaza en Octobre 2023, une large partie de l'opinion mondiale observe, horrifiée et impuissante, les violations massives du droit international humanitaire (jus in bello) commises par l'armée israélienne contre les civils palestiniens, et qui pourraient constituer des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité, voire (plus difficilement) un crime de génocide. Dépassant très largement les principes de proportionnalité et de nécessité, la riposte israélienne à « l'opération Déluge d'al- Aqsa » par le Hamas (où de graves violations du droit international humanitaire ont été également commises) dénature profondément le droit de légitime défense (pilier du jus ad bellum).
Encore faut-il qu'une Puissance occupante puisse se prévaloir du droit de légitime défense contre un territoire qu'elle occupe (voir Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le territoire palestinien occupé, CIJ, Avis consultatif du 9 Juillet 2004) : Israël ayant conservé un contrôle total, aérien, maritime et terrestre (frontalier) de Gaza après son retrait unilatéral en 2004, la majorité de la doctrine en droit international considère dès lors que la bande de Gaza est toujours sous occupation israélienne, d'autant plus qu'il existe, au regard du droit international, une unité territoriale « de jure » entre Gaza et la Cisjordanie et que l'occupation de la dernière ne fait l'objet d'aucun doute.
Devant l'extrême gravité de la situation, est- ce pour autant qu'il faut considérer que « le droit international est mort à Gaza », comme on l'entend souvent depuis bientôt 8 mois ? A y voir de plus près, Gaza n'est pas le crépuscule du droit international, mais plutôt de deux grandes illusions - pas nécessairement connexes - qu'alimente le discours dominant dans l'opinion publique sur le droit international : l'idéalisme porté par le courant objectiviste du fondement du droit international ; ainsi que l'illusion de la « supériorité morale de l'Occident ».
Courant volontariste et courant objectiviste
Rappelons très brièvement qu'il existe deux grands courants doctrinaux pour définir le fondement du caractère obligatoire du droit international : le courant volontariste et le courant objectiviste. Le premier considère que c'est la volonté des Etats qui constitue le fondement du droit international[1]. En effet, à l'encontre du droit interne, le droit international n'est pas constitué de « lois » à proprement dites qui sont adoptées par un « Parlement » international et s'imposant ispo facto aux sujets du droit. Ce sont principalement les Etats qui créent le droit international : l'acceptation volontaire de l'Etat - sujet primaire du droit international - d'une règle juridique (conventionnelle ou coutumière) est une condition sine qua non de l'applicabilité (opposabilité) de cette règle juridique à ce sujet du droit.
Malgré les limites de cette thèse (notamment pour expliquer le fondement du jus cogens – droit international impératif - auquel un Etat ne peut pas déroger), le courant volontariste est dominant dans la doctrine. Dans la jurisprudence, l'arrêt de la Cour permanente de justice internationale dans l'affaire du Lotus considère également que « le droit international régit les rapports entre des Etats indépendants. Les règles de droit liant les Etats procèdent donc de la volonté de ceux-ci (...) » (CPJI, 7 septembre 1927).
En revanche, pour le courant dit objectiviste qui exerce, surtout par son idéalisme, un attrait intellectuel indéniable, le droit international trouve son fondement dans des éléments extérieurs et supérieurs aux Etats. Pour les jusnaturalistes, cet élément est le droit naturel, que le néerlandais Hugo Grotius (1583-1645) assimile à une morale laïque[2]. Pour les tenants de l'objectivisme normativiste, il s'agit plutôt de la loi de normativité : selon l'autrichien Hans Kelsen (1881-1973) et l'école de Vienne, les normes juridiques sont hiérarchisées dans une « pyramide juridique » où chaque norme tire sa force obligatoire d'une norme supérieure. Quant aux tenants de l'objectivisme sociologique, le droit est fondé sur les nécessités sociales : « un impératif social traduisant une nécessité née de la solidarité naturelle », selon le français Georges Scelle (1878-1961) [3].
Justice internationale et volonté des Etats : échec du courant objectiviste
A la lumière de la situation à Gaza, il s'est avéré, une nouvelle fois, qu'aucun des trois éléments retenus par les conceptions objectivistes ne semble constituer le fondement du droit international, mais c'est plutôt la volonté des Etats : ceci se vérifie particulièrement en matière de justice internationale.
Concernant la CPI (Cour pénale internationale), sa compétence reste essentiellement soumise à la volonté des Etats, ce qui se traduit par leur adhésion au Statut de Rome. Or, Israël n'est pas partie à ce Statut. Par suite, malgré toutes les tentatives (la Palestine étant désormais partie au Statut de Rome) pour contourner ce fait essentiel, on voit mal comment la CPI pourrait efficacement juger et, surtout, « punir » des responsables israéliens pour crimes de guerre ou crimes contre l'humanité, si elle donne suite aux dernières demandes de mandat d'arrêt par le Procureur auprès d'elle.
D'autant plus que l'efficacité d'une juridiction, en l'occurrence internationale, ne saurait être évaluée en fonction de l'utilité politique (« justice- spectacle politique ») qu'elle pourrait fournir indirectement (appuyer certains narratifs politiques - aussi justes soient- ils - et pointer du doigt certains accusés, comme le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou), mais essentiellement en fonction de sa capacité réelle à dire le droit. D'ailleurs, il n'est pas à exclure qu'à long terme, l'effet escompté pourrait ainsi être inversé : ignorer la réalité du volontarisme étatique en droit international, c'est prendre le risque conséquent d'un échec judiciaire à punir effectivement les dirigeants israéliens, ce qui serait de nature à consolider l'impunité israélienne (« l'exception » israélienne par rapport au non- respect droit international).
Quant à la CIJ (Cour internationale de justice), beaucoup d'espoirs ont été nourris concernant la procédure engagée par l'Afrique du Sud contre l'État d'Israël (Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide dans la bande de Gaza). Mais il suffit d'observer le manque manifeste d'efficacité de ses mesures conservatoires - celles de Janvier dernier, ou, plus récentes, concernant Rafah - pour arrêter les violations du droit international humanitaire par Israël ; le Conseil de sécurité de l'ONU, censé accompagner la CIJ en fournissant les moyens par lesquels se concrétise l'effectivité du droit international, ne jouant pas son rôle de maintien de la paix et de la sécurité internationales, notamment pour imposer le respect des mesures conservatoires de la Cour. Les précédents agissements d'Israël ainsi que d'autres Etats, comme la Russie (ayant ignoré une ordonnance similaire de la Cour concernant sa guerre en Ukraine), laissaient présager le manque d'efficacité de telles ordonnances. Par ailleurs, notons que si la CIJ ne retenait pas, in fine, la qualification de génocide, un tel échec juridique pourrait renforcer politiquement Israël, dans un effet boomerang (l'intention spéciale ou dolus specialis, très difficile à établir, rend le crime de génocide si particulier).
« Supériorité morale » : l'Occident nu
D'autre part, le discours de la supériorité morale de l'Occident fut essentiellement bâti, après la seconde guerre mondiale, sur la volonté affichée de cet Occident de respecter le droit international. Or, après la chute de l'URSS, ce fameux « Rules-Based International Order » a été torpillé par ses principaux promoteurs : l'Occident, mené par les Etats- Unis, a multiplié (notamment campagne de l'OTAN contre la Yougoslavie en 1999 ; invasion de l'Irak en 2003) l'emploi illicite de la force armée (sans résolution du Conseil de sécurité de l'ONU : violation du jus ad bellum), parfois sur des bases factuelles fallacieuses.
La porte du chaos dans « l'Ordre international libéral » fut alors largement ouverte : ceci a créé des précédents que les adversaires de l'Occident, comme le président russe Vladimir Poutine, utiliseront, à leur tour, à leur avantage (particulièrement en Géorgie en 2008, en Ukraine à partir de 2014 et en Syrie à partir de 2015). Par ailleurs, dispensant pratiquement Israël de respecter le droit international, l'Occident a toujours traité l'Etat hébreu comme une « exception » au « Rules-Based International Order » : l'occupation prolongée (depuis 1967) de la Cisjordanie et de Gaza, ainsi que du Golan syrien, en est un exemple parmi tant d'autres. L'actuelle guerre contre Gaza, d'une violence inouïe (violations massives du droit international humanitaire), a dévoilé davantage cette réalité aux yeux du monde, notamment à beaucoup de ceux qui étaient encore réticents à l'admettre en Occident.
Par suite, aujourd'hui, ce n'est pas le droit international qui est mort, mais ce serait plutôt la « supériorité morale » dont l'Occident s'est paré, surtout après la seconde guerre mondiale, par l'instrumentalisation du droit international (notamment en transformant ce dernier en simple élément de son discours politique par rapport au reste du monde).
En somme, en faisant tomber les masques discursifs et autres illusions autour du droit international, la guerre à Gaza pourrait ainsi constituer, contre toute attente, un « nouveau départ » pour ce droit : il serait dorénavant plus judicieux de voir le droit international dans sa réalité volontariste et de composer avec cette réalité pour essayer de le faire avancer, plutôt que de s'enfermer dans une bulle idéaliste puis de déplorer - non sans exagération – une prétendue « mort du droit international » à chaque fois que la bulle est percée.
Face à ceux qui s'empressent de l'enterrer et/ou ses négateurs de tous bords, il est nécessaire de souligner que le droit international doit rester la référence régissant les relations internationales : il est le phare qui permettra de sortir du chaos qui va crescendo sur la scène internationale. A condition également, du côté politique, que le système international actuel (d'après la deuxième guerre mondiale), dépassé dans plusieurs de ses aspects, soit réformé en profondeur, en commençant éventuellement par le Conseil de sécurité de l'ONU (représentativité et mode de votation), notamment dans le but de garantir une certaine constance de la part des Etats dans le respect du droit international, ainsi que pour maintenir plus efficacement la paix et la sécurité internationales.
Notes
[1] Qu'il s'agisse de volontarisme unilatéral : théorie de l'autolimitation de Georg Jellinek (1851- 1911) et de Rudolf von Jhering (1818-1892), de volontarisme plurilatéral : théorie de la « Vereinbarung » de l'Allemand Heinrich Triepel (1868-1946), ou surtout de positivisme volontariste de l'Italien Dionisio Anzilotti (1867-1950).
[2] Grotius considère que le droit naturel « consiste dans certains principes de la droite raison qui nous font connaître qu'une action est moralement honnête ou déshonnête selon la convenance ou la disconvenance nécessaire qu'elle a avec une nature raisonnable ou sociable » (De jure belli ac pacis- Du droit de la guerre et de la paix, 1625). La laïcisation de cette morale est un apport considérable de Grotius par rapport à ses prédécesseurs, comme les Espagnols Francisco de Vitoria (1480-1546) et Francisco Suarez (1548-1617). Plus tard, les néo- jusnaturalistes, comme le français Louis Le Fur (1870-1943) et l'autrichien Alfred Verdross (1890-1980), affineront la pensée de Grotius : pour eux, le droit naturel est l'application de la justice dans les relations internationales, non pas le sentiment subjectif de la justice, mais la justice comme valeur éthique objective que l'on constate par l'expérience et grâce à ses « sens spirituels ».
[3] Scelle, qui affine la pensée de Léon Duguit (1859-1928), considère que le respect de la solidarité sociale, comme fondement du droit, est une nécessité biologique : la compromettre nuit indéniablement à la vie de la société et de celui qui la compromet. « D'où viennent les règles de droit ? Du fait social lui- même et de la conjonction de l'éthique et du pouvoir, produits de la solidarité sociale » (Georges Scelle, Manuel de droit international public, Montchrestien, Domat, 1948, p.6).
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États-Unis : après la condamnation de Trump, quelles conséquences pour l’élection ?

Pour la première fois dans l'histoire des États-Unis, un ancien président a été déclaré coupable d'un délit criminel, mais il semble que cela n'aura que peu ou pas d'impact sur les prochaines élections. Les politiciens républicains et les partisans de Trump se sont ralliés à lui.
Hebdo L'Anticapitaliste - 711 (06/06/2024)
Par Dan La Botz
Trump affirme que dans les 48 heures qui ont suivi la décision du jury, il a recueilli la somme extraordinaire de 52,8 millions de dollars, surtout auprès de petits donateurs, dont 30 % de nouveaux, tous motivés par sa fausse affirmation selon laquelle l'ensemble du processus a été orchestré par le président Biden, que le juge était corrompu et le procès truqué.
Un procès modèle
En réalité, le procès a été un modèle de justice américaine. Les procureurs de l'État de New York ont porté les accusations après trois ans d'enquête, le juge Juan M. Merchan a mené un procès équitable, et Trump a été déclaré coupable par le vote unanime de 12 jurés, des citoyens ordinaires de la ville de New York, contrôlés et sélectionnés par les deux équipes d'avocats. On ne peut qu'admirer le courage remarquable des jurés qui ont rendu un verdict de culpabilité malgré les menaces violentes des partisans de Donald Trump. L'ancien président a été reconnu coupable des 34 charges retenues contre lui pour avoir falsifié des documents commerciaux afin de dissimuler des paiements occultes à l'actrice de films pornos Stormy Daniels, avec laquelle il a eu des relations sexuelles. Le jury a été autorisé à considérer que la suppression de ces informations a interféré avec l'élection fédérale et celle de l'État.
La sentence attendue
Le 11 juillet, le juge prononcera seul la sentence à l'encontre de Trump et il dispose d'une grande latitude. Il peut laisser l'ancien président en liberté, conditionner sa libération, l'assigner à résidence ou l'envoyer en prison pour une durée de quatre à vingt ans. Beaucoup pensent qu'il est peu probable que Trump aille en prison, mais ce n'est pas exclu.
Les juges tiennent généralement compte des antécédents d'une personne. Donald Trump n'a jamais été condamné au pénal, mais le juge tiendra compte d'autres affaires civiles. Trump a déjà été condamné à payer 35 millions de dollars pour avoir menti sur sa fortune, à payer 5 millions de dollars au civil pour avoir violé E. Jean Carroll, puis à 83,3 millions de dollars pour avoir diffamé cette dernière.
Au cours de cette affaire de fraude, le juge a émis un ordre de silence, interdisant à Trump de menacer les témoins, les jurés, le juge, les membres de la famille du juge et du jury, les procureurs et les fonctionnaires du tribunal. Trump a violé cette ordonnance à dix reprises, ce qui lui a valu une amende de 9 000 dollars. Le juge peut également considérer que Trump n'a montré aucun remords dans cette affaire.
Pas d'interdiction de se présenter
Une fois que la sentence sera prononcée, Trump aura le droit de faire appel, mais cela peut prendre plusieurs mois. Étant donné qu'il s'agit d'une condamnation pour un délit commis dans l'État de New York et non d'un délit fédéral, il peut faire appel devant les juridictions supérieures de l'État, mais la loi ne lui permet pas de faire appel devant la Cour suprême des États-Unis, dont certains membres ont été nommés par lui-même.
Mike Johnson, président républicain de droite de la Chambre des représentants, a demandé à la Cour suprême fédérale d'intervenir dans le recours de Trump, ce qui constituerait une violation de la Constitution.
La Constitution américaine n'interdit pas à un criminel ou même à un prisonnier d'être candidat ou d'être élu à la présidence. Le socialiste Eugene V. Debs, emprisonné pour ses activités antiguerre, s'est présenté à l'élection présidentielle de 1920. Ironiquement, Trump pourrait ne pas être en mesure de voter pour lui-même dans son État d'origine, la Floride, car dans cet État un criminel ne peut pas voter avant d'avoir purgé la totalité de sa peine.
Trump soutenu par les républicains
Malgré sa condamnation, Donald Trump conserve une très légère avance sur Biden dans les sondages. Plus de 80 % des républicains affirment qu'ils le soutiendront, tandis que 16 % disent qu'ils réfléchissent à leur vote, mais seulement 4 % l'ont abandonné. Les groupes clés de Trump, tels que les chrétiens évangéliques, le soutiennent toujours. Biden, quant à lui, perd le soutien des électeurs arabes et musulmans et de certainEs jeunes électeurs qui l'appellent « Genocide Joe ». Et si la plupart des électeurEs noirs et latinos le soutiennent encore, son soutien parmi ces groupes diminue quelque peu.
Le mardi 5 novembre, les AméricainEs pourraient se rendre aux urnes et élire un néofasciste qui est un criminel condamné — et peut-être un détenu.
Traduction Henri Wilno
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Des lois américaines contre la CPI et des États : L’arme des sanctions pour se prémunir des poursuites

Washington a par le passé promulgué des textes pour se prémunir des enquêtes visant ses dirigeants politiques et militaires et pour protéger ses alliés.
Tiré d'Algeria Watch.
Alors qu'une loi sanctionnant les « tribunaux illégitimes », dont la Cour pénale internationale (CPI), pour avoir demandé des mandats d'arrêt contre les dirigeants israéliens, a été votée mardi dernier par le Congrès et déposée jeudi au Sénat, les législateurs américains élaborent une législation visant les Maldives, pour avoir interdit aux détenteurs de passeports israéliens d'entrer dans le pays.
C'est ce qu'a appris le média électronique américain, Axios, citant des sources proches du dossier. Les Maldives avaient décidé de fermer leurs frontières aux ressortissants israéliens, en réaction à la guerre menée contre la population de Ghaza.
« Suite à une recommandation du cabinet, le président Dr Mohamed Muizzu a décidé d'imposer une interdiction d'entrée sur le territoire aux détenteurs de passeports israéliens », a indiqué le bureau de la Présidence dans un communiqué, diffusé le 2 juin. Washington se prépare donc à sanctionner l'archipel et, selon le site Axios, c'est le représentant démocrate Josh Gottheimer – fervent défenseur d'Israël – au Congrès, qui prépare, avec ses collègues des deux camps, un projet de loi, dénommé « Loi sur la protection des voyageurs alliés ».
Ce projet de loi conditionne l'aide américaine aux Maldives à l'autorisation des Israéliens à entrer dans le pays. Dans un communiqué, Gottheimer a expliqué que « l'argent du contribuable ne devrait pas être envoyé à un Etat étranger qui a interdit à tous les citoyens israéliens de voyager dans leur pays.
Non seulement Israël est l'un de nos plus grands alliés démocratiques, mais l'interdiction de voyager sans précédent imposée aux Maldives n'est rien d'autre qu'un acte flagrant de haine envers les Juifs. Ils ne devraient pas recevoir un centime de dollars américains tant qu'ils n'auront pas changé de cap ».
Cette même volonté de protéger Israël a été exprimée par l'adoption, mardi dernier, par 247 membres du Congrès, contre 155, d'une loi qui sanctionne les responsables de la CPI, qui avaient demandé des mandats d'arrêt internationaux contre le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu et son ministre de la Défense, Yohav Gallant, pour des crimes de guerre à Ghaza.
Malgré le fait que le président Biden ait exprimé son opposition officielle contre de telles mesures, 42 représentants du camp démocratique se sont joints aux républicains pour entériner ce texte, de 9 pages, qui énonce dans son premier paragraphe qu'il « peut être cité sous le nom de loi contre les tribunaux illégitimes » et précise qu'il s'agit d'« imposer des sanctions à la CPI, engagée dans tout effort visant à enquêter, arrêter, détenir ou poursuivre toute personne protégée par les Etats-Unis et leurs alliés », avant de rappeler que les Etats-Unis et Israël ne sont pas parties au Statut de Rome ni membres de la CPI et par conséquent, « la CPI n'a aucune légitimité ni juridiction sur les Etats-Unis ou Israël ».
Mieux encore, le texte rappelle la promulgation, en 2002, d'une loi américaine sur la protection du personnel militaire et des responsables américains ainsi que ceux de certains pays alliés, contre des poursuites pénales par un tribunal pénal international dont les USA ne font pas partie, en expliquant : « En plus d'exposer les membres des forces armées des USA au risque de poursuites pénales internationales, le Statut de Rome crée le risque que le Président et d'autres hauts responsables élus et nommés du gouvernement des Etats-Unis puissent être poursuivis par la CPI. »
Selon cette loi, « les actions de la CPI contre Israël sont illégitimes et sans fondement, y compris l'examen et l'enquête préliminaires sur Israël et les demandes de mandats d'arrêt contre des responsables israéliens et créent un précédent préjudiciable qui menace les États-Unis, Israël et tous les partenaires des Etats-Unis qui ne sont pas soumis à la compétence de la CPI. »
« Approche sélective des décisions judiciaires »
Il est souligné que dans le cas où la CPI « tente d'enquêter, d'arrêter, de détenir ou de poursuivre toute personne protégée, le Président (US) imposera des sanctions contre toute personne étrangère qui s'est directement engagée dans ou a autrement aidé tout effort de la CPI (…) ».
Ces sanctions s'appliquent aussi « aux membres de la famille immédiate de chaque personne étrangère soumise à des sanctions ». Elles se résument au « blocage des biens, à l'interdiction de toutes les transactions sur tous les biens et intérêts dans la propriété de toute personne étrangère si ces biens et intérêts dans des biens se trouvent aux USA, viennent aux Etats-Unis ou sont ou entrent en possession ou sous le contrôle d'une personne américaine ». Il s'agit aussi de « l'interdiction de visas d'entrée aux USA et de l'inéligibilité à l'admission, à la libération conditionnelle aux Etats-Unis, à recevoir tout autre avantage en vertu de la loi sur l'immigration et la nationalité (…) ».
Les sanctions économiques prévues concernent « toute personne qui enfreint, tente de violer, conspire pour enfreindre ou provoque une violation ». Le texte prévoit, toutefois, une disposition relative à la « renonciation » qui permet au « Président de renoncer à l'application des sanctions imposées contre une personne étrangère » s'il y a une nécessité « vitale pour les intérêts de sécurité nationale des êtats-Unis ».
Le Président américain peut, aussi « mettre fin aux sanctions » à l'égard des personnes étrangères « s'il certifie par écrit aux commissions compétentes du Congrès que la CPI a cessé de s'engager dans tout effort visant à enquêter, arrêter, détenir ou poursuivre toutes les personnes protégées, a définitivement clôturé, retiré, mis fin ou autrement mis fin à tout examen préliminaire, enquête ou tout autre effort de la CPI visant à enquêter, arrêter, détenir ou poursuivre toutes les personnes protégées ».
Le texte a par ailleurs décrété l'annulation des fonds destinés à la CPI, précisé que le terme « alliés » des USA, concerne « un gouvernement d'un pays membre de l'Otan ou le gouvernement d'un allié majeur » non membre de cette organisation, et expliqué que la désignation d'un membre de la famille immédiate de la personne étrangère sanctionnée concerne « le conjoint, le parent, le frère ou la sœur ou l'enfant adulte de la personne ».
La même loi a souligné en outre que le terme « personne protégée » signifie « toute personne américaine (…) y compris les membres actuels ou anciens des forces armées des USA, des fonctionnaires élus ou nommés, actuels ou anciens, du gouvernement des USA, toute autre personne actuellement ou anciennement employée par ou travaillant pour le compte du gouvernement des Etats-Unis, toute personne étrangère qui est citoyen ou résident légal d'un allié des Etats-Unis qui n'a pas consenti à la CPI ou n'est pas un Etat partie de la juridiction, y compris les membres actuels ou anciens des forces armées de cet allié des Etats-Unis (…) ».
Le vote de cette loi très controversée a été précédée par une lettre d'une centaine d'ONG des droits de l'homme de l'Amérique latine, de l'Europe, de l'Asie et d'Afrique, adressée au président Biden, dans laquelle elles se sont déclarées « alarmées par les menaces brandies par des législateurs américains contre la CPI », à travers une déclaration de plusieurs sénateurs, le 24 avril dernier, appelant à des sanctions contre « les fonctionnaires et associés » du Procureur de la CPI. Pour les sénateurs signataires de la déclaration, « la capacité de la CPI à rendre justice aux victimes exige le plein respect de son indépendance ».
Fatou Bensouda sanctionnée
Une approche sélective des décisions judiciaires mine la crédibilité et, en fin de compte, « la force de la loi en tant que bouclier contre les violations et abus des droits humains… ». Une lettre restée sans suite. Il faut dire que les menaces américaines contre la CPI ne constituent pas des cas isolés.
La Cour internationale de justice (CIJ), la plus haute juridiction de l'ONU, a été elle aussi, la cible de tirs croisés des membres du Congrès pro-israéliens démocrates et républicains, après les injonctions qu'elle a imposées à Israël, pour mettre fin à ses opérations à Rafah.
Pour le président du Congrès, Mike Johnson, « les décisions de la CIJ et de la CPI semblent coordonnées » et « ne devraient pas être tolérées », et estimé que son pays « devrait s'opposer fermement à ce pari dangereux ». Au mois de mars dernier, deux membres du camp républicains de cette chambre avaient présenté un projet de résolution condamnant l'ordonnance de la CIJ, qui a fait obligation à Israël, de prendre des mesures urgentes afin d'empêcher le génocide à Ghaza. La CIJ a été violemment prise à parti, une seconde fois.
Cette fois-ci, c'est à travers son président, Nawaf Salam, qui a été menacé de sanctions par des membres du Congrès, après la décision d'ordonner à Israël l'accès de l'aide humanitaire à Ghaza. Si aucun projet de loi sanctionnant la CIJ ne fait pas encore consensus, il n'en demeure pas moins que l'administration US, fortement noyautée par le puissant lobby pro-israélien (Aipac), ne recule pas devant ce qu'elle considère comme étant une menace de ses intérêts et de ceux de l'Etat hébreu.
La CPI en a déjà fait les frais, en 2020, lorsque son ex-procureur en chef, Fatou Bensouda, et un autre magistrat, ont fait l'objet de sanctions économiques, pour avoir ouvert l'enquête sur les crimes de guerre commis par les troupes américaines en Afghanistan.
Washington leur a appliqué la loi ASPA (Americain Service-Members Porotection Act), (votée par la majorité des membres de la Chambre, à 397 voix contre 32 et par le Sénat, par 92 voix contre 7), promulguée par le président Georges W. Bush, en début du mois d'août 2002, qui protège les membres du gouvernement américain, de l'armée et d'autres officiels et responsables de toute poursuite par la CPI. Mieux encore.
Elle assure non seulement l'immunité contre toute extradition d'Américains, mais habilite aussi le président américain à « utiliser tous les moyens nécessaires, y compris les invasions militaires, pour libérer un citoyen américain inculpé par la CPI ».
De même qu'elle conditionne la participation aux opérations onusiennes de maintien de la paix à « des garanties de non-poursuite » contre les américains et interdit toute aide militaire US aux pays qui reconnaissent la CPI. Une mesure qui ne s'applique pas, cependant, aux pays membres de l'Otan ni à ses principaux alliés, à Taïwan, ni aux Etats qui se sont engagés auprès des Etats-Unis à ne pas transférer à la CPI des citoyens américains.
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New York : une conférence de gauche qui intériorise le déclin de l’empire

Pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis font face, avec la Chine entourée des pays des BRICS+, à une solide concurrence de leur position hégémonique. Dans la période d'après 1945, pour Richard D. Wolff, la domination des États-Unis sur la planète était telle que la classe politique de la plus grande puissance mondiale s'était habituée à décider de ce qu'elle ferait avec la Russie.
3 juin 2024 | tiré du journal Alter Québec
https://alter.quebec/new-york-une-conference-de-gauche-qui-interiorise-le-declin-de-lempire/
Or cette période est terminée pour Monsieur Wolff, qui affirme que le soutien des États-Unis à l'Ukraine est vain puisque la guerre est déjà perdue. La puissance de la Russie est dix fois celle de l'Ukraine. Aussi, comme le soutient M. Wolff, ni les sanctions économiques ni l'annonce de Biden de permettre de manière irresponsable d'utiliser l'armement américain pour bombarder la Russie ne fonctionnent.
Richard D. Wolff est un économiste marxiste américain « le plus en vue d'Amérique » selon le New York Times ! Il a poursuivi une carrière académique, et depuis quelques années, il a mis sur pied un mouvement d'éducation Democrcy at Work, en vue de démocratiser les entreprises. Plusieurs des sessions de formation sont disponibles sur Democracy Now.
Il était un des invité.es les plus en vue à la conférence No War, but Class War, qui a eu lieu à l'Université Long Island de Brooklyn. Nous étions une quinzaine du Québec à participer à cette conférence organisée par l'Institut pour l'imagination radicale (IRI), appuyé par le réseau Historical Materialism (HM) et rejoint par le Left Forum.
La relance des rendez-vous du printemps en personne de la gauche américaine s'est amorcée avec cette conférence qui a réuni quelques centaines de personnes des milieux surtout académiques. Une présence étudiante active dans les campements universitaires contre Israël fut remarquée, mais constituait l'essentiel des mouvements militants au-delà du monde académique. Le comité organisateur annonce un retour l'an prochain, dans l'espoir de réunir plus largement le monde académique et les mouvements sociaux, alors que par le passé, le Left Forum réunissait 2000 personnes dans une activité semblable.
Nous étions une quinzaine de personnes associées avec le Journal des Alternatives qui a bénéficié d'in soutien de Lojiq pour cinq citoyen.nes canadien.nes du Québec. Les quatre Québécois additionnels et la mobilisation de la demi-douzaine de jeunes français.es étudiant au Québec ont été rendus possibles par des appuis additionnels de l'ONG Alternatives, du Carrefour d'éducation à la solidarité internationale de Québec — CÉSIQ et du Réseau international pour l'innovation sociale et écologique, ainsi que de la Fédération nationale des enseignantes et enseignants du Québec (FNEEQ-CSN).
Nous amorçons avec le présent article la couverture de quelques ateliers sur la centaine qui se sont tenus au cours des trois jours d'activités.
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Biden limite l’asile et ferme la frontière aux migrant.es avant le débat avec Trump

Quelques semaines avant son premier débat avec son rival républicain Donald Trump, le président Biden a publié ses politiques d'immigration les plus restrictives à ce jour. Mardi, Biden a signé un décret qui est entré en vigueur à minuit et continuera à codifier le programme anti-immigration de l'extrême droite en fermant temporairement la frontière entre les États-Unis et le Mexique et en restreignant sévèrement les protections des migrant.es demandeurs d'asile. Le décret refusera l'asile à la plupart des migrant.es qui traversent en dehors des points d'entrée américains. Les nouvelles mesures limitent les demandes d'asile à la frontière sud à 2 500 par jour. La frontière serait fermée si la moyenne des demandes d'asile quotidiennes sur sept jours dépassait ce chiffre, et ne rouvrirait qu'après que le nombre soit tombé à 1 500 pendant sept jours consécutifs et qu'il le reste pendant au moins deux semaines.
5 juin 2024 | tiré de democracy now !
https://www.democracynow.org/2024/6/5/biden_closes_border
Le président Biden s'est exprimé depuis la Maison Blanche mardi, rejoint par les maires des villes frontalières.
PRÉSIDENT JOE BIDEN : Cette interdiction restera en vigueur jusqu'à ce que le nombre de personnes tentant d'entrer illégalement soit réduit à un niveau que notre système peut gérer efficacement.
AMY GOODMAN : L'American Civil Liberties Union a menacé de poursuivre Biden pour le décret. L'avocat de l'ACLU, Lee Gelernt, a déclaré, je cite : « C'était illégal quand Trump l'a fait, et ce n'est pas moins illégal maintenant.
Plusieurs législateurs démocrates ont également critiqué les nouvelles politiques. C'est le cas pour un membre du Congrès Pramila Jayapal, présidente du Congressional Progressive Caucus.
REPRÉSENTANT. PRAMILA JAYAPAL : Nous refaisons la même erreur que les démocrates commettent continuellement lorsque nous essayons de surpasser les républicains. Cela ne fonctionne pas. Cela ne fonctionne pas. Cela ne résout pas la situation à la frontière. Cela réduit considérablement la capacité des gens à demander l'asile à la frontière, ce que nos lois nationales et nos obligations en vertu des traités internationaux exigent.
AMY GOODMAN : Elle parlait sur un podium qui disait « #AsylumIsARight ». Les membres du Congrès ont été rejoints par des défenseurs des droits de l'immigration lors d'une conférence de presse à Washington mardi. Je suis Guerline Jozef, directrice exécutive de Haitian Bridge Alliance.
GUERLINE JOZEF : Cela causera la mort de gens chaque jour. Nous disons : « Pas en notre nom. » Et nous continuons à défendre les familles de ces enfants, petits garçons et petites filles, nous les voyons mendier, pleurer, demander, plaider pour la sécurité et la protection.
AMY GOODMAN : Pendant ce temps, les demandeurs d'asile forcés d'attendre à Ciudad Juárez, au Mexique, de l'autre côté de la frontière d'El Paso, au Texas, ont critiqué le décret. C'est un migrant vénézuélien.
RAMON EDUARDO : C'est injuste. C'est injuste, car comment allons-nous savoir s'ils dépassent la limite ? Ils peuvent toujours dire qu'ils ont déjà dépassé 2 500, puis tout le monde revient. C'est comme un piège.
AMY GOODMAN : Le président Biden aurait également réduit le temps dont disposent les demandeurs d'asile pour obtenir une assistance juridique avant leur « entretien sur la crainte crédible », de 24 heures à seulement quatre heures.
Pour en savoir plus, nous allons à la frontière. Nous nous rendons à Tucson, en Arizona, où nous sommes rejoints par John Washington, journaliste pour le média indépendant Arizona Luminaria et auteur du nouveau livre The Case for Open Borders, ainsi que de The Dispossessed : A Story of Asylum at the U.S.-Mexican Border and Beyond.
Nous vous souhaitons la bienvenue à Democracy Now !, John. Si vous pouvez commencer par expliquer exactement ce que dit ce décret, qui est entré en vigueur à minuit, et l'importance de cela juste avant que le président Biden n'ait son premier débat avec Donald Trump ?
JOHN WASHINGTON : Oui. Merci beaucoup de m'avoir invité, Amy.
Eh bien, il y reste beaucoup à voir pour comprendre comment ce projet de loi – ou plutôt comment cette règle – sera mis en œuvre exactement. Nous savons que cela dépendra en grande partie du Mexique. Nous avons vu hier, après que le président du Mexique ait rencontré le président Biden, les premiers signes qu'il semble prêt à coopérer. Mais la façon dont cela affectera réellement les gens reste encore à voir.
Mais ce que nous savons, c'est que nous voyons à nouveau que le président Biden a été prêt à tourner le dos à de nombreuses promesses de campagne, à beaucoup de politiques initiales qu'il a essayé de mettre en avant, et qu'il ne respecte pas le droit d'asile ou ne s'engage pas dans l'effort de son rétablissement comme il l'a promis. Et nous savons que les effets vont être atroces et probablement mortels sur les personnes qui tentent de demander l'asile et qui sont parmi les personnes les plus vulnérables au monde en ce moment.
Il y a donc un certain nombre de dispositions dans cet ordre. Vous en avez déjà mentionné quelques-unes. Cela inclut la limitation du nombre d'heures pendant lesquelles les gens ont accès à des avocats. Il augmente également considérablement le seuil d'obtention de l'asile. Donc, à l'heure actuelle, c'est déjà hors de portée pour la plupart des gens en raison d'un ordre qui a été mis en place, il y a environ un an aujourd'hui, pour remplacer le titre 42. Et cela place encore la barre plus haute pour les gens. Cela va faire en sorte que les gens seront renvoyés dans leur pays d'origine.
Cela va violer le droit international et national, comme le clip précédent l'a mentionné. Il est vraiment important de souligner qu'un « demandeur d'asile illégal » est une contradiction dans les termes. Les gens ont le droit, selon la loi américaine, de demander l'asile, indépendamment de la façon dont ils traversent la frontière, de l'endroit où ils se trouvent ou de leur statut. Et cette règle va vraiment à l'encontre de cela.
Concrètement, ce que nous voyons aussi dans ce projet c'est qu'au lieu d'obliger la patrouille frontalière à demander de manière proactive à toutes les personnes avec lesquelles elle entre en contact si elles craignent de retourner dans leur pays d'origine – il y a une série de questions qu'elles sont obligées de poser – ce sera maintenant à la personne elle-même de manifester cette crainte. C'est ce qu'on appelle le « test du cri », où ils doivent eux-mêmes indiquer clairement qu'ils ont peur de retourner dans leur pays d'origine ou d'être potentiellement expulsés vers le Mexique. C'est un problème pour un certain nombre de raisons. Les conditions dans lesquelles ces personnes sont tenues de faire cette demande sont très difficiles. Elles viennent d'être arrêtées. Elles viennent probablement de traverser des semaines, voire des mois, d'un voyage très ardu pour en arriver là. Et elles ont affaire à des gens que nous connaissons – j'ai déjà fait des reportages sur le filtrage de la patrouille frontalière, dont nous savons qu'il y a beaucoup de rapports qui disent qu'ils ne les écoutent tout simplement pas. Cela rend les choses un peu plus faciles, élimine certaines formalités administratives pour la patrouille frontalière, et les gens vont maintenant être obligés de faire ces demandes eux-mêmes.
En outre, les exemptions et exceptions sont restreintes pour les personnes qui peuvent accéder à l'asile. À l'heure actuelle, la façon dont le gouvernement essaie de pousser les gens à le faire est d'accéder à un rendez-vous via une application en ligne ou par téléphone. Cette option est limitée à seulement 1 450 personnes par jour. Et il y a quelques exceptions à cela, mais cette nouvelle règle tire en fait des leçons de ces exceptions, de sorte que moins de gens pourront y accéder. Et ce que cela va faire, c'est contraindre les gens à faire des voyages plus meurtriers dans le désert pour essayer d'éviter d'être détectés, plutôt que de se rendre, comme c'est le cas la plupart du temps maintenant.
Et aussi, cette règle ne s'applique pas aux mineurs non accompagnés, ce qui pourrait conduire à quelque chose comme des séparations familiales forcées, où les parents – et je l'ai vu de mes propres yeux – qui sont embouteillés dans le nord du Mexique et en attendant d'essayer d'entrer, entre guillemets, « de la bonne façon », se rendent compte qu'il n'y a en fait pas d'option ou qu'ils devront attendre des mois ou plus. Ils enverront donc leurs enfants seuls, puis ils essaieront eux-mêmes de faire une réclamation plus tard.
JUAN GONZÁLEZ : John, je voulais vous poser une question spécifique sur le nombre limite que le président Biden a fixé dans ce décret. Lorsque le président soutenait un projet de loi au Congrès, le nombre qu'il utilisait pour déclencher une fermeture de la frontière était de 5 000 passages par jour, et il l'a abaissé à 2 500, même si le nombre de personnes traversant a chuté de façon spectaculaire ces derniers mois. Il a essentiellement garanti que le premier jour, il fermerait la frontière, quelques semaines seulement avant son débat avec le président Trump. Je me demande ce que vous pensez de l'utilisation des chiffres ici pour déterminer une politique.
JOHN WASHINGTON : Oui, c'est vrai. Ainsi, la moyenne actuelle des rencontres de la patrouille frontalière est d'environ 4 000. Donc, oui, vous avez raison de dire que ce projet de loi – ou, pardon, cet ordre a été déclenché immédiatement. Et vous soulignez également que c'est en quelque sorte tiré d'un projet de loi bipartite du Sénat qui a été présenté à la fin de l'année dernière, puis à nouveau au début de cette année, et ce nombre était de 5 000. Ainsi, Biden a montré qu'il était prêt à être encore plus dur avec les demandeurs d'asile et plus dur à la frontière que ce projet de loi bipartisan, qui a reçu le soutien, pendant une courte période, des républicains.
Et nous n'avons pas vu les chiffres descendre en dessous de 1 500 depuis environ quatre ans. Ainsi, bien que ce projet de loi soit déclenché automatiquement il y a environ six heures, nous ne savons pas quand il sera éventuellement suspendu, lorsque ces chiffres tomberont en dessous de 1 500. Et l'une des raisons pour lesquelles nous ne le savons pas – ou nous savons que cela va prendre un certain temps avant que cela ne se produise, c'est parce que ce genre de mesures ne fonctionne pas vraiment. J'ai déjà mentionné qu'une règle avait été mise en place pour remplacer le titre 42. Et ce que nous avons vu avec ce qui était à ce moment-là, il y a un an, la politique d'asile la plus restrictive mise en place depuis un certain temps, c'est que les chiffres ont augmenté de façon spectaculaire. Il en va de même pour le titre 42, qui était en place depuis trois ans avant cela. Dès qu'il a été mis en œuvre – ou plutôt peu de temps après, nous avons vu les chiffres commencer à augmenter. Donc, je ne sais pas quand l'asile sera éventuellement rétabli à notre frontière, mais cela ne semble pas bon.
JUAN GONZÁLEZ : Et en même temps que le décret du président entre en vigueur, les reportages en provenance de l'Arizona montrent que la législature de l'Arizona adopte maintenant une nouvelle résolution appelant à un référendum sur une loi sur la sécurité des frontières. Je me demande si vous pouvez parler de ce qui se passe en Arizona et de la façon dont, en substance, l'immigration devient peut-être le problème le plus important et le plus volatil du pays en ce moment à l'approche de l'élection présidentielle.
JOHN WASHINGTON : Droite. Pas plus tard qu'hier, il y a eu une rafale de nouvelles sur l'immigration et la frontière, mais pas plus tard qu'hier, la législature de l'État de l'Arizona a décidé d'envoyer aux urnes en novembre un référendum qui ferait de la traversée de la frontière sans autorisation un crime d'État. Il permettrait également aux juges locaux d'expulser potentiellement des personnes.
Nous avons déjà essayé cela. La célèbre loi de l'Arizona S.B. 1070 a été adoptée il y a 14 ans et a été rejetée par les tribunaux. Et l'une des dispositions qui ont été rejetées, en fait, était exactement celle qui sera à nouveau sur le bulletin de vote, ce qui en fait un crime d'État, permettant aux forces de l'ordre locales de procéder à des arrestations pour violation de l'immigration. C'est, historiquement et actuellement, l'obligation du gouvernement fédéral. Ce ne sont pas des crimes d'État. Et nous voyons cela se produire au Texas également. Le Texas a essayé d'adopter cette disposition, une disposition très, très similaire.
Je pense que cela fait ressortir un élément clé ici, c'est qu'il semble que le gouvernement fédéral, dans certains de ces cas, joue en quelque sorte l'opposition et est, vous savez, contre le Texas ou potentiellement ce nouveau projet de loi de l'Arizona, mais en fait, ils se disputent l'autorité d'appliquer eux-mêmes l'immigration. Ils ne sont pas opposés sur cette question, comme nous l'avons vu hier avec ce nouveau décret, qui est la répression la plus sévère du droit d'asile que nous ayons vue depuis des années.
AMY GOODMAN : Et dans les dernières secondes que nous avons, John, qu'est-ce que cela signifiera en ce qui concerne les morts à la frontière ?
JOHN WASHINGTON : Eh bien, comme je l'ai dit, vous savez, limiter les voies légales, sûres et quelque peu ordonnées pour que les gens puissent présenter des demandes d'asile les pousse immédiatement plus profondément dans le désert. Cela les oblige à traverser la rivière à gué ou à essayer de traverser la rivière au Texas. Et nous savons ce qui se passe là-bas. Nous avons une tendance, qui remonte à des décennies maintenant, où les gens sont poussés par ces mesures draconiennes à se rendre dans les déserts et la nature sauvage, et ils y meurent. Oui.
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